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Novembre 2008

Traduire Mallarmé
Marcos Siscar

La traduction d’un poème est-elle un travail « créatif » ou « philologique » ? Doit-elle concerner la


poésie du présent, ou bien se porter témoin de son époque ? Pour Haroldo de Campos, qui a traduit
Un coup de dés, en 1974, Mallarmé était assurément un poète de son époque, plus qu’un poète
attaché aux valeurs du XIXe siècle. Ce n’est pas par hasard que Un coup de dés a joué le rôle, dès
les années 1950, de figure phare de l’avant-garde poétique brésilienne, à côté d’Ezra Pound et
James Joyce. Ce Mallarmé « anticipe », confirme ou légitime les événements qui étaient en train de
prendre place. Contre les moisissures de l’histoire littéraire, Mallarmé devient alors un poète plus
expérimental que « parnassien », plus visuel que mystérieux.

Comme en France, la fin des avant-gardes a affaibli l’enthousiasme de ces interprétations. Par
contre, presqu’à la même époque où la critique française renoue avec la lecture de ce poème, Álvaro
Falleiros, professeur à l’Université de São Paulo, prépare une nouvelle traduction de Un coup de
dés, bientôt sortie en livre, avec un texte d’introduction et des notes explicatives. Peut-on conclure
que Mallarmé a rapport avec quelque chose qui remue à nouveau dans le contemporain de la poésie ?

Falleiros a bien raison de ne pas s’opposer à la traduction que Haroldo de Campos avait fait du
poème. Non seulement parce qu’il dialogue avec son travail de manière productive, mais aussi
parce que la valeur d’un geste de traduction semble ne plus se mesurer par le simple pouvoir de
négation de la lecture précédente, de rupture avec son sens. Ce qui est en jeu pour le traducteur – je
dirais – est la capacité qu’il aurait d’hériter la tradition, en cherchant de nouvelles conditions de
« permanence ».

Par rapport à cela, Falleiros observe qu’il « ne s’agit plus de prendre la traduction comme une arme
dans la bataille contre un supposé conservatisme ou parnassianisme généralisé ». Il s’agit donc
d’autre chose. Et, même si le traducteur ne prend pas les choses comme ça, on peut le constater :
notre époque met en jeu, d’une seule fois, tout l’héritage. Et donc il ne s’agit plus d’opposer
l’invention et la philologie, mais peut-être de répondre à la question : qu’est-ce que pour le lecteur
d’aujourd’hui l’impératif d’un poème ?

L’énigmatique Un coup de dés est un poème qui continue à porter ce défi, d’autant plus que le
traduire est d’abord une provocation au scepticisme journalistique ou même universitaire qui
s’exprime souvent par le désir de la tabula rasa. Pourquoi relire, pourquoi retraduire Mallarmé ? La
réponse à cette question devrait être mise en parallèle avec nos raisons de partager l’intérêt ou
l’amour de la poésie, aujourd’hui.

La stratégie de Falleiros, afin d’« humaniser » le poème (c’est son mot), consiste bien à lui donner
une nouvelle attention, l’arrachant à la machinerie de la Poésie Concrète brésilienne dans laquelle
Un coup de dés fonctionne comme l’un des dispositifs. Humaniser voudrait dire ici, d’abord,
essayer d’écouter le texte, de prêter attention à son événement. Mais cela ne nous épargne pas, au
contraire, de la nécessité d’« inventer un problème », comme le propose le traducteur. Et la
précision herméneutique, amenée ici à la compréhension des figures de pensée, aurait comme
intérêt au moins de disloquer le problème auquel le poème était jusqu’ici trop attaché.

Le déplacement est donc aussi critique, basé sur la connaissance plus fine du discours du poète
concernant les enjeux politiques de la poésie. Dans le cas de Mallarmé, ce discours rejoint de très
près les inquiétudes de notre époque quant au sens de l’histoire littéraire et celui de la poésie elle-
même, exposées à ce qu’on interprète comme le rétrécissement de l’espace politique et la
patrimonialisation de la culture. L’événement poétique de Mallarmé n’est donc plus pensable sans
la compréhension que l’auteur avait de son rapport à l’histoire ou à la « culture », et des ressources
que la poésie aurait pour répondre à sa situation.

Le traduire, dans la circonstance, c’est prendre le risque d’un nouvel usage de la tradition, cet
héritage, « legs en la disparition », en gardant des distances aussi bien de la raréfaction que de la
momification étouffantes de son sens. C’est le sens même d’un coup de dés poétique, dans la
mesure où, « veillant / doutant / roulant / brillant et méditant », il pourrait produire la tension entre
la fragilité aérienne de la plume et l’opacité de la brume à traverser.
Autrement dit, retraduire Mallarmé aura été le coup des dés.

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