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Formule, slogan, cliché

Plutarque, Vie de César, 50 :


Κἀκεῖθεν ἐπιὼν τὴν Ἀσίαν, ἐπυνθάνετο Δομίτιον μὲν ὑπὸ Φαρνάκου τοῦ Μιθριδάτου
παιδὸς ἡττημένον ἐκ Πόντου πεφευγέναι σὺν ὀλίγοις, Φαρνάκην δὲ τῇ νίκῃ χρώμενον
ἀπλήστως, καὶ Βιθυνίαν ἔχοντα καὶ Καππαδοκίαν, Ἀρμενίας ἐφίεσθαι τῆς μικρᾶς
καλουμένης, καὶ πάντας ἀνιστάναι τοὺς ταύτῃ βασιλεῖς καὶ τετράρχας. Eὐθὺς οὖν ἐπὶ
τὸν ἄνδρα τρισὶν ἤλαυνε τάγμασι, καὶ περὶ πόλιν Ζῆλαν μάχην μεγάλην συνάψας
αὐτὸν μὲν ἐξέϐαλε τοῦ Πόντου φεύγοντα, τὴν δὲ στρατιὰν ἄρδην ἀνεῖλε· καὶ τῆς μάχης
ταύτης τὴν ὀξύτητα καὶ τὸ τάχος ἀναγγέλλων εἰς Ῥώμην πρός τινα τῶν φίλων Μάτιον
ἔγραψε τρεῖς λέξεις· « Ἦλθον, εἶδον, ἐνίκησα ». Ῥωμαϊστὶ δ’ αἱ λέξεις, εἰς ὅμοιον ἀπολή-
γουσαι σχῆμα ῥήματος, οὐκ ἀπίθανον τὴν βραχυλογίαν ἔχουσιν.

(d’après The Historical Atlas de William R. Shepherd, 1923)

En arrivant en Asie1, [César] apprit que Domitius2, après avoir été battu par Pharnace3,
fils de Mithridate4, s’était enfui du Pont avec peu de troupes ; que Pharnace, poursui-
vant avec chaleur sa victoire, s’était emparé de la Bithynie5 et de la Cappadoce, et se
préparait à envahir la Petite Arménie6, dont il avait fait soulever les rois et les tétrar-
ques7 : César marche promptement contre lui avec trois légions et lui livre une grande
bataille près de la ville de Zèla8 ; il taille en pièces toute son armée et le chasse du
royaume du Pont. Ce fut alors que, pour marquer la rapidité de cette victoire, il écrivit
à Matius9, un de ses amis de Rome, ces trois mots seulement : « Je suis venu, j’ai vu, j’ai
vaincu. » En latin, ces trois mots terminés de même ont une grâce et une brièveté qui
disparaissent dans une autre langue10.
traduction : abbé Dominique Ricard [1741-1803]

1 désignait l’Anatolie [Ἀνατολή « le Levant »] (Asie mineure). César arrive d’Égypte.


2 Cn. Domitius Caluinus, militaire, homme politique (sénateur, deux fois consul),
partisan de César, puis un des premiers soutiens d’Auguste.
3 Pharnace II, roi du Bosphore cimmérien (Crimée) et du Pont (capitale : Sinope).
4 Mithridate VI Eupator (Εὐπάτωρ). Selon la légende, c’est à lui que son médecin
(Crateüas, Κρατεύας ὁ Ῥιζοτόμος « celui qui cueille des plantes médicinales ») aurait appris à
s’immuniser contre le poison en en absorbant à intervalles réguliers de petites doses ; la
méthode ayant produit sur lui l’effet recherché (mithridatisation), il dut recourir à un
autre moyen que le poison quand il voulut se suicider. Héros d’une tragédie de Racine. —
Son nom signifie celui que (le dieu) Miθra a donné ; cf. fārsī Mehrdād.
5 la Bithynie était bordée au nord par le Pont-Euxin (la mer Noire), à l’est par la
Paphlagonie, au sud par la Galatie et la Phrygie, et à l’ouest par la Propontide et la Mysie.
— À 21 ans, César, envoyé comme ambassadeur à la cour de Nicomède IV Philopator (Φιλο-
πάτωρ) et chargé de lever une flotte en utilisant les ressources de la Bithynie, s’attarda si
longuement auprès du roi que la rumeur courut d’une relation homosexuelle entre eux
(César surnommé « la reine de Bithynie » : Bithynica regina, au rapport de Suétone), rumeur
que les adversaires politiques de César ne manquèrent pas d’exploiter par la suite. — Le
héros du Nicomède de Corneille est Nicomède II Épiphane (Ἐπιφανής).
6 la Petite-Arménie (Armenia Minor, Armenia Inferior, Ἀρμενία μικρά) était bordée au
nord par la Colchide, à l’est par l’Arménie proprement dite (Armenia Maior) — la « frontière »
étant l’Euphrate —, à l’ouest par la Cappadoce, et au sud par la Comagène.
7 comme son nom l’indique, un tétrarque (τετράρχης, τέτραρχος) se trouvait à la tête
du quart d’un territoire donné
8 connue dans l’histoire sous les noms de Zela, Zelitis, Zelid, Anzila, Gırgırıye (Karka-
riye), Zīleh, Zilleli, Zeyli, et Silas, cette ville de Turquie est chef-lieu de district (ilçe) dans
la province (il) de Tokat, région de la mer Noire (Karadeniz Bölgesi). La bataille se déroula
le 2 août 47.
9 Caius Matius Caluena, auteur entre autres d’un livre de cuisine ; son nom aurait
été donné à une variété de pomme, matiānum (mālum), d’où proviendraient l’espagnol
mazana, forme ancienne de manzana, et le portugais maçã.
10 le texte de Plutarque dit : « En latin, ces mots — qui ont la même désinence verbale
[j’ajoute : alors que tel n’est pas le cas pour les formes grecques qui les traduisent] — ont une conci-
sion (βραχυλογία) qui ne manque pas d’effet. » De grâce il n’est nullement question.
Suétone, Vie de César, XXXVII, 4 :
Pontico triumpho inter pompæ fercula trium uerborum prætulit titulum « ueni, uidi, uici »,
non acta belli significantem sicut ceteris, sed celeriter confecti notam.
Lors du défilé triomphal [en 46] célébrant sa victoire dans le Pont, [Jules César] se fit pré-
céder notamment d’une pancarte, hissée sur les épaules de porteurs, avec ces trois
mots : ueni, uidi, uici, et qui — à la différence de toutes les autres inscriptions — n’énu-
mérait pas les faits marquants de la campagne mais en soulignait la rapidité.

On ne peut pas, à l’évidence, aller jusqu’à rendre par « guerre éclair » [Blitzkrieg] : l’anachro-
nisme rendrait le passage comique. Mais César se flattait d’avoir — en cinq jours — mis un
terme victorieux à la guerre. Tout en ayant le titre de consul, il va être nommé par le sénat
dictateur pour dix ans.

César s’est donc trouvé une formule percutante, un bon slogan1 : une parataxe, trois formes
reproduisant un schéma rythmique identique, avec rime et allitération, aussi significatives
qu’expressives.

Voilà qui ne fait pas l’affaire du traducteur.


César emploie un perfectum ou prétérit, donc un aspect ponctuel dans le passé, et la mise en
série sautillante rend bien la succession rapide de « procès » sans durée (aoristes).
« Arrivée, coup d’œil, victoire » peut donner une idée de ce que je veux dire : si le message à
faire passer est « avec moi, ça ne traîne pas », nos passés composés avec pronoms person-
nels aussi inévitables et répétitifs (comparer avec l’italien Venni, vidi, vinsi, le castillan Llegué,
vi, vencí et le portugais Vim, vi, venci) que les auxiliaires ne sont pas faits pour nous faciliter
la tâche ; et à notre époque, il n’est plus question de tenter un « je vins, je vis, je vainquis »,
sachant que l’article de Lucien Foulet (dans Romania) sur la disparition du prétérit remonte à
1920.

« Je viens, je vois, je vaincs » ?

1
Paradoxe : le mot vient, par l’intermédiaire de l’anglais, du gaélique sluagh-gairm « cri
(gairm) de guerre » des Highlanders [cf. vieil-irlandais slúag, slóg ; gallois llu ; en Gaule, dans
le second élément de l’ethnonyme latinisé Catuslogi : leur pāgus avait Eu pour chef-lieu.]

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