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Gilberte Aubry

comédienne
Entretien réalisé par François Justamand

23 mai 2009

La comédienne Gilberte Aubry est une des voix françaises les plus char-
mantes des années 40 et 50. C’est grâce à Jean Davy qu’elle a l’idée de faire
du doublage. C’est en novembre 1946, pour la Paramount, et elle a tout juste
20 ans. Deux ans plus tard, la branche française de la RKO lui confie la
star Shirley Temple qu’elle va adorer doubler. Dans les années 50, elle suit
à la synchro plusieurs actrices connues dont Wanda Hendrix et surtout la
pétillante Piper Laurie. Mais c’est sa rencontre vocale avec Romy Schneider,
notamment pour les Sissi, qui va marquer les mémoires puisque ces films sont
diffusés régulièrement à la télévision.

La Gazette du doublage — Comment êtes-vous devenue comédienne ?


Gilberte Aubry — Cela remonte au déluge ! (rires) J’ai eu deux très
bons professeurs de français qui m’ont fait aimer les grands auteurs. On
apprenait des tirades par cœur et, moi qui étais timide, j’ai aimé les dire en
classe. Je n’étais plus moi, je devenais un personnage de Racine, Molière,
Corneille, quel rêve ! En classe de première, l’un de ces deux professeurs,
Melle Lavaut, animait un groupe théâtral. Elle le faisait avec les « Philo » et
nous. (C’était un lycée de filles.) Cette année-là, elle montait quatre pièces
en un acte, dont L’Épreuve de Marivaux et La Comtesse d’Escarbagnas de
Molière. Après avoir distribué les « Philos », il lui manquait ses deux ingénues
et quelques petits rôles. Elle nous a donc fait passer une audition. Je lui ai
présenté une tirade d’Andromaque – Hermione avec ma petite voix, je ne
doutais de rien. . . – mais j’avais le cœur sur les lèvres et c’est moi qui ai
eu le rôle. J’y ai connu un grand succès. Après la représentation, les élèves
venaient me voir de tout le lycée pour me parler d’Angélique. . . C’est ce qui
m’a donné confiance en moi.

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Mon père, par un ami commun, m’a obtenu un rendez-vous avec un
comédien de l’Odéon, Pierre Morin, qui a écouté ma scène de L’Épreuve et
m’a dit : « Votre scène est très bonne, il faut vous présenter au Conservatoire
au prochain concours d’entrée. . . » Le bonheur ! Je me suis donc inscrite,
n’ayant jamais mis les pieds dans un cours, et ne connaissant rien d’autre
que ma merveilleuse pièce (rires). Pierre Morin m’a trouvé quelqu’un pour
me donner la réplique. J’étais exactement dans les mêmes conditions que
Janine Darcey dans le film Entrée des artistes avec Louis Jouvet. Quand je
me suis retrouvée sur la grande scène avec mon air timide, ma petite robe à
fleurs et mon bouquet, j’aurais dû plaire au jury. . . Hélas, hélas ! Ce jour-là,
mon meilleur atout, ma douce voix était transformée en voix de mêlécasse,
une laryngite ! (rires). Adieu mes espoirs. . .

La Gazette du doublage — Avez-vous pris des cours de comédie ?


Gilberte Aubry — Oui, ensuite, je suis allée dans un cours. Le garçon
qui m’avait donné la réplique au Conservatoire m’a vanté le sien. C’était
celui de Marie Ventura et Jean Martinelli, de la Comédie-Française. Je ne
pouvais pas mieux tomber. Mon rêve, ce n’était pas de faire du cinéma, je
ne me trouvais pas assez jolie. C’était d’entrer au Conservatoire, d’en sortir
naturellement avec un premier prix, d’être engagée à la Comédie-Française,
et de jouer tout le Répertoire. J’aurais a-d-o-r-é ! Justement, les classiques,
c’est ce qu’on travaillait en premier dans ce cours. Hélas, le Conservatoire
n’a pas voulu de moi. . . (léger rire). J’étais trop grande, paraît-il ! Un jour,
Berthe Bovy, venue au cours, l’a dit à Madame Ventura : « Ce n’est pas la
peine que je l’écoute plus longtemps. Elle a une voix d’ingénue mais elle est
trop grande pour cet emploi. Elle ne sera jamais reçue. » Pourtant, je ne
mesurais qu’un mètre soixante. . .

La Gazette du doublage — Avez-vous fait du théâtre et de la radio ?


Gilberte Aubry — J’ai essayé de faire de la radio mais ils me cata-
loguaient dans les petites filles et ça, je m’étais juré de ne jamais le faire.
J’avais eu une toute petite expérience de théâtre « à ciel ouvert ». Pendant
l’été 1944, faute d’électricité, d’ingénieux directeurs de scène démontaient
leur toit et jouaient à ciel ouvert à 19 heures. Mon amie Lise Topart – la
vedette de notre cours – avait décroché le rôle de Fanchette dans Le Mariage
de Figaro, mais elle rêvait de jouer Chérubin. Elle savait le rôle et m’a fait
apprendre le sien en se disant que Gisèle Parry, la titulaire, qui souffrait de
crises d’asthme sévères, serait un jour indisponible et que nous pourrions
sauver la situation. . . C’est ce qui s’est produit et j’ai joué avec elle pendant
quelques jours. J’étais ravie.

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Plus tard, au théâtre, j’ai doublé Juliette Faber dans La Tête des autres
au théâtre de l’Atelier. Sans jamais jouer. Elle, elle avait une santé de fer !
Tout de même, à la fin des représentations, la pièce a été reprise au théâtre
de la Renaissance avec les « doubleurs ». Enfin je montais sur scène au lieu
d’attendre en coulisses. Une anecdote amusante : lorsque le livret de la pièce
est sorti, au lieu d’être illustré des photos des comédiens qui avaient joué
la pièce pendant 3 ans, il l’était par les nôtres, nous, les malheureux petits
remplaçants de la dernière heure ! (rires)

La Gazette du doublage — Vous n’avez pas tourné pour le cinéma ?


Gilberte Aubry — Non, le cinéma, je n’y songeais même pas. Jean Davy
m’avait bien envoyée passer une audition pour un film « à visée éducative et
sociale ». Mais le réalisateur a pris quelqu’un d’autre. Je n’ai pas eu de regrets
car j’étais déjà peu à l’aise en allant me présenter.

La Gazette du doublage — Comment êtes-vous venue au doublage ?


Gilberte Aubry — Le doublage est venu grâce au même merveilleux
Jean Davy. Comme je n’entrais pas au Conservatoire j’étais allée demander
des conseils à ce comédien que j’admirais beaucoup. Il avait la réputation
d’être très gentil avec les débutants. Je suis allée le voir au théâtre de l’Ate-
lier où il jouait Les Frères Karamazov. Puis j’ai passé une audition chez
lui, plusieurs scènes et des poèmes, avec une camarade pour me donner la
réplique. Il m’a dit : « Tout ça est très bien. Vous pouvez réussir, il faut
continuer. Mais vous devez quand même gagner de l’argent pour vivre. C’est
un métier difficile dans lequel il est parfois long de percer. Il faut donc survivre
en attendant et par conséquent, il faut faire de la radio et de la synchro. »
Pour la synchro, il m’a donné les adresses de Paramount et de deux ou trois
autres sociétés. J’ai commencé par Paramount. Chez eux, j’ai trouvé des gens
absolument charmants. Le nom de Davy, c’était « Sésame ouvre-toi ! » (léger
rire). On m’a tout de suite fait faire un essai. Un coup de chance : j’avais une
voix jeune comme ils cherchaient. J’ai donc débuté dans le film La Duchesse
des bas-fonds. C’était en 1946. Je n’avais qu’un petit rôle d’une demi-journée
(un cachet) mais je planais. . .. Le doublage était dirigé par André Gerbel.
Il y avait aussi Jean Mauclair (comédien et adaptateur, ndlr) qui aurait
voulu un peu plus tard me faire doubler Audrey Hepburn dans Vacances
romaines. J’aurais bien aimé. . . Malheureusement pour moi, la production a
exigé Jacqueline Porel. C’était une remarquable comédienne qui faisait tout
ce qu’elle voulait avec sa voix. Elle était vraiment épatante !

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La Gazette du doublage — Quel a été votre premier grand doublage ?
Gilberte Aubry — C’était pour un film important, Le Signe de la croix
de Cecil B. DeMille, que les Américains avaient remis au goût du jour pendant
la guerre, en 1941, avec un début en couleurs (les bombardiers arrivant sur
Rome qu’ils faisaient flamber), une comparaison entre Hitler et Néron qui
avait incendié Rome, puis on reprenait, en noir et blanc, le vieux film d’avant-
guerre. Je doublais Elissa Landi qui interprétait le rôle d’une jeune chrétienne
promise aux lions. . . Le travail fini, tous ceux qui avaient travaillé pour le film
étaient invités au cinéma Gaumont, place Clichy, pour voir le film monté.
Lorsque je me suis entendue, j’ai failli me trouver mal. Je ne reconnaissais
pas ma voix. En plus je trouvais que je ne « sortais » pas du tout de cette
actrice qui paraissait plus âgée que la voix de seize ans et demi que j’avais
l’air d’avoir. . .

La Gazette du doublage — Qui vous avait dirigée pour ce film


Paramount ?
Gilberte Aubry — Je pense que c’était André Gerbel. C’était un
homme gentil, chaleureux, agréable. Je n’avais pas du tout le trac avec lui.
Je ne me souviens plus de mes partenaires mais il y avait peut-être Michel
André, le fils du comédien Marcel André. . .

La Gazette du doublage — Vous rappelez-vous le temps que vous avait


pris cet enregistrement ?
Gilberte Aubry — J’avais enregistré pendant 5 jours, mon cher ami ! Je
pense que j’avais eu ce rôle important car leur ingénue maison, René Simonot,
mettait sans doute sa quatrième fille au monde à ce moment-là. Elle était
donc indisponible. Elle était de la génération avant moi mais sa voix n’avait
pas vieilli, ce qui a été aussi mon cas par la suite. Pendant longtemps j’ai eu
cette voix légère.

La Gazette du doublage — Était-ce un doublage « à l’image » ? Cela


vous avait-il semblé difficile ?
Gilberte Aubry — Oui, on faisait tout « à l’image » encore à cette
époque. Cela ne m’avait pas semblé trop difficile car c’était une affaire de
rythme, et je l’avais ! Un coup de chance ! Le film était monté en boucles sur
4 ou 5 répliques. On apprenait le texte par cœur assez vite. Pour les grands
rôles on avait même un texte pour travailler chez soi. On nous réservait aussi
des répétitions dans une salle attenante. Là, on nous passait les scènes en
boucle, le temps d’apprendre à bien placer les répliques sur les images. Où
c’était difficile, c’était quand vous commenciez à parler sur un personnage

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en plan éloigné et qu’il passait en gros plan sur l’écran. Tout à coup, vous
voyiez les lèvres s’ouvrir, immenses, devant vous. Si le texte n’était pas en
place, catastrophe, il n’y avait pas moyen de tricher. . . Et la pellicule coûtait
cher !

La Gazette du doublage — Pouvez-vous nous citer des actrices que


vous avez doublées ?
Gilberte Aubry — J’avais donc doublé Elissa Landi, mais ça c’était
une erreur de distribution, à mon avis. Celle que j’ai doublée ensuite c’est
Shirley Temple jeune fille, dans Deux sœurs vivaient en paix avec Cary Grant
et Myrna Loy. C’était une charmante comédie.

La Gazette du doublage — Vos partenaires sur ce doublage étaient


Roger Tréville (Cary Grant) et Camille Fournier (Myrna Loy). Quels souve-
nirs avez-vous gardé d’eux ?
Gilberte Aubry — Ils étaient charmants, gentils, adorables. . . Ils ai-
daient la petite camarade qui débutait. C’était vraiment très sympathique
comme ambiance. Nous étions dirigés par Daniel Gilbert, je crois, qui était
aussi un homme très agréable.
À propos de ce film, j’ai une anecdote amusante : ils m’avaient fait faire
des essais car je n’étais pas du tout connue chez eux, à RKO. C’était en
octobre 1947, au moment des grèves de transport. J’habitais à côté des
Buttes-Chaumont et je devais me rendre aux studios à Gennevilliers. . . Je suis
partie très en avance, en faisant de l’auto-stop. De voiture en voiture, je
me suis retrouvée à la porte de Clichy. L’heure tournait, il fallait encore
traverser les banlieues. J’ai fini par m’embarquer dans la caisse d’une sorte
de triporteur ! En rebondissant sur les planches (c’est beau d’avoir vingt
ans !), je suis finalement arrivée au studio la première. On a commencé les
essais. Les habituées que je retrouvais tout le temps : Marcelle Lajeunesse,
Rolande Forest, Linette Lemercier, les petites minettes de la synchro, sont
arrivées lorsque le rôle de Shirley Temple a été distribué et c’était moi, la
nouvelle, qui l’avait récupéré. J’étais heureuse ! (rires).

La Gazette du doublage — Quels sont les autres films avec Shirley


Temple que vous avez doublés ?
Gilberte Aubry — Avec Shirley Temple : Le massacre de Fort Apache
– un film de John Ford, j’étais fière comme tout – et une petite comédie
charmante qui s’appellait Sérénade à Mexico.

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La Gazette du doublage — Je pense que vous avez encore d’autres
actrices à nous citer ?
Gilberte Aubry — Oui, j’ai doublé une jeune actrice qui a complète-
ment disparu, Wanda Hendrix. Cinq ou six petits films de série B, agréables,
mais qu’on n’a jamais vus. . . J’ai aussi doublé quelques autres jeunes ac-
trices : Betty Lynn dans La Mariée du dimanche, Diana Lynn dans un film
dramatique La Rue de traverse. Là je pense que je ne « sortais » pas bien.
Ensuite, j’ai prêté ma voix aux actrices italiennes. Chez les Kikoïne,
j’ai doublé Delia Scala dans Les Années difficiles, Naples millionnaire, Onze
heures sonnaient. J’ai doublé aussi Anna-Maria Pierangeli dans deux films
tournés en Italie par Léonide Moguy. Dans Demain il sera trop tard, film
écolo avant la lettre, on montrait à de jeunes écoliers la venue au monde d’un
petit veau, ce qui indignait la directrice de l’école, jouée par Mme Gabrielle
Dorziat, venue se doubler pour la version française, et que j’ai été heureuse
de côtoyer là ! Quelle classe ! J’ai aussi doublé des films avec Piper Laurie :
Le Voleur de Tanger, Francis aux courses, Le Fils d’Ali Baba, La Légende
de l’épée magique et Le Fleuve de la dernière chance que j’ai beaucoup aimé
faire. Comme c’était une actrice très spontanée dans son jeu, je n’avais pas
à me retenir.
Je pense aussi à Anna-Maria Ferrero dans Les Deux Vérités. C’était un
film en deux parties. Dans l’une, elle était une ingénue perverse, et dans
l’autre une mignonne jeune fille prise au piège. Naturellement, le rôle de
la mignonne était tenu par moi. (rires). Je dois dire que Le Figaro était
indigné que l’on ait fait ce doublage avec deux voix : « On a doté l’actrice
Anna-Maria Ferrero d’une voix de mégère dans une partie du film, et dans
l’autre d’une voix archangélique ! C’est inadmissible ! » Naturellement, la voix
« archangélique » était la mienne. . . L’autre était celle de Jacqueline Ferrière
qui était très adroite. C’était une très bonne comédienne.

La Gazette du doublage — On peut parler de la rencontre vocale avec


Romy Schneider ?
Gilberte Aubry — C’était en 1955. Je travaillais chez les Kikoïne et
c’est Jacques Willemetz qui avait repris leurs doublages à Gennevilliers. J’ai
fait l’essai sur Les Jeunes Années d’une reine où on a vu que ma voix était
très proche de la sienne.

La Gazette du doublage — Comment s’est passé l’enregistrement ?


Gilberte Aubry — C’était déjà le doublage « à la bande », donc beau-
coup plus facile que celui « à l’image ». On était tous ensemble sur le plateau.
Willemetz dirigeait les comédiens quand il ne confiait pas ce travail à Daniel

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Gilbert. Il me semble aussi qu’une fois, c’était Claude Péran qui nous avait
dirigés dans un des films de Romy Schneider où il doublait lui-même un rôle.
Jacqueline Ferrière travaillait également chez Willemetz. Elle s’occupait des
distributions et corrigeait même les textes, je crois.

La Gazette du doublage — On arrive ensuite au doublage de la trilogie


des Sissi. . .
Gilberte Aubry — Oui, mais avant de vous parler des Sissi, j’ai une
chose amusante à vous raconter. J’ai doublé Brigitte Bardot ! C’était en 1956,
pour un film italien, Haine, Amour et Trahison. C’était encore la Bardot des
débuts, elle n’était pas encore blonde, vaporeuse. . . Elle faisait toujours petite
jeune fille bien élevée. Je l’ai rencontrée à Radio Courtoisie et je lui ai dit
que je lui avais prêté ma voix dans ce film. Ça l’a fait rire. (rires).
Pour les Italiens, j’ai aussi doublé de grandes sagas. C’étaient des films
qui duraient trois heures. Merveille des merveilles pour mes finances ! (rires).
J’ai donc doublé Myriam Bru dans Marquée par le destin. Il lui arrivait tout
les malheurs du monde et elle parlait énormément dans ce film : mon porte-
monnaie était ravi ! (sourire).

La Gazette du doublage — Parlons donc maintenant des Sissi . . .


Gilberte Aubry — Pour le premier, je n’ai pas refait d’essai. C’était
à la fin de 1956. La première scène que j’ai eu à jouer, était une scène où
Sissi appelait Werner, son valet. Je me souviens que j’avais un gros rhume
ce jour-là. Je parlais du nez, c’était horrible (rires). L’année suivante, il y a
eu Sissi impératrice. J’ai doublé Romy Schneider aussi dans Mamzelle Cricri
dans lequel elle se voulait plus délurée. Elle commençait à en avoir assez des
Sissi, du côté empesé, de la lourde perruque. Je trouve qu’elle n’aurait pas dû
mépriser ces films qui avaient fait d’elle une vedette internationale. Elle était
mal entourée. Les intellos faisaient la fine bouche devant un travail pourtant
très soigné. Les paysages d’Europe étaient superbes, les costumes somptueux,
et la vérité historique respectée dans ses grandes lignes. Et elle-même y était
excellente. Jean des Cars, dans l’introduction de son livre Élisabeth d’Autriche
pouvait écrire : « Comme des millions d’admirateurs, j’étais toujours sous le
charme de Romy Schneider, fraîche et espiègle comme il convenait. »

La Gazette du doublage — Combien de temps mettiez-vous pour


doubler un Sissi ?
Gilberte Aubry — Quatre ou cinq jours. Quelquefois, il y avait des
retakes payes au même tarif. C’était la joie !

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La Gazette du doublage — Racontez-nous l’anecdote amusante sur
Christine dans lequel vous avez donné la réplique à Alain Delon.
Gilberte Aubry — Alain Delon et Jean-Claude Brialy sont venus se
doubler pour ce film. Brialy, c’était une merveille sur un plateau ! Il parlait
tout le temps, il sortait tous les soirs, il avait toutes les choses du monde à
raconter et il était d’une gentillesse extrême. Delon était un peu en retrait.
Il commençait à affirmer sa personnalité de cinéma et par conséquent il faisait
des caprices. On avait passé une matinée entière à l’attendre – il avait été
mordu par un chien – et il avait fallu une matinée supplémentaire pour la
remplacer. . . Il faut dire que c’était une erreur de distribution : Delon, jeune
premier, éperdument amoureux, timide. . . Ce n’était pas du tout son style !

La Gazette du doublage — Delon et Brialy arrivaient-ils bien à se


post-synchroniser eux-mêmes ?
Gilberte Aubry — Delon était un peu monocorde mais ils se dé-
brouillaient très bien tous les deux. La personne qui dirigeait sur le plateau
était sans pitié : elle voulait le texte imprimé et pas autre chose. Dans cette
version du film, Romy Schneider, qui ne parlait pas encore français, disait
son texte appris par cœur assez lentement et avec un accent. La lenteur, c’est
ce qui est le plus difficile à doubler. De temps en temps j’essayais d’ajouter
quelque cheville et je me faisais rappeler à l’ordre : « Non, non, non, le texte,
le texte seul ! » (rires) Je ne me rappelle pas qui dirigeait. . . En tout cas, elle
était terrible !

La Gazette du doublage — Savez-vous qui est la voix chantée de Romy


Schneider dans Christine ?
Gilberte Aubry — Ce n’était pas moi ! (rires) Surtout que c’était pour
un concours d’entrée à l’opéra. Par conséquent, il fallait avoir une voix tra-
vaillée. Je pense que c’était la voix de Mathé Altéry.

La Gazette du doublage — Vous avez doublé aussi d’autres Romy


Schneider...
Gilberte Aubry — Oui, il y a eu Kitty (ou Une sacrée conférence)
qui ne me dit plus rien du tout. Je me demande si ce n’est pas celui-là que
Claude Péran avait dirigé. Il y a eu aussi Monpti qu’elle avait tourné à Paris,
Robinson ne doit pas mourir – qui se passait en Angleterre au moment où
les enfants travaillaient – Scampolo, Eva et Son premier amour, un de ses
premiers films qui n’a été doublé que tardivement et du fait du succès des
Sissi.

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Par contre, je n’ai doublé ni Katia ni La Belle et l’Empereur. Au moment
du choix des comédiens pour le doublage de Katia, j’étais en vacances. On
m’a téléphoné pour me demander si j’étais d’accord pour faire ce film et quel
était mon tarif. J’ai répondu que c’était le tarif syndical : double tarif pour
une co-production. On m’a dit alors que l’on me préviendrait des dates du
doublage. Puis je n’ai plus entendu parler de rien. Je suis allée aux nouvelles.
On m’a répondu alors que j’étais trop chère et qu’ils avaient trouvé une
autre comédienne, Janine Freson, pour me remplacer. J’ai eu un choc ! J’ai
beaucoup regretté ce Katia à cause aussi du souvenir de Danielle Darrieux.
Pour La Belle et l’Empereur, c’est un peu différent. Les décideurs m’ont
assuré que pour doubler une actrice allemande aussi importante, il fallait
une actrice française de premier plan ! Nous, les habitués du doublage, nous
n’existions pas. Ils l’ont donc fait doubler par une très bonne actrice française,
charmante aussi, Dany Robin. Techniquement, le doublage était bien fait
mais, quand j’ai vu le film, j’ai été très gênée car je voyais les deux actrices
en surimpression. Je ne voyais plus Romy Schneider et je ne voyais pas non
plus Dany Robin. Ce phénomène était très déplaisant ! À mon avis, ce n’était
pas une bonne idée. D’ailleurs, je ne sais pas si ces films-là sont sortis en
DVD. . . Ils ont eu tort, ils auraient dû me demander de les redoubler ! (rires)

La Gazette du doublage — À propos de redoublage, parlez-nous de ce


qui c’est passé pour Sissi impératrice ?
Gilberte Aubry — En 1967, on m’a téléphoné en me disant que la
bande française de l’époque de Sissi impératrice avait été abîmée. Un nouveau
doublage devait être fait impérativement. Ils avaient peur que ma voix ait
changé. Ils m’ont donc demandé de faire un essai. J’y suis allée et je dois dire
qu’ils ont été surpris. Ma voix n’avait pas bougé. Cela amusait beaucoup
l’ingénieur du son : il comparait ce qui restait de la version française de
1957 avec le nouvel enregistrement, et c’était vraiment la même chose. J’ai
doublé le film entièrement avec Jean-Pierre Duclos qui reprenait son rôle
d’empereur. C’était un très gentil camarade et nous nous entendions très
bien. Le reste de la distribution était un peu différent : le père de Sissi est
passé de Serge Nadaud à André Valmy, l’Archiduchesse Sophie de Lucienne
Givry à Jacqueline Ferrière, le comte Andrassy de René Arrieu à Michel
Le Royer. . .

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La Gazette du doublage — Vous nous parlez du nouveau doublage de
Sissi impératrice. Mais, comme vous nous le précisiez, vous avez aussi doublé
tardivement plusieurs films de Romy Schneider antérieurs aux Jeunes Années
d’une reine du fait du succès des Sissi ?
Gilberte Aubry — Oui, à cause du triomphe des films de Romy
Schneider à partir des Jeunes Années d’une reine et surtout des Sissi, le
producteur et distributeur français, René Pignère, s’est mis à faire doubler
les films qu’elle avait tournés à l’âge de 15 ou 16 ans, comme notamment le
premier, Son premier amour . . .

La Gazette du doublage — Toutes ces actrices que vous avez doublées


étaient-elles proches de votre personnalité ?
Gilberte Aubry — De ma personnalité, je ne sais pas. De ma voix,
oui. J’aimais beaucoup suivre les actrices dans plusieurs films, comme Shirley
Temple ou Piper Laurie. Je les connaissais mieux. J’admirais beaucoup le jeu
nuancé de Romy Schneider : très intérieur, fin, discret, tout en demi-teinte. . .

La Gazette du doublage — Vous effaciez-vous devant l’actrice à l’écran


ou lui apportiez-vous de votre personnalité ?
Gilberte Aubry — Ah non, non, jamais je n’ai essayé de faire cela. Au
contraire, j’essayais de me fondre en elle, de sentir la façon dont elle avait
joué. Avec Romy Schneider, et Shirley Temple, c’était facile. Piper Laurie,
c’était différent car elle était plus « follette » (ses rôles l’y poussaient, surtout
celui où on la faisait parler petit nègre) mais c’était amusant à faire.

La Gazette du doublage — Quel est votre meilleur souvenir de dou-


blage ?
Gilberte Aubry — Les meilleures journées passées dans les studios
étaient celles où Michel Roux était là. Il était très drôle et nous faisait
beaucoup rire. Si Roger Carel était présent avec lui, c’était un festival. . .

La Gazette du doublage — Parmi les essais infructueux que vous aviez


passés, il y avait eu, je crois, celui pour le rôle de Cendrillon de Disney ?
Gilberte Aubry — Oui, c’était en juillet 1950. Nous venions de faire
cette grande grève du doublage – de mars à juin – grâce à laquelle nous
avions obtenu des augmentations de cachets intéressantes. Par la suite, j’ai
vraiment doublé pour Disney, dans Alice au Pays des merveilles, le rôle de la

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sœur d’Alice, et aussi dans Peter Pan. Parmi les autres essais qui n’ont pas
fonctionné, j’avais fait celui pour le rôle de Careen, la jeune sœur de Scarlett,
dans Autant en emporte le vent. Et même aussi celui pour Prissy, la petite
servante noire, mais je ne savais pas bien truquer et prendre les accents.

La Gazette du doublage — Vers quelle année avez-vous arrêté le métier


de comédienne et pour quelle raison ?
Gilberte Aubry — J’ai arrêté le métier en 1959. J’avais dépassé les
trente ans et on pensait toujours à moi pour les rôles de petites minettes.
Une fois, j’avais doublé une gamine dont la mère était doublée par Mireille
Darc. J’avais trouvé cela un peu gênant.
Je me rappelais aussi que, lorsque j’étais allée pour la première fois dans
un studio, j’avais vu Renée Dandry, je crois, une comédienne d’un âge mûr,
petite et très maquillée, qui était spécialisée les petites filles. Le décalage était
pénible. Je m’étais dit alors que ce genre de choses ne m’arriverait jamais.
Je me rendais bien compte que je ne ferais jamais de théâtre (puisque
je n’étais pas entrée à la Comédie-Française. . .). Je n’avais pas le courage
de courir les auditions. À la synchro, j’avais perdu ma Romy qui apprenait le
français et jouait en France. Les rôles dans mon registre n’étaient pas légion,
et les films de télévision à doubler n’étaient encore pas arrivés, ce qui aurait
pu modifier ma décision.
C’est à ce moment-là que j’ai vu des annonces dans les journaux : l’ensei-
gnement manquait cruellement de personnel pour les classes primaires, suite
au baby boom de l’après-guerre. Il suffisait d’avoir le baccalauréat pour se
présenter. J’ai donc fait une demande qui a été acceptée tout de suite, et
je me suis retrouvée maîtresse d’école avant d’avoir eu le temps de souffler !
Voilà comment j’ai fait du théâtre pendant une trentaine d’années sur une
estrade, devant un tableau vert, et comment j’en ai fait faire un peu aussi à
mes élèves. . .

La Gazette du doublage — Vous avez arrêté le métier mais vous avez


tout de même fait une exception pour le redoublage de Sissi impératrice en
1967 ? Y a-t-il eu d’autres exceptions ?
Gilberte Aubry — J’aurais été désolée de ne pas pouvoir refaire le
deuxième Sissi. Mais, toujours la chance, il se faisait à la fin des grandes
vacances donc c’était possible.
Je me rappelle aussi le film fantastique de Roger Vadim Et mourir de
plaisir. Je ne sais pas par quel miracle ils avaient eu mon adresse. Ce jeudi-là,
Vadim enregistrait des voix off, ambiance surnaturelle, et je me suis retrouvée

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la tête dans un lavabo (pour l’écho) à appeler d’une voix suave d’outre-tombe
« Georgia, Georgia !. . . » (rires) Je n’ai jamais vu le film et je l’ai beaucoup
regretté ! (rires)

La Gazette du doublage — Je crois qu’actuellement vous faites du


bénévolat dans une radio libre ?
Gilberte Aubry — Oui, je suis une fidèle de Radio Courtoisie. Après
l’enseignement, j’ai commencé à avoir une petite activité dans la presse où
je saisissais et corrigeais des textes à l’ordinateur. Le rédacteur en chef était
aussi patron d’émission à Radio Courtoisie. Ses amis le tannaient pour qu’il
ajoute une voix féminine dans son émission. Il s’agissait de lire les messages
– car on y fait les lire les messages des auditeurs qui réagissaient – et de
faire des annonces. Un jour, sa secrétaire – fan des Sissi – reconnaît ma voix,
informe son patron et c’est ainsi que j’ai débuté dans l’excellente émission
hebdomadaire de Serge de Beketch. Nous avons commencé en 1989 et, depuis
son décès l’année dernière, j’ai continué avec ses successeurs au rythme de
deux émissions par mois. Je lis toujours les messages mais c’est moins gai
qu’avec Serge, car, avec lui, en plus, nous faisions une sorte de numéro : il
jouait le gros méchant irascible et moi, la pauvre petite brimée. . . mais qui
se rebiffe. . .

La Gazette du doublage — Pour cette émission, pourquoi avez-vous


pris le pseudonyme de Victoria ?
Gilberte Aubry — À la première émission, Serge avait enregistré une
scène des Jeunes Années d’une reine que l’on venait de repasser à la télé.
Il a fait jouer les auditeurs en leur demandant le nom de l’actrice doublée. . .
À la fin il a déclaré « Maintenant, je vais vous appeler Victoria » (le rôle de
Romy Schneider dans le film cité plus haut, ndlr). Victoria est donc devenu
mon surnom à Radio Courtoisie. C’est le lien entre la synchro et la radio.

La Gazette du doublage — Quelle serait votre réaction si on vous


proposait de refaire maintenant du doublage après toutes ses années ?
Gilberte Aubry — Je ne suis pas sûre d’en être encore capable. Mais
ça m’amuserait de faire un essai, sur une miss Marple, par exemple, ou une
fée Carabosse. . . Pour voir. . . Mais j’aurais très peur.

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