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Actes des congrès de la Société

des historiens médiévistes de


l'enseignement supérieur public

Conclusion
Monsieur Otto Gerhard Oexle

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Oexle Otto Gerhard. Conclusion. In: Actes des congrès de la Société des historiens médiévistes de l'enseignement supérieur
public, 30ᵉ congrès, Göttingen, 1999. L'étranger au Moyen Âge. pp. 299-303;

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Document généré le 04/06/2016


Otto Gerhard OEXLE

CONCLUSION

Dans sa Sociologie (dite la « grande sociologie ») de 1908 le philosophe,


sociologue et historien allemand Georg Simmel a donné une définition de
l'étranger que je trouve particulièrement utile. L'étranger, dit Simmel 1, c'est
der Wandernde, le migrant, mais non pas celui qui arrive aujourd'hui et qui
part demain, mais plutôt celui qui arrive aujourd'hui et qui reste demain, et
qui, ajoutera-t-on, peut-être, mais seulement peut-être partira après-demain 2.
Et Simmel souligne, qu'être étranger est une vraie forme sociale, une relation
tout à fait positive entre les hommes, une forme très particulière de
réciprocité (Wechselwirkungsform).
Cette définition de Georg Simmel me paraît pertinente pour toute
réflexion sur l'étranger dans l'histoire. Elle s'intègre d'ailleurs dans toute une
série de réflexions analogues dans les sciences sociales du XXe siècle, dans
tous les pays. En France, par exemple, d'Emile Durkheim jusqu'à Michel
Foucault. Je ne vais pas parler de cela. Je veux seulement faire remarquer
deux choses, qui sont soulignées par le texte de Simmel. En premier lieu,
celui qui parle de l'étranger en histoire, parle aussi de l'actualité du temps
présent et il parle de lui-même, de ses opinions, de ses convictions même. Ou,
comme vient de l'exprimer Philippe Braunstein dans sa conférence, au moins
dans le résumé écrit, sur ce fameux dominicain Feux Fabri : « cesser d'être
étranger, c'est se réconcilier avec soi-même ». Pour Simmel, l'actualité de sa
pensée sur l'étranger consistait dans sa position d'intellectuel dans la société
allemande aux alentours de 1900. En second lieu, la définition de Simmel
offre toute une structure de questions susceptibles d'alimenter la pensée des
historiens. À cet égard, il s'agit de processus toujours instables, mais
constitutifs de chaque société, c'est-à-dire des jeux de la proximité et de la dis-

1. G. Simmel, Soziologie. Untersuchungen iïber die Formen der Vergesellschaftung , 5éd.


Berlin, 1968, p. 509.
2. R. Stichweh, « Der Fremde. Zur Evolution der Weltgesellschaft», Rechtshistorisches
Journal, 11 (1992), p. 295-316.

L'étranger au Moyen Âge. Actes du XXXe congrès de la SHMESP (Gôttingen, 1999), Paris,
Publications de la Sorbonne, 2000, p. 299-303.
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tance ; de l'identité et de la ségrégation ; de l'intégration et de l'exclusion ; de


l'accord et du conflit ; de la normalité et de l'exception - et de l'exception qui
constitue la normalité - ; et, de toute façon, des formes de l'innovation sous
tous les aspects de la vie sociale, politique, économique, artistique et
religieuse 3. Et à l'intérieur de tous ces aspects, il conviendrait même de
différencier - comme nous l'apprend Simmel - selon que cet étranger, qui arrive
pour rester quelque temps ou à jamais, est un étranger attendu (comme par
exemple l'esclave), voire désiré (comme par exemple le marchand, l'artisan
et l'artiste), ou si cet étranger est un étranger inattendu (comme le voyageur,
le naufragé et le missionnaire) ou s'il est même détesté. Et puis, il y a
l'étranger malgré lui, et il y a l'étranger que l'on connaît déjà (comme les mude-
jares portugais) 4.

*
* *

Comment résumer la richesse de ce congrès ? C'était la culture de


l'étranger dans toutes ses dimensions qui en était le thème : l'imaginaire, les
pratiques, les institutions. Permettez-moi d'évoquer tout ce que nous avons
appris par seulement quelques allusions.
Nous avons par exemple rencontré V imaginaire dans la littérature
française du Moyen Âge tardif, où l'on réfléchissait sur l'étranger qu'on se
rendait familier en même temps par cette réflexion même, ou bien l'imaginaire
des visions de l'étranger tel l'empoisonneur. Nous avons connu la pratique
du droit urbain, dans les villes allemandes ou italiennes, où « l'altérité
commençait à la porte des villes » (P. Gilli) ; la pratique quotidienne du va-et-
vient dans les centres de pèlerinage avec les effets d'intégration du culte des
saints, par exemple sur le chemin de Saint Jacques ; la production de
l'altérité, mentale et réelle, dans le cas des Cathares ; la pratique de l'intégration
de l'étranger, voyageur ou artiste, dans les cours des princes ; la cour comme
moyen d'intégration d'une dynastie dans un pays étranger et comme centre
du réseau des alliances matrimoniales. Et puis nous avons avons été
confronté aux institutions : l'établissement des peuples étrangers dans la
théorie politique des empereurs à Byzance ; la formation de groupes comme
l'université, ou les « réseaux de solidarité » contre le déracinement dans les
milieux cathares ; les turbulences et crispations dans l'Église anglaise par
l'alterité des clercs italiens ; la construction d'un savoir nouveau, provoquée
par des expériences jusqu'alors inouïes dans le cas des Mongols.

* *

3. Ibid., p. 296.
4. Cf. dans ce volume la contribution de Stéphane Boissellier.
CONCLUSION 301

Je voudrais ajouter quatre remarques, quatre questions.


La première remarque concerne la mentalité, l'imaginaire de l'étranger
dans les sociétés médiévales. Particulièrement notable me semble le fait que,
dans la mémoire collective, les mythes fondateurs des Occidentaux
s'appuient sur des figures d'étrangers. Rappelons Ulysse qui, après la destruction
de la ville de Troie, a vu tant de cités, tant de pays et tant de mœurs.
Rappelons Énée, Troiae qui primus ab oris / Italiam fato profugus Laviniaque
venit / litora, multum Me et terris iactatus et alto... Il convient de réfléchir
aux conséquences globales d'une religion dont les membres sont appelés des
« étrangers », des « étrangers et voyageurs » {1 Pet. 2,11), ou bien des
«étrangers de la dispersion» {1 Pet. 1,1), avec la promesse qu'ils
deviendront « des concitoyens des saints », qu'ils appartiendront finalement
à « la maison de Dieu » {Eph. 2,19). Et quelles ont été les conséquences
- dans les sociétés occidentales - du judaïsme dont le Dieu est appelé « l'ami
de l'étranger », « auquel il donne pain et vêtement » {Deut. 10,18), et qui
« maudit... celui qui fait dévier le droit de l'étranger » {Deut. 27,19) ?
« Aimez l'étranger, car au pays d'Egypte vous fûtes des étrangers » {Deut.
10,19). Avec l'Ancien Testament on peut donc découvrir une littérature dans
laquelle l'étranger est un personnage de première importance. Je ne
rappellerai que cette histoire de l'hospitalité qui est celle du prophète Elie et
de la veuve phénicienne {1 Rois, 17ff.), histoire qui, par exemple, dans la
société byzantine - comme l'a démontré André Guillou 5 - a été insérée dans
les codes de bonne vie. Quels ont été les vestiges de cette histoire et de tant
d'histoires semblables dans la vie quotidienne des sociétés médiévales au
cours des siècles ? Quelles ont été les conséquences de cette culture
religieuse de l'étranger dans. la pratique ? Est-ce qu'il y a, à ce point, des
différences entre les diverses sociétés dans l'Occident et dans l'Empire
byzantin ? Mais d'autres questions de nature comparative peuvent être
posées et discutées.
En second lieu, nous avons parlé des groupes, dans lesquels l'étranger est
intégré dans la société. À juste titre, Claude Gauvard a constaté dans la
discussion que ce sont « les grands qui sauvent l'étranger ». Mais de l'autre
côté, les sociétés occidentales disposent d'un autre instrument d'intégration :
ce sont les groupes contractuels6, l'université par exemple, institution
contractuelle par excellence, qui crée donc aussi des situations par
excellence pour l'intégration des étrangers, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur de ces

5 . A. Guillou, « "L'étranger et le pauvre sont un collyre de Dieu, celui qui les reçoit
recouvrera rapidement ses yeux" (Evagre du Pont) », dans Fremde der Gesellschqft, M.-T. Fôgen
dir., Francfort-sur-le-Main, 1991, p. 59-70.
6. O.G. Oexle, « Soziale Gruppen in der Stàndegesellschaft: Lebensformen des Mittelalters
und ihre historischen Wirkungen », dans Die Representation der Gruppen. Texte - Bilder -
Objekte, O.G. Oexle, A. von HUlsen-Esch dir., Gôttingen, 1998, p. 9-44.
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groupes mêmes 7. Puis il y a la ville, la commune urbaine, pour ainsi dire un


groupe de groupes contractuels. Nous avons peut-être négligé une autre
forme de vivre ensemble dans le quotidien : c'est la maison (oikos, domus).
Et cette remarque ne se réfère pas seulement à l'organisation de la maison
comme forme de la vie sociale, mais aussi au fait que, depuis l'Antiquité
tardive, la « maison » a joué un très grand rôle dans le développement d'une
éthique pratique, éthique de tous les jours, qui se réfère immédiatement à
cette forme de la vie sociale même 8. On se trouve là sur le niveau d'une
éthique qui ne se base pas sur des réflexions théologiques ou philosophiques,
mais qui se développe dans les formes mêmes dans lesquelles se produit et
se reproduit la vie sociale, et dont on peut dire que les formes sont les plus
anciennes normes.
Troisième remarque : on a dit naguère qu'« étudier la pauvreté
ancienne », c'est « se situer non sur les marges, mais au cœur même » des
sociétés anciennes (et peut-être aussi des sociétés contemporaines) 9. On peut
assurément en dire autant pour l'étranger et pour l'altérité. Les attitudes
envers l'étranger comptent aussi parmi celles qui révèlent « le plus clairement »
comment les dominants et le menu peuple « pensaient l'ordre social,
concevaient le rapport entre la cité terrestre et la cité céleste, définissaient leur
responsabilité à la fois morale, sociale et religieuse ». Par conséquent,
déchiffrer le discours sur l'étranger, « c'est considérer en un point central les
idéologies sociales », par exemple celles des élites, dans les sociétés
anciennes. Mais quelles sont, du reste, les relations entre les pauvres, les
marginaux et les étrangers ? Et comment étaient-elles conçues ? Il me semble
que la question mériterait une étude approfondie.
Ma quatrième remarque se réfère à la « mobilité » dans les sociétés du
Moyen Age, dont nous avons discuté à plusieurs reprises : cette mobilité qui
est aux origines de cet « internationalisme vécu » du Moyen Âge, dont a
parlé Marie-Thérèse Lorcin. Nous nous trouvons dans des sociétés précédant
les nationalismes et les États nationaux, qui, à partir du XKe siècle,
définissent l'étranger à l'extérieur pour réaliser et pour garantir l'union et l'identité à
l'intérieur. Mais que^ signifie cette différence pour nos conceptions de
l'étranger au Moyen Âge ? Est-ce que le « rejet fondamental de l'étranger »
ne commencerait que vers 1500, à l'aube des Temps modernes io ? Est-ce
qu'il y avait (avant cette date) une société ouverte envers l'étranger ? Quelles
ont été les conséquences de l'installation d'États princiers en Italie ? Quelles

7. O.G. Oexle, « Friede durch Verschwôrung », dans Tr'àger und Instrumentarien des Frie-
dens im hohen undspalen Mittelalter, J. Fried dir., Sigmaringen, 1996, p. 115-150, ici p. 130
et suiv.
8. U. Meyer, Sozicdes Handeln im Zeichen des <Hauses>. Zur Ôkonomik in der Spâîantike
und imfriiheren Mittelalter, Gôttingen, 1998.
9. R. Chartier, « La pauvreté à l'âge moderne (XVIe- XVIIIe siècle). Définitions,
représentations, institutions », dans La pauvreté, une approche plurielle, A. Fracassi et al. dir., Paris,
1985, p. 25-43, ici p. 26.
10. Voir la contribution d'Ernst Schubert dans ce volume.
CONCLUSION 303

ont été les conséquences réelles de ces processus de diffamation et


d'exclusion des pauvres et des mendiants à partir du milieu du XIVe siècle pour
l'étranger aussi n ? Et comment considérer les structures d'une persecuting
society (R. I. Moore) 12 même avant, au XIIe siècle, que ne surgisse cette
frénésie du « Ordonner et exclure » depuis le XIe siècle même, face à l'hérésie,
au judaïsme et à l'islam, dont a parlé Dominique Iogna-Prat 13 ?
Il y a là beaucoup de questions qui sont particulièrement difficiles à
discuter, parce qu'il s'agit non seulement de choses difficiles, mais aussi d'un
imaginaire, qui est le nôtre, et qui est constitué par nos propres visions,
préalables à notre recherche et qui constituent l'arrière-fond de notre métier
d'historien.

*
* *

Tous les historiens sont donc des étrangers. Ils sont des étrangers dans les
sociétés des morts, dont ils parlent et dont ils veulent s'approcher. C'est ce
qui rend la tâche de l'historien à la fois difficile et fascinante.
Pour cette raison, il était - du côté des organisateurs de notre congrès -
très prudent, de placer leur entreprise non seulement sous le patronage du
Haut-Conseil culturel franco-allemand, mais aussi sous le très-haut
patronage des trois Rois Mages, qui - dans la belle représentation du Maître de
Strasbourg vers 1420 - apportent dans une tenue particulièrement
somptueuse des cadeaux particulièrement précieux.
Vous savez qu'au Moyen Âge les trois Rois Mages étaient les patrons des
pèlerins et des voyageurs. Au cours de nos journées, ils étaient aussi
visiblement les patrons des historiens médiévistes. Je veux donc, une dernière
fois, au triple titre de médiéviste, d'historien et de directeur de l'Institut Max-
Planck d'Histoire, remercier chaleureusement les médiévistes français et leur
présidente, Claude Gauvard, d'être venus à Gôttingen - ce qui, comme vous
le savez, a une très grande importance non seulement pour la coopération
franco-allemande, mais aussi pour notre Institut. Je veux remercier Pierre
Monnet et tous ceux qui ont organisé, dans la Mission historique française,
ce congrès avec tant d'intelligence, d'efficacité et d'amabilité. Je vous
souhaite, avec l'aide de nos très hauts patrons, un bon voyage et un bon retour
chez vous.

11. F. Rexroth, Dos Milieu der Nacht. Obrigkeit und Randgruppen im spàîmittelalterlichen
London, Gôttingen, 1999.
12. R.I. Moore, The formation of a persecuting society, Oxford, 1987.
13. D. Iogna-Prat, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l'hérésie, au
judaïsme et à l'islam, Paris, 1998.

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