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ae 10 ct, sunray o.3 HO) Oa par broek 98 (0.8, ps od, Plc: Je Ventral, Be Miacui, {0 BLU, cot 4 C16 A. Je Gano tenes “eres a ar, “cits Oe, (a 1) Pate (a. 21), auquel jfemprunte une bonne partie VI. — L'ESCHATOLOGIE DANS L'ELUCIDARTUM D'HONORIUS D'AUTUN. par Pierre-Armand pe VOYER D'ARGENSON Dans le cadre de ce colloque sur «le jugement, le ciel et Yenfer dans I'Histoire du Christianisme », je me propose de vous, présenter ce que Ton pu considérer comme le premier trait complet dEschatologie Chrétienne : la trolsitme partie de T'Blucidariton d'Honorias @ Autun (). A vrai dire, avant d’« élucider » pour nous le mystére des fins derniéres de I'homme, Honorius nous laisse en face de son propre mystere, Rares, en effet, sont les sources — quelques mentions rele- vées au hasard des manuscrits, quelques dédicaces dont il est ossible de percer Videntité des’ destinataires — qui permettent a dessiner la figure de ce « personage mystérieux », « énig- matique », « grand inconnu », comme se plaisent a Tappeler ses biographes (2). Et, finalement, le seul qui nous donne quelque « lumiére » est encore Honorius luiméme qui, dans son De Luminaribus Ecclesiae, se présente ainsi : ‘Honorius Augustodunensis ecclesiae presbyter et scholas- ticus non spernanda editit... sub quinto Henrico floruit » (3). Mais la tation est trop vapue, trop impricise aussi pour niavoir pas donné lieu & une floraison dhypothtses. Ce hrest pas le lieu ici de les analyser, encore moins de les discuter, simplement d'en retenir une esquisse qui, si elle ne satisfait pas pleinement Ihistorien, a le mérite de ne pas forcer les faits. Honorius serait donc né vers 1080, en Angleterre ou en Irlande. I] aurait vécu & Cantorbery et serait passé en France —& Autun ? — a I'aube du xm* sitcle. Puis, il se serait rendu en Allemagne, au monastére bénédictin de Ratisbonne, ott il aurait 1 écrit Ia plus grande partie de son ceuvre avant d'y mourir, ayant embbrassé un genre de vie plus solitaite au environs d@ 1100. Tel est donc l'homme qui, dans 'Elucidarium, nous propose sa vision du jugement, du ciel et de l'enfer, Cet Elucidarium, une de ses rares ceuvres de jeunesse — que Yon peut dater des toutes dernitres années du xr" siécle ou premitres du xu siécle —, il nous le présente lui-méme : « Flucidarium in tribus libellis, primum de Christo, secundo de Ecclesiae, tertium de futura vita distinxit » (4). Crest donc de toute la doctrine chrétienne qu’Honorius entend nous entretenir sous la forme d'un dialogue en trois livres, précédés un prologue Ge prologue nous donne le sens du titre — « in eo obscuritas diversarum rerum elucidatur » — et l'occasion de la rédaction la demande de ses condisciples. Le dialogue s'amorce alors traitant, dans un premier livre, de Dieu, de la Création et du Péché, puis de'I'Incarnation rédemptrice prolongée par le Corps Mystique et I'Eucharistie. Le second livre, & partir de la question du Mal, s‘interroge sur la Providence et la Prédestination et traite ensuite du bap- téme, de la rémission des péchés et, enfin, de la mort et de la sépulture de l'homme. . Tout naturellement, le troisigme livre, celui qui nous inté. resse ici, nous présente le sort des élus et des damnés apres leur mort, nous en déroulant les étapes jusqu'au jugement dernier et’ la Béatitude éternelle. Nous avons done bien 1h, comme Tavaitreconnu Migne dans son édition, un «dialogue sur la totalité de la théologie chrétienne »' (5) dont nous voudrions maintenant extraire Yenseignement proprement eschatologique. Comme nous V'avons vu, cet enseignement. se trouve exposé systématiquement dans Ja troisitme partie de Touvrage. Quelques éléments apparaissent néanmoins déja dans les deux premiers livres, notamment cette description « sociologique » de enfer au livre IT : Les mauvais prétres « tomberont des cieux », de méme les moines « descendront vivants en enfer ». La damnation éternelle attend également Ia majorité des marchands « qui vivent de fraude, de parjure et de lucre » et des artisans « qui dans toutes eurs actions s'adonnent & Ja fraude ». Quant aux jongleurs, Crest Ia totalité qui sera damnée, car «ils sont les ministres of Satan» tout comme les pénitents publics qui « se jouant de Dieu» en «se complaisant dans leurs crimes et faisant bombance », iront « au feu éternel » B La proportion s‘inverse avec les paysans « qui seront sauvés jour la plupart parce quills vivent simplement et nourrissent e peuple de Dieu ». Quant aux fous, ils sont comme les enfants « @environ trois ans qui ne savent ‘pas parler» et qui « seront sauvés, sills sont baptisés ». Mais les enfants de cinq ans et plus «seront les uns sauvés, les autres damnés ». Bret, «si la voie qui méne a a vie est étroite » ...le Christ prend ses dlus parmi toutes les classes de Ia société, méme parmi les larrons, sans cependant répandre sa miséricorde « sut les membres dt diable » car, en cela, «il serait injuste » (6). Le troisitme livre, proprement eschatologique, se développe en trois étapes : avant la ‘fin des temps, les derniers temps, les temps nouveaux, Honorius nous présente donc tout d’abord le sort des élus apres leur mort : «lorsque le juste meurt, son ange gardien vient avec une foule d’anges et enléve son Ame... de la prison du corps pour la mener (au milieu des chants, de la lumiére et des parfums)... dans le paradis spirituel », Séparé de son corps, le juste est un esprit et, « les esprits n'habitant pas dans les lieux », ‘ce paradis « n'est pas un lieu corporel », mais «la demeure spi. rituelle des bienheureux... dans le ciel intellectuel ot la divinité est contemplée par eux face a face, telle qu'elle est » @. Ces justes sont divisés en plusieurs catégories. En premier, Jes parfaits, ceux qui ont sulvi les conseils evangélicucs, leg martyrs, les moines et les vierges : ils sont conduits immé- diatement au paradis. Puis, viennent les justes, eux-mémes de plusieurs sortes. Ceux qui « ont accompli les préceptes sans se plaindre » sont conduits « dans une foie spirituelle s. Les justes «imparfaits », mais qui sont cependant « inscrits dans le livre de vie», tels les gens mariés, sont « recus selon leurs mérites dans les lieux trés agréables » (8). Enfin, ceux qui « sont loin de la perfection pour avoir différé la, pénitence de leurs crimes » sont livrés par les anges aux démons «ad purgandum ». Leur épreuve peut durer sept ow trente jours, un an ou méme plus et étre allégée par des messes, des auménes, des pritres et autres ceuvres pies. Elle consiste dans la « chaleur du feu ou la rigueur du froid ou toutes autres eines dont la moindre sera pire que ce que l'on peut imaginer > et peut connaitre un certain soulagement par l'apparition des anges ou des « saints qu’ils ont vénérés durant leur » qui leur apportent « de l'air frais, un doux parfum ou quelque ausre consolation ». IIs subissent ces peines « sous la forme du corps est juste, en effet, que le corps «si uni a l'4me qu'il participe & toutes ses actions soit condamné avec elle ». Tous, apres le jugement, seront avec les autres és, associés aux anges», en nombre egal au leur (9) nm Quant «aux mauvais », leur mort, « les démons, horribles, s‘attroupent et, tirant I'éme du corps et la torturant, l'entrainent en enfer >, Cet enfer dit « inférieur », par opposition & « l'enfer supérieur (qui) est en ce bas monde», «est un liew spirituel plein d'un feu inextinguible » et qui est dit étre « sous la terre ree que les Ames des pécheurs y sont ensevelies ». Dans ce Frew, les damnés rouffrent neuf peines, décrites et justifies avec précision par leurs divers vices, «parce qu’ils ont méprisé la compagnie des neuf cheeurs angéliques ». Tis s'y tronvent «la téte en bas, tout distendus ». Ils ne sont pas & plaindre, puis- qu'ils sont les membres du diable. Ils voient les justes et en souffrent & Vinverse de ces derniers qui ne prient méme pas pour eux car «ce serait aller contre les jugements de Dieu » (10). ‘Avant le jugement, justes et damnés se connaissent mutuel- Jement. Les justes peuvent méme prier pour ceux qui leur sont chers, ou qui les invoquent. Ils le font par leurs désirs et en montrant & Dieu «les tourments quills ont soufferts et les ‘bonnes actions qu’ils ont faites pour le Christ ». Leurs pritres font exaucdes «sans délais,pulsquils. «ne demandent ren d'autre que ce que Diew a décidé de faire ». Leur joie ne sera cependant parfaite que « lorsqu'ils auront retrouvé leur corps et que tous seront réunis » dans la maison du Pére qui est « vision du Dieu tout puissant » et dont les « demeures diverses » ont pour but de récompenser «les mérites divers » (11). Par rapport A notre monde, les justes savent « tout ce qui s'y passe », les Ames dans les peines, «ce que les anges et les saints leur apprennent >, les damnés «pas plus quills ne savaient ici-bas ce qui se passait en enfer », sauf par la révé- lation de Dieu ou connaissance que leur communiquent ceux mui viennent les rejoindre. Les mémes différences valent pour {es apparitions que les Ames des saints peuvent faire « quand elles veulent et & qui elles veulent », celles qui sont dans les peines, seulement « avec la permission des anges pour demander des priéres pour leur libération ou annoncer & leurs amis leur joie lorsqu’elles seront libérées », celles qui sont en enfer, seu- Tement dans des cas exceptionnels’« pour les mérites d'un saint » ou « par matiére davertissement ». Dans tous les cas, les ames apparaissent sous la forme humaine, en ayant pris un corps fait ‘air > (12). La seconde étape de I'Eschatologie d’Honorius commence avec Vapparition de ’Antéchrist. Tl «naftra a Babylone, régnera sur le monde entier et sub- juguera toutes les classes de la société». Il « reconstruira Pebcienne Jerusalem ou fl se fera adorer cn tant que Dieu »- Les juifs, venus du monde entier, l'accueilleront mais, « grace a la prédication d’Elie et d’Enoch, ils se convertiront 4 Ta reli- gion chrétienne. Il régnera trois ans et demi », puis il dressera sa tente sur le mont des Oliviers pour exterminer les justes mais il sera tué sur l’ordre de Dieu » (13). Ceux qui I’auront sulvl auront « quarante jours pour se repentr». Ensuite, nul ne sait quel jour aura lieu le Jugement (14), Ce jugement sera précédé de la Resurrection générale. Au son de la trompette, «tous les morts, bons ou mauvais, res- susciteront en un clin dil ». Cela se passera un « jour de Paques », & l'heure od « le Christ est ressuscité », alors que le monde sera « plein d’hommes, comme aujourd'hui, qui vaque- Font & leurs ofcupations », Les justes ressusciteront et « seront aussitdt enlevés dans les airs pat les anges au devant du Christ; les élus vivants connaitront une «assomption », comme cela «est deja arrivé & Marie et A Jean =; quant aux réprouves, «ils mourront de terreur et ressusciteront aussitOt » Ainsi’ Dies jugera-til «les vivants et les morts » (15) Tous ressusciteront, méme ceux qui sont morts dans le sein de leur mere, s'ils ont «regu le souffle vital », mais seule «la chair de l'homme » ressuscitera pour ceux qui ont été mangés par des bétes, Chaque Ame retrouvera son corps, reformé par Dieu, «avec la méme matiére, sans laideur ni infirmité, en toute inté- grité et en toute beauté ». Les corps « auront l'age et la taille quiils auraient eus a trente ans», ils seront immortels et incorruptibles »,« translucides » pouts les élus, « sombres » pour les réprouvés (16) Alors, aura lieu le Jugement. A minuit, le Christ accompagné de «tous les ordres angéliques » apparaitra solennellement au milieu des « éléments troublés », dans la vallée de Josaphat. Les justes seront a sa droite, c'est-a-dire «en haut dans la gloire », Jes damnés & sa gauche, «en bas sur la terre ». Aux premiers, le Christ apparaitra « sous la forme qu'il eut lors de la trans- figuration », aux seconds «sous la forme qu'il avait quand il endait sur la croix », C'est le Fils qui jugera « parce qu'il est la similitude de Dieu, que l'ange et homme se sont attribuée », mais « le Pére et le Saint-Esprit y coopéreront ». Le Christ jugera assis, « Cestdie que son humanite se reposera dans sa div nité », mais puisqu’il apparaitra sous sa forme humaine, « il sera assis, croiton, comme un juge sur un sidge fait d'air > de meme les apétres, bien que leurs siéges, en fait, seront «leurs consciences dans lesquelles... ils reposeront » (17). « Alors les anges sépareront les bons des mauvais comme le grain de la paille et les hommes seront répartis en quatre Srdres.» Les parfaits, c'estadire « les apdtres, les martyrs, les moines et les vierges », jugeront avec Dieu « en 'montrant que les justes ont suivi leur enseignement et leur exemple et sont dignes du Royaume >. ‘Les jusies, cestA-dire « ceux qui ont pratiqué les euvres de miséricorde en état de légitime mariage et qui ont racheté leurs a échés par la pénitence et les auménes », entendront le Christ Fear dire : « Venez les bénis de mon Pere et les paroles’ gal suivent. » Ces paroles seront peut-étre « prononcées réellement », mais comme elles sont plutot destinées «A nous faire savoir quelles ceuvres méritent le salut», le jugement de ces justes onsistera dans le fait que ceux qui ont accompli cos couvres «seront estimés dignes du palais céleste ». Les impies, c'estadire «les paiens et les juifs qui ont vécu aprés la Passion du Christ », périront sans jugement, « ils verront le Christ, uais pour leur perte >. Quant aux mauvais, c’esta-dire les juifs qui, avant la venue du Christ, ont péché sous la loi et les mauvais chrétiens qui ont renié Dieu par leurs mauvaises actions, c'est A eux que seront dites les paroles : « Allez-vous en, maudits, dans le feu éternel : J'ai eu faim et vous ne m’avez pas donné & manger », et celles qui suivent (18). Dans ce jugement, les justes seront défendus et les mauvais accusés par leur conscience illuminée « par I’éclat de la croix ». Les livres dont parle 'Apocalypse, et qui seront ouverts alors, sont «les prophites, les apoties et les autres. patfails » dang lesquels « tous verront ce quiils auraient da faire ou éviter ». Quant au livre de la vie, c'est « la vie de Jésus dans laquelle tous Hront comme, dans un livre ce quis ont pratique ou négligé armi, ces préceptes ». Cest aussi «la puissance divine dans Fiquelle tots verront leur conscience comme si elle y éeat transcrite (19). ‘Apres le jugement, « le diable avec tout son corps, c'estadire tous les impies », sera précipité dans «T'étang de feu et de soufre », tandis que « le Christ avec son épouse, c'est.a-dire tous les élus, retournera triomphalement dans la cité de son Pére, la céleste Jerusalem >, La, le Christ « transmettra Je Royaume & Dieu, son pére » et « Dieu sera tout en tous » (20). Puis «le monde brillera », «les éléments, purifiés, subsis- teront », débarrassés. de T'instabilité et des incommodités. « Létat'présent du monde disparaitra pour laisser place & une autre forme incomparable et glorieuse » dans laquelle « Ta peine et Ia douleur n’auront plus de place » (21). Alors, s‘ouvriront les temps nouveaux qui, pour Honorius, s'identifient a la béatitude que connaitront les'saints. Leurs corps seront « sept fois plus éclatants que le soleil et lus agiles que I'ame ». Meme si 'on a dit qu’ils auront I'age et [a'taille « di Christ lors. de sa résurrection, lon peut pencer, puisque la variété des ages et des tailles est agréable A voir icibas, quiils ressusciteront «tels qu’ils étaient lors de leur morts ». Ils seront nus et beaux, et sans aucune honte, « Le salut et Ia joie seront leurs vétements » et leurs corps seront «de diversés couleurs » selon leur état. Ne voulant que le bien, « ils 82 peuvent done faire ce qu’ils veulent et se trouver sans délai Partout oi ils veulent ». « Ils ne font rien mais contemplent Dieu te Touent pour Tétemité», leur louange étant de « jouir de sa vue». «Ils se souviennent de tout », méme de leurs maux passés dont « ils se réjouissent d'autant quills les ont vaincus » Leurs joies sont celles que « l'eil n'a pas vues, que Toreille n'a pas entendues, qui ne sont pas venues a l'esprit de Vhomme », Cest-idire « la vie éternelle, la béatitude sans fin, tous les biens en snffisance et sans le moindre manque » (22). La description de ces joies est. ponciuée d'exclamations admiration du disciple qui ne peut s'empécher de remarquer que celui qui les posstderait en plénitude « semblerait un Dieu », ce qui conduit Honorius a la reprendre en développant et en affirmant que toutes ces joies des élus seront « éminemment » supérieures & leur modéle humain : qu’est-ce que la longévité de Mathusalem pour « ceux qui vivront éternellement », l'amitié de David et Jonathan pour « ceux qui auront l'amitié’ de Dieu, des saints et des anges ? » (23). Bref, « la joie des biens divins les pénétrera de toutes parts, eux et tous ceux qu’ils aimeront ». A Vinverse, les damnés «auront, les douleurs corres- pondantes ». Ils « sont tombés du char de Dieu » lorsque celui-ci est venu chercher parmi les hommes des « pierres vivantes » pour «réparer les murs de Jérusalem » dans lesquels la chute des anges avait fait une « bréche ». Telle est, en effet, cette béa- titude éternelle sur la vision de laquelle s’achéve l’Eluicidarium : «voir les biens de Jérusalem tous les jours de sa vie » (24), ‘Sinous cherchons & dégager maintenant les caracttres propres de la vision qu’Honorius nous a proposée du jugement, du ciel et de Ienfer, il semble que I'on puisse qualifier son eschatologie comme une’ eschatologie totale et chronologique, réaliste et allégorique, pastorale enfin. Comme’ Ie remarque en effet Y. Lefévre, I’« Elucidarium résout toutes les questions qui se posent lorsque l'on suit, dans un ordre chronologique, l'histoire du monde et celle de Vhomme > (25), Depuis Ja mort individuelle de chaque homme jusqu’a Ia vision finale et Ia Jérusalem céleste, rien n'est laissé de coté. Tout est dit du sort des élus et des damnés aprés leur mort, de durée des peines du purgatoire et de la nature exacte de celle de Tenfer, de l'état des ames séparées, des circonstances de la fin du monde et du jugement, de la béatitude éternelle enfin, Totale, cette eschatologie est aussi réaliste. Méme si, en effet, Honorius ne veut pas trop réifier les réalités de l'au-dela — il décrit le ciel et Yenfer comme des lieux spirituels et reconnait 83 que nous ne pouvons pas avoir ici-bas «'expérience de la béa- titude du royaume céleste » (26) —, les descriptions qu'il nous donne de ces réalités n’en sont pas moins tres concrétes. La purification des élus imparfaits « se fera dans la chaleur du feu ou Ia rigueur du froid »; les damnés, quant & cux, connaitront «le feu, le froid, les vers, ire puanteur, des coups, des ténébres paipables ». De méme, 'état des ressuscités nous est présenté avec un luxe de détails sur leur age et leur taille, tout est prévu, jusqu’au cas des avortons (27). La description de la béatitude éternelle, elleméme, n'est pas en reste. Les lecteurs d'Honorius savaient & quoi s‘attendre. Mais il ne semble pas qu'il faille pour autant mettre ce réalisme uniquement sur le compte de la curiosité de I'époque ou du désir de présenter une sorte de «guide touristique » de Vau-dela. Car Peschatologie d’Honorius est avant tout allégorique, Ta le souci de rendre compte de tout le symbolisme qu'il découvre dans I’Ecriture Sainte et qu'il applique, sans forcément tenir compte du sens literal, & Jeschatologie: La’ durée, par exemple, de la « purgation » des élus imparfaits est ainsi expli- quée: «l'année c'est le Christ, les mois les douze apétres ; le soleil accomplit son tour en un’an, la lune en un mois, Le bout de l'année est donc choisi pour remettre tout ce que homme a fait contre Je soleil de justice, le Christ, contre la lune, I'Eglise, et contre V'enseignement des apétres »” (28) et, si les’ mauvais, « moines descendront vivants en enfer », c'est parce que tel est le chatiment annoncé par le livre des Nombres pour ceux qui ont outragé Dieu » (29). Cette eschatologie se veut enfin pastorale, Non seulement en expliquant I'Ecriture et ne laissant aucune question imaginable sans réponse, mais en se présentant, A travers notamment la répartition des damnés ou I'explication de leurs peines, comme tune dénonciation implicite des vices dont souffrait l’époque & laquelle Honorius la présente : les prétres indignes et Jes, mae vais moines, les soldats qui vivent de rapines et les marchands qui se livrent a la fraude, sans oublier les pénitents publics qui se moquent de Di: De meme, la classification des élus se veut une exaltation de monastique et un appel & vivre en état de légitime mariage en pratiquant la pénitence et la miséricorde. Crest done une eschatologie extrémement riche et profonde que nous propose Honorius. Certes, il ne s'agit pas & proprement parler d'une ceuvre de théologie, en ce sens que l'auteur a plus Te souci de transmettre Venseignement de I'Ecriture, des Péres ou des maitres & propos de tel ou tel point de doctrine, que de nous présenter sa propre réflexion & partir des données de la Révélation ou de la Tradition. Si les Evangiles synoptiques, saint Jean ou saint Paul sont cités, cest plus matériellement que dans Ie développement d'une Eschatologie chrétienne accomplissant T'Eschatologie juive que, pourtant, ces écrits nous livrent. Nous. ne trouwvons point, dans [Elucidarium, trace Gume Eschatologie déja réalisée et pourtant encore a venir, comme dans le Nouveau Testament, Nous ne trouvons pas plus tne réflexion sur le sens du temps, de la fuite du monde, d'une Histoire. toute entiore marquée par la tension eschatologique, comme chez les Peres. [ais cette absence de caractere strictement.théofogique de l'Elucidarium est la conséquence de ce qui en fait justement son originalité — le souci didactique et pastoral — que T'auteur potrsuit dans son ouvrage. ‘Nous I'avons vu, Honorius vise & instruction du clergé de son temps si pauvre non seulement en réflexion théologique, ‘mais en Beale connaissances doctrinales. Aussi, ne cherche- pas tant a lui proposer de profondes spéculations sur la doc- Tine qu’d lui fournir un exposé précis et complet des, connals sances dont il a besoin pour lui-méme et les fideles qui lui sont confi¢s. Si ce propos n’est pas véritablement original, I'Elucidarium se présente comme un exposé beaucoup plus complet et, d'une certaine manitre, plus raisonné que les essais deja tentés et « se rapproche davantage de celui qu'adoptera un des grands maitres du xr sitcle, Hugues de Saint-Victor, dans. ‘son. De Sacramentis » (30). Le but poursuivi par Honorius rend compte également du caractére individuel, pourrait-on dire, de son Eschatologie. Plus qu'une vision historique du monde tendu vers l'avenir, c'est une réponse A des questions précises qu'Honorius propose A son lecteur. Et ce qui aurait pu paraitre une faiblesse théolo- gique — et qui le demeure en un certain sens — devient, pris dans le dessein général de I'ceuvre, une de ses forces. Crest ce qui explique que, si I'Elucidarium n'a pas vraiment compté dans le grand mouvement théologique du xr siécle, il a cependant eu une grande influence sur ‘Tes mentalités popu- laires du Moyen Age, inspirant non seulement des ceuvres intel- lectuelles, comme les Lucidaires (31), mais surtout l'art de son €poque. Emile Male, parlant des « Jugements derniers », n’hésite pas A écrire que, ‘parmi les ouvrages ott Ton peut esperer en trouver le sens, «le plus précieux est celui qu’écrivit Hono- rius d’Autun, au commencement du xir* siécle, sous le titre d'Elucidarium (32). P.-A. D'ARGENSON. 35 NoTES Ga tyer go nee sweat famict_ Se mtg wlmotn amin do efter at th, TR Ble 3 Feels ates 3 atic, soe yom cam Se Seisricagt 0 Gusev! (eluates, Pas tug pops a en BY Ley ade ae ea aces ae OE ae Y, LEFEVRE, op, et Mono «Augustine, In Dicomate ae Sonate as Tan ears Means» i ET AMARN,Hograe, Kiana a Hil Ril, Ut Bieuopialre de Thdooge catholique, Pais, Uetousey fan, Wale VIE Ts NDRES, Horie Ayptotinec, Kempen, Mund, SERS HIE rte deere tgunmtmes» some fe ES Satay Soi ith Wed? Meneses = Cath Adana cues B13) Pe, 4 ™ meee deine Bee, Patni Laie de Mave 1). M2 gion PSE woe BBA, 20 eSBDEERSRCSSERSEE SHEE 2, fine derte arts 5 avg lege de Lactaaies a PSEA, gece gel portent pour In ye (GPE Matte ar rele au KID scete"en Frac, Basis, A Colin, 1525, VII. — LE CIEL ET L'ENFER DANS L'GUVRE DE JEREMIE DREXEL, JESUITE BAVAROIS (1581-1638) par René Prtorcer Jérémie Drexel naquit & Augsbourg, en 1581, dans une famille luthérienne. II fut trés tOt converti ‘au cathdlicisme, et entra dans la Société de Jésus A Vage de dixsept ans. Il étudia au célébre collége d'Ingolstadt, fut ordonné prétre a l'age de vingtneuf ans et enseigna dans plusieurs colleges de la Compa- gnie, mais toujours en Baviere (1). On sait que ce duché consti- tuait alors une pice maitresse de la Réforme catholique. A par- tir de 1616 et jusau‘en 1638 — done de Tage de trentequatre ans jusqu’a celui de cinquantesept ans —, Drexel fut prédi- caieur & la cour de Maximilien I” (2). Il’ précha beaucoup, notamment des Avents et des Carémes et, de certains de ses ser- mons, il tira un livre intitulé De Aeternitate Considerationes, De TEternité, publié en 1620. Celui-ci fut accueilli par le pubic de facon trés favorable, et Drexel, encouragé, publia au cours des années suivantes plusieurs autres livres et opuscules — au total, une trentaine de titres (3). En. 1642, les trois éditeurs de Munich — Leyser, la veuve Anna Berg, Heinrich — avaient vendu environ 170000 exemplaires de ses cuvres. Drexel n’était pas seulement un best-seller. Il était devenu, au fil des années, "un auteur d'audience européenne. Ses ouvrages, écrits en latin, étaient aussit6t traduits en allemand, puis en francais, en néer- landais, en anglais, en tchéque, en ‘hongrois, en ‘polonais, en italien. Leur succes devait étre persistant : on les réédita au cours des xvinr* et xix" sidcles. Leurs derniéres éditions, nous dit la bibliographie de Sommervogel, parurent en francais et en néerlandais en 1868 et en 1869. a7 PRESSES DE L'UNIVERSITE D’ANGERS PUBLICATIONS DU CENTRE DE RECHERCHES D'HISTOIRE RELIGIEUSE-ET D'HISTOIRE DES IDEES La réforme des réguliers en France de la fin du xv’ sidcle A la fin des guerres de religion. Actes de la journée d'histoire religieuse de Fontevraud. 1977. In Revue d'histoire de 'Eglise de France T. LXV, ne 174, Janvier-juin 1979. 127 pp. - 60 FF. La Vocation religieuse et sacerdotale en France. xvi-xtx" sitcles. Actes de la deuxiéme rencontre d'histoire religieuse de Fontevraud. 1979, 76 pp. - 30 FF. Histoire de la Messe, xvrr-x1x" sitcles. Actes de la troisi¢me rencor tre d'histoire retigieuse de Fontevraud, 1980. 170 pp. - 60 FF. Les religicuses enseignantes xvr"xx" sidcles. Acte de Ia quatritme rencontre dhistoire religieuse de Fontevraud, 1980. 163 pp. 10 FF. Histoire de sainteté. Actes de ta cinquidme rencontre d'histoire reli gieuse de Fontevraud. 1982. 222 pp. - 90 FF. Histoire des miracles, Actes de la sixidme rencontre dhistoire relic gicuse de Fontevraud, 1983. 198 pp. - 85 FF. LEvéque dans U'histoire de I'Eglise. Acte de la septidme rencontre histoire religieuse de Fontevraud, 1983, 240 pp. - 90 FF. istoire des faits de sorcellerie. Actes de la huitidme rencontre d'his- toire religieuse de Fontevraud. 1985, 216 pp. - 75 FF. Christianisation et déchristianisation. Actes de la neuvidme rencontre histoire religieuse de Fontevraud, 1986, 336 pp. - 130 FF. Les résistances spirituelles. Actes de la dixiéme rencontre d'histoire religieuse de Fontevraud. 1986. 352 pp. - 150 FF. (© Unrate Anger, 1089 — Tour dots réeanée, UNIVERSITE D’ANGERS Centre de Recherches d'Histoire Religieuse et d'Histoire des Idées LE JUGEMENT, LE CIEL ET L’ENFER dans Vhistoire du christianisme ACTES, de la Douziéme rencontre d'Histoire Religieuse tenue & Fontevraud les 14 et 15 octobre 1988, organisée par Ia Société Francaise d'Histoire des Idées et @Histoire Religieuse avec le soutien du Centre Culturel de l'Ouest Presses pe 1’UNIVERSITE D'ANGERS

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