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Recension de L’Homme en action, La représentation

littéraire d’Aristote à Zola de Paolo Tortonese


Alain Delannoy

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Alain Delannoy. Recension de L’Homme en action, La représentation littéraire d’Aristote à Zola de
Paolo Tortonese. recension. 2017. <hal-01664853>

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Alain Delannoy
Laboratoire POLEN

Recension de L’Homme en action, La représentation littéraire d’Aristote à Zola


de Paolo Tortonese

S’inscrivant dans la lignée de Philippe Hamon qu’il retrouve au Centre de Recherches sur
les Poétiques du XIXe siècle – centre qui soutient cet ouvrage et dont il est directeur –, Paolo
Tortonese, professeur de littérature française du XIXe siècle à Sorbonne Nouvelle, publie ce
nouveau livre1 dans la collection Théorie de la littérature aux éditions Classiques Garnier. Tandis
qu’il s’interrogeait sur la place du sensible dans la littérature réaliste, littérature qui est un de ses
centres d’intérêt, il lui a fallu remonter le temps aux origines théoriques de ces conceptions dans
l’histoire des idées. Dans L’Homme en action, cela l’a conduit, retraçant l’historique philosophique,
jusqu’à György Lukács, depuis la conception aristotélicienne de la littérature et de l’art exposée par
le disciple de Platon dans sa Poétique2, à cerner ce long parcours par les figures, qu’il y oppose, de
ce maître, Platon, et de cet autre, proche de nous, Gérard Genette. Dans cette polémique ancienne
qu’il réactive, se plaçant sous l’autorité de la traduction de Dupont-Roc et Lallot et des travaux de
Paul Ricœur3 et de Daniele Guastini4, Tortonese prend résolument parti pour Aristote, contre Platon
et le néoplatonisme qu’il dénonce dans le relativisme du célèbre critique et théoricien littéraire
français issu de d’école structuraliste. Notre guide nous fera faire deux grandes étapes dans ce
voyage plus philosophique que littéraire : le classicisme français tout d’abord, puis la théorie
naturaliste qu’expose Émile Zola dans Le roman expérimental5.

L’auteur ne perd pas beaucoup de pages à rappeler les réflexions de Platon sur l’art et la
mimesis que celui-ci livre dans le Xe chapitre de la République6 notamment. Pour le « père de la
philosophie », la représentation picturale, puisque l’artiste est incapable d’obtenir d’identité
formelle avec la chose représentée et que l’on ne trouve donc pas, dans l’œuvre, de révélation de

1 Paolo Tortonese, L’Homme en action, La représentation littéraire d’Aristote à Zola, Paris, Classiques Garnier,
Collection Théorie de la littérature, 2013.
2 Aristote, Poétique, traduction de Roselyne Dupont-Roc et Jean Lallot, Paris, Seuil, 1980.
3 Paul Ricœur, Temps et récit, Paris, Seuil, 1983-1985.
4 Aristote, Poétique, introduction, traduction et commentaires de Daniele Guastini, Rome, Carocci, 2010.
5 Émile Zola, « Le roman expérimental », Œuvres complètes, Éd. H. Mitterrand, Paris, Cercle du livre précieux, t. X,
1968.
6 Platon, République, traduction d’Émile Chambry, Paris, Les Belles Lettres, 1982.

1
l’idée-forme transcendantale, il faut en détourner le regard. Avec Socrate, Platon ne montre dans
l’art qu’une image corrompue, trompeuse, de la réalité, une caricature de la connaissance. Le
peintre devient un imposteur puisque ses images n’atteignent pas la vérité, il en est de même pour
les tragiques, les poètes et Homère ; c’est bien là un réel discours contre l’art, discours qui a nourri
toute une tradition occidentale. Tortonese pointe, chez Platon, cette aporie qui autorise l’artisan à
voir l’idée, mais pas l’artiste. Ce faisant, Platon interdit toute perspective métaphysique à l’art et le
rend impossible.
Mais on s’attarde longuement sur ce « livre sacré7 », si riche de concepts, qu’est la Poétique
d’Aristote. C’est là un renversement de perspective qui dément la théorie platonicienne. Loin de se
présenter comme une méthode de composition artistique, la Poétique est au contraire une théorie de
la mimesis, mimesis qu’il faudrait plutôt traduire par « représentation » que par « imitation ». Il
s’agit, pour l’art, de donner à voir des reproductions d’actions, des imitations d’êtres en action dans
le réel. Le « coup de génie8 » d’Aristote tient à définir une « mimesis narrative9 » où mimesis et
diégèse ne s’opposent plus : la mimesis devient une représentation diégétique. Loin de chercher une
impossible identification idéelle d’une image vraie et philosophique à l’objet représenté, loin
d’espérer atteindre une véridicité littéraire telle un miroir, l’art se donne désormais pour mission
d’obtenir une adéquation de la représentation à l’objet, ce qui en permettra une connaissance. Plutôt
que cette identité imaginée par Platon, mettant en scène une cohérence qui ressemble à la réalité,
c’est la vraisemblance de l’œuvre qui guidera la mimesis. Sans être fondée sur l’opinion, cette
vraisemblance étant ce qui est général, pourra déboucher sur une abstraction, une règle. Car, de
même que l’enfant apprend en imitant, l’étonnement devant la poésie fait prendre conscience de son
ignorance et appelle à un questionnement qui débouchera sur une vraie connaissance philosophique.
Pour parvenir à cette fin, par une « imitation de la praxis10 », c’est l’action humaine que devra
peindre l’artiste ; ce en révélant les rapports qui sont l’essence de l’objet afin de donner une
expérience des causes à effet entre les choses, ce pour dégager le lien de causalité qui, lui, est
universel.
Alors que, pour Aristote, c’était la recherche de la vérité qui primait, avec Cicéron 11 et
l’Antiquité romaine, cette vérité se fait moins nécessaire que le plausible et l’on assiste à un
glissement qui met au premier plan l’avis d’un public qu’il faut convaincre. La Poétique d’Aristote
est redécouverte à la Renaissance et l’époque classique s’en réclamera, donnant même l’humanité

7 Paolo Tortonese, op. cit., p. 20.


8 Ibid., p. 181.
9 Idem.
10 Ibid., p. 62.
11 Cicéron, De Inventione, traduction G. Achard, Paris, Les Belles Lettres, 1994.

2
en action pour mission à l’écrivain. Mais cette fidélité affichée se fait tout en donnant une
interprétation fautive d’Aristote, et le vraisemblable est promu pour proscrire tout éloignement du
réel. Conforme à la raison, ce vraisemblable est conçu désormais comme dépendant de l’opinion
raisonnable du public, ne devant donc pas excéder la mentalité dominante. D’où l’on perd
l’universalité de l’art qui dépend dès lors de ses publics récepteurs. C’est là un des problèmes des
théoriciens français du XVIIe les plus insolubles que de vouloir concilier une vérité universelle avec
les opinions particulières. On observe, par ailleurs, l’introduction d’une notion morale surajoutée et
Scudéry12 attribue même à Aristote la lecture moralisante qu’il en fait. Il faut représenter le bon
exemple, et c’est en oubliant l’idée aristotélicienne du parcours de la connaissance vers la vérité que
c’est la vertu qui, en lieu et place, devient le but recherché par le créateur. Cela invite à exclure les
sujets scabreux et à adjoindre à l’art une nécessité d’agrément. Corneille13, remarquant qu’une
réalité dérangeante et choquante touche davantage, rappellera qu’Aristote invitait au contraire
d’abord à « s’intéresser aux mouvements de l’âme14 ».
Sans qu’elle ne s’en revendique jamais, la théorie naturaliste puise à la source
aristotélicienne ; et Zola, de même qu’Aristote le faisait avec l’histoire, dénonce que la
photographie, purement imitative, ne permet pas de découvrir une connaissance universelle. Au
contraire des classiques, revenant encore vers Aristote et contre Ferdinand Brunetière15 qui au nom
d’un manque d’universalisme s’oppose au « roman des basses classes16 », il enjoint au romancier de
montrer des réalités que l’opinion, en retard, avait exclues du champ artistique. Si Zola renie le
moralisme classique, c’est en prônant comme une nouvelle morale qui, étudiant et jugeant les
passions des hommes, aura remplacé les notions de bien et de mal par celles d’utile et de nuisible.
Sans pour cela aller jusqu’à se faire psychologue, le romancier se devra en effet de dévoiler
l’homme jusqu’au plus profond de son cœur, un homme qui est remis au centre des préoccupations
de l’écrivain. Pour cette expérience, se comparant ici à Claude Bernard17, le théoricien de la
littérature, réactivant le principe de la vraisemblance, prescrit au romancier de se comporter comme
un savant. L’invention, dans la fiction, se formulant telle une hypothèse qui, après observation et
analyse, déterminera les faits possibles desquels on pourra déduire des lois. Mais, quand Zola
appelle à ce que, de même que la médecine, la littérature devienne science, c’est en usant avant
toute chose d’un procédé rhétorique afin de légitimer sa démarche artistique dans le sillage du

12 Georges de Scudéry, Observations sur le Cid, 1937.


13 Pierre Corneille, éd. Georges Couton, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1980.
14 Paolo Tortonese, op. cit., p. 102.
15 Ferdinand Brunetière, Le Roman naturaliste, Paris, Calmann Lévy, 1892.
16 Paolo Tortonese, op. cit., p. 97.
17 Claude Bernard, Introduction à l’étude de la médecine expérimentale, Paris, J. B. Baillière et fils, 1865.

3
positivisme. En effet, malgré cette rationalité qu’il réclame, reprochant à Taine18 de négliger la prise
en compte de la personnalité du créateur, il tient à ce que subjectif et objectif se rejoignent dans
cette personnalité de l’écrivain au travers des impressions et du monde tel qu’il l’a vécu. Zola
relativise d’ailleurs cette vérité quasi scientifique à reconnaître en la situant dans l’univers de la
sensation.
La primauté accordée à la représentation de l’action entraînait, dès Aristote, une
dévalorisation du visible et du descriptif, ce qui, à l’âge classique, comme l’a montré Philippe
Hamon19, allait se traduire par un rejet et une condamnation de la description – Marmontel20 le
rappelle en insistant sur la suprématie des événements vis à vis de la représentation des choses. Le
romantisme, au contraire, comme il remet le sensible au premier plan, manifestera une propension
aux longues descriptions, ce avec quoi tranche la théorie naturaliste de Zola qui, dénonçant sa
fonction ornementale et hédoniste, se donne à lui-même des consignes anti-descriptives strictes.
Selon lui, la description serait comme un péché, un sacrifice à la subjectivité sensorielle qui éloigne
de l’humain et de saisir l’essence de la vérité. Son analyse de cette question de la description est par
ailleurs l’une des tentatives les plus abouties qui ait été tentée.
Or c’est justement ses descriptions que Lukács21 reproche à l’auteur de La bête humaine.
« Le récit structure, la description nivelle22 », écrit-il. Zola donne trop souvent la primauté à des
choses qui déshumanisent, réduisant ses personnages à des rôles de spectateurs. De même que les
portraits de Cézanne ne sont que des natures mortes, les héros de Zola sont sans consistance par
rapport à ceux de Balzac. La description leur ôte toute temporalité, elle « met tout au présent23 ». Le
subterfuge qui consiste à intégrer la description par l’humain qui donne son point de vue ne le
convainc pas davantage : abandonnant sa position omnisciente, le narrateur s’abaisse alors au
niveau de son personnage. C’est le projet de vouloir traiter l’homme comme objet d’étude
scientifique qui est cause de cet échec, puisque la science, ne s’inscrivant pas dans une dialectique
historique, ne peut délivrer qu’une perspective superficielle. L’erreur de Zola, parce qu’il n’en
comprend pas les causes et accepte l’aliénation, c’est de prendre l’homme tel qu’il est aujourd’hui,
déshumanisé par le capitalisme, plutôt que de le montrer, dans le passé ou l’avenir, non aliéné, tel
qu’il devrait être. Ce « dernier aristotélicien24 », comme le surnomme Tortonese dans sa première

18 Hippolyte Taine, Philosophie de l’art, Nature et production de l’œuvre d’art, Paris, G. Baillière, 1865.
19 Philippe Hamon, Introduction à l’analyse du descriptif, Paris, Hachette, 1981.
20 Jean-François Marmontel, article « Description », Encyclopédie méthodique. Grammaire et littérature, Paris &
Liège, Panckoucke et Plomteux, T. I, 1782.
21 György Lukács, Raconter ou décrire, contribution à la discussion sur le réalisme et le formalisme [1936], dans
Problèmes du réalisme, Paris, L’Arche, 1975.
22 Paolo Tortonese, op. cit., p. 184.
23 Idem.
24 Paolo Tortonese, op. cit., p. 183.

4
« apostille », retrouve donc un genre de nécessité de l’exemplarité vertueuse de l’époque classique.
Selon Lukács, dévoilant ici des liens avec le naturalisme et le modernisme du XX e siècle, ces
tentations esthétisantes sont signes de décadence.
La seconde apostille, qui clôt l’ouvrage, est consacrée à Gérard Genette25. Celui-ci ne
reconnaît que des variantes dans les termes entre Platon et Aristote. Il laisse même entendre, sans le
démontrer, que, pour le second, les discours des personnages épiques et sur scène sont de même
nature. En fait, il ne reste rien de la mimesis aristotélicienne dans la lecture qu’en donne Genette. En
effet, sa définition du vraisemblable n’est en rien aristotélicienne, c’est celle qu’en faisaient les
classiques : son maître, c’est Jean Chapelain26, pas l’auteur de la Poétique. La vraisemblance,
principe de la connaissance et dévoilement du monde chez Aristote, tombe au rang de simple alibi
avec Genette. Tel qu’il le présente, le vraisemblable ne mérite même plus d’être pris en compte.
C’est là une mise à mort de la vraisemblance à cause de son interprétation erronée d’Aristote.
Genette néglige de penser qu’un récit serait toujours relativement contraint, ne s’intéresse pas à
essayer d’interpréter les actes de la narration comme des actes qui seraient vécus. Dans le récit, il
suppose une unique logique finaliste à laquelle tout serait soumis et se suffit de n’accorder de
considération qu’aux seules questions d’énonciation. Attribuant à l’art la prétention de recréer le
monde tout en lui reprochant de n’y pas réussir, il effectue un retour au platonisme où la réalité
n’est que pur mensonge. Cela le conduit à décider, tout à fait arbitrairement, d’opposer de simples
lecteurs qui seraient si naïfs qu’ils se contenteraient de vraisemblance, à de doctes critiques qui,
eux, sauraient déceler des mécanismes essentiels dans le récit. Genette se contente encore de donner
une pensée critique sur les expériences nouvelles en littérature, tandis que les lecteurs qui lisent le
font selon les paradigmes traditionnels de la conformité au réel. Un aveuglement lourd de
conséquence pour la place de la littérature…

L’étude de Tortonese de l’évolution du concept de la mimesis depuis qu’Aristote l’a sortie du


gouffre stérile de l’imitation platonicienne nous fait parcourir plus de deux millénaires dans
l’histoire de la théorie littéraire et, au-delà, de l’art en général. Tout au long des siècles, on voit
renaître les mêmes ambiguïtés autour de la vraisemblance – qui se voit parfois associée au réel ou
au persuasif – et de la connaissance métaphysique d’une vérité au travers de l’œuvre – qui se voit
associée à la vertu ou à une morale. Les malentendus sont tout particulièrement saisissants entre
ceux qui se réclament de la Poétique tout en l’ayant mal comprise – tels les classiques, en partie à
cause de traductions déficientes –, ceux qui le professent sans s’y référer – tels Lukács, et surtout

25 Gérard Genette, Figures II, Paris, Seuil, 1969.


26 Jean Chapelain, Opuscules critiques, Éd. Alfred C. Hunter, Paris, Droz, 1936.

5
Zola qui échoue à en appliquer les préceptes –, ou ceux qui en ont une idée très confuse qu’ils font
dériver vers un relativisme totalement étranger à Aristote – tel Gérard Genette.

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