Le 28/01/10

Monsieur Patrick Karam Délégué interministériel pour

l’égalité des chances des Français d’outre-mer

Mesdames et Messieurs les sénateurs

Mesdames et Messieurs les députés

Mesdames et Messieurs

Je tiens avant tout à remercier Monsieur Le Délégué

Interministériel ainsi que son chef de cabinet Mlle Samia Badat
d’honorer l’ensemble de la société Réunionnaise par cette
invitation.

Vous faîtes honneur à une histoire, l’expérience d’un

savoir-vivre.

« Kaf, yab, malbar, sinoi, zarab nout tout nou lé

rénioné » ... a écrit un compositeur Réunionnais, et dire cela ce
n'est nullement exclure les autres ... je pense aux zorey, aux
Mahorais et aussi aux comoriens, aux malgaches, aux
mauriciens ... qui vivent également à la Réunion…

Il n’y a pas de Réunionnais d’origine, nous devenons

Réunionnais, en épousant une communauté de destin à
construire ensemble.

L’histoire de la Réunion est celle d’un métissage

fondamental qui traverse toute sa société, la couleur de la
peau n’est plus significative d’une appartenance à une ethnie, à
une nationalité ou à une religion.

Nous oublions souvent de citer tous ces enfants et adultes

métis qui corroborent davantage cette union de diversité peut
être parce qu’elle n’est plus au stade d’expérimentation mais
une réalité naturelle de la plupart des familles Réunionnaises

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 Les premiers musulmans Réunionnais sont originaires
de l’Inde, plus précisément de la région du Gujrât, région du
nord-ouest de l’Inde.

On a l’habitude de les appeler « Zarabs », mais en réalité

cette appellation englobe les indiens, les comoriens, les
mahorais, les malgaches, les mauriciens, les créoles, et même
les Réunionnais de souche européenne qui ont embrassé l’islam
ainsi que les quelques français originaires d’Afrique du nord,
arrivés récemment dans l’île..

La Réunion a une population d’environ 800 000 habitants,

et on estime à 70 000 habitants la population musulmane
Réunionnaise.

L’Islam pratiqué à la réunion est essentiellement Sunnite

avec une faible minorité chiite.

Les écoles d’obédience hanafite et chafiite sont les plus

représentés.

Mesdames et messieurs

Les premiers musulmans sont arrivés en même temps que

les chinois de Canton, et les indiens des cotes de Malabar et de
Pondichéry.

C’est en 1897 que la demande de construction de la

Mosquée de Saint Denis va être déposée à une époque où la
séparation entre l’église et l’état n’est pas encore de mise.

Le gouverneur Beauchamp va accéder à la demande des

musulmans, en moins de six mois.

Les musulmans immigrés indiens ont peu de moyens, ils

vont alors créer une caisse commune où chaque fidèle apporta
sa contribution durant plusieurs années. Et ce n’est qu’en 1905
soit 8 ans plus tard que verra le jour, la mosquée de la rue du
grand chemin, la plus ancienne mosquée de France.

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 Ce qui étonnent toujours les touristes de la Métropole et
d’ailleurs c’est que les mosquées réunionnaises se situent tous
dans les centres villes.

En réalité, après la construction des mosquées, les indo-

musulmans ont ouvert leurs petites échoppes « appelées
Boutiks » autour des mosquées et y ont construit leurs
habitations au dessus ou à proximité développant ainsi les
centres villes et les animations commerciales.

C’est un fait singulier car à peine arrivée sur cette île,

avec peu de moyen, et dans un souci de pérennité de leur foi,
pour eux mêmes et leurs générations futures ils ont
immédiatement investi et œuvré à la construction des
mosquées et des médersas.

Leur foi en Dieu et la pratique de la religion avec assiduité,

ajoutés à leur engagement constant envers les autres
Réunionnais, c’est tout naturellement qu’ils ont pris part à la
construction et au développement de cette île.

C’est ainsi aussi que l’épanouissement a remplacé le

sentiment de nostalgie.

Cette introduction historique étant faite, je voudrais vous

faire part d’une anecdote : Il y a quelques mois, alors que
j’attendais mes enfants à la sortie de l’école, je discutais avec
une parente d’élève qui est l’épouse du commandant de la
Gendarmerie, elle m’annonçait à regret qu’après trois belles
années passées à la Réunion, le temps du retour était venu.

Elle me dit alors une parole touchante :

« Tu sais, nous vivions à Versailles. Et pour nous l’islam

et les musulmans, c’était ce que l’on entendaient dans les
médias, c’étaient les musulmans des cités teintés des faits
divers etc. Après notre passage à la réunion, jamais plus mes
enfants ne regarderont les enfants musulmans qu’à travers

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ceux qu’ils ont côtoyés et fréquenté à La Réunion et au près de
qui ils ont enterré leur peur et appréhension.»

Si je me suis permis de vous raconter cette anecdote, c’est

uniquement pour insister sur l’importance et les impacts de
l’intégration à la fois des individus et de ce qui représentaient à
la fois leurs cultures, leurs édifices religieux et leur
environnement par les autorités locales à l’époque.

En effet, les indo-musulmans se sont empressés de suivre

le modèle de l’Islam en Inde.

Depuis des siècles, l’islam est minoritaire en Inde, les

premiers musulmans n’ont pas été dépaysés à leur arrivée à la
Réunion. Vivre et s’organiser en tant que minorité n’étaient pas
une situation inédite.

Ils savaient qu’ils leur étaient impératifs de reproduire le

modèle des structures existant dans le Gujrât.

Car la mosquée n’est pas seulement un lieu de prière,

mais un lieu de rencontre, d’échanges et de paix social mais
surtout à la REUNION elle est APOLITIQUE…Ce lieu de prière
n’est pas uniquement réservée aux hommes, les femmes
peuvent également y venir.

Le Prophète Mohammad ne disait il point : « n’interdisez

pas aux croyantes de venir dans les maisons de Dieu. »

Plusieurs visiteurs m’ont fait part de leur étonnement que

la plus ancienne mosquée de France soit ouverte à tout visiteur
et sans aucune restriction, qu’il soit de sexe masculin ou
féminin.

Je me plais à leur rappeler que le Prophète Mohammad

recevait des délégations étrangères et qu’une délégation
catholique venant du Najran arriva un dimanche à Médine.

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 Le Prophète Mouhammad les hébergea, et quand ils
l’interpellèrent pour la prière dominicale, Mouhammad leur
accorda un espace dans la mosquée pour la réaliser.

Depuis une dizaine d’années, il est un fait que nul ne

saurait nier, c’est qu’à la Réunion, l’enseignement de l’Islam a
pris une autre dimension.

La nouvelle génération d’imams exerçant sur l’île, sont

natifs de la Réunion, et ont fréquenté les écoles de la
République au minimum jusqu’au BAC.

La question d’intégration ne se pose pas car ce sont des

Français à part entière et de foi musulmane.

Ils sont régulièrement interpellés par les médias, par les

élus locaux ou encore par l’administration française par le biais
des services du ministère de l’intérieur. Nous accueillons les
élus et autorités préfectorales régulièrement. Ils leur
permettent ainsi d’expliquer et de comprendre le point de vue,
et le ressenti des musulmans réunionnais sur les événements
locaux, nationaux et internationaux.

A l’occasion du centenaire de la mosquée de Saint Denis

en 2005, plus de 10 000 visiteurs furent accueillis dans
l’enceinte de la première mosquée de France en une semaine.
A cette occasion nous avons aussi eu aussi l’honneur de
recevoir le ministre de l’intérieur et du culte de l’époque Mr
Nicolas Sarkozy.

Chaque semaine, des établissements scolaires viennent

visiter cette mosquée. Certains collèges et lycées l’ont même
inscrit dans leur programme. Nous sommes régulièrement
interpellé par l’administration française (tel que l’armée, la
gendarmerie, la préfecture) pour des visites découvertes. Nous
avons même établi un partenariat avec certains établissements
en Allemagne à Munich et Karlsruhe en vue d’aider au dialogue
entre les jeunes allemands et les jeunes turcs, et nous avons

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même été visité par le ministre Hollandais de la justice et du
culte.

J’aimerais attirer votre attention sur un point essentiel,

c’est que tous ces imams sont le fruit de la structure Mosquée-
Médersa qui a été mis en place par les premiers indo-
musulmans.

A contrario de ce que véhiculent certains médias, les

médersas écoles coraniques ne forment pas des musulmans
rigoristes, repliés sur eux même, voire de futurs terroristes.

Les imams ont suivi des études universitaire durant 7 ans

afin d’enseigner et d’officier dans les mosquées et médersas.

Les médersas de la Réunion proposent, elles, un cursus

de formation des enfants à la foi et à la pratique de la religion
de l’islam. Les enfants peuvent y venir dès l’âge de 5 ans et
jusqu’à l’âge de 18 ans. Ceux ci en parallèle à l’enseignement
laïc. La durée des cours est de 6 heures hebdomadaires.

Ils apprendront à lire le coran en arabe, la prière, la

philosophie de l’islam et ils découvriront l’histoire de la vie du
Prophète Mohammad. Ils sauront ainsi que tous les hommes et
les femmes sont égaux en Islam en apprenant à lire le Coran en
Arabe et à le comprendre en Français, sa langue maternelle.

Le Coran dit : « « Ô les gens ! Nous vous avons créé d’un

homme et d’une femme et vous avons désigné en nations et
tribus, pour que vous vous entre-connaissiez, le plus noble
d’entre vous auprès de Dieu est le plus pieux. Dieu est savant,
en vérité et bien informé. »

Le jeune ayant fréquenté la médersa se souviendra

toujours du message délivré par le Prophète Mohammad lors du
sermon d’adieu : «toute l'humanité descend de Adam et Eve.
Un Arabe n'est pas supérieur à un non-Arabe et un non-Arabe
n'est pas supérieur à un Arabe. Un blanc n'est pas supérieur à
un noir et un noir n'est pas supérieur à un blanc ...Alors, ne

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vous faites pas d'injustice à vous-mêmes. Souvenez-vous qu'un
jour vous rencontrerez Allah et répondrez pour vos actions en
ce monde. Alors faites attention ! Ne vous égarez pas du
chemin de la piété après mon départ. »

A partir d’un certain âge, durant ces cours de

connaissance de l’Islam les Imams leur apprennent également à
comprendre que juifs, chrétiens et musulmans, ont tous un
tronc commun, le Prophète Abraham, partageant la foi
monothéiste de ce Prophète en Dieu mais aussi en sa
bienveillance envers tous les hommes. De part la diversité
cultuelle des réunionnais, les enseignants les aideront
également à comprendre le bouddhisme et l’hindouisme.

Aujourd’hui à la Réunion des jeunes femmes maîtrisant la

lecture du coran, et/ou qui l’ont appris par cœur deviennent
médecins, avocats, assistantes sociales…cela nous montre qu’il
n’est pas antinomique aux enfants de maîtriser sa culture
religieuse et de réussir ses études scolaires.

En conclusion les imams réunionnais sont les fruits de ces

structures qui datent d’un siècle.

A mon humble avis, la Réunion peut servir d’exemple mais

pas forcément de modèle car nous avons encore beaucoup à
faire. La Métropole peut s’inspirer des structures réunionnaises,
fortes de leurs expériences.

Les musulmans de métropole de diverses origines n’ont

pas eu la chance d’avoir vécu les mêmes opportunités pour
bâtir les outils nécessaires au début de leur immigration.

Si nous voulons assister à l’émancipation en métropole des

musulmans français, pour pratiquer l’Islam tel qu’il fut enseigné
par le Prophète Mohammad et comme nous essayons de le
vivre à la Réunion alors on ne devrait pas, à mon sens
cloisonner, l’islam par la voie législative. La liberté du culte doit

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être entièrement préservée y compris pour l’Islam, tout en
respectant les lois de la République.

Nous devrions être patient, Rome ne s’est pas fait en un

jour, il serait bien d’accompagner les musulmans de Métropole
en leur donnant les moyens de créer des structures semblables
à celles de la Réunion pour les mosquées et médersas.

Comme disait Martin Luther King : I have a dream .

Et c’est de voir vos travaux se dérouler sans entraves, mais
avec dynamisme et constance, il serait alors possible de
réaliser ce que les Réunionnais ont mis un siècle pour le faire.

Pour ce qui est de la pédagogie et le changement des

mœurs c’est un long chemin qui exige le courage, la constance
dans l’engagement, la persévérance, l’ouverture envers autrui
et la tolérance.

Nous recherchons tout simplement le cheminement vers la

paix, l’épanouissement et vivre en harmonie avec les autres
membres de la famille française.

Ce que les musulmans réunionnais peuvent apporter à la

métropole en tant qu’enfants de la nation, c’est l’illustration du
« vivre-ensemble » dans le respect réciproque, l’équité et le
respect des lois de la République.

Nous sommes fiers d’être français réunionnais musulmans.

Si notre modèle peut servir de laboratoire pour la métropole, et
si la bonne volonté et la confiance sont engagées, il est certain
que la France sera le modèle pour le monde.

L’islam n’est pas vecteur de la PEUR et de la FRAYEUR, et

les édifices consacrés à la pratique de cette religion ne sont pas
ostentatoires ou objets de provocation, encore moins des
édifices de conquêtes

L’islam est une religion d’ouverture et de progrès social

pour ceux qui en connaissent les fondements authentiques.

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 L’islam n’est pas la religion d’une nation, de ce fait elle ne
peut être une religion de la guerre.

S’obstiner à ignorer l’autre c’est amplifier la phobie

irrationnelle poussant ainsi à légiférer.

Le temps est plus que propice pour une réelle découverte

de la diversité des richesses islamiques.

La France, pays des droits de l’homme, a toujours honoré

son peuple pour sa liberté de culte, et ouvre par ce fait à ses
citoyens les portes de tous les continents et tous les marchés.

Nous avons toujours accordé notre entière confiance à

ceux qui nous gouvernent.

Celui à qui on donne les moyens de se construire de

l’intérieur sera le plus apte à s'adapter à l’environnement
commun.

Le philosophe indien Muhammad Iqbal a dit :

« Le grand destructeur de l’homme c’est la peur, et tous
les autres maux s’engouffrent dans la peur.

C’est la peur de perdre son identité qui fait qu’on va

pétrifier une autre identité pour sa particularité. »

Et le Mahatma GANDHI disait:

« La règle d'or de la conduite est la tolérance
mutuelle, car nous ne penserons jamais tous de
la même façon, nous ne verrons qu'une partie de
la vérité et sous des angles différents. »
Je vous remercie de votre écoute.

Bhagatte Mohamad