Documente Academic
Documente Profesional
Documente Cultură
JULES HARMAND
AMBASSADEUR HONORRAIRE
Domination
et
Colonisation
« J’ai donné aux Athéniens non les lois les meilleures,
mais les meilleures qu’ils pouvaient supporter. »
(Solon.)
PARIS
ERNEST FLAMMARI0N, ÉDITEUR
1910
26, rue racine, 26
Livre numérisé en mode texte par :
Alain Spenatto.
1, rue du Puy Griou. 15000
AURILLAC.
http://www.algerie-ancienne.com
JULES HARMAND.
Juillet 1910.
AVANT-PROPOS
Les nécessités de l’expansion de la France
et les conditions de sa politique coloniale.
II. — LA DOCTRINE
III. — L’APPLICATION.
L’expansion naturelle.
peuple est l’un des plus unifiés. qui soient encore au monde,
et qu’il veut rester tel qu’il est, en dépit des courants de sur-
face qui le troublent de temps à autre. L’équilibre interne n’y
est point parfait, mais aucune construction de ce genre ne
peut être parfaite et les résultats approchés suffisent à la pra-
tique politique.
L’observateur politique ne manque pas de se dire non
plus qu’il y a, dans les faits de ce genre, bien des contingen-
ces et que leur interprétation est souvent plus tendancieuse
qu’objective. Il n’accepte pas sans résistance les conséquen-
ces que l’on prétend tirer, au nom de la science, de telle ou
telle particularité historique attribuée à des raisons anthro-
pologiques. Par exemple, s’il lui arrive de lire, accompa-
gnée. de considérations aussi ingénieuses que fines, la thèse
que les schismes de la Réforme sont le résultat obligatoire,
et qui aurait pu être prévu, de l’interprétation des mêmes
écritures sacrées par des races de crâne dissemblable et par
suite de mentalité différente, les unes « latines », les autres
anglo-saxonnes ou germaniques, son sens pratique se dres-
sera tout de suite contre ces déductions. il se rappellera que
Calvin était Français, que les Albigeois, les Huguenots, les
Jansénistes étaient tous aussi épris de liberté religieuse que
les réformateurs des « races du Nord » que la France a pro-
duit les plus grands mystiques, qu’à un moment donné de
son histoire il aurait suffi d’un grain de sable, peut-être, pour
qu’elle devînt, elle aussi, protestante, et que sa destinée reli-
gieuse fut un instant aussi indécise que l’avait été aupara-
vant, au dire de Renan, celle de toute l’Europe, entre le culte
de Mithra et celui de Jésus.
De même, en ce qui concerne les institutions. poli-
tiques proprement dites. Il semble vrai, au point de vue
strictement scientifique, qu’elles ne sont presque jamais
exactement applicables, telles quelles, à un peuple autre que
60 DOMINATION ET COLONISATION
débuts, offrent les types les plus parfaits, est un pays tem-
péré ou à la rigueur subtropical, où l’Européen immigré,
retrouvant à peu près les conditions de son milieu d’origine,
peut se livrer aux travaux de plein air, vivre une existence
d’une durée normale, se fixer sans esprit de retour, multi-
plier sa famille sans déchéance pour sa postérité. L’élément
introduit est, en grande majorité, formé de citoyens d’une
même métropole. Ceux-ci admettront toutefois volontiers,
sollicités par de grands besoins et par l’amplitude du nou-
veau domaine, le renfort d’autres immigrants, à la condition
qu’ils soient de la même race européenne et, comme tels,
qu’ils aspirent à la fusion complète avec eux, en adoptant
leurs mœurs et leur langages et en devenant des compatrio-
tes dans toute la vérité du terme.
Cette immigration se constitue ainsi en une société nor-
male, c’est-à-dire d’une homogénéité suffisante à sa stabilité
politique et à son équilibre sentimental.
Il peut s’y trouver des indigènes, de race et de civi-
lisation inférieures, barbares ou sauvages. Mais ceux-ci
en nombre relativement faible et en l’état de dispersion
qu’exige leur manière de vivre, loin de pouvoir être consi-
dérés comme des auxiliaires du développement de la fortune
publique, ne sont qu’une gêne et un danger: inadaptables
aux conditions nouvelles, ils tendent à la disparition.
On doit les traiter avec bienveillance et charité, mais
socialement ils ne comptent pas ; économiquement, ils sont
une charge. Là conduite la plus sage à leur égard consistera en
général à les refouler dans les régions encore inutilisées par
la colonisation, où, sous une étroite surveillance policière,
ils rencontreront encore quelque moyen de subsister, avec
une certaine utilité, d’occupations convenant à leur genre de
vie : la chasse, la recherche des fourrures, la cueillette des
produits naturels.
LE PROBLÈME COLONIAL CONTEMPORAIN 111
Le Gouvernement de Domination.
I. - LA POLITIQUE INDIGÈNE
Le Gouvernement de Domination.
Le Gouvernement de Domination.
les Anglais ont attribué une durée de cinq années aux fonc-
tions de leurs gouverneurs généraux et de leurs conseillers.
il faut noter que ce terme n’est chez eux qu’une tradition. qui
ne saurait suffire à nos mœurs ; la garantie de la loi nous est
nécessaire.
Les Anglais considèrent aujourd’hui ce laps de temps
comme un extrême minimum. On peut, en effet. rappeler
qu’il est hérité d’une époque où les voyages étaient longs et
incertains, où il n’y av ait pas de stations de santé réguliè-
res. tandis qu’aujourd’hui il est très facile à un gouverneur
de faire de courtes absences, en congé ou en mission, et de
regagner rapidement son poste et ses installations hygiéni-
ques et confortables. Mais pourtant l’existence de ces hauts
fonctionnaires est si laborieuse et si fatigante qu’il est sage de
ne pas trop leur demander à ce point de vue. Il semble donc
que ce terme de cinq années soit suffisant ; c’est d’ailleurs
un bail, ou un contrat renouvelable.
Le Gouvernement de Domination.
I. — LES IMPÔTS.
II — LES DOUANES
ou à peu près, en l892. Dans tous les cas, écartons tout cela
pour 1887 et pour 1907, et nous isolerons ainsi les colonies
soumises au tarif général, que l’application du régime de
1892 a trouvées à l’état adulte. Après ces défalcations, le
total de 1907 tombe à 50 millions et celui de 1887 reste à
178 millions, ce qui signifie que le mouvement commercial
des Colonies soumises au tarif général et qui ne sont pas
passées de 1887 à 1907 de l’état de non-existence à la vie
économique, a subi une diminution de mouvement annuel
moyenne de 28 millions, c’est-à-dire d’environ 16 p. 100.
C’est considérable(1)»
On peut, sans aucun doute, discuter. ces chiffres et leur
interprétation, faire valoir que les diminutions ou les aug-
mentations constatées tiennent à beaucoup de causes, plus
ou moins étrangères au régime douanier et qu’il faudrait
analyser en détail. Mais toute la question se réduit à savoir
si l’accroissement du chiffre global du commerce des colo-
nies avec la Métropole n’eût pas été bien plus considérable
encore, si l’élargissement des débouchés métropolitains
n’aurait pas été plus rapide et plus grand sous un régime de
liberté et de modération approprié à chacune de nos Dépen-
dances.
D’ordinaire, aux arguments de cette sorte, purement
hypothétiques, il est toujours loisible d’opposer des hypothè-
ses contraires. Mais ici, sur le terrain douanier colonial lui-
même, nous avons la chance de posséder beaucoup mieux
qu’une hypothèse : nous disposons d’une leçon de choses,
d’une démonstration expérimentale, quoique bien involon-
taire, et dont nous n’aurions garde de ne pas nous servir.
Je yeux parler du régime douanier de l’Afrique Occi-
dentale Française.
____________________
1. Conférence à l’Union coloniale (Quinzaine coloniale, 10
juin 1909).
LES DOUANES 319
indigènes; c’est que les Français sentent que ces taxes sont
nécessaires pour maintenir toutes les pièces de l’édifice
social, dont ils bénéficient; c’est qu’ils consentent le sacri-
fice qu’ils font à l’État. Mais dans les conquêtes lointaines, il
s’agit d’un tribut imposé. On peut dire encore que la domi-
nation acceptée résulte d’un contrat entre le vainqueur et
le vaincu(1). Mais le vaincu n’accepte le contrat, ou plutôt
il ne s’y résigne, qu’à la condition de voir le vainqueur lui
faire un sort meilleur, diminuer ses maux, ses misères, les
injustices dont il souffre, et augmenter son bien-être. Il serait
périlleux que, dans la balance longtemps instable des maux
et des biens, le plateau des maux finît par l’emporter sur
l’autre aux yeux naturellement prévenus de nos sujets, dis-
posés à exagérer ce qui les gêne et les blesse dans notre
action plutôt qu’à reconnaître ce qui les sert.
Nous ne devons pas (encore plus peut-être par intérêt
que par devoir) obliger les indigènes à payer plus cher chez
eux ce qu’ils savent parfaitement coûter moins cher chez
leurs voisins indépendants ou sujets d’une autre puissance
européenne. C’est ainsi que notre domination reste ou devient
insupportable, et que notre tutelle, menacée et inquiète, est
incapable de porter les fruits que l’on pourrait en attendre.
Ce sont des vaincus et des sujets, mais ce ne sont pas des
esclaves, comme les noirs de nos anciennes colonies, où la
population importée, cheptel d’une aristocratie de planteurs,
ne subissait presque aucune aggravation de son sort du fait du
pacte colonial, qui n’intéressait que ses maîtres blancs.
Mais, pour revenir à des considérations d’ordre exclu-
sivement économique, le pire est que la loi de 1892, en
voulant forcer la voie des débouchés coloniaux, tend à l’obs-
truer. En surchargeant la population dans la période d’essais,
_____________________
1. V. chap. VI. La Politique d’association.
328 DOMINATION ET COLONISATION
pour la première fois nous avons été conduits à faire sur une
échelle étendue, nous a procuré une leçon de choses plus
utile que toutes les théories.
D’autre part, pendant qu’au Parlement on reconnaissait
progressivement les avantages de la décentralisation colo-
niale, on s’apercevait que les députés des colonies nés de
l’esprit d’assimilation, en étaient les sentinelles les plus effi-
caces. Au moment aussi où tant de doutes s’élèvent sur l’ex-
cellence du suffrage universel brut ou inorganisé et où l’on
s’ingénie à la recherche des moyens les plus propres à en
pallier les périls, on était plus facilement porté à se deman-
der si vraiment cet instrument de consultation était adapta-
ble aux conditions sociales des colonies.
On trouvait aussi que la députation coloniale, avec ses
vingt-trois membres, accaparait, dans le vote de lois pure-
ment nationales et sans nul rapport avec les besoins de ses
ressortissants, une place disproportionnée au nombre et à la
qualité de ses électeurs. On se souvenait de ce député de la
Cochinchine faisant tomber un cabinet sur la question de la
mairie centrale dé Paris. On la jalousait encore de peser d’un
poids trop lourd sur le Ministère des Colonies, qui dispose
de tant de places.
L’éducation du Parlement n’étant pas encore assez
généralement avancée pour discerner au travers de ces petits
griefs les causes profondes de cette défaveur grandissante,
c’est jusqu’ici, en effet, par les moindres côtés de la question
que la représentation coloniale y est attaquée, à l’occasion
d’ordinaire d’incidents électoraux qui dépassent par trop la
limite du scandale ou du ridicule. Il est permis de penser que
cette façon d’envisager les choses ne tardera pas à changer,
et que le moment n’est plus éloigné où l’on donnera à la dis-
cussion l’ampleur et la hauteur de vues qui lui conviennent,
en ne considérant que l’utilité commune et réciproque de la
LA REPRÉSENTATION COLONIALE 341
FIN.
364 DOMINATION ET COLONISATION
TABLE DES MATIÈRES
Pages
PRÉFACE............................................................................1
Pages
CHAP. II. — L’expansion civilisée….............................48
Les conquêtes dans les civilisations méditerranéennes. Elles ne
s’exerçaient que sur des races apparentées. La conquête
romaine en Gaule. La conquête coloniale à grande distance.
Elle met en contact des races inassimilables. La question de
l’assimilation. La race, la nation, la société. L’absolutisme
scientifique et la relativité politique. La question des langues.
L’unité ethnique. Les races incommunicables. L’exemple des
États-Unis. Les Antilles. La République de Libéria. La «com-
munauté» européenne. Le patriotisme européen.
L’évolution des Colonies et des Dominations. Le Canada. L’Afri-
que du Sud. Le Japon et la Corée. L’inaccessibilité des senti-
ments. La transmissibilité des connaissances.
Pages
caractéristiques entre les Colonies et les. Dominations. L’évo-
lution des Colonies vers le self-government et la séparation.
La liberté et tes institutions représentatives. Caractère de la
Domination.
Pages
individuelle du fonctionnaire de Domination. Le fonction-
naire colonial idéal. Séductions de ses tâches. Les fonction-
naires de l’Inde Britannique. La responsabilité de la pullula-
tion des fonctions repose sur le Gouvernement central. Effets
certains de l’autonomie à ce point de vue.
La qualité des fonctionnaires et les moyens de l’obtenir. La locali-
sation et la permanence des fonctions. Les Dominations com-
portent deux catégories de fonctionnaires : les fonctionnaires
des bureaux et les agents de commandement. Le recrutement
et les Écoles. Les stages. L’obligation de la connaissance des
langues locales. La superstition de la séparation des pouvoirs.
Les fonctionnaires indigènes. Les deux branches de l’administra-
tion indigène. Les bas emplois européens doivent disparaïtre.
Pages
maire et les instituteurs français. Genre d’instruction’ réclamé
par les indigènes. L’instruction publique au Japon et ses
enseignements.
L’instruction élémentaire, secondaire, supérieure.. L’enseignement
professionnel..L’aide des colons, des commerçants et des
industriels. La question de l’enseignement de la langue du
dominateur. Distinction à faire à ce sujet entre l’Afrique du
Nord et les Dominations tropicales. C’est au dominateur à
apprendre la langue de ses sujets.
Pages
Le citoyen et le sujet au point de vue fiscal. Conditions d’un bon
régime douanier colonial. Réformes désirables. La politique
d’enrichissement. Conclusions. Adoption des vœux du Con-
grès colonial de Marseille en 1906..
Conclusion