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LES NOUVELLES TENDANCES DU

DÉVELOPPEMENT
DU TOURISME AU MAROC
Conférence donnée dans le cadre du 13ème Festival International du Géographie de St Dié par

Mohamed BERRIANE
Professeur de l'Enseignement Supérieur
Directeur de l'UFR « Développement et Aménagement Régional au Maroc »
Université Mohamed V – Agdal, Rabat
berriane@fusion.ma

Résumé
Adoptant le tourisme comme un secteur prioritaire de ses choix économiques dès la fin des
années soixante, le Maroc était considéré à l'époque comme une destination méditerranéenne
pionnière, devançant tous les autres pays de la rive sud de la Méditerranée y compris la
Tunisie.

Il a cependant peu bénéficié de ce placement précoce sur le marché touristique mondial


puisque aujourd'hui (2001) avec 2,6 millions d'arrivées de touristes internationaux et 13,5
millions de nuitées hôtelières (dont un peu plus de 2 millions pour les nationaux), il se situe en
troisième position après la Tunisie (4,8 millions) et l'Egypte (4,5 millions).

La situation change cependant sensiblement au cours des dernières années. La courbe


des arrivées s'est redressée depuis 1997 et une politique volontariste de relance du
secteur a été inaugurée par les autorités de tutelle et le secteur privé.

Aujourd'hui et malgré quelques difficultés dues aux effets des évènements du 11 septembre
2002, la place du secteur touristique dans l'économie du pays est primordiale.. En effet,
bien que la part revenant au Maroc au sein des destinations (concurrentes) de la Méditerranée
soit encore très faible, le tourisme n'en constitue pas moins un important élément de
l'économie nationale. Avec une recette de 21,6 Milliards de Dh en 2000, il serre de près les
transferts des émigrés à l'étranger (22,4 Milliards) et contribue ainsi largement à l'équilibre de
la balance des paiements. Il représente 7 % du PIB, génère 608 000 emplois directs et
indirects, soit 5,8 % de la population active occupée et fournit 16,5 milliards de recettes en
devises. Il est surtout doté d'une forte capacité à façonner l'espace et la société. En effet, les
flux croissants qui se diffusent inégalement dans le pays, la mobilisation de crédits énormes
qui vont s'investir au niveau local et régional et l'intervention — autrefois directe et de plus en
plus indirecte — de l'Etat pour impulser des aménagements régionaux marquent le pays et les
hommes de manière variable selon les régions. Le tourisme est devenu l'un des éléments
principaux de l'organisation de l'espace et un facteur déterminant de modification des
équilibres et des économies locales.

L'intérêt de traiter des nouvelles tendances du tourisme au Maroc dans le cadre de ce festival
est triple. De façon général, et quelle que soit la destination, le tourisme est un phénomène qui
frappe par son évolution rapide et continue et il est primordial de suivre ses évolutions ; Au
Maroc ce tourisme est entrain de vivre de sérieuses mutations, suite à la reprise qui a été
enregistrée depuis 1997 (après une stagnation plus qu'inquiétante depuis le début des années
90) et avec l'apparition de nouvelles formes et de nouveaux acteurs ; ce qui ne manque pas de
se répercuter sur l'espace et la société ; Enfin, le Maroc étant le pays invité au festival, il nous
paraît judicieux d'utiliser l'entrée touristique pour faire connaître ce pays à un large public.

Mais les nouvelles tendances du tourisme marocain ne peuvent être analysées si elles ne sont
pas resituées dans l'évolution globale de ce tourisme. Il est donc nécessaire que l'exposé parte
d'une présentation du modèle touristique marocain dans son ensemble pour mieux souligner
dans un deuxième temps ce qui fait l'originalité de ces nouvelles formes.

Une première partie de la conférence présentera donc le modèle touristique marocain qui a
toujours été marqué par un balancement entre deux produits. Il s'agit de la concurrence que se
livrent d'un côté le tourisme à motivation culturelle et de l'autre le tourisme à motivation
balnéaire. Depuis l'apparition du tourisme le balancement entre les deux produits fait que
tantôt c'est l'un qui prédomine, tantôt c'est l'autre, tantôt ils sont presque à égalité. Or, ces deux
produits correspondent à deux types de motivations des touristes à deux types de clientèles et
à deux types de styles et débouchent sur des conséquences spatiales différentes, voire même
opposées.
Dans les deuxième et troisième parties, seront analysées les nouvelles tendances. Mutations de
la demande à travers l'entrée en scène de nouvelles nationalités, vieillissement du produits
balnéaire dans un premier temps et recherche du produit culturel, étalement de la saison,
montée de la demande interne, développement de nouvelles formes en zones périphériques
(montagne et désert) et apparition de nouveaux acteurs notamment aux niveaux local et
régional. En conclusion, seront soulignés les enjeux des prochaines années, notamment à
travers l'ambitieux programme de relance du tourisme qui vise l'édification de 6 nouvelles
stations balnéaires.

C'est là bien sûr un schématisme qui simplifie un peu la réalité car celle-ci est beaucoup plus
complexe ; mais il est nécessaire pour les besoins de l'analyse.

I. Le modèle touristique marocain : une concurrence serrée et continue entre le tourisme


culturel et le tourisme balnéaire et entre le tourisme itinérant et le tourisme de séjour.

1.1. L'héritage de la période coloniale : Un produit culturel surtout

L'entrée officielle du Maroc sur le marché touristique mondial est habituellement fixée à la
deuxième moitié de la décennie 60, lorsque le Maroc à travers le Plan de développement a
inscrit le tourisme parmi les priorités. Mais l'apparition d'une demande touristique au Maroc
remonte bien avant.

Déjà sous la colonisation française, cette demande existait. Le tourisme était alors pour
l'essentiel un tourisme itinérant et basé sur des circuits privés qui étaient soit préparés par des
agences de voyages locales, soit le fait des agences de la métropole, soit le plus souvent
réalisés individuellement par des voyageurs. Les voyages pénétraient loin dans le Sud vers le
Tafilalet, le long des oasis du Dra avec en plus visites aux anciennes capitales Fès, Méknès et
Marrakech et la montagne n'était pas absente dans les affiches publicitaires. A cela il faut
ajouter les croisières qui, à partir des villes côtières, effectuaient parfois des incursions dans
l'intérieur. Le tourisme de séjour se limitait à une clientèle aisée et peu nombreuse, constituée
par des hommes d'affaires et des croisiéristes aux séjours très courts à Casablanca,
Mohammedia, Marrakech et Tanger.
Introduit à la même époque, le tourisme balnéaire était très limité dans l'espace et concernait
quelques petites stations limitrophes des plaines occupées par les colons (Moulay Bouselham
et Oualidia) ou à proximité des grandes capitales (les plages au sud de Rabat ou au Nord de
Mohammedia et qui gardent encore des noms héritées de l'époque : sable d'or, val d'or,
Manesmann etc). Ces stations très simples dans leurs aménagements (cabanons en bois)
répondaient à un besoin interne et non à celui du tourisme international.

Cette situation va durer jusqu'à la fin des années 60 et pour cause : Malgré la disponibilité des
littoraux, le Maroc avait un potentiel touristique diversifié et avait à vendre surtout du culturel.

1.2. Un potentiel touristique diversifié

Cette diversité du produit est elle même facilitée par une diversité du potentiel. Le Maroc en
tant que pays touristique devait sa renommée à l'époque tout d'abord à ses centres historiques
et culturels dispersés aux quatre coins du pays et à la variété et à la beauté de ses paysages et
sites.

Encore aujourd'hui, l'intérieur du pays offre d'importantes potentialités naturelles et humaines.


La nature en elle-même -en particulier les montagnes et le grand Sud- est un potentiel varié
pouvant faire l'objet d'une exploration touristique. Le plus souvent, cette nature se combine à
des aménagements humains pour créer des types de paysages. C'est le cas des paysages
typiques des collines préri-faines et des piémonts montagneux. La ville marocaine offre aussi,
en plus d'une ambiance dépaysante, une richesse incontestable quant aux monuments
historiques.

Ainsi lorsqu'il est arrivé sur le marché touristique international, le Maroc bénéficiait d'une
diversité des richesses touristique telle qu'on pouvait supposer que le produit touristique
marocain allait être diversifié dans ses formes et diffus dans ses implantations.

1.3. L'arrivée en force du tourisme balnéaire organisé et contrôlé


Mais la destination touristique Maroc allait faire face à la vague du tourisme de masse
d'origine européenne, qui déferlant sur le bassin méditerranéen, venait lécher sa rive sud. Cette
nouvelle vague va amener avec elle une demande spécifique qui a tendance à préférer un
produit plus ou moins stéréotypé: le séjour balnéaire en groupes organisés et contrôlés par de
puissants Tours Opérateurs. Très vite le tourisme marocain, malgré ses potentialités riches et
variées, va basculer vers le littoral. On peut distinguer deux phases :

- La première phase :

Au cours des années 1970, les retombées de la politique touristique inaugurée à partir de
1965-67 se font sentir et les premières vagues du tourisme de masse touchent le Maroc. Ces
nouveaux vacanciers viennent avant tout à la recherche du soleil et de la mer. La côte nord a
été aménagée et Tanger est relancée. En même temps, le tourisme itinérant est organisé par les
agences de voyages à côté d'un tourisme individuel et motorisé. Au total le tourisme mobile
aussi bien individuel qu'en groupe occupe encore une place prédominante face à un tourisme
de séjour qui se développe à grande vitesse sur le bord de la méditerranée, dans la jeune
station d'Agadir et dans quelques destinations de l'intérieur comme Marrakech.

- Une deuxième phase

commence avec la fin des années 1970 et se continue durant toute la décennie suivante. Au
cours de cette période la tendance à la concentration et au tourisme sédentaire s'accentue. Plus
que la volonté des pouvoirs publics qui ont soutenu le lancement de la station d'Agadir, c'est la
modification des comportements touristiques de la clientèle française ainsi que l'apparition de
nouvelles nationalités qui sont décisives :

- Une bonne partie des vacanciers français est désormais contrôlée par le Club Méditerranée et
les autres Tours opérateurs. Une autre partie préfère l'avion à la voiture pour diverses raisons
et se trouve obligée de réduire ses déplacements.

- Quant aux nouvelles nationalités comme les Allemands ou les Scandinaves, elles se
caractérisent par un style de tourisme particulier basé sur les séjours au bord de la mer.
- Enfin, les Tours Opérateurs s'intéressent de plus en plus au Maroc comme nouvelle
destination. Bien que le circuit soit présent dans leurs programmes, il est toujours combiné au
séjour qui tend à prédominer.

- Ces puissantes agences dont le produit offert est uniforme et basé sur la mer, le soleil
envoient une clientèle qui, acheminée en grand nombre par des vols charters et se trouvant
immobilisée dans les stations balnéaires, pratique un style de tourisme basé sur le séjour
balnéaire ;

- Ce séjour se passe essentiellement dans le village-club ou l'hôtel classique qui s'improvise


village-club. Il est d'une durée moyenne d'une semaine et son prix forfaitaire a été payé en
Europe.

- Le séjour se passant essentiellement au sein de l'établissement, celui-ci doit regrouper


plusieurs activités et par conséquent avoir de grandes dimensions. D'où un impact de plus en
plus grand sur l'espace.

Il est bien évident que comparé à d'autres pays méditerranéens, comme la Tunisie par
exemple, le produit "Maroc" offre encore une certaine diversité qui est mise à profit par les
Tours Opérateurs. Mais dans l'ensemble la tendance est à l'alignement sur le modèle tunisien.

1.4. Une carte touristiques originale : des espaces parcourus et des espaces touristiques
occupés

Le résultat de cette évolution est un espace touristique original à la fois occupé et parcouru.
Pour mettre en évidence cette spécificité il faut penser à la Tunisie, par exemple, où l'espace
touristique est avant tout occupé par un tourisme de séjour balnéaire concentré pour 90% sur
les côtes et à la Syrie ou la Jordanie où l'espace touristique est d'abord et avant tout parcouru
par un tourisme itinérant.

Au Maroc on relève à la fois des régions de séjour qui n'ont rien à envier aux concentrations
des régions littorales tunisiennes. Mais on y relève également des régions parcourues par le
tourisme itinérant.

Ceci débouche sur une carte faite de pôles et d'itinéraires. Les pôles peuvent être à la fois des
lieux de séjours ou des nœuds des circuits ou les deux à la fois. Quant aux itinéraires ils relient
les villes-étapes principales.

Selon les périodes, la répartition de la capacité d'accueil et de la fréquentation entre le littoral


et l'intérieur change, mais dans l'ensemble la tendance est un rééquilibrage constant.

Ces espaces différents vont se différencier aussi bien au niveau de la fréquentation et des
implantations touristiques qu'au niveau des incidences socio-économiques de l'activité
touristique.

Il reste que la tendance du tourisme marocain à s'aligner sur le modèle tunisien, rend ce
tourisme plus vulnérable et dès le milieu des années 80, les responsables ont commencé à
réfléchir à une diversification éventuelle de ce produit. Diversification qui est aujourd'hui
réellement engagée. Mais ce qu'il faut noter c'est que seules les tentatives qui ont été appuyées
par la demande internationale ou ont été relayées par les acteurs locaux ont connu une
certaine réussite. Notons enfin que ces tendances annoncent également des conséquences
assez visibles.

Pour ces raisons nous proposons de traiter ces tendances nouvelles selon les points suivants :
II. Les mutations de la demande

2.1. La clientèle classique du Maroc était une clientèle mobile et qui recherchait avant
tout un produit culturel.

Lorsqu'on examine les statistiques touristiques officielles on est frappé par la croissance
relativement rapide de la fin des années soixante et du début des années soixante dix et on a
pu parler pour des pays comme le Maroc de boom touristique. De 150 000 entrées en 1961, le
pays est passé à 1 226 000 entrées en 1973. Cette même année 1973. les seuls mois de juillet,
août et septembre enregistrent l'arrivée de 500 000 touristes, soit plus que toutes les entrées
des deux années 1962-1963.

Mais lorsque l'on prolonge la courbe des entrées sur une trentaine d'années l'irrégularité de ce
flux ressort plus que sa croissance fulgurante. Aujourd'hui, avec 2.400.000 touristes étrangers
et plus de 10 millions de nuitées, le Maroc a repris son rythme de croissance d'autrefois.

Le monopole de l'Europe

Dans cette ascension, les vacanciers européens ont toujours constitué plus de 50 % des
touristes se rendant au Maroc. Six pays (France, Espagne, Angleterre, R.F.A, Scandinavie,
Benelux) fournissent l'essentiel des arrivées. Tournant autour de 60 % durant les années
soixante, la part de la clientèle européenne a grimpé à 70% à la fin des années soixante dix
pour atteindre 80% depuis 1979.
Tableau 1 Origine des touristes visitant le Maroc (%) - 2001

Arrivées Arrivées Nuitées dans


aux dans les les hôtels
Origine
frontières hôtels classés
classés

Europe 82,5 62,7 71,9

dont

France 34,9 32,5 34,7

Espagne 9,9 6,2 4,3

Allemagne 9,1 9,1 13,5

Amérique 7,6 3,9 2,9

Maghreb 2,8 0,7 0,7

Moyen Orient 2,9 1,8 2,1

Reste du monde 4,2 6,7 5,5

Marocains ----- 24,2 16,9

Total 100 100

Source : Ministère du Tourisme

Le monopole d'une seule zone d'émission est encore plus net quand on considère les
nationalités à part.

Les touristes français représentent plus du quart de la clientèle, en dépassant même 30% à
deux reprises. Leur part dans le total des nuitées atteint 40%. Cette nationalité a toujours été la
principale cliente du Maroc et ce, pour des raisons bien connues (liens historiques et
traditionnels, facilités de communication, proximité) auxquels il faudrait ajouter le poids du
Club Méditerranée qui est présent avec 7 Villages de Vacances.

Le comportement touristique de la clientèle française pendant les années 70 était assez


spécifique quand on le compare au style touristique qui domine chez la clientèle allemande ou
scandinave, par exemple :

C'était surtout un tourisme itinérant et individuel. La proximité du Maroc et la possibilité


d'utiliser la voiture pour effectuer le voyage via-l'Espagne a joué un rôle primordial dans ce
sens. De ce fait, la clientèle française, va marquer le tourisme marocain jusqu'à la fin des
années 1970 par son style itinérant et individuel. Ceci se traduit par la prédominance du
tourisme mobile et à composante culturelle. Les zones qui attirent le plus les touristes français
sont par ordre décroissant: Marrakech Errachidia-Ouarzazate et Fès-Méknès à côté d'Agadir,
attirent le plus les touristes français. C'est dire que le client français est partagé entre le
tourisme itinérant dans l'intérieur et les séjours balnéaires avec une préférence au premier. La
situation va changer lorsque la clientèle française comme les autres nationalités qui
commencent à fréquenter le Maroc change ses comportements touristiques.

2.2. Le tournant de la fin des années 70 : L'arrivée des nationalités


nordiques (Allemands, Suisses et Autrichiens) :

Les Allemands constituent un exemple de la nouvelle clientèle. La part de cette clientèle a


augmenté rapidement (9% en 1969, 13,5% en 1985 et 10% en 1999). Le tracé de la courbe
d'accroissement montre une augmentation lente mais sûr.

Les agences allemandes, fortes d'une puissance organisationnelle sont de plus en plus actives
au Maroc et réclament essentiellement un produit balnéaire, accompagné si possible d'une
note désertique. En effet, lorsqu'on examine la répartition régionale des nuitées allemandes, on
est frappé par leur concentration à Agadir: plus de 50% de ces nuitées.
La fréquentation saisonnière est également différente de celles des nationalités précédentes.
Les Allemands, Suisses et Autrichiens -ayant à peu près le même comportement touristique-
répartissent leurs nuitées de façon assez régulière au cours de l'année.

La clientèle allemande se distingue également par son style touristique. Arrivant surtout par
avions-charters, elle pratique un tourisme de groupe avec des séjours balnéaires. Le fort
pourcentage attiré par Agadir est, à cet égard, assez révélateur.

Ces caractéristiques les Allemands les partagent avec les Scandinaves, les Suisses et les
Autrichiens.

Parallèlement à l'arrivée de ces nationalités ayant un style touristique particulier, les Français,
contrôlés de plus en plus par les Tours Opérateurs (FRAM) et le Club Med, tendent à
rejoindre dans leurs comportements le style germanique et scandinave : ils ont tendance à
pratiquer de plus en plus un tourisme de groupe organisé avec une très forte composante
balnéaire.

Cette tendance forte vers le tourisme balnéaire de séjour va être tempérée par l'arrivée de
nouvelles nationalités au cours des dernières années et confirme ce balancement du tourisme
marocain entre les deux produits.

2.3. Les nouvelles tendances

- L'arrivée en force de nouvelles nationalités qui renforcent la demande du produit


culturel : les Espagnols et Italiens

Ce qui semble marquer la dernière décennie et les années à venir c'est l'augmentation rapide
des effectifs de touristes espagnols. Si les Portugais arrivent encore en petits nombres et si les
effectifs des Italiens augmentent timidement, les Espagnols semblent découvrire la destination
marocaine. Ne dépassant pas 50 000 entrées à la fin des années soixante et au début des
années soixante dix, les Espagnols fournissent entre 200 000 et 300 000 touristes chaque
années depuis 1986, arrivant ainsi au deuxième rang après les Français et avant les Allemands.
L'essentiel de leur fréquentation, est réservé aux villes impériales et aux circuits du Sud. Ils
s'inscrivent donc dans une nouvelle vague de demande du culturel.

Parmi les autres nationalités qui commencent à fréquenter le Maroc, il faut signaler les
Italiens. Représentant plus de 6% des arrivées, ils consomment 5,3% des nuitées
internationales des hôtels classés. Ce sont là des chiffres encore faibles mais qui augmentent
sensiblement au fil des années.

- La tendance à la recherche du produit culturel et le vieillissement du produit balnéaire

Parallèlement à cette arrivée de nouvelles nationalités, on assiste en Europe au développement


d´un nouveau marché touristique en liaison avec l´évolution des sociétés industrialisées, et qui
se traduit par la montée de l´individualisme, du culte de la liberté d´usage de son corps et de la
valorisation de la réussite individuelle. La société de consommation devenue trop confortable
et n´offrant plus suffisamment de sensation, suscite un besoin d´évasion et découvre le goût
pour les pratiques à risque. Avec la montée de la conscience écologique les agences de
voyages s´orientent vers des produits plus "doux" dans lesquels la découverte - notamment la
découverte de l´autre - est mise en valeur. A partir de ce moment là, le produit culturel se
trouve valorisé et les voyages de découverte attirent de plus en plus de clients. Nous assistons
de ce fait à un vrai tournant dans l'évolution du tourisme marocain : face au produit balnéaire
c'est la montée du tourisme de montagne et du désert.

- Parmi ces nouvelles tendances de la demande on relève l'étalement de la saison


touristique.

Le Maroc a été longtemps un lieu de fréquentation touristique estivale. Les deux mois de
juillet et d'août correspondaient à une pointe très nette, puisqu'ils recevaient 30% des arrivées
annuelles. C'était là une marque du poids de la clientèle française, puisque ces touristes
arrivaient surtout en été. Ceci s'expliquait essentiellement par le calendrier des grandes
vacances scolaires en France.
Les courbes des variations saisonnières des décennies suivantes montrent une intéressante
évolution de cette saisonnalité. On voit, en effet, l'atténuation progressive de la pointe estivale,
au profit de l'apparition puis la confirmation d'une deuxième pointe, correspondant aux mois
du printemps, qui de secondaire devient principale. Le poids des deux mois d'été a donc
relativement baissé au profit de mars et d'avril. Cette tendance est valable pour la plupart des
nationalités et devient même très accusée pour les nationalités nordiques (Allemands et
Scandinaves).

L'étalement des arrivées de touristes traduit à la fois des modifications dans les
comportements touristiques, l'apparition de nationalités qui arrivent surtout le printemps
(Allemands) et parfois même l'hiver (Scandinaves) et le renforcement de pôles touristiques
méridionaux (Agadir ou Ouarzazate) qui peuvent fonctionner en dehors de l'été.

- Un autre aspect nouveau de cette demande est la montée du tourisme interne

Les déplacements plus ou moins liés aux loisirs ont existé de tous temps dans la société
marocaine. La fréquentation des lieux de pèlerinage avait un caractère religieux mais
recherchait aussi les distractions pour occuper un temps libre dégagé juste après les moissons.
Mais depuis le milieu de la décennie 80 les périodes estivales sont marquées par un afflux
croissant de vacanciers nationaux avec deux types de flux :

- Un flux qui s'apparente à ceux du tourisme international et que l'on peut identifier dans les
établissements hôteliers classés (hôtels classés, résidences touristiques, et villages de
vacances), où les nationaux consomment selon les années jusqu'à 20 % du total des nuitées. Si
on ajoute les nuitées nationales passées dans les hôtels non homologués et les campings la part
du tourisme intérieur passerait à 40 % du total des nuitées passées au Maroc par l'ensemble
des touristes (nationaux et internationaux).

- Un flux touristique interne qui s'éloigne dans ses comportements et ses caractéristiques du
tourisme international et s'adresse pour son hébergement à la location chez l'habitant ou au
logement chez les parents et amis. Il est de ce fait assez difficile à quantifier.
L'ampleur des déplacements a été bien mise en évidence puisqu'un Marocain citadin sur trois
part chaque été en vacances, que le trafic-voyageur supplémentaire d'été enregistre des écarts
par rapport à la moyenne compris entre 27 et 42% et que certaines petites villes et villes
moyennes d'accueil voient leurs populations doubler ou tripler au cours des mois d'été.
L'analyse a démontré également la grande diversité sociale des flux touristiques nationaux et
le rôle d'entraînement que jouent les émigrés marocains à l'étranger lors de leurs retours
annuels au pays.

Ce qui avait été étudié par nous même comme un phénomène en gestation au cours des années
80 est devenu un phénomène généralisé au cours des années 90 et constitue l'une des
tendances les plus lourdes du tourisme marocain pour les années à venir

Ces mutations survenues dans la demande traduisent et débouchent sur une diversification du
produit.

III. La diversification du produit

Il est connu que le produit touristique, comme tout autre produit de consommation, est
constamment menacé par le vieillissement et la saturation. Le Maroc a été longtemps vendu
sous le label d'Agadir, la route des Kasba et les villes impériales. dans un effort de
diversification et pour répondre aux mutations de la demande que nous avons déjà souligné, la
destination Maroc offre désormais de nouveaux produits : les uns n'ont pas réussi et les autres
se développent de façon satisfaisante. C'est surtout le produit culturel qui se trouve valorisé, et
on assiste à un vrai tournant dans l'évolution du tourisme marocain : face au produit balnéaire
c'est la montée du tourisme de montagne et du désert.

3.1. De nouveaux produits initiés par l'Etat mais qui ne prennent pas :

- La tentative de lancement d'un thermalisme international:

Des tentatives ont été menées par les responsables du tourisme pour initier certains produits
mais qui n'ont malheureusement pas réussi. Il s'agit du thermalisme, des ports de plaisance et
du golf.
Le Maroc dispose d'un fort potentiel en matière de thermalisme. L'abondance des sources
thermales ou thermo-minérales est remarquable. Les tentatives de lancement d'un produit
thermale de classe internationale ont été concrétisées par les opérations de grande envergure
qu'a connu la station de Moulay Yacoub. Ce projet a mobilisé de grands moyens financiers
(un investissement initial de 6 Milliards de centimes révisé depuis à la hausse) pour la création
d'un établissement médical de niveau international et selon des normes modernes.
L'établissement thermal offre une capacité de 15 000 curistes par an (cure de trois semaines),
soit l'équivalent de 800 000 soins. Mais cette tentative ne dépasse pas la satisfaction de la
demande interne.

La navigation de plaisance est un nouveau produit touristique de plus en plus recherché par la
clientèle européenne. Ceci suppose donc une augmentation substantielle de la demande en
ports de plaisance dans un espace maritime proche des ports d'attaches européens. Or, de part
sa position géographique le Maroc pouvait bénéficier de ce marché potentiel s'il développe un
réseau de ports de plaisances, judicieusement répartis. Un Plan Directeur des Ports de
Plaisance a été établi et cinq ports sur 8 sont déjà achevés. Mais, outre les difficultés à
naviguer dans l'océan atlantique, la concurrence des ports espagnols est très forte en
méditerranée.

Dans le même esprit une politique de multiplication des terrains de golfe est entreprise. Elle
est le fait aussi bien de l'Etat que du privé et s'appuie sur une longue tradition qui existait déjà
comme à Mohammedia. La plupart des stations récemment aménagées comporte désormais un
green (Capo Negro dans le Nord, Bouznika au sud de Rabat, Agadir etc)

Mais outre le fait que les pays concurrents sont plus performants dans ce domaine, un sérieux
problème écologique fait que le golfe n'est pas toujours bien vu par l'opinion publique.

3.2. Des produits basés sur le culturel et qui marchent bien : le tourisme des espaces
périphériques

Cherchant à la fois à diversifier son offre touristique et à impulser un développement local


dans les zones marginales soit celles des montagnes de l'Atlas (notamment le Haut Atlas) soit
celles situées au sud de ce même Atlas, l'Etat marocain a lancé dès la fin des années 70 des
opérations d'aménagement touristique dans la ville de Ouarzazate et un plus tard des initiatives
pour développer le tourisme de montagne. L'intérêt de ces opérations c'est qu'elles ont été
relayées par des initiatives locales qui se sont organisées pour répondre à une demande
nouvelles. celle-ci est parfois organisée comme dans le cas de la montagne et parfois plus ou
moins spontanée comme dans le cas du désert. Aujourd'hui, demandes et offres sont entrain de
diffuser les effets du tourisme dans le Maroc montagnard et pré-saharien.

Or, ce nouveau produit est essentiellement basé sur la dimension culturelle puisque pour le
touriste étranger la visite des contrées situées au pieds du versant sud de la montagne atlasique
s'est déclinée dès le départ sous le signe de la culture dans son sens le plus large : sites
historiques, éléments naturels, vie quotidienne des oasiens et des montagnards dans leurs
efforts d'adaptation à des conditions climatiques extrêmes et patrimoine architectural unique.
C'est donc en fait la découverte de l'autre, à travers lequel on peut se redécouvrir soi-même par
un jeu de miroir déjà analysé par ailleurs.

- Le tourisme de randonnée en montagne:

Malgré le basculement du tourisme vers le littoral, la montagne marocaine n'a jamais été
absente du système touristique marocain. Elle offre un cadre attrayant et des centres d'intérêt
diversifiés. Elle est de ce fait approchée -bien que timidement- par le tourisme international et
fait l'objet d'une fréquentation assez sensible de la part des nationaux. On relève une
fréquentation marocaine de caractère plutôt populaire et qui tire son origine de pratiques
religieuses et récréatives traditionnelles héritées du passé (Moulay Brahim). Dans d'autres cas
la fréquentation de la montagne par ces nationaux va s'appuyer sur un héritage plus récent
datant de la période coloniale (Ifrane et le Moyen Atlas en général, tourisme d'hiver dans
l'Oukaïmedene, développement de la résidence secondaire dans la vallée de l'Ourika).

Mais c'est le tourisme de randonnée qui attire le plus les visiteurs étrangers. Une demande
internationale plus ou moins spontanée s'est organisé dans le massif du Haut Atlas de
Marrakech et parcourt surtout les versants et vallées de ce massif. La prospection des
itinéraires date de la période du Protectorat et s'est continué depuis et on estime aujourd'hui
que la plupart des itinéraires de Grande Randonnée du Moyen Atlas et des massifs dominant
Marrakech et Béni Mellal sont reconnus et décrits. La fréquentation la plus dense reste,
cependant, limitée au massif du Toubkal où la section marocaine du Club Alpin Français tient
un certain nombre de refuges et les Tours Opérateurs et autres agences de voyages y
organisent à partir de Marrakech ou d'Imlil (principal centre d'activité alpine) des randonnées,
du trekking et autres formes d'escapades exotico-sportives de type commercial.

C'est dans ce cadre que se situe l'intervention volontariste de l'Etat visant à développer un
tourisme de randonnée avec logement chez l'habitant dans le Haut Atlas Central. Cette
initiative étatique se situe dans le cadre d'une action de coopération Maroco-Française.
Intitulée "expérience pilote intersectorielle d'économie rurale de haute montagne", cette action
a choisi volontairement le tourisme, pour aider au développement des hautes vallées atlasique
et arrêter l'émigration qui les vide et qui touche essentiellement les jeunes. L'expérience se
limite, dans un premier temps, à quatre communes (Abachkou, Tabant, Zaouyat Ahansal et
Qualaat Mgouna) choisies en fonction de la "la Grande Traversée du Haut Atlas" et couvrant
les deux versants Nord et Sud de la chaîne de part et d'autre de la ligne de faîte. Ouvert depuis
1985, le Centre de Formation aux Métiers de Montagne" a déjà formé sur place et à Briançon
plusieurs aides-accompagnateurs de moyenne montagne, des alpinistes et des responsables de
gîtes ruraux ou gardiens de refuges, et des d'artisans. Expérience a ses début, elle fait déjà
l'objet d'évaluations

- Le tourisme du désert

A côté de la montagne il convient de situer l'émergence du produit Grand Sud ou Sud


intérieur. Partie de presque rien, Ouarzazate, petite ville du Sud saharien, qui n'offrait que
quelques lits non classés, concentre aujourd'hui (avec son antenne Zagora) 5.502 lits en hôtels
classés et réalise avec Errachidia plus d'un demi-million de nuitées par an (750.362 en 1999).
Ce sont là certes des chiffres encore faibles par rapport aux grandes destinations touristiques
marocaines comme Agadir (plus de 21.524 lits et 3,5 millions de nuitées hôtelières) ou
Marrakech (18.000 lits et 4,3 millions de nuitées), mais pour une nouvelle destination, encore
inconnue au milieu des années 80, ou fréquentée comme simple étape des tours du Sud et
dotée aujourd'hui d'un aéroport international et de lignes aériennes qui la relient directement
aux capitales internationales, ces performances sont non négligeables.

Parmi ces centres d'intérêt, l'habitat dit en terre constitue l'une des principales attraction. Là
aussi visiter le désert ce n'est pas seulement s'imprégner de son immensité; mais c'est
également voir des maisons fortifiées construites en pisé, parfois majestueusement perchées
sur des pitons rocheux et richement décorées; c'est aussi visiter quelques-unes de ces maisons,
pour y découvrir la vie de leurs habitants, et goûter le mystère que cachent leurs murs épais et
leurs impasses sombres. Or, cet habitat attire aussi par sa fragilité. Son intégration dans le
produit touristique pourrait déboucher sur sa réhabilitation et sa sauvegarde.

Nous avons donc là une relation assez intéressante puisque basée sur un besoin mutuel entre
d'une part un tourisme constamment à la recherche de nouveaux produits et un patrimoine qui
pourrait enrichir ce produit et bénéficier d'actions en sa faveur. Mais cette relation est aussi
complexe et l'analyse du cas des Ksour du sud marocain renseigne sur cette complexité.

- Le tourisme rural

Le développement de cette nouvelle forme de tourisme est le résultat de la conjonction de


diverses initiatives. A la base l'explosion des associations de développement local qui voit
dans le tourisme un secteur pouvant générer des revenus supplémentaires sans grands frais ;
viennent ensuite les initiatives des agences de développement, des ONG internationales, des
bailleurs de fonds qui cherchant des niches pour financer des actions de développement local
optent pour le tourisme rural ; ceci est concrétisé par des initiatives locales comme celle que je
vais vous présenter à Zagora, par exemple, qui saisissent l'arrivée spontanée d'une demande
pour y répondre ; enfin au niveau du ministère du tourisme une stratégie est entrain d'être mise
en place et a pour objectif de valoriser le produit balnéaire marocain et le rendre plus
compétitif par rapport à ses concurrents méditerranéens, en le complétant par d'autres
attractions fortes, et contribuer ainsi de façon déterminante à sa relance et à la réussite des
objectifs de l'accord cadre en matière de tourisme balnéaire (65.000 chambres additionnelles),
en particulier dans les Préfectures et Provinces du Nord où le tourisme balnéaire est soit
stagnant soit en déclin et participer au rééquilibrage régional du développement touristique
aujourd'hui centré sur le littoral (tourisme balnéaire) et quelques grandes villes (tourisme
d'affaires et tourisme culturel), et contribuer efficacement à une plus large diffusion des
retombées économiques et sociales du tourisme balnéaire et culturel qui sont très fortement
dominants, notamment dans les zones restées relativement à l'écart (Rif).

Résultat la définition d'une stratégie et une série de coups partis qui annonce un
développement continu dans ce sens.

3.4. De nouveaux acteurs

- Autrefois, l'acteur principal et unique pour le développement du tourisme au Maroc


était l'Etat.

Il a dans un premier temps anticiper la demande prévisible de la clientèle en inaugurant une


politique volontariste pour développer un produit balnéaire

La politique touristique officielle du Maroc va être lancée en 1965-67. Je ne peux pas


m'arrêter longtemps sur cette politique et je dirais seulement que :

- L'Etat avait pris en main ce secteur et assumé l'essentiel des charges (viabilisation,
investissements directs, encouragements fiscaux de l'investissement privé) avec l'espoir que le
secteur privé va suivre. La puissance publique s'était doté également d'outils d'aménagement
pour contrôler (Commission interministérielle), orienter (Etudes Régionales d'Aménagement
Touristique) et intervenir (Société Nationales) dans l'aménagement touristique et partant
contribuer indirectement à l'aménagement du territoire.

- L'accent avait été mis sur les localisations balnéaires qui sont les plus encouragées : Les
Zones à Aménagement Touristique Prioritaire (ZAP) sont à majorités littorales : Grand Sud,
Tanger, Smir, Al Hoceima, et Agadir. et 75% des investissements étatiques sont localisées sur
le littoral ; enfin les Grandes Sociétés Nationales d'Aménagements sont aussi littorales :
SNABT à Tanger et SONABA à Agadir.
Mais dès 1978, l'Etat en tant qu'investisseur avait commencé son retrait, retrait devenu réel
aujourd'hui puisque la plupart des hôtels étatiques sont devenus privés et que les
encouragements et aides consenties aux investisseurs ont été limités. Il est même question de
privatiser l'Office Marocain du Tourisme dont la mission est la promotion du Maroc à
l'étranger. Finalement l'Etat n'est présent dans le domaine du tourisme qu'à travers le Ministère
qui oriente et planifie.

- L'apparition de nouveaux acteurs locaux

Il a été de ce fait relayé par d'autres intervenants que l'on peut regrouper sous le terme
d'acteurs locaux. Il ne s'agit pas ici des organisations professionnelles comme les hôteliers ou
les agences de voyages ou de la promotion comme les syndicat d'initiative et de tourisme,
mais bel et bien d'agent locaux qui prennent des initiatives pour promouvoir le tourisme.

L'Etat a initié quelques unes de ces organisation comme par exemple les GRIT (Groupement
Régional d'Intérêt Touristiques) qui sont des associations regroupant tous ceux qui au niveau
régional sont impliqués de près ou de loin dans le développement touristique local et régional.
Certains de ces GRIT sont très actifs comme celui d'Agadir ou de Marrakech.

Mais les initiatives les plus intéressantes semblent être celles qui n'ont pas été initiées d'en
haut. Prenons ici l'exemple du développement du tourisme dit caravanier dans la région de
Zagora.

La région a fait l'objet d'une demande presque spontanée de la part du tourisme international
avide de nouveaux espaces et de nouvelles rencontres. En réponse à cette demande et en
l'absence de l'Etat, de jeunes, souvent diplômés chômeurs de l'université au ancien guide
clandestins ou les deux à la fois, se sont convertis en promoteurs du tourisme au niveau local.

Achetant, louant ou utilisant une parcelle héritée dans la palmeraie, ils aménagent des
bivouacs en installant des tentes de nomades. L'invasion de la palmeraie par le sable est
valorisée dans le mesure où ce bivouac tout en étant installé dans la palmeraie l'est aussi au
pied d'une dune. L'investissement fait appel à différentes sources de financement (économie,
solidarité familiale, émigration internationale, appui d'amis notamment étranger, crédit auprès
d'une banque). Cet investissement est destiné à l'achat des tentes et à leur ameublement, l'achat
ou la location d'un troupeau de chameaux, l'achat ou la location de véhicules tout terrain et le
paiement du personnel. Ce dernier est composé d'un cuisinier, de chameliers et de différents
aides. Des randonnées à dos de chameaux, à pied ou en véhicules tout terrain ou combinant
ces différents moyens de déplacement sont organisés dans toute la région et dure entre une
journée et une semaine. La promotion de cette activité s'appuie sur différents canaux : agence
de voyages domiciliées à Ouarzazate ou à Marrakech, bouche à oreille, internet. Les relations
avec l'étranger sont très étroites (amis et anciens faisant la publicité et cherchant des
financements, sites web particuliers sur internet). Nous avons là une connexion directe de
zones périphériques avec le système monde sans passage par la capitale régionale ou nationale
ce qui donne une forme originale des effets de la globalisation.

A Zagora même plus de 50 promoteurs de ce type de service ont été recensés et un travail
détallé d'enquête et de relevé est en cours pour évaluer les retombées de ce type de tourisme.
Les initiatives menées par ces acteurs locaux renvoient au réveil de la société civile au Maroc :
les jeunes promoteurs du tourisme caravanier se sont organisés en une association qui porte un
nom significatif ACTECOD. Présenter aux autorités locales et aux ONG un seul interlocuteur
et défendre les intérêts des organisateurs de tourisme caravanier sont les principaux objectifs
de l'association. Créée en 1999, l'association a déjà à son actif plusieurs actions : collecte des
ordures laissées à côtés des bivouacs, sensibilisation à la proprété, confection et installation de
panneaux, formation des guides et des chameliers, obtention de fonds auprès d'ONG et de
projets de développement local.

A côté de cette association existe à Zagora d'autres associations comme l'ADEDRA et


l'Association des guides touristiques de Zagora. Ailleurs nous avons relevé d'autres initiatives
qui rappellent celles de Zagora.
IV. Conclusion : Les grands enjeux du futur

Nous formulerons ces enjeux sous forme de questions, les réponses étant prématurées
aujourd'hui car tout dépendra de l'évolution des choses.

4.1. La concurrence balnéaire/culturel continuera-t-elle ?

Apparemment la compétition entre tourisme culturel – tourisme balnéaire est entrain d'évoluer
en faveur du tourisme culturel (tableau 2). A partir de 1998 et pour la première fois dans le
tourisme marocain, la fréquentation de Marrakech par le tourisme international dépasse celle
d'Agadir. Si on y ajoute la fréquentation d'Ouarzazate et d'Errachidia les deux destinations
dépassent désormais 40% des arrivées et 32% des nuitées. Avec les autres destinations de
l'intérieur qui attirent surtout par leurs attraits culturels le Maroc reçoit désormais plus de 54%
de ces touristes pour le produit culturel et plus de 44% des nuitées.
Tableau 2. Arrivées et nuitées dans la sud intérieur

Arrivées en Arrivées en Nuitées en Nuitées en


1998 1999 1998 1999

Marrakech 957.612 –24,8 1.119.453 – 3.011.584 – 3.537.909 -


% 26,3 % 25,1 % 27,1 %

Agadir 593.677 - 15,4 620.871 - 14,6 4.157.811- 4.304.370 -


% % 34,7 % 32,9

Total intérieur 2.023.778 - 2.320.649 - 4.940.594 - 5.750123 -


52,3 % 54,4 % 41,2 % 44,1 %

Sud intérieur : 388.847 – 648.986 – 648.986 – 5,4 750.362 –


Ouarzazate - 10,1% 15,2% % 5,7%
Errachidia

Sud au sens large 1.940.136 – 7.818.381 – 2.197.348 – 8.592.641 –


50,2% 65,3% 51,6% 65,8%

Total Maroc 3.862.904 - 4.259.314 11.981.473 13.063.821

Est-ce que cela signifie que désormais la composante culturelle dans le produit touristique
est devenue la plus importante ?

Il est difficile de répondre à cette question dans la mesure ou nous relevons deux tendances
opposées. D'un côté il y a l'augmentation de flux de touristes qui arrivent à la recherche du
culturel. En plus des Espagnols et des Italiens, notons ici l'arrivée récente des Portugais. Ces
derniers viennent de plus en plus au Maroc à la recherche de leur passé ! ils visitent les
anciennes possessions portugaises où cette ancienne puissance avait laissé d'importants
vestiges.

Le phénomène Marrakech qui annonce une pénétration des centre anciens des villes
marocaines par les résidents européens. La renommée internationale de la médina de
Marrakech a entraîné une forte demande sur les vielles demeures ou riyad que les résidents
étrangers de différentes nationalités récupèrent au prix fort pour les rénover et les transformer
en riches résidences ou en maisons d'hôtes. Plus de 500 opérations ont été recensées à la fin
2000. Même tendance à Fès, Chefchaouen, Asilah, Essaouira.

Cependant les choses sont en train de changer et à grande vitesse comme le montrent les
ambitieux projets de stations côtières inscrits dans le contrat programme. Ces projets
constituent le point fort de la nouvelle stratégie déjà mise en application et basée sur un
positionnement offensif sur le balnéaire. A terme, les 130 000 lits des 6 nouvelles stations
programmées (Plage Blanche, Taghazout, El Haouzia, Essaouira, Khmiss Sahel et Saïdia) en
s'ajoutant aux 90 000 lits existants porteront la part du littoral dans le total de la capacité
d'hébergement à 68 % accusant davantage la littoralisation de l'économie et de l'espace tant
décriée (tableau 3). En attendant, la répartition de la capacité hôtelière actuelle accorde un peu
plus de la moitié au littoral (55,5 %) avec une destinations emblématique du tourisme
balnéaire marocain, Agadir, qui concentre à elle seule 24 % de cette capacité, suivie de loin
par le Nord (13 %). Le tourisme culturel localisé surtout à l'intérieur du pays est symbolisé par
Marrakech qui avec 19 % de la capacité serre de près Agadir et par le Sud (Ouarzazate-
Errachidia-Erfoud), nouvelles destinations qui s'affirment progressivement (près de 8 % de la
capacité). Enfin la zone côtière Casablanca – Rabat combine les deux produits et s'adresse
surtout au tourisme des nationaux et aux voyages d'affaires ; elle a dépassé depuis déjà
longtemps le Nord en perte de vitesse et représente 14 % du potentiel.
Tableau 3 : Capacité actuelle, capacité additionnelle en cours

et programmée dans le cadre du contrat programme 2000-2010

Capacité en l'an Projets en cours Capacité


2000 additionnelle 2010

nb % nb % nb %

Littoral 56.140 59,0 13.772 77,6 101.300 84,4

dont :

Tanger 7.535 7,9 232 1,3 -

Méditerranée 6.758 7,1 96 0,5 19.800 16,5

Atlantique jusqu'à - 16.876 17,7 9.446 53,2 41.500 34,6


Essaouira
23.562 24,8 3.646 20,5 20.000 16,7
Agadir et sa région
1.409 1,5 352 2,0 20.000 16,6
Reste côte

Intérieur 39.040 41,0 3.979 22,4 18.700 15,6

dont :

Marrakech et sa région 18.804 19,8 607 3,4 14.400 12,0

Fès-Méknès 6.422 6,7 1.682 9,5 3.800 3,2


Sud Intérieur 7.556 7,9 734 4,1 500 0,4

Moyen Atlas et ses 2.778 2,9 480 2,7 - -


bordures
357 0,4 186 1,0 - -
Rif
2.046 2,2 116 0,7 - -
Oriental
1.077 1,1 174 1,0 - -
Reste intérieur

Total 95.180 100,0 17.751 100,0 120.000 100,0

Accompagnant la forte demande sur le culturel, le tourisme international a tendance à se


concentrer dans les destinations méridionales qui concentrent désormais plus de 65% des
nuitées.

Est-ce à dire que le Maroc touristique glisse vers le Sud et les régions marginales ?

En fait nous relevons une répartition originale des nuitées : alors que les étrangers ont
tendance à se diriger vers le Sud, les Marocains eux s'orientent vers les destinations
méridionales.

Assiste-t-on ici à un partage de l'espace touristique entre les Marocains et les étrangers ?

4.2. Les enjeux de l'environnement

Bien sûr les importantes implantations balnéaires posent le problème de l'enjeu


environnemental. L'un des aspects les plus préoccupants dans l'évolution du tourisme au
Maroc reste la question de l'environnement et de sa dégradation. Durcification et dégradation
des plages, pollution des côtes, absence d'assainissement, dégradation des ressources en eaux
sont les problèmes les plus préoccupants.

Le développement du tourisme de randonnée et du tourisme caravanier s'accompagne de la


diffusion des déchets au fin fond des montagne et jusqu'aux dunes les plus reculées.

Mais les problèmes socio-culturels qui découlent du choc entre les cultures ne sont pas moins
sérieux.

Dans quelle mesure ces problèmes d'environnement seront – il maîtrisés ? Seul l'avenir le
dira

Bibliographie

M. Berriane (1992) - Tourisme national et migrations de loisirs au Maroc, étude


géographique, 500 pages (21x27), 85 tableaux, 145 figures, 11 cartes hors-textes dont 10 en
couleurs, 25 planches photo. Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines,
Rabat, Série Thèse et Mémoires, nº 16.

M. Berriane (1993) - Le tourisme des nationaux au Maroc (une nouvelle approche du tourisme
dans les pays en développement), Annales de Géographie, nº 570 (mars-avril 1993), pp. 131-
161, Paris.

M. Berriane (1993) - Le moussem au Maroc: tradition et changements, Revue Géographie et


Cultures, Laboratoire Espace et Culture, n 7, pp. 27-51, Paris

M. Berriane (1999) Le tourisme dans les pays du Maghreb : diversification et effets sur le
développement local (édit. Par M. Berriane et H. Popp), Publications de la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines de Rabat, Série colloques et séminaires, Vol. 77

M. Berriane (1999), La géographie du tourisme au Maroc : essai de synthèse sur l'état de la


recherche, in Le tourisme dans les pays du Maghreb : diversification et effets sur le
développement local (édit. Par M. Berriane et H. Popp), Publications de la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines de Rabat, Série colloques et séminaires, Vol. 77, pp. 15-28

M. Berriane (1999), De la nécessité d'articuler tourisme intérieur et tourisme international au


Maroc, in Le tourisme dans les pays du Maghreb : diversification et effets sur le
développement local (édit. Par M. Berriane et H. Popp), Publications de la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines de Rabat, Série colloques et séminaires, Vol. 77, pp. 51-65

M. Berriane (2001) Le Maroc à la veille du troisième millénaire : Défis, chances et risques


d'un développement durable (Edit. par Mohamed Berriane et Andreas Kagermeier),
Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, Série Colloques et
Séminaires, vol. 88, 300 pages

En fait nous relevons une répartition originale des nuitées : alors que les étrangers ont
tendance à se diriger vers le Sud, les Marocains eux s'orientent vers les destinations
méridionales.

Assiste-t-on ici à un partage de l'espace touristique entre les Marocains et les étrangers ?

4.2. Les enjeux de l'environnement

Bien sûr les importantes implantations balnéaires posent le problème de l'enjeu


environnemental. L'un des aspects les plus préoccupants dans l'évolution du tourisme au
Maroc reste la question de l'environnement et de sa dégradation. Durcification et dégradation
des plages, pollution des côtes, absence d'assainissement, dégradation des ressources en eaux
sont les problèmes les plus préoccupants.

Le développement du tourisme de randonnée et du tourisme caravanier s'accompagne de la


diffusion des déchets au fin fond des montagne et jusqu'aux dunes les plus reculées.

Mais les problèmes socio-culturels qui découlent du choc entre les cultures ne sont pas moins
sérieux.

Dans quelle mesure ces problèmes d'environnement seront – il maîtrisés ? Seul l'avenir le
dira

Bibliographie

M. Berriane (1992) - Tourisme national et migrations de loisirs au Maroc, étude


géographique, 500 pages (21x27), 85 tableaux, 145 figures, 11 cartes hors-textes dont 10 en
couleurs, 25 planches photo. Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines,
Rabat, Série Thèse et Mémoires, nº 16.

M. Berriane (1993) - Le tourisme des nationaux au Maroc (une nouvelle approche du tourisme
dans les pays en développement), Annales de Géographie, nº 570 (mars-avril 1993), pp. 131-
161, Paris.

M. Berriane (1993) - Le moussem au Maroc: tradition et changements, Revue Géographie et


Cultures, Laboratoire Espace et Culture, n 7, pp. 27-51, Paris

M. Berriane (1999) Le tourisme dans les pays du Maghreb : diversification et effets sur le
développement local (édit. Par M. Berriane et H. Popp), Publications de la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines de Rabat, Série colloques et séminaires, Vol. 77

M. Berriane (1999), La géographie du tourisme au Maroc : essai de synthèse sur l'état de la


recherche, in Le tourisme dans les pays du Maghreb : diversification et effets sur le
développement local (édit. Par M. Berriane et H. Popp), Publications de la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines de Rabat, Série colloques et séminaires, Vol. 77, pp. 15-28

M. Berriane (1999), De la nécessité d'articuler tourisme intérieur et tourisme international au


Maroc, in Le tourisme dans les pays du Maghreb : diversification et effets sur le
développement local (édit. Par M. Berriane et H. Popp), Publications de la Faculté des Lettres
et des Sciences Humaines de Rabat, Série colloques et séminaires, Vol. 77, pp. 51-65

M. Berriane (2001) Le Maroc à la veille du troisième millénaire : Défis, chances et risques


d'un développement durable (Edit. par Mohamed Berriane et Andreas Kagermeier),
Publications de la Faculté des Lettres et des Sciences Humaines de Rabat, Série Colloques et
Séminaires, vol. 88, 300 pages

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