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Le risque, c'est qu'à trop vouloir notre bien on ne finisse par nous rendre vrai
ment malades. On a déjà évoqué les risques inhérents au manque de cholestérol ou
de sel, mais il y a plus grave : la multiplication des interdits est à l'origin
e d'un conflit psychique entre, d'une part, la recherche du plaisir et, d'autre
part, le respect des consignes médicales qui imposent l'abstinence. L'individu s
e retrouve soit frustré, soit, ce qui ne vaut pas mieux, coupable de se faire pl
aisir. Le voilà victime du stress psychique. Or, le stress affaiblit les défense
s immunitaires et ouvre la voie à de nombreuses maladies, auto-immunes ou infect
ieuses.
Contradictions officielles
Les recommandations officielles en matière de nutrition sont pour le moins contr
adictoires d'un pays à l'autre ! Une incohérence qui traduirait des motivations
moins scientifiques qu'il n'y paraît...
On commence à bien connaître le processus par lequel les glucocorticoïdes, hormo
nes du stress, sapent les défenses de l'organisme. Sur ordre de l'hypothalamus,
situé au centre du cerveau, elles sont sécrétées par les glandes surrénales, sit
uées au-dessus du rein. Elles inondent alors l'organisme et parviennent, notamme
nt, dans les cellules immunitaires. Là, elles inhibent la synthèse des éléments
nécessaires à la réponse immunitaire et inflammatoire (voir dessin). Cela pourra
it expliquer pourquoi les personnes stressées par des conflits familiaux ou prof
essionnels attrapent plus fréquemment des rhumes.
Ce maudit stress est également coupable de freiner la spermatogenèse, car un exc
ès de glucocorticoïdes perturbe la sécrétion de testostérone. On le rend aussi r
esponsable d'un excès de 20 % des maladies cardiaques chez les personnes qui y s
ont très sensibles.
En résumé : pour conserver la santé, gardons-nous du stress et de la frustration
. Il se pourrait d'ailleurs que la réduction du stress ait des vertus thérapeuti
ques : le taux de survie de certains cancéreux est plus élevé quand ils reçoiven
t un soutien psychologique et social destiné à limiter leur niveau de stress.
Eviter le stress, c'est bien, se faire plaisir, c'est encore mieux. Les immunolo
gistes savent depuis longtemps que la relaxation augmente l'activité des lymphoc
ytes tueurs, cellules essentielles des défenses immunitaires. Le rire aussi est
connu pour réduire le taux de glucocorticoïdes. Le tabac, l'alcool, le café, le
thé, les sucreries - en particulier le chocolat - permettent de lutter contre le
stress, de se détendre. Ces produits, tout comme les riches repas traditionnels
qu'ils accompagnent souvent, sont l'objet de partages conviviaux ou rituels. Au
tant de pratiques collectives qui favorisent l'intégration dans le groupe social
, donc l'équilibre psychique.
Au-delà de leurs effets apaisants et de leur rôle social positif, ces substances
ont une action physiologique bénéfique. David Warburton rappelle que le café, p
ar exemple, renforce l'attention, tout comme la nicotine, dont il semble, en out
re, qu'elle protège de la maladie d'Alzheimer. Le chocolat a des vertus calmante
s et stimule la concentration. L'alcool et le thé réduisent le risque de maladie
cardio-vasculaire.
Varier les plaisirs pour vivre vieux
Bref, nos petits plaisirs n'ont pas que des mauvais côtés. Mais gare aux abus !
Tous ces bienfaits ne se manifestent qu'à doses modérées. Pas question de nier l
a nocivité des excès répétés d'alcool, de tabac, de graisses ou de sucre. Appare
mment, il n'y a que deux perspectives : vivre longtemps avec modération ou brièv
ement avec intensité. Même quand ils sont correctement informés des risques qu'i
ls courent, nombre d'entre nous préfèrent sacrifier une hypothétique longévité a
ux plaisirs du moment.
Cette attitude imprudente, mais si profondément humaine, survivra-t-elle au puri
tanisme nutritionnel triomphant ? A moins qu'une troisième voie ne finisse par s
'imposer. L'un de ses partisans, Adam Drewnowski, directeur du programme de nutr
ition humaine à l'université du Michigan, estime que le fameux « paradoxe frança
is » - nous mangeons gras et buvons trop, mais souffrons peu de maladies cardio-
vasculaires - s'explique par la diversité de notre alimentation. Pour vivre mieu
x et plus longtemps, varions les plaisirs, et, si les excès nous tentent, réserv
ons-les aux grandes occasions.
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(1) Associates for Research Into the Science of Enjoyment (associés pour la rech
erche dans la science du plaisir). En anglais, arise signifie « se lever ».
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Le sexe. ça conserve
Faire l'amour, c'est bon... pour la santé. C'est la conclusion d'une étude du dé
partement de médecine de l'université de Bristol (Grande-Bretagne). Le risque de
mortalité des hommes sexuellement actifs est deux fois moindre que celui des ab
stinents. L'effet dépend de la dose : le risque de mortalité diminue proportionn
ellement à la fréquence des rapports sexuels.
Cette étude ne dit rien des femmes, mais des recherches déjà anciennes ont mis e
n lumière la plus grande longévité des femmes qui ont des rapports sexuels fréqu
ents et satisfaisants. La relation de cause à effet reste cependant à démontrer.
Une enquête portant sur des nonnes révèle en effet un taux de mortalité plus fa
ible. Seraient-ce les vertus de l'extase mystique ?
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Science & Vie N°967, Avril 98, page 72