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DE L'APRES 1968.
LA GREVE AUX ETABLISSEMENTS PARISS.A. (NANTES).
FEVRIER AVRIL 1972.
Documents rassemblés, chronologie et textes écrits fin 1973
par Richard RUFFEL,
ouvrier "établi" licencié de l'usine pour faits de grève.
1
En mémoire de
DEDE SINOU,
établi aux
Etablissements Paris,
licencié à la
fin de la grève de 1972.
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3
SOMMAIRE.
PREAMBULES……………………………………………………………………… p. 5
LA SITUATION AVANT LA GREVE.
CAUSES EXTERNES ET INTERNES DE LA LUTTE.
A. Analyse de classe de l'usine. ………………………………………………………p. 9
1. L'unité de production PARISS.A..
2. La direction de l'entreprise, la maîtrise, les cadre
3. Les bureaux.
4. Les chantiers extérieurs.
5. Les ateliers.
B. Causes externes de la grève. ……………………………………………………….p. 14
1. La dégradation de la situation économique
des travailleurs en France.
2. La montée des luttes en France et dans l'Ouest.
C. Causes internes de la grève. …………………………………………………….. p. 16
1. L'intransigeance patronale de J. Paris
2. L'unité syndicale.
3. Le début d'émergence d'une gauche ouvrière
4. La surestimation de nos forces par le patron et par les syndicats.
5. La spontanéité révolutionnaire de masse.
D. PARISS.A. n'est pas un cas particulier. ……………………………………… p. 22
CHRONOLOGIE DE L'ACTION. ………………………………………………… p. 23
1. Avant l'occupation.
4
2. L'occupation
3. L'organisation de la grève
4. La grève devient active
5. Le début de la fin
LA CONSTITUTION D'UNE FORCE REACTIONNAIRE PUISSANTE.
A. Composition du CDLT. ……………………………………………………………p. 59
1. Les organisateurs.
2. La base de masse.
B. Objectifs, thèmes et variations. ………………………………………………… p. 60
1. Les différents objectifs catégoriels des membres du CDLT.
2.La tactique de consolidation et de légitimation du CDLT.
3. Radicalisation et politisation.
C. Le rôle déterminant du CDLT dans la victoire patronale. ……………………..p. 64
1. Un rôle de porteparole de la Direction.
2. Une opération de "brouillage".
3. Les tentatives d'intimidation des grévistes.
4. Le coup de force à l'Inspection du Travail.
D. Après la grève, la transformation du CDLT en SAP. …………………………..p. 66
BRIBES DE CONCLUSION. ………………………………………………………..p. 67
ANNEXES:
° Tracts intersyndicaux CFDTCGT PARISS.A.
° Tracts du Comité de Soutien aux grévistes.
° Divers tracts de soutien.
5
° Coupures de presse.
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PREALABLES.
Trente ans après, estce trop tard ?
Un certain nombre de jeunes nés approximativement à l'époque de cette lutte,
ayant incidemment lu le manuscrit que j'avais rédigé au sortir de la grève, ont fortement in
sisté pour que soit conservé et diffusé ce moment d'histoire ouvrière. Face à mes réticences,
ils ont utilisé deux arguments : le "devoir de mémoire" et l'utilité pour le présent des expé
riences passées.
Ils ont insisté. J'ai cédé.
Eléments biographiques pour régler son compte à une contrevérité.
"…Les maoïstes…produits du capitalisme …viennent à la fin de leurs études "tester la masse
ouvrière"…et puis un beau matin, ils repartent comme ils sont venus ; la révolution a cessé de
les amuser ; ils ressortent leurs diplômes, acceptent des postes à responsabilité, touchent les
salaires correspondants…"
(Comité de Défense de la Liberté du Travail de PARISS.A., le 5 avril 1972.)
" Ces faux révolutionnaires doivent être énergiquement démasqués car objectivement ils
servent les intérêts du pouvoir gaulliste et des grands monopoles capitalistes."
( Georges Marchais, Secrétaire Général du Parti Communiste Français ; l'Humanité du 3 mai
1968.)
Dédé Sinou et moi, les deux "maoïstes" "établis" chez PARISS.A. avons été
licenciés durant la grève et inculpés sur plainte de la Direction.
Dédé, rêves trop intenses brisés, s'est suicidé trois ans après la fin de cette
grève.
Quant à moi, bien qu'inscrit sur les "listes noires" du patronat de Bretagne, des
industries automobiles et ferroviaires (comme on me l'a fait clairement comprendre pendant
ma recherche d'embauche), j'ai continué à travailler dans la métallurgie dans d'autres régions
jusqu'en 1981. (Qu'on se rassure, cette date n'est qu'une coïncidence et je n'ai pas quitté l'usine
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pour mettre mes diplômes et mes compétences au service d'un cabinet quelconque du Gouver
nement d'Union de la "Gauche"… ! )
J'ai ainsi pu connaître une nouvelle fois le bonheur de participer très activement à une grève
de six semaines (occupation, séquestration du Directeur, blocage de routes et de voies
ferrées…) dans une grosse entreprise, en tant que maoïste et délégué du personnel CGT cette
fois.
Depuis j'ai milité passionnément dans diverses associations (et contribué entre autres à la dé
faite électorale du députémaire RPR d'une ville moyenne).
J'ai créé et animé bénévolement et à temps plein durant cinq ans un Collectif de chômeurs
adhérent du mouvement "Agir ensemble contre le chômage" (A.C. !) (Durant ce temps, ma fa
mille n'a vécu que du salaire de ma femme, enseignante et militante elle aussi, et non pas
grâce à des subsides des Renseignements Généraux ou du MEDEF).
J'ai participé avec jouissance, avec ma famille et de nouveaux copains, chômeurs ou pas, au
"Juppéthon" de Décembre 95, aux luttes des sanspapiers et des sanslogis, ainsi bien sûr
qu'aux combats antimondialistes récents.
Les mauvaises fées de mauvaise foi avaient tort.
Notre sort a été de meilleure qualité que ceux qu'elles lançaient alors.
J'ajoute que quasiment tous et toutes les militant(e)s que j'ai connu(e)s intime
ment restent encore fidèles à leurs engagements de jeunesse, même si aujourd'hui nous avons
souvent le sentiment que nos actions sont réduites à celles des Shadoks : pomper, pomper
pour éviter que le niveau de l'eau putride du capitalisme monte !
Un récit sans noms.
Tout le monde remarquera que je ne cite nommément aucun des protagonistes
de cette lutte (à part évidemment le patron de l'entreprise).
Dans la mesure où cette chronologie et ce bilan devaient paraître quelques mois après la grève
dans une revue publique (ce qui finalement n'a pas pu se faire), il s'agissait d'une précaution
justifiée (j'ai pu le constater par moimême) contre des représailles patronales et policières.
Cela reste peutêtre encore nécessaire pour certains. Pour diverses raisons, d'autres pourraient
préférer ne pas être cités, et de toutes façons je ne suis pas maintenant capable de les retrou
ver.
Horaires et mensuels.
Ces termes apparaissent en permanence au cours des pages qui suivent.
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A l'époque les ouvriers étaient rémunérés à l'heure et touchaient leur paie toutes les semaines,
puis un peu plus tard toutes les quinzaines. Le mot utilisé pour les désigner, quel que soit leur
degré de qualification, était celui d'"horaires".
Par contre l'ensemble du personnel travaillant dans les bureaux (cadres, techniciens, secré
taires…) recevait son salaire en fin de mois, était donc "mensualisé".
Des paysans pas ordinaires
Le soutien de certains agriculteurs aux travailleurs de chez PARISS.A. a été
d'autant plus facile et naturel que le petit groupe maoïste local, issu de la Gauche Proléta
rienne, dont Dédé Sinou et moi faisions partie avait travaillé chez eux les précédents étés et
avait ainsi noué des liens personnels et idéologiques profonds avec ceuxci. Ces agriculteurs,
en compagnie d'autres, avaient commencé à cristalliser un courant de gauche dans les
structures syndicales agricoles, particulièrement en Bretagne, et créé, avec Bernard Lambert
notamment, l'organisation "Paysans en lutte" qui s'est transformée en "Paysans Travailleurs",
ancêtre de l'actuelle "Confédération Paysanne".
L'intervention des camarades paysans a été exemplaire.
Ils ont apporté un soutien matériel efficace aux grévistes (en vendant au prix de production les
produits de la ferme) et donné un contenu politique clair et mobilisateur à ce soutien. (Ils ont
distribué en même temps que leurs produits un tract expliquant la communauté d'intérêts entre
ouvriers et paysans, justifiant politiquement la solidarité nécessaire entre eux pour vaincre
leur ennemi commun le capitalisme ; ils ont entraîné le maximum de gars possible pour récol
ter les produits destinés aux grévistes afin de leur faire connaître concrètement leurs condi
tions de travail ; ils ont eu des discussions individuelles avec les ouvriers sur les formes de
lutte et d'organisation ; ils ont réclamé la réciprocité de la solidarité ouvrierspaysans en de
mandant une participation des grévistes à une de leurs actions : l'arrestation d'un camion de
lait dans leur lutte contre la dictature des grosses coopératives agricoles ; …)
Notre groupe local avait également "établi" quelques un(e)s d'entre nous dans d'autres entre
prises nantaises, effectué un travail de proximité et de sensibilisation dans certains quartiers,
et d'action dans les Facs. Ceci a également joué subsidiairement une légère influence sur ce
conflit.
Des ouvriers de la Gauche Prolétarienne à Nantes et SaintNazaire.
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Depuis 1968, plusieurs ouvriers des Ateliers et Chantiers de Bretagne, des Ba
tignolles, de Brissonneau et Lotz, de Dubigeon ainsi que des Chantiers de l'Atlantique avaient
rejoint la Gauche Prolétarienne et parfois créé des Comités de Lutte dans leurs entreprises.
Estce en raison de leur faiblesse ou à cause de dissensions antérieures avec
notre groupe, toujours estil qu'ils n'ont pratiquement pas pesé dans le soutien à la grève de
chez PARISS.A.
Des organisations révolutionnaires aux portes de l'usine.
La Ligue Communiste Révolutionnaire, le Prolétaire Ligne Rouge, Révolu
tion, La Gauche Prolétarienne ont diffusé des tracts auprès des grévistes et/ou publié des ar
ticles dans leurs journaux respectifs.
Je n'ai pas adjoint ces documents en annexe, non pas en raison d'un sectarisme
qui m'est depuis longtemps étranger, mais parce qu'ils ne reflétaient qu'un point de vue exté
rieur à un conflit dont ils n'étaient pas partie prenante.
Cependant les militants principalement étudiants qui se sont mobilisés dans le
Comité de Soutien à la grève de chez PARISS.A. ont, surtout les premiers temps, renforcé la
détermination des grévistes par le soutien "moral" (politique) et matériel qu'ils leurs appor
taient. Mais surtout, ils ont élargi, enrichi la lutte en montrant, autant par leur présence que
par ce qu'ils disaient, qu'elle ne constituait pas un phénomène isolé opposant dans un champ
clos les ouvriers de PARISS.A. et le patron de la boite, mais qu'au contraire elle faisait partie
d'un combat général mené un peu partout par les différentes couches populaires contre un en
nemi commun, la bourgeoisie.
Hommage malgré tout au délégué syndical CGT de chez PARISS.A.
Ayant vécu en tant que délégué CGT, lors d'une grève similaire quelques années plus tard, les
pressions constantes, insupportables sinon violentes des instances syndicales supérieures
(Union Locale, Union Départementale) visant à modérer les formes de lutte puis à mettre fin
au conflit, je salue ici et maintenant le courage du délégué syndical de ParisS.A. pris en te
naille entre une "base" dont nous entretenions la combativité et une hiérarchie syndicale exté
rieure à l'entreprise de plus en plus hostile au contenu des revendications, aux formes prises
par la lutte, et enfin à notre présence dans l'entreprise.
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Non rien de rien, non je ne regrette rien !
La chaleur de la classe ouvrière (et toutes autres qualités que je ne peux énu
mérer dans ce cadre) ont été une source constante de joies durant les douze années que j'ai
passées en usine.
La valeur humaine et intellectuelle de très nombreux travailleurs que j'y ai
rencontrés m'a toujours "dopé".
Les principes théoriques du maoïsme (je ne parle pas là de certains aspects
condamnables du communisme réel chinois ni de la personnalité hors du commun mais en
même temps critiquable de MaoTséToung) m'ont servi en toutes circonstances et me
paraissent encore utiles aujourd'hui.
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LA SITUATION AVANT LA GREVE.
CAUSES EXTERNES ET INTERNES DE LA LUTTE.
A. ANALYSE DE CLASSE DE L'USINE.
1. L'unité de production PARISS.A..
C'est une vieille entreprise familiale (créée en 1869 par Joseph Paris), mise en
société anonyme après la guerre.
Principaux actionnaires : La famille Paris (possédant deux châteaux au bord de l'Erdre, cibles
en 1971 d'une manifestation de plusieurs milliers de personnes voulant reconquérir le droit de
passage coutumier au bord de l'eau pour les loisirs familiaux), la famille Lory et la famille
Tardy (actionnaire puissant de plusieurs entreprises dans la région nantaise).
C'est la première entreprise régionale pour la production d'appareils de levage
(ponts roulants, portiques, grues) et une des plus importante pour la production de charpentes
métalliques (ponts, bâtiments industriels, pylônes…).
Elle se classe parmi les 10 entreprises les plus importantes de Nantes.
Les méthodes de production sont relativement archaïques (pas de chaîne, pas
de cadences, vieux bâtiments obscurs, vieilles machines…).
L'entreprise emploie environ 700 personnes :
340 ouvriers dans les ateliers de l'usine de Nantes.
120 monteurs dispersés sur des chantiers aux quatre coins de la France
20 chefs monteurs sur ces chantiers.
20 agents de maîtrise dans les ateliers.
150 mensuels employés dans les bureaux (techniciens, dessinateurs, traceurs, dactylos, comp
tables…)
60 cadres (ingénieurs…)
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L'entreprise adhère à la Chambre Patronale des Charpentes Métalliques, et non
à la Chambre Patronale de la Métallurgie, pour deux raisons : son importance dans cette
branche lui permet de présider la Chambre des Charpentes Métalliques, d'autre part cela lui
permet de refuser de s'aligner sur les salaires accordés généralement dans la métallurgie nan
taise.
2. La direction de l'entreprise, la maîtrise, les cadres.
Le directeur général est Jacques Paris, petitfils du fondateur.
C'est un portrait de "capitaine d'industrie" du XIX° siècle descendu de son cadre avec ses
rêves moyenâgeux, dur avec ses ouvriers comme avec les paysans qui cultivent ses terres, in
transigeant dans les discussions avec les syndicats. C'est un patron de combat, décidé à mater
plutôt qu'à endormir toute contestation. Il n'hésitera pas à faire le coup de poing à la tête de
ses troupes pendant la grève. C'est lui qui donne son empreinte à la direction de la boite. C'est
l'ennemi principal.
La maîtrise : la plupart des chefs ont été formés par l'entreprise, recrutés parmi
les traceurs ou même parmi les ouvriers. Ils ont principalement un rôle administratif et de sur
veillancerépression ; plusieurs d'entre eux n'ont pas de compétences techniques très élevées.
Sauf exception, ils sont les exécutants fidèles du patron. La plupart sont organisés dans une
section syndicale C.G.C. dont le représentant s'était signalé, quelques années auparavant en
cognant sur un ouvrier. Objectivement, c'est bien la police du patron.
Les cadres : bien payés pour la région (surtout au vu du niveau de leurs di
plômes), ils n'ont aucun intérêt à remettre en cause la direction de l'entreprise. D'autre part
leur fonction est plus technique et moins répressive que celle de la maîtrise des ateliers. On les
voit peu dans les ateliers, et les rapports entre cadres et employés sont plus feutrés que ceux
qui existent entre chefs et ouvriers.
Objectivement leur intérêt les place au côté de la direction.
3. Les bureaux.
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Malgré l'hétérogénéité des fonctions et des salaires, ils forment un tout bien
distinct des ateliers. La direction a d'ailleurs grand soin de séparer ces deux milieux. Un
exemple : les heures d'embauche et de débauche des employés sont différentes de celles des
ouvriers.
Le personnel des bureaux se répartit grossièrement en deux services : le service
administratif (comptabilité, bureau du personnel, dactylos…) et les bureaux d'études (dessina
teurs, techniciens, …).
Si l'on exclut les cadres, globalement la situation économique des employés de bureaux com
porte deux aspects :
d'une part, en comparaison avec le reste de la métallurgie nantaise, ils sont moins souspayés
que les ouvriers.
d'autre part, la quasitotalité d'entre eux reçoit un salaire supérieur à celui d'un ouvrier pro
fessionnel hautement qualifié et bénéficiant de primes d'ancienneté.
La principale distinction entre le personnel des bureaux et les ouvriers tient à
la place différente qu'ils occupent les uns et les autres dans le processus de production. Dans
la hiérarchie capitaliste, le sommet est occupé par les travailleurs intellectuels et le fond par
les travailleurs manuels.
Les employés des bureaux sont des "semiintellectuels". Ils pensent que l'accès aux sommets
leur est ouvert.
Généralement ils redoutent et méprisent le travail manuel (encore tout proche d'eux) d'une
part, et d'autre part, ils sont soumis à la concurrence pour l'ascension sociale. Leur idéologie
est principalement individualiste.
Ils ont donc des intérêts du même ordre que celui des ouvriers (des salaires tout
de même médiocres, un travail qu'ils ne maîtrisent pas, une soumission à la hiérarchie de
l'entreprise), et en même temps l'illusion qu'ils ont intérêt au maintien de la hiérarchie capita
liste, au maintien du statu quo.
Chez PARISS.A., la contradiction ouvriers employés ("mensuels") est aggra
vée par les manœuvres de la direction (horaires différents, refus de laisser les employés
descendre dans les ateliers, augmentations de salaires automatiques, sans que les employés
aient à bouger le petit doigt, après chaque lutte ouvrière…), et par l'attitude des syndicats. La
CFDT, seule représentée dans les bureaux n'a que très rarement informé les bureaux sur les
luttes menées dans les ateliers et a encore moins appelé les employés à s'y joindre. Elle n'avait
pas, avant 72, cherché à mener des luttes remettant en cause la hiérarchie.
Chez PARISS.A., les employés n'avaient aucun passé de lutte, rien qui puisse les préparer à
rejoindre massivement la grève en 1972.
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4. Les chantiers extérieurs.
PARISS.A.. emploie près de 150 monteurs et chefs monteurs qui, un peu par
tout en France, assemblent les pièces réalisées dans les ateliers de Nantes.
Ces monteurs n'ont aucun lien avec l'usine de Nantes, n'ont aucune tradition
de lutte commune avec les gars des ateliers. Leurs salaires ne semblent pas tributaires de l'é
volution de ceux des compagnons de Nantes. Ils sont en outre marqués par un certain esprit de
caste.
Toutes ces raisons font qu'ils ne se sentiront pas, pour la plupart, solidaires des
grévistes de Nantes, dont ils ne connaîtront la lutte que lorsque l'arrêt de la production dans
les ateliers les aura mis en chômage technique (contradiction supplémentaire). Et même à ce
momentlà, ils n'auront comme informations, le plus souvent, que celles que leur donneront
leurs chefs de chantier.
5. Les ateliers.
Les conditions de travail et de salaires sont moins bonnes chez PARISS.A.
que dans les principales usines de la métallurgie nantaise (Batignolles, Chantiers navals,
SNIAS, Dubigeon, Carnaud, …). Un objectif permanent des syndicats est d'ailleurs le rattra
page sur la métallurgie nantaise (où les salaires sont déjà largement inférieurs à ceux pratiqués
dans la région parisienne). Un certain nombre d'anciens sont sensibles au fait que, comme par
tout, le rythme de travail s'est considérablement accru depuis 1015 ans
Autre aspect des conditions de travail, la proportion des O. S. par rapport aux
O.P. est supérieure à la moyenne de la métallurgie nantaise. Une grande partie du travail ne
requiert pas de très hautes qualifications, c'est vrai, mais la direction fait aussi tout ce qu'elle
peut pour limiter le nombre de ses professionnels. La majeure partie des OP est constituée de
P1. Il n'y a qu'un seul P3 dans l'usine. "C'est une boite d'O.S., ici" disent souvent les gars. La
division OS/professionnels est pratiquement inexistante dans les rapports entre ouvriers.
Beaucoup d'ouvriers sont âgés, liés à l'usine par leur ancienneté. Depuis
quelques années, la boite s'est cependant rajeunie, la direction essayant d'assurer la relève des
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anciens. La plupart des nouveaux embauchés ne font que passer (en moyenne 10 à 20 départs
par mois), dégoûtée par le niveau des salaires et la difficulté à faire reconnaître la qualifica
tion du travail fourni.
Pourtant, peu à peu, un certain nombre de jeunes se sont stabilisés dans la boite, poussés par
le chômage grandissant dans la région et par les avantages que la direction s'est résignée à
leur accorder (augmentation individuelle de salaire, passage à la catégorie P1…)
Le niveau de conscience politique est très bas généralement, par contre la
conscience de classe est élevée, comme dans la plupart des vieilles villes industrielles.
Le passé de lutte de l'usine est peu exaltant. La participation aux grands mou
vements d'ensemble de la région (1955,1968) ne leur a rapporté que des avantages minimes
(surtout en 68). Une grève de huit jours, propre à PARISS.A., en 1966 s'est soldée par un
échec total. Deux sentiments dominent : le manque de confiance dans l'efficacité des luttes, et
surtout la conscience d'être "en marge" de l'industrie principale à Nantes, la métallurgie. Les
gars de chez PARISS.A. se sentent à la fois faibles parce que moins nombreux que dans les
grandes usines de Nantes (Batignolles, Chantiers navals…), et faibles parce qu'ignorés des
grandes entreprises. "Quand ils sont en grève, on manifeste pour eux, mais quand nous faisons
quelque chose, ils ne bougent pas !"
Les syndicats à la fois reflètent ce sentiment de découragement (ils en sont
euxmêmes imprégnés) et l'aggravent en s'en servant comme argument pour ne pas agir. les
délégués s'estiment coincés entre l'autoritarisme du patron et la passivité des ouvriers et n'en
visagent aucune solution pour transformer la situation. "Les gars ne veulent rien faire, tu sais
comment ils sont ! Alors qu'estce que tu veux qu'on fasse…". Ou bien, après avoir engagé
une action foireuse, sur un thème foireux, qui n'entraîne pas la masse des ouvriers (fin 71), ils
engueulent les gars sans chercher à connaître leurs raisons.
Les syndicats combinent dans leur esprit le mépris des masses (Cf. plus haut ) et la peur des
masses quand elles bougent (Cf. leur attitude répressive pendant les débrayages tournants de
février 71), avec la crainte du patron (esprit de conciliation dans les négociations).
C'est la révolte contre cette attitude des syndicats dans les débrayages tournants de février 71
qui unit autour des maoïstes embauchés dans l'usine fin 69 un petit groupe d'ouvriers. cela
aboutit à la création d'un journal d'atelier "Le feu aux poudres" diffusé ouvertement sur la
boite par ce groupe d'ouvriers.
Il est incontestable que la présence de deux maoïstes a dynamisé la lutte des
classes dans l'usine. D'une part elle a amené la masse des ouvriers à réfléchir, à se poser un
certain nombre de questions (sans les rallier automatiquement à nous, bien sûr…), d'autre
part, elle a secoué la torpeur des syndicats (qui ont eu peur de se faire "déborder" et en sont
venu à prendre un certain nombre d'initiatives), enfin elle a exercé une influence certaine sur
le groupe large des jeunes ouvriers stabilisés dans la boite. On retrouvera tous ces éléments
dans la grève de 1972.
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Sur ce sujet, il ne faut pas mythifier. Nous n'avons pas transformé radicalement la boite, nous
n'avons pas entraîné les larges masses à nos côtés, les syndicats ont gardé dans la boite le rôle
principal et la confiance de la majorité des ouvriers (surtout des plus âgés.) Mais il ne semble
pas niable que nous avons exercé une influence déterminante (et non principale) sur l'évolu
tion de la lutte des classes dans l'usine.
Point d'information : les syndicats (C.G.T. et C.F.D.T.) se partagent à peu près également les
voix aux élections professionnelles, mais la CFDT exerce le rôle dirigeant dans l'action syndi
cale dans l'usine.
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B. CAUSES EXTERNES DE LA GREVE.
Deux facteurs extérieurs à l'entreprise ont contribué à rendre la situation explo
sive chez Paris en 1972, l'un est économique, l'autre est idéologique.
1. La dégradation de la situation économique des travailleurs
en France.
Depuis 19671968, le ver solitaire de l'inflation prospère allègrement dans le
ventre malade des pays capitalistes. Les statistiques gouvernementales chiffrent l'augmenta
tion des prix entre 6 et 7% par an. Ce qui équivaut à une augmentation réelle de près de 10 %
par an. Les revendications salariales des syndicats qui tournent autour de ce chiffrelà depuis
68 ne font que maintenir le statu quo pour le niveau de vie des travailleurs, alors que dans le
même temps les cadences croissent, la production augmente et que les besoins en biens de
consommation s'accroissent du fait de la nécessité pour l'industrie légère d'écouler une part
de plus en plus grande de sa production sur le marché intérieur.
1971 est l'année de la crise internationale du système monétaire capitaliste,
marquée par l'effondrement du dollar (conséquence de la lutte victorieuse du peuple vietna
mien). La crise de l'impérialisme américain accroît la concurrence intercapitalismes. Les me
sures prises par le gouvernement américain pour protéger son économie hâtent les projets de
construction et de renforcement du marché commun, seul bloc capable (partiellement) de ré
sister à l'intrusion du capitalisme américain en Europe. Le capitalisme français, pour résister à
la concurrence internationale accrue décide de "rentabiliser" son industrie. Cela signifie :
concentrations industrielles (conséquences : chômage) et réduction des coûts de production
(accélération du rythme de travail, "modernisation" des méthodes de production, augmenta
tion des salaires moins élevée que celle des prix).
Durant l'hiver 7172, le Gouvernement et le CNPF déclarent que les hausses de salaire ne de
vront pas dépasser 6% dans l'année 72. Il est normal que dans des régions comme l'Ouest,
soumises au colonialisme intérieur (sousindustrialisées, souspayées), cette atteinte aux
conditions de vie soit ressentie plus durement, et notamment dans les petites entreprises où les
salaires sont encore plus bas qu'ailleurs.
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2. La montée des luttes en France et dans l'Ouest.
Ces raisons économiques, jointes à l'impact idéologique du mouvement de Mai
68, sont la cause d'une agitation sociale ininterrompue depuis 68 en France, et particulière
ment dans les régions défavorisées.
1971 a été l'année la plus perturbée par les grèves depuis 1963 (Cf. Le Monde du 4 avril
1972), 1968 excepté : 4,4 millions d'heures de grève, 4350 grèves, dont plusieurs de très
longue durée et remettant autant en cause la politique des salaires du patronat que l'organisa
tion capitaliste du travail (grève des O.S. de RenaultLe Mans, de MoulinexAlençon par
exemple).
Les régions les plus touchées par ces grèves sont : RhôneAlpes (548.000heures de grève), les
Pays de Loire (394.000 heures d'arrêt de travail) et la région parisienne (320.000 heures).
A Nantes, la grève des Batignolles, en février 1971, a polarisé l'attention de
toute la classe ouvrière de la ville, lui a fait croire pendant 6 semaines qu'une grève générale
allait se déclencher.
En septembre 1971, les 300 ouvrières d'U.G.E.C.O. (usine de confection de vêtements)
mènent pendant 6 semaines un combat exemplaire contre le patron, les "jaunes", et finalement
même contre l'Union Locale C.F.D.T.
Nous avons popularisé ces grèves chez PARISS.A. et avons pris des initiatives autonomes
pour faire soutenir matériellement les ouvrières d'UGECO par les gars de chez PARISS.A..
Toutes ces luttes ont contribué au renouveau de la combativité des ouvriers de
PARISS.A., ont remis à l'ordre du jour l'idée de la grève chez eux.
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C. CAUSES INTERNES DE LA GREVE.
1. L'intransigeance patronale de J. PARIS.
Traditionnellement les salaires sont bas chez PARISS.A. (ils tournent autour
de 100.000 à 110.000 anciens francs pour les OS et les P1 en janvier 72), J. Paris classant les
charpentes métalliques à michemin entre le bâtiment et la métallurgie.
Non content de cela, J. Paris, en bon patron de choc qu'il est, était bien décidé
en janvier 72 (moment de renouvellement de la convention collective de l'entreprise ) à appli
quer scrupuleusement les consignes du CNPF : augmentation des salaires hiérarchisée ne dé
passant pas 6% pour l'année.
L'écart énorme entre ses propositions et les revendications syndicales, son in
transigeance dans la négociation, ont largement contribué à radicaliser les ouvriers de l'entre
prise.
2. L'unité syndicale.
C'est un thème très évocateur (Cf. Juin 36) et très mobilisateur pour la grande
masse des ouvriers.
Pour la première fois chez PARISS.A., les syndicats abordent les négocia
tions sur le renouvellement de la convention collective salariale avec une revendication élabo
rée en commun par les deux syndicats. Ce facteur nouveau a pour conséquence une plus
grande détermination dans les ateliers.
Ce fait est renforcé par l'accord établi entre les syndicats des trois grosses
boites de charpentes métalliques de LoireAtlantique (PARISS.A., Etablissements Vallée,
Etablissement Paimboeuf) pour mener une négociation ensemble.
La principale raison du rapprochement des deux syndicats présents chez PA
RISS.A. est le caractère réformiste de la CGT PARISS.A. Le délégué syndical CGT qui im
primait sa marque à la section est membre du Parti Socialiste et le représente au Conseil
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Municipal de Rezé. c'est donc un socialdémocrate et non un révisionniste, et cela à des réper
cussions multiples (pas d'anti"gauchisme" viscéral et résolu, au contraire une certaine gêne
devant nos arguments ; une pratique syndicale plus irrésolue que dogmatique ; une certaine
distance vis à vis de la ligne définie nationalement par la CGT ; …) Pendant un moment, il y a
quelques années, il s'était demandé avec d'autres délégués de sa section, s'il ne vaudrait pas
mieux pour eux rallier la CFDT.
L'unité syndicale s'est concrétisée principalement de deux façons :
l'établissement d'une revendication commune aux deux syndicats. Cette revendication cor
respondant fidèlement aux schémas définis nationalement par la CFDT dans le domaine des
salaires (salaire de fonction pour lequel on réclame une augmentation hiérarchisée, et salaire
de progrès pour lequel l'augmentation doit être uniforme, la même pour tous). La CGTPA
RISS.A. jetait donc pardessus les moulins la grille unique des salaires de la CGT, et… obte
nait l'approbation des masses (très sensibles à l'aspect uniforme de la revendication).
la formation d'une intersyndicale qui a dirigé de façon unifiée la grève pratiquement du dé
but jusqu'à la fin. Tous les tracts sortis pendant la grève ont été signés à la fois par la section
CGT et par la section CFDT de chez PARISS.A.. Toutes les interventions en assemblée gé
nérale ont été préparées en commun par les deux syndicats.
Cependant, cette unité syndicale n'a jamais enfreint les limites du réformisme
de chacune de ses composantes ; elle n'a en rien transformé la nature des sections CFDT et
CGT de PARISSA. Quelques exemples : la revendication élaborée par les deux syndicats
chez PARISS.A. était une revendication typiquement réformiste, distinguant salaire de fonc
tion et salaire de progrès, ne contestant donc pas l'existence de la hiérarchie capitaliste mais
voulant simplement en limiter les abus. Elle ne représentait aucun progrès par rapport aux sc
hémas nationaux de la CFDT, alors que quelques semaines plus tard les ouvriers de Peugeot
Montbéliard se mettaient en grève pour obtenir une augmentation totalement uniforme (150 F.
par mois pour tous).
Pendant les négociations, les syndicats ont fait preuve du même esprit de
conciliation que celui qui les animait les années précédentes, allant de concessions en conces
sions jusqu'à l'enterrement de leur revendication. On voit mieux l'importance de ce fait depuis
l'exemple de LIP.
L'unité syndicale n'a rien changé non plus aux rapports existant entre les délé
gués et les masses. L'intersyndicale a accaparé la direction de la grève. Pendant la première
semaine d'occupation de l'usine les délégués ont réussi à empêcher toute discussion en assem
blée générale. Ils ont interdit l'affichage d'un journal mural quotidien réalisé par nous et plu
sieurs jeunes de la boite. Etc. Toutes les bribes de démocratie qui ont éclôt pendant la grève
ont été imposées aux délégués par nous et la gauche ouvrière naissante.
De même tout le contenu illégal de la grève a été dicté aux délégués à la fois
par l'intransigeance du camp patronal et par la radicalité de la gauche ouvrière. Ils n'en ont
21
jamais été les principaux artisans. Ils n'ont décidé l'occupation de la boite qu'après la menace
de lockout du patron et l'expression d'une très grande combativité ouvrière. Pendant l'occupa
tion de la boite, ils ont redouté en permanence les dégradations, ont joué un rôle de service
d'ordre et de balayeurs de miettes de pain dans les bureaux. Ils sont toujours restés en retrait
au piquet de grève et au cours des affrontements avec les flics ou avec les jaunes. Il valait
mieux (un délégué ayant voulu s'interposer entre les flics et les gars du piquet a finalement
reçu un coup de poing venant d'un gréviste).
Enfin, les délégués (sauf une exception) ont toujours refusé que s'étale publi
quement le divorce existant entre les grévistes et les unions locales (sauf sur le rôle positif du
Comité de Soutien aux grévistes).
3. Le début d'émergence d'une gauche ouvrière.
La gauche ouvrière, c'est l'ensemble des ouvriers combatifs qui adoptent une
attitude radicale dans la lutte, qui sont actifs dans sa prise en mains, qui ont conquis ou
conquièrent une certaine autonomie par rapport aux organisations réformistes ou révision
nistes, qui sont les plus ouverts aux idées révolutionnaires.
On ne doit pas confondre abusivement la gauche ouvrière avec le petit groupe d'ouvriers révo
lutionnaires et leurs proches sympathisants. Il s'agit d'un courant large, organisé ou non, d'une
fraction significative de la masse des travailleurs.
Après l'échec de la première entrevue avec la direction, au cours d'une assem
blée générale, s'est opéré un regroupement spontané, non dirigé, d'une vingtaine ou d'une tren
taine d'ouvriers (des jeunes pour la plupart) réclamant par des cris, des exclamations, le dé
clenchement d'une action puis son durcissement.
Ces jeunes, syndiqués CGT, CFDT, ou non syndiqués constituaient la catégo
rie la plus perméable aux phénomènes extérieurs à l'entreprise (montée des luttes, idées nou
velles, flambée des prix), la moins soumise à l'autorité syndicale, la plus sensible à nos argu
ments. Si leur rassemblement s'est effectué en dehors de toute intervention directe de notre
part au moment du conflit, il est incontestable qu'il s'est exprimé sur les thèmes que nous
avions mis auparavant en avant (nécessité des luttes, radicalisation de ces luttes) et qu'il n'a
pris la parole qu'après deux ans d'intervention de notre part dans les rares assemblées géné
rales de la boite (où nous étions les seuls à "oser parler" après les délégués). Ils ont transfor
mé nos idées en force matérielle en s'en emparant de manière relativement inconsciente.
22
Tout au long de la grève, c'est ce courant, et nous, qui avons eu la direction dans la plupart des
affrontements, des luttes offensives (les défilés dans les bureaux au moment des débrayages
tournants, la "chasse aux jaunes" durant la même période, les bagarres au piquet de grève
contre les jaunes et les flics, la tentative d'empêcher la direction de faire sortir la ferraille de la
boite pour la faire soustraiter ailleurs…) et même dans la plupart des manifestations organi
sées en ville: itinéraire des cortèges, contenu des banderoles, des slogans. (Exemples: "Paris,
salaud, le peuple aura ta peau!", "Flics, jaunes, patrons, assassins !"…).
Une réflexion en passant : j'ai été surpris au cours des affrontements avec les flics ou les
jaunes du sens aigu et collectif du rapport de forces que possédaient ces ouvriers combatifs.
Ils savaient très bien jusqu'où ils pouvaient pousser leur offensive, et se retirer quand il le fal
lait.
Ce sont ces ouvriers combatifs qui ont été les plus actifs dans la prise en main
des tâches matérielles (distributions de tracts, collectes, permanences, ravitaillement …)
Peu à peu, un, puis plusieurs gars, à notre suite, ont osé prendre la parole en as
semblée générale, soit pour critiquer la position des délégués, soit pour critiquer ceux qui fai
saient la grève au bistrot d'à côté.
Au fil de la grève et des assemblées générales s'est affirmé l'existence de ce
courant de plus en plus autonome qui a fini par mettre à quelques reprises les délégués en mi
norité (au sujet de la participation des militants du Comité de Soutien aux assemblées géné
rales, de la condamnation des Unions Locales, et au moment du vote sur la reprise du travail.)
Cette "gauche ouvrière a été la fraction des travailleurs la plus ouverte aux
idées révolutionnaires (discussion avec les militants du Comité de soutien, participation à la
manifestation pour Pierre Overney, participation à l'arrestation d'un camion de lait par les pay
sanstravailleurs…).
4. La surestimation de nos forces par le patron et par les syn
dicats.
La combativité des jeunes s'exprime en des termes tellement proches des
nôtres (à nous, maoïstes établis chez PARISS.A.) que les syndicats comme la direction ont
cru qu'elle était le fait d'un groupe organisé et dirigé par nous. Cela va radicaliser indirecte
ment le conflit.
23
La direction nous craignait déjà depuis notre réintégration dans l'usine en oc
tobre 1970 (Lors d'une manifestation interdite du Secours Rouge pour la libération d'Alain
Geismar dirigeant de "La Cause du Peuple" interdite, nous avions été arrêtés, emprisonnés
pendant dix jours, relaxés après un procès médiatisé par la presse locale et J. Paris, décou
vrant qui nous étions en avait profité pour nous licencier. Une pétition lancée par nos cama
rades et les syndicats avait réuni 400 signatures dans l'usine et la direction nous avait alors ré
intégrés.) ; puis depuis la manifestation familiale de masse pour la libération des bords de
l'Erdre qui, en 1971 avait pris pour cible les deux châteaux de la famille Paris (à l'organisa
tion de laquelle nous avions participé sans pour autant que ce soit nous qui ayons décidé du
choix de l'objectif) ; et à cause de la diffusion à visage découvert à la porte de l'usine par nous
et quelques ouvriers de PARISS.A. de notre journal de boite "Le feu aux poudres".
Elle nous avait déjà isolés dans un atelier particulier construit en 71 aux li
mites de ses terrains, séparé du reste de l'usine et doté de sa propre porte d'entrée. Cette fois
ci, elle décide qu'il faut mater la combativité de ces jeunes ouvriers, nous affaiblir et dompter
ces syndicats qui suivent le mouvement. La direction a peur, elle réprime, dès la première
phase de la lutte (les trois semaines de débrayages tournants qui ont précédé les six semaines
de grève totale). Elle veut casser le mouvement.
Les syndicats, déjà mal à l'aise depuis notre entrée dans la boite et surtout de
puis la formation d'un petit groupe d'ouvriers autour de nous après les débrayages tournants de
février 71, vont se laisser porter par l'élan des jeunes (défilés dans les ateliers, chasse aux
"jaunes"). Ils ne céderont pas cette foisci devant les ultimatums de la direction.
Il est peutêtre vrai que la combativité de ces jeunes était irrésistible, la direc
tion avait peutêtre raison d'en avoir peur, les syndicats avaient peutêtre raison de craindre
d'être débordés par elle s'ils s'opposaient à son mouvement.
Il est vrai que nos interventions se sont bien conjuguées avec elle et ont facilité son expres
sion.
Il n'empêche que ces jeunes et nous avions des faiblesses : leur unité était spontanée, ils n'é
taient pas organisés et leur conscience politique était faible ; quant à nous, nous venions de
découvrir nos divergences sur la tactique à suivre pour continuer notre travail sur la boite,
nous avions interrompu la parution de notre journal d'atelier, nous venions d'entrer dans la
CGT malgré mon désaccord sur cette question, et s'il existait une unité entre les ouvriers com
batifs et nous, nous ne pouvions en aucun cas prétendre les diriger formellement.
5. La spontanéité révolutionnaire de masse.
On se met d'abord d'accord : je ne veux pas parler d'un don inné ou d'une es
pèce de grâce céleste qui toucherait par hasard certains gars plutôt que d'autres.
Cette "spontanéité révolutionnaire" est le fruit des conditions de vie et de travail des ouvriers
combatifs. Elle est nourrie par l'influence diffuse des idées révolutionnaires qui circulent dans
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le monde sur ces gars et par le combat quotidien qu'ils ont mené avec nous, maoïstes. Elle est
particulièrement développée chez les jeunes ouvriers.
C'est l'aspiration profonde à tout changer, à tout bouleverser, à "tout casser", à
faire basculer l'ordre de ce monde à l'envers qui est le nôtre.
Cette spontanéité révolutionnaire se manifeste sous de multiples aspects.
C'est la joie, l'exubérance, communicatives, entraînantes de ceux qui découvrent la liberté en
bravant collectivement les contraintes, les ordres, les règlements, la répression des chefs…,
qui nous bouffent quotidiennement la peau et la cervelle. Des exemples : les bousculades, les
cris, les interpellations, les rires, les chants, l'escalade des pièces en chantier pour s'y installer,
qui ont accompagné le défilé dans l'atelier où plusieurs jaunes refusaient de débrayer et les dé
filés dans les bureaux (lancés par les ouvriers combatifs et nous) ; l'exploration du "domaine
interdit" des bureaux pendant l'occupation de la boite et les "trouvailles" (importance des dé
penses personnelles du patron : factures de l'écurie de course ou d'installations sanitaires
luxueuses) ; la mystification des flics qui gardaient les portes de l'usine après son évacuation
(en les lançant par jeu, à toute allure dans leurs cars d'un bout à l'autre de la boite qu'ils étaient
censés protéger d'une attaque de grévistes, en faisant mine de courir vers une des deux entrées
de la boite, puis vers l'autre…) ; etc. Et n'en déplaise aux pissefroid du marxisme léninisme,
cet aspect de "fête" collective est inséparable de la lutte des classes et joue un rôle positif,
entraînant son développement.
C'est la radicalité, le refus du compromis, la volonté d' "aller jusqu'au bout" et de rendre coup
pour coup à l'ennemi de classe. On en a vu de multiples preuves : la volonté de durcir l'action
face à l'intransigeance patronale pendant les débrayages tournants ; les plans échafaudés pour
résister aux flics la veille de leur intervention qui a mis fin à l'occupation de la boite ; la dure
té du piquet de grève qui a tenté tous les jours d'empêcher les jaunes de rentrer dans la boite et
qui a réussi quelquefois à faire reculer les jaunes et les flics ; les heurts avec les Unions Lo
cales ; le refus de mettre fin à la grève et de rentrer au boulot le jour de la reprise du travail;
…
C'est une attitude fondamentalement positive, prolétarienne. Mais elle renferme également des
faiblesses, des aspects négatifs (l'incapacité d'analyser la situation, le rapport de force, à "unir
tout ce qui peut être uni", à élaborer des compromis… ; une certaine forme de "terrorisme
individuel" : crever les pneus des bagnoles des jaunes, casser la gueule à des jaunes isolés…).
C'est "l'envie de dire ce que l'on a sur le cœur", l'idée d'avoir quelque chose de personnel et
d'important à dire qui annihile les blocages que tous ont au niveau de la parole et qui a permis
à quelques gars d'intervenir en assemblée générale. Je me trompe peutêtre, mais il me semble
que dans la situation actuelle (une classe ouvrière étouffée, rendue muette par le réformisme
et le révisionnisme), le fait que les ouvriers prennent la parole, même de façon confuse, mal
adroite, est plus important que ce qu'ils disent, dans un premier temps tout au moins.
25
C'est l'enthousiasme, même pour la prise en main des tâches matérielles (collectes, ravitaille
ment, distribution de tracts…). Contrairement à ce à quoi on aurait pu s'attendre, les ouvriers
combatifs ne se sont pas contentés des bagarres au piquet de grève ou des interventions en fac.
Ce sont eux qui ont mis le plus de sérieux dans l'accomplissement des tâches pratiques. Ce
sont eux qui ont fait tenir matériellement la grève.
En résumé, on peut nier cette spontanéité révolutionnaire, la mépriser ou la
condamner pour ses erreurs et ses faiblesses, mais c'est alors refuser d'ouvrir les yeux sur la
réalité, et c'est se mettre à l'écart ou s'opposer à ce qu'il y a de plus vivant et de plus promet
teur dans la classe ouvrière.
26
D. PARISS.A. N'EST PAS UN CAS PARTICULIER.
L'intérêt d'un bilan est fonction, entre autres choses, de sa capacité à tirer des
leçons de portée générale d'une expérience concrète donnée.
C'est ce que j'essaie de faire dans ce bilan, et il me semble utile, avant de parler de l'action
ellemême, d'établir à quelle grande catégorie d'entreprises appartient PARISS.A. L'expé
rience que nous avons eue dans cette usine est certainement plus facilement généralisable
dans le même type de boites qu'ailleurs.
Seul un parti révolutionnaire (ou quelque chose d'approchant) pourra faire une
analyse claire, précise et efficace des différents types de boite que l'on rencontre en France. Il
me semble que l'on peut déjà pourtant se servir d'un certain nombre de critères pour les clas
ser.
PARISS.A. appartient à un groupe relativement nombreux d'usines de moyenne importance,
en expansion très modérée, employant une forte proportion d'OS, situées dans des villes de
moyenne importance, et sans grand passé de lutte.
27
CHRONOLOGIE DE L'ACTION.
1. Avant l’occupation .
Mercredi 26 janvier 1972
° Tract CGTCFDT Unions Métaux : " Nos salaires 1972
dans les charpentes métalliques " :
" Cet aprèsmidi, les organisations syndicales CFDT et CGT regroupant les sections syndi
cales de J. PARISS.A. SA, des Ateliers de Paimboeuf et de chez Vallée, présenteront et dé
fendront les revendications suivantes devant la délégation patronale : "
1% de reliquat de hausse du coût de la vie durant 1971
une augmentation uniforme de 112 F. pour toutes les catégories de personnel, du
manœuvre à l’ingénieur pour le maintien du pouvoir d’achat ."
une augmentation hiérarchisée de 4 % pour l’amélioration du pouvoir d’achat.
7% de rattrapage sur la métallurgie nantaise (ouvriers seulement ).
nouveau salaire plancher base 40 heures : 1172 :1.100 F.00
11072 : 1.200 F00
+ clause de sauvegarde.
Du 26 janvier au 10 février
° Négociations en Commissions mixtes de Charpentes
Métalliques.
Premières concessions des délégués (cf. tract CFDTCGT du 2 mars 72 :
" malgré les nouvelles propositions syndicales, le 10 février, un mouvement de grèves par dé
brayages tournants était décidé… ")
28
Jeudi 10 février
° En Assemblée Générale (Réunion d’information), le
déclenchement de débrayages tournants d’une heure par jour est décidé, "pour appuyer la re
vendication "
° Aux Etablissements Vallée et aux Ateliers de Paim
boeuf, des débrayages d’une heure par jour sont également décidés.
Du jeudi 10 février au lundi 28 février.
° Plusieurs "réunions d’information " ont lieu. Un re
groupement plus ou moins spontané de jeunes s’opère sur la base "il faut durcir le mouve
ment ". Ils interviennent de façon collective, bruyante, brouillonne dans ce senslà dans les
réunions d’information.
° Le mercredi 16 février, après que nous soyons tous al
lés faire débrayer les jaunes d’un atelier, une cinquantaine d’ouvriers (principalement les
jeunes) envahissent les bureaux de cet atelier.
° Au cours de cette semaine, un tract est diffusé aux
Mensuels et aux Cadres expliquant la nature de la revendication posée par les syndicats. 158
cadres et mensuels sur les 200 consultés signent une pétition par laquelle ils expriment leur
accord pour une augmentation en partie uniforme de salaire.
° Le jeudi 17 février, la direction convoque les délégués
pour leur faire part que, d’après elle, la grève tournante et la distribution de tracts dans les bu
reaux sont illégales. Des menaces sont prononcées en ce qui concerne les jours à venir.
° Le jeudi 24 février, les ouvriers décident de "durcir " le
mouvement. On passe à 1H.30 de débrayages par jour. A l’issue de la réunion d’information,
les ouvriers défilent dans les différents bureaux de la boite. Sans casse !
29
2. L’occupation.
Lundi 28 février.
° 17H. 30 : Paris convoque une réunion extraordinaire du
Comité d’Entreprise. Le patron annonce qu’il prendra toutes les mesures qui s’imposent (no
tamment la fermeture de l’usine) si le mouvement ne s’arrête pas immédiatement et totale
ment.
° 17H.45 : Réunion d’information. Tous les ouvriers des
ateliers, plus une trentaine de gars des bureaux descendus à l’A.G. approuvent par acclama
tion la proposition des délégués d’occuper l’usine.
° 18H.00 : l’usine PARISS.A. est occupée. Des pan
cartes sont accrochées aux grilles de l’usine : " Paris exploiteur ", "il y aura d’autres Mai 68 ",
"Usine occupée "…
° Durant la nuit, les grévistes visitent tous les bureaux,
lisent les documents de la direction, mangent, dorment, jouent aux cartes, tandis qu’un piquet
de surveillance monte la garde.
Mardi 29 février.
° Le matin à 7H. 30, la direction et environ 200 cadres et
mensuels se réunissent sur le trottoir en face de la boite ; ils n’oseront pas traverser la rue et
repartiront vers 8 H.
° Communiqué de la direction de PARISS.A. (Presse
Océan, mercredi 1er mars 1972) :
" Depuis un an, chez J. PARISS.A. un groupe d’extrémistes a entrepris notamment dans
une publication qui a pour titre "Le feu aux poudres ", une campagne d’intimidation, s’en pre
nant aux personnes, voire même aux syndicats.
30
C’est dans cette atmosphère que la CGT et la CFDT, lors des discussions pour le renou
vellement de l’accord annuel propre aux constructions métalliques posèrent deux revendica
tions … "
° L’occupation continuelle de la boite est organisée
suivant le système des 3/8 avec pointage à l’entrée et à la sortie de l’usine.
° Durant la première semaine d’occupation, il y aura en
viron "une réunion d’information " par jour, monopolisée presque exclusivement par les délé
gués.
mars
Mercredi 1er
.
° Communiqué CGTCFDT PARISS.A. répondant à ce
lui de la direction : la décision des grèves tournantes a été votée …"à l’initiative des seuls res
ponsables syndicaux et non sous la pression de prétendus gauchistes ", et l’occupation est "la
conséquence de l’intransigeance patronale qui ne laissait pas le choix entre l’arrêt du mouve
ment et le lockout ".
° A l'initiative de la CGC, environ 200 cadres et
membres du personnel des bureaux (plus quelques ouvriers) constituent un "Comité de Dé
fense de la Liberté du Travail". Ils annoncent des réunions quotidiennes à la Mairie de Chan
tenay. Ils remettent un texte au préfet "exprimant leur désaccord avec l’occupation des locaux
…En conséquence, (ils) vous demandent de tout mettre en œuvre pour rétablir très rapidement
les droits à la liberté du travail auxquels ils prétendent. "
° Communiqué de l’Union Métaux CGT Nantes dénon
çant "l'attitude provocatrice des directions d’entreprise telles que PARISS.A., Leroux et
Lotz, SFCMM, BrissonneauCarquefou, qui choisissent l’épreuve de force par l’utilisation
d’atteinte aux droits de grève, tentative de lockout, atteinte aux droits syndicaux ". Ces pro
vocations "sont soutenues par le pouvoir et le patronat, avec la complicité d’éléments se ré
clamant des diverses variantes du gauchisme ". La CGT "appelle ses militants, ses syndiqués,
l’ensemble des métallurgistes à faire preuve de vigilance notamment au niveau des entre
prises, afin de déjouer toutes manœuvres patronales et provocations d’où qu’elles viennent. "
° Des gars de SudAviation, des Batignolles, des ACB,
de Dubigeon viennent nous rendre visite dans la journée.
° Des délégués CGT et CFDT s’opposent violemment à
l’affichage dans la boite d’un journal mural quotidien ouvert à tous, permettant à chacun d’ex
31
primer ses opinions, annonçant chaque jour les tâches à accomplir, les occupations prévues…
La première feuille avait été rédigée par plusieurs jeunes grévistes à l’initiative d’un des ou
vriers maoïstes de l’usine.
Jeudi 2 mars.
° Manifestation pour Pierrot Overney assassiné par un
vigile de Renault : 2000 personnes dont une ou deux centaines d’ouvriers de SudAv. , des
Bati, …et de chez PARISS.A..
Malgré les communiqués de la CGT et de la CFDT ("condamnation de toute provocation et
de toute répression ") nous avons emmené une quinzaine de jeunes ouvriers de la boite à cette
manifestation. A la fin de la manifestation nous intervenons pour expliquer l’intérêt et la por
tée de notre grève et pour appeler à la solidarité.
° La CFDT propose que la manifestation prévue nationa
lement sur les 40 heures et la retraite à 60 ans se fasse à Nantes devant la boite PARISS.A.
" Devant les responsabilités du patronat nantais dans ses prises de position rétrogrades, le fait
de tenir un meeting devant PARISS.A. a non seulement un caractère de solidarité des
métallurgistes, mais bel et bien celui d’une action d’ensemble des métallos qui entendent par
là manifester contre l’attitude du patronat nantais qui applique à la lettre les recommandations
de l’U.I.M.M. et du Gouvernement. "
La CGT refusera.
Vendredi 3 mars.
° Distribution à la Mairie de Chantenay, par la direction,
de la paie de février.
° Un groupe d’ouvriers voyant passer à ce momentlà de
vant la mairie, des jaunes au volant de leur voiture se lancent à leur recherche, et les trouvent
…dans le bistrot chic de Chantenay, le Chalet Suisse. Les jaunes, apeurés, se réfugient au pre
mier étage, appellent les journalistes, les flics, disant qu’ils sont "assiégés par des comman
dos maoïstes ".
32
° Communiqué de l’Union Métaux CGT Nantes : " …
Le syndicat CGT apportera le soutien nécessaire pour permettre la reprise des négociations
pour le règlement du conflit. C’est dans ce sens qu’en accord avec les camarades CGT de
chez PARISS.A., le syndicat CGT a proposé au syndicat CFDT une intervention auprès de la
Direction Départementale du Travail afin que se tienne une réunion tripartite entre les re
présentants CGTCFDT du personnel, l’Inspection du Travail, la direction PARISS.A. pour
l’ouverture immédiate de nouvelles négociations permettant d’aboutir à une solution du
conflit sur la base de revendications valables. "
Samedi et dimanche 4 et 5 mars.
° Le film des Cahiers de Mai sur l’usine Penarroya est
projeté plusieurs fois. Il provoque l’indignation de tous les grévistes devant les conditions de
travail faites aux travailleurs immigrés ("c'est pire que de l’esclavage ! " ; " C’est honteux de
voir des choses pareilles au XX ° siècle ! "). Des grévistes amènent leur femme et leurs gosses
visiter la boite (malgré l’opposition des délégués à l’Opération Portes Ouvertes).
° Premières distributions de produits de la ferme au prix
coûtant amenées par les jeunes agriculteurs solidaires des grévistes.
° Communiqué CGTCFDT PARISS.A. expliquant le
bien fondé de la revendication, s’attaquant à la collusion "Comité de Défense" Patron.
° Communiqué du "Comité de Défense… " :
" Aujourd’hui, la majorité silencieuse a pris conscience de ses droits …L’action ne doit plus
être le monopole de quelques uns …L’usine est occupée depuis le 28 février par des grévistes
manipulés par une minorité d’agitateurs… Nous entendons réagir énergiquement contre des
procédés qui n’ont que trop duré… "
Lundi 6 mars.
33
° Distribution à certaines usines nantaises du premier
tract rédigé par la CGT et la CFDT de PARISS.A. depuis le début de l’occupation. Les sec
tions CGT de certaines entreprises refusent de nous aider à diffuser ce tract (cf. SudAv).
° La direction de chez PARISS.A. s’étant adressée au
Tribunal de Grande Instance, 6 délégués y sont convoqués. Une ordonnance de référé ordonne
l’évacuation immédiate des locaux de l’entreprise par ces 6 délégués et par toute personne s’y
trouvant.
La CGT proteste.
Le "Comité de Défense…"aussi ! ( " Nous avons affirmé notre dé
termination d’obtenir la reprise du travail en toute liberté et sans "contrainte ". Nous nous
sommes élevés contre la demande en référé et, en tout état de cause, nous nous sommes
formellement opposés à une intervention des forces de l’ordre ")
° Ce soirlà, les délégués refusent qu’une réunion de
l’équipe de l’occupation de nuit soit faite pour discuter de la conduite à tenir au cas où les
flics interviendraient.
° Constitution le lundi soir, dans la grande salle des lo
caux syndicaux, du "Comité de Soutien aux grévistes de chez PARISS.A.", regroupant des
membres d’organisations révolutionnaires, des étudiants, des lycéens, des professeurs, des ou
vriers de diverses entreprises nantaises, des paysans, des habitants des quartiers populaires, et
enfin des grévistes. Ce Comité se place d’emblée sous la direction des grévistes.
° Réunion en dehors des syndicats d’une quarantaine de
jeunes grévistes à l’initiative d’un des maoïstes de l’usine pour étudier l’organisation de col
lectes au profit des grévistes. Une discussion sur l’organisation générale de la grève, sur
l’intervention probable des flics, s’est engagée.
° Un groupe de jeunes grévistes, principalement em
ployés des bureaux, prend en main l’organisation de la distribution aux grévistes des produits
apportés par les paysans solidaires des grévistes.
Mardi 7 mars 1972
° Un tract est distribué par les grévistes aux "jaunes ", à
la mairie de Chantenay à 8H.30. Il est destiné à ébranler les nongrévistes les moins convain
34
cus, en leur montrant le rôle de valets du patron qu’ils jouent. Les discussions tournent très
vite à l’aigre et les jaunes s’empressent de rentrer à la Mairie.
° " Débrayage des métallurgistes nantais pour les reven
dications nationales et pour affirmer leur soutien aux grévistes de PARISS.A.. "
La veille, OuestFrance disait : " Cette manifestation (du 7 mars) prendra aussi va
leur de test pour le soutien apporté par la profession aux grévistes de chez PARISS.A. ".
Dès le 7 mars J. PARISS.A. a pu avoir confirmation du fait que l’Union Locale C.G.T. s’op
posait à notre grève : face à la proposition de la CFDT de tenir meeting devant l’usine occu
pée, la CGT a opposé un refus catégorique.
Résultat : se sont retrouvés devant la Chambre Patronale de la Métallurgie les 3 à
400 habitués de ce genre de rassemblements. Seuls les ouvriers de chez PARISS.A. (une par
tie de l’équipe de jour d’occupation de la boite) sont arrivés au meeting avec banderoles, dra
peaux rouges, mots d’ordre offensifs ("Paris, salaud, le peuple aura ta peau " ; " A bas la hié
rarchie des salaires !" …)
A la fin du meeting terne des U.L., alors que rien d’autre n’était prévu comme
conclusion qu’un dépôt de motions, nous sommes partis en manifestation vers la Chambre Pa
tronale des Charpentes Métalliques, puis dans le centre ville, entraînant avec nous une partie
des participants au meeting.
° Premier tract du "Comité de Soutien aux grévistes".
° Il semble qu’il y ait eu "des offres discrètes de dia
logue " à "différents niveaux ".
35
3. L’organisation de la grève.
Mercredi 8 mars.
° L’huissier vient signifier aux délégués qu’il faut éva
cuer l’usine.
° Communiqué du Comité de Soutien appelant à la soli
darité aux grévistes.
° Deuxième tract CGTCFDT PARISS.A.. L’Union Lo
cale CGT s’oppose encore plus fermement à sa diffusion.
° Mise en place d’un "Comité de Grève" à l’initiative de
deux délégués "de gauche " de la CFDT.
Ce Comité de Grève n’est pas l’émanation de la base ouvrière combative. Il est formé
par les syndicats CGT et CFDT, sans consulter la masse des grévistes. Il comprend un "bu
reau ", formé de délégués et qui seul a droit de regard sur la conduite de la grève. Il comprend
d’autre part des syndiqués désignés par les délégués pour les différentes tâches matérielles ré
clamées par la grève (loisirs, finances, collectes, entretien des locaux, distribution de la bouffe
amenée par les paysans, relations avec les mairies, relations avec le Comité de Soutien…).
Les maoïstes se chargent, avec d’autres grévistes de la Commission Loisirs, de la Com
mission Collecte, et des relations avec le Comité de soutien.
La Commission Loisirs organisera le passage de films "le Sel de la Terre ", " Penar
roya ", " Les problèmes du monde rural " de la série Certifié exact. Les délégués s’opposeront
à la projection du film de Clavel censuré d’un mot à l’ORTF.
Jeudi 9 mars.
° Les délégués de l’entreprise rencontrent à l’Inspection
du Travail trois membres de la Direction de PARISS.A..
36
La direction refuse de discuter des principes d’une augmentation en partie uniforme.
Elle refuse de discuter au niveau des Charpentes Métalliques, comme cela s’était fait pré
cédemment.
La direction ne veut discuter que des conditions techniques d’une reprise du travail.
L’Inspecteur du Travail propose une nouvelle réunion pour le samedi 11 mars.
° Le Comité de Soutien organise ses premières collectes
avec la participation de grévistes, sur les marchés principalement.
° Projection du film " Le Sel de la Terre " avec la partici
pation de la Fédération des Amicales Laïques et du "Comité d’Action de l’Ecole d’Architec
ture de Nantes". Le film est très apprécié. Le débat qui suit permet de poser le problème de la
participation des femmes de grévistes à la grève.
° De très grands panneaux sont réalisés avec l’aide de
dessinateurs des bureaux de chez PARISS.A., grévistes, pour exposer nos revendications, le
sens de notre lutte aux ouvriers des usines où la CGT empêche la diffusion des tracts intersyn
dicaux de chez PARISS.A..
Vendredi 10 mars.
° Environ 150 membres du "Comité de Défense de la Li
berté du Travail" manifestent à la Préfecture, exigeant l’arrêt de l’occupation de l’usine.
° Des étudiants, des ouvriers et des habitants des quar
tiers de Bellevue et Chantenay viennent à l’usine discuter avec les grévistes.
Les paysans continuent chaque jour, à nous ravitailler.
Dans un communiqué, l’Association Populaire Familiale se déclare " solidaire des
travailleurs de chez PARISS.A. ", " engage ses militants à prendre contact avec les organisa
tions syndicales de chez PARISS.A. afin de développer, avec elles, la solidarité tant maté
rielle que financière. " L’APF dans son communiqué prend position en faveur de l’augmenta
tion en partie uniforme réclamée par les grévistes.
Samedi 11 mars.
37
° Discussions sans résultats à l’Inspection du travail entre
la Direction et les délégués de l’entreprise.
° Les débrayages se poursuivent aux Etablissements Val
lée et aux Ateliers Paimboeuf (les deux autres entreprises de charpentes métalliques du dépar
tement).
° Des collectes sont organisées par le Comité de Soutien
sur deux marchés de la ville, un grand magasin, à la Braderie de Nantes, et au Stade de foot
ball MarcelSaupin, sur le marché de la ville de BasseIndre. 365.000 anciens francs sont col
lectés ce jourlà.
Dimanche 12 mars.
° Les familles de grévistes visitent la boite.
Mais les délégués s’opposent catégoriquement à ce que des photos et des films soient faits
dans l’usine.
° Un film de la collection Certifié Exact, traitant des
problèmes paysans est projeté. Au cours du débat qui a suivi, les paysans qui sont venus de
puis plus d’une semaine apporter leur soutien matériel et politique à la grève, expliquent
qu’ils sont en train de mener une lutte contre les grosses coopératives agricoles pour obtenir la
suppression des primes à la quantité et à la qualité du lait inventées par ces coopératives. Ces
primes favorisent les gros producteurs au détriment des petits exploitants agricoles.
Mettant en relief que c’est une lutte antihiérarchique, au même titre que la nôtre, qu’ils
mènent les paysans demandent aux grévistes qui sont dans la salle de s’associer à leur lutte, de
la même façon qu’eux, paysans, ont soutenu et soutiennent la grève des ouvriers de PARIS
S.A..
Cela est immédiatement accepté.
A part les deux délégués CFDT de gauche, aucun autre délégué n’assistait au débat.
Lundi 13 mars.
38
° Le matin, les paysans viennent à la boite annoncer leur
intention de bloquer un camion de ramassage de lait de la CANA (coopérative industrielle
agricole) pour faire supprimer les primes à la quantité et à la qualité du lait.
Les maoïstes mobilisent une vingtaine de grévistes (notamment ceux qui ont assisté la veille à
la projection du film et au débat portant sur les problèmes paysans et qui se sont engagés à
venir appuyer les agriculteurs dans leur lutte, en réponse au soutien apporté par les paysans
aux ouvriers de PARISS.A.).
Tout l’aprèsmidi, de 15H. à 21H., une vingtaine de gars de chez PA
RISS.A. participera au blocage du camion de lait, discuteront avec les paysans.
A la suite de cette action, les agriculteurs obtiennent satisfaction.
° 1 ère collecte organisée et effectuée par les grévistes sur
les usines. Elle se fait à UGECO, usine de 300 ouvrières qui avaient fait six semaines de grève
six mois auparavant. Résultat de la collecte : 52.735 anciens francs.
° Lundi aprèsmidi, une centaine de jaunes, avec à leur
tête les plus hauts cadres de chez PARISS.A., séquestrent pendant sept heures, à l’Inspection
du Travail, les délégués venus discuter avec la Direction de l’entreprise.
A 14H.30, ils faisaient parvenir à l’Inspecteur du Travail la note suivante : " Nous vous infor
mons que les membres de notre "Comité de défense" occupent vos bureaux et que nous
sommes fermement décidés à ne laisser sortir personne, ni vousmêmes, ni la Direction de
" PARISS.A. ", ni les syndicalistes, tant qu’un accord de libération immédiate de notre usine
n’aura pas été signé."
Lorsque les délégués tentent de sortir, ils sont accueillis par
les mots d’ordre " délégués affameurs !" et repoussés.
A 19H.30, le préfet convoque successivement trois res
ponsables du "Comité de Défense", puis trois délégués syndicaux.
Le "Comité de Défense…" accepte de quitter l’Inspection du travail si les délégués ordonnent
l’évacuation de l’usine."
Le préfet explique qu’il ne peut de son propre chef faire évacuer l’entreprise et que la
décision appartient à la direction de PARISS.A., mais qu’il était prêt à faire intervenir " les
forces de l’ordre ".
Les délégués refusent d’ordonner l’évacuation de l’usine.
A 21 H.30, les gardiens de la paix dégagent sans heurts l’Inspection du Travail.
Un peu avant minuit, la direction demande au préfet l’intervention des " forces de
l’ordre " pour expulser les grévistes de l’usine occupée. Nous l’apprenons par les éditions de
nuit des journaux locaux.
° Les délégués refusent une nouvelle fois, après leur re
tour que se tienne une réunion de l’équipe d’occupation de nuit pour décider la conduite à
tenir si les flics interviennent.
39
Ils sont décidés à ce que seule une résistance passive soit opposée aux " forces de l’ordre ".
Certains gars veulent électrifier les grilles de l’usine, prendre des bâtons, bourrer les tuyaux
d’air comprimé de " débouchures " (petites rondelles en ferraille). D’autres proposent d’aller
prévenir les équipes de nuit et du matin des usines du coin. Les délégués refusent
Un maoïste propose qu’on se réfugie dans les ateliers à l’arrivée des flics pour les obliger au
moins à venir nous chercher.
40
4. La grève devient active.
Mardi 14 mars.
Rares sont ceux qui ont dormi dans la nuit de lundi à mardi.
° Mardi matin, un peu avant 6 heures, l’alerte est donnée
aux soixante grévistes de l’équipe de nuit : des cars de CRS ont été aperçus.
En fait, il y a 16 cars de CRS plus quelques cars bleus de flics qui sont arrivés à la boite.
A 6 heures précises : le Commissaire Divisionnaire de
Nantes, Magimel, et l’huissier ayant constaté l’occupation de l’usine pour le compte de la di
rection se présentent devant la grille d’entrée de l’usine. Le commissaire somme les grévistes
d’évacuer l’usine. Les grévistes répondent qu’il n’en est pas question. Le Commissaire pré
vient que dans ce cas il aura recours à la " force publique ". Nouveau refus de quitter les lo
caux.
Alors que nous attendons tous les CRS à la grille d’ent
rée, ils escaladent armés et casqués le portail le plus éloigné de cette grille. Nous nous en ren
dons compte trop tard, et à 10 contre 1, la résistance n’est pas possible. La sirène de l’usine
est mise en route. Elle hurlera pendant une heure et sera entendue à plus d’un km de distance.
Une dizaine de grévistes se planquent dans les ateliers. les CRS n’oseront pas y pénétrer avant
le lever du jour. La cinquantaine de grévistes rassemblés près de la grille sont repoussés
fermement dans la rue. Aussitôt ils occupent la chaussée et lancent des slogans comme "CRS
SS ! " " Flics, jaunes, patrons, assassins ! " et chantent l’Internationale.
A 7H.30, il n’y a plus personne dans l’usine, sauf les
CRS et un ou deux grévistes dormant dans les bureaux et que rien n’a réveillé. Ces derniers
sortiront un peu plus tard.
° Vers 9 H. du matin, 173 " jaunes " arrivent à l’usine, en
rang par trois, et y pénètrent sous la protection d’un rang de flics casqués et munis de ma
traques… Et sous les insultes des grévistes qui leur font un brin de conduite jusqu’à l’entrée
de l’usine.
° Réunion d’information pour les grévistes au local syn
dical placé juste en face de l’usine. La continuation de la grève est votée à l’unanimité.
41
° Un certain nombre de grévistes demandent que soit or
ganisée immédiatement une riposte de tous les ouvriers de Nantes à cet acte de force du pa
tron et du représentant du Pouvoir à Nantes, le Préfet.
° Les U.L. CGT et CFDT se rencontrent en fin de mati
née et ne peuvent se mettre d’accord que sur un débrayage d’une demiheure en fin de journée
et sur l’envoi de délégations aux grévistes après la débauche. L’UL CGT refuse d’organiser
un débrayage plus conséquent, ayant vraiment valeur de riposte à l’agression policière, et la
moindre manifestation de masse.
° A 14 heures, premiers heurts à " l’embauche " des
jaunes.
° Les collectes faites aux usines ce jourlà rapporteront
beaucoup plus d’argent que les collectes faites à ces mêmes usines en d’autres occasions.
° Dans la métallurgie nantaise, les débrayages seront très
massifs (aussi bien dans les ateliers que dans les bureaux).
Environ 400 ouvriers, venus des différentes usines de la métallurgie nantaise
se rassemblent le soir devant l’usine. Ils assistent à la sortie des " jaunes " sous la protection
des flics. Bien que les flics accompagnent les membres du " Comité de Défense " presque jus
qu’à leurs bagnoles, les jaunes se font bousculer et leurs voitures reçoivent des coups.
° Malgré l’intervention des CRS le matin, pour la pre
mière fois dans la région depuis 1955, les délégués de chez PARISS.A. sont allés
négocier à deux reprises dans la journée avec la direction, sans grands résultats.
° Communiqué UDCFDT :
La CFDT proteste contre les agissements du "Comité de Défense", l’intervention des forces
de l’ordre et demande la poursuite des négociations. Elle " se félicite que les grévistes, en
conservant leur calme ont déjoué les manœuvres provocatrices ".
Elle appelle ses organisations à soutenir les grévistes.
° Communiqué ULCGT :
" Tenant compte de la situation actuelle à l’entreprise PARISS.A., le syndicat CGT des
métaux de Nantes sera très attentif au déroulement des négociations.
D’ores et déjà il appelle les travailleurs de cette entreprise à faire preuve de clairvoyance dans
leur lutte revendicative.
Il appelle les travailleurs à faire preuve de vigilance, afin de déjouer toutes initiatives d’action
qui ne tiennent pas compte de l’action de masse. "
42
° Réunion du "Comité de Soutien" avec, comme à
chaque fois participation de grévistes.
Décision de faire un tract pour la population de la ville.
Face au refus de la CGT d’organiser une manifestation de soutien aux grévistes et de protesta
tion contre l’intervention policière, le problème de l’organisation d’une manifestation par le
"Comité de Soutien" est posé.
Il est finalement décidé que les grévistes présents à la réunion tentent le lendemain, en assem
blée générale des travailleurs, de faire adopter par les grévistes l’idée d’une manifestation réa
lisée par eux et à laquelle le "Comité de Soutien" se joindrait.
° Pendant la nuit, alors que des cars de CRS gardent l’u
sine, les panneaux et le drapeau rouge fixés aux murs du local syndical sont arrachés et les ré
servoirs des mobylettes de deux grévistes remplis d’eau.
Mercredi 15 mars.
° A l’arrivée des " jaunes ", un groupe composé
principalement de jeunes se porte à leur rencontre tandis que les délégués et le plus grand
nombre des grévistes reste sur le trottoir en face de l’entrée de l’usine.
Sur tout le parcours le cortège des jaunes se fait insulter, cracher dessus…, le groupe des
jeunes grévistes étant le plus hargneux, le plus résolu.
A chaque embauche et débauche les jaunes seront accueillis de la même manière.
° A 10 heures, " réunion d’information "
où les délégués font le compterendu de leurs discussions de la veille avec la Direction et
rendent compte des nouvelles propositions patronales. Ils estiment que les chiffres (d’aug
mentation des salaires ) de la Direction sont inacceptables.
Mais ils réussissent à faire accepter l’abandon de la revendication uniforme pour la catégorie
des cadres de l’usine (" Paris ne cédera jamais làdessus " ; " Dans toute lutte revendicative il
faut faire des concessions des deux côtés…) et l’abandon des négociations au niveau des
Charpentes Métalliques (" Vallée et Paimboeuf arrêtent leurs débrayages " ; " PARIS refuse
catégoriquement de discuter d’autre chose que de la situation à PARISS.A.) .
L’opposition à ces deux concessions est vaine.
Les grévistes ayant participé aux réunions du "Comité de Soutien" posent vaine
ment le problème de savoir s’il faut négocier au moment même où les flics vident les gré
vistes de leur usine et stationnent en permanence devant celleci.
Les mêmes grévistes réaffirment la nécessité d’une manifestation de riposte à
l’intervention des flics, rappellent que la CGT a refusé la veille d’en organiser une, et posent
43
la question de savoir si les ouvriers de chez PARISS.A. sont d’accord pour en organiser une
euxmêmes (le Comité de Soutien appellerait la population nantaise à s’y joindre).
Les délégués arrivent à empêcher que le vote réclamé sur ce problème se fasse .
Mais il s’ensuit une discussion très animée entre les grévistes.
Le permanent CGT des Métaux de Nantes quitte la réunion dès que le problème de
la manifestation est évoqué.
Le permanent CFDT restera jusqu’à la fin de la réunion.
° Des jaunes se font casser la gueule à l’extérieur de l’u
sine.
° Après l’Assemblée générale des grévistes, des sections
CFDT de la métallurgie sont réunies et ces dernières décident de proposer à la CGT une inter
syndicale pour " prendre toutes les mesures urgentes et efficaces qui s’imposent "
Communiqué de l’U.L. CFDT paru dans les journaux locaux le jeudi 16 mars :
" L’Union des Métaux CFDT propose, pour le vendredi 17 une manifestation de masse. Elle
appelle d’ores et déjà l’ensemble des travailleurs de la Métallurgie à préparer vigoureusement
cette riposte nécessaire ".
° La Direction annonce qu’elle suspend les négociations
pour 48 heures à cause des incidents qui se sont produits à la sortie des " jaunes " le mardi
soir.
Elle décide d’envoyer des lettres individuelles aux grévistes pour leur faire re
prendre le travail.
Elle loue des cars à la société Citroën pour assurer le transport jusque dans l’entre
prise des nongrévistes.
° Réunion du "Comité de Soutien" qui décide finalement
d’attendre la décision des UL et prépare un tract.
Jeudi 16 mars
° Intersyndicale CGTCFDT de la métallurgie nantaise le
matin : la CGT refuse d’organiser une manifestation le vendredi 17 mars.
° Communiqué CFDT :
44
" …Nous ne pouvons accepter de voir les forces de police voler au secours des patrons pour
faire cesser nos actions syndicales.
C’est pour cela que, consciente de ses responsabilités face aux travailleurs de PARISS.A. qui
se battent pour une plus juste hiérarchie de leurs salaires, l’union métaux CFDT de Nantes et
région appelle l’ensemble des métallurgistes à manifester… "
La CFDT appelle donc à une manifestation le vendredi 17 mars à 18 heures de
vant l’usine PARISS.A..
° Ce communiqué paraît dans la presse locale le ven
dredi 17 au matin, comme celui de la CGT et celui du "Comité de Défense"…
Communiqué CGT :
La CGT propose une manifestation le lundi 20 mars " Cette proposition tient compte de l’ac
tion nationale dans la métallurgie nantaise, de la solidarité active aux travailleurs de chez PA
RISS.A. , et d’une préparation matérielle dans de bonnes conditions… Le syndicat CGT a eu
le souci d’aller à une action de masse permettant de déjouer toutes tentatives de provocation
recherchée par le pouvoir, le patronat et les groupes gauchistes. "
Tract CGT :
"Le syndicat de la métallurgie met en garde les métallurgistes nantais contre les tentatives des
groupes gauchistes qui, au travers d’une " journée d’explication ", essaieront une nouvelle fois
de semer la perturbation et la division au sein du mouvement ouvrier et de créer des situations
propices aux provocations d’inspiration patronale et gouvernementale ".
° Les délégués de chez PARISS.A. et les permanents
CFDT et CGT de la métallurgie vont voir le Préfet pour lui demander d’intervenir auprès de
la Direction de PARISS.A. pour renouer les discussions.
Le Préfet indique à la CFDT qu’il est regrettable qu’elle organise une manifesta
tion devant chez PARISS.A. lors de la " journée nationale d’explication " des gauchistes aux
portes des usines, les gauchistes étant des éléments étrangers aux travailleurs et ayant des mé
thodes d’action qui n’ont rien à voir avec celles des travailleurs. Il recommande à la CFDT de
faire un cortège bien distinct de celui des gauchistes , au cas où il y aurait des incidents.
° Communiqué du "Comité de Défense":
"Depuis deux jours le travail a repris chez PARISS.A. ; mais nous déplorons que l’accès à
l’entreprise ne soit pas encore libre du fait de la présence de quelques agitateurs notoires re
cherchant l’incident : coups portés à plusieurs ouvriers désirant travailler ; déprédations sur
des véhicules ; des plaintes ont été déposées immédiatement auprès du procureur de la Répu
blique.
De tels actes ne peuvent que déconsidérer une cause auprès de l’opinion publique, et ne res
semblent pas de toute façon à l’idée que nous nous faisons de l’action syndicale. Nous restons
convaincus que ceux qui ne partagent pas notre opinion condamnent de telles méthodes .
Toutefois, nous tenons à faire savoir que notre volonté d’apaiser et d’assainir le climat est tou
45
jours aussi grande. Nous avons fait la preuve de notre efficacité et de notre discipline et nous
espérons qu’une compréhension mutuelle amènera un dénouement rapide de cette situation. "
° Comme chaque jour les collectes et le piquet de grève
continuent.
Au piquet de grève l’on trouve toujours une centaine de grévistes matinmidi14
heuressoir. Mais à chaque fois ce sont les maoïstes et le même groupe d’ouvriers très résolus
(des jeunes principalement) qui entraînent les autres aux entrées de l’usine. Et tandis que les
plus résolus se placent devant les portes et essaient d’empêcher les cars d’entrer , les autres
restent de l’autre côté de la rue pour huer les " jaunes ".
Les cars de flics qui gardent l’usine se déplacent avec le piquet de grève et re
poussent plusieurs fois brutalement les grévistes les plus résolus, mais désarmés, à coups de
matraque, notamment le jeudi matin.
° Le soir, réunion du "Comité de Soutien" à la grève pour
organiser le collage d’affiches et la distribution des tracts pour appeler à la manifestation du
vendredi 17 mars.
Vendredi 17 mars.
° Intersyndicale à la demande de la CGT pour organiser
le mercredi 22 mars une action dans le cadre de la journée nationale d’action "contre la ré
pression patronale et gouvernementale qui se développe, et contre les provocations, violences
des groupes gauchistes".
L’accord se fait sur un débrayage de 2 heures le mardi 21 mars avec manifesta
tion devant la Préfecture et sans qu’il soit question des actions des " groupes gauchistes ".
L’action portera principalement sur la retraite à 60 ans , la réduction du temps de travail et, se
condairement le soutien aux grévistes de PARISS.A..
Et " la CFDT de LoireAtlantique conservera sa liberté d’action et d’expression
sur le respect des libertés individuelles, syndicales et démocratiques, ainsi que sur la répres
sion patronale. "
° Le CNPF par la voix de Ceyrac réaffirme son souci
" de donner un coup de frein énergique " à l’augmentation des salaires.
° Communiqué du "Comité de Défense …" :
46
" Des éléments gauchistes renforcés par des perturbateurs étrangers à Joseph PARISS.A. dé
bordant les délégués syndicaux se sont regroupés aux abords immédiats de l’usine pour exer
cer des provocations graves et incessantes destinées à empêcher les travailleurs de pénétrer à
l’intérieur de l’usine… Dans de telles conditions, la présence de quelques gardiens de la paix,
aux abords de l’usine , est rendue indispensable… Nous ,Comité de Défense, affirmons sur l’
honneur que les quelques gardiens de la police municipale qui stationnent devant l’usine ont
en toutes circonstances gardé un sangfroid qui les honore… "
° Troisième lettre de Jacques PARIS envoyée personnel
lement à presque tous les grévistes :
Nantes, le 17 mars 72
Monsieur, Madame,
Depuis le 10 février , UNE GREVE A PARALYSE L’ATELIER ! ! !
Depuis le 29 février, TOUTE L’USINE A ETE " OCCUPEE ".
Aussi aije décidé de DRESSER LE BILAN de cette période et de vous INDIQUER L’A
VENIR DE VOTRE ENTREPRISE.
Vous avez assisté à la mise en place de tout un PROCESSUS visant à
DEGRADER LE
CLIMAT DE L’ENTREPRISE.
Le " FEU AUX POUDRES ", en s’en prenant tant aux organisations syndicales qu’aux
Agents de Maîtrise , avait pour OBJECTIF LA MISE EN CONDITION DU PERSONNEL DONT L’A
BOUTISSEMENT ne devait être que ce que NOUS VENONS DE VIVRE…
J’aurais pu,
soit connaissant les intentions profondes des auteurs de ce climat, me SEPARER DE
LIBEREMENT DES AGITATEURS.
MAIS CECI NE M’EST POSSIBLE QU’AVEC VOTRE ACCORD ET VOTRE SOUTIEN .
soit, acceptant l’ensemble des revendications prendre le risque de mener l’Entreprise
dans une IMPASSE A COURT TERME.
MAIS IL NE M’EST PAS POSSIBLE DE PRENDRE A TITRE EXPERIMENTAL UN TEL
RISQUE,CAR,CE PROBLEME S’IL DOIT UN JOUR TROUVER SA SOLUTION ,CE NE PEUT ETRE
QU’AU PLAN NATIONAL.
MAINTENANT L’USINE EST OUVERTE.
En plus des CHANTIERS EXTERIEURS qui n’ont jamais cessé leur activité , 260 de vos
CAMARADES sont aujourd’hui à leur poste.
Si nous voulons effacer rapidement les SEQUELLES profondes laissées par ce conflit, je
vous demande PERSONNELLEMENT de reprendre NORMALEMENT votre travail .
A CET INSTANT JE VOUS PROMETS DEUX CHOSES
AVEC VOTRE SOUTIEN ,LA LIBERTE EFFECTIVE DU TRAVAIL.
AVEC LES RESPONSABLES DE CETTE ENTREPRISE ,LA POURSUITE D’UNE POLITIQUE SO
CIALE REALISTE : MON OBJECTIF PERMANENT .
IL IMPORTE que TOUS ENSEMBLE , nous obtenions des RESULTATS dont VOS FA
MILLES et VOS ENFANTS SERONT LES PRMIERS BENEFICIAIRES.
SI VOUS REPONDEZ A MON APPEL,TOUT PEUT ENCORE ETRE SAUVE.
47
DANS LE CAS CONTRAIRE ,LA GRAVITE DE LA SITUATION PORTERA UN TEL COUP A
L’ENTREPRISE QU’IL COMPROMETTRA SA SURVIE !
JE VOUS DONNE DONC RENDEZVOUS…
° En prévision de la manifestation du soir, les
"jaunes" ne viennent pas à l’usine l’aprèsmidi. Les flics ne stationnent plus devant
l'usine à partir de midi, leurs cars patrouillant simplement dans les rues entourant
l'entreprise.
° Dans l'aprèsmidi, quelques grévistes se
rendent compte qu'il est possible d'ouvrir la grille d'entrée de l'usine. Ils sont repous
sés par les gardiens "musclés" embauchés quelques jours auparavant par la direc
tion, et par des délégués.
L'idée de réoccuper l'usine , au moins symboliquement , à la faveur du meeting du
soir commence alors à circuler parmi les grévistes.
° Dans l’aprèsmidi, 3 cars de gardes mobiles, 6 cars de
CRS et deux commandcar de CRS prennent position dans le quartier de Bellevue (qui
descend jusqu’à l’usine PARISS.A.), autour du Collège. L’Association Familiale du quartier
s’indigne du spectacle qu’offrent ces " envahisseurs " aux enfants sortant de l’école.
D’autres cars de gardesmobiles sont cachés dans les rues voisines de l’usine.
° Des distributions de tracts du "Comité de soutien" sont
effectuées toute la journée en ville , avec participation des grévistes, pour appeler à la mani
festation du soir.
° A 18 heures, un millier de travailleurs sont rassemblés
sous la pluie devant chez PARISS.A., répondant à l’appel de la CFDT, du Comité de soutien
et du CDJA.
Seul le permanent CFDT métaux parle.
Un tract du "Comité de Lutte des Batignolles" est distribué dans la manifestation.
Le meeting est assez morne et ne correspond pas du tout aux conditions nécessaires à
une réoccupation, ne serait ce que de quelques minutes de l’usine.
La manifestation qui suit est beaucoup plus dynamique . les ouvriers les plus comba
tifs de PARISS.A. se mettent en tête. Ils lancent les slogans "Paris, salaud, le peuple aura ta
peau ! ", " Augmentation uniforme " ; " Flics, jaunes, patrons, assassins ! " ; " Dissolution des
milices patronales ", chantent l’Internationale et la Carmagnole des ouvriers … !
La CFDT et les délégués de chez PARISS.A. avaient prévu une manifestation sans
objectifs. Les grévistes entraînent les manifestants jusqu’à la Mairie de Chantenay où a siégé
le "Comité de Défense" pendant 15 jours. Au passage, devant les maisons de certains jaunes ,
les cris hostiles jaillissent . Devant la mairie, tout le monde crie " Mairie, jaunes, patrons,
48
complices ! ", puis se disperse. Sauf un petit groupe de grévistes qui redescend vers l’usine en
passant devant Citroën où d’autres insultes sont lancées.
Samedi et dimanche 18 et 19 mars .
° Première distribution de 50 francs à chaque gréviste.
Une autre aura lieu le lundi 20.
° Négociations durant tout le samedi avec la Direction.
Aucun accord n’intervient.
La Direction annonce qu'elle organise un référendum sur la reprise du Travail, au
près de tout le personnel, grévistes et nongrévistes, sur la base de ses dernières propositions.
Les délégués de PARISS.A. dénoncent cette manœuvre.
° Un match de football organisé par certains grévistes,
avec leur participation, a lieu samedi aprèsmidi au stade des Ardillets à Couëron. Toute la
recette est versée dans la caisse de solidarité aux grévistes.
Lundi 20 mars.
° Le matin, les premiers coups sont échangés entre gré
vistes et jaunes devant l'usine. Les flics n'étant pas sur place les grévistes essaient d'empêcher
le départ des cars de ramassage loués par la direction. Une charge de jaunes, plus nombreux
sur place que les grévistes, commandée par Jacques PARIS, permet aux nongrévistes de dé
gager les cars, qui, de plus, n'hésitent pas beaucoup à passer en force.
° A 14 heures, après l'entrée des cars Citroën dans l'usine
sous des jets de pierre, et alors que les grévistes retournent au local syndical, une soixantaine
de jaunes, munis de bouts de câble électrique, de tubes en fer…, se ruent sur quelques attar
dés, les attaquent et blessent notamment au visage un délégué CFDT. Les grévistes revenant
en courant au local syndical et les bagarres se généralisant, les jaunes préfèrent rentrer en vi
tesse dans l'usine.
49
° Scandalisés, près de 150 grévistes, avec notamment pas
mal d'anciens de la boite, attendent les jaunes à leur sortie le soir. Les quatre premiers cars Ci
troën sortent de l'usine sous les cris hostiles des grévistes. Quand le dernier car se prépare à
sortir, la moitié des grévistes traverse la chaussée en courant pour bloquer le car et ses occu
pants dans l'usine. La bagarre s'engage. Plusieurs fois les grévistes parviennent à refermer le
portail d'entrée. Des pierres volent dans tous les sens . un gréviste est blessé à la tête par un
madrier lancé par les jaunes.
Une escouade de flics arrive en cars et court se placer entre "jaunes " et grévistes.
Les jaunes, grâce à ce secours, parviennent à se dégager et quittent l'usine sous une nuée de
pierres
° Pour la première fois, les radios nationales parlent du
conflit.
° Communiqué des délégués de chez PARISS.A.:
"…Les sections syndicales condamnent l'attitude provocatrice des patrons et du personnel
nongréviste, dont certains cadres, allant jusqu'à organiser des commandos armés de ma
traques.
Depuis trois semaines de grève totale, les grévistes des Etablissements PARISS.A. ont
su montrer leur calme et leur sangfroid face aux multiples provocations . Si toutefois d'autres
incidents plus graves devaient se produire, les sections syndicales CFDT et CGT en rejettent
l'entière responsabilité sur la direction et ses proches collaborateurs qui seuls détiennent les
clefs pour la solution du conflit, c'est à dire en acceptant de négocier sur le fond du
problème."
° Communiqué du "Comité de défense…":
"Les quelques 80 irréductibles renforcés par certains éléments extérieurs grillent route de
la Roche Maurice leurs dernières cartouches…Toute la semaine, nous, responsables du comi
té, nous avons imposé à nos troupes ordre et discipline. Aujourd'hui devant les agissements
des grévistes, il nous sera de plus en plus difficile de contenir nos troupes. Les délégués
CFDT et CGT doivent avoir le courage de résoudre leur problème et de faire face à leurs res
ponsabilités."
° Communiqué CGT Métaux Nantes:
" Les négociations qui se sont déroulées à la demande des organisations syndicales ont
permis d'arracher des concessions à la direction "PARISS.A.", notamment au niveau des ho
raires et mensualisés, concessions permettant un rapprochement sensible entre les proposi
tions patronales et les contrepropositions syndicales de ces derniers jours.
La mauvaise volonté que met la direction à négocier concrètement prolonge d'autant le
conflit: il dépend donc de celleci qu'une solution acceptable soit trouvée…
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La solidarité active réfléchie aux travailleurs de "PARISS.A." ne saurait se confondre
avec la gesticulation de groupes…dont le but est de dévoyer l'action revendicative de masse."
° Le matin une Assemblée Générale des grévistes re
poussait les nouvelles propositions de la Direction contenues dans son bulletin de référendum
et se mettaient d'accord avec les délégués pour ne pas participer à ce référendum.
Mardi 21 mars.
° Pas de heurts au piquet de grève.
° Quelques militantes ASF et APF, femmes de grévistes,
invitent toutes les femmes de grévistes à une réunion d'information le lendemain mercredi
dans le local syndical.
° Le débrayage de 2 heures, interprofessionnel, est
massif. Cependant, c'est le quatrième débrayage national de l'année pour la réduction du
temps de travail et la retraite à 6O ans. Les objectifs de la manifestation sont traditionnels
(Préfecture, Chambre Patronale). De ce fait, le soutien aux ouvriers de PARISS.A. passe en
partie sous la table et les ouvriers ne se rendent pas en masse au meeting à la Préfecture (pas
plus de 1500 à 2000 personnes).
Les grévistes de chez PARISS.A. prennent la tête de la manifestation , comme d'ha
bitude, et lancent leurs mots d'ordre combatifs, tandis que le reste des manifestants suit sans
entrain . La manifestation devait aboutir à la Chambre Patronale. Les grévistes l'entraînent
jusqu'au Palais de Justice tandis que les responsables syndicaux se rendent seuls à la Chambre
patronale y déposer leur motion. L'usine PARISS.A. étant trop loin du centreville, la disper
sion se fait finalement au Palais de Justice.
Mercredi 22 mars.
° Piquets de grève et collectes continuent. Les "jaunes"
font maintenant la journée continue pour n'avoir à passer que deux fois par jour devant le pi
quet de grève.
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° De nombreux lancepierres sont fabriqués et un stand
d'entraînement au tir est créé.
° Le Secours Populaire organise l'accueil d'enfants de
grévistes dans des familles de la région pendant les vacances de Pâques.
Jeudi 23 mars.
° Visite d'une délégation de grévistes du Joint Français
(en lutte depuis plusieurs semaines à SaintBrieuc) .
° Une sorte de caravane publicitaire avec hautparleur
circule en ville pour informer la population sur les revendications des ouvriers de chez PA
RISS.A. et sur le déroulement du conflit.
° Conférence de presse des délégués de chez PARISS.A.
° Un communiqué de la FDSEA de LoireAtlantique ex
plique que "la lutte contre l'exploitation des travailleurs, paysans et ouvriers, par le capital ,
passe par la solidarité."
Vendredi 24 mars.
° Dépouillement du référendum patronal. Suivant une
décision prise en "réunion d'information" des grévistes, les délégués n'y assistent pas.
274 grévistes ont remis leurs bulletins de vote aux délégués.
435 personnes (cadres, maîtrise, mensuels des bureaux, ouvriers des chantiers exté
rieurs à l'entreprise et quelques ouvriers de Nantes) ont envoyé leurs bulletins à l'huissier
chargé du référendum.
423 se prononcent pour la reprise du travail. Ce sont ceux qui rentrent depuis plus
d'une semaine dans l'usine. Les ouvriers qui ont décidé la grève n'ont pas envoyé leurs bulle
tins de vote et sont toujours aussi nombreux
L'usine ne tourne toujours pas. La situation reste inchangée.
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Les délégués précisent que les seules personnes qui auraient pu être consultées sont les
ouvriers des ateliers, soit 360 personnes , qui avaient seules décidées de l'occupation de l'u
sine. "Les ateliers ne pourront pas tourner avec une quinzaine d'ouvriers reprenant le travail."
° La presse locale évoque la nécessité pour la direction
de chez PARISS.A. de recevoir un soutien financier de l'UIMM pour continuer à s'opposer
aux grévistes.
° La section CGT PARISS.A., à l'initiative des maoïstes,
publie un communiqué démentant celui de l'Union Locale CGT concernant le "Comité de
Soutien": "… La section CGT des Etablissements PARISS.A. veut souligner le caractère po
sitif de l'action du Comité de soutien aux grévistes constitué dès le début de la grève avec la
participation des paysans, ouvriers, étudiants et habitants des quartiers populaires, et tra
vaillant en liaison étroite avec les grévistes… Sur le plan de l'aide matérielle, il faut préciser
que le montant des collectes effectuées par ce Comité de soutien avec la participation
constante des grévistes se chiffre à ce jour à plus d'un million d'anciens francs, soit le quart du
montant total actuel des collectes…"
Samedi et dimanche 25 et 26 mars.
° La direction est satisfaite de son référendum: "très large
majorité pour la reprise".
° "Comité de Défense...": un référendum sérieux. Il
ajoute: "Chaque jour qui passe met davantage en contradiction l'une des sections syndicales
avec ses instances fédérales et confédérales, et apporte un peu plus de misère dans les familles
ouvrières touchées par ce conflit."
° Communiqué CGTCFDT PARISS.A.:
" Il faut se rappeler, comme les années passées, que seuls les travailleurs des ateliers
sont toujours obligés de se battre pour négocier leurs salaires, et le fruit de ces luttes est auto
matiquement répercuté sur le salaire des mensuels et des cadres qui restent passifs et attendent
le résultat.
C'est pourquoi ces travailleurs qui luttent actuellement refusent que les autres catégo
ries de l'entreprise : cadres, agents de maîtrise, techniciens, employés de bureau, se pro
noncent pour la reprise du travail alors que cette décision revient de droit à ceux qui ont déci
dé la grève.
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(Ils) veulent l'ouverture des négociations sur le problème de fond posé, c'est à dire l'aug
mentation en partie uniforme du manœuvre au mensuel au coefficient 325…"
° Les "jaunes" continuent, comme depuis le début de la
grève , à passer au domicile des grévistes lorsque ceuxci sont absents pour faire pression,
intimider leur femme, leurs familles.
Lundi 27 mars.
° Tôt dans la matinée les premières traînes (camions
semiremorques) arrivent devant l'usine. Il semble évident que la Direction de chez PARIS
S.A., asphyxiée par la grève qui dure déjà depuis un mois, tente de faire repartir la production
en expédiant la ferraille vers des usines soustraitantes pour assurer les commandes les plus
urgentes.
Le groupe des grévistes les plus résolus, les plus actifs et les plus conscients
se place en face des camions pour les empêcher de rentrer dans l'usine. Quelques uns vont
chercher les délégués et le restant des grévistes pour s'opposer en masse à la nouvelle
manœuvre de PARISS.A..
Une première fois les grévistes réussissent à empêcher deux "traînes" de
rentrer dans l'usine. Et lorsque les "jaunes" ouvrent un des portails de l'usine, ils se font rece
voir à coups de pierres. Ils en relancent quelques unes et improvisent une lance à incendie
pour asperger les grévistes. Ils sont finalement obligés de refermer le portail.
Un peu plus tard les grévistes repartent en manifestation le long des murs de
l'usine pour permettre d'y tracer des inscriptions à la peinture: "Vive les grévistes de chez PA
RIS!", "Augmentation uniforme", "Paris, salaud, le peuple aura ta peau!", "A bas les
jaunes!"…
Cette manifestation se dirige ensuite vers le portail principal d'entrée des ca
mions , placé en face du camp des "manouches". Là bas, à l'initiative d'un délégué CFDT "de
gauche", les grévistes décident de dresser une barricade afin de bloquer le passage. Les "ma
nouches" acceptent que les grévistes se ravitaillent en ferraille et détritus dans leur bidonville.
Une première carcasse de voiture est apportée devant ce portail. Au moment
où une autre carcasse est amenée en travers de la route, les flics arrivent en cars et tentent à
coups de matraque d'empêcher la construction de la barricade. Un flic ayant envoyé un bout
de tôle vers un des grévistes, des morceaux de ferraille, des bidons, des cartons, des planches
sont lancées par les grévistes vers les flics. La circulation sera bloquée pendant un certain
temps, la rue étant jonchée de débris. Puis les grévistes décident de se replier.
Une troisième fois les ouvriers repartent à l'attaque . Ils réussissent à démanti
buler un des portails de l'usine, à démolir une partie du mur d'enceinte.
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Lorsque les flics stationnés à une des extrémités de la rue descendent de leurs cars équipés
cette fois de leurs casques , de leurs manteaux de cuir et de leurs matraques, les grévistes
décident une nouvelle fois de se replier.
C 'est au moment où le cortège d'une centaine de grévistes revient tranquille
ment vers le local syndical que deux cars de CRS appelés par la direction arrivent. Les CRS
débarquent aussitôt, équipés de boucliers, casques à visières, matraques, fusils lancegrenades,
mousquetons, et prennent les grévistes en sandwich entre les flics et eux.
La première moitié du cortège passe devant les CRS sans encombre en chan
tant l'Internationale. Mais, sur un ordre du Commissaire, les CRS bloquent la seconde moitié
des grévistes et les frappent pendant que les flics chargent à la matraque.
Quatre grévistes âgés (de 39 à 63 ans) sont blessés sérieusement et doivent être
emmenés au C.H.U . Un ouvrier maoïste, blessé lui aussi, est arrêté, puis inculpé dans l'après
midi pour "participation à attroupement" et "port d'arme prohibée", alors qu'il avait les mains
et les poches vides.
Les insultes pleuvent sur les CRS et sur les jaunes qui contemplent le spectacle
de la charge policière avec enthousiasme et qui hurlent des encouragements aux flics: "Tuez
les, ces grévistes!". Des pierres sont lancées vers les jaunes massés aux fenêtres des bureaux.
De nombreuses vitres volent en éclats.
° Communiqué CFDT dénonçant "cette nouvelle agres
sion contre les travailleurs des Etablissements PARISS.A.… qui démontre la coalition évi
dente entre le pouvoir et la direction".
° Communiqué CGT Métaux de Nantes:
"La seule solution pour le règlement concret et rapide du conflit passe par la négociation…"
D'autre part , elle appelle "les travailleurs de chez PARISS.A. à faire preuve de vigilance et
de clairvoyance.
° Communiqué du Préfet:
"…Rien de bon ne peut sortir de la violence, et la seule issue possible à ce conflit se trouve
dans une volonté commune de compromis".
° Démarche des délégués de chez PARISS.A. à la Pré
fecture pour faire relâcher le gréviste arrêté.
° A la débauche des jaunes, une centaine de grévistes re
tournent faire le piquet, huant les nongrévistes, chantant l'Internationale, malgré la présence
de deux cars de flics et de deux cars de CRS au portail.
° Communiqué du "Comité de Soutien aux grévistes"
dénonçant les violences policières.
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° Le gréviste arrêté est libéré dans la soirée, mais inculpé
et mis en liberté surveillée .
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4. Le début de la fin.
Mardi 28 mars.
° Pour couper court à toute contestation et à toute initia
tive extrasyndicale, les Unions Locales CFDT et CGT annoncent dans la presse locale du
mardi matin une riposte aux violences policières.
Mais en même temps la forme de riposte choisie est la plus démobilisatrice, la plus
insignifiante possible: un débrayage d'une heure et demie, de 10 heures à 11 heures 30, avec
"envoi de délégations" devant le Palais de Justice.
Malgré cela plus d'un millier d'ouvriers se rassemblent sur la place du Palais de
Justice, certains, notamment ceux de Dubigeon (chantier naval) arrivant en cortège, en bleus
de travail, criant des mots d'ordre "gauchistes". Les ouvriers de la SNIAS, à ChâteauBougon
(à 8 kms de Nantes) , ont demandé huit cars pour venir à la manifestation. Le syndicat CGT
n'en accorde qu'un seul.
Le meeting est expédié à toute vitesse par le permanent CGT des Métaux de Nantes et
se termine par le mot d'ordre "rentrez dans vos usines pour faire votre demiheure de travail
de 11heures 30 à 12 heures"!
L'écœurement est général.
Après un moment de flottement, les gars de chez PARISS.A. déploient leurs bande
roles, lancent leurs mots d'ordre et décident de partir en manifestation dans la ville. La plupart
des délégués de chez PARISS.A. tentent vainement de s'opposer à cette initiative. Plus de la
moitié des gars rassemblés devant le Palais de Justice rejoint les grévistes . Après un petit par
cours dans les rues du centre de Nantes, la manifestation se disloque.
° Le même jour, communiqué de l'U.L. Métaux CGT de
Nantes mettant en garde les travailleurs contre le Comité de Soutien aux grévistes de chez
PARISS.A. qui "sous couvert d'une solidarité matérielle , tente progressivement de se substi
tuer aux organisations syndicales dans la conduite de l'action…"
° Communiqué de l'U.L. métaux et U.D. CFDT qui "ap
prouvent la décision prise par les sections syndicales CGT et CFDT de soumettre aux tra
vailleurs de chez PARISS.A. les contrepropositions susceptibles de permettre, dans le cadre
de nouvelles négociations avec la direction, d'aboutir à un compromis acceptable pour les tra
vailleurs en grève.
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Ainsi toutes les conditions sont maintenant remplies pour trouver une issue valable à
la grève, et il appartient à la direction et à elle seule de faire les concessions qui s'imposent…"
(les contrepropositions en question ont été soumises aux grévistes le lendemain matin, mer
credi 29 mars).
° Communiqué des Associations Syndicales de Familles
de Loire Atlantique qui "se déclarent solidaires des travailleurs de chez PARISS.A. , en lutte
pour la revalorisation prioritaire des bas salaires. Le resserrement de l'éventail hiérarchique
des salaires va dans le sens des objectifs de la C.S.F., pour la redistribution des revenus en
fonction des besoins."
( Elles dénoncent) "les tentatives de division de la classe ouvrière par le soutien de la direction
à un comité de défense de la liberté du travail, et les pressions exercées sur les familles des
grévistes" et "engagent les syndicalistes familiaux à soutenir les familles en lutte en partici
pant aux collectes".
° Dans l'aprèsmidi les sections syndicales CGT et CFDT
de chez PARISS.A. mettent au point leurs nouvelles propositions de négociation avec la di
rection.
Mercredi 29 mars
° Assemblée Générale des grévistes à 10H.
Les délégués forment un piquet à l'entrée de la cour où doit se dérouler l'A.G.
pour en interdire l'entrée aux membres du Comité de Soutien aux grévistes et aux familles.
De nombreux grévistes protestent.
Un délégué prend la parole pour expliquer que la conduite de la grève revient
aux grévistes et que désormais eux seuls pourront assister aux A.G.
Un maoïste intervient à son tour pour demander la levée du piquet, expliquant
que si les décisions doivent être prises par les seuls grévistes, les discussions doivent être ou
vertes à tous ceux qui participent à la grève , la supportent, la soutiennent (grévistes, familles,
Comité de Soutien). Plus de la moitié des grévistes applaudissent, et les délégués sont obligés
de faire machine arrière, de laisser pénétrer dans la cour le Comité de Soutien et les femmes
de grévistes.
A la suite de ce conflit, les délégués expliquent que la direction ne voulant plus
négocier, ils ont mis au point une nouvelle proposition à lui soumettre.
La question est posée de savoir si c'est aux délégués d'aller tirer la direction par la manche
pour l'amener à discuter. Les délégués répondent que de nombreux grévistes demandent la re
prise des négociations.
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La nouvelle proposition des syndicats est une nouvelle concession sur le plan
du montant de l'augmentation totale des salaires comme sur le plan du principe de l'augmenta
tion en partie uniforme pour tous, qui n'est plus réclamée que pour les gars des ateliers et une
poignée des gars des bureaux. Cette proposition rejoint à peu de choses près celle faite par la
direction 10 jours auparavant, le 19 mars.
Les délégués parviennent à masquer totalement la portée de cette nouvelle
concession, de ce nouveau recul devant la direction , et, malgré la méfiance de quelques gré
vistes, la proposition des délégués est acceptée presque unanimement.
° Reprise en main syndicale:
Communiqué de l'U.D. C.F.D.T. de Loire Atlantique.
"L'U.D. C.F.D.T. précise que les syndicats ne sauraient en aucun cas se démettre de leurs res
ponsabilités au profit d'un quelconque comité de grève, de soutien ou autre, en partie composé
de personnes étrangères à l'entreprise. Dans un conflit, les travailleurs doivent être fréquem
ment consultés sur des propositions élaborées par les sections syndicales"…
° Communiqué du "Comité de Soutien" "réaffirmant sa
volonté de soutenir jusqu'au bout la grève par des collectes et des actions de propagande", ré
futant les attaques de la CGT, et appelant "toute la population à participer le jeudi 30 mars,
aux différentes réunions organisées par les grévistes dans le centre de la ville…"
° Les délégués de chez PARISS.A. transmettent leurs
nouvelles propositions à la Direction dans l'aprèsmidi à l'Inspection du Travail.
Jeudi 30 mars.
° Les flics continuent leurs rondes et embarquent un jour
naliste de "Témoignage chrétien" qui prend des photos de l'usine.
° Les collectes continuent.
° Tout l'aprèsmidi, des petits groupes de grévistes et de
membres du Comité de Soutien, surveillés par les flics en cars, promènent en ville des pan
neaux rappelant les points principaux du conflit et appellent par hautparleur la population à
participer aux collectes de soutien à la grève.
° En fin de journée les délégués appelés à l'Inspection du
Travail apprennent que la direction refuse en bloc leur dernière proposition. La direction
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"offre" une avance de 250 F remboursable dans l'année, l'annulation de la grève pour le calcul
des congés payés, le paiement du treizième mois une semaine après la reprise.
° Réunion d'information sur la grève faite à Bellevue,
quartier populaire proche de l'usine PARISS.A. par les grévistes, l'APF, l'ASF et le Comité
d'Action de Bellevue.
Vendredi 31 mars
° Après cinq semaines de grève commencent les pre
mières collectes en dehors de Nantes, notamment Le Mans et SaintNazaire.
Belles engueulades entre l'équipe de collecte venue à SaintNazaire et les délégués CGT des
Chantiers Navals.
Un minimeeting sur le terreplein de Penhoët, face aux Chantiers navals est organisé par les
grévistes de chez PARISS.A. et les gars de Comité d'Action des Chantiers de SaintNazaire.
Plusieurs centaines de gars, peutêtre un millier y assistent.
Toute la journée plusieurs centaines d'ouvriers s'attroupent autour des panneaux expliquant la
revendication des grévistes, les différentes étapes de la lutte.
° Vendredi matin les délégués appelés à l'Inspection du
Travail apprennent que la direction "offre" d'avancer une partie de l'augmentation prévue au
1er octobre 72 (8 centimes de l'heure) au premier avril.
A la sortie de l'Inspection du Travail, les délégués déclarent que cette nouvelle proposition est
"intéressante".
Avec ce pourboire dérisoire, la Direction rejoint presque en effet la dernière proposition des
syndicats établie après leur énième concession.
° Peu après, les délégués apprennent que la Direction
ajoute à son offre le licenciement des deux ouvriers maoïstes André Sinou et Richard Ruffel
et des sanctions éventuelles après enquête contre quatre autres grévistes.
° Communiqué des sections syndicales CGT et CFDT de
chez PARISS.A. dénonçant "l'attitude provocatrice de la direction qui, au moment où l'on
pourrait entrevoir une éventuelle issue, prend délibérément la responsabilité d'un rebondisse
ment".
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° Les "jaunes" continuent leurs "visites" au domicile des
grévistes pour intimider leur famille, venant à plusieurs, annonçant des sanctions…Ca accroît
indéniablement la tension .
° Des jeunes grévistes dégonflent les pneus de la voiture
d'un nongréviste à RocheMaurice.
° Trois jeunes grévistes qui se trouvent sur le parking de
la mairie de Chantenay où sont garées les voitures des jaunes sont coursés par des "chefs" de
la boite qui les rattrapent , les remettent aux mains des CRS.
L'un de ces chefs frappe à coups de poing son frère, gréviste, dans le commissariat.
Les trois jeunes grévistes sont relâchés dans la soirée.
Samedi 1er avril.
° 9 heures, réunion de la section CGT, en présence de Le
Dus, permanent métaux de l'U.L. CG.T. de Nantes.
Le Dus veut faire voter par la section le texte d'un communiqué qu'il a rédigé la veille
avec Rousselet , permanent de l'Union Départementale CGT.
Texte du communiqué:
" Les syndiqués CGT de l'usine PARISS.A.…
Estiment que les dernières propositions patronales peuvent servir de base à un compromis
acceptable. En effet, l'écart avec les revendications ouvrières s'est réduit à 0,33%.
Considèrent que la grève qu'ils ont menée et la solidarité ouvrière qui s'est exprimée envers
eux auront permis d'aboutir à un succès revendicatif non négligeable. Ils mandatent leur sec
tion syndicale pour présenter favorablement les dernières propositions patronales devant l'as
semblée des travailleurs de l'usine, qui aura à se prononcer en dernier lieu.
Toutefois, informés également des intentions de la direction de procéder à deux licencie
ments et à des sanctions à la suite des plaintes déposées contre les travailleurs, ils considèrent
que la reprise du travail ne pourrait se faire sans que ces mesures répressives soient levées.
C'est pourquoi ils demandent à l'Inspection du travail, aux pouvoirs publics et au préfet,
d'intervenir , immédiatement, près de la direction pour que, dès mardi, les conditions d'un ac
cord de salaire et d'une reprise normale du travail soient remplies."
A peine le moitié des syndiqués CGT assisteront à cette
réunion annoncée uniquement par le quotidien du matin.
Le débat est houleux entre le permanent de L'U.L. et les
maoïstes appuyés par les jeunes de la section qui pensent que si l'écart entre les propositions
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patronales et les "revendications ouvrières" s'est tellement réduit, ce n'est pas du à des conces
sions de la Direction mais à celles , trop nombreuses, des syndicats.
L'écart chiffré à 0,33% par la CGT entre les propositions patronales et syndicales ne semble
pas négligeable à tout le monde.
Enfin certains estiment que ce n'est pas à l'UL ou à l'UD de dicter ses prises de position aux
syndiqués de l'usine.
Au moment du vote, il ne reste plus qu'une petite quin
zaine de grévistes dans la salle (les autres sont partis sous des prétextes divers, par peur de la
discussion? par peur de la responsabilité de ce vote?).
Le délégué syndical s'abstient, disant qu'il préfère que ce communiqué soit proposé à
la section CFDTPARISS.A. avant qu'il soit envoyé aux journaux de façon que l'on ne dise
pas que c'est la seule CGT qui veut faire reprendre le travail aux grévistes.
Les autres délégués soutiennent le permanent de l'UL et votent avec quelques vieux
ouvriers en faveur du texte.
Les maoïstes et quelques jeunes votent contre.
A une légère majorité le texte est adopté.
° 10 heures: réunion d'information : deux interventions
Le délégué syndical CFDT: "Nous ne nous sommes jamais déclarés d'accord, mais
les positions se rapprochent en partie. Même sans vous en référer, nous avons toutefois pensé
qu'il n'était pas possible d'envisager la reprise avec des licenciements".
Le délégué explique que la bataille à mener maintenant est celle de la levée des sanctions et
des licenciements, alors que la revendication salariale a été poussée jusqu'à son terme puisque
la direction a annoncé qu'elle ne reculerait plus.
Un des deux maoïstes licenciés affirme que les licenciements annoncés par la direc
tion sont en partie un piège de la direction pour faire oublier la revendication salariale. Il faut
continuer la lutte principalement pour faire aboutir la revendication d'une augmentation de
salaire en partie uniforme , et secondairement pour obtenir la levée des sanctions.
Précisions sur les collectes de SaintNazaire et du Mans.
Le total des collectes avoisine 10 millions d'ancien francs.
Réunion d'information et distribution d'argent annoncées pour mardi 4 avril.
° Communiqué du Comité de Soutien aux grévistes qui,
"sans se prononcer au fond, regrette qu'une erreur du journal OuestFrance ait pu lui faire at
tribuer les déclarations d'une organisation politique bien précise."
"Le Comité de Soutien reconnaît à toute organisation politique, quelle qu'elle soit, la liberté
d'émettre un point de vue sur la grève. Pour sa part, il considère que son propre rôle se borne à
assurer jusqu'au bout le soutien à la grève sous toutes ses formes, et ne désire, ni se substituer
aux travailleurs pour les décisions concernant la grève, ni même conseiller les grévistes sur les
décisions à prendre!"
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Mardi 4 avril
° 10 heures, réunion d'information.
Les délégués exposent la situation , estimant indispensable de continuer la grève jus
qu'à la levée des licenciements et des sanctions.
Les maoïstes licenciés demandent que l'objectif premier de la grève (augmentation
non hiérarchique) ne soit pas oublié et que la lutte se poursuive à la fois pour la satisfaction de
la revendication salariale et pour la levée des sanctions.
Aucun vote ne vient trancher entre ces deux positions .
Mais, estce que la simple poursuite de la grève peut faire céder PARISS.A.?
Un délégué CFDT et les maoïstes demandent que la solidarité des ouvriers nantais
vienne renforcer la grève. Ils réclament que les Unions Locales acceptent d'organiser une
manifestation de rue et de masse, comme celle pour les Batignolles en 1971.
Un vote à main levée est obtenu sur cette question malgré les tentatives des délégués
syndicaux de couvrir l'inaction des Unions Locales. L'unanimité réclame l'organisation d'une
telle manifestation.
Ce débat houleux est évoqué à la radio qui, pour la seconde fois depuis le début du
conflit, parle de la grève des Etablissements PARISS.A..
° L'U.L. C.G.T. et le syndicat CGTPARISS.A. sont re
çus sur leur demande par le préfet. Elles communiquent à la suite de l'entrevue: "La déléga
tion a rappelé au préfet la position émise par les syndicats CGT de chez PARISS.A., position
qui ouvrait la voie d'un accord immédiat sur les propositions de la Direction et à une reprise
normale du travail dans l'entreprise... attitude inadmissible de la Direction PARISS.A. qui,
alors que les conditions d'un compromis étaient réalisées a annoncé son intention de licencier
deux ouvriers et d'appliquer pour d'autres diverses sanctions…
Grâce aux efforts réalisés par les sections syndicales CGT et CFDT, grâce aux initiatives
prises par le syndicat des métaux CGT et de l'U.D., rien ne s'oppose à la signature d'un accord
valable si ce ne sont les prétentions de dernière heure de la Direction PARISS.A. sur des li
cenciements et des sanctions. "
Elles terminent en demandant au Préfet, conformément à sa déclaration du 28 mars, "d'inter
venir avec la plus grande fermeté près de la Direction PARISS.A. pour amener celleci à an
nuler toutes les mesures répressives prévues contre les travailleurs en grève."
° Suite à l'Assemblée générale du matin, l'UL CFDT ren
contre l'UL CGT à la Bourse du Travail pour examiner la possibilité d'organiser une mani
festation de masse de soutien aux grévistes de PARISS.A.. La CGT propose une demiheure
de débrayage dans la métallurgie nantaise. La CFDT refuse cette proposition.
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° L'Union métaux CFDT de Nantes communique:
" Les travailleurs n'admettront jamais que pour briser leur mouvement les patrons aillent jus
qu'à prendre des mesures disciplinaires. En conséquence, l'Union des Métaux CFDT a pris
contact avec son U.L. afin d'envisager une action de grande ampleur, seule capable de mettre
en échec la Direction de chez PARISS.A. et, derrière elle , l'ensemble du patronat."
° 6 grévistes, un délégué CFDT combatif, un maoïste et
quatre jeunes vont dans la soirée à SaintBrieuc au meeting de solidarité organisé en faveur
des grévistes du Joint Français. Les grévistes de chez PARISS.A. font un historique de leur
conflit , expliquent leurs difficultés et mettent au rang des causes de l'échec probable de leur
grève l'hostilité d'une centrale syndicale et la passivité de l'autre (sans les nommer), afin que
les grévistes du Joint Français puissent tirer les leçons de la grève de PARISS.A..
Mercredi 5 avril:
° Communiqué de la Direction PARISS.A. :
"Les dernières propositions patronales viennent d'être jugées acceptables par les or
ganisations syndicales.
La grève n'a désormais plus d'objet et rien ne s'oppose à ce que les hésitants re
joignent les 435 personnes qui sont à leur poste de travail à Nantes ou sur les chantiers exté
rieurs.
La Direction doit lever une dernière équivoque à propos de deux licenciements.
La Direction ne licencie personne pour faits de grève. Toutefois, deux personnes s'é
tant livrées à des agressions et des violences caractérisées, relevant d'ailleurs du droit pénal et
qui feront l'objet de poursuites, la Direction se voit obligée de s'en séparer par mesure de
sécurité et aussi d'apaisement.
Le personnel doit savoir que cette décision de la Direction , mûrement réfléchie , est
définitive et désormais irréversible.
Il s'agit d'une opération vitale pour l'avenir des ateliers. L'ensemble du personnel
souhaite en effet retrouver des conditions normales de travail. La Direction s'engage à lui as
surer désormais un climat de sécurité.
D'autre part, la Direction a accepté , à la demande des organisations syndicales , de
lever les sanctions en annulant les lettre recommandées adressées à 5 autres membres du per
sonnel".
Commentant sa déclaration, la Direction affirme
maintenir les 2 licenciements afin qu'il n'y ait pas de "règlements de compte" dans les ateliers.
Elle précise que pour "éponger" cette grève, deux exercices seront nécessaires. Actuellement
nous enregistrons les commandes, mais nous sommes obligés de soustraiter "à tour de bras".
64
° Communiqué du "Comité de défense…"
" Malgré le désir de la majorité des ouvriers en grève de reprendre le travail, alors que
les syndicats CGT et CFDT reconnaissent satisfaisantes les dernières propositions de la direc
tion, le conflit se prolonge. Chaque jour met davantage en évidence l'objectif politique de la
minorité aujourd'hui dirigeante.
Après les facultés et comme chez Renault, les deux étudiants devenus manœuvres se
sont employés systématiquement à saper l'autorité des agents de maîtrise et à discréditer les
syndicats, s'infiltrant partout pour démolir. Stratèges accomplis, avant le conflit , ils sont rent
rés dans le rang en se faisant intégrer dans une organisation syndicale afin de mieux pouvoir
l'utiliser le moment venu. Ces dernières semaines, ils ont été à l'origine de toutes les vio
lences. Aujourd'hui, ils refusent aux grévistes une consultation sur la reprise du travail propo
sée par les syndicats.
Pour nous, il n'est pas pensable que de tels éléments remettent les pieds chez PARIS
S.A.. Notre entreprise n'est pas le Quartier Latin…"
° Tract du "Comité de Défense de la Liberté du Travail"
collé pendant la nuit sur les locaux syndicaux:
MEFIEZ VOUS DES SIRENES!…
Campés dans le local syndical qu'ils ont investi, nos deux MAOISTES à la tête de leurs
troupes (une vingtaine de jeunes) entendent SEULS édicter leur loi à 720 personnes!…
(…).BIEN SUR , le capitalisme est à l'origine de bien des MAUX! MAIS SOYONS REA
LISTES! ESQUISSER LE SCHEMA D'UNE NOUVELLE Société est facile; ADAPTER cette nouvelle
Société à chacun de nous est autrement plus difficile, voire impossible. Toutefois, il est du de
voir de chacun de PRENDRE SES RESPONSABILITES. Si tout le monde agissait ainsi bien des
difficultés seraient aplanies.
Vous qui, aujourd'hui subissez encore la grève: OUVREZ LES YEUX. Les troupes
MAOISTES recrutent le plus souvent leurs "CADRES" dans les AUTES SPHERES de la bourgeoi
sie. Ces produits du capitalisme, les poches pleines de DIPLOMES viennent à la fin de leurs
études "TESTER LA MASSE OUVRIERE". Ils "ENGUEULENT" les flics, crachent sur le patronat,
MENACENT les jaunes, CONDITIONNENT les esprits, et puis, un beau matin, ils repartent
comme ils sont venus: la REVOLUTION a CESSE de LES AMUSER . Ils ressortent leurs di
plômes, ACCEPTENT des postes à responsabilité , TOUCHENT les salaires correspondant…
MAIS que deviennent les jeunes ouvriers qu'ils ont CHARMES?…
………Ils se retrouvent SEULS, MEURTRIS, ECOEURES !
N'écoutez pas les sirènes, soyez VOUS MEME, OSEZ LEUR DIRE NON."
° Communiqué des sections syndicales CFDTCGT de
PARISS.A. qui constate "une nouvelle fois la volonté patronale de mettre tout en œuvre
pour empêcher la possibilité de trouver une issue… Non seulement les patrons lors de la der
nière proposition du 30 mars annonçaient deux licenciements, mais le 4 avril deux autres li
65
cenciements suivaient puis un autre le mercredi. Les méthodes sontelles des méthodes de né
gociation?
La solidarité des travailleurs de chez PARISS.A. n'est pas un vain mot…Alors
que la suppression de toutes sanctions pour faits de grève aurait pu permettre éventuellement
un accord, une reprise du travail dans les conditions actuelles est, non seulement inacceptable,
mais entraînerait une situation de conflit et d'affrontements permanents."
Jeudi 6 avril
° Les collectes continuent.
° Nouvelles démarches des UL CGT et CFDT auprès du
Préfet pour obtenir la levée des sanctions.
° Réunion organisée à Couëron dans la soirée par des
grévistes de chez PARISS.A. habitant Couëron ou les environs, et des paysans révolution
naires de la commune.
Une vingtaine de personnes y assistent, se font raconter la grève et s'organisent pour effectuer
une collecte au profit des grévistes le dimanche suivant, au porte à porte , dans Couëron.
° Un jeune gréviste prend la parole au passage de la pièce
"Mort et Résurrection de M. Occitania " à la Chapelle sur Erdre (environ 300 personnes pré
sentes) pour raconter le déroulement de la grève et souligner l'importance de la solidarité des
paysans qui assurent le ravitaillement des grévistes depuis le début.
La recette est versée aux grévistes
Vendredi 7 avril
° La réunion d'information prévue pour ce vendredi ma
tin est reportée au lendemain . La quarantaine de gars partis collecter à Donges, à Cholet… re
fusaient de quitter Nantes s'ils n'avaient pas la promesse des délégués de ne pas organiser de
vote sur la poursuite de la grève en leur absence.
° Interview d'un "gréviste de la base " dans OuestFrance
du 7 avril:
66
"Nous étions partis en grève pour quelques francs de plus et surtout pour plus de justice
dans les salaires, pas pour faire la révolution. On va reprendre le travail: comment faire autre
ment au bout de six semaines alors qu'il n'y a aucun espoir de changement et que nous n'avons
pas eu tout le soutien qu'il était possible d'espérer?
Mais on repart sur une injustice en laissant deux grévistes comme les autres et qui
étaient même au premier rang de la lutte revendicative. Leur licenciement a été moins deman
dé par la direction que par les responsables d'un certain Comité. C'est bien dommage pour
tous."
° Soiréedébat en solidarité avec les grévistes de chez
PARISS.A. organisée par le "Comité de Soutien"; les sections syndicales CGT et CFDT de
chez PARISS.A. y appellent également.
Exposé de la grève et de son soutien par le délégué syndical CGT, un paysan ré
volutionnaire, un militant du "Comité de Soutien".
Vif débat sur le rôle joué par les Unions Locales dans la popularisation de la
grève entre les délégués de chez PARISS.A. et le reste de la salle où se trouvent de nombreux
militants ouvriers.
Film "Sochaux 68" et chansons.
Recette 185.000 anciens francs.
Samedi 8 avril
° 9 heures, réunion d'information. 200 grévistes environ.
Malgré les désirs et espoirs des délégués, c'est celle qui aura le plus ressemblé à
une véritable Assemblée Générale de Travailleurs. Jamais autant de gars ne seront intervenus
dans une discussion.
Les délégués veulent organiser un vote à bulletin secret pour la reprise du travail
Les protestations fusent
Plusieurs jeunes, un délégué CFDT et les maoïstes expliquent leur refus de vote à
bulletin secret et leur volonté de poursuivre la grève.
Une première discussion est organisée sur la question: fautil voter à bulletin se
cret ou à main levée? Cette première question est tranchée par un vote à main levée qui donne
la majorité aux grévistes favorables au vote à main levée.
Deuxième débat: fautil poursuivre la grève? Les délégués, sous couvert d'objec
tivité ne veulent pas participer au vote ni donner d'indications de vote. Mais ils présentent la
situation de telle façon que seule la reprise du travail serait possible.
Là encore la discussion s'engage âprement entre partisans et adversaires de la poursuite de la
grève.
67
La majorité finit par se prononcer pour la poursuite de la lutte.
La situation a échappé momentanément totalement aux délégués.
Les partisans de la continuation de la grève reprennent la parole pour aborder le
problème des moyens à employer pour renforcer la grève. Ils demandent des comptes aux
délégués au sujet de la manifestation ouvrière de masse réclamée par tous les grévistes au dé
but de la semaine. Les délégués répondent qu'ils ne sont pas compétents pour régler ce prob
lème, qu'ils ne peuvent pas obliger les U.L. à organiser une telle action.
L'idée d'une manifestation au siège de la CGT et de la CFDT est alors lancée. En 10 minutes,
une trentaine de grévistes (dont un délégué de la CFDT et les maoïstes ) se regroupe et em
barque en voiture pour aller à la bourse du travail CGT.
A la Bourse CGT les permanents refusent de discuter avec les grévistes ("Vous
n'êtes pas mandatés par votre organisation syndicale, vous n'êtes pas des délégués!"), "Vous
n'aviez qu'à ne pas faire cette grève!", "Vous êtes des éléments étrangers à la classe
ouvrière!", les menacent physiquement , les bousculent et les repoussent dans les escaliers.
Au local CFDT, accueil semblable au début. Lorsque les grévistes en font la re
marque, les permanents CFDT assouplissent leur attitude. Ils essaient alors de décourager les
grévistes: "Votre lutte est isolée, n'éveille aucun écho dans les entreprises…" Ils concluent en
expliquant qu'il n'y aura pas de manifestation de solidarité pour eux avant longtemps.
° Samedi aprèsmidi et dimanche : collectes.
Lundi 10 avril.
° De 7 heures à 8 heures, une soixantaine de grévistes
rentre dans l'usine. Un piquet de discussion tente, vainement , de les faire revenir sur leur
décision. Ce sont, soit des grévistes présents à l'Assemblée générale du samedi précédent
ayant annoncé qu'ils reprendraient le travail de toutes façons le lundi suivant par manque
d'argent, soit des ouvriers n'ayant jamais participé activement à la grève.
Dès le samedi matin, tous les grévistes savaient que cela arriverait.
° A 9 heures , l'intersyndicale CGTCFDT de chez PA
RISS.A. lit à la centaine de grévistes rassemblés le communiqué suivant:
"Les sections syndicales CFDTCGT, conscientes de leurs responsabilités , appellent les
travailleurs des Etablissements PARISS.A. à se rassembler aujourd'hui à 13h.30 devant
l'entreprise pour la reprise du travail.
Le moment est venu de prendre cette importante décision afin que ce mouvement ,
commencé dans l'unité se termine de la même façon tout en conservant intacte notre combati
vité pour de nouvelles luttes."
68
L'intersyndicale annonçait que ce communiqué passerait tel quel à toutes les
radios dans la matinée et qu'aucune discussion n'était possible sur son contenu. Aussitôt après
les délégués disparaissaient.
A la même heure la radio commençait déjà à diffuser le communiqué.
Bien avant 9 heures, à la Bourse CFDT, on savait que la reprise du travail
allait être annoncée.
Tous les grévistes présents sont écœurés par ce mépris des délégués pour la
décision prise 2 jours avant par la majorité des grévistes, et par le refus de toute discussion de
leur décision annoncée par les délégués. Pendant toute la matinée la plupart des gars disent
qu'ils ne reprendront pas le travail à 13 H.30, ne seraitce que "pour le principe".
° A 13H.30 tous les grévistes sont rassemblés devant l'u
sine, balançant d'un pied sur l'autre. Les délégués refusent de participer à l'organisation d'une
discussion sur la reprise du travail et sur les formes de cette reprise. Plusieurs syndiqués CGT
déchirent leur carte.
A 14H., les uns après les autres, la majorité des grévistes rentrent avec les
licenciés dans l'entreprise. Une vingtaine de gars, des jeunes principalement restent dehors.
A 15 heures, les licenciés étaient reconduits à la porte de l'usine avec leurs
affaires, leur lettre de licenciement…
° Dans la soirée: communiqué des sections syndicales
CGT, CFDT de chez PARISS.A.S.A.:
" L'attitude de la Direction n'est pas de nature à favoriser le retour à un climat normal dans
l'entreprise. Sa décision de licencier des grévistes se retournera contre elle et elle en subira
certainement les conséquences. Même si satisfaction n'a pas été obtenue sur la revendication
de base, il y a quand même eu une avancée en ce qui concerne les augmentations de salaire
pour les horaires et mensualisés… Les travailleurs de chez PARISS.A. remercient les cama
rades ouvriers, paysans, femmes, etc.,…qui en participant activement à la solidarité tant finan
cière, matérielle, qu'active , leur ont permis de tenir 6 semaines contre un patron de combat
qui bénéficiait de nombreux appuis et en particulier du C.N.P.F. dans son ensemble. Le com
bat de la classe ouvrière n'est pas terminé. Avec celuici, plus que jamais, l'action syndicale
doit se poursuivre…"
69
LA CONSTITUTION D'UNE FORCE REACTIONNAIRE PUISSANTE.
Après trois semaines de débrayages tournants dans les ateliers, la Direction de
l'entreprise annonce son intention de procéder au lockout de l'usine.
Principalement pour les raisons exposées dans le chapitre I C §3 et 4, les sec
tions syndicales convoquent une A.G. des travailleurs de l'entreprise. Les ouvriers des ateliers
et une trentaine de mensuels approuvent par acclamations la proposition de riposter à la me
nace patronale par l'occupation de l'usine, immédiate, donc le lundi 28 février 72 à 18H.
Dès le lendemain 29 février, la Direction et environ 200 cadres et mensuels se
réunissent à 7H.30 sur le trottoir faisant face à l'usine. Durant cette journée ce rassemblement
partiellement hétéroclite ne perd pas son temps puisqu'il aboutit avec une promptitude décon
certante à s'organiser en un "Comité de Défense de la Liberté du Travail (CDLT) qui se réuni
ra tous les jours à 8H. 30 à la mairie de Chantenay (quartier nantais englobant le terrain
d'installation des Etablissements PARISS.A.), et qui fera publier son premier communiqué
dans la presse régionale le 2 mars.
Cette rapidité de réactionorganisation tend à démontrer qu'un courant propa
tronal, probablement initié et à tout le moins encouragé par la Direction s'était constitué dis
crètement dans l'entreprise.
Les bouleversements engendrés par Mai 68, la multiplication des actions ou
vrières antiautoritaires dans de nombreuses entreprises en France, la tentative (avortée) de
constitution d'un syndicat d'obédience patronale lors de la grève des ouvrières d'UGECO
(entreprise nantaise) en septembre 71, la séquestration de Nogrette par la N.R.P. avaient cer
tainement radicalisé les cadres très majoritairement de droite et même d'extrême droite.
La revendication intersyndicale intégrant une mesure d'augmentation de
salaires visant à réduire les inégalités salariales ne pouvait qu'exacerber leur agressivité. Les
luttes ouvrières centrées sur des augmentations en pourcentage aboutissent à augmenter sensi
blement plus leur rémunération que celle de ceux qui faisaient grève leur convenait parfaite
ment, alors qu'une amélioration même simplement en partie uniforme rognait un peu leurs pri
vilèges.
70
A. Composition du CDLT.
1. Les organisateurs.
N'ayant eu aucun contact autre que physique avec le CDLT, rencontré aucun
informateur faisant partie de cette organisation, certains points ne peuvent être établis autre
ment que par les communiqués publiés par ce comité et par les observations du comportement
de ses membres.
Le 4 mars (4 jours après l'occupation de l'usine) le CDLT annonce qu'il compte
278 adhérents et qu'il s'est doté d'un bureau de 24 membres dont "seulement" 5 appartien
draient à la CGC (Confédération Générale des Cadres).
Par ailleurs un tract de la CFTC paru durant la grève atteste de son existence
(plus que discrète) dans l'entreprise. Il est invraisemblable que ses membres n'aient pas immé
diatement participé à la direction du CDLT.
Enfin certains agents de maîtrise des ateliers, particulièrement actifs dans les
affrontements avec les grévistes ont pu se trouver associés à ce bureau du CDLT.
Une incertitude subsiste, celle de la participation directe, constante, physique
des frères PARIS au CDLT. L'ontils dirigé en sousmain ou à visage découvert? Seuls les
participants aux réunions quotidiennes du CDLT pourraient l'attester.
2. La base de masse.
Elle est constituée en début de grève soit par ceux qui dans le processus de pro
duction s'opposent quotidiennement aux ouvriers (20 agents de maîtrise), soit ceux qui au
sommet de la hiérarchie n'entendent pas voir rogner leurs privilèges (60 cadres), soit par la
majorité (environ 120 sur 150) des mensuels partagés entre l'acceptation des revendications
syndicales (158 des cadres et mensuels avaient signé en février une motion exprimant leur ac
cord sur les objectifs) et leur soumission à leur propre encadrement.
Cela correspond aux 200 adhérents revendiqués par le CDLT le 2 mars dans la
presse.
Voulant élargir cette accumulation primitive d'antigrévistes, la direction du
CDLT, possédant les informations de la Direction de J.PARISS.A. a pu contacter une autre
catégorie du personnel de l'entreprise : les chefs monteurs (20) et monteurs (120) de char
pentes métalliques.
Dispersés sur des chantiers lointains, bénéficiant de conditions de travail et de salaire spéci
fiques, absolument pas informés ni concernés par le conflit se déroulant à Nantes sinon par les
71
menaces de chômage technique découlant de l'arrêt de la production dans les ateliers, ils ont
pu assez facilement être convaincus par le CDLT de soutenir ses initiatives.
On arrive ainsi à un chiffre de 340 personnes ralliées de près ou de loin à un
CDLT. revendiquant de manière excessive plus du 50 % du personnel dans un communiqué
paru le 6 mars.
Cependant les motivations et convictions de ce regroupement sont disparates et
inégales, ce qui explique les variations dans l'attitude du CDLT tout au long de la grève (et
après).
B. Objectifs, thèmes et variations.
Dans cette période de lutte de classe intense, le camp de "l'ordre", ordre capita
liste, ordre gaulliste, terriblement ébranlé en Mai 68 puis par les mouvements sociaux multi
formes secouant tous les champs d'activité tant publics que privés, se réorganisait pour re
prendre le contrôle de la société. La répression policière et judiciaire battait son plein. Les
commandes paramilitaires CDR (Comités de Défense de la République) ou SAC (service
d'Action Civique) émanant du pouvoir en place effectuaient des coups de force musclés…
C'est dans ce contexte que commencent à apparaître dans un certain nombre
d'entreprise des formes de groupement de défense des intérêts patronaux, d'opposition aux
aspirations populaires, ouvrières.
Chez PARISS.A. la situation était favorable à l'apparition d'une telle force ré
actionnaire.
La division soigneusement entretenue par la Direction entre les ateliers et les bureaux (tant
physiquement qu' idéologiquement, et matériellement sur le plan des salaires…), le nombre
relativement important de "cols blancs" et d'agents de maîtrise (230 face aux 340 ouvriers), la
coupure géographique, salariale et idéologique entre l'usine et les 140 monteurs et chefs mon
teurs travaillant sur les chantiers extérieurs relativisait le poids des ouvriers dans le fonction
nement de l'entreprise et s'opposait à la jonction de différentes catégories de travailleurs dans
une lutte contre le pouvoir patronal
1. Les différents objectifs catégoriels des membres du CDLT.
La première base de regroupement de 200 personnes en CDLT, base unificatrice
large, a consisté à s'affirmer "nongréviste" devant la Direction afin de ne pas subir les
conséquences matérielles (perte de salaire) de la grève.
Jusque là les mensuels, de la secrétaire jusqu'aux cadres bénéficiaient des augmentations hié
rarchisées (en pourcentage) acquises par les négociations syndicales ou même par des actions
72
ouvrières (débrayage, grève de quelques jours…), sans avoir à bouger le petit doigt, sans avoir
à subir la moindre perte de salaire.
Du 10 au 28 février la plupart d'entre eux ne voyaient pas d'inconvénients à l'organisation de
débrayages tournants dans les ateliers, et même la majorité d'entre eux s'était déclarée favo
rable aux revendications syndicales en signant la motion que les délégués leur présentaient, ce
qui ne leur coûtait pas grand chose.
Mais à partir du moment où face à la menace de lockout de la Direction, les ouvriers approu
vaient la proposition intersyndicale d'occuper l'usine, il leur fallait trouver une parade au
risque de perdre des journées de salaire au même titre que les ouvriers.
La constitution du CDLT répondait à ce désir.
La préservation de la hiérarchie des salaires.
Un membre CGC du CDLT déclare à OuestFrance (paru le 4 mars) : " Dans au
cune entreprise il n'y a eu d'augmentation uniforme. Une seule exception, c'était en 1968, et
pour obtenir un apaisement".
Dans un communiqué, le CDLT écrit "Chez Paris, la réaction n'est pas partie,
comme chacun se plaît à le dire de CADRES SUPERIEURS, soucieux de préserver leurs
avantages. (L'image est facile)…"
Il est certain que, contrairement à la majorité des mensuels qui avait signé la mo
tion intersyndicale sur le contenu de la revendication, les cadres et les agents de maîtrise
étaient depuis le début farouchement opposés à la revendication d'une augmentation uniforme
des salaires et ont appuyé la position de Jacques PARIS ainsi que de l'ensemble du patronat
sur ce point.
La volonté de restauration de l'autorité des agents de maîtrise.
Durant plus d'un an le journal d'usine "Le Feu aux Poudres" avait contesté la posi
tion, le comportement, les agissements de certains chefs d'équipe ou chefs d'ateliers.
Pendant les trois semaines de débrayages tournants précédant l'occupation de l'u
sine un certain nombre d'ouvriers, surtout jeunes, ont été amenés à défier ouvertement l'enca
drement.
Les agents de maîtrise avaient un désir de revanche qui ne pouvait que mieux
s'exprimer en s'incorporant à une force naissante mais large s'opposant à l'action ouvrière.
Ils ont ainsi pu se "défouler" notamment au cours des quelques bagarres qui se
sont produites aux portes de l'usine.
2. La tactique de consolidation et de légitimation du CDLT.
L'existence du CDLT a connu trois étapes, même si cellesci se recouvrent partiel
lement
73
constitution et élargissement de sa "base"
volonté d'apparaître comme une force autonome, légitime et capable de traiter d'égal à égal
avec les organisations syndicales
affirmation politique.
Dès le 4 mars, le CLDT déclare avoir rencontré la Direction. "Au cours de cet
entretien nous avons affirmé notre détermination d'obtenir la reprise du travail en toute liberté
et sans "contrainte". Nous nous sommes élevés contre la demande en référé (d'évacuation de
l'usine) et, en tout état de cause, nous nous sommes formellement opposés à une intervention
des forces de l'ordre". Le CDLT affiche de cette manière sa prétendue indépendance et veut
faire croire à un désir de conciliation avec les grévistes, les incitant à être "responsables "et à
résoudre la situation en faisant preuve d'un bel esprit d'apaisement en évacuant euxmêmes
l'usine occupée.
Le 8 mars (lettre adressée aux sections syndicales CFDTCGT et communiqué de
presse) : "Nous demandons aux responsables syndicalistes qu'indépendamment de toutes
considérations, nous unissions nos efforts pour que le conflit que nous subissons ne risque pas
de provoquer chez certains des situations désespérées." Se posant en champion des malheu
reuses victimes de la grève, le CDLT s'affirme comme interlocuteur naturel des sections syn
dicales de l'entreprise, osant même suggérer que luimême rejoint les soucis des travailleurs.
Et d'ailleurs, le 9 mars, le CDLT tente sans succès de s'ingérer dans les négocia
tions engagées entre la Direction et les sections syndicales.
Le 22 mars, le CDLT appelle "les responsables CFDT et CGT à reprendre les
choses en main, eux seuls pouvant éviter que les choses dégénèrent." Le CDLT sermonne les
sections syndicales, se posant en instance supérieure à elles tout en leur concédant des capaci
tés à maîtriser les événements
Le 27 mars, le CDLT s'indigne : "Nous comprenons mal les reproches que nous
adressent les syndicats CGTCFDT de ne pas avoir agi en médiateurs. Nous leur rappelons
que cela a été notre premier souci lors de la création du Comité. Nous aurions accepté un rôle
en coulisse et ils le savent fort bien…Nous déplorons que ces efforts de notre part soient res
tés vains". Le CDLT cherche là à établir publiquement la reconnaissance par les sections syn
dicales de son importance, d'un rôle admis et même recherché par les dirigeants syndicaux du
conflit.
Dans cette deuxième phase le CDLT a préparé sa reconversion en Syndicat Auto
nome de chez PARISSA (SAP qu'il eut été plus juste d'appeler Syndicat Autonome Patronal)
après la grève.
3. Radicalisation et politisation du CDLT.
74
D'une part un certain nombre d'adhérents du CDLT ont pris plaisir à se heurter
physiquement aux grévistes à partir du 17 février et particulièrement le 21 février, blessant un
délégué CFDT et d'autres ouvriers.
D'autre part, tout en cherchant à se poser en alter ego des sections syndicales, ils
tentent à plusieurs reprises de ridiculiser les délégués, les tançant pour leur incapacité à maî
triser "une minorité d'agitateurs…". Le CDLT aspire déjà à s'imposer comme une structure de
masse, "par nature" hiérarchiquement supérieure aux autres organisations syndicales de
l'entreprise (car cadres, maîtrise et travailleurs intellectuels sont prédestinés à guider le cours
de la vie de l'établissement).
Enfin, très rapidement le CDLT désigne sa cible principale, (visée par 8 com
muniqués sur les 16 adressés à la presse) : les révolutionnaires qui ont pour but de renverser
l'ordre (inique) établi. La dénonciation d' "une minorité d'agitateurs" (expression présente dès
le 6 mars) devient un leitmotiv au cours des semaines suivantes. Le 17 mars : "Nous dé
plorons que l'accès à l'usine ne soit pas encore libre du fait de la présence de quelques agita
teurs notoires" . Le 18 mars : "Des éléments gauchistes renforcés par des perturbateurs étran
gers à Joseph PARIS se sont regroupés aux abords immédiats de l'usine …" ; "Certains
éléments extrémistes, à courts d'arguments, brandissent la menace traditionnelle de la répres
sion policière . Le 21 mars : "Les quelques 80 irréductibles renforcés par certains éléments ex
térieurs grillent route de RocheMaurice leurs dernières cartouches…" . Le 28 mars : "Lundi
matin, les troupes de choc des Facultés voulaient interdire l'accès de l'usine…l'affrontement
avec les gauchistes paraissait inévitable". Enfin, le 5 avril le CDLT s'en prend directement à
Dédé et moi : "Après les facultés, et comme chez Renault, les deux étudiants devenus
manœuvres se sont employés systématiquement à saper l'autorité des agents de maîtrise et à
discréditer les syndicats, s'infiltrant partout pour démolir. Ces dernières semaines, ils ont été à
l'origine de toutes les violences...Pour nous, il n'est pas pensable que de tels éléments re
mettent les pieds chez PARISS.A.. Notre entreprise n'est pas le Quartier Latin…".Le même
jour, le CDLT affiche nuitamment (contrairement à certains ouvriers, les membres du CDLT
n'ont jamais eu l'idée ni le courage de tenter de s'adresser directement aux grévistes par voie
de distribution de tracts) sur les locaux syndicaux un communiqué intitulé "Méfiezvous des
sirènes" qui tente de nous discréditer auprès des grévistes en affirmant que nous repartirons
vers de nouveaux merveilleux horizons financiers et que nous laisserons les travailleurs
"seuls, meurtris, écœurés !" Et le 10 avril le CDLT ajoute : "Les maoïstes licenciés épaulés
par des éléments du PSU et des étudiants des facultés ont une nouvelle fois noyauté la réunion
d'information…Nous avions senti rapidement le risque de débordement, et cela a justifié en
partie notre mobilisation, et notre détermination…"
Ce dernier communiqué est le plus éclairant en ce qui concerne l'orientation idéo
logique et politique d'au moins une partie des adhérents du CDLT et certainement de sa direc
tion. Il fallait combattre le péril jeune et rouge.
Cette orientation se retrouvera confirmée dans les tracts du Syndicat Autonome de chez Paris,
engendré par le CDLT après la grève.
75
C. Le rôle déterminant du CDLT dans la victoire patronale.
1. Un rôle de porteparole de la Direction.
A part un communiqué repris par la presse le 1er mars (dénonçant la présence
"d'extrémistes" dans l'usine et refusant d'emblée la discussion sur une augmentation en partie
uniforme des salaires" et trois lettres internes envoyées directement aux grévistes, la Direction
n'a pas eu besoin de justifier son intransigeance publiquement, par voie de presse.
Le CDLT a repris les thèmes de la Direction dans ses propres communiqués. Il
a par ailleurs pu éviter à la Direction de polémiquer avec les syndicats, justifier auprès de l'o
pinion les violences policières et autres excès contre les grévistes et enfin préparer publique
ment les sanctions de fin de grève (notamment le licenciement des deux ouvriers maoïstes.)
2. Une opération de "brouillage".
Assez exceptionnellement la grève de chez PARISS.A. s'est présentée comme
une grève unitaire, menée intersyndicalement CFDTCGT de bout en bout (élaboration des re
vendications, expression publique, décisions ont toutes été communes ).
Cela ne pouvait que produire une impression favorable auprès des travailleurs des autres
entreprises et de l'opinion publique.
L'apparition et la guerre des communiqués du CDLT sont venues sciemment
brouiller cette image positive (et juste) en répandant l'idée qu'une fois de plus les ouvriers
étaient divisés sur les formes et contenus du mouvement, parlant notamment de "travailleurs
nongrévistes", de "liberté du travail"…
Accessoirement la multiplication de dénominations et sigles accompagnant ce
conflit a introduit des confusions dans l'esprit de la population entre appellations syndicales,
Comité de Défense de la Liberté du Travail, Comité de Soutien aux grévistes…
3. Les tentatives d'intimidation des grévistes.
Les bagarres aux portes de l'usine avec des membres du CDLT armés de ma
traques et autres objets ont visé à réintroduire physiquement l'autorité de l'encadrement et à
faire s'éloigner du combat un certain nombre d'ouvriers plus ou moins âgés craignant d'être
victimes de ces violences.
Les agressions des grévistes isolés avaient le même but.
Enfin les "visites" rendues aux familles des grévistes en l'absence de ceuxci,
même si elles ont rarement atteint leur but, ont pesé sur la combativité des grévistes , davan
tage que les lettres que leur a adressées la Direction.
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Au passage, il est intéressant de noter une expression utilisée par le CDLT. :
"nous avons imposé à nos troupes ordre et discipline…il nous sera de plus en plus difficile de
contenir nos troupes" (communiqué du 20 mars). Cela établit bien la distinction existant entre
les Cadres dirigeants du CDLT et sa base. Cela indique également la conception militaire du
combat de classe des organisateurs de ce Comité, et la soif de violence d'une partie de ses
membres.
4. Le coup de force à l'Inspection du Travail.
Le coup décisif porté à la grève s'est produit le lundi 13 mars 72.
Le CDLT (de 100 à 300 personnes selon les observateurs ou les organisa
teurs) qui se prévalait jusque là de grands droits fondamentaux (liberté du travail…), condam
nait vertueusement l'occupation de l'usine (seule réponse possible à la décision de Jacques
PARIS de lockouter l'entreprise), et affirmait le 1er mars être hostile à 'l'intervention des
forces de l'ordre" pour évacuer les grévistes, entreprend de séquestrer toutes les personnes
réunies à l'Inspection du Travail.
Le CDLT prend en otage pendant 7 heures le Directeur de l'Inspection du Tra
vail, les délégués CGT et CFDT de chez PARISS.A., ainsi que la Direction de l'entreprise
(cette dernière ne pouvait pas s'en plaindre!).Malgré l'intervention du Préfet, le CDLT
n'accepte de libérer les personnes détenues qu'en échange d'une promesse des délégués de
faire évacuer l'usine le lendemain (ce que ceuxci refusent) ou d'une intervention policière. Le
prétexte était fourni à la Direction pour requérir la force publique et le lendemain les CRS in
vestissaient les locaux à 6 heures du matin.
La position de force détenue par les grévistes (blocage total de la production)
était perdue et l'échec du mouvement se dessinait dès ce jourlà. Le travail dans les bureaux
reprenant, la Direction pouvait dès lors utiliser les travailleurs des chantiers extérieurs pour
fournir une partie de la production et faire soustraiter le reste.
Il ne restait plus que les grévistes à être pénalisés financièrement par la grève.
D'une position offensive nous passions à une position défensive malgré la
grande détermination de ceux qui étaient en lutte.
Seule désormais une puissante mobilisation de la métallurgie nantaise aurait pu changer l'is
sue du conflit, mais les Unions Locales (surtout CGT) ne l'ont pas voulu et les différentes or
ganisations révolutionnaires étaient incapables d'amplifier le soutien populaire à la lutte.
Le CDLT pouvait revendiquer une victoire historique sur la classe ouvrière
nantaise.
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D. Après la grève, la transformation du CLDT en SAP.
Fort de son succès, le CDLT a su (tirant l'expérience de l'échec d'une tentative
similaire à UGECO quelques mois auparavant) se muer en Syndicat Autonome s'affiliant à la
CGC pour se présenter aux élections professionnelles .
Il a alors diffusé de nombreux tracts et élaboré plusieurs brochures de "ré
flexion", mêlant habilement des attaques antisyndicales avec de prétendues réticences devant
certaines injustices sociales afin de conserver dans un contexte moins exacerbé au moins une
partie de sa base de masse (cf. tracts cijoints)
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BRIBES DE CONCLUSION .
Le semiéchec de la grève en 1972 de chez PARISS.A. (abandon de la reven
dication d'une augmentation en partie uniforme des salaires, montant réduit de près de moitié
des prétentions syndicales salariales , licenciement de deux maoïstes, puis de deux autres ou
vriers, départ volontaire mais subi de plusieurs éléments actifs de l'entreprise dans les mois
ayant suivi la reprise du travail) ne doit pas totalement occulter certaines conséquences posi
tives de ce conflit.
Certaines luttes sectorielles se sont produites à la mécanique, à l'atelier d'entre
tien (particulièrement axées contre l'arrogance de la maîtrise).
Le courant de sympathie pour nous , s'étendant à l'ensemble des groupes révo
lutionnaires a perduré un certain temps et s'est manifesté entre autre par un soutien durant la
préparation du procès intenté par la Direction contre Dédé et moi (procès qu'elle n'a finale
ment pas osé intenter).
L'idée de la solidarité ouvrière a perduré (participation d'un certain nombre
d'ouvriers à la marche de soutien à Lip en 73, à la lutte des travailleurs de la Cerisay en Loire
Atlantique).
Les relations avec les paysans révolutionnaires se sont poursuivies quelque
temps (notamment pendant la "guerre du lait" menée par les "Paysans en Lutte" en 1973).
Une certaine conscience politique et sociale s'est donc répandue parmi une par
tie des travailleurs de cette usine , et certains d'entre eux sont même devenus des militants
d'organisations révolutionnaires par la suite.
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TRACTS INTERSYNDICAUX C.F.D.T. C.G.T. PARISS.A.
80
TRACTS DU COMITE DE SOUTIEN AUX GREVISTES.
81
DIVERS TRACTS DE SOUTIEN .
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COUPURES DE PRESSE.
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