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1. Un autre pêcheur dit alors : « O Seigneur et Maître, Tu as dit qu'il ne servirait à rien
à une âme d'être parfaitement lucide dès son arrivée en ce monde, parce que, comme nous le
comprenons bien à présent, elle deviendrait tout à fait paresseuse et oisive ; car si quelqu'un a
perdu une chose précieuse, il la cherchera jusqu'à ce qu'il la retrouve, si cela est possible - et
c'est ainsi que, par ses sens extérieurs brouillés, l'âme cherche sa clarté intérieure perdue.
Mais, lorsqu'elle aura retrouvé cet immense trésor de vie, qu'adviendra-t-il alors de son
activité ? Car lorsqu'un homme a le bonheur de retrouver ce qu'il a perdu, sa recherche est
bien sûr terminée, donc son activité ! Ainsi, lorsqu'une âme a pleinement retrouvé ce qu'elle
cherchait avec ardeur, elle devrait elle aussi tomber dans la paresse et l'oisiveté ; mais alors,
elle redeviendrait comme morte, ce qui ne ferait sans doute guère son bonheur. Seigneur et
Maître, je ne comprends pas encore tout à fait cela. »
2. Je dis : « Ami, le vrai bonheur de la vie ne consiste pas dans une vision et une
connaissance parfaites, mais seulement dans l'accroissement constant des œuvres de l'amour,
et c'est pourquoi toute âme doit d'abord faire de cette pieuse activité l'unique élément de sa
vie, sans quoi elle n'atteindra jamais la clarté de la vie intérieure ; car l'exercice de la charité
est un feu intérieur vivant qui, par une activité toujours plus grande doit devenir une flamme
très claire.
3. Et, une fois que l'élément de la vie est si pleinement éveillé dans l'âme qu'elle s'est
elle-même changée tout entière en cet élément – autrement-dit, quand l'homme tout entier est
né à nouveau ou régénéré en esprit -, malgré la lucidité intérieure qu'elle a acquise grâce à une
activité d'amour portée à son plus haut degré, l'âme demeure à ce plus haut niveau possible
d'activité, qui fait croître sans cesse sa félicité et sa clarté intérieure, car celles-ci s'accroissent
selon ses œuvres et non selon sa lucidité, qu'elle n'aurait de toute façon jamais pu atteindre
sans les œuvres d'amour ; car l'ordonnance divine est ainsi faite de toute éternité qu'aucun
esprit, qu'aucune âme humaine ne peut atteindre la lumière sans les œuvres qui lui
correspondent.
4. Or, comment les hommes créent-ils la lumière en ce monde matériel ? Ils frottent
deux morceaux de bois ou deux pierres l'une contre l'autre jusqu'à ce que des étincelles de feu
en jaillissent ! Ces étincelles tombent sur des objets facilement inflammables qui deviennent
incandescents. Lorsque cette incandescence est devenue suffisamment forte et que l'on met en
contact avec elle des objets combustibles - tels le bois, la paille ou cette résine qui, mêlée de
soufre et de naphte, s'enflamme si rapidement -, une flamme claire s'en élève aussitôt, et cette
flamme, lumineuse elle-même, éclaire tout ce qui l'entoure.
5. Sans l'activité qui les a précédées, cette incandescence, puis cette flamme brillante
dont le mouvement très vif est lui-même le signe visible d'un haut degré d'activité, auraient-
elles jamais pu naître ?
6. Ainsi, déjà dans le monde de la matière morte, on voit que l'apparition du feu et de
la lumière doit être précédée d'une certaine activité. Et, pour que la vie de l'âme soit éclairée,
il faut à plus forte raison qu'une certaine activité éveille en elle l'amour, qui est l'élément de la
vie ; et c'est seulement par cette activité accrue que naît alors dans l'âme la lumière, c'est-à-
dire la sagesse, qui, se connaissant elle-même, connaît, juge et ordonne par elle-même tout
chose.
7. Voici, ami, ce qu'il en est de la vie de l'âme et de la claire connaissance qui est en
elle. Tu n’as donc pas à craindre que, dans sa sagesse divine, une âme bienheureuse devienne
jamais paresseuse et oisive, parce que la sagesse d'une âme, ici-bas et plus encore dans l'au-
delà, résulte précisément de son activité, et, s'il fallait ou s'il était possible que cette activité
cessât jamais, l'âme perdrait aussi sa sagesse et sa lucidité intérieure. - As-tu compris
maintenant ? »
GEJ9 C143
De l'activité des esprits