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Jean-Francois GAUDEAUX SARTRE, LYAVENTURE DE LENGAGEMENT OUVERTURE PHILOSOPHIQUE __aaaene L’ Parmattan © L’Harmattan, 2006 ISBN : 2-296-00910-7 EAN : 9782296009103 INTRODUCTI Son chef d'ceuvre ut done aussi sa vie. Certains espaces. Du temps. Surtout du temps (Cécile Guilbert : Pour Guy Debord) Philosophie de la conscience, philosophie de la liberté, philosophie de existence, autant d’appellations qui, souvent, viennent désigner la philosophie de Jean-Paul Sartre. Certes, ces dénominations sont fondées, Elles correspondent 4 un moment, 4 une édape, dans son ceuvre. Mais, par détinition, aucun moment, aucune étape, ne peuvent rendre compte de la totalité d’ume cuvre. De plus, sant de celle protéiforme de Sartre, on court le risque d’isoler, voire de minorer la philosophic par rapport a fa littérature ou a ses prises de positions politiques. Ainsi se perd toute idée de correspondance, de relais, en un mot de continuité dans |'itinéraire philosophique de Sartre. Pourtant trés tot, un fait doit étre signale : la simultanéité d’écriture, Sartre écrit plusieurs livres en méme temps. Fssais critiques, romans, livres de philosophic, prefaces, etc., sont menés de front ; jamais Sartre ne dérogera a cette démarche. Et puis, il y a cette affirmation de la place et du réle qu’il accorde a Ja philosophie, toute sa vie durant Sartre revendique importance primordiale de la philosophic. Et c’est bien sur le mode de Ia revendication, du manifeste, du plaidoyer, de Vengagement, qu’il le fait. Soutenir cela ce n’est pas qu’un peu relativiser l’image de Sartre, 1’intellectucl engagé ; c'est rendre toute sa place au philosophe, a 1a pensée. On peut, 4 bon endroit, objecter que Lun n’exelut pas forcément Vautre. Certes, & la condition expresse que Vimage de lintellectue! engagé n’occulte pas la philosophie qui le porte. Or, eclte philosophic — wes t6 — n’a rien d’académique, Sartre n’aura pour l'institution universitaire qu’indifférence et hostilité (nous y reviendrons) ~ elle ne lui pardonnera jamais. En effet, loin de toute abstraction ct de toutes pensées qui doivent se donner a lire sous la forme d’un systéme, Sartre veut prendre au mot Jean Wahl: la philosophic doit parler du concret. Refusant tout esprit de séricux, Sartre le philosophe troque la toge du professeur pout les habits, plus suspects, de Paventurier. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Totalité! que Sartre revendique et la double importance — théorique et pratique — qu’il attache 4 Phistoire. Importance pratique du « saisissement » par Phistoire ; « l'histoire nous saisit »” et, A travers cc saisissement, sc fonde — en conscienee ~ la volonté pour Sartre de saisir I’histoire, de la comprendre (au sens de la pariager’) et de la transformer’ ... «Les philosophes n’ont fait qu interprcter le monde, mais ce qui importe c’est de le transformer », cette thése constitue ce que Lénine, suivant une formule célébre que Louis Althusser aimait a citer souvent, appelle une « pierre d’angle du marxisme ». Cotte pice d’angle a donné licu a de multiples interprétations qui, dans leur ensemble, y voyaient annonce d’une nouvelle philosophic: 1a philosophie “marxiste, le matérialisme dialectique. La similitude de recherche théorique esi, sur ce point, frappante entre Sartre et Althusser ; similitude qui commence quasiment 4 la méme Cpoque et, nous en rendrons compte, se dévcloppe en ce que l'on peut appeler un « impossible dialogue » de plus de dix ans. Importanee théorique aussi, 4 vocation méthodologique totalisante’, lisible — entre autres — dans la Critique de la Raison Dialectique qui constitue la recherche affirmée d’une méthodologic de Vhistoire et une prise en considération du matérialisme historique. Ainsi, dans ce double mouvement théorique ct pratique, se fonde ct se réalise a la fois, le projet sartrien: faire ue aeuvre® et une philosophie pratique (waider les hommes a soulever, ensemble, les pierres qui les étouffent»)'. De « Vhistoire totale » 4 la philosophic pratique, tel est le projet sartrien. Ce projet ouvre A l'aventure de engagement. La philosophie-engagée ou fa constin projet. Le cheminement n’est pas univoque ct Sartre, par son ceuvre ct sa vie. le parcourt, tantét labourant tantét survolant ce chemin. Il affirme J-B. Sartre, Critique de la Raison Dialectique, Paris, Gallimard, 1960, 27, * SP. Sartre, Les Carnets de la dréle de guerre et 8, de Beauvoir, Mémoires. ® J-P. Sartre, Critique de la Raison Dialectique, op. cit., 24. * Influence et énigme de la 11°" Thése sur Feuerbach que Sartre veut alirenter sans concession aucune aux orthodoxies philosophiques et politiques de son temps. * A. Prost, 2 legons sur l'histoire, Paris, Seuil, Coll. Point, 1996, 10. © Nous montrerons que celle formule constitue la continuité, inscrite dans un inachévemient prévu, de la philosophic sartrienne qui nautorise en rien a faire de J.-P. Sartre le « dernicr philosophe ». 7 IP. re, Préface A Aden Arabie, Situations, IV, op. cit , 1a7. 7 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. illustration et parfois sa source. En effet. si l’on en croit Simone de Beauvoir, Sartre voulait « exprimer sous une forme littéraire des vérités ot des sentiments métaphysiques »'. Bien avant, Sartre affirmait avee un certain regret Saurais révé de n’exprimer mes idées que dans une forme belle - je veux dire dans l'euvre dart, roman ou nouvelle. Mais je me suis apergu que e“était impossible. Il y a des choses wop techniques, qui exigent un — vocabulaire proprement philosophique. Aussi je me vois obligé de doubler, pour ainsi dire, chaque roman d'un essai. C’est par le biais de personnages comme Roquentin, Mathieu ou Heederer que Sartre montre la réalité de homme et concrétise sa philosophic. Car dans tous scs textes se donnent a lire les concepts clef de la philosophie sartrienne : la contingence, la liberté, engagement, la finitude, les communistes, le marxisme, l'aventure... la vie. Si la philosophie est une « doublure » chez Sartre, iln’y a jamais de « sortie de la philosophie », pas de « fin de la philosophie » pour Tui. Ty a un ya-et-vient de la liberté irréelle (de la poésic, par exemple: le Baudelaire) 4 \a séalité de \’engagement de I’écrivain (Qu est-ce que la Littérature ?) ou de V intellectuel (Plaidoyer pour les Intellectuels), L'ceuvre et la philosophic de Sartre dégagent ainsi la dialectique du réel et du rationnel, de Visrationalit du systéme politique, une dialectique négative qui appréhende |'aliénation objective de la rareté qui menace notre liberté : Qu'on waille pas nous faire dire, surtout, que l'homme est libre dans toutes les situations, comme le prétendaient les stoiciens. Nous votdons dire exactement le contraire ; a savoir que les hommes sont tous esclaves en tant que leur expérience vitale se déroule dans le champ pratico-inerte et dans la mesure expresse oi ce chump est originellement conditionné par la rareté.? La continuité de l’emre de Sartre. Les livres de philosophie de Sartre viennent théoriser cette aliénation, celle de homme ct celle de son histoire. L’ inachévement, il faut en parler, de cette philosophie étant lié, certes, 4 la finitude de l'homme Sartre, mais surtout, soutenons-le, 4 l"inach¢vement de "8. de Beauvoir, La Force de VAge, Paris, Gallimard, 1960, 293. ? IP. Sartre, interview, Marianne, 7 décembre 1938. + J.-P. Sartre, Critique de la Raison Dialectique, ap. cit, 369, 1h aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. voir A moi-méme: «Les autres sont, au fond, ce qu'il y a de plus important en nous-mémes, pour notre propre connaissance de nous- mémes »', D’autre part, cest par l’union avec Jes autres qu'il devient possible d’investir le monde et de le transformer. Cette transformation doit s’effectuer avec le marxisme « philosophic indépassable de notre tcmps », mais, nous n’y verrons pas forcément une tentative de Sartre pour la fonder, voire pour fonder le marxisme. Certes, on I’a dit, Sartre affirme, ués wt, Vimpomance du matérialisme historique comme hypothése de travail. Plus ward, dans la Critique de ta Raison Dialectique, il unplifie son propos : « J’ai dil et je répéte que la seule interprétation valable de I’histoire humaine était le matérialisme historique »*, mais encore faut-il établir la Vérité du marxisme. En effet, nous dit Sartre : « On ne sait pas ce que ¢’est pour un marxiste que de dire le vrai. Non que le contenu de ses énoncés soit faux ; loin de li; mais i! ne dispose pas de la signification de lz Vérité »°, Permanence, contimuité d’une recherche-engagée, démarche qui, des années trente jusqu’a l’engagement avec les maos, revendique Je refus de lobéissance, de la résignation 4 Vordre établi : « L’essentiel n“est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce qu’on fait de ce qu’on a fait de nous »*, le refus de tout embrigadement: Vaventurier plutét que le militant, Car, pour Sartre, le militant, outre trop souvent l’esprit de sérieux qui Je caractérise, a sa propre lecture de histoire, par li méme i! !ignore. Or, de La Transcendance de l’Fyo jusqu'au Flaubert, le rapport de Sartre a l’czuvre de Marx est indissociable de lhistoire et ne cesse de se réévaluer dans les rapports de plus en plus conerets que Sartre éprouve avec l'histoire de son temps. Ainsi est-il nécessaire de connaitre histoire, mais il faut aussi savoir « 4 quelle condition une connaissance de "histoire est-elle possible »‘, donc de disposer d’une méthode et de Vappliquer, Ainsi, également, se retrouve le Flaubert comme roman vrai ot le « faire une osuvre ». Mais, alors, une nouvelle question se pose a laquelle la pensée de Sartre n’échappe pas : esl-ce l’engagement qui nourrit la recherche ou est-ce dans la recherche que se nourtit engagement ? ' J.P. Sartre, Le Figaro Litéraire, janvier 1965, Déja en creux dans La Nausée, cette idée s’affirme daus les Carvets et devient centrale dans L'Evre ef le Néant. * JP. Sartre, Critique de la Raison Dialectique, op. cit.. | 3 pid, UB “JP. Sartre, 1. 'ARC, N° Sartre, 1966, 95. * |.-P. Sartre, Critique de la Raison Dialectique, op. cit, 135 15 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. nécessité, déja ancienne chez Sartre, de « voir clair en moi-méme »! qui se concrétise dans le rapport au collectif : (...3 quand cet homme est seul, il s endovt petits ingénieurs, des employés, (..). Fax a faut qu'ils se mettent a plusieurs. Ainsi, le « passage » s’apparente au cheminement, parfois long, parfois rapide, de la compréhension de Sartre, c’est-i-dire de sa transformation : «aller au-dela de soi-méme »’. Alors qu'importe que Sartre ait cffcclivement lu LIdéologie allemande ot Le Capital on 1925%, puisque cette Ieeture, a eeite époque, ne L'a pas changé. Ce qui importe c’est, qu’A la méme époque déja, «la réalité du marxisme, (...) des masses ouvriéres, (...) exergait 4 distance une irrésistible attraction sur Ies intellectuels petits-bourgeois »° ; ce que Sartre doit faire, co n’est pas tant enrichir sa connaissance théorique du marxisme, que combler la distance qui le sépare des masses. Ainsi s’explique également que ce nest qu’a la Libération et, explicitement, lors de sa présentation de La revue Les Temps Modernes en octobre 1945, que Sartre développe son rapport au marxisme: il avait effectivement rencontré « le coneret total »*, les hommes en situation, et i en avait fait partie. Dans ce rapport, Sartre s'est proposé de compléter la formule de Marx : « quand la classe montante prend conscience d’elle-méme, cette prise de conscience agit 4 distance sur les intellectuels et désagrege les idées dans leurs tétes ». Bien sir cette formulation ne deviendra aussi explicite que dans la Critique de la Raison Dialectique™. M1 lui fallait aussi, croyons-nous, le temps de compléter la célébre formule de Lénine (qwil lit ou relit entre 1939 et 1945) « sans théorie révolutionnaire pas de pratique révolutionnaire », par la découverte qwil my a dengagement qu’en situation. Ainsi, pourrait-on dire: pas dengagement révolulionnaire sans situation révolutionnaire ; ve qui relativise et, cn méme temps, réévalue la theorie (encore faut-il s’en apercevoir). Qu'est-ce a dire ? Qu’il faut : (...) des clients, des pour exister, if "JP, Sartre, La Neusée, Pacis, Gallimard, 1938, 19. On ne peut, pour le moins, qu etre interpellé par l'analogie de Ja formulation d'avec celle de Marx et de Engels parlant de Z ‘idéologie allemande. 2 Ibid. ~P. Sartre, Questions de méthode, Critique de la Raison Diulectique, op. cit., 22. “Ibid. 23. 5 tid. “Ibid. Ihid. 19 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Engels, Lénine, Trotsky sont abondamment cités. S’agit-il, citations a Tappui, pour Sartre de décerner un label d’orthodoxie Marxiste- Léniniste an P.C.F.? Sagit-il de justifier, théoriquement, son rapprochement explicite (et trés critiqué par nombre d’intellectuels, compris au sein de l’équipe de la revue Les Temps Modernes) Waves le P.C.F.? Examiner en détails ces questions permetira, peut-ttre, d’en finir avec les « erreurs » de Sartre. A tout le moins, 4 partir de ce texte, nous donnerons a voir que dans son rapport a la politique, la pensée de Sarite ne se suburdonne pas a Vaction et, plus généralement, que engagement pour lui est irréductible a Ia politique. De plus, au travers «(..) des difficultés qui ne seront résolues que dans Critique de la Raison Dialectique »!, ce texte, Les Commumnistes et la Paix, a un enjeu, voire contient (méme si elle n’est pas toujours explicite) une idée : sauver la dialectique, Et cet enjeu-la est déja présent dans « Qu’est-ce que la littérature ? ». ‘A peine formulée, cette proposition peut paraitre choquante. Au plan politique, ce texte, Les Communistes et la Paix, marquerait le début de la période de « l'ultra-bolchevisme » de Sartre ; au plan philosophique il sombrerait dans «le dépérissement des contraires, (...) et qu'il faur chercher autre chose »?, Nous montrerons qu'il convient, une fois encore, de relativiser et de réévaluer ces critiques a laune de engagement sartricn, au regard de la philosophic-cngagée deja consciente de ne pouvoir se développer qu’en liaison étroite avee le domaine proprement politique : « celui des rapports concrets entre les hommes au sem de la Cité»*. Il conviendra aussi de considérer, rétrospectivement, cette période historique ct les conjonctures politico- théorigues qui vont avec, c’est-a-dire : les crises ... Disons simplement, avant d’analyser en détail ces textes et leurs conjonctures (dont ils sont a la fois le fruit ct le compte rendu qui les excéde’), qu’avee Les Communistes et la Paix Sartre réussit 4 ouvrir le dialogue et {’analyse critique avec les communistes et avec le marxisme (et trés vite avec Jes Marxismes, dont celui de Lukacs). analyse théorique (...) ». Les Ecrits de Sartre, op. cit, 274. L’importance des circonstances n'est jamais neuire chez Sartre et Yon sait qu’elles présideront aussi Ala rédaction de Questions de méthode. " Ihid., 275 2M, Merleau-Ponty, Les Aventures de la dialectique, Paris, Gallimard, 1955 (Gallimatd, Coll, Idées, 1977, 14). °£, Jeanson, op. eit., 12 + Au sens oll Michael Zéraffa définissait le roman comme un paradoxe commun & toute euvre d’art : «elle est inréductible & une réalité que pourtant elle traduit ». Roman et Société, Paris, PUF, 1971, 13. 23 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. engagement, I'activité politique et philosophique, sans rien sacrifier! Mais, comme les mots ne suffisent pas, il convient de gérer les priorités. Effectivement, 4 la fin des années cinquante début des années soixante, Sartre méne de front des combats politiques (Indochine, Algérie, ...}, on pourrait presque dire milite, aux prises avec histoire (Hongrie 1956), rédige toujours son autobiographic, prépare une étude sur le Tintorel, écrit un article sur Mallarmé, commence un livre sur Flaubert ct poursuit ses « ruminations philosophiques »’. Ce sont celles-la qu'il publicra Wabord. La Critique de la Raison Dialectique parait chez Gallimard en 1960, Le reste suivra. Car, seules des raisons de présentation et de chronologie de publications, voulues par Sartre, imposent d’aborder d'abord la Critique de ta Raison Dialectique. Dés le début Sartre nous prévient : une fois encore la Critique de la Raison Dialectigue est un texte de circonstances, une commande’. Les circonstanees, ce sont les deux interventions soviétiques en Hongrie et I'attitude du P.CF. a leur égard ; la commande, c’est celle de la revue polonaise nvOrczoy'c’, avec, pour Sartre toujours la méme idée : dire la vérité’. Cela lui impose de rompre avec les dirigeants du P.C.F., car avec eux : Wl n'est pas, il ne sera janes possible de reprendre des relations. Chacune de leurs phrases, chacun de leurs gestes, est Vaboutissement de trente ans de mensonges et de selérose.” Mais cette rupture n'est pas seulement politique, elle préfigure une rupture — surtout — théorique : « rompre avec le marxisme paresseux »6 Cette idée, déja plus ou moins explicite dans Les Communistes et la Paix, impose de réfléchir vraiment les processus historiques a partir de ce qui rend l'Histoire elle-méme possible : 1a rareté. L'aventure humaine se fait contre la rareté. Pius encore ¢’est la rareté qui « fait de nous ces individus produisant cette Histoire ct qui se définissent comme des hommes »*. Mais histoire ne se limite pas a la rareté, car si « 1a rareté fonde la possibilité de Phistoire humaine » clle ne fonde pas sa réalité. Autrement dit, Sauf sa propre santé ... "J.P. Sartre, interview par Madeleine Chapsal, « Les écrivains en personne », Situations, IX, Paris, Gallimard, 1972, 10. “J.-P. Sartre, Préface & Questions de méthode, Critique de la Raison Dialectique, op. cit., 9. Et interview par Madeleine Chapsal, op. cit., 11. “CE J.-P. Sartre, Préface au livre de F, Fejté, La Tragédie hongroise. * JP. Sartre, interview, L ‘Express, 9 novembre 19S6. * J.P, Sartre, Questions de méthode, op. cit., 86. : JP, Surtre, Critique de le Raison Dialectique, op. cit., 201. thid. 27 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. fexprimons totalement en tant que nous sommes reliés & la totalité en propre.' C'est par cette méthode « progressive et régressive » que s’effeetue pour Sartre et dans son ceuvre la réévaluation du marxisme; et qu’il contribuera, effectivement, A cette réévaluation du marxisme en obligcant a prendre le marxisme en compte. En cela, ct dans les années soixante, il est exact que «le point d’arrivée de la pensée sartrienne devient un point de départ »?, Mais, si certains démarsent (et non des moindres ; Althusser, Foucault, etc,), Sartre, pour autant, ne s*artéte pas. Crest d'abord ce que montre la Critique de la Raison Dialectique, Mais aussi Les Mots. En effet, au terme de son aulobiographie, Sartre dresse un constat : si Técriture ne suffit pas, clle nous révéle, néanmoins, a la longue, « notre impuissance »*, Parce que la plume n'est pas l’épée, Sartre — sans jamais cesser d’'écrire’ - va multiplier ses interventions politiques. Non pas ai Vimage, réducirice el/ou partisane, du « grand intellectuel », ni pour « se sauver », il ne croit plus au salut, mais parce que : La politique n'est pas chez lui ni une these, ni un appendice. Elle est une dimension de Uunivers sartrien parce qu'elle est une dimension du monde ott nous vivons.* C’est le soutien A la Révolution cubaine, c’est l'Algérie ot la lutte contre 1'0.A.S., contre de Gaulle, c"est ~ trés tt -- la dénoneiation de la politique américaine au Vietnam et le Tribunal Russell, etc.° Tout cela au nom du méme projet: «aider les hommes ...».7 Mais les « retrouvailles » avec Nizan sont plus larges : elles impliquent « le devoir de haine »,* Au nom des principes qu'elle m'avait inculqués, an nom de son humanisme et de ses « humanités », au nom de la liberté, de légalité, de la jraternité, je vouais & la bourgeoisie une haine qui ne finira yu'avec moi.” Cela impliquait, pour Nizan, que les intellectuels révolutionnaires tormés dans ct par Jes institutions de la bourgeoisie doivent « sur tous ' J.-P. Sartre, « L’Anthropologie », op, cit., 92. *M. A. Burnier, « Un combat politique », ARC, op. cit., 18. I-P. Sartre, Les Mots, op. cit., 211 * « C’est mon habitude et puis c'est mon métier », Ibid. * M.A. Burnier, « Un combat politique », LARC, op. cit.,19. La liste est loin d’étre exhaustive, elle va jusqu’a lintervention de Sartre pour les boat people, en 1978, * S.-P. Sartre, Préface & Aden Arabie. ' CE. Particle de G. Labiea, numéro de la revue Exrope sur Nizan. ” FP. Sartre, « Merleau-Ponly », Situations. IV, up. cit, 249. 31 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. de la rareté pour fa construction d'une activité humaine pratique désaliénée. Il convient done de vivre son histoire dans |"Histoire, et de rompre les cloisonnements. Ne rien oublier, ne rien céder, ct, sans cesse relier les fils, « parler du concret »' lorsqu’on parle de philosophic et ne pas perdre I'unité du tout de Sarire et avec Sartre. Je considere quand méme la philosophie aujourd'hui comme Funité de tout ce que je fais, e'este-dire, si vous voulez, ta seule unité qu’il peut » avoir entre les différents livres que j'ai faits a une époque donnée, c'est 'unité philosophique. * Ft puis cette philosophie de Sartre a poussé d'autres philosophes. Heureusement il y avait Sartre. Sartre c'était notre Dehors, (J. Et Sartre n'a jamais cessé d'etre ca. non pas un modeéle, une méthode ou un exemple, mais un peu d'air pur, un courant d'air méme quand il venait du Flore, un intellectuel qui changeait singuliérement fa situation de lintellectuel. C'est stupide de se demander si Sartre est le débui ow la fin de quelque chose. Comme toutes les choses et les gens créateurs, il est au milieu, if pousse par le milieu? Le milieu, ce serait la morale, celle qui vient aprés fa Critique de la Raison Dialectique ot qui se trouve dans le Flaubert; et puis «j'ai retrouvé avec moi des camarades [les maos] qui luttent et qui ont de nouveau posé la moralité comme quelque chose qui existe dans la politique »*, Partir de la morale ef de l’engagement qui y est lié. Ow partir d’aifleurs: de l'absolu de l’écrivain ou du marxisme comme philosophie indépassable ... I] faut parier : trouver Punité de | ceuvte et de l’homme Sartre, de l'absolu de la littérature 4 ’universel singulier des maos et du groupe en fusion, toujours disloqué dans l'inachévement de histoire qui se fait et qu’il faut faire... Pour comprendre, peut-¢tre, pourquoi ct comment des hommes, comme Sartre, peuvent s’engager. vouloir réactualiser le marxisme et, entre autres, écrire des livres ; un peu, peut-étre aussi, parce que comme le souhaitaicnt Marx et Engels « dans une société communiste, il n’y a pas de peintre, mais tout au plus des hommes qui, entre autres, font aussi de la peinture ». Et si méme, au bout de ce travail, on devait découvrir et reconnaitre que lunité de Twuvre « c’est peau de balle », comme disait Nizan en ' Propos de Jean-Paul Sartre dans le film de A. Astruc et M. Contat, Sartre, Paris, Gallimard, 1977, 42. ? fhid., 42. ° pbid., 18-19. “Le film, Sarme, op. cit, 100. C'est moi qui souligne. 38 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. LA QUETE DE L’ABSOLU : ETRE ECRIVAI! A partir des Mots ct en refaisant les pas de Sartre, on découvre, & Porigine, une vocation: étre écrivain. Mais cette découverte, parce qu'elle renvoic 4 l’enfance de Sartre, s’avérerait banale en elle-méme l’enfance de Sartre tout le monde la connait. depuis Les Mots justement. In’y aurait done La que coquetterie d'auteur. Il y a plus, Dés les premiers textes une thése perce: éire authentique ; un concept, certes classique, émerge : /a vérité, Concept classique, la vérité apparait chez Platon comme le critére de la pertinence de la démarche philosophique, Chez Descartes, la vérite distingue notre état éveillé de celui de nos réveries. C’est encore elle qui doit présider au dialogue pour Malebranche. Une histoire de la philosophie pourrait s’écrire @ partir du concept de vérité. Il hantera, obsédera, pousscra Sartre toute sa vie durant et restera un moteur de toute son aeuvre ; et c’est par La légende de la vérité qu'elle commence. Scule une partie du texte cst publiée, en 1931, dans la revue Bifo", Malgré sa briéveté, et a partir des réflexions de Simone de Beauvoir’, La légende de fa vérité recéle un double intérét, Sur le plan formel, perce déja ce que Sartre expliquera plus tard : sa volonté de donner a la philosophie une forme belle cn Munissant 4 la littérature, et le scours aux mythes, a instar de Platon, comme le moyen de montrer et de s’affranchir ainsi des grandes affirmations universelles. Sur le plan des idées s*ébauche ici ce gui deviendra un théme constant chez Sartre : penser contre. Et, par cette méthode, atteindre au concret. Il convient alors, pour montrer ce coneret, de n’accorder aucun privilége aua sciences (ce que Sartre, dans son texte, désigne comme « la légende du certain »), ni aux idéologies (« la fégende du probable »), car les unes et les autres conftrent a l’unanimisme passif des individus. La fégende de ‘est en 1929 que Sartre écrit La fégende de la vérité, il confie le manuscrit a Nizan qui tente, sans succés, de le faire publier par les éditions Europe. C’est sur initiative de Nizan qu'une partie du texte est publié dans Bifirr. 7S. de Beauvoir, La Force de Mage, op. cit., 49-50 et 83-84, aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. dune grosse Allemande »'), agé de cinquante-cing ans: Sastre ne précise pas si M. Laubré porte la Légion d’honneur ... Outre la critique, ce texte comporte des — similitudes autobiographiques que Les Mots nous permet d’identifier. Le lieu et T’époque — La Rochelle, 1917 — correspond eu départ du jeune Sartre pour La Rochelle aprés le romariage de sa meére, le physique de monsicur Laubré ressemble fort 4 celui d'un de ses professeurs 4 Henri TV, enfin le jeune héros de cette histoire est, a l'image du Poulou, tout @audace imaginaire. Comment ne pas aussi Gtre frappé par le réve de ev gargon, encore enfant, d’étre pensionnaire ... Un réve d’indépendance. Car, L'enfance, pour Sartre, ¢’est l’imposture et la dépendance’. A Vautre bout, les adultes et leurs « cabotinages »°, et l'avenir programmé d’un enfant 4 qui l'on «avait été Tespoir de vivre misérable: obscur ou fameux, j'émargerais au budget de V Enseignement, je n’aurais jamais faim »* ; un avenir sans éclat, bordé par l’cnnui. C’est dans doute aussi ga, cette description sinistre et angoissante du corps enscignant, que [Institution universitaire ne pardonnera pas a Sartre. Pourtant, dans le temps ot Sartre écrit ces satires, il est interne 2 Louis-le-Grand et prépare le concours d’entrée a Normale Supéricure, et Sartre commence a étre heureux... Il vient d'intégrer la « République des Lettres ». En effet, La Revue sans fitre expose sur sa couverture ses objectifs : « La République des Lettres ne doit pas étre une République de camarades. La Revue sans tire est ouverte 4 tous »’.L’ouverture politique que manifeste la revue ac dérange on rien le Sartre de cette époque, il est étranger— et pour longtemps encore — a la chose politique. Sartre, mais aussi nombre de ses condisciples, dont Nizan qui publie dans ie méme numéro, n’ont qu'une préoccupation ; étre éerivains. Ils se mettent 4 "oeuvre. ' JP, Sartre, Jésus la Chouette, professeur de province, in Les Ecrits de Sartre, op. cit., 513. * CE Les Mots, op. cit., 66-67. * Ibid., 68. * Thid., 135. *M. Contat, M. Rybalka, Les Eerity de Sartre. op. cit. 48. 43 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. C’était mon lot, & moi, d’éire & chaque instant situé parmi certaines personnes, en un certain lieu de la terre et m'y savoir superflu, je voulus manguer comme l'eau, comme le pain, comme lair a tous les autres hommes dans tous les autres lieux. | Et la difficulté apparait d’autant plus grande, que ceux qui instituent ce manque, les adultes, sont « déconsidérés par leur cabotinage »* Aussi, Sartre n’eut @autre recours — 4 7 ans — qu’en lui-méme qui nexistait pas encore «Tout se passa dans ma téte; enfant imuinaire, jc me défendis par imagination »3, Mais, la encore, le méme risque exisic : « pourtant j’étais menacé ; ma vérité risquail fort de rester jusqu'au bout l’altemance de mes mensonges »*. Car, si le cinéma que Poulou fait, et se fait, constitue bien un essai « d’arracher les images de ma téte ct de les réafiser hors de moi, entre des vrais meubles et de vrais murs, éclatantes et visibles autant que celles qui ruissclaient sur les écrans », il lui révéle aussi « la double imposture » : «je feignais d’étre un acteur feignant d’étre un héros »2 Un simple changement de posture allait offrir une issue, A peine eus-je commence d'écrire, je posais ma plume pour Jubiler. L'imposture éait la méme mais j'ai dit que je tenais les ‘mots pour la quintessence des choses. Rien ne me troublait plus que de voir mes paltes de mouche échanger peu & pen leur luisance de feux follets contre la terne consistance de la maticre : o était la réalisation de Vimaginaire* Alors Poulou prend la pose: « J'arrétais ma main, je [eignais @hésiter, pour me sentir, front sourcilleux, regard halluciné, un écrivain »" ; Sartre était lancé.' Certes, imposture demeure, mais une autre dimension est apparue en lieu ct place de l’ennui : le plaisir. Ainsi, «je fis moins de cinéma : mes romans me tenaient lieu de tout. Bret, j’€erivis pour mon plaisir»? Sartre, par l’écriture et avec plaisir, se réappropriait le monde ; et, surtout, il le reeréait. Ibid, 74. * Ihid., 75. } Jbid., 92. Ajoutons que c’est de cette méme époque que date l'amour de Sartre pour le cinéma (Cf. Les Mots, op. cit., 100). * Tbid., 110. * Bbid., L17. ‘ Dbid. pid. 118. * Ibid, 116. *thid. 121 47 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. DE PARDAILLAN A NIZAN L’ENGAGE} LA RECHERCHE DE ENT La recherche ne sera pas simple. Elle prendra d’abord, on I’a dit, dans les premiers textes, la forme de la critique acerbe, du portrait caricaturé, noirci, de lexistence — explicitement programmeée devant lui par son grand-pére — une vie de professeur qui, & ses moments pordus, écrirait. L'engagement de Sartre prend, dans le cadre de !'Ecole, la forme dune révolte, d’un refus. Refus d'une vie sur des rails, telle qu’elle lui apparaitra clairement lorsqu’il prendra son poste de professeur au Havre. Il y a dans ccs promicrs écrits de Sartre une prescience de ce refus. Aussi, avec Une Défaite. texte que, parait-il nombre de ccs condisciples ont tu, Sartre élargit singuligrement son horizon. et réactualise son projet. En effet, ce « fameux roman qu'il fallait avoir lu { Un véritable mythe a [Ecole nonmale!»?, s°il suscite un tel enthousiasme, et cet enthousiasme ne réside pas dans ses seules qualités littéraires (rappelons que Louvrage sera refusé par Gallimard, « judicieusement » aux dires de Sartre lui-méme), n’est-ce pas parce quil recéle un projet? Et ce projet, étre écrivain, se vit, pour la premiére fois pour Sartre, dans une dynamique humaine réelle, concrdte, C’est dans cette dynamique de I'Feole que Sartre commence 4 se libérer des adultes ; il es¢ indépendant; ct Sartre découvre, dans te méme temps, ses premiers vrais lecteurs : ses fréres dans la quéte de Vabsolu, eux aussi écrivent et veulent écrire. Si l'on prend un peu au séricux cette thése, clle autorise a lire Une Déaite comme la synthése projective d’un itinéraire philosophique qui va de l’imaginaire au groupe en fusion. Est-ce a dire qu’en 1926 Sartre avait tout prévu ? Sans doute pas. Mais, assurément i] se lance, 4 cette date et avec ce texte, sur de multiples pistes (chronique, fiction, ' _ A, Cohen-Solal, Sartre, op. cit, 120-121, 2 Thid.,9. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. J'ai toujours écrit d’abord ef essentiellement pour moi-méme, pour m'éclairer moi-méme sur des questions dont il se trouvait qu elles m’intéressaient et m'intriguaient au plus haut degré. ‘ Les Mots met en évidenee la méme chose: on éerit, d’abord, pour soi. Pour « voir clair en nous-mémes», nolaient Marx et Engels a propos de la rédaction de L ‘idéologie allemande. Et, de fagon analogue, cest le méme motif qui pousse Louis Althusser 4 la rédaction de son Pour Marx. Certes, Vinvitation d’Althusser a « penser par soi-méme » était destinée aux militants, mais elle le concernait d’abord lui-méme. Dans ct par I’geriture la pensée s’élabore et se met au net, Dans cc travail laborieux et pénible, il arrive que le penseur en viene — comme Sartre — A penser contre soi-méme, afin d’affermir la pensée qu’il livrera, via V'écriture, aux lectcurs, Mais, par la méme, aussi, chaque nouveau livre constitue-t-il une remise en jeu du précédent, une révision, une amplification de la pensée ; un nouveau pari s’engage, parfois um nouveau projet, parfois la poursuite du méme. Qu’en est-il pour Sartre ? Cette élaboration, chaotique, de sa pensée, sa remise en cause perpétuelle d'un livre a Vautre, explique, sa relative indifference” a la perte de certains manuscrits, Elle explique, croyons- nous, surtout importance qu'il attachera, toujours, au texte suivant. Liimportant ¢’est le texte a venir, cclui qu'il est on train d’écrire, Cela ne remet pas forcément, en cause le projet, cela le précise, cela le continue, d’un livre 4 Pautre. Nous en voulons pour preuves, outre les propos de Sartre 4 Madeleine Chapsal, en 1960, |’annonee au terme de presque tous ses ouvrages de celui qui va suivre: la morale, aprés L'Etre et le Néant, la suite des Mots, la seconde partie de la Critique de la Raison Dialectique, ete. Ainsi, soutenons que le roman Une Défaite, « judicieusement refusé » par l’éditeur, marque la mise en cuvre du projet sartrion, Car, par definition, un projet n'est pas achevé a son point de départ, C'est une ébauche, il est embryonnaire, et done sujet a de multiples tansformations: «le projet, pour étre, doit étre constamment renouvelé ». * ©. Rosset, op. cit, 14. 2 Ne fautil pas plutét parler d'indifférence toute relative si l'on relit ce passage : « Etranges « romans », toujours inachevés, toujours recommencés ou continués, comme on voudia, sous d'autres titres, bric-d-brac de contes noits et daventures blanches, d’événements fantastiques et d'articles de dictioanaire ; je les al perdus et je me dis parfois que e’est dommuage : si je m’étais avisé de les mettre sous clef, ils me livreraien| toule mon enfunce. » Les Mots, op. cit., 127. 2 | -P. Sartre, L Etre et le Néant, op. cit., $60. 55 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. évidente : il s’agit d’éduquer le lecteur, mais pour lui inculquer quelles valeurs ? Celles de l’époque : lessor du roman en Europe correspond 4 eclui de la bourgeoisie, dont il retrace l'épopée. Le roman de formation met l’accent sur individu aux prises avec les contraintes du récl, mais le bul, souvent atteint, est d’y vivre en harmonie. Il convient apprendre, dans cette optique, non 4 transformer le réel, ni A défier ordre établi, mais a en surmonter les défauts et 4 s’y adapter, Tout ccla convient parfaitement 4 Sartre qui en plus, on l’a dit, se forme, par son roman, ct sc découvre par les yeux de la jeune fille du «conte de [ges »', Tl découyre, travers ces quelques pages, ce qu’il étublira plus tard : « Je ne puis me connaitre que par l'intermédiaire d’autrui »’ et par vette connaissance accepter les autres et s*aecepter soi-méme, « meilleur que les autres », * Mais Sartre veut échapper a la médioerité d’un destin insignifiant par la « fonction prophylactique de la littérature »". Encore convient-il de s*interroger sur cette prophylaxic ; pourquoi existe-(- elle? Quest-ce qui fait de la littérature un des moyens de protection de la philosophic ? Pour répondre & cette question, autorisons nous d’une voix qui, nous semble-t-il, sur ce point, fait écho 4 Sartre, celle de Gilles Deleuze. La littérature sert a faire de la philosophie. (...) ¥'a des problémes de style qui sont les mémes en littérature et en philosophie. (...) La littérature faii voir, fait percevair, l'écrivain erée des persovnages, le philosophe crée des concepts (...). Mais ca communique heaucoup, par certains aspects, le concept est un personnage. Ce qu'il y a de commun, c'est que les deux activités, la grande littérature et la grande philosophie témoignent pour la vie. (...) Tout grand philosophe est un grand écrivain. * Aussi prenons garde de dissocicr la littérature de la philosophic ; chez Sartre cette disjonction n’existe pas. Ce qui existe, c’est un engagement, une aventure, aprés ct avec d’autres, dans la littérature. Certes, « il faut faire son salut »," mais par l’écriture, et pour cela il faut éerire. "LP. Sartre, Une Défuite, op. cit, 243. “JP, Sartee, L’Etre et le Néant, 1943, Paris, Gallimard, 1971. op. cit., 89. * {hid., 252. * A Boschetli, Sartre ef Les Temps Madernes, op. cit., 41. 5G, Deleuze, Abécédaire, « L comme Literature », * J.P. Sartre, Une Défaite, op. cit., 285. Lengugement de Sartre, duns et par Fécriture, dans le monde et Phistoire, le changers, nous le verrons, l’impossible 59 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. DANS L’IMAGE [RE : VERS LA CONSCIENCE Cette conscience, elle va Ini venir de ta contingence : a la surprise générale Sartre est collé 4 l'agrégation ; conscient des nécessités, liées aussi a la contingenee, il sera regu premier !’année suivante, Mais Sartre est aussi de plus en plus conscient — et il nous le dit - de sa vocation décrivain, Zes Mois en témoigne, Mais s7il fallait s’cn convaincre davantage, il suffirait de réentendre ou de relire les propos de Sartre, dans le film d'Astrue ct Contat, citant la formule appliquée 4 Vietor Hugo: «une forme vide qui cherche son contenu» non pas que je veuille me comparer & lui, Mais ¢’était bien ¢a »! Sartre nous le dit ct le répétera jusqu’a sa mort : il voulait étre un grand éerivain et, trés tot, il a conscience d’étre un grand éerivain ; mais encore lui faut-il se faire tel. En somme j aurais voulu étre stir de devenir un grand homme plus tard, pour pouvoir vivre ma jeunesse comme une jeunesse de grand homme. D'ailleurs, faute d’en élre sir, je faisais comme si jreusse dit le devenir et j'étais és conseient d’étre le jeune Sartre, comme on dit le jeune Berlioz ou le jeune Goethe. * Prétention, outrecuidanic de la jeunesse? Non, simplement optimisme de Sartre, lui aussi hérité de son enfance et des livres, et des fascicules de bandes dessinées 4 parution hebdomadaire. * Est-ce 4 dire qu'aucun doutc n’anima jamais notre auteur? Bien au contraire, U'angoisse est omniprésente, Sartre est résigné a sa mission : il n’apas de génic ct il doit écrire en s*appliquant, 4 Et pour ne pas changer, Sartre écrit. Comme dans son cnfanec, « seule vigie », Sartre-Pardaillan écrit avec constance: rétrospectivement, Sartre ne fera que constater et confirmer la continuité de cette démarche effective + ' Sartre un film, op. cit. 15. 2 | -P, Surtre, Les Carnets de la dréle de guerre, op. cit., 269. * CE, Les Mots, op. cit., 60-61, “hid. 155. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Ce méme souci de concrétude fait fe succés des grandes rivales de la philosophie, la sociologie et la psychotoyie. Or, la philosophic de Bergson, par son élargissement du point de vue idgaliste en une philosophie de la vie, est cmpreinte des mémes préoccupations, mais avec la volenté nette de réaffirmer le slatut et le réle de la philosophic. La philosophic doit rivaliser et se distinguer de la médecine et de la psychologie en ne traitant plus son sujet traditionnel, ame et le corps, mais ceux — bien concrets — du cerveau, du psychisme, dans le rapport aux recherches sur les dysfonctionnements de la mémoire ct du langage ; amnésic, aphasic. Dans ce travail, la réflexion sur l'image, au carrefour de la mémoire et de la perception, est un passage obligé. Dans cette réflexion ce qui, entre autres, intéresse Sartre, c’est que, chez Bergson, Pimage n'est plus séparée de la réalité ; Vimage ¢’est, la fois, la réalité ct ce que nous saisissons. En cela Bergson pose avant la lettre ce qu’on peut déja nommer une phénoménologic. Mais cette idée a été précédée par une autre qui, de Bergson a Sartre en passant par Politzer, semble présider aux destinges du si&cle (en philosophie et ailleurs), celle de négativité, attachée a celle de vérité. C’est, en effet, cette idée qui ouvre, par intuition, la démarche de Bergson. Ce qui séduit Sartre, dans cette démarche, c’est que la « puissance intuitive de la négativité » est conférée a la philosophic, dans une défiance vis-a-vis des évidences de la science. Ainsi, le « penser contre soi-méme » de Nietzsche est redoublé par affirmation que la rigueur d’une pensée (d'une philosophie) réside davantage dans ce qu’elle rejette que dans ce qu’clle admet. Alors, ce qui, chez Sartre, fonde sa volonté du négatif s‘inscrit dans la poursuite de la recherche bergsonienne d’établir la vérité, une « vérité indubitable »', a image de la visée de Descartes. Crest cetic idée, l’émergenee de la Vérité par la puissance du négatif, gui intéresse Sartre et les autres jeunes philosophes, et certes pas les développements du spiritualisme de Bergson et d’une pensée & mi- chemin du réalisme et de V’idéalisme. Mais, Sartre, parce qu’il est dans son époque ct qu'il est le produit de la culture de Ecole, ne peut échapper a cette pensée. En effet, A cette époque, l'influence de Bergson est considérable, d'une fagon générale, comme Ie signale son contemporain Bouglé, « un livre nouveau de M. Bergson est toujours un événement intellectuel »*. Mais, de fagon plus directo, Jean Hyppolite veut voir 'H. Hude, Bergson, Paris, Ed. Universitaires, 1989, T.1, 19. C. Bouglé, Les matires de la philosophic universitaire en Hrance, Paris, 1937, librairie Maloine, 51 67 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. DE LA CONSCIENCE IMAGEANTE A LA CONSCIENCE ENGAGEE : LES CIRCONSTANCES De I'imaginaire de l'enfant, pour échapper a la dépendance réelle de Venfance, a Vimaginaire comme réflexion philosophique (et romanesque), pour échapper au moule de la culture de I'Feale, ainsi peut se définir, a ce stade, a cette épocue, la trajectoire de Jean-Paul Sartre. Et, toujours, s’affirme une continuité ; il faut éerire. Que ce soit dans le plagiat, dans Ja transcription des dictionnaires, puis des mythes grecs dans l’inachévement etiou dans la rédaction paralléle de plusieurs ouvrages, cette écriture s’altirme dans une volonté d’authenticité, dans une yolonté d’échapper aux pesanteurs du social!, C"est la meme continuité qui s‘affirme et se développe au Havre, dans le réel de son professorat de philosophic. Cette nomination au Havre, sans doute vécue comme un échee et dans l’ennui?, sonne comme la confirmation des angoisses, des souvenirs, des injonetions de Venfance : étre professeur, n’avoir jamais faim. On s’attendrait 4 une rupture, 2 un rejet, pire encore a une résignation. Tout au contraire, Sartre s’affirme au Iavre, il se fait. Il travaille sa continuité. Tout a la fois, Sartre s’identifie & son époque et a sa fonction, il se révolte et maintient son cap : la philosophic. Les réflexions, les publications de Sartre sur l'imaginaire ct son immersion dans te milieu social tranché du Havre, vont linscrire dans ses convictions ; c'est 18 aussi qu’il va faire ses choix philosophiques ct politiques. II lui faudra, plus tard, par le biais d’autres saisissements, les peaufiner, les mettre en actes. Nous le yerrons, mais disons-le des Vabord : jamais i] ne les reniera. Aller zu Havre, ce concentré de mondes, rien n’y prépare Sartre, saut son dipléme de jeune normalicn regu premicr & l’agrégation de philosophie, qui réve d’aventure et d’écriture. Car, en arrivant au Havre, ' Entre autres, les propos de Sartre dans le film d’Astruc et Contat, 48-49. ?C£ A. Cohen-Solal, Sartre, op. cit., 120-121, aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. de protestation, de mobilisation pour Zola et son «J’..! Mais pour Pécrivain, pour celui — comme Sartre — qui veut éerire, pour celui-la, cet acte est un combat de tous les instants. Combat pour la quigtude’, pour le silence’, pour la distance prise d’abord d'avec le monde. * Autant de figures, de postures, du pouvoir de s'arracher du monde, sans jamais le quitter. Et, n’oublions pas cette formule de Ian Patochka: « I’ écriture est toujours le gérant de Ia totalité individuelle »* ; ce que Sartre, du Baudelaire jusqu’a Flaubert en passant par ses textes sur Mallarmé et Genet, va s’engager 4 creuscr. Mais n’antivipons pas. Suivons l'image du canot & motour: pour planer « au-dessus du marasme onduleux »®, il faut d'abord y étre immergé: et il faudra y replonger, mais plus loin. Sartre est dans le monde du Havre et il s’en arrache dans I'écriture de Z'Imagination, de L'imaginaire’, de La Nausée, de La transcendance de Ego. et il replonge toujours plus loin dans 1a philosophic, dans ceite philosophic du coneret, ectte philosophic qui parle du monde. Aussi, il n’y a aucune évasion ai du réel ni de Sartre dans l'imaginaire. Tl ne s’agit pas pour lui de sublimer Le Havre dans Bouville et, 4 cété, au lycée, de provoquer le scandale dans la bonne société. Pour Sartre, il s’agit de tout vivre, de vivre des aventures, de continuer sa philosophie de Pimagination. Or, la conscience imageante n’est ni fausse conscience (clle est authentique) ni conscience fausse (imagination n’est pas I’erreur). * Et le monde des images ~ comme Sartre l'apprendra vite dans cette expérience d’éeriture vécue que constitue, aussi, L’imaginaire avee lexpérience de la mescaline — n'est pas forcément plus agréable que le monde social. 151, On notera dans cete méme letue, Fidée de I'écriture comme trace de la vanité. ' C'est avec ce demier et son célébre article, on le sait, que se forge l'identité de lintellectuel engagé; une identité séparée. Par cet acte de naissance, nombre d'intellectuels vont s'engager d'un cété et écrire de l'autre. Sartre refusera toujours cette dichotomie. ” Celle que Descartes va chercher en Hollande pour éerire son Discours de ta Méthode. * Cf. Steiner, Passions impunies, Paris, Gallimard, 1996, 30-31 ''N, Gogol, Euvres Completes, NRE, La Pleiade, 1975, p. XX. *L, Patochka, « L'écrivain, son objet », Revue “JB. Sartre, Ley Mots, op. cit., 193. * Ces deux teates sont conslitulifs de la Uécouverte de Husserl par Sartre et de sa prise de conscience du monde. "JB. Sartre, L:'fmaginaive, Paris, Gallimard, Bibliotheque des ldé 1964, 13. 78 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. hallucination ; un élément profond qui est le passage a Vadulte, et un élément secondaire mais important, qui est le travail psychologique que je faisais sur moi-méme. ! Répétons-le; dans ces cireonstances, c'est & un travail constant d'arrachement auquel Sartre se livre dans son immersion dans Phallucination et dans le monde, par et dans I'écriture. La, et par Vimaginaire qui concrétise ce pouvoir d’arrachement, se définit (et doit d’abord et toujours se comprendre) la notion d’engagement chez Sartre ot de Sartre : Disons que Uart est engagement, (...). La politique est une forme de l'engagement mais pas nécessairement celle qu'il prendra dans tous les cas. L’engagement c est sévére, c'esi plutét une maniére d’étre dans une direction sociale, humaine, et de tui donner un sens? En cela La Nausée est bien un livre engagé, ct engagement de Sartre dans la littérature bien plus qu’un engagement par procuration : « F'étais Roquentin, »* En effet, cette formulation, prise 4 la lettre de l’autobiographie, risque de nous faire minorer l’engagement tel que le congoil Sartre, dans le temps méme ob il s’affirme. Car, ce que Sartre veut nous donner a lire — ce qu'il éerit pour un public ~ dans La Nausée, concrétise le projet initial, celui déja contenu dans une Défaite tel que Simone de Beauvoir le transcrit: «exprimer sous une forme littéraire des sentiments métaphysiques ».* Continuité livérarisée de La Transcendence de VEgo et de L'Imaginuire. Mais ce qui se donne 4 lire c’est aussi une autre découverte, contenue dans le quotidien réel du monde du Havre : celle des hommes sans importance sociale. Crest la découverte, pour Sartre, dans le monde réel des hommes réels qui sont dans le monde. C'est tout cela La Nausée: la conscience imageante en acte, la transcription littéraire des images de l'hallucination ct les réflexions qu’elles provoquent en conscience ; et, ainsi et surtout, la découverte de la liberté, de l'angoisse, ct des autres. C'est, cn méme temps, dans ct par I’écriture de ce livre que se transcrit la pensée de I'engagement pour Sartre. > Commencé dans et par I’éeriture, cet engagement, Sarre n'y renoncera jamais, il le perpétuera avec d'autres livres, avec d’autres ' Propos de Sartre, Astruc-Contat, Sartre wn film, 53-54. ~ JP. Sartre, entretien avec Michel Sicard, revue Obliqnes, op. cit., 20. * LP. Sartre, Les Mots, op. cit., 210, *S. de Beauvoir, La Force de l’age, ap.cit., 293. * Pour Sartre comme pour tout Ie monde, car, répétons-le, eest par Péeriture que, dans notre culture, saffimme et se munifeste, pour sot et pour les autres, une pensée. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Jeanson se dévoile « une signification positive »! : c’est dans le rapport 4 autrui que je me découvre. « Je esi un autre » : Rimbaud s’impose 4 Pardaillan. Sartre, au [lavre, se lie et est lié aux autres: 4 ses éléves, ol se rencontre lamitié avec Bost, au trio qu'il forme avec Simone de Beauvoir et 1a jeune Olga. Mais ces liaisons n’ont plus rien a voir avec les connivences entre « les petits camarades » de I'Ecole, Sartre est au milicu du monde, au milicu des hommes. Complétement dedans ot toujours dchors ; ectte posture sartricnne se conerétise dans La Nausée, Mais il faut encore insister sur les significations multiples des types sans importance sociale. La découverte de cette réalité sociale 1a, constitue de fait, pour Sartre, une prise de distance vis-a-vis de I’élite ct par rapport 4 son statut de professeur et d’intellectuel, Elle lui offre également une certaine consolation de ne pas encore Gtre reconnu comme un grand écrivain, 1 convient alors de relier l'ensemble : penser les différences ct les similitudes de (Sartre) Roquentin ct des types ordinaires. Mettre au jour ces similitudes et ces différences ouvre, déja, la perspective de l'approche par Sartre du marxisme ct aussi, aprés, ses liens avec les maos, au travers de la contradiction travailleurs manuels/travailleurs intellectucls, Contradiction qui, dés qu’il arrive au Havre, hante Sartre. Cette contradiction ne se présente encore, pour lui, que sous les traits de la contingence ct de l’absolu. Mais, déja, la synthése dialectique de Ja contradiction s*élabore dans la littérature et dans le relais — concret et jelé dans le monde ~ qu’elle offre & la philosophic, Néanmoins F. Jeanson l'affirmait déja, Sartre n’est pas dupe : Certes, il projette toujours, en 1935, de faire son salut en écrivant ;, mais il travaille a la version définitive de « Melancolia » (La Nausée), o& if désigne avec force Le absurde » fait de la « contingence », qui ne cesse de ressaisir « par-derriere » Vexigence absolue de donner sens & sa vie. Ft c'est en philosophe qu'il congoit ce roman (..).° Mais, dans cette partition des rdles, se pose 1a question du qui est qui et du qui fait quoi entre la littérature et la philosophie, entre l’absolu et la contingence, entre le manuel et V'intellectuel ? On voit bien que des cette gpoque ces réles individuels. théoriques et sociaux sont trop étroits. Passe encore de faire figurer la littérature en lieu et place de Vabsolu, mais la philosophic ne peut étre rangée du cété de la ''B. Jeangon, op. cit., 113. +B. Jeanson, Sartre dans sa vie, op. cit., 91-92 83 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. qui est la vision d'une certaine mélaphysique de la liberté et dont les limites ne sont pas moins révélatrices de vérités. | Mais Vobjet méme de Kristeva, la problématique qui donne le sous- titre & son ouvrage — pouvoirs et limites de la psychanalyse — impase quelques remarques. En effet, objet de Sartre est plus large, méme s'il reste littéraire, il est d’abord philosophique, mais aussi, déja, des traces de marques historiques et politiques sc donnent a lire dés La Nausée, Certes, on sait te choc que fut pour Sartre la découverte de Céline. Cependant, au travers de Pimpact littéraire, il faut voir davanlage ; une ceriaine fascination pour la radicalité du propos, pour le style, en tout cas plus qu’un symptéme de la solitude et de la dépression de individu Sartre. Rappelons, 4 ce sujet, le réle occasionnel aggravant de Texpérience, faite en 1935, de la mescaline afin de comprendre le rapport d’influences de hallucination sur la conscience. La condition premiére de Uhailucination nous parait étre une sorte de vacillation de la conscience personnelle. Le malade est seul, sey pensées s'embarrassent soudain, s’parpillent; a la liaison synthétique par concentration, se substitue une fiaison diffuse et dégradée par participation ; cette chute de potentiel améne dans la conscience une sorte de nivellation ; en méme temps et corrélativement la perception s’obscurcit et se brouille : objet et le sujet cisparaissent ensemble.? Comment ne pas, en écho, faire référence 4 Michaux et a cette formule de Maurice Blanchot sur la mescaline : « cette infinivertic, cle détranquillise ».? Et, certes, Sartre souhaite rompre avec toute tranquillité ; aventuricr, sans solde et fort peu discipliné. C'est 1 l'écriture vécue de L ‘jmaginaire et de La Nausée. Mais, la méme année, aprés de fréquentes et durables hallucinations, Sartre déclare 4 Simone de Beauvoir: «j’on ai assez d’étre fou. »* Est-ce a dire que Sartre va commencer sa prise de conscience d’étre-dans-le-monde ? En tous les cas, si l'on croil Sartre, sa conscience, comme toutes les autres, réagil. Thallucination implique une réaction brusque de la conscience au systéme partiel par une brusque concentration avec brusque reppropriation de Vunité thématique. > Et, Punité thématique, chez Sartre. c'est l’écriture. Bien stir par 14 on rotrouve Céline, certes.' Mais, on retrouve aussi, dans La Nausée, "J. Kristeva, op. cit,, 356, |B, Sartre, L ‘Imaginaire, op. cit, 203. ? M. Blanchot, « L’infini etl’infini », NR, N° 61, janvier L958, repris in Henri Michaux ow te refs de Venfermeni, Vours, 1999, 72. * Cité in M. Contat, M. Rybalka, Les Ecrits de Sartre, op. 3 JB. Sartre, L'fmaginaire, op. cit, 204. 87 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Et si la négation est fe principe inconditionné de toute imagination, réciproquement elle ne peut jamais se réaliser que dans un et par un acte d’imagination. H faut qu'on imagine ce que l'on nie. En effet ce qui fait Vobjet d'une négation ne saurait étre un réel puisque ce serait alors affirmer ce que l'on nie — mais ce ne peut étre un rien total puisque précisément on nie quelque chose. Ainsi Vobjet d'une négation doit étre posé comme imaginaire. | Or, le salaud, le bourgeois n’a aucune envie de prendre son monde récl pour de l'imaginaire ct i1 a encore moins envie de le nicr, Avec La Nausée, Sartre nous donne une description sociale et politique des salauds. Il nous fait méme visiter leur galerie de portraits du musée de Bouville. Les hommes {qui} ont construit Sainte-Cécile-de-la-Mer. Is ont fondé, en 1882, la Fédération des Amateurs et des Négociants de Bouville « pour grouper en un faisceau puissant toutes les bonnes volontés, coopérer a Uauvre de redressement national et tenir en échec les partis du désordre ». Hs ont brisé ta fameuse gréve des docks de 1898 et donné leurs fils @ la Patrie en 1914.7 Ce sont des Versaillais qui ont consacré leurs vies au rétablissement et au maintien de 1’Ordre. ’ Ils ont exereé leur rdle de chef, ils n’ont jamais douté ; ils n'ont méme jamais joui de leurs droits, jamais pris de plaisir, ils faisaient leur devoir, « car un droit n'est jamais que l’autre aspect d’un devoir ».4 Les salands n‘cxistent que par leur identification a leur pouvoir et a ses signes de reconnaissance. Le beau monsieur existe Légion d'honneur, existe moustache, c'est tout; comme on doit étre heureux de n’étre qu'une Légion d'honneur et qu'une moustache et le reste personne ne le voit, (..), ila la Légion d'honneur, les salauds ont le droit d'exister «j existe parce que c'est mon droit. »* Entre les salauds et Roquentin la difference réside dans la conscience Wexister qui suffoque ce derier, dans la prise de distance et le trop plein de monde qui s'y attache. D’od la nausée, car la nausée « c'est moi, et d'un coup existence vous coupe le souffle». C'est le prix 4 payer, le risque ou comme le dit Kristeva : « une nécessité des hommes lucides, que Sartre a affronté avec la force des pionniers capables de ' LP, Sartre, L Imaginaire, op. cit. 238. 2 JP, Sartre, Lire ef te Néant, op. cit., 119. § rid. 129. | Thi. V21 > thid., 143 91 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. que les Salauds — ceux du Coteau Vert et les autres — essaient de se cacher avec leur idée de droit." Ainsi, par cette découverte, Roquentin affirme une rupture d’avec le statut d’intellectuel : il refuse de faire partie plus longtemps de « la rare aristocratic de la pensée »*, du monde des dilettantes. Or, dans les années trente, cette aristocratie de la pensée qui, pour une part et par le biais de Staline, s’identifie aux « ingénieurs de l’esprit », ne fait que perpétuer la dichotomie de l’action et de la pensée. Sartre (Roquentin) conteste ee partage des taches. L existence n'est pas quelque chose qui se laisse penser de loin : il faut que ga vous envahisse brusquement, que ga s'arréte sur vous, que ca pése lourd sur votre cceur comme une grosse béte immobile — ou alors il n'y a plus rien dx tout? Sartre, affirme par I’écriture simultanée de L’Imaginaire, de La Transcendance de |'Fgo ct de La Nausée «Vimaginaire comme révolte ».* Mais, soutenons-le, cet imaginaire, cette révelte, cette expérience de la liberté, se jouent dans le monde et en conscience, In’y a pas d’issue : « l’existence est un plein que homme ne peut quitter». ° Répétons-lc : pour s’arracher du monde, il faut s"y plonger. Sartre, plongé dans le Havre, y plonge Roquentin pour mieux s’en arracher. Tel s’affirme Sartre, tel il cst Roquentin. comme il sera tous ses personnages de roman et de théatre. Parbleu : c’est que je les fais & mon image ; non point tels que Je suis, sans doute, mais tels que j'ai voutu étre. * Mais Sartre n’est pas Roquentin : J'ai désinvesti mais je n'ai pas défroqué : j'écris toujours. Que faire d'auire ?” Effectivement, Sartre, lui, écrira le Ffaubert ; et il écrira et militera pour et avee des hommes sans importance sociale. Pour cela il tui faut devenir Sartre. Aussi quitte-t-il Roquentin en gare de Bouville, en instance de départ pour Paris, et - peut-Cure ? - essayant de justifier son existence par un livre ... Est-ce que je ne pourrais pas essayer ... ? Il faudrait que ce soit un livre ; je ne sais rien d'autre. (..), Un livre. Un roman, Et | Ibid, 181. * Selon la formule d’Henri Beérenger. Cf. Ch, Delporte, Intellectvels et politique, op. vit, 12-13 J.-P, Sartre, La Nausée, op. cit., 182. * J. Kristeva, Sens ef non-vens de la révolie, op. cit. 348. * JP, Sartre, La Nausée, op. cit., 185. 6 JP. Sartre, Les Mots, op. cit., 198. *thid 241. ig aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. plus tard, importance du Jouraal de Gide, a la fois sur le plan des idées développées, que sur celui du style littéraire. La lecture du journal de Gide me fait constamment sentir que je ne sais pas ce que c'est que bien écrire. (...) Pour moi, mon style a une odeur organique, (...). Les honnes phrases de Gide n'ont pas d’odeur,! Enfin, on fe sait, il y aura chez Sartre, durablement, le respect pour Vauthenticité de Gide, pour ses refus d°étre complice, en U.R.S.S., au Congo, pour son refus du silence qui entoure la détresse ot Pisolement d’Artaud, pour son refus, face aux sommations de Paul Claudel, @expliquer ou d’excuser son homosexualité.” Et, plus généralement, parce que : Toute la pensée francaise de ces trente derniéres années, qu'elle le voulit ou non, quelles que fussent par ailleurs s autres coordonnées, Marx, Hegel, Kierkegaard, devait se déjinir aussi par rapport & Gide. * Gide plait @ Sartre ct l’influenee, car il déplaisait ct dérangeait les « salauds ». Wa su réaliser contre ui Cunion des bien-pensants de droite ef de gauche. Enfin, Gide, pour Sartre, identifie engagements et authenticité par sa démarche rigoureuse : (...) i nous a appris ou réappris que tout pouvait étre dit c'est son audace — mais selon certaines régles du bien dire — c’est sa prudence. Et: Ceite audace précautionneuse devrait éire une « régle pour fa direction de esprit » + retenir mon jugement jusqu’a l’évidence et, lorsque la conviction est acquise, accepter de payer pour elle jusqu ‘au dernier sou, * Enjin, fen tout et] en un moi, ila vécu ses idées ; (...)" Mais revenons & La Nausée, En 1938-1939, la réception par le public de La Nausée, via différentes critiques du livre, va coller 4 Sartre une image 4 laquelle, pour une part, il ne s‘attendait pas : celle d’un type ' JP. Sartre, Carnes, ap. cit., 65. ?M, Winock, Le siécle des intellectuels, Paris, Seuil, 1997, 188-159. * J.P. Sartre, « Gide vivant ». Situations, IV, Paris, Gallimard, 1964, 86, * Bhid., 85. § pid. 88. © thie, 87. * sbid., 88. 99 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. vision qu’il a du poids. de Vimportance du réle dv social ct de Vhistoire, el sa méconnaissance de Vhistoricité, ainsi que son indifférence (voire son mépris) pour la politique. Comment peut-il mettre en avant I'intérét du matérialisme historique comme une hypothése féconde de travail, savoir si bien repérer le poids du conditionnement social de l’existence (et le mettre en ecuvre dans La Nausée), et vivre, semble-t-il, 4 cété de histoire ? Si ce décalage existe, la premiére explication réside dans ce que Sartre diagnostique dans le « procédé efficace » de Dos Passos ; le poids du social, de histoire, on ne le pergoit pas. Par la méme, nous risquons fort d’étre englués dedans, alors qu'on pense s’on Gtre arraché dehors. Certes, Simone de Beauvoir nous dit que la guerre d’Espagne les a hantés, & cette poque, mais ils passent leurs vacances en Italie pendant que les troupes d’élites du Duce contribuent & écraser la République espagnole. A cette explication du poids insidieux de tout environnement historique, il faut ajouter un certain me, héritage de Ecole normale supérieure. Tout cela, nombre de lettres de Sartre Yattestent. Et, rétrospectivement, on prend toute la dimension de fa question d’un Mare Bloch, et l'on sait tout le tragique de la réponse .. Neéanmoins, ce serait faire un bien mauvais proces 4 Sartre que lui reprocher son manque d’engagements politiques a cette Epoque. D’une part, Sartre est loin d’étre le seul intellectucl 4 rester en marge de Vhistoire, Raymond Aron en témoigne : Je ne pris aucune part aux déhats politiques et intellectuels entre 1934 et 1939, mais je suivis les événements avec tant de passion au cours de ces années maudites, que je crois nécessaires de les évoquer. Aron consacre un chapitre de ses Mémoires a expliquer ce non- engagement politique, mais il fait en méme temps comprendre comment Ic poids de l'histoire engage déja ; Sartre, avec Les Chemins de la liberté affirme déja cette réalité. Telle est la dialectique du dedans ct du dchors : quand il est dedans le monde, au milicu des hommes, Sartre pense plus, écrit plus et de fagon la plus profonde. C'est la qu'il s’arrache et attcint le dehors. Ce fut le cas au Havre. ce le sera pendant la guerre. Au contraire. quand Sartre est, ou se croit, dehors, protégé du social, par I'Beole puis par son statut de normalien agrégé et d’écrivain reconnu, il est Ic plus souvent cnglué dans le das Man. Si l'on ne congoit pas ce dépassement dialectique ~ au sens du Aufhebung de Hegel - on ne peut ni comprendre ce décalage entre sa pensée et sa vie (dans les années trente) ni appréhender sa conception de ‘engagement. On prend alors le risque de recouvrir le projet sartrien par la seule figure 'R. Aron, op. cit, 131 103 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. délibésément dans Mhistoire », ' Est-ce 4 dire que histoire était absente de La Nausée ? A recomposer le projet sartricn et 4 (re)lire la lettre de Sartre 4 Paulhan, on ne peut répondre que non. Non, histoire n'est pas zbsente de La Nausée. Elle s’y trouve, elle s"y Tit : trace fulgurante de histoire immédiate et sanglante qui se joue dans les rues de Berlin; longue description de l'histoire des luttes de classes sur Ies docks a la fin du XIXe si¢cle; de la guerre de 1914-1918 avec les souvenirs de Vautodidacte. Et, enfin, rappelons Roquentin écrit un livre Whistoire. C'est bien Ma justement que réside Ie dévalage : 'wuvre de Sartre est plus avancée que le citoyon Sartre ; Michclet et Bloch se rejoignent. Mais, l‘ceuvre fait le citoyen, !'ceuvre conduit 4 l’engagement. Et ce trajet est rendu possible car engagement ne se réduit pas & un acte : Tétre-dans-le-monde est engagé. [| reste a savoir, a choisir, sil convient de refuser ou d’assumer cet engagement. Sarire n’est pas, en 1938-1939, un philosophe qui écrit des romans sur Phistoire et sur 'engagement, il est un homme situé (parfois « stupéfait » - sclon le mot de Jean Pouillon — par sa situation) qui situe et se situe dans le monde. dans le social, dans histoire, IL n'y a pas de séparation chez Sartre entre Phomme et Pouvre, il y a continuité, chaotique, d'un livre a autre. Rt cette absence de séparation se lit, d’abord, dans lecuyre of) elle est condition de l’ceuvre : « Comme romancier, Sastre n’avait jamais séparé le réel de la fiction, et il ne croyait pas qu'un écrivain dit le faire.»? Et effectivement c'est toute sa vie, tous ses amis et toute Mhistoire qui passent dans Ley Chemins de la Liberté, qui se donnent a lire dés les premiéres pages de L’dge de Raison. Et, comme Antoine Roquentin, Sartre est ct n’est pas Mathieu Delaruc. Hl reste, également que le fait de ne pas ignorer histoire et d’étre dans le social, n’implique pas de devoir s’y soumettre ou d’y adherer. On peut méme penser qu'une des premi¢res manifestations de Sartre vis-d-vis du social cst un engagement a lui résister. C’est-a-dire affronter le fiew commun en tani qu'il est impossible de lui échapper. C’est ce qui fera, pour Sartre, Tintérét de l’écriture d’une Nathalie Sarraute, Elle ne veut prendve ses personnages ni par le dedans ni par le dehors parce que nous sommes, pour nous-mémes et pour les autres, tout entier dehors et dedans a la fois. Le dehors, c'est un terrain neutre, c'est ce dedans de nous-mémes que nous voulons étre pour les autres ef que les autres nous encouragent a étre F, Noudelman, « Histoire et idéulugie dans Les Cheminy de la Liberié », Etudes Sartriames 1, Editions de Vimprimerie de Paris X, 1984, 93. 2), Gérassi, op. cit., 38 107 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Tongue, je commencerai le second volume. De ce cété-la, je wagnerai plutdt du temps sur la vie civile, ' Sartre se réfugie dans Tecriture et (gaiement?) constate: « Finalement je travaille plus ici qu’a Paris. »” Mais, une fois de plus, ce refuge n’est pas une fuite, c’est la construction d’une réflexion sur le monde de la guerre qui va aboutir au « Projet @écrire un journal »*. Aussitét dit, Sartre se met au travail: il replonge dans ['écriture simultance ; i] reprend sa réflexion sur l'authenticité, sur engagement, au milieu des hommes, en les observant et en s'observant, Affects & un poste de sondage, Sartre va en profiter pour sonder la vie militaire, ses compagnons, I’étro-on-guerre ct lui-m Il va effectivement mettre en cuvre, A l'aide des procédés techniques patticuliers qu'il posséde (philosophic, psychanalyse, marxisme), Vexploration locale et méthodique d’un milieu. C’est par cette activité, discursive, réflexive, rédigée jour aprés jour, que la philosophic de Sartre se redéploie, qu’elle se prolonge et qu’elle dérange. Car, des cette époque, si la philosophie de Sartre est uttaquée, si elle dérange, c’est parce qu’elle pousse. Elle pousse dans le monde, elle pousse au milicu des hommes; et elle les pousse encore plus dans le monde, cn sce poussant elle-méme cn son corps social, cn son quotidien, Ainsi, philosophie pratique, elle enjoint 4 la pratique, a unc pensée pratique qui, seule, transforme les hommes, les change, les désigne, les oblige & se voir, a se regarder. Mais, il reste que c’est & cux de se faire : salauds ou authentique: tisfaits et/ou lucides. C’est, nous semble-t-il, ce que les Carnets de la dréle de guerre et la correspondance avee Simone de Beauvoir qui les introduit, les commente, les jalonne, nous donnent a lire dans une perspective qui, au fur ct a mesure, se construit, a Brumath, 4 Morsbrona, jusqu’au Stalag. Et les regards que cette philosophie provoque et qu'elle réfléchit, découvrent 4 Sartre d’autres dimensions de fa réalité humaine, de sa complexité, et de sa propre vie. Jean-Paul Sartre se pose des questions : comment vivre sous les auspices de la mort ? Qu’est-co que 1’ guerre? Comment vivre avec des hommes indifférenciés dans ce «collectif impersonnel » ?* C’est dabord & partir de ve collectif, ct on- P. Sarire, lettre 4 Simone de Beauvoir (7 sept. 39), Letrres au Castor et & quelques autres, op. cit., 284. * J.-P. Sartre, lettre 4 Simone de Beauvoir (12 sept. 39), Lettres au Ce quelques autres, op. cit, 291 * pbid., 292. 4 JP. Surtre, Carnets de la dréle de guerre (septembre 1939 — mars 1940), op. cit. 22. stor et a ul aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. Le doux Pieterkovski me dit: « if faut prendre les gens comme ils sont ». Eh oui, mais je suis persuadé jusqu'aux moelles, que Jes gens ne sont pas, ifs font! Entre ces deux lettres, entre ces deux moments, il y a la réalité du Sartre « fait » et la nécessité, pour lui, d'analyser comment on est fait, pour, 4 partir de celtic réalité-l4, pouvoir se faire, C’est tout un travail de dégagement-perception-projection que Sartre entreprend. Se dégager de sa vie antérieure pour pouvoir projeter sa vie. Seulement ce travail ne se satisfait d’aucun volontarisme, il ne suffit pas de décider d’étre autre pour le devenir, C’est Brunet disant 4 Mathicu: « Je ne te prends pas pour un salaud. Simplement tu es moins dégagé de ta classe que je ne croyais »2 Bt Sartre de constater + Ma vie passée m'accroche comme une leiyne. Je n'ai accepté de fa quitter sans regret qu'en espérant que je la retrouverai iefle quelle? Va-el-vient du présent-passé-présent, oit il convient dans le présent de comprendre le passé, afin, justement, de le dépasser, ct ol, dans ce dépassement présent, on s’apercoit que le passé ressurgit dans V’instant présent. Mais déja certains changements se font jour : Moi qui suis pludt malpropre de ma personne, depuis ta mobilisation je me lave, me rase, me brosse les dents avec scrupule, C'est pour imiter Stendhal qui se rasait chaque jour pendant ia retraite de Russie. Ma homme volonté est grande mais elle se donne subrepticement des modéles.* Le stoique se heurte a la réalité (et a la nostalgic) de sa vie d’avant- guerre.” Et, d’ailleurs, n’est-il pas trop tard pour changer ? En 194, je serai trop vieux pour connatire Vivresse du changement, si quelque chose change ; ce n est pas que j'ai tant dannées derriére moi mais j'ai une je suis fait. Les renonciations du moment présent et toutes ces transformations que jobserve en moi sont & l'intérieur de cette vie. Castor, Wanda, Bianca, mon roman, sont mes points cardinaux. El si méme j'essaie de me préparer a la mort, c’est toujours au sein de celte vie que je my prépare.® ‘JP, Sartre, lettre a Simone de Beauvoir (27act, 1939), fhicd,, 382. IP. Sartre, L ‘age de raison, op. cit.. 131. > J.P. Sartre, Carnets de fa dréle de guerre, op. cit., 32. * Ibid. * phid., 36. “ Thid., 37. 118 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. le haissable et avec authenticité ».' Néanmoins, Sartre s’attache encore & Fattitude du stoique, il veut |"endurer. et la comprendre faute de pouvoir me perdre, faute de pouvoir en appeler contre elle & l'avenir. Je suis un conservatew Je veux conserver le monde tel qu'il est, ion parce qu'il me parait bon — au contraire — je le juge ignoble mais parce que je suis dedans et que je ne puis le déterminer sans me déterminer avec hi” De questionnements en analyses, de constais en réflexions, Sartre ne parvient pas & décider s'il doit ou non s¢ débarrasser du stoicisme au profit de Vauthenticité.? Il faudra encore quelques jours et une lettre de Simone de Beauvoir’, pour que Sartre mvirisse ses réflexions, pour que son imaginaire s‘incarne: « Vous m’avez vivement intéressé dans ce que vous dites sur nos responsabilités vis-a-vis de la génération apeés nous, Vous avez absolument raison. »° Bt le méme jour dans son camet, Sartre éerit : Le Castor m'écrit hier qu'elle a des remords vis-a-vis de Bost. (...) Je n'avais jamais envisagé les choses ainsi. (...) Visedevis de Bost je suis coupable, Et quand ai-je faulé ? Des que j'ai pu raisomer et avoir tie opinion politique.’ Coupable de n'avoir rien fait, de n’avoir rien entrepris pour faire reculer la guerre, coupable de n’avoir pas compris qu'il était responsable parce qu engage. Ce que je pense, c’est qu'elle [la guerre] est de ordre des grands irrationnels, la naissance, la mort, la misére. la Lhid., 90. * phid., 101. * Ihid., 124. * Simone de Beauvoir, Letires d Sarire, Paris, Gallimard, 1990, 169 : « C'est comme du remords que j’ai en face de Ini [Bost], quand je pense que nous nous fetrouverons vous et moi et done que nous serons heureux pendant qu'il pourrira dans un tron. Je sais bien qu'on n'y pouvait rien, mais nous sommes quand méme de fa génération qui aura laissé faire — ¢a me semble bien comect noue attitude qui est de refuser de bouger, en politique, & condition de tout accepter uussi sans riler comme un caluclysme auquel on n’a pas pris part ~ c'est correct ef satisfaisant quand on pense a soi, mais des types jeunes, qui n’ont pas eu ie temps de lever un doigt, c’est tellement injuste. On ne powvait rien faire, je n'ai pas de remords de n’avoir rien fait, mais j'ai du remords en pensani que c'est un autre qui paiera pour noire impuissance. » J.-P. Sarire, lettre 4 Simone de Beauvoir (16 oct, 39), Lettre au Casior et é quelques autres, op. cit., 356. © 1.-P. Sartre, Camets de dréle de guerre, op. cit. 135 119 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. T'intérieur et doit étre cependant assumé : la mort ». Sartre rejette 1’étre- pour-la-mort au profit, on fa vu, d'un étre-pour-la-vie. Car, la mort ne révéle rien, clle ne peut constituer mon projet puisqu’elle m’advient par hasard. Par contre, faire de sa vie une totalité maitrisée constitue un projet. Et un projet qu'il faut finir; si on meurt ayant, c'est par « distraction ou par sénilité», Ainsi, mener 4 bien son projet dans le monde, dans Iladversité, dans la résistance au monde et du tnonde, revient non seulement a faire sa vie (2 etre un étre-pour-la-vie) mais a la faire contre la mort, & « étre Libre contre la mort ».! Le projet se fait dans le présent, il est dans Ie présent, ec qui revient & la nécessité de l’arrachement dans ce présent. Et par Harrachement au (re)saisissement du passé, se rompt le va-el-vient (présent-passé- présent), ce n’est plus un simple aller-retour : dans le présent s’élaborent les possibles de \'avenir, Car, comme le dira Sartre, dans £ Eve et le Néant, « le futur n'est pas, il se possibilive »2 Or, rappelons-le, la mort n'est pas une des possibilités de l"homme, elle n’est qu’une donnée biologique, si elle hante son projet elle ne le révéle pas. Ainsi, la mort n'est pas ma possibilité de ne plus réaliser de présence dans ie monde, mais une néantisation toujours possible de mes possibles, qui est hors de mes possibilités.’ C’est done bien aujourd’hui, dans le présent de la vie que les procés se gagnent ou se perdent. Le présent donne son sens au passé et c’est toujours 4 partir de ce présent que se fondent mes possibilités futures qui ne sont pas encore. De la notre attente ct notre engagement : Notre vie n'est qu’une longue attente: atienie de la réalisation de nos fins, d’abord (étre engagé dans une entreprise, c'est en attendre Vissue)e Ce qui dans les Carnets se définissait déja comme (ipséité’ se retrouve : « étre-soi, c’est venir a soi ».° Mais ccuc altente a’est jamais passive. La réalité-humaine, du présent, se projette dans l'avenir, pour un présent autre. Cee vic n'est pas une méditation végétative dans Vattente de la mort qui viendrait, enfin, donner un sens a la vie. Absurdité inacceptable : le mort ne révéle rien, au contraire, elle dte toute signification. La vie doit done se faire contre a mort, la vie se fail en conscience, librement, constamment et au présent, projef. Et le projet est dans le monde, il se concrétise 4 travers une situation. ‘JB, Sartre, Carnets de la dréle de guerre, op. cit., 56 2 J.-B, Sartre, L'Bire et le Néani, op. cit., 174, > pbid., 621. 4 Wid., 622. 5 JB. Surtre, Carnets de la dréle de guerre, op. cit., 228. *{-. Sartre, Lbitre ot fe Néant, op. cit., 622 123 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. monde atin de se fonder. Il faut tenir ensemble la liberté, la vie, Pauthenticité, Et le fil conducteur, la continuité, s’appellent la liberté. Puisque, par elle, dans fa vie se réalise ou non Mauthenticité. Au sein de sa situation de soldat, Sartre, saisi par l’histoire, découvre, par et avec les autres, une morale de la responsabilité L’intérét premier de cette découverte réside dans sa réalisation par autrui et dans "impact qu’elle provoque chez Sartre, Mistler m’a dit: « Depuis que je te connais je ne suis plus le méme homme. J’élais parti pour la guerre, désespéré, pensant : voilér deux ans ou plus de foutu et je reviendrai abimé — ef tu mas expliqué que e'était ma guerre, te me las fail sentir et c'est prodigieux ce que j'ai changé. 4 présent ca m’intéresse et je comprends que ga fait partie de ma vie ». Mon nez remue en vous écrivant ca mais sur-te-champ, j'ai rougi, quoique flatté, j'ai eu cette drdle d'impression — que j'ai toujours en pareil cas — que ces remerciemenis s’adressaient non a moi, mais a un personage que je feignais d'étre, que j’éais un misérable polichinelle jouant t'és bien la comédie. En méme temps tout de meme j'ai pensé que c'était une belle épreuve pour ma morale nouvelle si, simplement mon exemple et quelques conversations pouvaient rendre totalemeni la sérénité a un homme de quarante ans qui ade la bonne volomé. Vous avouerez que c'est bien autre chose que d’enthousiasmer quelques adolescenis. Du coup au retour j'ai Vu cette morale que je pratique depuix trois mois sans en avoir fait la théorie — au contraire strict de mes habitudes.! Qu’importe que, six jours plus tard, Sartre prétende avoir achevé sa morale” alors, comme on le sait, qu’il n’en finira jamais avec elle. Ce qui se révéle, ce qui porte dans cette découverte, c'est : 'authenticité, la responsabilité de Sartre ; et ce qui commence d’Gtre emporté e’est le personnage de Sartre. Ce personnage depuis le 2 septembre 1939, jour apres jour, a partir de la nostalyie de la vie d’avant, & partir du constat de ce qu’it était fait, il I'a débusqué sans pitié. Dans et par I'écriture d’abord (et toujours) mais aussi (et pour longtemps) dans sa vie. El il sait A présent qu’il ne peut faire abstraction des autres ; il est « engagé en autrui » et ainsi dans fa liberté et sous le regard — aimant — de I’autre s’opére le changement et refluc l’inauthenticité, ' JB. Sartre, lettre & Simone de Beauvuir (3 déc. 39), /hid. + J.-P. Sartre, lettre 4 Simone de Beauvoir (9 dée, 39), thid., 469 127 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. dans-le-monde. Or, s’engluer dans Ie monde cela revient a le fuir, a s'abstraire des hommes, 4 se croire supérieur par la science (ou par la conscience). Mais, pour Sartre il n'est plus temps de chercher un refuge (« la tour d'ivoire de la consvience »), étre-dans-le-monde lui impose W@assumer la réalité du monde en tant qu'elle est réalité humaine, sans renoncer ~ loin du sérieux — a jouer, A prendre des risques, 4 parier Je voudrais qi'en renoncant & la tow d'ivoire, te monde nvappartt dans sa menagame réalité ; mais je ne veux pas pour cela que ma vie cesse d'étre un jeu. C'est pourquoi je souscris 4 la phrase de Schiller: « L'homme n'est pleinement homme que lorsqu'il joue »! Fr, c’est contre «le sérieux de pisse-froid >» qu'il faut s’engager — seul au besoin — ct s*engager politiquement : Pour ce qui est de ta politique, n‘aie pas peur, J’irai seul dans cette bagarre, je ne suivrai personne et ceux qui voudront me suivre me suivront. Mais ce qu'il faut faire avant tout c'est empécher les jeunes gens qui sont ancrés dans celle guerre & Vage oi fu es entré duns fautre d’en sortir avec des « consciences matheureuses ». Cela n'est possible, je crois, qu’é ceux de leurs ainés qui auront fait cette guerre avec etx.” Totalement dedans ef totalement dehors et, par 1a méme, imperméable a tout déterminisme, a toute loi scientifique ou historique, chaque fois, c’est totalement libre qu’on joue son coup. Chaque engagement de Sartre s¢ fera comme Vexplique J. Pouillon, « an coup par coup »*, au travers de toute situation, au travers de tout passé. Cait dga, on I’a vu, ce que Roquentin soutenait contre les salauds ; il n’y a pas d’excuses dans le passé. Sartre ne se dédie pas mais, la encore, it précise : J'avais pressentie cette Jaiblesse désarmée du passé, dans La Nausée, mais j'avais mal conclu, jiavais dit que le passé s’anéantit, Cela n'est pas vrai il existe toujours au contraire. Tl existe on soi. Seulement il n’agit pas plus sur nous que s'il n'existait pas. Ca n'a aucune importance d'avoir ce passé-ci ou ce passé-la, Tl faut, pour qu'il existe que nous nous jetions & travers hui avec un certain avenir. It faut que nous le reprenions & ' bid, 580. ? P-P, Sartre, fettre a Brice Parain (20 fev. 1940), Lettres au Castor et ad quelques autres, op. cit., T.2, 81-82. * J, Pouillon, « Sartre et la politique », op. cif, 121-122 131 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. semble-t-il. cette anecdote’ permet d’appréhender la totalité de la démarche de la pensée de Sartre + Grande conversation hier soir avec Grener, Avee ce gros homme brutal et grossier, qui rote et péte comme il respire, je fais la putain parce qu'il est ouvrier. (...) Malgré une certaine répugnance physique pour son odeur et sa graisse, je veux lui plaire et j'y réussis d ailleurs sans petne car if est flatté que je lut parle. Hier il était disert. (...) Je n'ai pas trop de mal &l’écouter, ailleurs ; il m’intéresse. H hait et méprise les secrétaires, et mi'explique son orgueil de ienir lui-méme tout ce qu'il a. « Eux- autres, s’ils perdent leur métier, qu'est-ce que tu veux qu’ils fassent? Ils ne savent pas travailler de leurs mains, ils mendieront. Moi je vaux autant qu'eux. je sais tout faire. (..).» Je sens trés fort sa fierté d’étre entouré d'objets qui lui doivent leur existence, yu‘il a directement ou indirectement produits par la force de ses bras ; et aussi son sentiment de sécurité vis-a-vis des coups durs: if sen sortira toujours parce qu'il peut faire nimporte quoi ; son sentiment de vivre dans un monde hostile et catastrophique qu'il faui et qu’il sait dompter et son mépris des freluquets secrétaires, qui ne peuvent vivre quau sommet dune société matelassée et en ordre,” I est possible que cet intérét de Sartre s‘apparente 4 une certaine culpabilité de n’6tre pas né prolétaire et rejoigne, de ce fait, toute une tradition de I intelligentsia, Mais, soutenons que ce n’est, pour Sartre, qu'un aspect secondaire (méme s’il existe). Ce qui fait sens est autre. Il réside dans l’écoute de Sartre; I’écoute dune revendication d’une identité et d'une critique sociale qu’il entend chez Grener. Sartre écoute cet homme qui lui répugne. Or, Sartre l'avoue : Le Castor m’a souvent dil que je n’écoute pas les histoires qu'on me raconte. C'est un peu injuste mais enfin j'écoute assez mal et fréguemment je m'agite sur ma chaise en attendant que le récit suit termine. Et Sartre n’aime pas les hommes, « les males de l’espéce ». Alors ? Ce signe d’intérét, cette écoute s*incarne dans le choix, revendiqué par cet homme, de sa condition d’ouvrier et, par elle, de ne tenir que de lui- méme. Avec, en prime, cctte conscience qu’il convient de se faire dans, ' Nous employons le mot dans Lacception que lui donae A. Maurois : «comprendre a travers une anecdote Ja totalité d'un mouvement». (A. Maurois, De Gide & Sartre, Paris, librairie acadéimique de Perrin, 1965, 291) 1 4.P. Sartre, Carnets, op. cit., 617-618. 2 thie, 520. 435 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. un passage 4 l'acte de Sartre qu’on assiste. lorsqu’il labore son évasion et sa premiére piéce de théatre. Sartre va: « modifier la figure du monde, (...) disposer des moyens en vue d’une fin»'. La fin c'est la liberté, incarnée dans ccs hommes, ces cmbryons de résistance, et les moyens sont multiples : écrire, bien sar (de la philosophie - LFire et fe Néant -, du théatre — Bariona -), mais aussi ces causeries philosophiques ot sorganisent, ainsi, par la réflexion et la discussion, la Résistance ; la liberté. Autant d'actes comme, « l"expression de la liberté. »’ Cette liberté west pas unc donnée abstraite, inconditionnge, elle nest pas le résultat d’une construction idéale ou le rdésultat de déteminations multiples. Elle a’esé pas, car clle a é se fatire dans le monde réel ct non dans un monde révé. Je me choisis tout entier dans le monde tout entier, Cela signifie que expression, par mes actes, de la liberté ne supporte pas de décalage entre la conception et la réalisaiion, elle impose gue nous la faisions exister par notre engagement méme et nous ne saurions done la saisir gu'en la vivant.” Enfin, comme nous le savons, « il n’y a de liberté qu’en situation et il n’y a de situation que par Ja liberté »* et Sartre prisonnier est en situation. C’est done bien concrétement que se pose, pour lui, le probléme du pow-soi ct de sa liberté, C'est aussi par rapport & ce probléme concret, que doit se regarder la trace de la continuité de Peeuvre de Sartre et de sa vie : voir clair en soi-méme et se changer, se faire autre au milicu des autres ct avee les autres et créer de la pensée, sengager.” Et c’est tout aussi concrétement que Sartre a éprouvé sa liberté dans engagement au sein d’un monde résistant. Ine peut y avoir de pour-soi libre que comme engagé dans un monde vésistant. En dehors de cet engagement, les notions de liberté, de déterminisme, de nécessité perdent jusqu'a leur sens.® Pour Sarre: penser par soi-méme et choisir par svi-méme sont indissocizbles, ¢’est donc trés consciont détre engagé (embarqué dans- * JoP. Sartre, Lbid., 508. * J.-P. Sarire, Ibid, 513. > JP. Sartre, Ibid, 540. * J.-P. Sartre, Ibid , 560. * Nous ne faisons que reprendre, en la paraphrasant, cette réflexion de R. Redeker : « s’engager ainsi que Sartre le concevail, supposait continuer A créer de Ja pensée, (...). (R. Redeker, « L*hurmanitaire devant Vavenit », Les Temps Modernes, numéro du einquantenaire, mars-avril-mui, 1996, 327). * Dhid., 363 139 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. gaiement, au grand soulagement de Gaston Gallimard qui déclara « celui-la, ’est un vrai démocrate ! »! Le décalage sera constant et le restera, Les deux hommes se rencontreront, ils ne s’entendront pas. Il faut constater ces divergences, et, comme les paralléles, elles se prolongcront a l’infini, Le reste pourrait, et selon nous devrait, n’6tre affaire que de goit : on préfére L Espoir & La Nausée, ou Les Chemins de fa Liberté & La condition humaine ; et Von peut méme concevoir Waimer les deux. Mais hélas, Pidéologic veut sa part ot les jugements se font péremploires ; ainsi, pour Lyotard, Malraux aurait été plus lucide que Sartre, car lui: «il avait comprit que le temps n’était plis aux grandes luttes » et il allait se refuser & jouer ce réle d’intellectuel de gauche. Ft Lyotard de préciser : « Sartre le jouerait A sa place comme on sait — en se trompant toujours ».? Voila tout est 1a, dans le dit et le non- dit: Sartre avait tort, Malraux raison. Cortes, dans la problématique de engagement, Malraux avait raison de se battre en Espagne et Sartre tort de ne pas étre de ce combat. I] n’est pas question de le nicer. Mais, d'une part la problématique de lengagement chez Sartre n'est pas réductible, on I’a vue, au scul engagement politique. D'autre part, ct sur ce plan de !'engagement politique, l’affirmation de Lyotard est, pour le moins, discutable’: était-ce avoir tort a la Libération de vouloir faire vivre et perpétuer l’idéal de la « République du silence », et, aprés, de refuser Madagascar, "Indochine, l’Algérie’ et le pouvoir gaulliste auquel] Malraux s‘était ralli¢ ? Ft dans ce ralliement, Malraux devait-il pousser la «Raison» jusqu’a faire interdire La Religieuse’ ? Enfin, sur ce point de Pengagement dans l'histoire ct dans la politique de refus qu’incarne la Résistance. signalors que Sartre fait partie, en 1941, des hommes qui cherchent a résister, qui cherchent a prendre contact avec la Résistance, sans exclusive, Sarire yout se lier aux hommes qui résistent, aux hommes du refus. Le colone! Berger, lui, n’est pas encore present. S. de Beauvoir, La Force des choses, op. cit., 186. > J.B. Lyotard, Signé Malraux, Paris, 1996, Grasset, 267. * Er discutée, comme le prouve la critique de Lacouture du livre de Lyotard. CE son article dans Les Temps Modemes, N° 600, juillet-aott-septembre 1998, en particulier la page 327. * Alors, de E, Mounier qui, dans le numéro de la revue Esprit, en février 1945, se dit révolutionnaire 4 tous les signataires du Manifeste des 121, les « torts » ont été, largement, partagés. 5 Malraux avait-il raison le 30 mai 1968 de deéfiler 4 la téte d’une foule, dont toute une purtie scandait « Cohn-Bendit & Duchau », « Sartre uu poteau» ? Les biographes. parfois, ont des trous de mémoire. 143 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. 1941, compte une cinquantainc de membres, en juin, cludiants, enseignants, littéraires, scientifiques, marxistes et des non marxistes. Sartre, en accord avec Merleau-Ponty, convient que cette différence doit s’exprimer, ainsi I’éditorial du bulletin sera rédigé une fois par un marxiste et la fois suivante par un non marxiste. Sartre veut développer fe groupe et le lier 4 d°autres. Toujours en juin 1941, Sartre rencontre Jean Cavaillés, « Socialisme ct Liberté» fournira des informations 2 «la Deuxiéme Colonne» de Cavaillés. Mais les informations sont limitées, les actions de « Sovialisme et Liberté » aussi. Aucune est sans risque. Aux vacances d’été de 1941, Sartre passe cn « zone libre » pour développer « Socialisme ct Liberté». Sur la recommandation de Cavaillés, il rencontre le résistant Pierre Khan, condisciple de 'Ecole. Par son intermédiaire, il s'adresse 4 Daniel Meyer et demande des directives. Danicl Meyer conscillera 4 Sartre d’écrire 4 Léon Blum pour son anniversaire ; Sartre le quitte décu. I va trouver Gide qui n'a pas @idées précises sur la conduite a tenir, Ml se rend alors auprés de Malraux qui le régale dun poulet roti, mais ne peut lui préconiser dactions efficaccs. De retour 4 Paris, fe constat est sans appel ; aucun lien na été tissé, « Socialisme et Liberté » reste isolé. Aprés la rupture du pacte germano-sovictique, Ie contact avec les conmunistes sera un échec total. En ces temps de clandestinité et de répression, la méfiance (bien Iégitime) des résistants communistes se congoit. La réponse ealomnicuse (combien illégitime) nc s*embarrasse ni d’enquéte ni de finesse dans l’analyse : Sartre aurait été libéré par les Allemands afin qu'il leur serve d’indicateur. De fait, complétement marginalisé, tes membres de « Socialisme ct Liberté» prennent des risques sans la moindre efticacité ; le groupe se dissout. Sartre est ramené a des formes d’engagements qu’il pratique depuis longtemps : la philosophic, lécriture. Dans ce contexte de la Résistance, ce retour de Sartre vers |'écriture doit se lire comme ce mouvement que décrit Christophc Bident & propos de Maurice Blanchot: « Eerire ce mouvement incessant de I’écriture a fa vie, de la vie a I’écriture (...) ».! Sartre éerivant La Nausée, dans le monde du Havre, découvre et décrit existence de la vie; de 1a vie de tous les hommes et de la sienne Immergé dans la vie de tous les hommes L’ceuvre en se faisant fait Vhomme; clle fait le résistant, Ecrire, ¢’est résistes, Ecrire, c'est, toujours témoigner. Ainsi, comme le montre Georges Jean, a travers les sidcles ct les cullures, la mémoire des hommes se forge par l’écriture”, "Ch. Bident, dawice Blanchot partenaire invisible, op. cit., 9. CFG. Jean, L'éeriture Mémoire des hommes, Paris, Gallimard, 1987 147 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. fe plus immédiat, au cocur de ce qu'il appeluit finalement l'exister (le Da-sein) et il cherchait les formes de cet enracinement.! L'Institution n'aima pas le livre. I faut, sa décharge, reconnaitre que Sartre n'épargne pas les tenants de la «philosophic digestive ». Seul, ou presque, Bernard Groethuysen trouve Je livre « absolument prodigicux ». Mais Grocthuysen est top hégélien pour avoir une queiconque influence sur la Sorbonne, oii le néokantisme régne, Et puis comment les professeurs de la Sorbonne pourraient-ils aimer Sartre, ect ingrat ? Car PTnstitution aurait pu tout pardonner a Sartre (on pardonne sa dissipation au premier de la classe): yon refus de ("idéalisme, son rejet du psychologisme, sa critique de Bergson, etc. A Vimage de Brunschvieg qui, en juin 1939, au détour d'une rencontre, prend Sartre pour Nizan’ et Ic félicite d’avoir écrit Les Chiens de garde, bien que raconte Sartre, Brunschvicg ajoute ; « (...) sans amertume » yous ne m'avez, pas épargné» »? L'Institulion pout tout pardonner, saul Vindifférence a son égard. Or, en décembre 1939, alors que Sartre est mobilisé, Jean Wahl contacte Simone de Beauvoir ; Sartre doit présenter L'Imaginaire comme thése, tout est arrangé, et il viendra prendre sa place a la Sorbonne ou au Collége de France ; ct Simone de Beauvoir dajouter: «tel que c’était présenté, ga semblait un rien tentant. »* Sartre ne fera aucune démarche a ce moment pour accélérer ee projet? Tl est relaneé par une lettre de Paulhan (du 7 mars 1940) : « Wohl songe & vous faire docteur malgré vous, d’accord Branschwieg. 1 s‘agirait de transformer L'Imaginaire en these, vous n'auriez rien a faire pour cela qu’a retarder un pet sa publication. » Parbleu, voila comme j'aime qu'on me traite. Me conférer une dignité malgré moi, en sexcusant presque.” De fait, Sartre répond. Mais il écrit a Paulhan, a la NRF, pas & Wahl (encore moins 4 Brunschwicg), pas la moindre trace de remorciement ou d'intérét pour ces démarches. Certes, deux mois plus tard, alors qu'il Gchafaude « un livre de philosuphie sur le Néant », il Gerit A Simone de ' Bbidd. ? J.-P, Sartre: « Nous étions liés : au point qu'on aous prenait l'un pour l'autre ; indiscernables. » Préface a Aden Arabie, (Paris, La Découverte, 1960, 14). Did. 14, *§, de Beauvoir, lettre a Sartre (3 décembre 1939), op. cit, 322. * Sartre répondra 4 Simone de Beauvoir qu'il trouve Vidéo de Wah! « parfaitement irréalisable ». (JP. Sartre, lettre du 5 décembre 1939, op. cit., T.1, 460). ne s'étend pas sur le suet, ne manifeste aucun regret; pas davantage plus tard, torsqu’il saura que le projet est « dans Ie lac ». (ef. lettre a Simone de Beauvoir du 24 mars 1940, op. cit, T.2., 148). * JP, Sartre, Carnety de fa drdle de guerre, op. cit..393 ISL aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. La situation dans laquelle Bariona fut représentée en 1940 dans un camp de prisonniers dans UAllemagne nazie a certainement réclamé une clandestinité par la nécessité de masquer |'intention politique du sujet pour le faire passer par la censure allemande. It n'y a pas de dowte que ce besoin de clandestinité a contribué & un approfondissement du lien entre les ypectateurs.! Les contraintes de la clandestinité imposent a Sartre d'inscrire Faction de ses pitces dans le monde sacré, mythelogique, et non dans le monde historique. C'est aussi dans le but d’unir les hommes, Si j'ai pris mon sujet dans la mythologie du christianisme, cela ne signifie pas que la direction de ma pensée est changée, JSitt-ce un moment, pendant la captivité. H s'agissail simplement, accord avec les prétres prisonniers, de trouver un sujet qui pit réaliser, ce soir de Noél, l'union la plus large des chrétiens et des incroyants.? Aucune conversion du projet de Sartre, aucune quéte de salut, en effet : Le monde sacré est abandonné pour le monde historique. Ce monde historique dépasse |’événement historique particulier de Vexploitation de la Judée par la Rome et, dans une vaste synihése, le passé rejoint le présent et déborde Uavenir : (...) Vhistoire de l'occupation de la France? Ainsi le mythe est un véhicule d’idées, il est projet-projeté pour la conscience, il est une arme pour la Résistance. Dans ces deux premidyes pisces de Sartre, le mythe véhicule la clandestinité auprés du public, Le mythe projette, comme il Ia toujours fait, en philosophie, depuis Platon, certaines caractéristiques de la destinée humaine. Enfin, et on le sail pour Sartre ce n’est pas tien, le mythe recourt 4 l'imaginaire: par cette conscience-imageante se projec le refus, la Résistance. La liberté, dans te théatre de Sartre se met en scéne et se met en actes dans le monde réel. Soutenons que Venjeu pour Sartre n’est pas moindre. Face 4 cet enjeu, Sartre utilise le mythe de fagon délibéréc, Pour toutes les raisons qu’on a dites, mais aussi cn philosophe, dans lacception que nous en donne Paul Ricoeur : « Le mythe sera envisagé comme une forme de discours qui éléve une 'R, Peters, « Bariona entre Brecht et Sartre », Obliques, numéro spécial Sartre, op. cit. 132. 2) -P, Sartre, texte du 31 octobre 1962 pour la premiére édition de Bariona, M. Contat, M. Rybalka, Les Ecrits de Sartre, op. cit, 565. °R. Peters, op. cit, 137. 155 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. se revendiquer: «Dun hout a V’autre de la guerre, nous n’avons pas Tecommu nos actes, nous avons pu revendiquer leurs conséquences. »! Pourtant, cette piéce a, effectivement, des conséquences collectives, elle veut agir sur la collectivité. Nous étions en 1943 et Vichy voulait nous enfoncer dans te repeniir et dans la honte. En écrivant Les Mouches, j'ai essayé de contribuer avec mes seuls moyens a extirper quelque peu cette maladie du repentir, cet abandon a la honte qu’on sollicituit de nous.” Le véritable drame, celui que j'aurais voulu écrire, c'est celui du tevroriste qui, en descendant des Allemands dans la rue, déclenche lexécution de cinquante otages* Hi fallait alors redresser le peuple francais, lui rendre courage. Oreste, c'est le petit groupe de Francais qui commirent des attentats contre les Allemands et portérent ensuite en eur cette angoisse du repentir, cette tentation d'aller se dénoncer.‘ Mais, cette action individuclle, minoritaire « qui s’est offerte au martyre, délibérément et sans espoir, suffit ampiement a racheter nos faiblesses. »* Les actes des résistants « font d’une vie Pimage d’une verité. »® Ainsi, ces actes individuels et leurs conséquences, sur soi- méme ct pour autrui posaicnt la question méme de la liberté ; ct ainsi : Nous étions au hord de la connaissance la plus profonde que Vhomme peut avoir de lui-méme. Car ie secret d'un homme, ce nest pas son complexe d’Edipe ou d'infériovité. c'est la limite méme de sa liberté, c’est son pouvoir de résistance aux supplices et @ la mort. (...) dans la solitude, dans le délaissement le plus complet (...). Pourtant, au plus profond de cette solitude, ¢ était fes autres, tous les autres, tous les camarades de résistance qu’ils défendaient ; (...). Cette responsabilité totale dans ta solitude totale, n'est-ce pas le dévoilement meme de notre tiberte ?” Ainsi, chacun réalisait son réle historique. Chacun d'eux, contre les appresseurs, entreprenait d’étre — tui-méme, ' |-P, Sartre, « Paris sous l’occupation », op. cit., 37. ? 4... Sartre, of. La Croix, 20 janvier 1951, cité par F, Jeanson, Sartre dans sa vie, ap. cit, 140. ° JP, Sartre, interview carrefour, 9 septembre 1944, “JP. Sartre, Ley Mouches (représentation de la piéce a Berlin, en 1948), * JP. Sartre, « Paris sous occupation », op. cit, 42. “ @ Réponse a Alberl Camus », Situations, 1V, op. cit., 118, * «La République du silence » (Lettres rangaises, 1944), Situation cit, 13 HI, op. 159 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. haine de autre. Alors, comme F, Jeanson |'interpréte. l'enfer ¢’est cette « mort vivante 4 quoi se condamnent les hommes lorsqu’ils renient [eur propre liberté et s'efforcent de nier celle de leurs semblables ».' Bien évidemment, i] y aun licn fort entre L'Erre et le Néant et Huis-Clos, mais ce lien, le rapport aux autres, doit aussi s’envisager dans ce contexte historique. Cette mort vivante Sartre l'explicite > Crest une mort vivante que détre entouré par le souci perpétuel de jugemens et d'actions que l'on ne veut pas changer. De sorte que, en vérité, comme nous sommes vivants, j'ai voulu montrer par Labsurde Vimportance chez nous, de la liberté, cvest-é-dire Pimportance de changer les actes par d'autres actes. Quel que soit le cercle de Venfer dans lequel nous vivons, je pense que nous sommes libres de le briser. Et si les gens ne le brisent pas, c'est encore librement qu'ils y restent? Pour Sarire, l'important c'est la liberté ct l'important ce sont les autres : « les autres sont, au fond, ce qui y a de plus important en nous- mémes, pour notre connaissance de nous-mémes. »* Les autres sont, certes, la condition de simttanéité' (et on a vu importance que Sartre y atiachc) mais ils sont aussi Ja médiation dont j’ai besoin « pour étre ce que je suis »’. Ce sont les autres, par et avec les autres qu’on se situe dans un espace hamain cl que s’y développe une hedologie, une connexion nerveuse. C'est qu'un étre n'est pas situé par son rapport avec les lienx, par son degré de longitude et son degré de latitude : il se situe dans un espace humain, entre le « cété de Guermantes » et « le cété de chez Swamn » et c'est la présence immediate de Swann, de la duchesse de Guermantes qui permet de déplier cet espace « hodologique » ot il se situe.” Dans cet espace hodologique, par ct pour les autres, nous nous trouvons, nous sommes hors de nous - quasiment au sens du « étre- hors-de-soi » que proveque la colere et qui jette vers (contre) l'autre — ct nous existons. A chacun, individuellement, de faire que cette existence soit un paradis ou un enfer. Mais, nous le savons, Sartre n'a aucune illusion du salut, l’athéisme est un des acides qui ont rongé. C'est done dans le monde vivant des vivants que les combats (les paris) se perdent 'B Jeanson, Sartre par luieméme, op. cit., 30. * J.-P, Sartre, préface parlée 4 l'enregistrement de Huis-Clos, M. Contat, M. Rybalka, Les Lerits de Sartre, op. vit. LOL. > Ibid. 4 JP. Sartee, L ‘Ewe et fe Néant, op. cit, 325. * Ihid..349. * Bid, 339. 163 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. aa You have either reached a page that is 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Je me dis que la seule chose Gi faire, c'est de souligner, de mettre en valeur et de soutenir de toutes ses forces ce qui, dans les situations politiques et sociales particuliéres, peut amener une société dhommes libres. Si on ne fait pas ¢a, on accepte que homme soit de la merde.' C'est aussi, pour Mericau-Ponty, Ie role méme de la philasophie : A lépreuve des événements, nous faisons connaissance avec ce qui est pour nous inecceptable et c'est cette expérience interprétée qui devient these et philosophie.* La philosophic n'a jamais été une école de Sacceptation, son inachévement cst un appel, un refus, disait Sartre, un labour disait Merleau-Ponty, Ces deux philosophes, ces deux amis, lappelaient aussi un engagement, unc « décision oli nous engagcons notre vie ». A bon entendeur salut ; l'aventure continue, ' pid. 217, 2M. Merleau-Ponty, Les Aventures de la dialectique, op. cit., Préface, 9. > M. Merleau-Ponty, Phénoménologie de la perception, Paris, Tel-Gullimard, Avant-propos, XVI 400 aa You have either reached a page that is unavailable for viewing or reached your viewing limit for this book. LA LETTRE OU LE CORPS ? VIVRE ET FAIRE VIVRE L'AVENTURE DIALECTIQUE LES MOTS DE L'AN'TICOLONIALISME, SARTRI LTHUSSER : L'IMPOSSIBLE DIALOGL SARTRE ET LES MAOS : LES DERNIERS DES JUSTES ? L'ULTIME SYNTHESE OU LA DERNIERE AVENTURE CONCLUSION 385 397

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