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Septembre 2008

Tempestive deuxième
Claire Malroux

À la suite du texte inaugural de Michel Deguy dans Tempestives, je propose ici un pendant qui a
trait, beaucoup plus modestement, à une lecture non pas internationale ni nationale mais tout
simplement parisienne :

J’ai été contrainte de renoncer pour des raisons de fatigue à une séance autour de la traduction.
organisée dans une université située loin de Paris. S'il y a une idée que je voudrais transmettre, ai-je
dit en m’excusant, c'est qu'il n'y a pas de théorie ni de règle générale en traduction, dès lors qu'on
traduit un écrivain. Chaque œuvre appelle une approche particulière, suscite un corps à corps et un
cœur à cœur dont le passage d'une langue à l'autre ne constitue que l'élément le plus apparent.
J'aimerais que l’on considère la traduction de la poésie comme un art à part entière, qui va beaucoup
plus loin que la simple interprétation à laquelle souvent on la réduit.

Au cours d’une séance d’un autre ordre, une lecture de poésie dans une librairie, je me suis
dédoublée, libre d’être à la fois auditrice et observatrice. Je regardais tour à tour les livres sur les
rayons et les membres de l’assistance (poètes eux-mêmes pour la plupart), certains assis non loin du
lecteur, d’autres debout derrière des tables également chargées de volumes, à l’autre extrémité du
local. Tous étaient aussi alignés et impassibles que les livres. Rien ne trahissait l’effet sur eux de la
lecture : l’écoutaient-ils seulement ? Entendre lire un poète quand on se prétend soi-même poète est
difficile : on cherche à se situer par rapport à la parole qu’on reçoit, comme si elle était, du simple
fait qu’elle est prononcée, un critère officiel. On constate qu’on en est proche ou très éloigné et dans
ce cas, il faut faire un effort pour lui permettre de pénétrer en soi et frapper une corde sensible.

J’aurais aimé radiographier cette cinquantaine de cerveaux rassemblés pour lire leurs pensées,
mesurer leur distance ou leur convergence avec la lecture. Et plus encore, connaître la réaction des
auteurs ensevelis dans leur cercueil de papier à l’égard de leurs successeurs. Encouragements ou
regrets ? En même temps, je ne pouvais m’empêcher de sentir que j’étais dans une sorte de ghetto
où le monde réel n’entrait que filtré, noirci ou adouci, mais surtout adouci, un monastère des temps
modernes.

Pour ce qui est de « dire la poésie », Jacques Roubaud a sa manière à lui, très personnelle. Il
préconise dans Dors une troisième voix, « ni privée ni publique mais seulement physiquement dans
l’indéfini », une voix « se laissant pénétrer de distraction intérieure et extérieure, voire perméable
aux sollicitations du moment », une « voix de poésie » qui « demeure explication intérieure et non
l’intérieur sortant de soi pour expliquer l’intérieur à l’extérieur ». Sa manière s’applique
admirablement aux séquences qui constituent son poème Dors, où de grands silences séparent des
vocables répétés dans un ordre différent d’une séquence à l’autre, mais je doute qu’elle puisse être
étendue à d’autres types de poème. Je ne suis pas non plus convaincue qu’il faille en toute occasion
résister « à toute projection par quelque moyen que ce soit dans le royaume de la connaissance ».

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