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A prOpOs

DE LA L0| C0NTRE LES ASSOCIAT10NS

REL | G | EUSES

•o#o»

LEXamen de C0nSCienCe

d'un ReligieuX

& cc. o. /-ce2 --

Extrait de LA VÉRITÉ FRANÇAISE


24 Juillet 1901
#

Sous ce titre « L'examen de conscience d'un Religieux »


La Vérité Française publie un écrit que je voudrais voir
entre les mains des sénateurs et des députés qui ont voté
la loi contre les associations.
OSCAR HAVARD
l'Examen de CISCiEnCº dul Religieux

15 juillet.

Encore deux mois & demi, puis bientôt deux mois


jusqu'à l'échéance. Nous sommes remis à notre conscience & à
notre jugement. Rome n'ajoute plus un mot à ce qu'elle nous
a dit. Elle a dit, d'ailleurs, dans la lettre du 29 juin, tout ce
qu'elle devait nous dire, avec fermeté, avec affection.
Ce qui s'impose aujourd'hui, c'est de prendre une décision.
A remettre au lendemain, dans l'attente vague d'un événement
providentiel qui modifiera la situation, nous nous trouverons,
à l'heure décisive, embarrassés, empêchés par des anxiétés de
tout genre, adossés, par le fait de nos délais, à l'urgence d'un
péril qui ne nous laissera ni la liberté de la réflexion, ni l'aisance
du choix, ni la sagesse des mesures. C'est aujourd'hui qu'il
faut se résoudre.
Que faire ?
Nos amis s'inquiètent & supplient : « Que deviendra, sans
vous, la France honnête & chrétienne ? »
Autour de nous, la masse des intérêts matériels s'irrite. Des
| hommes de droiture & de loyauté nous disent : « Ce n'est
qu'une formalité légale à accomplir. Le gouvernement n'ira pas
jusqu'au bout. Sollicitez l'autorisation. On vivra quelques mois ;
les élections viendront, avec elles un changement dans l'axe
politique. Les ministres sont mortels, les cabinets sont chose
fragile. Attendez. Sollicitez l'autorisation. Les premiers qui la
solliciteront seront les premiers à l'obtenir. »
Je ne demanderais pas mieux. Nous vivons, malgré tout,

heureux en France. En France, c'est chez soi. L'exil est dur. Il


y a quelque chose de notre âme qui tient à la patrie. Ce n'est
pas qu'on nous ait beaucoup épargnés, nous autres religieux ;
on a même quelque peu dépassé envers nous la mesure des
vexations permises contre des citoyens paisibles. Lois existantes,
expulsions, droits d'accroissement, taxe d'abonnement, impôts
d'exception, tout a pesé sur nous. Et pourtant, je sens trop
bien, encore que peut-être ce soit un tort de l'avouer, je sens
qu'on n'est point parvenu à décourager notre attachement à la
chère patrie, aimée quand même. Peut-être aurai-je un gros
regret demain, & préférerai-je la vie précaire que je mène ici à
l'hospitalité banale ou même à l'accueil empressé de l'étranger.
Accueil empressé ! Ne comptons guère là-dessus. Nos voisins
d'au delà des frontières ne nous témoigneront ni reconnaissance,
ni générosité. Aussi bien n'est-ce pas une préférence, mais la
seule nécessité qui nous conduira chez eux.
Encore y a-t-il vraiment nécessité ?
Ah ! que nous avons vécu tranquilles dans notre chère
maison religieuse !
C'est ici, dans cette demeure paisible, que s'est écoulée la
plus grande part de ma vie, dans la société de mes frères. Je
l'ai fait réparer avec un peu de complaisance ; je l'ai adaptée de
mon mieux aux exigences de notre vie & de notre travail. Telle
qu'elle est, ce n'est pas un chef-d'œuvre d'architecture, oh !
non , mais c'est la maison paternelle, devenue si nôtre par la
longue accoutumance des personnes & des choses que nous
aurons peine à nous ressaisir, une fois en dehors de ce cadre
— 5 —

si aimé où nous avons prié & souffert ensemble. Même sa


pauvreté nous est chère. Les gens du monde ne savent pas ce
que c'est que vivre sous le même toit que Dieu ; là, à vingt
pas de nous, c'est l'oratoire, &, tout à côté, se pressant contre
Ses murailles, groupés encore autour de Dieu, nos chers morts,
les chers aimés qui nous font signe de demeurer.
Ah ! je le voudrais bien !
Ce qui me retient, ce sont les amis de tout près & de chaque
jour, les amis d'un peu plus loin, mais qui nous reviennent si
régulièrement que la distance, on le voit, ne fait rien à leur
affection ; ce sont les œuvres qui ont doucement prospéré en
nos mains, & dont le pays a profité ; c'est l'influence dont nous
disposions autour de nous. Elle ne s'employait que pour le
bien & dans l'intérêt des âmes. Il ne me semble pas que cette
influence, obtenue par de longs services, ait jamrais été pour la
France une menace ni un danger. Pauvre & chère France ! Eh !
sans doute, il ne convient pas d'être attachés outre mesure,
nous religieux, ni moi leur chef, à des intérêts quelconques,
même à des intérêts surnaturels. Mais enfin, il ne convient pas
davantage de les trahir étourdiment, ni de déserter, dans un
emportement d'humeur, le poste, si humble soit-il, qui nous a
été confié.
Est-ce donc vraiment un devoir pour moi de dire adieu à la
France, adieu à cette chère & bénie demeure, adieu à la société
des amis qu'on ne reverra plus, adieu à tout le travail
commencé, adieu à tout le bien accompli déjà, adieu à la cendre
de nos morts, adieu à tout ce faisceau d'œuvres que nous
n'abandonnerons que pour les laisser ou déchoir ou tomber aux
mains de l'ennemi ?

Impius haec tam culta novalia miles habebit


Barbarus has segetes !

Et puis, où aller demain ? Les pays voisins sont si peu sûrs,


— 6 —

si peu hospitaliers ! Bien menacée leur tranquillité, bien précaire


leur abri ! Comment faire vivre en pays étranger soixante reli
gieux ? Lorsqu'ils sont venus ici, un par un, ils ont trouvé,
dans l'ensemble vivant de la communauté & des œuvres, leur
place, leur emploi, leur utilité. Même ils semblaient venir
providentiellement pour remplir un office conventuel jusque-là
en souffrance. Mais, les conditions normales de notre vie reli
gieuse une fois déconcertées par l'exil, où trouver le travail de
chacun, & comment assurer la vie de tous ?...

16 juillet.

Mais voici qu'à l'heure même où je cherche ma voie, Rome


fait parvenir aux supérieurs des instructions précises, par
l'organe de la Congrégation des Évêques & Réguliers. Dieu soit
béni ! c'est la lumière, c'est la consigne pratique, venant du
Pape &, par lui, de Notre-Seigneur Jésus-Christ :

Le Saint-Siège réprouve et condamne toutes les dispositions de la


nouvelle loi qui lèsent les droits, les prérogatives & les libertés légitimes
des congrégations religieuses. Toutefois pour éviter des conséquences
très graves, & empêcher en France l'extinction des congrégations qui
font un si grand bien à la société religieuse & à la société civile, il
permet que les
s'agit, mais instituts
seulement auxnon
deuxreconnus demandent
conditions suivantes : l'autorisation dont il
V.

1° Que l'on présente, non pas les anciennes règles & constitutions,
déjà approuvées par le Saint-Siège, mais seulement une réduction de
statuts qui réponde aux divers points de l'article 3 du règlement minis
tériel : ces statuts pourront sans difficulté être fournis préalablement à
l'approbation des évêques ;
2° Que, dans ces statuts, il soit promis seulement à l'ordinaire du
lieu la soumission qui est conforme au caractère de chaque institut.
A

Permettre de solliciter l'autorisation à ces deux conditions


Seulement, c'est interdire de solliciter l'autorisation hors de ces
— 7 —

deux conditions, de ces deux conditions réunies. Ceci me


semble clair.

Et il y a dès lors contradiction formelle, aiguë, entre l'arrêté


ministériel du 1er juillet & la teneur des instructions pontificales.
L'arrêté ministériel exige le dépôt de telles pièces que les
instructions pontificales m'interdisent de livrer. L'arrêté minis
tériel exige de moi l'engagement de me soumettre, de nous
soumettre à la juridiction de l'ordinaire du lieu. Cela ne signifie
rien, ou implique suppression de l'exemption religieuse. Et le
Souverain Pontife exige, comme réserve absolue, qu'il ne soit
promis à l'ordinaire que la soumission qui est conforme au
caractère de l'institut. L'arrêté ministériel a la prétention schis
matique de modifier la situation actuelle : le Pape m'oblige à la
maintenir. Je ne puis donc sérieusement demander l'autorisation
à des conditions que le gouvernement déclare insuffisantes
pour l'obtenir, & le Pape m'interdit de la solliciter au prix que
le gouvernement exige de moi.
Peut-être la souffrance ne manquera pas, mais enfin voici la
lumière. Dieu soit béni ! Le Pape, qui est mon chef, réprouve
la loi dans tout ce qu'elle a de contraire à nos libertés légitimes ;
il la marque comme contraire au droit naturel, au droit évangé
lique, au droit ecclésiastique. Il n'ordonne ni ne conseille de s'y
soumettre. Il ne m'invite même pas à m'incliner devant une loi
qu'il réprouve. A ceux qui croiront néanmoins, à leurs risques
& périls, devoir quand même solliciter l'autorisation, le
Souverain Pontife condescend à permettre une démarche de
soumission envers cette loi qu'il réprouve ; mais il limite cette
concession extrême, arrachée par la peur de conséquences très
graves, à des conditions & des réserves dont l'arrêté ministériel
ne veut pas.
Je n'ai pas le droit d'obéir à la loi telle qu'elle est, telle que
la fait l'arrêté ministériel qui la précise. Merci, Très Saint Père :
c'est à vous que j'obéirai.
— 8 —

Je ne demanderai pas l'autorisation, parce que, en vérité, je


suis dûment autorisé. Je suis autorisé de par Dieu. La vie reli
gieuse vient de lui ; elle vient de Notre-Seigneur Jésus-Christ.
M. Millerand ne le croit pas, & M. de Lanessan ne s'en soucie
guère ; mais moi, prêtre & religieux, je suis tenu de gouverner
ma vie & mes actes par mes convictions à moi, & non par les
idées personnelles d'autrui : & ce, jusqu'au jour où je serais
parvenu à la culture intellectuelle qui me soulagera de mes
convictions.
Je suis autorisé par l'Église ; ma règle est approuvée par elle,
& mes constitutions ont reçu, elles aussi, la sanction ponti
ficale. -

L'ordre religieux dont je suis est autorisé par des siècles de


services rendus à l'Église & à la société.Je n'insiste pas.
Ajouterai-je néanmoins que je suis autorisé encore, que j'ai
le pouvoir d'exister, en vertu, comment dirai-je ? de mon inno
cuité absolue. Jamais nous n'avons eu le moindre souci de ce
qui est politique, non plus que des personnes & des choses du
gouvernement. A en croire plusieurs de nos amis, nous avons
même porté trop haut la perfection de ce désintéressement.
Nous avons vécu tout bas, sans bruit, ne menaçant personne,
ne nuisant à aucun ; &, si variée que soit la couleur politique
des sénateurs & des députés de notre département, il me serait
facile, rien qu'à dire notre nom, de faire constater par tous &
par chacun d'eux l'absolue correction de notre attitude politique.
Mais alors que veut-on de moi ? Pourquoi & à qui irai-je
demander un supplément d'autorisation ? Mes titres sont fort
bons ; qui, au monde, pourrait en montrer de meilleurs ? Si je
fais le mal, il y a des tribunaux & des juges , si je ne fais pas
de mal, nul n'a barre sur moi. Je ne peux pas être coupable ou
dangereux, parce que je ne plais pas à M. Brisson. N'est-ce pas
mon droit de ne pas plaire à M. Brisson ? Une loi faite pour
molester ceux qui ne plaisent pas à M. Brisson n'est pas une
loi. C'est une iniquité, alors même que l'esprit sectaire, la haine
des personnes & la vénalité n'y auraient eu aucune part. Suffit
il d'une majorité quelconque, recrutée n'importe comment, pour
convertir en délit, pour frapper de suspicion une forme de vie
qui vient de Dieu & que l'Église a bénie ? Une loi, cela ? Allons
donc ? -

Ah ! je sais bien, la Chambre a discuté, le Sénat a discuté à


son tour, puis encore la Chambre, puis de nouveau le Sénat,
puis est venue la signature du président de la République, puis
la promulgation avec l'arrêté ministériel : & tout cela a paru au
Journal Officiel, sous l'aspect d'un texte de loi, distribué en
titres & en articles ; mais tout cela n'est pas une loi. Tout cela
est iniquité & violence & n'a sur la conscience aucune prise. Un
très ancien jurisconsulte, que j'ai beaucoup fréquenté autrefois,
& qui m'a toujours semblé raisonner juste, m'assure que la loi
n'est point dispensée de prouver son équité : Nulla lex sibi soli
conscientiam justitia sua debet, sed eis a quibus obsequium
exspečiat. Où donc en serions-nous, grand Dieu, s'il suffisait
de trois cents bulletins pour déplacer les limites du juste & de
l'injuste ?
Et voici que l'autorité la plus sainte & la plus haute, la plus
sereine & la plus patiente qui soit au monde, la réprouve, cette
loi, & la marque d'infamie : elle défend de lui obéir & interdit
de se soumettre à ses prescriptions. Je sais maintenant mon
devoir. Il m'en coûtera, il m'en cuira peut-être ; mais je n'obéirai
pas à la loi. J'obéirai au Souverain Pontife ; en ces questions,
Léon Xlll, c'est Jésus-Christ pour moi...

17 juillet.
Demander l'autorisation ? Mais est-ce vraiment une autorisa
tion, une formalité légale à remplir par moi, &, en échange, un
laissez-passer délivré à moi par le gouvernement ? Non, il s'en
— fO — -

faut de beaucoup, & c'est ici que la perfidie des mots éclate
tout entière. C'est bientôt dit, autorisation ; & beaucoup se
récrieront contre l'orgueil de ces sociétés religieuses qui ne
veulent pas demander l'autorisation, alors que les citoyens
demandent bien un permis de chasse. Mais l'autorisation, au
lieu d'être pour moi la permission d'exister, c'est, aux termes
de l'article 13 de la loi, non pour moi le pouvoir d'être, mais
pour le gouvernement le droit de déterminer, par une loi, les
conditions de fonctionnement de la congrégation autorisée ; c'est
le droit pour le préfet, pour son délégué, d'exiger de moi
l'état de mes recettes & de mes dépenses, l'état inventorié de
mes meubles & immeubles, la liste complète de tous les reli
gieux ; l'autorisation, c'est pour moi le devoir, à toute heure &
sur toute réquisition, de présenter à l'officier civil, sur plat
d'argent, ces états & ces listes. Cela se nomme autorisation,
mais cela n'est qu'une intrusion dans ma vie privée, une servi
tude préparant une servitude plus grande. Je n'ai rien fait pour
mériter cette ignominieuse exception. Je ne veux pas de cette
redoutable tutelle. Lorsque j'ai payé mes impôts, je ne dois
plus rien à l'État. Mes affaires privées me regardent; et je
déclare aussitôt que, pour moi, c'est acheter trop cher le droit
de vivre en France que l'acheter au prix de cette asservissante
soumission, alors même qu'elle ne serait pas le prélude de la
mainmise.

Il faut remarquer encore combien me coûtera ce privilège


de l'autorisation. Au préalable, faire le dépôt de deux exem
plaires, certifiés conformes, des statuts de la congrégation, ce
que le Pape m'interdit de faire & que je ne puis consentir sans
prévariquer ; y joindre l'état de mes biens meubles & immeu
bles, de mes ressources quelconques, la liste de tous mes
religieux, leur âge, leur lieu de naissance, la date de leur entrée.
Je devrai faire connaître l'objet assigné à la congrégation ou à
ses établissements. Je devrai aussi, ce que Rome m'interdit,
– 1 l —

m'engager à me soumettre à la juridiction de l'ordinaire du


lieu. A ce prix je deviendrai le pupille de l'État, & mon tuteur
né sera le ministre de l'intérieur.

Non, pas tout de suite : un tel bénéfice serait à trop bon


compte. Il faudra, avant de l'obtenir, subir les ennuis de l'anti
chambre. « L'autorisation sera donnée par une loi. » Oui, une
loi... Les statuts, les états, les comptes, les listes seront lus,
étudiés, vérifiés. Sénateurs & députés surseoiront à leurs tra
vaux & à leurs plaisirs pour s'appliquer à la lecture de nos
règles & de nos constitutions.
Le but de notre vie, la distribution de nos journées, nos
vœux, nos travaux, le code pénal de chaque institut, tout le
détail des lois organiques de notre vie sera minutieusement
contrôlé. On dissertera sur la licéité de nos vœux, ou sur leur
immoralité. Ne faisons-nous pas abandon de droits qui ne sont
pas dans le commerce ? M. Waldeck-Rousseau recherchera si le
pouvoir des supérieurs s'exerce avec toute la mesure désirable ;
M. Monis s'assurera si nulle part il n'y a trace de concussion
ou d'iniquité ; M. Millerand aura pour fonction d'examiner les
lois du jeûne & de l'abstinence régulière ; M. de Lanessan est
tout désigné pour prononcer sur la question des économes &
procureurs ; on lui adjoindra M. Wilson pour cet examen. Pour
mener à bonne fin cette passionnante étude, on abusera, s'il le
faut, de l'expédient des douzièmes provisoires. Entre deux
visites à la buvette, dans les causeries de couloirs, on jugera
la règle de saint Benoît ou les statuts des jésuites !...
Mais elle devient singulièrement claire, cette loi du 1er juil
let 19oI, alors surtout qu'on l'éclaire des solennelles déclarations
des Brisson & des Viviani ! M. Waldeck-Rousseau est un
bourreau qui a des formes. Autrefois, nous raconte Tacite, le
bourreau avait déjà la fonction de déshonorer avant de frapper.
Oui, salir d'abord, tuer ensuite.
Et tuer sera facile vraiment ; car, cette autorisation, qui n'est
— 12 —

que servitude, qui a coûté si cher, que nous n'avons obtenue


qu'en passant sous le joug, en y faisant passer l'Église aVec nOuS,
n'est même pas une garantie sérieuse. Non, même après avoir
donné tous les gages de servitude, après avoir livré les mains aux
exigences draconiennes de cette loi, n'espérons pas qu'un avenir
illimité de paix s'ouvre devant nous. Même à ce prix, nous n'ob
tenons pas encore la garantie misérable d'une vie déshonorée !
Une disposition de l'art. 13 nous avertit que « la dissolution ou
fermeture de tout établissement pourront être prononcées par
décret rendu en conseil des ministres ». Le bienfait s'accorde avec

peine; il se retire sans difficulté. Le caprice d'un ministre suffira.


Je serai à la merci d'une boutade ou d'une digestion difficile. Si
l'évêque à qui le gouvernement m'adjuge intervient en ma vie de
religieux dans une mesure intrusive, si le gouvernement pèse
sur l'évêque pour exiger de moi tels abandons que je ne puis
consentir, si un sénateur ou un député influent s'emploie contre
moi, j'aurai beau être défendu par mon bon droit ; sans forme
de procès, par un procédé de déclic, par simple décret, l'auto
risation me sera retirée, en dépit du prix qu'elle m'a coûté...
Et c'est pour obtenir ce méprisable précaire que l'on m'invite à
me déshonorer aujourd'hui ?...
Mais que ferait donc la loi & comment s'y prendrait-elle, si
elle voulait décourager toute demande d'autorisation ?...

18 juillet.

Tel est le dernier mot de cette loi odieuse : la servitude


pour l'ordre religieux.
La servitude, pour aujourd'hui , puis bientôt, à l'heure
opportune, & grâce aux savantes dispositions de la loi, ce sera
la mort, la spoliation, le schisme. Il n'est aucune de ces redou
tables éventualités qui ne soit préparée dans la loi.
— 13 —

Tout cela se construit à l'abri d'un Concordat dont l'interpré


tation de fait, depuis les articles organiques jusqu'au jour
présent, a été revendiquée par le pouvoir civil. Il a la force &
il a le budget. Mais, lorsque le système d'entraves aura été
forgé tout entier (& il y manque peu de chose aujourd'hui,
quelques mailles seulement); lorsque l'odieux réseau sera tressé
tout entier, le Concordat, désormais inutile, sera dénoncé.
Consentons donc à prendre notre parti de cette loi !... Consa
crons-la en demandant l'autorisation !... Montrons à la France

que nous avons des trésors inespérés de soumission ; à l'indi


gnation générale, qu'elle s'est méprise, puisque nous sommes
prêts à vivre, même sous le coup de cette iniquité !... Mais
sachons du moins, à ne pas combattre, qu'il nous faut renoncer
à reconquérir la liberté perdue. lci, comme aux portes du
sombre empire, disons adieu à l'espérance. Une fois domes
tiqués & ligotés, de notre consentement, de notre aveu, quel
titre aurons-nous, le lendemain du Concordat dénoncé, à récla
mer pour l'Église & pour l'ordre religieux le bénéfice du droit
commun & de la liberté ? « Comment, nous sera-t-il répondu,
autrefois, sous le régime de la protection, de l'union affectueuse,
du cœur à cœur de l'État & de l'Église, telles furent les condi
tions consenties par vous : & aujourd'hui, le Concordat déchiré,
vous prétendez réclamer sur la terre de France une situation
plus privilégiée que celle des anciens jours, des jours d'ami
tié ?... »

Aux heures graves de notre vie, en face des décisions qui


l'engagent toute, qui intéressent même ce que nous devons
aimer plus que tout, l'Église & les droits de nos familles reli
gieuses, nos actes s'éclairent, leur portée exacte nous apparaît ;
ils cessent d'être une solution quelconque des problèmes du
temps pour devenir, à nos yeux, une expression éternelle, une
affirmation de foi. Derrière les apparences extérieures nous
apercevons clairement les forces invisibles & personnelles qui
entrent en conflit.
— 14 —

Est-il possible à un chrétien, aujourd'hui, de s'y méprendre ?


L'effort actuel, cette poussée violente contre les religieux, est-il
autre chose qu'un épisode de l'antique conflit entre Dieu & son
ennemi ? Qui sont ceux qui nous attaquent ? Et qui sommes
nous, nous, les attaqués ? Comment s'appellent les deux races,
les deux esprits qui s'affrontent aujourd'hui ? Eux ne dissimulent
ni leur nom, ni leur dessein : ils sont & se disent les ennemis
de l'Église, les adversaires forcenés de Dieu. lls sont les

hommes du blasphème & de l'incrédulité sectaire, le satanisme


hissé au gouvernement. — Et nous, nous sommes les hommes
de Dieu & de l'Église.
· Pourquoi les plus paisibles, les plus vertueux, les plus
bienfaisants des citoyens français sont-ils traqués aujourd'hui
par un parlement de francs-maçons & d'antechrists au petit
pied ? Pourquoi ? Simplement parce qu'ils portent un caractère
abhorré, la marque de Dieu, & qu'ils sont à lui. Le dessein est
d'atteindre Dieu, sinon dans son inaccessible majesté, au moins
dans la personne de ceux qui lui appartiennent tout entiers.
Les suppôts de Satan, comme tels & en son nom, intiment aux
enfants de Dieu, comme tels, de venir lui demander & obtenir
de lui, Satan, au prix de leur dignité, le droit d'être, de vivre
& d'agir. Dieu devra, en nous, prêter cet hommage... C'est
trop exiger. Je n'ai pas qualité pour infliger à Dieu, dans ma
personne, cette humiliation suprême. Je ne suis pas prêtre &
religieux pour incliner devant Satan les faisceaux de la majesté
infinie. Je n'obéirai pas... — Alors vous périrez. — Il y a
d'autres nécessités que celle de vivre, & il n'est pas impossible
que la pire manière de mourir soit précisément de vouloir vivre
à tout prix. En échange, il est des morts qui sont fécondes , &
à ceux qui meurent pour l'honneur de Dieu, il arrive de ressus
citer le troisième jour.
... Je crois que vous vous êtes mépris, Monsieur le président
du conseil. Grisé de vos succès, gâté de vos amis, accoutumé
— 15 —

à ne rencontrer autour de vous que des avidités & des sou


plesses, vous ne savez peut-être pas ce que c'est qu'une
conscience. J'espère que vous l'apprendrez. Je le dis sans
bravade : des hommes, des femmes, qui n'ont rien, n'ont peur
de rien. Vous ne réussirez pas. L'Église ne s'inclinera pas
devant vous ; elle n'est pas une mendiante : Nihil de causa sua
deprecatur, quia nec de conditione miratur. Il vous faudra dimi
Illler VOS exigences, puisque aujourd'hui votre loi n'offre à tout

un faisceau de religieux que l'appât d'une autorisation que nul


ne peut solliciter de vous. Vous reculerez. Le règlement
d'administration publique, élaboré par qui nous savons, devra
mettre la loi au point & atténuer les exigences de l'arrêté
ministériel... Même après avoir reculé, vous ne nous offrirez
toujours, au rabais, que la servitude... Nous n'en voulons pas :
nous ne nous résignerons pas à faire en vos mains, au nom de
Dieu & de l'Église, acte de vassalité.
L'issue de la lutte sera ce que Dieu voudra. Dieu peut
inspirer aux supérieurs les résolutions qui sauvent ; il peut
nous venir en aide par les événements qu'il tient en sa main ;
mais, alors même qu'il ne le voudrait pas, sachez ceci : Nous
n'adorons pas votre dieu, nous ne courberons pas la tête
devant l'idole. Notre patrie vraie est là où est Dieu, là où nous
pourrons le servir dans l'intégrité & la dignité de notre pro
fession,

187e MPRiMERiE sAINT-riERRE, soLEsMEs sARTRE

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