A. Avant la guerre... Avant la guerre de 14-18, deux types de lieux et de spectacles existaient : - les cafés concerts (Félix Mayol, Dranem...) dont les noms avaient des consonances exotiques, latines et orientales illustrant un goût pour le rêve et l'amusement. Leur objectif était plus centré sur le divertissement. - les cabaret, aux noms anticonformistes comme le Chat Noir, Lapin Agile (ou le Lapin à Gill), Quat'zarts, et qui puisaient leurs origines dans les sociétés chansonnières du 18e. Le public, plus restreint que celui des cafés concerts, était constitué d'artistes, de peintres, de musiciens, de journalistes et de noctambules. La formule instrumentale était minimalistes et souvent uniquement composée d'un piano car les salles n'étaient pas grande, contrairement aux cafés concerts (150 places au Quat'zarts contre 1500 à l'Alcazar d'Hiver). Là encore, contrairement aux cafés-concerts, l'objectif premier était la réflexion.
De 1900 à 1918, le répertoire de la chanson est le reflet d'une
société en pleine évolution ; on cherche par tous les moyens à revendiquer une appartenance française, par exemple avec les chansons cocardières ou revanchardes (= contre les allemands) comme l'hymne des poilus Quand Madelon, Avec Bidasse, ou, dans un autre registre, La chanson de Craonne.
B. Années 20 : les années folles, du caf'conc' au Music Hall
1. Résurrection de l'opérette Après la Première Guerre Mondiale, le peuple a besoin de fantaisie et de légèreté ; le cinéma étant à peine développé et peu démocratisé, on assiste à un retour triomphal de l'opérette et des revues de Music Hall.
Dédé - Maurice Chevalier
Ta bouche, La dame au décolleté - Jean Gabin Pas sur la bouche, Ciboulette - Reynaldo Hahn Passionnément - Willemetz et André Messager Coup de roulis - Willemetz et André Messager Les Aventures du roi Pausole - Artur Honegger
A partir des années 1930, l'opérette évolue vers le grand spectacle
afin de concurrencer le 7e art (dont la carrière est propulsée avec l'arrivée du cinéma parlant).
2. La vogue des revues
A cette époque, le café concert perd du terrain et se transforme en Music Hall ; l'entrée devient payante et l'on assiste à des revues inspirées des shows américains et des fééries londoniennes du XIXe siècle. En 1922 d'importants lieux de spectacles apparaissent comme Le Casino de Paris (donnant l'occasion pour la première fois à un orchestre de ragtime de se produire, le grand escalier fait aussi son apparition), mais aussi le Moulin Rouge, le Palace, les Folies Bergères...
Paris qui Jazz, Mon homme - Mistinguett
Paris qui danse, Paris en fleurs - Maurice Chevalier
Mistinguett, qui s'est vue attribuer des rôles de séductrices
épileptiques, se reconnaît par sa gouaille parisienne. En 1909, au Moulin Rouge, elle joue pour la Revue de la Femme. Elle rencontre en 1911 aux Folies Bergères Maurice Chevalier, qui sera son compagnon pendant 10 ans.
C'est vrai (1934)
Gosse de Paris (1930) Dans les Bouges la nuit (1931)
Maurice Chevalier fait ses scènes dans les caf'conc' de
Menilmuche dès 12 ans. Il a successivement été le compagnon de Fréhel puis de Mistinguett, avant de vivre captif à Londres. Par la suite, il part en Amérique pendant 7 ans, et tourne avec Ernst Lubitsch.
Ma pomme (1936) Ma Louise (1929) Mimi (1932)
Plus tard, Charles Trenet, célèbre pour ses chansons Prosper, Ma
pomme et Y'a d'la joie, impose le tour de chant pendant 2 heures, seul sur scène.
Débit de l'eau, débit de lait (1943)
Le serpent python
Joséphine Baker, en 1925, lors de la première de la Revue Nègre
au Théâtre des Champs Elysées, entre nue sur scène, une guirlande de plumes vertes autour des reins, à quatre pattes, les fesses en l'air. Elle rencontre un succès immédiat, sa revue prenant la relève en 1930 de celle de Mistinguett au Casino de Paris. Elle symbolise l'Empire Colonial à elle seule et se bat contre le racisme et l'antisémitisme. Résistante active, membre du service de contre espionnage, elle s'engage en 1944 dans l'aviation.
Haïti (1934) J'ai deux amours (1930) La petite tonkinoise (1930)
3. Le cabaret à l'avant garde
Marianne Oswald, dite l'intellectuelle, début dans les cabarets berlinois (parlé chanté). Influencée par le mouvement expressionniste, sa voix étrange et détimbrée lui permet de chanter Brecht et Weil (qui l'influencent énormément). Elle conquiert ainsi Prévert et le groupe Octobre. Peu après elle s'exile aux USA et tourne au cinéma à son retour.
Le jeu de massacre (1934)
Le chant des canons (1933) Toute seule (1937)
Agnès Capri, dite la révolutionnaire, a suivi des cours d'art
dramatique et de chant. Elle s'enflamme très vite pour des idées de gauche et devient membre de l'association des artistes et écrivains révolutionnaires. En 1938, après avoir tourné dans plusieurs cabarets, elle ouvre le sien, le Capricorne, où elle accueille le groupe Octobre et Germaine Montero. Elle se réfugie quelques temps en Algérie durant la guerre, puis revient en 1944 où elle rouvre sa salle : les frères Jacques, Cora Vaucaire, Mouloudji et Reggiani s'y produisent.
Les cinq étages, Germaine Montero
4. Les révolutions techniques
En 1922, la station de radio Radiola lance la première émission de retransmission de concerts. En 1925 a lieu l'invention du microphone, en 1926, celle du 78 tours. L'ingénieur du son a alors un rôle prédominant. En 1927, le cinéma devient parlant, et en 1930, 460 salles sont équipées. Cette même année, les ventes de postes explosent, puis le phonographe évolue vers les appareils portatifs. Les opérettes de Vincent Scotto sont alors portées à l'écran, les stars de la chanson jouent leur propre rôles (Tino Rossi, Charles Trenet...)
C'est à Capri - Tino Rossi
La fiancée du pirate - Lys Gauti
En 1938, on compte 5 millions de postes radiophoniques.
B. 1930-1939, vers la 2e guerre en chantant
1. Le Music Hall, ou récital A la fin des années 20, le caf'conc' s'essouffle, puis en suivant, les revues, devenues trop onéreuses. C'est le début du récital, un vrai concert d'une heure et demie à deux heures avec un seul interprète (Marie Dubas fut l'une des premières). Marie Dubas débute dans le théâtre, puis la chanson réaliste. Cependant, elle reste inclassable, elle joue, mime et danse dans sa célèbre robe blanche (Edith Piaf va d'ailleurs s'en inspirer avec une robe noire).
La chanson du roulier (1929)
Mon légionnaire (1936) 2. La chanson réaliste, une affaire de femmes Le Music Hall évolue toujours, le jazz et le swing explosent pendant la crise de 1929 et la montée du nazisme. La chanson réaliste est un genre sombre ; elle ne concerne pratiquement que les femmes car elles ont remplacé les hommes durant la guerre. Fréhel, dite la goualeuse des rues, chante dès 5 ans, sur les trottoirs, avant de devenir chanteuse au Concert de l'univers, dans le rôle de Mlle Pervenche (elle connaît un succès immédiat). Son existence est secouée par les succès mais aussi les blessures de vie, l'alcool, les excès et les tentatives de suicide. Elle meurt dans la misère, malgré l'intérêt que lui porte le public.
La valse à tout le monde (1936)
Damia, quitte le domicile familial à 15 ans et vit dans la misère dans
les rues de Paris. Puis, elle devient figurante au Chatelet, remplace Mistinguett, travaille sa mise en scène puis joue à Bobino et à L'Olympia, interprétant des textes où la fatalité les dispute au sordide. Le Japon lui voue un véritable culte.
C'est mon gigolo (1937)
Aimez vous les moules marinières (1937) Le vent m'a dit une chanson (1940)
Berthe Sylva, d'esprit encore plus sombre que Damia connaît un
succès à 40 ans avec la Raccommodeur de faïence en 1929. Elle meurt en 1941 dévastée par l'alcool et est enterrée dans la fosse commune.
Edith Piaf, naît à Belleville dans une famille plus ou moins
saltimbanque, elle est repérée par Jacques Canetti. Elle se produit dès lors à l'ABC sous le nom d'Edith Piaf, enchaîne les aventures avec les hommes, chante en Allemagne pendant la guerre, et meurt très jeune, du fait de ses nombreux excès.
3. La voie des hommes : rêve et romantisme
Du côté des hommes, l'heure est au comique et à la chanson de charme. Les jours sans - Barnabé Ignace - Fernandel
Tino Rossi s'est produit à l'Alcazar de Marseille en 1932. Vincent
Scotto lui écrit la plupart de ses musiques.
O Corse île d'amour (1934)
Reda Caire débute à Lyon dans l'opérette avant de devenir le professeur de chant d'Yves Montand. Un soir à la havane (1932)
4. Esprit de Broadway : jazz, swing
Ray Ventura intègre les rythmes venus d'Amérique dans sa musique. Jean Sablon se fait également accompagner par des musiciens de jazz, dont Django Reinhardt.
Quand on est au volant - Mireille et Jean Sablon
Mireille apporte le swing à la chanson française avant Charles
Trenet, du à sa rencontre avec Georges Gershwin et Cole Porter ; elle compose également des musiques de films.
Couchés dans le foin - Pills et Tabet (Mireille)
Charles Trenet, après une enfance difficile, découvre le jazz avec
Gershwin et Fats Waller, publie ses poèmes, puis crée un duo avec Johnny Hess. Ses nombreux succès lui valent de côtoyer de nombreuses personnalités : Armstrong, Chaplin, Ellington, Milhaud, Cocteau, Picasso...
Je suis swing (1939)
5. Front Populaire (coalition des partis de gauche) 1936 - 1937
C'est la grande époque des guinguettes et des auberges de jeunesse. L'accordéon rencontre la chanson. La culture musette se répand en France.
Quand on s'promène au bord de l'eau - Gabin
Le jazz et le swing sont interdits pendant la seconde guerre, mais en
dépit de cela, c'est une période faste pour le spectacle car les allemands en sont très friands.
Claudio Monteverdi - Le Couronnement de Poppée (L'Incoronazione Di Poppea) Vincent D'Indy (1851-1931) - Paris Bureau D'édition de La Schola Cantorum (1908) PDF