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UNIVERSITE DE ROUEN
MÉMOIRE DE SYNTHÈSE
PRÉSENTÉ EN VUE DE L’OBTENTION
DE L’HABILITATION À DIRIGER DES
RECHERCHES
Francisco Javier Rabassó
Rouen, 2009
2
Table de matières
Cultures 59
IV.4. Thèse doctorale sur la réception d‟un texte dramatique dans sa version
filmique
Bibliographie 202
6
synthèse, une rigueur et une discipline énormes pour déterminer quels sont les éléments
l‟écoute » des disciplines, des domaines, des matières. Il devient un gestionnaire des
Renaissance, de Giambattista Vico, avec une approche humaniste de l‟homme et des savoirs.
connaissances, capables de rendre visible la multiplicité organisée des richesses, des savoirs et
des compétences créés par une communauté. Son existence est liée aux systèmes
épistémologique transdisciplinaire.
7
méthode des méthodes, d‟une « métaméthode », sorte de boîte à outils dont chaque instrument
d‟analyse est une méthode singulière appropriée pour résoudre un problème particulier. Ceci
méthode particulière qui pourrait aider le chercheur à mieux comprendre le sujet d‟étude et à
Palo Alto inspirée de la pensée systémique, le travail du transversaliste est dans le domaine
« menu n‟est pas le repas », dans ce « paradigme de la complexité » qui est l‟activité du
connaître le tout et les parties sans les considérer dans leur ensemble. Le tout est, à la fois,
plus et moins que la somme de ses parties. Cette notion de globalité sera fondamentale dans
mes activités de recherche depuis les premiers articles et conférences réalisés au Canada.
Ainsi, j‟ai adopté une attitude holistique selon laquelle tous les aspects d‟un problème sont
des aspects concrets), avec de constants retours en arrière et en avant (des flash-backs, et des
flash-forwards comme dans le cinéma) pour compléter le modèle (des takes cortazariens)
qu‟émerge progressivement. Par conséquent, l‟ensemble de mes recherches ne peut pas être
réductible à la somme de ses éléments du fait des interactions multiples et variées qui le
8
interactions entre les livres, les articles et les conférences. C‟est précisément la nature des
interactions plus importantes que la nature de chaque composant du corpus, car ce qui domine
dans le parcours de ma recherche est précisément une sorte d‟échanges inconscients qui se
créativité, aux contextes et aux relations entre les textes. Elle s‟intéresse particulièrement aux
tendance doctrinale selon laquelle toute pensée, toute vérité, toute valeur sont liées à une
situation historique déterminée. C‟est ainsi que la présentation de mes travaux ne se fait pas
de façon chronologique, mais en rapport avec les concepts et phénomènes étudiés, expliqués
non dans leur temporalité mais dans leur transcendance par rapport à l‟ensemble des valeurs,
intellectuelle comme lecteur et chercheur. En suivant les idées de Paul Ricoeur à travers les
études de Mario J. Valdés sur l‟importance du contexte de la lecture pour mieux comprendre
les signifiés potentiels proposés par les textes et leurs contextes étudiés, j‟ai commencé mon
travail avec une brève synthèse biographique. Celle-ci permettra au lecteur de comprendre les
raisons et les motivations du chercheur par rapport aux concepts et aux domaines d‟intérêt
une autre périphérique (celle d‟une culture minoritaire) sera la note dominante d‟une vie
soit « supérieure » (la Castille, l‟Espagne) face à une autre « inférieure » (la Catalogne,
D‟autre part, les impératifs du récit biographique m‟ont obligé à faire un inventaire
diachronique des livres, articles et conférences réalisées depuis mon séjour au Canada dans
les années quatre-vingts. Cela est un outil complémentaire aux chapitres suivants, car la
sélection de travaux de recherche se fait par rapport aux sujets traités et non à leur période de
production. Je finis ce chapitre avec un essai autobiographique sur Barcelone, qui peut donner
quelques informations additionnelles aux thèmes abordés dans cette partie du travail1.
cultures », est concerné par les formats dans lesquels les récits et les voix s‟expriment. Ce
néologisme a une certaine parenté avec la notion d‟ « intertextualité ». La différence entre les
Segre dans los Principios de análisis del texto literario2) et il comprend tout un système de
1
Cf. Fco. Javier RABASSO, “Homenaje autobiográfico intertextual desde la cotidianeidad de “El embrujo de
Shanghai” de Fernando Trueba”, Actes du Colloque Internacional Université de l‟ERIAC, février 2005 (Equipe
de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous presse.
Sortie prévue en octobre 2009).
2
Cf. Cesare SEGRE, Principios del análisis literario, Barcelona: Editorial Crítica, 1985.
10
façon qu‟un livre peut adopter divers formats selon les besoins et les moyens des lecteurs.
Dans le cinéma, le cas est plus évident car aujourd‟hui le ipod, le DVD et, avant, la vidéo, en
contrôlée (ou dirigée) par le spectateur. Nous avons compris dans ce chapitre, cinq articles et
une revue: 1. « „La piedra angular‟ (collage) de Ludwig Zeller: de la lira al ìcono, la poesìa »,
Enfoque sobre Ludwig Weller. Poeta y artista, Toronto: Mosaic Press, 1991, pp. 52-63. 2.
1992. Co éditeur avec Azalea García (Revue). 3. « La transformation d‟un texte en prose en
Française, No. 12 (mai 1992), pp. 39-44. 4. « Un ajiaco afrocubano transcultural : Ortiz, Lam,
Alea, Retamar y otros demonios de „la barbarie‟ », Hommage à Alain Milhou, C.R.I.A.R.,
2003, pp. 713-729. 5. “Commentaires transversaux sur les entretiens avec Julio Cortázar. De
Rouen, 2006, pp. 69-96. 6. “Joan Brossa y los juegos intermediales”, Actes du Colloque
International de l‟ERIAC, février 2009, (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR
Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous presse. Sortie prévue en 2010). Le
travail inédit de recherche est aussi sur l‟intermédialité, pourtant, nous l‟avons inclus dans le
3
Cf. Fco. Javier RABASSO, Lecturas transculturales entre la pintura y el cine. Identidades híbridas a partir
de la película de Humberto Solás, “Wifredo Lam”, travail inédit pour l‟HDR (Habilitation pour Diriger des
11
réception, et la rencontre avec les textes (écrits, visuels, hypermédias) par la communauté
dialectique entre le monde proposé par les textes et le monde des lecteurs-spectateurs. Pour
cela, la description et l‟analyse objective des textes isolés des récepteurs n‟est pas acceptable
réception, participant activement aussi dans la création du monde de fiction. Dans nos
travaux, nous avons tenu en compte le corpus théorique de la critique littéraire sur la réception
du texte artistique, dans la tradition des réflexions de Mario J. Valdés en Amérique du Nord 4,
Ricoeur). Dans ce chapitre nous avons inclus trois articles, un ouvrage, une thèse doctorale et
Text », Tinta y sombra, eds. Azalea Garcia / Fco. Javier Rabassó, Toronto: Department of
collaboration avec Carlos A. Rabassó, Pedrolo, Nieva, Arrabal: teatrilogía del vanguardismo
Contemporáneo, Barcelona: Vosgos, 1993, 132 p. 3. « Una teoría de la recepción del texto
Recherches). A publier en espagnol à Cuba dans l‟Editorial Oriente, Santiago de Cuba. Sortie prévue pour 2010.
243 p.
4
J‟ai utilisé plusieurs ouvrages en anglais du professeur de l‟Université de Toronto, Mario J. VALDES :
Shadows in the Cave. A phenomenological approach to literary criticism based on Hispanic texts, Toronto:
University of Toronto Press, 1982; Identity of the literary text, eds. Mario J. Valdés et Owen Miller, Toronto:
University of Toronto Press, 1985; Phenomenological hermeneutics and the study of literature, Toronto:
University of Toronto Press, 1987; A Ricoeur Reader. Reflection and Imagination, Toronto: University of
Toronto Press, 1991; et World-Making. The literary truth-claim and the interpretation of texts, Toronto:
University of Toronto Press, 1992.
12
cinéma, Toronto, avril 1994, 384 pages. Thèse de doctorat dirigé par Mario J. Valdés,
del receptor”, Encuentros y desencuentros de culturas: siglos XIX y XX. Actas del XI
Villegas, The Regents of university of California, 1994, pp. 315-321. 6. Projet de Mémoire
l‟épreuve de réalité (phénoménologie), au monde concret, fondé sur une expérience vécue et
l‟observation des faits en fonction d‟un capital scientifique (herméneutique) déjà connu et
(« études culturelles ») dans des institutions élitistes, des écoles de commerce (« business
schools »), aujourd‟hui des institutions d‟enseignement en train de recruter les anciens
étudiants des UFR de Lettres, de Sciences Humaines et des Sciences Sociales des universités
13
publiques en France. Dans ce chapitre j‟ai inclus un ouvrage et deux articles : 1. (Ouvrage).
p. 2. “La transversalité des études culturelles pour la formation des cadres”, Actes du 33ème
Congrès de l‟UPLEGESS, Toulouse juin 2005, pp. 5-25. 3. En collaboration avec Carlos A.
poésie, les arts visuels et la musique, les cultures africaines / asiatiques des deux côtés de
l‟Atlantique / Pacifique », est le plus large dans mon corpus de recherche, une grande partie
des articles et des ouvrages inclus dans cette section pourraient aussi faire partie d‟autres
chapitres, car dans mon approche intellectuelle j‟ai toujours essayé d‟ouvrir les textes vers les
dans la tradition de la pensée flou (fuzzy thinking), indéterminée et cybernétique. Les auteurs
et les textes que j‟ai utilisés pour les articles que je mentionne dans ce chapitre sont un
prétexte pour lancer le dialogue avec la tradition de lecteurs, d‟herméneutes, pour créer aussi
Pacifique, mais aussi la mer Méditerranée). Dans cet amalgame toposémique de référents, le
articles dans ce chapitre. Onze articles et deux ouvrages (l‟inédit pour l‟HDR) constituent
París, ed. Paco de la Rosa, mars 1992, pp. 14-19. 2. “Antonio Machado entre la tradición del
vol. III, Barcelona, 1992, pp. 201-208. 3. “„El dìa en Udaipur‟, Prñjimo lejano”, Leyendo a
Paz. Revista Canadiense de Estudios Hispánicos, XVI, 3. Primavera, 1992, ed. Mario J.
collaboration avec Carlos A. Rabassó, « Teatro borghese e urbano », Storia della civiltà
letteraria ispanoamericana, ed. Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, pp. 222-238. 7. En
de la cività letteraria ispanoamericana, ed. Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, pp. 267-
2005, pp. 63-75. 9. “Sagua La Grande – La Habana – Madrid como búsqueda transcultural en
las „pinturas negras‟ de Wifredo Lam”, Actes du Colloque International de l‟ERIAC, février
2006 (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines,
Université de Rouen (Sous presse. Sortie prévue en octobre 2009). 10. “Los cementerios y el
Alea”, Actes du Colloque international de l‟ERIAC, février 2007 (Equipe de Recherche sur
les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous presse.
15
Sortie prévue en octobre 2009). 11. « Del Tercer Cine Latinoamericano al Cine Pobre de
Humberto Solas. Por una estética de la disidencia global en el cine cubano de la Revoluciñn”,
sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous
presse. Sortie prévue en 2010). 12. Lecturas transculturales entre la pintura y el cine.
Identidades híbridas a partir de la película de Humberto Solás, “Wifredo Lam”, travail inédit
pour l‟HDR (Habilitation pour Diriger des Recherches). A publier en espagnol à Cuba dans
l‟Editorial Oriente, Santiago de Cuba. Sortie prévue pour 2010. 243 p. 13. « El „fridismo‟:
Identidades hìbridas en la pintura mexicana a partir de „Mi nana y yo‟ de Frida Khalo », Actas
del XVI Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas, Paris, France (Sous presse.
Pour cela le concept de responsabilité sociale fait partie aussi de nos soucis intellectuels car
comme fonctionnaires de l‟Etat, nous sommes obligés de prendre conscience des défis d‟un
engagé dans le mouvement social a été une tradition en France depuis le « J‟accuse » d‟Emile
Zola, la fondation de Libération par Jean-Paul Sartre et les activités militantes de Pierre
Bourdieu jusqu‟à sa mort en 2002. Dans cette dernière partie de mon mémoire j‟ai trouvé
fondamental d‟inclure les articles et des ouvrages qui montraient mon engagement avec le
5
Dans un article de Fabienne Brugère et Guillaume Le Blanc, « Plaidoyer pour des états généraux. L‟autonomie
ne s‟institue pas par décret », paru dans Le Monde du samedi 16 mai 2009, p. 19, les deux professeurs de
philosophie à l‟université de Bordeaux III, s‟interrogent sur l‟avenir de l‟université publique en France :
« L‟université est-elle en passe de devenir une entreprise ? La question mérite d‟être posée au regard des
événements qui secouent depuis quelque temps l‟université. L‟idée s‟impose de plus en plus que l‟autonomie des
universités, objectif désormais considéré comme légitime, va de pair avec l‟introduction d‟un nouvel esprit de la
performance. C‟est ainsi, selon la formule de Valérie Pécresse, qu‟ „il n‟y a pas d‟autonomie sans gestion des
ressources humaines‟ ».
16
monde qui nous entoure. Dans cette partie j‟ai inclus deux articles, deux « book reviews »,
collaboration avec Carlos A. Rabassó, La Terre est plus belle que le Paradis, de Khaled al-
Berry, Paris : Lattés, 2001. Titre en espagnol : Confesiones de un loco de Alá, Madrid: La
Esfera de los Libros, 2002, 173 p. 2. « El multiculturalismo hispano frente a los mundos
Hispanistas, New York: Graduate Center City University of New York, July 2004, pp. 409-
interculturel. Pour une gestion de la diversité, Paris : Ellipses, 2007, 201 p. 4. “Book review”,
enterprise‟) de Yvon Pesqueux (Paris : L‟Harmattan, 2004), Society and Business Review,
Vol. 3, No. 3, 2008, pp. 261-263. 5. “Book review”, en collaboration avec Carlos A. Rabassñ,
Rabassó et Fco. Javier Rabassó (Paris : Ellipses, 2007), Society and Business Review, Vol. 3,
2010. 7. En collaboration avec Carlos A. Rabassñ, “El Barça: A World Model for Cultural
commentaire final sur la synthèse du mémoire, avec un récapitulatif des éléments clés et
Pour finir avec cette première partie introductoire du mémoire, j‟ai essayé de faire un
INTERCULTURAL
18
académiques dans lesquelles j‟ai participé ces vingt dernières années, dans le cadre de mon
expérience professionnelle, trouvent leur « centre » ou point commun dans une notion
poststructuralistes, présente notamment dans les travaux de Paul Ricoeur adaptés au contexte
des universités américaines par mon directeur de thèse, Mario J. Valdés, président en 1991 du
multidisciplinaire.
différentes traditions que mon approche prend en considération a posteriori les méthodologies
et les techniques d‟analyse des textes hispaniques contemporaines (littéraires, visuels). C‟est
ainsi qu‟on pourra mieux comprendre la complexité des diverses réalités fictionnelles et
pragmatiques du monde qui nous entoure. Je ne fais pas de séparation entre ma vie d‟étudiant
littératures du monde contemporain. Face au cloisonnement des savoirs qui ont dominé dans
recherche essaient de favoriser les deux pôles du monde hispanique dans sa contemporanéité
avec de nouveaux modes de pensée systémique à travers des sensibilités qui enrichissent notre
expérience quotidienne. Aujourd‟hui, nous sommes dans une société qui a besoin de relier les
activités des spécialistes avec des transversalistes qui puissent mettre ensemble les savoirs et
les connaissances dans l‟ensemble des institutions et des individus qui les intègrent. Dans
activités de recherche dans ses domaines d‟expertise s‟ouvrent de plus en plus au dialogue
entre cultures, langues et disciplines. Si compartimenter les savoirs comme les métiers ou les
l‟ensemble de mes travaux dans un monde qui est en train de se faire au fur et à mesure que
les hommes et les environnements échangent des expériences et des motivations. Mes
activités dans les institutions d‟enseignement privé et public en France et, auparavant, au
Canada, ont modulé mon esprit vers une vision transculturelle capable aussi d‟adapter mes
connaissances et mes savoirs à la création collective. Ceci est aussi dans l‟esprit du groupe de
Rouen, intéressé à créer de liens entre les cultures et les civilisations. C‟est aussi un grand
besoin que le monde de l‟éducation et des organisations demande aujourd‟hui de nos centres
d‟enseignement. C‟est pour cela que l‟émergence des études culturelles en rapport avec
l‟enseignement des civilisations me paraît indispensable pour mieux comprendre les défis de
20
années à venir :
Mes recherches portent sur les différentes facettes de la civilisation et des cultures
monde apparaît en Europe avec l‟intérêt des écrivains 7 pour comprendre ce qui se passait de
l‟autre côté de l‟Atlantique. La connaissance des systèmes culturels des peuples indigènes
d‟Amérique incitait les intellectuels à se rendre sur place et/ou à établir des liens avec d‟autres
points de vue sur le Monde et les réalités qui le constituaient. Ma compréhension de la culture
hispanique est, depuis cette perspective, critique par rapport au cloisonnement des disciplines
et des champs de recherche. C‟est le cas de la vision de beaucoup d‟universités aux Etats-Unis
encore entre l‟Espagne d‟un côté et l‟Amérique latine de l‟autre. Pourtant, tout l‟effort de mes
6
Boris NAADOULEK, Guide Mondial des Cultures, Paris : Editions EFE, 1998, p. 5.
7
Les Essais (1580-1588) de Montaigne écrits à la fin du XVI siècle marquent ce point de départ intellectuel vers
la connaissance de l‟autre en Amérique, même si les Crónicas des Indes sont le préambule du regard curieux et
admiratif des colonisateurs.
21
années de recherche et d‟enseignement (depuis plus de vingt ans) a été établir des dialogues et
créer des liens entre « l‟Orient et l‟Occident » du monde hispanique contemporain. Si comme
affirmait Jean-Jacques Rousseau dans ses écrits, la science, l‟art et les institutions
perception de la réalité, j‟ai essayé d‟aller vers une pensée postcoloniale plus en accord avec
ma condition identitaire d‟origine. Je suis quelqu‟un né dans une culture régionale, celle de la
Catalogne, qui a souffert dans sa chair la domination culturelle d‟une mère castillane qui
l‟empêchait chez lui, dans la Barcelone des années soixante, de parler le catalan, la langue de
son pays natal. C‟était encore la période du franquisme et de l‟éducation catholique avec les
chansons fascistes à l‟arrivée à l‟école. Cela a marqué, depuis mon enfance, mon esprit
critique face à une culture et à un nationalisme dominants envers une autre culture et un autre
nationalisme minoritaires. Et c‟est à partir de mon adolescence que j‟ai découvert que
beaucoup de catalans regardaient l‟Amérique comme une nouvelle « Terre Promise » pour
échapper à cette culture de la domination, difficile à comprendre pour ceux qui ne la subissent
pas. Le jazz, la rumba, les poètes, les peintres, les écrivains de l‟Amérique trouvaient aussi
hasard que les maisons d‟édition catalanes Barral et Tusquets avaient publié une grande partie
des œuvres des grands écrivains du « Réalisme Magique » des années soixante en Amérique
latine. D‟un autre côté, ce qui a aussi marqué ma prise de conscience ont été les voyages de
mon père en Amérique. Ayant séjourné à Buenos Aires pendant toute la décennie des années
cinquante, il fut marqué par les artistes et les intellectuels de la période. Son retour à
Barcelone et son mariage avec une femme de la bourgeoisie castillane (madrilène) changèrent
pour quelques années son comportement extérieur vers l‟Amérique latine, oublié dans des
conversations familiales trop engagées sur les louanges du Régime franquiste et ses quarante
22
ans de paix. L‟Amérique latine était perçue par la plupart des nouveaux bourgeois castillans
qui venaient, déjà dans la décennie des années soixante-dix, prendre en Espagne le travail et
l‟argent des nationaux. Jamais, pendant leurs quinze ans de cohabitation, je n‟ai vu ma mère
poser à mon père une seule question sur son séjour de presque dix ans en Argentine. C‟est
contre cette vision de la civilisation hispanique que j‟ai essayé de me battre depuis mes années
Méditerranéen, d‟Européen et de Latino (terme employé plutôt comme signe différentiel des
habitants de l‟Amérique latine par rapport aux cultures latines européennes). Le nouveau
départ de mon père en Amérique latine et aux Etats-Unis en 1973 pendant plus de six mois
(probablement pour rencontrer sa jeunesse et se libérer d‟un mariage frustré) fut le détonateur
d‟une vraie passion pour un monde que je voulais aussi découvrir, ce que la condition de mon
âge ne me permettait pas encore. C‟était une année de prise de conscience identitaire, car
pendant plus de six mois mon frère et moi ne pouvions pas aller seuls au Nou Camp (ou
Camp Nou), l‟endroit magique des dimanches soirs où, avec notre père, nous regardions les
matches du Barça entourés de milliers de personnes qui s‟exprimaient en catalan, langue qu‟il
nous était interdit de parler en groupe encore chez nous (à cause de ma mère), comme dans
toutes les rues de la ville et dans tout le territoire de la Catalogne (la loi interdisait les
réunions de plus de cinq personnes). Même mon père catalan me parlait aussi en castillan,
mais il parlait la langue de son pays avec ses amis et les gens qu‟il rencontrait. Mon frère et
moi étions dans un « No man‟s land », rejetés à Madrid pour notre identité catalane et
considérés par la famille catalane de notre père comme les « Madrilènes », à cause de notre
mère. Malgré tout, nous étions complètement amoureux de Barcelone, fièrs d‟avoir grandi au
milieu de l‟architecture Moderniste du centre ville, car nous sommes nés à deux pas de La
23
Pedrera de Gaudi et nous habitions au Passeig San Joan, à côté de la Diagonal, juste dans un
La mort de Franco en novembre 1975 fut aussi la fin de la relation entre mes parents,
l‟un (mon père) qui célébrait le décès du dictateur dans la salle à manger pendant que l‟autre
(ma mère) priait dans sa chambre pour l‟âme du Caudillo. Quelques mois après sa séparation,
nous fûmes obligés de partir à Madrid, avec notre mère, pour vivre dans une ville qui ne nous
aimait pas comme Catalans (quelques années auparavant, dans le quartier de Salamanca, où
habitaient nos grands parents madrilènes, un groupe de voyous, pendant un match de football
improvisé dans la rue, nous avait frappés, et avait uriné sur nous pour le simple fait que nous
étions catalans. Nous ne comprenions pas pourquoi autant de haine contre une culture qu‟ils
ne connaissaient même pas). Cette année à Madrid fut encore une confirmation de notre
différence culturelle par rapport aux membres de notre famille et tous ceux qui faisaient partie
de notre vie quotidienne. Après douze mois de nostalgie de la « terre natale », nous sommes
rentrés, mon frère jumeau et moi, à Barcelone, finalement libérés de la famille pour vivre en
liberté, à l‟âge de seize ans, notre vie comme jeunes travailleurs qui allaient à l‟école le soir
dans sa ville tant aimée. Ce fut le point de départ d‟une vie d‟étudiant remplie par de longues
soirées de jazz et de cinéma à la cinémathèque pour découvrir les cultures du monde, et des
nouvelle Espagne de la Movida madrilène ne m‟intéressait pas car mes vraies motivations
24
Balzac9. Mon départ définitif à Paris en septembre 1981 marquera la fin de mon séjour en
Espagne et aussi l‟impossibilité de finir mes études universitaires à Barcelone. Pendant deux
ans dans la Ville Lumière j‟ai eu la vie de bohème d‟un musicien de la rue (mon frère, arrivée
quelques mois plus tard pour y rester, et moi jouions de la musique baroque pour deux
trompettes dans le métro et près du Louvre) qui habitait dans une chambre de bonne et passait
C‟est dans cette période que j‟ai fait la découverte du Canada et du Japon grâce à la
comme étudiante à la Sorbonne. Deux ans après, je partais au Canada pour me marier en
Amérique du Nord que j‟ai découvert la possibilité d‟avoir des doubles identités, hyphenated
cultures10. Mais si l‟histoire du métissage des peuples va de pair avec la discrimination des
8
De Jack Kerouac, William Burroughs et Allen Ginsberg. Quelques années plus tard j‟aurais la chance de
rencontrer les deux derniers à San Francisco dans la City Lights Bookstore. A Barcelona il y a eu toujours une
grande passion pour ces écrivains « maudits » de la culture américaine.
9
La lecture de la biographie de Stefan Zweig sur l‟écrivain français fut émotionnelle et intellectuellement
comme l‟impact psycho tropique de l‟héroïne dans le personnage principal de Junky (1952) de William
Burroughs.
10
A l‟Ontario le Heritage Language Education Program permet aux enfants issues de l‟immigration d‟étudier
les samedis matin la langue et la culture des pays d‟origine de ses parents. En plus, toutes les communautés
ethniques locales disposent des chaines de radio, de télévision et des journaux en sa propre langue. Des
événements à Toronto comme le Caribana, le plus large festival du Caribe de l‟Amérique du Nord depuis 1967,
avec plus d‟un million de visiteurs, et le Festival Caravan des communautés ethniques en juillet sont le « laissez-
passer » symbolique de la différence culturelle en dialogue permanent. Dans le Caravan une carte-passeport de
25
uns envers les autres, les Japonais-Canadiens ont aussi vécu, comme les Catalans, la
domination des cultures « supérieures » avec leur marginalisation après la Deuxième Guerre
Mondiale dans des espaces confinés aux camps de concentration, « internment camps », isolés
du reste de la population11.
Mon séjour à Toronto, la « ville la plus multiculturelle au monde » selon les Nations
Unies, pendant presque dix ans (de 1983 à 1992) fut aussi celle de la découverte, une fois que
interventions dans les média, les discours de l‟ancien premier ministre du Canada, Pierre
Trudeau, leader qui influença fortement la vie et la politique canadiennes à partir des années
20 dollars donne la possibilité de visiter toutes les cuisines, artisanats, danses et musiques du monde, dans un
festival annuel dédié a la mosaïque ethnique.
11
Près 23000 Nikkei, ou Canadiens d‟origine japonaise furent envoyés dans des espaces réservés
traditionnellement pour les prisonniers de guerre. En décembre 1941, après l‟attaque de la base américaine de
Pearl Harbor dans le Pacifique, les Canadiens de l‟Ouest soupçonnent tous les japonais, même ceux qui ont la
citoyenneté canadienne, de collaborer en secret avec le gouvernement impérial de Tokyo pour préparer une
invasion de la côte du Pacifique. Pour parer à toute éventualité, le gouvernement de la Colombie- Britannique
ordonne, le 26 février 1942, que les milliers de Canadiens d‟origine japonaise soient déportés dans des ré gions
éloignées. Plus de 23000 Japonais seront déportés dans des camps loin de la côte entre 1941 et 1946. Le grand
père de ma femme, Mariko, fut un des premiers pionniers japonais à arriver au Canada en 1906, appartenant à la
première génération, issei. Un de ses fils, Goro (mon beau-père), deuxième génération, nissei, fut le dernier
d‟une large famille confinée dans les camps de concentration. Pour éviter sa mort, car il était assez faible et très
jeune, 3 ans à peine, il fut donné comme cadeau à une famille noble japonaise. Il pouvait ainsi échapper à la
discrimination et au racisme subi par les Canadiens d‟origine japonaise (jamais souffert par les Canadiens
d‟origine allemande). Mariko, troisième génération, sansei, est née au Japon (à Yokohama). C‟est à l‟âge de sept
ans, en 1959, qu‟elle est rentrée au Canada avec ses autres sœurs et Goro, son père canadien-japonais, pour
rencontrer à nouveau la terre promise de la diversité et de la tolérance à partir de l‟arrivée de Pierre Trudeau.
12
Trudeau légalisa le divorce, décriminalisa l‟avortement et l‟homosexualité, et tenta de légaliser la marijuana. Il
abolit aussi la loi contre la sodomie, constatant que « l‟Etat n‟a rien à faire dans les chambres à coucher de la
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1971 pendant le premier mandat de Trudeau au gouvernement canadien, fait ainsi référence à
une société instaurant l‟égalité pour tous les groupes ethniques. Le monoculturalisme a été la
exclusif de la langue nationale (si on identifie la nation avec l‟Etat, et ce n‟est pas toujours le
cas), et le caractère obligatoire de l‟éducation primaire avec les mêmes textes de références
sur la « culture nationale », ont créé des sociétés homogènes où il n‟y avait pas de place pour
la diversité culturelle. Les communautés immigrées et, avec elles, les études des cultures et
des civilisations dans les universités ont dû s‟assimiler et s‟intégrer en suivant des règles
précises. Dans une société aux multiples accents où le système promet une assimilation
déguisée, l‟héritage culturel finit par disparaître après deux générations. On a pensé que le
Etats Unis, les différents groupes ethniques ne se mélangent pas dans une société de ghettos
isolés les uns des autres. La politique du bilinguisme dans tout le Canada lancée par Pierre
Trudeau dans les années soixante-dix, eut pour principal ennemi, la « Troisième Force » des
défini le pays comme une nation multiculturelle et accepté par la même occasion la double
que les coutumes vestimentaires de chaque communauté dans les écoles et dans la société en
général.
nation ». Concernant la politique internationale, Trudeau laissera la « troisième voie » comme héritage, c‟est-à-
dire la diversification des partenaires afin d‟échapper à l‟ « impérialisme américain », et est le premier dirigeant
nord-américain à visiter la Cuba de Fidel Castro et à renouer les relations avec la Chine.
27
C‟est dans ce contexte de diversité culturelle que mes études en littérature dans les
pour m‟identifier avec les valeurs d‟un pays ouvert aux cultures et en dialogue permanent, à la
Le premier cours que j‟ai eu à l‟Université de Toronto a provoqué chez moi un « coup
département de français. En même temps, j‟ai fait une découverte de premier ordre, celle du
chargé du cours, Derrick De Kerckhove14, un des jeunes intellectuels les plus brillants de
l‟Université car à l‟époque, il venait de fêter ses quarante ans. Depuis la première séance du
13
J‟ai obtenu un Honours Bachelor of Arts, équivalant à quatre ans d‟études, en français et en espagnol (deux
majeurs). Après, j‟ai continué mon masters dans le département d‟Espagnol et de Portugais en collaboration avec
le département de Littérature Comparée. En ce qui concerne le majeur en français, mon intérêt était de découvrir
la littérature française faite en dehors de la France. J‟ai eu le privilège de découvrir les écrivains québécois
(spécialement Hubert Aquin, un des « enfants terribles » de la littérature engagé), les franco-ontariens, la
littérature des Caraïbes en français (surtout Franz Fanon, Aimé Césaire, Maryse Condé, Edouard Glissant) et la
littérature africaine en langue française (en priorité Amadou Hampâté Bâ et Léopold Sédar Senghor). En plus
grâce au « Festival of Festivals » célébré à Toronto tous les ans en septembre, j‟ai découvert le cinéma québécois
(surtout Cluade Jutra et Dennys Arcand), canadien-anglais (David Cronenberg et Atom Egoyam) et le cinéma de
l‟Afrique noire et arabe (Ousmane Sembène, Souleymane Cissé, Idrissa Ouedraogo et Youssef Chahine).
14
Né en Belgique, De Kerckhove est naturalisé canadien. Professeur de littérature au St. Michael‟s College de
l‟Université de Toronto, il obtient son Ph. D. à l‟université de Toronto en 1975. Des 1968 il avait travaillé avec
Marshall McLuhan (le guru de la communication et de la pensée technologique avec des textes comme Pour
comprendre les média, 1964, et La Galaxie Gutenberg, 1967), dont il a été l‟assistant, le traducteur et le co-
auteur pendant une décennie. En1977, MacLuhan tient son propre rôle dans le film Annie hall de Woody Allen
où le personnage d‟Allen tente de contredire un professeur de communication et technologie dans une ligne
d‟attente au cinéma. Pour y parvenir, Allen fait intervenir MacLuhan qui était à trois mètres de lui derrière une
affiche. Après la mort du grand intellectuel canadien en 1980, De Kerckhove devient le Directeur du Centre de la
Culture et la Technologie de l‟Université de Toronto (The McLuhan Program in Culture and Technology). Il a
publié Brainframes : Technology, Mind and Business (Bosch & Keuning, 1991) sur les différences entre les
effets de la télévision, des ordinateurs et des hypermédias sur la culture, les pratiques et le marché économique.
The Skin of Culture (Somerville Press, 1995) est un recueil d‟essais sur la nouvelle réalité électronique qui resta
plusieurs mois en tête des ventes au Canada. Connected Intelligence (Somerville, 1997) introduit sa recherche
sur les nouveaux médias et la cognition. Son dernier livre, The Architecture of Intelligence (2001), a été traduit
dans une douzaine de langues.
28
cours je savais déjà que l‟interdisciplinarité et les réflexions entre les textes et les images
professeur d‟origine belge m‟avait donné des ailes pour m‟imaginer un jour de l‟autre côté de
la salle. Une autre grande source de motivation pour ma carrière universitaire fut la rencontre
contemporaine (Espagne et Amérique latine). Ses cours, plutôt ses performances en salle, sur
littératures (en Espagne et en Amérique latine) ont été, pour ma formation intellectuelle,
suis devenu un des étudiants privilégiés pour avoir Mario Valdés comme tuteur et directeur de
thèse. Les rencontres avec les écrivains de sa génération mexicaine, spécialement José Emilio
Pacheco et Elena Poniatovska, ainsi que les intellectuels séjournant à Toronto pour des
séminaires dans le Centre for Comparative Literature16, ont signifié de grandes et intenses
15
Mario J. Valdés né aux Etats-Unis et d‟origine mexicaine est Professeur Emeritus du Centre for Comparative
Literature de l‟Université de Toronto. Sa recherche se centre sur la phénoménologie herméneutique et la critique
littéraire sur des écrivains en Espagne, en France et en Amérique latine. Avec une thèse doctorale sur Miguel de
Unamuno, il a publié 24 livres et plus de 120 articles. Ses publications les plus récentes sont Paul Ricoeur :
Indagaciones hermenéuticas (Caracas, 2000), Hermeneutics of Poetic Sense (Toronto, 1998), Literary Cultures
of Latin America. A Comparative History, 3 vols. (Oxford, 2004). Mario Valdés a été le fondateur et l‟éditeur de
la Revista Canadiense de Estudios Hispánicos (1976-1992), Vice-président et Président du Modern Language
Association (MLA, 1988-1991), Président de la Comparative Literary History et de l‟International Comparative
Literature Association (1993-2002, publiant 12 volumes pendant son mandat), membre de la Royal Society of
Canada (1983), the Mexican Academy of Language (1986) et the Academy of Literary Studies, U.S.A. (1987).
Ses quatre volumes sur l‟herméneutique sont fondamentaux dans la discipline : Shadows in the Cave
(Toronto, 1982), Phenomenological Hermeneutics (1987), World-Making (Toronto, 1992) et Hermeneutics of
Poetic Sense (Toronto, 1998). A partir de l‟herméneutique phénoménologique, la critique littéraire et les études
cultures, il a publié Literary Cultures of Latin America : A Comparative History, 3 vols ; (Oxford, 2004), traduit
en espagnol en 2006 au Mexique par le Fondo de Cultura Económica avec le titre de Historia comparada de las
culturas literarias de América Latina, 3 vols. (2500 p.).
16
Dans le Centre of Comparative Literature, fondé en 1969 par Northrop Frye, j‟ai assisté aux séminaires et
conférences de Linda Hutcheon, Julia Kristeva, Paul Ricoeur, Fredric Jameson, Julien Greimas, Stanley Fish,
Paul de Man, Wolfgang Iser, Terry Eagleton, Edward Said et Noam Chomsky. Parmi les cours suivis pendant ma
période d‟étudiant de troisième cycle il faut mentionner Theories of Literature and Criticism ;
29
expériences intellectuelles que je n‟ai jamais vécues après dans ma vie intellectuelle en
France, car dans les universités européennes nous n‟invitons pas aussi souvent des écrivains
de l‟Amérique latine pour participer dans des séminaires de recherches et des enseignements
de mastères et de doctorats17.
Phenomenological Hermeneutics and Spanish Literary Texts ; Race Film and New Media ; Lacan and
Psychoanalysis ; et Poststructuralist Theory.
17
Pour la première fois depuis le décès d‟Alain Milhou, l‟ancien directeur du département, nous avons invité de
septembre 2008 à mars 2009 le poète et écrivain cubain Virgilio López Lemus. Ses enseignements et sa
participation dans les Colloques et séminaires ont impressionné la plupart des membres du Département
d‟Etudes Romanes de l‟UFR de Lettres et Sciences Humaines de l‟Université de Rouen. Nous souhaitons dans
les années à venir, si les ressources économiques de l‟université nous le permettent, de continuer à inviter des
écrivains-chercheurs.
18
Auteur de plus d‟une centaine d‟articles de grammaire historique, Joseph Gulsoy a publié Estudis de filologia
valenciana (Universitat de València, 2001), Estudis de gramàtica històrica (Institut Universitari de Filologia
Valenciana, ed. Abadia de Montserrat, 1993), Catalan (Mouton, 1982), El diccionario valenciano-castellano de
Manuel Joaquín Sanelo (Sociedad Castellonense de Cultura, 1964). En 2006 une série de chercheurs en
linguistique lui a dédié une publication, Homenatge a Joseph Gulsoy, publié par l‟Institut de Estudis Catalans à
Barcelone. Gulsoy a participé très activement à l‟édition de la Catalan Review, parue en catalan et en anglais
depuis 1986, et considérée comme la première revue internationale universitaire dédiée à la culture catalane.
19
Joan Coromines né à Barcelone (1905-1997), disciple de Ramón Menéndez Pidal, a était un des grand noms
de la culture catalane du XXème siècle. Un des principaux spécialistes en lin guistique romane, il avait une très
grande connaissance du catalan, du castillan, de l‟occitan, ainsi que de la linguistique indoeuropéenne et arabe.
Après la guerre d‟Espagne, il fut contraint de s‟exiler dans divers pays, jusqu‟à l‟obtention d‟une chaire à
l‟Université de Chicago en 1948. Entre 1980 et 1991 il travailla avec Josep Gulsoy à son Diccionari etimològic i
complementari de la llengua catalana. Joan Corominas garda toute sa vie des positions profondément
catalanistes : il refusa une chaire universitaire à Madrid et diverses distinctions du gouvernement espagnol à
cause du traitement de la situation de la langue catalane par l‟état espagnol.
30
je l‟apprenais à plus de 6000 kilomètres de distance, enfin libéré des connotations politiques
et idéologiques que cette culture minoritaire en Espagne signifiait pour une grande partie des
nationalistes castillans réactionnaires, pour qui parler le catalan était synonyme de n‟être pas
Espagnol. Enfant, je n‟arrivais pas à comprendre pourquoi à Barcelone avec mes amis je
pouvais m‟exprimer sans honte en cette langue et, en revanche, chez moi ou à l‟école, il fallait
le faire en cachette, car aucun des mes maîtres religieux ne voulait entendre cette langue des
«ennemis du Régime ». Avec le temps, j‟avais développé des liens amicaux avec le professeur
Gulsoy et participé avec lui aux activités de la NACS, « North American Catalan Society »,
dans les Congrès organisés au Canada pendant mes années d‟étudiant de doctorat. C‟est dans
ses activités que j‟ai eu le privilège de rencontrer des grands noms de la culture catalane
déplacés en Amérique pour participer à des événements organisés par la NACS : Antoni
Badia i Margarit, Carme Riera, Joan Corominas, Esther Tusquets, Père Gimferrer, Max
Mon retour à Paris en 1992 le même jour du référendum de Maastricht fut un vrai
retour en arrière, comme si mon séjour au Canada était un rêve ou un lapsus de presque 10 ans
pas été un problème, mais un signe de diversité, dans l‟ensemble des éléments qui constituent
« retour à mon continent natal », dans l‟Europe de langues et de cultures. Ce retour fut marqué
par les difficultés de s‟adapter à un système public (pensée mécanique ancrée dans les
spécialités et les domaines), qui me demandait d‟abord, dans les entretiens pour rentrer dans
France (le cas de beaucoup de mes collègues étrangers déjà formés dans des universités non
dans l‟enseignement des départements de langues, celle de la formation au Capes avec une
énorme importance de la version et du thème (matières optionnelles dans les majeures que j‟ai
faites de français et d‟espagnol à l‟Université de Toronto). J‟ai été surpris de voir que la
French Theory, tant aimée et étudiée dans les départements de langues et de littératures aux
Etats-Unis et au Canada, s‟enseignait très discrètement dans les cours proposés dans les
pays qui identifiaient presque exclusivement l‟étude des langues et des cultures avec la
philologie. Tous les débats que nous avions eus au sein de Departement of Spanish and
l‟Université of Toronto sur Roland Barthes, Claude Lévy-Strauss, Gérard Genette, Julia
Kristeva, Tvetan Todorov, Christian Metz, Paul Virilio, Merleau-Ponty, Julian Greimas,
Jacques Lacan, Michel Foucault, Louis Althusser, Gilles Lipovetski, Jean Braudillard, Paul
Ricoeur, Luce Irigaray, Jacques Derrida, Edgar Morin, Alain Touraine et beaucoup d‟autres
département mentionnés. Où étaient-t-ils par rapport aux études littéraires ? J‟ai découvert,
après quelques années en France, la tendance il y a quelques années à cloisonner les savoirs et
les individus dans des « grilles » (mot très peu employé en espagnol ou en anglais),
disciplines, matières, spécialisations, et à les isoler les uns des autres. Cette pensée
l‟Université de Toronto (mais qui n‟était pas représentative du système canadien universitaire)
n‟était pas encore bien perçue dans l‟Hexagone quand je suis arrivé en 1992. Par contre,
matière obligatoire au Canada pour pouvoir faire mes recherches et mes analyses ! Beaucoup
plus tard, je me suis rendu compte qu‟il y avait un décalage entre le système d‟enseignement
des Grandes Ecoles (ENA, Ecole Normale, Haute Ecole en Sciences Sociales, Sciences Po,
Polytechnique, Ecole des Mines etc.) plus ouvertes à l‟époque aux études culturelles et les
universités publiques, plus spécialisées, dans les années quatre-vingt-dix, dans le domaine des
savoirs. J‟étais aussi « gâté » dans cette approche multidisciplinaire par la bonne relation
de Mario J. Valdés avec Paul Ricoeur (que j‟ai eu la chance de rencontrer) et surtout Etienne
Guyon, physicien et directeur à l‟époque de l‟Ecole Normale Supérieure de la rue d‟Ulm (de
1990 à 2000), avec qui mon directeur de thèse passait beaucoup de temps à faire des
juillet 1993 dans l‟appartement du dernier étage de l‟Ecole Normale de la rue d‟Ulm que j‟ai
découvert exactement l‟endroit où Louis Althusser avait étranglé sa femme, Hélène Rytmann,
en 1980. Toute une mythologie sur cet Olympe d‟intellectuels se confrontait à une réalité
contradictoire, idolâtrée par les universités étrangères et presque absente dans les nôtres.
Passé le temps, déjà directeur de mémoire de nombreux étudiants de troisième cycle, ce sera
pour moi une grande déception de voir que ces grands noms de la pensée française
contemporaine sont peu connus par mes étudiants. La paraphrase et la description sont
souvent la note dominante des travaux de recherche des étudiants peu formés pour la
recherche interdisciplinaire, avec très peu d‟utilisation d‟un corpus théorique anglo-saxon et
ces dernières années des masters de recherches vont, en revanche, dans une approche
transversale pour donner finalement aux étudiants plus d‟outils d‟analyse et de compréhension
des phénomènes culturels dans l‟étude spécifique des thèmes, des auteurs, des œuvres et des
périodes choisis pour effectuer leurs recherches. Au sein de notre UFR de Lettres et Sciences
33
responsable des mastères, Laurence Villard, aussi directrice de notre laboratoire de recherche,
Mon séjour en France à partir de 1992 se fit définitif grâce à la possibilité, depuis mon
arrivée, de travailler avec mon frère dans une Grande Ecole, où il était responsable de
persévérance de sa vision de la culture, toujours en conflit avec les mentalités au sein d‟une
sciences humaines et sociales, grâce aussi à l‟arrivée de Sébastien Dubois, diplômé de l‟ESP
Paris avec un doctorat en poésie et économie de la culture dans l‟Haute Ecole d‟Etudes
Sociales). Je n‟avais pas encore fini mon doctorat, mais l‟expérience professionnelle et la
possibilité de continuer avec Carlos à faire des recherches ensemble furent des motivations
supplémentaires ; nous avons en effet une relation très étroite depuis notre naissance (due en
grande partie au fait que nous sommes de faux jumeaux, mais aussi au fait que nous avons
vécu les mêmes problèmes identitaires, passions et intérêts dans plusieurs domaines de la vie
et de la culture).
internationales, avec la publication d‟articles, d‟un livre, et aussi la coédition de la revue des
étudiants de troisième cycle des départements d‟études romanes au Canada. Les articles
publiés dans des Actes des colloques et des revues internationales pendant cette période sont
les suivants : 1. (article) « „La piedra angular‟ (collage) de Ludwig Zeller : de la lira al ícono,
la poesía », Enfoque sobre Ludwig Weller. Poeta y artista, Toronto: Mosaic Press, 1991, pp.
„Hérodiade‟ de Massenet », Civilisation Française, No. 12 (mai 1992), pp. 39-44 ; 4. (Article)
centro de apoyo de la U.N.E.D. en París, ed. Paco de la Rosa, marzo 1992, pp. 14-19; 5.
(Article) « Difficulties of Editing a Film Adaptation from a Dramatic Text », Tinta y sombra,
eds. Azalea Garcia / Fco. Javier Rabassó, Toronto: Department of Spanish and Portuguese,
University of Toronto, 1992, pp. 38-41; 6. (Article) “Antonio Machado entre la tradición del
vol. III, Barcelona, 1992, pp. 201-208; 7. (Article) “„El dìa en Udaipur‟, Prñjimo lejano”,
Leyendo a Paz. Revista Canadiense de Estudios Hispánicos, XVI, 3. Primavera, 1992, ed.
Mario J. Valdés, pp. 501-512; 8. (Ouvrage) en collaboration avec Carlos A. Rabassó, Pedrolo,
Les titres des conférences de 1992 à 1988 et les activités dans des congrès
Inclán a José Luis Garcìa Sánchez”, Congreso Internacional sobre Valle-Inclan y su obra,
NEMLA Convention (North East Modern Language Association), State University of New
York, Buffalo (USA), mai 1992; 4. “Frida de Paul Leduc: la infructuosa búsqueda del
Kingston-Ontario (Canada), mai 1991; 5. “Una introducciñn hermenéutica al estudio del texto
Societies, Queen‟s University, Kingston, Ontario (Canada), mai 1991 ; 6. “Lo real y lo
Connecticut, Hartford (USA), avril 1991; 7. “La presencia del Ejercitatorio de la vida
Congreso Internacional sobre San Juan de la Cruz y San Ignacio de Loyola, Instituto de
Filologìa del C.S.I.C., Madrid (Spain), juin 1990; 8. “Configuraciñ de les unitats espaci-
temporals que determinen l‟estructura formal del teatre de Manuel de Pedrolo”, North -
Columbia (Canada), mai 1990; 10. “Antonio Machado entre la tradición del haiku y el
Societies, Université de Laval, Québec (Canada), mai 1989; 12. “La presencia del derecho
textes dramatiques espagnols adaptés au cinéma », Toronto, avril 1994, 384 pages, thèse de
Toronto, j‟ai fait un D.E.A. en Communication et Nouvelles Technologies à Paris VIII pour
continuer les recherches et apprentissages que j‟avais initiées avec Derrick De Kerckhove
VIII – Saint-Denis, Juin 1995. Ce D.E.A. m‟a permis de développer une certaine expertise au
sein des études culturelles sur la technologie et son environnement que j‟allais bientôt utiliser
pour mes recherches et mes enseignements. Une fois fini mon doctorat, j‟allais essayer de
rentrer dans le système universitaire public car la possibilité de faire des cours de cinéma, de
littérature et de civilisation était indispensable pour mes projets intellectuels et mes projets de
ma formation m‟a paru, tout de suite, comme un handicap à surmonter (il fallait absolument
cacher dans les entretiens d‟embauche l‟interdisciplinarité, les possibles liens entre les
dans le système universitaire français quand j‟avais fait mes études dans une des meilleures
gouvernement français, car c‟était le Canada qui avait payé mes frais de scolarité et mes
bourses à partir du masters (pour mon éducation jusqu‟à la fin du Ph. D – doctorat, l‟Etat
37
canadien avait dépensé environ 150.000 euros). Depuis sept « tours de France » perdus
(entretiens et qualifications ratés) et deux fois qualifié par le CNU, j‟ai finalement obtenu, la
persévérance porte ses fruits, un poste de maître de conférences à Rouen, pour enseigner des
déjà postulé à Rouen l‟année précédente, classé en deuxième place (j‟avais déjà travaillé à
Rouen comme vacataire plusieurs années, ainsi que comme ATER et professeur contractuel).
C‟était la fin d‟une période glorieuse pendant la direction au Département d‟Etudes Romanes
section 14 du CNU et avec qui j‟avais une très bonne relation grâce, en partie, à notre passion
pour le football et pour l‟Amérique latine. Alain a marqué beaucoup d‟entre nous qui avons
récente, de sa femme, Anne Milhou, aussi ancienne enseignante du même département, nous a
laissés à tous dans un état de tristesse encore latent dans les réunions et les activités du
découvrir une société d‟avenir encore ancrée dans le passé (comme aussi l‟Espagne, l‟Italie et
l‟ERIAC, a adopté ce principe prioritaire dans la plupart de ses activités depuis quelques
années.
activités de recherche. Ainsi les conférences que j‟ai données depuis mon arrivée définitive
38
en France en 1992 sont les suivantes, en commençant par les dernières et en descendant
2008, Lyon Business School ; 4. « Del Tercer Cine Latinoamericano al Cine Pobre de
UFR Lettres, Université de Rouen, 13-15 février 2008 ; 6. En collaboration avec Carlos A.
Communication publiée dans les Actes du Colloque; 7. “El „fridismo‟: identidades híbridas
en la pintura mexicana a partir de „Mi nana y yo‟ de Frida Kahlo”, XVI Congreso
Poste, Palais des Congrès, Girone, Barcelone, juin 2007 ; 9. En collaboration avec Carlos
Groupe ESC-Rouen, Paris, mars 2007 ; 10. “Los cementerios y el humor macabro como
internationa: Le rire, ses formes et ses fonctions, ERIAC, Université de Rouen, 22-23
Sociological Association, Montréal, Canada, août 13-16, 2006; 12. En collaboration avec
Subthème 12: The Hybrid Organization, Bergen, 2006, 13. “Sagua La Grande – La Habana
– Madrid como búsqueda transcultural en las „pinturas negras‟ de Wifredo Lam”, Colloque
International de l‟ERIAC (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles, UFR Lettres et
Sciences Humaines, Université de Rouen), février 2006; 14. En collaboration avec Carlos
A. Rabassó : « Time, Culture and Identity in Cross Cultural Latin Societies » dans Ethnic
(USA), août 13-16, 2005; 15. En collaboration avec Carlos A. Rabassó,“An unorthodox
Organizations, 30 juin – 2 juillet 2005, Freie Universität Berlin; 16. En collaboration avec
Carlos A. Rabassó, “La transversalité des études culturelles pour la formation des cadres”,
Rouen), février 2005; 18. “La transculturaciñn del hiper-receptor en/desde Guantanamera
TEC de Monterrey, Mexique, juillet 2004; 19. « El multiculturalismo hispano frente a los
Hispanistas, New York (USA), juillet 2001; 20. Séminaire avec Carlos A. Rabassó,
d'Etude du groupe d'espagnol des collèges de Genève (Swiss), 18-19 février 2000; 21.
“Federico Garcìa Lorca, puente entre Espaða, Estados Unidos y el Caribe”, Asociaciñn
40
Suiza de Hispanistas, Lausanne, Switzerland, Novembre 1999; 22. «Federico García Lorca
(Espagne), juillet 1998; 23. "Federico García Lorca, puente entre las culturas del Sur y El
Estudios del Caribe, Casa de las Américas. La Habana (Cuba), août 19-23,1996; 24.
(Anglaterre), 1995; 25. “Una aproximaciñn interdisciplinaria al estudio del teatro adaptado
mon arrivée en France sont les suivantes (par ordre chronologique de 2008 à 1992): 1. “Book
Interculturel. Pour une Gestion de la Diversité » de Carlos A. et Fco. Javier Rabassó (Paris:
Ellipses, 2007), Society and Business Review, Vol. 3, 2008, No. 1, pp. 94-97; 2. “Book
multicultural entreprise) de Yvon Pesqueux (Paris: L‟Harmattan, 2004), Society and Business
Review, Vol. 3, No. 3, 2008, pp. 261-263; 3. (Ouvrage) En collaboration avec Carlos A.
Ellipses, 2007, 201 p. ; 4. (Article) “Commentaires transversaux sur les entretiens avec Julio
pp. 63-75; 6. (Article) “La transversalité des études culturelles pour la formation des cadres”,
Actes du 33ème Congres de l‟UPLEGESS, Toulouse juin 2005, pp. 5-25 ; 7. (Article) « El
multiculturalismo hispano frente a los mundos virtuales y la aldea global », Actas del XIII
Graduate Center City University of New York, July 2004, pp. 409-416; 8. (Article) « Un
ajiaco afrocubano transcultural: Ortiz, Lam, Alea, Retamar y otros demonios de „la
collaboration avec Carlos A. Rabassó: Khaled al-Berry, La Terre est plus belle que le
Paradis, Paris : Lattés, 2001. Titre en espagnol: Confesiones de un loco de Alá, Madrid: La
Esfera de los Libros, 2002, 173 p.; 10. (Article) en collaboration avec Carlos A. Rabassó, « Il
Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, pp. 267-281; 11. (Article) en collaboration avec Carlos
A. Rabassó, « Teatro borghese e urbano », Storia della civiltà letteraria ispanoamericana, ed.
Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, pp. 222-238; 12. (Article) «„Trampantojos‟ de Saúl
Birmingham, 1998, pp. 218-225; 13. (Ouvrage), en collaboration avec Carlos A. Rabassó,
avec mon frère jumeau Carlos un ouvrage qui mettait en relation trois cultures métisses : celle
celle de l‟Amérique noire de Langston Hughes. C‟était un hommage à deux voix pour deux
Et entre les deux célébrations du monde hispanique, « swinguait » l‟autre Amérique anglo-
saxonne, celle des marginaux, des « subcultures », des ghettos, du spleen et de la révolte des
de Madrid des Rois d‟Espagne pour l‟inauguration du Congrès20. En France, quelques jours
après, le 12 juillet marquait le début d‟une nouvelle étape dans la société. La Coupe du
Monde de football gagnée par beaucoup de Français issus de l‟immigration était comme la
revendication d‟une République « Black, blanc, beur » qui montrait au monde entier un pays
d‟avenir, fier de son multiculturalisme, fort de sa victoire lors de la finale au Stade de France
République- avec le métissage connaissait une crise (the seven year itch). Les événements de
novembre 2005 et les émeutes qui s‟emparaient du territoire français donnèrent une autre
image de la France, celle de la crise sociale et identitaire. C‟est juste à ce moment-là que mon
20
Membre de l‟AIH depuis 1989, j‟ai participé à des conférences dans tous ses Congrès: en 1989 à l‟Universidad
Central de Barcelone; en 1992 à Irvine, Californie; en 1995 à l‟University of Birmingham, en Angleterre; en
1998 à la Complutense de Madrid ; en 2001 au Graduate Center , Manhattan, New York ; en 2004 au
Tecnológico de Monterrey, Mexique ; et en 2007 à la Sorbonne de Paris, France. La participation dans les
Congrès de l‟AIH a toujours été une motivation pour rencontrer les collègues hispanistes de l‟Amérique latine,
de l‟Europe, de l‟Amérique du Nord et de l‟Asie pour échanger des idées et de nouvelles perspectives sur la
recherche et l‟enseignement au sein de l‟hispanisme. Dans tous les Congrès il y a eu la présence de la famille
royale espagnole, soit les Rois, soit les princes ou la sœur du Roi, Présidente d‟Honneur de l‟Association.
43
frère et moi étions en train d‟écrire un livre sur l‟interculturel et la gestion de la diversité dans
la société française. L‟intérêt de notre recherche était de mettre en avant une lecture
comparatif. C‟est au même moment que la Charte de la Diversité se mettait en place et que
Yazid Sabeg21 venait de publier Les oubliés de l‟égalité des chances (2004). La sortie du livre
en septembre 2007 s‟est faite assez discrètement dans les média nationaux. Il a fallu un an et
demi après sa publication pour qu‟un chercheur américain fasse plusieurs références à notre
livre pour lancer une critique assez engagée sur la diversité dans un article publié dans LE
MONDE diplomatique de février 2009 sur l‟opposition entre diversité et l‟un des principes de
la République, l‟égalité:
21
Yazid Sabeg né en Algérie, fait figure à partir de 2004 de spécialiste des questions d‟intégration et de diversité
en France. Il publie La Diversité dans l‟entreprise, comment la réaliser ? (2006). Après avoir lancé le 8
novembre 2008 dans le Journal du Dimanche, un « Manifeste pour l‟égalité réelle », il est nommé le 17
décembre, commissaire à la diversité et à l‟égalité des chances par le président de la République Nicolas
Sarkozy.
22
Walter Benn MICHAELS, « Liberté, fraternité… diversité », LE MONDE diplomatique, février 2009, pp. 22-
23.
44
permis de vivre directement les défis de notre système d‟enseignement face à l‟égalité des
chances dans un modèle d‟éducation encore à deux vitesses : celui des Grandes Ecoles et celui
des Universités publiques. Dans un livre sorti en septembre 2008, La Peur des barbares. Au-
delà du choc des civilisations, Tzvetan Todorov confronte à partir d‟une autre perspective le
problème pour les lecteurs: « les enfants issus de l‟immigration ont du mal à se projeter dans
les héros français traditionnels (…) au lycée on peut imaginer que leurs études de lettres les
mettent en contact avec de grandes œuvres provenant de diverses cultures mondiales, et non
de la seule tradition française »23. Mais… de quelle tradition nous parlait l‟écrivain bulgaro-
français ?
rarement considéré comme « grand écrivain » et peu étudié dans les départements de Lettres
Modernes24 des universités françaises, obtenait le 14ème prix Nobel de littérature pour la
France, et non pour la francophonie et pour la diversité culturelle, si on observe que tous les
gagnants sont des hommes, des blancs et des Français, avec l‟exception du chinois naturalisé
français Gao Xingjian, qui l‟avait gagné en 2000 au nom de la Chine (le seul écrivain chinois
qui l‟ait obtenu)25. Confirmant nos impressions exposées dans la quatrième partie du livre sur
la discrimination dans nos cultures occidentales des autres minorités visibles ou invisibles
23
Tzvetan Todorov, La Peur des barbares. Au-delà du choc des civilisations, Paris : Robert Lafont, 2008. p 114.
24
Cf. Frédéric-Yves JEANNET, dans « Jean-Marie Le Clézio ou le Nobel immérité », Le Monde, Dimanche 19-
Lundi 20 octobre 2008, affirme que le « Nobel de le Clézio fait rétrograder la littérature française de plusieurs
décennies », p. 16.
25
Depuis 1902 le Prix Nobel de Littérature a été donné à 28 écrivains en langue anglaise, 14 en français, 11 en
allemand, 9 en espagnol, 6 en italien, 5 en suédois, 5 en polonais, 3 en russe, 3 en norvégien, 3 en danois, 2 en
portugais, 2 en japonais, 2 en grec, 1 en turc, 1 en hongrois, 1 en chinois, 1 en arabe, 1 en tchèque, 1 en finnois, 1
en occitan et 1 en islandais. De 107 prix seulement 5 sont en langues non européennes (4%), avec 8 femmes
(7%), 3 asiatiques non indiens (2%), 3 noirs (2%), 1 arabe (0,7%) et 3 indiens (2 %). Il pourrait s‟appeler le Prix
Nobel de Littérature Occidentale car presque tous les écrivains ont eu une relation directe avec l‟Europe. Cela
reflète encore une vision très ethnocentrique de la culture et de la diversité culturelle.
45
résidant aujourd‟hui dans les pays « colonisateurs » d‟antan, nous avions lancé un appel à la
prise de conscience des inégalités culturelles déjà présentes dans la concession des prix
couronnés par l‟Académie Suédoise comme Sully Prudhomme (1901), Romain Rolland
(1915), Roger Martin du Gard (1937) ou Claude Simon (1985) ? Le reste des écrivains des
pays francophones n‟ont jamais existé pour les membres du jury suédois. Amadou Hampâté
Bâ, Aimé Césaire, Léopold Sedar Senghor, Maryse Condé, Tahar Ben Jelloun, Edouard
Glissant et beaucoup d‟autres écrivains français qui méritaient ce prix plus que les franco-
français mentionnés, pour ne pas parler d‟autres comme José Echegaray ou Jacinto Benavente
en Espagne et même Winston Churchill (gagnant en 1953) en Angleterre. Ceci nous montre
les peuples dominés pendant la colonisation, de se faire aujourd‟hui respecter dans leur
distance culturelle avec le modèle dominant. Les cultures « blanches » des pays colonisateurs
les considèrent comme étant des minorités visibles et/ou invisibles, avec tous ces accents et
ces mœurs « dérangeants », de façon que depuis de nombreuses générations ils sont
« ghettoïsés » dans les ZUS, 751 zones urbaines sensibles de la banlieue française qui
accueille presque 10% d‟une population métisse complètement marginalisé, dans une
République à deux ou trois vitesses. Mon engagement dans la recherche sur le sujet de la
culturelle » selon George Ritzer) est devenu de plus en plus présent dans mes cours sur les
l‟autre côté de l‟Atlantique, dans la mesure où la société européenne s‟est renfermée sur elle-
même et à fermé ses frontières aux émigrés des pays émergeants (avec l‟exception du premier
littérature espagnole contemporaine se fait en même temps que celui du cinéma cubain de la
46
Révolution et de la civilisation hispanique contemporaine. Tout ce que j‟ai fait pendant mes
plus de vingt ans d‟enseignement et de recherche est d‟essayer de construire des liens
culturels entre l‟Occident et l‟Orient du monde hispanique. Si, dans un récent entretien, Le
affirmant que « je ne crois pas qu‟il y ait „nous‟ et „les autres‟, le monde occidental d‟un côté
et, de l‟autre, une sorte de monde barbare »26, la réalité quotidienne de l‟Hexagone, comme
littérature péninsulaires face aux civilisations et aux littératures de l‟Amérique latine. Tout
cela contredisait les paroles de l‟écrivain sur le « nous », le monde occidental, et « les
entre les deux pôles culturels existait en France par rapport à l‟existence de deux pays dans le
même territoire. C‟est comme si une sorte de décolonisation à l‟intérieur du pays était
aujourd‟hui un défi pour ceux qui aimeraient ne pas être exclus des médias, du marché, des
institutions politiques, de la vie publique en général. Il y a déjà quelques décennies que Pierre
Bourdieu avait dénoncé une fracture sociale en France dans La Distinction (1979) et La
Noblesse d‟Etat (1989). Les chiffres n‟ont pas beaucoup changé depuis: pas un seul député à
l‟Assemblée Nationale en 2009 représentant les minorités visibles du pays dans l‟Hexagone,
dans les postes des entreprises la plupart des cadres sont originaires d‟une classe sociale
endogamique qui se reproduit dans les Grandes Ecoles, très peu de femmes dans les conseils
d‟administration, la plupart des handicapés n‟ont pas accès au marché du travail, les
personnes âgées sont oubliées dans la solitude, la canicule et le mépris des plus jeunes, ceux-
ci moins chers pour les entreprises et plus faciles à manipuler par notre société de
26
François DUFAY, « J.M. LeClézio. „Je ne suis pas quelqu‟un d‟apaisé‟ », L‟Express. No. 2989, du 16 au 22
octobre 2008. p. 12.
47
consommation. Mes enseignements et mes recherches sur les identités au sein du cinéma
cubain de la révolution étaient aussi comme un dialogue transculturel avec ce qui se passait en
France. Ainsi, la Palme d‟Or du festival de Cannes de 2008, Entre les Murs de Laurent
Cantet, annoncée comme la Palme d‟or de l‟identité nationale, montre l‟échec de l‟intégration
dans une classe de quatrième d‟un collège ZEP (zone d‟éducation prioritaire). Cette situation
société en crise identitaire, de faire plus d‟efforts pour établir des liens entre les civilisations,
Pour mieux comprendre l‟intérêt d‟un des sujets clés dans mes recherches, celui du
débat entre la Civilisation et la Barbarie dans les textes hispaniques contemporains (littérature,
peinture, cinéma) il est nécessaire de faire référence à ce qui vient de se publier en France
dernièrement sur le sujet. C‟est le cas du dernier ouvrage de Tvzetan Todorov. La dédicace de
son livre La Peur des barbares (septembre 2008) est« à la mémoire de Germaine Tillion et
d‟Edward Said ». Tillion était ethnologue et résistante politique, luttant contre la torture et
l‟émancipation des femmes27. Said est l‟auteur de L‟Orientalisme en 1978, considéré comme
le texte fondateur des études postcoloniales. Dans cet ouvrage employé dans nombreuses de
mes recherches, l‟intellectuel palestinien newyorkais établissait les bases pour une pensée
transversale et intégrale dans les études culturelles qui remettaient en question la perception
du monde vu par l‟Occident et qui nous a servi pour dialoguer dans nos réflexions et nos
recherches sur les civilisations et les cultures. La préface du livre de Said à l‟édition française
de 2003, écrite par Todorov, nous donne l‟impression qu‟il fait référence à un nouveau « choc
27
Le Musée de l‟Homme lui a rendu hommage juste après sa mort avec l‟exposition « Germaine Tillion :
Ethnologue et Résistante » (30 mai 2008 – 8 septembre 2008).
48
D‟une part, on considère son propre cadre de référence comme étant unique, ou tout au
moins normal; de l‟autre, on constate que les autres, par rapport à ce cadre, nous sont
inférieurs. On peint donc le portrait de l‟autre en projetant sur lui nos propres
faiblesses; il nous est à la fois semblable et inférieur. Ce qu‟on lui a refusé avant tout,
c‟est d‟être „différent‟: ni inférieur ni (même) supérieur, mais autre, justement. La
condamnation d‟autrui s‟accommode aussi bien du modèle social hiérarchique (les
barbares assimilés deviennent esclaves) que de la démocratie et de l‟égalitarisme : les
autres nous sont inférieurs parce qu‟on les juge, dans le meilleur des cas, par les
critères qu‟on s‟applique à soi-même28.
(l‟esclave, le cannibale), une réflexion fondamentale pour mes cours et mes recherches, qui
continue le débat des intellectuels en Amérique latine aux XIXème et XXème siècles sur la
Faustino Sarmiento, président de l‟Argentine à l‟époque. Dans son livre, la civilisation est
identifiée avec l‟Occident et la barbarie avec le reste du monde (L‟Orient de Said). Pour
l‟Argentine, comme pour l‟Europe aujourd‟hui, il faudra repeupler ses états avec une
immigration blanche, « civilisée », avec les même valeurs culturelles et croyances spirituelles.
Pour ceux qui ne rentrent pas dans cette catégorie, il faudra les éliminer et/ou les « éduquer »
culture des marques) est ainsi, au XXIème siècle, une stratégie des pouvoirs politiques et
économiques pour que les cultures « inférieures » restent dans ce nouveau système de
identitaire. Naomi Klein nous a bien montré l‟apparition de cette nouvelle culture des
marques dans No logo : le néocolonialisme se nourri de nouveaux icones, des produits, pour
garder ses privilèges et endoctriner les masses, pour effacer et contrôler un citoyen critique et
28
Tzvetan TODOROV, « Préface à l‟édition française », L‟Orientalisme, Edward W. Said, Paris : Editions du
Seuil, 2003. p 8.
49
le transformer en individu docile dans son nouveau « habitus » de consommateur. Voici notre
défi en tant qu‟enseignants et que chercheurs : donner aux étudiants des outils de prise de
de la culture de masse. C‟est dans ce contexte de libération que j‟ai employé dans mes
inférieures, d‟une globalisation de libre marché et le bonheur pour tous. D‟un autre côté, face
culturelle contrôlés par une majorité de franco-Français incapables de comprendre encore les
défis transculturels du XXIème siècle, la pensée postcoloniale peut donner des armes
intellectuelles aux exclus et aux chercheurs culturels pour repenser notre condition
existentielle. Cette pensée interdisciplinaire qui peut servir de base théorique pour des cours
en civilisation, littérature, langues et arts visuels des UFR de Lettres peut nous aider à
modérer un néolibéralisme sans âme souvent déjà présent dans nos institutions publiques
pas recherche fondamentale pour le bien-être des citoyens). Ainsi que nous le dit Retamar
dans son essai: “Asumir nuestra condiciñn de Calibán implica repensar nuestra historia desde
el otro lado, desde el otro protagonista”29. Si le Discours sur le colonialisme d‟Aimé Césaire
dénonçait la perception que les peuples « civilisés » avaient des ceux qui étaient différents
d‟eux (« L‟idée du nègre barbare est une invention européenne »30), les réflexions d‟Arjun
29
Roberto FERNANDEZ RETAMAR, “Todo Calibán”, Milenio no. 3.La Habana: Año 1995-Noviembre, p 22.
30
Aimé CESAIRE, Discours sur le colonialisme, Paris : Présence Africaine, 2004, p. 37.
50
encore plus loin quand il attaque le monopole des Etats sur l‟idée de nation : « Beaucoup
d‟Etats-nations entrent dans une crise de légitimation et affrontent les demandes des groupes
migrants»31. Le penseur indien place le centre des conflits identitaires entre « l‟ethnoscape »
(le monde mouvant dans lequel nous vivons: touristes, immigrants, réfugiés, exilés,
des idéologies et «d‟éléments de la vision mondiale des Lumières, qui consiste en une chaîne
d‟idées, de termes et d‟images: liberté, bien-être, droits, souveraineté, représentation et, pour
(1891), point de départ obligatoire dans mes enseignements de civilisation hispanique et mes
recherches sur l‟Amérique, le poète et intellectuel cubain José Marti affirmait qu‟ « il n‟y a
pas de haine entre les races, parce qu‟il n‟y a pas de races ». Les races, comme les religions
(et non pas les croyances), comme les catégories universelles et les disciplines académiques,
deviennent ainsi des constructions artificielles, des outils heuristiques (Jacques Derrida) pour
essayer de contrôler les esprits, de les dominer, de les soumettre aux pouvoirs dominants, à un
l‟existence de races pour établir le contrôle des élites et des entreprises coloniales dans les
domination (la pensée mécanique et les domaines de spécialisation des individus et des
une pensée holistique, systémique et intégrale de plus en plus en vogue depuis la publication
31
Arjun APPADURAI, Après le colonialisme. Les conséquences culturelles de la globalisation, Trad. Françoise
Bouillot, Paris : Petite Bibliothèque Payot, 2005, p. 229.
32
Ibidem, p. 75.
51
de The Turning Point par Fritjof Capra en 1982 et la réélaboration de sa pensée par Ken
Wilber dans A Theory of Everything il y a déjà quelques années (2000)33. Ken Wilber nous
parle, dans son livre, de l‟éducation intégrale comme celle qui reflète le mieux cette nouvelle
évolutionnaire de faire face aux problèmes de l‟environnement, s‟appuyant sur l‟ensemble des
systémique et holistique qui donne un relief différent à chaque discipline avec un autre regard
sur le monde.
Son équivalent dans les études culturelles nous le trouvons dans les travaux de l‟Indien
Homi K. Bhabha, spécialement dans Les lieux de la culture. Une théorie postcoloniale paru
en anglais en 1994 mais traduit en français en 2007. Dans ses réflexions Bhabha nous parle de
quatorze ans avant la sortie du livre du penseur indien, Néstor García Canclini publiait en
1990 Culturas híbridas. Estrategias para entrar y salir de la modernidad. Les deux
33
Ken Wilber, écrivain et philosophe américain, est le représentant de la “théorie intégrale de la conscience”,
développée à Bolder, Colorado dans les deux dernières décennies. Un élément clé de sa philosophie est le holon,
élément qui pourrait constituer la particule fondatrice de l‟existence et partage une double nature : une totalité en
lui-même et la partie d‟un autre tout. Toute chose, depuis les particules de matière en passant par l‟énergie et
jusqu‟aux idées, peut-être considérée sous cet angle. Les holons « transcendent » en formant des holons plus
profonds, en présentant plus de niveaux d‟organisation vers les quadrants, sa pierre philosophale. Ils font
référence aux lignes de développement interdisciplinaires. Cela a impulsé la création des univesités intégrales.
Le 29 février 2008 à Paris, le Club de Budapest a organisé sa première journée, avec la participation d‟Edgar
Morin et d‟autres intellectuels français. La transdisciplinarité essaie d‟ouvrir des brèches et de donner des idées à
un monde universitaire en train d‟évoluer vers la transversalité. La quatrième journée a eu lieu le 10 mars 2009,
en pleine grève des universités en France. La présentation de la journée a été marquée par l‟appel à l‟engagement
des enseignants et chercheurs pour surmonter la crise dans une période de transformation économique, sociale et
écologique.
52
d‟entente parmi une pluralité de cultures en cohabitation dans les mêmes espaces. Cette
notion fut créée en 1940 par le Cubain Fernando Ortiz dans Contrapunteo cubano del tabaco
y el azucar (texte fondamental pour comprendre le syncrétisme culturel des peuples des
Caraïbes). Selon Ortiz, le contact permanent entre deux ou plusieurs cultures influe dans les
traits propres de chacune, de façon que toute une série de transmutation se produise. Le
d‟une culture à l‟autre, avec une certaine perte ou un certain déracinement par rapport à la
La France est un des derniers pays européens à accueillir, à lire et à traduire, les
travaux produits dans le cadre des études postcoloniales. C‟est qu‟il n‟y a pas en France, sinon
monde anglo-saxon et dans les centres de recherche des universités américaines. Même s‟il y
a des travaux de très grande qualité par rapport au sujet, ils ne sont pas perçus comme faisant
problématiques partagées. Les chercheurs français, quand ils n‟ignorent pas jusqu‟à leur
existence, montrent souvent une certaine méfiance à l‟égard des Postcolonial Studies,
politiques) des débats qui ont eu lieu en Asie et dans les universités anglo-saxonnes,
Thinking) qui fait partie des études postcoloniales. Si la décolonisation la plus difficile est
celle des catégories dans lesquelles s‟orientent la pensée et les actions des individus et des
communautés scientifiques, les textes employés dans mes travaux reviennent tous sur la
question du rôle des intellectuels, des chercheurs universitaires et des critiques. S‟affirmer
postcolonial, c‟est surtout faire bouger les civilisations et les cultures au sein même des
disciplines universitaires. Mon intention dans mes recherches a été toujours pour la
nationale, une France transculturelle et interdisciplinaire dans les enseignements des cultures
et des civilisations pourrait montrer le chemin aux élites (la « classe politique » de Noam
Chomsky, environ 20% de la population avec un certain pouvoir de décision) et aux citoyens
de la rue (le peuple), pour la configuration d‟une nouvelle République ouverte au dialogue et
Marianne plus métisse et vers une Marseillaise beaucoup moins guerrière qu‟elle ne l‟est
aujourd‟hui avec des mots un peu, comme la France traditionnelle, démodés et « hors-jeu »
Mes travaux à paraître (sous presse) en 2009-2010 en rapport avec les principes
Lam”, travail inédit pour l‟HDR (Habilitation pour Diriger des Recherches). A publier en
espagnol à Cuba dans l‟Editorial Oriente, Santiago de Cuba. Sortie prévue pour 2010, 250 p. ;
adolescence et diversité, Paris : EMS (Management & Société), 2010, 250 p. ; 3. (Article) en
collaboration avec Carlos A. Rabassñ, “El Barça: A World Model for Cultural Diversity and
Social Responsibility”, GRLI Stories, London: Emerald, 2010 ; 4. (Article) “Joan Brossa y los
les Aires Culturelles, UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen), février 2009.
mexicana a partir de „Mi nana y yo‟ de Frida Kahlo”, Actas del XVI Congreso Asociación
“Del Tercer Cine Latinoamericano al Cine Pobre de Humberto Solás. Por una estética de la
l‟ERIAC (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles, UFR Lettres et Sciences Humaines,
Université de Rouen), février 2008. Sortie prévue en juin 2010; 8. « Del Tercer Cine
Latinoamericano al Cine Pobre de Humberto Solas. Por una estética de la disidencia global en
Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de
international de l‟ERIAC (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles, UFR Lettres et
Sciences Humaines, Université de Rouen), février 2007. Sortie prévue en octobre 2009 ; 10.
sur les Aires Culturelles, UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen), février
2006. Sortie prévue en octobre 2009 ; 11. “Homenaje autobiográfico intertextual desde la
International de l‟ERIAC (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles, UFR Lettres et
Sciences Humaines, Université de Rouen), février 2005. Sortie prévue en octobre 2009.
Ce dernier article reflète en quelque sorte l‟hybridité dans la nature de mes travaux de
film de Fernando Trueba est un clair exemple de cette confusion ontologique entre le
chercheur et les personnages de fiction34. Ce travail autobiographique est arrivé juste après la
mort de mon père à Barcelone, quelques jours après que nous avions vu ensemble et en direct
l‟identité catalanes. Ce stade de football occupe une place privilégiée dans mes souvenirs
familiaux, car depuis l‟âge de trois ans, je suis allé avec mon père et mon frère jumeau voir
les matches de l‟équipe nationale de la Catalogne, le Barça (« el brazo armado de una nación
sin ejército »35, selon les mots de Manuel Vázquez Montalbán). La vie et la mort dans la
fiction, au quartier de Gracia d‟un des personnages du roman de Juan Marsé, El embrujo de
Shanghai, le capitan Blay, se confondaient avec celle de mon père, qui a passé la plupart de sa
vie et à connu aussi la mort dans le même quartier barcelonais en novembre 2004. Dans
l‟esprit de la première partie de mon mémoire de synthèse, mais aussi dans les entretiens
34
Cf. Fco. Javier RABASSO,“Homenaje autobiográfico intertextual desde la cotidianidad de „El embrujo de
Shanghai‟ de Fernando Trueba”, Actes du Colloque International Université de l‟ERIAC, février 2005 (Equipe
de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous presse.
Sortie prévue en octobre 2009).
35
Le bras armé d‟une nation sans armée. Dans un article qui sera publié en anglais, j‟ai essayé de montrer
l‟importance de cette institution sportive dans l‟identité de la vie et la diversité culture catalanes au XXème
siècle en Catalogne.
56
d‟Omar Prego avec Julio Cortázar, la biographie personnelle est le détonateur de la recherche
sur des sujets en rapport avec le vécu du chercheur. Les thèmes choisis sont, de cette façon, la
L‟article commence avec la mise en scène d‟un quartier qui a fait partie de ma vie (de
mes quinze premières années) comme personnage « réel », mais qui, dans la fiction du roman,
est le locus de l‟action de Daniel (qui avait dans le livre de Marsé le même âge que moi, mais
dans une fiction dramatique historique antérieure). Les rues dans lesquelles Daniel et le
capitaine Blay se promenaient en train de chercher des signatures pour fermer une usine à gaz
polluante, étaient aussi les rues de mes échappées clandestines de chez moi, alors que je
résidais dans la partie bourgeoise du quartier, moins authentique et plus franquiste à l‟époque.
Le parallélisme entre les actions et les endroits quotidiens des personnages de fiction et ceux
de mon enfance se succèdent, de façon que l‟écriture de l‟article, plus qu‟un hommage à
quelqu‟un qui n‟est plus avec nous, se transforme en une psychanalyse critique, en une
personnelle vécue aujourd‟hui, dans la distance, comme une autre fiction dans laquelle je suis
partie ainsi d‟une même quête identitaire d‟un temps passé (et d‟un espace aussi) qui devient
nostalgie d‟une période encore vierge des hypermédias, d‟un espace cinématographique qui
nous donnait aux jeunes adolescents (y compris Daniel), la licence du rêve, de l‟imaginaire et
36
Des personnages, acteurs et lieux du cinéma classique comme les gangster de Chicago, Fantomas, Fumanchú,
Jerónimo, les frère Marx, Luis de Funés, Humphrey Bogart, Alfredo Landa, Jean Seberg, Jane Fonda, Jeanne
Moreau, le Paris de l‟Antoine Doisnel de la « Nouvelle Vague » etc.
57
Dans mon article, je voulais souligner aussi comment le cinéma était dans le roman de
Marsé, dans l‟adaptation de Trueba et dans mes souvenirs d‟enfance l‟espace sacré, la
machine à rêves, l‟endroit des rencontres, cette voix acousmatique de Forcat en train de
raconter l‟histoire de Kim en Chine. Du cinéma Rovira aux salles du quartier de Gracia qui
dans les années soixante, montraient le monde aux enfants de la dictature, la présence du
cinéma est aussi forte que la lecture des premiers romans d‟aventures, comme celle de Kim à
Shanghai, dans un métatexte qui fonctionne comme boîte chinoise à l‟intérieur du récit
principal. L‟article veut aussi mettre en avant une tradition presque aujourd‟hui perdue avec
qui en première instance, appartient à Daniel. L‟alternance de voix narratives dans le roman et
dans le film nous renvoie à notre tradition littéraire hispanique: la picaresque, le Quichotte,
l‟ esperpento de Valle-Inclán. Dans mon étude d‟El embrujo de Shanghai de Marsé, j‟ai
travaillé avec deux autres textes complémentaires du roman : le scénario filmique de Victor
Erice, très littéraire et qui sera rejeté par la maison de production pour faire l‟adaptation, et le
scénario de Fernando Trueba, responsable final de la mise en film du roman. Ces deux textes
hybrides entre la fiction littéraire et le cinéma m‟ont permis aussi de dévoiler avec plus de
détail la théâtralité présente dans le récit fragmenté de Forcat tout au long de la fiction
romanesque.
personnages du roman ou du film apparaissent dans ma vie quotidienne sans que je les
cherche. C‟est le cas de Bebo Valdés, auteur de la musique du film et présent dans une brève
Barcelone coïncida, à quelques mois près, avec le moment où au même endroit j‟avais dit,
pour la dernière fois, au revoir à mon père ; en effet, j‟ai logé dans cet hôtel pendant quelques
58
années quand je descendais à Barcelone le week-end pour voir en direct le Barça, dont je suis
socio (membre). La fiction en rencontre une autre maintenant, celle de mon passé, des
souvenirs, de mon histoire avec des personnages qui, comme ceux du roman de Marsé, sont
comme des ombres dans une mémoire qui les récupère dans cet article pour les faire renaître
et partager avec moi une déclaration d‟amour à mon père qui arrive trop tard37.
Cet article essaie aussi d‟éclaircir quelques aspects sur l‟importance de la langue
maternelle dans la culture des peuples. Si celle-ci ne correspond pas à la langue de la terre
dans laquelle nous sommes nés, un conflit apparaît. C‟est mon cas particulier et celui de
par Marsé a été considérée par la droite radicale comme le triomphe du castillan en Catalogne,
car cet écrivain catalan, comme c‟est le cas de Manuel Vázquez Montalbán, s‟est exprimé en
castillan pour l‟écriture de ses fictions, même s‟il maitrise parfaitement la langue catalane. Le
point que je voulais souligner dans mon article était de réconcilier les deux cultures, malgré
l‟extrême de faire boycotter les produits catalans38 comme attitude symbolique contre le
Statut d‟autonomie de la Catalogne qui revendiquait le concept de nation pour « son pays ».
phénoménologique) bascule aussi entre quelques références littéraires des derniers auteurs
37
Cette année 2009 je célèbre avec mon frère mon 50 ème anniversaire. C‟est aussi la première année comme
entraineur d‟un mythe du club Josep Guardiola et c‟est la première fois dans l‟histoire du Barça que nous avons
eu la possibilité de gagner les trois titres principaux du football de clubs : le championnat, la coupe et la
Champions League (la coupe d‟Europe). A presque cinq ans de distance, nous pouvons (mon frère et moi)
encore sentir dans le stade la présence, l‟âme de notre père, observateur privilégié du ciel de cette année
fantastique pour le club.
38
Chez ma mère à Madrid, pour les fêtes de Noël, les membres de ma famille castillane avaient acheté du cava
(champagne) d‟Extremadura, quand le cava traditionnel que tout le pays consomme pour les célébrations du fin
d‟année est catalan. Je m‟y suis absolument opposé car commencer l‟année sans cava portait, selon les
superstitions, malchance aux catalans.
59
(„best sellers‟) en Catalogne comme Carlos Ruiz Zafñn, en suivant les parcours des
personnages de L‟ombre du vent dans le quartier du Raval et les souvenirs de mon enfance
avec mon grand-père, dans le quartier chinois (red light district) d‟un Raval en train, au
plus « transculturel » en Espagne. Les prostituées d‟antan ont laissé la place aux citoyens du
Mon premier article porta sur un graphisme d‟un poète surréaliste chilien exilé au
Canada. L‟analyse d‟un collage de Zeller39, poète visuel surréaliste d‟origine chilienne exilé
au Canada, présente quelques difficultés d‟interprétation 40. Une église gothique, une usine
(machine à vapeur) et une grenouille se sont superposées pour nous exposer une façon
d‟appréhender la réalité propre à l‟art conceptuel développé par Max Ernst. Une lecture
métaphorique du collage nous renvoie à une herméneutique des sens, tandis qu‟une lecture
métonymique nous permet de considérer une approche plus dynamique et interactive. J‟ai
essayé de montrer comment ce collage de l‟artiste chilien n‟est pas seulement une proposition
onirique dans le contexte de l‟art surréaliste contemporain, car il nous renvoie à toute une
série de symboles antérieurs et nous oblige à effectuer une lecture transculturelle et mythique
des sens potentiels suggérés par cette combinaison apparemment aléatoire d‟éléments.
Le premier plan de la “pierre angulaire” est une grenouille chargée de tenir sur son dos le
poids d‟une usine et d‟une cathédrale gothique. La nature organique de cet amphibie
embryonnaire nous oblige à prendre en compte son importance symbolique dans des
est le symbole de la fertilité dans la civilisation égyptienne, de même que, dans les pratiques
39
Cf. Ludwig ZELLER, 50 Collages, Toronto-Paris: Mosaic Press, JeanMichel Place, 1981. Mis en forme : Police :10 pt, Français
(France)
40
Cf. Fco. Javier RABASSO, « „La piedra angular‟ (collage) de Ludwig Zeller: de la lira al ìcono, la poesìa », Mis en forme : Police :10 pt, Français
Enfoque sobre Ludwig Weller. Poeta y artista, Toronto: Mosaic Press, 1991, pp. 52-63. (France)
61
jungienne qui interprète la nature de cet animal de sang froid avec l‟apparition de l‟homme, et
prince en grenouille. C‟est ainsi que la figure cachée du collage est la nature humaine,
occidentale marquée par l‟apparition de la foi chrétienne (la cathédrale), l‟art gothique et son
Si la nature fait partie du premier plan du collage, elle continue aussi, mais cette fois-ci
cachée, dans la configuration de l‟artifice industriel: c‟est l‟eau, source de vie et force motrice
chimie et de la médecine. C‟est ainsi que l‟usine est le symbole de la civilisation industrielle,
une sorte d‟usine-symbole du Moyen Age, ancré dans des croyances spirituelles qui rentrent
en conflit avec celles de la société de la consommation dont l‟usine est l‟expression ultime des
Notre lecture est en même temps un effort interdisciplinaire pour créer des liens entre les
graphismes lyriques de Ludwig Zeller et la tradition des arts visuels (cinéma, peinture,
Corbusier o Mies Van Der Rohe et l‟art Postmoderne de Venturi et Portoghesi. En même
temps, la présence dans le « background » de la cathédrale gothique nous mène aux origines
des sciences, des arts, des vies des saints et des personnifications morales des vertus et des
vices de la nature humaine. Depuis cette perspective, nous pouvons faire une lecture littéraire-
allégorique du collage à partir des auteurs médiévaux et du début de l‟Age Moderne (le Siècle
caldéronien, responsable des péchés des hommes, est un Sisyphe contemporain (Albert
Camus) qui charge sur ses épaules le poids d‟une culpabilité chrétienne éloignée de plus en
un rôle à jouer dans le monde de l‟édition universitaire dans le domaine de la culture. Cette
conférences et travaux des chercheurs et des écrivains invités aux symposiums organisés à
Toronto par les associations d‟étudiants41. La première partie de la revue est destinée aux
lecture de la revue fait une sélection des travaux des étudiants des départements d‟Etudes
Romanes (espagnol, portugais, italien, catalan) des universités canadiennes. Nous avons
41
Cf. Fco. Javier RABASSO,Tinta y sombra, Toronto: Departament of Spanish and Portuguese, University of
Toronto, 1992. Co-éditeur avec Azalea García (Revue).
63
consacré une section à la linguistique, avec des interventions de collègues invités dans les
congrès organisés par les étudiants du troisième cycle. Il y a une autre section pour l‟écriture
des femmes, cuaderno de escritoras, et un dossier sur différents aspects des relations entre la
littérature et les arts. Dans la deuxième partie de la revue, nous avons publié les travaux de
création littéraire (poésie, nouvelles, théâtre). Dans la revue peuvent participer aussi des
étudiants du troisième cycle illustrateurs et artistes graphiques qui sont en train d‟effectuer
leurs travaux de recherche sur l‟art hispanique. Ils incorporent à l‟écriture l‟énorme
multifonctionnel des lectures / visions des activités culturelles et littéraires proposées aux
lecteurs.
Dans une étude comparative entre l‟opéra et la fiction littéraire j‟ai analysé les
différences significatives entre deux textes, mais aussi les points communs partagés par
l‟imaginaire d‟un public limité par la description réaliste du référent historique dans l‟œuvre
de Massenet, mais élargie par l‟univers fantastique du conte et des narrateurs implicites dans
l‟opéra, par contre, nous empêche de recréer les images déjà données par une réalité concrète
(celle de la scène).
42
Cf. Fco. Javier RABASSO, « La transformation d‟un texte en prose en un texte spectacle: „Hérodias‟ de
Flaubert et „Hérodiade‟ de Massenet », Civilisation Française, No. 12 (mai 1992), pp. 39-44.
64
Légende de Saint-Julien l‟Hospitalier » paru dans le recueil Trois contes en 1877 avec l‟opéra
de la mise en scène de la fiction romanesque et les rapports (analogies et différences) entre les
personnages. Nous avons essayé d‟éclaircir une certaine confusion historique sur l‟identité de
n‟est pas le même dans les deux textes. L‟écriture romanesque permet le développement
d‟une plus grande individualisation de la psychologie des personnages, tandis qu‟au théâtre et
tandis que le langage iconique de l‟opéra nous empêche de recréer les images déjà données
par une réalité concrète (celle de la scène). Le texte-spectacle devient ainsi texte
oriente la description de haut en bas, du plus proche au plus lointain. Chez Flaubert, la
vraisemblance mimétique n‟est qu‟un prétexte pour faire basculer le lecteur dans un univers
fantastique. Dans l‟opéra de Massenet, l‟imaginaire du public est de la sorte limité par la
cubaine à partir de différents médias propose au lecteur un parcours hypertextuel à travers les
avec les réflexions de Roberto Fernández Retamar sur Calibán (1971) pour les actualiser dans
le contexte de la mondialisation. J‟ai illustré mes arguments avec des commentaires sur les
entre 1942 et 1970, en faisant référence à quelques films de Tomás Gutiérrez Alea comme
L‟objectif de mon travail était de faire des lectures fragmentaires et en alternance sur
les concepts et les auteurs mentionnés. Le point de départ était la dichotomie entre
« Civilisation et Barbarie » proposée dans ses écrits par Domingo Faustino Sarmiento avec
son livre sur Facundo Quiroga (1845) et qui a ouvert le débat sur deux notions qui ont
dominé la pensée latino-américaine pendant presque deux siècles depuis son indépendance.
Les essais Nuestra América (1891) de José Marti, l‟Ariel (1900) de José Enrique Rodó et La
raza cósmica (1925) ont enrichi les réflexions sur le sujet. Les études anthropologiques et
culturelles de Fernando Ortiz sur la présence des cultures africaines à Cuba vont identifier le
métis originaire de la barbarie avec les populations noires du Caraïbe. Sa conférence sur « Los
pourraient très bien s‟adapter aux différents peuples de l‟Amérique Latine. Il les compare
avec l‟ajiaco (sorte de pot-au-feu) composé de toute une diversité d‟ingrédients d‟origines
43
Cf. Fco. Javier RABASSO, « Un ajiaco afrocubano transcultural : Ortiz, Lam, Alea, Retamar y otros
demonios de „la barbarie‟ », Hommage à Alain Milhou, C.R.I.A.R., Centre de Recherches Ibériques et Ibérico-
Américaines de l‟Université de Rouen, février 2003, pp. 713-729.
66
repas par excellence des peuples des Caraïbes il faut rajouter tout un système de croyances
hétéroclites. A Cuba, palo, santería et spiritisme vont se confondre dans des « rumbas »
chargées de codes secrets et de sonidos negros (sons noirs) qui nous rappellent le cri
initiatique du Cante Jondo, le quejío andalou des gitans. Il se produit ainsi une
Nous avons déjà mentionné dans d‟autres articles l‟importance du chapitre II, « Del
cubano del tabaco y el azúcar (1940) de Fernando Ortiz. Ici, le concept du transculturel
de la culture était montrée dans quelques films de Tomás Gutiérrez Alea. Dans La última cena
(1976) un propriétaire sucrier invite chez lui douze esclaves pour leur parler de Jésus et pour
leur laver les pieds. La promesse du patron de leur donner un jour férié le vendredi de Pâques
n‟est pas respecté et les Noirs qui ne sont pas allés au travail sont décapités. L‟intérêt de la
séquence est de confronter la démagogie du propriétaire avec l‟authenticité des paroles et des
comportements des Noirs dans un discours émotionnel qui sera une des caractéristiques des
Cubains face aux impératifs logocentriques de la pensée froide et calculatrice des européens.
Ceci nous avait obligé à parler du Calibán de Retamar. Inspiré de l‟Ariel de Rodó, le
poète et essayiste cubain transforme l‟ordre symbolique des trois figures présentes dans The
Tempest de Shakespeare (Ariel, Prospère, Caliban) pour développer une réflexion sur
qui place Prospère et Ariel contre Caliban, pour restructurer l‟opposition : Ariel et Caliban
contre Prospère, le colonisateur. Ensuite, j‟ai mis en relation la notion de colonisation avec
67
d‟espaces alternatifs de dissidence face au monde « civilisé » peut sauver encore les crises
identitaires des cultures minoritaires des peuples dominés. L‟afro-cubanisme devient ainsi une
revendication « calibanesque » des cultures hispaniques à la survie face aux modèles anglo-
saxons. Dans un autre livre, El pueblo cubano (1908-1912), Fernando Ortiz étudie les facteurs
nous expliquer le fonctionnement de l‟âme cubaine, en précisant les traits d‟une psychologie
collective.
L‟œuvre picturale de Wifredo Lam est dans la même quête herméneutique sur
l‟identité des peuples en Amérique Latine. C‟est le cas de son tableau le plus connu, La
Jungla (1943), élément central dans le Wifredo Lam (1979) de Humberto Solás, que nous
avons étudié pour notre travail inédit de recherche pour l‟HDR. Nous avons vu comment son
œuvre est évocatrice d‟autres écritures, d‟autres langages. Le film Cumbite (1964) de Tomás
Gutiérrez Alea reproduit dans la cérémonie du sacrifice les mêmes symboles ésotériques
propres aux cultures africaines transmigrées aux Caraïbes. Ils sont des projections d‟une
« barbarie » autochtone qui s‟éloigne des valeurs éthiques occidentales car le discours
émotionnel et les forces de la nature sont les protagonistes du rituel. L‟homme n‟est qu‟un
dominent le premier plan de la composition. Ils se mélangent avec la Nature et nous renvoient
à la pensée de José Martì, au besoin libérateur de l‟Amérique indigène dominée par les
Dans mon étude, j‟ai montré comme il se produit une « diabolisation » de la barbarie
pour revendiquer une autre esthétique (de la cruauté ?, si on se réfère au manifeste d‟Antonin
Artaud dans Le Théâtre et son double), une vision du monde en accord avec les systèmes de
croyances des cultures et civilisations ancestrales. Dans la peinture de Lam, nous pouvons
appliquer une lecture symbolique à certains éléments qui se répètent dans ses tableaux.
Troisième Monde vampirisé dans ses peintures, sculptures, céramiques et graphismes. Il est
l‟alter ego de ses obsessions oniriques. Conçu à partir de 1943, imitant les masques circulaires
baulé de Mali, il sera un élément redondant diabolique qui annonce, comme dans les tableaux
de la Renaissance (ou dans Las Meninas de Velázquez), la présence de l‟auteur parmi ses
personnages. Lam se métamorphose en petit diable abakuá, güije des rivières, chicherekú .
Je finis mon travail avec le dernier film de Gutiérrez Alea, Guantanamera (1996).
l‟“absurdocracia” du système est aussi une autre façon de s‟attaquer à la civilisation, aux
modèles bureaucratiques importés et à une société à deux vitesses entre modèles exogènes de
44
Sont très évocatrices les paroles d‟adieu d‟Alfredo Guevara, président de l‟ICAIC, le jour des funérailles de
Gutiérrez Alea dans le Cementerio Colón, endroit de plusieurs de ses films.
69
autobiographique et de la fiction
La lecture de toute une série d‟entretiens sur Julio Cortázar m‟a permis de construire
cortazarienne que sont ses nouvelles et ses romans. Ce genre mineur littéraire m‟a donné
intertextuelles entre l‟auteur (l‟écrivain, la personne), les textes (la fiction, la critique) et ses
lecteurs (spectateurs aussi). Je voulais montrer comment la lecture des entretiens de l‟écrivain
nous aide comme récepteurs, à nous inventer un personnage, à nous l‟imaginer, à créer toute
une virtualité de gestes, d‟espaces qui ont été parcourus par l‟homme et/ou la fiction, de
situations dans lesquelles nous avons pu placer nos héros dans sa fiction (Horacio ou Julio ?,
Ce travail était surtout celui d‟une réception ludique obligée à créer une nouvelle
fiction avec Julio Cortázar, notre personnage littéraire qui comme nous, a partagé les mêmes
endroits, les rues parisiennes, les institutions culturelles et les festivals de jazz à Cuba, en
France, en Espagne. Le nombre de coïncidences entre son œuvre et sa vie avec la nôtre, celle
de beaucoup de ses lecteurs, devient presque un acte de sorcellerie. C‟est aussi le cas de la
entre ses tangos dans le film Calle 54 (2001) de Fernando Trueba, la bande de son de Last
45
Cf. Fco. Javier Rabasso, “Commentaires transversaux sur les entretiens avec Julio Cortázar. De thérapies
intratextuelles, de takes pragmatiques et de proxemiques… virtuelles », Les cahiers du CRIAR (Centre de
Recherches d‟Etudes Ibériques et Ibéro-américaines), Université de Rouen, 2006, pp. 69-96.
70
personnage-écrivain par ses lecteurs. Ainsi que cela est arrivé à beaucoup d‟entre eux, notre
relation avec Julio était, sans que nous ne l‟ayons jamais rencontré, familière, comme s‟il
faisait partie de notre « jardin secret ». La rencontre à Paris en 1992 de Saúl Yurkievich
(directeur de la thèse doctorale de mon frère Carlos) fut déterminante pour découvrir une
autre facette de l‟écrivain : ses traces après sa mort en 1984 dans le monde et parmi les
personnes qui l‟entouraient dans le quotidien. Le critique argentin a publié en 1994 Julio
Cortázar : mundos y modos (Madrid : Anaya & Mario Muchnik), une série d‟entretiens entre
les deux hommes avec la participation aussi de Pierre Lartigue. Deux ans après mon arrivée
en France, j‟avais eu le privilège d‟assister à l‟hommage que le Centre Georges Pompidou lui
avait rendu dix ans après sa mort, du 21 au 23 octobre 1994 46. L‟article que j‟allais écrire sur
les entretiens était par conséquent, un deuxième hommage après le 20 ème anniversaire de sa
disparition (la publication de l‟article est sortie deux ans plus tard).
Si la présence de Cortázar dans des entretiens télévisés était rare, car il ne sera pas
invité dans les programmes de Bernard Pivot, j‟ai récupéré pour mon étude des entretiens,
celui produit en 1997 pour la série Un siècle d‟écrivains par Bernard Rapp sur France 3, sur
un film qui avait été tourné avant la mort de l‟écrivain par Chantal Rémy et Gérard Poitou-
Weber. La vision globale de son œuvre, ainsi qu‟un bref parcours dans les endroits de la
fiction cortazarienne avec des images d‟archives, une promenade dans la capitale argentine
avec des tangos, des entretiens, nous présentent l‟imaginaire de l‟écrivain, grâce aussi à la
46
Tout un ensemble de films, de lectures de son œuvre et de conférence avaient eu lieu à Beaubourg. De toutes
les activités organisées, il faut souligner les interventions de Saul Yurkievich et un film particulier dans sa
réalisation, Op bewoek bij Julio Cortázar (En visite chez Julio Cortázar) réalisé par Erik van Zuylen (1978). Le
film nous montre le poète et essayiste Saúl Yurkievich en train de visiter la maison de l‟écrivain. Une fois arrivé,
Julio et Saul discutent de son travail de fiction et de la place qu‟occupe l‟écrivain entre la réalité et l‟imagination,
entre la poésie et la politique. Avec un grand sens de l‟humour, la conversation est interrompue plusieurs fois par
de petits incidents, des signes procédant de l‟univers fantastique de Cortázar.
71
voix de Carlos Gardel et au saxo alto de Charlie Parker. La musique, la littérature, le cinéma,
l‟oralité sont différent média mis à disposition pour ce mégarécit intime. Le grand-imagier du
récit filmique (la diversité d‟instances énonciatrices mises à disposition du récit) nous montre
et nous raconte la biographie et l‟œuvre de l‟écrivain avec une capacité de synthèse et une
précision que les entretiens traditionnels (en format papier ou même à la radio) ne peuvent pas
atteindre. Voilà comment le cinéma et la vidéo rendent service à la littérature. Ils deviennent
spectateur.
Les notes biographiques du film font référence au livre d‟entretiens d‟Omar Prego sur
Julio Cortázar, La fascinación de las palabras (1984), sur huit longs entretiens que Prego a
réalisés avec l‟écrivain argentin chez lui entre juillet 1982 et janvier 1984, un mois avant la
mort de Julio. Ces entretiens, effectués par quelqu‟un qui connaissait très bien l‟oeuvre et la
critique, aux herméneutes, la reconnaissance qu‟ils méritent quand il s‟agit du travail exégète
sur la vie et l‟œuvre des écrivains et des artistes. Si la critique, même l‟essai comme genre
littéraire, ont été considérés comme secondaires par rapport à la création (poésie et fiction), le
livre de Prego est aussi un hommage à la grande tradition critique dans l‟hispanisme en
miroir entre le film produit par Bernard Rapp et le livre d‟Omar Prego. Nous avons
l‟impression d‟assister dans les deux cas à un témoignage final, un adieu inconscient de
l‟écrivain à ses lecteurs quand, au début du film, Cortázar apparaît fatigué dans son bureau, en
juin 1982 à l‟âge de 68 ans, en train d‟écrire, quelques mois avant la mort de sa dernière
C‟est ici que l‟entretien devient acte de sacralisation de l‟écrivain et non de l‟écriture,
moment crucial et définitif pour immortaliser à jamais le personnage réel devenu, dans notre
lecture. Le récit de Cortázar sur son arrivée à Paris dans les années cinquante est primordial
pour redécouvrir la vie des écrivains latino-américains pendant cette période d‟effervescence
créative qui donnerait forme, dans la décennie suivante, au « boom » littéraire hispanique,
avec les écrivains du realismo mágico47. C‟est la période des dictatures en Amérique latine,
de façon que la plupart des écrivains se sont engagés avec la gauche latino-américaine et
Jean Paul Sartre avec la classe ouvrière. La politique, pourtant, empêchera les artistes de
Un autre aspect important à souligner dans mon étude est que les entretiens
sans la même liberté d‟expression qu‟il exprime dans les entretiens écrits (transposition d‟une
oralité préalable). D‟autre part, quand les femmes sont les responsables de l‟entretien,
Cortázar montre son côté plus tendre et intime. C‟est dans ce discours émotionnel que les
entretiens de l‟écrivain sont plus près de la notion du « take » que de l‟essai, notion qu‟il avait
proposée dans La vuelta al día en ochenta mundos. De cette façon, l‟entretien conversationnel
tradition de la « Beat Generation » (Jack Kerouac dans On the road). Transculturalités encore
hispanique, entre la musique de jazz, l‟oralité et l‟écriture, le « take » des entretiens casse
47
Dans le quartier latin, juste à côté de la Sorbonne, dans la rue Cujas, dans plusieurs hôtels d‟artistes vivaient , à
la fin des années cinquante, Nicolás Guillén, Gabriel García Marquez, Mario Vargas Llosa. Dans les cafés près
de l‟Université ces écrivains aujourd‟hui légendaires coïncidaient avec Octavio Paz, Carlos Fuentes, Miguel
Angel Asturias, Cesar Vallejo, Jorge Luis Borges et beaucoup d‟autres.
73
mène vers une activité collective, en groupe, ouverte au dialogue dans un « modèle pour
armer » intertextuel entre l‟écriture de fiction, la biographie de l‟auteur et la place des lecteurs
Nous avons eu l‟impression, au moment de réaliser notre travail, que les entretiens sur
Julio Cortázar s‟approchaient dans sa conception encore plus de la musique ou des impulsions
parole exprimée oralement primait sur le logos ou les impératifs sémantiques qui dominent la
plupart de toute herméneutique. Dès cette perspective, nous avons revendiqué les entretiens
avec Omar Prego comme s‟ils s‟agissaient de « takes » conversationnels d‟une intensité
écriture antérieure à celle de la fiction cortazarienne. Ainsi nous avons perçu chaque entretien
comme une recherche et une découverte en soi-même, en quête identitaire d‟une nouvelle
écriture en parallèle avec celle réalisée par l‟œuvre de l‟écrivain argentin. De cette façon, les
entretiens sur l‟écrivain sont comme une nouvelle version des “morelianas” de Marelle, de
paratextes sur l‟œuvre, la vie et la fin d‟un écrivain iconoclaste et fantastique, comme le
principalement à Barcelone en 2009 sur la vie et l‟œuvre de cet artiste catalan pour lui rendre
74
jeux parodiques entre plusieurs médias. Chez Brossa, comme à l‟époque chez Marcel
temps, le dialogue intertextuel sera une constante dans une œuvre antirhétorique à
réaliser. Dans mon étude, nous voyons comment l‟esthétique de la Modernité pose des
problèmes dans les conceptions artistiques de l‟artiste catalan. L‟œuvre n‟est pas conçue
l‟architecture. Son œuvre est toujours a work in progress en train de produire dans le dialogue
avec l‟autre (le récepteur, les contextes, d‟autres productions artistiques) de nouveaux sens et
de nouvelles formes.
Peu connu dans le contexte de l‟art hispanique car il a produit toute son œuvre
poétique en catalan, Brossa touche tous les domaines de la production artistique : le théâtre
musique. Ce qu‟on appelle « intermédialité » touche toute sa production. Brossa est devenu en
quelque sorte l‟Andy Warhol de la culture catalane. Mon intérêt dans ce travail était aussi
d‟aller aux origines de la créativité, de découvrir dans la poésie d‟autres cultures les sources
de sa démarche lyrique. La poésie brève japonaise (déjà étudié dans d‟autres articles que j‟ai
première moitié du XXème siècle en Catalogne, les avant-gardes européennes, l‟art nouveau
48
Cf. Fco. Javier RABASSO, “Joan Brossa y los juegos intermediales”, Actes du Colloque International de
l‟ERIAC, février 2009, (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines,
Université de Rouen (Sous presse. Sortie prévue en 2010).
75
parisien et les collaborations dans la Ville Lumière dans la même période, des peintres,
Brossa.
l‟interdisciplinaire dans l‟œuvre artistique de Brossa et ses liens avec une notion de la
transculturalité qui le rapprochait avec d‟autres cultures et artistes. Pour cela, j‟ai parlé de
« transmédialité » fusion de deux concepts mentionnés. Chez lui, comme chez d‟autres
artistes de productions hybrides (nous l‟avons vu avec Frida Kahlo) il se produit une
pour parler d‟une œuvre, celle de Brossa, à cheval entre les arts visuels, les arts sonores, la
l‟art. Chez Brossa l‟œuvre se construit, se dit par elle-même car l‟artiste n‟est qu‟un
De cette façon, tout l‟acte créatif de Brossa est comme un mystère dévoilé
magiques en contact privilégié avec l‟au-delà. Comme d‟autres artistes (y compris Dalí et
Buñuel) Brossa fera recours à l‟hypnagogie, pratique proche de l‟écriture automatique qui
sommeil (et des rêves). Ceci donne au poète des instruments sensoriels avec une grande
présence d‟éléments visuels. Nous avons vu comment cette pratique renvoyait la recherche de
Brossa aux ancêtres africains de notre culture hispanique, aux griots maliens et à leurs
anciennes connaissances, à la magie noire des marabouts du Dogon, récement étudiés par son
76
ami, le peintre catalan Miquel Barcelñ (appartenant à la nouvelle génération d‟artistes nés
Aussi important pour notre travail était de voir comment la production poétique et
d‟artistes qui marquera l‟art péninsulaire dans la deuxième moitié du XXème siècle (Joan
Miró, Antoni Tapies, Eduardo Chillida, Antonio Saura) et aussi fera connaissance de poètes
latino-américains des avant-gardes comme Joâo Cabral de Melo49. Grâce à ces rencontres
avec d‟autres artistes, il se produit dans l‟oeuvre de Brossa une déconstruction du langage
poétique adoptant de nouvelles identités, au fur et à mesure que se remettent en contexte ses
fondation et accessible par son site web, et de sa poésie urbaine, vivante encore dans les rues
références sont aussi faites à d‟autres genres artistiques de son œuvre, comme la poésie
scénique dans le théâtre, le cinéma, la magie, le carnaval et les fêtes populaires, les
graphismes dans des panneaux publicitaires, le cabaret, le music-hall, etc. Les derniers mots
sont pour une remarque assez représentative sur l‟œuvre dramatique de Brossa que j‟avais
49
Cabral de Melo, poète marxiste et critique d‟art ,avait marqué avec ses idées politiques la génération d‟artistes
de Dau al set. Son étude sur la peinture de Joan Miró est un classique pour la critique.
50
Carlos A. RABASSO et Fco. Javier RABASSO, Pedrolo, Nieva, Arrabal: Teatrilogía del vanguardismo
dramático, Barcelona: Editorial Vosgos, 1993, p. 10.
77
Dans une étude comparative entre le montage filmique et le découpage d‟un texte
la représentation et la façon dont, le récepteur doit s‟adapter aux impératifs des différents
avec les questions d‟adaptation d‟un texte dramatique, j‟ai fait une synthèse sur les théories du
montage filmique (en faisant référence aux réflexions d‟André Bazin). A côté du montage,
j‟ai mis en relation les points communs entre le langage théâtral et le langage filmique, en
théoriciens français comme Jean Mitry (le concept de « plan-séquence ») et Christian Metz
(« la grande syntagmatique ») m‟ont aidé à déterminer des liens entre les deux langages.
de Patrice Pavis (Dictionnaire du théâtre) sont aussi d‟autres points de repère de mes travaux.
cinéma contemporain pour illustrer les idées du travail avec des exemples concrets : l‟œuvre
du Canadien Michel Tremblay, A toi, pour toujours, Marie-Lou, les adaptations du Macbeth
Tom Stoppard sur sa pièce de théâtre, Rosencraft and Guildenstein are Dead, lecture très
particulière du Hamlet de Shakespeare. Dans chaque film, j‟ai abordé une problématique
51
Cf. Fco. Javier RABASSO, « Difficulties of Editing a Film Adaptation from a Dramatic Text », Tinta y
sombra, eds. Azalea Garcia / Fco. Javier Rabassó, Toronto: Department of Spanish and Portuguese, University
of Toronto, 1992, pp. 38-41.
78
l‟importance de la bande-son d‟un film en ce qui concerne l‟adaptation des dialogues du texte
Gaudreault).
IV. 2. Une lecture poststructuraliste du théâtre espagnol contemporain dans ses textes
dramatiques de l’absurde
Pedrolo, Nieva et Arrabal a été de faire en langue espagnole52 une analyse concise de l‟œuvre
fondamentaux dans la culture catalane, peu connu en Espagne et considéré par Martin Esslin
théâtre contemporain nous permet de faire une lecture personnelle des pièces de Pedrolo, un
des écrivains catalans les plus importants du XXème siècle et de le mettre en rapport avec la
52
Cf. Fco. Javier RABASSO (Ouvrage). En collaboration avec Carlos A. Rabassó, Pedrolo, Nieva, Arrabal:
teatrilogía del vanguardismo dramático. Aproximaciones hermenéutico-fenomenológicas al Teatro Español
Contemporáneo, Barcelona: Vosgos, 1993, 132 p.
79
Arquitecto y el Emperador de Asiria de Fernando Arrabal et d‟un texte postmoderne très peu
connu (au moment de la publication pas encore représenté) de Francisco Nieva, Tórtolas,
crepúsculo y… telón. Les deux autres pièces de Fernando Arrabal et de Francisco Nieva nous
offrent la possibilité d‟établir des liens entre les dramaturgies des trois auteurs espagnols.
L‟étude de l‟espace poétique d‟un texte qui n‟a pas encore été mise en scène suggère au
Nous avons étudié comment l‟œuvre de Nieva se plaçait dans le courant métathéâtral qui
caractérise une grande partie du théâtre contemporain. Notre étude est aussi une dénonciation
de l‟oubli, en même temps qu‟une revalorisation d‟un texte qui devrait bientôt être récupéré
par les compagnies de théâtre indépendant, face à l‟indifférence des compagnies nationales.
L‟œuvre que nous avons analysée fait partie de la tradition du théâtre pirandellien,
théâtre des personnages, même d‟un happening « frustré ». Elle est aussi un drame décoratif
car Nieva, maître artistique, fait de ses créations des œuvres hybrides entre l‟art et la
dramaturgie.
pendant quelques années (depuis sa première en France). Le texte dramatique d‟Arrabal nous
a permis de développer une approche théorique peu commune dans les études d‟une œuvre,
« personnage secondaire » par rapport au sujet de la réception. Les stratégies de lecture et les
représentations schématiques présentes dans la pièce (dans les textes dialogués et les
Nous avons commencé le travail avec Manuel de Pedrolo, décédé en 1991, pendant
nos recherches et réflexions sur son théâtre. Ceci est presque inconnu en Espagne, dû en
grande partie au manque de traductions en castillan. Ce livre a essayé de remplir un vide dans
la tradition herméneutique péninsulaire sur cet auteur catalan. Dans la première partie de notre
étude sur l‟œuvre dramatique de Pedrolo, nous faisons un parcours critique par ordre
chronologique de sa production théâtrale, sur ses huit œuvres d‟un acte : Els hereus de la
cadira ( 1954), Cruma (1957), Pell vella al fons del pou (1957), Acompanyo qualsevol cos
(1962), Bones notícies de Sister (1962), La sentència (1966), Aquesta nit tanquem ( 1973) et
D‟ara a demà (1977) ; ses trois pièces de deux actes : Homes i no (1957), Sòc el defecte
(1959) et L‟ùs de la matèria (1963) ; et ses quatre pièces en trois actes : Situació bis (1958),
Algú a l‟altre cap de peça (1958), Darrera versió, per ara (1958) et Tècnica de cambra
(1959). Dans la deuxième partie de notre étude sur Pedrolo, l‟œuvre Aquesta nit tanquem,
mérite une attention spéciale. Nous avons étudié comment cette pièce rejetait les conventions
scène :
Emma.-… Por consiguiente, seðores, han caìdo en una trampa. Una trampa,
puntualizo, que todavía pueden eludir, ya que no queremos forzar a nadie a quedarse.
En este momento las puertas están abiertas para que puedan irse, si lo desean, todos
aquellos que tengan miedo de ser cómplices de un acto subversivo (Enciende un
cigarrillo y espera unos instantes. Acto seguido continúa) Muy bien, veo que han
decidido quedarse (…)
81
créer un théâtre engagé avec les avant-gardes et une réalité problématique. Près de
dans la pièce.
une analyse sur les différents éléments de l‟espace poétique du texte littéraire. Nous avons vu
comment cet espace était le résultat de la configuration d‟une diversité d‟espaces dans la
lecture d‟un texte, en prenant compte des aspects extratextuels et inter (intra)textuels en
dialogue permanent. Les premiers, nous avons vu comment ils font référence au monde du
quotidien, selon une organisation de dimensions mimétiques (monde représenté). Dans les
éléments extratextuels nous faisons allusion à des aspects spécifiques (objets, personnes) et
d‟autres généraux. Leur configuration dans la lecture dépend de la connaissance du lecteur sur
la pièce et les conventions dramatiques. Les éléments spatiaux intertextuels font référence à
l‟ordre explicite du texte comme système, à la différence des éléments extratextuels, d‟ordre
implicite. Ainsi l‟espace du système intertextuel est-il fonctionnel, non représentatif. Tout
cela nous permet de réaliser une première approche sur l‟historicité dans la lecture du texte
dramatique, sa dimension extratextuelle. A l‟acte suivant, nous avons effectué une analyse de
53
Manuel de PEDROLO, Aquesta nit tanquem, Barcelona: Edicions 62, 1978, pp. 8-9.
54
Cf. Francisco NIEVA, Tórtolas, crepúsculo y… telón, Madrid: Escelicer, 1972.
82
et du récit. Finalement, les aspects indéterminés sont étudiés dans la dernière partie de notre
considération ce qui a déjà été effectué par la critique sur la pièce et en même temps, nous
plaçons l‟œuvre dans le contexte de l‟historicité de sa lecture. D‟autre part, nous avons étudié
en relation avec les fonctions du discours dramatique. 5. Le concept de jeu dans les
coordonnées des discours qui vont réactiver les présences actantielles. Nous nous sommes
servis dans notre analyse du schéma développé par le professeur de l‟Université de Toronto
Mario J. Valdés, auteur critique de l‟œuvre de Paul Ricœur en anglais et l‟un des
textes littéraires. Ce schéma est divisé en quatre parties, déjà présentes d‟une certaine façon
55
Cf. Fernando ARRABAL, El cementerio de automóviles. El Arquitecto y el Emperador de Asiria, ed. Diana
Taylor, Madrid: Cátedra, 1989.
56
Nous avons utilisé la traduction en anglais. Cf. Paul RICOEUR, The Rule of Metaphor, Trans. Robert
Czereny, Toronto: University of Toronto Press, 1977.
83
Dans un article sur la réception d‟un drame dans sa version filmique j‟ai essayé de
comprendre comment la réception était une condition “sine qua non” du récepteur dramatique
parce qu‟il est lecteur, mais aussi spectateur57. De cette façon, l‟expérience d‟une version
singulière qui ouvre ou continue le débat sur les transformations possibles du drame. Cet
article est une synthèse des réflexions effectuées dans le premier chapitre de ma thèse
cette première partie du travail, « Une théorie de la réception du texte dramatique entre la
„mise en scène‟ et la „mise en film‟ spectaculaire », j‟essaie de mettre en contexte d‟un côté,
la tradition des théories filmiques qui ont placé la réception au centre de leur réflexion; de
57
Cf. Fco. Javier RABASSO, « Una teorìa de la recepciñn del texto dramático a su „mise-en-film‟ », Romance
Languages Annual, Purdue Research Foundation, 1993, pp. 557-563.
84
textes dramatiques qui n‟a pas accès à la version spectaculaire (la mise en scène) de l‟original.
tenant compte du fait que le film est aussi un texte « écrit » avec plus d‟instances
cela, il faut différencier le spectateur théâtral du spectateur filmique, car ce dernier peut
réception filmique qui ressemble à celle du lecteur traditionnel est nécessaire pour mieux
cette façon, la situation du spectateur filmique est différente de celle du récepteur théâtral car
il se trouve isolé dans l‟acte de la « lecture », dans un espace privé qui lui permet de se
projeter et de s‟identifier avec la fiction filmique (ainsi nous le montre Christian Metz dans Le
signifiant imaginaire).
Je prends en compte pour cela l‟apport de la critique française sur le spectateur dans le
théâtre (Anne Ubersfeld) et le cinéma (Metz et André Bazin) pour établir un pont entre les
stratégies de lecture du drame et celles du texte filmique. Les deux lecteurs réalisent des
des textes. Dans le cas du cinéma s‟établit un conflit de lectures entre celle effectuée par le
lecteur et celle proposée par la cinématographie, car la mise en scène virtuelle du drame par le
film » du drame. Dans beaucoup de cas, l‟adaptation s‟éloigne de l‟original de façon que le
85
dialogue intertextuel entre les deux textes soit un « tour de force » qui oblige le récepteur à
matériaux et les signifiés potentiels du drame ouvre le débat herméneutique dans une
spectateurs. Si l‟objectivité du texte est une illusion 58 la lecture se transforme en une quête
dans ses versions spectaculaires. Dans cet article, j‟ai essayé de changer la vision de
rencontre texte-lecteur dans la fiction dramatique et filmique ouvre le débat entre la réception
IV.4. Thèse doctorale sur la réception d’un texte dramatique dans sa version filmique
Le centre de réflexion de mon travail de doctorat porte sur la réception du lecteur d‟un
Si le lecteur se transforme en spectateur virtuel des images mentales suggérées par le texte
dramatique, le spectateur filmique est un lecteur potentiel d‟un texte audiovisuel. Dans sa
civilisation sont les domaines que, dans notre étude sur la réception, le lecteur doit parcourir
58
Cf. Stanley FISH, “Literature in the Reader: Affective Stylistics”, New Literary History 2.1 (1970), p. 140.
59
Cf. Fco. Javier RABASSO, Le lecteur-spectateur de textes dramatiques espagnols adaptés au cinéma,
Toronto, avril 1994, 384 pages. Thèse de doctorat dirigée par Mario J. Valdés, Département d‟espagnol et
portugais, University of Toronto.
86
permettent au chercheur d‟élargir ses connaissances sur le drame (l‟œuvre écrite) à travers les
adaptations filmiques. Les adaptations au cinéma de textes dramatiques ont rempli, pour le
lecteur des drames, le besoin de vivre en direct la mise en scène de l‟œuvre littéraire. C‟est
pour cela que ce travail donne énormément d‟importance au texte filmique-spectaculaire des
drames, car il s‟agit d‟une œuvre hybride entre la lecture et sa réception. Pourtant, ce qu‟il
m‟intéressait de souligner dans mes analyses n‟était pas la refiguration du texte dramatique en
virtuelle) et en spectateur-lecteur (dans son expérience filmique il doit aussi employer des
interprétation créative : 1.- Le point de vue du regard filmique, commentateur des dialogues
du texte principal du drame (chapitre IV). 2.- Les unités espace-temps qui dans le texte
original sont limitées aux dialogues, mais dans l‟adaptation filmique ont une certaine
relation avec le découpage mental réalisé par le lecteur-spectateur (chapitres III, IV). 4.- Les
points communs avec les mécanismes de la diégèse filmique chez le spectateur dramatique et
comment celle-ci fonctionne dans la lecture du texte (chapitre III). 5.- Comment les lectures
développées (chapitre V). 6.- Le point de vue du spectateur dans le « locus » (endroit) de
répercussions dans la lecture et relecture du drame (chapitres II, VI). Grâce à l‟étude des
ne sont pas limitées à la représentation théâtrale et, dans son absence, à la concrétisation des
objectivités présentes dans le texte dramatique réalisées par le lecteur, ainsi que la refiguration
des aspects indéterminés suggérés par le texte écrit. Par conséquent, on peut s‟apercevoir que
la lecture du drame ressemble à la vision d‟un film parce qu‟elle demande du récepteur
à celle du lecteur des œuvres de fictions dans ses stratégies de lecture doit faire abstraction
d‟une partie de la critique qui place le spectateur dans une catégorie inférieure à celle du
lecteur. Dans mon travail j‟ai essayé d‟établir des liens entre le lecteur dramatique et le
récepteur cinématographique, donnant moins d‟importance aux signifiés potentiels des textes
choisis et à ses respectives diégèses. C‟est autour du lecteur-spectateur que mon étude établit
développement de la vision produite par le spectateur filmique et celle créée par le lecteur de
texte)60. Ce que je voulais souligner dans ma réflexion est que la réception du texte
drame une nouvelle version-lecture, établissant un dialogue intratextuel entre les textes et
60
Cf. Marco de MARINIS, « Dramaturgy of the Spectator », The Drama Review, Vol. 31, no. 2 (Summer 1987),
p. 102.
88
texte dramatique.
réception de Wolfgang Iser. Nous analysons comment la lecture d‟un drame et aussi d‟un film
est une expérience dynamique dans un processus permanent de transformation, depuis une
constamment, selon les différentes stratégies de lecture et, comme l‟image filmique, propose
sur le récepteur un espace virtuel (présence acousmatique) grâce au hors champ et aux
recherche. Le spectateur filmique est le point d‟arrivée qui nous permet d‟établir un modèle
essaie de répondre à la prémisse suivante: Qu‟est ce que le texte me propose à moi comme
récepteur qui est commun aussi à l‟expérience de lecture des autres? 61 Notre réflexion remet
en question l‟hypothèse sur laquelle repose une conception du texte filmique qui conçoit les
images perceptuelles dominantes dans le récit comme des outils « totalitaires » car ils
éliminent les espaces vides, de façon que le spectateur ne puisse pas créer d‟images mentales,
61
Cf. Mario J. VALDES, « Introduction: Paul Ricoeur‟s Post-Structuralist Hermeneutics », A Ricoeur Reader.
Reflection and Imagination, Ed. Mario J. Valdés, Toronto: Toronto University Press, 1991, p. 28.
89
(brechtien). Si pour Iser « seeing is believing and the visual image thus renders us passive
consumers »62, quelle est l‟alternative pour un récepteur de textes dramatiques adaptés au
cinéma quand il doit confronter le monde crée dans ses lectures à l‟univers proposé par la
j‟ai essayé de montrer comment la « spectatorialité » ne peut pas remplacer la lecture (l‟une
implique l‟autre) dans une activité créative présente à partir de l‟émergence des traditions
orales. Dans celles-ci, lire est une façon de voir (images mentales), et voir est aussi une autre
A partir du deuxième chapitre j‟ai effectué l‟étude spécifique d‟un drame et sa « mise
Dans chaque drame on a trouvé des problèmes concrets à la lecture du texte écrit ou à la
vision du texte filmique. Le point de départ a été de trouver dans la tradition du théâtre
espagnol contemporain des textes représentatifs qui ont été adaptés à l‟écran. Les textes
devraient refléter d‟une manière ou d‟une autre (par leurs thèmes, personnages, action
espagnole, l‟essence des archétypes, les racines qui pourraient singulariser une culture. Le
texte de Ramón del Valle-Inclán, Luces de bohemia (Lumières de bohème), adapté au cinéma
par Miguel Angel Díez en 1985 et celui de Federico García Lorca, Bodas de sangre (Noces de
sang), adapté par Carlos Saura en 1980 (d‟après un ballet d‟Antonio Gades) ont été, dès le
début de la recherche, les points de référence de nos analyses. A partir de cela, nous avons
trouvé deux autres textes fondamentaux pour la compréhension de notre identité hispanique :
62
Cf. Robert C. HOLUB, Reception Theory. A Critical Introduction, London: Methuen, 1984, p. 105.
90
Un soñador para un pueblo (Un rêveur pour un peuple) de Antonio Buero Vallejo, adapté à
l‟écran par Josefina Molina en 1989 et Las bicicletas son para el verano (Les bicyclettes sont
pour l‟été) de Fernando Fernán Gñmez, adapté par Jaime Chavarri en 1984. Pourtant, notre
étude ne voulait pas être seulement une analyse comparative du théàtre espagnol
réception spectaculaire dans Noces de sang » (pages 50-96), commence avec Bodas de sangre
est justifié par le fait que la passion et le destin tragique du héros ont pour intérêt de dévoiler
l‟essence d‟une façon de percevoir le monde hispanique lorquien. Cela nous montre
renforce les éléments musicaux et les nuances « telluriques » du texte original, de façon que
spectateur, entre les diverses lectures d‟une version filmique qui est aussi « mise en scène »
dramatique, danse, flamenco, chant, gestualité d‟avant-garde, espace vide et jeu d‟acteurs
enrichit encore plus notre perception et notre interprétation spectaculaire. Les multiples
lecture sur l‟œuvre originale selon qu‟il ait accès aux différentes adaptations filmiques et
spectaculaires.
91
comprendre le texte de Lorca, lui aussi interprète de la tragédie originale (Nijar). Le lecteur
doit basculer entre la tragédie rurale, les différentes mises en scène, les quelques films qui ont
adapté l‟œuvre du poète andalou et leurs versions en vidéo/DVD. Dans tout cet amalgame de
proposé par un texte original qui nous renvoie au niveau de l‟imaginaire et du symbolique.
Cette dualité oblige le récepteur à réévaluer, de façon dialectique, les différents codes
sémiotiques et les indicateurs discursifs des textes disponibles pour son appréhension.
Si dans l‟œuvre du poète andalou, la passion et le sacrifice sont des éléments qui
l‟univers fictionnel et spectaculaire dans Les bicyclettes sont pour l‟été » (pages 97-140),
c‟est aussi la tragédie, mais celle d‟un peuple et non des personnages dramatiques qui est le
point de départ des analyses. Les réminiscences du drame de Cervantes, Numancia, sont
présentes dans l‟œuvre de Fernán Gómez, vue comme la micro-tragédie d‟une famille,
extérieurs. L‟étude du prologue du drame en relation avec le prologue du film nous montre
d‟autres lectures dans un film qui ne montre pas les images du conflit extérieur (le drame non
par le récit. La réflexion se focalise sur la partie initiale du film pour déterminer la notion de
92
texte dans une « mise en film » complexe et qui demande de la part du récepteur des
film (comme celui du texte dramatique) fait une référence directe au conflit dans le paradigme
de la réception entre les images mentales et les images perceptuelles, entre le lisible et le
visible: « Pablo.- Je n‟aime pas lire de romans. Moi, je préfère le cinéma. Dans les films on
voit tout. Dans les romans rien n‟est montré. Il faut tout imaginer. Luis.- Mais, c‟est comme si
on pouvait le voire »63. Dualité entre l‟imagination et l‟imaginaire, le discours des deux
spectaculaire développé dans mon analyse : celui de la lecture d‟un texte écrit et sa réception
comme texte cinématographique, mise en film du drame lu auparavant. Les premières images
du film sont fondamentales pour comprendre ce qui se passe dans l‟univers de la fiction
bande-son avec les images du prologue produit un effet de réel dans le spectateur, car nous
avons l‟impression que le bruit de mitrailleuses est plus authentique que les différents
« freezes» des images. D‟autre part, ceci produit un mécanisme de distanciation « brechtien »
qui oblige le récepteur à réaliser une coupure dans sa perception (identification, projection) du
film. Les réflexions d‟André Gaudreault dans Du littéraire au filmique64 nous aident dans
notre considération de la double fonction d‟un texte filmique-spectaculaire qui bascule entre
63
Cf. Fernando FERNAN GOMEZ, Las bicicletas son para el verano, Madrid: Espasa-Calpe, 1984, p. 47.
64
Cf. André GAUDREAULT, Du littéraire au filmique. Système du récit, Paris : Meridiens Klincksieck, 1989.
93
oblige à continuer avec la tragédie. De la collectivité –une famille, un peuple- nous rentrons
dans la chute du héros classique –Max Estrella- dans Luces de bohemia, pour parcourir
travers le personnage de Max, aidé par son « chien », Don Latino de Hispalis, dans la nuit
d‟une ville maudite, Madrid. Le grotesque (el esperpento), comme catégorie esthétique, nous
montre, grâce à nos analyses de l‟œuvre originale, une dramaturgie conçue pour sa mise en
film, selon les indications scéniques du texte dramatique, la plupart ignorées par le réalisateur
du film. De cette façon, l‟étude du drame face à sa version filmique nous montre un paradoxe.
Tandis que le drame porte de façon implicite un scénario cinématographique, le film est trop
théâtral, car il oublie le potentiel visuel de l‟œuvre littéraire, en restant trop attaché aux
dialogues. Le lecteur du texte original est un spectateur potentiel d‟une « mise en film » qui,
question de la distance dramatique par l‟emploi frénétique de premiers plans qui jamais ne
pourraient s‟adapter sur un scénario théâtral. Dans le film le changement de l‟ordre des scènes
pour donner un sens au récit place le récepteur dans un tour de force phénoménologique.
Nous analysons comment le film trahit l‟original dans sa forme et aussi dans son esprit, de
façon qu‟est nécessaire un échange de lectures entre la version filmique de Miguel Angel
Díez et le texte imaginaire (sous-texte) que le récepteur a créé pendant la lecture du drame.
D‟autre part, le texte de Valle-Inclán, dans la conception de beaucoup de scènes, fait une
référence directe à un scénario filmique (l‟emploi de gros plans pour la description grotesque
94
des personnages et des contextes) qui n‟est pas pris en considération par le réalisateur, car il
réalisateur.
pour le peuple » (pages 201-284) nous introduit dans le monde de l‟histoire officielle, dans les
Buero Vallejo nous montre clairement le dilemme de deux Espagnes qui s‟affrontent : celle
« lecteur-spectateur » doit faire un grand effort pour saisir les différents sens qu‟une « mise en
film » nous cache au travers de plusieurs voix narratives, les « flash-backs » et « flash-
forwards » proposés par l‟action du film. Le récepteur est, par projection métonymique,
comme l‟aveugle (cf. A Sophocles et son Oedipux Rex) qui annonce la résolution de l‟énigme
(la chute du héros) dans le drame de Buero Vallejo. On est envahi par la confusion d‟un film
qui nous montre le sens –les voix, la lumière- pendant que le héros commence à perdre la
« vue » objective des événements. La voix off du début du film est une présence
« acousmatique » (narrateur infradiégétique qu‟on écoute sans le voir) qui nous renvoie, tel un
miroir lacanien, à l‟imaginaire féminin, en décentrant le récit et notre appropriation des sens.
lecture suivant les indications de Christian Metz65: 1. Axe horizontal ou lecture métonymique
des connexions entre le passé et le présent de l‟action pour faire un lien direct avec la réalité
de Josefina Molina commence dans un espace onirique (les mémoires évoquées dans une
lettre envoyée par le Roi d‟Espagne à son ancien Premier Ministre) qui nous renvoie dans un
flash-back au passé par l‟intermédiaire d‟une voix off (présence acousmatique) racontant les
événements. La complexité dans la construction du récit nous trompe par rapport à l‟identité
du personnage responsable de la narration, de façon que le sens que le récepteur peut donner
au récit reste en suspense. Le film est chargé de dialogues intertextuels avec la tradition
La Nuit de Varennes d‟Ettore Scola, etc.), de manière qu‟il s‟adresse à plusieurs niveaux de
lecteurs-spectateurs, ce qui nous renvoie aux réflexions de Julia Kristeva sur les différents
L‟ordre des drames sélectionnés est imposé par des impératifs méthodologiques, mais
aussi thématiques, ce qui permet de donner une certaine continuité à notre étude et de raconter
aussi une histoire, celle du parcours « spectatoriel » d‟un lecteur qui a transformé ses
prévisions et les a modifiées selon les stratégies de réception adaptées aux textes et aux divers
65
Metz prend pour son analyse les axes proposés par Roman Jakobson dans son analyse du discours pour
effectuer après une approche lacanienne du récit filmique. Christian Metz, Le signifiant imaginaire, París:
Christian Bourgeois, 1984.
96
(pages 285-335), réalise une réflexion sur l‟impact que les nouvelles technologies et la réalité
virtuelle ont sur le théâtre contemporain et le texte écrit qui le précède (sujet plus tard
l‟objectif de mon travail a été de montrer comment l‟essentiel d‟une analyse herméneutique
commentateurs, chercheurs et lecteurs-spectateurs sur les textes choisis, mais aussi dans
l‟ensemble des adaptation dramatiques au cinéma. Mon travail a essayé de remplir un vide
dans la critique pour ce qui concerne de la réception dramatique / filmique / spectaculaire. J‟ai
essayé de montrer comment l‟existence d‟un texte cinématographique sur les drames proposés
dans ma thèse place le récepteur dans une double fonction dans la lecture : il crée des images
mentales produites dans la lecture du texte original et il établit un dialogue avec la tradition
quand il s‟agit de comparer sa vision personnelle du drame avec celle qui est proposée par la
cinématographie.
réception filmique ressemble à celle du lecteur de fiction dans les stratégies de lecture d‟une
œuvre de fiction66. Lors de la vision d‟un texte dramatique au cinéma on peut s‟apercevoir
que la perception d‟une adaptation filmique d‟un drame enrichit la lecture du texte original
66
Cf. Fco. Javier RABASSO, “Revalorizaciñn del texto cinematográfico como puesta en escena de un drama
contemporáneo desde el „punto de vista‟ del receptor”, Encuentros y desencuentros de culturas: siglos XIX y XX.
Actas del XI Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas (Irvine, California, 1992), ed. Juan
Villegas, The Regents of university of California, 1994, pp. 315-321.
97
l‟interprétation du film. Ma réflexion sur la réception filmique de textes dramatiques est aussi
une revendication dans la critique académique de l‟étude de la lecture des textes de fiction
avec l‟apport des adaptations littéraires au cinéma, et plus spécialement, des drames, car il est
dernières années, mon point de départ a été la construction du drame dans son acte de lecture.
Ainsi, la notion de l‟objectivité de l‟image mentale créée par le lecteur est-elle remise en
question car il modifie sa mise en scène virtuelle au fur et à mesure qu‟il confronte sa lecture
du texte avec d‟autres proposées par la communauté des lecteurs – interprètes du drame. Ceci
oblige le lecteur à remplir les « espaces vides » du texte secondaire67 (la mise en scène) par
une dimension virtuelle dynamique et interactive avec le monde extérieur du drame, car une
œuvre d‟art, comprise dynamiquement, est juste ce processus d‟arrangement d‟images dans la
cinématographique a le risque d‟oublier les potentialités de sens des dialogues au bénéfice des
monde) en dépit des polysémies proposées par cette multiplicité de sens qui conforme l‟esprit
des drames et des textes littéraires en général. Dans cette perspective, la lecture-vision du film
doit être une interprétation de la façon dont les éléments du drame apparaissent et des raisons
67
Cf. Wolfgang ISER, « The Reading Process », Reader-Response Criticism. From Formalism to Post-
Structuralism, Baltimore, MD: The Johns Hopkins University Press, 1980, p. 56.
68
Cf. Sergei EINSENSTEIN, The Film Sense, San Diego, CA: Harcourt Brace Jovenovich Publishers, 1942, p.
17.
98
pour lesquelles ils le font d‟une certaine façon et pas d‟une autre69. Si le film s‟adresse au
spectateur de façon explicite à travers les images, tandis que le texte littéraire fait référence au
lecteur de façon implicite à travers les mots70, la question clé est de savoir comment la mise
en film qui conserve intégralement les dialogues d‟un texte dramatique s‟adresse au lecteur-
Dans cet article, j‟anticipe quelques réflexions des adaptations choisies pour ma thèse
doctorale pour donner des réponses aux questions précédentes. Dans certains cas, le lecteur-
spectateur n‟acceptera pas un dialogue avec la version filmique à cause des redondances et
des images « imposées » par la cinématographie. Dans d‟autres cas, s‟il s‟agit du théâtre
nous nous éloignons d‟une version filmique dialoguant avec sa lecture personnelle du drame
avec celle du récepteur. Dans les adaptations des drames et des tragédies de Shakespeare, le
conflit d‟interprétations s‟ouvre à plusieurs versions effectuées non seulement par les
réalisateurs anglophones, mais aussi par les lecteurs originaires des cultures très éloignées de
celle du texte choisi71. Le lecteur-spectateur qui pourrait disposer des plusieurs versions du
drame original a le privilège de dialoguer avec les textes filmiques et ainsi de réaliser une
Ce qui est important de souligner dans cet article est la révision de l‟acte de la lecture
monde proposé par le texte, mais s‟ouvre aussi à un processus de visualisation composé par
69
Cf. Stanley CAVELL, The World Viewed. Reflections on the Ontology of Film, Cambridge, MA: Harvard
University Press, 1979, p. xii.
70
Cf. Christian METZ, L‟Enonciation impersonnelle ou le site du film, Paris : Meridiens Klinksieck, 1991, p. 36.
71
C‟est le cas, par exemple, des versions de Macbeth au Japon (Throne of Blood de Kurosawa en 1957), aux
Etats Unis (la version d‟Orson Welles en 1948) et en Europe (la version de Roman Polanski en 1971).
99
drame implique-t-elle un nouveau processus herméneutique qui place le récepteur sur un plan
inégal par rapport au lecteur du drame. Tandis que dans le cinéma on va de l‟image au
contribueront à moduler les idées, dans la lecture du texte dramatique c‟est à l‟inverse. D‟un
d‟établir un dialogue sur les significations du texte avec d‟autres lecteurs – spectateurs du
drame.
(élaboration d‟un imaginaire du texte) comme étant un aspect aussi important dans la
configuration de l‟imaginaire du lecteur. Si l‟acte d‟imaginer est conditionné par ce qui est
absent dans l‟image73, l‟image filmique peut limiter la participation imaginative du récepteur
pour concrétiser, dans sa lecture personnelle, les « objectivités représentées » par le texte.
Mon travail de recherche pour l‟obtention d‟un D.E.A. sur les nouvelles technologies,
en particulier celles qui sont en rapport avec le monde digital, m‟a permis de continuer ma
72
Cf. Aldous HUXLEY, The Art of Seeing, Seattle: Montana Books Publishers, 1942, p. 18.
73
Cf. Wolgang ISER, The Act of Reading. A Theory of Aesthetic Response, Baltimore, MD: The Johns Hopkins
University Press, 1978, p.137.
100
univers cybernétique, interactif et révolutionnaire par rapport aux médias précédents74. Mon
travail est divisé en quatre grandes parties, avec une introduction sur une phénoménologie de
la réception virtuelle, les difficultés dans son étude, quelques concepts problématiques,
réception pour le sujet virtuel „multimédia‟ ». Elle comprend trois sections. La première porte
sur la lecture, considérée comme élément central de la réflexion sur le lecteur. L‟évaluation
transformation sémantique qui s‟opère dans l‟éducation de la réception. Dans une perspective
deuxième section du chapitre, sur les stratégies de la réception, je continue à utiliser le corpus
intersubjectif qui se produit dans la pluralité des lectures effectuées par la communauté
lecture; et les différentes variantes des lecteurs-acteurs-spectateurs entre les textes littéraires,
74
Cf. Fco. Javier RABASSO, Projet de Mémoire D.E.A. – Option Hypermédia. Titre : Le lecteur-acteur-
spectateur. Dernière étape dans le paradigme de la réception. Directeur : Patrick Currant. Département de
Création et Communication Multimédia. Paris VIII – Saint-Denis, Juin 1995.
101
cinématographiques et ceux des hypermédias. Un autre aspect important de cette section est la
réflexion sur la transposition des images mentales des récepteurs en images perceptuelles, et
aussi le conflit qui se pose entre les images imposées par les nouveaux médias avec celles
créées par le récepteur. Le rôle du langage parlé, des mots écrits fait partie de cette théorie de
la vision filmique qui se rapproche de celle du récepteur des hypermédias. La section finit par
une réflexion sur l‟auteur (individuel, collectif, anonyme) du texte, l‟impression de réalité
produite par les nouveaux outils technologiques et son rapport avec la tradition
proposés par les nouveaux médias. Dans la troisième section de cette partie, je centre le débat
construction du texte virtuel-artistique », fait une réflexion sur les différents éléments de la
énonciatrices. Cette partie est divisée en trois sections. Dans la première, je fais référence à
l‟interprétation du réel en tenant compte du concept classique de mimésis selon les notions
récit raconté par les complexités de la diégèse, avec la participation de la voix off et du
montage) m‟oblige à faire référence au lecteur implicite à qui s‟adresse le texte en question.
hypermédias). La notion du méga-narrateur, proposée par André Gaudreault dans l‟étude déjà
mentionnée sur l‟adaptation des textes littéraires au cinéma, doit partir de trois grandes parties
cadre (regard de la caméra à travers les plans), et la mise en chaîne (le montage). En faisant
l‟image depuis l‟extérieur du récit (le montage comme narrateur extra diégétique) et la
combinaison rythmique, un des éléments fondamentaux pour la création d‟un style personnel
Dans la troisième section de cette partie, je fais une synthèse des dispositifs de la
diégèse filmique et des hypermédias. Comme déjà vu auparavant, le montage filmique s‟opère
aussi dans la construction de l‟imaginaire virtuel (bande d‟images et bande sonore), selon les
conventions d‟un langage cinématographique qui a évolué tout au long du XXème siècle.
C‟est à partir du montage que les images mentales du récepteur rentreront en conflit avec les
déterminant des sens potentiels des textes seront la combinaison d‟images avec un langage
analogique et/ou digitale. Il se produit ainsi une interaction dialoguée, d‟un point de vue
métaphorique, entre les différents codes qui font partie de la diégèse et les récepteurs des
textes en fonctionnement. Dans cette perspective, les autres codes sonores sont aussi
103
dynamique entre les images et les sons, le jeu du hors champ, de la zone acousmatique
continue dans cette section avec une brève référence à la poésie japonaise du haïku (déjà
traitée dans plusieurs de mes articles), comme un des outils de l‟école soviétique (Einsenstein)
un outil heuristique à prendre en compte par la réception du texte spectaculaire. Les relations
entre la bande d‟image et le son ont été aussi étudiées par la théorie filmique. Siegfried
Kracauer a essayé d‟établir une syntagmatique77 de la bande de son qui peut aider au
la notion de succession développée par Gerald Mast78 est aussi un outil important pour
comme le lecteur impose un rythme à sa lecture, selon l‟extension et le « tempo » des prises
75
Le critique français a développé cette notion dans plusieurs ouvrages : L‟Audio-vision, Paris : Nathan, 1990 ;
Le Son au cinéma, Paris : Cahiers du cinéma / Editions de l‟Etoile, 1985 ; et La Voix au cinéma, Paris : Cahiers
du cinéma / Editions de l‟Etoile, 1982.
76
La « grande syntagmatique » de Christian Metz proposée dans Essais sur la signification au cinéma (1968) est
un instrument de travail pour l‟analyse des unités de montage présentes dans l‟image filmique. C‟est à travers
toutes les variantes syntagmatiques (plans, syntagmes, scènes, séquences) que Metz essayait de déterminer si le
langage cinématographique était ou non un vrai langage, avec sa propre grammaire.
77
Cf. Siegfried KRACAUER, Theory of Film. The Redemption of Physical Reality, New York: Oxford
University Press, 1965.
78
Cf. Gerald MAST, Film, Cinéma, Movie. A Theory of Experience, Chicago: The University of Chicago Press,
1983.
104
verticale ». Elle est divisée en quatre sections. Dans la première, j‟étudie les niveaux
freudienne. En m‟appuyant dans cette section sur l‟étude de Christian Metz, Le Signifiant
Système du récit (1989), nous aide à mieux comprendre le showing (la monstration) et le
telling (la narration) à partir des notions classiques de la mimesis et de la diégesis 79. A partir
de ces deux concepts s‟effectuent les lectures des textes (littéraires, filmiques, digitaux) en
troisième partie porte sur le processus de réception. Les comparaisons de Christian Metz entre
synthèse. J‟ai essayé ici d‟établir une différence entre l‟impression et l‟illusion de réalité, et
aussi entre les deux états mentionnés en m‟appuyant sur les réflexions du penseur français :
79
Selon Gaudreault dans Du littéraire au filmique. Système du récit, il y a diégesis non mimetique (pure),
diégesis mimetique (mimesis), et la combinaison des deux, p. 70.
105
Le film de fiction est moins que le rêve (…) il repose sur des perceptions vraies que le
sujet ne saurait façonner à son gré, sur des images et des sons qui lui sont imposés du
dehors. Le rêve est comme un film qui aurait été « tourné » de bout en bout par le sujet
même du désir (…) spectateur qui en est aussi l‟auteur et a toutes raisons d‟en être
content, puisqu‟on n‟est jamais si bien servi que par soi-même80.
Un autre élément à prendre en compte est le fonctionnement de la perception par rapport à la
compréhension des textes. Pour cela, un processus de distantiation est nécessaire, ce qui
modifie notre perception et notre participation esthétique avec le monde de la fiction. Une
troisième section se centre sur le processus de la vision et de ses différentes catégories, selon
le type d‟images proposées par les textes. En partant de la Gestalt (Rudolf Arnheim) et de
l‟exploration cartésienne (façon de lire les textes, parcours de l‟œil sur les écrans ou surfaces),
j‟analyse plusieurs concepts en relation avec la réception comme la fixation sur l‟image, une
de la psycholinguistique dans la lecture des textes81. Ensuite, je mets en rapport l‟état semi-
psycholinguistique sur la morphologie des mots. La section suivante de cette partie effectue
lecture, la linéarité du texte et son rapport avec les signes, la continuité dans la réception et les
80
Cf. Christian METZ, « Le Film de fiction et son spectateur (Etude métapsychologique) », Psychanalyse et
cinéma, Communications 23, Paris : Seuil, 1975, pp. 116.
81
A l‟heure un lecteur lent pourrait déchiffrer 20.000 mots (110.000 signes), un lecteur moyen 28.000 mots
(150.000 signes) et un lecteur rapide 60.000 mots (330.000 signes).
106
mécanismes de la compréhension textuelle. Je finis cette partie avec l‟étude de la façon dont
se constitue l‟objet virtuel en relation avec le paradigme de la réception. Pour cela j‟ai recours
projection primaire et secondaire du récepteur. La notion des espaces dénotés et connotés par
les images en rapport avec les images mentales hybrides établit les bases pour faire appel à
théorie de l‟identification « spectatorielle » entre le cinéma et la réalité virtuelle qui doit partir
spatiale de la réception », divisé en trois sections. Dans la première je fais référence à une
cyberespace. Dans ce dernier j‟ai essayé d‟anticiper les effets sur la réception du « feed-
back » avec les images et d‟une sorte de « zapping » digital, le « cliquing ». Celui-ci
conditionne les habitudes du récepteur de telle façon que les conséquences sont encore
littéraires et de la peinture est nécessaire pour aller vers le spectateur postmoderne des
monde de la fiction. Je finis mon travail avec la considération d‟autres formats technologiques
82
Je voulais montrer dans mes réflexions comment le système de la réalité virtuelle propose de connaissances
aux utilisateurs des nouvelles technologies à travers un écran qui n‟est plus une surface de projection comme
dans le cinéma ou de réception comme à la télévision. L‟écran est un organe de vision qui permet à l‟opérateur
de se projeter dans un univers virtuel d‟images synthétiques parcourues selon les mouvements de la tête ; comme
s‟il s‟agissait d‟un champ de vision en rotation. Son regard, ses déplacements, sa voix sont des actions
potentielles où « le regard et la parole se substituent au geste dans leur manipulation et celui-ci prend la forme
dépouillée de la désignation. Les objets ne sont plus inertes : ils savent qu‟on leur parle ou qu‟on les regarde »,
Jean-Louis Weisseberg, « L‟Image essai, l‟image objet », Les chemins du virtuel, ed. Jean-Louis Weisseberg,
Paris : Editions du Centre Georges Pompidou, 1989, p. 55.
108
test Elyte je l‟ai réalisé en collaboration avec Carlos A. Rabassó et José R. Queiruga, directeur
comment le test Elyte est un outil indispensable pour l‟évaluation, en langue espagnole, des
succès dans la transmission communicative des messages et non pas à retenir les seuls aspects
négatifs que l‟échange pourrait faire apparaître. Les critères d‟évaluation de l‟Elyte présentent
l‟espagnol employé par l‟étudiant. Au lieu de le pénaliser sur les fautes grammaticales des
réponses aux questions posées dans le test d‟évaluation, la correction se fonde sur
d‟évoluer, grâce à l‟interaction dynamique de ses composants. Les aspects techniques que
83
Cf. Fco. Javier RABASSO (Ouvrage). En collaboration avec Carlos A. Rabassó et José R. Queiruga, Elyte.
Evaluation Lingüística y de Técnicas Empresariales. Le guide de préparation au test Elyte , Paris: Delagrave,
1997, 64 p.
109
1.- Culture Générale : histoire, philosophie, politique, sciences et arts, civisme, logique,
Union Européenne, etc. 3.- Culture juridique : droit civil, commercial, pénal, fiscal,
Chaque test comporte quatre sections à l‟intérieur desquelles plusieurs thèmes sont
abordés. Ces différentes sections sont les suivantes : I.- Compréhension écrite (descriptive et
orale sur des sujets variés : négociation commerciale, interviews de radio, entretiens
d‟embauche… A côté du contexte professionnel thématique, cette partie du test apporte une
L‟Elyte, ainsi que le Widaf (Deutsch als Fremdsprache in der Wirtschaft) et le Clip (il
test di Conoscenze della Lingua Italiana a uso Profesionale), sont realisés par les Chambres de
Mon travail sur la formation transculturelle des cadres a essayé de montrer aux
collègues des différents départements de langues des écoles de commerce et des universités
ouvert d‟esprit, avec des discours alternatifs, complémentaires et/ou contradictoires au sein
des écoles84. L‟existence des départements d‟études culturelles pour les « élites de
l‟éducation » en France (business schools) est encore assez rare dans le milieu professionnel
la culture fait partie des séminaires offerts par les divers départements de gestion. Elle est au
service d‟un mode d‟emploi pratique des institutions. Le manque d‟embauche d‟enseignants
permanents en sciences sociales et sciences humaines rend plus difficile encore ce projet
humaniste, plus nécessaire que jamais dans un monde globalisé hétérogène et multiple.
Je veux souligner dans mon travail comment la place de l‟enseignement dans les
institutions traditionnelles, dont les écoles de commerce, vit aujourd‟hui une métamorphose
une subjectivation des savoirs dans nos compagnies « savantes » avec une profonde
transformation des rôles. Les enseignants deviennent des « coaches », capables de dynamiser
produit dans un temps bergsonien, une « durée » cybernétique qui se construit dans un temps
84
Cf. Fco. Javier RABASSO, “La Transversalité des études culturelles pour la formation des cadres”, Actes du
33ème Congres de l‟UPLEGESS, Toulouse juin 2005, pp. 5-25.
85
Par contre, en Angleterre, des institutions comme le London School of Economics offre des études en Sciences
Humaines et Sciences Sociales de très haut niveau aux étudiants du monde des affaires.
111
accéléré où les instruments de navigation ne sont plus les statistiques et les probabilités, mais
les arbres de connaissances86. Même si les systèmes informatiques peuvent nous aider à
mieux construire cet ensemble de savoirs, l‟idée de base de ce nouvel enseignement est de
univers ouvert aux échanges. Ainsi, une « cosmopédie »87 des enseignements culturels dans
nos écoles de commerce en France pourrait-elle, par exemple, nous aider à mieux connaître la
situation actuelle de nos départements et les besoins afin de mieux réagir à la demande.
C‟est ainsi que notre vision de l‟apprentissage interculturel est de créer de meilleurs
Un discours alternatif, humaniste, d‟enseignement pourrait nous aider à nous libérer des
contraintes totalitaires de notre environnement technologique des marques, pour mieux gérer
Eduquer pour une société de consommation revient à former des consommateurs (…)
La survie d‟une société dans laquelle les technocraties peuvent constamment redéfinir
le bonheur de l‟homme, assimilé à la consommation des produits les plus récents,
dépend des institutions éducatives (depuis les écoles jusqu‟aux agences publicitaires)
qui transforment l‟éducation en un moyen de contrôle social88.
Ce projet idéaliste, presque utopique, de formation interculturelle critique des nouveaux
cadres demande aussi une nouvelle formation des enseignants. Face aux spécialistes
linguistiques et aux formateurs en langues étrangères, nos institutions ont besoin de gens de
lettres, capables de mettre en rapport l‟apprentissage des langues et/ou des cultures avec les
contextes géopolitiques et les visions du monde (valeurs, croyances, espoirs) dans leur
86
Ce nouveau système, développé entre autres par Michel Authier et Pierre Lévy en 1993 en France,
particularise les pédagogies et « implique un découpage entre le système de formation et le système de
reconnaissance et d‟évaluation », Les Arbres de connaissances, Paris : La Découverte, 1993, p. 128.
87
Ce néologisme a été créé par Michel Authier et Pierre Lévy. Il fait référence à un nouveau type d‟organisation
des savoirs avec l‟aide de l‟informatique pour la représentation et la gestion dynamique des connaissances.
88
Ivan ILLICH, Une Société sans école, trad. Gérard Durand, Paris : Editions du Seuil, 1971, p. 208.
112
diversité transculturelle. J‟ai voulu souligner dans cet article comment nos départements
culturels devaient être capables de s‟ouvrir davantage à l‟embauche des enseignants étrangers,
avec des origines ethniques, religieuses, politiques et idéologiques hétérogènes. Les outils
d‟apprentissage doivent s‟adapter à l‟esprit des langues et des cultures, non à l‟inverse. Le
point central de mon travail était de faire voir comment la tâche de l‟enseignement
« transversal » est de montrer aux étudiants les spécificités de chaque culture et les différences
par rapport aux autres. Pour cela, il faudra “déconstruire” le langage des affaires et les
contextes explicites et implicites des cultures, pour mener vers l‟interculturel et la négociation
culturelles, car ils auront comme activité primordiale d‟enseigner aux étudiants à “déchiffrer”
l‟ensemble des niveaux culturels étudiés par rapport aux contextes géopolitiques pour arriver
à communiquer avec l‟autre, issu d‟une culture différente, et dans un environnement ouvert au
dialogue. Ce travail se veut aussi un manifeste pour un nouvel humanisme dans un monde
laisser le rôle de la culture, dans les “business schools”, aux mains des technocrates et des
spécialistes en sciences de gestion. Cela risque de créer dans notre environnement des
perspectives des différents domaines examineront aussi les relations entre la culture et le
pouvoir. Pour cela, j‟ai essayé dans mon travail de revaloriser le rôle des humanistes, capables
de créer une épistémologie de la mémoire pour donner la conscience, chez les nouvelles
l‟éducation, mon travail sur Chomsky et l‟éducation fait en collaboration avec Carlos A.
Rabassó, commence par une présentation des nouveaux PRME –Principles for Responsible
qui se sont impliquées dans la mise en œuvre des PRME dans un environnement économique
article j‟ai essayé d‟argumenter pour évaluer comment l‟éducation des futurs directeurs
d‟activités en tant que « managers transculturels » devrait suivre aussi les principes du Pacte
Mondial de l‟ONU, ainsi que les idées de Chomsky sur les théories de l‟éducation. Nous
comparons celles-ci dans la deuxième partie avec les penseurs postmodernes, les écrivains
Dans mon article, j‟ai mis an avant trois concepts vitaux pour l‟approche de Chomsky
89
Cf. .Fco. Javier RABASSO . En collaboration avec Carlos A. Rabassó, « Un approche „Chomskyenne‟ critique
et responsable de la formation au management responsable dans les milieux des affaires transculturels et
technologiques », ouvrage collectif, Une perspective critique du management, Presses Universitaires de Laval,
Canada (Sous presse. Sortie prévue en octobre 2009).
114
entreprises. Un des objectifs de ce travail était de réintégrer des points de vue politiques,
sociaux et éthiques dans le management. Pour cela, nous avons fait des liens avec les
technocultures américaines apparues en Californie à la fin des années 50 (les beatniks, les
hippies, les cyberpunks) pour établir les structures et le plan philosophique d‟une « vision
management doit ainsi encourager les participants (enseignants et étudiants) à établir des
sur le reste des activités humaines à la fin du XXème siècle est un cri d‟alarme sur les
stratégies de propagande que les nouveaux outils de communication ont développées pour
anéantir l‟esprit critique des citoyens. C‟est pour cela que, depuis la fin des années soixante,
La meilleure chose qu‟une université puisse faire pour une société libre c‟est de
conserver son indépendance en tant qu‟institution engagée dans le libre-échange des
idées, dans l‟analyse critique, l‟expérimentation, l‟exploration d‟une vaste gamme
d‟idées et de valeurs, mais aussi dans l‟étude des conséquences en termes de valeurs
elles-mêmes sujettes à un examen minutieux90.
Par contre, l‟analyse de notre environnement économique global des vingt dernières années,
selon la pratique standard dans les entreprises transnationales qui « gouvernent » le monde,
montre une tendance contraire de fonctionnement des élites qui s‟éloigne de la démocratie et
90
Noam CHOMSKY, « The responsibility of a university community », Otero, J.P., ed., Chomsky on Democracy
& Education, New York: Routledge Falmer, 2003, p. 278.
115
de Chomsky sur la pensée anarchique et de sa vision humaniste de l‟éducation. Ceci peut nous
aider à démanteler et à défier les points de vue ethnocentriques de nos institutions éducatives
d‟enseignement supérieur au management. Dans la deuxième partie du travail, nous avons fait
l‟endoctrinement. C‟est à partir de ceux-ci que le « capital symbolique »91 de nos universités
et des écoles de commerce (« business schools ») n‟est pris en compte que lorsqu‟il sert les
intérêts spécifiques du monde des affaires. Dans ce contexte, nous analysons comment
travail en tant que personnel d‟enseignement dans des structures où la culture n‟a été jusqu‟ici
que du divertissement.
Nous avons considéré fondamental le besoin des institutions éducatives des élites
horizons géopolitiques pour créer des liens entre les disciplines et les domaines de
spécialisation et pour s‟ouvrir à une nouvelle nature, transculturelle, des entreprises. Dans le
de la population avec un rôle à jouer dans le processus de prise de décisions), nos réflexions
nous mènent au parler du système endogamique dans l‟éducation des élites avec de nouvelles
91
Le capital symbolique est une forme de pouvoir qui n‟est pas perçue comme pouvoir, mais comme des
exigences légitimes de reconnaissance, de déférence, d‟obéissance ou comme le service à autri… (…) Par capital
symbolique, Pierre Bourdieu entend « une sorte d‟avance », accordée par les dominés aux dominants tant que les
dominés considèrent qu‟il est dans leur intérêt d‟accorder de la reconnaissance et de la légitimation aux
dominants, Dennis SWARTZ, Culture and Power. The Sociology of Pierre Bourdieu, Chicago: The University
of Chicago Press, 1997, pp. 90-92.
116
postmoderne comme l‟alternative dans un monde plus engagé avec la différence, l‟égalité des
transversale et interdisciplinaire que l‟imprimerie, la culture livresque, avait ignoré malgré ses
management.
L‟article finit sur une note d‟espoir car les nouvelles générations (de la génération Y à
entrepreneurs, croit et comprend mieux que les générations précédentes les nouveaux modèles
harmonie avec la Nature. Basées sur la théorie des systèmes et sur une pensée critique, elles
dans un environnement des affaires technologique, auquel l‟avidité et les intérêts personnels
ont porté un grave préjudice ces dernières années. Un nouveau « contrat social » paraît se
dessiner aujourd‟hui dans une globalisation avec un visage plus humain et avec un besoin
diversité culturelle dans le monde et ses défis dans une globalisation chargée de tensions et de
méconnaissances par rapport aux différences entre les civilisations 92. Ce texte est sorti juste
après les événements du 11 septembre 2001 à New York dans le World Trade Center. La
publication de ce livre fut une des premières confessions de quelqu‟un qui avait fait partie de
l‟islamisme radical. Comme Mohammed Atta, la tête pensante des pilotes kamikazes des
actes terroristes dans les Tours Jumelles, al-Berry est né dans une famille bourgeoise pour
rentrer assez jeune dans une organisation qui préconisait le yihad (la guerre sainte). Nous
libre dans une Europe métisse, nous offre dans ses confessions plus qu‟un document. Son
organisation islamiste qui prône la lutte armée. Dans son récit, l‟écrivain nous découvre
l‟islamisme de l‟intérieur, un monde fermé, exclusif, masculin, où « les autres », les laïcs, les
gens de gauche, les chrétiens, les femmes sont exclus. Al-Berry démonte le système islamiste
avec un langage simple, direct, journalistique. Il raconte sa vie dans l‟autre monde, la
92
Cf. Fco. Javier RABASSO. Traduction : (Ouvrage). Traduit en collaboration avec Carlos A. Rabassó, La
Terre est plus belle que le Paradis, de Khaled al-Berry, Paris : Lattés, 2001. Titre en espagnol: Confesiones de
un loco de Alá, Madrid: La Esfera de los Libros, 2002, 173 p.
118
militants. Dans la tradition des écrivains qui se sont exprimés sur la pensée islamique comme
Hasan al-Banna, fondateur des Frères Musulmans, Salah Mohsen, libre penseur (les deux
auteurs censurés en Egypte), Ayman al-Zawáhiri (tête pensante de al-Qaeda), l‟œuvre de al-
Berry est une leçon de tolérance et une révélation sur la doctrine interne des sectes, le
radicaux de l‟Islam.
au centre de l‟intégrisme pour structurer le récit. Ici, al-Berry s‟inscrit dans la ligne de l‟œuvre
de fiction des grands écrivains égyptiens comme le prix Nobel Naguib Mahfuz et Tawkik al-
Hakim. La traduction en français a essayé d‟être fidèle à l‟original, en respectant les vers du
Coran dans la version traduite par Masson chez Gallimard et les maximes du Prophète. Notre
traduction a gardé l‟esprit d‟un style ouvert à la spéculation et l‟introspection. Nous avons
respecté les termes arabes en les simplifiant pour que le lecteur puisse comprendre l‟ensemble
de la terminologie employée. Nous avons accepté ce travail car il n‟était pas une offense à
l‟Islam au monde arabe, mais plutôt une approche critique et originale d‟un écrivain venu de
et transversale sur la question de l‟identité hispanique à partir de cette notion canadienne sur
119
développée par Marshall McLuhan dans les années soixante et aujourd‟hui converti en
Prix Nobel de Littérature en 1991. Dans sa pensée, le poète mexicain lève la voix des
intellectuels face aux discours technocratiques et macroéconomiques d‟une société qui, dans
la dernière décennie du XXème siècle, avançait vers un libéralisme libertaire qui était en train
d‟oublier l‟homme et les conquêtes sociales des sociétés avancées pendant plus de deux
cultures latines, son projet de société avec des modèles culturels critiques et libérateurs
(l‟Siècles des Lumières, les encyclopédistes) des hommes face aux différents types de
universaliste (modèle français de civilisation) face aux modèles « particularistes », locaux, des
cultures en Amérique latine et en Afrique. J‟ai voulu mettre en avant la façon dont, dans ces
deux continents, ce qui a dominé pendant des siècles, ce sont des systèmes de cohabitation
93
Cf. Fco. Javier RABASSO, « El multiculturalismo hispano frente a los mundos virtuales y la aldea global »,
Actas del XIII Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas, New York: Graduate Center City
University of New York, July 2004, pp. 409-416.
120
La question que se pose Octavio Paz sur l‟origine des peuples en Amérique, « ¿Somos
o no somos europeos? ¿Qué somos entonces? »94, ouvre le débat sur la notion de l‟identité
hispanique à la fin du deuxième millénaire. Cette question est aussi un défi du poète pour que
les peuples de l‟Amérique latine prennent conscience de la différence de culture (concept clé
dans la théorie postcoloniale des dernières années), et puissent envisager l‟avenir avec une
vision d‟ensemble, unitaire du continent latino-américain. J‟ai souligné comment pour cette
prise de conscience, Paz suggère une philosophie du présent ancré dans l‟expérience poétique
cela face à une Modernité qui nous trompe avec l‟avenir et le progrès, la raison et une
codes culturels déterminée par la culture des marques (le « branding »). Ainsi nous le montrait
Octavio Paz dans son texte fondamental sur la place de l‟homme dans notre société
contemporaine:
Los hombres modernos, incapaces de consciencia, nacidos en una sociedad que nos
hace naturalmente artificiales y que nos ha despojado de nuestra substancia humana
para convertirnos en mercancías, buscamos en vano al hombre perdido, al hombre
inocente. Todas las tentativas de nuestra cultura, desde fines del siglo XVIII, se
dirigen a recobrarlo, a soñarlo95.
Dans cette Modernité d‟un avenir jamais présent, j‟ai fait référence à la tradition de la
culture technologique pour trouver aussi des liens entre les deux mondes apparemment
antagoniques, celui des « terres natales » des cultures locales et celui des « espaces virtuels »
cybernétiques et interactifs. Un des points communs entre les deux est l‟indétermination et
94
Octavio PAZ, “La búsqueda del presente”, Revista Canadiense de Estudios Hispánicos, Volúmen XVI, No. 3
Primavera 1992, p. 385.
95
Ibidem, El laberinto de la soledad, Ed. Enrico Mario Santí, Madrid: Cátedra, 1995, p. 35.
121
nouveau l‟homme émotionnel face à une Nature encore vivante et en réconciliation. L‟homme
euclidienne. Comme je l‟ai montré avec quelques extraits de la pensée de McLuhan, l‟homme
A partir des réflexions de Pierre Lévy dans L‟Intelligence collective (1994), je voulais
hispaniques des formes originales dans des labyrinthes conceptuels où se mêlent les héros, les
légendes, les dieux, la Nature et les archétypes dans des relations cosmiques et toute une
hispanoaméricaine un des récits de Borges, « El jardin de los senderos que se bifurcan », dans
Ficciones, proposition d‟un modèle hypertextuel d‟un univers infini, dans une temporalité
cyclique, cosmopolite et chargée d‟ubiquité 97. Mise en abîme ou boîte chinoise ludique aussi
présente dans la construction de sens pour le lecteur dans Marelle de Julio Cortázar.
96
Cf. Pierre LEVY, L‟intelligence collective. Pour une anthropologie du cyberespace, Paris : La Découverte,
1994, p. 151-152.
97
Le narrateur-personnage du récit nous décrit cet univers polyphonique : “Pensé en un laberinto de laberintos,
en un sinuoso laberinto creciente que abarcara el pasado y el porvenir y que implicara de algún modo los astros.
Me sentì por un tiempo indeterminado, percibidor abstracto del mundo” dans “El jardìn de los senderos que se
bifurcan”, Ficciones, Madrid: Alianza Editorial, 2001, p. 107.
122
Dans un livre publié en France en septembre 2007, j‟ai tenté d‟examiner les rapports
recherche de solutions et alternatives dans une société, la nôtre, en crise d‟identité culturelle.
C‟est pour cela qu‟une approche transculturelle et interdisciplinaire est nécessaire pour
interculturel est orientée vers une approche critique du management traditionnel. Dans cette
prendre en considération plusieurs éléments inhérents aux réalités de chaque civilisation tels
que la fierté nationale, les différences ethniques, les modèles familiaux, les systèmes de
Cet ouvrage est composé de quatre parties. Le chapitre 1 traite des cultures et identités
(rédigé par Javier Rabassó). Le chapitre 2 examine les différents modèles de management
(rédigé par Carlos Rabassó). Le chapitre 3 porte sur les compétences interculturelles au sein
de l‟entreprise (rédigé par Carlos Rabassó) et, enfin, le chapitre 4 analyse la gestion de la
98
Cf. Fco. Javier RABASSO (Ouvrage). En collaboration avec Carlos A. Rabassó, Introduction au management
interculturel. Pour une gestion de la diversité, Paris : Ellipses, 2007, 201 p.
123
l‟individu dans différents contextes culturels au fil de l‟histoire. Pour cela, je prends en
considération l‟histoire des idées sur le concept de culture et le débat du XIXème siècle sur
« Civilisation et Barbarie » initié en Amérique du Sud et ensuite développé par des penseurs
l‟accent sur ceux qui se réfèrent aux concepts de métissage et « négritude ». Dans la seconde
partie de cette section, je rappelle les concepts de base essentiels à la compréhension de notre
travail : les notions de culture, de société, race, civilisation et nation. La troisième partie de
cette section première du chapitre 1 aborde l‟apparition des cultures corporatives avant la
naissance de l‟Etat-nation.
de Geert Hofstede99. J‟effectue une synthèse des cinq dimensions des différences culturelles
terme face à l‟orientation à court terme. Dans la section suivante, je présente de façon critique
les réflexions de Fons Trompenaars et de Charles Hampden-Turner sur les sept dimensions de
the Waves of Culture100. Selon les deux auteurs, ces dimensions font référence aux relations
avec les personnes, au temps qui passe et au contexte. Dans la première catégorie, j‟évoque
99
Cf. Geert HOFSTEEDE, Culture‟s Consequences, 2nd Ed., London : Sage Publications, 2001.
100
Cf. Fons TROMPENAARS et Charles HAMPDEN-TURNER, Riding the Waves of Culture, London:
Nicholas Brealey Publishing, 1999.
124
mangement tels que Deal et Kennedy sur les quatre types de cultures organisationnelles 101;
Charles Handy sur les différents types de culture en relation avec les structures des
organisations102; la toile d‟araignée culturelle de G. Johnson103; une brève synthèse sur les
organisations et les différents types de leadership105; les propositions de Nancy J. Adler sur
l‟impact de la culture sur les organisations 106; la vision de Richard D. Lewis sur l‟importance
verbale interculturelle. Le chapitre finit avec la proxémique d‟Edward T. Hall qui examine les
101
Cf. Thomas E. DEAL et Arthur KENNEDY, A Corporate Culture. The Rites and Rituals of Corporate Life,
London: Penguin Books, 1982.
102
Cf. Charles B. HANDY, Understanding Organisations, 3rd Ed., London: Penguin Books, 1985.
103
Cf. Glenn JOHNSON, « Rethinking Incrementalism », Strategic Management Journal, vol. 9, pp. 75-91.
104
Cf. Peter DRUCKER, Managing in the Next Society, London: St. Martin‟s Press, 2002.
105
Cf. John MOLE, Mind Your Manners, Managing Business Cultures in Europe, London: Nicholas Brealey
Publishing, 1998.
106
Cf. Nancy J. ADLER, International Dimensions of Organizational Behavior, 3rd Ed., London: Wadsworth
Inc., 1996.
107
Cf; Richard D. LEWIS, When Cultures Collide – Managing Successfully Across Cultures, London: Nicholas
Brealey Publishing, 1996.
108
Cf. Nigel J. HOLDEN, Cross Cultural Management. A Knowledge Management Perspective, New York:
Prentice Hall, 2002.
125
différences culturelles en classant les cultures de haut contexte face à celles de contexte faible.
J‟examine également les notions de Hall sur l‟espace personnel et la distance (la proxémique)
communication interculturelle109.
le musulman, l‟africain et le slave. Nous avons estimé que ce livre devait comporter une partie
sur le management comparatif afin d‟avoir une vision plus large des différents systèmes allant
au-delà des pratiques occidentales. Nous nous sommes limités aux sept grands groupes qui
caractérisent actuellement le monde des affaires tout en rappelant que ces derniers comportent
des sous-modèles. Nous verrons comment face au modèle anglo-saxon, caractérisé par la
rôle de l‟Etat, les valeurs du groupe et la tradition ont un poids important. Ainsi le modèle
latin nous permet-il de dépasser l‟approche prônée par l‟éthique protestante et de mettre en
exergue la tradition judéo-chrétienne et gréco-latine qui est à l‟origine d‟une manière d‟être et
de faire dans laquelle l‟art et la connaissance ne constituent pas exclusivement une monnaie
Chine, le Japon et la Corée. Malgré l‟existence de divers points communs, à commencer par
le Confucianisme, chaque pays a ses caractéristiques. Nous trouvons des systèmes composés
109
Tous les concepts mentionnés d‟Edward T. Hall se trouvent dans plusieurs ouvrages : The Silent Language,
New York : Anchor Books, 1992 ; La Danse de la vie. Temps culturel, temps vécu, trad. Anne-Lisse Hacker,
Paris : Seuil, 1984 ; Beyond Culture, New York : Anchor Press, 1976 ; et La Dimension cachée, trad. Amélie
Petita, Paris : Seuil, 1971.
110
Cf. F. Guille MAURO, Models of Management – Work, Authority and Organization in a Comparative
Perspective, Chicago: The University of Chicago Press, 1994.
111
Cf. Richard HILL, We Europeans, Brussels: Richard Hill, 1997.
126
de grands groupes comme les kereitsus et les zaibatsus japonais112 ou les chaebols coréens113.
L‟étude d‟éléments clés comme le guanxi, la jia ou la philosophie de Sun Tzu114, nous aide à
mieux comprendre le modèle chinois, également caractérisé par le rôle des CFB ou Chinese
Ensuite, le modèle indien nous présente un système marqué par les stratifications
sociales, les castes et une identité familiale qui influence le monde social et économique 116.
L‟hindouisme est le fil conducteur d‟un système composé de divers modèles coexistant.
L‟étude de cinq formes de sociétés et de quatre principales castes nous montre l‟importance
de la tradition et l‟ancêtre dans le destin de leurs membres. Outre l‟ordre hiérarchique, nous
qui respectent les valeurs spirituelles dominées par la loi du Dharma ou loi du Cosmos. Le
modèle musulman, également dénommé Islamic Managament est caractérisé par le rôle de la
sharia ou loi islamique117. Nous verrons comment cette idéologie et système de croyances
112
Cf. Arthur M. WHITEHILL, Japanese Management Tradition, New York: Routledge, 1991.
113
Cf. Tamio HATTORI, « Japanese „Zaibatsu‟ and Korean „Chaebol‟ » dans Kae H., Chung, Hak Chong Lee
(eds), Korean Managerial Dynamics, New York: Preager, 1989, pp. 79-98.
114
Cf. Sun TZU, L‟Art de la guerre, Paris : Flammarion, 1972.
115
Cf. Yuan-LI Wu et Wu CHUN-HSI, Economic Development in Southeast Asia: The Chinese Dimension,
Stanford : Hoover Institution Press, 1980.
116
Cf. Herbert DAVIS, Chatterjee SAMIR et Heuer MARK, eds, Management in India – Trends and Transition,
New Delhi: Response Books, 2006.
117
Cf. Marvin RODINSON, Islam and Capitalism, London: Allen Lane, 1974.
127
musulmane et l‟influence des préceptes coraniques dans le cadre des transactions nous aident
s‟avère être un de plus complexes quant à son fonctionnement en raison de la grande diversité
africain dénommé African Renaissance; Nous tenons compte aussi de la présence de l‟Islam,
sorciers, des marabouts et des griots ainsi que des pratiques multi-linguistes qui font de ce
postcommuniste. Le rôle protecteur de l‟Etat, le lien étroit entre économie et politique, les
marchés officiels dans les anciens régimes communistes, débouchent sur de nouvelles valeurs
économies ont évolué vers des systèmes où l‟expertise et l‟innovation supplantent les
118
Cf. Ali SYED, The Spirit of Islam, London: Chatto & Winds, 1964.
119
Cf. Kessy ZADI, Culture africaine et gestion de l‟entreprise moderne, Abidjan : Editions CEDA, 1998.
120
Cf. Thomas JACKSON, Management and Change in Africa (A cross-cultural perspective), London:
Routledge, 2004.
121
Cf. Slovan DRAKULIC, How We Survived Communism And Even Laughed, London: Vintage, 1993.
128
fonctionnement favorisent l‟émergence d‟un management inédit dans lequel les minorités
multi/interculturel dans les grands écoles. b. La transversalité des études culturelles pour la
dans le cadre des compétences professionnelles, en offrant une vision globale de celles-ci et
leur lien avec le contexte où elles évoluent. L‟étude des différents facteurs de la compétence
interculturelle et des trois niveaux qui la composent : émotif, cognitif et comportemental, nous
Dans la deuxième sous-partie, nous nous concentrons sur les éléments caractéristiques
interculturelles. Les freins, les obstacles, l‟anxiété et l‟incertitude seront les difficultés que
nous devrons surmonter en vue d‟une adaptation transculturelle idéale. Nous faisons référence
à la théorie de l‟adaptation transculturelle développée par Young Yun Kim aux Etats-Unis
122
Cf. Vincent EDWARDS, G. POLONSKY et A. POLONSKY, The Russian Province after Communism.
Entreprise, Continuity and Change, Basingstoke and London: Macmillan, 2000.
123
Cf. Gianni DI FRANCESCO, Competenze trasversali e comportamento organizzativo. Le abilità per il lavoro
che cambia, Milano : Franco Angeli, 1992.
129
dans ses enseignements et ses recherches à l‟Université d‟Oklahoma124. Pour cela, nous
des aptitudes interculturelles et à l‟adaptabilité nécessaire qui nous permettent d‟atteindre une
interculturelle126.
un modèle de formation adapté aux écoles de commerce et aux universités publiques car elles
fonctions d‟enseignement (Carlos Rabassó à l‟ESC Rouen et moi dans l‟UFR de Lettres et
Abdallah-Pretceille affirmaient :
Alors que jusqu‟à présent on passait des langues aux civilisations puis aux cultures, on
assiste actuellement à un développement des études culturelles en dehors des pratiques
linguistiques. La multiplication puis la banalisation des rencontres internationales
opèrent un décalage entre l‟altérité culturelle au bénéfice de cette dernière. Si le
plurilinguisme se développe et est amené à se développer, l‟expérience culturelle sera,
elle, toujours plus riche et plus large127.
124
Cf. Young YUN KIM, Becoming Intercultural. An Integrative Theory of Communication and Cross-Cultural
Adaptation, London: Sage Publications, 2001.
125
Cf. John BROCKMAN, The Third Culture: Beyond the Scientific Revolution. New York: Simon & Schuster,
1995.
126
Pour Homi K. Bhabha il s‟agit d‟un espace-clivé qui ouvre « éventuellement la voie à la conceptualisation
d‟une culture internationale, fondée non pas sur l‟exotisme du multiculturalisme ou la diversité des cultures,
mais sur l‟inscription et l‟articulation de l‟hybridité de la culture », dans Les lieux de la culture. Une théorie
postcoloniale, trad. Françoise Bouillot, Paris : Payot, 2007.
127
Cf. Mousthafa ABDALLAH-PRETCEILLE, L‟Education Interculturelle, Paris : PUF, 1999.
130
Des termes comme ceux de diagnostic multi/interculturel, définition des objectifs, parcours
modèle idéal de formation interculturelle. Cette sous-partie se termine par la présentation d‟un
modèle d‟apprentissage transversal très utilisé dans les départements d‟études culturelles
transdisciplinaire due à l‟incorporation des sciences sociales et des sciences humaines dans la
de mesure qualitatif et quantitatif des compétences interculturelles. Nous avons adapté les
critères au système utilisé par le Conseil de l‟Europe et le CECR (Cadre Européen Commun
de Référence) dans son système de mesure des compétences linguistiques par le biais de six
des compétences interculturelles est de mettre en évidence les éléments relatifs aux individus
culturelle. Dans la seconde partie de cet ultime chapitre, nous suggérons une réflexion sur le
d‟un modèle culturel, économique et social (anglo-saxon). Nous voyons également, dans
quelle mesure les technologies et les « hypermédias » sont apparus au détriment de la gestion
de la connaissance et des savoirs ancestraux. Face aux nouveaux paradigmes imposés par la
rapidité, les anciens systèmes et une certaine dissidence altermondialiste préconisent d‟autres
culturelle faisant face aux nouveaux totalitarismes 128. Les identités hybrides et le nouveau
Ensuite, nous faisons référence au thème de la diversité dans le contexte d‟une société
française en crise d‟identité nationale, face à l‟émergence de diasporas culturelles établies sur
son territoire et à l‟augmentation de l‟immigration dans une Europe moins homogène du point
de vue culturel et religieux. Les défis des entreprises et institutions confrontées à la diversité
128
Rédigée en français, anglais, espagnol, arabe, et chinois, cette Déclaration de l‟UNESCO, signée au
lendemain des événements du 11 septembre 2001 par son directeur général, Koïchiro Matsuura, érige la diversité
culturelle au rang de « patrimoine commun de l‟humanité », aussi nécessaire pour le monde que pour la
biodiversité. Sa défense est un impératif éthique inséparable de la dignité des personnes. Dans son préambule,
elle affirme que la culture doit être considérée comme l‟ensemble des traits distinctifs spirituels et matériels,
intellectuels et affectifs des sociétés et qu‟elle englobe les arts, les lettres, les modes de vie, les façons de vivre
ensemble, les systèmes de valeurs, les traditions et les croyances.
132
intégrée dans les normes de nombreuses organisations. Dans une perspective plus globale, le
Ce livre s‟achève par un chapitre dont le but est d‟éveiller la conscience du lecteur sur
les dangers qui nous guettent et la manière de les affronter avec un esprit critique et créatif. Le
concept de l‟Ethnosphère alerte une humanité qui perd progressivement ses richesses et sa
Pensée Postcoloniale, celui de la diversité technologique face à un monde émerveillé par les
nouveaux outils interactifs. Un espace virtuel émergent (le cyberespace) anticipe également la
d‟une humanité technologique, polluante et amnésique par rapport aux référents spirituels 132.
129
La Charte de la Diversité dans l‟Entreprise est sortie après la publication par l‟Institut Montaigne du rapport
de Yazib Sabeg et Laurence Méhaigneire sur Les oubliés de l‟égalité des chances, à Paris en 2004. Plus de 1700
entreprises ont signé la Charte de la diversité à ce jour et se sont ainsi engagées à promouvoir la diversité,
notamment culturelle et ethnique en France.
130
Le Pacte Mondial est une initiative lancée en 1999 au Forum économique mondial de Davos, en Suisse, par
l‟ancien Secrétaire général, Kofi Annan. Ce pacte invite les entreprises et institutions à adopter, soutenir et
appliquer dans leur sphère d‟influence un ensemble de 10 valeurs fondamentales dans les domaines des droits de
l‟homme, des normes du travail, de l‟environnement et de la lutte contre la corruption. La phase opérationnelle
du Pacte a été lancée au Siège de l‟ONU à New York, le 26 juillet 2000.
131
Cf. Paul VIRILIO, La bombe informatique, Paris : Galilée, 1998.
132
Ces idées sont développées dans mon prochain livre, sortie prévue pour 2010, en collaboration avec Carlos A.
Rabassó, sur la Consommation responsable, adolescence et diversité, Paris : EMS (Management & Société),
2010.
133
Aussi, nous revendiquons la nécessité d‟un nouvel humanisme inhérent au code génétique des
fera office de conscience collective d‟une planète spirituellement malade dont la seule survie
particulièrement car son travail est une approche critique de la vision du monde proposé par
assez originale, part de la théorie postcoloniale pour effectuer ses analyses, à partir des écrits
de l‟anthropologiste d‟origine indienne Arjun Appadurai (à laquelle nous nous référons aussi
dans nos recherches), et des notions comme le relativisme culturel en rapport aux questions
identitaires. De cette façon, il se produit un conflit, selon Pesqueux, entre les intérêts des
entreprises et des managers et ceux des collectivités, des cultures locales et des individus qui
communauté des affaires aux sujets en rapport avec différents modèles culturels de gestion
pour remettre en question des systèmes de standardisation de la pensée et d‟un métier qui doit
s‟ouvrir à la diversité et la critique. Dans une autre « book review » j‟ai aussi effectué une
synthèse134 de mon livre publié en 2007 en France pour montrer aux étudiants et à la
133
Cf. Fco. Javier RABASSO, “Book review”, en collaboration avec Carlos A. Rabassñ, “L‟Entreprise
multiculturelle (The multicultural enterprise) de Yvon Pesqueux (Paris: L‟Harmattan, 2004), Society and
Business Review, Vol. 3, No. 3, 2008, pp. 261-263.
134
Cf. Fco. Javier RABASSO ,“Book review”, en collaboration avec Carlos A. Rabassñ, « Introduction au
Management Interculturel. Pour une Gestion de la Diversité » de Carlos A. Rabassó et Fco. Javier Rabassó
(Paris: Ellipses, 2007), Society and Business Review, Vol. 3, 2008, No. 1, pp. 94-97.
134
Depuis quelques années, je travaille à la publication d‟un ouvrage avec mon frère
point de départ de ce livre est la Generation Y, qui désigne les personnes nées entre la fin des
années 1970 et le milieu des années 1990135. D‟autres termes équivalents existent comme la
net génération ou les « enfants du millénaire ». Notre recherche centre le débat sur leur
responsabilité globale, selon les principes du Pacte Mondial des Nations Unies.
Le premier chapitre essaie d‟établir les bases sur la prise de conscience des individus
cela la notion de citoyenneté est mise en relation avec celle d‟adolescence et d‟engagement,
ainsi qu‟avec les principes du commerce équitable ou solidaire et l‟éthique. Sortie après la
consommateurs organisés et militants, avec des échos au Royaume-Uni, au Canada et dans les
pays de l‟Europe du Nord. Nous verrons comment cela exprime dès ses débuts des
deuxième chapitre nous établissons les bases pour « Une théorie de la consommation
135
Cf. Fco. Javier RABASSO (Ouvrage). En collaboration avec Carlos A. Rabassó, Consommation responsable,
adolescence et diversité, Paris : EMS (Management & Société), 2010.
135
développement de la pensée critique face à la culture des marques (« branding ») place notre
analyse de l‟ensemble des études culturelles sur la culture des masses et la communication
mondialisation. C‟est ainsi que le troisième chapitre centre son intérêt sur « Le consommateur
global transnational », une sorte de nouveau citoyen transterritorial et postnational pour qui la
consommation des produits, des informations et des services remplace d‟autres pratiques
spirituelles et sociales traditionnelles. Dans cette perspective, nous nous référons à la « classe
mondiale des consommateurs » pour qui l‟individualisme hédoniste et personnalisé est devenu
légitime dans une indifférente société de masses aux discours politique et culturel136. Pourtant,
nous voulons montrer en même temps l‟émergence d‟une nouvelle conscience identitaire de la
exemple d‟organisation globale responsable est le Football Club Barcelone et son projet
solidaire avec l‟Unicef à partir de la Fondation du Barça, qui fait désormais partie du Conseil
Economique et Social (ECOSOC) des Nations Unies, qui débat sur des questions
économiques et sociales responsables sur la vie des populations des pays émergents. La
Fondation s‟est engagée à collaborer aux « Objectifs du Millénium » des Nations Unies, à la
Nations Unies qui travaille au bénéfice de l‟enfance. Un autre aspect fondamental du chapitre
136
Cf. Gilles LIPOVETSKY, L‟Ere du vide. Essais sur l‟individualisme contemporain, Paris : Gallimard, 1983,
p. 11.
136
est celui de la conciliation des cultures de consommation nationales (CNN) versus cultures de
comportements différents par rapport à l‟une ou à l‟autre. Plus il devient conscient des défis
Face à ce nouveau « Léviathan », nous donnons au lecteur de l‟espoir, car dans « Une
civiles « engagées » pour une qualité de vie plus en accord avec l‟environnement, l‟étique et
grande consommation.
« classe mondiale des consommateurs » dans les différents pays et continents de la planète, en
mettant l‟accent sur leurs origines culturelles (cultures nationales), leur niveau social, éducatif
et les contextes géopolitiques des pays. Nous avons effectué plus de 350 entretiens avec des
étudiants des écoles de business en Amérique du Nord (Canada, Etats-Unis), Amérique latine
(Argentine, Colombie, Pérou, Chili, Brésil), en Afrique ( Maroc, Tunisie, Algérie, Cameroun,
Sénégal), Europe (France, Espagne, Italie, Grèce, Portugal, Allemagne, Danemark, Finlande,
137
George Ritzer a publié plusieurs ouvrages sur ce phénomène de la globalisation, la « McDonaldisation ».
Dans The Macdonaldisation of Society, New York : Sage Press, 1992, le chercheur américain nos montre
comment ce nouveau concept est fondé sur le rendement effréné, la quantification, la conformité de nos faits
(habitudes de consommation généralisées) et gestes (la génération ipod-face book), ainsi que dans le travail. Ce
nouveau totalitarisme inconscient exerce un contrôle grandissant sur notre vie, notamment par la substitution des
techniques non humaines. S‟il a prospéré d‟abord dans les professions de l‟alimentation, rien ne lui échappera.
Ni le sport, ni l‟école, ni la religion, ni la famille. Il conquerra la naissance et la mort, la vie utérine et le repos
éternel. Pour ce monde « macdonaldisé », la vie a une valeur purement économique, « Life Time Value », et tout
peut trouver son prix dans cette économie de marché globale.
137
Suède, Pologne, Russie, République Tchèque, Angleterre, Irlande, Ecosse, Norvège, Pays
Bas, Turquie), Proche Orient (Inde, Pakistan, Chine, Japon, Thaïlande, Singapour, Corée du
Sud) et Océanie (Australie). La première partie de ce chapitre fait une comparaison entre les
autour du monde. Ensuite nous centrons notre intérêt aux Etats-Unis sur la génération O ou
« génération Obama » et leur rapport avec l‟hypermédia. Finalement, nous faisons référence à
et irrationnelles qui ont dominé les systèmes de production et de consommation des dernières
XXème siècle du Slow Food Movement peut nous donner quelques réponses. Ce mouvement,
fondé en Italie par Carlo Petrini en 1986, a été une réaction, aujourd‟hui à l‟échelle mondiale,
face à l‟émergence du mode de consommation Fast food. Nous verrons comme les objectifs
la génération Y des consommateurs globaux qui désigne les personnes nées entre la fin des
années 1970 et le milieu des années 1990 est celle née avec les débuts de l‟intérêt pour
l‟écologisme et la responsabilité sociale-globale des entreprises. Elle est aussi une génération
qui a grandi avec les mangas (séries d‟animation japonaises), l‟ipod, le face book et le Web
138
Entre ses objectifs nous étudions à l‟échelle planétaire les modes d‟opposition aux effets dégradants de
l‟industrie et de la culture du « fast food » qui standardisent les goûts ; comment défendre la biodiversité
alimentaire en promouvant aussi une philosophie de plaisir ; comment encourager une consommation
respectueuse avec l‟environnement et les initiatives de solidarité dans le domaine alimentaire ; et comment
développer une diversité culturelle du goût et une conscience publique des traditions culinaires et des mœurs des
différentes cultures de la planète.
138
2.0. Elle fait partie aussi de la Génération We (Eric Greenberg) qui aux Etats-Unis à donné
majoritairement son vote au premier président noir, Barack Obama, de l‟histoire d‟un pays
occidental.
Dans le septième chapitre, « The green consumers », nous faisons le lien entre la
responsables, nous verrons comment les leaders de la consommation verte sont jeunes, avec
un bon niveau d‟éducation, des revenus relativement élevés par rapport à la moyenne
que 5% des consommateurs aux Etats-Unis et en Europe, et encore la plupart font partie de la
décroissance sélective, ils critiquent les besoins « artificiels » qui augmenteront « l‟empreinte
écologique » de la planète. C‟est ainsi que nous faisons une comparaison des comportements
pays139. Des modes de vie alternatifs comme The simple living proposent un retour en arrière
dans les styles de vie pour minimiser la poursuite de la richesse et de la consommation. Une
vie spirituelle et une bonne santé, ainsi qu‟un réseau familial et d‟amis sont ainsi des voies
la Modernité. Le wu-wei chinois ou principe d‟action du sage qui agit en harmonie avec le
monde intérieur et extérieur est aussi une source d‟inspiration zen (la « loi d‟économie »)140
responsable des jeunes », nous faisons allusion à la culture Otaku. Celle-ci fait référence a une
cette digitalisation du vivant avec la standardisation de l‟ i-pod et du face book (plus de 200
millions d‟utilisateurs en moins de quatre ans), dans une conception « rapide » de la vie (Paul
L‟ otakisme, une sorte de hacker à la japonaise, globalisé doit aussi faire face à une nouvelle
des communautés virtuelles (Howard Rheingold). Dans ce chapitre, nous portons un regard
anthropologique aux rapports entre les technologies, les civilisations et la responsabilité des
individus face à l‟utilisation et à la compréhension des outils technologies dans leur vie
quotidienne.
les rôles de Mégapoles », le point de départ est la pensée de Paul Virilio sur l‟impact des
responsables » dans les pays en voie de développement accélère aussi la naissance des
Alegre (Brésil) et son Forum Social Mondial, de Villa el Salvador (au Brésil), de Bogotá
écologique, en facilitant des modes de travail et de transport sobres, dans des systèmes de
durable pour des « éco-citoyens » actifs dans l‟utilisation des services publics culturels
culturelle etc.).
négative parue dans les années soixante-dix pour le réactualiser trente ans plus tard dans
l‟ « appel de Bamako », au Mali, le 18 janvier 2006 dans le Forum Social Mondial (World
Social Forum). Celui-ci se veut une contribution à l‟émergence du principe global de droit à
la vie pour tous dans un monde de paix, justice et diversité culturelle, capable de construire un
Bonheur National Brut (« Gross National Hapiness ») font apparaitre une nouvelle conscience
holistiques que le Produit National Brut. Cet indice alternatif englobant le PIB et l‟IDH
génération Z prendre la relève à partir de consommateurs nés après 1995. Cette « nouvelle
sera la première à prendre en main un projet technologique responsable et durable pour une
l‟Ethnosphère.
Club Barcelone a été une des recherches les plus satisfaisantes des ces dernières années.
Amérique latine. Ce travail veut montrer cette institution comme un modèle mondiale de
diversité, car depuis sa fondation par le Suisse Joan Gamper, l‟identité du club a été plus large
que celle de sa représentation comme partie essentielle de la Catalogne. Nous avons divisé ce
autonome (pour beaucoup de Catalans, une nation) interculturelle qui se bat encore
aujourd‟hui pour la reconnaissance de son identité nationale. A partir de cela, nous avons fait
un bref sommaire de l‟histoire multiculturelle du club, avec ses joueurs et ses entraineurs
étrangers qui ont marqué les réussites d‟un des clubs sportifs les plus prestigieux au monde.
141
Cf. Fco. Javier RABASSO, en collaboration avec Carlos A. Rabassñ, “El Barça: A World Model for Cultural
Diversity and Social Responsibility”, GRLI Stories, London: Emerald, 2010.
142
La troisième partie du travail fait référence à la diversité et aux activités responsables du club
ainsi que de ses participants (les Fondations personnelles des joueurs). Dans la dernière partie,
nous faisons allusion aux défis globaux et pratiques en relation avec la corporate
responsibility des institutions engagées dans une globalisation plus juste et équitable.
Un des aspects que nous avons trouvé fondamentaux pour ce travail était de faire un
politiques à partir d‟une histoire problématique avec la Castille, car depuis le 11 septembre
1714 les lois, institutions et langue catalanes furent supprimées au bénéfice de la langue, des
l‟histoire de l‟Espagne (depuis les Rois Catholiques) tendance à identifier l‟Etat espagnol
avec le castillan et la Castille, en préjudice d‟autres cultures aussi vivantes dans le territoire
d‟un pays, l‟Espagne, très riche en diversité culturelle (quatre langues parlées et écrites à
l‟intérieur du territoire, même si une partie de la communauté valencienne fait une claire
années quatre-vingt-dix, le Barça a mené une politique transnationale pour attirer le maximum
de socios (membres du club avec le droit de vote dans les élections du président) et
sympathisants. Nous montrons que c‟est avec Joan Laporta, l‟actuel responsable du club, que
le Barça a signé avec l‟UNICEF un accord de collaboration avec les activités de cette
institution des Nations Unies, en donnant l‟exemple d‟une institution qui verse le 0,7% de son
C‟est précisément à partir de cette période que le visage de la Catalogne a changé par
rapport à la composante de ses résidents. De plus en plus, une grande partie de l‟émigration
étrangère s‟est installée dans cette partie de l‟Espagne car les opportunités d‟embauche et la
facilité d‟adaptation étaient perçues comme des atouts par les nouveaux arrivants. Un
143
phénomène assez particulier s‟est produit pendant cette période. Si l‟immigration intérieure
des années soixante (provenant du Sud) a lutté pour garder son identité, sa langue et sa culture
d‟origine par rapport à celle de la culture catalanes (rejetant dans beaucoup de cas
catalan) leur a permis une plus rapide intégration dans la société catalane. L‟identification
avec le Barça est le résultat de cette adaptation avec la nouvelle terre d‟accueil. A la
fondamental pour montrer au monde que la culture catalane n‟appartient pas aux Catalans de
souche, les « catalano-catalans » (néologisme qui nous rappelle celui des « franco-français »),
mais à tous ceux qui résident, étudient et travaillent en Catalogne. D‟autre part, des études
récentes ont montré que presque 25% de la population catalane est socialement responsable et
142
50% des nouveaux Catalans ont su incorporer leurs valeurs et identités d‟origine avec celles de la nouvelle
société. La Catalogne est devenue le vrai melting pot de l‟Espagne avec plus de 600.000 immigrants arrivés ces
dernières années (80% à Barcelone). Ce n‟est pas rare de voir travailler dans La Caixa d‟estalvis des Catalans
d‟origines ethniques diverses –chinois, africains, slaves- en train de parler catalan avec les clients.
144
VII. L’Espagne, L’Amérique et le métissage culturel : entre la poésie, les arts visuels et
la musique, les cultures africaines / asiatiques des deux côtés de l’Atlantique/ Pacifique.
Révolution Française sont vitaux pour comprendre le développement des idées politiques des
(avec les Essais de Montaigne), l‟Amérique sera une source d‟inspiration pour les « rêveurs »
du « meilleur des mondes », espace des peuples libres et indigènes dans une Nature sauvage.
La culmination de cette vision sera exprimée par les hommes de lettres et les scientifiques de
l‟Encyclopédie et du Siècle des Lumières. Le Nouveau Monde s‟inspira aussi des idées de la
philosophie des Lumières pour la création d‟une société plus juste, égalitaire et indépendante.
Ce travail est un effort de synthèse sur les idées fondamentales qui ont marqué la libération
du rationalisme. Quelque temps avant, les études de Nicolas Copernic sur le système solaire
Si Montaigne était inspiré par les Crónicas de Francisco López de Gomara pour illustrer la
143
Cf. Fco. Javier RABASSO, « La Ilustración Francesa y la Independencia de Hispanoamérica », Pasarela,
revista del centro de apoyo de la U.N.E.D. en París, ed. Paco de la Rosa, mars 1992, pp. 14-19.
145
allaient s‟inspirer de Montaigne pour identifier l‟Amérique avec les grandes civilisations
Chateaubriand sur l‟Amérique et la vision de Rousseau sur les Indiens d‟Amérique vont
établir un vrai dialogue interculturel entre les deux continents. Face au positivisme anglais et
aux menaces du monde anglo-saxon, la France devient le référent culturel des anciennes
l‟inégalité des hommes de Rousseau et le Contrat social vont marquer la pensée des
Un autre aspect fondamental que j‟ai abordé dans mes réflexions est le modèle d‟Etat
Suivant les idées de Rousseau, la République sera le modèle à imiter car les modèles
autoritaire et militarisée, avec un Président et un corps électoral réduit. C‟est ainsi que la
République de la Bolivie est formée, avec une constitution européenne (1826). D‟un point de
vue économique nous pouvons souligner la forte dépendance des produits manufacturés
d‟Occident et une très faible exportation de ses produits, ce qui va initier l‟énorme dette du
continent envers les pays riches et les institutions financières internationales. Ceci aura une
répercussion sur les faibles économies de l‟Amérique latine, ce qui demandera une révolution
qui n‟allait jamais se produire à grande échelle. En même temps, les grandes puissances du
Europe en l‟Amérique du Nord vont confronter leurs idées avec celles de « caciques »,
Comte et les théories du progrès de Darwin et de Spencer ne furent pas suffisantes pour une
manifeste d‟une Amérique engagée dans un modèle de socialisme égalitaire qui ces dernières
années, prend de plus en plus force dans un continent dissident par rapport aux forces d‟une
Dans une étude sur la poésie « orientaliste » ou brève d‟Antonio Machado144, j‟ai
établi une liaison entre la sensibilité de la poésie zen japonaise, la philosophie d‟Henri
Bergson145 (sa conception de la „durée‟ et de „l‟élan vital‟) et les poèmes brefs du poète
andalou (Proverbios y Cantares). Ceux-ci reprennent la tradition des couplets andalous et une
façon de percevoir le monde à partir de l‟émotion vitale d‟une poésie temporalisée dans la
Nature. Dans la tradition de la poésie occidentale de récupérer dans sa quête existentielle les
formes de la poésie nippone, l‟œuvre du poète andalou fait partie d‟une très longue tradition
L‟objectif de mon étude était de montrer comment la poésie brève d‟Antonio Machado
poésie mystique espagnole de Santa Teresa de Jesús et San Juan de la Cruz, les Coplas por la
144
Cf. Fco. Javier RABASSO , “Antonio Machado entre la tradiciñn del „haïku‟ y el vitalismo lìrico de su poesía
breve”, Actas del X Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas (Barcelona, 21-26 de agosto de
1989), Ed. Antonio Vilanova, vol. III, Barcelona, 1992, pp. 201-208.
145
Cf. Yamaguchi, MINORU, The Intuition of Zen and Bergson, Tokyo: Herder Agency, 1969.
147
réflexion a essayé de remplir ce vide dans la littérature comparée entre plusieurs cultures.
développées à partir du XIIème siècle : les tanka et les renga qui seront à l‟origine des haïkaï
(poésie humoristique) et des haïku (poésie zen) du XVème siècle. L‟école de Matsuo Basho
(1644-1694) sera décisive pour la splendeur de cette forme lyrique synthèse des principes
l‟éternel, la nature et l‟existence quotidienne). Les sutras des haïku de Basho sont chargés
d‟un humour très fin qui s‟éloigne d‟une pensée abstraite « sérieuse », pour communiquer ses
visions d‟une façon directe, spontanée et sincère. C‟est comme une pensée à voix haute qui
montre le flux et le reflux des choses dans un constant aller-retour entre l‟être et le néant (pré-
existentialisme). La poésie brève d‟Antonio Machado est héritière de cette tendance. Le ki-no-
permanent, élan vital d‟une pulsion vitale chargée de mélancolie et créativité régénératrice
transcender la douleur personnel de l‟artiste (la « pena » gitane) dans un sentiment collectif
présent dans une nature vivante, nostalgique, intériorisé dans la vision lyrique proposée par le
poème au lecteur. Ceci veut être le reflet d‟une attitude et d‟une atmosphère particulières dans
148
le wabi, idéal spirituel qui essaie de transposer le regard et le vécu quotidien du poète en une
L‟œuvre lyrique brève d‟Antonio Machado est très proche des propositions
existentielles et formelles de la poésie de Basho. J‟ai mis en rapport les similitudes et les
présent dans les poèmes de l‟auteur andalou. En même temps, la métrique de ses formes
lyriques ne respecte pas la rigidité des syllabes des vers (couplets de 5 – 7 – 5). Machado
donne priorité au vers libre, comme le fait aussi la poésie haïku du Mexicain José Juan
haïkaï japonais), de l‟Argentin Jorge Luis Borges, de l‟Equatorien Jorge Carrera Andrade (ses
La dernière partie du travail se centre sur les aspects philosophiques présents dans les
vers de Machado. En faisant référence aux poètes présocratiques, l‟œuvre courte du poète
andalou prend deux directions : l‟une parménidéenne, qui reconnaît la réalité des apparences;
l‟autre, héraclitéenne, qui trouve dans le Logos le feu inépuisable de l‟Eros. Ceci renvoie la
Bergson146, à son élan vital capable de transcender la « palabra en el tiempo » (parole dans le
146
Nous avions utilisé une analyse critique en anglais sur l‟œuvre du philosophe français, Peter A. Gunter, ed.,
Bergson and the Evolution of Physics, Knoxville: The University of Tennessee Press, 1969.
149
intuitif vers l‟avenir (à la différence de la poésie de Basho, vivant dans le présent zen de
chaque instant). L‟étude sur la poésie brève de Machado finit avec le regard ludique des
« devinettes » lyriques, jeu enfantin chargé d‟humour et de sens comique pour « décharger »
de son sérieux le contenu philosophique de ses propositions existentielles. Ainsi nous faisons
allusion aux études de Carlos Bousoño147 sur l‟œuvre du poète andalou en le mettant aussi en
commémoration du Prix Nobel obtenu en 1990. La poésie orientaliste d‟Octavio Paz, écrite
sous la forme des haïku, nous a permis d‟effectuer un parcours de la poésie brève
vers selon une sensibilité Zen et dionysiaque aussi présente dans la production poétique
hispanique. Les haïku de Paz rencontrent dans leur expression la poésie automatique, les
écrivains de la Beat Generation et les premiers haïku du poète mexicain José Juan Tablada.
147
Cf. Carlos BOUSOÑO, El irracionalismo poético (el símbolo), Madrid: Editorial Gredos, 1977; et
Superrealismo poético y simbolización, Madrid: Editorial Gredos, 1979.
148
Cf. Fco. Javier RABASSO, “„El dìa en Udaipur‟, Prñjimo lejano”, Leyendo a Paz. Revista Canadiense de
Estudios Hispánicos, XVI, 3. Primavera, 1992, ed. Mario J. Valdés, pp. 501-512.
150
J‟ai voulu montrer comment les poèmes présents dans « Un día en Udaipur », publié
dans Ladera Este (1962-1968), en ne respectant pas toujours la forme métrique des poèmes
japonais, gardent, dans son esprit, la tradition spirituelle d‟une poésie engagée avec la Nature.
Dans quelques poèmes, les trois premiers vers gardent la construction syllabique des poèmes
haiku, 5 – 7 – 5. Dans d‟autres parties de la composition, les vers sont de 7 – 7 syllabes, ce qui
donne origine aux tankas. Cette alternance entre vers de 17 syllabes d‟un côté et 14 syllabes
de l‟autre fait allusion aux renga, groupe de tankas improvisés souvent par un groupe
d‟artistes en alternance dans l‟élaboration du texte149. C‟est une poésie collective dans la
japonaise (le haïku) dans la tradition hispanique. La deuxième fait un commentaire formel de
sept haïku sélectionnés pour l‟analyse rhétorique. Ce travail finit par mettre en relation les
poèmes d‟Octavio Paz avec l‟esprit du Zen japonais dans le contexte phénoménologique sur
la participation du lecteur dans la réception active du texte poétique. Les poètes des cultures
hispaniques ont essayé de rendre hommage à cette forme poétique tout au long du XXème
siècle : en Espagne, nous trouvons les Greguerías de Gómez de la Serna, les poèmes de
jeunesse de Federico García Lorca, et les Coplas de Jorge Manrique; en Amérique latine, au
Mexique, il y a une très longue tradition depuis les poèmes de José Juan Tablada, jusqu‟à la
poésie de Torres Villarroel et les traductions / versions de José Emilio Pacheco; en Argentine,
c‟est Jorge Luis Borges, auteur universel intéressé, comme Octavio Paz, dans les formes
149
Il est important de souligner que Paz incorpore à Paris en 1960 cette forme de poésie collective, en
collaboration avec Jacques Roubaud, Edouardo Sanguinetti et Charles Tolimpson. Ils écrivent le premier renga
occidental, écrite en 4 langues (espagnol, français, italien et anglais) mais dans un seul langage : celui de la
poésie contemporaine.
151
considéré les articles parus dans les années quarante de Díez Canedo, ainsi que les réflexions
Dans la deuxième partie du travail j‟ai effectué une analyse formelle des sept haïku
sélectionnés à partir d‟une étude métrique, sur les thèmes dominants, sur la construction de la
aspect fondamental dans mon étude est le rôle du lecteur dans la configuration des sens
potentiels des poèmes, de façon que j‟ai réalisé une analyse comparative entre les attentes des
des haïku au Japon de rentrer dans une approche spéculative, dans le contexte du lecteur de la
poésie hispanique et européenne en général, la réception cherche des réponses aux questions
proposées par les textes. Ainsi, dans le jeu de la lecture, se produit-il une sorte d‟appropriation
m‟a aidé à développer une analyse comparative entre deux façons de percevoir le monde.
L‟incomplet est une des approches vers l‟art japonais, conséquence de la philosophie zen qui
imprègne toute la culture ancestrale nippone. L‟équivalent dans le vers d‟Octavio Paz est le
silence, l‟absence de fin dans les vers des haïku étudiés. Le rôle des symboles est aussi
important dans cette analyse transculturelle entre la poésie de Paz et la tradition japonaise. Les
contributions de Carlos Bousoño152 sur ce sujet m‟ont aidé à mieux comprendre la dialectique
entre l‟émotion et la logique, deux axes en permanente mutation pendant la lecture des
150
Cf. Mario J. VALDES, ed., A Ricoeur Reader. Reflection and Imagination, Toronto: University or Toronto
Press, 1991.
151
Cf. Hans Robert JAUSS, “The Identity of the Poetic Text in the Changing Horizon of Understanding”,
Identity of the Literary Text, Ed. Mario J. Valdés et Owen Miller, Toronto: University of Toronto Press, 1985,
pp. 146-174.
152
Cf. Carlos BOUSOÑO, Superrealismo poético y simbolización, Madrid: Editorial Gredos, 1979.
152
moderniste grâce à ses synesthésies sonores et visuelles, et aussi ancré dans la forme et
l‟esprit des jitanjáforas du créationnisme de Vicente Huidobro apparaît dans la poésie brève
d‟Octavio Paz comme il le faisait aussi dans les poèmes d‟Antonio Machado. Ceci permet un
japonaise du haïku. Chez Paz, cette poésie s‟exprime avec une économie de moyens extrême,
l‟acte de la lecture.
Ecrit en collaboration avec Carlos A. Rabassó, notre ouvrage sur Federico García
Lorca place l‟œuvre et la vie du poète espagnol dans le contexte de la littérature métisse des
Lorca montre à travers sa recherche existentielle du « duende » (pulsion vitale des rites et des
manifestations artistiques andalousiennes) des points communs avec l‟œuvre du poète afro-
Renaissance. Les rencontres de Federico García Lorca avec les poètes noirs newyorkais et les
représentants des avant-gardes artistiques de la société cubaine des années trente reflètent
dionysiaques très proches des musiques rythmées et des croyances ancestrales d‟origine
africaine. Le flamenco, le jazz et la musique cubaine –le son- ne sont que la manifestation
153
Cf. Fco. Javier RABASSO (Ouvrage). En collaboration avec Carlos A. Rabassó, Granada-Nueva York-La
Habana: Federico García Lorca entre el flamenco, el jazz y el afrocubanismo , Madrid: Libertarias-Prodhufi,
1998, 500p.
153
externe d‟un système de croyances panthéistes où l‟homme cherche dans la nature ses
origines mythiques et ses identités pluriformes. Le livre est divisé en trois grandes parties. La
première met en rapport le concept du duende avec les cultures métisses du Sud de l‟Espagne
vie du poète dans la ville de Grenade. La deuxième partie montre les relations artistiques (la
musique) et littéraires (la poésie surtout) de l‟auteur de Poeta en Nueva York (1929) pendant
son séjour aux Etats-Unis et ses relations avec les membres de la Harlem Renaissance,
spécialement avec l‟œuvre de Langston Hughes (Weary Blues, 1929). La troisième partie se
centre sur les cultures africaines à Cuba et à la rencontre du poète andalou avec les élites
intellectuelles de l‟île (Fernando Ortiz) et les écrivains afro-cubains (Nicolás Guillén et son
Dans l‟ouvrage nous voulions mettre en avant le rôle fondamental joué par le poète
espagnol, Federico García Lorca, en tant que point de convergence entre deux cultures, la
culture européenne et la culture américaine, et entre trois mondes, le monde blanc dans sa
flamenco. Lorca se situe entre plusieurs mondes. C'est pourquoi il réalise la symbiose de
cultures ancestrales: la culture gitane, la culture andalouse et la culture noire dans ses deux
composantes américaine et afro-cubaine. Le poète est conscient en tant que représentant de la
culture rationaliste européenne du fait qu'il ne peut percevoir les forces de la nature de la
même façon que le Gitan et le Noir, et il s'introduit dans ces mondes par le biais d'un élément
fondamental: le rythme et la musique. Lorca s'initie au flamenco, en tant que musicien -avant
de le faire en tant que poète par le rythme et l'oralité (utilisant par exemple les recours que lui
offre le Romancero), exprimant toute la matière qui apparaît dans le substrat de la culture
hispanique, flamenca, andalouse, gitane. D'un autre côté, il sent que la culture afro-américaine
154
comporte des éléments qui enrichiront le monde hispanique. Dans son écriture s'effectue ainsi
la fusion des trois natures: la blanche, la gitane et la noire. Son voyage à Cuba n'est pas un
propre aux cultures marginales dans un monde majoritairement blanc, oblige ces civilisations
à s'exprimer à travers les traditions orales, afin de reproduire par les chants (la siguiriya, le
son, le blues) le sentiment d'un peuple, l'expression de la condition humaine. Dans nos
réflexions nous avons montré comment García Lorca transcrit cette poésie gitane, andalouse,
en lui donnant une forme poétique. Par ailleurs, la poésie noire se trouvera en opposition avec
le discours blanc, totalisateur, dominant, chargé de métaphores éculées. Lorca jouera alors
utilisera deux niveaux: le niveau discursif ou niveau de la structure superficielle (la forme
poétique andalouse, les coplas) et le niveau de la structure profonde dont l'élément central est
le « duende », reflet de l'authentique, du spontané, de l'intuitif et du naturel.
Le point de départ de notre étude est le flamenco ou Cante Jondo, qui se matérialise au
niveau mélodique par les cantes155 et le duende, reflet du sentiment tragique implicite dans
154
Sous le titre El Surrealismo (el escritor y la crítica), Victor García de la Concha et les éditions Taurus ont fait
paraître en 1982 un important recueil d‟études sur le surréalisme. Dans cet ouvrage, il faut si gnaler tout
spécialement les études de Virginia Higginbotham sur « la iniciación de Lorca en el surrealismo » et de Pietro
Menarini sur les « Emblemas ideolñgicos de „Poeta en Nueva York‟ ».
155
Dans les cantes les tonás, dont les premières apparitions remontent aux environs de 1750, sont la source la
plus pure du flamenco. Elles sont constituées de strophes de quatre vers octosyllabiques dont le deuxième et le
quatrième riment par assonance et regroupent tous les chants sans guitarre (carceleras –chants des prisons-,
martinetes –chants de la forge-, debla –le chant le plus énigmatique des tonás). Le premier grand chanteur de
tonás fut Tío Luis de la Juliana, né à Jerez. On distingue trois types de tonás: la toná grande, la toná chica et la
toná du Christ. La toná, localisée à Jerez de la Frontera, a connu une évolution qui a mené à un nouveau style :
la siguiriya.
155
ces derniers (siguiriya 156, martinete, tonás) ; au niveau harmonique par les constructions
formelles dont se détachent particulièrement les métaphores surréalistes ; enfin, au niveau
rythmique, par les différents genres, majeurs et mineurs, du flamenco. En même temps, deux
concepts apparaîtront à chacun de ces trois niveaux : l'intra-textualité et l'intertextualité157. A
l'égard du premier, tous les textes de Lorca sont intimement liés. C'est comme si le poète
grenadin avait seulement écrit Poema del Cante Jondo, élaboré en 1921 mais publié en 1931
après le Romancero Gitano qui, lui, fut composé entre 1923 et 1927, puis édité pour la
première fois dans la revue Revista de Occidente, en 1928. Lorca continue à écrire le même
texte sous différentes formes et variations, et qui atteindra plus tard son point culminant avec
Poeta en Nueva York. Le surréalisme de cette œuvre-ci se manifeste aussi dans les œuvres
précédentes, et se trouve lié au duende, dont limage inspiratrice demeurera toujours présente.
Ainsi peut-on dire que l'intra-textualité est un voicing qui parcourt toutes les mélodies/thèmes
de l'œuvre. Elle est semblable à un standard de jazz, et toute la création de Lorca ne sont rien
d'autre que des variations autour de ce standard. Il s'agit de la même structure et de la même
l'intertextualité, elle, en appelle à d'autres textes, appartenant à d'autres formes poétiques que
l'on trouve chez des auteurs comme Langston Hughes et Nicolas Guillén. Mais nous avons
analysé comment García Lorca va bien au-delà du texte écrit et de l'intertextuel, et ainsi deux
nouveaux éléments se font jour, l'inter-oralité et l'intra-oralité: interoralité parce que les
poèmes de Lorca sont récités comme s'il s'agissait d'une copla; intraoralité, parce que, derrière
un poème écrit, nous trouvons des poèmes qu'il est indispensable de réciter, car sans
156
Les siguiriyas constituent le deuxième grand groupe du flamenco. La siguiriya exprime le mystère de l‟âme
gitane, la peine de l‟andalou qui vit dans la misère, les angoisses et les douleurs des hommes marqués par le
destin. La chanteuse gitane Tìa Anica la Piraðaca disait que c‟est un chant qui donne le goût du sang. Le chant
est composé de quatrains dont les deux premiers vers et le quatrième ont six syllabes, le troisième onze avec
deux hémistiches de cinq et six syllabes. La structure métrique est semblable à celle des seguidillas castillanes.
157
Ce terme a été employé par Julia Kristeva dans Semiotiki. Recherche pour une sémanalyse, Paris : Seuil,
1969, et par Roland Barthes dans Le Plaisir du texte, Paris : Seuil, 1973. Les deux théoriciens affirment qu‟un
texte est uniquement compréhensible par le jeu de textes qui le précèdent et qui, par transformation, influent sur
lui et le composent. Tout texte est intertexte, palimpseste d‟autres textes qui sont étroitement liés entre eux et se
constituent.
156
l'expression orale, ils n'auraient plus de sens. Ainsi se définissent plusieurs concepts de base:
l'écrit avec l'intra/extratextualité et l'oralité avec l'inter/intra-oralité. L'inter-oralité se
le cantaor et le poète-récitant.
Le concept clé de notre travail est le duende, car il récupère les éléments mythologico-
symboliques, déposés dans une Andalousie dont les origines remontent aux Tartisses et aux
Andalus. Le duende sera le produit d'une somme de cultures intuitives, émotionnelles, reflets
le définit ainsi, dans son article en prose intitulé Teoría y juego del duende. Lorca s'engage
Atlantes, des Curètes159, mais aussi une fusion avec le « gitanisme » qui pénétra en Espagne.
Ceci constitue un autre aspect crucial de l'œuvre du poète. Dans tous les genres abordés par
158
La figure d‟Hercule pose le problème de savoir s‟il s‟agit d‟une activité incarnée ou d‟un héros populaire dont
les exploits ont été immortalisés dans des poèmes épiques et des cycles de légendes. Dans le chapitre, « Las
caras de Hércules », Gárgoris y Habidis, Barcelone: Argos Vergara, 1982, vol. 1, pp. 195-216, Fernando
Sánchez Dragñ raconte le voyage d‟Hercule, au Néolithique, qui le conduira jusqu‟en Galice (certains
chercheurs ont avancé l‟hypothèse selon laquelle la tombe de Santiago n‟est autre que la christianisation de la
tombe du roi « curète » mort à l‟endroit où un culte est aujourd‟hui rendu au Saint), puis vers la Bretagne et
l‟Angleterre. Dans certains lieux d‟Europe, on peut rencontrer des indices –dolmens et menhirs- qui mettent en
contact des espaces géographiques éloignés. Des siècles plus tard, les Celtes retourneront sur ces mêmes lieux à
la recherche de leurs ancêtres de l‟ancienne Tartesse.
159
Turdétans, Tartesses, Ibères, premiers habitants de la Péninsule Ibérique, citoyens de Tartesse (Basse-
Andalousie), première manifestation historique de l‟espagnol. Selon la tradition platonicienne, lorsque se
produisit le cataclysme qui entraînerait la disparition de l‟Atlantide, les Titans –fils des Atlantes fuirent par voie
de mer et débarquèrent sur les deux rives de l‟Atlantique, ce qui donna lieu aux lége ndes « tubalites » (parmi
lesquelles celle d‟Hercule).
157
Lorca, aussi bien dans le théâtre que dans la poésie, apparaît le « gitanisme ». Les Gitans
trouvèrent dans le duende leur raison de vivre. Si nous effectuons un parallélisme avec
Nicolas Guillén et Langston Hughes, c'est que nous observons également chez ceux-ci des
références aux cultures et aux traditions orales, aux tribus nomades, aux rituels initiatiques,
qui renferment dans leurs pratiques des vérités éternelles. Par ailleurs, pour comprendre la
façon dont la musique pénètre dans l'œuvre et dans l'âme du poète, il est nécessaire de situer
l'importance que revêt le Cante Jondo dans la trajectoire de Federico García Lorca. Poema del
Cante Jondo paraît, ainsi que nous l'avons indiqué plus haut, en 1921. Dans le Romancero
Gitano Lorca publiera un manifeste poétique sur les Gitans. Sa dernière œuvre poétique
importante sera Llanto por la muerte de Ignacio Sánchez Mejías, paru en 1934, où la figure
du Gitan est aussi l'élément central. Lorca se trouve à l'encontre de l'Andalousie folklorique
Jondo, à des images, sans pour autant pouvoir définir le duende, concept qui, à l'instar du
swing, dépasse l'entendement. C‟est ainsi que Lorca mena une réflexion explicite sur le
flamenco. C'est dans sa prose que s'ébauche sa théorie sur les éléments qui configurent sa
poésie. Nous avons montré dans notre travail comment le flamenco n'est pas seulement une
musique, un rythme, une mélodie, ni des aspects harmoniques définis. Le flamenco est une
version de ce concept de duende qui se trouve exprimé dans le Cante Jondo. Lorca se trouve
la-Croix. Aussi bien le sens panthéiste de Lorca que la mystique des Carmélites retournent
aux origines. Les images poétiques de la mystique coïncident avec beaucoup d'autres images
présentes dans le cante et dans la poésie de Lorca, en Andalousie: la terre, les taureaux, le
Cante Jondo, la lune, les religions archaïques, les mystères sacrés. Ici, nous trouvons la même
trajectoire que dans les œuvres de Guillén et Hughes. Le jazz et le blues sont unis par le soul
et se reflètent à travers le swing, poursuivant la tradition des spirituals et des work songs.
158
Callaloo, dont le numéro 40 était dédié à la Black American Poetry. C‟est dans le Manhattan
de Poeta en Nueva York que nous avons pu trouver l'une des preuves capitales qui nous
montre les contacts permanents que Federico García Lorca entretint avec les poètes afro-
américains durant son séjour à New York. Il s'agissait d'une table ronde tenue le 15 décembre
1978, réunissant quatre poètes: Romare Beardem, Alvin Ailey, Albert Murray et James
Baldwin, chez l'éditeur artistique Hugh McKay. La conversation tournait essentiellement sur
les contacts du poète grenadin avec Langston Hughes, le plus grand représentant de la poésie
García Lorca avec la poésie afro-américaine, nous avons abordé l'étude de l'œuvre de son
poète le plus fameux: Langston Hughes. Celui-ci fut le premier poète à incorporer le blues et
le jazz à la poésie dans ses œuvres The Weary Blues et Fine Clothes to the Jew, créant un
nouveau style aux techniques innovatrices dans le domaine de la poésie. Il créa les blue
words, en adaptant les tierces mineures -typiques du blues et représentées par des sons
musicaux- au texte écrit. Au départ, il explore les liens existant entre la musique noire -le
blues et le jazz- et l'écriture, pour les reproduire dans ce que l'on nommera la musico-poetry.
l'univers musical dans celui de la parole, exprimant aussi bien les joies que les tristesses,
l'abandon et la solitude du peuple noir américain. Il conjugue ainsi les émotions du blues avec
les sentiments de haine et d'espoir d'une race condamnée à l'ostracisme. Il ne faut pas oublier
que les principales racines du blues apparaissent dans les work songs et les spirituals, et se
caractérisent par un cri, le field holler, que les Africains utilisaient dans leurs chants spirituels
sous forme d'un système d' « appel » et de « réponse », typiques aussi des sones cubains. Lors
des années vingt et trente surgit le mouvement dénommé Harlem Renaissance en pleine
159
américaines, tant en littérature qu'en musique, théâtre ou peinture. En même temps, en tant
negro » en opposition à l'esclave des plantations, citoyen de deuxième ordre dont l'existence
Langston Hughes, depuis sa première œuvre, The Weary Blues, en 1926, jusqu'à sa
mort en 1967, écrivit plus de 570 poèmes, dans lesquels il représentait les réalités sociales de
son peuple. Pour réaliser la fusion entre musique et poésie, le poète utilisa divers éléments de
la musique de blues afin de les transposer dans la parole imprimée. Il établit la relation
existant entre les chansons de blues, la structure de sa musique et la réalité sociale qui se
reflétait dans l'expérience quotidienne, à travers un collage où le peuple du blues, les thèmes,
la forme, le langage, ses interprètes et la réalité de la vie formaient un tout homogène. Nous
avons étudié comment Langston Hughes utilise divers recours pour exprimer l'émotion des
blue notes, son instrument étant les mots et non les sons musicaux. Pour recréer la même
atmosphère, il utilise les blue words, mots chargés de connotations du blues. Les
auditeurs/lecteurs de blues seront sensibles à l'esprit du blues grâce à ces mots. Comme dans
capacité d'interprétation, son niveau de réception active, pourront le mettre en contact avec
l'univers des blue words, liés à des images, à des tons mélancoliques et à des sons phonétiques
identiques aux blue notes. Hughes utilise souvent des scats et des expressions provenant du
dialecte et du jargon noirs, ainsi que de constantes références aux bases rythmiques africaines.
Musique et danse créent, dans ses poèmes, une atmosphère de liberté en opposition avec la
tristesse et la mélancolie du monde du blues. Comme les rythmes jazzistiques, la vie afro-
vitalité, de même que ses rimes, la typographie, les structures syntaxiques et la ponctuation,
pour donner l'impression d'une poésie jazzistique improvisée. Pour Hughes, blues et jazz font
nocturne qu'il qualifie de Jazzonia, la ville magique du jazz, terre de désespérés aspirant
ardemment à la liberté.
Dans nos recherches nous avons découvert que quand García Lorca se mit en route
pour les Amériques, son univers personnel était en décomposition et la réalité extérieure était
un reflet de sa crise intérieure. C'est le 13 juin 1929 qu'en compagnie de son maître Fernando
Southampton en direction de New York. Déjà sa poésie contenait tous les éléments
caractéristiques de son esprit: le duende comme thème central, la peine, la mort. Il y a, dans ce
recueil de poèmes, une vision mystique de cette dernière. Le thème du sacrifice, lié à la
marginalisation du peuple noir, se répète inlassablement. New York donna forme et sens à
son discours, que ses détracteur d'alors qualifiaient de folkloriste. Sa vision régionaliste du
porter par le paradoxe d'une présence absente, celle de son peuple millénaire, attitude qui se
verrait reflétée dans son écriture. La jungle humaine de Manhattan est saisie dans une vision
totalisatrice de chaos, d'injustice et de perdition de l'individu face au progrès. Ce n'est pas par
hasard que l'année 1929 fut marquée par la crise économique la plus grave du siècle. Les
moments cruciaux de cette période américaine furent directement vécus par le poète grenadin,
témoin exceptionnel. Les misères du « Lower East Side » et du Harlem new-yorkais offrent
un indubitable parallélisme avec une autre race marginalisée, victime du plus profond
ostracisme. Les Noirs et les Gitans s'opposent au monde sûr et réparateur des « Payos »
(terme qu'utilisent les Gitans pour désigner les non-Gitans) et des Blancs. A cette époque,
la dernière période, correspondant à Poeta en Nueva York, tout se concentre dans une vision
cosmique de la réalité. Dionisio Cañas160 a réalisé un travail essentiel qui permet de
comprendre le regard coupable et rédempteur de García Lorca à New York. La rédemption de
la faute, chez Lorca, est un sentiment qui a marqué l'idiosyncrasie judéo-chrétienne et qui se
trouve parfaitement reflété dans le recueil de poème new-yorkais. Dans la tragédie de García
Lorca, nous rencontrons les mêmes éléments que dans sa poésie, avec la différence que le
théâtre possède un caractère collectif: son oralité est le point de départ de l'individu en tant
qu'être collectif. Le théâtre complète cette recherche initiatique. Son œuvre poétique se
transforme en rite, en sacrifice. Carlos Saura et Antonio Gades l'ont parfaitement exprimé
donnent la main dans l'esprit et la poésie de l'auteur, tous deux symbolisant le même type de
marginalisation dans une société qui les considère comme des citoyens de troisième catégorie.
Ces personnages doivent évoluer dans une société marquée par le chaos et la mort.
Impressionné par la poésie de Walt Whitman et son œuvre Leaves of Grass, García Lorca, à
peine arrivé à New York, fait la connaissance de Nella Larsen, de père noir et de mère
danoise, auteur de Passing, son second et dernier roman, œuvre publiée juste à la même
époque que celle de la rencontre avec Federico. Tout au long de l'œuvre de Garcìa Lorca, les
160
Cf. Dionisio CAÑAS, El Poeta y la Ciudad (Nueva York y los escritores hispanos), Madrid: Cátedra, 1994.
162
victimes sont des hommes, comme la victime taurine, grito del toro degollado qui se
transforme. La présence du cri est une constante dans toute l'œuvre de Lorca. Le cri constitue
l'un des éléments caractéristiques du sentiment andalou, gitan. Cela apparaît clairement
exprimé dans Poema del Cante Jondo et dans le Romancero Gitano, mais nous le trouvons
également dans les manifestations de la mère dans Bodas de Sangre, où s'établit un
souffrance liés à des symboles ou des objets tels que le cheval, la blessure, le sang et la lune.
Cette dernière est un autre élément symbolique très souvent présent chez Lorca. Un même
objet a, dans le recueil, plusieurs significations. Il en va de même avec l'eau. La lune est le
symbole de la fertilité, elle intervient dans la relation lune-fécondité-naissance-féminin et
mort-masculin-sacrifice. Dans Bodas de Sangre, nous ne voyons pas la mort, mais nous
entendons après le duel entre Leonardo et l'amant, le grito del toro degollado, reflet du
duende caractéristique de toute son œuvre. Ce râle est présent dans la tragédie de Lorca. Nous
ne voyons pas les victimes, mais nous les sentons. Lorca force le lecteur à effectuer un travail
herméneutique et l'oblige ainsi à révéler les symboles de son œuvre. Cette herméneutique
créative permet de trouver de nouvelles significations qui n'avaient pas été découvertes lors
d'une première lecture. N'oublions pas que l'Andalousie de Lorca est une terre de croyances,
des peuples de son Andalousie natale, analogue à celle du peuple des pauvres afro-américains
de Harlem.
Dans cet ouvrage, nous nous sommes surtout intéressés aux titres II (« Los negros ») et
X (« El poeta llega a La Habana »), et, dans ce dernier, tout particulièrement au poème « Son
jazz et de l'afro-cubanisme. Nous avons pu affirmer -et ceci, en relation plus directe avec
Poeta en Nueva York et les contacts du poète avec la musique afro-américaine qu'il existait de
religiosité, un culte particulier. Ce n'est pas par hasard que le poète montre une préoccupation
l'âme andalouse. Il faut rappeler que c'est Lorca, aux côtés de Manuel de Falla, qui eut l'idée
de célébrer le premier Concours de Cante Jondo, à Grenade, en 1922. La magie, la touche, le
duendecillo: curieusement, les compositeurs étrangers ont été les premiers à se faire l'écho de
la richesse du cante jondo. Les exemples de Glinka, Moussorgsky et Debussy sont à cet égard
courant lancé par Miles Davis avec son disque Sketches of Spain161 et par John Coltrane avec
Olé162, et qui devint à la mode à la fin des années soixante-dix avec le trio Paco de Lucía-John
McLaughlin-Al di Meola, et fut parfaitement assimilé par le saxophoniste ténor, Jorge Pardo).
Fort heureusement pour la musique espagnole, des musiciens comme Albéniz, Falla, Turina
ou Pedrell, parvinrent à une symbiose parfaite entre le populaire et le savant. Lorca réussit à
lier l'âme populaire aux dissonances musicales du cante pour créer son œuvre littéraire.
Une partie très importante de notre travail fut la récupération (à travers des
bibliographies, documents sonores et vidéos) du contexte historique dans lequel le poète
andalou établit des relations avec les artistes et les intellectuels de la période aux Etats-Unis et
à Cuba. Lorca quitte New York en pleine époque du "Jazz Age" et des Comédies musicales
noires de Broadway. Ses sorties aux théâtres du Harlem new-yorkais (le Lafayette, le Lincoln,
161
Cf. Miles DAVIS, Sketches of Spain, Columbia 472612 2, 1960.
162
Cf. John COLTRANE, Olé, Atlantic 7567-81349 - 2, 1960.
164
l'Alhambra) et ses contacts avec le monde afro-américain laisseront dans son esprit et dans
son œuvre une claire valeur de l'art noir en Amérique. Déjà las de la vie new-yorkaise, en
proie à un imperceptible ennui, il décide de partir vers les Caraïbes. Lorca séjournera à Cuba
du 17 mars au 12 juin 1930. En 1930, de nombreux musiciens cubains se sont installés dans la
ville des gratte-ciel. Puerto Rico -une autre des îles principales de la salsa- a obtenu son
rattachement aux Etats-Unis en 1917. El Barrio, dans le Bronx, commence à être un quartier
très connu où emménagent les joueurs de salsa, comme le timbalier cubain Antonio Escollíes.
Antonio Machín chante déjà dans les théâtres de Broadway et la rumba de salon se danse
partout. Des musiciens de La Havane comme Alberto Socarrás créent les premiers grands
orchestres latins de New York. En 1930, le jazz latin est une réalité dans les cabarets de
Harlem fréquentés par García Lorca. Il ne faut pas oublier que le jazz fit son apparition à
Cuba au début des années vingt avec l'incorporation d'instruments comme le saxophone et la
batterie; de même, c'est en 1910 que W.C.Handy introduisit les rythmes cubains (la habanera,
par exemple) aux Etats-Unis. D'un point de vue politique, Cuba subit les conséquences de
l'influence américaine et celle des spéculateurs étrangers, bien accueillis par Gerardo
pas. Le son est, sans aucun doute, le genre musical cubain majeur. Il présente deux aspects:
une forme musicale, pour la danse, et une forme littéraire, pour le chant. Cette dernière a
profondément influencé la poésie noire. Ainsi pouvons-nous parler du son musical pour la
danse et du son poétique littéraire. La musique et l'oralité reflètent l'art d'un peuple. Mais le
son tire son origine de l'Espagne des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles. Les colonisateurs
apporteront avec eux tout ce bagage, durant la période américaine. Dans le son, il y a un motif
fixe (montuno ou répétition) outre les improvisations du soliste (coplas venant d'Espagne)
avec des instruments comme la guitare, les bongos et le xylophone cubain. Dans le son, on
Comme nous l‟avions déjà indiqué dans la première partie de notre travail, à Cuba se
produisit un phénomène de "transculturation". La musique cubaine fait partie de ce processus
religieux: la santería, appelée aussi regla de ocha ou regla lucumi, des Yorubas; la
généralement à travers la langue castillane, quoique souvent déformée par des incorrections
introduites par les Africains et les Créoles. Il est pratiquement impossible de trouver à Cuba
des expressions poétiques en langue africaine séparées de la musique et du chant. Cela
s'explique en partie par le fait que la langue "tonale" des Africains produit lors de l'expression
une ligne nettement mélodique. En congo, carabalí, lucumí, arará, etc., les déclamations
poétiques se font avec une nonchalance et un chantonnement très proches du cantao
Dans ces mémoires de Nicolas Guillén publiées en 1982, nous avons trouvé de
curieuses coïncidences entre les lieux que le poète cubain fréquentait tantôt avec Langston
Hughes, tantôt avec Federico García Lorca. Sa poésie est le reflet d'une poésie d'inspiration
nègre qui dut se métisser et utiliser le castillan, langue commune, lingua franca de tous les
Noirs de Cuba, ce qui transparaît dans les formes, les rythmes et les thèmes. Mais même ces
vers mulâtres peuvent être accompagnés de tambours, et certains d'entre eux possèdent une
musicalité indéniable, comme les sones du poète de Camagüey. Il utilise les éléments
musicaux de la rumba et le son dans sa poésie. Les origines de la rumba se trouvent dans la
yuka d'origine congolaise, interprétée avec des tambours. Elle traversa plusieurs étapes
(rumba brava, rumba picaresque, rumba de salon) avant d'en arriver à la rumba telle que nous
campagne et les styles urbains populaires. C'est dans Motivos de Son, ensemble de huit
poèmes qui parurent dans "Ideales de una Raza", section du Diario de la Marina le 20 avril
166
1930, que Nicolas Guillén porte au plus haut degré la fusion musico-littéraire qui marquera la
littérature cubaine contemporaine. La maison d'édition Letras Cubanas publia en 1980 une
situe, à l'égal de celui de The Weary Blues, dans les ambiances de cabaret. Le poète tente de
restituer l'atmosphère transmise par les cumbanchas pendant les années vingt et trente, en
particulier à La Havane, ce qui le pousse à un total refus des conventions littéraires, car il
Pendant nos séjour à Cuba en 1996 et en 1997 nous avions découvert comment Lorca
avais pris connaissance de l'idiosyncrasie afro-cubaine grâce à ses contacts avec la famille
Loynaz (composée de deux frères, Enrique et Carlos, deux sœurs Flor et Dulce Marìa; cette
dernière obtiendra le prix Cervantes en 1992); de même avec l'anthropologue Fernando Ortiz
poète à visiter l'île et à donner une série de huit conférences entre La Havane et Santiago-,
spécialiste des cultures primitives et d'origine africaine; avec les revues littéraires les plus
importantes de l'île, telle la Revista de Avance, ainsi qu'avec des écrivains comme José
Lezama Lima et Alejo Carpentier. Sans aucun doute, les poètes et les musiciens eux-mêmes
(« soneros », joueurs de « maracas » et de « tres ») participaient activement à la vie et aux
coutumes nocturnes de l'île, parmi eux, probablement, Nicolas Guillén. Motivos de Son de
Nicolas Guillén fut publié l'année même du séjour de Federico à La Havane, pourtant il
n'existe pas de relations ou d'interdépendance entre "Son de Negros de Cuba" et les « sones »
du poète afro-cubain.
Il est fondamental de souligner les deux aspects qui définissent la poésie de l'époque:
le primitivisme et l'indigénisme. Dans les Caraïbes, la tendance indigéniste est connue sous le
nom de "tendance négriste". Des écrivains comme Marcelino Arozarena, Ramón Guirao,
Emilio Ballagas, Alejo Carpentier et Nicolas Guillén s'inscrivaient dans ce mouvement. Ce
167
dernier utilisa, ainsi que nous l'avons indiqué, les formes de la rumba et le son dans ses genres
poétiques. Le son, l'expression africaine la plus vivante, se transforme en véhicule de
Hughes, tient non pas à la pigmentation ou aux différentes races africaines qui peuplèrent
chaque pays, mais au mélange avec les cultures européennes, à la « transculturation » propre à
chaque culture. Les genres afro-cubains se mêlèrent aux genres espagnols, tandis que Hughes
incorporant le langage "noir" dans sa poésie, il rompt avec les schémas imposés par
inclut les expressions "noires" des classes défavorisées. Les deux poètes montrent le même
souci d'introduire le langage parlé de ces classes marginalisées, l'élevant ainsi à un plan
littéraire. Un autre point commun se situe dans le contexte social au milieu duquel se
déroulent les poèmes: le cabaret, le « nightclub », les faubourgs, les jam-sessions -à Cuba
elles sont appelées « descargas » (en français, on les nomme "bœuf", d'où l'expression "faire
un bœuf", dans le jargon des musiciens de jazz français). Aussi bien Motivos de Son que The
Weary Blues reflètent un certain primitivisme populaire, qui existait dans les années vingt, et
dont l'élément central était la recherche des plaisirs charnels, une joie de vivre, trouvés en
dansant, en buvant, en chantant, en faisant l'amour, cela en réaction à une condition oscillant
Mon étude sur un livre de poèmes du critique et poète argentin, Saúl Yurkievich,
héritier de la prose de Julio Cortázar et l‟un des grands spécialistes de l‟auteur de Marelle, est
une sorte de reconnaissance à l‟activité créatrice de l‟ancien professeur de Paris VIII 163. Le
jeu est une partie essentielle de l‟œuvre de fiction de cet écrivain qui a résidé à Paris jusqu‟à
sa mort dans un accident de voiture survenu il y a déjà quelques années dans le Sud de la
France. Le texte étudié suggère en quelques lignes une série de coordonnées sur lesquelles
j‟avais centré mon travail : le jeu, l‟amour et l‟humour. Trampantojos (1985)164 est une œuvre
ouverte au dialogue avec d‟autres textes de l‟auteur et la tradition de la poésie latino-
américaine contemporaine, car elle nous renvoie à de nouvelles lectures sur les fictions de
Cortázar et nous oblige à relire un texte presque oublié dans le temps, mais fondamental dans
lecteur à jouer avec une écriture multiforme, métaphorique, désordonnée, chaotique, trompe
de promiscuité inconsciente, libidineuse, eschatologique. Son écriture est une alternance des
voix lointaines, depuis l‟humour érotique rabelaisien carnavalesque, jeu transsexuel de formes
hybrides et de jeux rhétoriques d‟un Modernisme encore présent dans les formes lyriques des
poèmes. Mais cette pièce n‟est pas un recueil extravagant et conceptuel de poèmes héritier de
l‟écriture automatique, puisqu‟elle se manifeste en prose, dans quatre récits assez courts,
163
Cf. Fco. Javier RABASSO, « „Trampantojos‟ de Saúl Yurkievich: de la poesía a la lírica, la prosa
cortazariana », Actas del XII Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas, Tomo VII: Estudios
Hispanoamericanos II, Birmingham: Department of Hispanic Studies, University of Birmingham, 1988, pp. 218 -
225.
164
Cf. Saúl YURKIEVICH, Trampantojos, Madrid: Alfaguara, 1987.
165
Selon une étude réalisée par Saúl Yurkievich sur Oliverio Girondo dans Fundadores de la nueva poesía
latinoamericana, Barcelona: Ariel, 1984, pp. 149-167, Espantapájaros (1932) est un ensemble de récits en prose
de fabulation fantastique à la manière de Le cornet à dés de Max Jacob, dans une œuvre d‟une très grande
diversité stylistique chargé d‟humour et d‟érotisme.
169
d‟une écriture transversale entre la poésie et la prose nous offre toutes sortes de recettes
lyriques, de potions magiques en 51 épisodes qui marquent le parcours ludique du texte dans
la fiction.
Les sélections de fragments que j‟ai effectuées ne sont qu‟un prétexte pour partager la
trace d‟une écriture cortazarienne, eros ludens d‟une prose perdue dans les abîmes de
l‟inconscient collectif et récupérée à travers des connexions et des ponts entre el aca y el allá
(ici et là-bas), entre une sphère mythique-érotique pleine de révélations mystiques et un plan
mondain, concret, résiduel, même grossier, indécent. Ceci apparaît clairement dans des textes
perdre dans la chair et dans l‟esprit. Le lecteur se trouve souvent dans un espace onirique,
forcé à jouer et à connaitre les règles du jeu (sa grammaire, son langage) ou à se perdre dans
son ignorance pour se laisser porter par l‟intuitif, par une sorte de « jouissance » inconsciente
(acteur) à réaliser une exploration vers l‟intérieur du monde proposé par la fiction ou vers
l‟extérieur (spectateur) du texte, à la recherche herméneutique des sens suggérés par l‟œuvre
d‟art.
carnavalesque le dédoublement ironique des voix, car il s‟agit d‟un mécanisme postmoderne,
produit une configuration typographique particulière, avec des paragraphes sans majuscules
pour donner continuité au récit intérieur, celui d‟un personnage archétype hispanique, un
166
Cf. Saúl YURKIEVICH, Julio Cortázar: mundos y modos, Madrid: Anaya & Mario Muchnik, 1994, p. 145.
170
Héraclès andalou, régénérateur du Cosmos avec son énergie initiatique, enfermé dans un
espace poétique et mythique, celui du Labyrinthe, qui doit se battre avec le Minotaure dans un
temps sacré, en spirale, fécondateur des fictions et des rêves. Toute la construction du récit est
une mise en abîme chargée de transgressions littéraires, car par moments nous avons
l‟impression que nous sommes dans l‟espace poétique d‟un autre auteur, soit Girondo soit
(orgie mystique basque) décrit fonctionne comme un manifeste organique d‟une écriture
sensorielle, alchimie des mots sorciers qui nous mènent dans un autre univers pré-cartésien,
l‟acte de la lecture.
L‟œuvre poétique et en prose de Saúl Yurkievich doit être étudiée avec l‟attention que
méritent la qualité et la dimension de ses poèmes, de ses récits et d‟autres travaux de fiction.
Son œuvre d‟essayiste, connue de tout le monde, doit aussi être revalorisée en rapport avec
son corpus créatif, les deux parties de son écriture étant de grands témoins de la littérature
herméneutique que son œuvre a suscité entre la critique. Ce travail a essayé de combler un
VII. 6. Une vision d’ensemble du théâtre d’auteur contemporain en Amérique latine Mis en forme : Police :Gras, Français
(France)
L‟intention de mon étude sur le théâtre en Amérique latine était de faire une synthèse
de ce qui se passe dans le théâtre d‟auteur sur le continent américain pendant le XXème
171
siècle167. Le manque d‟histoires générales sur ce sujet dans les études littéraires hispaniques
contemporaines est une lacune assez grave dans le corpus critique des cultures hispaniques.
Dans les deux articles écrits pour une Histoire de la Civilisation Littéraire Hispano-
américaine, notre vision d‟ensemble, pourtant, a tenu compte ces recherches effectuées par
Fernando del Toro au Canada dans l‟Instituto Internacional de Teoría y Crítica del Teatro
Documentación Teatral de Madrid, parus dans la fin des années quatre-vingt. Nous avons
identifié le théâtre d‟auteur avec le théâtre de texte, urbain, bourgeois et de représentation (du
Dans notre premier article, nous avons divisé le travail en plusieurs parties. La
première porte sur les mouvements et les tendances à partir du début du XXème siècle. C‟est
plus tard, des auteurs comme Florencio Sánchez (Uruguay), Manuel Galich (Guatemala),
Marcelo Salinas et Luis A. Baralt (Cuba), Emilio Belaval (Puerto Rico), Alfonso Reyes et
Xavier Villaurrutia (Mexique) vont remettre en question le langage fonctionnel des œuvres
classiques pour incorporer la poésie et l‟expérimentation scénique dans ses drames. Nous
sommes dans la période d‟or du théâtre argentin, marqué par Barranca abajo de l‟auteur
(de Buenos Aires). Dans notre étude nous voulions montrer l‟apparition des mouvements
167
Cf. Fco. Javier RABASSO, En collaboration avec Carlos A. Rabassó, « Teatro borghese e urbano », Storia
della civiltà letteraria ispanoamericana, ed. Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, pp. 222-238. Mis en forme : Police :10 pt
172
et du drama gauchesco vers un théâtre plus d‟avant-garde. C‟est le cas du genre, le grotesco
latino-américain se font plus évidentes à partir de la deuxième moitié du XXème siècle. Dans
les années cinquante, au Mexique, les mises en scène du Japonais Seki Sano et les pièces de
Rodolfo Usigli et Luisa Josefina Hernández feront fureur auprès du public. L‟arrivée en
Europe dans les années soixante d‟Alfredo Arias (metteur en scène de pièces encore interdites
dans l‟Espagne de Valle-Inclán), de Victor García (sa version de Yerma de García Lorca avec
Nuria Espert fut anthologique), du groupe TSE à Paris (1969), ainsi que les visions
révolutionnaires d‟Augusto Boal, coïncideront avec le boom littéraire en Europe des écrivains
latino-américains (Alejo Carpentier, Julio Cortázar, Jorge Luis Borges, Mario Vargas Llosa,
partir de El puente (1949) de Carlos Goróstiza, période qui aura le privilège de vivre en direct
les versions de Margarita Xirgú sur La casa de Bernarda Alba en 1945, presque dix ans après
la mort du poète et sa présence à Buenos Aires. Ce sera dans les années cinquante que le
grotesco criollo dans les œuvres d‟Oswaldo Dragún (Túpac Amaru, Historias para ser
Pavlovsky: « I drammi dell‟autrice argentina coincidono sotto molti aspetti con le opere di
Manuel de Pedrolo, autore in lingua catalana appartenente alla corrente denominata da Martin
Esslin teatro dell‟assurdo, quasi sconosciuto fuori dalla Catalogna »168. D‟autres auteurs
168
Cf. Carlos A. RABASSO & Fco. Javier RABASSO, « Teatro borghese e urbano », Storia della civiltà
letteraria ispanoamericana, ed. Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, p. 228.
173
comme Dragún, Gené, Goróstiza et Cossa suivront cette tendance expérimentale du théâtre de
Rio de la Plata. Les mises en scène de pièces d‟auteurs du Sud de l‟Europe comme Fernando
scène latino-américaine. C‟est le cas de Mario Vargas Llosa avec La señorita de Tacna.
Dans la deuxième partie du travail nous faisons un bref parcours sur l‟activité théâtrale
au Chili, avec les mises en scène du Teatro Experimental de la Universidad de Chile sur les
participation aussi de la Xirgú), l‟incorporation des poètes chiliens (Pablo Neruda, Gabriela
Mistral, Vicente Huidobro) et des dramaturges européens (Ionesco, Brecht, Ibsen) dans les
scénarios de la capitale. L‟œuvre d‟Egon Wolff, Los invasores (1962) marquera le point de
départ des avant-gardes théâtrales au Chili. Après avoir fait aussi un rappel des auteurs
mexicains (déjà mentionnés), nous faisons référence au théâtre d‟auteur péruvien, colombien
Révolution, en 1929 Federico García Lorca avait été invité par Fernando Ortiz pour donner
l‟ai déjà indiqué dans le commentaire de mon livre sur Federico Garcia Lorca). La fondation
du Teatro Nacional de Cuba (théâtre Garcìa Lorca) sera fondamentale pour l‟expérimentation
formelle, tandis que les pièces de Virgilio Piñera, le plus grand auteur de la période, presque
oublié à cause de son homosexualité, seront représentées discrètement comparé aux auteurs
moins problématiques comme José Triana et Vicente Revuelta. Nous finisons notre travail
avec une mention particulière du poète uruguayen Mario Benedetti et de son Ida y vuelta
aux arts visuels continuera se retrouvera trente ans plus tard dans le film de Eliseo Subiela, El
174
lado oscuro del corazón, dans la ligne du « réalisme magique », hommage à la poésie de
l‟Amérique du Sud.
révolutionnaire
Cette deuxième partie sur le théâtre169 en Amérique latine tient compte de la notion
des cultures populaires (et de leurs identités culturelles) face aux cultures de masses
(uniformes, globalisées). Pour cela nous avons considéré le carnaval, les fêtes populaires, les
célébrations ludiques des villages comme un retour aux rites dionysiaques, origine de la
tragédie. Le théâtre populaire de création collective donne au spectateur un rôle actif dans la
Técnicas latinoamericanas de teatro popular (1982) nous a aidé à considérer trois typologies
criollo dans les premières décennies du XXème siècle. L‟importance des croyances
religieuses sera fondamentale pour la configuration d‟un théâtre beaucoup plus proche des
préoccupations bourgeoises des élites blanches au pouvoir. Il s‟agit aussi d‟un théâtre en
169
Cf. Fco. Javier RABASSO, en collaboration avec Carlos A. Rabassó, « Il teatro popolare e di creazione
collettiva », Storia de la cività letteraria ispanoamericana, ed. Dario Puccini, Torino: U.T.E.T., 2000, pp. 267-
281. Mis en forme : Français (France)
175
« duende ». Nous l‟avons déjà vécu dans les carnavals de Santiago de Cuba le 25 juillet,
célébré en hommage à Saint Jacques apôtre, patron de l‟Espagne et associé aux orishas
et aux Etats Unis. C‟est avec le « théâtre pauvre » de Jerzy Grotowski, le Living Theater,
l‟Open Theater, le Bread and Puppet, que des groupes comme le Teatro Experimental de Cali
María Escudero et, au Brésil, le Teatro de Universidade Católica de Säo Paulo170 suivront les
américains, « engagés » avec la gauche politique, dans les mises en scène du théâtre de
empruntant de textes poétiques et de fiction d‟auteurs comme Carpentier, Neruda, Roa Bastos,
Cardenal, Roa Bastos, Darío et García Márquez. Les idées de Stanislavskij, Brecht et Artaud
seront adaptées dans les différents contextes culturels pour faire un théâtre chargé de
170
Ce groupe fera l‟adaptation de l‟œuvre poétique de Cabral de Melho, Vida e Morte Severina, présentée en
France en 1966 avec des commentaires musicaux de Chico Buarque de Holanda. Ce texte du poète brésilien
avait été marqué par les peintures de Joan Mirñ. L‟artiste catalan Joan Brossa l‟avait introduit presque vingt ans
avant dans le cercle avant-gardiste de l‟art catalan contemporain. Dans un travail récent en hommage aux 10ème
anniversaire de la mort de Brossa, je fais un bref commentaire sur la contribution du poète brésilien dans l‟œuvre
de l‟iconoclaste créateur catalan.
176
symboles et de force expressive. C‟est le cas du groupe chilien Ictus. Ses mises en scène
seront un des événements théâtraux de la Plaza de las Américas dans l‟Exposición Universal
de Sevilla en 1992 (avec des textes du prix Nobel chilien de littérature, sous le titre de Pablo
D‟autre part, nous avons remarqué l‟énorme importance pour le théâtre en Amérique
latine des groupes d‟avant-garde européens dans les différents festivals internationaux du
Festival de Caracas (1976), et les catalans Els Comediants et La Fura dels Baus à plusieurs
vers un théâtre symphonique de création collective. Avec le temps ce type de théâtre, comme
c‟est aussi arrivé au Troisième Cinéma, rentre en crise existentielle pour des difficultés
financières et par le manque d‟un public engagé et connaisseur en dehors des représentations
recycler pour donner sur Internet accès au public à ses mises en scène. Une nouvelle
communication. Nous avons vu avec les recherches et les réalisations des différents groupes
et auteurs dramatiques en Amérique latine la survie des cultures populaires face à la culture de
masses. Face aux images trompeuses des médias, le théâtre peut rendre à l‟Ethnosphère
(ensemble des ethnies et cultures de la planète) son âme, ses croyances spirituelles encore
vivantes dans les communautés indigènes et les groupes dissidents opposés à la globalisation
homogène de la culture.
177
celle de Marelle de Julio Cortázar, nous l‟employons ici pour faire allusion à un récepteur
obligé de réaliser une multiplicité de lectures entre le récit de fiction et les différents contextes
suggérés par le film (la Révolution Cubaine, la propre mort du réalisateur, les traditions afro-
Le film établit aussi un dialogue avec l‟histoire du cinéma occidental avec des films
comme The barefoot contessa, dont la mort de la protagoniste, Maria Vargas déguisée en
plusieurs personnalités nous rappelle celle de Francisco J. Pérez dans Mort d‟un bureacrate et
le néant existentiel de Sergio dans Mémorias del subdesarrollo. Cette ouverture au dialogue
spectateur dans l‟œuvre d‟art car, comme l‟affirme Gutiérrez Alea, « la respuesta que interesa
al espectador no es sólo la que puede dar dentro del espectáculo, sino la que debe dar frente a
171
Cf. Fco. Javier RABASSO, “Transculturalidad e hipertextos en/desde „Guantanamera‟ de Tomás Gutiérrez
Alea”, Actas del XV Congreso Asociación Internacional de Hispanistas, Monterrey, México, Juillet 2005, pp.
63-75.
178
A partir d‟une critique postcoloniale qui reprend les idées d‟Octavio Paz dans “Los
Octavio Gettino et Fernando Solanas dans “Apuntes para un juicio crìtico descolonizado” 173,
j‟ai essayé de montrer comment le spectateur de Guantanamera doit s‟intégrer dans un projet
comportements et des lectures du monde. Dans cette perspective, les réflexions de Julio
García Espinosa revendiquant l‟art populaire dans “Por un cine imperfecto” remettent en
El arte popular no tiene nada que ver con el llamado arte de masas. El arte popular
necesita el gusto personal, individual, del pueblo… Arte de masas es el que hacen
unos pocos para las masas… El arte popular es el que ha hecho siempre la parte más
inculta de la sociedad. Pero este sector inculto ha logrado conservar para el arte
características profundamente cultas. Una de ellas es que los creadores son al mismo
tiempo los espectadores y viceversa… El arte popular se realiza como una actividad
más de la vida. Es arte culto al revés174.
Dans cette approche
qui ne s‟adaptent pas aux nouveaux systèmes de domination. C‟est ici que Gutiérrez Alea
172
José Antonio EVORA, Tomás Gutiérrez Alea, Madrid: Cátedra-Filmoteca española, 1996, p. 107.
173
Cf. Octavio GETTINO et Fernando SOLANAS, « Apuntes para un juicio crítico descolonizado », El cine
latinoamericano o por una estética de la ferocidad, la magia y la violencia, René Palacios Moré et Daniel Pires
Mateus, eds., Madrid: Sedmay, 1976, pp. 99-104.
174
Julio García ESPINOSA, “Por un cine imperfecto”, El cine latinoamericano o por una estética de la
ferocidad, la magia y la violencia, René Palacios Moré et Daniel Pires Mateus, eds., Madrid: Sedmay, 1976, pp.
139-140.
179
Dans notre travail inédit de recherche nous faisons référence au Manifeste de Cinéma
Pauvre, lancé par Humberto Solás il y a déjà quelques années. C‟est aussi dans une esthétique
de la pauvreté des moyens que les cultures populaires peuvent édifier leur projet libérateur,
dérivés), pour trouver, dans les mouvements marginaux, dans les écritures de la dissidence,
des sources d‟inspiration et de réalisation. Nous avons donné l‟exemple pour un récepteur
Happening, le Performance Art, la Beat Generation, le Cut and Paste de William Burroughs,
la poésie brève d‟origine japonaise des poètes en Amérique latine, entre autres.
La notion de différence culturelle est au centre de notre étude car souvent elle
francophonie, le Commonwealth (monde anglo-saxon), en les isolant les uns des autres.
Depuis les Anciens, c‟est le contraire. Les écosystèmes culturels se rétroalimentent en créant
de nouvelles approches d‟une réalité multiple dans sa perception ethnique. La parabole yoruba
de Guantanamera nous le montre ainsi car elle continue une tradition de « story-telling »
présente par exemple dans les interactions entre l‟afro-cubanisme de Nicolás Guillén, l‟afro-
(que nous avons étudiés avec la publication d‟un ouvrage). C‟est cette même parabole qui
établit un dialogue avec les mythes et les traditions spirituelles d‟autres cultures autour du
monde : à partir du déluge cubain des orishas, nous dialoguons intertextuellement avec le
Vaisvadata des Vedas, le Deucalion des Grecs, le Ziusudra sumérien, le Ni-Yi des Mayas, le
Coxcox et Tezpi des Aztèques, la Bible des Chrétiens, etc. Texte ouvert, le film s‟ouvre ainsi à
Un article que j‟ai fait il y a quelques années sur la recherche esthétique et existentielle
de Wifredo Lam dans sa jeunesse anticipe quelques réflexions et des informations de mon
travail inédit pour l‟HDR, sur la de vie Wifredo Lam à partir du film de Humberto Solás,
réalisé en 1977 et distribué en Espagne deux ans après175. Les endroits toposémiques (la
campagne et les villes) de la première partie de la vie du peintre cubain (avant son départ pour
Paris vers la fin des années trente) sont cruciaux pour comprendre la recherche personnelle de
l‟artiste et le développement d‟un style propre, exprimées dans toute sa splendeur juste
quelques années plu tard, au début des années quarante avec son célèbre tableau, La jungla
(1943). Deux concepts sont importants dans mon travail pour mieux comprendre la dimension
« peintures noires », en empruntant la référence goyesque par rapport aux peintures conçues
Sur le concept de transculturalité, je ne vais pas répéter ce que nous avons déjà vu dans
d‟autres articles que j‟ai deévéloppés et dans mon inédit pour l‟HDR. Ce qui m‟intéresse ici
est de faire allusion au concept de « peintures noires » dans la production de Lam. D‟un côté
nous pouvons parler de la notion de « négritude » des auteurs de la diaspora africaine aux
Caraïbes et en Europe au XXème siècle. D‟autre part, nous pouvons aussi faire référence à la
manifestation de la mort dans des rituels afro-cubains suggérés dans son œuvre. La
175
Cf. Fco. Javier RABASSO, “Sagua La Grande – La Habana – Madrid como búsqueda transcultural en las
„pinturas negras‟ de Wifredo Lam”, Actes du Colloque International de l‟ERIAC, février 2006 (Equipe de
Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous presse.
Sortie prévue en octobre 2009).
181
aux Caraïbes. Le cas de Lam sera particulier car l‟histoire des Chinois à Cuba est aussi
VII. 10. Métissage de genres comme élément transgresseur dans le cinéma cubain.
L‟humour noir, macabre, présent dans les films de Gutiérrez Alea est un des éléments
espectador, ensemble de réflexions sur le spectateur et le cinéma 176. J‟ai essayé de trouver
traditions comme la mexicaine, très riche dans son cinéma et dans la peinture de cette
modalité assez particulière d‟envisager le monde à partir des arts visuels. Dans les deux cas,
celui du réalisateur cubain et des artistes mexicains, nous pouvons affirmer qu‟il s‟agit de
représentations minoritaires d‟un hispanisme parfois trop ancré dans le sérieux, avec peu de
tendance à associer l‟humour avec le fantastique, le surréalisme, les arts mineurs. En vérité,
176
Cf. Fco. Javier RABASSO , “Los cementerios y el humor macabro como elementos de transgresiñn en la
muerte y en el cine de Tomás Gutiérrez Alea”, Actes du Colloque international de l‟ERIAC, février 2007
(Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines, Université de Rouen (Sous
presse. Sortie prévue en octobre 2009).
177
Antonio Mazón ROBAU, « Titñn: la sonrisa apolìnea como exorcismo ante la muerte”, Tomás Gutiérrez Alea
y el cine cubano: una estética en/desde la revolución, Nantes: CRINI, 2003, p. 66.
182
Alea, comme Buñuel, appartiennent à cette tradition de l‟humour macabre que nous trouvons
aussi dans les peintures nègres de Goya, ainsi que dans ses gravures et dessins (Les Caprices,
les Désastres de la Guerre). Dans ses films, Alea emploie le macabre et l‟humour non pas
comme des éléments purement émotionnels pour que le spectateur puisse s‟identifier et se
projeter dans la fiction, mais comme des propositions intellectuelles de distanciation par
rapport au récit. Il s‟agit d‟un “choteo macabro”, très personnel, difficile à extrapoler dans
d‟autres artistes. Je voulais montrer comment c‟est à partir de ce système hybride émotionnel
questionner non seulement le monde proposé par le film, mais le sien propre. Le cinéma
Nous avons étudié les différentes origines de l‟humour macabre de Gutiérrez Alea. Ils
se trouvent dans le cinéma américain et dans les croyances spirituelles afro-cubaines. Si nous
pouvons bien apprécier la première source originaire dans plusieurs séquences de La mort
Ramos dans ses funérailles, la deuxième source apparaît de façon très explicite tout au long de
son dernier film, Guantanamera (1996), dans l‟existence de personnages comme la petite fille
Iku, la parabole d‟Olofin ou la scène finale d‟Adolfo en train de lire son discours en face du
public et de deux morts (un noir et un blanc) au moment où la pluie du déluge de la parabole
Un autre aspect que je voulais remarquer est que l‟humour macabre faisait aussi partie
de la vie personnelle du réalisateur cubain. Si toute son œuvre est comme un “éloge funèbre”
(Nancy Berthier)178, il semble que les événements personnels de sa vie aient été marqués par
178
Cf. Nancy BERTHIER, « L‟éloge funèbre, de La mort d‟un bureaucrate à Guantanamera », Voir et lire Tomás
Gutiérrez Alea. La mort d‟un bureaucrate. Hispanística XX, Dijon : Université de Bourgogne, 2002, pp. 93-106.
183
ce qui s‟était passé au cinéma auparavant. Ses funérailles au Cementerio Colón étaient comme
une mise en scène de ses films précédents. Alfredo Guevara, directeur de l‟ICAIC lançait un
d‟Adolfo au même endroit dans les deux films mentionnés. Quelques mois après sa mort,
nous avions rencontré en juillet 1996 sa première femme, Baby, dans son « paladar »
(restaurant) très près de l‟endroit où les restes d‟Alea reposaient. Un “apagñn” (coupure
d‟électricité) et une conversation sur lui à la lumière des bougies nous donnèrent l‟impression
que l‟esprit du réalisateur partageait avec nous la soirée. Encore le “real maravilloso” se
avec ce que la critique sur le réalisateur cubain avait déjà réalisé. Les commentaires de
Michael Chanan dans son livre Cuban Cinema, sont représentatifs de la vision que des
chercheurs anglo-saxons ont du cinéma d‟Alea179. Le même Alea, dans un livre où il avait
publié ses pensées sur le cinéma (en particulier La dialectique du spectateur), affirmait sur
l‟humour macabre que c‟était “dar un paso efectivo hacia el descubrimiento de capas más
profundas de la realidad, el espectáculo desmitificador, el que nos hace subir un escalón más
Finalement, dans un autre article, la chercheuse française Nancy Berthier continue dans la
L‟humour comme l‟un des procédés entrant dans le principe de distanciation, le rôle
de ce dernier dans le dispositif rappelé ci-dessus est évident : l‟humour concilie en
179
Chanan affirme que la conception du cinéma de Gutiérrez Alea “fulfills the function of a kind of Greek – or
Brechtian- chorus, puntuating the journey of a corpse from one end of the island to the other in a cross between a
black comedy and a road movie. The humor of death is another of Alea‟s favourite themes”, Cuban Cinema,
Minneapolis: University of Minnesota Press, 2004, p. 476.
180
Tomás GUTIERREZ ALEA, Poesía y Revolución, Las Canarias: Filmoteca canaria, 1994, pp. 79-80.
184
VII. 11. Cinéma engagé latino-américain comme alternative de dissidence face à la globalisation
latine, j‟ai réalisé une synthèse d‟un des chapitres de mon inédit pour l‟HDR sur le film
Wifredo Lam d‟Humberto Solás182. Mon objectif était de montrer la tradition de la pensée
partir des années soixante avec l‟apparition du Troisième Cinéma et de ses fondateurs,
Fernando Solanas et Octavio Gettino en Argentine, qu‟une nouvelle vision des cultures
deux penseurs et réalisateurs, « Por un Tercer Cine Latinoamericano », est une sorte de
manifeste pour la réalisation d‟un cinéma qui doit s‟éloigner des impératifs du cinéma
colonisation des esprits par une culture américaine anglo-saxonne totalitaire et impérialiste.
181
Nancy BERTHIER, « L‟humour au service de la révolution : Las doce sillas de T.G.Alea », Tomás Gutiérrez
Alea y el cine cubano : una estética en/desde la revolución, Nantes: CRINI, 2003, p. 61.
182
Cf. Fco. Javier RABASSO, « Del Tercer Cine Latinoamericano al Cine Pobre de Humberto Solas. Por una
estética de la disidencia global en el cine cubano de la Revoluciñn”, Actes du Colloque Internacional Université
de l‟ERIAC, février 2008 (Equipe de Recherche sur les Aires Culturelles), UFR Lettres et Sciences Humaines,
Université de Rouen (Sous presse. Sortie prévue en 2010).
185
A côté de ces deux intellectuels de l‟image, l‟essai de Julio Garcìa Espinosa, un des
fondateurs à Cuba de l‟ICAIC, « Por un cine imperfecto » sera une continuation de la pensée
radicale des auteurs argentins. L‟application de ses principes par la réalisatrice afro-cubaine
Sara Gómez, décédée juste avant le tournage de De cierta manera (1973) et la participation
cinéma révolutionnaire. Moins militant que les films de ses prédeceseurs, comme La hora de
los hornos (1968) de Fernando Solanas, la cinématographie de Gutiérrez Alea sera beaucoup
plus subtile pour permettre à un spectateur critique de construire son film et sa propre lecture.
C‟est le cas de Memorias del subdesarrollo (1968) et, beaucoup plus tard, de Fresa y
chocolate (1993), deux films de référence obligatoire dans l‟histoire du cinéma en Amérique
latine. J‟ai mis en relation avec les films et les auteurs nommés précédemment la pensée de
Gutiérrez Alea dans La dialéctica del espectador, texte fondamental dans l‟histoire du cinéma
Si, dans le commentaire de mon inédit, je vais développer plus largement les aspects
traités dans cet article, il faut tout au moins mentionner le deuxième grand nom du cinéma
d‟Humberto Solás. Sur un de ses films moins connus, Wifredo Lam (1977), j‟ai réalisé mon
inédit pour l‟HDR. L‟apparition de Lucía (1968) fut tout un événement dans la jeune histoire
Amérique latine) enseigné par Wendy Rolph (amie personnelle de Carlos Saura et passionnée
du Troisième Cinéma), dans le Département d‟espagnol et portugais, que j‟ai pris conscience
signifiait une prise de conscience avec Cuba et avec la femme, protagoniste du film (trois
actrices représenteront trois Lucìas dans des périodes différentes de l‟histoire du pays), j‟ai
montré dans l‟article comment la création du Cinéma Pauvre à Gibara (locus de la fiction de
la troisième Lucia, la plus cubaine) et son manifeste, rédigé par Solás, ont signifié un pas en
avant vers les cinémas indépendants des pays émergents, dont les réalisateurs ont beaucoup
d‟idées et de créativité, mais avec très peu de moyens. La mort de Solás en septembre 2008 a
Dans le travail inédit de recherche pour mon H.D.R. j‟ai travaillé sur le film Wifredo
Lam (1977) de Humberto Solás, qui essaie d‟un côté de récupérer, les contributions du « film
d‟art » de la première moitié du XXème siècle et, de l‟autre, de créer une œuvre hybride en
son expression formelle car il s‟agit d‟un documentaire et d‟une fiction. Dans quelques
scènes (perçues comme reconstruction d‟une période historique) Solás reproduit la vie et
l‟introduction de mon travail sur le film, j‟ai essayé de mettre en relation l‟œuvre du peintre
183
Cf. Fco. Javier RABASSO, Lecturas transculturales entre la pintura y el cine. Identidades híbridas a partir
de la película de Humberto Solás, “Wifredo Lam”, travail inédit pour l‟HDR (Habilitation pour Diriger des
Recherches). A publier en espagnol à Cuba dans l‟Editorial Oriente, Santiago de Cuba. Sortie prévue pour 2010.
243 p.
187
barbarie », car les peintures de Lam questionnent les valeurs sacro-saintes de la peinture
occidentale et les notions mentionnées en proposant une relecture des termes à la lumière des
débat sur la culture de masses et les cultures populaires acquiert une énorme importance car la
Le film est étudié comme un « artefact » culturel dans le sens où il est une otredad,
une alternative aux produits de grande consommation propres aux cultures de mases,
généralement dominées par le modèle anglo-saxon. Dans une Amérique où les temps culturels
renvoie aux origines pour la construction d‟un sujet populaire interethnique capable de créer
aussi un projet politique alternatif national, une sorte d‟ « exception culturelle » à la cubaine
pour faire face à l‟offensive culturelle globale néolibérale. En même temps, le film de Solás
nous propose de nouvelles formes de connaissance et de conscience d‟un art engagé et d‟une
l‟intérêt des études culturelles. C‟est pour cela que mon travail essaie de concilier la distance
créee tout au long du XXème siècle entre les disciplines académiques, les civilisations et les
cultures.
J‟ai divisé mon travail en quatre parties ou chapitres bien différenciés par rapport au
contenu et à la manière de traiter les sujets abordés. Quelques chapitres ont une fonction plus
pour les mettre en rapport avec la vie et la production artistique de Lam. D‟autres sont une
188
synthèse aussi des courants de la recherche qui ont étudié d‟une façon ou d‟une autre quelques
chapitres nous nous sommes confrontés à certains sujets d‟une façon plus traditionnelle, en
réalisant des analyses textuelles et en appliquant les méthodologies qui pourraient répondre
aux questions que la problématique choisie suggère au chercheur. Notre film commence sous
la considération qu‟il s‟agit d‟un « film d‟art » et comme outil artistique de revendication des
cultures populaires. Pour cela nous avons démarré le débat sur le thème assez connu de
« civilisation et barbarie », pour après tenir compte de l‟émergence d‟une culture populaire
qui puisse faire face aux colonialismes de toutes sortes subis par le continent latino-américain.
défendue à l‟Université de Toronto en 1994. Mon travail entre le cinéma et la peinture réalise
depuis le moment où cinéma et peinture se mettent en relation pour raconter l‟œuvre et la vie
du peintre. Notre récepteur devra choisir entre plusieurs textes, le filmique et/ou le pictural,
pour arriver à saisir, dans le sens le plus large, les potentialités sémantiques et perceptives du
interdisciplinaire, nous devrons dès les premières recherches, faire un parcours herméneutique
sur quelques théoriciens et artistes qui ont travaillé sérieusement sur les relations entre la
herméneutique sur les interconnexions entre peinture et cinéma, bien que sur la
189
trouvé la plus large communauté d‟artistes. C‟est en France, en Italie et en Allemagne que se
sont développés les travaux les plus prestigieux dans la matière, sur de différentes
perspectives théoriques. La critique américaine sur le sujet est plus pragmatique, avec l‟étude
spécifique des films, même si les travaux d‟Arnheim et de Kracauer (deux grands théoriciens
sur le cinéma et l‟art visuel) sont étudiés en anglais dans de nombreuses universités
américaines. Nous avons pris en considération les réflexions, aux Etats-Unis, de Stanley
Cavell, de Dudley Andrew et d‟autres auteurs qui ont contribué à synthétiser les différentes
herméneutiques sur les relations entre peinture et cinéma. En France, un des précurseurs le
plus importants à établir des liens entre cinéma et peinture fut André Bazin, fondateur des
Cahiers du cinéma dans les années cinquante. Cette revue a été fondamentale dans l‟histoire
commercial. Dans son livre Qu‟est-ce que le cinéma? (1958)184, Bazin marquera le début des
avant, Rudolf Arnheim publiait Film as Art (partiellement publié en 1933)185, considéré par
une grande partie de la critique comme un des textes clé entre le cinéma et la peinture. Parmi
les autres chercheurs importants pour les analyses transversales entre cinéma et peinture nous
avons fait une synthèse des idées d‟Antonio Costa et de Francesco Casetti en Italie 186, de
184
Cf. André BAZIN, Qu‟est-ce que le cinéma?, París: Les Editions du Cerf, 1993.
185
Cf. Rudolf ARNHEIM, Film as Art, Berkeley: University of California Press, 1957.
186
Nous avons fait le commentaire d‟un texte classique italien, Cinema e pittura, de 1991. Il n‟existe pas une
traduction en espagnol.
190
dans le cinéma à augmenté ces derniers années grâce au film de Victor Erice, El sol del
membrillo (1992), avec le peintre espagnol hyperréaliste Antonio López. Les chercheuses
Aurea Ortiz et María Jesús Piqueras ont publié déjà plusieurs éditions du même ouvrage, La
visual (1995), une des études de référence en castillan en ce qui concerne les relations entre
les deux disciplines artistiques. Le critique et réalisateur José Luis Borau mérite aussi notre
attention. Par rapport aux artistes et cinéastes, nous avons fait référence aux travaux de Jean
Renoir, Jean Cocteau, Chris Marker et Eric Rohmer en France; Andy Warhol, Michael Snow,
Julian Schnabel, Peter Greenaway et David Lynch dans le monde anglo-saxon; et finalement,
Dans le deuxième chapitre, « Wifredo Lam entre le Troisième Cinéma des années 60
et le Cinéma Pauvre d‟Humberto Solás dans la première décennie du XXIème siècle », nous
dans les années soixante pour, de cette façon, mieux comprendre le film de Solás dans le
Cinéma en Argentine, en Bolivie, à Cuba et dans d‟autres pays du continent américain est
fondamental pour placer l‟œuvre de Solás dans le contexte d‟un cinéma engagé avec l‟identité
d‟un cinéma qui trouve dans les cultures populaires l‟axe centrale de ses recherches
esthétiques e existentielles. En même temps, j‟ai essayé de comprendre les éléments clés
187
Cf, Pascal BONITZER, Peinture et cinéma. Décadrages, publié à Paris en 1985 par Cahiers du
cinéma Jacques Aumont, L‟œil interminable. Cinéma et peinture, 1989. Du même auteur nous avons ausssi,
Matières d‟images, avril 2005.
188
Cf. Aurea ORTIZ et María Jesús PIQUERAS, La pintura en el cine. Cuestiones de representación visual,
Barcelona: Ediciones Paidós Ibérica, 2003.
191
présents tout au long de la cinématographie d‟un des artistes le plus emblématiques du cinéma
cubain de la Révolution. Humberto Solás a été, avec Tomás Gutiérrez Alea, le réalisateur le
plus représentatif d‟un cinéma cubain qui dans les années soixante trouve son moment le plus
important, même si dans les quatre décennies suivantes il continuera à produire des œuvres de
Manifiesto del Cine Pobre189 (Manifeste du Cinéma Pauvre) réactualisera les propositions
que les postulats du Cinéma Imparfait de Julio García Espinosa191 et de La dialéctica del
espectador de Tomás Gutiérrez Alea192. Est aussi importante pour ce chapitre l‟œuvre critique
sur le cinéma cubain de Paulo Antonio Paranagua 193 et de Michael Chanan194, deux des
grands spécialistes sur le sujet. Entre autres travaux sur Solás citons l‟édition de Rufo
Caballero publiée en 1999 à La Havane, A solas con Solás195, et les catalogues du Festival
189
Cf. Humberto SOLAS, “Manifiesto del Cine Pobre”, I Festival Internacional del Cine Pobre de Gibara, La
Habana: ICAIC, 2003, p. 11.
190
Cf. Fernando SOLANAS y Octavio GETTINO, “Toward a Third Cinema (1969)”, Reviewing Histories.
Selections from New Latin American Cinema, Ed. Coco Fusco, Buffalo: Hallwalls, 1987, pp. 56-81.
191
Cf. Julio GARCIA ESPINOSA, “Por un cine imperfecto”, Cine cubano. No. 140, Ed. Maruja Santos, La
Habana: ICAIC, 1998. pp. 55-59.
192
Cf. Tomás GUTIERREZ ALEA, “La dialéctica del espectador”, Poesía y revolución, La Palma de Gran
Canaria: Filmoteca Canaria, 1994, pp. 33-133.
193
Cf. Paulo Antonio PARANAGUA, « Humberto Solás entre Oshum et Shangó », Le Cinéma cubain, Ed. P.A.
Paranaguá, Paris, Centre Georges Pompidou, 1990, pp. 141-151.
194
Cf. Michael CHANAN, Cuban Cinema, Minneapolis: University of Minnesota Press, 2004.
195
Cf. Rufo CABALLERO, A Solas con Solás, La Habana: Ediciones Oriente, 1999.
192
considère le parcours phénoménologique de Wifredo Lam comme l‟axe central autour duquel
pour le cinéma de Tomás Gutiérrez Alea, spécialement pour Memorias del subdesarrollo
(1968) et Guantanamera (1995). Ce concept trouve dans le Wifredo Lam de Solás une autre
variante inattendue: celle du récit de la vie de l‟artiste, raconté par lui-même à la fin de son
documentaire sur Lam, nous allons voir comment l‟épisode dramatique de Lam avec sa
première femme, qu‟il avait rencontrée à Madrid dans les années trente, est fictionnalisé par
Eslinda Núñez, protagoniste des deux films les plus importants du cinéma cubain des années
soixante. Pour pouvoir apprécier dans toute leur dimension les complexités du récit
autobiographique, nous nous sommes servis de certaines œuvres vitales pour la connaissance
de la vie et de l‟œuvre de Wifredo Lam. Nous avons fait référence au livre publié en 1984 à
Paris par Max-Pol Fouchet, Wifredo Lam, le travail le plus important écrit sur le peintre196. Un
autre texte important c‟est le Wifredo Lam de Michel Leiris197, publié en France en 1997. En
anglais, le travail de référence est celui de Lowery Stokes Sims, Wifredo Lam and the
A Cuba plusieurs publications ont étudié sa production artistique. A côté de l‟article déjà
críticos »199, il faullait mentioner le travail d‟Edmundo Desnoes, auteur du roman Memorias
del subdesarrollo que Tomás Gutiérrez Alea adaptera au cinéma en 1968, avec l‟essai « Lam:
196
Cf. Max-Pol FOUCHET, Wifredo Lam, Paris : Editions Albin Michel, 1984.
197
Cf. Michel LEIRIS, Wifredo Lam, Paris : Didier Devillez Editeur, 1997.
198
Cf. Lowery STOKES SIMS, Wifredo Lam and the International Avant-Garde, 1923-1982, Austin, University
of Texas Press, 2003.
199
Cf. Fernando ORTIZ, “Wifredo Lam y su obra vista a través de sus significados crìticos”, Wifredo Lam. La
cosecha de un brujo, Ed. José Manuel Noceda, Cuba: Letras Cubanas, 2002, pp. 283-309.
193
azul y negro»200. Autres travaux importants que nous avons utilisés dans notre étude sont les
judeo-cristiano »201.
Complexités narratives dans le discours filmique », étudie en détail le rôle des instances
narratrices dans la construction d‟un récit polyphonique, à plusieurs voix, ce qui décentre et
enrichit les différents discours proposés dans le film. Si d‟un côté, une voix off qui ne
pour nous parler de sa recherche existentielle et de sa vie, de l‟autre côté, quelques entretiens
nous montrent directement le peintre exprimant ses opinions sur l‟art contemporain et le
signifié de quelques-uns de ses tableaux. En même temps, la caméra nous offre d‟autres
informations, certaines en rapport avec les endroits déterminants dans la vie de l‟artiste,
d‟autres sur ses peintures et les contextes artistiques qui lui ont permis d‟apprendre et de
trouver son style personnel. Tout cela se combine avec des tableaux du peintre et la
200
Cf. Edmundo DESNOES, « Lam: azul y negro », Wifredo Lam. La cosecha de un brujo, Ed. José Manuel
Noceda, Cuba: Letras Cubanas, 2002, pp. 216-234.
201
Cf. Gerardo MOSQUERA, “Modernismo desde Afro-América: Wifredo Lam cambia el sentido”, Arte
Cubano, Dossier Wifredo Lam, Revista de Artes Visuales 2-3/2002, pp. 16-19; Desiderio Navarro, “Leer a
Lam”, Wifredo Lam. La cosecha de un brujo, Ed. José Manuel Noceda, Cuba: Letras Cubanas, 2002, pp. 365-
381.
194
bande de son est aussi crucial dans l‟identification et la projection émotionnelle / intellectuelle
du récepteur avec le monde proposé par Humberto Solás. L‟œuvre filmique se transforme en
une « méga-narration » qui enrichit les complexités du récit avec la possibilité d‟effectuer une
dans le film, considérant aussi les contributions dans ce domaine d‟André Gaudreault dans Du
différents plans filmiques et le son en direct) en finissant dans la « mise en chaîne » (montage
différencier les séquences proposées par le récit pour structurer et analyser les éléments qui
combinées avec des peintures de diverses origines, sons (musique, bruitage, dialogues, voix
off), graphismes et un style particulier dans la façon spécifique de tourner selon le « tempo »
ou le rythme des séquences, nous aident à déterminer le style de cinéma que Solás suggère à
partir de son moyen métrage sur le peintre cubain. C‟est à partir de l‟analyse séquentielle que
caractéristique des adaptations cinématographiques sur les textes dramatiques proposés (la
scène initiale du récit qui se répète tout au long du film) et visuelles (les peintures de Lam et
d‟autres auteurs).
à la diversité des cultures dans les propositions „postcoloniales‟ de deux auteurs », emprunte
202
Cf. André GAUDREAULT, Du littéraire au filmique. Système du récit, Paris : Méridiens Klincksieck, 1989.
195
le concept de Fernando Ortiz pour comprendre la vraie dimension des peintures de Wifredo
Lam. Pour cela, nous faisons référence à l‟énorme production littéraire (essais) d‟Ortiz,
spécialement dans Contrapunteo cubano del tabaco y el azúcar (1940), et à quelques travaux
de quelques chercheurs de l‟œuvre du peintre cubain. L‟essai de Fernando Ortiz sur l‟artiste
de Sagua La Grande, « Wifredo Lam y su obra a través de sus significados críticos », sera
aussi une des sources conceptuelles à partir de laquelle nous avons développé notre analyse
transculturelle. Dans ce chapitre j‟ai mis en relation l‟africanité cubaine métisse de Lam avec
la production poétique d‟Aimé Césaire, collaborateur du peintre dans quelques unes de ses
œuvres, comme Cahier d‟un retour au pays natal (1939)203, texte fondamental sur la
« négritude ». J‟ai tenu compte aussi d‟autres réflexions sur le « négrisme » d‟autres auteurs
des Caraïbes comme les travaux de l‟essayiste Franz Fanon, Peau noire, masque blanc (1952)
d‟hybridité et d‟identité développé par Edward Said dans Orientalism (1978)205, point de
départ des études postcoloniales, après avoir fait allusion aux travaux de Franz Fanon et Aimé
« négritude ». Les études de Homi K. Bhabha sur la « troisième culture », présents dans des
travaux comme The Location of Culture (1994), nous obligent à traiter la notion d‟hybridité
présente dans l‟œuvre artistique de Wifredo Lam et dans le film d‟Humberto Solás. Ce
203
Cf. Aimé CESAIRE, Cahier d‟un retour au pays natal, Paris : Présence Africaine, 1983.
204
Cf. Franz FANON, Les damnés de la terre, Paris : La Découverte, 2002 ; Peau noire, masque blanc, Paris :
Editions du Seuil, 1952.
205
Cf. Edward SAID, L‟Orientalisme. L‟Orient créé par l‟Occident, trad. Catherine Malamoud, Paris : Editions
du Seuil, 2005.
206
Cf. Aimé CESAIRE, Discours sur le Colonialisme, Paris : Présence Africaine, 1955.
196
chapitre continue le débat sur l‟identité en partant sur la situation en France par rapport à la
diversité et dans le monde, concept qui s‟identifie avec une autre vision « altermondialiste »
sur l‟art et la culture. Nous avons fait référence aussi à la Déclaration Universelle de
l‟UNESCO sur la Diversité Culturelle (2005), ce qui nous permet placer l‟œuvre filmique
Dans l‟épilogue, « Wifredo Lam et Humberto Solás au XXIème siècle dès le 50ème
transformation.
Le tableau de Frida Kahlo, “Ma nourrice et moi”, m‟a permis de réaliser une
dans le contexte des cultures hybrides du Troisième Millénaire en Amérique Latine 207. Le
(Fernando Ortiz, Octavio Paz, García Canclini, Serge Gruzinski), postcoloniale et systémique
207
Cf. Fco. Javier RABASSO, « El „fridismo‟: Identidades hìbridas en la pintura mexicana a partir de „Mi
nana y yo‟ de Frida Khalo », Actas del XVI Congreso de la Asociación Internacional de Hispanistas, Paris,
France (Sous presse. Sortie prévue en juin 2010).
197
(Homi K. Bhabha, Fritjof Capra, Edward T. Hall, Susan Friedman, Nikos Papastergiadis, etc.)
de cette œuvre, nous considérons le « fridisme » comme une des avant-gardes artistiques en
Amérique latine, tant pour ses contenus que pour ses propositions, de manière qu‟elle acquiert
une énorme actualité aujourd‟hui dans les phénomènes de globalisation métisse du XXIème
siècle.
Le travail s‟initie avec une réflexion sur les phénomènes d‟hybridation culturelle et
dialogue permanent entre une multiplicité de voix dispersées. Ceci anticipe de cinquante ans
la notion d‟hypertexte développée par Ted Nelson pour les nouvelles technologies (Tim
Berners Lee l‟utilisera pour la création du World Wide Web dans la moitié des années quatre-
vingt-dix). C‟est dans les processus d‟hybridation que les notions d‟identités pures ou
tableau de Frida. En faisant une analyse précise de toutes ses composantes nous arrivons à
percevoir un style singulier de « créolisation » que nous pourrions appeler « fridisme », avec
L‟écriture de cet article avait aussi pour but de rendre hommage à Frida dans le
manière très particulière d‟exprimer le monde intérieur qui trouble la vision du peintre vers
une réalité problématique. Il sera le résultat des perspectives hybrides (dans la forme, les
thèmes, les discours de fois contradictoires suggères par les peintures), « dialoguantes » et
barbarie ». Les réflexions de Serge Gruzinki dans El pensamiento mestizo (2007)208 nous
aident à comprendre cette particulière lecture du « réel merveilleux ». Déjà dans la pensée de
José Vasconcelos nous avons pu constater que la « race cosmique » proposait de nouvelles
utopies métisses, tandis que l‟Ariel de Rodó et le Calibán de Retamar étaient des symboles
d‟une Amérique libérée de la colonisation culturelle. Dans cette perspective, nous avons perçu
la peinture de Frida comme une nouvelle icône transculturelle qui trouve dans sa féminité le
Octavio Paz dans « La búsqueda del presente », quand il nous parle de l‟ « otredad » comme
cifrado de los mitos, las leyendas, las formas de convivencia, las artes populares, las
costumbres »209.
pour son étude comme une alternative existentielle de « barbarie civilisée » latino-américaine,
avec une esthétique qui ouvre le débat sur les identitaires hybrides d‟une globalisation
déterritorialisée face aux cultures locales et migratoires 210. En suivant la pensée de García
Canclini, dans « Ma nourrice et moi » il se produit une perte de la relation « naturelle » des
référents culturels avec les territoires géographiques et sociaux proposés, et en même temps,
symboliques. Ce tableau est l‟exemple de cette confusion des espaces et du temps dans un
univers onirique, mythique, historiquement engagé avec la « barbarie » comme une nouvelle
208
Ainsi Gruzinski affirme dans son livre que “es imposible separar al indio de su sedimento occidental, sea
precolombino, moderno o contemporáneo”, dans El pensamiento mestizo. Cultura amerindia y civilización del
Renacimiento, trad. Enrique Folch González, Barcelona: Paidós, 2007, p. 238.
209
Octavio PAZ, « La búsqueda del presente », Leyendo a Paz. Revista Canadiense de Estudios Hispánicos,
XVI, 3 Primavera 1992, p. 385.
210
Cf. Nestor GARCIA CANCLINI, Culturas híbridas. Estrategias para entrar y salir de la modernidad,
Barcelona: Paidós, 2001, p. 281.
199
forme de civilisation. L‟analyse du tableau se fait à partir des deux personnages, la nourrice et
Frida (corps de petite enfant, tête de femme adulte), leurs liens physiques, leur manque de
hybrides des insectes présents dans le tableau, le paysage « sauvage » et lacustre suggéré par
les chromatismes visuels, le dialogue intertextuel avec la tradition de la peinture classique (sur
Frida, la notion d‟autoportrait présent dans une grande partie des tableaux de Frida etc. Nous
avons essayé à partir de toutes ces donnés plusieurs lectures : mythique, marxiste,
tableau.
Nous finissons notre lecture herméneutique du tableau avec une réflexion sur la
européenne (Velázquez dans Las Meninas, Hans Holbein dans The Portrait of the
Ambassadors), ce procédé nous invite à participer à la fiction, celle-ci perçue comme miroir
d‟une autre réalité absente, intouchable, virtuelle. La relation spéculaire avec autrui, ce qui
n‟est pas est comme un essai de reconstruire la subjectivité aliénée du peuple colonisé.
200
Mes projets de recherche dans les années à venir sont en accord avec le projet de
Histoire de l‟Université de La Havane. Dans cette convention entre les deux institutions
cubaines et l‟Université de La Havane, nous avons créé deux équipes de chercheurs, l‟une en
mentionnés est dirigée par Virgilio López Lemus, docteur ès lettres, poète et essayiste que
nous avons accueilli comme professeur invité dans notre département pour l‟année
universitaire 2008-2009. L‟équipe française est dirigée par moi-même et le sujet central des
dans une première étape, d‟un ouvrage collectif et de plusieurs articles sur le sujet, ainsi que
2012. En 2013 seront publiés les actes d‟un colloque organisé à La Havane, date à déterminer
en 2011.
qu‟une partie d‟un ensemble d‟activités de sa carrière universitaire. Les autres parties sont
201
l‟enseignement, son implication dans des activités administratives et aussi ses responsabilités
face à ses étudiants des mémoires de mastères211. Celles-ci sont le reflet aussi de sa passion
pour la transmission des savoirs et de ses motivations comme enseignant au plus haut niveau.
Depuis septembre 2007 je suis aussi directeur du département d‟Etudes Romanes dans l‟UFR
Diriger de Recherches (H.D.R.) a été faite pendant cette période, même si pour le travail
inédit j‟avais déjà commencé en 2005. La situation conflictuelle dans laquelle s‟est trouvé
l‟Université française pendant les trois dernières années (avec des grèves des étudiants et des
administratif) et du département par rapport aux problèmes de logistique que cela implique,
Mon engagement dans la construction d‟un avenir dans le monde universitaire fait
partie aussi de mes projets dans l‟enseignement, dans la recherche et dans mes activités
administratives. Si l‟Université française est en crise depuis quelque temps, voire dans
dans certaines universités), nous devrons faire face dans les prochaines années à la
211
Dans l‟UFR Lettres et Sciences Humaines de l‟Université de Rouen, pour l‟année académique 2009-2010, je
suis responsable / directeur du mémoire de master 2 de trois étudiants : 1. Sophie Cavelier, “La adaptaciñn
cinematográfica: „The Ninth Gate‟ de Roman Polanski como adaptaciñn, transposiciñn o transgresiñn de la
novela de Arturo Pérez Reverte, „El Club Dumás‟; 2. Camille Jeanne, “Barcelone moderniste chez Eduardo
Mendoza” ; 3. Marguerite Stéphanie, “La revendication identitaire dans l‟œuvre de Juan Rulfo: ponts et
transgressions entre son oeuvre littéraire et photographique ». En master 1, cette année je suis responsable du
mémoire de neuf étudiants: 1. Boshra Oulaillah, « Le cinéma espagnol dans les années 50 : „Muerte de un
ciclista‟ » ; 2. Marina Baray, « Las mujeres como elemento transgresor identitario en la cinematografía de Pedro
Almodñvar”; 3. Ludivine Vimont, « La transposition des gravures de Goya dans le cinéma contemporain » ; 4.
Saliha Bouaziz, « Interxtualidades en la obra de Frida Khalo »; 5. Alison Defresne, “Puentes dialogantes entre el
Greco y Picasso en torno al retrato del Conde Orgaz”; 6. Manuela Dulermez, « Picasso, les femmes, la laideur: la
transgression du modèle occidental traditionnel de la femme » ; 7. Hassna El Akrouch, « la peinture métisse de
Picasso et son engagement existentiel avec la réalité » ; 8. Fatiha El idrissi, « Marginalité dans l‟œuvre de Goya
comme quête postcoloniale identitaire » ; 9. Sandra Nucci, « El sufrimiento en la obra de Frida Kahlo ».
202
concurrence déloyale des grandes écoles qui sont en train de recruter un grand nombre
sociales.
C‟est comme cela que mon travail de chercheur n‟est pas isolé de ce qui se passe dans
principes systémiques que j‟ai employés dans mes réflexions et mes enseignements, pour voir
à l‟horizon l‟espoir dans un métier encore, malgré tout, fascinant et enrichissant d‟un point de
vue intellectuel et, même, spirituel. Car c‟est dans les universités encore que l‟on trouve la
grande majorité des savants, des chercheurs et des professionnels de la pensée. Ce qui est
paradoxal est l‟abandon d‟une partie des étudiants s‟orientant vers des enseignements
pratiques qui ont peu de relation avec la sagesse, la connaissance et le « savoir être ». Si la
mission première des universités est de produire, grâce à la recherche, des savoirs et de les
transmettre, par voie de l‟enseignement, aux étudiants, nous avons encore un rôle à jouer dans
une société qui depuis un certain temps a oublié ses traditions humanistes pour se jeter
aveuglément dans la consommation des informations, des produits et des services. Notre rôle
comme enseignants-chercheurs est celui de la responsabilité des intellectuels dans une société
aujourd‟hui dirigée par les moyens de communication et les entreprises au service du profit et
non pas des citoyens. La culture peut, plus que jamais, se convertir en une arme symbolique
de dissidence globale face à la manipulation des esprits. Mes activités de recherche dans le
monde hispanique ont pris en considération les défis que signifie la transmission des moyens
siècle.
203
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