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La neutralité au service de la diversité

Bonsoir à tous et Paix sur vous. Je tiens tout d’abord à remercier les organisateurs de cette
soirée, de ce débat pour m’avoir invité à m’exprimer sur la question de la neutralité dans la
fonction publique.

J’ai pour ce faire choisi d’intituler mon intervention : « la neutralité au service de la


diversité ». Le choix de ces termes n’est évidemment pas anodin. Il rappelle que l’exigence de
neutralité faite à l’Etat a pour raison d’être, pour interprétation téléologique, la protection du
pluralisme et de la diversité sociale, au sens du souci des principes d’égalité de traitement
entre tous les citoyens et de non-discrimination tel que consacrés par les articles 10 et 11 de
notre Constitution.

Autrement dit, la reconnaissance d’une valeur juridique et morale égale à tous les citoyens est
conditionnée par le respect des variétés d’expression au sein de la société, qui est en somme à
la fois égalitaire et diversifiée ; l’égalité n’ayant de sens que parce qu’elle s’applique à des
individus différents. Différents certes mais qui décident ensemble d’un socle commun en
termes de valeurs et de moyens légaux, politiques, pédagogiques et autres de gestion de la
société – versus neutralité – garantissant ainsi que « tous les citoyens, sans distinction aucune,
peuvent se prévaloir de tous les droits et de toutes les libertés consacrés par notre Etat
démocratique. »1

L’égalité juridique donc pour que nous bénéficions tous des mêmes droits ; L’égalité
morale aussi pour que nos diverses conceptions philosophiques de la vie ne puissent être
hiérarchisées et se prétendrent les unes supérieures aux autres pour s’imposer aux autres.

C’est donc bien a priori la neutralité qui est au service de la diversité et pas la diversité qui
serait l’otage d’un projet de neutralisation ou de hiérarchisation des options de vie. Car la
liberté ou le droit, tant qu’elle ou qu’il n’est que l’apanage de quelques-uns, s’appelle
privilège.

Une démocratie moderne donc requiert que l’État soit neutre ou/et impartial dans son rapport
aux différentes convictions non confessionnelles ou confessionnelles.

Et là deux questions se posent : comment mesure-t-on la neutralité de l’État ? Et, comment


arbitre-t-on, si nécessaire, entre cette exigence de neutralité et le droit fondamental à la liberté
d’expression et à la liberté religieuse des agents de l’Etat?

I. Comment mesure-t-on la neutralité de l’Etat ?

Pour répondre à cette question, il faut savoir de quelle neutralité on parle. Neutralité politique,
culturelle, philosophique ?

Commençons par La neutralité politique :

L’État neutre est celui qui ne favorise aucune conception du bien et qui ne reconnaît aucun
privilège à une religion ou option philosophique et prévoit la libre cohabitation des cultes au
sein de la société, dans le respect du droit commun.2 6 cultes reconnus en Belgique dont culte
la morale laïque, catholique, protestant, islamique, judaïque et orthodoxe.
1
DUDH art. 2
2
Du bon usage de a laïcité, p. 5.
2

Cette neutralité politique de l’Etat peut vouloir dire trois choses différentes:

(1) Neutralité des effets : l’État ne doit rien faire qui ait pour effet – que cet effet soit
intentionnel ou pas – de favoriser ou de défavoriser une conception du bien parmi d’autres.
(2) Neutralité des buts : l’État ne doit rien faire dans le but de favoriser une conception du
bien au détriment des autres.
(3) Neutralité des justifications : la justification des principes politiques ou des politiques de
l’État ne doit pas reposer sur la supériorité d’une conception du bien au détriment d’autres.3

Toutefois, la neutralité de l’Etat ne signifie pas indifférence4 de l’Etat par rapport à des
valeurs notamment les droits humains fondamentaux, l’égalité de tous les citoyens devant la
loi, l’égalité hommes femmes, la souveraineté populaire, etc. Un État démocratique affirme et
défend ces valeurs.

Si ces valeurs sont légitimes même si elles ne sont pas neutres, c’est parce qu’elles permettent
à des citoyens ayant des conceptions très variées du monde et de ce qui constitue une vie
réussie de vivre ensemble de façon pacifique. Ces valeurs permettent aux individus d’être
souverains quant à leurs choix de conscience et de définir ainsi leur propre plan de vie, dans le
respect du droit des autres d’en faire autant. C’est pourquoi des gens de convictions
religieuses, spirituelles et séculières très diverses peuvent adhérer à ces valeurs et les affirmer
même s’ils viennent à les adopter par des voies souvent très différentes. Car ce qui importe,
c’est q’ils s’entendent pour les défendre.5

Neutralité philosophique: consiste en une adhésion à une option philosophique particulière,


caractérisée par une vision du monde et une philosophie de vie, dégagées de toutes références
à une transcendance.6 L’Etat n’est pas athée en Belgique (comme ce qu’on a pu le connaître
historiquement dans l’athéisme d’Etat des régimes communistes) car l’Etat neutre n’a pas de
croyance ni de conviction. Un Etat qui se définirait comme philosophiquement laïque ou
philosophiquement neutre cesserait, par le fait même, d’être politiquement laïque.7

L’Etat politiquement neutre doit donc traiter, de façon égale, les citoyens qui adhèrent à des
croyances religieuses et ceux qui ne le font pas en adhérant à une philosophie laïque.

Neutralité culturelle : existe-t-il dans le chef de l’Etat une neutralité parfaite par rapport à la
culture. Les Etats démocratiques modernes sont pour certains plutôt accueillants à la diversité
culturelle, mais il est illusoire d’imaginer que l’Etat puisse s’abstraire de toute identité
englobante pour se trouver dans une position de stricte équidistance. Will Kymlicka confirme
qu’aucun Etat, même le plus libéral, n’est culturellement neutre. Je cite : "Il est impossible de
parvenir à une séparation complète de l’Etat et de la culture. A plusieurs égards, l’idéal de
"neutralité bienveillante" est un mythe. Les décisions gouvernementales touchant la langue,
les frontières intérieures, les jours fériés et les symboles de l’Etat impliquent inévitablement la
reconnaissance des besoins de l’identité de groupes ethniques ou nationaux particuliers"8.

3
Raz, 1986 : 114-5 ; Larmore, 1987 : 44 ; Waldron, 1993 : 143- 167 ; Kymlicka, 1989b ; Galston, 1991 : 100-
101 ; Rawls, 1995 : 235-238 ; Sher, 1997 : 22-3 ; Wall, 1998). In http://www.dicopo.org/spip.php?article25
4
Rapport Bouchard Taylor, p. 135
5
Rapport Bouchard Taylor, p. 135
6
Du bon usage de a laïcité, p. 6.
7
idem
8
Will KYMLICKA, La citoyenneté multiculturelle : une théorie libérale du droit des minorités, Paris, La
Découverte, 2001, p. 10-33
3
Dans la plupart des Etats, la langue officielle est celle du groupe majoritaire. L’Etat se trouve
donc ainsi immanquablement associé à une culture, si ce n’est de façon exclusive, du moins
prioritaire. On remarque aussi que même des pays occidentaux largement sécularisés, ont
pour jour de repos légal le dimanche et pour certains jours fériés des fêtes chrétiennes. Cela
n’a, en soi, rien de choquant mais prouve simplement que la neutralité parfaite de l’Etat est un
leurre.

Alors, la consolidation d’une identité nationale nécessite que tous les citoyens s’y identifient
en accordant à ceux qui appartiennent à des groupes minoritaires, non seulement la possibilité
de cultiver leur identité spécifique, mais aussi de la voir reconnue publiquement par des
dispositifs institutionnels et juridiques. Et là, se pose légitimement la question du droit des
agents de l’Etat à être égalitairement contributif et bénéficiaire de l’image d’un Etat reflet de
la diversité sociale.

II. Le cadre légal en Belgique :

En Belgique, l’Etat est neutre et cette exigence pèse également sur les agents de l’Etat. La
neutralité des agents de l’État est prévue par l’article 8 de l’arrêté royal du 2 octobre 1937
portant sur le statut des agents de l’État tel que modifié par l’arrêté royal du 14 juin 2007 et
qui stipule :

« § 1er. L’agent de l’État traite les usagers de ses services avec bienveillance. Dans la manière
dont il répond aux demandes des usagers ou dont il traite les dossiers, il respecte strictement
les principes de neutralité, d’égalité de traitement et de respect des lois, règlements et
directives. Lorsqu’il est, dans le cadre de ses fonctions, en contact avec le public, l’agent de
l’État évite toute parole, toute attitude, toute présentation qui pourraient être de nature à
ébranler la confiance du public en sa totale neutralité, en sa compétence ou en sa dignité.

Les usagers du service public sont donc en droit d’attendre des agents de l’Etat qu’ils
respectent scrupuleusement le principe de neutralité dans la gestion de leurs dossiers et on
peut se demander si l’apparence d’un agent en ce qu’il peut refléter comme part de son
identité culturel peut être de nature à ébranler la confiance de l’usager. Et, on peut se
demander comment s’équilibre cette exigence de neutralité et le droit fondamental à la liberté
d’expression et à la liberté religieuse des agents?

1er question : Est-ce que cette neutralité concerne l’apparence extérieure ? Tournons-nous
vers le Conseil d’Etat. Dans un article 5 d’une proposition de loi du 6 novembre 2007, des
parlementaires dont M. Mahoux, M. Galland, Madame Defraigne, Madame Zrihen et autres,
visent à appliquer la séparation de l'État et des organisations et communautés religieuses et
philosophiques non confessionnelles comme suit: « Les agents des pouvoirs publics
s'abstiennent, dans l'exercice de leurs fonctions, d'une quelconque manifestation extérieure de
toute forme d'expression philosophique, religieuse, communautaire ou partisane. »

Cette proposition va dans le sens de la neutralité exclusive qui « prône l’absence de tout signe
religieux pour tous les agents travaillant dans la fonction publique au nom de cette neutralité
(...) Aucune dérogation n’est admissible, même pour les agents qui n’ont aucun contact, ne
serait-ce que visuel, avec le public. »9

Le Conseil d’Etat dans son avis nº 44.521/AG DU 20 mai 2008 concernant la proposition de
cet article 5 répond que : « Compte tenu de la jurisprudence de la Cour européenne des droits
de l'homme rappelée ci-dessus, dont il ressort qu'une évaluation in concreto est requise pour
9
Rapport de la commission du dialogue interculturel, p. 117
4
pouvoir apprécier s'il existe un besoin social impérieux, d'une part, et si la restriction est
proportionnée au but poursuivi, d'autre part, il apparaît au Conseil d'État que les auteurs de la
proposition ne justifient pas suffisamment le champ d'application très général de l'article 5.
Notamment, les développements ne contiennent pas de justification suffisante de l'obligation
qui est faite à tout agent des pouvoirs publics d'observer une même neutralité stricte dans son
apparence extérieure, quelle que soit la nature de sa fonction et indépendamment de la
circonstance que cette fonction soit exercée en contact ou non avec le public. Compte tenu
du principe de proportionnalité, cette justification s'impose d'autant plus que
l'obligation inscrite à l'article 5 peut conduire à l'exclusion de citoyens de la fonction
publique pour le seul motif qu'ils exercent un droit fondamental, sans qu'il ne soit
démontré adéquatement que cet exercice représente un danger pour la sécurité publique,
[...] la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou [...] la protection des
droits et libertés d'autrui (article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de
l'homme) ou pour la sécurité nationale, [...] la sûreté publique, [...] la défense de l'ordre et [...]
la prévention du crime, [...] la protection de la santé ou de la morale, [...] la protection de la
réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles
ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire (article 10, paragraphe 2, de
la Convention européenne des droits de l'homme).

Explications :

Appréciation in concreto et non in abstracto. En d'autres mots, il résulte de la jurisprudence de


la Cour européenne que, même si un certain rôle est reconnu au « décideur national en la
matière, il ne s'agit pas d'une appréciation in abstracto, mais bien d'une appréciation in
concreto, à l'occasion de laquelle il faut tenir compte des circonstances particulières dans
lesquelles l'interdiction du port du voile a été édictée, telles par exemple, la fonction à laquelle
s'applique l'interdiction et le contexte constitutionnel, politique et religieux de la société dans
laquelle elle est mise en œuvre. »

→ Jurisprudence Dahlab.

C'est ainsi que, dans sa décision du 15 février 2001, dans l'affaire Dahlab c. Suisse, la Cour a
dû connaître d'une interdiction imposée à une institutrice de l'enseignement fondamental de
porter le voile à l'école. En instaurant cette interdiction, l'autorité entendait maintenir la
neutralité philosophique de l'école, ainsi que les droits des enfants et de leurs parents.

La Cour a exposé: « Partant, mettant en balance le droit de l'instituteur de manifester sa


religion et la protection de l'élève à travers la sauvegarde de la paix religieuse, la Cour estime
que dans les circonstances données et vu surtout le bas âge des enfants dont la requérante
avait la charge en tant que représentante de l'État, les autorités genevoises n'ont pas outrepassé
leur marge d'appréciation et que donc la mesure qu'elles ont prise n'était pas déraisonnable. »

→ jugement a contrario

Plus récemment, dans un arrêt du 2 juillet 200910, le Conseil d'Etat de Belgique a statué sur
une “affaire de foulard” concernant une enseignante du cours philosophique de religion
islamique et de la morale inspirée par cette religion. Une école, invoquant son règlement
scolaire qui avait tranché explicitement pour une prohibition générale du port de tous signes
religieux, y compris aux professeurs de religion, sauf dans leur propre classe, a licencié une
professeur temporaire de religion islamique en raison de son refus d'ôter le foulard dans les
couloirs de l'établissement.
10
http://belgianlawreligion.unblog.fr/2009/07/ (blog cDR)
5

L'enjeu de l'affaire tournait autour de l'interprétation globale de la “Déclaration de neutralité


de l'enseignement” en vigueur en Flandre. Pour l'école en cause, cette Déclaration doit être
interprétée comme interdisant implicitement mais sûrement le port de tout signe religieux.
Pour l'enseignante, cette même Déclaration doit être interprétée comme autorisant le port du
foulard, à certaines conditions et selon certaines modalités prévues par la Déclaration,
notamment en matière de révélation de leurs convictions par les enseignants.

Le Conseil d'Etat relève que la Déclaration de neutralité prévoit que “l'enseignement


communautaire doit favoriser de façon spontanée et naturelle la compréhension entre les
personnes dont les opinions philosophiques et sociales divergent”. Plus encore, la Déclaration
de neutralité énonce que “Dans les relations avec les élèves et les étudiants, celles et ceux qui
sont chargés de leur encadrement pédagogique ne se déroberont point aux problèmes relatifs
aux convictions philosophiques, idéologiques et religieuses de l'homme. Si la situation
pédagogique le justifie, il leur est permis de révéler considérément leur engagement
personnel, en ce sens qu'ils s'abstiendront de toute forme d'endoctrinement et/ou de
prosélytisme”.

Pour le Conseil d'Etat, la professeur de religion pouvait raisonnablement estimer que cette
autorisation de révélation lui assurait le droit de porter un foulard. Aucune preuve de
prosélytisme ni d'endoctrinement n'était apportée par l'école. Le fait que le foulard soit porté
de façon permanente ne contrarie pas une telle interprétation de la Déclaration de neutralité,
d'autant que le règlement scolaire autorise précisément le port de signes religieux dans la
classe de religion.

Il est certain que la reconnaissance d'un culte en Belgique n'emporte pas la légitimation de
toutes ses normes, us et coutumes. Mais il convient tout aussi sûrement de conserver un effet
utile minimal à cette reconnaissance actée à l'article 24 de la Constitution en matière
d'enseignement. Il reste que l'arrêt du 2 juillet rappelle que tout ne se décide pas n'importe où
ni n'importe comment. Le droit demeure un lieu privilégié de la contrainte argumentative :
l’obligation de motivation et la garantie des droits de la défense permettent de mener une vie
rude aux arguments trop faciles ou en tout cas donnent à voir les faux-semblants de certaines
positions. (in concreto)

Le Comité des Droits de l’Enfant des Nations Unies a considéré pour sa part, dans ses
“concluding observations”de l’année 2004 sur le rapport de l’Allemagne, que l’exclusion des
professeurs de l’école publique en raison du port du foulard ne contribue pas à la
compréhension par l’enfant du droit à la liberté de religion et au développement d’une attitude
de tolérance, tels que définis à l’article 29 de la Convention des Droits de l’Enfant. Cet article
prévoit les lignes directrices de l’éducation de l’enfant : l’épanouissement de la personnalité
de l’enfant, l’enseignement du respect des droits de l’Homme, la promotion du respect de son
identité, de sa langue, de ses valeurs culturelles ainsi que des valeurs nationales du pays dans
lequel il vit.11

Lors d’une journée d’étude12 sur « le droit belge face à la diversité culturelle – Quel modèle
de gestion de la pluralité » du 6 novembre 2009, organisée à Louvain-La-Neuve par l’UCL,
une centaine de spécialistes en sciences juridiques, des sociologues et philosophes se sont
réunis pour débattre notamment des principes fondamentaux de diversité, neutralité et
minorités (linguistiques, culturels, religieux) en droit belge.

11
Rapport de la commission du dialogue interculturel.
12
http://parlemento.wordpress.com/2009/11/16/le-droit-belge-face-a-la-diversite-culturelle/
6
A cette occasion, Monsieur Sébastien van Drooghenbroeck, professeur de droit aux Facultés
universitaires Saint-Louis, revient sur le modèle belge et rappelle que « traditionnellement le
droit public belge s’est concentré avant tout sur la question de l’égalité sans se soucier des
apparences ou de la virginité des apparences » car « ce qui compte avant tout, ce sont les actes
» pas les apparences.

Pour illustrer ce pragmatisme belge qu’il qualifie de « réalisme confiant », le professeur cite
un récent arrêt de la Cour constitutionnelle belge du 13/10/09 dans une affaire où le Vlaams
Belang (parti flamand d’extrême droite) avait demandé la récusation de certains juges en
raison de leur appartenance académique, politique, philosophique, religieuse supposées ainsi
qu’une mesure d’instruction visant à déterminer qui parmi les 12 juges étaient éventuellement
d’obédience maçonnique. En plus de l’exigence de neutralité des actions du service public,
une autre exigence émerge, celle de l’absence d’affiliation affichée de la part des entités
collectives ou agents individuels du service public vis-à-vis d’un courant de pensée
quelconque. « Ici la neutralité ne se réduit plus à un simple impératif d’égalité des usagers
devant le service public mais elle exige en plus la virginité des apparences des prestataires du
service public ».

Dans son arrêt, la Cour rejette en bloc les demandes de récusation et déclare la mesure
d’instruction non recevable en rappelant que « les juges sont, comme tout le monde, des
titulaires de droits et libertés » et que ces libertés leur permettent d’avoir des sympathies pour
l’un ou l’autre courant politique ou philosophique. Mieux encore, « l’existence de telles
sympathies, même lorsqu’elles sont notoires et non contestées, ne suffit pas à compromettre
l’impartialité de celui qui les éprouvent (…) car la Cour part du principe que le juge fera
primer son serment de magistrat sur une quelconque autre obligation sociale. Enfin, le
summum des arguments, la Cour estime que la tyrannie des apparences, si elle conduit à des
récusations tous azimuts, mettra en péril le fonctionnement de la Cour qui rappelle que le
législateur spécial a voulu que la Cour soit composée de manière équilibrée car un tel
équilibre constitue une garantie d’impartialité ».

Et Monsieur van Drooghenbroeck de noter « l’étrange retournement du raisonnement car non


seulement les apparences individuelles ne compromettent pas la partialité personnelle de
celui qu’elles affectent mais en plus lorsqu’elles sont savamment dosées elles renforcent
l’impartialité collective de l’institution ».

C’est ce qui caractérise le pragmatisme ou le réalisme confiant du droit public belge qui
ne voit pas le mal avant qu’il ne se soit produit.

Mais des voix contestent cette approche de la neutralité qui se limite aux actes et pas aux
apparences en la jugeant insuffisante. Pour ce courant, l’usager du service public doit être
protégé non seulement contre la discrimination effective mais aussi contre la crainte d’être
discriminé.

Une exigence de base de la fonction publique formule que chaque fonctionnaire doit pouvoir
dépasser sa propre subjectivité et postule qu’il en est capable, jusqu’à la preuve du contraire.
Préjuger abstraitement de la menace que représente toute personne qui fait le choix d’une
tenue vestimentaire à caractère religieux contrevient à l’obligation de prouver le dit délit :
C’est un discours qui manque de neutralité quand il en fait la leçon

Cette idée popularisée par l’actuel bourgmestre d’Anvers Patrick Janssens (SP.A, parti
socialiste flamand) a été reprise par d’autres communes flamandes et francophones
débouchant à des nombreuses adaptations aux statuts administratifs des agents communaux
7
sous forme d’un chapitre relatif au « dress-code » (code de l’habillement). Un deuxième écho
à cette idée est visible dans une proposition de révision de l’article 10 de la Constitution
déposée par des députés MR pour ajouter à l’impératif d’égalité un impératif d’impartialité de
la fonction publique et des personnes exerçant un tel service. Un troisième écho se trouve
dans une proposition de loi déposée au Sénat par Phillipe Mahoux (PS) et consorts qui vise à
appliquer la séparation de l’Etat et des organisations communautaires, religieuses et
philosophiques non confessionnelles. Cette proposition de loi vise à « neutraliser les
bâtiments publics » mais aussi les « apparences de tous les agents publics dans tous les
services publics ».

2ème question : L’impératif de neutralité et l’impératif d’interdiction de la discrimination


indirecte

Comme on l’a fait remarqué ci-dessus, les principes d’égalité et de non-discrimination sont
liés. En effet, l’impératif de neutralité peut entrer en conflit avec l’impératif d’interdiction de
la discrimination indirecte. La définition de la « discrimination indirecte » s’articule autour de
deux éléments : l’apparente neutralité de la mesure ou du comportement (1) et ses effets
inégalitaires (2) sans qu’officiellement la motive dans son libellé une intention
discriminatoire.

C’est pourquoi Taylor et Bouchard : « En interdisant le port de tout signe religieux dans la
fonction publique, nous empêcherions les fidèles de certaines religions d’y faire carrière, ce
qui (…) compliquerait grandement la tâche de bâtir une fonction publique à l’image de la
population du Québec, qui est de plus en plus diversifiée. On porterait alors atteinte aussi à
l’égalité entre les citoyens. »13

L’emploi public occupant une place importante dans le marché du travail belge.

« Le citoyen n’est jamais neutre. » Or, il semble qu’à l’heure actuelle, le principe de
neutralité tend à se construire en tant qu’argument politique visant à rejeter toutes formes
d’expression d’identités culturelles et religieuses « autres ». Il est développé par des acteurs
incapables de percevoir les marques concrètes de leur propre religiosité (même passée). En ce
sens, il revient à considérer que seuls les « autres » sont ethniques au sens de porteurs de
signes culturels et religieux. Cette question de la neutralité de l’espace public interroge la
capacité de l’identité nationale à intégrer des éléments nouveaux à sa définition. Elle implique
que soit pris en considération le fait que les demandes de reconnaissance et de légitimation de
l’identité musulmane dans l’espace public sont effectuées par des citoyens belges dont la
religion musulmane fait désormais partie intégrante de leur identité et qu’elle doit donc
pouvoir, à ce titre, bénéficier d’un droit de cité dans l’espace urbain.

Marie-Claire Foblets (professeur à la Katholieke Universiteit Leuven) constate un « regain


d’intérêt pour la pluralité et la diversité de nos sociétés » malgré la « défaillance des outils
pour gérer cette diversité ». La spécialiste note qu’un « nombre croissants de personnes
éprouvent de sérieuses difficultés à s’identifier à nos institutions publiques. Cette difficulté est
difficile à vivre et si elle n’est pas prise au sérieux, elle risque de mettre en péril la cohésion
sociale ».14

13
Gérard Bouchard, Charles Taylor, Rapport abrégé, Bibliothèque et archives nationales du Québec, 2008, p.49.
14
http://parlemento.wordpress.com/2009/11/16/le-droit-belge-face-a-la-diversite-culturelle/

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