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L’Encéphale (2009) Supplément 4, S129–S132

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journal homepage: www.elsevier.com/locate/encep

Prise en charge de la crise suicidaire


A. Ionita(a, b), R. Florea(a), P. Courtet*(a, b, c)
(a) Service de Psychologie Médicale et Psychiatrie, Hôpital Lapeyronie, CHU Montpellier, 371, avenue du Doyen G. Giraud,
34295 Montpellier cedex 5
(b) Inserm U888, Montpellier
(c) Université Montpellier

Le suicide constitue un réel problème de santé publi- ques auxquels elles sont le plus souvent associées. Selon le
que, tant par les pertes en vies humaines qu’il provoque, modèle « vulnérabilité-stress » communément admis, seuls
que par les problèmes psychologiques et sociaux dont il les sujets portant une vulnérabilité spécifique réalisent des
témoigne. Selon l’OMS, en 2002 on estimait une perte de gestes suicidaires lorsqu’ils sont soumis à des facteurs de
877 000 vies dans le monde par suicide, représentant 1,5 % stress internes (maladie mentale, intoxication aiguë) ou
des décès globaux par maladies. En France, en 2003, le externes (événements de vie stressants). L’ensemble des
nombre de décès par suicide était de 10 660, ce qui est sans données biologiques et génétiques suggère fortement que
doute inférieur de 20 à 25 % à la réalité, comme l’estime la diminution du fonctionnement sérotoninergique et l’hy-
la plupart des études [17]. On dénombrait sur l’ensemble peractivité de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien
de l’année 2002 en France environ 200 000 tentatives de (HPA), axe impliqué dans la réaction au stress, représen-
suicide avec un pourcentage plus important de femmes. tent deux traits biologiques de vulnérabilité [7]. Sur le
L’étude ESEMED, réalisée en population générale entre plan clinique, la vulnérabilité suicidaire est sous-tendue
2001 et 2003, rapporte en France que la prévalence sur la par les antécédents familiaux de conduites suicidaires,
vie est de 12,4 % pour les idées suicidaires, et de 3,4 % pour la maltraitance infantile, les dimensions de personnalité
les tentatives de suicide [4]. Kessler et al. [10] ont étudié « impulsive-agressive » et le « désespoir » ; les antécé-
les progressions au cours de la crise suicidaire durant une dents personnels de tentative de suicide étant un témoin
année et observent 34 % de passages de l’idéation au plan de l’existence de cette vulnérabilité.
suicidaire, 72 % du plan à la tentative et 26 % de l’idéation L’intérêt de cette conception est de fournir aux clini-
à une tentative sans plan, avec un risque maximal retrouvé ciens une grille d’évaluation transnosographique afin de
dans l’année qui suit l’apparition de l’idéation. détecter les sujets à haut risque de passage à l’acte suici-
daire. Les pratiques cliniques sont extrêmement défaillan-
tes dans ce domaine et tout dispositif qui permet de mieux
Modèle stress-vulnérabilité dépister pour prendre en charge doit être encouragé. C’est
des conduites suicidaires l’objet de la proposition actuelle qui vise à inclure l’entité
« conduites suicidaires » dans le futur DSM V [18].
Les études neurobiologiques ont participé à la reconcep- La vulnérabilité suicidaire s’exprime au cours de la
tualisation des conduites suicidaires actuellement considé- survenue d’un épisode de pathologie psychiatrique ou lors-
rées comme un trouble des conduites à part entière, et que survient un événement de vie stressant (souvent une
non plus comme une complication des troubles psychiatri- cascade).

* Auteur correspondant.
E-mail : p-courtet@chu-montpellier.fr
Conflits d’intérêts : non.
© L’Encéphale, Paris, 2009. Tous droits réservés.
S130 A. Ionita et al.

Description de la crise suicidaire du sommeil et de l’alimentation, sentiment d’échec et


d’inutilité, ruminations anxieuses et augmentation de la
La définition de la crise suicidaire, dans la conférence de consommation de toxiques. Un haut niveau de désespoir
consensus de 2000 [1] est : « crise psychique dont le risque est associé à un haut risque de suicide [3], le désespoir
majeur est le suicide. Comme toute crise, elle constitue un aggravant l’idéation suicidaire et l’intentionnalité du
moment d’échappement où la personne présente un état geste [15].
d’insuffisance de ses moyens de défense, de vulnérabilité, • Certains signes non spécifiques, peuvent être repérés par
la mettant en situation de souffrance pas toujours appa- l’entourage comme un changement d’attitude, des signes
rente et de rupture ». « Elle est un état réversible tem- de souffrance psychique (pleurs, abandon d’activités,
poraire, non classée nosographiquement, correspondant à désespoir), un repli/isolement, voire une accalmie sus-
une rupture d’équilibre relationnel du sujet avec lui-même pecte.
et son environnement, la tentative de suicide en étant une • Une association de signes qui représente une « rupture »
des manifestations possibles. dans le comportement habituel du sujet peut faire sus-
Ce n’est pas un cadre nosographique simple mais un pecter une crise suicidaire.
ensemble séméiologique variable en fonction des sujets,
des pathologies associées, des facteurs de risque et des Les pathologies psychiatriques (axe I) fréquemment
conditions d’observation ». associées au suicide sont à rechercher : la dépression,
L’état de crise peut durer de 6 à 8 semaines [16] et se le trouble bipolaire, la schizophrénie, l’abus d’alcool et
caractérise par trois grandes étapes : (1) une période de les troubles anxieux [6, 9]. L’axe II doit également être
désorganisation qui culmine jusqu’à (2) une phase aiguë exploré : des traits comme neuroticisme, impulsivité agres-
avant de se conclure par (3) une période de récupération. sive associé aux troubles de la personnalité (notamment
La phase aiguë peut se distinguer par un éventail de réac- borderline et antisociale) [8, 14] augmentent le risque de
tions qui varient en intensité, se traduisant parfois par une suicide indépendamment ou en comorbidité avec les trou-
fugue, une crise d’agressivité ou tout autre acte permet- bles de l’axe I. Des antécédents personnels ou familiaux de
tant d’éliminer momentanément la crise, ou allant jusqu’au conduites suicidaires sont un facteur important à recher-
passage à l’acte suicidaire chez un individu vulnérable. cher. Le risque suicidaire est 4 à 5 fois plus élevé chez les
La crise suicidaire peut être modélisée sous la forme patients dont les parents ont été victimes de suicide, par
d’un cheminement « tunnellaire » marqué du sceau de rapport aux patients sans histoire familiale de suicide [2].
l’ambivalence et évoluant en plusieurs phases : recher- Désamorcer la crise est l’objectif premier, avant de
che de stratégies ou de solutions à la crise, apparition tenter d’intervenir sur les causes sous-jacentes qui l’ont
et développement des idées de suicide, rumination des engendrée. L’intervention de crise doit être immédiate
idées suicidaires, cristallisation et planification d’un scé- et directive face à un individu généralement ambivalent,
nario, événement déclenchant et passage à l’acte. Cette impulsif et faisant preuve de rigidité cognitive. L’objectif
crise reste souvent difficile à identifier comme le montre est de créer un lien qui permettra à la personne suicidaire
le nombre important de sujets ayant consulté un médecin de se sentir comprise. L’intervention peut se faire dans un
avant un passage à l’acte suicidaire sans que cet état n’ait entretien en face à face par téléphone ou par Internet.
été perçu par le médecin. Le premier contact d’un patient
en crise suicidaire avec un soignant est fréquemment une
consultation ambulatoire auprès d’un médecin généraliste,
Consignes de prise en charge
d’un psychiatre libéral ou hospitalier. Le motif premier de thérapeutique de la crise suicidaire
consultation est rarement représenté par les idées suicidai-
L’intervention de crise peut être appliquée par des profes-
res. La meilleure reconnaissance de la dépression et de la
sionnels ou des paraprofessionnels, avec des nuances quant
crise suicidaire ainsi que leur meilleure prise en charge par
aux rôles de chacun. Les objectifs spécifiques en sont de :
les médecins généralistes est une composante importante
(1) repousser l’échéance du passage à l’acte ; (2) soutenir
de la prévention du suicide. Cela a permis une baisse de
la personne suicidaire pendant la phase aiguë de la crise ;
l’incidence des suicides [19] dans l’étude du Gotland.
(3) lui transmettre le sentiment de pouvoir, avec aide, s’en
sortir.
Facteurs prédictifs et facteurs de risque Sept règles doivent guider la prise en charge [20] :
de passage à l’acte 1. Établir un lien de confiance entre un/des interve-
nants et la personne suicidaire. L’alliance thérapeutique,
On n’a pas pu individualiser un facteur clinique prédictif de
dont les principes généraux sont le respect, l’empathie, la
passage à l’acte imminent [21]. Plusieurs types de signes
reconnaissance de la souffrance, l’écoute bienveillante et
pourraient suggérer une crise suicidaire [1] :
compréhensive, a une place essentielle dans la prise en
• L’expression d’idées ou intentions suicidaires exprimées charge thérapeutique du patient suicidant et peut être dif-
directement ou indirectement (à travers des textes ou ficile à obtenir.
des dessins). 2. Évaluer rapidement et efficacement le risque, la dan-
• La présence de symptômes anxio-dépressifs comme tris- gerosité et l’urgence en six points selon la conférence de
tesse, anxiété, fatigue, irritabilité, agressivité, troubles consensus [1] : (1) niveau de souffrance, (2) degré d’inten-
Prise en charge de la crise suicidaire S131

tionnalité, (3) éléments d’impulsivité, (4) éventuel élément Le suivi après la crise suicidaire : 10 à 20 % des suici-
précipitant, (5) présence de moyens létaux à disposition et dants récidivent à un an. Il convient de proposer un suivi
(6) qualité de soutien de l’entourage proche. Lorsqu’il dans tous les cas. Le rôle préventif des contacts par télé-
repère des signes de crise suicidaire, le médecin ne doit pas phone permet de réduire l’inobservance des soins propo-
hésiter à questionner le patient sur ses idées de suicide, sés [11]. Bridge à partir de son expérience personnelle de
dans un climat de confiance, sans émettre de jugements de patient bipolaire, a développé une stratégie de lutte contre
valeurs. L’évaluation de l’accès aux moyens létaux est pri- les pensées suicidaires [5].
mordiale dans le cadre de l’évaluation de la dangerosité.
L’intervenant doit poser des questions précises.
3. Évaluer le(s) facteur(s) précipitant(s) survenu(s) Conclusion
souvent les semaines avant la crise et ayant pu engendrer
une réaction en chaîne. Il est important de distinguer le En pratique, il existe plusieurs types d’intervention utilisés
type de crise : par des professionnels et paraprofessionnels qui concourent
– la crise de nature psychosociale où l’intervention est cen- à réduire le risque suicidaire. L’intervention de crise doit
trée sur l’expression de la souffrance, la restructuration être intensive, rapide et précoce. L’évaluation du potentiel
cognitive et le développement de stratégies de résolution suicidaire est le premier temps indispensable. La prise en
des problèmes : ceci peut être assurée par des interve- charge de la crise pourrait permettre une diminution du
nants para professionnels, bien formés ayant une supervi- risque de passage à l’acte à court, moyen et long terme.
sion clinique [14] ;
– la crise de nature psychiatrique dans laquelle l’option
thérapeutique est de structurer la personne et de l’orien-
ter vers les professionnels de la santé mentale. Le traite-
Références
ment du trouble psychiatrique reste le moyen le plus [1] ANAES. La crise suicidaire : reconnaître et prendre en
efficace de prévention des conduites suicidaires : le charge. Conférence de Consensus. 2000, Agence Nationale
lithium semble avoir un effet anti suicide chez les bipolai- d’Accréditation et d’Évaluation en Santé.
res, indépendant de son effet thymorégulateur [13] et la [2] ANAES. Recommandations professionnelles : Prise en charge
thérapie comportementale dialectique de Linehan [12] a hospitalière des adolescents après une tentative de suicide
1998.
montré une diminution des incidences suicidaires chez
[3] Beck AT, Brown G, Berchick RJ et al. Relationship between
des sujets borderline. hopelessness and ultimate suicide : a replication with psychi-
4. Encourager l’exploration et l’expression des émo- atric outpatients. Am J Psychiatry 1990 ; 147 : 190-5.
tions afin de diminuer le sentiment de détresse. [4] Bernal M, Haro JM, Bernert S et al. Risk factors for suicidality
5. Reformuler la crise : l’intervenant tente d’expliquer in Europe : results from the ESEMED study. J Affect Disord
2007 ; 101 (1-3) : 27-34. Epub 2006 Oct 30.
au consultant de façon compréhensible sa perception de ce
[5] Bridge S. Suicide prevention - targeting the patient at risk.
qui lui arrive en identifiant les facteurs précipitants et pro- Aust Fam Physician 2006 ; 35 : 335-8.
pose une stratégie d’action, tout en intégrant les limites de [6] Conwell Y, Duberstein PR, Cox C et al. Relationships of age and
la personne suicidaire. Cela peut avoir une forte valeur de axis I diagnoses in victims of completed suicide : a psychological
soutien : « ce médecin s’engage, m’a compris et connaît autopsy study Am J Psychiatry 1996 ; 153 (8) : 1001-8.
ces situations ». [7] Courtet P, Jollant F, Castelnau D et al. Suicidal behavior : rela-
tionship between phenotype and serotonergic genotype. Am J
6. Briser l’isolement, soutenir la famille et les proches,
Med Genet C Semin Med Genet 2005 ; 133C (1) : 25-33.
et mettre en place un réseau social structurant. Il est utile [8] Dumais A, Lesage AD, Alda M et al. Risk factors for suicide
de rencontrer les proches avec le patient et d’aborder le completion in major depression : a case-control study of
risque suicidaire. Cette mise à plat peut ainsi sceller « le impulsive and aggressive behaviors in men. Am J Psychiatry
contrat de surveillance ». 2005 ; 162 : 2116-24.
7. Arrêter le processus auto-destructeur et établir une [9] Harris EC, Barraclough B. Excess mortality of mental disorder.
Br J Psychiatry 1998 ; 173 : 11-53.
entente avec la personne suicidaire afin d’assurer un suivi [10] Kessler RC, Borges G, Walters EE. Prevalence of and risk fac-
à court ou moyen terme : la règle devrait être d’orienter tors for lifetime suicide attempts in the National Comorbidity
la personne suicidaire vers un professionnel de la santé Survey. Arch Gen Psychiatry 1999 ; 56 : 617-26.
mentale. [11] Killaspy H, Banerjee S, King M, et al. Prospective controlled
study of psychiatric out-patient non-attendance. Characteris-
tics and outcome. Br J Psychiatry 2000 ; 176 : 160-5.
Le comportement suicidaire représente un motif
[12] Linehan MM, Comtois KA, Murray AM et al. Two-year
fréquent d’admission dans un service d’urgence [22]. randomized controlled trial and follow-up of dialectical
L’hospitalisation s’impose lorsque l’absence de surveillance behavior therapy vs therapy by experts for suicidal behav-
est un risque. La présence d’idées suicidaires, un diagnostic iors and borderline personality disorder. Arch Gen Psychia-
d’épisode dépressif sévère, une schizophrénie délirante, un try 2006 ; 63 : 757-66.
événement de vie stressant récent, une pathologie addic- [13] Mann JJ, Apter A, Bertolote J et al. Suicide prevention strate-
gies : a systematic review. JAMA 2005 ; 294 (16) : 2064-74.
tive, un isolement incitera plutôt à hospitaliser. À l’inverse,
[14] McGirr A, Paris J, Lesage A et al. Risk factors for suicide com-
des patients demandeurs d’aide, au suivi régulier et bien pletion in borderline personality disorder : a case-control
investi avec leur médecin traitant, un suivi psychiatrique study of cluster B comorbidity and impulsive aggression. J
de qualité permet parfois de surseoir à l’hospitalisation. Clin Psychiatry 2007 ; 68 : 721-9.
S132 A. Ionita et al.

[15] Mendonca JD and RR Holden. Interaction of affective and cog- [19] Rutz W, Wålinder J, Rihmer Z, et al. [No relation between
nitive impairments in the suicidal state : a brief elaboration. antidepressive agents and suicide is not necessarily a sign
Acta Psychiatr Scand 1998 ; 97 (2) : 149-52. of ineffective treatment]. Lakartidningen 1997 ; 94 (34) :
[16] Messick JM, Aguilera DC. Intervention en situation de crise : 2838-40.
théorie et méthodologie (2e éd.). 1976, Saint-Louis, Missouri [20] Seguin and Terra. Formation à l’intervantion de crise suicid-
Mosby Rutz W et al. [No relation between antidepressive aire. Manuel du formateur. 2005, Lyon.
agents and suicide is not necessarily a sign of ineffective [21] Simon RI. Suicide risk assessment : is clinical experience
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