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CHAPITRE
Écoulement uniforme
3.1 INTRODUCTION
Le présent chapitre présente les équations décrivant l’écoulement uniforme, principalement
l’équation de Manning.
3.2.1 Chézy
Chézy a été, en 1769, le premier à présenter une formule pour décrire les écoulements à surface
libre et uniforme dans les canaux. Elle est présentée sous la forme :
V = C Rh S [3.1]
n = coefficient de rugosité
Elle a été largement utilisée en Allemagne, en Angleterre, aux U.S.A. et au Québec. Elle peut
être présentée sous forme d’abaque ou de tables.
3.2.3 Manning
En 1809, un ingénieur irlandais nommé Manning présenta une formule qui, par la suite, a été
réduite à la forme que l’on connaît :
C = 1n Rh 16 [3.4]
À cause de sa simplicité, la formule de Manning peut se transposer en une abaque simple d’uti-
lisation (Appendice A). Pour les sections de géométrie simple, la formule de Manning présen-
tée sous forme de figure permet de calculer directement la profondeur normale d’écoulement
(Appendice B).
3.3.1 Variabilité
L’une des plus grandes difficultés lors de l’utilisation de la formule de Manning ou de Kutter,
est la détermination du coefficient de rugosité ”n”. Pour les deux formules, les coefficients de
rugosité ”n” sont presqu’identiques lorsque les pentes sont supérieures à 0,0001 et que les
rayons hydrauliques sont compris entre 0,3 m et 10 m. Les coefficients de rugosité ”n” sont
identiques pour les deux formules lorsque le rayon hydraulique égale 1.0 m.
Le coefficient de rugosité ”n” est influencé par plusieurs facteurs dont voici une description
sommaire :
Rugosité du lit et des parois : La granulométrie du lit du cours d’eau ou de son péri-
mètre mouillé influence le coefficient de rugosité. Plus la granulométrie est
grossière, plus la rugosité est élevée.
Irrégularités dans le lit : Les irrégularités dans le fond du cours d’eau telles que les
dépressions, les lames de sable occasionnées par l’envasement, l’ensable-
ment ou de l’affouillement dans le cours d’eau. Le matériel transporté dans
le fond du cours d’eau par l’écoulement contribue à augmenter la rugosité.
Changement dans la section : Des changements graduels et peu fréquents dans la sec-
tion du cours d’eau ont peu d’influence sur la rugosité générale du cours
d’eau. Par contre, des changements fréquents et brusques influent sur
l’écoulement d’une façon équivalente à une augmentation de la rugosité du
cours d’eau.
Obstacles : La présence d’obstacles, tels que les grosses pierres, ponceaux, freinent
l’écoulement et amènent une augmentation équivalente de la rugosité.
24 ÉCOULEMENT UNIFORME
Végétation : La présence de végétation sur les berges (talus) et dans le fond du cours
d’eau accroît la rugosité. Lorsque cette végétation est plus basse que la
demi hauteur de l’écoulement, les crues couchent la végétation et ramènent
le coefficient de rugosité à un ordre de grandeur de 0,05 à 0,06. Les plantes
en période végétative sont plus fortes et résistent mieux à l’écoulement. En
période morte, elles sont moins résistantes; en hiver et au printemps, le
coefficient de rugosité peut être plus faible qu’en été.
Rectitude ou sinuosité du cours d’eau : Les méandres et les courbes augmentent la
résistance à l’écoulement et amènent une augmentation équivalente de la
rugosité. Une courbe raide offre une plus grande résistance à l’écoulement
qu’une courbe longue et régulière. Pour une seule courbe, l’accroissement
équivalent est inférieur à 0,003.
Le coefficient de rugosité ”n” peut être déterminé selon quatre méthodes :
1. la méthode des facteurs;
2. les tableaux des valeurs typiques;
3. la comparaison avec des cours d’eau dont le coefficient de rugosité ”n” est
connu;
4. l’utilisation d’équations;
5. l’approche analytique en fonction de la répartition des vitesses.
Compte tenu de l’influence des différents facteurs, le coefficient de rugosité est évalué en addi-
tionnant à la valeur de rugosité du lit, l’influence des autres facteurs, de la façon suivante :
n = n 0 + n 1 + n 2 + n 3 + n 4 n 5 [3.5]
3.3.5 Équations
De nombreux chercheurs ont essayé d’établir une relation entre le facteur “n” et la grosseur des
particules formant le lit des cours d’eau, tout particulièrement pour les lits composés de maté-
riel granulaire. Une des formules les plus utilisée est celle de Meyer--Peter et Muller (French,
1999) :
16
d 90
n= [3.6]
26
d90 = diamètre des particules dont 90 % sont plus petites (m)
Le NEH 654 ( ,2008) présente la formule de Strickler (Chang 1988, Chow, 1959) :
16
n = 0, 0474 d 50 [3.7]
Figure 3.1 Rugosité d’un canal enherbé (”Bermuda grass” de longueur moyenne) possé-
dant une pente de 5%. (adapté de Ree, 1949).
Dans les canaux enherbées, le facteur de rugosité de Manning est variable et une relation a été
identifiée avec le produit de la vitesse et du rayon hydraulique (figure 3.2) et les nombreuses
expériences de Ree (1949) ont permis de préparer une synthèse (figure 3.3). La figure 3.3 a
permis de préparer des abaques de l’Annexe D (figures 3.5 à 3.8) pour calculer directement les
vitesses en fonction des différents types de résistance à l’écoulement et la formule Manning.
Les types de résistance à l’écoulement selon la végétation sont déterminés selon le tableau 3.1.
27
Coefficient de rugosité
Tableau 3.1 Guide de sélection du type de résistance de la végétation (U.S. Soil Conservation
Service 1954).
> 90 B élevée
30--60 C moyenne
Satisfaisante 15--25 D faible
5--15 D faible
<5 E très faible
Les différentes courbes de la figure 3.3 peuvent être représente par des équations dont celle
incluse dans la figure 3.3 mais limités aux valeus de “n” < 0,2. HEC--15 (Chen et Cotton, 1998)
utilise les formules simplifiées suivantes pour les types de résistance A, B, C et D :
nA = Rh 16
[3.8]
15, 8 + 19, 97 log(Rh 1,4 S 0,4 )
nB = Rh 16
[3.9]
23, 0 + 19, 97 log(Rh 1,4 S 0,4 )
nC = Rh 16
[3.10]
30, 2 + 19, 97 log(Rh 1,4 S 0,4 )
nD = Rh 16
[3.11]
34, 6 + 19, 97 log(Rh 1,4 S 0,4 )
SECTION COMPLEXE D’ÉCOULEMENT
29
La méthode la plus simple divise le cours d’eau en sections d’écoulement homogène et le débit
total est égal au débit de chacune des sections (Figure 3.4).
Q = V 1A 1 + V 2A 2 + V 3A 3
[3.12]
AiRhi23
n=
An Rhi23
i
i
[3.14]
Chow (1959) présente d’autres méthodes d’évaluation qui sont semblables à celle--ci.
3.6 CONCLUSION
Ce chapitre nous a permis de connaître les principales notions d’hydraulique nécessaires à la
compréhension des phénomènes hydrauliques qui existent dans les cours d’eau. Ces connais-
sances alliées à celles des procédures de design et de dimensionnement des cours d’eau fourni-
ront l’ossature de base pour entreprendre toute étude ou toute intervention dans les cours
d’eau.
30
BIBLIOGRAPHIE
Anonyme, 1954. Handbook of Channel Design for Soil and Water Conservation. United State
Department of Agriculture, Soil Conservation Service. SCS--TP--61.
Schwab, G.O., R.K. Frevert, T.W. Edminster et K.K. Barnes, 1966. Soil and Water Conserva-
tion Engineering. John Wiley and Sons, New York.
Simon, A.L., 1976. Practical Hydraulics. John Wiley and Sons, Toronto.
Ree, W.O. 1949. Hydraulic characteristics of vegetation for vegetated waterways. Agr. Eng.
Vol. 30: 184--187, 189.
U.S. Soil Conservation Service. 1954. Handbook for channel design for soil and water con-
servation. USDA, Soil Conservation Service. SCS--TP--61.
Fasken, G. B. 1963. Guide for selecting roughness coefficient “n” values for channels. U.S.
Department. of Agriculture, Soil Conservation Service. Lincoln, NE.
Barnes, H.H. 1967. Roughness Characteristics of Natural Channels. U.S. Geological survey--
supply paper 1849. United States Government printing office. Washington, DC.
1000,00
y 1
z z = 12
b z=6
100,00 z=4
z=3
z=2
z = 1,5
Qn
S 12b 83 z=1
10,00
ARh 23
b 83
1,00
0,10
0,01
0,10 1,00 10,00
yb
n = n 0 + n 1 + n 2 + n 3 + n 4n 5
Caractéristiques Valeurs
Terre 0.020
Matériel Roc n0 0.025
Gravier fin 0.024
Gravier grossier 0.028
Absentes 0.000
Irrégularités Faibles n1 0.005
Modérées 0.010
Importantes 0.020
Graduelles 0.000
Variations de la section Alternance occasionnelle n2 0.005
Alternance fréquente 0.010--0.015
Négligeables 0.000
Obstructions Faibles n3 0.010--0.015
Appréciables 0.020--0.030
Importantes 0.040--0.060
y* < 3--4 hauteur de végétation 0.005--0.010
Végétation y < 2 hauteur de végétation n4 0.010--0.025
y = 1 hauteur de végétation 0.025--0.050
y < 1/2 hauteur de végétation 0.050--0.100
Degré de sinuosité Faible 1.0 -- 1.2** 1.00
Modéré 1.2 -- 1.5 n5 1.15
Sévère > 1.5 1.30
* hauteur d’écoulement
Longueur de méandre
** =
Ligne droite
34
Tableau C.2 Valeurs typiques des coefficients de rugosité ”n” (Chow, 1959)
A. EXCAVE OU DRAGUE
a. En terre, droit et régulier
1. Propre et récent 0.016 0.018 0.020
2. Propre, après quelques crues 0.018 0.022 0.025
3. En gravier, section uniforme, propre 0.022 0.025 0.030
4. Avec herbes courtes, un peu de mauvaises her- 0.022 0.027 0.033
bes
b. En terre, sinueux et paresseux
1. Sans végétation 0.023 0.025 0.030
2. Enherbé, quelques mauvaises herbes 0.025 0.030 0.033
3. Mauvaises herbes denses et plantes aquatiques 0.030 0.035 0.040
dans un canal profond
4. Lit pierreux et mauvaises herbes sur les talus 0.025 0.035 0.040
5. Lit caillouteux et talus propres 0.030 0.040 0.050
c. Excavé par une ”Dragline”
1. Sans végétation 0.025 0.028 0.033
2. Quelques broussailles sur les talus 0.035 0.050 0.060
d. Excavé dans le roc
1. Sans aspérité et uniforme 0.025 0.035 0.040
2. Déchiqueté et irrégulier 0.035 0.040 0.050
e. Non entretenu
1. Mauvaises herbes denses, hautes eaux 0.050 0.080 0.120
2. Lit propre, broussailleux sur les talus 0.040 0.050 0.080
3. Idem, avec hautes eaux 0.045 0.070 0.110
4. Broussailles denses, hautes eaux 0.080 0.100 0.140
B. COURS D’EAU NATURELS
B.1 Ayant moins de 30 m de large en période de crue
a. Cours d’eau dans une plaine
1. Propre, droit, sans cuvette, section pleine 0.025 0.030 0.033
2. Idem, mais avec plus de pierres et de mauvaises 0.030 0.035 0.040
herbes
3. Propre sinueux, avec quelques cuvettes et ban- 0.033 0.040 0.045
des de sable
4. Idem mais avec quelques pierres et mauvaises 0.035 0.045 0.050
herbes
ANNEXE C COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
35
Tableau C.3. Coefficients de rugosité “n” pour des canaux recouverts -- faible gradient
hydraulique (<10%) (Chen et Cotton, 1986).
Catégorie Type de recouvrement Gamme de profondeurs d’écoulement
0--0,15 m 0,15 -- 0,6 m > 0,6 m
Rigide Béton 0,015 0,013 0,013
Roche bétonnée 0,040 0,030 0,028
Maçonnerie 0,042 0,032 0,030
sol--ciment 0,025 0,022 0,020
Asphalte 0,018 0,016 0,016
Non recouvert Sol nu 0,023 0,020 0,020
Roc excavé 0,045 0,035 0,025
Temporaire Papier tissé 0,016 0,015 0,015
Jute 0,028 0,022 0,019
Paille avec filet 0,065 0,033 0,025
Matelas de fibres de 0,066 0,035 0,028
bois
Fibres de verre 0,028 0,021 0,019
Matelas de fibres de verre 0,036 0,025 0,021
Garviers D50 25 mm 0,044 0,033 0,030
D50 50 mm 0,066 0,041 0,034
Enrochement D50 150 mm 0,104 0,069 0,035
D50 300 mm -- 0,078 0,040
ANNEXE C COEFFICIENT DE RUGOSITÉ
37
Figure 3.5 Détermination de la vitesse d’écoulement dans un canal enherbé de type ”A”
(adapté au SI à partir du U.S. Soil Conservation Service, 1954).
38
Vitesse (m/s)
Figure 3.6 Détermination de la vitesse d’écoulement dans un canal enherbé de type ”B”
(adapté au SI à partir du U.S. Soil Conservation Service, 1954).
39
Vitesse (m/s)
Figure 3.7 Détermination de la vitesse d’écoulement dans un canal enherbé de type ”C”
(adapté au SI à partir du U.S. Soil Conservation Service, 1954).
40
Vitesse (m/s)
Figure 3.8 Détermination de la vitesse d’écoulement dans un canal enherbé de type ”D”
(adapté au SI à partir du U.S. Soil Conservation Service, 1954).
41
PROBLÈMES SÉRIE 3.
3.1 Déterminez le débit que peut transporter un canal trapézoïdal possédant une base de
2 m, une profondeur de 1 m et des talus de pente 1,5:1. La pente du cours d’eau est de
0.15% et et le coefficient de rugosité est de 0,022.
3.2 Déterminez la vitesse de l’écoulement de l’eau et le débit dans le canal de la question
1.1 du chapitre 1. La pente du canal est de 0.1% et le coefficient de rugosité est de 0,018
3.3 Déterminez la vitesse de l’écoulement de l’eau et le débit dans le canal de la question
1.2. La pente du canal est de 0.4% et le coefficient de rugosité est de 0,025.
3.4 Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau droit, propre et dont le
fond est en limon argileux.
3.5 Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau légèrement sinueux dont
le fond est recouvert de cailloux d’environ 10 cm de diamètre.
3.6 Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau de la question 3.1 si la
section du canal est occupé par des quenouilles de 90 cm de hauteur. Déterminez la
vitesse de l’écoulement de l’eau et le débit que peut transporter le canal dans ces condi-
tions.
3.7 Estimez la profondeur normale d’écoulement lorsque le canal de la question 3.1 trans-
porte 0,8 m3/s.
3.8 Estimez le coefficient de rugosité (Manning) d’un cours d’eau de la question 3.1 si les
talus sont occupés par des saules d’environ 90 cm de hauteur. Déterminez la vitesse de
l’écoulement de l’eau et le débit que peut transporter le canal dans ces conditions.
3.9 Quel serait la vitesse de l’eau dans une voie d’eau enherbé en alpiste roseau très luxuriant
(hauteur 90 cm) et de section trapézoïdale (base de 3 m, pente des talus de 4:1) s’il y
coule 30 cm d’eau. La pente de la voie d’eau est de 3 %. Quel serait alors le débit?
3.10 Quel serait la vitesse de l’eau dans la voie d’eau du problème précédent si l’alpiste
roseau était fauché? Quel serait alors la capacité?
3.11 Quel serait la profondeur d’écoulement si le débit du problème 3.9 était transporté alors
que l’alpiste roseau serait fauché?
42
3.12 Déterminez le débit que transporte le cours d’eau suivant coulant dans une plaine
d’inondation.
30 m
1 1
4 3m 4
2m
8m
4m
Type de sol : loam sableux.
Canal principal : en terre, présence de quelques cailloux au fond, pente des talus 1:1
Berme / plaine d’inondation : enherbées, mais l’herbe est fauchée (longueur 10 cm).
Pente du cours d’eau : 0.0001.
3.13 Déterminez le débit que transporte le cours d’eau de la question précédente en en fonc-
tion de la hauteur d’eau dans le cours d’eau. Vous pouvez procéder par des pas de 20 cm
de hauteur. Effectuez les calculs en considérant un coefficient de rugosité “n” constant
pour la berme en utilisant les tables de coefficients.
3.14 Pour le problème de la question 3.13, effectuez les calculs en considérant un coefficient
de rugosité “n” variable selon la profondeur d’écoulement et la classe de végétation.
3.15 Est--ce que la capacité du cours d’eau serait considérablement changée si la plaine
d’inondation était occupé par du mil (fléole des prés) (graminée de 70 à 90 cm de hauteur
à sa maturité.