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Les réformes de la protection sociale dans

les pays d’Europe continentale et du Sud


Panorama des enjeux et des stratégies
Peter Whiteford*

■ Introduction
Tous les États providence d’Europe sont confrontés à d’importants obsta-
cles qui résultent à la fois de tendances économiques et sociales passées et
de l’apparition de phénomènes nouveaux. Durant l’après-guerre, ils ont fait
de nombreuses avancées, le recul significatif de la pauvreté des personnes
âgées et l’extension de la couverture de l’assurance maladie à la majorité de
la population figurent parmi les plus remarquables. Mais la forte augmenta-
tion des dépenses de protection sociale dans tous les pays européens a de
nouveau suscité des débats sur l’équité et l’efficacité de ces dépenses. En
outre, à partir des années soixante-dix, la transformation du contexte écono-
mique et social a entraîné l’apparition de nouveaux problèmes sociaux. Les
taux d’emploi des femmes ont certes augmenté mais ceux des hommes, des
jeunes et des travailleurs arrivant à dix ans de la retraite ont chuté. Dans la
quasi-totalité des pays européens, le nombre de chômeurs et la durée du
chômage ont fortement augmenté par rapport aux années soixante. Cette
hausse s’est produite dans un contexte de récession sévère, mais, dans de
nombreux pays, le chômage est resté obstinément élevé après le retour de la
croissance et n’a pas retrouvé le niveau antérieur à la récession. De plus, il
s’est concentré dans certaines catégories de la population et dans certaines
régions, ce qui a fait naître des inquiétudes sur les risques d’exclusion
sociale. Simultanément, le nombre de divorces et de familles monoparenta-
les a augmenté, ce qui a entraîné une plus grande vulnérabilité économique
des femmes et enfants concernés. Dans certains pays, les écarts de revenu
entre les travailleurs situés aux deux extrémités de l’échelle des rémunéra-
tions se sont creusés, même si, à la même période, l’écart de salaire entre les
sexes s’est réduit. Ces phénomènes se conjuguent pour mettre en péril cer-
tains aspects des systèmes de protection sociale actuels.
Plus récemment, dans les années quatre-vingt-dix, la plupart des pays euro-
péens ont connu une croissance soutenue. Après le ralentissement du début de
la décennie, la reprise est généralement allée de pair avec un recul du chômage
entre 1995 et 2001, plus particulièrement en Espagne et aux Pays-Bas. Le taux
d’emploi des personnes âgées de 15 à 64 ans a progressé dans la plupart des

* Administrateur principal, Division de la politique sociale, OCDE.

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pays (à l’exception de l’Autriche), gagnant trois points de pourcentage en


moyenne dans l’Europe des Quinze, contre seulement un point environ dans la
zone OCDE. Mais la croissance économique étant plus faible depuis 2001, le
taux de chômage a recommencé à augmenter dans certains pays, quoique à un
rythme moins rapide qu’au début des années quatre-vingt-dix.
Si l’on regarde maintenant vers l’avenir, tous les pays ont désormais pris la
mesure du défi posé par les évolutions démographiques. L’espérance de vie
s’est considérablement allongée dans tous les pays de l’Union européenne,
comme en témoignent la baisse des taux de mortalité à tous les âges, la
réduction nette de la mortalité infantile et l’augmentation des taux de survie
aux âges élevés. Dans le même temps, les taux de fécondité ont chuté et
sont désormais inférieurs au seuil de remplacement dans tous les pays
européens. Selon les projections, les taux de dépendance démographique
devraient enregistrer une hausse significative, passant de 24 % en 2000 à
près de 50 % en 2050 dans l’ensemble de la zone OCDE. Ils devraient
atteindre, voire dépasser, 60 % en Autriche, Italie et Espagne.
Beaucoup de pays européens connaissent déjà un vieillissement significatif
de leur population, en raison de la chute de la fécondité et de l’augmentation
de l’espérance de vie. Les effets de ces tendances se feront surtout sentir au
cours des deux à trois décennies à venir, lorsque la génération du baby-
boom entrera dans la classe d’âge des 65 ans et plus. Cette période sera tou-
tefois précédée par une augmentation de la part des personnes âgées dans la
population active, qui sera lourde de conséquences pour la taille et la com-
position de cette dernière. En outre, la longévité continuant de s’accroître,
les taux de dépendance démographique vont également continuer d’aug-
menter, même après le départ en retraite de l’ensemble de la génération du
baby-boom, à moins que les taux de fécondité n’augmentent.
Ces évolutions ont des implications majeures pour les systèmes de protec-
tion sociale (Union européenne, 2001). D’après les projections de l’OCDE
– qui tiennent compte des effets des réformes qui ont été adoptées mais
n’entrent que progressivement en application – les dépenses de retraite ris-
quent d’augmenter de 3 à 4 points de PIB en moyenne d’ici à 2050 ; les
dépenses de santé devraient progresser de 3 à 3,5 points et les dépenses de
soins de longue durée d’un point de PIB. Les projections prévoient certes
une diminution des dépenses d’éducation et de prestations familiales
d’environ un point de PIB, mais cette baisse risque de ne pas se concrétiser
en cas d’allongement de la durée des études, de hausse des dépenses de for-
mation ou d’augmentation de l’aide allouée aux structures de garde
d’enfants bénéficiant de subventions publiques (OCDE, 2005a).
Dans ce contexte, on risque d’assister soit à une hausse du coût des disposi-
tifs sociaux et, par conséquent, des cotisations et impôts nécessaires au
financement des prestations, soit à une réduction des prestations, soit à une
augmentation des déficits, soit à d’autres scénarios du même ordre. De sur-
croît, l’apparition de nouveaux défis ne signifie pas pour autant que les pro-
blèmes plus anciens aient tous été résolus. La transformation de la famille et

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Panorama des enjeux et des stratégies

du marché du travail a induit une augmentation de la pauvreté parmi les per-


sonnes en âge de travailler. Les défis posés par l’évolution de la démo-
graphie et du marché du travail ont donc conduit de nombreux pays
européens à engager, à partir du début des années quatre-vingt-dix, des
réformes de leurs systèmes de protection sociale.
Dans cet article, nous brossons d’abord un panorama des défis à relever
dans plusieurs pays d’Europe continentale (France, Allemagne, Belgique,
Luxembourg, Pays-Bas et Autriche) et d’Europe du Sud (Italie, Espagne,
Portugal et Grèce). Dans un deuxième temps, nous examinons le contexte
économique et social dans lequel s’inscrivent les réformes de l’État provi-
dence, en décrivant notamment les tendances et perspectives de la démo-
graphie et du marché du travail. Nous présentons ensuite l’évolution de la
distribution et du montant des dépenses de protection sociale ainsi que des
données relatives aux inégalités de revenu et à la pauvreté. La quatrième
partie est consacrée aux réformes engagées dans le domaine des retraites,
qui fait partie des secteurs où les réformes sont considérées comme indis-
pensables. Nous concluons en faisant ressortir les similitudes et les diffé-
rences entre les différents pays étudiés, à la fois en termes d’obstacles à
surmonter et de réponses apportées.
Notre objectif est de donner une description de certaines caractéristiques
des systèmes de protection sociale de ces dix pays, en partant de l’environ-
nement dans lequel ils fonctionnent, puis en décrivant leur fonctionnement
et enfin en évaluant les résultats des politiques sociales. Nous entendons
donc fournir des informations générales qui pourront être confrontées à des
analyses plus détaillées présentées dans des articles spécialisés ou traitant
de sujets plus spécifiques.
La majeure partie de la littérature récente sur les États providence euro-
péens fait référence à la typologie des trois mondes de l’État providence
définie par Esping-Andersen (1990) et enrichie ultérieurement – par
exemple par Ferrera (1996) et Moreno (1997) –, qui distingue les États pro-
vidence d’Europe du Sud de ceux des autres pays d’Europe continentale.
Nous n’abordons pas directement cette question ici, même si les comparai-
sons qui suivent mettent en lumière les similitudes et différences entre les
six pays d’Europe continentale et leurs quatre voisins sud-européens.

■ Contexte économique et démographique,


situation de l’emploi
Contexte économique
Le contexte économique de chacun des États providence européens diffère
sur bien des points (cf. tableau 1). Ainsi, les pays d’Europe du Sud – en parti-
culier la Grèce et le Portugal – ont un revenu national plus faible que ceux
d’Europe continentale, qui affichent tous un PIB par habitant supérieur à la

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moyenne des pays de l’OCDE, le Luxembourg arrivant en tête avec une


bonne longueur d’avance (malgré un écart important entre le PIB par habitant
et le PNB par habitant). Tous les pays européens, sauf l’Allemagne et l’Italie,
ont enregistré une forte croissance réelle entre 1995 et 2000, mais depuis
2000, l’activité connaît un net ralentissement, sauf en Grèce et, dans une
moindre mesure, en Espagne. La part du commerce extérieur dans le PIB est
plus faible dans les pays d’Europe du Sud, qui enregistrent tous un déficit de
leur balance des paiements courants, alors que tous les pays d’Europe conti-
nentale, à l’exception de l’Autriche, ont une balance courante excédentaire.
Au cours de la période 1995-2003, tous les pays d’Europe continentale ont
affiché des taux d’inflation assez similaires, les Pays-Bas se situant toutefois
au-dessus de la moyenne ; tous les pays d’Europe du Sud, en particulier la
Grèce, ont connu une inflation plus forte. La plupart des pays européens ont
un budget déficitaire, exception faite de la Belgique, du Luxembourg et de
l’Espagne ; en 2003, le déficit budgétaire a même dépassé 4 % du PIB en
France et en Grèce. En termes d’endettement public, le Luxembourg fait
figure d’exception ; il est en effet très peu endetté par rapport aux autres pays,
qui affichent une dette comprise entre 60 % du PIB (Allemagne, Pays-Bas et
Espagne) et plus de 100 % du PIB (Belgique, Grèce, Italie).

Tableau 1 : Quelques statistiques économiques, pays d’Europe continentale


et d’Europe du Sud, 2003
Solde de la balance
Part du commerce
Croissance réelle

Croissance réelle
du PIB, par an

du PIB, par an

Emprunts nets

Dette de l’État
extérieur dans

des paiements
par habitant

2000 = 100
courants

de l’État
le PIB

IPC
PIB

USD
(en 1995- 2000- % du % du % du
2003 1995 2003
PPA), 2000 2003 PIB PIB PIB
2002
Autriche 28 872 2,9 0,9 51,0 -0,6 93,3 105,9 -1,25 69,7
Belgique 27 716 2,7 1,0 80,9 3,1 92,1 105,8 0,31 104,9
France 27 217 2,8 1,2 25,2 1,0 94,2 105,8 -4,14 71,2
Allemagne 25 917 1,8 0,3 34,0 2,2 93,9 104,5 -2,82 65,2
Luxembourg 49 150 7,1 2,3 131,4 9,9 90,9 106,9 0,78 5,3
Pays-Bas 29 009 3,7 0,4 60,1 1,5 89,9 109,9 -3,22 63,2
Grèce 18 439 3,5 4,1 24,4 -6,5 79,0 110,9 -4,65 109,9
Italie 25 568 1,9 0,8 25,1 -1,5 88,7 108,1 -2,49 120,9
Portugal 18 434 3,9 0,3 33,4 -5,1 87,6 111,6 -2,81 70,3
Espagne 22 406 3,9 2,5 28,8 -3,0 87,9 110,0 0,41 59,4
OCDE 25 810 3,3 1,6 43,1 - 81,2 108,9 -3,68 -
EU 15 26 019 - - 48,1 - 90,6 108,9 -2,75 -
Source : Panorama des statistiques de l’OCDE (2005).

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Les recettes fiscales totales représentent 33 à 46 % du PIB ; elles sont plus


faibles dans les pays d’Europe du Sud que dans les pays d’Europe continen-
tale, sauf en Italie (cf. tableau 2). Elles ont augmenté partout sauf aux Pays-
Bas et cet accroissement a été particulièrement important en Grèce. La part
des cotisations de Sécurité sociale dans les recettes fiscales totales varie de
25 % à 40 % et est nettement supérieure à la moyenne de la zone OCDE
dans la plupart des pays d’Europe. Toutefois, aucune tendance commune ne
se dégage depuis 1990. La part que représente la fiscalité de l’État (par rap-
port à la fiscalité locale et régionale ou aux cotisations de Sécurité sociale)
varie considérablement d’un pays à l’autre, de 30 % en Allemagne à envi-
ron 65 % au Luxembourg, en Grèce et au Portugal. Le principal facteur
expliquant ces différences est le caractère fédéral ou non des pays. Les
coins fiscaux (Tax Wedges) – somme des impôts sur le revenu et des cotisa-
tions de Sécurité sociale en pourcentage du total des coûts salariaux – sont
généralement plus élevés en Europe continentale qu’en Europe du Sud,
exception faite de l’Italie ; en outre, ils ont eu tendance à augmenter davan-
tage en Europe continentale.

Tableau 2 : Systèmes fiscaux, pays d’Europe continentale


et d’Europe du Sud

Coin fiscal, Recettes


célibataires fiscales
Cotisations de percevant un salaire du
Total des recettes Sécurité sociale gouver-
égal au salaire de nement
fiscales (% du PIB) (% du total des l’ouvrier moyen central
recettes fiscales) (% des coûts (% du
salariaux) total)

1990 2000 2003 1990 2000 2002 1991 2000 2004 2002
Autriche 40,4 43,4 45,4 32,9 34,2 33,4 39,1 44,9 44,9 54,4
Belgique 43,2 45,7 45,8 33,2 30,9 31,6 53,7 56,2 54,2 35,3
France 43,0 45,2 45,0 44,1 35,9 37,0 - 48,2 47,4 40,7
Allemagne 35,7 37,8 36,8 37,5 39,0 40,3 46,4 51,8 50,7 30,0
Luxembourg 40,8 40,2 40,7 27,0 24,7 26,9 33,9 35,5 31,9 66,3
Pays-Bas 42,9 41,2 39,5 37,4 38,9 35,5 46,5 45,1 43,6 59,9
Grèce 29,3 38,2 36,9 30,2 30,8 32,8 33,0 36,0 34,9 65,3
Italie 38,9 43,2 42,0 32,9 28,6 29,4 48,8 46,7 45,7 53,9
Portugal 29,2 36,4 33,5 27,2 29,8 27,1 33,2 33,5 32,6 64,8
Espagne 33,2 35,2 35,2 35,4 35,0 35,3 36,5 37,6 38,0 37,6
OCDE 34,8 37,2 36,9 22,4 24,6 25,4 - - - 57,8
UE 15 39,4 41,2 41,0 28,4 27,7 28,1 - - - 56,1
Source : OCDE statistiques des recettes publiques, 1965-2003 ; Les impôts sur les salaires, 2003-2004.

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Contexte démographique
Depuis les années soixante-dix, les taux de fécondité ont chuté dans les dix
pays considérés, mais le classement des pays a changé : alors que les taux de
fécondité étaient dans les années soixante-dix plus élevés dans les pays
d’Europe du Sud, en 1990 la situation s’était inversée. De surcroît, de 1990 à
2000, les taux de fécondité ont augmenté en Belgique, en France, au Luxem-
bourg et aux Pays-Bas, mais ont continué à chuter dans les pays méditerra-
néens, ainsi qu’en Autriche et en Allemagne (cf. tableau 3). L’âge moyen à la
naissance du premier enfant a reculé dans tous les pays sans que l’on puisse
observer une corrélation évidente entre le recul de l’âge à la naissance et la
baisse de la fécondité ; en France, au Luxembourg et aux Pays-Bas, l’âge à la
naissance du premier enfant est plus élevé que dans les pays d’Europe du Sud,
sauf l’Espagne. De plus, les taux de naissance chez les adolescentes sont plus
élevés au Portugal, en Grèce, en Autriche et en Allemagne. Toutefois, les nais-
sances hors mariage sont beaucoup plus fréquentes en Europe continentale
qu’en Europe du Sud (en dehors du Portugal) ; elles représentent plus de 40 %
de l’ensemble des naissances en France, contre seulement 4 % en Grèce.
Les divorces sont beaucoup plus fréquents en Europe continentale qu’en
Europe du Sud (à l’exception du Portugal) et, assez logiquement, les famil-
les monoparentales sont également plus nombreuses ; en 2002-2003, elles
représentaient de 3 à 4 % de l’ensemble des ménages avec enfants en
Grèce, en Italie et en Espagne et de 12 à 14 % en Belgique, aux Pays-Bas et
en France. La composition des ménages varie également selon les pays, les
jeunes célibataires étant beaucoup plus nombreux à vivre chez leurs parents
en Europe du Sud. De même, une plus forte proportion de femmes âgées
seules (veuves, divorcées) vivent avec leurs enfants en Europe du Sud,
même si, sur ce plan, le Luxembourg et l’Autriche se démarquent des autres
pays d’Europe continentale.

Situation de l’emploi
L’examen des tendances du marché du travail appelle un constat identique à
celui qui vient d’être fait en matière de démographie et de composition des
ménages : les pays d’Europe du Sud présentent certaines similitudes entre
eux et se démarquent des pays d’Europe continentale (cf. tableau 4). Les taux
d’emploi sont en principe plus élevés en Europe continentale qu’en Europe
du Sud, mais le Portugal affiche un taux d’emploi supérieur à tous les autres
pays en dehors des Pays-Bas, où le travail à temps partiel est particulièrement
répandu. Les taux d’emploi ont progressé dans tous les pays entre 1990 et
2000, mais ils ont baissé dans les pays d’Europe continentale entre 2000 et
2004 ; au contraire, exception faite du Portugal, ils ont continué à augmenter
dans les pays d’Europe du Sud, même si le niveau de départ était très bas. De
1990 à 2004, c’est aux Pays-Bas et en Espagne que le taux d’emploi total a
enregistré la plus forte progression (respectivement 12 et 10 points), puis en
Belgique (6 points), en Grèce et en Italie (environ 5 points).

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Tableau 3 : Quelques statistiques sur la famille, pays d’Europe continentale et d’Europe du Sud
Femmes
Familles non mariées
Âge moyen Taux de monoparentales Célibataires de 65 ans
Naissances Divorcialité en % des de 16 à 29 ou plus
Taux de fécondité
à la naissance naissance hors
mariage pour 1 000 résidant
du premier chez les (%) habitants ménages/ leurs résidant
enfant adolescentes familles avec chez
parents chez un
enfants enfant
adulte
1970 1990 2000 1970 2000 1998 1980 2001 1980 2001 1990 2000 1999 1999
Autriche 2,29 1,45 1,34 - 26,3 14,0 17,8 33,1 1,8 2,5 15 16 13,9 15,8
Belgique 2,25 1,62 1,66 24,3 26,4 9,9 4,1 27,5 1,5 2,6 20 - 13,0 8,2
France 2,47 1,78 1,89 24,4 28,7 9,3 11,4 42,6 1,5 1,9 12 17 12,1 9,4
Allemagne 2,03 1,45 1,36 24,0 28,0 13,1 11,9 23,4 1,8 2,4 15 21 10,1 7,4
Luxembourg 1,97 1,60 1,79 - 28,4 9,7 6,0 22,3 1,6 2,3 5 4 12,9 17,0
Pays-Bas 2,57 1,62 1,72 24,8 28,6 6,2 4,1 27,2 1,8 2,3 13 16 8,5 1,4
Grèce 2,40 1,39 1,29 - 27,3 11,8 1,5 3,9 0,7 0,9 3 3 16,9 19,0
Italie 2,43 1,33 1,23 25,0 28,0 6,6 4,3 9,7 0,2 0,7 2 3 18,8 19,6
Portugal 3,01 1,57 1,52 - 26,4 21,2 9,2 23,8 0,6 1,8 10 - 19,8 22,1
Espagne 2,88 1,36 1,24 - 29,0 7,9 3,9 17,7 - 1,0 2 2 23,0 26,8
OCDE 2,70 1,90 1,60 24,2 26,9 15,8 11,2 29,5 1,8 2,0 12 14 –, -
UE 15 2,40 1,60 1,60 19,7 27,8 12,2 11,8 29,5 1,6 2,0 - - 14,1 13,4
Source : OCDE (2006, à paraître).
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Tableau 4 : Quelques tendances du marché du travail, 1990 à 2004 – Hommes et femmes – en pourcentages –

Chômage Activité Emploi


Taux d’emploi (%) Taux de chômage non
de longue durée salariée temporaire
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% de % de
1990 1995 2000 2004 1990 1995 2000 2004 1990 2004 l’emploi l’emploi
civil salarié
Autriche - 69,2 67,9 66,5 - 3,9 3,7 4,5 - 24,5 12,8 8
Belgique 54,4 56,6 60,9 60,5 6,6 9,7 6,9 7,8 68,5 49,6 17,8 9
France 60,8 59,4 61,7 62,8 8,5 11,1 9,1 9,7 38,1 41,6 8,8 15
Allemagne 64,1 64,9 65,6 65,5 4,8 8,0 7,2 9,5 46,8 51,8 11,4 13
Luxembourg 59,2 58,9 62,7 61,6 1,6 2,9 2,3 4,2 47,4 22,6 6,8 3
Pays-Bas 61,1 64,8 72,9 73,1 5,9 6,6 2,8 4,6 49,3 32,5 11,6 14
Grèce 54,8 56,4 55,9 59,6 6,3 9,1 11,3 10,5 49,8 54,7 39,8 13
Italie 52,6 51,2 53,9 57,4 8,9 11,2 10,1 8,0 69,8 49,7 27,5 10
Portugal 67,4 66,3 68,3 67,8 4,8 7,3 4,1 6,7 44,9 43,2 26,8 21
Espagne 51,8 47,2 57,4 62,0 13,1 18,8 11,3 10,8 54,0 37,7 18,6 33
OCDE 64,9 66,2 65,7 65,3 6,1 7,3 6,2 6,9 31,1 32,0 17,2 11
UE 15 61,6 59,1 63,7 65,0 8,1 10,1 7,6 8,0 48,7 42,4 16,2 -
Notes : le chômage de longue durée correspond à la proportion de personnes au chômage depuis douze mois ou plus par rapport au total des chômeurs.
Source : Perspectives de l’emploi de l’OCDE, diverses années.
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Le taux de chômage a augmenté dans les dix pays étudiés entre 1990 et
1995, généralement de manière significative, sauf aux Pays-Bas. Dans la
deuxième moitié de la décennie, le chômage a reculé partout (sauf en
Grèce ; de plus, en Autriche, la baisse a été modérée). Depuis 2000, le chô-
mage est en hausse dans tous les pays d’Europe continentale et au Portugal,
mais en baisse en Grèce, en Italie et en Espagne. La part du chômage de
longue durée (douze mois de chômage ou plus) représente plus de 40 % du
chômage total en France, au Portugal, en Belgique et en Italie, et plus de
50 % en Allemagne et en Grèce ; il représente entre 30 % et 40 % du chô-
mage en Espagne et aux Pays-Bas, mais moins de 25 % en Autriche et au
Luxembourg.
L’emploi indépendant est également beaucoup plus répandu en Europe du
Sud, bien que le niveau du travail non salarié de la Belgique se rapproche de
celui de l’Espagne, pays d’Europe du Sud où il est le moins fréquent. La
part du travail temporaire dans l’emploi total est particulièrement impor-
tante au Portugal et en Espagne et, à peu de chose près, aussi importante en
France, en Allemagne, aux Pays-Bas, en Grèce et en Italie. On peut en
déduire que l’emploi non temporaire représente entre 75 et 90 % de
l’emploi civil dans les pays d’Europe continentale, mais entre 50 et 60 %
seulement en Grèce, au Portugal et en Espagne, et 65 % en Italie.
Les différences de taux d’emploi entre les pays tiennent pour beaucoup à la
situation des femmes (cf. tableau 5). En général, les taux d’emploi des fem-
mes sont nettement plus faibles en Europe du Sud – là encore, le Portugal
fait exception à la règle, le taux d’emploi féminin étant nettement plus élevé
qu’en France ou aux Pays-Bas –. Hormis les quelques pays (Autriche, Bel-
gique, France et Portugal), où le taux d’emploi des femmes mères d’un
enfant est plus élevé que celui des femmes sans enfants, le taux d’emploi est
nettement plus faible parmi les femmes qui ont deux enfants ou plus et
parmi celles qui ont un enfant de moins de 6 ans. Les femmes sont beau-
coup moins nombreuses à travailler à temps partiel en Europe du Sud qu’en
Europe continentale, sauf en Italie ; le travail à temps partiel est toutefois
relativement peu fréquent en France. L’écart d’emploi entre les sexes (Gen-
der Employment Gap) et l’écart d’emploi des mères (Maternal Employment
Gap) – qui mesurent respectivement la différence de taux d’emploi entre
les hommes et toutes les femmes et entre les hommes et les femmes qui ont
des enfants – sont nettement plus importants en Europe du Sud (sauf au Por-
tugal) qu’en Europe continentale (sauf au Luxembourg). Toutefois, dans
les pays d’Europe du Sud, « l’écart d’emploi maternel » s’explique en
grande partie par l’écart d’emploi entre les sexes. En d’autres termes, c’est
le fait d’être une femme, plus que celui d’être une mère, qui explique la fai-
blesse du taux d’emploi féminin par rapport au taux d’emploi masculin.

33
RFAS No 1-2006

Tableau 5 : Quelques statistiques relatives à l’emploi des femmes, 2003-2004


Part de l’emploi
Taux d’emploi par catégorie (%)*
à temps partiel (%)
Le Le Le
Toutes Deux dernier dernier dernier Toutes
Sans Un
les enfants enfant enfants enfant a enfant a enfant a les
femmes ou plus moins moins plus de femmes
de 6 ans de 6 ans 6 ans
Autriche 75,8 79,5 79,9 67,6 70,6 39,9 38,7 29,6
Belgique 68,8 70,4 71,2 65,3 63,5 39,0 41,6 34,1
France 72,0 76,1 77,0 61,6 62,2 26,3 26,6 23,6
Allemagne 74,6 77,6 70,3 56,5 56,2 53,3 55,1 37,0
Luxembourg 64,6 71,2 67,6 51,2 57,7 43,6 47,9 33,3
Pays-Bas 74,5 76,8 73,8 68,6 69,2 80,6 75,6 60,2
Grèce 57,8 56,1 54,4 47,4 50,2 11,5 8,9 10,9
Italie 57,8 57,2 54,5 45,7 51,1 30,2 30,8 28,8
Portugal 74,9 72,3 78,6 74,9 77,3 8,3 10,1 14,0
Espagne 58,9 56,1 54,4 47,4 50,2 18,1 20,0 17,2
OCDE 64,8 75,1 71,3 61,7 56,1 31,5 30,2 25,41
UE 15 69,2 73,1 70,1 60,2 56,5 29,1 28,5 31,2
* En pourcentage des femmes âgées de 25 à 54 ans. Pour la France et le Luxembourg, tous les chiffres
se rapportent à 2002, pas à 2003.
Source : Perspectives de l’emploi de l’OCDE (diverses années), et enquêtes sur les forces de travail.

Les caractéristiques de l’emploi varient également de manière significative


selon les classes d’âge (cf. tableau 6), les « travailleurs âgés » – de 55 à 64
ans – se démarquant très nettement des autres. Globalement, c’est en Grèce,
au Portugal, aux Pays-Bas et en Espagne que les taux d’emploi des hommes
de 55 à 64 sont les plus élevés et en Autriche, en Belgique et au Luxem-
bourg qu’ils sont les plus faibles. Toutefois, dans les pays d’Europe du Sud,
les taux d’emploi de cette classe d’âge ont été orientés à la baisse durant les
années quatre-vingt-dix, alors que les tendances sont plus contrastées dans
les pays d’Europe continentale. Le taux d’emploi des jeunes (de 15 à 24
ans) varie également, de 21 % au Luxembourg à 66 % chez son voisin néer-
landais. Il est inférieur à 30 % en Belgique, en France, en Grèce et en Italie
et compris entre 30 % et 50 % au Portugal, en Allemagne et en Autriche
(dans l’ordre croissant).

34
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud
Panorama des enjeux et des stratégies

Tableau 6 : Taux d’emploi parmi les femmes et les hommes de 55 à 64 ans


et les jeunes (15 à 24 ans), 1990 à 2004
Femmes âgées Hommes âgés Jeunes
1990 1995 2000 2004 1990 1995 2000 2004 1990 1995 2000 2004
Autriche - 18,7 16,7 18,5 - 42,9 40,2 36,8 - 58,1 52,5 49,9
Belgique 9,4 12,7 15,4 21,2 34,3 34,5 35,1 39,3 30,4 26,6 30,3 28,1
France 28,8 28,9 30,3 36,8 43,0 38,4 38,5 44,5 35,7 22,0 23,2 29,5
Allemagne 22,4 26,8 29,0 29,8 52,0 48,2 46,4 48,8 56,4 51,2 48,4 41,9
Luxembourg 13,7 13,2 16,8 22,9 42,9 35,1 37,9 38,5 43,3 38,2 31,8 21,4
Pays-Bas 15,9 17,9 25,8 32,5 44,2 41,1 50,0 56,4 53,0 54,5 68,4 66,2
Grèce 24,0 23,8 24,4 24,0 58,4 58,9 55,3 56,3 30,3 26,5 26,9 27,4
Italie 15,2 13,5 15,3 19,6 51,9 44,7 40,9 42,2 29,8 26,1 27,8 27,2
Portugal 31,7 33,3 40,8 42,5 65,0 57,7 62,1 59,1 54,8 37,4 42,7 36,9
Espagne 18,0 17,5 20,1 24,6 57,3 48,4 55,2 58,9 38,3 25,9 36,3 38,4
OCDE 34,7 34,6 37,1 40,9 62,3 59,0 59,5 61,8 48,7 45,2 45,7 43,2
UE 15 24,9 25,7 28,4 33,2 53,2 47,7 48,5 52,2 46,3 38,8 38,7 40,7
Source : OCDE, Perspectives de l’emploi de l’OCDE, annexe statistique, diverses années.

La proportion de familles avec enfants dans lesquelles aucun adulte ne tra-


vaille est une préoccupation majeure pour les responsables politiques dans un
certain nombre de pays de l’OCDE. Globalement, ce problème se pose avec
plus d’acuité dans les pays anglophones, mais la situation des dix pays sur
lesquels porte notre étude est très contrastée. Le non-emploi est beaucoup
plus fréquent parmi les familles monoparentales que parmi les familles bipa-
rentales. Toutefois, les familles monoparentales ne représentant qu’une
minorité des familles avec enfants, le taux d’emploi des familles biparentales
peut varier considérablement. Le taux de non-emploi parmi les familles
monoparentales varie de 17 % en Autriche et au Portugal à 40 % au moins en
Belgique et aux Pays-Bas. De manière générale, le non-emploi parmi les
familles monoparentales est orienté à la baisse depuis le milieu des années
quatre-vingt-dix, sauf en France ; en outre, en Allemagne et en Grèce, la
baisse a été faible. Le taux de non-emploi parmi les familles biparentales est
plus élevé en Belgique – où il atteint 7 % – que dans les autres pays ; il a aug-
menté en Belgique et est resté relativement stable en Allemagne et en Grèce.

■ Tendances et caractéristiques des dépenses sociales


En 2001, les dépenses sociales brutes étaient comprises entre 19,6 % du
PIB en Espagne et 28,5 % en France, contre une moyenne de 22,1 % dans la
zone OCDE et de 24 % dans l’Europe des Quinze (cf. tableau 7). Sur une

35
RFAS No 1-2006

longue période, c’est en Grèce, au Portugal et en France que la hausse des


dépenses a été la plus forte. L’augmentation la plus importante est inter-
venue dans les années quatre-vingt en Grèce et dans les années quatre-
vingt-dix au Portugal. De 1995 à 2001, les dépenses ont baissé dans tous les
pays d’Europe continentale, de manière significative aux Pays-Bas, mais
limitée en Allemagne. En revanche, dans tous les pays d’Europe du Sud,
elles ont continué leur progression après 1995.
Les pays d’Europe du Sud consacrent une part plus importante de leurs
dépenses sociales au financement des pensions : en 2001, les pensions de
retraite, de survivant et d’invalidité ont représenté de 65 à 75 % des dépen-
ses sociales (hors santé) dans les pays d’Europe continentale, contre plus de
80 % dans les pays d’Europe du Sud, et 88 % en Italie. De plus, dans la
quasi-totalité des pays de l’OCDE, une part importante des dépenses de
santé concerne les personnes âgées – leur demande de soins étant plus
forte – ainsi, le rapport entre les dépenses de santé des personnes de plus de
65 ans et celles des personnes de 25 à 29 ans est généralement supérieur à
2,5 pour 1. Dans les pays d’Europe du Sud, en raison de l’importance des
dépenses sociales affectées aux pensions, celles destinées aux familles et
aux chômeurs sont plus faibles. Si l’on divise les dépenses consacrées à la
lutte contre le chômage (y compris les prestations et les politiques actives
du marché du travail) par le taux de chômage, le ratio obtenu est supérieur à
0,25 dans tous les pays d’Europe continentale et au Portugal (à noter qu’il
atteint 0,51 en Belgique et 1 aux Pays-Bas), alors qu’il n’est que de 0,05 en
Grèce, 0,11 en Italie et 0,19 en Espagne.
Plusieurs études récentes de l’OCDE nous ont amenés à modifier notre
appréciation de l’ampleur réelle des dépenses sociales (Adema et al., 1996 ;
Adema, 2001 ; Adema et Ladaique, 2005). Il en ressort principalement que
la prise en compte des prestations sociales servies par le secteur privé et de
l’impact du système fiscal sur les dépenses sociales, tend à égaliser le
niveau de l’effort social réalisé par les différents pays de l’OCDE. Globale-
ment, les gouvernements peuvent utiliser le système fiscal pour agir sur les
dépenses sociales au moyen de trois instruments fiscaux, dont l’impact
varie d’un pays à l’autre et peut être considérable :
1 – La fiscalité directe (y compris les cotisations de sécurité sociale) sur les
transferts en espèces : elle est supérieure ou égale à 2 points de PIB en
Autriche, en Belgique et aux Pays-Bas mais légèrement inférieure en
France, en Allemagne et en Espagne (Adema et Ladaique, 2005) ;
2 – La fiscalité indirecte sur les biens et services achetés par les bénéficiai-
res de prestations : elle est évaluée à plus de 2 % du PIB en Autriche, Bel-
gique, Allemagne, France, Italie et aux Pays-Bas et est proche de ce niveau
en Espagne ;
3 – Les allègements fiscaux à visée sociale (avantages fiscaux assimilables
à des prestations en espèces et avantages fiscaux destinés à promouvoir le
recours à des prestataires privés) : ils sont supérieurs ou égaux à 1 % du PIB
en Allemagne et en France.

36
Tableau 7 : Évolution des dépenses de protection sociale, pays d’Europe continentale et d’Europe du Sud, 1980 à 2001 (% du PIB)
Évolution des dépenses Répartition des dépenses, 2001
Différence
1980 1990 1995 2001 entre 1980 Vieillesse Survivant Invalidité Santé Famille ALMP* Chômage Autres**
et 2001
Autriche 22,5 24,1 26,6 26,0 3,5 10,7 2,7 2,5 5,2 2,9 0,5 0,8 0,6
Belgique 24,1 26,9 28,1 27,2 3,1 8,7 2,6 3,3 6,4 2,3 1,3 2,2 0,4
France 21,1 26,6 29,2 28,5 7,3 10,6 1,5 2,1 7,2 2,8 1,3 1,6 1,3
Allemagne 23,0 22,8 27,5 27,4 4,4 11,7 0,4 2,3 8,0 1,9 1,1 1,2 0,7
Luxembourg 23,5 21,9 23,8 20,8 -2,7 7,5 0,6 3,6 4,8 3,4 0,1 0,5 0,3
Pays-Bas 26,9 27,6 25,6 21,8 -5,2 6,4 0,7 4,1 5,7 1,1 1,5 1,3 1,0
Grèce 11,5 20,9 21,4 24,3 12,9 12,7 0,9 1,8 5,2 1,8 0,2 0,4 1,3
Italie 18,4 23,3 23,0 24,4 6,0 11,3 2,6 2,1 6,3 1,0 0,5 0,6 0,0
Portugal 10,9 13,9 18,0 21,1 10,2 7,9 1,5 2,5 6,3 1,2 0,6 0,9 0,3
Espagne 15,9 19,5 21,4 19,6 3,7 8,3 0,6 2,4 5,4 0,5 0,8 1,3 0,3
OCDE 17,9 20,9 22,9 22,1 4,2 7,6 0,9 2,6 5,9 1,8 0,6 0,9 1,4
UE 15 20,6 23,4 25,6 24,0 3,4 8,8 1,1 2,9 6,1 2,2 0,9 1,2 0,8
* ALMP : mesures d’activation du chômage.
** Autres : comprend les aides au logement. Les moyennes ne tiennent pas compte des pays pour lesquels les données ne sont pas disponibles pour les séries concernées.
Source : OCDE (2004), Base de données sur les dépenses sociales
(SOCX, www.oecd.org/els/social/expenditure).
Panorama des enjeux et des stratégies
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud

37
RFAS No 1-2006

La prise en compte du rôle du système fiscal se traduit par une réduction


substantielle du montant des dépenses mesurées dans de nombreux États
providence nordiques, si bien que la France et l’Allemagne arrivent en tête
des pays de l’OCDE en termes de dépenses sociales nettes.
En ce qui concerne les effets des dépenses sociales sur les inégalités et la
pauvreté, le tableau 8 présente l’évolution des inégalités de revenu mar-
chand et de revenu disponible, et l’évolution de la différence entre les deux.
L’inégalité de revenu marchand s’est aggravée en Belgique, en Allemagne,
en Grèce et en Italie (de manière plus marquée en Allemagne et moins
marquée en Italie) ; elle a reculé dans les autres pays mais ce recul est resté
limité, sauf aux Pays-Bas et en Espagne. Les inégalités de revenu dispo-
nible se sont atténuées dans la plupart des pays étudiés entre le milieu des
années 1990 et 2000, mais de manière modeste sauf en Espagne. Si l’on
considère que la différence entre les inégalités de revenu marchand et de
revenu disponible constitue une mesure de l’efficacité de l’État providence,
cette efficacité est restée stable ou s’est légèrement améliorée dans la plu-
part des pays ; cette évolution est restée limitée, sauf en Allemagne. Aux
Pays-Bas, la différence entre inégalités de revenus marchands et de revenu
disponible a chuté, mais cette baisse s’explique par une diminution des iné-
galités de revenus marchands, si bien que globalement, les inégalités étaient
plus faibles en 2000 qu’en 1995.
Tableau 8 : Tendances en matière d’inégalité de revenus, des années 1990
à 2000 et progressivité des transferts, 2000 – Cœfficients de Gini
1990 2000 2000
Pensionnés

Population
marchands

marchands
Différence

Différence
disponible

disponible

en âge de
transferts
Total des

travailler
Revenus

Revenus
Revenu

Revenu

Autriche - 23,8 - - 25,2 - -6,0 17,3 -1,6


Belgique* 50,1 26,0 24,1 52,7 27,2 25,5 -7,4 22,2 -9,5
France 49,2 27,8 21,4 48,7 27,3 21,4 -3,0 23,9 -7,1
Allemagne 44,9 28,3 16,6 47,7 27,7 20,0 -1,3 18,0 -6,5
Luxembourg (42,7) 25,9 (16,8) (42,1) 26,1 (16,0) -8,2 12,5 -3,4
Pays-Bas 41,8 25,5 16,3 36,7 25,1 11,6 -22,1 -0,9 -26,3
Grèce 44,6 33,6 11,0 46,6 34,5 12,1 17,2 23,6 21,8
Italie 51,3 34,8 16,5 51,8 34,7 17,1 14,8 20,7 19,6
Portugal 49,0 35,9 13,1 47,9 35,6 12,3 15,1 28,5 18,4
Espagne (38,7) 32,8 (5,9) (35,4) 30,3 (5,1) 5,4 13,0 8,4
OCDE 44,6 30,9 13,7 44,3 30,8 13,5 -6,5 12,0 -7,2
Notes : * les chiffres pour la Belgique correspondent à 1985 et 1995. Les chiffres entre parenthèses cor-
respondent aux revenus avant transferts, mais après impôts.
Source : calculs effectués sur la base de plusieurs vagues de l’étude de l’OCDE sur la distribution des
revenus.

38
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud
Panorama des enjeux et des stratégies

La progressivité du système de prestations sociales varie aussi d’un pays à


l’autre. Le tableau 8 présente également les coefficients de Gini pour
l’ensemble des transferts sociaux et pour ceux versés aux personnes qui ont
l’âge de la retraite ainsi que ceux destinés à l’ensemble de la population
active. Il en ressort que le système de prestations sociales est plus progressif
dans les pays d’Europe continentale que dans ceux d’Europe du Sud. Les
Pays-Bas ont, de loin, le système le plus égalitaire de tous les pays étudiés,
aussi bien pour les pensionnés que pour les personnes en âge de travailler.
Dans tous les pays, le système est moins égalitaire en matière de pensions
que de prestations servies à la population active. Exception faite des Pays-
Bas, tous les pays d’Europe continentale et d’Europe du Sud ont des systè-
mes comparables du point de vue de la distribution des pensions. L’utilisa-
tion d’un autre indicateur de la progressivité du système de prestations
sociales (prestations reçues par le décile le plus pauvre de la population rap-
portées à celles reçues par le décile le plus riche), montre qu’entre les
années 1980 et 2000, les systèmes néerlandais (déjà très progressif) et grec
(qui l’était très peu) sont devenus plus progressifs ; en revanche, les systè-
mes autrichien, italien et portugais sont devenus beaucoup moins progres-
sifs, tandis que la progressivité est restée stable dans les autres pays, même
si elle a connu des fluctuations. Globalement, la majorité des États provi-
dence continentaux redistribuent environ deux fois plus de richesses à la
population défavorisée que les États providence d’Europe du Sud.
La pauvreté est nettement plus élevée en Europe du Sud, où elle concerne
12 à 15 % de la population, contre 5 à 10 % en Europe continentale
(cf. tableau 9). Les taux de pauvreté des personnes âgées et des enfants sont
nettement plus élevés dans les pays d’Europe du Sud. Le taux de pauvreté
total a augmenté en Autriche et en Allemagne entre le milieu des années
1990 et 2000, tandis qu’il est resté stable ou a légèrement reculé dans les
autres pays. La pauvreté des personnes âgées a décru dans presque tous les
pays étudiés, sauf au Luxembourg où elle a légèrement augmenté et en
Espagne où elle a augmenté de manière significative. Le taux de pauvreté
des enfants est resté stable ou a baissé dans la plupart des pays, sauf en Alle-
magne où il a légèrement augmenté, et en Autriche où il s’est fortement
accru. À noter également que dans tous les pays sauf en Autriche, en Italie,
au Luxembourg et aux Pays-Bas, le taux de pauvreté des ménages dont le
chef de famille a l’âge de la retraite reste plus élevé que celui des enfants.

39
RFAS No 1-2006

Tableau 9 : Pauvreté, années 1990 et 2000 environ – Taux de pauvreté –


Pourcentage

Familles Familles
mono-
biparentales
parentales
Personnes Enfant
Total

Ne travaillant

Aucun adulte

Deux adultes
âgées

Travaillant

travaillent
Un adulte
travaille
actif
pas
Autriche, 1993 7,4 14,2 7,3 20,8 8,9 15,7 10,7 0,7
Autriche, 1999 9,3 8,6 13,3 67,6 23,3 35,6 12,7 8,6
Belgique, 1985 10,5 - - - - - - -
Belgique, 1995 7,8 13,5 4,1 22,8 11,4 16,1 2,8 0,6
France, 1994 7,5 10,3 7,1 45,1 13,3 37,5 7,3 2,1
France, 2000 7,0 10,1 7,3 61,7 9,6 37,9 6,3 1,6
Allemagne, 1994 8,3 10,0 10,6 61,8 32,5 44,8 5,6 1,3
Allemagne, 2001 8,9 10,0 12,8 55,6 18,0 51,5 6,4 1,9
Luxembourg, 1996 5,5 4,7 7,9 51,0 20,7 20,4 8,1 2,3
Luxembourg, 2000 5,5 6,0 7,8 66,3 31,4 20,8 8,5 2,9
Pays-Bas, 1995 6,3 1,8 9,1 41,3 17,0 51,4 4,7 1,2
Pays-Bas, 2000 6,0 1,6 9,0 42,8 17,7 50,7 7,8 1,7
Grèce, 1994 13,9 27,5 12,3 36,8 16,3 22,0 15,1 5,0
Grèce, 1999 13,5 24,4 12,5 18,8 20,0 13,4 16,8 4,8
Italie, 1993 14,2 16,4 18,8 78,7 24,9 69,8 21,2 6,1
Italie, 2000 12,9 15,3 15,7 76,8 13,4 61,1 23,9 1,6
Portugal, 1995 14,6 27,6 15,6 87,3 21,2 70,6 24,5 4,7
Portugal, 2000 13,7 25,4 15,6 84,8 20,3 50,6 32,4 4,8
Espagne, 1994 12,6 10,3 17,4 81,6 25,7 56,7 16,6 7,2
Espagne, 2000 12,1 19,0 15,6 68,2 32,8 64,7 18,1 4,7
Moyenne OCDE, 1995 10,4 14,1 11,4 45,8 17,6 37,3 12,2 4,4
Moyenne OCDE, 2000 9,9 14,2 12,3 55,8 16,6 40,8 12,6 3,4
Source : Förster M. et Mira D’Ercole M., (2005), Income Distribution and Poverty in OECD Countries
in the Second Half of the 1990s, Documents de travail de l’OCDE : Questions sociales, emploi et migra-
tion, no 22, Paris.

40
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud
Panorama des enjeux et des stratégies

■ Caractéristiques et réformes des systèmes


de retraite
Il n’est pas possible, dans l’espace qui m’est imparti, de présenter une des-
cription détaillée des systèmes de protection sociale de dix pays. Il est tout
aussi difficile de rendre pleinement compte de toutes les réformes de la pro-
tection sociale engagées au cours de la dernière décennie. Ainsi, l’étude
réalisée en 1998 par l’OCDE (Kalisch, Aman et Buchele, 1998) comporte
plus de 200 pages de tableaux et de graphiques ; des études plus récentes
portant sur les mesures adoptées en réponse au vieillissement de la popula-
tion sont encore plus volumineuses. Les rapports compilés dans le cadre du
International Reform Monitor de la Fondation Bertelsmann font plus de
soixante pages par édition et sont publiés deux fois par an. Compte tenu du
nombre de réformes et d’études qui leur sont consacrées, la présentation qui
suit, ne peut que donner un aperçu des approches adoptées.
Les tableaux 10 et 11 présentent les principaux paramètres des systèmes de
retraite, en tenant compte de toutes les réformes mises en œuvre ou annon-
cées. Les pays d’Europe continentale – exception faite des Pays-Bas – et les
pays d’Europe du Sud ont des systèmes de retraite comparables, d’inspira-
tion bismarckienne, caractérisés par l’existence d’un lien étroit entre cotisa-
tions et prestations. L’âge légal normal de la retraite est de 65 ans dans tous
les pays, sauf en France où il est de 60 ans et en Autriche où les femmes
peuvent prendre leur retraite plus tôt. L’âge de départ en retraite anticipée
varie de 55 à 63 ans. Tous les pays ont opté pour un calcul des droits sur la
base des salaires perçus pendant l’ensemble de la vie active, ou s’orientent
vers ce mode de calcul ; la Grèce et l’Espagne font toutefois exception à
cette règle, les droits étant calculés en fonction du salaire final. Le montant
des pensions servies par le premier pilier varie considérablement d’un pays
à l’autre (cf. tableau 11), le Luxembourg, le Portugal et la Grèce étant les
pays où elles sont les plus élevées, en termes relatifs. Les taux d’acquisition
des droits dans le deuxième pilier sont plus élevés dans tous les pays
d’Europe du Sud ; en outre, les plafonds sont également plus élevés en
Grèce et en Italie qu’en Autriche, Belgique, France ou Allemagne.

41
Tableau 10 : Paramètres des systèmes de retraite, pays de l’OCDE, 2005

42
Âge normal Âge de départ
de la retraite anticipé Conditions d’ouverture Mode de calcul
des droits du salaire de référence
Hommes Femmes Hommes
et femmes
RFAS No 1-2006

Autriche 65 60 180 mois d’assurance dans les 30 dernières années ou Les 15 meilleures années, passage à 40 années
300 mois sur l’ensemble de la vie active, ou 180 mois
de cotisation effective
Belgique 65 60 30 années de cotisation ; passage à 32 années en 2004 Salaire moyen calculé sur l’ensemble de la vie active
et 35 en 2005
France 60 37,5 années de cotisation, passage à 40 Les 20 meilleures années, passage aux 25 meilleures
années (secteur public)
Salaire moyen calculé sur l’ensemble de la vie active
(points ARRCO)
Allemagne 65 63 À partir de 63 ans avec 35 années de cotisation ou à Salaire moyen calculé sur l’ensemble de la vie active
partir de 65 ans avec 5 années de cotisation. (points)
Grèce 65 57 Pension minimum à compter de 65 ans avec 15 5 dernières années
années de cotisation ; sans condition d’âge à partir de
37 années de cotisation ; bonifications pour les
travailleurs exerçant des métiers dangereux ou
pénibles et les femmes ayant des enfants à charge ou
handicapés
Italie 65 60 5 années de cotisation minimum, à condition que le Moyenne sur l’ensemble de la vie active (comptes
montant de la pension soit égal à 1,2 fois le montant notionnels)
minimum de la pension d’aide sociale
Luxembourg 65 57 Retraite anticipée avec 40 années de cotisation ; Salaire moyen calculé sur l’ensemble de la vie active
10 années de cotisation à partir de 65 ans.
Pays-Bas 65 60 40 années de résidence, pension réduite au prorata de Salaire moyen calculé sur l’ensemble de la vie active
la durée manquante pour deux tiers des régimes ; salaire final pour les
autres (régimes professionnels)
Portugal 65 55 15 années de cotisation pour la retraite normale et 10 meilleures années parmi les 15 dernières années,
30 années pour la retraite anticipée. La durée passage au salaire moyen calculé sur l’ensemble de la
d’acquisition des droits est plafonnée à 40 années vie active
Espagne 65 60 15 années minimum, période d’acquisition des droits 15 dernières années
plafonnée à 35 ans
Source : OCDE, Les pensions dans les pays de l’OCDE : panorama des politiques publiques, 2005.
Tableau 11 : Principaux paramètres des retraites
Luxem-
Autriche Belgique France Allemagne Pays-Bas Grèce Italie Portugal Espagne
bourg
Premier pilier
(% salaire moyen)
Aide sociale - 23 - 24 36* - - 22 - -
Cible 37 - 31 - - 34 12 - 20 -
De base - - - - 12* 34 - - - -
Minimum - *31/38 29 - 46* - 40 - 44 33
Total des droits
(carrière complète) 37 38 31 24 46* 34 40 22 44 33
Deuxième pilier
Lié au salaire
Type PD PD PD/points Points PD PD PD C. PD PD
notionnels
Taux d’acquisition 1,78 1,50 1,25+0,5-1,4 1,00 1,85-2,05 *1,75/2,25 2,57 1,96 2,0-2,3 2,0-3,33
(% salaire de l’assuré) [w] [y] [w] [y]
Plafonds
(% salaire moyen)
Public 164 129 128 164 240* - 325 357 Néant 189
Privé/professionnel - - 385 - - Néant - - - -
Notes :
– : sans objet.
* Belgique : valeurs pour la pension minimum/les crédits minimum. Luxembourg : plafond basé sur la pension maximum. Pays-Bas : taux d’acquisition pour les régimes privés
reposant sur le dernier salaire/le salaire moyen.
Ces paramètres reposent sur les valeurs 2002, mais tiennent compte de toutes les réformes adoptées, même si elles n’entrent en vigueur qu’ultérieurement.
Panorama des enjeux et des stratégies
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud

Source : OCDE, Les pensions dans les pays de l’OCDE : panorama des politiques publiques, 2005.

43
RFAS No 1-2006

Les dix pays étudiés ont tous engagé d’importantes réformes de leurs systè-
mes de retraite (cf. annexe). Certains pays ont réduit le montant des pen-
sions, augmenté la durée de cotisation ou de travail requise pour obtenir une
pension, allongé la période utilisée pour calculer le salaire de référence.
D’autres ont renforcé le lien entre le montant de la pension et la carrière
accomplie par l’assuré. Au contraire, certains pays ont augmenté le niveau
des droits pour garantir l’adéquation des pensions de base. Dans la majorité
des pays, l’âge légal de la retraite a été relevé tant pour les hommes que
pour les femmes et a souvent été porté au même niveau, ou à un niveau
proche, pour les femmes que pour les hommes. Ces diverses mesures sont
allées de pair avec un resserrement des conditions d’accès aux pensions
anticipées et avec des mécanismes destinés à inciter les assurés à travailler
plus longtemps.
Il n’y a pas de différences significatives entre les pays d’Europe continen-
tale et ceux d’Europe du Sud en ce qui concerne le type de réformes privilé-
gié, ce qui s’explique peut-être par la similitude de leurs systèmes. La
Grèce est le pays qui est allé le moins loin sur la voie de la réforme, se
contentant de relever l’âge légal de la retraite, qui plus est de manière très
progressive. En revanche, l’Italie est allée plus loin mais, là aussi, le nou-
veau système n’entrera en vigueur qu’au terme d’une longue période de
transition. La mise en œuvre des réformes est au contraire plus rapide en
Belgique, Allemagne et au Portugal, tandis qu’elle est progressive et très
étalée dans le temps en Autriche.

■ Conclusion
Cet article a mis en lumière un certain nombre de points communs et de dif-
férences entre les États providence d’Europe continentale et d’Europe du
Sud. Il ressort d’abord de cette comparaison que les indicateurs examinés
ne corroborent pas tous l’idée selon laquelle chacune de ces deux familles
est homogène. Ainsi, le Portugal se démarque manifestement des autres
pays méditerranéens pour certains indicateurs, comme le taux de fécondité
et le taux d’emploi féminin, tandis que la Belgique et l’Autriche se rappro-
chent des pays d’Europe du Sud dans d’autres domaines. De même, l’État
providence néerlandais se distingue clairement des autres pays d’Europe
continentale sur certains points.
Il n’en reste pas moins possible d’identifier des traits communs au sein de
ces deux familles.
Pour les pays d’Europe du Sud, ces similitudes sont notamment les suivantes :
– malgré l’amélioration de la situation de l’emploi ces dernières années,
les pays d’Europe du Sud affichent toujours des taux d’emploi nettement
inférieurs à ceux des pays d’Europe continentale, en particulier en ce qui
concerne l’emploi des femmes. En outre, l’écart d’emploi entre les mères et

44
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud
Panorama des enjeux et des stratégies

les pères est plus important en Europe du Sud ; cette différence est néan-
moins en majeure partie imputable au niveau plus faible de l’emploi fémi-
nin en général ;
– le travail indépendant est plus répandu en Europe du Sud. Le travail tem-
poraire y est également beaucoup plus fréquent. Par conséquent, l’emploi
permanent représente une part nettement plus importante de l’emploi total
en Europe continentale ;
– en revanche, le taux d’emploi des travailleurs âgés de sexe masculin
(plus de 50 ans) tend à être plus élevé en Europe du Sud ;
– globalement, la fécondité a ralenti plus nettement en Europe du Sud. Il
s’ensuit que le processus du vieillissement de la population y est plus
avancé et va progresser plus rapidement dans les dix à vingt années à venir ;
– les ménages multigénérationnels sont plus nombreux et les familles mono-
parentales moins nombreuses en Europe du Sud qu’en Europe continentale ;
– certains pays d’Europe du Sud ont une dette publique plus élevée ; dans
ces pays, les recettes fiscales sont généralement plus faibles également ;
– les dépenses sociales sont moins élevées en Europe du Sud, mais elles
ont continué à s’accroître ces dernières années, alors qu’elles ont baissé en
Europe continentale ;
– en Europe du Sud, une part importante des dépenses est consacrée aux
pensions, tandis que les aides en faveur des chômeurs et des familles sont
plus limitées. L’aide sociale est également plus réduite ;
– les systèmes de prestations sociales sont moins progressifs en Europe du
Sud ; toutefois, les différences sont moins marquées en ce qui concerne les
pensions que les prestations destinées à la population active ;
– les inégalités de revenu et la pauvreté sont plus élevées en Europe du
Sud. Toutefois, aucune tendance claire ne se dégage dans ces deux domai-
nes depuis le milieu des années quatre-vingt-dix ;
– les régimes de retraite des pays d’Europe du Sud et d’Europe continen-
tale présentent des similitudes, puisqu’ils sont tous – à l’exception du sys-
tème néerlandais – de type bismarckien. La comparaison des réformes
engagées fait ressortir des différences, mais elles concernent plus le calen-
drier que la nature de ces réformes.

45
46
Annexe : Réformes des systèmes de retraite dans quelques pays de l’OCDE
Modification de
la période de Lien avec
Pays Âge de la retraite Mécanismes incitatifs référence retenue l’espérance Autre
dans la formule de vie
RFAS No 1-2006

de calcul des
prestations
Autriche L’âge de départ en retraite anticipée a été relevé À compter de 1997, la décote Les 15 meilleures Partiel, avec Suppression de la retraite
d’un an et demi, passant, entre 2000 et 2002, à 61 appliquée en cas de départ années ; passage introduction d’un anticipée pour les personnes
ans et demi pour les hommes et à 56 ans et demi anticipé passera progressive- progressif à 40 facteur de présentant une réduction de
pour les femmes. Pour les femmes, l’âge de la ment de 2 % à 4,2 % par années entre 2003 soutenabilité. leur aptitude au travail (2000)
retraite passera de 56 ans et demi à 61 ans et demi année d’anticipation. et 2028. et les chômeurs de longue
entre 2018 et 2034. L’âge légal de la retraite pour durée (2003-2004) et sup-
les femmes sera relevé à partir de 2023, pour pression de la retraite pro-
atteindre 65 ans en 2033. gressive (2003). Le pourcen-
tage appliqué par année
d’assurance va baisser, pour
retrouver son niveau de 1997.
Passage de l’indexation sur
l’évolution des prix à un
mode d’indexation
discrétionnaire.
Belgique L’âge de la retraite pour les femmes travaillant Une décote de 5 % par année Un départ anti-
dans le secteur privé passera de 60 à 65 ans entre de cotisation manquante est cipé à 60 ans est
1997 et 2009. appliquée aux non-salariés. possible à condi-
Depuis 2001, un bonus est tion de justifier
accordé aux salariés du sec- d’une durée de
teur public qui poursuivent cotisation plus
leur activité au-delà de 60 ans longue. La
(plafonné à 9 % : 1,5 % par période de réfé-
an de 60 à 62 ans et à 2 % par rence est passée
an de 62 à 65 ans). de 20 à 35 années
entre 1997 et
2005.
France L’âge à compter duquel un salarié peut être mis à la La réforme de 2003 a allongé Allongement de L’âge d’accès aux prestations
retraite d’office à l’initiative de son employeur est la durée de cotisation pour la durée minimale de chômage en attendant de
passé de 60 à 65 ans en 2003, sauf disposition con- bénéficier d’une retraite à lié à l’évolution bénéficier d’une retraite à
traire des conventions collectives. taux plein et introduit un sys- de l’espérance de taux plein est passé de 55 à
tème de bonus/malus dans le vie. 57 ans pour les chômeurs jus-
secteur public. Dans le sec- tifiant de 25 années de
teur privé, le malus a été travail.
réduit et un bonus a été
introduit.
Allemagne L’âge minimal de la retraite pour les assurés justi- Une décote de 3,6 % est pra- Non La revalorisation Suppression progressive, de
fiant d’une longue carrière d’assurance sera abaissé tiquée en cas de départ en et l’indexation 2006 à 2016, de la possibilité
de 63 à 62 ans avec effet à compter de 2010. retraite à 63-64 ans ; cette des pensions de retraite anticipée pour les
mesure est entrée en vigueur deviennent moins chômeurs âgés ; suppression
progressivement de 1997 à avantageuses à de la possibilité de retraite
2004. Une majoration de 6 % mesure de la anticipée pour les femmes à
est accordée en cas de départ dégradation des l’horizon 2016.
en retraite après 65 ans. taux de dépen-
dance du système
de retraite.
Grèce L’âge de la retraite est passé de 58 à 65 ans pour
les hommes et les femmes qui ont commencé à tra-
vailler après 1993.
Italie La réforme Amato (1992) a prévu un relèvement Réductions actuariellement Durée de la vie Oui, par l’inter- Fin de la possibilité d’obtenir
progressif de l’âge légal de la retraite de 60 à 65 neutres, via l’application de active (cotisations médiaire du coef- une pension d’ancienneté sur
ans pour les hommes et de 55 à 60 ans pour les coefficients de conversion à versées sur un ficient utilisé la seule base de conditions de
femmes. La réforme Dini, adoptée en 1995 (verse- partir de 57 ans. compte pour convertir la cotisation.
ment de cotisations sur un « compte notionnel » notionnel). valeur du compte
pendant toute la durée de la vie active), a prévu une en pension.
période de transition très longue. Les nouvelles
règles ne s’appliquent totalement qu’aux personnes
entrées sur le marché du travail à partir de 1996 ;
elles s’appliquent sur une base proratisée aux assu-
rés qui totalisaient moins de 18 années de cotisa-
tion en 1996. L’impact de cette réforme sur l’effec-
tif des retraités ne se fera sentir qu’après 2030. Le
système en vigueur pendant la période transitoire
permet toujours de bénéficier d’une pension
d’ancienneté à partir de 57 ans à condition de justi-
fier de 35 années de cotisation. Suite à la nouvelle
loi, adoptée le 28 juillet 2004, à compter de 2008, il
faudra justifier de 35 années de cotisation et avoir
60 ans ou totaliser 40 années de cotisation pour
ouvrir droit à la pension d’ancienneté. La loi pré-
voit également des incitations financières – appli-
cables de 2005 à 2007 – pour les salariés du secteur
privé âgés de 50 ans au moins et totalisant 35
années de cotisation au minimum ou totalisant 38
années de cotisation qui souhaitent reporter leur
départ en retraite. Ce « super bonus » est égal au
montant des cotisations de retraite (32,7 % du
Panorama des enjeux et des stratégies
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud

salaire total brut) et n’est pas imposable.

47
Modification de

48
la période de
référence retenue Lien avec
Pays Âge de la retraite Mécanismes incitatifs dans la formule l’espérance Autre
de calcul des de vie
prestations
Luxembourg Depuis juillet 2003, les salariés du secteur public
RFAS No 1-2006

qui ont atteint l’âge légal de la retraite peuvent


continuer à travailler jusqu’à 68 ans.
Pays-Bas En principe, les pensions professionnelles peuvent Depuis 1997, les régimes de
être liquidées à compter de 65 ans. Toutefois, cet retraite anticipée par réparti-
âge a considérablement baissé ces dernières tion sont remplacés par des
années, des éléments de neutralité actuarielle intro- régimes de retraite anticipée
duits dans le système offrant plus de flexibilité aux financés par capitalisation et
salariés en ce qui concerne le choix de l’âge de leur actuariellement neutres.
départ en retraite. Depuis janvier 2006, la VUT
(pension de retraite anticipée
par répartition) et les cotisa-
tions de retraite anticipée ne
sont plus déductibles fiscale-
ment pour toutes les person-
nes de moins de 55 ans. Pour
bénéficier d’une retraite anti-
cipée, il faudra désormais
avoir 63 ans au minimum et
totaliser 40 années de
cotisation.
Portugal L’âge de la retraite pour les femmes est passé de Une décote de 4,5 % par an Les 10 meilleures Non
62 à 65 ans entre 1994 et 1999. est appliquée en cas de départ années parmi les
entre 55 et 64 ans ; cette 15 dernières ;
décote est plus faible pour les passage à
assurés qui totalisent 30 l’ensemble de la
années de cotisation. Majora- vie active.
tion de 10 % par an en cas de
départ entre 66 et 70 ans.
Espagne Introduction d’un âge de départ en retraite flexible Le taux de liquidation appli- Les salariés (et les non-sala-
à partir de 61 ans pour les assurés qui totalisent 30 qué au salaire de référence est riés) âgés de 65 ans au moins
ans de cotisation au moins et sont au chômage majoré de 2 % par année sup- (et totalisant 35 années de
depuis 6 mois ou plus. Le taux de liquidation est plémentaire de travail pour cotisation) et leurs employeurs
réduit en cas de départ avant 65 ans. les assurés qui partent en sont exonérés des cotisations
retraite après 65 ans (et totali- de sécurité sociale (sauf de la
sent 35 années de cotisation) ; cotisation d’assurance incapa-
il n’y a pas de limite d’âge cité temporaire).
supérieure.
Source : OCDE, Turner, (2003).
Les réformes de la protection sociale dans les pays d’Europe continentale et du Sud
Panorama des enjeux et des stratégies

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