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Comptes rendus des séances de

l'Académie des Inscriptions et


Belles-Lettres

Une lettre du roi Artaban III à la ville de Suse


† Franz Cumont

Citer ce document / Cite this document :

Cumont Franz. Une lettre du roi Artaban III à la ville de Suse. In: Comptes rendus des séances de l'Académie des Inscriptions
et Belles-Lettres, 76ᵉ année, N. 3, 1932. pp. 238-260;

doi : 10.3406/crai.1932.76219

http://www.persee.fr/doc/crai_0065-0536_1932_num_76_3_76219

Document généré le 04/06/2016


238 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
M. Robert y fait savoir qu'il a pu copier et photographier
et publiera prochainement une inscription duive siècle, jusqu'ici
inédite, qui occupera une place d'honneur dans l'épigraphie
altique. Elle contient : 1° la formule authentique et complète
du serment prêté par les éphèbes athéniens sur leurs armes,
formule imparfaitement connue par Pollux et Stobée ; 2° la formule,
complète aussi, du prétendu serment que les Athéniens auraient
prêté avant Platées, et dont le discours de Lykurgue contre
Léokrates (§ 82) n'a conservé que le commencement.

M. Jérôme Carcopino rend compte brièvement des fêtes du


Ve centenaire de l'Université de Gaen, où il représentait
l'Académie.

Après un comité secret il est procédé au vote pour la


présentation à la chaire d'Histoire ancienne de VOrient sémitique
du Collège de France.
M. Isidore Lévy, candidat unique, est présenté par 20 voix
sur 25 votants. Il y a 5 bulletins marqués d'une croix.

M. Franz Cumont communique une inscription grecque


découverte dans les fouilles de Suse, qui reproduit une lettre d'Ar-
taban III à la ville de Suse ou Séleucie de l'Eulaïos, *.
MM. Gustave Glotz, Maurice Holleabx, Paul Monceaux
et Maurice Croisbt présentent des observations.

COMMUNICATION

UNE LETTRE DU ROI ARTABAN III A LA VILLE DE SUSE,


PAR M. FRANZ CUMONT, ASSOCIÉ ÉTRANGER DE l' ACADÉMIE.

Les fouilles que M. de Mecquenem a poursuivies avec


succès cet hiver dans les ruines de Suse, ont mis au jour
un nouveau lot de textes grecs, dont notre confrère le Père
Scheil, avec sa bienveillance habituelle, nous a confié les

1. Voir ci-après. ,■••••<


UNE LETTRE DU ROI ARTABAN Ï1I 239
photographies et les estampages. Réservant pour une
communication ultérieure les inscriptions de moindre
importance, nous voudrions faire connaître sans retard à
l'Académie un document d'une valeur exceptionnelle : une lettre
adressée par le roi Artaban III à la ville de Suse pour
valider une élection contestée. C'est la seule pièce de ce genre
et même la seule lettre d'un roi Parthe dont nous
possédions le texte, et celui-ci éclaire tout à coup certains côtés
obscurs d'une civilisation très mal connue. Il sera
souvent cité, paraphrasé, interprété par les épigraphistes, les
historiens de l'Orient et les biographes de Tibère, dont
Artaban fut l'adversaire tenace. Les quelques observations que
nous y avons ajoutées ne forment qu'une esquisse provisoire
d'un commentaire qui devra être complété et précisé dans
les Mémoires de la Mission en Perse. Elles suffiront du moins
à montrer, nous l'espérons, quel est, à divers titres, l'intérêt
singulier de cette missive royale.
La lecture d'un excellent estampage pris par M. de Mec-
quenem a pu être contrôlée sur l'original, la pierre étant
parvenue au Louvre. Cette lecture est presque partout
certaine et, malgré la mutilation qui a coupé l'extrémité des
lignes, le sens général paraît assuré, sauf pour la dernière
phrase, dont la restitution est douteuse. Les notes placées
sous le texte et qui pourraient aisément être multipliées,
montreront que la langue, dont a usé le rédacteur de cette
lettre garde les formes qui caractérisent le style officiel de
l'époque hellénistique et elles serviront à justifier en partie
nos compléments. Nous devons une vive gratitude à notre
confrère et ami M. Holleaux, qui a bien voulu examiner de
près un premier essai de déchiffrement et de restitution de
cette belle inscription et qui nous a fait profiter, pour le
rectifier et en établir le texte définitif, de sa connaissance
incomparable de la langue épigraphique K Nous avons à

1. Les annotations que nous devons à M. Holleaux ont été ajoutées


entre crochets avec la signature M. H.
240 COMPTES RENDUS DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
remercier aussi M. Louis Robert, qui a bien voulu
communiquer des suggestions utiles.

Bloc de marbre gris, brisé à droite. Largeur actuelle, maximum 65


cm., hauteur 22 cm. Ep. 16 cm. Au musée de Louvre (Suse N 258).
H. des lettres 7 à 4 mill. Les caractères sont bien gravés et la
lecture n'offre en général d'autre difficulté que la confusion possible du
fi et du M, dont à l'époque parthe les formes sont souvent très
rapprochées. — Les lignes sont toujours coupées entre deux mots et
devaient être d'une longueur un peu inégale (cf. p. 273). Il est donc
impossible de fixer exactement le nombre des lettres qui manquent.

u I£yjxg<7tou StaxouioffToQ, wç b (3a<nXeùç ayet,


wç Se TcpoTspov xp[iT0u TpiaxôffTou xpiaxomoatou Itouç]1.
2 BaatXeùç j3a<nXea)v 'Apaâxïjç 'Avtio^uh xai ^padrret ovrotv Iv
Zoûaotç2, [t]oîç zpyooai xal xfji rcoXei yjxipe[w — 'EweiBy)
'Eariaïoç 'Aubu tc5v xe]
3 û[xsTspa)v tcoXitwv 3 xal tmv xpwxwv xaî 7cpoTt(X(ù(/,évwv çiX<o[v
x]at twv <r[w][ji,aTO!i!uXa/wv4 apÇaç Tapi.iÊu[TiXYjv] âp^v;[v5 ev
Twt xafà toùç zpotspouç]
4 âpi8[jt.oùç svaTov. elxsarxât t ptaxocr'.offTÔi ^tsi, àvearpa? yj sv Taux»;

1. Sur cette double datation, cf. infrap. 253.


2. Cf. in/ra p. 249. Le roi emploie l'ancien nom de la yille Soucra,
redevenu officiel ; plus bas (1. 17) le lapicide use du nom grec.
3. Dittenberger, Sylloge 3 [citée SIG], 572, 1. 3-6 (Philippe Va Nisyros) :
'AcpéaTaXza KaXXi'av jrpôçupLà; ovTaxaiT)[iïv auv^Bï) xat 6[xéx£pov r.o\(?r\v. Wil-
helm, Beitràge, 146 : Twv SeSotAévcov rtfjLiwv 6ot t^ç toXsw; rjawv rXauy.wvt
EùSoSpwi rat uiJieTÉpw 7:oX£!Tri ; cf. SIG, 741, 1. 4. Supplemenlum epigra-
p/iicumGraccum[citéSEG].II,325; SIG, 770 B,corr. Wilhem. Wien. Anz.,
1922, n. VII, p. 19); Bull. corr. hell., 1904, p. 421, n° 6 ; 1905, p. 576; 'Apy_.
'E?., 1917, p. 10, n° 304 [M. H.]
4. Pour ces titres honorifiques, empruntés par lesArsacides auxSéleu-
cides, cf. Fouilles de Doura-Europos, inscr. n° 134 et p. 452 ; ils se retrouvent
exactement dans le parchemin de Dourapublié par Rostovtzeff etWelles, Yale
Classical Studies, II, p. 6, 1. 3 ; cf. p. 54. — L'expression twv Ttfxwpiévwv çi'Xwv
se rencontre dans l'inscr. de Séleucie de Piérie découverte par M. Prost
{Comptes rendus Ac, 1932, p. 57jet qui sera bientôt publiée par M. Seyrig
dans Syria. — Sur les awjiaToyuXa/sç à Suse, cf. Comptes rendus, 1931,
p. 233 ss.
5. Cf. plus bas 1.10: "Ap?atxy)v aùiï)v àfyjfv; SIG, 872. 5 :"ApÇavTaTT]vâ3Wi5-
vujxov àpyrjv. [Ta[it£uTf/.T) àpyrl = qaaestura dans Plutarque Cat. Min ., 16; Ti.
Gracch. , 6 ; Tau.t2UTty.rj âÇouat'a = quaestoria polestas dans Denys. Hal. , VIII^
77;cf. Magie. De Romanorum vocabulis sollemnibus, 1905, p. 96. — MH.].
UME LETTRE DU ROI ARTABAN 111 241

«purca xaî îaawtaTa i xai [astÔc xàaYjç xa9ape[i6r»)TCç 2


àvaXwjJia 3]
5 ûitOffTsiXdtîAevoç 4 Tcap' éauToy sic ttjv û-sp tyJs ftsXewç Ba
Sic Te tîJ; tcoXsw; etci Tfjç âpX*/Ç a^ou ypîîav ^

6 aÙTçb tïjv £TC'.;j.sXsiav tûv IBigjv iv oùBsvl ôlpisvoç 7 xai Ta


tîJç ziXswi; TipoupYiaiTSpa 8 t^yoû^vo; 9 xal outs ^
'oufs zivwv ©£taa[jL[evoç 10 àTrpo^aaiJTOJç éauTbv]
7 èicéSwxev ' ' sic àjx^OTgpaç t«ç icps<r6sia? xai Ta au^i

1. SIG, 714,2 (Erétrie, n's. av.) :Ka.zkxr\v àpyï]V£v8dÇw:àv£<r:paçpï]; Ditten-


berger, Orientis Gr. inscr. [cité OGI] 329 1. 33 : KaXcoç xal Stxai'co; àvêTtpaç-
6ai etc..
2. OGI, 329, 9 : IlpoaEVT)V£Y[JLévou Kotaiv jj.erà xrjç îcaarjç xaôapEto'TrjTOç; cf.
339, 14 ; 439, 6. [SEG, IV, 632 (Sardes), 7 : '0 |5aatX£Ù; ir.^wùi; ttjv nepl aikôv
unapvouaav xa8ap£t6Tï)Taxal xfyx.zxa.xov (îtov eÙTaÇi'av; cf. Archiv fur
Papyrus f., VI p. 22; Louis Robert, Rev. de philol., 1927, p. 105 et note 2 ; Rev.
des et. gr., 1928, p. 34 — M. H.]
3. SIG, 1046(Amorgos, vers 250), 15 : Tô 8e àvàXtoua ^evôfievov sic. -rjv jîouv
iitt)v aXXirçv 8a^avT)v àvaXcoaaç ixtôiv îSt'wv. Maiuri, Studi Romani di archeo-
ria,I, 1913 (Naples), p. 21, 1. 13 : Mr\Mv xi 8artavï); ^pï][iàTwv «pEiaajjLEvoç,
Sev twv e!{ touto àvaXcajjiàTtov.
4. SIG, 700 (Macédoine, en 118), 25 : Oùôiva x-vSuvov oÛTExaxonaôt'av 6no<jT£t-
Xajjievoî. Cf. 547,9 ; 613,30, etc.
5. SIG, 656 (Abdère, vers 166J, 5 : XpEt'aç T(3t B^jxfwt y£vo]jx£vy)i; îtpEa-
êE''a; etç 'Pojfirjv; Cf. in/"ra, 1. 8 de notre lettre. XpEtav ï^eiv : SIG 548,41 et
souvent ailleurs (index p. 622).
6. OGI, 771(Délos, en 172), 55: 'O àîK>Sï][i.ïjatov îtpôç tÔv j3aatXÉa <I>apvâx7)v.
SIG, 656 ( Abdère), 40 : 'EXéuOtoaav 7tpsa6£uràç 8uo oitive; àTco8r)a^'(javT£ç.
7. On trouve plus souvent 7iap' où8Èv t£6t)[ju, p. ex. Dion Cassius,
XXXIX 58,2 : to £fjv 7tap' ou8àv tiOeulevoi.
8. IlpoupYiatTEpov fréquent dans Polybe (II, 7, 10 ; IV, 14, 15 ; 76,2, etc.).
9. L'idée qu'un ambassadeur a sacrifié ses propres intérêts au bien '
public est un lieu commun souvent développé, p. ex. OGI, 339, 6 ss. ;
SIG, 591, 10. [Cf. Athen. Mitt., 1907, p. 261 (décret de Pergame), 1. 12 :
Eî? tt)v xatà xôv l'Stov |3tov ÈmîiÉXEtav fAr)8è rôv IXa^tarov EtXriçoTa xatpov.
IG, IV, 944 (Epidaure) — Tarn.]

14, etc. cf. supra n. 3.


11. SIG, 615 (Delphes, en 180), 4 : 'ErcËSwxev éowtôv aTcpoçaciiaTcoç ; 1101,
(Pirée, vers 185), 40 : AtSoùç Et? Taûxa êauïov irepoipaaiartoç. Cf. 761 B ; 762
(Dionys opolis, vers 48) : 'AçêiSwç ÉauTov [êjïtjSrôoùç Et? tàç t^
6^aç.
1932. 16
242 COMPTES RENDUS DE L* ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

TCXTpBl OUOXYJJX; [ T£T£U}(£V- TtoV 7Cp£7COUJO)V Tl^WV 2, WÇ XXI

8--iv twi Tpiaxsartoi Tpiaxocrwar<5i £T£i [xxpTupsî'^ èv Se Tàk êyl

6]
9 sic -ïjv a'njjv àp^rjv et? tb Bî'J-spov Tpiaxoarbv
sto[ç] */.al sx tcoXatS? Ssx'.piaaixç aîpeôévT
.jxst'
'AptaTojAévou;] 7
tou 'A[vxtô^c;u • •
.40 tou «ÊiXitctco'j xapsXOwv8 7cpoYjv£v-AaTO9 5tax£xX£faôat10 aÙTb
èx ll TÔiv SiY)Y[op]su;xéva)V 12 Sic ap^ai tyjv Ù V ^

1. OGI, 48 (Ptolémaïs), 16 : Ilépl a>v ansXaixSavov aujiçépstv T^t noXet


8to»CTi8Tjva'. ; cf. SIG, 442, 5 ; 569 (Crète, vers 202) : S-jvœÉpouaav StotV.Tjaiv

2. OGI, 761 (Lettre de Ptolémée XI), 6 : Twv aXXwv tiiawv texsuylvat.


Cf. SIG, 1104 (Altique), 40. Inscr. de Palmyre (Ingholt, St/ria, 1932,
p. 280) : Ta; npezoûaa; aùxô) Ti[xà; I<j/T)<pt'aaxo.
3. Peut-être aussi : ^[«ptaÔlvxa Cura ttjç jioXsw; (ou ^ouXîjç)]. Cf. SIG, ^56,
41 : Ta; È'^ï)Ç'. ajxévaç 67:0 tou ôrf[j.ou t taàç ; 536, 40 ; 620, 20.
4. SIG, 866 (Amorgos, en 153), 15 : 'Qç 8}) Orcô nixvxwv :wv rcoXttwv jxap-
xupsîxat.
5. SIG, 656 (Abdère, vers 167) : Xpît'a; xw>. S7Î;j.[wt Y£vo]|A£vr); r.ptv6d%s
tlç 'Pwuïjv- Xpst'av ï/stv est fréquent, cf.' SIG, index, p. 622 et plus bas
1. 8 de notre lettre.
6. ripooàXXto terme technique pour « proposer une candidature » (SIG,
Index, p. 529). La proposition a dû être faite par la pouXrj ; cf. infra, p. 255.
7. Le nom d'Ap'.dxojiÉvr); s'est déjà rencontré à Suse, C. R. Acad. 1931,
p. 30 n° 5.
8. SIG, 708 (Istros), 25 : 'Apiaxa-ydpa; 7capeX6wv etç Ti]v'ixxXT)aiay ;'495
(Olbia), 25 : IlapeXôwv è^ïiYYSt'Xaxo.
9. IIpoçlpoij.ai « alléguer», « objecter ». OGI, 244 (lettre d'Antiochus
III), 10 : Aùxou 7:poï>epo;jLîvou xtjv àdôlvstav. [Mitteis, Chrestom., 31 (procès
d'Hermias),col. VI, 31 : ripoesplpexo '\xi]8h aùxâi'. TjfjLÔàXXsuOat ; cf. col.
3; col. IX, 8. — M. H.]
'
.

10. Ata/.XetaOa-. avec l'infinitif : Josèphe, B.Iud., 1,19, 1,§365 :


('HpoiSy){) .a'j|j.[j.£xaay £?v tmv xivSjvojv 'Avxwvto).
11. ['Ex ; cf. Josèphe, Ant., XII, 260 : Touxo çavepdv âaxiv va. xâSv jioXiTtxâiv
àvaYpaçôv. SIG, 826 E; III, 9 : 'E£ auYxXrJxou 8o'y[axto?, "f. 546 B,3. —
M. IL]
12. Ta une xoiv vd(xwv 8tr)Y0p£U[jL£va fréquent dans les pa tyrus cf. ; Prei-
siçke, Wôrlerbuch, s. v. [SEG, IV, 512 (lettre d'un m .<isdat romain), 30 :
Suvuov ^-xpà xà 8iï)Y0p£u;j.£va 7] ÔopûSou £;àpywv. Appien, S. Civ., I, 54 :
xoç — M. H.].
UNE LETTRE DU ROI ARTABAN 111 243

etTCY] 1 stvj xpia* -rç Se itéXiç [Tupôxepov TCEireipajjiivYj 2]


11 tvJç «Y^Oi^ TrpoaipsffEa); xal 5tà [/.v^javjç I^ouaa tyjv
xr^ TCpsSïjXo'jjxévïjs àp^yjç fxpstvev aÙTbv alpeîdOai â'p
oôev stp£[6r;3 etci xb SsûxepovJ .
12 Tpiaxoarbv TptaxocrioaTov Itoç IlETaaou tou 'Avtiû^ou xal
'Al; tou «ÊiXitctcou' èicet ouv tov [aèv 'Effxiaîov
k%\ toîç 7cpo
13 tyjv aïp£<J'.v oc'jtou xpe£vo[A£v0 eîvai xupiav xaî
xsuGai 6 aùrbv tqi (xyj SiaXsixovTa Ity) xpia ap^at tyjv
[xt)5' aXXau àtuviouv i[7ut<p£po[X£V(ot av?] 7

1 . SIG. 1004 (Oropos), 3 : M^ rcXedv S'.aXetnovra i\ -cpstç rj^paç ; [Polybe V


107,6 : Xpovov où8éva StaXindvTSç. Josèphe, Anf., XII, 204 : Tpsïç SiaXtrtwvr)
p.spa? ô 'Ypxavd;. — M. H.]
2. Selon notre restitution, la ville « a fait l'expérience des bonnes
dispositions » d'Hestiée à son égard pendant la magistrature de celui-ci. Le sou-,
venir d'un service rendu s'accorde bien avec le membre de phrase qui suit.
L'article xîjç avec la valeur d'un possessif se rapporte à Hestiée comme le
Tïjv devant Stoixrjatv. Cf. la lettre de Séleucus IV, 1. 21 : 'Emxtveuat 'Aptcr-
xdXoyov £7utirjc xoiauxïji Jïpoatpsast (plus haut, atpextxwç Iy^ovxa7:pô?Tïiv™Xiv) ',
OGI, 505 (Aezani), 9. 'H àyaO^ (uou) spoat'peoiç est fréquent dans les
papyrus; cf. Preisigke, Wôrterbuch s. v. — M. Louis Robert suggère [SiajxÉ-
vouaa iizï] ~zr\i àyaO^ç Jîpoaipéastoç = « la ville persévérant dans ses bonnes
dispositions à l'égard d'Hestiée ».
3. [Pour fipéOr). La confusion de III et de El est courante. — M. H.]
L'orthographe eîp|07], fréquente depuis le ive siècle, a passé de la
chancellerie de Philippe de Macédoine à celle des Séleucides, puis des Arsa-
cides.
4. La dernière lettre est un fl ou un F suivi de I. — II nous semble
nécessaire que soit mentionnée ici l'accusation portée contre Hestiaios à
sa sortie de charge (infra, p. 253) et à laquelle le roi interdit de donner
suite, en déclarant l'élection valable. Mais pour motiver le jugement royal,
il faut aussi que soit indiquée l'absence de fondement de cette accusation
d'illégalité.
5. KpîvofiEv dans les lettres royales a souvent le sens général de «
décidons », « décrétons » ; cf. Schroeter, De regum hellenisticorum epistnlis
1932, p. 33. Mais si l'affaire a été portée devant le roi (cf. infrap. 260),
il s'agit ici d'un véritable jugement.
6. riaoaScoixeiÔxt est un mot rare et dont nous ne pouvons citer
aucun exemple épi^raphique, mais le contexte semble bien indiquer que
îcaoa a ici le sens, qui lui appartient souvent dans les composés, de « à
tort » « de travers » « en violation du droit » IlapaS'.cixeffOat signifierait
donc poursuivre « indûment » ou « abusivement ». Cf. Démosthène,
Contra Midiam,p. 549, où^apaypàcpEaOai est pris dans l'acception analogue
d'intenter faussement une accusation capitale à un innocent.
7. Restitution conjecturale. 'E^çépto a souvent le sens de « produire »,
« présenter » des documents (Liddle et Scott, s.v.^. On trouve deux fois
244 COMPTES RENDUS DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

14 ftspt toûtwv i^vzâ^^axi^, eTçi Se twv xâ[vr]u>v 7capY]Tvjjji.£vrjç


luaaYjç âirop^aecoç * te *ai etciÇyjt^tswç t^ç ts gcXXyjç xal 7Jç
Set titjv w[p6ffxXvjffiv aùxou ?] 3
stu'
15 çpaaQefjav ovô^axo; XsXu<r6ai. HSS AùSavaiou4 iÇ'.
Au dessous, en caractères plus petits, à gauche :
16 "EffTYjaev Se au xou h 'Eariaiou xovâe tôv àvSp{avra "Aaioç

17 à xal Et<jaY<i>YSÛç 6, 5 xax^p aùxoli, èv tgh xaxà wùç


àp9[xc>'jç (sic) ÇXt' stsi.
A droite :
16 Aewvt5r,ç 'ApTéjjiwvoç SsXsux^wç (sic) xf)ç
EiXatuu] 7
18 sypa^sv TTjv

dans les parchemins de Doura la formule juridique xaî V yypçi


èjttopipovTt « à quiconque présentera ce contrat »; cf. Rostovtzeff et Welles, C.
/i.Acad. Inscr., 1920, p. 162, et YaleClassical Studies //,1.16;cf. nosFouilles
de Doura, p. 306 1. 6. — Au passif p. ex. Papyrus Eleph., II, 16 : Kupi'a î
ouyYpaçrj otcou av £7ut<pépr)Tai. — Louis Robert avait songé à è[XJ
« grief légal »; moi-même à â[Çé(jTfo èmtaaastv] t.. t. ÈTCtTay^a ti.
1. 'Ei:ÎTaY[j.a déjà dans la lettre de Darius, SIG, 22,6 : Twv i^xâSv

2. OGI, 262 (lettre d'Antiochus), 14 : Elvai ttjv xoj[jltiv àv£7rtarat6[i.(£u-r)ov


(AT)8£u.taç ctTzopp^iKoç npoaëv£}(0£taTi;. [Le sens est « interdiction », «
opposition » ; cf. Preisigke, Archiv, V, p. 307, à propos de Pap. Tebt. 1,5 : Tt twv
utj teteXwvtiijiÉvcov rj twv àTCopprjTtov, c'est- à-dire des objets dont l'entrée est
interdite. — M. H.]
3. Restitution très incertaine d'une phrase obscure. Le roi ordonnerait
de mettre fin à l'instruction judiciaire qui normalement devrait suivre
l'assignation nominative signifiée à Hestiaios. Mais il y a probablement ici
une formule, qui nous est inconnue, de la langue juridique. — Au lieu de
7tpd<j/.Xr]aiv, M. Bradford- Welles me propose jtapavojxtav.
4. Aù8avatou pour AùSvat'ou ou AùSuvat'ou, est une forme exceptionnelle.
5. Lire aùrou <toîT> ?.
6. L'expression ô xat ne peut introduire qu'un surnom d"Aai'oç. Mais
eiuaytoYEÛç est le titre d'un magistrat chargé d'introduire les procès et on,
retrouve celui-ci avec des fonctions assez variables dans un grand nombre
de cités grecques (cf. Realenc, s. v. et Suppl. III). Il faut donc que notre
personnage ait pris son surnom de la charge qu'il occupait, comme on
dirait en français « l'Avoué », « le Procureur ».
7. Hérodoros, fils d'Artémon, a signé son poème EeXeuxeùç twv n[poç
Ttot EùXai'wt] (Mém. mission en Perse, XX, p. 89). [On trouve 2êX£uxeùç
IltEpiaçet sur les monnaies impériales SeXeuxeiç t^c îliepiaç; cf. I G, XIVT
739 et Wilhelm, 'Eç. 'Apx..,1901, col. 52 n. 1. — M. H.]
UNE LETTRE DU ROI ARTABAN 111 245

TRADUCTION.
Reçue en Van deux cent soixante-huit selon Vère royale,
selon l'ancienne [trois cent trente) trois (=21/22 ap. J.-G.)
Le roi des roisArsaceà Antiochosetà Phraatès, résidant
â Suse, aux magistrats et à la ville salut.
[Attendu que Hestiaios, fils d'Asios, qui est] de vos
citoyens et des Amis les premiers et les plus estimés et des
Gardes du Corps, ayant exercé la charge de trésorier [en]
Van trois cent vingt-neuf {== 17/18) [suivant V ancienne]
computation, s est comporté dans cette fonction
parfaitement et très justement, et en toute intégrité, ne s épargnant
[aucun frais] personnel dans sa dépense pour la cité ;
Que deux fois pendant sa magistrature la ville ayant eu
besoin d' un am[bassadeur, il s'est absenté] lui-même
comptant pour rien le soin de ses propres affaires et estin\ant
plus importantes celles de la cité, et (que) n'épargnant ni
ses biens ni ses peines, [il s' est] dévoué [sans réserve] à l'une
et Vautre ambassade, et qu'ayant négocié à V avantage de sa
patrie, il a obtenu des honneurs appropriés, comme en té-
moigne le décret [volé en sa faveur] en Tan trois cent trente
(= 18/19).
Que, en Van trois cent trente et un (=19/20), comme on
avait besoin d'un honnête [homme, il a été proposé comme
candidat] à la même charge pour l'an trois cent trente-deux
(== 20/21) et qu'après une docimasie prolongée Pétasos, fils
d'A[ntiochos], élu archonte [avec Aristoménès] fils, de
Philippe, s' avançant (dans la boulé), a allégué qu'en vertu des
règles établies il lui était interdit de revêtir deux fois la
même magistrature sans laisser un intervalle de trois ans.
Mais que la ville [ayant fait l'expérience de] ses bonnes
dispositions et se rappelant son administration de la charge
citée plus haut, a décidé de le choisir pour archonte et que
par suite il a été élu [pour Vannée] 33$ (= 20/21), celle de
Pétasos, fils d'Antiochos, et d' Aristoménès, fils de Philippe.
246 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
Attendu que donc, à propos des faits exposés [Von a accusé
injustement] Hestiaios, nous jugeons que son élection est
valable et qu[on ne doit) pas le poursuivre à tort pour
avoir réoccupé la même charge sans avoir laissé un
intervalle de trois ans, ni en vertu de n importe quelle
ordonnance [qu'on produirait] touchant ces matières, étant
écartées en général toute interdiction ou enquête, notamment
celle dont [l'assignation ?] signifiée à son nom doit être
libérée.
Le il Àudnaïos 268 (= Décembre 21)

Plus bas :

A élevé cette statue de Hestiaios Asios, fils de Démétrios,


dit VEisagôgeus, son père, en Van 337 selon V ancienne com-
putation (25/26 ap. J.-C).
Léonidès, fils d'Artémon, de Séleucie sur [VEulaios] a
gravé la stèle.

La première annotation ajoutée au bas de la lettre d'Ar-


taban nous explique comment celle-ci nous a été conservée.
Asios a fait graver cette prose harmonieuse sur le socle de
la statue élevée à son fils Hestiaios, afin d'éterniser le
souvenir des éloges adressés par le roi à celui dont l'image de
bronze ou de marbre ornait une place ou un édifice public
de Suse l. .
Le caractère exact de ce document n'apparaît pas à
première vue. Sans doute, il résulte à l'évidence des
précisions données sur les faits qui se sont passés à Suse
d'année en année, que la lettre a été provoquée par une pièce
soumise à Artaban qui au mois Audnaios se trouvait
probablement à Ctésiphon, résidence d'hiver des Arsacides,
c'est-à-dire à proximité de la Susiane. Mais cette pièce était-
elle un rapport adressé par l'épistate, représentant du roi

1. Nous avons ici un nouvel exemple d'une statue datant de l'époque


parthe, cf. ce qui est dit à propos de celle de Zamaspès, Comptes rendus
1931, p. 243.
une Lettre du roi artaban m 247
dans la cité, ou une requête d'Hestiaios lui-même, que les
titres auliquesdont il est décoré prouvent avoir été fort bien
en cour, ou une plainte de Pétasos accusant son adversaire
d'illégalité ? Nous l'ignorons. Toutefois, le roi écrivant,
comme nous le verrons, à ses fonctionnaires, il est
probable que l'affaire avait été portée devant lui par l'épistate.
Certainement le pséphisme, voté par la ville en l'honneur
d'Hestiaios, était joint au rapport reçu par le Roi des Rois, et
il est vraisemblable que la première partie de l'épître en
reproduit approximativement les termes. Artaban répond
en tranchant une question de droit, comme le faisaient en
Occident les Césars par leurs epistulae. Cette lettre d'un
Arsacide se rapproche ainsi d'un rescrit impérial.
Cet Arsacide, qui selon la règle toujours suivie, ne prend
officiellement que le nom du fondateur de la dynastie,
est Artaban III, qu'une réaction nationale contre Vononès,
souverain choisi par Auguste, avait placé sur le trône
en 16 ap. J.-C, prince énergique et avisé, dont les longs
démêlés avec les Romains devaient se prolonger pendant
toute la durée du règne de Tibère et même au delà (*j* 40
ap. J.-C).
Ceci nous amène à considérer un premier point : l'intérêt
particulier qu'offre la lettre d'Artaban pour la connaissance
de l'histoire politique de l'Iran. A la suite des recherches
d'Allotte de La Fuye, on admettait généralement que l'Ély-
maïde formait un royaume vassal des Arsacides ou en lutte
avec eux, régi par une suite de souverains, dont le premier
Kamnasirkès Ier régnait au milieu du ne siècle avant
notre ère '. Cette dynastie locale se serait maintenue jusqu'à
la conquête Sassanide et le territoire de l'Élymaïde
coïnciderait approximativement avec celui de la Susiane.
Or, notre inscription prouve au contrairt que sous Arta-

1. Allotte de la Fuye, Mèm. de la Délégation en Perse, VIII, 1905, p. 178 ss.


et XX, 1928, p. 34 ss. Cf. Hill, Greek coins Br. Mas., Arsibia Mesopolamia
Persia, 1922, p. ci.xxxn ss.
248 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
ban III, Suse était soumise directement au Roi des Rois,
puisque nous voyons celui-ci intervenir dans son
administration intérieure. Dès lors, on peut considérer comme
certain que le Phraatès nommé dans l'inscription métrique en
l'honneur de Zamaspès, stratège de Suse, publiée ici
même l'année dernière ', est l'Arsacide Phraate IV. La
Susiane était donc dans la dépendance immédiate des
souverains parthes au moins depuis le règne de ce prince
(37-2 av. J.-C). On pourrait supposer que cette contrée
annexée auparavant à l'Elymaïde, s'était à cette époque
soustraite à sa domination. M. Tarn, qui connaît mieux que
personne toutes les péripéties de l'histoire des Parthes, nous
suggère, sous toutes réserves, l'hypothèse que l'occasion de
ce changement politique pourrait être la seconde tentative
de Tiridate II pour ravir à Phraate sa couronne. Comme
la Characène, la Susiane se serait jointe au rebelle et
Phraate vainqueur aurait mis fin à la dynastie locale de ce
pays, en l'an 26.
Mais il peut sembler douteux que Suse, telle qu'elle nous
apparaît à la lumière des dernières trouvailles, Suse, cité
hellénique, défendue par une garnison « macédonienne » -,
ait jamais accepté la domination des roitelets barbares de
l'Elymaïde. Certainement, en l'an 131, elle reconnaissait
pour roi l'Arsacide Phraate II 3 ; l'on a peine à croire qu'au
siècle suivant, un dynaste local ait pu lui imposer son
pouvoir. Les colonies séleucides, protégées par leurs fortes
murailles, étaient presque imprenables pour des armées
dépourvues d'un parc de siège. La position de ces colonies
dans l'empire féodal des Parthes paraît avoir été comparable
à celle des villes libres de l'ancienne Allemagne, qui ne
relevaient point des seigneuries voisines. Malheureusement
les données fournies par les écrivains anciens sur l'étendue

1. Cf. Comptes rendus, 1921, p. 249.


2. Cf. ibid., p. 242.
3. Cf. l'acte de consécration qui sera publié dans le Compte rendu de
la séance du 13 août (infra, p. 283).
UNE LETTRE DU ROI ARTABAN 111 249
de l'Élymaïde à l'époque romaine sont étrangement
discordantes et ne permettent aucune conclusion certaine, comme
on l'a depuis longtemps noté K Toutefois Strabon2,
contemporain de Phraate IV, distingue expressément la Susiane de
L'Élymaïde, district montagneux situé plus au Nord vers le
Zagros et la Médie, et l'autorité de ce témoignage est
considérable. Dans la grande confusion de nos sources
géographiques, nos inscriptions de Suse nous offrent enfin un
point d'appui solide : peu avant et après le début de notre
ère, la Susiane était soumise à Phraate IV et à Artaban III,
qui la faisaient gouverner par leurs stratèges ou satrapes
et qui tranchaient les différends politiques qui se
produisaient entre citoyens de Suse, son chef-lieu. L'Élymaïde se
maintenait d'ailleurs à côté d'elle comme état vassal3.
Artaban III étant le maître de Suse, y était représenté
nécessairement par des fonctionnaires royaux. Il faut,
pensons-nous, reconnaître ceux-ci dans les deux personnages à
qui sa lettre est adressée, Antiochos et Phraatès, car
l'indication qui suit « se trouvant à Suse » (cvtoiv sv Soûsoiç) serait
superflue pour des magistrats de cette ville, qui y auraient
naturellement eu leur domicile. Il est donc peu probable
que ces deux correspondants du roi soient les archontes épo-
nymes de la cité (infra p. 236) et ils sont d'ailleurs distingués
des ap^ovxe; qui suivent. Le premier est vraisemblablement
l'épistate, le commissaire royal chargé de contrôler
l'administration municipale. Les Arsacides avaient emprunté cet
épistate à leurs prédécesseurs les Séleucides, comme l'ont
montré les inscriptions de Doura 4. La lettre de Séleucus IV

1. Cf. Smith, Dict. Geogr. s. v. ; cf. Realenc, V, 2458.


2. Strabon, XVI, 1, 17, p. 744 G et XI, 1, 18, p. 524 C. Cf. Steph. Byz.,
s.v.
3 . Cf. Tacite, Ann. VI, 44, où les Elyméens sont mis sur le même pied que
les Arméniens.
4. Fouilles de Doura-Europos, inscr. not 53 et 134 cf. p. xxm. Excavations
at Doura-Europos, Report II, p. 92; Jotham Johnson, Dura studies,
Philadelphie, 1932, p. 23. — Un épistate à Babylone sous Antiochus III :
Polybe V, 48, 12.
250 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DE8 INSCRIPTIONS
trouvée récemment à Séleucie de Piérie * offre à cet égard
une ressemblance remarquable avec la nôtre. Elle est
adressée Ossçi/ooi xal SeAeu^swv iolq ap^ouai xai x^nrôXei et le
décret qui y est annexé prouve que Théophile est
précisément l'épistate, qui représente le roi dans la cité
administrée par les archontes.
Quant au Phraatès qui est adjoint à Antiochos, son nom
iranien nous fait supposer que c'est le stratège ou. satrape
de la Susiane, un successeur de Zamaspès dont nous avons
eu Tan dernier à nous occuper2. Et peut-être ce haut
fonctionnaire n'est-il pas pour nous un inconnu, Tacite 3 raconte
qu'en l'an 36, Tiridate III s'étant emparé du pouvoir et
ayant mis en fuite Artaban, Phraatès et Hiéron, qui validis-
simas praefecturas oblinebant 4, prièrent le prétendant
vainqueur de retarder la cérémonie de son couronnement
et qu'il résolut d'abord d'attendre l'arrivée de ces
puissants seigneurs (viros praepollentes) , mais que bientôt,
lassé de leurs atermoiements, il ceignit solennellement la
couronne à Gtésiphon. Phraatès et Hiéron, qui n'avaient pas
assisté à cette intronisation, ne la reconnurent pas et, se
retournant vers Artaban, ils provoquèrent son retour d'Hyr-
canie, où il s'était réfugié 5. Peut-être n'est-il pas trop
hasardeux, malgré la fréquence du nom, de reconnaître
dans ce Phraatès, praefectus d'Artaban III, le gouverneur
de la Susiane, nommé en tête de notre lettre royale.

Un second fait remarquable nous est révélé par le


nouveau document : c'est que la chancellerie des Arsacides con-

1. Cf. Comptes rendus, 1932, p. 57, et Syria, 1932 [sous presse]. .


2. Cf. Comptes rendus, 1931, p. 249.
3. Tacite, Ann., VI, 42.
4. Praefe&tura. rend de même « satrapie » ou « stratégie » Ann., XI, 8.
5. Cf. von Gutschmid, Gesch. Iransbiszum Untergang des Arsaciden,
1888, p. 12 s.
UNE LETTRE DU ROI ARTABAN III 251
tinua à employer le grec, comme langue officielle, toutau
moins dans sa correspondance avec les cités helléniques — et,
certainement aussi, avec les Romains. Le style dont elle use
est celui qu'avaient adopté déjà les secrétaires des diadoques
et les nombreuses analogies d'expressions et d'idées entre
notre lettre et des textes épigraphiques de la Grèce et de
l'Asie montrent que l'idiome administratif était resté
sensiblement le même à travers les siècles. La persistance de
ces formules verbales, la conservation de cette rhétorique
protocolaire font apparaître les Arsacides, ainsi qu'ils le
sont à d'autres égards, comme les continuateurs des Séleu-
cides. Des souverains qui se paraient du titre de philhel-
lènes devaient se soucier de pouvoir converser avec les plus
cultivés de leurs sujets. Le grec était véritablement la
langue maternelle de quelques-uns de ces princes, fils de
courtisanes d'Ionie, favorites de harem promues au rang
de sultanes'1. Plutarque affirme qu'Orodès était capable
de parler et d'écrire le grec 2 et suivant cet historien,
on s'en souviendra, la tête de Crassus lui fut
apportée, tandis qu'il assistait, chez Artavasde d'Arménie, à une
représentation des Bacchantes d'Euripide, anecdote fameuse,
qui a parfois été accueillie avec un scepticisme injustifié3.
Vononès qui, il est vrai, avait été élevé à Rome,
s'entourait, nous dit Tacite, de Graeci comités 4. Son successeur
Artaban, bien qu'il fût le défenseur des traditions nationales,

puis
1. dePlut.,
son Crassus,
propre XXXII,
fils Phraate
6. —V Mousa
(Phraatacès),
Ourania,
étaitfemme
une esclave
de Phraate
envoyée
IV,
au premier par Auguste.
2. Plut., Ib. XXXIII : rHv où'te «pwv%, outs Ypa^uaTtov 'YpoS3ï)ç 'EXXï)-
Vtxwv 'inzipos.
3. Artavasde avait composé lui-même des tragédies, des discours et
des pages d'histoire, qu'on lisait encore au temps de Plutarque (l. c), cf.
Bealenc, s. v. « Artavasdes » col. 1309, 1. 52. — La fréquence des inscriptions
métriques à Suse prouve que l'art de la poésie, ou du moins la technique
de la prosodie, y passaient pour le complément d'une éducation littéraire.
Les fouilles de cette année ont encore donné une dédicace en mauvais
distiques, que nous publierons bientôt (Comptes rendus, infra, p. 275).
4. Tacite, Ann., 11,2.
252 COMPTES RENDUS DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS

n'avait pas, nous le constatons, la prétention de faire


entendre son dialecte iranien aux cités helléniques . Lorsque
Philostrate, dans sa vie d'Apollonius de Tyane, fait dire
au roi Vardane (42-45) qu'il possède le grec aussi
parfaitement que son langage indigène *, sans doute le
romancier ne s'éloigne-t-il guère de la réalité historique.
On notera que si la chancellerie d'Artaban date sa
lettre du 17 Audnaïos 268, selon l'ère royale, dans le corps
de cette même lettre, elle compte toutes les années selon
l'ère des Séleucides, dont continuait à se servir la ville de
Suse, comme celle de Doura 2, c'est-à-dire selon celle
qui commençait à l'équinoxe d'automne de 312 av. J.-G. 3.
La première est indiquée par les mots àç o @aaiXsù; ayei,
l'autre par «ç Tïpôtepov ou xa-rà Tcù^xporspouçâpiô^suç,, formules
connues par d'autres documents de l'époque parthe 4. L'on
voit que la population hellénique était restée fidèle à
l'ancienne computation. La manière de supputer les années en
usage à la cour ne s'était pas imposée aux villes jalouses
de leur autonomie et respectueuses de leurs vieilles
traditions. Même les monnaies des Arsacides, gravées par des
artistes des colonies grecques avec des légendes grecques,
ont leurs dates notées suivant l'ère séleucide.

1 . Philostrate, V. Ap., I, 32. Très significative pour la persistance du grec


dans l'empire perse est aussi l'anecdote rapportée à propos des descendants
des Erétriens (I, 24).
2. Cf. Fouilles de Doura, p. 347 ss., et Jotham Johnson, Dura studies,
Philadelphie, 1932, p. 1 ss.
3. C'est l'ère officielle qui était reçue, semble-t-il, dans toutes les colonies
séleucides. La population indigène de Mésopotamie connaissait une ère
commençant un an et demi plus tôt, au printemps (1er Nisan) de 311 ; cf.
Minns, Journal of hellenic siudies, XXXV, 1915, p. 34 ss. C'est celle qui
est suivie dans le livre des Macchabées suivant Kolbe, Beitrage zur syri-
schen Geschichte, 1926, p. 5 ss.. Cf. Rostvotzeff et Welles, Yale Classical
studies II, p. 39 ss. Kubitchek, Grundriss dcr Zeitrechnung (dans leHand-
buch de Iw. Mùller), p. 227 ss.
4. Inscriptions de Babylone, Haussoullier, Klio, X, 1909, p. 352 corrigées
par Rostovtzeff, {. c, p. 40 s. Parchemin de Doura (ibid.) : "Etou; HST
éii ô paaiXeùç {îaatXéwv, <bç oï jcpdiepov BAT. Même formule, wç 6 (j. ayet,
en; 8è 7ipÔTepov dans un acte d'affranchissement trouvé cette année à Suse
et que nous publions plus bas (p. 279).
UNE LETTRE DU BOI ARTABAN III , 253
La différence entre les deux ères dans notre lettre est
de 65 ans, non de 64 comme dans d'autres documents1.
Mais on trouve la même différence de 65 ans entre les deux
notations numériques d'une inscription grecque de Baby-
lone et au moins dans une tablette cunéiforme2. Nous ne
pouvons entrer ici dans le détail d'une double chronologie
qui offre encore bien des incertitudes. Mais l'explication la
plus simple de cette variation c'est que l'ère séleucide
commençant à l'équinoxe d'automne de 312, l'ère arsacide à
celle du printemps de 248, dès lors la différence des deux
computations pendant les six premiers mois séleucides était
supérieure d'une unité à celle des six derniers. Notre lettre
étant du mois Audnaios (Décembre), c'est le chiffre le plus
fort, soixante cinq, que nous devons y trouver.
L'orthographe comme la langue de la lettre sont d'une
correction remarquable 3 et le graveur semble en avoir
tiré quelque vanité, puisqu'il a signé son œuvre. Reproduire
sans faute un pareil texte n'exigeait pas seulement de
l'habileté manuelle mais aussi de solides connaissances
grammaticales. Une telle culture grecque n'était pas générale à
Suse et c'est sans doute pourquoi les lapicides obtenaient
d'ajouter leur nom au bas des inscriptions qu'ils avaient
transcrites sur la pierre4.
Comme ceux de ce lapicide, Léonidès, fîlsd'Artémon, tous
les noms des membres de la noblesse municipale cités dans
notre inscription, Antiochos, Aristoménès, Asios, Démé-
trios, Hestiaios, Pétasos, Philippe sont grecs, et, au moins
en partie, macédoniens. Mais on peut se demander, comme
à Doura 5, jusqu'à quel point cette onomastique à laquelle

1 . TP à la fin de la première ligne sont certains et ne peuvent être


complétés que tp[ÎToo].
2. Haussoullier, l. c. ; cf. Minns, l. c, p. 37.
3. Je relève seulement, 1. 8, évt où l'on attendrait rcpaSTcot ; 1. 14, ânoprîajwç
pour à:ropp7i<js«ç ; 11. 16-17, aeXeuX7)(oç pour asXeu/étoç, àp6;xoi$ç pour âptôfxotSç.
4. Cf. Comptes rendus, 1931, p. 236 : Atoçavxoî ka-:i\Xoypifi\<se.
5. Cf. nos Fouilles de Doura, p. 341 s.
254 COMPTES RENDUS DE £,' ACADÉMIE DES IlNSCRIPTIONS
on restait attaché comme à un titre de noblesse, ne
dissimule pas une altération profonde de la race et un fort
mélange de sang iranien et même élamite.

L'intérêt principal qu'offre la lettre si heureusement


découverte par M. de Mecquenem, c'est de nous faire
entrevoir quel était le fonctionnement dô l'administration
municipale de Suse et de nous montrer à quel point elle avait
conservé, jusqu'au commencement de notre ère,
l'organisation imposée par les rois séleucides à leurs colonies.
Quelques titres fournis par les inscriptions de Doura,
quelques lignes de Tacite sur la constitution de Séleucie du
Tigre l, voilà à peu près tout ce que les textes anciens nous
apprenaient jusqu'ici sur le gouvernement intérieur des cités
grecques dans le royaume des Parthes. L'on peut tirer de
l'épître d'Artaban des informations bienvenues; elle
projette un jet de lumière sur la vie locale encore si obscure
de ces agglomérations urbaines, dont quelques-unes étaient
considérables. Mais avant d'indiquer ce qu'elle nous apprend,
il importe de préciser la succession chronologique des faits
relatés dans la lettre royale, si nous la comprenons bien :
En 329, Hestiaios est trésorier de la ville et s'acquitte de
deux ambassades. En 330, la ville vote un décret en son
honneur.
En 331, il est proposé à la boulé comme candidat pour
la même charge de trésorier. Pétasos objecte que son élec-

1. Séleucie du Tigre est la seule ville parthe dont la constitution


municipale nous soit quelque peu connue. Les informations qui nous sont
transmises ont été diligemment recueillies par Streck, Realenc. s. v., col.
1162. Je n'ai qu'une réserve à faire à son exposé : la ycpoycrta de Séleucie
(Plut., ~Crassus, 32) n'était nullement la (JouXrf, mais, comme dans les autres
cités helléniques, le club des hommes mûrs par opposition aux vs'oi. C'est
ce que prouvent les actes syriaques de S'-Mâri (Analecta Bollandiana,
IV, 1885, p. 15 ss.); cf. Revue de V instruction publique en Belgique,
t. XXXVI, 1893, p. 373 ss. Les éphèbes et les vlot sont d'ailleurs nommés
dans une inscription de Babylone (Haussoullier, Klio, 1909, p. 353).
UNE LETTRE DU ROI ARTABAN HI 255
tion serait illégale, trois ans ne s'étant pas écoulés depuis
sa première magistrature. Néanmoins la ville l'élit.
En 332, Hestiaios est pour la seconde fois trésorier.
En 333, immédiatement après sa sortie de charge, un
procès lui est intenté. Deux mois plus tard, le roi arrête
les poursuites.
Comme à Séleucie, comme à Doura1, on trouve à la
tête de la ville de Suse une (SouXVj. C'était elle qui avait le
droit de proposer des candidats aux magistratures, si notre
restitution de la ligne 8 (irpouêX-rçÔYj) est exacte. Il en était
d'ailleurs ainsi dans les cités grecques du monde romain, où
ce même droit de présentation appartenait à la boulé. La
ratification de son choix par le peuple s'y réduisit même
sous l'Empire à une simple formalité, la foule se bornant à
acclamer le nom du candidat désigné'2. Mais nous voyons
qu'à Suse, vers le commencement de notre ère, il n'en était
pas de même. La « %ô\<.q » décida de nommer Hestiaios
trésorier malgré l'objection juridique présentée à la boulé contre
sa réélection. Dans les villes helléniques de l'empire parthe,
s'étaientdonc conservés quelques-uns des droits de l'ancienne
èxxXyjffia, tels que les avait définis la charte octroyée
autrefois par les Séleucides à leurs colonies. La lettre adressée
vers l'an 200 av. J.-C. par Antioche de Perside à
Magnésie du Méandre reproduit un décret (tyrl<pi<j[i.a) voté par
l'ecclésie sur la proposition des prytanes 3 et ceci est
conforme aux institutions des autres colonies séleucides où le
vote pareillement les pséphismes avec la fiouX-f) 4.

1. Cf. Fouilles de Doura, p. xxnt ; Excavations at Dura, Third report,


1932, p. 51, n° 149.
2. Cf. Isidore Lévy, Éludes sur la vie municipale de l'Asie Mineure dans
Revue des études grecques, VIII, 1895, p. 226.
3. Inschr. von Magnesia, 60 = OGI,- 233, 11. 1,11, 32, 47. 68. — Le décret
de Suse de l'année 176, publié dans les Mémoires de la mission en Perse,
XX, p. 81,n°3, a été restitué par Ilaussoullier d'après cette inscription,
mais ces suppléments sont très douteux.
4. P. ex. à Laodicée du Lycus (Michel, 543), où les prytanes sont
nommés I. 2 i ; à Antioche de Carie (Inschr. von Magnesia, 90). La nouvelle
256 COMPTES RENDUS DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
A Séleucie du Tigre, le peuple avait sa puissance propre,
nous dit Tacite1, sua populo vis. Artaban III précisément
la lui enleva pour remettre le gouvernement de la ville aux
trois cents bouleutes, pensant pouvoir ainsi imposer plus
facilement ses volontés, mais bientôt Tiridate III restaura
la démocratie : rem Seleucensem populo permisit.
En face des deux assemblées, comme pouvoir exécutif les
magistrats forment, de même que dans les villes grecques de
l'empire romain, un « directoire », dont les membres
portaient le titre commun d'ap^cvreç 2. C'est à eux que s'adosse
le roi en premier lieu, il salue ensuite la xôXiç, terme
général qui comprend à la fois la boulé et le démos 3.
Parmi ces archontes, deux sont éponymes, leur double
nom sert à préciser l'indication fournie par le chiffre de
l'année (1. 12). Peut-être à côté de cette appellation générique
d'àp5£0VTeç, prenaient-ils aussi le titre spécifique de stratèges,
comme c'est le cas ailleurs 4, notamment à Palmyre où
l'on trouve comme éponymes dans les inscriptions deux
magistrats, qui s'appellent tantôt ap^ovTsç et tantôt aTpatv;-
yoi5. A Suse, le collège des archontes comprenait, en outre,
un trésorier « xaixiaç » et probablement d'autres membres
encore.

inscription de Séleucie de Piérie (supra., p. 250) contient un décret du


8fj[A0; voté sous Séleucus IV.
1. Tacite, Ann., VI, 42. Cf. Realenc, L c.
2. Isidore Lévy, Rev. et. gr., XII, 1899, p. 266 s.
3. La lettre de Séleucie de Piérie est adressée toïç apy^ouui xaî xr\i 7ioXet
(supra, p. 250) et non pas, comme la plupart des documents analogues, tîji
PouXîjtxatTât 8rj[Awi(cf. Schroeter, Deregumhellenisticorumepistulis, 1932).
Même adresse en tète de la lettre de Julien aux Athéniens (I, p. 213 Bidez).
Mais on trouve souvent à l'époque romaine la formule xolç apyooai xal tt)
(3ouXtji xai xS>i 8tÎ[aok (p. ex. lettre d'Hadrien à Stratonicée, Dittenberger,
Syll. 3, 837 ; lettre d'un archiprêtre à Ariassos, IGR III, 422). L'expression
est synonyme de celle employée dans notre rescrit.
4. Sur ces archontes-stratèges, cf. Is. Lévy, L c.
5. Le tarif de Palmyre, qui est un Soy^a PouXfjç, commence par le
préambule : 'Etci Bwwéouç Btovvlouç npolôpou 'AXsè'ivSpou 'AXeÇàvSpou Ypa^aritoÇ
[îouXrjçxaî 8r{[Jiou, MaX^ou 'OXaiouç xal ZeSeîSouNeaa àp^ôvxwv, PouXrj; vojiî-
jiou àyo[xÉvï)ç, ê<{<r)«pta6r) xà u7roTETaYtUva (OGI 629; CI Senr.,Pars II, t. III, n»
3913). D'autre part, l'inscription de Waddington 2597 est datée : E
UNE LETTRE DU ROI ÀRTABAN III 257
Ces archontes sont nommés pour un an. Ils sont soumis
avant leur élection à un examen, 8oxijj.a<rfo (1. 9), comme
dans toutes les cités grecques. A l'époque romaine cette
docimasie ne portait plus sur les qualités morales du
candidat, mais presque exclusivement sur leur richesse1. Il n'en
était probablement pas de même à Suse. A Séleucie du Tigre
les trois cents bouleutes étaient, nous dit Tacite 2, opibus aut
sapientia delecti. On peut croire que dans toutes les colonies
séleucides, si la possession d'un certain cens était une
condition de l'accès aux honneurs, on exigeait aussi des
candidats un minimum de culture hellénique.
Les magistrats sont responsables de leur gestion. Si
quelque abus leur est imputable, ils peuvent être
poursuivis après leur sortie de charge (1. 12 ss.).
Tout ceci est conforme à ce que nous trouvons ailleurs,
mais ce qui fait la valeur de notre texte nouveau, c'est qu'il
nous montre la persistance des anciennes institutions
politiques de la Grèce dans une région lointaine de l'Orient
sous une dynastie iranienne. D'autre part, le cas concret
qui a motivé l'envoi de la lettre royale, nous révèle une
règle jusqu'ici inconnue du droit municipal, la défense de
revêtir de nouveau une magistrature avant que se soient
écoulés trois ans. Une des conséquences du principe
démocratique dans la cité grecque, comme l'a montré Aristote 3

TY)youvTwv deuxnoms, Itovi? Ç"X«p\ Dessau, Hermès, XIX, 1884, p. 491, a déjà
noté qu'il s'agissait d'une seule et même magistrature. On admet générale,
ment que cette double magistrature de Palmyre, qui devint une colonia-
est due à une influence romaine. Mais nous voyons aujourd'hui que la
dualité des stratèges existait dans une ville parthe soustraite
absolument à l'action de Rome, et toute la question devra être réexaminée. —
Cf. G. Mac Léon Harper, Yale Classical Studies, I, 1928, p. 120 s. et le
commentaire d'Ingholt à un décret nouveau de Palmyre dans Syria, 1932,
p. 281 ss.
1. Is. Lévy, Rev. et. grecques, XII, 1899, p. 257.
2. Tacite, A nn., VI, 42.
3. Aristote, Politique, VI, 1317 b 24 : Tô ijlï) St; xôv aùtôv ap^eiv [aï]8e[ai<*v
r] ôXryaxts r] ôXi'faç ïÇco twv xarcà 7toXetjLov. A Athènes ap^eiv xàç jxèv xatà
7coXe[j.ov «p/àç IÇecrci nîsovaxiç, Ttov 8'àXXwv oû8s[i£av, t:Xt)v pouXsuaat 8i'î
(Polit. Athen., 62,3).
1932. 17
258 COMPTES RENDUS DE L'ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
dans sa Politique, fut la prohibition de remplir deux fois la
même charge ou du moins celle de l'occuper fréquemment,
sauf pour les commandements militaires. Cette défense ou
cette limitation permettait l'accès d'un plus grand nombre de
citoyens aux fonctions publiques et elle empêchait l'un d'eux
d'acquérir une prépondérance dangereuse. La République
romaine éprouva une appréhension semblable de se donner
un maître, et Viteratio des magistratures n'y fut permise
qu'au bout de dix ans l. De même, la loi municipale de
Malaga exclut du duovirat qui intra quinquennium in eo
honore fuerint'1. Mais, si dans le monde hellénique les
inscriptions permettent de citer de nombreux cas d'interdiction
absolue d'une nominationitérative 3, on ne trouve que de rares
exemples de la prescription d'un intervalle avant la
réélection, et il s'agit le plus souvent d'un stratège, c'est-à-dire
d'une fonction originairement militaire4. Notre lettre prouve
que l'obligation d'un délai de trois ans était imposée à
Suse par les institutions municipales (èx, twv Si^Yopsui/ivwv)
pour toutes les magistratures, mais elle ne
s'appliquait pas aux liturgies, puisque Hestiée se vil confier deux
ambassades la même année. Il en fut sans doute de même
dans nombre d'autres colonies séleucides. Notre texte épi-
graphique nous apprend en outre que cette loi ancienne
n'avait pas été abolie au commencement de notre ère. Il est
vrai qu'elle fut violée par le peuple et qu'Artaban, qui à
Séleucie du Tigre aussi, favorisa l'oligarchie, intervint pour

1. Mommsen, Staatsrecht, I3, p. 52t. La lex Villia Annalis de 180


établit qu'il fallait l'intervalle d'un biennium entre l'exercice de deux
magistratures patriciennes, mais elle n'a pas en vue Viteratio de la même charge.
2. Dessau, 6089, cap. 54.
3. Cf. sur toute cette question Hermann-Swoboda, Staatsaltertûmer
III«, p. 146 ss.
4. A Corcyre, une nouvelle fonction que l'on crée ne pourra être
réoccupée qu'au bout de deux ans (1G IX, 1, 694, 1. 46 ss.)A Thurium,
anciennement on ne pouvait redevenir stratège qu'après cinq années, mais cette loi
fut abolie (Aristote, Politique, 1307 b). La ligue étolienne interdisait à ses
magistrats ou tout au moins à ses stratèges d'exercer leurs fonctions deux
années de suite (Hermann-Swoboda, p. 365).
UNE LETTRE DU ROI ARTABAN III 259
autoriser cette infraction à la règle établie. Dans les cités
grecques du monde romain, la réitération indéfinie de la
même fonction devait pareillement devenir normale sous
les Césars, en même temps que se multiplièrent les
magistrats à vie, quand l'évolution sociale rendit partout « une
classe quasi-héréditaire maîtresse de la vie politique
amoindrie » '.
Une dernière question se pose à propos de notre lettre,
celle de savoir jusqu'à quel point l'autonomie des cités
grecques était sauvegardée. Déjà sous les Séleucides, si les
colonies jouissaient- d'une administration propre, il semble
qu'en droit rien ne les garantît contre l'arbitraire de
souverains absolus, et l'épistate, délégué du roi, avait des pouvoirs
à peu près illimités 2. Ce roi ne prêtait point serment comme
au moyen âge de respecter une charte octroyée par lui à
des communes. Légalement l'autocratie des princes
Arsacides n'était pas moins étendue que celle de leurs
prédécesseurs d'Antioche, mais, en fait, la faiblesse de leur
pouvoir les obligea souvent à ménager les villes helléniques.
Tout se réduisait à une question de force. Tacite, dans le
passage déjà cité 3, note que lorsque la concorde règne à
Séleucie, « on y méprise le Parthe » et le souverain n'y
faisait valoir son autorité qu'à la faveur des luttes de parti.
Pendant sept années, sous Artaban III et sous Vononès,
cette place bien fortifiée ne put être réduite par des rois à
qui elle refusait l'obéissance4. Mais si cette puissante
métropole pouvait ainsi impunément braver les Arsacides, les cités

1. Cf. Lévy, Revue des études grecques, XII, 1899, p. 263-266.


2. Holleaux, Bull, de corr. heH., XVII, 1893, p. 52. M. Koschaker,
Mitt. der Vorderas. Gesellschaft, XXVI, 3, p. 73 s., note que l'autonomie des
colonnes séleucides, concédée par une faveur royale, ressemblait moins
à l'indépendance des cités de la Grèce, qu'à la liberté précaire des villes
soumises autrefois aux rois d'Assyrie. M. Bickermann a traité tout
récemment de cette autonomie révocable des villes d'Asie Mineure sous les
Séleucides, Hermès, t. LXVII, 1932, p. 56 ss.
3. Ann., VI, 42.
4. Tacite, Ann., XI, 8 et 9. Gf. A. von Grutschmid, Gesch. /ransr1888,
p. 124 s., et Realenc, s. v. « Seleukeia », p. 1179.
260 COMPTES RENDUS DE l' ACADÉMIE DES INSCRIPTIONS
de moindre importance leur étaient plus étroitement soumises
et nous voyons à Suse Artaban profiter d'une dissension des
citoyens pour s'ériger en arbitre de leur querelle. Jusqu'à
quel point cette intervention fut conforme à une procédure
régulière ou bien un acte purement arbitraire, nous
l'ignorons. Devant qui Hestiaios fut-il accusé? Le procès fut-il
engagé devant une juridiction municipale, ou bien une
violation de la constitution, du vo^oç, de la colonie était-elle
un cas réservé au jugement d'un fonctionnaire royal ? Il
subsiste sur tous ces points bien des obscurités. Mais le
précieux document, que nous a rendu le sol bouleversé de
Suse, est si fertile en enseignements que nous aurions
mauvaise grâce à nous plaindre de ce qu'il ne nous donne
pas davantage.

LIVRES OFFERTS .
M. Franz Comont a la parole pour un hommage :
a Votre correspondant, M. Joseph Bidez, m'a prié de présenter en
son nom à l'Académie le premier volume de son édition * des discours
de l'empereur Julien, à qui il a précédemment consacré une
remarquable biographie. Ce volume comprend les éloges de Constance et
d'Eusébie, la Consolation pour le départ de Salluste et l'épître aux
Athéniens, c'est-à-dire les écrits composés avant que le jeune César
se fût rendu maître de l'Empire. M. Bidez a pour la première fois
collationné et classé Vensemble des mss. qui nous les ont transmis,
donnant ainsi à sa prudente recension un fondement inébranlable.
Des indications précises sur les sources et les passages parallèles,
des introductions lucides à chacun des discours, une traduction à la
foi élégante et fidèle, des notes qui forment le premier commentaire
suivi de ces œuvres impériales, font de cette publication d'un
excellent helléniste un modèle d'édition savante. Elle constitue vraiment
un /.TT]fA(x eî; àei et lorsque sera achevé ce monument d'une érudition,
précise et sagace par la publication du tome second, il formera la
base assurée de toute étude sur la langue ou la personne du célèbre
Apostat. «

1. L'empereur Julien, œuvres complètes, tome I, 1" partie, Discours de


Julien César (Collection Budé 1932).

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