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Edouard Marie Gallez : LE MESSIE ET SON PROPHETE- Aux origines de l’Islam.

Tome I : De Qumran à Muhammad. 524 pages.


Tome II : Du Muhammad des Califes au Muhammad de l’histoire. 582 pages.
Editions de Paris 2005.

Au Grand Séminaire de Vannes, dans les années 1956-1957, le P. Théry, dominicain, nous avait fait une intéressante
conférence sur les origines de l’Islam. Il avançait que le Coran avait pour origine les leçons d’un rabbin juif données à
Mohammed et reprenait beaucoup de l’Ancien Testament. Les arabes de La Mecque l’avaient diffusé lors de leurs
conquêtes. Sous le pseudonyme d’Hannah Zacharias, le P. Théry avait publié plusieurs livres en ce sens…Depuis, dans
la présentation des origines de l’Islam, ne serait-ce que dans les études historiques, je demeurais insatisfait : la plupart
du temps, on ne parlait que de la révélation du Coran faite à Mohamed par l’archange Gabriel de la part d’Allah;
quelques mots seulement sur la mise en forme définitive du Livre par les soins d’Omar et la destruction des manuscrits
des disciples était évoquée chez quelques spécialistes…La recherche historico-critique dans la littérature biblique nous
avait habitué à autre chose….

Par curiosité, sur Internet, j’ai retrouvé trace du P. Théry et de ses ouvrages mais aussi de recherches
récentes sur les origines de l’Islam. Parmi elles, des recensions développées de la thèse du P. Edouard Marie
Gallez, soutenue à Strasbourg en 2004 publiée en deux tomes et intitulée « Le Messie et son prophète, aux
origines de l’Islam. » Comme le livre était disponible à la bibliothèque diocésaine, j’ai pu consacrer du temps
à la lecture de cet ouvrage et j’essaie ici de le présenter. Mais, je reconnais ne pas avoir suffisamment de
connaissances historiques de ces périodes, surtout au Moyen Orient, et d’ignorer la langue arabe ou l’hébreu
pour bénéficier de toutes les recherches faites par l’auteur et des innombrables notes de l’ouvrage.
Le T I, dans sa première partie, est une plongée dans la littérature messianique et eschatologique.
Elle est présente dans les deux derniers siècles avant le Christ et dans les premiers siècles de notre ère. Les
spécialistes de la Bible connaissent sûrement « les Ecrits inter-testamentaires » publiés par la Pléiade en
1987. Ils donnent accès à tous ces mouvements dont l’histoire des premiers siècles chrétiens garde la
souvenir : mouvements messianistes, mouvements gnostiques etc.…L’auteur va se lancer dans l’étude, la
comparaison de ces textes et d’autres comme ceux de Philon ou de Flavius Joseph pour voir les filiations, les
incompatibilités, les manipulations parfois. C’est dans cette recherche qu’il compare le mouvement essénien,
centré sur Qumran « à l’arbre qui cache la forêt », la forêt que représentent tous ces courants religieux qui
perdurent, se transforment alors que les Esséniens disparaissent dans les affres de la révolte juive de 66-
76…Les manuscrits de Qumran ont des origines plus diversifiées que l’origine essénienne…
E-M Gallez (E.M.G) mène une étude précise des principaux textes : il cherche à mettre en lumière
l’originalité de certains textes messianiques. C’est ainsi qu’il étudie longuement le Testament des XII
Patriarches. Plus rapidement, le second livre de Baruch, l’Apocalypse d’Elie, le 4ème Livre d’Esdras et les
Paraboles d’Enoch. Il y a une certaine unité dans ces écrits souvent remaniés, transformés. Ce courant
messianique se distingue et des juifs orthodoxes (rabbanites), et des chrétiens d’ailleurs divisés à cette période
par les querelles sur la divinité du Christ. S’y révèle l’attente d’un personnage céleste (certains parlent du
Messie Jésus, Fils de Marie, mis en réserve lors de la crucifixion et enlevé au ciel) ; il reviendra pour restaurer
le peuple élu dans ses droits et ses lois ; pour restaurer le Temple et son culte et rétablir Jérusalem au centre
du monde ; puis viendra la destruction finale de ses ennemis. Les tenants de ce messianisme vivent dans
l’attente de Jésus reconnu comme Messie et simplement messie mais pas comme Fils de Dieu. Jésus reviendra
pour établir le Royaume de Dieu à Jérusalem et sur la terre. Eux, ils pourront contribuer par la force des armes
à cet établissement du Royaume…
Dans la seconde partie de ce tome, l’auteur va rechercher dans l’histoire des premiers siècles les
traces de ces messianistes souvent révoltés, pourchassés, mais toujours présents jusqu’au 7ème siècle. Les
révoltes comme celle de 135 sont connues mais il en est d’autres connues seulement par quelques traces
laissées dans la grande histoire de l’Empire byzantin et relevées par l’un ou l’autre des chroniqueurs de cette
longue période : au cours du 4ème siècle par exemple, puis lors de l’expédition iranienne des Sassanides à
Jérusalem en 614…
Reste à trouver l’origine de ce mouvement. Nous connaissons, par les Actes des Apôtres, la première
communauté de Jérusalem dirigée par Jacques, « le frère du Seigneur », Jacob le Juste…Leur évangile c’est
l’évangile de Matthieu rédigé en araméen, la prière est faite en se tournant vers Jérusalem. Les crises de
l’année 70 vont faire éclater cette communauté judéo-chrétienne. Ainsi, plus tard, les Pères de l’Eglise parlent
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de groupes qui en émanent : les ébionistes par exemple qu’ils décrivent comme s’abstenant de vin et attendant
le retour du messie…Parfois d’ailleurs, certains les confondent, à tort, avec les sectes gnostiques. D’autres
parlent de nazaréens…(Dans Jean Daniélou et Henri Marrou-Nouvelle Histoire de l’Eglise : I - des origines à
Grégoire Le Grand, plusieurs chapitres sur la crise du judéo-christianisme et son expansion au Moyen
Orient ; ch. 3 à 6 pp 59- 110 .passim)
Le terme de « judéonazaréisme » est un terme créé par Edouard Marie Gallez pour le distinguer des
nombreux autres courants. Cette identification lui permet de mieux le localiser : il est présent dans les régions
aux marges de la puissance impériale (Syrie, puis Yatrib) ; il développe une vision de l’histoire et du monde
axée sur le salut et ce salut, ses tenants sont convaincus d’être choisis par Dieu pour l’apporter, au besoin par
la force, pour permettre ce retour du messie. Certaines de leurs prières annoncent la shahada des musulmans.
Le T II peut maintenant aborder la question des origines de l’Islam et de ses liens avec le judaïsme et
le christianisme et c’est précisément le courant judéonazaréen éclairé par le tome I qui lui permet de voir la
genèse de cette religion. C’est le début d’une lecture passionnante mais difficile. Contentons-nous de citer les
principales étapes de cette enquête.
LES DOCUMENTS CORANIQUES ET LEUR ETUDE…
° D’abord, une première partie aborde de front la tradition musulmane pour entrer dans la lecture du
Coran et pour souligner les questions et les difficultés qui surgissent…Le chercheur rencontre le livre sacré, le
Coran mais aussi la Tradition, la Sunna. La Sunna et ses recueils de hadîts, attribués au Prophète ou à ses
proches, indiquent la manière de lire et de comprendre le texte coranique. L’ensemble forme un bloc où il est
difficile sinon impossible de faire appel à des sources historiques. Il n’y est fait aucune allusion au courant
judéonazaréen.
Heureusement, les origines de l’Islam ont été étudiées par des musulmans eux-mêmes surtout aux
premiers siècles de leur histoire et aussi par des chrétiens orientaux, puis ceux d’Occident -et pour ceux-ci au
moins depuis le Moyen-âge. Enfin, à notre époque, les études se multiplient et souvent à nouveaux frais.
On sait déjà que les sources islamiques sont tardives et postérieures de 150 à 300 ans à la période qu’elles
sont censées décrire. De plus, on ne possède aucun exemplaire du Coran antérieur au 9ème siècle ; les
manuscrits fragmentaires les plus anciens sont de la fin du 7ème ou du début du 8ème siècle et leur étude
systématique en est à ses débuts et n’est pas aisée (cf. le cas des fragments coraniques trouvés dans une
cachette de la mosquée de Sanaa, découverts en 1972, photographiés par Gerd Puin, un universitaire
allemand, et dont une partie des clichés a été voilée par les autorités yéménites). Cela rend difficile l’étude de
ces documents anciens.
UNE RECHERCHE SUR CERTAINS TEXTES DU CORAN
Edouard Marie Gallez (EMG) étudie certains textes du Coran pour faire surgir des questions :
° Ainsi, le voyage nocturne de Muhammad au ciel pour y recevoir le Coran qu’il oublie ce qui oblige l’ange
Gabriel à le lui dicter par la suite. Pourquoi Muhammad gagne Jérusalem pour grimper au ciel ? N’est-ce pas
pour que le Coran gagne le label de religion révélée ? N’est-ce pas aussi afin que Jérusalem soit reconnu
comme un lieu saint de l’Islam ?
° Ainsi, la sourate 5 (la sourate de la table) met en évidence des expressions étranges : le verset 116
reproche aux chrétiens de placer Marie, la mère de Isa-Jésus, dans la Trinité. L’erreur viendrait de ce que le
mot Esprit est féminin en araméen et de ce fait pourrait être dit la Mère de Jésus.
° Il décèle des glissements dans le sens de certains termes ; il met cela en évidence dans la sourate 5 (t II
pp 74-98) : alors que le v.82 de la dite sourate 5 indique que les nazaréens sont proches des musulmans, au
v.51, il est recommandé à ceux-ci de ne pas se lier d’amitiés avec les yahud (les juifs) et les nazaréens (terme
qui maintenant désigne les chrétiens)… Glissement de sens : le terme « nazaréens » désignant d’abord les
judéonazaréens, selon l’auteur, avant de désigner ensuite les chrétiens et le mot qui les désignait jusqu’alors,
musrikûn (associateurs), devient libre pour désigner les polythéistes de La Mecque qui s’opposaient à
Muhammad…De même le mot « Umma désignant la communauté des croyants devient réservé aux
musulmans alors qu’ils ne sont alors qu’une poignée de fidèles »…
EMG étudie d’autres passages du Coran, à la suite d’ailleurs d’autres chercheurs comme Régis Blachère et
Antoine Moussali. Ainsi la sourate 61 (t II pp 135-153). L’ensemble de la sourate apparaît comme un
parallèle entre Moïse et Jésus où le peuple refuse de reconnaître en eux des messagers de Dieu. Mais le v 6
pose problème car il y a deux versions : la version devenue officielle nommant un ahmad (pour Muhammad)

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annoncé par Isa-Jésus, fils de Marie et la version dite d’Ubayy dans laquelle le même Isa-Jésus annonce un
prophète dont l’umma sera la dernière et par lequel Dieu mettra un sceau aux prophètes et aux messagers.
Laquelle est authentique ? Peut-être ni l’une ni l’autre. Les deux versions coraniques seraient des ajouts au
texte primitif plus cohérent sans eux. Mais ces versets et d’autres (s.33, 7 et 40) présentent Muhammad
comme le couronnement dans la succession des prophètes. L’auteur souligne que le verset est mal équilibré
par la mention de « et de toi » et serait pour lui un ajout.
MUHAMMAD, UN PROPHETE ?
° On attribue traditionnellement à Muhammad le titre de prophète. Mais qu’en est-il réellement ? (T II
pp 98-114)
D’après les sources musulmanes, ce titre lui est reconnu tardivement : l’inscription sur le Dôme du Rocher à
Jérusalem (694) le désigne seulement comme messager (rasul) comme Isa-Jésus ; une rencontre entre
l’évêque Jean et l’émir de Homs (644) ne cite ni Muhammad, ni le Coran : l’émir évoque la Tora en hébreu et
la loi Maghra, celle des muhajirun (Les Emigrés, ceux qui ont fait l’Emigration à Yatrib), première
dénomination des croyants avant celle de musulmans…
Quand on le qualifie de prophète dans les sources juives par exemple comme « la Didascalie de Jacob » (avant
640) ou « Les Secrets de Rabbi Simon », apocalypse juive du 8ème siècle, c’est parce que Muhammad est
considéré par ces juifs orthodoxes (rabbanites) comme celui qui précède la Messie, un nouvel Elie en quelque
sorte, et pas le messager d’une religion nouvelle.
QUELLES SONT LES SOURCES D’INSPIRATION DE MUHAMMAD ?
° Ce sont des sources musulmanes qui rapportent les sources d’inspiration de Muhammad (t II pp 114-
131) dont on trouve trace dans le Coran (s.25,4-5 ; s 41,44 ; s 75,17-18 ; s 16, 103). Les traditions
musulmanes citent divers personnages présentés comme ayant joué un rôle auprès de Muhammad mais leur
historicité n’est pas garantie : le moine Bahira-Sargis (Serge ajouté à son nom, est un saint populaire parmi
les chrétiens de Syrie) connu par un écrit syrien d’avant 828 ; plusieurs noms de juifs convertis à l’Islam, un
Perse, un arabe ; Zayd, le secrétaire juif de Muhammad qui connaît l’arabe, l’hébreu et apprend le syriaque à
la demande de son maître ; enfin, Waraqa, cousin de Hadija, l’épouse de Muhammad, désigné comme
prêtre ; c’est lui qui les aurait mariés. Il aurait été nazaréen et aurait traduit en arabe l’évangile hébreu i-e la
version de Matthieu en araméen, le seul évangile des nazaréens et nommé l’injil dans le Coran ; un autre
auteur avance qu’il était du groupe des Qurays ou Qoréchites.
Un proto-islam ? (T II pp 132- 135)
Ce personnage est étonnant et les autres qui sont cités permettent à EMG de dessiner les traits d’un proto-
islam qui va dans le sens de l’ensemble de sa thèse : les judéo-nazaréens sont entrés en relation avec des
arabes dont des Qoréchites et les ont gagnés à leur messianisme. Waraqa a joué un grand rôle par les liens
établis entre les familles et les deux groupes, Juifs messianistes et Qorèchites mais aussi comme traducteur de
l’évangile et sans doute d’autres textes qui seront repris dans le Coran : des catéchèses destinées aux Arabes ;
il ne sera pas le seul à faire ce travail : Zayd continuera plus tard et jusqu’aux califes… Plusieurs y ont pensé
dès le 8ème siècle en Orient mais on attribuait cette influence aux juifs orthodoxes et non aux judéonazaréens.

HISTOIRE DU TEXTE CORANIQUE (t II. pp 179-265)


° EMG aborde ensuite les origines du Coran tel que nous le connaissons. C’est lors de l’arrivée au pouvoir
des Omeyyades à Damas que le souvenir du guerrier-prédicateur Muhammad, mort en 632, est remis en
honneur. Et au départ, semble-t-il, par des opposants au califat. C’est pour le rappel des origines mais aussi
comme le messager nécessaire pour faire le poids face aux juifs à qui Moïse a donné la Tora et aux chrétiens à
qui Jésus a donné les Evangiles. Muhammad est celui qui a donné aux arabes le Coran, leur livre sacré.
° Mais quelle est l’origine de ce texte et ensuite comment est-on arrivé au texte actuel ?
- D’abord que signifie le mot coran ou qur’an : la racine qr’ signifie lire ou réciter en public ; en syriaque,
le mot qeryana désignait ce que nous appelons aujourd’hui un lectionnaire de textes bibliques. Juifs et
chrétiens utilisaient de tels lectionnaires sous le terme de miqr’a ; il en va de même du terme sourate qui
désigne les chapitres dans le Coran : son origine serait le mot sura désignant en hébreu targumique un
élément du livre-rouleau mais on peut aussi le rapprocher de la racine hébraïque sîr (chanter qui donne sîra,
cantique) : ce serait le sens le plus adapté à partir des ressemblances bibliques.

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Il est question d’un lectionnaire arabe et dénommé coran dans plusieurs sourates (s.43 ; s.13 ; s.20)
mais ne serait pas le texte que nous appelons maintenant le Coran.
Dans le Coran actuel, quels sont les textes bibliques les plus fréquemment évoqués ? :
° Les prophètes sont mentionnés mais toujours en bloc…
° Le psautier de David n’est cité qu’une fois : « Oui, ils hériteront de la Terre, mes serviteurs, gens de bien. »,
un texte clairement messianique.
° Mais ce sont la Tôra et l’évangile (l’injil) souvent cités ensemble. L’évangile en question est celui de
Matthieu en araméen, le seul connu des judéonazaréens. Le lectionnaire en usage chez eux et sa traduction en
usage parmi les arabes ralliés était constitués par la Tôra et l’injil. Dans un texte au ton polémique on
lit : « Apportez donc un Ecrit de la part de Dieu qui guide mieux que ces deux-là, que je le suive » (s.28, 49) ;
le reproche adressé aux juifs rabbanites c’est de ne pas appliquer la Tôra sur certains points et l’évangile, en
particulier de n’avoir pas reçu le Messie Isa-Jésus. Mais souvent, des reproches sont adressés aux chrétiens,
les musrikin ou associateurs : le principal, en effet, est d’avoir « mis à côté de Dieu un autre dieu. » (s.
15,96).Beaucoup de passages sont des allusions à ces feuilles du lectionnaire issus de la Tôra ou de l’évangile.
L’auteur met en lumière certaines au cours de son travail sur le texte coranique.
° Une partie intéressante de l’ouvrage est l’étude du CORAN DES CALIFES : c’est étudier le long
travail d’édition du Coran que nous connaissons et les procédés mis en œuvre pour y parvenir.
- D’abord, EMG tente de fixer les dates qui peuvent être utiles à son propos.
° En 638, le projet des arabes et des judéonazaréens venant de Médine (Yatrib) est atteint : Jérusalem est
conquise, la reconstruction du Temple est entreprise même si c’est de façon sommaire. Mais le Messie
annoncé ne descend pas du ciel pour établir le pouvoir terrestre universel attendu…
D’où la rupture entre les judéonazaréens et leurs alliés arabes. Ceux-ci, disciples de Muhammad, se
considèrent désormais comme le véritable peuple de Dieu et rejettent, parfois violemment, les judéonazaréens.
Les traditions musulmanes anciennes en gardent le souvenir, les sources chrétiennes parlent de jalousie et
d’expulsions vers 640. Peut-être aussi le conflit avec les juifs rabbanites présents à Jérusalem a-t-il tenu un
rôle dans la rupture.
- Ensuite, pour le Calife Umar, lieutenant de Dieu sur la terre, il devient nécessaire de justifier le pouvoir
acquis par les arabes. Les juifs disposent de la Tôra et des Talmuds, les chrétiens ont le Nouveau Testament.
Les seuls écrits en arabe dont disposent les vainqueurs étaient ceux que les judéonazaréens avaient traduits
pour eux : le lectionnaire-coran, des traductions partielles d’autres textes mais aussi des écrits de circonstance
destinés à la catéchèse des arabes.
° Les traditions musulmanes parlent de plusieurs collections des textes du Coran : à Kufa et à Bassora (Irak),
en Syrie, à Médine. La nécessité d’un texte unique devient nécessaire ne serait-ce que pour les soldats : ils se
trouvent en face de diverses versions ce qui génère des disputes entre eux. Umar et les califes de Damas vont
s’employer à cette édition. Sous le contrôle du pouvoir, le travail consiste à collecter, supprimer et ajouter et
cela pendant près de 80 ans. Le texte sera réparti en 114 sourates : c’est leur longueur qui détermine leur place
dans le livre et non leur date supposée de dictée. Il est difficile ensuite de donner une date aux différents
textes. Les recueils en circulation jusque là seront détruits mais cette entreprise fut-elle menée à terme à cette
époque ?
- Enfin, cette mise en ordre des textes d’origines différentes a aussi pour but de présenter le Coran
comme une troisième révélation venant compléter celle de Moïse et celle de Jésus et adressée cette fois aux
arabes. Le Coran dit que les habitants de la Mecque étaient de polythéistes et ils s’opposent à Muhammad qui,
avec quelques fidèles, se réfugie à Yatrib. C’est même la date qui marque le début de l’ère musulmane 622
que l’on désigne comme l‘Hégire (L’Emigration).
Mais les études historiques du XXème siècle nous apprennent qu’il y avait des Arabes chrétiens avant
Muhammad et ils emploient le mot Allah pour désigner Dieu… Des fouilles archéologiques ont mis en
évidence la présence d’évêchés le long de la rive arabe du golfe persique, du Koweït et des Emirats Arabes
Unis ; d’autres révèlent l’évangélisation tant des populations sédentaires que des population nomades ; c’est
l’œuvre des églises nestoriennes ou jacobites et de leurs moines ; on comprend mieux ainsi que les
judéonazaréens aient eu la volonté de gagner à leur cause ces populations récemment christianisées et parfois
encore malléables. Certains textes, y compris musulmans, mettent en lumière la liberté dont bénéficient les
femmes dans cette société : certaines dirigeaient des tribus ; certaines seront des opposantes déterminées à

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Muhammad ; La présence de communautés monastiques féminines dans ces régions peut expliquer la place
importante de la femme arabe à cette époque…
° L’étude que fait EMG de plusieurs sourates montre les insertions dans le texte qui changent le sens de
certains mots ou l’oubli de certaines expressions (le Saint Esprit des feuilles originales devient ainsi l’esprit
du Saint et désigne l’ange Gabriel). Le but final est de renforcer le sentiment que la troisième révélation est
adressée par Allah aux Arabes, descendants d’Ismaël, fils d’Abraham.

NE SERAIT-CE PAS EN SYRIE QUE TOUT AURAIT COMMENCE ? (T II pp 267-335)


À partir des recherches des deux parties précédentes, à partir d’indications d’auteurs arabes ou de
chrétiens orientaux, l’auteur se tourne vers la géographie et l’histoire de la Syrie. Un certain nombre
d’indices lui permettent d’y voir la région où l’islam a pris naissance.
Parmi ces indices :
° La présence ancienne des Qoréchites ou la tribu de Qurays en Syrie: vers 485, leurs raids de pillages sont
signalés dans des régions syriennes. Au siècle suivant, ils sont devenus des commerçants prospères et ce
changement plaide pour une christianisation. De plus, les principaux généraux de Muhammad seront des
Qoréchites.
° Une étude attentive des noms de lieux de la Syrie révèle aussi d’autres indices. En particulier dans 4 régions
il existe des noms rappelant les Nasaréens et aussi les Qurays (Qoréchites). Pour ces derniers ce serait des
points de départ de routes commerciales vers la mer ou la Mésopotamie
° Puis, la recherche se concentre sur ces Qurays, présentés dans la Sunna comme des païens de La Mecque
hostiles à Muhammad. Des sources arabes, citées par Ibn Khaldun, les voient pourtant s’imposer aux Arabes
du nord i-e de la Syrie. L’événement important est l’Hégire, l’émigration « judéoarabe » de la Syrie à Yatrib
qui deviendra Médine et la date du début de l’ère musulmane (622). L’auteur avance que c’est la période où le
basileus reconquiert les terrains perdus lors de l’invasion des Sassanides de 614. Les judéonazaréens et les
arabes qui avaient participé à cette invasion auraient gagné cette ville lointaine pour se mettre à l’abri. C’est
delà qu’ils partiront pour la conquête de nouvelles terres et en particulier de Jérusalem…
Mais la Syrie recèle d’autres découvertes : le tombeau d’Ismaël ou une ville portant le nom de Mekka (Moka
de Ptolémée) dans la région de Pétra. Une des directions de la prière des musulmans était Jérusalem à
l’origine (comme pour les juifs et les judéonazaréens) ; mais après la conquête de Jérusalem et le non retour
du Messie, la direction de la prière est vers le nord, l’Est ou l’Ouest selon la ville habitée mais ce serait
toujours vers la Syrie. Jacques d’Edesse pense que c’est vers une Ka’ba, ancien sanctuaire des Qurays ou de
judéonazaréens.
Qu’en est-il alors de la Mecque et de la Ka’ba qui en est un des principaux monuments ?
° La Mecque, ville sainte de l’Islam est présentée dans la tradition musulmane comme un ville célèbre par
son commerce et sa richesse et la ville natale de Muhammad L’historienne Patricia Crone, après examen des
sources antiques, arrive à la conclusion que cette ville n’est pas connue à l’époque par son commerce, son
port, son carrefour de pistes caravanières : elle est trop à l’écart. Muhammad y a-t’il même vécu ? Et il s’avère
aussi que cette ville sainte est une création des califes de Damas. D’après des traditions musulmanes, la Ka’ba
remonte à Abraham, sinon à Adam.
La Mecque, placée d’ailleurs dans un site quasi désertique, sujette aux torrents violents qui la détruiront
parfois, devient la ville sainte après 660 par la volonté des Ommeyades…. La Ka’ba brûlée en 683 est
rebâtie l’année suivante par un chef dissident, puis reconstruite dans les normes en 692.
QUI EST VRAIMENT MUHAMMAD ? (T II pp 335-489)
° Muhammad mérite d’abord qu’on essaie de comprendre le sens de son nom et de dresser autant que
faire se peut le portrait historique de cette personnalité.
Ce nom n’apparaît pas avant lui mais devient ensuite un prénom très courant chez les musulmans.
Beaucoup de chercheurs pensent d’ailleurs qu’il s’agit d’un surnom. Il reste à en éclairer le sens. Le mot arabe
serait mhmd ou Mhmt mais sa signification ayant trait à la louange est difficile à saisir. L’hébreu comporte
une racine hmd mais avec un sens autre que louer : il tourne autour de l’idée de « désirer, convoiter ». Dans le
livre de Daniel, le surnom qui est donné au Prophète par l’ange Gabriel est « is-hamudôt » ou « homme des
prédilections » (cf. Dan. 9, 23-24 ; 10, 11 et 10, 19). Le terme équivalent en arabe serait « mu-hammad ». Les
judéonazaréens pour lesquels Daniel qui annonce la venue du Fils d’ Homme est un prophète vénéré auraient
donné au chef de guerre arabe, leur allié, le surnom de « Celui qui désire plaire à Dieu ».
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Mais les musulmans traduisent ce nom par « Le très Loué ou le très Renommé ». EMG explique cette
évolution par une raison apologétique : Moïse a annoncé Jésus, un prophète venant après lui (Dt 18). Dans la
s. 61, 6, une insertion fait annoncer par Isa-Jésus un certain ahmad. Les commentateurs, en se servant de Jean
15, 26 et d’autres versets où Jésus annonce la venue du Paraclet, vont faire un détour par le syriaque : le
Paraclet s’y traduit par Menahhemanna (consolateur et vivificateur). Les apologistes de la cour des califes
vont jouer sur les consonnes utilisées en grec pour paraklétos et périklutos. Ce dernier terme signifie
littéralement « celui dont on entend parler autour » ; Jésus aurait ainsi annoncé Muhammad, « le très
renommé. »
Les autres citations de ce nom dans la Coran permettent d’aborder d’autres questions comme la mort de
Muhammad, la question du choix des hadîts placés dans le Coran, les références à des textes bibliques ou des
références à Moïse ou à Isa-Jésus, les grands messagers (rasul) de Dieu. Cela donne une étude poussée des s.8
et 48. D’après EMG, ces deux sourates seraient une relecture des évènements après un échec des arabes et de
leurs alliés dans la marche vers Jérusalem en 614 derrière les Sassanides.
° Le « Muhammad » historique. L’auteur tente ensuite en quelques pages de tracer « le portrait historique
vraisemblable » de celui qui joue un grand rôle à ce moment. En vingt pages (t II pp.369-389), il dessine les
points importants de son itinéraire.
- Sans qu’on sache l’année de sa naissance (entre 580 et 590) , on peut suivre les traditions qui en font un
marchand qui a épousé Hadija , la riche commerçante, la cousine du prêtre Waraqa, une judéonazaréenne
qui lui donne 4 filles. En 614, elle est morte et Muhammad fait partie de l’expédition des Sassanides à
Jérusalem avec les judéo-nazaréens. Même si pour eux le côté messianique de cette guerre a été un échec,
ils en tireront les conséquences.
- Au lieu de retourner en Syrie, ils s’installent à Ansiriyé près de Saïda, proche de la Palestine, puis, lors de
la reconquête byzantine, ils gagnent l’oasis de Yatrib qu’ils vont nommer Médine.
- La reconquête de Jérusalem, toujours à l’ordre du jour, nécessite l’adhésion de nombreuses autres tribus
arabes dont plusieurs étaient déjà christianisées. Adhésion ou soumission de ces tribus et promesse de
butin et du paradis où coulent des fleuves de vin. Muhammad s’investit dans cette mission.
Des sources non-musulmanes apportent de nombreux éléments à la période médinoise :
Le chef de guerre que Muhammad est devenu est aussi, aux yeux des juifs rabbanites, réfugiés aussi à
Médine, un prédicateur qui connaît bien la Tôra et les invite à vivre selon la Loi et à retourner conquérir
Jérusalem. Certains y voient aussi le nouvel Elie qui annonce le Messie. Mais certains se méfient devant cet
homme qui utilise la violence pour s’imposer : il ne peut être le prophète attendu….
Vis à vis des chrétiens arabes qui attendent le retour du Christ à la fin des temps, Muhammad joue aussi
sur le retour du Messie-Jésus. Il gagne ainsi des alliés sur les deux tableaux.
Il prépare ainsi, par sa prédication messianiste, par le ralliement des tribus arabes, la conquête de Jérusalem
et du monde « qui appartient à ceux que Dieu a choisis pour le lui soumettre. » Il s’agit d’un nouvel Exode
que les muhajirun (les émigrés de Yatrib) ont entrepris sur le chemin de Dieu… Il y eut même une tentative
de reprendre la Palestine en 629... mais ce fut de nouveau l’échec.
On sait aussi que Muhammad est mort à Yatrib-Médine. La date : 832 en général ; certaines sources
avancent 629 ; d’autres 634 alors que les conquêtes sont lancées et qu’une chronique syrienne raconte la
bataille de Gaza entre les Romains (les Byzantins) et les Arabes de Muhammad le 4 février 634. C’est
d’ailleurs la première mention dans un écrit du nom de ce prédicateur guerrier et cette victoire arabe est le
résultat de son oeuvre politique et du courant messianique judéonazaréen qu’il a pris à son compte.
Avant la conclusion générale, DE NOMBREUSES ANNEXES :
• Archéologie judéo-nazaréenne avec l’étude de 2 villages en Syrie et du signe du tâw faisant découvrir
la coexistence entre des sédentaires judéonazaréens et des Quoréchites voyageurs
• Site Mecquois et « Nouvelle Jérusalem » islamique.
• Lieutenant de Dieu ou successeur du prophète de Dieu.
• Cinq courtes études coraniques.
• Médine, un nom biblique attribué à Yatrib : glissement de Modin à Médina.
• Rasul et Nabiy dans la théologie judéo-nazaréenne : rasul-messager et nabiy-prophète.

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LA CONCLUSION GENERALE (t II pp.505-511) fait la synthèse de tout le travail accompli : « La piste
de recherche suivie ici est celle qui a été entrevue depuis longtemps mais restait sous-exploitée, du moins
jusqu’aux études les plus récentes. Cette perspective couvre plus de mille ans d’histoire – il fallait bien deux
tomes pour l’exposer – et la recherche devra se poursuivre dans de multiples directions ; mais les résultats
obtenus suffisent à déterminer une compréhension nouvelle et décisive de l’Islam. »
° L’auteur rappelle le point de départ de la recherche : « les textes et les témoignages d’une mouvance
qualifiable de messianiste, au sens d’eschatologico-guerrière et décidée à établir le Royaume de Dieu sur la
terre. »…Puis, à la suite du message de Jésus, après la ruine du Temple en l’an 70, naît une idéologie de salut
qui est à la fois une contrefaçon, une dérive et un retournement du Royaume de Dieu annoncé par les
évangiles. Cette idéologie portée par le mouvement désigné par l’auteur sous le terme de judéonazarénisme
s’est maintenue bien au-delà des deux siècles qui lui sont reconnus jusqu’ici. Basée sur une réalité ethnique
juive, elle ne s’est ouverte aux Arabes qu’à la fin du 6ème siècle.
° Il résume aussi le terminus ad quem : une meilleure compréhension des origines historiques de l’Islam.
« Sous Umar », le projet commun aux judéonazaréens et aux proto-musulmans a abouti comme tel à une
impasse ; un autre lui est substitué ; mais le système de pensée, lui, reste le même. Simplement, il a reçu un
nouvel habillage aux points de vue historique et conceptuel, et est ainsi parvenu jusqu’à nous.
Habillage historique en effaçant le passé juif et en créant un passé arabe fictif par la création d’une ville, La
Mecque, supposée remontant à Abraham et par la compilation de feuillets choisis parmi ceux que les
judéonazaréens avaient laissés en arabe et qui devaient manifester le choix de Dieu sur la nation arabe en lieu
et place d’Israël.
Habillage conceptuel qui porte sur le Coran et sur son statut et se met progressivement en place. D’abord,
vers 680, c’est un livre dicté par Dieu à Muhammad, le chef de guerre des origines. Un siècle plus tard,
apparaît le schéma des trois révélations : Moïse, Jésus, Muhammad. Dans la foulée, la compilation ébauchée
sous Umar et maintes fois remaniée ensuite accède au statut de Livre incréé, dicté mot pour mot par l’Ange
Gabriel.
Comme le dit l’auteur, de nombreuses questions sont ainsi ouvertes à la recherche à venir. Ces recherches
seront « à la fois spécialisées et nécessairement transdisciplinaires » pour porter du fruit.
La bibliographie occupe plus de 40 pages. Parmi les auteurs, ceux qui ont ouvert la voie : Louis de
Prémare avec « Aux Origines de l’Islam »… Patricia Crone avec « Macca Trade and The Raising of Islam »,
Christophe Luxenberg (Etudes sur le syriaque et l’araméen dans le Coran), Antoine Moussali, prêtre lazariste
d’origine libanaise, décédé en 2003 et avec qui l’auteur a travaillé pendant dix ans.
L’index des versets ou groupes de versets coraniques cités donne 480 références.
CONCLUSION
‘Le Messie et son prophète, aux origines de l’Islam’ est une thèse. Comme toute thèse, elle est une
ouverture, elle ouvre des pistes nouvelles, elle permet normalement un débat. C’est sûrement un ouvrage
imposant qui aborde des questions importantes pour notre temps et l’avenir. Il traite de questions historiques à
partir des sources disponibles ; il fait parfois appel à l’archéologie ; il utilise les méthodes d’exégèse autres
que celles traditionnelles du Coran ; la connaissance des langues comme l’hébreu, le syriaque, le grec, en plus
de l’arabe et de ses évolutions est bienvenue.
Elle éclaire des présentations de l’Islam qui se font jour actuellement même dans les revues comme ‘Le
Monde des Religions’. J’ai ainsi relu avec intérêt le n° de sept-octobre 2006 consacré au Coran ; en particulier
‘Il faut interpréter le Coran de Malek Chebel’ et ‘la Parole confisquée par l’écrit’ de Mohammed Arkoun. Des
émissions de télé récentes offrant des tribunes à des chercheurs de différents horizons et à des musulmans qui
cherchent comment ouvrir l’Islam à la société actuelle, apportent des éléments nouveaux même s’ils ne font
pas allusion à cette thèse.
Elle demande sans nul doute un effort pour l’étudier mais je pense qu’elle permet, en plus des découvertes
sur de nombreux points d’histoire, une ouverture raisonnée à la tradition musulmane.

Herménégilde Cadouellan

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