La procédure d’amendement de la Constitution de 1987
Les modalités suivantes sont fixées aux articles 282 et suivants de la
Constitution de 1987, pour sa modification :
a) Le pouvoir de révision
Ce sont les parlementaires qui sont investis du pouvoir constituant dérivé
encore appelé « pouvoir de révision ». Néanmoins, pour amender la Constitution, les parlementaires siègent dans une formation différente de celle prévue pour le vote des lois ordinaires : « …les Chambres se réunissent en Assemblée Nationale et statuent sur l’amendement proposé1. »
b) Les étapes de la procédure
1. L’initiative
L’initiative constitutionnelle est partagée. Elle appartient concurremment
au Pouvoir Exécutif et à chacune des deux Assemblées. Donc, un projet d’amendement peut être déposé au Parlement par le Pouvoir Exécutif. Sous l’impulsion de l’une ou l’autre des deux (2) Assemblées, une proposition d’amendement peut être aussi déposée.
1 Voir l’article 283 de la Constitution.
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http://haiticulturejuridique.wordpress.com 2. La déclaration
La déclaration qu’il y a lieu d’amender la Constitution est faite par le
Pouvoir Législatif, avec motifs à l’appui.
Le libellé de l’article 282 paraît donner un caractère discrétionnaire à cette
prérogative du Parlement. En effet, ledit article dispose : « Le Pouvoir Législatif, sur la proposition de l’une ou l’autre des deux (2) Chambres ou du Pouvoir Exécutif, a le droit de déclarer qu’il y a lieu d’amender la Constitution, avec motifs à l’appui. »
On en déduit que même sur la proposition du Pouvoir Exécutif, par
exemple, le Parlement pourrait décider de ne pas tenir compte de la saisine. En d’autres termes, le Parlement pourrait ne pas statuer sur le projet d’amendement de l’Exécutif à la dernière session ordinaire de la Législature, puisqu’il n’est pas tenu de le faire.
Par ailleurs, pour que la déclaration puisse être faite, l’adhésion de la
majorité qualifiée (2/3) est exigée au niveau de chacune des deux (2) Assemblées. De plus, elle peut être faite uniquement au cours de la dernière session ordinaire de la Législature. Encore, faut-il qu’elle soit publiée sur toute l’étendue du territoire.2
De surcroît, la déclaration du Pouvoir Législatif n’est qu’une déclaration
d’intention3, car on n’en est pas encore arrivé à l’amendement. Il y a nécessité de votes renouvelés et cela permet de provoquer des débats au niveau de la population. De plus, cela permet au Peuple de se prononcer en décidant de reconduire la majorité ayant fait la déclaration ou en votant une nouvelle majorité pour manifester son accord ou son désaccord. 2 Art. 282-1. 3 C’est en quelque sorte un vœu d’amendement. Me Destin Jean, licencié en droit.
En somme, la déclaration exige la volonté du Parlement, une majorité
qualifiée, une période précise et une publication immédiate.
3. La décision
La décision d’amender la Constitution suppose que des élections
législatives aient été préalablement organisées, puisque la Constitution, en son article 283, fait obligation aux Assemblées de se réunir en Assemblée Nationale pour statuer sur l’amendement proposé dès la première session de la Législature suivante, c’est-à-dire la Législature ayant suivi celle qui a fait la déclaration.
Pour l’adoption de la décision d’amender la Constitution, il est prévu :
- Une période spécifique : la première session de la Législature.
- Une formation spéciale : l’Assemblée Nationale.
- Un quorum précis : la présence des deux tiers (2/3) des membres de
chacune des deux Assemblées.
- Un type de majorité : la décision d’adopter l’amendement proposé est
prise par un vote à la majorité qualifiée (2/3) des suffrages exprimés.
c) Les limitations et les interdictions
L’article 284-2 de la Constitution de 1987 dispose : « L’amendement
obtenu ne peut entrer en vigueur qu’après l’installation du prochain élu. En aucun cas, le Président sous le gouvernement de qui l’amendement a eu lieu ne peut bénéficier des avantages qui en découlent. »
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http://haiticulturejuridique.wordpress.com L’article précité fixe le moment de la mise en œuvre de l’amendement obtenu. Cependant, qu’adviendrait-il si le Chef de l’Etat sous la présidence de qui l’amendement a eu lieu redevient Président cinq (5) ans ou dix (10) ans après, par exemple ? Va-t-on suspendre l’amendement précédemment obtenu et mis en vigueur, puisqu’en aucun cas, le Président en question ne peut bénéficier des avantages qui en découlent ? Nous voulons croire que le libellé de l’article en cause paraît avoir un caractère ambigu.
Par ailleurs, en plus du fait que le Peuple ne dispose pas de l’initiative
constitutionnelle, l’article 284-3 de la Constitution interdit formellement tout référendum constituant.
Enfin, des limitations sont apportées à l’objet de l’amendement, en ce sens
qu’ : « aucun amendement à la Constitution ne doit porter atteinte au caractère démocratique et républicain de l’Etat4. »
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Me Destin Jean, licencié en droit.
(Extrait de mon mémoire de sortie : « La puissance quasi-illimitée du Parlement et la fragilité de la suprématie de la Constitution de 1987. » Le texte complet est disponible sur Google.)
4 Voir l’article 284-4 de la Constitution de 1987.
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