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Splice , ou Vincenzo Natali vu sous l'angle du pamphlet

"Issu de toi, issu de moi, on s’est hissés sur un piédestal ; et du haut de nous deux, on a vu."
A. Bashung

Note : il est préférable d’avoir vu le film avant de lire cet article.

Nombre de papiers critiques sont dithyrambiques à l’égard de Splice, et ce à juste titre en regard de
la qualité indéniable de cette démarcation très shelleysienne des aventures de Dolly au pays des
dérives bioéthiques. Cependant, les arguments et considérations que l’on y trouve le plus souvent
sont assez similaires (pour tout dire relativement convenus) dans leur manière d’en rester à la
surface des choses. Il ne s’agit pas ici de fustiger une prétendue (quoique probable, certaines
publications se contentant de copier-coller le dossier de presse) paresse éditoriale qui consisterait
à traiter les films avec une grille préconçue de type « décris tout ce que tu vois dans le dessin », et
à y appliquer une réflexion formatée dont l’un des symptômes serait la subordination aux tics de
la langue journalistique (celle-là même qui fait par exemple accoler systématiquement le terme
"bagatelle" à toute mention d’une importante somme d’argent).

Il apparait pourtant surprenant que sous prétexte que Splice est un film de SF, on ne le traite que
par le petit bout de la lorgnette de la Hard Science, tant le discours sociétal pur et dur (et d’un
pessimisme patent) s’y étale en indices trop multiples pour être fortuits. Bien entendu, la
prospective scientifique de l’objet est solide et soulève ses propres questionnements, notamment
en ce qui concerne la bioéthique, la marchandisation du vivant (aujourd’hui même l’on brevette
des êtres vivants en tant que technologies, au nom de grandes sociétés cotées en bourse), la
virtualisation des rapports humains, le contrôle de la recherche et plus largement la notion de
progrès technique et les questions qui en découlent. Mais débarrassé de ses atours les plus
évidement science-fictionnels, que raconte au final Splice ? Deux jeunes gens, membres productifs
de la société mais aussi foncièrement immatures, font un enfant par la grâce de la procréation
médicalement assistée. Objet de tous les caprices (après tout il en est un lui-même), l’enfant sert
de réceptacle à tous les désirs plus ou moins refoulés de chacun de ses géniteurs, qui le traitent
tantôt en enfant-roi, tantôt en animal de compagnie. Enfants eux-mêmes, leur relation avec un
être qu’ils ont conçu pour eux et non pour lui-même est pour le moins ambiguë, laissant la porte
ouverte à l’inceste et aux pires maltraitances et castrations, symboliques ou non. Dans un tel
environnement pathogène, l’enfant d’abord innocent devient littéralement un monstre œdipien
aux passages à l’acte violents, uniquement préoccupé de toute-puissance et de domination, seule
issue d’une cellule basée sur la collusion d’égocentrismes puérils eux-mêmes prostrés dans un
sentiment de toute-puissance informulé mais jamais dépassé. Expliquons-nous :

Bien plus que tout autre genre de récit narratif, la science fiction se caractérise non par son
folklore (sciences dures, prospective technique) mais en ceci que ce folklore sert de tremplin à des
considérations universelles : humanité/non humanité, politique, religion, rapport à la technologie,
au temps, à l’espace, au réel, etc.. Herbert, Ballard, K. Dick, Asimov, Huxley ou Verne
développent ainsi, plus ou moins en filigrane, des réflexions théoriques complexes sur leurs
terreaux mythologiques et techniques, au point de rencontre de la distance que leurs univers
entretiennent avec le nôtre, et du vérisme de leur démarche d’écriture. Ce faisant, ils prennent la
philosophie, engluée plus ou moins dans le quotidien et les sciences humaines depuis le
situationnisme, pour mener des questionnements qu’on ne trouve plus que dans ce domaine
fictionnel "fantaisiste", ou dans les publications scientifiques les plus pointues d’astrophysique ou
de neurobiologie.
Au fil de sa filmographie, Natali s’approche par la métaphore de considérations sociologiques que
l’on retrouve par exemple dans le cycle Dune de Herbert (tomes 4 à 7 principalement), concernant
les multiples modes de coercition sociale et technologique, la pulsion messianique et la notion
même d’individu au sein de structures données. Elevated et plus encore Cube montrent des sociétés
(schématisées à l’échelle de petits groupes humains archétypaux) s’écrouler sous la pression de la
lutte pour la survie, démontrant que le plus court chemin d’une barbarie à l’autre semble bien être
la civilisation. Le constat est pessimiste, et l’ouverture proposée par la "victoire" du simple
d’esprit ne fait qu’en entériner l’amertume : plus il est "malin", performant en société, spécialisé
dans ses compétences, plus l’être humain se ravale rapidement au rang de la bête féroce, le calcul
froid en plus. Sous ses dehors de fable dickienne, Cypher fait fort lui aussi : dans un monde
corporate, mais par extension dans tout groupe humain (voir les séquences domestiques),
l’individu est une quantité négligeable et même un mythe mis en place pour la régulation
(comment ne pas penser à ce titre aux notions modernes de marketing de niches ?), sauf dans le
cas des électrons libres et agents provocateurs que le corps social cherche à éliminer à la manière
de virus informatiques. Révolutionnaire, libertaire, la morale de ces récits? Le méconnu Nothing
montre bien que le pessimisme de Natali envers l’humanité n’est pas soluble dans la liberté
d’action de l’individu, ou en tous cas dans cette vision tronquée qu’a notre temps de la liberté
individuelle, dominée par un égocentrisme d’enfants en bas âge : devenus virtuellement
omnipotents par soustraction des éléments du monde qui les dérangent, les deux personnages ne
sortent pour autant jamais de leurs carcasses, ni de l’immaturité qui les pousse à ne chercher que
des solutions simples (i.e. l’amputation du réel plutôt qu’une appréhension plus poussée de celui-
ci). Lorsqu’arrive l’inévitable point de rupture, il ne reste plus qu’à s’entretuer.

Splice apparaît comme une synthèse de ces jugements sans appel. Y sont dénoncés l’immaturité
individuelle, son encouragement à l’échelle de sociétés entière par les agents décideurs du monde
économique (il est à l’heure actuelle plus facile de vendre des Iphone que des livres de poche), ses
effets délétères sur la (les) génération(s) suivante(s), jusqu’à des cataclysmes (sociaux, guerriers,
écologiques) dont il est difficile, voire impossible, de prévoir les futurs et successifs raffinements
d’abjection.

A vrai dire, devant Splice on pense beaucoup à Philippe Muray, grand - et salubre - sceptique
devant la joyeuse parade pimpante de l’époque, joyeuse et pimpante elle aussi (et disponible en
plusieurs parfums pour masquer l’arrière-goût des charniers qui la contituent). Un article en
particulier publié à l’époque dans le regretté mensuel L’Imbécile, où celui-ci s’étonnait du culte de
l’Enfant-Dieu devenu omniprésent dans les pays occidentaux, dénommé par lui infanthéisme et
qu’il qualifiait de "maladie infantile de l’humanité contemporaine sénile" avec la verve qui le
caractérisait. Ainsi « l’infanthéisme fait rage quand justement il n’y a plus d’enfants ni d’enfance. Plus d’adultes
non plus par la même occasion. La frontière entre les deux stades s’efface au profit du premier dont l’adulte
infanthéiste épouse à toute allure les goûts, la façon de parler, de jouer, de croire ou de ne pas croire, de s’émouvoir,
de réclamer des friandises et des divertissements mais aussi des lois qui le protègent des dangers du monde extérieur
», et « l’infanthéisme (…) est d’abord une auto-croyance, un auto-culte, le culte de soi-même idéalisé, de soi en tant
que néo-enfant tout-puissant ». Guillermo del Toro tenait des propos similaires en promotion de
l’Espinazo del Diablo , en réponse aux étonnements d’interviewers devant son absence de scrupules
à tuer ou blesser des enfants dans ses films. Il remarquait ainsi qu’à Hollywood et plus
généralement en termes de climat culturel, l’enfant est devenu une figure fantastique au même
titre que le vampire ou le loup-garou : parfait, immortel, invincible, ayant toujours le bénéfice de
l’innocence mais toujours aussi une réplique sarcastique concernant la vie sexuelle ou
sentimentale des adultes… Del Toro a depuis sauvé Splice du development hell en le
coproduisant, et c’est peut-être autant par proximité philosophique que par goût du film de
monstre. Film de monstre qu’est tout de même principalement Splice, son concept démarquant
bien entendu Frankenstein, mais en en biaisant d’emblée le concept de base - le Nietzsche de la
mort de Dieu étant passé par là depuis l’écriture du roman. Ici, les scientifiques ne jouent pas à
Dieu, ils jouent, tout simplement, incapables de voir plus loin qu’eux-mêmes et oublieux des
éventuelles conséquences de leurs actes. Jusqu’à Elsa, qui reproduisant les maltraitances qu’elle a
elle-même subies, ne se rebelle pas par ses actes contre une figure tutélaire mais en réplique le
modèle, sans filtre ni réelle réflexion préalable. D’autant que le fait qu’elle ait intégré son propre
ADN dans Dren, à l’insu de son conjoint, indique déjà à quel point l’enfant obtenu est
instrumentalisé d’emblée (la raison d’être de leurs travaux est de produire une hormone - voir les
créatures Ginger et Fred - mais la conception de Dren sert aussi à combler un désir de maternité
que par ailleurs elle nie).

Car les indices de sa prise de position, Natali les dissémine partout dans son film. Dans sa
structure narrative elle-même, nous l’avons vu, mais aussi et surtout dans les éléments de son
imagerie et la caractérisation de ses personnages : ne supportant pas de travailler si
l’environnement n’est pas personnalisé sous la forme du loisir (fonds musicaux, gadgets), ils
s’habillent et vivent comme des adolescents (la déco de l’appartement, remplie entre autres
d’artoys, d’objets de design à la mode et de posters à la manière d’une chambre d’étudiant), ont
du mal à investir leur relation hors du stade du "chuis-beau-t’es-belle-on-baise", et conçoivent
Dren en catimini, par défi envers une autorité qui leur a refusé d’avancer bille-en-tête, comme on
fait le mur pour aller taguer les murs du lycée en buvant de la vodka bon marché. Une fois celle-ci
née, ils la vêtent de petites robes, la nourissent de bonbons et alternent ébaubissements quant à
ses mille merveilles et crises d’autorité aussi ponctuelles qu’incongrues. Ne reste plus qu’à mettre
l’infortunée sous cloche (dans le labo, le sous-sol, la caisse de transport puis la grange), tant
physiquement qu’intellectuellement. La conséquence directe de tels comportements est
l’explosion, à l’adolescence de Dren, de toutes les pulsions contradictoires qui déferlent sans
frein.

Le parallèle est évident avec les enfants et adolescents tueurs, adeptes de pornos hardcore,
d’alcoolisations massives, de tortures de SDF, etc. etc., et qui font les choux gras de la presse à
faits divers depuis une trentaine d’année. Successivement, les medias et/ou personnalités
politiques jamais bégueules dans l’anxiogène, auront accusé pour expliquer le phénomène les
video nasties, les jeux de rôle, la télévision (ah, l’adoption de la V-chip au début des années 90 !),
les jeux vidéos, Internet, le black metal… Une cause plus diffuse, mais nettement plus
convaincante, pourrait justement être la déréalisation générale d’un certain occident, cet
imaginaire entièrement rose et bleu pastel dans lequel on cherche à confiner l’enfance, tant dans
sa vie physique que psychique, en le protégeant virtuellement de toute expérience traumatisante
ou simplement désagréable. N’ayant pu construire, enfants, leur imaginaire sur des limites telles
que peur, douleur, pathos ou frustration, il apparaît logique, du moins explicable, qu’arrivés dans
le maelström émotionnel, hormonal et conflictuel de la puberté, ils recherchent ces limites, cette
réalité, avec une force d’impact décuplée par l’élan pris sur plusieurs années d’enfance sans
histoires.

C’est ainsi que Dren évolue, et commence à manipuler son entourage et en particulier Clive, son
"père" putatif qui aurait plutôt un rôle extérieur, repoussé hors de la relation entre elle et sa mêre.
Lui-même a un comportement tranché envers Dren, il essaie à plusieurs reprises de la tuer dans
un reflexe quasiment prophylactique, bientôt teinté par le dépit narcissique : la scène de la noyade
intervient après qu’Elsa ait refusé de faire un enfant avec lui, alors qu’elle s’investit bien au-delà
de l’éthique avec son sujet d’étude. Le fait de simplement vouloir annuler l’expérience clandestine
(par élimination de Dren donc) avant de se faire prendre, ne fait pourtant pas de Clive un agent
de la modération ou de la maturité ; elle serait plutôt à voir comme une expression Peter
Pannesque de vouloir absolument rester (ou retourner) dans un statu quo sécurisé "d’avant tout
ça", comme l’on souhaiterait à l’issue d’une rupture douloureuse n’avoir jamais rencontré l’objet
de son tourment, ou comme on forcerait sa petite amie à avorter…

Seul référent masculin de Dren (manifestement hétérosexuelle), mais suffisamment extériorisé


pour être un objet de convoitise, il sera rapidement séduit par la créature lorsque sa rivalité avec
sa mère est, elle aussi, sortie de gestation. Le spectre de l’inceste plane, mais ne se posera
réellement qu’à l’occasion du climax qui voit une Dren totalement pervertie par une éducation
calamiteuse, et qui transgresse volontairement ledit tabou.

Car Dren est tout d’abord innocente, la répétition d’une séquence de tuerie animalière suffit à le
souligner : lors de sa première sortie, elle tue et dévore un lapin, mais il s’agit d’un geste animal,
instinctif, en somme ingénu, qui n’est pas sans rappeler la Jennifer de Dario Argento dans le
segment éponyme des Masters of Horror. Lorsqu’elle se bat contre Elsa dans le but de se débarasser
d’une rivale et de s’affranchir de mauvais traitements absurdes, elle pique le chat dont elle s’était
entichée à l’aide de son aiguillon dans une démonstration perverse de pouvoir. Une fois qu’elle a
repris le dessus, Elsa ne s’y trompe pas et entreprend d’emblée de castrer Dren de son appendice
caudal. Qu’à cette occasion, Clive passe d’objet de référence et de désir à simple sujet de pulsions
et de rétorsions, est évident et logique. Vers un dénouement qui ouvre le sujet du point de vue
scientifique, mais laisse le protagoniste restant dans le même état de grand poupon capricieux,
boudant devant le gâchis par lui-même engendré.

Dernier point : ces lectures scientifique et sociétale ne sont pas opposées, elle sont bel et bien
complémentaires. La science, comme toute activité humaine, s’inscrit dans son époque et les
climats sous lesquels elle est pratiquée. Que Natali émette des réserves quant à la société qui
produit Clive, Elsa et finalement Dren, n’implique pas qu’il n’a pas d’empathie pour ses
personnages. Justement, il les accompagne presque sans les juger, leur donne des occasions de
mûrir, de s’amender, de tout simplement ne pas trop mal faire. Ce faisant il constate avec eux les
conséquences logiques de leurs errements, et par la même occasion, le spectateur le peut lui aussi,
en étant aussi fasciné et attiré par la créature que le sont les protagonistes. A ce titre, le parallèle
fait à l’envi dans la presse avec le Cronenberg de la première époque (surtout The Brood) est
intéressant au même titre : Si un regard superficiel ne permet de voir que de la prospective
scientifique, le tout est sous-tendu par un contexte sociétal très fort : pour la petite histoire, The
Brood était la réaction explicite de Cronenberg à Kramer contre Kramer, qui l’avait horrifié alors qu’il
traversait des épisodes similaires. Décidément, les territoires de la SF et plus généralement de
l’imaginaire, c’est-à-dire d’une pensée qui dépasse le quotidien de l’individu, de l’ici et du
maintenant, peuvent constituer des instruments de métaphore précieux pour appréhender cet ici
ce maintenant. Mais c’est aussi bien plus que ça : en dépassant l’immédiateté de l’appréhension
facile d’un réel tronqué par le rationalisme bon teint, ces domaines forcent à une vision plus
mature des choses. Pas mal pour des genres considérés souvent comme infantiles.

F Legeron

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