Sunteți pe pagina 1din 31

LA PSALMODIE INTÉRIEUR DE L’OFFICE DE LA VIERGE

TANT SELON L'USAGE ROMAIN QUE SELON LE MONASTIQUE

CHAPITRE NEUF & DERNIER :

IN FINEM PRO TORCULARIBUS

SUJETS DE MÉDITATION

sur deux des psaumes qui ont pour titre Pour les pressoirs,
& sur les quatre où la venue de Jésus-Christ au monde, sa Passion, sa Résurrection & son Ascension
sont le plus ouvertement prophétisés

80 Exultate Deo adjutori nostro


83 Quam Delicta Tabernacula
de la Nativité 71 Deus Judicium tuum Regi da
de la Passion 21 Deus, Deus meus Respice in me
de la Résurrection 117 Confitemini Domino quoniam bonus
de l'Ascension 46 Omnes Gentes plaudite manibus

DOM INNOCENT LE MASSON

A Grenoble
Par Andre Faure Imprimeur et Libraire
1689
Avec Approbation & Privilège du Roy

1
Ce psaume a pour titre pro Torcularibus, pour les pressoirs. On a été jusqu'ici fort en peine de ce que
cela signifie, mais saint Ambroise & plusieurs autres saints interprètes sont persuadés que ce psaume & deux
autres qui portent le même titre, qui commencent par des paroles d'une tendre affection, & qui sont remplis de
sentiments d'un très ardent amour de Dieu, ont été inspirés comme pour servir de pressoirs aux bonnes âmes, &
faire sortir de leur cœur une abondance de saintes affections, de même que le pressoir fait sortir le vin du raisin
dès qu'il le presse.

Je vous rapporterai à la fin de ce petit livre les deux autres psaumes des pressoirs qui sont Exultate
Deo adjutori nostro, & Quam delicta tabernacula tua, afin que vous ayez pour ainsi parler de quoi mettre
souvent & par divers motifs vos cœurs sous le pressoir de l'amour de Dieu.

Dom Innocent le Masson


Psalmodie Intérieure de l'Office de la Sainte Vierge
Matines, Premier Nocturne, Psaume 8, verset 10.

2
C'est ici que finit ce qui appartient à l'Office de la sainte Vierge, mais il me reste à vous expliquer les deux
autres psaumes, qui ont pour titre Pour les pressoirs, comme je vous l'ai promis dans l'explication du psaume Domine
Dominus noster. J'y ajouterai encore les quatre psaumes où la venue de Jésus-Christ , sa Passion, sa Résurrection, & son
Ascension sont le plus ouvertement prophétisées & exprimées. Ont pourroit leur donner le même titre qu'ont les trois
autres Pro Torcularibus, pour les Pressoirs, parce qu'on y trouve que quoi presser fortement les âmes d'aimer Dieu &
d'admirer ses bontés envers nous.

IN FINEM PRO TORCULARIBUS

Ps. LXXX Exultate Deo adjutori nostro

Vous trouverez ci-dessus les sentiments qu'ont eu plusieurs Pères de l’Eglise sur les trois psaumes qui portent
ce titre, & sur la fin que le saint Prophète a eu en leur donnant ces paroles pour titre.

v. 1 Exsultate Deo adjutori nostro; jubilate Deo Jacob.


Réjouissez vous en louant Dieu notre protecteur, chantez avec allégresse les louanges du Dieu de Jacob.

v. 2 Sumite psalmum, et date tympanum; psalterium jucundum cum cithara.


Entonnez le cantique & faites entendre le tambour, l'instrument harmonieux à douze cordes, avec la harpe.

v. 3 Buccinate in neomenia tuba, in insigni die solemnitatis vestræ


Sonnez de la trompette en ce premier jour du mois, en ce grand jour de votre fête solennelle.

Le saint Prophète épris des sentiments de reconnaissance des bien-faits de Dieu, s'en explique ici d'une manière
qui fait connoitre le tressaillement de son cœur, & le transport de joie où il est, afin de porter tout le monde à remercier
& à chanter les louanges de leur bien-facteur. Il enseigne en même temps de quelle manière on doit faire l'un & l'autre.
Nos reconnaissances seront toujours insipides si elles ne sont assaisonnées du sel d'une véritable affection de cœur, & si
elles ne sont accompagnées d'une joie spirituelle qui se trouve toujours dans une bonne volonté ; car elle se porte à louer
Dieu lors même que ses sentiments sont comme plongés dans une sécheresse qui la prive de la consolation de ressentir
une joie sensible dans ce saint exercice, qu'elle ne laisse point de faire avec courage & avec persévérance, nonobstant
l'insensibilité qu'elle trouve dans ses sentiments naturels.
L'âme fidèle tressaille de joie au Seigneur, plus qu'en tout autre temps, lors qu'étant en cet état ; elle éprouve &
ressent la force du secours de la grâce, qui la porte à louer & bénir Dieu volontiers & avec une liberté qui surmonte les
sécheresses, & les répugnances de ses sens dont elle est environnée. Elle produit alors des jubilations, s'il est permis de
parler ainsi, qui sont d'autant plus relevées qu'elles sont plus volontaires, plus spirituelles, & par conséquent animées
d'un amour de Dieu qui est plus pur parce qu'il est moins aidé du sensible & de l'humain.
Les instruments de musique dont il est parlé ici nous marquent la pompe & la magnificence extérieure qui
devoit accompagner le chant des louanges de Dieu selon les intentions & selon l'ordre que David avoit établi ; mais ils
nous signifient encore plus le son des bonnes œuvres & des affections du cœur, qui doivent accompagner les louanges
de Dieu que nous chantons de la bouche, & que pour le bien louer, il faut que les œuvres s'accordent avec la voix, & que
l'un réponde à l'autre.
Le saint prophète parle par rapport aux usages de l'ancienne Loi : qui commandoit de célébrer avec solennité le
premier jour de chaque mois. Il commençoit alors par le premier jour de la lune ; mais celui de septembre étoit estimé le
plus solennel, & c'est peut être de celui-ci dont David parle, & qu'il veut porter les peuples à le bien célébrer. Il va les
mettre pour cet effet sous le pressoir, ainsi que porte le titre du psaume, en leur représentant les motifs les plus pressant
qu'ils puissent avoir d'honorer cette solennité comme elle le mérite.
Ô mon Dieu, il est bien juste que nous joignons au culte intérieur que nous vous devons celui qui paroit au
dehors, puisque nous vous sommes redevable de notre corps aussi bien que de notre âme, & que nous vous devons
rendre hommage de l'un & de l'autre ; mais le culte extérieur ne doit servir que pour faire connoitre au dehors la vérité
& la qualité de celui que nous vous rendons dans le cœur. C'est par celui-ci que nous pouvons accomplir ce que votre
prophète demande de ses auditeurs ; car ce n'est que dans le cœur que l'on peut ressentir le tressaillement de la joie
spirituelle à laquelle il les exhorte. Les raisons en sont bien pressantes, puisque c'est de vous que je reçoit le secours, la
force, & tout ce que je puis ; faites moi donc la grâce de vous honorer comme je le dois, de tout ce que je suis, & de tout
ce que je tiens de vous.

3
v. 4 quia præceptum in Israël est, et judicium Deo Jacob.
Parce que c'est un précepte qui a été donné à Israël, un ordre établi en l'honneur du Dieu de Jacob

v. 5 Testimonium in Joseph posuit illud, cum exiret de terra Ægypti; linguam quam non noverat, audivit.
Il l'établit comme un témoignage pour Joseph lors qu'il sortit de la terre d'Égypte, il entendit parler une langue
qu'il ne connoissoit pas.

v. 6 Divertit ab oneribus dorsum ejus; manus ejus in cophino servierunt.


Il a déchargé ses épaules du fardeau qu'on y avoit mis, ses mains servoient à porter sans cesse des corbeilles
pleines d'argile.

Le premier motif dont se sert le Prophète pour émouvoir le peuple à bien célébrer cette solennité, est qu'il s'agit
de l'exécution d'un ordre que Dieu leur a donné lui-même ; il veut dire que la joie étant déjà par elle-même une chose
fort agréable, elle doit être sans mesure en celle solennité, puisque c'est Dieu lui-même qui veut qu'on la fasse paroitre
en cette occasion d'une manière éclatante en mémoire des bienfaits que ce peuple a reçu de lui.
Sous le nom de Joseph il faut entendre ici tous les enfants d'Israël, car outre que les enfants de Joseph faisoient
deux de leurs tribus, ils avoient été tous, en Égypte, sous la protection du patriarche Joseph. Le témoignage & le
Jugement ne signifient ici qu'une même chose. Le Jugement marque la justice du précepte que Dieu avoit fait aux
enfants d'Israël de célébrer cette fête, & la matière du précepte est un témoignage éternel de leur délivrance, que sa
Majesté divine avoit d'une manière glorieuse, & toute pleine de miracles.
Le saint Prophète leur représente en peu de mots ce qu'ils doivent considérer comme la source de toutes leurs
joie, & le sujet de leur reconnoisance immortelle envers Dieu. C'est d'avoir été délivré par sa main toute-puissante de la
nécessite d'entendre parler une langue qu'ils n'entendoient pas parmi un peuple barbare, & de la dure servitude de porter
sur leurs dos de pesants fardeaux, d'employer leurs mains à remuer la terre, & de porter des corbeilles pleines d'argile
pour en composer des briques. Quelle auroit pu avoir au monde un peuple privé de sa liberté & assujetti à de semblables
travaux s'il n'en avoit été délivré ?
Ô mon Dieu ! Si ce devoit être un si grand sujet de joie aux enfants d'Israël d'avoir été délivré de la servitude
d'un peuple barbare, & de la fatigue de ces durs travaux de terre, ce nous en doit être un bien plus grand d'avoir été
retiré de la servitude du démon & du péché par le mystère ineffable de notre Rédemption, & de pouvoir par le secours
de la grâce de Jésus-Christ notre Sauveur nous exempter de ces ouvrages de boue & de terre, que la cupidité fait faire
aux hommes charnels, & auxquels non seulement elle les réduit, mais dont elle les surcharge, de telle sorte qu'enfin elle
les accable sous le fardeau. Je Vous dois l'honneur la gloire, & la reconnaissance de tous les effets de cette délivrance.
Préservez moi par votre miséricorde de me laisser jamais réduire de nouveau à cette première servitude.

v. 7 In tribulatione invocasti me, et liberavi te. Exaudivi te in abscondito tempestatis ;


probavi te apud aquam contradictionis.
Vous m'avez invoqué dans votre affliction & je vous ai délivré, je vous ai exaucé dans le secret de la tempête,
je vous ai éprouvé aux eaux de contradiction.

v. 8 Audi, populus meus, et contestabor te. Israël, si audieris me, non erit in te deus recens,
neque adorabis deum alienum.
Mon peuple écoutez moi, & je vous déclarerai ma volonté. Israël, si vous m’obéissez, vous n'aurez point dans
vous de Dieu nouveau, & vous n'adorerez point de Dieu étranger.

v. 9 Ego enim sum Dominus Deus tuus, qui eduxi te de terra Ægypti. Dilata os tuum, et implebo illud.
Car c'est moi qui suis le Seigneur votre Dieu, qui vous ai retiré de la terre d'Égypte. Ouvrez & élargissez votre
bouche, & je la remplirai.

Rien n'est plus capable de presser les enfants de reconnoitre les bontés de leur père, ni les sujets celles de leur
Prince, que de voir l'un & l'autre se réduire à raisonner avec eux pour les convaincre par raison, que la conduite qu'ils
observent à leur égard est juste, que tout ce qu'ils font n'est que pour leur bien, & que s'ils veulent se rendre fidèles à
leur obéir, ils doivent attendre d'eux toues les avantages qu'ils peuvent désirer selon les règles de la droite raison. C'est
aussi un autre moyen dont le saint prophète se sert ici pour mettre sous le pressoir les cœurs de ses auditeurs.
Il introduit donc un colloque que Dieu fait avec son peuple, où il dit ce qui peut le plus les porter à reconnoitre
les bien-faits qu'ils ont reçu de lui ; il leur remontre la patience qu'il a exercée envers eux, & son affection paternelle,
qui est telle que leur ingratitude n'est point capable d’arrêter le cours de ses bontés, s'ils veulent profiter de ses
remontrances & se servir du temps qu'il leur donne pour se convertir à lui.
Peut on parler d'une manière plus paternelle que celle dont Dieu se sert ici à l'égard de son peuple ? Il les fait
souvenir de ce qu'il a fait pour eux quant ils ont eu recours à lui, & il leur rend même raison de la fin qu'il a eu en
permettant que l'eau leur manquât dans le désert. C'étoit pour les éprouver & non pas pour les exterminer ; c'étoit pur les
engager à faire paroitre au dehors les sentiments qu'ils avoient de lui, & pour leur faire ressentir le soin qu'il avoit d'eux
nonobstant la dureté de leur cœur qui les empechoit de le reconnoitre comme le meilleur de tous les pères, nonobstant

4
leur impatience & leur murmures.
La racine de tous les malheurs des enfants d'Israël, étoit l’Idolâtrie à laquelle leur penchant les portoit toujours
nonobstant tous les prodiges que Dieu avoit fait pour leur faire connoitre qu'il étoit l'auteur de la nature, la Tout-Puissant
au Ciel & en la terre, le vrai & seul Dieu. Ils en devoient être convaincus d'une manière à en recevoir aucun doute, &
néanmoins Dieu leur parle d'une manière si douce & si paternelle, qu'il semble qu'il veut les attirer par des exhortations
affectueuses à n'en point douter, & comme en les priant de l'écouter & de croire à sa parole.
Il leur remet devant les yeux les preuves qu'il leur a donné de sa divinité par tous les miracles qu'il a fait pour
les retirer de l'Egypte, & il leur promet en même temps de leur en donner de nouvelles preuves par ses bienfaits, s'ils
sont fidèles à profiter de ses remontrances. Ouvrez dit il votre bouche, & je la remplirai. C'est une expression
métaphorique qui marque que c'est lui seul qui peut nous donner de quoi rassasier notre faim. C'est de lui seul que nous
recevons tous les biens qui servent à nous retirer de la faim & de nos besoins corporels ; mais ces paroles doivent être
encore plus appliquées à la faim de nos cœurs, qu'il n'y a que Dieu seul qui les puisse rassasier, n'y ayant rien de crée
qui soit capable de remplir leur vide, ni par conséquent de les contenter. Les hommes veulent faire comme des dieux
nouveaux, en cherchant dans les créatures de quoi se contenter ; mais ils éprouvent qu'il n'y a qu'un Dieu éternel qui
puisse le faire, & qui soit le Dieu de leur cœur.
Ô mon Dieu, c'est une vérité qu'il faut que tous les hommes reconnoissent, soit qu'ils le veuillent, soit qu'ils ne
le veuillent pas, puisqu’après avoir couru comme des vagabonds dans les chemins égarés des désirs de leur cœur, iuls
n'y trouve que le vide & le néant, & ils font enfin une triste épreuve de ce que dit ailleurs votre même prophète : que
tous ceux qui s'écartent de vous périront. Puisque je ressens sans cesse les effets de votre bonté paternelle, faites que j'ai
aussi toujours devant les yeux la mémoire de ces bienfaits, & de ma délivrance de la servitude du démon & du péché, &
que je montre par mes œuvres que vous êtes le Dieu de mon cœur, mon Dieu & mon tout.

v. 10 Et non audivit populus meus vocem meam, et Israël non intendit mihi.
Mais mon peuple n'a point écouté ma voix, & Israël ne s'est point appliqué à m'entendre.

v. 11 Et dimisi eos secundum desideria cordis eorum; ibunt in adinventionibus suis.


Je les ai abandonné aux désirs de leur cœur, & ils marcheront dans les voies qu'ils ont inventées eux même.

Le saint Prophète expose ici aux enfants d'Israël ce qui a attiré sur leurs pères les justes punitions qui leur ont
été imposées afin de leur faire éviter ce qui feroit encourir les mêmes châtiments. Leurs pères ont méprisés l'honneur
que Dieu leur faisoit de leur parler, & il en a usé envers eux comme un bon père qui passe par divers degrés de
châtiment, avant que d'en venir à l’extrême qui est celui de quitter le soin des enfants & des les traiter comme des
incorrigibles, en les abandonnant à leur propre conduite.
C'est ici le châtiment des châtiments. Tous les autres ne sont que comme des médicaments réitérés dont le
Médecin se sert pour guérir le malade ; mais cet abandon que Dieu fait de l'homme à ses propres désirs & à sa cupidité,
fait qu'en les suivant librement & sans retenue, il se précipite de vices en vices, de désordres en désordres, jusqu'à ce
qu'il soit parvenu au profonde de l'abime, de l'aveuglement & de l'endurcissement, qui est suivi de sa damnation
éternelle, si Dieu ne le retire de cet abime par un secours extraordinaire de sa grâce.
Il n'y a point de châtiment de plus à craindre en cette vie que celui que Dieu exerce en permettant que le péché
devienne la peine du péché, car le pécheur étant destitué de la lumière divine qui l’éclaire, a du secours de la grâce qui
le soutien & le préserve, il tombe dans des désordres de toute sorte & des vices qui déshonorent la nature & la dignité
de l'homme & souvent sa raison ne lui sert plus que pour inventer de nouveaux monstres d'iniquité.
Ô mon Dieu, je vois ici jusqu'où peut aller l'abus de vos grâces, & le mépris de vos inspirations & de vos
châtiments paternels. J'ai trop éprouvé ce que je puis par moi-même, & quelle est ma faiblesse à résister à mes
cupidités, pour ne point vous demander de m'envoyer plutôt mille fois la mort, que d'être ainsi abandonné de vous &
laissé à ma propre conduite. Je vous demande par les mérites de votre Fils bien aimé, que vous me préserviez de tomber
dans cette malheureuse désobéissance à vos Lois, qui fait que les hommes deviennent peu à peu comme sourds à vos
saintes paroles, & qu'ils engagent votre justice à les abandonner à eux même.

5
v. 12 Si populus meus audisset me, Israël si in viis meis ambulasset,
Si mon peuple m'avoit écouté, si Israël avoit marché dans mes voies.

v. 13 pro nihilo forsitan inimicos eorum humiliassem, et super tribulantes eos misissem manum meam.
J'aurois pu humilier facilement ses ennemis, & j'aurois appesanti ma main sur ceux qui l'affligeoient.

Ce sont ici les paroles d'un Souverain qui montre que c'est bien malgré lui qu'il a châtié son peuple, & qu'il a
du déplaisir de ce qu'on l'a contraint de s'abstenir de lui faire tout le bien qu'il auroit voulu. Il en marque les raisons.
C'est sa désobéissance, ce sont ses égarements qui en ont été la cause & qui ont engagé la justice de Dieu à les laisser
surmonter & opprimer par leurs ennemis, sans qu'il les délivre de leurs mains, comme il lui auroit été facile de le faire,
& même de les anéantir.
Ô mon Dieu ! Nous apprenons de ces paroles & de l'exemple de votre conduite sur votre peuple combien de
bénédictions & de grâces nous recevrions de vous, si nous n'y mettions de l'obstacle par nos négligences & nos
infidélités. Vous êtes une source de bonté qui coulez sans cesse, & qui ne désirez rien tant que de trouver des vaisseaux
disposés à recevoir vos écoulements, & vos bienfaits spirituels. Faites moi la grâce de me vider de moi-même afin que
je puisse être rempli de vous.

v. 14 Inimici Domini mentiti sunt ei, et erit tempus eorum in sæcula.


Les ennemis du Seigneur lui ont violé la parole qu'ils lui ont donnée, & le temps de leur misère durera autant
que les siècles.

v. 15 Et cibavit eos ex adipe frumenti, et de petra melle saturavit eos.


Et cependant il les a nourri de la fleur du plus pur froment, & il les a rassasié du miel sorti de la pierre.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Ce sont les Juifs même dont le prophète parle ici , qui étant enfants de Dieu ont encouru sa disgrâce par les
injures qu'ils lui ont faites, & sont devenus ses ennemis par les offenses qu'ils ont commises contre lui. Ils avoient
promis une fidèle obéissance à ses lois au pied de la montagne de Sina, & ils les ont depuis transgressées & méprisées
de telle sorte qu'ils ont surpassés en crimes & en idolâtrie les peuples que Dieu leur avoit commandé d'exterminer.
Mais pour faire connoitre sensiblement avec combien de justice ce peuple a été puni, David oppose ici les
bienfaits de Dieu à leurs dérèglements, afin de faire mieux connoitre l’excès de leur ingratitude, il fait mention de ce
pain céleste qu'il leur fit pleuvoir du Ciel dans le désert, qui surpassoit en bonté celui qu'on auroit pu faire avec le
froment le plus exquis, puisqu'il avoit toute sorte de goût ; & il les fait souvenir de l'abondance admirable de la terre que
Dieu leur avoit donnée, où le miel couloit des trous des rochers, qui servoient de ruches aux abeilles, dont il y avoit en
ce pays une multitude prodigieuse.
Ô mon seigneur, je trouve dans ce psaume de quoi presser fortement le cœur humain le moins sensible, de vous
aimer & de vous admirer, de détester son ingratitude & d'avoir un parfait regret des offenses commises contre vous. On
y voit les intentions & les désirs du meilleur de tous les pères envers ses enfants. On y entend des paroles de douceur &
de charité. On y trouve des exhortations paternelles d'un Dieu qui se familiarise avec ses créatures, comme s'il y avoit
quelque proportion entre lui & elles. On y voit les effusions de ses bontés nonobstant leurs ingratitudes. Il n'y a que
celui qui est la source de la charité & de la bonté qui soit capable de faire de semblables choses. Achevez sur moi les
admirables effets de l'un & de l'autre, en me donnant des sentiments & une fidélité qui me corresponde.

6
IN FINEM PRO TORCULARIBUS

Psaume LXXXIII Quam dilecta tabernacula

v. 1 Quam dilecta tabernacula tua, Domine virtutum ! Concupiscit, et deficit anima mea in atria Domini ;
Seigneur des armées, que vos Tabernacles sont désirables, mon âme désire ardemment d'être dans a maison du
Seigneur, & elle est presque dans la défaillance par l'ardeur de ce désir.

v. 2 cor meum et caro mea exsultaverunt in Deum vivum.


Mon cœur & ma chair font éclater par des transports de joie l'amour qu'ils ont pour le Dieu vivant.

v. 3 Etenim passer invenit sibi domum, et turtur nidum sibi, ubi ponat pullos suos
car le passereau trouve une maison pour s'y retirer, & la tourterelle un nid pour y placer ses petits.

v. 4 altaria tua, Domine virtutum, rex meus, et Deus meus.


Mais vos autels sont mon partage seigneur des armées, mon Roi & mon Dieu.

L'âme fidèle qui ressent la dureté & les dangers du pèlerinage de cette vie où la prospérité se convertit en
tentation & même en persécution spirituelle, l'âme qui est bien pénétrée des vérités que la Foi nous enseigne, quelques
avantages qu'elle ait en ce monde en biens de ce fortunes, & en toutes les autres choses, qui font qu'on y appelle
heureux ceux qui les possèdent ; cette âme, dis-je, entends bien le langage du saint Prophète & ce qui le porte à parler &
à exprimer ses désirs en la manière qu'il le fait ici.
Les Tabernacles des Rois de la Terre, pour beaux & richement ornés qu'ils soient, ne sont que des maison de
boue. Ces Rois & leurs courtisans ne sont que des hommes mortels, sujets à toutes sortes de misères, leur beauté n'est
qu'une ombre, leur vie que de la fumée, & la mort les réduit en pourriture. Mais les tabernacles du Seigneur sont
éternels, où habitent un nombre innombrable de célestes esprits, pleins de vertus, de sagesse & de force, la beauté d'un
seul de ces princes de la cour céleste seroit capable d'effacer toutes nos tristesses, & de nous remplir de joies s'il la
rendoit visible à nos yeux corporels.
Ces courtisans y composent comme une armée qui environne le Roi de Gloire, sa beauté surpasse infiniment
toutes celles de ces Princes célestes, car c'est lui qui leur communique tout ce qu'ils ont de beauté & de gloire, de force
& de sagesse. Le saint prophète qui étoit un Roi de la terre, & qui connoissoit par son expérience la vanité de ce que les
hommes estiment le plus au monde a donc bien raison de compter pour rien les tabernacles des Princes du monde & de
ne désirer que ceux de Dieu, où tout ce qui se peut désirer se trouve par excellence & durera à jamais.
Il nous apprend ce que la Foi & les impressions de la grâce de Dieu produisent quelque fois dans les âmes qui
le connoissent & qui l'aiment ; l'amour & le désir d'être à lui, & de jouir de lui dans son palais céleste, fait que l'âme
laisse son corps comme languissant, étant plus où elle aime qu'en ce qu'elle aime, plus dans le Ciel où est son trésor, que
dans son corps qu'elle ne considère que comme sa prison, & il ne se faut pas étonner de ce que David après avoir dit que
l'ardeur de son désir l'avoit presque fait tomber en défaillance, dit incontinent après que son cœur & sa chair ont été
dans des transports de joie. Cela nous marque les différents mouvements que produit l'amour, tantôt il fait ressentir à
l'aimant des douleurs sensibles de l'absence de ce qu'il aime, tantôt l’espérance de son retour & d'en jouir bientôt le font
tressaillir de joie. Mais si l'amour naturel produit ces différents mouvements, celui de Dieu les fait ressentir d'une
manière ineffable aux âmes saintes comme celle de David.
Il appelle Dieu le Dieu vivant, non seulement afin de le distinguer toujours d'avec les fausses divinités que les
païens adoroient dans leurs idoles, mais encore bien plus pour nous faire entendre que Dieu seul est le Dieu vivant qui a
la vie par lui-même & qui est la source de la vie d'où la notre s'écoule ; & c'est en lui & par lui que nous sommes, nous
vivons, & nous nous mouvons.
Nous voyons au troisième verset de quelle manière ce saint homme adoucissoit son exil, & le retardement de la
jouissance de ce qu'il désiroit & aimoit uniquement. Il considéroit que la Providence pourvoit au besoin & au repos des
plus petits animaux, en leur donnant des lieux de retraite où ils puissent se reposer avec tranquillité & mettre leurs
poussins en assurance. Il se compare aux oiseaux qui volent entre le Ciel & la terre, & rien en convient mieux à l'âme
fidèle qui ne se repose sur la terre que par nécessite, & qui s’élève sans cesse vers le Ciel par ses désirs. Il nous marque
ensuite quel est le lieu qu'il se choisissoit pour y prendre son repos, ce sont les autels du Seigneur.
Il n'y a rien au monde qui nous représente mieux les tabernacles célestes que les autels du Seigneur, car c'est là
où on cherche à paroitre devant Dieu & à s'approcher plus près de lui en lui offrant des prières & des sacrifices. C'est où
on répand son cœur devant lui & où on chante hautement ses louanges, & c'est là où nous trouvons à présent le centre
de la piété, de notre repos, & de notre consolation, dans le mystère de la Charité de Jésus-Christ qui s'y rend présent
d'une présence réelle, toujours prêt à nous écouter & à nous servir d'avocat auprès du Père éternel.
Enfin c'est là où les âmes dévotes trouvent comme un nid, où elles placent leurs désirs & leurs gémissements,
leurs méditations & leurs contemplations, qui sont comme leurs poussins, parce que ce sont les productions de leurs
cœurs. C'est là où elles peuvent se tenir en repos & en assurance contre ces chasseurs, qui cherchent à les prendre dans
leurs filets, comme le saint Prophète s'en explique dans son psaume 123.
Ô mon Dieu, votre saint Prophète m'apprend ici où je dois établir mon refuge, chercher mon repos & ma force

7
pendant tout le cours de ma vie mortelle, & je suis persuadé que je ne trouverai ailleurs que du trouble & de
l'inquiétude, de la faiblesse, des dangers & des chutes. Faites moi donc la grâce de ne rien chercher qu’auprès de Vous.
Ce saint homme vous appelle ici son Roi & son Dieu afin de nous faire bien connoitre que vous êtes notre Roi qui nous
gouvernez pendant que nous sommes errants en cette vie, & qui nous délivrez comme des passereaux des filets des
chasseurs, & que vous êtes notre Dieu que nous devons contempler comme la source de tout le bien, notre unique
nécessaire, notre principe & notre fin. Faites moi la grâce de vous faire un autel de mon propre cœur où je m'immole
moi même à votre honneur, en union du sacrifice adorable que votre cher Fils nous a laissé sur nos autels, pour nous
servir d'asile, de consolation & de repos en cette vie mortelle.

v. 5 Beati qui habitant in domo tua, Domine; in sæcula sæculorum laudabunt te.
Heureux ceux qui demeurent dans votre maison, Seigneur, ils vous loueront dans tous les siècles.

v. 6 Beatus vir cujus est auxilium abs te : ascensiones in corde suo disposuit, in valle lacrimarum,
in loco quem posuit.
Heureux est l'homme qui attend de vous son secours, & qui dans cette vallée de larmes & résolu en son cœur
de monter & de s'élever toujours jusqu'au lieu que le Seigneur a établi.

v. 7 Etenim benedictionem dabit legislator; ibunt de virtute in virtutem : videbitur Deus deorum in Sion.
Car le divin législateur leur donnera sa bénédiction ; ils s'avanceront de vertus en vertus, & ils verront le Dieu
des dieux dans Sion.

Le saint Prophète ayant gouté, la douceur, la consolation & le repos qu'il trouve dans ce nid spirituel où il a
choisi sa retraite, s’élève ici en esprit vers le lieu où se trouve la parfaite félicité. C'est comme s'il disoit puisque je
trouve auprès de vos autels tout ce qui adoucit les soins, les peines & les afflictions de la vie, combien est grand le
bonheur de ceux qui habitent dans votre maison, où ils vous voient & jouissent de vous, où ils trouvent les richesses &
la gloire, où ils se reposent, jouissant d'une paix, d'une assurance, & d'une félicité éternelle.
Les louanges que nous pouvons donner à Dieu en cette vie seront toujours interrompues par des nécessités qui
nous engagent de vaquer à plusieurs choses, mais les saints qui sont dans le Ciel étant exempts des nécessités de la vie
louent Dieu sans cesse, & ils ne se lasseront non plus de le louer qu'ils ne se lasseront de l'aimer. Ils le loueront sans
peine, sans pouvoir rassasier la faim qu'ils ont de le louer.
Mais après que ce saint homme nous a fait part des sentiments & des transports dont son cœur est pressé pour
Dieu & pour ceux qui habitent dans sa maison, il nous ramène au chemin qu'il faut tenir pour y parvenir, il nous le
montre & nous apprend ce qu'il faut faire pour y bien marcher. Il appelle heureux celui qui accompli fidèlement ce qu'il
lui va apprendre, car il commence de l'être par avance en faisant ce qui le conduira infailliblement à une éternité
bienheureuse.
Il établi premièrement ce qui est le principe de toute la voie & du succès de la marche, à savoir le secours de
Dieu en qui le voyageur doit mettre toute sa confiance sans en avoir aucune en lui-même ; & il marque ensuite les
mouvements que la grâce produit dans l'homme qui met toute sa confiance en Dieu. Elle le porte à se faire comme des
degrés dans son cœur par lesquels il s’élève de plus en plus vers les choses célestes, & à ne regarder la vie présente que
comme une vallée de larmes. Elle l'est en effet puisque ces misères & ces travaux, sa brièveté & ses calamités, ses
dangers & ses ruines, nous doivent être sans cesse un sujet de gémissement & de larmes ; Enfin elle le fait aspirer sans
cesse à ce lieu que Dieu a établi pour mettre fin à tous les travaux de la vie mortelle & rendre heureuse à jamais l'âme
fidèle qui aura accompli ce que le Prophète nous dit ici.
David enfin nous montre ce qui est la source de toutes les grâces, de tout ce que nous pouvons faire pour
monter ces degrés & parvenir à ce lieu de félicité éternelle que Dieu a établi. Il prophétise les avantages que nos
recevrions dans la loi de grâce que Jésus-Christ le Souverain législateur devoit nous donner. Il nous exprime tout l'ordre
de notre justification en nous disant Car le divin législateur.
Ce verset comprend ce qui fait le commencement, le milieu & la fin de notre montée & de notre élévation à ce
lieu saint. Le commencement c'est la justification qui nous vient de la bénédiction de notre céleste législateur par qui la
grâce du saint Esprit répandue dans nos cœurs nous remet nos péchés, nous donne la charité & change notre crainte
servile en une crainte filiale. Le milieu consiste à croitre en vertu de plus en plus par la force que la grâce donne à l'âme
fidèle pour surmonter les difficultés, vaincre les tentations, & se surpasser soi-même en devenant tous les jours fermes
dans la confiance en Dieu & dans la pratique des vertus chrétiennes ; & la fin est la vision de Dieu dans la céleste Sion.
Il l'appelle le Dieu des dieux pour faire toujours mieux connoitre aux enfants d'Israël qu'ils étoient si fort portés à
l’Idolâtrie que ce qu'ils appeloient des Dieux n'étoient que de faibles créatures dont notre Dieu est le créateur & le
maitre absolu.
Ô mon Seigneur, votre saint prophète nous apprend ici en peu de mots le chemin que nous devons tenir pour
parvenir à votre béatitude. Il nous montre ce qui doit faire notre occupation dans notre marche, & nous enseigne qui est
celui qui doit être notre guide, & à qui nous devons demander les moyens de parvenir au lieu sacré de votre demeure,
d'être du nombre de ceux qui habitent dans votre maison, & d'être heureux à jamais. Faites moi la grâce d'être un fidèle
disciple de la doctrine du céleste Docteur, du cher législateur que vous nous avez donné, afin qu'en l'honorant comme
mon libérateur, en l'écoutant comme mon docteur, en lui obéissant comme à mon législateur & en le suivant comme

8
mon guide, je parvienne au bonheur d'habiter à jamais dans votre maison, qui est aussi la sienne, car tout ce que vous
avez est à votre Fils unique.

v. 8 Domine Deus virtutum, exaudi orationem meam; auribus percipe, Deus Jacob.
Seigneur Dieu des armées, exaucez ma prière, rendez votre oreille attentive ô Dieu de Jacob.

v. 9 Protector noster, aspice, Deus, et respice in faciem christi tui.


Regardez nous ô Dieu notre protecteur & Jetez les yeux sur le visage de votre Christ.

v. 10 Quia melior est dies una in atriis tuis super millia


Car un seul jour de demeure dans vos Tabernacles vaut mieux que mille autres jours.

L'ardent désir qu'a ce saint homme d'être du nombre de ceux qui se font des degrés dans leur cœur en cette
vallée de larmes, pour monter & s'élever à Dieu, & qui après avoir marché de vertu en vertu parviennent à voir le Dieu
des dieux dans la céleste Sion, cet ardent désir le porte à employer toute la ferveur de sa dévotion pour obtenir de Dieu
qu'il lui fasse cette grâce, il le conjure par sa force suprême & par sa toute puissance d'écouter sa prière & de l'exaucer.
Mais il a recours au plus puissant moyen qui puisse engager Dieu non seulement à l'écouter mais même à le
regarder, & à lui accorder sa demande. C'est la face de Jésus-Christ qu'il prie le Père éternel de regarder, & c'est comme
s'il lui disoit : si je ne mérite pas que vous me regardiez, ni que vous m'écoutiez, ô Dieu qui êtes mon Protecteur, je Vous
présente votre Fils bien-aimé. Regardez donc celui à qui vous ne pouvez rien refuser, puisqu'ayant résolu de le donner
au monde pour le racheter & le délivrer de la mort du péché, & voyant qu'il s'est rendu obéissant jusqu'à livrer sa vie
pour vous obéir, son obéissance mérite que vous lui accordiez tout ce qu'il demandera pour nous.
David savoit que toutes les grâces & les bienfaits que Dieu devoit accorder aux hommes étoient fondés sur les
mérites du Messie, qui est le Christ dont il parle, c'est à dire l'Oint du Seigneur par excellence. Ce saint prophète nous
apprend ici le secret du plus puissant moyen dont nous puissions nous servir pour obtenir de Dieu nos demandes, sa
protection, sa grâce, & notre salut éternel.
Tant que nous vivrons sur la terre nous serons exposés tous les jours & même tous les moments de notre vie à
des tentations & des dangers spirituels ; c'est ce que considéroit le saint prophète quand il disoit : car un seul jour de
demeure. Et ce qui le portoit à préférer un de ces heureux jours à des milliers de jours passés sur la terre dans
l'abondance d'une prospérité royale, telle qu'étoit celle dont il jouissoit. Il n'y a que des jours véritablement heureux
dans la Maison de Dieu, mais les jours de cette vie sont le plus souvent d'autant plus malheureux & dangereux qu'il
paroissent heureux au goût déprave des gens du monde. Il n'y en a pas un d'entre eux qui ne dise qu'il ne préféreroit un
jour du bonheur dont jouisse les saints dans le ciel à toute la gloire du monde, & ils en abandonnent la jouissance
éternelle pour un plaisir d'un moment, se peut il rien de plus déplorable & de plus digne de larmes ?
Ô mon Dieu, nous avons à présent entre les mains de quoi attirer vos regards favorables sur nous, puisque nous
sommes par la grâce de votre Christ devenus ses frères & ses membres. Il est notre Chef, & en regardant sa face qui a
souffert pour nous tant d'opprobres & tant d'injures, l'amour que vous avez pour ce cher Fils ne vous permettra pas de
traiter avec indifférence ce qu'il a aimé & acheté si chèrement, vous nous regarderez aussi pour l'amour de lui. Regardez
moi comme un membre de votre Fils. Tenez moi sous votre protection, afin que je parvienne heureusement à ce beau
jour de l’éternité auquel rien ne peut être comparable, & que je jouisse dans votre Maison d'une de ces demeures qui y
sont en grand nombre, comme votre cher Fils nous l'assure, & dont il nous a acquis l'entrée & la possession par le
mérite de son sang précieux.

9
v. 11 elegi abjectus esse in domo Dei mei magis quam habitare in tabernaculis peccatorum.
J'ai choisi d'être plutôt des derniers dans la Maison de mon Dieu que d'habiter dans les tentes des pécheurs.

v. 12 Quia misericordiam et veritatem diligit Deus : gratiam et gloriam dabit Dominus.


Parce que Dieu aime la miséricorde & la vérité, & que le Seigneur donnera la grâce & la gloire.

v. 13 Non privabit bonis eos qui ambulant in innocentia : Domine virtutum, beatus homo qui sperat in te.
Il ne privera point de ces biens ceux qui marchent dans l'innocence ; Seigneur des armées, heureux est l'homme
qui espère en vous.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Les paroles du onzième verset donnent tout sujet de croire que David entendoit ce qu'il disoit au dixième non
pas du Paradis céleste, mais du Tabernacle de la terre où les autels du Seigneur étoient placés, car le choix qu'il fait
n'auroit rien d'extraordinaire, ni que tous les gens du monde ne choisissent volontiers aussi bien que lui s'il s'agissoit du
Paradis.
Ce saint homme nous fait donc connoitre quelle étoit l'ardeur de sa dévotion envers les choses saintes & le
culte divin, & que ne pouvant espérer entrer dans la Maison éternelle de Dieu qu'en quittant la vie temporelle, toute sa
consolation étoit d'honorer Dieu & de demeurer dans le Tabernacle où étoit l'Arche de son alliance. La vive Foi qu'il
avoit de la présence singulière de Dieu, renoit son âme dans des transports de joies intérieures qui lui faisoient mépriser
absolument tous les plaisirs des sens & tout la gloire du monde. Il veut donc nous faire connoitre par ces paroles que
quand il ne seroit que le dernier des serviteurs du Tabernacle, il préféreroit cet honneur à tout ce que le monde peut
donner de plaisir, de gloire & d'honneur à ses plus grands partisans. Mais que diroit ce saint Roi s'il voyoit aujourd'hui
le Fils de Dieu présent réellement sur nos autels ? Peut être le voyoit il en esprit lors qu'il disoit ces paroles j'ai choisi
d'être.
La raison qu'il donne de son choix, au douzième verset, établit encore plus ce que nous venons de dire, parce
que la véritable dévotion qui nous fait vaquer au culte divin nous fait aussi aimer ce que Dieu aime, à savoir la
miséricorde & la vérité, dont la pratique nous met en état d'obtenir de lui sa grâce en cette vie & enfin sa gloire en
l'autre. C'est donc par ce moyen qu'on parvient à la gloire céleste, au lieu que tout ce qui se trouve dans les Tabernacles
des pécheurs n'est propre qu'à nous éloigner de ce bonheur éternel & à nous le faire perdre à jamais.
Il nous prononce dans le dernier verset ce que nous devons croire & attendre fermement de la bonté de Dieu. Il
accomplira les promesses qu'il a faites aux âmes fidèles & obéissantes, il donnera sa grâce & ensuite sa gloire à ceux
qui auront marché devant lui en observant ses saintes Lois, qui éloignent les hommes du péché & les font vivre dans
l’innocence, & enfin le saint prophète prend Dieu comme à témoin de la vérité infaillible qu'il annonce : que l'homme
qui marchera dans l'innocence & espérera fortement en lui doit être appelé heureux par avance, car il le sera
infailliblement & à jamais.
Ô mon Seigneur, votre saint prophète nous presse agréablement par ses exemples & par ses pratiques à occuper
& nourrir nos âmes, non pas des vains amusements du monde, mais de ce qui doit être l'unique objet de nos désirs, &
l’occupation de notre vie. Il nous enseigne ce que nous devons faire & espérer, les moyens de nous élever à vous & de
nous sanctifier, d'accomplir les desseins que votre Charité a formé sur nous, & d'être reçus dans vos tabernacles
éternels, & d'y être heureux à jamais. Faites moi part de l'ardeur de la dévotion qu'avoit ce saint homme, & donnez moi
la grâce d'accomplir ce qu'il m'enseigne ici, pour marcher par vos voies, pour m’élever à vous, & pour parvenir à vous
posséder à jamais dans la Maison de votre Gloire céleste. Ainsi soit il.

10
IN SALOMONEM

Ps. LXXI Deux judicium tuum Regi da

v. 1 Deus, judicium tuum regi da, et justitiam tuam filio regis


Ô Dieu, donnez au Roi la droiture de vos jugements, & au Fils du Roi la lumière de votre justice.

v. 2 judicare populum tuum in justitia, et pauperes tuos in judicio.


Afin qu'il juge votre peuple selon les règles de cette justice, & vos pauvres selon l'équité de ces jugements.

v. 3 Suscipiant montes pacem populo, et colles justitiam.


Que les montagnes reçoivent la paix pour le peuple & les collines la justice.

v. 4 Judicabit pauperes populi, et salvos faciet filios pauperum, et humiliabit calumniatorem.


Il jugera les pauvres d'entre le peuple, il sauvera les enfants des pauvres & humiliera les clomniateurs.

Nous trouvons dans ce psaume une preuve invincible que quand David parle dans ses psaumes de son Fils,
c'est le plus souvent de Jésus-Christ qu'il parle, & non pas de Salomon. Ce psaume a pour titre pour Salomon mais ne
peut lui bien appliquer absolument que les deux premiers versets.
Il est donc très probable que le saint prophète poussé du saint Esprit de déclarer dans ce psaume les merveilles
qui accompagneroient & suivroient le venue du Messie en ce monde, il le commence par faire un prière pour lui-même
& pour son Fils Salomon, & on peut dire que c'est au même Messie qu'il adresse sa prière. Il savoit qu'il seroit le Fils du
Père éternel & vrai Dieu comme son Père, & il lui demande pour soi-même & pour son Fils ce qu'un Roi plein de
sagesse comme lui devoit désirer le plus, à savoir un grand amour pour la justice, la sagesse pour prononcer des
jugements équitables, la prudence & la force pour bien gouverner son peuple, & pour délivrer les pauvres de
l'oppression des puissants.
Mais après avoir sa prière & sa demande dans ces deux versets, l'esprit de Dieu transporte ce prophète comme
hors de lui même pour parler de l'admirable Fils qui devoit naitre de sa race selon le corps, mais qui seroit aussi le Fils
de Dieu par nature, & par conséquent Dieu & homme tout ensemble.
On pourroit encore applique à Salomon ce qui est dit dans le troisième & le quatrième verset, où ce saint
homme nous veut signifier par une expression poétique qui a du rapport avec la Palestine qui est un pays rempli de
montagnes & de collines, que comme ce qui vient du Ciel tombe d'abord sur les hautes montagnes & puis sur les
collines, & se répand ensuite par toute la campagne, de même la paix, qui est un don du Ciel, se répand sur ceux qui
sont les chefs de l'Etat figurés ici par les montagnes, & ensuite Dieu se sert d'eux pour communiquer la paix au peuple
& pour la lui conserver. Les collines signifient les Magistrats & les juges, sur lesquels, si l'amour de la justice est
répandu & que la paix se trouve jointe à la justice, ce que contient le quatrième verset sera accompli, les peuples seront
jugés selon la justice, & les pauvres ne seront pas opprimés.
Mais il y a bien plus d'apparence que le saint Prophète commence à parler de Jésus-Christ & de son règne dans
ces deux versets. Les montagnes signifient les apôtres que Dieu a choisi & dont il s'est servi pour annoncer & poter
l'Évangile de la paix par toute la terre, après les avoir rempli de son Esprit. Les collines signifient les premiers disciples
de Jésus-Christ & des apôtres, qui ayant été justifiés par la grâce, ont donné à tous les hommes l'exemple de la justice
pratiquée par une vie toute pleine d'œuvres de sainteté & de justice.
Les uns & les autres ont été les ministres de Jésus-Christ pour enseigner la justice aux premiers chrétiens, qui
étoient les véritables pauvres d'entre le peuple, car non seulement ils avoient embrassés la pauvreté d'esprit, mais même
ils rennonçoient à la possession des biens de la terre. C'est par ce moyen que Jésus-Christ a humilié le calomniateur,
c'est à dire le Démon, qui s'est vu vaincu par des hommes assistés du secours de la grâce, par des hommes dont ce
calomniateur avoit été si longtemps victorieux, & qu'il avoit tenus assujettis par une vieille servitude sous le joug du
péché.
Ô mon Dieu, nous connoissont à présent qui est ce Salomon dont votre saint prophète nous veut parler dans ce
psaume. C'est le sage par dessus tous les sages puisqu'il est votre sagesse éternelle, avec laquelle vous avez fait & faites
encore toutes les choses. Nous connoissons quelles sont ces montagnes que le divin Salomon a choisies & qu'il a
remplies de son Esprit & de sa paix ; car c'est par leur ministère que nous avons reçu cette sainte paix que le monde ne
peut donner. Nous connoissons aussi ses collines qui ont reçues de votre cher Fils la justice, & qui en ont enseigné la
pratique aux hommes par la sainteté de leur vie. Que puis-je désirer de plus avantageux pour le temps & pour l’éternité,
que la sagesse, la paix, & la justice ; c'est ce que nous a apporté sur la terre le divin Salomon, & qu'il nous a
communiqué par sa grâce. Donnez moi les dispositions nécessaires pour recevoir de lui ces trois grands dons avec
abondance, & pour ne point mettre d'obstacles aux opérations de la grâce de votre Cher Fils, qui est venu au monde
pour nous donner la sagesse & la paix, & pour nous enseigner toute la justice & toute la vérité.

11
v. 5 Et permanebit cum sole, et ante lunam, in generatione et generationem.
& il demeurera autant que le Soleil & que la lune dans toutes les generations.

v. 6 Descendet sicut pluvia in vellus, et sicut stillicidia stillantia super terram.


Il descendra comme la pluie sur une toison, & comme l'eau qui tombe des gouttières sur la terre.

v. 7 Orietur in diebus ejus justitia, et abundantia pacis, donec auferatur luna.


La justice paroitra de son temps avec une abondance de paix qui durera autant que la Lune.

v. 8 Et dominabitur a mari usque ad mare, et a flumine usque ad terminos orbis terrarum.


Et il régnera depuis une mer jusqu'à une autre mer, & depuis le fleuve jusqu'aux extrémités de la terre.

Le cinquième verset confirme la pensée que le troisième & quatrième doivent s'entendre de Jésus-Christ, parce
que le cinquième a une liaison avec les deux précédents, & il ne peut pas convenir à Salomon, son Royaume n'ayant
duré que fort peu de temps, & ayant été sujet à un changement extraordinaire qui est arrivé sous son fils, peu de temps
après la mort de son père.
Les paroles du cinquième verset marquent clairement que le Royaume de Jésus-Christ est éternel. Il durera
dans le temps autant que le Soleil & la lune, c'est à dire jusqu'à la consommation des siècles, mais il ne cessera pas
d'être quoique le soleil & la lune cesseront, ce sera au contraire alors qu'il régnera plus pleinement & plus parfaitement,
puisque tous les hommes fidèles & infidèles, & même tous les démons, seront admis au règne de sa justice.
Dieu fit deux miracles différents pour assurer Gedeon qu'il seroit le libérateur de son peuple. La rosée tomba
une nuit sur la toison qui étoit dans une cour exposée à l'air, elle fut mouillée toute seule, & le reste de la cour où elle
étoit demeura tout sec ; le lendemain la cour fut toute mouillée & la toison demeura sèche. Le saint prophète fait ici
mention du miracle arrivé sur cette toison pour signifier la venue de Jésus-Christ, la manière dont elle se feroit, & l'effet
qu'elle auroit dans les juifs & dans les gentils.
La rosée tombe doucement & comme imperceptiblement, sans faire aucun bruit, c'est ainsi que Jésus-Christ
descendit dans le sein de la sainte Vierge, qui est représentée par cette toison blanche & immaculée, qui a reçu le Fils de
Dieu par une opération secrète du saint Esprit, & même cachée au Démon. Cette sécheresse de la cour qui étoit autour
de la toison signifie l'incrédulité des juifs pour qui le Messie étoit premièrement venu ; mais après avoir fait tant de
miracles & prononcé tant de divins oracles pour les convertir, ils l'ont fait mourir & l'on contraint par leur ingratitude de
les laisser à eux même, & d'ordonner à ses disciples d'aller par toute la terre enseigner les Gentils & les baptiser au nom
du Père & du Fils & du saint Esprit.
Cette grâce répandue sur les Gentils, & leur conversion, sont bien marquées par la seconde merveille de la
rosée qui mouilla toute la Cour & laissa la toison sèche ; car elle nous marque comment les Juifs ont été laissés dans la
sécheresse de leur incrédulité, pendant que toutes les Nations du monde reçoivent la grâce de leur conversion. Mais
cette pluie qui tombe sur la terre par les gouttières, nous représente bien la prédication des apôtres ; car la pluie qui s'est
amassée dans les gouttières tombe sur la terre avec abondance & fait grand bruit ; il en est de même de la prédication
des apôtres.
Le saint prophète nous explique dans le septième verset les effets que la venue de Jésus-Christ a produit sur la
terre : la destruction du péché par le moyen de laquelle les hommes pécheurs sont devenus justes, & la véritable paix,
qui est celle de l'âme. La Justice s'est formée dans les cœurs des hommes par la Foi de Jésus-Christ, & Dieu a fait
annoncer par les anges le jour de sa Naissance la paix aux hommes de bonne volonté, qui s'augmente jusqu'à devenir
très abondante, à mesure que la Charité s'accroit dans le cœur des fidèles. La lune signifie ici l'Egypte, selon le
sentiment de plusieurs Pères, & cela veut dire que la justice & la paix régneront dans l’Eglise tant qu'elle sera militante
sur la terre, & jusqu'à ce qu'elle soit élevée au Ciel par sa résurrection & par sa glorification.
Dans le huitième verset ce saint homme exprime jusqu'où s'étendra le Royaume de Jésus-Christ sur la terre. Ce
qu'il y dit n'est que pour signifier toute la terre habitable, qui est environnée de la mer, & le fleuve dont il y prle est le
Jourdain, où Jésus-Christ a donné à l'eau comme le droit, s'il est permis de parler ainsi, de servir au saint Baptême, s'y
étant fait baptiser lui-même. C'est de là que le sacrement de notre régénération a pris comme sa source, & que la
prédication du Royaume de Dieu a commencée ; l'un & l'autre se sont ensuite répandus sur toute la terre, mais la
domination de Jésus-Christ va être plus distinctement expliquée dans les versets qui suivent.
Ô mon Dieu, les merveilles de l'accomplissement de notre Rédemption sont ici prophétisées d'une manière à
mettre les âmes fidèles dans l'admiration & à les remplir de consolation, en voyant les mystères de notre Foi si bien
exprimés dans les paroles de David, qui nous marquent si clairement ce que votre cher Fils a fait aux yeux de tout le
monde. Le témoignage de ma propre conscience me rend convaincu de la vérité que nous annonce ici votre saint
prophète, de la justice & de la paix que votre cher Fils nous a apportées sur la terre. C'est lui qui nous les a enseignées,
qui nous en ouvre le chemin, & qui les donne par sa grâce à ceux qui veulent marcher à sa suite, en se tenant soumis
comme ils le doivent à son Royaume éternel. Il sera toujours le Roi des hommes comme il l'est des anges qu'il glorifie
dans le Ciel, & des démons qu'il tient captif dans les enfers. Préservez moi de l'extravagance & du malheur où tombent
ceux qui veulent se rendre comme indépendants de son Royaume, en vivant selon leurs cupidités.

12
v. 9 Coram illo procident Æthiopes, et inimici ejus terram lingent.
Les éthiopiens se prosterneront devant lui & ses ennemis baiseront la terre.

v. 10 Reges Tharsis et insulæ munera offerent; reges Arabum et Saba dona adducent
Les Rois de Tharsis & les iles lui offriront des présents, les Rois d'Arbaie & de Saba lui apporteront des dons.

v. 11 et adorabunt eum omnes reges terræ; omnes gentes servient ei.


Et tous les Rois de la terre l'adoreront, toutes les Nations lui seront assujetties.

v. 12 Quia liberabit pauperem a potente, et pauperem cui non erat adjutor.


Parce qu'il délivrera le pauvre des mains du puissant, le pauvre qui n'avoit personne qui l'assistat.

La conversion du monde est ici marquée d'une manière prophétique & qui exprime bien la Souveraine
adoration que les Nations converties rendroient à Jésus-Christ comme étant le Fils de Dieu, vrai Dieu par son Père, &
vrai homme tout ensemble. Par les éthiopiens le saint Prophète nous veut marquer que les hommes les plus barbares &
qui sembloient être le plus éloignés du culte divin se prosterneront devant lui, & qu'en un mot tous ses ennemis, c'est à
dire tous les pécheurs convertis par la force de sa grâce, s'humilieront devant lui de telle sorte qu'ils se réduiront comme
à vouloir lécher la terre sous ses pieds. On ne pouvoit mieux signifier ce que nous voyons à présent accompli.
Les Rois, les royaumes & les iles que le saint Prophète nomme spécifiquement au dixième verset nous
marquent que les Nations du monde qui de sont temps étoient les plus éloignées, les plus riches & les plus puissantes,
seroient soumises à l'Empire de Jésus-Christ, & qu'elles lui rendroient leurs soumissions par des hommages & des dons
qu'elles lui offriroient ; & enfin il comprend toutes les Nations en disant que tous les Rois & tous les peuples de la terre
seront soumis & rendront leur culte à Jésus-Christ.
C'est ce qui a été accompli dès les premiers siècles de l’église puisque saint Paul rend inexcusables ceux qui
n'ont point profité de la prédication des apôtres leur bruit, dit il, s'est répandu par toute la terre, & leurs paroles se sont
fait entendre jusqu'à l'extrémité du monde. En effet les nouveaux prédicateurs ont encore trouvés dans les Indes & dans
la Chine des marques indubitables du Christianisme, qui y avoit été reçu & pratiqué. Les historiens ecclésiastiques font
foi de la conversion de tous les Royaumes, qui s'est faite successivement ; & si nous voyons aujourd'hui des Nations
retombées dans des cultes superstitieux, & dans des formes de Religion corrompues & différentes de la véritable
Religion, qui ne peut être qu'une seule, n'y ayant qu'une seule & même Foi qui la doit animer, ce sont le désordre des
mœurs, l'orgueil & le libertinage de certains hommes dont le Démon s'est servi pour tromper & pervertir les fidèles, &
pour les priver de la participation des mystères de Jésus-Christ, en les séparant de l'unité qu'il a établie.
C'est ce qu'il a prédit lui même qui arriveroit en disant pensez vous que lorsque le Fils de l'homme viendra il
trouve de la Foi sur la terre. Le mauvais usage que les Chrétiens font de leur liberté, que Dieu a résolu de leur laisser
toujours est donc la cause qu'ils tombent dans les mêmes désordres où les Juifs sont tombés autrefois. Tous les miracles
que Dieu avoit fait à leurs yeux, n'ont pas été capables d’empêcher les Juifs de retomber dans l’Idolâtrie & dans tous les
désordres, qui se voient dans les Livres sacrés. Ce qui est arrivé dans l'Ancienne Loi se rencontre aussi dans la nouvelle.
Enfin ce saint homme nous découvre au douzième verset la cause de tous ces changements miraculeux, & qui
fait que tous les Rois & toutes les Nations du monde adoreront Jésus-Christ. C'est qu'il délivrera dit il le pauvre des
mains du puissant. Qui est ce pauvre, qui n'avoit aucun secours ? C'est le genre humain. Qui est ce puissant, des mains
de qui il a été délivré ? C'est le démon qui le tenoit captif sous la Loi du péché. Rien n'étoit plus pauvre que le genre
humain puisqu'il étoit dépouillé de tous les dons de grâce, chassé du paradis & damné avant que d'être né. Il n'y avoit
aussi aucune puissance sur la terre qui fut capable de le secourir & de le tirer de la captivité de celui dont il est dit au
Livre de Job qu'il n'y a point de puissance sous le Ciel qui soit comparable à la sienne. Voilà ce que Dieu nous veut
apprendre.
Il falloit donc une puissance céleste pour délivrer ce pauvre des mains de ce puissant & de ce fort armé, c'est ce
que Jésus-Christ a fait, & vous voyez ici les mystères de notre captivité & de notre délivrance admirablement bien
marqués en peu de mots. Le prix de notre rédemption qu'il a payé a fait que la Cédule du péché étant rompue & comme
attachée à sa croix, comme parle saint Paul, nous sommes rentrés en grâce auprès de Dieu, & les secours intérieurs qu'il
nous donne nous mettent en état de vaincre ce même ennemi si puissant, qui auparavant nous tenoit captifs.
Ô mon Dieu, je suis du nombre de ceux dont par le ici votre saint Prophète qui participent au bonheur de Vous
connoitre comme le seul & le vrai Dieu, & Jésus-Christ votre Fils unique, que Vous avez envoyé au monde pour nous
instruire & pour nous délivrer des mains de ce puissant dont il est ici fait mention : Jetez toujours les yeux sur moi, je
vous prie comme sur un ouvrage de votre miséricorde. Fortifiez ma faiblesse & ne permettez pas que votre ennemi & le
mien puisse jamais dire qu'il ait eu l'avantage sur moi en me faisant tomber dans le péché & en votre disgrâce.

13
v. 13 Parcet pauperi et inopi, et animas pauperum salvas faciet.
Il aura compassion de celui qui est pauvre & dans l'indigence, & il sauvera les âmes des pauvres.

v. 14 Ex usuris et iniquitate redimet animas eorum, et honorabile nomen eorum coram illo.
Il rachètera leurs âmes des usures & de l'iniquité, & leur nom sera en honneur devant lui.

v. 15 Et vivet, et dabitur ei de auro Arabiæ; et adorabunt de ipso semper, tota die benedicent ei.
Il vivra & on lui donnera de l'or d'Arabie, on sera dans de perpétuelles adorations sur son sujet.

v. 16 Et erit firmamentum in terra in summis montium; superextolletur super Libanum fructus ejus,
et florebunt de civitate sicut fœnum terræ.
Et l'on verra le froment semé dans les terres sur le haut des montagnes pousser son fruit, qui s’élèvera plus haut
que les cèdres du Liban, & la cité sainte produira une multitude de peuples semblable à l'herbe de la terre.

Pouvoit on jamais exprimer d'une manière plus spirituelle & plus démonstrative l'état de la vie de Jésus-Christ
sur la terre, & sa doctrine de la pauvreté d'esprit, que le fait ici le saint prophète ? Jésus-Christ s'est fait pauvre lui-
même, il a choisi des pauvres pour les faire ses disciples, il n'a prêché autre chose que le mépris des biens du monde &
la pauvreté d'esprit. Il a enseigné à renoncer à tous ce qu'on peut posséder & aimer au monde avec attache ; & il a
montré qu'il avoit tant d'estime & de compassion pour les pauvres, qu'il a dit que le bien qu'on feroit au moindre pauvre,
il le tiendroit comme fait à lui-même. Il a délivré les pauvres de l'oppression des usuriers, & de l'iniquité en défendant
l'usure & toute sorte d'injustice. En un mot vous trouverez tout ce qu'il a dit dans l'Évangile des pauvres & de la
pauvreté, compris & marqué d'une manière charmante dans le douzième & treizième verset de ce psaume.
Mais nous trouvons aussi dans ces même paroles la Rédemption du genre humain & ses effets bien exprimés,
car Jésus-Christ a retiré des mains du grand usurier, c'est à dire du démon, les âmes des pauvres enfants d'Adam qui
paioient à ce tyran une terrible usure pour avoir participé au péché dans lequel il avoit jeté leur premier père. Il les a
retiré aussi de l'abîme du péché & il a bien montré combien leur nom lui étoit honorable, puisque non content de s'être
fait homme comme eux, il est mort pour leur acquérir la vie éternelle & bien-heureuse.
Il vivra & on leur donnera. Sa Mort, pour la rédemption du genre humain, sa Résurrection & le triomphe de sa
croix, sur tout le monde sont ici marqués d'une manière prophétique & admirable. C'est comme s'il disoit on l'a vu
expirer sur une Croix dans la pauvreté & dans l'ignominie, mais il vivra. Le culte que tous les Chrétiens lui rendront est
signifié par cet or le plus précieux qu'ils lui offriront. La manière dont ils adoreront Dieu sans cesse, en esprit & en
vérité, selon la doctrine & les instructions qu'ils doivent recevoir de Jésus-Christ, est clairement marquée ensuite ; &
enfin les bénédictions & les louanges que ces pauvres rachetés donneront à leur Libérateur, les prières qu'ils lui font &
les recours qu'ils ont à lui sans cesse & en toute occasion, sont ici exprimés d'une manière claire & évidente.
Les paroles du seizième verset sont métaphoriques & leur sens est tout spirituel. La preuve en est évidente par
ce qui y est dit, que le fruit du froment sera plus élevé que les cèdres du Liban : on ne voit point de froment croitre de
cette grandeur. Il n'est donc point ici question d'abondance de froment matériel mais de froment spirituel. Cela signifie
les effets de la Paroles de Dieu annoncée, qui devoit être comme un froment répandu dans le cœur des fidèles. Ces
cœurs sont comme une terre devenue stérile par la grâce de Jésus-Christ, qui produira une belle moisson, aussi bien
dans les lieux les plus secs, comme sont les hautes montagnes, que dans les vallées.
Enfin David dit que les fidèles germeront, fleuriront, & se multiplieront dans la sainte cité avec la même
abondance qu'on voit le foin se produire sur la terre. C'est ce qui s'est accompli en Jérusalem, ainsi qu'il est rapporté aux
Actes des apôtres, où saint Luc décrit les effets de la parole de Dieu prêchée par les apôtres. On y voit qu'un sermon qui
à peine rempliroit vingt lignes d’écritures, destitué de tout artifice de l'éloquence humaine, mais animé de l'Esprit de
Dieu qui parloit par la bouche de ces prédicateurs, qu'un sermon, dis-je, convertissoit des milliers d'homme en un
instant. Voilà ce que ce saint Prophète nous prédit par ses paroles.
Ô mon Dieu peut il y avoir de plus admirables sujets d'adorations & de bénédictions continuelles que ceux que
vous m'avez donné en livrant votre cher Fils pour me racheter de la mort éternelle, & pour me donner un gage
incomparable de votre extrême charité. Votre saint prophète m'a prédit ici ouvertement ce que vous deviez faire pour
moi, vous l'avez fidèlement accompli ; mais il m'apprend aussi ce que je dois faire pour honorer vos bontés, & vous
rendre mes reconnoissances en la manière que je le puis, car Helas ! Que puis-je faire pour vous qui ait quelque
proportion avec ce que vous méritez & ce que je vous dois ? Je dois être sans cesse devant vous en esprit d'adoration &
occupé à publier vos louanges. Enseignez moi à être de ces adorateurs que vous cherchez, qui vous adorent en esprit &
en vérité, & à publier vos louanges autant par des œuvres que par des paroles.

14
v. 17 Sit nomen ejus benedictum in sæcula; ante solem permanet nomen ejus.
Que son nom soit béni dans tous les siècles, son nom subsiste avant le soleil.

v. 18 Et benedicentur in ipso omnes tribus terræ; omnes gentes magnificabunt eum.


Et tous les peuples de la terre seront bénis en lui, toutes les Nations rendront gloire à sa grandeur.

v. 19 Benedictus Dominus Deus Israël, qui facit mirabilia solus.


Que le Seigneur, le Dieu d'Israël soit béni, qui fait seul des choses miraculeuses.

v. 20 Et benedictum nomen majestatis ejus in æternum, et replebitur majestate ejus omnis terra. Fiat, fiat.
Et que le nom de sa Majesté soir bénit éternellement & que toute la terre soit remplie de sa majesté, que cela
soit ainsi.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Enfin ce saint Prophète finit son psaume en répandant tout son cœur en louanges qu'il donne à Dieu & au futur
Messie dont il vient de prédire la venue, & en désir que tout le monde le connoisse le loue & l'adore ; mais en le louant,
il nous répète ce qu'il a déjà dit, afin de nous l'imprimer bien avant dans l'Esprit, & que nous le croyons fermement, à
savoir que le Messie est le Fils de Dieu, éternel comme son Père, son nom subsiste avant le soleil, & que c'est par lui
seul & à cause de lui que nous recevons les bénédictions de Dieu Et tous les peuples de la terre seront bénis en lui.
Ô mon Dieu, je n'ai qu'à joindre mes pensées, mes désirs & mes sentiments à ceux de votre saint Prophète, &
prononcer plus du cœur que de la bouche les louanges & les bénédictions qu'il donne ici à votre saint Nom, mais pour le
bien faire donnez moi la bénédiction que je vous demande par les mérites de Jésus-Christ, en m'accordant le même
amour qu'avoit David, quand il composoit & pronnonçoit ce psaume.

15
IN FINEM PRO SUSCEPTIONE MATUTINA

Ps. XXI Deus, Deus meus, respice in me

v. 1 Deus, Deus meus, respice in me : quare me dereliquisti? longe a salute mea verba delictorum meorum.
Ô Dieu, ô mon Dieu, Jetez sur moi vos regards, pourquoi m'avez vous abandonné ? Mes péchés sont cause que
le salut est bien éloigné de moi.

v. 2 Deus meus, clamabo per diem, et non exaudies; et nocte, et non ad insipientiam mihi.
Mon Dieu, je crierais pendant le jour & vous ne m'écouterez point, & je crierai pendant la nuit & l'on ne me
l'imputera point à folie

v. 3 Tu autem in sancto habitas, laus Israël.


Mais pour vous, vous habitez dans le lieu saint, vous qui êtes la louange d'Israël.

Il faudroit faire un livre entier pour bien expliquer en détail les merveilles & les mystères qui sont expliqués
dans ce psaume, mais ce volume étant déjà assez gros je me contenterais de vous en expliquer le plus essentiel, il ne
faut même en plusieurs endroits que renvoyer à ce que les quatre Évangélistes rapportent de la Passion de Notre
Seigneur, car vous y verrez l'accomplissement de tout ce que dit ici le prophète Royal. Il y prédit tout ce qui s'est passé à
la mort de Jésus-Christ & sa Résurrection qui l'a suivie aussi clairement que s'il avoit été présent à l'une & à l'autre.
David parle ici en la personne de Jésus-Christ, ou plutôt Jésus-Christ parle par sa bouche, & expose à son Père
éternel l'état de ses souffrances, les sentiments intérieurs qu'il avoit en cet état, ce qu'il espéroit de lui, & ce qu'il en a
reçu par effet ; son entrée dans sa gloire & les mystères de l'établissement de son Église.
Le titre de ce psaume a quelque chose d’énigmatique, & le sentiment de plusieurs saints interprètes, est que le
matin dont il est fait mention signifie la Résurrection de Jésus-Christ, qui s'est faite de grand matin. On pourroit donc
penser que David parle ici en la personne de Jésus-Christ, comme si entre le temps de sa mort & celui de son entrée
dans sa gloire il exposoit à son Père éternel le délaissement où il s'est trouvé, les opprobres, les injures, les tourments, &
tout ce qu'on lui a fait souffrir. & qu'en ayant fait comme un dénombrement il lui exprime aussi la joie qu'il a de ce
qu’après lui avoir été obéissant jusqu'à la mort pour accomplir l'ouvrage qu'il lui avoit commis, il se voit prêt d'entrer
dans sa gloire & de jouir de fruits de ses travaux.
Ô Dieu, ô mon Dieu. C'est ici une plainte que l'humanité sacrée de Jésus-Christ fait à Dieu son père du
délaissement qu'il a souffert dans sa Passion, & David se sert par avance des mêmes paroles que ce Fils bien-aimé a
prononcées lui-même lors qu'il étoit actuellement dans cet abandon, avant que d'expirer sur la Croix. Les péchés qui
éloignoient le salut de lui, c'est à dire la délivrance de la mort, étoient les nôtres qu'il appeloit les siens parce qu'il s'en
étoit chargé, il s'étoit offert pour en être la victime, il falloit que la victime fut immolée pour consommer le sacrifice, &
par conséquent la mort lui étoit inévitable. Voilà ce qu'il veut nous signifier par ces paroles le salut ests fort éloigné de
moi.
Ces cris qu'il fait pendant le jour & pendant la nuit sans être exaucé, nous expriment la prière du jardin des
olives [qui ?] ne devoit point être exaucée puisqu'il falloit que le Christ souffrit, & qu'il entrât ainsi sa gloire. Mais il dit
bien que ses cris ne lui seroient point imputés à folie, parce qu’il savoit bien que si ses prières n'avoient point d'effet
pour sa propre délivrance, elles nous seroient utiles en bien des manières.
Mais pourquoi Jésus-Christ s'est il ainsi plaint à l'arbre de la Croix : c'étoit pour nous faire connoitre plus
sensiblement ce que lui coutoit la rédemption du monde & la sévérité de la justice de son père envers le péché & les
pécheurs, puisqu'il en exigeoit de son propre Fils une satisfaction si rigoureuse. Il nous vouloit montrer l’excès de son
amour, & que s'étoit avec vérité qu'il avoit pris la forme d'un serviteur, puisqu'au lieu de se servir d'une infinité de
moyens qu'il avoit pour s'exempter de ressentir les douleurs, il les a voulu souffrir comme s'il avoit été un homme
pécheur semblable à nous, & il les a ressenties si vivement qu'il s'en est plaint, comme nous le voyons.
Le troisième verset marque la parfaite confiance en Dieu que l'humanité souffrante de Jésus-Christ conservoit
toujours dans l’excès de ses douleurs, & quoi qu'elle ne dut pas être exaucée ni exemptée de l'abandon où elle étoit, elle
faisoit une reconnaissance publique que Dieu est toujours le même, voulant nous apprendre par son exemple, que soit
que Dieu nous accorde ce que nous lui demandons, soit qu'il ne nous l'accorde pas, nous ne devons pas moins l'aimer, ni
l'honorer, ni espérer en lui.
Ô mon Dieu, votre cher Fils vous prie de le regarder, étant dans l'état que votre Prophète nous le fait voir ici, ce
n'est pas tant pour lui que c'est pour moi qu'il nous fait cette demande, car étant votre Fils bien-aimé en qui vous prenez
vos complaisances, il n'est pas besoin qu'il vous prie de le regarder, mais c'est pour attirer sur moi l'abondance de vos
miséricordes, en voyant en quel état son amour l'a mis pour vous obéir & pour me sauver. Il vous demande pourquoi
vous l'avez abandonné & pourquoi il vous a prié sans être exaucé. C'est plus pour moi qu'il parle ainsi que pour lui, c'est
pour rendre ma cause la meilleure qu'il se peut auprès de vous, & me servir d'un puissant avocat, après m'avoir racheté
au prix de son sang, afin que si par mes infidélités j’irrite encore votre justice, vous regardiez ce qu'il a fait pour moi &
vous me regardiez ensuite de l'œil de votre miséricorde. Regardez donc votre cher Fils dans cet état d'abandon & de
douleurs où il s'est mis pour moi, & ayez pitié de moi.

16
v. 4 In te speraverunt patres nostri; speraverunt, et liberasti eos.
Nos Pères ont espéré en vous, ils ont espéré en vous & vous les avez délivré.

v. 5 Ad te clamaverunt, et salvi facti sunt; in te speraverunt, et non sunt confusi.


Ils ont crié vers vous, & ils ont été sauvés ; ils ont espéré en vous & ils n'ont pas été confondus.

v. 6 Ego autem sum vermis, et non homo; opprobrium hominum, et abjectio plebis.
Mais pour moi je suis un ver de terre & non pas un homme, je suis l'opprobre des hommes & le rebut du
peuple.

La saint prophète ne pouvoit pas mieux nous faire l'état d'humiliation & d'abjection, d'abandon &
d'anéantissement où étoit Jésus-Christ qu'en mettant en parallèle, comme il fait ici, les secours que Dieu avoit donné aux
enfants d'Israël & aux justes dans mille occasions, avec les opprobres, les confusions, les délaissements où il étoit alors,
sans espérance de recevoir du secours. Ils ont espéré dit il, & ils ont été délivré, ils ont crié & ils ont été écouté, ils n'ont
point été confondu dans leur espérance ; mais pour moi je suis un ver. Il y a dans ces paroles des sujets infinis de
méditation & d'admiration sur l'état d'abaissement & d'anéantissement où Jésus-Christ s'est mis.
Quelle comparaison y a t il entre un homme & un ver de terre. La différence d'entre l'un & l'autre est extrême.
Cependant le saint prophète ne pouvant ni comprendre ni exprimer dignement ce qu'il voyoit en esprit du prodigieux
anéantissement du Fils de Dieu, des mépris & des opprobres qu'il souffroit, particulièrement dans le temps de sa
Passion, le distingue ici des autres hommes de telle sorte qu'il nous le dépeint sous la figure d'un ver de terre, comme s'il
étoit alors plus comparable à ce petit insecte qu'on foule aux pieds & qu'on écrase, qu'aux autres hommes dont il étoit
l'opprobre & le rebut. Il nous exprime bien ici ce que le peuple fit à l'égard de Barrabas, en le préférant à Jésus.
Ô mon Dieu, le conseil de votre Sagesse que vous avez accompli sur celui même qui est votre sagesse, doit être
plutôt laissé à l'admiration des anges que d'être soumis à nos faibles raisonnements, car tout y est incompréhensible.
Tout ce que je puis penser & dire sur ce sujet, c'est que votre charité envers nous & celle de votre cher Fils passent tout
ce que nous pouvons comprendre. L'ingratitude des chrétiens envers leur Rédempteur mérite une punition qui tienne de
l'infini, & ce nous doit être un grand sujet de joie que vous l'ayez exalté & que vous lui ayez donné un nom qui est au
dessus de tout ce qui se peut nommer au Ciel & en la terre, à celui qui s'est ainsi aneanti pour Vous rendre une gloire
infinie, & qu'il m'a tant aimé qu'il s'est livré pour moi aux opprobres & aux confusions, aux tourments & à la mort.

v. 7 Omnes videntes me deriserunt me; locuti sunt labiis, et moverunt caput.


Ceux qui me voyoinet se sont tous moqués de moi, ils en parloient avec outrage, & ils m'insultoient en remuant
la tête.

v. 8 Speravit in Domino, eripiat eum : salvum faciat eum, quoniam vult eum.
Il a espéré au Seigneur, disoient ils, que le Seigneur le délivre maintenant, qu'il le sauve s'il est vrai qu'il l'aime.

v. 9 Quoniam tu es qui extraxisti me de ventre, spes mea ab uberibus matris meæ. In te projectus sum ex utero
Il est vrai seigneur que c'est vous qui m'avez tiré du ventre de ma mère, & que vous avez été mon espérance
dès le temps que je suçoit ses mamelles. Je me jetai entre vos mains au sortir de son sein.

Quand David auroit été au pied de la Croix de Jésus-Christ, & qu'il eut vu tout ce que firent alors les Princes &
ceux qui assistoient à ce déicide, il n'auroit jamais pu nous en faire un récit plus fidèles ni plus exact : il rapporte même
les propres paroles & les gestes injurieux dont se servoient ses ennemis. Il ne faut donc que lire l'Évangile de Saint
Matthieu ch. 27, & celui de saint Luc ch. 23, pour y voir l’interprétation & l'accomplissement de ce que dit ici le saint
Prophète.
Mais ce que l'humanité souffrantes de Jésus-Christ dit au neuvième verset pouvoit bien avoir quelque chose de
mystérieux, que l'écorce de la lettre ne montre pas d'abord. Cette sacrée humanité n'avoit point d'autre personnalité (s'il
est permis de parler ainsi) que le Verbe divin, auquel elle avoit été unie dès le premier moment de sa conception. Elle
avoit donc une raison très singulière de lui faire la remontrance qu'elle lui fait ici, la divinité étoit tout le soutien de son
humanité, & c'est elle qui l'a tirée du sein de sa mère d'une manière qui n'a jamais eu & qui n'aura jamais son semblable,
& c'est elle qui l'a nourrit d'un lait miraculeux. Ces paroles pourroit donc bien avoir du rapport avec ce mystère.
Ô mon Dieu, gravez dans mon esprit cette peinture admirable de ce que votre cher Fils a fait & souffert pour
moi &que votre Prophète a tracé dans ce psaume plus de mille ans avant que la chose arrivât. Donnez moi les mêmes
sentiments d'amour, d'admiration & de reconnaissance pour vos bontés qu'avoit ce saint homme quand il chantoit ce
psaume à votre gloire.

17
v. 10 de ventre matris meæ Deus meus es tu : ne discesseris a me
Vous avez été mon Dieu dès que j'ai quitté les entrailles de ma mère, ne vous retirez point de moi.

v. 11 quoniam tribulatio proxima est, quoniam non est qui adjuvet.


Parce que l'affliction approche, parce qu'il n'y a personne qui m'assiste.

v. 12 Circumdederunt me vituli multi; tauri pingues obsederunt me.


J'ai été épouvanté par un grand nombre de jeunes bœufs, & assiégé par des Taureaux gras.

v. 13 Aperuerunt super me os suum, sicut leo rapiens et rugiens.


Ils ouvraient leur bouche pour me dévorer comme un Lion ravissant & rugissant.

Il ne faut pas s'étonner de ce que l'Esprit de Dieu a fait voir au Prophète Jésus-Christ dans l'état d'un homme
qui craint, qui cherche du secours, & qui en demande, puisque nous voyons ce qu'il a accompli lui même en effet au
jardin des oliviers & sur l'arbre de la Croix ; le saint Esprit n'a donc fait que montrer à son Prophète ce que le Fils de
Dieu a voulu souffrir & ressentir. Il ne craignoit point que sa divinité se retira de son humanité, mais il a voulu parler
ainsi pour nous faire connoitre que son humanité ressentoit toutes choses d'une manière humaine, afin de sanctifier nos
souffrances, & de nous apprendre par son exemple à bien souffrir les misères de la vie & à en profiter.
Les demandes que Jésus-Christ fait ici à son Père ne tendent point à éviter la mort ; car il savoit bien qu'elle lui
étoit inévitable, il l'avoit acceptée dès le premier moment de sa conception, il nous veut faire seulement connoitre qu'il
ressentoit l'affliction qu'elle cause naturellement, & il la considéroit comme un Baptême dont il devoit être baptisé. Mais
ce qu'il demande regarde sa Résurrection & tend à obtenir que la mort ne tienne pas longtemps son corps séparé de son
âme.
Le saint Prophète exprime la cruauté des ennemis de Jésus-Christ sous la figure des taureaux gras, des jeunes
taureaux, des lions & des chiens. Les Pontifes & les Pharisiens étoient comme ces taureaux gras qui lui donnoient des
coups de corne par leurs imprécations & par leurs calomnies, les autres étoient comme de jeunes veaux qui n'ont aucune
conduite, & qui étant abandonnés à leur liberté dans un pré frappent de leurs cornes comme bon leur semble, & tous
étoient comme des lions rugissants lorsqu'ils crioient contre le juge qui étoit convaincu de son innocence ne vouloit
point le condamner faites le mourir, crucifiez le. Vous voyez comme David nous apprend par avance ce que nous lisons
dans l'Évangile, & qu'il l'exprime d'une manière bien facile à comprendre.
Ô mon Dieu ! Tout ce que je puis faire en lisant ces admirables prophéties, c'est de vous adorer, de vous
admirer, de vous demander qu'il vous plaise de me préserver de perdre jamais de vue ce que vous avez fait pour moi, de
vous prier de faire connoitre à tous les hommes qui sont sur la terre ce que votre cher Fils a voulu faire & souffrir pour
eux. Ce sont des choses si admirables qu'une âme pour peu de Foi qu'elle ait se trouve comme accablée sous le poinds
de ce grand ouvrage de notre Rédemption.

v. 14 Sicut aqua effusus sum, et dispersa sunt omnia ossa mea


Je me suis répandu comme l'eau & tous mes os se sont déplacés.

v. 15 factum est cor meum tamquam cera liquescens in medio ventris mei.
Mon cœur au milieu de mes entrailles a été semblable à la cire qui se fond.

v. 16 Aruit tamquam testa virtus mea, et lingua mea adhæsit faucibus meis : et in pulverem mortis deduxisti me.
Toute ma force s'est desséchée comme de la terre qui est cuite au feu, & ma langue est demeurée attachée au
palais de ma bouche, & vous m'avez conduit jusqu'à la poussière du tombeau.

La patience, la douceur intérieure & extérieure de Jésus-Christ sont ici mystiquement signifiées. Il a été parmi
tous ces outrages comme un agneau qui se tait pendant qu'on le tond, qui n'a pas rendu injure pour injure, ni malédiction
pour malédiction, mais qui s'est livré à ceux qui l'ont condamné & fait mourir injustement, lui qui pouvoit faire
descendre des Légions d'anges qui auroient exterminé tous ces ennemis.
Il dit qu'il a été comme l'eau qu'on bat, qu'on remue & qu'on répand sans résistance, sa force qui est représenté
par les os s'est anéantie ne voulant point s'en servir, & ayant lui même dit à ses ennemis que leur heure étoit venue & le
pouvoir des ténèbres. Son cœur est devenu comme une cire qui se fond, quand au lieu de se venger de ses ennemis il a
prié son Père de leur pardonner. Toute sa force a parut comme desséchée, en souffrant qu'on le liât, qu'on le frappât, &
qu'on l’attachât à la croix. Sa langue est demeurée comma attachée à son palais, n'ayant dit aucune parole d'impatience
ni de reproche à ceux qui le crucifioient ; & enfin par la poussière de sa mort il signifie que ses ennemis l'ayant ainsi
persécuté, & lui n'ayant fait aucune résistance, le décret de Dieu son père a été accompli en faisant passer ce cher Fils
par sa mort & par le sépulcre.
Ô bon Jésus, doux sauveur de nos âmes ! Je confesse que je suis beaucoup redevable aux injures que vous avez
souffertes pour opérer l'ouvrage de ma rédemption, que je ne le suis à ceux de votre création. Car Hélas ! De quoi
m'auroit servit d'être né si vous ne m'aviez pas racheté ! Je vous coute bien cher & votre saint apôtre a bien raison de
dire qu'étant racheté d'un si grand prix je dois glorifier & porter Dieu dans mon corps. Gravez dans mon cœur tout ce

18
que vous avez dit ici par la bouche de votre prophète, & que vous avez accompli d'une manière si admirable aux yeux
de tout le monde ; afin qu'étant du nombre de ceux que vous avez racheté, je suis aussi du nombre de ceux qui s'étudient
uniquement à vous imiter.

v. 17 Quoniam circumdederunt me canes multi; concilium malignantium obsedit me.


Car un grand nombre de chiens m'ont environné : une assemblée de personnes remplies de malice m'a assiégée.

v. 18 Foderunt manus meas et pedes meos ; dinumeraverunt omnia ossa mea.


Ils ont percé mes mains a mes pieds & ils ont compté tous mes os.

v. 19 Ipsi vero consideraverunt et inspexerunt me. Diviserunt sibi vestimenta mea,


et super vestem meam miserunt sortem.
Ils se sont appliqués à me regarder & à me considérer, ils ont partagé entre eux mes habits, & ils ont jeté le sort
sur ma robe.

On ne pouvoit mieux exprimer tout ce que la fureur des Juifs leur fit faire contre Jésus-Christ le jour de sa
Passion que sous la figure d'une troupe de chiens qui jappent après celui qu'ils poursuivent , qui le mordent & qui
remplissent l'air de leur clameurs. Mais cette assemblée de personnes pleines de malice marque évidement ce que les
Pontifes & les Princes de ce peuple furieux firent contre Jésus-Christ & ce qu'ils avoient dans le cœur.
Tout le reste n'a point besoin d’interprétation, car on trouve son accomplissement dans l'Évangile ; mais le
genre de mort du Fils de Dieu, la manière dont il fut étendu sur la Croix, est ici marqué par le dénombrement de ses os,
dont le saint prophète fait ici mention, parce que ce n'est que par ce moyen qu'on les peut compter. Cette application à le
considérer sur la Croix & les entretiens que faisoit cette troupe furieuse de ses ennemis, pendant que Jésus-Christ étoit
en croix, sont rapportés en détail dans les Evangiles.
Ô mon Dieu, si l'obéissance de votre cher Fils a été si admirable dans l'état où votre Prophète nous le
représente ici, nous y voyons un exemple admirable de votre patience à supporter les pécheurs & à les attendre à
pénitence. C'étoit à vos propres yeux que se chiens furieux, ces juges d'iniquité, ces cruels bourreaux traitoient ainsi
votre propre Fils. Hé ! Comment, pour parler selon notre sens humain, pouviez vous retenir les foudres de votre colère,
pour qu'ils ne vinssent écraser tous ces déicides ! Mais par des secrets ressorts de votre sagesse, ils servoient de ministre
pour exécuter vos décrets en immolant la victime de notre Rédemption, & pour accomplir ce qu'on peut appeler le chef
d'œuvre de vos ouvrages. Faites moi la grâce de pleurer dignement mes péchés qui ont été la cause d'un sacrifice si
douloureux & si sanglant.

v. 20 Tu autem, Domine, ne elongaveris auxilium tuum a me; ad defensionem meam conspice.


Mais pour vous, Seigneur, n'éloignez point votre assistance de moi, appliquez vous à me défendre.

v. 21 Erue a framea, Deus, animam meam, et de manu canis unicam meam.


Délivrez mon âme de l'épée, ô mon Dieu, délivrez de la puissance du chien mon unique, & qui est tout à fait abandonné.

v. 22 Salva me ex ore leonis, et a cornibus unicornium humilitatem meam.


Sauvez moi de la gueule du Lion & des cornes des licornes dans l'état d'humiliation où je suis.

v. 23 Narrabo nomen tuum fratribus meis; in medio ecclesiæ laudabo te.


Je ferai connoitre votre saint nom à mes frères, je publierai vos louanges au milieu de l'assemblée.

Jésus-Christ revient ici à la prière non pas pour éviter la mort, mais pour en être retiré par une prompte
Résurrection. L'épée signifie la mort, parce que c'est l'instrument qui sert à la donner, & il demande qu'après avoir été
mis à mort, il en soit retiré par une nouvelle vie. Il ne parle ici que d'un chien au lieu de plusieurs dont il disoit ci dessus
qu'il étoit environné. Cela signifie que tous ces chiens étoient unis ensemble & avoient les mêmes sentiments de haine
& de fureur contre Jésus-Christ, en sorte qu'étant tous réduits comme en un ils n'étoient plus que comme une même bête
furieuse. L'âme de Jésus-Christ est ici appelée unique, & c'est à bon droit, puisqu'elle est en effet unique en son espèce
par son union hypostatique au verbe divin.
L'état où cette troupe furieuse étoit pendant que le Fils de Dieu attaché à la Croix étoit prêt à expirer, est ici
bien représenté par la gueule d'un lion & par les cornes des licornes, car ils ne frappoient pas alors à coup incertains,
comme font les taureaux auxquels ils sont comparés ci-dessus, mais ils agissoient en licornes, qui donnent des coups
mortels parce qu'elles voient l'endroit où elles veulent frapper, & ils étoient comme des lions, qui ne frappent pas
seulement, mais qui dévorent.
Enfin après que le saint Prophète a exprimé tout ce qui regarde la Passion & la mort du Fils de Dieu, il en vient
aux suites & aux effets de sa Résurrection, & commence par une forme de promesse que Jésus-Christ fait à son Père
éternel. Je ferai connoitre votre saint nom. Ce cher Fils a fidèlement accompli & à la lettre ce que son prophète & son
Père selon la chair a promis en son nom plus de mille ans avant sa naissance.

19
Il avoit instruit ses apôtres pendant sa vie, & il leur avoit fait connoitre par des preuves infaillible qu'il étoit le
Fils de Dieu, & le saint des saints ; mais incontinent après sa Résurrection il a apparu à ses disciples, il leur a
communiqué son saint Esprit, avec le pouvoir de remettre ou de retenir les péchés ; il les a envoyé par tout le monde,
pour donner la connoissance de la divinité, & du mystère de la très sainte Trinité, & leur faire connoitre que le Fils de
Dieu étoit venu au monde pour se faire leur frère, & les faire être les enfants adoptifs de son Père. Ce n'a donc plus été
dans un coin du monde comme étoit la Judée qu'il a honoré & glorifié son Père éternel, mais ç'a été au milieu d'une
grande Église composée des Juifs & des Gentils, d'une assemblée de toutes les Nations du monde, qu'il a fait connoitre
sa Majesté & sa Gloire. Voilà ce que le saint prophète nous apprend par ses paroles.
Ô mon Dieu, nous avons reçu les effets de la promesse que vous fait ici Jésus-Christ notre Sauveur. C'est par
lui que nous vous connoissons & que nous sommes retirés de l’Idolâtrie où nos Pères ont vécu si longtemps, & que nous
sommes retirés de la servitude du péché. C'est par lui que nous sommes mis en pouvoir d'être vos véritables enfants &
d'avoir part à l'héritage de votre gloire. C'est part lui que nous recevons vos dons & vos grâces. Il ne nous a donc pas
seulement fait connoitre votre saint Nom, mais il nous a fait avoir part à votre amour & à vos biens éternels. Ne
permettez point que je perde de si grands avantages par mes infidélités.

v. 24 Qui timetis Dominum, laudate eum; universum semen Jacob, glorificate eum.
Vous qui craignez le Seigneur, louez le ; glorifiez le vous tous qui êtes la race de Jacob.

v. 25 Timeat eum omne semen Israël, quoniam non sprevit, neque despexit deprecationem pauperis
Qu'il soit craint par toute la postérité d'Israël, parce qu'il n'a point méprisé ni dédaigné l'humble supplication du
pauvre.

v. 26 nec avertit faciem suam a me : et cum clamarem ad eum, exaudivit me.


Et qu'il n'a point détourné de moi son visage, mais qu'au contraire il m'a exaucé lorsque je criois vers lui.

v. 27 Apud te laus mea in ecclesia magna; vota mea reddam in conspectu timentium eum.
Je Vous adresserai mes louanges dans une grande assemblée, je rendrai mes vœux à Dieu en présence de ceux
qui le craignent.

Jésus-Christ adresse ici sa parole à ceux auxquels selon la promesse qu'il vient de faire à son Père, il fera
connoitre son nom, qui écouteront sa parole & qui en profiteront, qui le connoitront & qui lui rendront un culte
véritable. Par la race d'Israël il n'entend pas seulement les enfants naturels de Jacob, tels qu'étoient les Juifs, mais tous
ceux qui sont enfants de la promesse faite à Abraham, que toutes les Nations du monde seroient bénites en sa race. Si
tous ceux de ces nations ne sont pas israélites selon la chair, ils le sont selon l'Esprit.
Il répète par deux fois le nom d'enfants d'Israël, & les spécifie tous sans en excepter aucun, pour montrer que
son intention est que tous participent aux fruits de la pénitence, & parviennent à la connoissance de la vérité. Il leur
marque aussi que l'ignominie de la Croix ne doit point les surprendre, mais au contraire les remplir de consolation &
d'admiration, puisqu'aprés l'avoir vu dans une pauvreté digne de la plus grande compassion, ayant été nu & délaissé sur
la croix, & ayant souffert la faim & la soif, ils voient que sa prière a été exaucée, ayant été ensuite couronné de gloire &
d'honneur. C'est ce qu'il veut nous faire entendre, en disant que Dieu n'a point dédaigné l'humble supplication du
pauvre.
Il nous désigne dans le vingt sixième verset ce qui est le plus caché du mystère de notre Rédemption. Il a dit
dans les premiers versets qu'il étoit abandonné & a parlé comme un homme qui est assuré que ses cris ne seront point
exaucés. Il a été comme moulu de coups dans sa Passion, accablé de douleurs, & mis au nombre des scélérats, &
cependant il dit ici que Dieu n'a point détourné de lui son visage, & qu'il l'a exaucé lorsqu'il crioit vers lui. L'un &
l'autre sont très véritables. Rien n'a pu le délivrer de la mort du corps car il étoit la victime qui devoit être offerte à Dieu
en odeur de suavité ; mais il a été dans cet état le plus digne objet des regards de Dieu & de l'admiration des anges, & a
mérité d'être exaucé & d'obtenir de lui la délivrance de tous les hommes, sa Résurrection, son entrée dans la gloire, & la
qualité de juge universel des vivants & des morts. Il a donc été en cela parfaitement exaucé dans ses demandes.
Jésus-Christ avoit exhorté les fidèles à louer Dieu, mais il parle ensuite directement à son Père éternel des
louanges qu'il donnera dans une grande assemblée. Il nous marque par ces paroles l'étendue de l’Église dont les
membres devoient être unis à lui de telle sorte que les louanges qu'ils donneroient à Dieu soient aussi les siennes, par
l'union qui devoit être entre lui & eux, comme du chef entre les membres. Mais par ces vœux, qu'il dit qu'il rendra aux
yeux de tous les fidèles, il nous signifie le mystère adorable de l'Eucharistie, par le moyen duquel il paroit aux yeux de
son Père comme une victime de propitiation, & il lui rend ses vœux, c'est à dire un honneur & des louanges infinies,
étant immolé de nouveau, & si souvent qu'il l'est sur nos autels par les mains de ses ministres qui sont les Prêtres de la
nouvelle loi. Vous allez voir encore plus clairement l'admirable suite des mystère de notre rédemption, de notre Foi, &
du culte divin de la nouvelle loi que le saint Prophète nous décrit dans ce Psaume.
Ô mon Dieu, nous connoissons à présent par nos expériences la vérité de tout ce que nous a annoncé de votre
part votre Prophète, & j'ai l'honneur d'être l'un de ceux qui participent que vous rend aux yeux de toute votre cour
céleste & de tous les fidèles votre Fils bien-aimé. Il paroit toujours à vos yeux en qualité d'hostie vivante & de victime
de notre Rédemption, & il attire ainsi sans cesse sur nous les regards de votre miséricorde, parce que la Charité nous a

20
uni à lui. Faites moi la grâce d'être moi même toujours à vos yeux une hostie vivante, afin que j'y paroisse aussi comme
le doit faire un homme qui a l'honneur d'être un membre & frere de votre Fils bien-aimé.

v. 28 Edent pauperes, et saturabuntur, et laudabunt Dominum qui requirunt eum :


vivent corda eorum in sæculum sæculi.
Les pauvres mangeront & ils seront rassasiés, & ceux qui cherchent le Seigneur le loueront : leurs cœurs
vivront dans toute l’éternité.

v. 29 Reminiscentur et convertentur ad Dominum universi fines terræ


La terre dans toute son étendue se souviendra de ces choses, & se convertira au Seigneur.

v. 30 et adorabunt in conspectu ejus universæ familiæ gentium


Et tous les peuples différents des Nations seront dans l'adoration en sa présence.

v. 31 quoniam Domini est regnum, et ipse dominabitur gentium.


Parce que le règne & la Souveraineté est au Seigneur, & que c'est lui qui régnera sur les nations.

Voilà l'usage & les effets du sacrement & du sacrifice de nos autels signifiés en peu de paroles. Les cœurs
contrits & humiliés, les pauvres d'esprit remplis de Foi & d'amour mangeront & seront rassasiés. Voilà le pain céleste &
l'effet qu'il produira dans les véritables pauvres qui le mangeront exposés clairement à nos yeux. Ils trouveront le
véritable bien, le bien universel, la nourriture qui peut rassasier leur âme. Ceux qui cherchent le Seigneur le trouveront
& l'auront comme à la main, pour parler ainsi. La considération de ce prodige dans ce mystère de Charité les portera à
louer Dieu du fonds de leur cœur. Enfin, ils y trouveront de quoi nourrir leurs âmes & participer à la vie de Jésus-Christ
dans le temps & dans l’éternité. Pouvoit on comprendre en moins de paroles que le fait le prophète toutes les merveilles
que la Foi nous enseigne de ce mystère.
Non seulement la conversion de tout le monde est prophétisée au verset vingt neuvième, mais encore nous
voyons que ce mémorial de la Charité de Jésus-Christ, qu'il a recommandé à ses disciples de faire en mémoire de lui, ce
sacrifice qu'il ordonné d'offrir & de célébrer en sa mémoire y est marqué par des termes exprès. L'adoration que tous les
fidèles rendront à Dieu dans ce saint Sacrement, & la présence réelle de Jésus-Christ qui y réside ne pouvoit aussi être
mieux désignées qu'elles le sont au trentième verset. Les peuples seront dit il, dans l'adoration, & ce sera en sa
présence. Se peut il rien de plus significatif en matière de prophétie ?
Enfin le saint Prophète donne la raison générale de toutes ces merveilles & de tous les avantages que le peuple
de Dieu reçoit par Jésus-Christ. C'est que son Père lui ayant donné tout pouvoir au Ciel & en la terre, & qu'étant le
médiateur entre Dieu & les hommes, le souverain juge & le Roi de toutes les Nations du monde qu'il s'est acquises au
prix de son sang, il a fait pour leur véritable bien tout ce qu'on peut désirer d'une souveraine bonté comme est la sienne ;
de celui qui s'est fait notre Rédempteur & notre frère, qui est notre tête & dont nous sommes les membres. Les paroles
du trente-uniéme verset contiennent tout cela.
Ô mon Dieu, voilà cette merveille de la charité de votre Fils bien aimé, cet abrégé de tous les miracles de votre
Charité, que votre saint prophète nous exprime d'une manière qui le rend bien facile à reconnoitre ; mais nous en
jouissons à présent. Nous connoissons ce Pain céleste qui donne la vie éternelle à ceux qui le mangent dignement. Faites
que je sois du nombre de ces pauvres dont parle ici David, qui sont rassasiés de cette viande céleste, & qui sont
transformés en l'image de votre Fils par une fidèle imitation de sa vie, & par une parfaite soumission à ses saintes
volontés.

21
v. 32 Manducaverunt et adoraverunt omnes pingues terræ ;
in conspectu ejus cadent omnes qui descendunt in terram
Tous ceux qui se sont engraissé des biens de la terre ont mangé & adoré, tous ceux qui descendent de la terre
tomberont en sa présence.

v. 33 Et anima mea illi vivet; et semen meum serviet ipsi.


Et mon âme vivra pour lui, & ma race le servira.

v. 34 Annuntiabitur Domino generatio ventura; et annuntiabunt cæli justitiam ejus populo qui nascetur,
quem fecit Dominus.
On annoncera à la postérité les merveilles de la bonté du seigneur, & les Cieux annonceront la justice au peuple
qui doit naitre dans la suite, au peuple qui a été fait par le Seigneur.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint prophète n'avoit parlé que des pauvres au verset vingt huit qui mangeroient cette viande céleste, & en
effet il n'y a que ceux là qui le mangeront avec les profits & les avantages qu'il y a décrit ; mais il nous expose ici que
cela n’empêchera pas que tous les hommes s'en approchent, & en effet les Empereurs, les Rois, les Princes, &
généralement tous ceux qui étant de la terre retourneront en terre, adoreront Jésus-Christ dans ce mystère & mangeront
aussi de ce pain ; mais il ne dit rien des effets qu'il produira dans eux, comme il le dit des pauvres. Cela nous fait
entendre qu'il savoit que ce sacrement pouvoit être mangé de la bouche du corps sans que celui qui s'en approcheroit,
n'ayant point les dispositions nécessaires, participât à ses effets spirituels. Mais il se console lui même de ce qu'il vivra
de la vie de Jésus-Christ & de ce que sa postérité sera attachée à son service.
Il nous déclare dans le dernier verset quelle sera cette race qu'il appelle la sienne. Ce sera celle dont parle saint
Jean dans son Évangile. C'est cella à qui les Cieux, c'est à dire les hommes célestes, les apôtres, doivent annoncer la
justice de Dieu, & qui la reconnoit par la Foi, qui est un don du Ciel. C'est la race des fidèles qui croit en Jésus-Christ,
que David appelle sa race au verset trente troisième, & elle l'est aussi en quelque manière, puisque selon le corps il est
père de Jésus-Christ qui est le chef de cette race. Il dit enfin que c'est le peuple que Dieu a fait, parce que c'est sa grâce
qui a converti & appelé dans le temps, à la Foi, ceux qu'il avoit prédestiné de toute éternité. Voilà de quelle manière ce
que le saint prophète dit du futur s'accorde avec le passé.
Ô mon Dieu, je trouve dans ce psaume toutes les merveilles de la Charité que votre cher Fils a eu pour moi.
Jusqu'à quel point il m'a aimé, de quelle manière il s'est livré pour moi. Je vois aussi ce qu'il a fait & souffert pour vous
rendre une gloire infinie. Ne permettez point que je déshonore le Fils en vivant d'une manière qui ne s'accorde pas avec
la qualité de frère dont il m'a revêtu & honoré, & préservez moi de tomber dans le péché d'ingratitude envers un Père
qui a donné son Fils unique, & qui a permis qu'il ait souffert tout ce qu'il a souffert pour me racheter.

22
Ps. CXVII Confitemini Domino quoniam bonus

v. 1 Confitemini Domino, quoniam bonus, quoniam in sæculum misericordia ejus.


Louez le Seigneur parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde s'étend dans tous les siècles.

v. 2 Dicat nunc Israël : Quoniam bonus, quoniam in sæculum misericordia ejus.


qu’Israël dise maintenant qu'il est bon, & que sa miséricorde s'étend dans tous les siècles.

v. 3 Dicat nunc domus Aaron : Quoniam in sæculum misericordia ejus.


Que la Maison d'Aaron dise maintenant que sa miséricorde s’étend dans tous les siècles.

v. 4 Dicant nunc qui timent Dominum : Quoniam in sæculum misericordia ejus.


Que ceux qui craignent le Seigneur disent maintenant que sa miséricorde s'étend dans tous les siècles.

C'est ici une effusion de cœur que fait le saint prophète, lequel ne sachant comment exprimer ce que Dieu lui
venoit de faire voir en esprit, des merveilles que sa bonté & sa miséricorde vouloit faire en faveur du genre humain dans
le mystère de la rédemption produit tout ce que l'abondance de son cœur lui suggère. Le titre de ce psaume est Alleluia,
qui est le grand mot de joie qui marque spécifiquement la fête de Pâques chez les Chrétiens & aussi ce psaume regarde
spécialement la Résurrection de Notre Seigneur.
David s'adresse aux enfants d'Israël en général, & puis aux enfants d'Aaron en particulier, & enfin il comprend
tous les hommes qui connoissent Dieu & qui lui rendent quelque culte, sous les termes de ceux qui le craignent. IL
dispose ainsi les auditeurs à entendre de lui des choses dont ils doivent rendre à Dieu de grandes louanges, & admirer la
grandeur de sa miséricorde avant même que de savoir en détail de quoi il s'agit.
Ô mon Dieu, il dit une vérité dont nous devons être bien persuadés, que votre miséricorde s'étend dans tous le
siècles, car elle est prouvée par une infinité d'œuvres & de bien faits que nous avons déjà reçus, sans qu'il soit besoin
d'en produire de nouvelles preuves. C'est votre miséricorde qui nous a crée & c'est elle qui nous a racheté, c'est votre
miséricorde qui nous protège & qui nous rendra heureux à jamais ; rien n'est donc plus vrai que ce que dit ici David, que
votre miséricorde s'étend dans tous les siècles. C'est ce que je reconnois & que je confesse de tout mon cœur avec ce
saint homme, en vous suppliant de ne la retirer jamais de moi.

v. 5 De tribulatione invocavi Dominum, et exaudivit me in latitudine Dominus.


J'ai invoqué le Seigneur du milieu de l'affliction qui me tenoit comme resserré, & le Seigneur m'a exaucé a mis
au large.

v. 6 Dominus mihi adjutor; non timebo quid faciat mihi homo.


Le Seigneur est mon soutient & je ne craindrais point ce que l'homme pourra me faire.

v. 7 Dominus mihi adjutor, et ego despiciam inimicos meos.


Le Seigneur est mon soutient & je mépriserai mes ennemis

v. 8 Bonum est confidere in Domino, quam confidere in homine.


Il est bon de se confier au seigneur plutôt que de se confier dans l'Homme.

v. 9 Bonum est sperare in Domino, quam sperare in principibus.


Il est bon d'espérer au Seigneur, plutôt que d'espérer dans les Princes.

Le saint Prophète parle ici au nom de l'Eglise qui se fait une joie & un triomphe de la victoire & de la
Résurrection de Jésus-Christ, aussi bien que de sa délivrance des mains du Démon & de tous ses ministres, qui ont
travaillés comme à l'étouffer dès sa naissance. Il instruit en même temps les membres de l'Eglise de ce qui doit faire tout
leur soutient, afin qu'ils n'aillent point ailleurs chercher de l'appui & du secours.
Toutes ces paroles marquent les sentiments que conçoit une bonne âme qui vient d'éprouver les secours de
Dieu, qui est pénétrée des sentiments d'une vive Foi, & pleine de reconnaissance de ce qu'elle vient de recevoir de lui, &
qui espère tout de lui, avec une confiance parfaite. Les apôtres étoient dans les mêmes sentiments que nous expriment
ici le prophète, lors qu'étant appelés par les Princes de la Synagogue, qui pensoient les intimider par leurs menaces, ils
leur répondoient avec un saint mépris, en leur demandant à eux même s'il seroit juste de leur obéir plutôt qu'à Dieu, &
leur faisant hardiment de justes reproches du déicide qu'ils venoient de commettre en la personne de Jésus-Christ. Les
Actes des apôtres sont tous remplis de semblables actions.
Les apôtres ont bien éprouvé ce qui est dit au cinquième verset. Ils étoient fort resserrés lors qu'ils demeuroient
ensemble dans une même maison, où il se tenoient cachés par la crainte des Juifs, mais ils ont été exaucés & mis bien au
large quand après la venue du Saint Esprit ils ont prêchés si librement, fait tant de prodiges & de miracles, & converti
tant d'hommes, de ceux même qui étoient auparavant leurs persécuteurs. Ils ont pratiqué ce qui est contenu dans le

23
sixième verset quand ils préchoient aux juifs qui venoient de crucifier Jésus-Christ, & qu'en leur remontrant le crime
qu'ils venoient de commettre, ils les exhortoient à se convertir & à faire pénitence.
Ils ont pratiqué ce que David dit dans le septième verset, lors que ces hommes qui s'enfuyoient & se cachoient
auparavant ont souffert les injures, méprisés les menaces des Princes de la synagogue pour rendre témoignage à la
vérité, après avoir reçu le secours du Seigneur par l'effusion du saint Esprit, qui les remplit de lui même ; & enfin ils
nous ont confirmé par leur exemple la vérité de ce qui est dit dans les huitième & neuvième verset.
Ô mon Dieu, la faiblesse des hommes est si grande qu'ils ne sont touchés sensiblement que par les choses
visibles. Ils espèrent du secours des hommes & ils se confient au pouvoir des Grands & des Princes de la terre, mais que
peuvent ils recevoir des uns & des autres ? Rien que ce qui vient de Vous, qui êtes la source de tous le bien. Faites nous
la grâce d'aller toujours à la source, de ne rien espérer ni attendre des hommes que ce qui vient de Vous & qui est
conforme à votre sainte volonté.

v. 10 Omnes gentes circuierunt me, et in nomine Domini, quia ultus sum in eos.
Toutes les Nations m'ont assiégé, mais c'est au nom du Seigneur que je me suis vengé.

v. 11 Circumdantes circumdederunt me, et in nomine Domini, quia ultus sum in eos.


Elles m'ont assiégé & environnée & je me suis vengé au nom du Seigneur.

v. 12 Circumdederunt me sicut apes, et exarserunt sicut ignis in spinis : et in nomine Domini, quia ultus sum in eos.
Elles m'ont toutes environné comme des abeilles & elle se sont toutes embrasées comme un feu qui a pris à des
épines, mais c'est au nom du Seigneur que je me suis vengé.

v. 13 Impulsus eversus sum, ut caderem, et Dominus suscepit me.


J'ai été poussé & renversé & prêt à tomber, & le Seigneur m'a soutenu.

v. 14 Fortitudo mea et laus mea Dominus, et factus est mihi in salutem.


Le seigneur est ma force & ma gloire, & il est devenu mon salut.

Nous voyons ici les persécutions de l’Eglise & leur véhémence exprimées sous des figures qui les représentent
d'une manière bien sensible. Toutes les Nations se sont soulevées contre les prédicateurs de l'Évangile, ils les ont
persécuté & mis à mort, mais Dieu les a vengé d'une manière bien admirable ; car il l'a fait en les convertissant, en le
soumettant à ceux qu'ils ont persécutés, & en les portant à recevoir le joug de la Foi qu'ils leur annonçoient. Il sembloit
que l’Église devoit être détruite, consumée, & comme réduite en cendre avec la même vitesse que le sont les épines
sèches quand on a mis le feu dedans. Tout le contraire est arrivé. l’Idolâtrie a été anéantie, & l’Église est devenue
glorieuse & triomphante.
Enfin la violence des persécutions est annoncée dans le troisième verset. Les souffrances & les tentations ont
été si grandes que les fidèles ressembloient à ceux qui sont renversés, mais qui avant que d'être tombés par terre
reçoivent le secours de quelqu'un qui les embrasse, les retient, & les empêche de se briser contre le pavé.
Si l'état des membres de l’église dans les persécutions est ici bien représenté, nous y voyons aussi quels étoitent
les sentiments de ces martyrs, de ces généreux athlètes de Jésus-Christ. Ils étoient bien persuadé qu'ils auroient été non
seulement renversés, mais jetés contre terre & brisés s'ils avoient été laissés à eux même ; mais que toute leur vertu ne
venoit que de celui qui les avoit soutenu & qui leur donnoit cette force admirable, cette force invincible, qui les faisoit
mépriser leur propre vie, & surmonter les Tyrans & les tourments.
Ô mon Seigneur, j'apprends ici d'admirables leçons, des leçons bien nécessaires pour ma conduite en cette vie
mortelle, si pleine de dangers & d'ennemis, ils ne me jettoient pas seulement par terre, mais ils m'ecraseroient si vous ne
me souteniez, & ne me releviez entre vos bras paternels ; vous êtes toute ma force & ma gloire & je me confie
fermement en votre bonté, espérant que vous ferez mon salut dans le temps & dans l’éternité.

24
v. 15 Vox exsultationis et salutis in tabernaculis justorum.
Les cris d'allégresse & de salut se font entendre dans les tentes des justes.

v. 16 Dextera Domini fecit virtutem; dextera Domini exaltavit me : dextera Domini fecit virtutem.
La Droite du Seigneur [p. 931]

v. 17 Non moriar, sed vivam, et narrabo opera Domini.


[p.931]

v. 18 Castigans castigavit me Dominus, et morti non tradidit me.


[p.931]

C'est un grand sujet de [–] à nous les fidèles membres de l’église de voir que toutes les persécutions bien loin
de la détruire, n'ont servi qu'à la faire triompher de ses persécuteurs, & qu'à multiplier [-] & la gloire de son triomphe.
Les – les justes sont ici appelés des tentes car ils ne perdent pas de vue qu'ils n'ont point ici de demeure fixe ; ils ne
l'attendent que dans le Ciel, & ils ne se considèrent que comme des pèlerins, & des hôtes d'un jour [-].
Mais le saint Prophète marque aussi tôt à qui il faut attribuer la cause de ces merveilles. C'est au bras du
Seigneur, c'est à dire à son Verbe divin, par qui il a fait toutes choses. C'est lui qui [fait ?] ici un ouvrage de sa Toute-
Puissance, & qui le [fait -ire] d'une manière extraordinaire, & David en fait une expression [-] pour nous marquer
combien elle lui paroit admirable.
Tout menaçoit l’église dans ses persécutions, du meurtre & de la mort de tous ses enfants, c'est pourquoi il ne
faut pas s'étonner si voyant arriver tout le contraire de ce que ses persécuteurs prétendoient, elle produit comme un cri
d'allégresse en disant je ne mourrais pas mais je vivrai. Elle déclare ensuite quelle sera son occupation & c'est ce qu'elle
a accompli depuis sa naissance, ne travaillant à autre chose qu'à faire connoitre Dieu aux hommes, & à annoncer les
merveilles de sa charité que la Foi nous enseigne.
Toutes les souffrances des martyrs, & les persécutions que les fidèles enfants de l’église ont souffertes n'ont été
que comme des corrections paternelles de Dieu, des exercices destinés pour les perfectionner dans toutes les vertus, &
des moyens pour d'hommes terrestre d'en faire des hommes célestes. S'ils ont passé pour des hommes morts, ce n'a été
qu'aux yeux des insensés, car leur mort corporelle n'a servi que pour les faire entrer dans la vie & dans la paix éternelle.
Voilà ce que toutes les paroles du prophète nous enseignent.
Ô mon Dieu votre saint Prophète m'enseigne ici par ses paroles & par ses exemples quels sentiments mon âme
doit avoir de tous les ouvrages de miséricorde que vous avez fait pour nous, & des desseins paternels que vous avez
formés sur nous. Faites moi la grâce d'entrer dans les sentiments de reconnaissance, d'amour & de confiance, dans des
sentiments de courage & de joie spirituelle que nous inspire ici l'homme qui étoit selon votre cœur.

v. 19 Aperite mihi portas justitiæ: ingressus in eas confitebor Domino. Hæc porta Domini : justi intrabunt in eam.
Ouvrez moi les portes de la justice afin que j'y entre & que je rende grâces au Seigneur : c'est la porte du
Seigneur & les justes entreront par elle.

v. 20 Confitebor tibi quoniam exaudisti me, et factus es mihi in salutem.


Je vous rendrai grâce de ce que vous m'avez exaucé, & que vous êtes devenu mon salut.

v. 21 Lapidem quem reprobaverunt ædificantes, hic factus est in caput anguli.


La pierre que ceux qui batissoient avoient rejetée, a été placée à la tête de l'angle.

v. 22 A Domino factum est istud, et est mirabile in oculis nostris.


C'est le Seigneur qui a fait cela, & c'est ce qui paroit à nos yeux digne d'admiration.

Après que le saint Prophète s'est expliqué de tout ce qui concerne les dons & les bienfaits que Dieu a répandu
sur l’église & sur ses membres fidèles par rapport au temps de ses combats sur la terre, il s’élève à ce qui concerne son
état & son triomphe dans la gloire, & va s'expliquer sur ce qui en est la cause, qui est la Résurrection & le triomphe de
Jésus-Christ. Ouvrez-moi dit-il, les portes de la justice. C'est l'entrée dans la gloire céleste qu'il demande, car c'est la
justice qui en ouvre les portes.
C'est aussi la porte du Seigneur, car c'est le Fils de Dieu qui est l'auteur de la Justice, & même c'est lui qui est
la porte, comme il est dit dans l'Évangile je suis la porte, si quelqu'un entre par moi, il sera sauvé. Il n'y a que les justes
qui entrent par cette porte, car celui qui est la porte est aussi celui qui donne la justice à ceux qui y entrent. C'est lui qui
est la porte & qui l'ouvre à tous ceux entrent dans la Maison de Dieu. C'est là où quand on est une fois entré on lui
donne des louanges éternelles, car on y jouit des biens & de la joie du Seigneur dont on ne peut plus jamais être privé,
& qui sont des sujets de louanges éternelles.
Il renferme & comprend dans les paroles du dix neuvième verset ce qui sera comme la substance des louanges
des saints. Elles consisteront à rendre grâces à Dieu de ce qu'il a écouté leur prière, & de ce que c'est lui même qui est
devenu leur salut, c'est lui même car c'est le Verbe divin qui s'est fait chair, le Fils de Dieu qui s'est fait homme pour

25
nous racheter en se livrant pour être une victime immolée sur la croix pour notre Rédemption.
Le Prophète se sert ensuite comme d'un énigme pour exprimer le mystère de la Croix & de la Résurrection, de
l'état d'ignominie & de celui de la gloire, de la conduite des juifs à son égard & de son triomphe. Ces ces énigmes que
saint Pierre expliqua aux Juifs, lors qu'étant amené avec les autres apôtres devant les magistrats, les anciens, & les
scribes, pour rendre raison du grand miracle qu'ils avoient fait sur le boiteux qui demandoit l'aumône à la porte du
Temple, il leur dit sachez tous, & que tout le peuple d'Israël apprenne que c'est au nom de Notre-Seigneur Jésus-Christ
de Nazareth, lequel vous avez attaché à une Croix & que Dieu a ressuscité, que cet homme qui a été guéri paroit devant
vous. C'est cette pierre que vous architectes avez rejetés, qui a été mise dans la principale place de l'angle, & il n'y a
point de salut par aucun autre, car il n'y a point sous le Ciel d'autre nom donné aux hommes par lequel nous devions être
sauvés.
Voilà l’énigme bien expliqué mais il ne se pouvoit rien trouver de plus propre dans les choses matérielles pour
signifier d'une manière ingénieuse, & même s'il étoit permis de le dire, avec une plus agréable ironie de la conduite
insensée des Juifs, que ce que David dit ici en se servant de la comparaison de la pierre rejetée & de ces architectes.
Ce ne doit pas être une chose rare ni bien admirable, en parlant naturellement, que de voir des ouvriers rejeter
une pierre pour en prendre une autre ; mais le saint Prophète fait aussi connoitre la grandeur du mystère qui est caché
sous ce qu'il vient de dire, car il dit incontinent après que c'est une œuvre que Dieu a faite lui même & que c'est une
merveille digne de l'admiration de tous les hommes. En effet ce peut il rien de plus admirable que de voir un Dieu fait
homme mis à mort par les hommes, & qui après avoir été crucifié avec les derniers outrages se ressuscite & est reconnu
pour être le véritable Fils de Dieu, l'auteur de la nature, celui à qui son Père a donné tout pouvoir au Ciel & en la terre,
& qu'il a établit le Juge des vivants & des morts. Voilà la merveille que le Prophète a annoncée plus de mille ans avant
qu'elle arrivât, merveille qui est encore bien plus digne de l'admiration des anges qu'elle ne l'est des hommes, car ils la
voient de plus près & plus à découvert que nous.
Ô mon Dieu je crois que l'âme de votre Prophète n'auroit pu demeurer dans son corps, lorsque vous lui reveliez
toutes ces merveilles, & qu'il les voyoit des yeux de l'esprit, qu'il n'auroit pu, dis-je, rester en vie si vous ne l'aviez
secouru par un secours surnaturel, il en a parlé aussi comme un homme ravi en extase, & comme transporté hors de lui
même. Ô mon seigneur, je ne mérite pas de recevoir une consolation si grande & si sensible que de contempler ces
merveilles & de les ressentir comme il faisoit. Je vous demande seulement la fidélité à les reconnoitre & à les honorer
comme je le dois, & comme étant les sources de ma véritable joie & de mon bonheur éternel.

v. 23 Hæc est dies quam fecit Dominus; exsultemus, et lætemur in ea.


C'est ici le jour qu'a fait le Seigneur, réjouissons nous y donc & soyons plein d'allégresse.

v. 24 O Domine, salvum me fac; o Domine, bene prosperare. Benedictus qui venit in nomine Domini
Ô Seigneur sauvez moi, Ô Seigneur, faites prospérer le règne de votre Christ.

Il est aisé de reconnoitre par le style de ce psaume que David étoit comme hors de lui même, transporté de joie
& d'admiration, quand il le composoit ; c'est ce qu'on va voir encore plus sensiblement dans les versets qui suivent
jusqu’à la fin C'est ici le jour. Voilà le jour de la Résurrection, notre jour de Pâques bien exprimé, le jour que cette pierre
rejetée a été placée à la tête de l'angle, le jour que le Seigneur a fait cette chose qui est si digne d'admiration.
Ce jour est attribué au Seigneur comme un jour fait de sa main ; car il s'est ressuscité par sa propre force, il a
donné à son corps un nouveau jour en lui donnant une nouvelle vie. C'est aussi un jour spirituel qu'il a fait pour nous,
puisque c'est lui qui nous fait part d'une nouvelle vie de Résurrection par la vertu de la sienne, qui nous donne l'entrée
dans la gloire. C'est donc à bon droit que ce saint homme nous déclare que ce jour doit être destiné à la joie & à
l’allégresse, puisque c’est le jour du triomphe de celui qui s'est fait notre chef & que nous qui sommes ses membres
devons participer à sa gloire, & sa joie & à ses biens éternels dans le jour sans fin de l’éternité.
Ô seigneur, sauvez moi. Le saint Prophète ravi de joie & d'admiration adresse sa parole à Jésus-Christ qu'il voit
ressuscité, à son fils qui le devoit aller retirer des limbes & le faire entrer avec lui dans sa gloire. Il lui fait sa demande
du salut qu'il attend de lui, il le congratule & souhaite à ce fils mille ans avant sa naissance l'heureux succès de ses
travaux, tel qu'il lui est arrivé. Il voyoit tout cela en esprit & il savoit même de quelles paroles se serviroient ceux qui
recevroient Jésus-Christ en Jérusalem le jour des Rameaux, car il s'en sert lui même.
Ô Seigneur, je vous dit du fond de mon cœur les mêmes paroles que vous dit votre saint prophète, heureux si je
vous les disois avec le même amour & les mêmes dispositions qu'il avoit, mais agréez la bonne volonté que j'ai de les
avoir.

26
v. 25 benediximus vobis de domo Domini. Deus Dominus, et illuxit nobis.
Nous vous bénissons de la Maison du Seigneur, le Seigneur est le vrai Dieu & il a fait paroitre sa lumière sur nous.

v. 26 Constituite diem solemnem in condensis, usque ad cornu altaris.


Rendez ce jour solennel en couvrant de branches tous les lieux jusqu'à la corne de l'autel.

v. 27 Deus meus es tu, et confitebor tibi; Deus meus es tu, et exaltabo te.
Vous êtes mon Dieu & je vous rendrai des actions de grâces, Vous êtes mon Dieu & je relèverai votre gloire.

v. 28 Confitebor tibi quoniam exaudisti me, et factus es mihi in salutem.


Je vous rendrai grâces de ce que vous m'avez exaucé, & que vous êtes devenu mon salut.

v. 29 Confitemini Domino, quoniam bonus, quoniam in sæculum misericordia ejus.


Louez le Seigneur parce qu'il est bon, parce que sa miséricorde s'étend dans tous les siècles.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Le saint prophète adresse sa parole au peuple après avoir prophétisé dans ce psaume les merveilles que vous y
voyez, il l'exhorte à faire une fête solennelle selon les usages du peuple juif, en action de grâce des miséricordes & des
grand bienfaits de Dieu qu'il vient d'annoncer Nous vous bénissons. C'est une grande bénédiction qu'il leur donne que de
leur apprendre les choses que Dieu lui avoit révélées & qui sont comme les secrets de sa maison, semblables à ceux que
saint Paul avoit appris dans le Paradis.
Il comprend en deux mots la substance de tout ce qu'il vient de dire & dont il veut que le peuple soit bien
persuadé, dont l'un est que le Seigneur qu'ils adorent est le vrai Dieu, & l'autre que par la révélation qu'il a faite de ses
mystères au prophète il a fait paroitre le jour & la lumière de ses miséricordes en faisant connoitre les desseins de
Charité & de grâce qu'il avoit sur le genre humain.
Les trois derniers versets contiennent une effusion du cœur de ce saint homme, par laquelle il finit son psaume
de la même manière qu'il l'a commencé.
Ô mon Dieu, je serois heureux si je disois ces mêmes paroles avec les mêmes dispositions où étoit David
quand il vous les disoit. Vous êtes toujours le même & le maitre de vos dons. Puisque j'ai part aux merveilles de votre
Charité qu'il m'annonce dans ce psaume, faites moi part par votre miséricorde de tous les sentiments d'amour & de
reconnaissance que vous lui avez donné.

27
Ps. XLVI Omnes Gentes Plaudite Manibus

v. 1 Omnes gentes, plaudite manibus; jubilate Deo in voce exsultationis


Nations frappez toutes des mains, chantez la gloire du Seigneur par des cris d'une sainte allégresse.

v. 2 quoniam Dominus excelsus, terribilis, rex magnus super omnem terram.


Parce que le seigneur est très relevé & très redoutable, & qu'il est le Roi suprême qui a l'empire sur toute la
terre.

v. 3 Subjecit populos nobis, et gentes sub pedibus nostris.


Il nous a assujetti les peuples & a mis les Nations sous nos pieds.

v. 4 Elegit nobis hæreditatem suam; speciem Jacob quam dilexit.


Il a choisit dans nous son héritage, savoir la beauté de Jacob qu'il a aimée.

Ce psaume selon le sentiment de tous les Pères de l’église est une prophétie du triomphe de Jésus-Christ dans
sa glorieuse ascension. Le saint Prophète l'a vue en esprit & sur cela il a composé un chant d'allégresse dans lequel il
invite tout le monde à entrer dans les sentiments d'une joie extraordinaire, semblable à celle qu'il ressentoit dans son
âme lorsqu'il composoit ce psaume.
Il se sert de ce qui se fait matériellement & selon les sens pour faire paroitre qu'on est dans une joie
extraordinaire; mais ce n'est que pour nous faire entendre quelle doit être la grandeur de la joie de nos âmes au sujet de
la merveille qu'il va nous annoncer. Il adresse sa parole à toutes les Nations parce que ce qu'il va dire les regarde toutes,
puisqu'elles sont appelées à être les membres d'une même Église que le Fils de Dieu s'est acquise par son sang & dont il
est l'époux & le chef. Ce battement des mains & ce cri de la voix dont parle ici le Prophète signifie selon saint Augustin
ce qui compose la véritable joie au seigneur, & ce qui fait que ceux qui joignent l'un à l'autre sont en état de la gouter ;
ce sont les bonnes œuvres signifiées par les mains, & les louanges de cœur exprimées par les paroles.
Il déclare ensuite les raisons de cette grande joie dont la première est la grandeur de celui qui les doit délivrer
de la servitude du Démon & de l'enfer, qui est très grand à cause de sa divinité, redoutable par sa puissance, & Roi sur
toute la terre, parce qu'il la gouverne par sa Providence. Voilà toutes les qualités de Jésus-Christ bien exprimées.
La seconde raison est que toutes les Nations doivent être réduites sous le joug d'une même Foi & ne composer
qu'une seule Église qui a commencé à connoitre que le dessein de Dieu étoit de lui soumettre les peuples & les Nations
du monde, dès la sortie des enfants d'Israël hors de l'Egypte.
La troisième raison est que Jésus-Christ a voulu former son Église dans la loi de grâce en choisissant ses
premiers membres de la Nation des Juifs, des enfants de ceux à qui il avoit soumis les Chananiens & les autres Nations
dont les Rois avoient été foulés au pied par les israélites. Il les a fait son héritage singulier & a fait connoitre qu'il aimoit
la race de Jacob, puisqu'il en a voulu naitre & en choisir sa sainte mère, saint Joseph son père nourricier, ses apôtres &
tous ses disciples, dont il a composé ce que nous appelons la primitive Église. Voilà ce que le saint Prophète nous veut
faire entendre, & il est sans doute que la primitive Église composée de la Nation des Juifs a été ce bon Olivier dont
parle saint Paul, sur lequel les Gentils ont été entés, pour d'oliviers sauvages & infructueux devenir de bons oliviers.
Ô mon Dieu, rien n'est plus juste ni plus raisonnable que cette grande joie à laquelle votre saint prophète nous
invite, car il s'agit ici de tout le bien de mon âme dans le temps & dans l’éternité ; mais mon Seigneur cette joie est un
don de votre Saint Esprit, elle est toute spirituelle & nous sommes tout charnel, & notre joie naturelle ne se forme que
sur ce qui frappe nos sens & qui leur est agréable. Disposez moi donc par votre sainte grâce à participer avec abondance
à la joie de votre Esprit saint en augmentant dans moi la Foi, l'Espérance & la Charité.

v. 5 Ascendit Deus in jubilo, et Dominus in voce tubæ.


Dieu est monté au milieu des cris de joie & le Seigneur au bruit de la trompette.

v. 6 Psallite Deo nostro, psallite; psallite regi nostro, psallite


Chantez à la gloire de notre Dieu, chantez ; chantez à la gloire de notre Roi, chantez.

v. 7 quoniam rex omnis terræ Deus, psallite sapienter.


Chantez avec sagesse car Dieu est le Roi de toute la terre.

Nous voyons ici l'Ascension de Notre Seigneur bien exprimée, c'est le principal objet de tout ce qu'il dit dans
ce psaume ; ce qu'il y dit des cris de joie & du son de la trompette ne sert qu'à nous signifier par des choses sensibles la
grandeur du triomphe de Jésus-Christ & quelle a été la joie de toute la Cour céleste qui accompagnoit son entrée dans sa
gloire. Il y menoit avec lui toutes les âmes qui étoient retenues dans les Limbes en attendant se venue, entre lesquelles
étoit celle de David.
Il ne parle que de sa montée, sans dire où il est monté, mais il s'en explique dans son psaume 67 où il parle
ainsi à Jésus-Christ Vous êtes monté en haut, Vous avez emmené un grand nombre de captifs, Vous avez distribué des

28
présents aux hommes. Et il invite les Royaumes de la terre au verset trente cinquième du même psaume à chanter en
l'honneur de Dieu qui est monté au dessus de tous les Cieux vers l'Orient, c'est à dire à la source de la lumière, à
laquelle son humanité sacrée est unie. Nous voyons donc dans ces expressions la montée de Notre Seigneur dans le
Ciel, la délivrance qu'il a faite des saints captifs, qui étoient dans les limbes, qu'il a emmenés avec lui, & son élévation
au dessus de tous les Cieux en qualité de Maître & de Président.
Toutes ces invitations réitérés de chanter, que fait ce saint Homme, cet empressement qu'il témonge de faire
chanter des cantiques de louange & de joie ne sert qu'à faire connoitre l'admiration & le saint transport de joie où le
mettoit les merveilles qu'il voyot & qu'il prophétisoit, & qu'à imprimer bien avant dans l’esprit de ses auditeurs les
sentiments qu'ils devoient avoir de celui qui est leur Dieu & leur Roi & leur Chef, en se faisant homme comme eux, afin
de les gouverner & de les défendre, de les conduire dans la voie du salut, & de les faire parvenir à la vie éternelle.
Ô mon Dieu, votre saint prophète nous invite par trois fois à chanter des cantiques de louanges à la gloire de
votre cher Fils. 1. Parce qu'il est notre Dieu à qui nous appartenons par l'ordre de la création. 2. Parce qu'il est notre Roi
à qui nous devons notre rédemption & notre conduite pour aller à vous & pour y parvenir, car il nous a dit lui même que
personne ne vient à son Père que par lui. 3. Et enfin parce qu’il est le Roi de toute la terre, le Juge des vivants & des
morts. Mais David nous apprend que les louanges que nous devons à chacune de ces qualités doivent être chantées
sagement & avec intelligence. Rendez moi capable par votre sainte grâce de bien accomplir ce que votre saint Prophète
demande de moi avec tant de raison & de justice.

v. 9 Regnabit Deus super gentes; Deus sedet super sedem sanctam suam.
Dieu régnera sur les Nations, Dieu est assis sur son saint Trône.

v. 10 Principes populorum congregati sunt cum Deo Abraham, quoniam dii fortes terræ vehementer elevati sunt.
Les Princes des Peuples se sont assemblés & unis avec le Dieu d'Abraham, parce que les dieux puissants de la
terre ont été extraordinairement élevés.

V/. Gloria Patri, et Filio, et Spiritui Sancto.


R/. Sicut erat in principio, et nunc et semper, et in saecula saeculorum. Amen.

Il semble que jusau'ici le saint Prophète n'avoit parlé qu'à ceux qui étoient de la race de jacob & qui ont
composé la primitive Église ; mais il ajoute ici un nouveau sujet de se réjouir & de rendre sa joie unverselle, en
prédisant ce qui est arrivé, que le Messie, le Fils de Dieu, régnera sur toutes les Nations du monde, que les apôtres
convertiront en son nom, & qu'ils soumettront tout le monde à sa domination, lors qu'étant monté au Ciel, il y
demeurera assis sur son Trône à la droite de son Père.
Les Rois de la terre qui étoient plongés dans l’Idolâtrie avoient chacun leurs dieux, qu'ils se choisissoient à leur
mode, mais étant convertis par la force de la Prédications des apôtres, ils sont comme assemblés & mis pour se ranger
sous le culte du Dieu d'Abraham, que le prophète nomme ainsi parce que c'étoit à Abraham que la connoissance du vrai
Dieu étoit restée, & que c'étoit l'usage des Nations étrangères de distinguer le Dieu qu'adoroient les Juifs d'avec ces
fausses divinités que ces Nations adoroient.
Ces dieux puissants de la terre, qui ont été extraordinairement élevés, ce sont les apôtres à qui le Fils de Dieu a
conféré un pouvoir divin de faire des miracles & de remettre les péchés des hommes, il a donné aussi une vertu
admirable à leurs paroles, & à la sainteté de leur vie, qui a confondu la sagesse du monde & qui les a fait triompher de
tous les efforts que les hommes & les démons ont fait pour s'opposer à leurs entreprises. Nous voyons dans ce psaume
l'Ascension du Fils de Dieu, & ce que les apôtres ont par la suite exprimé comme si tout s'étoit passé aux yeux de ce
saint prophète.
Ô mon Dieu, en voyant l'élévation de votre cher Fils dans votre gloire, nous devons espérer fermement d'y
entrer un jour avec lui car puisqu'il s'est fait notre chef & que nous sommes ses membres, là où la tête passe le reste de
son corps le doit suivre. La Foi nous fait aller par avance au lieu où il est, il ne me reste qu'à vivre & converser sur la
terre d'une manière qui soit digne de lui & qui ne l'engage pas à me séparer de son Corps. C'est la grâce que je Vous
demande par ses mérites.

29
30
TABLE DES MATIÈRES

Ps. LXXX Exultate Deo adjutori nostro...............................................................................................................................3

Ps. LXXXIII Quam dilecta tabernacula................................................................................................................................7

Ps. LXXI Deux judicium tuum Regi da..............................................................................................................................11

Ps. XXI Deus, Deus meus, respice in me...........................................................................................................................16

Ps. CXVII Confitemini Domino quoniam bonus...............................................................................................................23

Ps. XLVI Omnes Gentes Plaudite Manibus........................................................................................................................28

SUJETS DE MÉDITATION SUR LES PSAUMES DES PRESSOIRS

CHAPITRE NEUVIEME

DE LA

PSALMODIE INTÉRIEURE

PAR

DOM INNOCENT LE MASSON

ÉDITE

PAR

saletensis@gmail.com

disponible

http://www.jesusmarie.com

et

http://www.scribd.com/doc/34845061/psalmodie-interieure-9-psaumes-des-pressoirs-dom-innocent-le-masson

31

S-ar putea să vă placă și