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ig. Saint-Martin db Vic ecbe def vie du Christ eur la pari nord cae LE DECOR PEINT DES EDIFICES ROMANS: PARCOURS NARRATIFS ET DYNAMIQUE AXIALE DE VEGLISE Jéréme Baschet Les images médiévales peuvent étre définies comme des images-objets, ou des images-lieux, adhérant & un objet ou & un lieu, dont elles consti- tuent le décor et dont elles accompagnent I'usage. On ne saurait done comprendre les peintures qui coment les thurs des églises romanes sans prendre en compte|le statut social et I'usage liturgique de ces lieuxgituels. Pour autant, on ne postulera pas une adéqfuation compléte et systématique entze image & son lieu, et on tentera plutdt de saisir les relations variables et souples qui les unissent, en soulignant la contribution active du décor au fone- tionnement du lieu cultuel, (On souhaite ici mettre en évidence un aspect particulidrement important de Védifice roman: sa dynamique axiale, ainsi que les diverses modalités qui permettent au décor de Y’exprimer. Cet aspect ne pouvant étre séparé des autres cara tiques de Yédifice, on proposera d’abord une esquisse structurale du lieu cultuel a V’poque romane, en insistant sur le fait que celui-ci enregis: tre es conséquences de transformations sociales et institutionnelles majeures. On détaillera ensuite analyse d’un exemple privilégié, le cycle peint de Ia votte de Saint-Savin; puis, on complétera la réflexion en considérant des édifices plus modestes, ainsi que d’autres modalités par lesquelles le décor éris peut contribuer la dynamique aviale du lieu ritue. Précisons encore qu’on se limitera iei au décor peint, mais qu’ll conviendrait de saisir ensemble tous les «ornements de VEglise», quiils soient peints, sculptés, tissés, inscrits dans le verre 0’ encore orfévrés, et de sureroit sans séparer icono. graphie et omementation, car c'est une conjonction multi-médiatique d‘images-objets qui fait du liew sacré un liew d'images. Leédifice cultuel a Vépoque romane une esquisse structurale Une église romane est bien plus qu’un simple lieu de culte. Déja, durant le haut Moyen Age, les ééifices épiscopaux et monastiques constituaient des centres de pouvoir de premiére importance, mais, au cours des xi-xt® siécles, les églises plus modestes, telles que paroissiales ou priorales-cures, acquiérent aussi un réle social majeur. La société médiévale connatt alors une réorganisation forte, & laquelle Robert Fossier a donné le nom d’«encel ment»: la fixation et Je regroupement de ’ha- bitat aboutit, dans la plupart des régions d’Occi- dent, la constitution d’un réseau stable de villages dont le péle majeur est, le plus souvent, Véglise et le cimetiére qui lentoure, Méme dans les régions 181 oi Vhabitat reste dispersé, ce péle ecclésial est déterminant, du fait de la généralisation du réseau pparbissial: celui-ci est le cadre de vie décisif, asso- cant au. méme Tieu la tiple obligation du baptéme, du versement de la dime et de la sépulture. Encore faut-il préciser que le terme «encellulement» ne doit pas conduire & imaginer une juxtaposition de cellules locales, indépendantes les unes des autres. Dés lors que l’eucharistie est supposée assurer la Présence réelle du Christ, chaque paroisse est le lieu oti se réalise Punité globale de la chrétienté. En ce sens, espace féodal fonctionne moins par juxta- position d’unités élémentaires que per un jeu embottements et de synecdoques qui identifient volontiers la partie au tout. ‘Comme I’a souligné Alain Guerreau, «dans VBurope féodale, Vespace n’était pas congu comme continu et homogéne, mais comme discontinu, hétérogéne et polarisé»?, Or, ce sont pour Vessen- tiel des batiments ecclésiaux qui assurent cette polarisation (Varistocratie laique et le chateau inter viennent également, mais le contraste entre Vinsta~ bilité du réseau castral, marqué parla fréquence des abandons et des changements de site, et la stablité du réseau ecclésial,suffit & indiquer lequel des deux pése le plus lourd). Il faut aussi insister sur le cime- titre, qui entoure désormais les églises, et se trouve par conséquent au coeur des espaces habités, qu’ils sojent ruraux ou urbains, Une telle cisposition est Vaboutissement d'une mutation capitale*. En effet, VAntiquité romaine enterrait ses morts loin des beccsTeat 2 182 cespaces habités et le haut Moyen Age a connu une grande diversité d’usages: transfert des corps saints dans les églises urbaines, nécropoles en pleine campagne, sépultures isolées, fréquentes encore & Yépoque carolingienne. Puis, au xt siécle, Je cime- tire attenant & Véglise, faisant désormais Vobjet dun rituel spécifique de consécration, se généra- lise partout comme le seul lieu licite de sépulture des défunts. En conséquence, se rendre & léglise signifie traverser la tefre des morts: le batiment ‘ecclésial est ainsi entouré, non du monde profane, mais d'une enveloppe sacrale, associée au statut fondateur de Yancestralité Dominique logna-Prat (2006) a récemment mis en lumire lémergence d’une nouvelle doc- {rine du lieu de culte, dont on peut penser qu'elle est Vaboutissement des processus sociaux que Yon vient dévoquer. Les chrétiens de l’Antiquité tar- dive et des premiers sitcles médiévaux, concevant Ta communauté sur un mode essentiellement spiri- tuel, tendaient & minimiser Vimportance du lieu matériel 08 se déroulait le culte (de méme que celui de la sépulture des défunts). Lépoque caro- lingienne marque une étape importante dans la valorisation du liew cultuel, comme lindique notamment le développement d'un rituel spéci- fique de dédicace de V’église dans les ordines du val sidcle. Puis, au xx sidcles (en méme temps qu’un renversement de la doctrine eucheristique conduit & la proclamation pontificale de la Présence xéelle du Christ dans les espces eucharistigues), choeur i ‘ 1 4 ; ; ig. 2. Plan de la CContrbury, annagement tiargiques vers 1100 Cael de ©) chaire episcopal. Fig. 3. La dualité losis, a sein de sea ret du Mont Cassi, vers 1087, Vicon Biota apostoligue, Barb Lat $92), un renversement radical conduit a attribuer au bati- ment ecclésial un caractére absolument nécessaire Les cleres de la période grégorienne développent en effet une doctrine inédite, affirmant qu'il ne peut yavoir de pratique des sacrements sans usage des liewx consacrés. Les édifices cultuels sont devenus littéralement indispensables au fonctionnement de Vigtise, et donc la reproduction de la société dans son ensemble. Le contenant (‘église) est la condi- tion d’existence du contenu (Viglise), le moyen et la forme méme de sa réalisation. Réle décisif dans la structuration de espace social, caractére nécessaire & Veffectuation des sactements, identification pleinement assumée centre léglise et Ecclesia (notion qui joue sans cesse d'un rapport métonymique entre son sens commu: nautaire ~ le comps formé par Yensemble des chré- tiens — et sa partie institutionnelle ~ le clergé) Véminence du lieu ecclésial ne saurait étre souli sgnée avec plus de force. Crest & partir de cette «sur- sacralisation» quill convient d’approcher les éi fices ecclésiaux romans, car la généralisation de décors de plus en plus amples, y compris dans de modestes églises, est certainement l'une des manifestations de leur hyper-valorisation sociale et liturgique. Si Yunité sacrée du locus cultuel est une don- née majeure, elle se combine a une division des cespaces intérieurs dont "histoire commence & étre assez bien connuet. Aprés quelques esquisses @ Rome, das le vit siécle, c’est a lé gienne qu‘apparaissent les premi isolant le sanctuaire par un mur b avec les prescriptions interdisant aux laics de se trouver & proximité de 'autel au moment de la messe. Une étape ultérieure s‘engage a partir du milieu du x siécle: depuis la péninsule italienne jusqu’en Angleterre, se généralisent de hauts murs de chancel, afin que les laics soient soustraits aux regards des cleres et les cleres & ceux.des laics (Bg. 2)°. Ce dispositif, qui exelut physiquement et visuellement les laics du lieu de la célébra- tion eucharistique, est Vexpression architecturée séparation entre cleres et laics, & laquelle la on ecclésiale des xit-xrl siécles confére une extréme rigueur. Il y a désormais ~ selon Y'ex- pression du Décret de Gratien ~ «deux sortes de chrétiens», les uns voués aux affaires du sidcle (et ‘au mariage) et les autres que le célibat et le renon- cement auxliens de la parenté chamelle vouent aux affaires de Viglise. Et, comme le précise Humbert de Silva Candida, ils doivent étre, pour cette raison, ‘«séparés au sein des sanctuaires par les places et les offices»®. De fait, au xt® sidele, les liturgistes insistent, lorsqu’ils commentent la structure du liew de cuite, sur la dualité opposant la nef (navis), asso- cige aux laies, et le sanctuaire (sanctuarium, cancel- lus), propre aux clercs?. Pour autant, cette dualité suffit-elle & rendre compte des hiérarchies internes de Tédifice ou faut-il faire valoir, avec que carolin séparations en relation Paolo Piva (2006), une division ternaire distin- guant la nef, le choeur, ott les clercs récitent les offices, et le sanctuaire, espace de célébration de la messe? De fait, les liturgistes du xm sidcle glissent vers une telle division tripartite, explicitement énoncée par Guillaume Durand®. Toutefois, cette division ne vaut que pour les édifices les plus importants (abbatiales, cathédrales ou collégiales), desservis par une communauté monastique ow canoniale qui se réunit dans le chozur pour les offices. On gardera aussi a esprit que les clercs de percent en importance et cessent de constituer un la période romane privilégient une représentation péle liturgique rivalisant d'importance avec I'ab- duelle de Véglise (fig. 3). side, A mesure que la bipolarité carolingienne s/es~ Surtout, on souhaite souligner ici que Vunité tompe, l'axialité dynamique du batiment, polarisé du lieu sacré et ses divisions internes sont englo- avant tout par Yautel majeur et I'abside, s‘affirme bées dans un mouvement unique, dés lors que le comme une caractéristique majeure des édifices lied intérieur est traversé par une dynamique axiale occidentaux. que polarisent la conque absidiale et ’autel majeur. Vers 1200, Vévéque Sicard de Crémone Cedi doit étre considéré, une fois encore, comme le exprime cette dynamique axiale de fagon remar~ résultat d’une évolution historique remarquable®. quable, lorsqu’ll associe la Jongueur de Védifice Si les premiéres grandes basiliques romaines et _ecclésial & la patience «qui supporte les épreuves ravennates témoignaient d’embiée d’un mod’le jusqu’a parvenit dans la patrie céleste» («longitudo nettement axialisé, lépoque carolingienne a fait eius longanimitas est quae patienter adversa tolerat prévaloir une complexité des dispositifs iturgiques, donee ad patriam perveniat»)}”. Cette expression associée & une multiplication des autels (une ving- aussi riche que concise peut suggérer d’associer la taine & Saint-Michel de Hildesheim et sur le plan nef avec Yadversité (le combat spirituel entre le bien de Saint-Gall), dans un espace ecclésial dont l'ar~ et le mal) et Vabside avec la plénitude paradisiaque. chitecture matérialisait la bipolarité, entre une Surtout, elle assimile l'axialité (longitudinale) de abside orientale dédiée a un saint et un massif €difice au cheminement de I’homo viator, au pale occidental amplifié, accueillant Yautel du Sauveur tinage de la vie humaine tendue dans l'espérance (éventuellement celui de la Vierge dans la crypte du ciel". En quelques mots, Sicard noue habile~ et celui de Michel dans les tribunes) (fig. 4). ment la dynamique axiale de léglise et la valeur : Au cours des x*-xt* sigcles, cette configuration se centrale de la société chrétienne: la quéte du salut, défait et Yon assiste au regroupement de la plu- Son propos nous autorise & poser que la dynamique part des autels dans la partie orientale de Védifice axiale de Védifice releve de liter (le cheminement), (autel majeur et autel matutinal dans le sane- ce schéme si présent dans les conceptions médié- tuaire, auxquels peuvent s‘ajouter les autels des _vales de 'espace'®, Déployant intérieurement l'iter absidioles du transept et du déambulatoire; seul que polarisent I'autel majeur et I'abside, Vdifice Yautel de la croix demeure fréquemment situé au cultuel zeproduit ainsi, a une échelle réduite, le centre de la nef et & Fouest du chancel, a destina- modéle du pélerinage dont lui-méme constitue tion des laics), tandis que les massifs occidentaux souvent le point d’attraction. ig. 4 Contl, Saint Riquie, disposition des atl 1a fin du va sec 184 q 3 ig. 5. Abbatiale de Saint-Savin, plan de Védifice (apres Fasrea 1999, p57). On peut alors poser que Védifice ecclésial conjugue en lui une double valeur, comme LOCUS et comme ITER. I est le lieu sacré par excellence, qui polarise Vespace social (localement ou plus amplement, en fonction des flux pélerins qu'il raine); mais I'unité sacrale de son statut de locus s‘ouvre dynamiquement et déploie, en son inté- rieur, un ifer scandé par une série de seuils réitérés, a franchir comme autant ’épreuves (adversa). Cette conjonction lacus/iter peut paraitre paradoxale et, de fait, elle aide a saisir la complexité de Védifice ecclésial, ainsi que les tensions qui font [a richesse de ses modes de fonctionnement. En tout cas, cette conjonction paradoxale est clairement formulée dans le rituel de dédicace, qui qualifie Védifice de «cdoraus dei et porta celin®, $i dontus dei suggére bien Ja sacralité d'un locus of le Créateur se rend pré- sent, ilest en méme temps assimilé & un seuil (porta celi), dans le cheminement vers la pleine réunion & Dieu. S‘exprime ainsi la dualité d’un lieu pleine- ‘ment sacré et néanmoins traversé par la tension dune quéte. ‘Au total, les édifices ecclésiaux de 'époque romane voient converger en eux trois phénoménes, gui sfaccentuent conjointement et semblent se nouer en un méme processus d’ensemble:: leur réle ‘majeur dans la spatialisation des rapports sociaux confére aux lieux de culte une sur-sacralité; le ren- forcement de la séparation hiérarchique entre clercs et laics conduit & une matérialisation de plus en plus forte des divisions internes de Védifice; enfin, affirmation d'une dynamique axiale, exprimant la tension de la chrétienté en marche vers Ie salut, permet d‘intégrer ses hiérarchies intemes dans un cheminement commun a tous. Unité sacrale, divi- sions intemes et dynamique axiale doivent ainsi tre considérées comme trois caractéristiques ‘majeures dont les édifices romans manifestent I'af- firmation conjointe. La premiére est effet du sta- tut socio-spatial des batiments de culte; la seconde ‘manifeste la puissance accrue de Vinstitution cléti- cale; tandis que la demiére évoque surtout la constitution ecelésiale de 1a communauté chré- tiene, tendue vers Vespérance du salut. Crest seu- Jement en ce sens que Von peut dire que le bati ment ecclésial est Yexpression (doublement paradoxale) de Ecclesia; en lu - iter et locus, s’en- trelacent la symbolisation du pouvoir clérical (ce liew étant le lieu du recours obligé & la médiation sacerdotale) et celle de la communauté des fidéles (pierres vivantes composant Tédifice-corps de Péglise) La volte peinte de Saint-Savin Tentons maintenant de saisir comment ces aspects peuvent étre pris en charge — trés diverse- ment ~ par le décor des édifices romans. Comme on I'a dit, on se concentrera, mais sans Yisoler, sur la dynamique axiale de Védifice, de la facade prin- Gipale au sanctuaire, en négligeant par consé- quent des espaces plus spécifiques, tels que porche ou narthex, crypte ou déambulatoire, dont une analyse compléte du décor roman se devrait de rendre comptel*. Les peintures de la voite de Yabbatiale de Saint-Savin méritent une analyse attentive, car elles fournissent un exemple remar- quable d’articulation d’un cycle narratif& la dyna- mique axiale de l’édifice. Ce sera aussi Yoccasion dlamorcer étude des parcours narratifs et des divers facteurs intervenant dans la disposition des images, et également d’esquisser une saisie globale du décor et de ses effets, sans en dissocier, comme est trop souvent Ie cas, les aspects iconogra- phiques et omementaux’. 185 s dans les derniéres années du xt si cle, au terme de la construction de Timposante abbatiale, les p de Saint-Savin comptent parmi les plus importantes que d des Alpes pour la période romane (fig. 5)" Leur caractére exceptionnel tient encore au fait quielles, ant le décor d'une voiite de nef, ce qui est rare pour cette période sans doubleau reposant directement nnes simples est un patti pris singulier, contras tant avec les trois travées occidentales, dont la volite sur doubleau repose sur des piles compo fig. 8). Exceptionnel est encore le choix d’un ample consacré a l’Ancien Testament, de i Création jusqu’a Moise (auquel s’ajoutent des des prophétes dans les olonnes). Tardis que la jon apparait 4 la tribune, VAp 6)", les saints dans les chapelles du déambulatoire (fig. 7) et dans la crypte, et que le sanctuaire était omé d’un Christ en majesté dont Mérimée a fait effacer les restes" le vaisseau cen- tral de la nef est entirement place sous le signe de VAncienne Loi. Cela est remarquable, sil'on songe que les cycles occupant les nefs des grands édifices associent taments, afin d'en marquer unit typologique T (voir infra), Faut-il alors supposer un cycle mi tamentaire dans les bas-c6tés de la nef? Rien n' moins stir. On sait que les murs gouttereaux ont été omés d’un faux appareil peint, lors des réfections du xv sidcle, et il est peu probable que I recouvert ainsi un cycle narratif d’Spoque romane, généralement les deux mn ait au moment oi celui de la votite faisait Vobjet d'un effort personages ont été mises & jour dans les écoin- cons des voiites d’arétes, mais le récit néotestamen. taire n’aurait alors disposé que d'un suppost bien fragmenté ot peu adéquat pour faire pendant au consolidation. En revanche, des traces de 188 cycle de la nef centrale’, C’est une autre piste qu‘ convient plutot de privilégier, en soulignant que Ancien Testament n’est pas congu, a Saint-Savin, on autonome:¥. Labande-Mailfert avait déja observé que le choix des héros de la votite et leur importance relative évoquent assez nettement le discours de Paul sur la foi des ancétres (Hb 11), de sorte que l’Ancien Testament apparatt présenté & travers la médiation du Nouveau Les peintures s’organisent en quatre registres, dont la lecture déroule un parcours total de 168 m de long, Leur disposition a généralement été consi- dérée comme chaotique (mi plus récemment, de déceler une pensée'& l'ceuvre derzidze cet «apparent désordre»). Mais il semble plus conforme aux modes de pensée médiévaux de la décrire comme cohérente, quoi que complexe (fig. 12). Notons d/abord que le début du cycle me si on s‘est efforeé, a création du sole 10. présn ve a Adam (tes wa sib) (oeuvre des six jours; fig. 9-10), sur le anc nord, dernier doubleau) correspond a l'expulsion hors du dissocie les deux parties de la nef: il faut lire paradis terrestre. En outre, cette disposition permet dabord les trois travées votées sur doubleau, d’établir un paralléle entre Adam, pére des avant de passer & la partie orientale de la voate, hommes, et Abraham, pére de tous les croyants, sans doubleau {il en résulte une dissym trie marquée, puisque le c6té sud de la nef ignore 3 dont le cycle occupe la partie correspondante, du sud (Bg. 11)", cette dissociation et enchaine de facon continue les Pour le reste, le cycle a 6t8 décrit, notamment scénes, du transept au revers de facade et du parE Deuchler, comme un cas tare mais exemplaire revers de facade au transept). Mais cet «inconvé- de lecture en boustrophédon (est-a-dire en alter nient» produit deux avantages en termes de signi- nant lecture de gauche & droite, et de droite & fication, qui devaient paraitre beaucoup plus gauche). Le schéma de lecture montre en effet trois importants aux concepteurs du cycle que le respect registres s‘enchainant en un zigzag continu (qui d’une logique strictement formelle. En effet, les toutefois, rinciut pas le registre inférieur nord) scenes de la Création sont ainsi regroupées pour Mais cette analyse doit étre révisée. I est curieux former un «péle édénique» dans la partie occiden- dobserver qu'elle procéde de Youbli des conditions tale de Védifice, ce qui n’est pas sans pertinence d’observation in situ et se fonde sur usage d'un symbolique, d’autant que le passage d’une partie schéma qui projette sur un plan unique la tridimen- a lfautre de la nef (et donc le franchissement du sionnalité de la voiite, effacant ainsi la distinction 189 entre son flanc sud et son flanc nord, Restituée dan: espace, la lecture du registre supérieur de la votite se fait de la facade vers le transept (en regardant vers le nord), puis du transept vers la facade (en regardant vers le sud), C’est le spectateur qui se retourne physiquement (du nord au sud), de sorte que le mode de lecture, lui, ne change pas: il reste orienté de gauche & droite, ignorant par conséquent Vinversion du sens de lecture (de gauche a droite, Puls de droite a gauche), qui est la caractéristique du boustrophédon®. I reste que cette inversion se produit une fois (et une seule), au registre inférieur du cété sud, puisque le cycle d’ Abraham, aprés une lecture de gauche & droite, repart en dessous, de droite & gauche. Mais cela ne suffit pas a faire du boustrophédon le principe général d’organisation de la voaite, et il convient donc de proposer une autre analyse du dispositif adopté & Saint-Savin (en s‘appuyant sur un autre mode de représentation du décor de la votite; fig. 7) Rappelons qu'il existe deux types principaux de disposition des cycles narratifs sur les parois éti- xées d'une nef: le «type paralléle», associant deux cycles courant en paralléle sur chacun des deux murs se faisant face; le «type circulaire »,oitle cycle s‘enchaine de fagon continue d'un mur a Vautre (voir infra). Le dispositif adopté & Saint-Savin (dans 1a partie sans doubleau) peut alors étre assez sim- plement décrit comme l'association de ces deux types: au registre supérieur de la votite, une lecture circulaire (centrée sur le cycle de Noé, dont le début et le terme sont placés exactement & ‘aplomb l'un de autre); au registre inférieur, une lecture paral lale (mettant en regard le cycle de Joseph, qui va de Canaan en Egypte, et celui de Moise, qui reconduit son peuple d’Egypte au pays de Canaan). organi- sation du décor est certes complexe, puisqu’elle associe ces deux sysimes différents (paralléle et irculaire), en méme temps quelle joue de la dua- lité architecturale de la nef. Mais sa complexité résulte essentiellement de la combinaison de fac~ teurs multiples et elle est au total suffisamment cohérente pour ne pas mériter des jugements déva- lorisants, évoquant confusion et anomalies. Surtout, il convient d’analyser les effets que cette disposition permet de produire. Comme tou- jours, la disposition des cycles dans un édifice sulte d’une combinaison de plusieurs facteurs: la logique narrative; la recherche d’une localisation pertinente de certaines scenes, permettant d’établiz lun rapport avec dautres scénes ou avec des empla cements de lédifice symboliquement ois liturgique- 190 ig. 12 Saint Savin, ‘oie de ane china de disposition des les (apis Vergnole,lgirement modi, Fig. 13, Saint Savin nef tue d ensemble 4 ment importants; enfin, la dynamique globale créée par le déploiement des cycles. A Saint-Savin, la logique narrative est fortement soulignée par le déroulement largement cohérent de la chaine de ure, Encore faut-il préciser qu’un tel cycle n‘était s doute pas destiné principalement a étre «clu» de facon linéaire et exhaustive: on doit davan- tage imaginer une saisie plus globale, susceptible disoler certaines scénes particuligrement remarqua- bles et permettant surtout de tisser entre elles des relations productrices de sens. Quant a unité de semble du cycle, elle pouvait étre percue de fagon assez. immédiate, sous Vespéce de ses dépioiements linéaires et de sa surabondance narrative S‘agissant des localisations pertinentes des scénes, on se contentera d'insister sur la densité de sens qui s‘accumule & Yextrémité orientale de la voiite’*, Au point ott le eycle de Noé accomplit son tour, on constate une notable amplification cit, entre la sortie de Varche et Vivresse (ig. 18). Linsistance sur le sacrifice, le premier de 192 Fig. 14. Saint S vote, cue ind yet Fig, 15, Noé vite mn du de tle de Not, vite de Double page suivante Fig 16. Saint Savin, ‘deal de la vote de la fe scrfoes de nef VArche de Not Vhistoire biblique, est déja remarquable, a la fois parce qu’y sont associés le don des colombes et la présence d’un agneau sur Vauiel e rare de trouver ensemble, dans cette scene, Vof- frande Yautel et la présence de la divinité Surtout, & Vextrémité de chaque registre, deux scénes montrent Noé Coté, il ven parce quill ¢ igneron: dange et recueille une grappe dans une coupe (fg, 15); de Yautre, il boit son vin. Cette insistance ne peut se comprendre que dans une perspective typologique, comme annonce du sacrifice du Christ. I est remarquable qu’elle se produise & la limite de la croisée du transept, dans la partie de la votite qui, depuis la nef, est visuellement associée au sanctuaire ob s’accomplit le sacrifice euchari tique (y compris dans le cas oii le chancel dérobait Yautel majeur aux regards). Les autres registres pr sentent également des connexions remarquables le cycle «de Joseph s/achéve sur une zone aujourd'hui effacée, mais qui devait le montrer dis tribuant le big, scene qui préfigure le Christ offrant son corps & s Vavant-dernire scéne montre, avec une singuliére insistance, la remise tables de la Lot (WAncienne, qui préfigure la Nouvelle). Ce trait pourrait étre mis en rapport avec la proximité du sanctuaire, d’autant plus que lune des deux is criptions portées sur les tables - ADORA DEUM - évoque la fonction présente du lieu ecclésial et incite & actualiser la scne (fig. 22). Quant & la der- nite scéne, effacée, elle représentait peut-étre la construction de la tente du rendez-vous, avec Yarche d’Alliance, mise ainsi en correspondance avec la zone la plus sacrée de Véglise””, Quoi qu'il en soit, la figuration du blé, avec Joseph, et divin, avec Noé, suffisent & évoquer, au plus prés de Yau- tel, les deux espéces eucharistiques. Il est done p sible d’affirmer qu'une perspective typologique a guidé la conception du cycle: & Saint-Savin, VAn- s disciples, Dans le cycle de Moise, des cien Testament est comme tendu vers le sanctuaire et vers la réalisation eucharistique des promesses quil préfigure La disposition du cycle relave également d’un tel souci dynamique”®. Remarquons d’abord que sa lecture débute a la facade occidentale (Création et Péché origine!) pour s‘achever au transept (Moise ct Ia Loi), conformément a orientation dominante de Védifice. De plus le disposition adoptée a pour effet Worienter trois des quatre registres vers le sane tuaire, ce qui souligne encore la dynamique axiale ja évoquée, dautant que les bandes narratives ne sont pas entrecoupées par des montants verticaux dont la présence interromprait visuellement la continuité du récit (celui-ci est scandé par les fonds 6s et par des éléments faisant partie des sednes st par exception que des bor dures verticales isolent une scéne aussi négative que la malédiction de Canaan; fig. 14 et 23). Enfin la dynamique axiale du. cycle doit beaucoup a ample bande faitiére, qui constitue armature du décor de la voate et, certainement, le premier repére visuel qui s‘impose au spectateur. Les motifs et modifiés en trois elles-mémes, et qui fornent ont &é repei 200 occasions, entre la fin du xv¢ et le début du x01" sié- cle®, mais Veffet global qu’elle produit est pour Yessentiel inchangé. On peut le décrire comme un contraste fort entre, d’une part, le rythme saccadé, haché, produit par agitation des multiples person- rages bibliques et la succession rapide des fonds colorés et, d’autre part, la ligne puissante qui tra- verse la votte: le contraste rythmique entre une linéarité médiane vigoureuse et des zones latérales {rds agitées ne saurait étre plus net. La bande fai tire de Saint-Savin nous offre I'exemple remar- quable d’un élément ormemental jouant un réle structurant dans la mise en place du décor peint. Sans étre par elle-m&me orientée, la bande fat- tigre souligne puissamment 'axe de la nef, que les cycles narratfs viennent littéralement occuper, pour en organiser la dynamique, en rapport avéC la pola~ risation liturgique de lieu rituel, interaction de ces facteurs contribue & activer le fonctionnement de la ire. Ceci nef, & en faire un espace tendu vers le sanct coincide particuliérement bien avec la fagon dont Doubles pages précédentes Fig. 1-21. Saint Savin tals di cresce de Noé tl cansruction de a tour de Babel Joseph sur le ‘ar du pharaon passage de a mer Rouge Fig, 22, Saint-Savin, ote: Movs rept ee ‘ables de la Lo Fig. 23. Saint Savin, softes malédiction de Canaan Sicard de Crémone, un siécle plus tard, évoque la longueur de la nef, en I'associant au cheminement de toute vie humaine en quéte de la patrie céleste On peut alors suggérer une convergence (mais non certes une totale adéquation) entre trois phéno: manes: la structure du lieu rituel, qui soumet la nef {lla polarité du sanctuaire, lieu de la pleine présence divine; la mise en ceuvre iconographique de YAn- cien Testament, qui exprime les tribulations des humains, mais qu’une perspective typologique oriente vers une réalisation plus accomplie de la volonté divine; enfin, la disposition des cycles et leur structuration ornementale qui contribuent & rendre sensible la dynamique axiale de la nef. A Saint-Savin, la nef, espace tendu vers le sanctuaire, est imprégnée d'une atmosphere vétérotestamen- taire, livrant une histoire contrastée et imparfaite; ‘mais elle s‘inscrit dans une perspective dynamique qui méne, historiquement, a la Rédemption, et, liturgiquement, & la réitération de la présence divine dans le sacrifice eucharistique. Pourtant, un curieux élément ornemental, au lieu de s‘inscrite dans cette dynamique, vient la contredire. I s‘agit de unique faux doubleau peint qui barre ostensiblement le voite, a oti aucun élé- ment architectural ne l'interrompt (fig. 24). Com ment rendre compte de cet élément, généralement considéré avec quelque embarras? Aur haité rétablir, par Fillusion d'un faux doubleau peint, une continuité entre les deux parties de la nef que leur mode de construction distingue? Aurait- on prévu,& cet effet, de rythmer la partie orientale de la nef de deux faux doubleaux (toutes les deux ‘ravées), avant d’abandonner la réalisation de I'un d/ew®? Méme dans cette hypothése, il resterait & comprendre pourquoi la figuration d’un seul faux doubleau, en cet emplacement, a pu apparaitre per- tinente, au point d’étre assumée par une iconogra- phie dense. $’y détachent douze figures en buste dans des médaillons. Celle du centre, endomma- gée, devait étre pourvue d'un nimbe; elle est en outre singulatisée par son orientation. dans Y'axe de la bande faitigre et non dans Yaxe du doubleau comme pour les autres médaillons™. Il est permis de considérer que l'ensemble de ces figures forme Yesquisse d’une société paradisiaque, selon un schéma employé de longue date pour le décor des arcs, en particulier de Varc triomphal ou de l'accés & une chapelle®, Quant au personnage singulier situé en bas du c6té nord et parfois qualifié dat Jante ou d’orant, on en soulignera surtout la fone tion syntaxique: tandis que sa téte de profil sou- ligne T'axe du doubleau peint, ses bras et ses mains artés débordent vers les scenes qui Ventourent. Il rétablit ainsi la continuité du récit, que la bande peinte interrompt. Par sa posture, il articule Yaxe horizontal du cycle narratif et axe vertical du dou- bleau ornemental Bien qu’aucun indice ne permette de resti- tuer 'aménagement liturgique de V’abbatiale aux ‘XI-xat® sidcles, 'hypothase selon laquelle Fempla- cement du faux doubleau correspondait une césure de Vespace ecclésial peut étre envisagée, par comparaison avec les plans liturgiques dédi fices contemporains, tels que ceux du domaine anglo-normand, réformés dans le dernier tiers du xi sidcle A Vinstigation de Lanfranc de Canterbury®, Le choeur des stalles aurait-il occupé les trois travées orientales de la nef, comme on le voit encore sur le plan de Saint Savin dressé en 1675 (fig, 25), et comme cétait le cas, au XE siécle, dans la cathédrale de Canterbury ou Vabbatiale d’Evesham*? La comparaison 201 + he 202 avec les édifices anglais inviterait alors & placer le chancel et I’autel de la croix a la limite de la travée suivante vers V'ouest, soit exactement & Yaplomb du faux doubleau, Répétons qu'une telle disposi- tion est possible, voire dotée d'une certaine pro- babilité, mais elle reste une conjecture™, La pré sence d’un seul faux doubleau serait justifiée alors par son adéquation & une division interne de Yes- pace ecclésial, et comme marque visuelle de la dignité de Vautel de Ia croix. Lare peint serait comme une faille dans le cycle de Vhistoire humaine, une ouverture céleste marquée de la pré- sence divine que convoque la célébration eucha- ristique. Il reproduirait, dans le ciel du décor qui unifie la voate, la séparation opérée ici-bas entre Yespace des moines et celui des las, Que ’hypothése précédente soit avérée ou non, on peut envisager une autre approche, sou. cieuse de rendre compte de effet visuel du faux doubleau, dans son rapport avec la structure de la et de son décor. En effet, le doubleau peint vient barter la vote, perpendiculairement & sa dynamique axiale. C’est méme le seul élément qui produise cet effet et contredise un dispositif géné- ral qui vise & accentuer le déroulement dynamique des cycles. are doubleau associe done & I'axe lon- gitudinal de la nef, marqué par la bande faitidre, tune matérialisation de la largeur de V’édifice. Bien que ce texte, déja cits, soit postérieur aux peintures, il n’est pas indifférent de noter ce que Sicard de Crémone dit de cette dimension de église: la lar ‘geur est la charité qui, en son sein dilaté, dispense 203 2% son amour aux hommes, La nef n’est pas seule- ment un axe tendu longitudinalement vers la pré- sence divine; elle doit aussi se dilater largement pour accueillir les hommes en son sein, Dans cette optique, le faux doubleau pourrait étre comparé aux bras ouverts de Véglise réunissant, par dela les tr- bulations de histoire, la multitude des figures bibiiques en méme temps que les chrétiens assem- blés sous la voiite (et espérant étre au ciel comme les élus du faux doubleau). Le décor narratif de la vote et le doubleau peint qui le croise donnent corps ainsi aux deux axes structurant le plan de Védifice: pas de longueur sans largeur. Or, il est difficile, dans univers chré- tien, de manier ces deux dimensions sans évoquer Ia croix, référent majeur des axes du monde, et ceci 4 fortiori lorsqu’on est dans une église dont le plan est cruciforme, Peut-on dire alors que Te faux dou- 204 bleau forme avec la bande faftiére une immense croix qui semble, par I’effet de perspective de la voite, se dresser depuis le sanctuaire et s‘étendre aux dimensions de la nef (fig. 8)? Il est pourtant Gvident que nous n’avons pas affaire ici a une croix au sens iconographique du terme, comme on peut en woir a Saint-Savin, en deux emplacements situés significativement sur axe médian de Védifice: & c6té du Christ peint dans le porche (fig. 27), et dans la Déposition de la tribune, juste au-dessus de la baie ouvrant sur la voite de la nef. Ce n’est pas non plus une veritable cncx gemmata, comme & la votte fey-Milon ou dans la crypte de la cathé- Auxerre (fig. 28)° Ici, bande fatiaré et faux iu restent formés de motifs hétérogenes, relevant du répertoire des bandes omementales. Fourtant, ces deux bandes produisent objecti vement un agencement cruciforme, sensible pour Fig. 27. Sa vote et pore Sain, Fig. 28. Chaliooy ‘lon, vote de la trode drcite de emimataordonmart le quise tient sous Yare ou dans la partie occidentale de la nef. Comme cette suggestion se manifeste selon une modalité trés imparfaite, bien éloignée de Yobjet dont la Passion du Christ apporte la pleine révélation, on suggérera que les bandes ‘ornementales de la votite donnent & voir non la croix, mais Vesquisse ornementale d'une croix. Que celle-ci soit seulement ébauchée n’a rien d’éton- nant, pulsque la votite dépeint le monde de VAncienne Loi. Mais, comme on I'a dit, le décor Fig.29.leconset vétérotestamentaire de Saint-Savin tend & un {ane sAeoant vers épassement de la lettre biblique. Bande faitiére et Diay ale erm faux doubleau pourtaient bien alors évoquer Yom- laudibussanctse te de la croix, portée sur le récit vétérotestamen- «cis Prifening oe taire. En association avec la dynamique des cycles 1170-1175 (Muri et la localisation des scbnes & portée typologique, Staakhibinink Cin cette esquisse cruciforme pourrait contribuer A ins- 14159,f.6). crite I’Ancien Testament dans la perspective de son accomplissement néotestamentaire, et articuler le récit biblique et le présent des chrétiens assemblés dans le lieu rituel,'un et Vautre tendus vers le sacri- fice de Yautel. Il ne serait pas étonnant que cette opération requiére V’évocation du signe de la Passion, opérateur décisif du devenir de Vhumanité. Que l'on admette ou non cette interprétation, elle invite & poser la question suivante: y a-t-il quelques raisons de projeter ainsi Yombre d’une croix sur axe de Véglise? On en invoquera deux, Les ordines de dédicace incluent, depuis le vut* sié- cle, le rite des deux alphabets, grec et latin, que Vévéque doit tracer surle sol, Vintérieur de Yédifce, en dewx lignes joignant diagonalement les angles du bitiment®. Ces deux axes ne comespondent pas 8 la longueur et & la largeur de Fédifice, mais il est aie que le rite a pour fonction d'unifier le liew rituel, en articulant son axialité longitudinale et sa dualité latérale, et que c‘est le schéme de la croix qui pos- sede cette vertu unificatrice. Il est particulitrement significatif pour notre propos que le rte instituant Ie lieu sacré inscrive, dans toute sa longueur, une empreinte cruciforme, ayant Iefficacité d'une croix sans en avoir exactement la forme (et signifiant de ssurcroit I'unité des deux Testaments), Par aillews, il faut savoir que la signification des axes de léglise, mentionnée par Sicard de Crémone, peut étre éga- ement référée aux axes de la croix. C'est ce que montre notamment le dessin fort soigné d'un -manuscrit enluminé & Pritfening, vers 1170-1175: le ‘montant vertical de la croix associe longitudo et per- severantia, son montant horizontal latitudo et kari- ‘as (fig. 29)*. Or, il est remarquable de constater que la longueur de cette croix-échelle céleste a égale- ment a valeur d'un iter Je fois parcours historique menant du Péché & la Grace en passant par la Loi, et cheminement individuel en quéte de Dieu (Sguré ici dans le médaillon supérieur, atirant a lui Yesprit et la chair noués dans 'unité de la personne humaine). Lhomologie entre la structure du liew ‘ecclésial et ce schéma dont la portée est la fois cos- mologique, anthropologique et historique est frap- pante, Du reste, Alain de Lille dit de la croix a peu prés ce que Sicard de Crémone dit de Véglise: «la croix du Christ est une échelle qui depuis la terre atteint le ciel... Ele conduit "homme de Yexil& sa patrie, de la mort & la vie, de Ia terme au ciel, du désert de ce monde.au paradis»". La croix et Yéglise sont bien deux modéles homologues de Viter; et est par référence au modéle du corps et de la croix du Christ que I'axe de I’gise prend le valeur d'un cheminement vers Dieu. 205 Dela facade a Vabside: polarisation par le décor On pourrait certes multiplier les exemples dhune axialisation du décor comparable a celle de Ja voiite de Saint-Savin. Pensons, pour élargir la perspective & d’autres supports que la peinture ‘murale,& arbre qui forme l’axe de la mosaique de pavement de la cathédrale d’Otrante ou encore au plafond en bois peint de Saint-Michel d’Hilde- sheim, qui conduit, d’ouest en est, du Péché origi- nel a laVierge et au Christ tr6nant. Toutefois, il faut reconnaitre le caractére exceptionnel du décor de Saint-Savin qui, outre qu’il occupe physiquement Yaxe médian de V’difice, assume la dynamique aviale de Iéditice & un degré que l'on n‘observe pas toujours, notamment lorsqu’on passe des églises & grande nef & des constructions plus modestes. I faut donc évoquer maintenant d’autres configura tions et d’autres modalités par lesquelles le décor peut contribuer & la dynamique axiale de Védifce, ainsi que, in fine, son basculement vers une dyna- mique verticae. En premier lieu, on observera que les cycles narratifs ornant la nef sont plus souvent disposés sur les murs latéraux du vaisseau central ou des bas-ctés qu’a la voite. Au lieu doccuper la partie médiane, qui unifie la nef, le décor est alors tra- vversé par une problématique supplémentaize: il slagit de conjoindre les deux versants latéraux de Yéglise, entre lesquelles existe un différentiel sym- olique et pratique. En effet, la partie droite, plus éminente, est celle oi prennent place les hommes, apartie gauche, plus soumise aux attirances malé- fiques, est celle qui revient aux femmest?. Cette dualité hiérarchique (mais intégrée a la sacralité giobale du lieu) trouve fréquemment un écho dans Te décor, lorsque celui-ci associe deux cycles, rela~ tifs a V’Ancienne et & la Nouvelle Loi. 1! s‘agit ainsi dexprimer une correspondance typologique entre les deux Testaments et de montrer ainsi la conti- nuité de "histoire du salut. Formellement, ce dis~ positif manifeste V'unité d’une dualité, comme le montre bien, lors de la dédicace, le rite des deux alphabets, symbolisant les deux Testaments et tunissant les deux cOtés de lédifice. De fagon plus générale, les cycles bibliques (mais aussi hagiogra- phiques) rendent présents les récits fondateurs de VEcclesia et de ses rites, dont Védifice cultuel est précisément le lieu de réalisation™, Cela si aussi rendre visible une histoire qui se déploie dans le temps, de la Création & la seconde 206 Parousie, pour faire passer de la temporalité terres- tre & Vétemité du salut. ‘Trois types principaux de dispositions des cycles dans la nef peuvent étre évoqués!, Le «type paralléle» remonte aux prestigieux modéles raven nates et romains (Saint-Paul-hors-les-Murs, anci- enne basilique Saint-Pierre duVatican®), o8 deux cycles, l'un vétérotestamentaire, 'autre néotesta- mentaire, courent parallélement depuis Vabside (un se lit de gauche & droite, autre de droite & gauche). Mais ce type s‘efface & l'époque romane, pour réapparaitre dans quelques cas privilégiés & partir de la fin du xm sidcle (Santa Maria in ‘Vescovio, basilique supérieure d’Assise). De fait, & partir du x siécle ~y compris dans les cycles qui constituent des citations explicites de Saint-Pierre du Vatican -, une disposition «mur par mur» Vemporte: deux cycles sont disposés en vis-a-vis, sur Jes murs de la nef, mais at lieu d’avancer en paralléle, ils se lisent 'un et Vautre de gauche & droite. Clest généralement Ancien Testament qui, surle mur gauche, se lit de la fagade vers I'ab- side, tandis que, sur le mur droit, les scénes proct- dent de Yabside vers la fagade. II peut s‘agir du Nouveau Testament, comme & San Pietro in Valle & Ferentillo (fin x siécle; fig, 31) ou d’un cycle hagiographique, comme a la cathédrale d’Aoste, vets 1040 (gaint Eustache) ou & Carugo, vers 1100 (aint Martin)". Enfin, la «disposition circulaire» enchaine les murs latéraux de la nef en une lecture continue, toujours de gauche & droite. Ce dispositif peut également permettre la mise en rapport des deux Testaments, soit en les déployant un au-des- gus de l'autre, comme & San Julién de Bagties (vers 1080-1100) ou a Saint-Jean & la Porte latine Rome, ou bien en disposant le Nouveau Testament dans la nef, tandis que Ancien tourne autour de lui dans les bas-cdtés (solution exceptionnelie adoptée & Sant'Angelo in Formis*), Ajoutons que la disposition circulaire est particulidrement bien adaptée aux décors ne comportant qu'un seul cycle, notamment dans des édifices modestes, tels que Brinay®. De facon générale, cette disposition sem- ble adoptée de plus en plus fréquemment & mesure {que Yon avance dans le temps, notamment au-dela de la période romane. En réalité, aucun de ces dispositifs n’exprime strictement la dynamique aviale du batifment ecclé- sial. Dans le type paralléle, la disposition des cycles parait faire procéder Ihistoire sainte de Diew, plu- tt qu’elle ne manifeste Vorientation de V’édifice polarisé par 'abside. Dans le type «mur par mur, Yun d’eux soriente conformément a la dynamique axiale de Yédifice, mais 'autre avance en sens inverse. Ilen va de méme dans le «type circulaire », qui de surcroit assimile la disposition de chaque récit & un cercle, qui revient pour finir vers son point de dép se de tels choix dépasse le cadre de la présente étude. Mais on peut invoquer, pour le passage du «type paralléle» au «mur par mur» une exigence de lisibilité narrative, dans la mesure ott semble remporter une lecture de tous les registres de gauche & droite, conformément au mode d’écriture pratiqué en Occident. Quant au mode circulaire, il présente également un avantage en termes de lecture des cycles, car il permet d’en- chainer Yensemble des scénes, de fagon continue, sans obliger & des parcours aveugles pour revenir au point de départ de chaque nouveau registre; en outre, i! unifie plus explicitement le licu sacré, au liew de parattre en dissocier les deux parois laté- rales, comme dans la disposition « mur par mur». 207 Surtout, ces remarques sommaires invitent & observer que les cycles narratifs ne sauraient cor- respondre strictement & la dynamique axiale de Védifice: il n'y pas, dans les exemples évoques ici, diorientation privilégiée des cycles vers abside, Ce constat invite & raisonner sur un plan plus général: indépendamment de la disposition des cycles, le décor de la nef en fait un espace dela nar~ ration, voué aux récits fondateurs de Ecclesia (uni- verselle et/ou locale), Mais ’histoire du salut que la peinture narrative rend présent s‘actualise, dans les conceptions médiévales du temps, de deux fagons comme représentation linéaire d’une histoire crientée, de la Création 4 la fin des temps; comme séitézation eyclique du temps liturgique qui com- mémore cette histoire. De fait, il n’est pas interdit de penser que l'essor des dispositifs circulaires a quelque relation avec le poids d’une temporalité Liturgique: en pénétrant dans 'édifice sacré, idles et cleres se trouvent englobés, pris dans les cercles d'une histoire sainte dont la liturgie célebre, tout a long de l'année, les moments principaux®, En conséquence, la diversité des modes de disposition des récits peints peut étre considérée comme l'ex- pression de la tension propre au temps chrétien, linéaire et cyclique & la fois™. Cette dualité est du reste inscrite dans le mode d’institution du liew sacré, puisque le rituel de dédicace associe étroite- ment des parcours circulaites (qui renforeent Yen- veloppe murale séparant l'extérieur de T'intérieur dulieu sacré) et des actes cruciformes, dont e rtuel du double alphabet est le plus notable (on a dit deja quill prenait en charge V’axialité longitudinale du batiment, tout en V'articulant a sa dualité latérale), Mais, pour souligner le plus important, la narration de histoire sainte est un parcours du temps, qui suppose une linéarité orientée. En ce sens, quelle que soit la disposition physique des cycles qui la portent, ils associent le décor de la nef, sinon a la dynamique axiale de Védifice, du moins & Viter qui caractérise tant la vie individuelle que la destinée commune de la chrétienté. Considérons maintenant la partie occidentale des édifices. Certes, V'accds principal r’était pas tou- jours situé & Vouest, méme pour les laics, ainsi quon ie constate dans les régions centrales et méri~ dionales de France, oi le portail principal se trouve souvent sur le flanc sud de Véglise. En outre, il faudrait préter attention a la diversité des espaces de transition entre extérieur ot intérieur (porche, narthex, galilée, etc), ainsi qu’a la relation entre les différentes portes d'un méme édifice. Mais on 208 s’en tient ici aux traits les plus généraux, sans nul- Jement prétendre tracer un modéle unifié de Végtise romane. S‘agissant de la porte, trois aspects remar- quables se conjuguent sa fonction de seuil importance pratique (célébration de rites multiples, exercice de la justice épiscopale, ete); importance symbolique (fondée sur Véquivalence entre le Christ et la porte, selon Jn 10, 9); amplification

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