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pesticides
un scandale sanitaire
Le Parlement européen
écoute les victimes
PARLEMENT EUROPÉEN,
BRUXELLES, 8 DÉCEMBRE 2016
© Global Éditions, Paris, 2017
www.globalmagazine.info
ISBN : 978-2-9541992-2-1
Achevé d’imprimer en juillet 2017
Imprimé sur du papier issu de forêts gérées durablement, à Barcelone, sur les
presses de Beta (ES), imprimeur labellisé pour ses pratiques respectueuses de
l’environnement.
Toute reproduction, intégrale ou partielle, par quelque procédé que ce soit, de la présente publication,
faite sans l’autorisation de l’éditeur est illicite (article L/122.4 du Code de la propriété intellectuelle) et
constitue une contrefaçon.
Actes de la conférence
pesticides
un scandale sanitaire
Le Parlement européen
écoute les victimes
PARLEMENT EUROPÉEN,
BRUXELLES, 8 DÉCEMBRE 2016
Sommaire
Préface............................................................................................................................................................................................. 6
Schéma – Le parcours d’une directive européenne.......................................................................13
Introduction par José Bové......................................................................................................................................15
Glossaire.....................................................................................................................................................................................92
Bibliographie et liens utiles.......................................................................................................................................93
Préface
par
Gilles Luneau
6
Préface
7
Préface
Fiction des « bonnes doses au bon moment », comme s’il y avait un bon
moment pour s’empoisonner.
Tromperie encore, sur la rémanence qui voit des produits actifs pendant
des mois et des années, se recombiner avec les dizaines de traitements
successifs, polluant sols et nappes phréatiques.
8
Préface
9
Préface
10
Préface
11
Préface
***
1
Défoliant : classe d’herbicide qui s’attaque d’abord aux feuilles des arbres. Utilisé au
Vietnam par l’armée américaine pour détruire la forêt où les combattants de la guerre de
libération vietnamienne se réfugiaient et sur les cultures vivrières pour affamer le pays. Des
millions de personnes ont été contaminées par « l’agent orange ».
2
Révolution verte : offensive d’innovations technologiques et chimiques pour accroître la
productivité agricole.
3
Consultativ group on international agriculture research (CGIAR), cf. L’Alimentation en otage
de José Bové et Gilles Luneau, éditions Autrement, Paris, 2015.
4
Union des industries de la protection des plantes (UIPP).
5
International life sciences institute (ILSI), cf. Hold Up à Bruxelles de José Bové et Gilles
Luneau, éditions La Découverte, Paris, 2014.
6
opus cité.
7
opus cité.
8
Les pesticides sont fabriqués par synthèse chimique, principalement à partir de gaz naturel
et ont à ce titre une empreinte carbone non négligeable.
9
Biocides dérivés chlorés qui provoquent des disfonctionnements du système nerveux des
insectes… et des humains.
Estimations européennes des blessures et des problèmes de santé d’origine profession-
10
nelle, « Work-related Illnesses Identification, Causal Factors and Prevention Safe Work —
Healthy Work — For Life », J. Takala, Workplace Safety and Health Institute, Singapour,
présentation à l’intention de la conférence de la présidence de l’Union, Athènes, juin 2014.
11
« Work-related cancer in the European Union: Size, impact and options for further prevention »
[Cancer lié au travail dans l’Union européenne : ampleur, incidences et options pour une
prévention accrue], publication sur le site du RIVM, p. 11.
12
Préface
13
Élu député européen en 2009, José Bové consacre ses efforts à la réforme
de la Politique Agricole Commune (PAC), pour qu’elle soit plus équitable
et plus écologique, ce qui l’a amené à dénoncer les lobbies infiltrés dans
les institutions. Son opposition aux accords de libre-échange (TAFTA) est
ancrée dans la conviction qu’ils sont dangereux pour la démocratie. En
France et en Europe, sur le terrain et dans les institutions, il a participé
à la lutte contre l’exploration et l’exploitation des gaz de schiste. Paysan
jusqu’en 2009, ancien porte-parole de la Confédération paysanne et de Via
campesina, son engagement remonte aux années 70 et à la lutte victorieuse
contre l’extension du camp militaire du Larzac. Unissant l’action locale à
la lutte globale, il dénonce sans relâche les politiques de l’OMC. De 1997
à aujourd’hui, il s’est engagé contre les OGM aux côtés de milliers de fau-
cheurs volontaires et de paysans.
Informations de contact :
http://www.jose-bove.eu
jose.bove@europarl.europa.eu
14
Introduction
José Bové
Député européen, membre de la commission
agriculture du Parlement européen.
Aujourd’hui est un moment important car c’est la première fois que, dans
l’enceinte de ce Parlement, est organisée une rencontre sur cette ques-
tion qui jusqu’à présent était taboue : la question des phyto-victimes.
Souvent, on a parlé de manière disparate de ces questions dans différents
pays, mais à présent, on se rend compte en regardant les différents pays
européens que cette question devient une question de santé publique
et un scandale sanitaire de dimension européenne. Nous avons tous en
mémoire le scandale de l’amiante où, dès le début de la production, l’in-
dustrie savait exactement ce qui allait se passer. Mais nous avons mis 50,
60 ans à interdire ce produit et à reconnaître les victimes. Je n’ai pas peur
de dire maintenant que si nous laissons faire le scandale des phyto-vic-
times, nous risquons de faire face à une problématique bien plus impor-
tante dans les années à venir que celle de l’amiante. Pour des raisons
évidentes : face à l’amiante, nous avions une seule molécule en cause,
pour les pesticides, il y en a un nombre incalculable qui crée des cocktails
et qui, à certaines doses, y compris minimes, provoque des dégâts sani-
taires sérieux.
15
Première table ronde
Comment
rompre le
silence
en tant que victime des pesticides
dans la chaîne agroalimentaire
Première table ronde
De la nécessité de changer
d’image et de modèle agricole
Paul François
Association Phyto-Victimes
UN COMBAT
Je ne vais pas trop revenir sur le combat contre Monsanto, mon avocat Maître
Lafforgue est présent et y reviendra. Je voulais simplement vous dire qu’attaquer
une firme comme Monsanto c’est très difficile et ce n’est d’ailleurs pas fini.
Au-delà de ça, j’ai constaté qu’en France, je n’étais pas le seul agriculteur
18
,
De la nécessité de changer d image et de modèle agricole
à avoir été impacté par les pesticides, il y en avait beaucoup d’autres. C’est
vrai qu’en prenant la parole et en lançant ce combat, cela a permis à d’autres
victimes de prendre elles aussi la parole et de sortir de l’omerta. Car en
agriculture il est très difficile de parler de cette problématique, de cette chimie
que nous utilisons depuis 50 ans : elle est venue moderniser notre agriculture,
elle nous a apporté, dans un premier temps, un confort – on ne peut pas dire
le contraire. Moi, j’ai été et je suis toujours agriculteur. J’ai fais partie de ce
système d’agriculture intensive où on utilisait énormément de chimie. Notre
agriculture était entièrement organisée autour des pesticides.
QU’ATTENDONS-NOUS DE L’EUROPE ?
Ce constat fait, que faisons-nous, en tant qu’agriculteurs ? On se bat contre une
firme ? On obtient des indemnisations ? C’est une chose. Mais il faut surtout sortir
de ce modèle agricole. Je le dis avec d’autant plus de conviction que j’ai été
installé dans ce type d’agriculture que j’ai trouvé extrêmement confortable. Prendre
conscience que l’on s’est trompé, c’est difficile. Prendre conscience qu’il faut
changer de méthodes agricoles, c’est un vrai défi. Je le sais parce que nous
avons décidé sur l’exploitation d’en convertir une partie dans un premier temps,
en agriculture biologique. On avait pour objectif qu’elle soit 100 % biologique d’ici
2020 ou 2025. On ne se donne pas de date, le principal est de réussir.
19
Première table ronde
DU COURAGE
Il faut avoir le courage aujourd’hui d’encourager, d’accompagner un autre
système agricole. Un autre système agricole basé sur l’agronomie. Ça peut
fonctionner. On nous rétorque souvent que nous avons le devoir de nourrir
la planète. Mais il y a suffisamment d’exemples dans le monde qui montrent
qu’une agriculture sans chimie peut nourrir sa population sans problèmes.
Ceux qui disent le contraire sont ceux qui ont des intérêts dans les firmes. Il
faut que le Parlement européen ait le courage – on l’a vu avec ce qu’il s’est
passé sur le glyphosate – de regarder les évaluations et de l’interdire. Je pèse
mes mots aujourd’hui.
CHOISIR EN CONSOMMANT
C’est surtout l’impact sur les générations futures qu’il faut prendre en compte
car le glyphosate fait partie des perturbateurs endocriniens. Donc, il faut
avoir le courage de l’interdire. Il faut aussi nous aider à communiquer, nous
agriculteurs, parce qu’on nous stigmatise. J’entends ici ou là dire : « Vous
agriculteurs, si vous êtes impactés, c’est de votre faute, vous n’aviez qu’à
pas utiliser de chimie ». Ce n’est pas l’agriculture ou les agriculteurs seuls
qui ont choisi d’utiliser cette chimie. Je ne dis pas qu’on nous l’a imposé mais
tout le monde a fermé les yeux. C’était facile, je vous l’ai dit tout à l’heure,
car l’agriculture basée sur la chimie est très simple. Elle permet de produire
abondamment et le consommateur – il paraît qu’il faut éviter de dire le mot
consommateur – donc « le citoyen », était à un moment donné très content de
trouver des denrées alimentaires pas chères et abondantes.
Donc aujourd’hui, c’est notre société dans son ensemble qui doit réfléchir :
qu’est-ce que l’on veut pour demain ? Et l’accompagnement des agriculteurs
n’est pas qu’un accompagnement financier, c’est d’abord les encourager, vous
citoyens, nous consommateurs, en achetant autre chose, en regardant ce qui
est derrière un produit, d’où il vient, en se posant la question de quel produit
nous achetons, comment il est fabriqué. Les agriculteurs français sont souvent
stigmatisés mais la plupart d’entre nous ne demande qu’une chose : vivre de
20
,
De la nécessité de changer d image et de modèle agricole
son métier, en vendant de produits de qualité et en retrouvant une fierté que l’on
a perdue. Il est très important que la société le comprenne. Je pense qu’on y
arrivera si c’est une volonté commune. Il ne faut pas que ce soient des décisions
qui soient imposées aux agriculteurs. Il faut que ce soient des solutions qui
soient réfléchies avec le monde agricole. Alors je crois aussi que les syndicats
– et là je vais appeler un chat un chat et puis bon, après m’être battu contre
Monsanto, je ne crains plus grand-chose – et la FNSEA doivent se remettre en
question. Je dis souvent que je suis très à l’aise pour en parler parce que c’est
le seul syndicat auquel j’ai pu adhérer étant un peu plus jeune et mon père a
consacré 40 ans de sa vie à ce syndicat. Il faisait partie de ceux qui, dans les
années cinquante ont développé la FNSEA. Et quand j’en parlais avec lui, il
disait qu’à l’époque la FNSEA défendait les agriculteurs, alors qu’aujourd’hui la
FNSEA et peut-être d’autres syndicats défendent un modèle agricole.
UN MODÈLE DÉFAILLANT
Ce modèle agricole nous a conduits à des problèmes de santé – et vous verrez
que demain il y en aura de plus en plus. L’association Phyto-Victimes fait un
travail de terrain (aujourd’hui plus de 250 dossiers) mais c’est infime par rapport
à la réalité. Je pense que ce sont plusieurs milliers d’agriculteurs qui ont été
impactés et qui continueront de l’être parce que les intoxications sont chroniques
et que les maladies apparaissent souvent 20 à 30 ans plus tard. Il faut donc
nous accompagner vers ce changement. Ce modèle nous a également menés
à une faillite économique. Ce système, auquel j’ai cru… Aujourd’hui force est
de constater que jamais notre agriculture ne s’est portée aussi mal en France,
jamais les agriculteurs n’ont été aussi endettés. On n’a jamais connu une telle
crise. Par contre, je constate que les entreprises agrochimiques qui fabriquent
les produits continuent à faire des bénéfices colossaux. Cela veut dire que
ce système ne profite qu’à quelques grands groupes et non aux agriculteurs.
Donc non seulement ça nous a apporté des problèmes de santé, mais en plus
c’est une fuite en avant non seulement économique mais aussi agronomique.
21
Première table ronde
***
Informations de contact :
Paul François - Association Phyto-Victimes
contact@phyto-victimes.fr
http://phyto-victimes.fr
22
Première table ronde
C’est pour cela qu’il nous paraissait important aujourd’hui de bien mon-
trer que d’un côté il y a les paysans, mais il y a aussi les salariés d’un
autre. Les riverains sont également exposés et nous en parlerons tout à
l’heure. Mais je pense qu’il est important d’avoir ce témoignage parce
que si l’omerta a longtemps été la règle dans les champs, personne ne
parle jamais de ce qu’il se passe dans l’industrie agroalimentaire et dans
les ports non plus. Ces gens-là aussi sont en première ligne et comme ils
sont salariés, ils n’ont même pas le choix du modèle agricole puisqu’on
ne leur demande pas de choisir là où ils veulent travailler. Et au-delà de
ça, leurs employeurs ne les protègent pas.
23
Première table ronde
L’affaire Triskalia
Laurent Guillou
Collectif Triskalia
24
,
L affaire Triskalia
l’année 2009, après une saison catastrophique parce que trop humide, que nous
avons dû sécher plus de 90 % de la collecte de céréales. Cette entreprise, pour
minimiser les coûts de séchage des céréales, a préféré limiter les dépenses en
coupant la ventilation sur les silos concernés. En stoppant la ventilation il y a
eu prolifération de charançons, sylvains, moucherons, vers de farine dans ces
céréales. La seule chose qu’il restait à faire pour sauver la matière première,
c’était intervenir en la traitant avec des pesticides parce qu’il y a un cahier des
charges qui nous dit qu’on n’a pas le droit de faire entrer des insectes vivants
dans le processus de formulation des aliments.
Donc ils ont utilisé des pesticides sans savoir lesquels ils utilisaient précisément,
puisque c’étaient des pesticides qui étaient stockés en bidon de 300 litres
depuis quinze ans sur le site. Ils étaient là, entreposés, et personne ne s’en
était inquiété. Ils ont utilisé ces insecticides jusqu’au jour où j’ai commencé
à avoir des symptômes de vomissement, de crachats sanguins, de diarrhées
sanguines, de crampes abdominales, d’insomnies… J’étais obligé de prendre
cinq ou six douches par nuit tellement ça me brûlait, jusqu’au jour où mes
enfants ont commencé à réagir à la maison.
SPÉCULATIONS
En 2010, nous avons de nouveau eu ce problème, toujours pour des raisons
d’économie, et surtout à cause d’une fluctuation des cours de céréales : la
coopérative a voulu spéculer en entreposant ses céréales plus longtemps qu’elle
n’aurait dû le faire. Alors qu’en 2009 il s’agissait de 20 000 tonnes, en 2010 il
s’agissait de 120 000 tonnes de céréales qui étaient complètement pourries et
que la coopérative a quand même voulu introduire dans l’alimentation animale.
Tout ça aurait dû finir dans une décharge. Mais pour des raisons financières,
25
Première table ronde
elle a voulu incorporer ces 120 000 tonnes dans l’alimentation animale. Un
scandale sanitaire !
26
,
L affaire Triskalia
coordination avec nos réseaux, on peut vous aider. Nous nous sommes tournés
vers un cabinet d’avocats, celui de Maître Lafforgue et de là toute la procédure
a été engagée.
27
Première table ronde
***
Informations de contact :
Collectif de soutien aux victimes des pesticides de l’Ouest :
victime.pesticide.ouest@ecosolidaire.fr
http://victimepesticide-ouest.ecosolidaire.fr/
Pétition Triskalia : https://www.change.org/p/empoisonn%C3%A9s-par-les-
pesticides-nous-sommes-tous-concern%C3%A9s
28
Première table ronde
29
Première table ronde
La parole à l’avocat
François Lafforgue
Avocat de Laurent Guillou
Concernant Paul François, nous avons obtenu gain de cause devant le tribunal
de grande instance de Lyon en 2012, décision confirmée par la Cour d’appel
de Lyon le 10 septembre 2015. Monsanto a formé un pourvoi contre cet arrêt ;
l’affaire est actuellement pendante devant la Cour de cassation.
30
,
La parole à l avocat
Enfin, nous avons obtenu la reconnaissance du suicide d’un autre salarié de cet
établissement en accident du travail ; l’affaire est pendante devant la Cour d’appel.
31
Première table ronde
dans les deux cas. D’une part, c’est un drame sociétal en termes de victimes et
d’impact sanitaire. D’autre part, il existe une véritable désinformation – appelons
les choses par leur nom – organisée par les fabricants de pesticides, comme
cela a été le cas dans l’affaire de l’amiante à travers la création d’un lobby de
l’amiante (le CPA, « Comité Permanent Amiante », au début des années quatre-vingt).
Pour les pesticides, c’est la même chose avec la création de l’UIPP (Union des
Industries de la Protection des Plantes) qui pendant des années a fait croire aux
utilisateurs, qu’ils soient salariés de l’industrie agroalimentaire ou agriculteurs,
qu’ils ne risquaient rien à utiliser des produits dits « phytosanitaires », expression
que l’on a volontairement préférée au terme « pesticides » qui renvoie à l’idée
de tuer.
***
Informations de contact :
Cabinet d’avocats Teissonière-Topaloff-Lafforgue-Andreu & associés
29 rue des Pyramides 75001 Paris - tél. : 01.44.32.08.20 ou
35 cours Pierre Puget 13006 Marseille - tél. : 04.91.81.03.60
32
Première table ronde
33
Première table ronde
Des Victimes-Sentinelles
34
Des Victimes-Sentinelles
35
Première table ronde
Notre environnement habituel est rempli de produits qui sont tolérables pour la
plupart d’entre nous. Malgré tout, on rencontre de plus en plus de personnes
qui développent des hypersensibilités chimiques et des allergies à toute une
série de produits : des désinfectants, des produits de ménage. Ce sont des
maladies acquises, parce qu’à la base nous étions en bonne santé et nous
avons été sujets à des expositions aigues ou répétées. Dans mon cas il s’est agi
d’un accident de travail car dans ma catégorie professionnelle on n’envisageait
pas d’accident par exposition aux pesticides. Pourtant il s’agissait bien d’une
exposition quotidienne par petites doses. Il y a toute une série de voies
légales à suivre pour faire reconnaître son incapacité professionnelle. C’est un
parcours du combattant et les entreprises freinent des quatre fers évidemment,
pour éviter de devoir payer. C’est un parcours dur, lourd, difficile à mener à
bien. Dans ma région il peut s’écouler parfois vingt ans entre l’exposition et
l’indemnisation. Les entreprises s’en lavent les mains et se fichent de la santé
des travailleurs et de leur protection au travail. Cela arrive même que l’on soit
suivi par des détectives privés parce que les gens ne croient pas que nous
sommes malades, puisque nous n’avons pas de reconnaissance officielle ou
de diagnostic médical reconnu.
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Des Victimes-Sentinelles
EFFET CUMULATIF
Aujourd’hui je suis venue pour témoigner, parce que nous avons le même système
ADN que les animaux de laboratoire qui sont testés avec les produits chimiques
qui seront mis en vente. Nous sommes également sensibles aux produits utilisés
pour tuer ces animaux dans les champs ou ailleurs. Fatalement nous sommes aussi
touchés en tant qu’êtres humains. Le problème c’est que nous nous en rendons
compte trop tard et qu’entre-temps le mal est fait. Concrètement, les produits
chimiques ont un effet cumulatif dans l’organisme. Tout ce que nous ingérons,
tout ce que nous respirons, tout ce à quoi nous sommes exposés de manière
générale, c’est-à-dire à chaque fois que nous faisons une analyse des résidus de
pesticides dans n’importe quel objet ou être vivant, ces produits finissent dans
notre organisme. Pour chaque pesticide pourtant, il y a un protocole de sécurité
qui montre quelles sont les doses maximales autorisées pour l’utilisateur. Mais
que se passe-t-il quand plusieurs pesticides sont utilisés simultanément ? On voit
qu’avec l’utilisation combinée des pesticides chimiques, même à petite dose au
quotidien, les niveaux de tolérance changent. Pour une pomme par exemple, il
y a utilisation de pesticide à chaque stade de la croissance de l’arbre, du début
de la récolte jusqu’à la période de réfrigération. Qui évalue le risque de tous ces
biocides dans le processus complet ? Quid alors de la fiabilité de l’évaluation des
risques ? Je pense qu’il faut être beaucoup plus rigoureux et respectueux par
rapport à notre propre corps, à nous-mêmes et à nos enfants. Nous sommes
en train d’empoisonner les gens autour de nous, parce que ces quantités de
produits s’accumulent.
Dans mon cas, je travaillais dans le secteur des plantes ornementales. En théorie,
il y a une limite de sécurité pour les fruits et légumes. Mais pour les plantes de
décoration ou de jardin, pour les fleurs, il n’y a pas ce genre de limites. En fait, on
peut tout à fait acheter une plante qui peut servir à faire des infusions ou un thé
et qui a fait l’objet de pulvérisations de pesticides. La loi n’oblige pas à faire une
communication claire au consommateur. Tout cela contribue à ce phénomène
d’accumulation de produits dangereux dans notre air ambiant, que nous
respirons toutes et tous. Il faudrait atteindre un niveau zéro dans l’environnement.
Nous sommes tous concernés car nous avons tous dans notre organisme une
charge toxique, depuis notre naissance jusqu’à notre âge actuel, tout comme
nos parents qui en ont déjà au moment où l’on naît. Suite à cette accumulation,
nous sommes tous susceptibles de développer une certaine sensibilité à ces
produits chimiques.
VICTIMES-SENTINELLES
Il y a des personnes déjà intoxiquées, comme moi. Ces personnes présentent
certains problèmes qui montrent les dangers et les ravages qu’occasionnent les
pesticides. Imaginez la quantité de parfums, d’eau de Cologne, de radiations
avec les ondes wifi, les pesticides dans les fruits et légumes. À l’intérieur de nos
maisons, nous retrouvons des détergents et autres produits chimiques, certes en
37
Première table ronde
petite quantité, mais qui jouent un rôle dans notre intoxication. Nous, victimes des
pesticides, nous sommes en fait empoisonnés mais je pense que nous jouons un
rôle de sentinelle aussi. Nous devons attirer l’attention sur nos problèmes, pour
que la société soit conscientisée.
Nous recevons bien entendu des protections de la part du monde médical. Mais
je m’adresse au monde politique et je pense qu’il faut garantir une reconnaissance
pour les malades, qui sont rendus handicapés ou invalides, parce que nous
avons besoin d’aide. Nous avons toujours besoin d’une règlementation pour
lutter contre la propagation des produits chimiques dans l’environnement même
si pour moi c’est trop tard : j’ai déjà une mauvaise santé et c’est foutu pour moi.
Mais pour les autres, je pense qu’il faut agir. Il faut exiger des règles pour que
nous ayons un monde beaucoup plus sain et protecteur. Je vous remercie.
***
Principaux types de pesticides vendus
dansde
Principaux types l’Union européenne
pesticides vendus à 28, en 2014
dans l’Union européenne à 28, en 2014
Régulateurs de croissance Molluscicides
Régulateurs de croissance 3,2 %
Molluscicides 0,4 %
3,2 % 0,4 %
Insecticides et acaricides
Insecticides et acaricides 5,2 %
5,2 %
Autres produits
Autres produitsphytosanitaires
phytosanitaires 14,2 %
14,2 % Fongicides et
Fongicides et bactéricides
bactéricides 43,8 %
43,8 %
Herbicides, défanants et
Herbicides, défanants et les mousses
lutte contre
lutte contre les mousses 33,2 %
33,2 %
Source : Eurostat.
Notes : Certaines données confidentielles ne sont pas comptabilisées dans ce graphique.
Source : Eurostat.
Pour la part « Fongicides et bactéricides », les données provenant du Luxembourg datent
Notes : Certaines données confidentielles ne sont pas comptabilisées dans ce graphique.
de 2012, celles des autres pays de 2013.
Pour la part « Fongicides et bactéricides », les données provenant du Luxembourg datent
de 2012, celles des autres pays de 2013.
38
Échanges
avec le public
INTRODUCTION
José Bové
Merci beaucoup Judith pour ton intervention, je crois que cela a apporté
une nouvelle dimension par rapport aux autres témoignages. Cela ren-
force l’idée qu’il faut agir à la fois par le droit et par la mobilisation.
Hier a eu lieu une rencontre de phyto-victimes au niveau européen, c’est
ce que permet ce genre de conférences ici au Parlement. La réunion avait
pour but de créer une plateforme commune et devenir les interlocuteurs
des pouvoirs publics européens, mais surtout de créer des réseaux et ren-
forcer la mobilisation. Je crois en effet que l’important n’est pas unique-
ment de dénoncer mais aussi d’agir et c’est ce que toutes les personnes
présentes ici font.
***
René Louail
39
Première table ronde
***
François Dufour
12
http://www.eaufrance.fr/IMG/pdf/nitrates_20142015_201612.pdf
40
échanges avec le public
Par ailleurs, tu disais José tout à l’heure que le droit n’était pas toujours
utilisé de la même manière dans les différents États européens : com-
ment peut-on avoir une législation qui soit à la fois conforme
aux besoins des populations et en même temps, gérée dans cette
Europe de manière différenciée et contestable sur ces questions de
préservation de la santé des populations et de la planète ?
***
Michel Besnard
***
13
Informations supplémentaires sur : http://www.liberation.fr/societe/2014/12/09/le-cancer-
d-un-docker-reconnu-comme-maladie-professionnelle-par-la-justice_1159788
14
Pour plus d’informations sur les conditions de vie des dockers : http://www.sante-et-tra-
vail.fr/sur-les-traces-des-cancers-professionnels-des-dockers_fr_art_1343_71152.html
41
Première table ronde
Brigitte Richomme
***
LA RÉPONSE DE L’AVOCAT
François Lafforgue
42
échanges avec le public
***
Laurent Guillou
***
15
Les produits de pré-rentrée (ou produits préventifs) sont des pesticides que l’on applique
avant l’arrivée des céréales dans le silo. On les dilue à 90% avec de l’eau puis on les applique
au niveau des ouvertures et infiltrations d’eau de pluie du silo, car ce sont là que les nids
d’insectes peuvent potentiellement s’installer. Les produits pesticides de contact sont élabo-
rés pour être appliqués directement sur le grain, pour empêcher la prolifération d’insectes
une fois que les céréales sont arrivées dans le silo.
43
DEUXIÈME table ronde
Identifier les
principales
maladies
liées à l’exposition professionnelle
aux pesticides agricoles et leur
reconnaissance par les autorités
Maria Heubuch est une eurodéputée allemande du groupe des Verts/ALE.
Elle est engagée dans la préservation et le développement d’une agri-
culture et une alimentation durables, basées sur les petites et moyennes
exploitations agricoles. Elle tient une ferme laitière avec sa famille dans
le Bade-Wurtemberg. Elle s’engage pour la souveraineté alimentaire et la
sécurité alimentaire dans les pays du Sud, en particulier pour empêcher
l’accaparement des terres.
Informations de contact :
maria.heubuch@europarl.europa.eu
46
Introduction
Maria Heubuch
Eurodéputée allemande du groupe des Verts/ALE.
47
deuxième table ronde
Le travail de la
Mutualité sociale agricole
Elisabeth Marcotullio
représentante de la MSA
LE FONCTIONNEMENT DE LA MSA
Je vous remercie de nous avoir invités en tant que représentants de la MSA. Je
suis avant tout médecin du travail, spécialisé dans le monde agricole. Je suis
à ce titre en charge du risque chimique pour les caisses centrales de la MSA.
La MSA est le deuxième régime de protection sociale en France, qui couvre les
non-salariés agricoles, leurs salariés et ceux de divers organismes agricoles
dont les coopératives agro-alimentaires, pour l’ensemble des risques sociaux
hors chômage. Cela concerne 3,3 millions de personnes dont 1,16 millions
d’actifs. Elle fonctionne par le biais d’un Conseil d’administration élu tous les
cinq ans par l’ensemble de ses ressortissants, c’est-à-dire les salariés, les non-
salariés agricoles employeurs et les non-salariés non-employeurs.
Mon intervention va être rapide sur l’exposition aux risques chimiques car vous
êtes tous conscients d’être exposés. À la MSA, nous traitons les plaintes qui
nous sont formulées à court terme par le biais du réseau Phyt’attitude et à long
terme par le biais de la cohorte AGRICAN à laquelle nous participons. Je vais
également décrire le processus que nous suivons pour la reconnaissance des
48
Le travail de la Mutualité sociale agricole
À la MSA, nous avons créé en 1991 le réseau Phyt’attitude, avec l’idée de colliger16
les effets indésirables des produits phytosanitaires utilisés par les professionnels
agricoles. C’est différent du travail des centres anti-poison puisque nous nous
adressons aux professionnels dans le cadre de leur travail. Nous voulions voir
à quels moments les gens étaient exposés, ce que nous pouvions faire pour
améliorer les conditions de travail, les protections collectives et individuelles.
Il ne faut pas oublier que nous sommes médecins du travail avant tout. Cet
observatoire est donc le maillon agricole de la toxicovigilance, entrée dans un
décret en février 2014, et de la phyto-pharmacovigilance, dans un décret très
récent du 26 novembre 2016. Nous avons commencé cette action sur quelques
départements puis l’avons généralisée en 1997 à toute la France. Ce réseau est
géré et financé par la MSA. Le but est de mieux comprendre les circonstances
qui ont conduit à ces effets indésirables et développer la prévention collective
et individuelle ; faire des remontées aux entreprises pour donner les conseils
et si jamais il y a des problèmes de manipulation de produits, des ouvertures
accidentelles de produits, faire des remontées auprès des fabricants.
49
deuxième table ronde
Un exemple : une personne se plaint d’un problème de santé qu’elle pense être
lié aux produits phytosanitaires, soit lors d’une visite médicale ou infirmière, soit
lors de la visite d’entreprise, soit avec un numéro vert à disposition (0800 887
887). Ces signalements sont transmis à une équipe Phyt’attitude au sein de la
MSA. Le médecin avec le préventeur, établit d’une part, le dossier médical avec
les éléments que l’on a et, d’autre part, les conditions d’exposition, les produits
utilisés et la manière dont ils ont été utilisés (s’il y avait du vent, de la chaleur,
si on était en plein hiver, etc.). Ce dossier est anonymisé et transmis à la caisse
centrale de la MSA, puis à des experts extérieurs pour analyse. La réponse est
renvoyée à l’équipe Phyt’attitude. Nous compilons ces données et en faisons
un rapport qui est maintenant annuel, à l’ANSES (Agence nationale de sécurité
sanitaire de l’alimentation), au Ministère de l’Agriculture, à la presse et bien
entendu, une réponse est faite à la personne qui a signalé le problème de santé.
Nous avons de 150 à 200 dossiers par an. Ces dossiers ont été documentés.
Quand on ne dispose pas de renseignements, on ne peut les analyser. Les
résultats du rapport d’activité ne peuvent absolument pas être utilisés à des
fins statistiques, car c’est une déclaration volontaire : il y a des salariés qui
ne veulent pas en parler car ils craignent pour leur emploi s’ils déclarent un
problème. Nous ne pouvons pas mettre en doute les symptômes à ce stade,
nous ne faisons pas de diagnostic de maladie. Le médecin du travail ne fait
que recueillir la plainte et doit s’adresser au médecin traitant ou hospitalier pour
avoir une idée de la situation du malade. 44 % des dossiers sont à l’origine
issus de la visite médicale ou de l’entretien infirmier, c’est donc important de
maintenir ce contact. Près de 35 % des signalements concernent les cultures
spécialisées, hors la viticulture, qui est un domaine particulièrement pourvoyeur
de dossiers. Sur les dossiers signalés, 35 % donnent lieu à un contact médical.
3 % donnent lieu à une hospitalisation soit aux urgences soit dans un service
avec une prise en charge plus longue. Nous avons aussi des dossiers de
pathologies chroniques, qu’on a plus de mal à analyser, et qui représentent
30 % des dossiers. On retrouve dans ces dossiers de très longues périodes
d’exposition, avec de nombreux produits phytosanitaires mais aussi vétérinaires
et biocides, des produits de mécanique et des contacts avec des animaux.
On peut ainsi avoir des dossiers avec plus de 300 produits. Il est absolument
impossible de dire que tel produit est responsable de la pathologie.
50
Le travail de la Mutualité sociale agricole
L’autre enquête sur les risques à long terme, c’est AGRICAN, dont vous avez
sans doute entendu parler. C’est une énorme cohorte française de 180 000
personnes volontaires du milieu agricole, donc adhérentes à la MSA. Elle a
été lancée en 2005 auprès des salariés, non-salariés actifs ou retraités dans
douze départements qui sont couverts par un registre du cancer. Elle est
pilotée par l’unité cancer et prévention du Centre François Baclesse à Caen
et co-pilotée par la caisse centrale de MSA, les caisses de MSA, le laboratoire
santé environnement (ISPED) de Bordeaux et les registres départementaux des
cancers. La cohorte porte sur le suivi en termes de santé et d’exposition et doit
s’étendre sur une vingtaine d’années pour permettre de faire des analyses pour
des pathologies moins fréquentes. Il y a eu des premiers résultats : en 2015,
un auto-questionnaire a été à nouveau envoyé aux membres de la cohorte pour
suivre les expositions professionnelles. C’est un financement de 4,3 millions
d’euros, la caisse centrale de MSA participant à hauteur de 30 %.
51
deuxième table ronde
Tout cela peut éventuellement être révisé selon l’avis des médecins, car ils
peuvent très bien dire que d’après eux cette maladie est reconnaissable comme
maladie professionnelle même si le tableau ne conduit pas forcément à cette
conclusion. Ces informations sont ensuite colligées, remontées au Ministère
de la santé ou de l’agriculture pour ce qui nous concerne ici. Ensuite, c’est
mis à la COSMAP (Commission Supérieure des maladies professionnelles en
Agriculture). On a deux tableaux, qui n’existent que dans le régime agricole,
qui ont été créés : la maladie de Parkinson (tableau n° 58, créé en 2012 avec
un effet rétroactif de deux ans) et le lymphome non-Hodgkinien (dernier tableau
créé en juin 2015, le n° 59).
Entre 2005 et 2016 et en tenant compte de la création de ces deux tableaux, 197
déclarations de maladie de Parkinson ont été faites et 121 ont été reconnues.
De même 44 hémopathies ont été déclarées pour 25 reconnues.
Pour qu’une maladie soit reconnue, il faut que le médecin traitant indique le
lien professionnel de la maladie en rédigeant un certificat médical. La victime
l’envoie à la caisse de MSA, le médecin conseil se prononce sur la première
colonne et la date de première constatation. L’administration calcule le délai
de prise en charge, puis il y a un questionnaire destiné à l’employeur pour lui
demander si le salarié est bien exposé à ce produit. C’est là que le réseau
Phyt’attitude peut être questionné, et toujours sur l’exposition, jamais sur la
pathologie en elle-même. Si jamais il n’y a pas de correspondance en fonction
des différentes colonnes et qu’il y a eu une maladie qui n’est pas inscrite
mais qui crée une incapacité partielle de plus de 25 %, le dossier va au
C2RMP, composé de trois membres : le médecin conseil régional, le médecin
inspecteur et un praticien hospitalier en pathologies professionnelles. Toutes
les pièces et documents médicaux à leur disposition sont utilisés et c’est son
avis qui s’impose à la caisse de la MSA.
52
Le travail de la Mutualité sociale agricole
***
16
Colliger : réunir des textes, des notes pour constituer un tout (recueil, synthèse,
etc.). Relier plusieurs observations en une notion synthétique permettant d’induire un
phénomène non encore détecté.
17
http://www.seirich.fr/seirich-web/index.xhtml
53
deuxième table ronde
De l’importance d’informer
le corps médical et la société
Ruth Echeverria
Fundación Alborada (Espagne)
54
, ,
De l importance d informer le corps médical et la société
Nous sommes ici aujourd’hui car nous constatons qu’il y a de plus en plus de
maladies environnementales, et pas seulement à cause de l’augmentation de la
circulation automobile dans les villes, qui est une thématique importante, bien
connue et à laquelle il faut s’attaquer. Nous parlons aujourd’hui d’autres types
de maladie comme l’hypersensibilité aux produits chimiques, de l’autisme,
du diabète, de l’infertilité... toutes ces pathologies qui découlent de notre
environnement.
55
deuxième table ronde
Dans notre clinique, nous nous sommes rendu compte que 80 % de nos patients
sont atteints de fibromyalgie, du syndrome de fatigue chronique, de sensibilité
aux ondes électromagnétiques ou aux produits chimiques. Leurs analyses de
sang révèlent la présence de résidus de produits chimiques. Il faut pouvoir
travailler avec ces gens non seulement au niveau de leur traitement médical,
afin que le corps se désintoxique et se remette, mais également au niveau de
la composition de leur environnement immédiat. Nous informons nos patients
sur les comportements de vie qu’ils doivent modifier. Par exemple, une balade
dans un parc public peut devenir très dangereuse tant que nos patients ne
savent pas si cet espace a été traité chimiquement ou non. Dans notre cas, en
Espagne, nous savons qu’il y a des moyens de fournir ce type d’information :
pour que nos patients le sachent il faut qu’ils appellent leur mairie. Mais parfois,
la mairie ne donne pas cette information immédiatement, ou bien elle dépend
de la bonne volonté du fonctionnaire qui répond. S’agissant des pesticides,
ce qui nous importe est de savoir quand ils sont épandus : il y en a partout et
sans aucun contrôle. Chez nous en Espagne, il y a des pulvérisations par voie
aérienne qui se font de manière totalement illégale et si personne ne dit rien,
on te dit que c’est exceptionnel, et ça passe comme une lettre à la Poste. Or ce
sont des pulvérisations toxiques et ce qui nous inquiète, c’est qu’on parle de
produits qui peuvent déclencher toute une série de maladies. Nous sommes
confrontés à des patients qui ont vu, tout au long de leur vie, la charge de
produits chimiques augmenter autour d’eux.
56
, ,
De l importance d informer le corps médical et la société
L’autisme est également en train d’augmenter dans notre société. Alors qu’en
1975 nous avions un cas pour 5 000 personnes, aujourd’hui nous parlons de
rapport de 1 à 40 ou 45. Cela nous permet de dire qu’environ un enfant par
classe présente une maladie du spectre autistique. L’incidence de l’autisme
est très préoccupante. Nous observons aujourd’hui des améliorations claires
de la situation des patients et enfants autistes quand ils évitent les produits
chimiques dans l’environnement. Habituellement, on recherche les causes
de l’autisme dans la génétique mais dans de nombreux cas il faut également
étudier l’épigénétique, c’est-à-dire l’influence de l’environnement extérieur,
pour l’expliquer.
57
deuxième table ronde
Enfin, quelques mots concernant les enfants car ce sont les plus vulnérables
d’entre nous. Ils peuvent assimiler plus rapidement ces produits, en mettant
des objets dans leur bouche, en jouant au sol ou dans des parcs publics traités
aux pesticides chimiques. On considère qu’ils ont 6,5 fois plus de risques de
développer une leucémie que les enfants qui jouent dans des espaces non
traités chimiquement. Les nouveau-nés et les nourrissons, les fœtus et
les jeunes enfants sont également exposés puisque nous avons retrouvé
des traces de pesticides dans le cordon ombilical, le placenta ou le lait
maternel. D’ailleurs, on y également trouve des traces de DDT pourtant interdit
depuis très longtemps, ainsi que des pesticides organophosphorés21.
***
Informations de contact :
www.fundacion-alborada.org
ruth@fundacion-alborada.org
18
CEDC-Free Europe est une coalitions de groupes d’intérêt public européen alertant sur les
dangers des perturbateurs endocriniens pour la santé et l’environnement.
19
http://ariadna.cne.isciii.es/
20
https://bmccancer.biomedcentral.com/articles/10.1186/1471-2407-14-535
21
Composés d’au moins un atome de phosphore lié à un carbone, les pesticides organo-
phosporés ont été découverts durant la Seconde guerre mondiale à des fins militaires.
Round up et malathion, qui en sont des exemples, se sont substitués aux organochlorés tels
que le DDT, encore plus toxique, dans les années soixante-dix.
58
, ,
De l importance d informer le corps médical et la société
5,77
5,35
5,77
2,76
9,97
9,57
5,35 5,30
2,71 2,76
9,97
PAYS-BAS
ALLEMAGNE 9,57
3,54 2,08
3,38
BELGIQUE 5,30
FRANCE SLOVÉNIE
ITALIE
2,71
ALLEMAGNE
3,54 PORTUGAL PAYS-BAS
2,08
ESPAGNE
BELGIQUE
3,38
CHYPRE
MALTE
Source : Eurostat.
FRANCE
Note : La surface agricole utile (SAU) inclut les prairies permanentes et les jachères, sur lesquelles on n'épand
SLOVÉNIE
pas de pesticides. En France métropolitaine, les prairies permanentes occupent 43,6 % de la SAU (chiffres 2015,
ITALIE
source ministère de l'Agriculture); dans le reste de l’UE, on est légèrement en dessous. En se basant sur une
moyenne européenne de 40 % de prairies permanentes et jachères, il faut donc multiplier la charge de pesticides
à l'hectare par 0,4. Le ratio pesticides/SAU est à l'avantage des vendeurs et utilisateurs de pesticides.
PORTUGAL
ESPAGNE
CHYPRE
MALTE
Source : Eurostat.
Note : La surface agricole utile (SAU) inclut les prairies permanentes et les jachères, sur lesquelles on n'épand
pas de pesticides. En France métropolitaine, les prairies permanentes occupent 43,6 % de la SAU (chiffres 2015,
source ministère de l'Agriculture); dans le reste de l’UE, on est légèrement en dessous. En se basant sur une
moyenne européenne de 40 % de prairies permanentes et jachères, il faut donc multiplier la charge de pesticides
à l'hectare par 0,4. Le ratio pesticides/SAU est à l'avantage des vendeurs et utilisateurs de pesticides.
59
deuxième table ronde
Agir en commun
pour le futur
60
, ,
De l importance d informer le corps médical et la société
Au fil des années, nous avons trouvé ces personnes. On a réussi, en rencontrant
des gens comme Paul François et d’autres, à mener des combats en commun.
Nous les avons aidés à fonder leur association Phyto-Victimes, nous avons conduit
des actions ensemble. Nous avons même une action dont nous sommes assez
fiers : organiser ensemble une manifestation au Salon de l’agriculture sur le
stand des producteurs de pesticides par des agriculteurs malades et utilisant les
produits chimiques, aux côtés d’environnementalistes comme nous. Cela a conduit
à des victoires, à des inscriptions sur les registres des maladies professionnelles,
je pense au lymphome non-Hodgkinien, qui est une conséquence directe des
pressions communes que nous avons menées. J’ai eu le plaisir de parler en face
des amis bretons qui se sont battus suite aux problèmes de l’entreprise Triskalia. La
situation est terrible et on a eu avec ces personnes une collaboration fructueuse,
notamment avec les représentants des syndicats.
61
deuxième table ronde
Ensuite, les victimes des pesticides sont bien sûr les professionnels agriculteurs
ou ouvriers, mais ce sont également toutes les personnes exposées aux
pesticides et nous avons recueilli des centaines de témoignages de personnes
qui sont exposées chez elles, parce qu’elles sont en milieu rural, que les
épandages ont lieu sous leurs fenêtres et qu’elles ne peuvent pas jouir de leur
propriété puisqu’elles sont littéralement baignées dans les pesticides cinq ou
six mois dans l’année. Quand on sait qu’au-delà de la toxicité aigüe, la toxicité
chronique est véritablement une question majeure de santé publique, c’est
partout où les femmes en âge de procréer habitent qu’il y a déjà un risque
puisque de nombreux pesticides sont des perturbateurs endocriniens. Ils
peuvent perturber non seulement le bon déroulement de la grossesse mais
également programmer des maladies qui vont se dérouler durant la vie de
l’enfant. Il y a en effet une théorie qui est embrassée par de plus en plus de
scientifiques sur l’origine développementale des maladies chroniques et qui
lie clairement l’alimentation, sa qualité et l’exposition à des produits chimiques
toxiques à la survenue de toute une série de maladies (cancers, maladies
neurodégénératives, des problèmes de reproduction, du métabolisme…).
Quand on connaît le prix et les impacts sociaux de ces maladies-là, nous
pensons que le mouvement social auquel nous sommes fiers de participer et
que nous appelons de nos vœux dans les autres pays de l’Union européenne,
est absolument nécessaire pour l’intérêt général. Je vous remercie.
***
62
Échanges
avec le public
63
deuxième table ronde
Pour finir sur AGRICAN, je suis extrêmement surpris comme tous les
médecins de notre association, de la communication sur la mortalité. Il
s’agit d’une étude « Agriculture et cancer » et non pas « Pesticides et
cancers », donc ne communiquer que sur les pesticides à partir de cette
cohorte, dont on voit le grand biais de recrutement, alors que la cohorte
n’est pas construite pour cela, est problématique.
Deuxièmement, sur le cancer, vous communiquez sur la mortalité et l’es-
pérance de vie, alors qu’on vous pose des questions sur les incidences
des cancers liés aux pesticides : comptez le nombre de cancers, faites des
choses qui scientifiquement se tiennent ! Ça n’a pas de sens de communi-
quer sur la mortalité et l’espérance de vie !
D’autre part, je ne sais pas comment travaillent vos communicants mais
ils ont choisi le chiffre favorable ! Si vous aviez pris non pas les exploi-
tants agricoles mais les ouvriers agricoles, c’est moins deux ans d’espé-
rance de vie. Mais ce n’est pas cela qui nous intéresse, mais l’incidence :
restons rigoureux et scientifiques !
***
LA RÉPONSE DE LA MSA
Elisabeth Marcotullio
64
échanges avec le public
***
22
L’étude de Framingham, menée dans la ville éponyme, est une étude au très long cours,
portant sur les maladies cardiovasculaire, réputée de très bonne qualité et portant sur
plusieurs générations de patients.C’est cette étude qui a mis à jour les facteurs de risque
environnementaux dans la déclaration d’une maladie cardiovasculaire.
Système d’évaluation et d’information sur les risques chimiques en milieu professionnel,
23
65
deuxième table ronde
***
***
66
échanges avec le public
Le Dr Patrice Heurtaut
***
***
67
TROISIÈME table ronde
Le droit
européen
contribue-t-il à faire changer
les comportements ?
Maria Heubuch est une eurodéputée allemande du groupe des Verts/ALE.
Elle est engagée dans la préservation et le développement d’une agri-
culture et une alimentation durables, basées sur les petites et moyennes
exploitations agricoles. Elle tient une ferme laitière avec sa famille dans
le Bade-Wurtemberg. Elle s’engage pour la souveraineté alimentaire et la
sécurité alimentaire dans les pays du Sud, en particulier pour empêcher
l’accaparement des terres.
Informations de contact :
maria.heubuch@europarl.europa.eu
70
Introduction
Florent Marcellesi
Député européen
71
troisième table ronde
Laurent Vogel
European Trade union institute (Institut européen des syndicats)
INTRODUCTION
La question qui est posée est de savoir si le droit européen apporte des réponses
efficaces à la question des pesticides. La réponse est non, malheureusement.
Il y a une bataille politique à mener et il est certain que le Parlement européen
a son rôle à jouer dans cette bataille, parce qu’il existe une véritable collusion
d’intérêts entre un certain nombre d’institutions européennes, en particulier la
Commission européenne, et les industries polluantes, l’industrie chimique en
particulier et les producteurs de pesticides.
72
Les directives européennes
Troisième élément : il y a une série de propositions qui ont été faites par la
Commission européenne, qui se limite à un certain nombre de valeurs limites
d’exposition pour des substances. Et l’on peut constater que les niveaux de
risques associés aux valeurs limites proposées, en tout cas pour certaines de
ses substances, sont tout à fait inacceptables. Ce sont des niveaux beaucoup
trop élevés. Pour donner un seul exemple : pour le chrome hexavalent
(Chrome VI) la valeur limite proposée par la Commission européenne est de
25µg, alors qu’en France elle est réduite à 1µg. Ça représente un risque de
cancer du poumon de 1 pour 10 travailleurs exposés. C’est évidemment un
risque totalement inacceptable.
73
troisième table ronde
74
Les directives européennes
Finalement, en juin de cette année, elle a publié un document avec une proposition
de critères, et quand on lit ce document, il s’agit de critères qui conduiraient à ne
pas considérer comme perturbateurs endocriniens la majorité des substances
qui le sont. Ils ne considèrent que les perturbateurs endocriniens avérés, sur
la base d’études épidémiologiques qui ont été déjà menées sur l’homme. Ce
qui est évidemment totalement insuffisant et en contradiction complète avec
l’approche que l’on suit en matière de cancérigènes, mutagènes et toxiques
pour la reproduction. Cela peut apparaître comme un combat très technique
et très compliqué du point de vue scientifique, mais sa portée pratique est
immense puisque cela signifie qu’il n’y aura pas de régulation de la majorité
des substances ayant un effet de perturbation endocrinienne. Donc cela
représente une véritable bombe à retardement du point de vue de la santé
des travailleurs, mais aussi du point de vue de la santé publique.
***
75
troisième table ronde
François Veillerette
Association Générations Futures
76
, ,
Pourquoi les bonnes intentions de l Union européenne n ont pas été concluantes
77
troisième table ronde
78
, ,
Pourquoi les bonnes intentions de l Union européenne n ont pas été concluantes
EN CONCLUSION
Le corpus législatif actuel est non seulement insuffisant, mais en plus n’est pas
ou très mal appliqué. Il y a beaucoup de travail à faire pour durcir à la fois ces
règlements, éviter le recul, car c’est le premier risque sur les perturbateurs
endocriniens mais au contraire avancer. Il faut bien entendu également
appliquer correctement les textes. On sait très bien que cela n’arrivera pas
par l’effet de la grâce divine si elle existe, mais que cela arrivera seulement
si un mouvement social fort se construit, pas seulement dans un pays ou
deux, mais dans l’ensemble de l’Union européenne. Cela n’aura lieu que si les
professionnels de santé, les syndicats, les ONG, les usagers des pesticides
et les élus des différents gouvernements de l’Union européenne travaillent
ensemble pour faire avancer cette question de santé publique majeure.
***
http://www.lemonde.fr/planete/article/2016/12/20/perturbateurs-endocriniens-le-ca-
24
deau-discret-mais-majeur-aux-lobbys-des-pesticides_5051771_3244.html
79
troisième table ronde
Cadre juridique
et politique des directives
et évaluations ex-post
Alexandra Eftimie
membre de la Direction générale
de l’emploi de la Commission européenne
INTRODUCTION
Il n’est pas rare que lorsque les choses ne vont pas bien, la Commission en soit
tenue pour responsable…
80
Cadre juridique et politique des directives et évaluations ex-post
D’un côté, dans le domaine de la politique sociale, une série de directives ont
été adoptées au niveau de l’UE, qui fixent des exigences minimales pour la
protection de la santé et de la sécurité des travailleurs, y compris concernant
l’exposition aux pesticides. L’expression « exigences minimales » signifient que
les États membres sont en mesure d’adopter des dispositions plus strictes afin
d’arriver à une protection plus élevée des travailleurs. D’un autre côté, dans
le domaine du marché intérieur, un cadre juridique complémentaire existe qui
s’ajoute à ces exigences minimales, notamment les suivants :
81
troisième table ronde
La directive 98/24 couvre tous les agents chimiques dangereux, définis comme
tout agent chimique qui satisfait aux critères de classification en tant que
dangereux dans l’une des classes de dangers physiques et/ou de dangers pour
la santé énoncées dans le règlement (CE) n° 1272/200828 (« règlement CLP »),
que cet agent chimique soit ou non classé au titre dudit règlement. La Directive
2004/37 s’applique aux produits mutagènes et cancérigènes (catégories 1A et
1B au sens du règlement CLP).
82
Cadre juridique et politique des directives et évaluations ex-post
Auparavant, dans son intervention, Laurent Vogel a pointé les points négatifs
de cette proposition et je n’y reviendrai pas, seulement peut-être sur deux
points. Il n’est pas exact de dire que dans le dispositif actuel de la directive,
83
troisième table ronde
84
Cadre juridique et politique des directives et évaluations ex-post
***
25
étude réalisée a posteriori d’une action politique pour tirer des enseignements
rétrospectifs de son application.
26
Art. 1 (3) Directive 89/391 ; Recital 47 of Regulation (EC) n° 1107/2009.
27
Directive 89/391/CEE du Conseil du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures
visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail
(JO L 183, 29.6.1989, p.1).
28
Règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008
relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges,
modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE et modifiant le règlement
(CE) n° 1907/2006 (texte présentant de l’intérêt pour l’espace économique européen),
(JO L 353, 31.12.2008, p. 1).
29
Article 6 (2) de la directive 98/24 et Article 4 de la directive 2004/37.
30
Article 4 (2) de la directive 2004/37.
30
Article 4 (2) de la directive 2004/37.
31
Article 14 (5) de la directive 2004/37.
32
Règlement (CE) n° 2062/94 du Conseil, du 18 juillet 1994, instituant une Agence
européenne pour la sécurité et la santé au travail (JO L 216, 20.8.1994, p. 1).
Décision de la Commission 95/319/CE du 12 juillet 1995 portant sur la création d’un comité
33
85
troisième table ronde
Échanges
avec le public
INTERDIRE PUREMENT ET
SIMPLEMENT LES PESTICIDES
Alain Moles
86
échanges avec le public
François Dufour
Je voulais simplement dire que nous sommes ici dans l’enceinte du Parle-
ment européen. Nous sommes dans l’endroit où se dessinent les politiques
agricoles. Les crises successives vont amener quasiment à un développe-
ment massif des céréales sur les territoires, puisque l’élevage est en grande
difficulté. Je pense qu’au-delà des directives qu’il faut faire évoluer effecti-
vement, il ne faudrait pas que les instances européennes considèrent qu’en
mettant des nouvelles directives plus en capacité de suivre de près l’évolu-
tion, tout sera réglé. Il y a ici des secteurs sociaux comme la MSA notam-
ment : entendez bien que l’hécatombe qui s’opère va s’étendre, puisque la
céréalisation des territoires européens va s’accentuer à cause des crises.
Faites très attention pour que nous ne soyons pas dans l’irréversibilité. Les
drames vont s’accentuer, les choses vont très vite. Merci.
***
Henriette Christensen
***
Laurent Vogel
87
troisième table ronde
les conséquences qu’a eu l’usage des pesticides sur les personnes exposées)
mais aussi lié aux conditions réelles d’utilisation. Là, nous avons des dizaines
d’études en ergotoxicologie35 qui démontrent que toutes les hypothèses que
l’on fait sur l’efficacité des EPI ne correspondent pas à la réalité. Les fabri-
cants de pesticides le savent et refusent d’en tenir compte. Il y a là un outil
juridique qu’il faudrait créer : un double retour d’expérience, à la fois sani-
taire et sur les conditions de travail réelles.
***
François Veillerette
Sur la question des travailleurs, l’ANSES a publié cet été un rapport extrê-
mement intéressant qui dit pour faire court qu’il ne faut pas compter sur les
tenues de protection, les combinaisons, les masques et appareils respira-
toires pour gérer le risque. Le risque doit d’abord être diminué fortement en
agissant sur l’évaluation et l’exposition des personnes, c’est-à-dire à l’utilisa-
tion des produits. Et là nous nous heurtons à une sorte de plafond de verre.
Au niveau européen nous n’arrivons pas à imposer aux États membres
des obligations en matière de plans de réduction de l’usage des pesticides.
Ensuite les valeurs d’exposition aux cancérigènes ne s’appliquent pas aux
pesticides puisque les cancérigènes 1A et 1B sont exclus par ce qu’on appelle
les critères d’exclusion du règlement européen. Le problème apparaît sur ce
point-là, parce qu’il faut obtenir une classification 1A ou 1B et nous revenons
alors au cas du glyphosate. À ce niveau-là, on a un problème avec l’EFSA
qui ne veut pas prendre en compte un certain nombre d’études qui pourtant
font partie de la littérature scientifique disponible. On tourne en rond sur
cette question alors que le règlement affiche de bonnes intentions.
***
Alexandra Eftimie
88
échanges avec le public
duelle doivent être utilisés lorsque les risques ne peuvent pas être évités ou
suffisamment limités par des moyens techniques de protection collective ou
par des mesures, méthodes ou procédés d’organisation du travail36. L’em-
ployeur est tenu de prendre des mesures de protection collective par priorité
à des mesures de protection individuelle37 et de les appliquer à la source
du risque, telles qu’une bonne ventilation et des mesures organisationnelles
appropriées38. L’employeur est tenu en premier lieu d’éliminer l’exposition
par la substitution de préférence, si ce n’est pas possible, d’utiliser des sys-
tèmes clos, si ce n’est pas possible, de concevoir des procédés de travail
et des contrôles techniques appropriés et d’utiliser des équipements et des
matériels adéquats de manière à éviter ou à réduire le plus possible la libé-
ration d’agents chimiques dangereux pouvant présenter des risques pour la
sécurité et la santé des travailleurs sur le lieu de travail.
Concernant les EPI, une directive spécifique 89/656/CEE concernant les
prescriptions minimales de sécurité et de santé pour l’utilisation par les tra-
vailleurs au travail d’équipements de protection individuelle est applicable39.
En vertu de cette directive, l’employeur a l’obligation de s’assurer que l’équi-
pement est sûr pour le travailleur.
Une question m’a été posée pour savoir si la législation existante apportait
des réponses dans le cas où l’EPI, de par sa lourdeur etc., cause le malaise de
l’agriculteur (par exemple, par suffocation). La réponse est qu’en vertu de la
directive 89/656/CEE, l’employeur a une obligation de s’assurer que les EPI
qu’il met à la disposition des travailleurs et les conditions de travail en géné-
ral soient telles que le travailleur puisse être en bonne santé. Si l’EPI ou les
conditions de travail ne remplissent pas ces conditions, l’exposition ne doit
pas avoir lieu, tout simplement.
Concernant la question relative au guide pratique en préparation, et je fini-
rai par-là, il s’agit d’un guide sur la gestion des risques dans les secteurs de
l’agriculture et de la pêche. Il est adressé à l’employeur et aux travailleurs
agricoles. Il concerne aussi, je crois, le domaine de l’horticulture. L’idée est
d’avoir des exemples pratiques pour montrer comment la législation dans
le domaine de la santé et de la sécurité au travail devrait être appliquée :
quels devraient être les éléments à prendre en compte dans l’évaluation des
risques, quelles sont les mesures à mettre en pratique par les employeurs et
par les indépendants. L’idée est de faciliter et d’expliquer de manière simple
et accessible aux employeurs, travailleurs et aux indépendants, leurs devoirs
et leurs droits pour s’assurer qu’ils respectent la réglementation en vigueur.
35
Pratique spécifique de l’ergonomie, combinant l’étude des activités professionnelles
impliquant l’exposition à des produits chimiques et la prise en compte de données
physiologiques, physiques…
36
Article 3 de la directive 89/656/CEE.
37
Article 6 (2) (h) de la Directive 89/391/CEE.
38
Article 6 (2) (b) de la Directive 98/24/CE.
39
JO L 393, 30.12.1989, p.18.
89
Texte de
mobilisation des
phyto-victimes
Appel. Levons le voile sur les pesticides !
Aujourd’hui, jeudi 8 décembre à Bruxelles, a eu lieu un colloque « Pesticides
en agriculture: Levons le voile sur un véritable scandale sanitaire », à
l’initiative de José Bové, Florent Marcellesi, Benedek Javor et Maria
Heubuch, députés européens écologistes.
90
3 • Nous dénonçons ces lobbies des pesticides, notamment l’Union des
Industries de Protection des Plantes (UIPP) ou European Crop Protection (ECPA),
auprès de la Commission Européenne et du Parlement européen. Ils agissent
comme le Comité amiante en France en son temps et sous couvert d’une
communication puissante de respect de l’homme et de son environnement,
ils épuisent les ressources de la Nature et tuent les êtres humains et animaux.
Leur objectif est de repousser l’échéance de l’interdiction.
4 • Nous exigeons que les Autorisations de mise sur le marché (AMM) des
pesticides en Europe évaluent essentiellement le risque toxicologique, aigu et
chronique, sur les formulations commerciales c’est-à-dire les principes actifs,
les adjuvants, les solvants, les contaminants et non sur les seuls principes
actifs. De nombreuses études scientifiques démontrent que la toxicité des
formulations est 1 000 fois plus élevée que le principe actif seul.
Informations de contact :
nadine@generations-futures.fr
victime.pesticide.ouest@ecosolidaire.fr
91
GLOSSAIRE
Adjuvant : Produit ajouté aux pesticides pour améliorer leur pouvoir de dispersion,
d’étalement ou d’adhérence.
Agent mutagène : agent susceptible de provoquer des mutations (modifications) dans
l’ADN, ce qui favorise l’apparition d’un cancer.
Agroalimentaire : partie de l’industrie qui exploite, transforme et conditionne les
produits de l’agriculture pour la consommation.
Agroécologie : Selon le ministère de l’agriculture, l’agroécologie est une façon de conce-
voir des systèmes de production qui s’appuient sur les fonctionnalités offertes par les éco-
systèmes. Elle les amplifie tout en visant à diminuer les pressions sur l’environnement et à
préserver les ressources naturelles. Il s’agit d’utiliser au maximum la nature comme facteur
de production en maintenant ses capacités de renouvellement. Pour plus d’informations :
http://agriculture.gouv.fr/sites/minagri/files/concept-agroecologie.pdf
Agronomie : étude de l’agriculture (relations entre les cultures, le sol, les climats et les
techniques de culture).
Biotechnologies : l’Organisation de coopération et de développement économiques
(OCDE) définit les biotechnologies comme « l’application de la science et de la technolo-
gie à des organismes vivants, de même qu’à ses composantes, produits et modélisations,
pour modifier des matériaux vivants ou non-vivants aux fins de la production de connais-
sance, de biens et de services. ».
Cancer non-Hodgkinien : cancer du système lymphatique. Pour en savoir plus :
http://www.e-cancer.fr/Patients-et-proches/Les-cancers/Lymphome-non-hodgkinien/Points-cles
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Glossaire
Liens utiles
et bibliographie
LIENS UTILES
Sur les organisations des intervenants de la conférence
Association Phyto-victimes, association d’aide aux victimes des pesticides
https://www.phyto-victimes.fr/
Portail de l’emploi et des affaires sociales - Commission européenne
http://ec.europa.eu/social/main.jsp?catId=148&langId=fr
European trade union institute
http://www.etui.org
Association Générations futures
https://www.generations-futures.fr/
Association PAN-Europe (anglais)
http://www.pan-europe.info/
Réseau Phyt’attitude – Signalez vos symptômes
http://www.msa.fr/lfr/sst/phyt-attitude
Site Internet de la MSA
http://ssa.msa.fr
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Sur la législation européenne
Directive 98/24 (agents chimique dangereux)
http://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/TXT/?qid=1485785273660&uri=CELEX:01998L0024-20140325
BIBLIOGRAPHIE CHOISIE
Disponibles en librairie
Rachel Carson, Printemps silencieux, éditions Plon, Paris, 1963.
José Bové, Gilles Luneau, Changeons de cap, changeons de Pac ! Vers une agriculture
paysanne au service des citoyens, éditions Alternatives, Paris, 2012.
José Bové, Gilles Luneau, L’Alimentation en otage, éditions Autrement, Paris, 2015.
José Bové, Gilles Luneau, Hold Up à Bruxelles, éditions La Découverte, Paris, 2014.
Edwige Charbonnier, Aïcha Ronceux, Anne-Sophie Carpentier, Hélène Soubelet, Enrique
Barriuso, Pesticides : Des impacts aux changements de pratiques, éditions Quae,
Versailles, 2015.
Michael Hansen, Paul Lannoye, Suzanne Pons, Gilles-Éric Séralini et Jean-Pierre Berlan,
La Guerre au vivant, OGM et mystifications scientifiques, Agone, Marseille, 2001.
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Liens utiles et bibliographie
Disponibles en ligne
Marie-Anne Mengeot, Produire et reproduire. Quand le travail menace les générations
futures, Bruxelles, ETUI, 2008. Téléchargeable :
http://www.etui.org/fr/Publications2/Guides/Produire-et-reproduire
Films
Les Sentinelles - Pierre Pézerat, sortie prévue en novembre 2017.
La Mort est dans le pré - Eric Guéret, 2013.
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Actes de la conférence
pesticides
un scandale sanitaire
Le Parlement européen
écoute les victimes
Décembre 2016, Bruxelles. Dans une salle du Parlement européen,
députés, agriculteurs, avocats et représentants d’institutions
s’installent côte à côte. Animé par José Bové, le premier colloque
s’attaquant au scandale sanitaire des pesticides vient de commencer.
Les témoignages, souvent bouleversants, s’enchaînent. Les unes
après les autres, les voix s’élèvent pour raconter les combats
quotidiens, juridiques, légaux, vitaux, les mesures prises et celles
oubliées, les victoires, aussi.
Leur espoir ? Obtenir une reconnaissance officielle des dommages
irréversibles causés et faire bouger les lignes du droit. Car les phyto-
victimes, ces hommes et ces femmes malades des pesticides, sont
aussi les sentinelles sanitaires et salutaires de nos sociétés.
www.globalmagazine.info