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péninsule des Balkans qui s’avance dans la Méditerranée. Le pays est limité
au nord par l’Albanie, la république de Macédoine et la Bulgarie, à l’est par la
Turquie.
La Grèce, forme une vaste péninsule à la
partie sud-est de l'Europe et couvre une
superficie de 131 957 km², soit 25 % de la
superficie de la France. Le pays compte plus
de 2000 îles dispersées dans la mer Égée et
la mer Ionienne, et ses côtes s'étendent sur
15 021 km de longueur. Ses îles couvrent
approximativement le cinquième de sa
superficie totale et commencent à l'ouest par
l'île de Corfou près de l’Albanie et couvrent à
l’est toutes les îles de la mer Égée
(sauf Imbros et Ténédos) jusqu'à l'île de
Rhodes (près de la Turquie) et au sud
jusqu’à l'île de Crète (voir la carte des
régions administratives). Cependant, parmi
les quelque 2000 îles grecques, seulement
154 d'entre elles sont présentement
habitées.
Pour les minorités, c’est encore le traité de Lausanne qui fixe le cadre de
l’enseignement en langue turque pour la Thrace. Mais cet enseignement ne
s’est réellement concrétisé qu’à partir de 1951. Depuis, le gouvernement a
adopté une série de lois scolaires réglementant l’accès et les droits à
l’enseignement en turc: la loi 694 du 16 septembre 1977 sur les écoles
minoritaires de la communauté musulmane de la Thrace occidentale; la loi
682/1977 sur l'instruction privée; la loi 695 du 16 septembre 1977 sur le
règlement des problèmes concernant l'enseignement et le personnel de
surveillance dans les écoles minoritaires et à l’École normale spéciale; le
décret ministériel no 55369 du 16 mai 1978 sur les problèmes d'inscription,
de transport, des études, des examens, des diplômes et autres sujets
scolaires relatifs aux écoles minoritaires de la minorité musulmane en Thrace
occidentale. Les autorités grecques n'ont jamais permis aux Pomaques de
recevoir leur instruction dans leur langue, le pomaque, de peur de les
rapprocher culturellement de la Bulgarie. Tout au plus, le pomaque est toléré
dans les écoles maternelles comme langue véhiculaire entre enseignants et
parents. Comme ils sont de religion musulmane, les Pomaques ont aussi
accès à un enseignement en arabe, comme les turcophones. Généralement,
les Pomaques sont trilingues: ils parlent le pomaque, le grec et le turc, l'arabe
demeurant une langue liturgique.
Conformément à la législation en vigueur, la parents turcophones ou
considérés comme tels (par exemple, les Tsiganes et les Pomaques) ont le
droit d’exiger, sur demande expresse, que leurs enfants fréquentent
une école primaire — il n’y a pas d’écoles maternelles turques — où l’on
garantit un enseignement en turc dès la première année. Cet enseignement
est assuré durant les six années du primaire et il est cofinancé par l’État grec.
Toutes les écoles turques — de confession musulmane — sont ouvertes aux
Pomaques et aux Tsiganes, mais aussi aux slavophones (orthodoxes)
habitant en Thrace occidentale.
On dénombre environ 250 écoles primaires turques regroupant quelque 12
000 élèves. Toutes ces écoles sont tenues d’offrir un enseignement bilingue:
la moitié des disciplines est enseignée en turc, l’autre, en grec. Depuis la
nouvelle loi scolaire de 1995, l’enseignement de l’anglais et devenu
obligatoire. Il faut ajouter aussi que l'instruction, telle qu'elle est pratiquée
chez les turcophones de Grèce, apparaît comme totalement inadaptée au
monde moderne: les enfants sont scolarisés dans la langue turque, alors
qu'ils parlent le «turc de Thrace», le bulgare (pomaque) ou le tsigane (Roms).
De plus, ils sont placés sous l’autorité de l’État grec et des autorités
musulmanes qui emploient l'arabe coranique.
Au secondaire, l’enseignement en turc n’est plus garanti; on ne compte que
deux écoles secondaires turques, qui doivent demeurer bilingues et exiger à
l’admission la réussite d’un examen en langue grecque. C’est pourquoi une
majorité d’élèves (de 60 % à 70 %) préfère poursuivre ses études en Turquie;
les autres fréquentent les établissements grecs.
Pour ce qui est de l’enseignement supérieur, jusqu’en 1991, tous les
turcophones (et les autres minorités) étaient exclus de l'enseignement
supérieur sous prétexte qu'ils ne connaissaient «pas suffisamment le grec».
Ceux qui désiraient fréquenter l’université devaient s’expatrier en Turquie.
Depuis 1995, la loi scolaire oblige les universités de Thrace à pratiquer un
programme de discrimination positive à l’intention des élèves turco-
musulmans désirant accéder aux études supérieures. La loi prévoit que 200
places (soit 2 %) doivent obligatoirement être occupées par des étudiants
musulmans. Jusqu’ici, environ 50 élèves ont soumis chaque année une
demande d’admission dans ces universités.
Cela dit, les écoles turques vivent de graves problèmes. Le plus préoccupant
semble concerner la formation insuffisante des enseignants. Avant 1968, la
plupart des professeurs embauchés provenaient du monde arabe en raison
de leur familiarité avec l’islam. Depuis, seuls les musulmans diplômés de
l’École normale spéciale de Thessalonique et ceux des universités grecques
ont le droit d’enseignement dans les écoles turques de Grèce. Or, les futurs
professeurs grécophones orthodoxes, même après quatre années d’études,
ne reçoivent aucune formation pour enseignement le grec comme langue
seconde, alors que les candidats turcophones ne bénéficient que d’une
formation sommaire de deux ans.
Un autre problème provient de la mauvaise qualité des manuels
scolaires de langue turque. La plupart des élèves disposent encore de vieux
manuels datant des années cinquante. La cause est complexe : la Turquie ne
veut pas que soient imprimés en Grèce des manuels en turc, car elle estime
qu'elle seule peut fournir de tels manuels. Mais la Grèce bloque l'importation
de manuels turcs en rétorsion à la non-application des accords de Lausanne
par la Turquie. Lorsque le gouvernement grec a déjà, dans le passé, fait
imprimer certains livres modernes en turc, il s’est heurté à une vivre
opposition non seulement de la part de la Turquie, mais aussi de la part de la
minorité. Pourtant, un ministre de l'Éducation, M. Georges Papandréou, le fils
de l'ancien premier ministre, a admis en juin 1995 que le système scolaire
grec véhiculait des stéréotypes racistes et antisémites, et que les manuels
scolaires alimentaient non seulement l'antisémitisme, mais aussi les
sentiments de xénophobie. Pour les manuels scolaires grecs, plusieurs
commissions bilatérales de révision des manuels ont été instituées entre la
Grèce et la Turquie et, récemment, entre la Grèce et l'Albanie. Le but est de
nettoyer les mentions hostiles et xénophobes vis-à-vis des voisins dans
chacun de ces pays. Pour la vétusté des manuels turcs, c'est une situation
indéniable. Par ailleurs, l'état de l'enseignement aux Grecs de Turquie est
encore plus lamentable (nomination des enseignants systématiquement
reportés au second trimestre empêchant la tenue des enseignements durant
l'automne, manuels datant des années cinquante, écoles confisquées
régulièrement par l'État). Dans ce jeu de chassé-croisé diplomatique, les
minorités de Thrace s'avèrent être les éternels otages.
Enfin, les faits démontrent qu’un nombre important d’élèves habitant les
régions rurales et les villages ne complètent pas leur cours secondaire.
Conséquemment, beaucoup d’entre eux sortent de l’école primaire avec une
connaissance plus ou moins limitée de la langue grecque.
Les inspecteurs du Conseil de l'Europe ont constaté de grandes disparités de
niveau entre les écoles minoritaires et les écoles de la majorité grecque en
Thrace. Les écoles minoritaires ne sont pas du même niveau que les écoles
de la majorité. C'est pourquoi beaucoup de membres de la minorité
choisissent d'envoyer leurs enfants dans les écoles de la majorité afin de leur
garantir une instruction de qualité. Il n'existe que deux établissements
secondaires supérieurs pour les minorités en Thrace et deux écoles
religieuses (medrese) à Komotini et Echinos. De plus, l'accès à une
instruction de qualité semble particulièrement difficile dans les villages de
montagnes, là où habitent essentiellement les Pomaques.
- Les enfants tsiganes
En ce qui a trait particulièrement aux enfants tsiganes, ils sont totalement exclus du système d'éducation
dans la mesure où ils sont victimes de discrimination raciale et, en raison de leur extrême pauvreté, ils n'ont
pas la possibilité de compléter leur instruction primaire de base, que ce soit en turc ou en grec. En effet, de
nombreux enfants tsiganes (roms) en Grèce sont soumis à la ségrégation dans des écoles ghettos ou des
classes réservées, dispensant un enseignement de qualité inférieure. Certaines autorités municipales et
scolaires entravent volontairement l'accès des enfants tsiganes à l'éducation en refusant d'inscrire les élèves
dans les écoles locales ou en les dispersant loin de leur lieu de résidence, sans parler le refus de leur fournir
un transport scolaire adapté. En conséquence de cette pratique, les enfants tsiganes placés dans des écoles
éloignées de leur foyer ne sont pas scolarisés, faute de transport. Cette pratique est fondée sur une notion
raciste laissant supposer que les enfants tsiganes sont moins aptes que les autres enfants et que leur
présence à l'école aura pour effet d'empêcher les enfants non tsiganes d'atteindre de bons résultats. Dans
d'autres cas, les autorités scolaires «oublient» simplement qu'il existe des enfants tsiganes d'âge scolaire
dans leur région, lesquels doivent être inscrits à l'école. Évidemment, cette attitude anti-tsigane entretenue
par les responsables locaux et la communauté majoritaire constituent un sérieux obstacle pour l'intégration
des Tsiganes dans la société grecque. Dans son rapport de février 1999 au Comité des Nations unies pour
l'élimination de la discrimination raciale, le gouvernement grec a rédigé ce commentaire:
Toute personne vivant sur le territoire grec verra sa vie, son honneur et sa liberté entièrement
protégés sans que sa nationalité, sa race ou sa langue et ses croyances religieuses ou
politiques soient prises en compte. Les seules exceptions acceptées sont celles prévues par le
droit international.
6 La propagande anti-minoritaire
En Grèce, il est considéré comme normal que des personnalités politiques
importantes prennent ouvertement position pour nier l’existence des minorités
ethniques, que ce soi les Turcs, les Macédoniens, les Albanais, etc.
D’ailleurs, en décembre 1998, le ministre grec des Affaires étrangères, M.
Thedoros Pangalos, déclarait au sujet de la question des minorités à des
journalistes occidentaux: «C’est une invention d’intellectuels et de journalistes
pervers.» On peut trouver d’autres cas similaires. Ainsi, en août 1998, le
président du Parlement grec, Apostolos Kaklamanis, a nié l'existence d'une
minorité nationale turque et appelé à «l'homogénéisation» de la «population
grecque orthodoxe et musulmane de la Thrace». En décembre de la même
année, de savants nationalistes grecs ont été honorés par l’Académie de
Grèce et décorés par le président de la République, alors qu’ils avaient
ouvertement contribué à la propagande anti-minoritaire. L’État grec reste le
seul État balkanique qui refuse encore de reconnaître l'existence de minorités
nationales sur son territoire. D'ailleurs, dans son troisième rapport sur la
Grèce (5 décembre 2003), la Commission européenne contre le racisme et
l’intolérance (ECRI) notait qu’en Grèce les personnes qui souhaitent exprimer
leur identité macédonienne, turque ou autre, ont à faire face à des préjugés
et des stéréotypes, et sont parfois victimes de discrimination et d’atteintes à
leur liberté d’association.
6.1 Les Turcs
La Turquie constitue l’un des sujets les plus litigieux qui soient dans le pays
et la langue turque apparaît comme le symbole de l'ennemi héréditaire de la
Grèce. Les conflits incessants entre la Grèce et la Turquie à propos de l’île de
Chypre revendiquée par les deux États n’ont certes pas aidé la cause des
«Turcs de Grèce».
Depuis de nombreuses années, la Grèce a même développé une véritable
politique répressive à l’égard de «ses» Turcs. Plusieurs faits peuvent illustrer
cette réalité. Il y a plusieurs dizaines d’années, en France, on punissait les
enfants bretons qui parlaient breton à l’école. En Grèce, on punissait encore,
il y a quelques années seulement, les petits enfants qui parlaient bulgare,
albanais ou turc en les confiant à des crèches hellénophones d’État pour leur
faire apprendre le grec. On ne procède plus ainsi aujourd’hui, mais il est
curieux de constater que les autorités aient interdit l’emploi de
l’adjectif turc dans les titres identifiant les associations et autres formes de
corporation publique. C’est ainsi qu’en 1986 l’Association des enseignants
turcs de la Thrace occidentale était dissoute par un tribunal de la ville de
Komotini. En 1996, un professeur d’une école minoritaire de la ville de Xanthi
a été suspendu pour une année parce qu’il avait qualifié son école d’école
turque plutôt que d’école de la minorité. De façon générale, il est illégal de
nommer turc / turque un établissement public ou une association
quelconque. C’est pourquoi toutes les associations dites «turques» ont été
dissoutes. D’après de nombreux journalistes, les «musulmans turcs» font
régulièrement l’objet de répression de la part des forces policières et de
l’administration grecque. Il est illégal d'employer le terme turc, car il
transgresse les accords de Lausanne, et c'est aussi pour les Grecs une
mesure d'équivalence à l'interdiction du terme grec en Turquie. Pensons que
le patriarcat grec orthodoxe d'Istanbul doit d'appeler officiellement «patriarcat
turc orthodoxe» ("Türk rumi patriarcanesi").
En octobre 1998, un tribunal de Komotini a refusé à des musulmans
l'inscription de l'«Association d'ecclésiastiques des Saintes Mosquées de
Thrace occidentale», parce que les mots «Thrace occidentale» «pouvaient
être interprétés comme un défi malveillant et intentionnel lancé au caractère
grec de la Thrace». Le tribunal en a décidé ainsi, bien qu’aucune autre
association ne comportait dans sa dénomination ce nom par ailleurs encore
employé comme terme géographique en Grèce. Mais il n’y a pas que les
Turcs de Grèce qui se plaignent de l’attitude répressive de l’État à leur égard.
Si le terme de Thrace occidentale est refusé, il en va de même en Turquie où
le terme de Thrace orientale est tabou: il rappelle en effet que cette région
appartenait à la Grèce jusqu'en 1923.
De plus, depuis les années 1990, le gouvernement grec a installé dans la
région de la Thrace un grand nombre de «Pontiques», ces Grecs des rivages
de la mer Noire, qui ont quitté l’ancienne Union soviétique, dans le but de
modifier les rapports de force ethniques.
6.2 Les Macédoniens
On connaît l'antipathie grecque pour le symbole même de la république de
Macédoine, ce petit pays qui a dû changer jusqu'à son nom et son drapeau
parce que la Grèce considérait que ceux-ci faisaient partie de son héritage
historique. La Grèce continue de contester le nom de la «république de
Macédoine» parce qu’elle considère qu'aucun autre pays n'a le droit de porter
le même nom que la province de Macédoine du nord de la Grèce. Quant à la
langue macédonienne, officiellement «elle n’existe pas», car c’est un
«pseudo-langage» purement inventé par des idéologues. En mai 2010, le
président de la Grèce, M. Karolos Papoulias, déclara à la presse: «Les
Macédoniens n'existent pas comme nation séparée, ce sont des Bulgares qui
ont usurpé l'histoire, et le nom de la Macédoine.» Ces propos témoignent de
l'idéologie xénophobe des dirigeants grecs. Il est vrai que, au moment de
l'indépendance, la Macédoine avait rappelé à l'article 1 de la Constitution sa
«vocation» à «réunifier» tous les territoires «macédoniens», soit en fait la
Macédoine grecque, d'où proviennent les insignes et le premier drapeau en
question de ce jeune pays. Certains croient aussi que la république de
Macédoine n'a pas à s'attribuer exclusivement une appellation régionale
(«Macédoniens») que les Albanais, les Grecs et les Bulgares partagent aussi.
Le fond du problème est que la «Macédoine» a failli faire renaître le «conflit
macédonien», si sanglant, du début du XXe siècle, ce qui explique le caractère
enflammé des réactions de part et d'autres (en Bulgarie aussi). N'oublions,
pour la petite histoire, que c'est précisément en Macédoine, alors ottomane,
qu'a été créé le premier mandat international avec gendarmerie étrangère, à
l'image ce qui existe de nos jours en Bosnie, ce qui permet de mieux saisir la
dimension du problème, moins insignifiant qu'il n'y paraît de prime abord. Les
autorités de Skopje, à la recherche compréhensible d'une doctrine historique
assurant la cohésion du pays, cultivent depuis volontairement la confusion
entre le terme géographique de Macédoine et le terme historique,
poursuivant cette exploitation systématique de l'histoire antique si
caractéristique des Balkans. Ainsi, dans les écoles de «Macédoine», il est
actuellement enseigné qu'Alexandre le Grand était «macédonien» (soit
«slave macédonien» dans ce contexte) et qu'il parlait déjà le «slave», et ce,
neuf siècles avant l'arrivée des populations slaves dans la région!
La minorité macédonienne de Grèce se plaint d’être harcelée et maltraitée
par la police en plus d’être privée de sa liberté d’expression. L’organisation
Amnistie International a souvent protesté contre le fait que des Macédoniens
seraient même physiquement torturés par la police. De plus, les Slaves
macédoniens affirment qu’il ne leur est pas permis d'ouvrir des écoles
publiques pour instruire leurs enfants dans leur langue maternelle. D'ailleurs,
la Grèce a déjà été condamnée par le Tribunal européen pour les Droits de
l'homme pour la violation de la liberté d'association parce que les tribunaux
grecs n'ont pas permis en 1990 la création de la Maison de la civilisation
macédonienne. Le Tribunal européen a mentionné qu’il était nécessaire pour
le gouvernement grec de respecter les documents de l'OSCE (Organisation
pour la sécurité et la coordination en Europe) qu'il avait signés, mais qu'il
avait considérés comme étant simplement déclaratifs et sans valeur juridique.
6.3 Les Bulgares
Quant aux Bulgares, il n’en est jamais fait mention dans le pays. Les
minorités bulgares sont ignorées parce qu’ils font partie, avec la Grèce, des
ennemis historiques de la Grèce. La Bulgarie ne reconnaît pas plus de
minorités (contrairement à la Roumanie) et la situation des Grecs de Bulgarie
n'est pas reluisante. Toutefois, les Bulgares ne représentent plus depuis les
années soixante-dix des «grands ennemis», date à laquelle Grecs et
Bulgares ont cessé leur revendication territoriale croisés et ont allégé leur
dispositif militaire.
6.4 Les Arvanites
Les Arvanites (Gréco-Albanais), pour leur part, sont devenus la cible d’une
politique radicale d'assimilation; le gouvernement grecs a interdit l’emploi
public de la langue maternelle et les noms de lieu albanais ont été hellénisés.
Quant à la minorité tsigane, elle est systématiquement soumise à la
discrimination dans les domaines de l’éducation, de l’emploi et du logement,
et est régulièrement expulsée et violentée par la police grecque.
En fait, les Grecs mènent la vie dure aux Turcs de leur pays, mais les Turcs
de Turquie font de même à «leurs» Grecs. Il semble que la Grèce redoute
une éventuelle balkanisation de son territoire et qu’elle chercherait ainsi à se
protéger de ses puissants voisins turcs. Les causes d’une telle attitude
d’hostilité et de fermeture de la part de la Grèce envers ses minorités sont
nombreuses. Elles reposent en partie sur l'homogénéisation ethnique du
pays, qui compte près de 90 % de Grecs. Mais le rôle de l'Église orthodoxe
grecque n'y est certainement pas étranger, car depuis des siècles celle-ci n'a
jamais cessé de fournir à l'État grec ses ressources idéologiques et
spirituelles, lesquelles ont permis de façonner la cohésion nationale et la
continuité de la souveraineté de l’État. De plus, l'armée et le système
d'éducation ont toujours été des mécanismes de reproduction de l'idéologie
nationaliste. Il faut ajouter à ces causes une compréhension restrictive des
engagements internationaux de la Grèce au sujet de ses minorités, ainsi
qu'une conception juridique étroite et déphasée des droits civils chez les
groupes minoritaires, sans parler du niveau de culture politique très médiocre
à cet égard de la part des dirigeants grecs. Ces faits ont contribué à
considérer avec restriction les droits civils et communautaires légitimes des
membres des minorités en Grèce.
De toute façon, la politique linguistique de la Grèce n’est pas excusable.
Lorsqu’un État ne peut même pas accepter la présence d’une faible minorité
turque représentant 3 % de la population dont il n’a rien à craindre, il ne s'agit
même plus d’intolérance, mais de sectarisme et de fanatisme. Pourtant, la
Grèce, qui prétend offrir au monde l’image d’un régime démocratique, ne
reconnaît aucunement ses minorités linguistiques, mais seulement une
minorité religieuse, et ne lui accorde que des droits fort limités (quand elle les
lui accorde). En Grèce, il n'existe guère de protection juridique d'une
quelconque langue minoritaire, sauf pour les Turcs dans la région de la
Thrace, en conformité avec le cadre juridique des dispositions du traité de
Lausanne, qui garantissait les droits linguistiques scolaires pour les
musulmans, mais avec les mêmes droits pour les Grecs de Turquie. Sans
cette «compensation» de la part de la Turquie, jamais la Grèce n'aurait
accepté de tels droits à «ses» Turcs. En 1997, le président de la République,
M. Kostis Stephanopoulos, faisait la déclaration suivante au Conseil de
l'Europe:
La Grèce attache une importance particulière à la lutte contre le racisme et la xénophobie, sujet
qu'elle considère comme une des grandes priorités. [...] Par ailleurs, la mise en vigueur
imminente de la Convention-cadre pour la protection des minorités nationales, convention que
mon pays vient de signer, constitue un pas très important pour la protection des groupes
minoritaires en Europe et contribuera à la stabilité et à la paix dans notre continent.
Il terminait en citant cette phrase célèbre de Périclès (-495 à -429): «Nous
avons un régime politique qui n'a rien à envier à celui des autres».
Malheureusement, les politiciens d'aujourd'hui ont l'honneur d'être perçus
comme les plus mauvais gouvernants de toute l'Europe. Ils ont trafiqué les
livres de l'état et fermé les yeux sur une économie au noir qui dépasse les 20
% du PIB. Ils ont laissé enfler un appareil administratif dont l'obésité n'a
d'égale que son inefficacité. Les mégaprogrammes sociaux ont été
impuissants à soulager la pauvreté. Et une culture politique fondée
essentiellement sur des pots-de-vin qui auraient atteint, selon Transparency
International, les 88 milliards d'euros, soit 120 milliards de dollars US.
Comme quoi la naïveté n’a jamais fait mourir personne, parce que, sur la
question des minorités nationales, la Grèce en est encore au siècle de
Périclès! En effet, parmi les États d'Europe, la Grèce traîne nettement la patte
en la matière. L'enseignement des minorités constitue un enjeu de taille pour
tous les pays d'Europe. S'il est vrai que le droit à l'instruction est un droit
fondamental reconnu, il n’en va pas de même pour l'enseignement dans les
langues minoritaires en Grèce. D'ailleurs, les instruments contraignants du
Conseil de l’Europe allant en ce sens n’ont jamais été ratifiés par la Grèce...
ni par la Turquie.
Sans un changement fondamental de sa politique, la Grèce risque d’être
pointée du doigt par les organisations gouvernementales européennes et les
organisations non gouvernementales, qui surveillent le respect des droits de
l’homme et des droits des minorités dans l’ensemble de l’Europe. La Grèce
demeure l’un des rares pays à ne pas avoir ratifié les traités internationaux de
l’Union européenne reconnaissant des droits réels aux minorités. L’attitude de
ce pays prétendument démocratique est actuellement non seulement
indéfendable mais proprement scandaleuse. La Grèce en est restée à la
mentalité qui a prévalu au traité de Lausanne de 1923. Si celui-ci a paru
révolutionnaire pour l’époque, les mentalités ont bien changé depuis en ce
qui concerne les minorités nationales... sauf en Grèce. Ce n'est pas pour rien
que la Grèce n'a jamais ratifié la Convention-cadre pour la protection des minorités
nationales.
La Grèce semble bien mériter sa réputation de «plus mauvais gestionnaire
d'Europe». D'ailleurs, la Grèce est un pays ruiné et ravagé incapable de
rembourser ses prêts — qui viennent à échéance; elle obtient, sur les
marchés, des crédits à des taux usuraires qui ne font qu’aggraver une
situation devenue intenable, sa dette étant passée à 175 % de la taille de son
économie du fait de l’interminable récession alimentée par les mesures
d’austérité. Depuis au moins vingt ans, la Grèce s'est embourbée en raison
de la lourdeur de son administration publique, de l’inefficacité de son régime
fiscal et de l’inertie de son système économique. Quel que soit le parti au
pouvoir, des réformes s’imposent de toute urgence. Dans de telles conditions,
les questions linguistiques seront reléguées aux oubliettes pour au moins une
génération.