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le Courrier
4ux
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L'Année internationale
de la paix
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que la guerre avait opposées l'Organisation était dès lors vouée à susciter
une véritable « solidarité intellectuelle et morale », à l'échelle de la planète
entière, en vue de donner à la paix un fondement durable.
Depuis quatre décennies, l'Unesco n'a cessé d' en ce sens. Et c'est
notamment grâce à ses efforts, comme à ceux de l'ensemble des organisa¬
tions appartenant au système des Nations Unies, que l'humanité a pu
enregistrer, dans de nombreux domaines, de réels progrès de l'esprit de
solidarité, de respect mutuel et de compréhension réciproque.
C'est pourquoi il est essentiel, à l'occasion de l'Année internationale de
la paix, que les intellectuels du monde entier créateurs et chercheurs,
écrivains et artistes, hommes de science et enseignants accroissent leur
coopération, en vue de parvenir à une perception plus claire des problèmes
internationaux et de contribuer, par là, à favoriser, dans le monde actuel,
tout ce qui est susceptible de conduire à un avenir plus pacifique, plus libre,
plus juste et plus solidaire.
Amadou-Mahtar M'Bow
26 « Gauderios »
par Concolorcorvo
27 A l'Est du nouveau
par Edgar Reichman
Mensuel publié en 32 langues Français Italien Turc Macédonien Finnois Une édition trimestrielle
par l'Unesco, Organisation Anglais Hindi Ourdou Serbo-Croate Suédois en braille est publiée
des Nations Unies pour l'éducation, Espagnol Tamoul Catalan Slovène Basque en français, en anglais,
la science et la culture Russe Persan Malais Chinois Thaï en espagnol et en
7, place de Fontenoy. Allemand Hébreu Coréen Bulgare coréen.
75700 Paris. Arabe Néerlandais Kiswahili Grec
ISSN 0304-3118
Japonais Portugais Croato-Serbe Cinghalais N° 1 - 1986 - DPC - 86 - 3 - 430 F
La Conférence générale
de l'Unesco
LA 23° session de la Conférence générale de l'Unesco a destiné à aider les Etats membres à éliminer l'analphabétisme
réuni à Sofia, du 8 octobre au 8 novembre 1985, 154 d'ici à l'an 2 000. Un accord a été réalisé sur les grandes lignes
délégations d'Etats membres comprenant 98 mi¬ d'un programme pour la Décennie mondiale de la culture.
nistres et 47 personnalités de rang ministériel. Etaient en outre La Conférence générale a aussi décidé la création d'un
représentés 8 organismes des Nations Unies, 21 organisations Programme intergouvernemental d'informatique, le lancement
internationales gouvernementales et 80 organisations interna¬ d'un nouveau projet majeur régional consacré à l'utilisation
tionales non gouvernementales, soit, en tout, près de 1 900 rationnelle et à la conservation des ressources en eau en milieu
participants. rural en Asie et dans le Pacifique et enfin la préparation d'un
Au cours de cette session, qui s'est caractérisée par un esprit Programme spécial d'aide à l'Afrique en matière de recherche
de dialogue et de compréhension mutuelle, et une activité scientifique et technique et de recherche-développement.
aussi intense qu'efficace, la Conférence générale a accompli L'attachement des Etats membres, ainsi que de leurs
une tâche sans précédent : approuver un programme et budget communautés éducatives, scientifiques et culturelles, à la co¬
affecté d'un système de priorités en vertu duquel trois quarts opération multilatérale a été réaffirmé avec force. La vocation
des activités prévues ont été placées en première priorité, propre de l'Unesco couvrant tous les aspects de la coopéra¬
tandis que le quart restant a dû être placé en seconde priorité tion intellectuelle a été en particulier confirmée par la Confé¬
faute de financement correspondant. Le plafond budgétaire, rence. Et cette vocation a été brillamment illustrée par le rôle
défini sur ces bases, a été adopté à l'unanimité des Etats essentiel qu'ont joué, au cours des travaux des commissions
présents. spécialisées, les experts de différentes délégations, qui ont su
Par ailleurs, la Conférence générale a permis de parvenir au trouver, sur toutes les questions examinées, des solutions
consensus dans tous les domaines d'activité de l'Unesco et constructives et mutuellement satisfaisantes.
notamment dans ceux qui, tout en revêtant un caractère de Enfin, les délégations présentes ont souligné l'importance
grande importance aux yeux de la communauté internationale qu'il faut accorder à la préparation du Troisième Plan à moyen
avaient, jusque-là, suscité certaines réserves de la part de terme qui couvrira la première moitié de la dernière décennie
quelques Etats membres. du second millénaire. Elles ont insisté sur l'urgente nécessité
Désormais, tous les grands programmes font l'objet d'un de mener, dans cette perspective, un travail de réflexion en
accord unanime y compris le Grand Programme I (Réflexion profondeur et d'accroître à cette fin la participation de la
sur les problèmes mondiaux et études prospectives), le Grand communauté intellectuelle internationale à tous les travaux de
Programme III (La communication au service des hommes), le l'Organisation.
Grand Programme VIII (Principes, méthodes et stratégies de Par les résultats obtenus, au prix des efforts consentis par
l'action pour le développement), le Grand Programme XII toutes les parties, la Conférence de Sofia a fait la preuve de la
(Elimination des préjugés, de l'intolérance, du racisme et de grande vitalité de l'Organisation. Malgré l'ampleur des diffi¬
l'apartheid) et le Grand Programme XIII (Paix, compréhension cultés auxquelles l'Unesco doit faire face, la Conférence géné¬
internationale, droits de l'homme et droits des peuples). rale a relevé le défi et s'est montrée à la hauteur des circonstan¬
Mais l'Unesco devra, dans les années qui viennent, non ces. Elle a encore .enrichi le contenu d'un consensus qui
seulement poursuivre l'essentiel de l'action prévue dans l'en¬ constitue une des règles d'or de la coopération internationale.
semble de ses domaines de compétence, mais aussi réaliser Et elle a traduit, avec vigueur, la volonté affirmée par la
des percées nouvelles, dans plusieurs directions d'avenir. quasi-totalité de ses Etats membres d'envisager, désormais,
Ainsi la Conférence générale a-t-elle décidé d'élaborer, dans l'avenir sous le double signe de la préservation des acquis de
le cadre du prochain Plan à moyen terme, un plan d'action l'Organisation et du renouvellement de ses perspectives.
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« On n'insistera jamais assez sur le rôle essentiel que jouent l'écrivain et le poète
dont l'art consiste aussi à communiquer pour rassembler. La Collection Unesco
d'suvres représentatives est le lieu privilégié où convergent leurs ouvrages pour
qu'après traduction, ils soient mis à la disposition du plus vaste public possible. »
PARMI les quatorze grands programmes qu'affiche fond, que la présence et l'exercice de notre identité dans
l'Unesco, celui qui a trait à « la culture et l'avenir » toute sa force ». Cette présence a pour socle l'histoire dont la
vaut qu'on s'y attarde parce qu'il nous touche à la fois connaissance est le point de départ de toute démarche
dans le plus secret et le plus quotidien de notre vie. C'est concernant l'identité. L'histoire pour remonter au plus loin
qu'il s'aligne sur tous les aspects de la culture, du patrimoine de soi-même car la règle d'or reste le connais-toi toi-même, et
au développement culturels en passant par la création et la ce n'est qu'au prix de l'enracinement que l'on finit par
créativité et par cette notion aujourd'hui plus pertinente que identifier les éléments fondamentaux de notre présence au
jamais, l'identité et les relations culturelles. monde. L'exercice tient ensuite dans l'assomption de cette
C'est le romancier argentin Julio Cortázar qui a dit que identité. Celle-ci se rapporte à la valorisation et à la revalori¬
« ce que nous appelons culture n'est pas autre chose, au sation de toute composante culturelle reconnue comme telle
et parmi la liste qu'on pourrait dresser, notre propos est de relève de quelque passéisme, encore moins qu'elle dénote
souligner plus particulièrement la composante littéraire un quelconque refus du temps présent et des apports exté¬
pour indiquer et décrire ce que l'Unesco fait dans ce do¬ rieurs. Au contraire, c'est pour mieux comprendre et assu¬
maine à travers la Collection d'vuvres représentatives de¬ mer les transformations du monde contemporain et pour
puis 1948. mieux accueillir les richesses qui résultent des relations et
Pour celui que la lecture passionne, quelle aubaine qu'un des échanges avec les autres, que chaque groupe humain a
projet qui tend à mettre à sa disposition les chefs-d'euvre de besoin de retrouver ses racines. Mais toute cette activité,
la littérature traduits dans les deux langues de grande diffu¬ pour cardinale qu'elle soit, ne peut aboutir qu'en dehors de
sion que sont l'anglais et le français. Et pour celui que la tout contexte conflictuel. Seul un contact pacifique entre des
lecture ne doit pas laisser indifférent, quelle vitrine de cultures également sûres de leur valeur et de leur importance
tentation que des livres dont le contenu et la qualité sont dignité oblige peut être enrichissant pour chacune
susceptibles de lui ouvrir des horizons jusque là insoupçon¬ d'elles. C'est le but que poursuit inlassablement l'Unesco à
nés... Voilà en peu de mots ce qu'on pourrait dire pour une période de l'histoire de l'humanité où nous sommes tous
seulement introduire la Collection Unesco d'uuvres repré¬ atomisables et où nous courons le risque de voir disparaître à
sentatives. Mais il y a autre chose. jamais l'acquis multimillénaire du génie humain.
Cette Collection se place au centre de l'action de l'Organi¬ Au nombre des richesses accumulées dans le passé et que
sation en faveur de l'identité culturelle et des relations le présent continue d'augmenter, il y a les littératures des
iriterculturelles. Nous savons que forte est la volonté des quatre coins du monde : un trésor que l'on ne finira jamais
peuples, partout dans le monde, de ne pas s'arrêter aux seuls de quantifier d'autant plus qu'il ne cesse de s'accroître au fil
événements de leur histoire qui datent d'hier ou d'aujour¬ du temps et qu'il se compte en oral et en écrit sous différentes
d'hui, mais de remonter bien plus loin dans le temps et espèces : récits en tous genres, poèmes, romans, pièces de
retrouver en amont de leurs us et coutumes, de leurs tradi¬ théâtre, nouvelles et autres expressions souvent difficiles à
tions et de leurs croyances, de leurs valeurs civilisatrices, regrouper sous un seul qualificatif.
bref de leur culture, ce qui peut servir à mieux les confirmer On n'insistera jamais assez sur le rôle essentiel que jouent
dans leur être au monde et à mieux consolider leur place l'écrivain et le poète dont l'art consiste aussi à communiquer
dans le concert universel.
pour rassembler. La Collection Unesco d' représen¬
Il ne faut pas pour autant comprendre que cette quête tatives est le lieu privilégié où convergent leurs ouvrages ^
Suite page 8
Auteur de poèmes, de drames et de ro¬ Poète grec, Gheórghios Seféris (1900- Le prix Nobel est venu couronner en 1968
mans, l'écrivain suédois Par Lagerkvist 1971) reçut le prix Nobel de littérature en l' du romancier Japonais Yasunarl
(1891-1974) reçut le prix Nobel en 1951. 1963. Il figure dans une anthologie consa¬ Kawabata (1899-1972). Plusieurs de ses
Dans la Collection ont paru en français crée à la poésie grecque moderne et pu¬ romans sont traduits dans la Collection en
deux de ses romans : Ames masquées bliée en anglais dans la Collection en 1960 français et en anglais. Pays de neige
(Sjarlanas maskerad) en 1974etL'exi\ de la sous le titre Six Poets of Modem Greece. (Yukiguni, 1948) l'est également en italien
terre (Gast hos verkligheten) en 1977. et en indonésien.
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Suite de la page 6
^ pour qu'après traduction, ils soient mis à la disposition du faite pour la collection Connaissance de l'Orient publiée chez
plus vaste public possible. Car il ne s'agit pas seulement de Gallimard depuis 1956 sous la haute direction du professeur
traduire de l'original en anglais et en français comme déjà Etiemble.
indiqué, mais également d'une langue moins répandue en Année après année, de nouveaux éditeurs viennent se
une autre langue moins répandue. joindre à ceux qui collaborent depuis toujours avec la Col¬
C'est ainsi, par exemple, qu'en parcourant le catalogue de lection. De nouveaux projets naissent qu'il faut porter à bout
la Collection, on peut relever au hasard, les Upanishads1 de bras, en y associant toutes les bonnes volontés. Aussi,
traduit du sanscrit en langue allemande, le Japonais Yasuna- chaque nouveau titre qui vient s'ajouter au catalogue est un
ri Kawabata2 traduit en indonésien, le poète pakistanais peu comme une récompense : la satisfaction de savoir qu'un
Ahmed Faïz3 traduit de l'ourdou en langue hongroise, la plus vaste public va pouvoir bénéficier d'une possibilité
Constitution d'Athènes4 d' Aristote traduite en arabe... C'est accrue de lire l'autre, c'est-à-dire, à travers un livre, le
dire que la Collection se veut un éventail le plus large découvrir, se rapprocher de lui, le mieux connaître et qui
possible à la fois d' et de langues. A ce jour, elle sait, commencer à le tutoyer. Chaque projet qui réussit,
approche un total de neuf cents titres issus de plus de comme la création ces jours-ci, d'une collection de poche
soixante-cinq littératures représentant une cinquantaine de Gallimard-Unesco avec des titres en réimpression relevant
langues orientales, une vingtaine de langues européennes, de la collection Connaissance de l'Orient est un pas de plus
sans compter les langues et littératures africaines et océa¬ vers la rencontre, vers le dialogue.
niennes. Si la Collection Unesco d' représentatives est une
Le choix des à paraître dans la Collection est une sorte de bibliothèque des bibliothèques, parce qu'internatio¬
opération délicate, et on le comprend. Certaines littératures nale, parce que multilingue, parce que pluriculturelle, elle
sont séculaires, d'autres se sont manifestées à des époques présente une autre caractéristique qui lui confère une dis¬
relativement nouvelles. Pour peu qu'on accepte l'effort de tinction particulière : elle porte à la poésie une rare atten¬
recenser les de valeur fondamentale de tous les pays tion. La chose est connue, la poésie fait de plus en plus figure
du monde, on se retrouve devant une somme impression¬ d'élément pauvre dans les préoccupations des éditeurs du
nante et diverse de titres parmi lesquels il faut opérer un tri monde entier. La Collection en a fait son genre de prédilec¬
qui confine parfois à l'impossible. Il a fallu alors établir un tion précisément pour réduire ce déséquilibre.
certain nombre de principes que la Collection s'efforce de Elle a publié des anthologies et des recueils majeurs
respecter en laissant toutefois une marge, il est vrai très dépassant les cent titres, d'une inspiration diverse et pluriel¬
mince, pour des cas exceptionnels. En général, on évite le : la poésie chinoise classique8, la poésie persane du 11e au
d'entreprendre de nouvelles versions de traductions déjà 20e siècle9, le poème thaï La femme, le héros et le vilain10, les
publiées et il est bien rare que des auteurs contemporains poèmes de Roberto Sosa11 du Honduras, les poèmes choisis
n'ayant pas atteint une certaine maturité et dont la produc¬ d'Octavio Paz12, la poésie de Papouasie Nouvelle-Guinée
tion n'est pas assez importante ni suffisamment reconnue, Words of Paradise , le texte Vie et chants de 'Brug-pa
soient retenus pour figurer dans la Collection. Celle-ci se Kun-legs le Yogin14 traduit du tibétain, trois prestigieux
veut un échantillon représentatif d' dont le contenu et poètes japonais : Anzai Hitoshi, Shiraishi Kazuko et Tani-
la qualité répondent à des exigences ici facilement compré¬ kawa Shuntaro15, les poèmes mystiques bengalis16 et les
hensibles.
poèmes des peuples aztèques17, Le bel épouvantail (poésie
Mais il advient que la Collection Unesco d' repré¬ pour enfants) de la Bulgare Leda Mileva , l'édition bilingue
sentatives soit le lieu d'étonnantes révélations. Ainsi, elle a du Finlandais Markku Lahtela19, l'anthologie de la poésie
publié, en traduction, des auteurs qui devaient par la suite nordique ancienne (des origines à la fin du Moyen Age)20, la
recevoir la distinction suprême du prix Nobel de littérature : Vita Nova21 de Dante Alighieri, Les Lusiades22 de Luis de
il s'agit, entre autres, ,du Grec Seféris5, du Japonais Camôes, l'anthologie de la poésie arabe23, une sélection de
Kawabata6, et de l'Espagnol Aleixandre7. la poésie coréenne traduite en anglais et en français, sans
Sur le plan pratique, ce sont en premier lieu, les Commis¬ oublier les tomes III, IV, V et VI de l'ouvrage Un demi-siècle
sions nationales pour l'Unesco mises en place dans les Etats de poésie25, anthologie de la création poétique entre les
membres, qui proposent des listes d' qu'elles jugent années 1900 et 1950, publiée avec la Maison du poète en
représentatives des valeurs que véhiculent leur culture. Par belgique et réunissant un choix de 300 poètes venus de plus
souci d'aider à l'établissement de ces listes, il est aussi fait de 150 pays.
appel aux avis d'organismes culturels de renommée interna¬ Il convient de ne pas terminer cette introduction à la
tionale comme la Fédération PEN ou le Conseil internatio¬ Collection Unesco d' représentatives sans avoir sou¬
nal de la philosophie et des sciences humaines. A ces deux ligné, pour s'en féliciter, les contributions financières spé¬
sources de référence, viennent s'ajouter, de temps en temps, ciales du Japon, de la République de Corée, du Pakistan, de
des propositions émanant d'éditeurs en passe d'entre¬ l'Inde, du Brésil et de la Fondation Gulbenkian du Portugal
prendre la traduction de telle ou telle capitale qu'ils au programme de traduction de la Collection et les relations
jugent susceptible d'avoir sa place dans la Collection. fructueuses de l'Unesco avec la FIT (Fédération internatio¬
Cette collaboration entre les éditeurs et l'Unesco est d'une nale des traducteurs) et l'AICL (Association internationale
importance primordiale. Sans elle, l'Organisation, qui n'est des critiques littéraires), dont on devine les apports dans une
pas, à proprement parler, une maison d'édition de type pareille entreprise.
classique, ne saurait que difficilement faire aboutir ses pro¬ Puisque l'action décrite ici repose sur le seul phénomène
jets de publication alors même que dans la plupart des cas, combien vital de la traduction, on est tenté, s'il y avait lieu de
c'est elle qui prend à sa charge la totalité des frais de tout résumer, de citer le mot de Jean Cocteau : « Il est
traduction. Cette collaboration n'est pas toujours facile, car surtout difficile de se comprendre sur notre globe où les
elle comporte beaucoup de points délicats. Il s'agit de littéra¬ langues dressent entre les des murailles infranchis¬
tures d'un type, d'un style, d'une expression et avec un sables (...) La traduction ne se contente pas d'être un
contenu inhabituels sinon inédits pour un public anglophone mariage. Elle doit être un mariage d'amour. »
ou francophone.
Ce qu'il faut en revanche noter, c'est que depuis deux ans
maintenant, l'Unesco a obtenu que son nom apparaisse à EDOUARD J. MAUNICK, poète mauricien, exerce à l'Unesco les fonctions
côté de celui de l'éditeur sur la couverture même du volume de Chef de la Section de la diffusion des cultures et de Directeur de la
Collection Unesco d' représentatives. Il est l'auteur de plusieurs
publié, alors qu'auparavant, la contribution technique et
recueils de poésie, dont Ensoleillé vif (préfacé par LS. Senghor, prix
financière de l'Organisation n'était signalée que par une Apollinaire 1976), En mémoire du mémorable (1979) et Désert-Archipel
formule d'association au revers de la page de titre, exception suivi de Cantate païenne pour Jésus-Fleuve (1983).
8
« Connaissance de l'Orient»
par Etiemble
conter comment et pourquoi je fus invin¬ présentatives et, en particulier, Koshoku volumes que Soulié de Morant avait
ciblement conduit à ce projet, et pourquoi Gonin Onna (1686), paru en français dans commis sur Confucius. De sorte qu'à
Connaissance de l'Orient sous le titre de
jamais je n'aurais pu le mener bien (j'es¬ peine entré rue d'UIm, lorsque le direc¬
Cinq amoureuses en 1959 et 1979. La gra¬
père) sans le secours vigilant d'une Or¬ teur des littéraires, M. Célestin Bougie,
vure ci-dessus est tirée de ce livre : on y
ganisation trop souvent mal jugée. voit deux personnages qui donnent, pour
lui demanda quelle agrégation il se pro¬
Sitôt débarqué à Paris en 1927, pour vivre, des représentations théâtrales en posait de préparer, il répondit : « Celle de
entrer dans l'hypo-khâgne de Louis-le- plein air. philo ». Stupeur de Bougie quand l'impu¬
Grand, je passai une grande part de mes dent ajouta : « Ce qui suppose que je
loisirs debout chez ceux des libraires qui, m'inscris immédiatement aux langues ^
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L
Ensemble de livres sacrés de la tradition Dessin illustrant la couverture de la tra¬
brahmanique, le Véda est constitué de re¬ duction française d'une des les
10
gences des convois, me conduisait vers
mon poste. Taha Hussein ne peut que
me fasciner, et Tawfik al Hakim et Bishr
Farès et Hussein Faouzi : Taha Hussein \
me révèle notamment Ibn Khaldoun, le
vrai fondateur de la sociologie.
Quelques années plus tard, j'entrepris
de publier chez Gallimard « Connais¬
sance de l'Orient », pour une grande par¬
tie cautionnée et donc en partie financée
par l'Unesco. Ce n'avait pas été facile.
C'est grâce à Jean Thomas, alors Direc¬
teur général adjoint de l'Organisation,
que la chose fut rendue possible. Il dé¬
créta qu'il importait absolument à la
culture, telle que désormais on la devait
diffuser sur la planète, que ma collection
virtuelle « Connaissance de l'Orient »
LE maître charpentier Che, alors qu'il se rendait au saccagés; leurs grosses branches sont brisées et les menues
pays de T'si, s'arrêta à K'iu-yuan. Il y aperçut un étirées. Du fait qu'ils sont utiles à l'homme, ils subissent des
marronnier sauvage qui était l'arbre du dieu du sol. misères pendant toute leur vie et périssent prématurément.
Son ombrage pouvait couvrir des milliers de btufs; la gros¬ Ils attirent sur eux leur propre destruction. Il en est de même
seur de son tronc mesurait cent coudes; son tronc s'élevait à pour tous les êtres du monde. Il y a longtemps que je
une hauteur de dix toises qui faisait l'effet d'une colline recherche l'inutilité et voici qu'aujourd'hui, menacé de mou¬
abrupte et au bout de laquelle s'étalaient ses branches : une rir, je l'obtiens. Cette inutilité m'est de grande utilité. Si
dizaine de celles-ci pouvaient servir à la fabrication de j'étais bon à quelque chose, comment aurais-je pu atteindre
barques. On venait en foules pour l'admirer. Le maître une pareille taille ? Toi et moi, nous sommes des créatures.
charpentier ne lui accorda aucun regard et continua sa route. Comment une créature peut-elle juger une autre créature ?
Son apprenti ayant regardé l'arbre fort longtemps s'appro¬ Un homme inutile toujours menacé par la mort peut-il même
cha de son maître et dit : « Depuis que je manie la hache connaître vraiment ce qu'est un arbre inutile ? »
sous votre direction, je n'ai jamais vu une aussi belle pièce de Le maître charpentier s'éveilla et raconta son rêve.
bois. Maître, pourquoi ne voulez-vous pas vous arrêter pour Si l'arbre choisit l'inutilité, demanda l'apprenti, pour¬
le regarder ? quoi représente-t-il le dieu du sol ?
Arrête-toi, dit le maître. C'est un arbre inutile. Si l'on Tais-toi, repartit le maître. Il ne prend cette fonction
en fait des bateaux, ils ne tiendront pas sur l'eau; si l'on en provisoire que pour parer les coups de ceux qui ne le
fait des cercueils, ils pourriront vite; si l'on en fait des comprennent pas. Si l'arbre ne représentait pas le dieu du
battants de porte, ils suinteront; si l'on en fait des ustensiles, sol, ne risquerait-il pas d'être abattu par les hommes ?
ils seront vite gâtés; si l'on en fait des piliers, ils seront Comme ses moyens de conservation sont différents de ceux
rapidement vermoulus. Cet arbre n'est bon à rien. C'est de tout le monde, il est vain de vouloir chercher une signifi¬
grâce à son inutilité qu'il a pu parvenir à un tel âge. » cation à son existence .
11
^ N'acceptant jamais la traduction au
carré, servi par les meilleurs traducteurs
Précocité et modernité
pour chaque langue et chaque auteur, je
crois pouvoir dire que grâce à l'Unesco
j'avais pu réaliser une bonne part de mon
projet fou : faire lire à mes compatriotes,
de la littérature j aponaise
plutôt que les niaiseries à la mode, les
maîtres-livres des civilisations les plus
hautes en essayant de les présenter
sous leurs aspects les plus divers : Les
contes du perroquet, pour l'Inde, mais
aussi Shrikanto2, Tchouang-tseu (extrait TOUTE une série de paradoxes res, est un achèvement et les femmes
page 1 1 ) et Lie-tseu3 pour la Chine, mais donne à la littérature japonaise non seulement sont immédiatement inté¬
encore les Récits d'une vie fugitive4 de une place exceptionnelle dans grées à la littérature, mais en sont les
Chen Fou et les Pérégrinations d'un l'histoire de la culture mondiale. Mais sa protagonistes. Quoique ce roman soit
clochard5, le chef-d'éuvre de Lieou
singularité ne l'isole pas pour autant : précédé par des recueils poétiques, des
Ngo, sans omettre bien sûr Le rêve dans
qu'il suffise de prendre par exemple le Dit chroniques historiques ou mythologi¬
le pavillon rouge6 de Cao Xueqin, un
du Genji 1 de Murasaki Shikibu, qui date ques et des contes, il n'est pas
beau coffret de la Pléiade.
du début du 1 1e siècle et dont la lecture d'exemple analogue d'une telle précocité
Un souci toutefois me taraudait : il fal¬
est un enchantement non seulement du genre romanesque dans l'histoire
lait, tant pour combler mes viux que
pour les spécialistes de la littérature clas¬ d'une littérature.
ceux de l'Unesco, réimprimer les vo¬
lumes épuisés à prix fort dans une belle sique japonaise ni même pour les amou¬ Dans les « journaux de cour » de l'é¬
collection, meilleur marché mais plus sé¬ reux du Japon, mais aussi pour tous ceux poque Heian (794-1185), qui annoncent
duisante que « Folio », puisqu'il ne s'agit qui s'intéressent à la structure romanes¬ ou renouvellent cet exploit, il faut noter
que de réimprimer des chefs-d'euvre que et plus généralement aux rapports une autre particularité : le flottement du
choisis parmi des chefs-d'éuvre. Lors¬ psychologiques tels qu'un romancier récit entre la poésie et la prose, puisque
que Moënis Taha-Hussein alors direc¬ peut les présenter. de nombreux waka (poème de trente et
teur de la Collection et dont le père me fit Or, cette uuvre, étonnamment mo¬ une syllabes) rompent le rythme continu
découvrir outre Ibn Khaldoun, Al Maarri, derne dans sa narration, présente deux
Al Mutannabi et combien d'autres ! traits absolument remarquables : d'une
atteignit l'âge de la retraite, j'examinai part, bien qu'elle soit apparue à l'aube de
avec son successeur la situation, et j'eus la littérature japonaise. écrite, c'est un
l'heureuse surprise de constater que ce¬ roman, d'autre part, une femme en est Estampe tirée de l'anthologie de nouvelles
lui-ci avait déjà convaincu Antoine Galli¬ l'auteur. Ces deux caractéristiques mon¬ d'auteurs japonais contemporains, Illus¬
mard de réimprimer dans une jolie collec¬ trée par Kuwata Masakazu et publiée en
trent déjà la stupéfiante originalité de la
tion (Format, couverture, papier, encra¬ anglais dans la Collection sous le titre
littérature japonaise : elle commence par
ge, tout y concourt) ceux des titres qui, Modem Japanese Stories : an Anthology
le genre qui, dans toutes les autres cultu (première édition : 1961).
épuisés dans la collection originale, ne
peuvent y être pour l'instant réédités,
mais du coup sont assurés d'une plus
grande diffusion. Or, l'Unesco et moi-
même espérions précisément ouvrir à
des cultures un peu trop closes sur elles-
mêmes les Hymnes spéculatifs du
Véda7, la Tradition secrète du Nô° de
Zeami, les Notes de chevet3 de Sei Sho-
nagon, les Contes du vampire l'suvre
complète de Tchouang-tseu et la mer¬
veilleuse Complainte du sentier^1 dont
Satyajit Ray sut tirer son Father Pancha-
li, qui remporta le grand prix du Festival
de Cannes en 1956, l'année même où
j'ouvrais aux francophones cette collec¬
tion.
12
par René de Ceccatty
13
nous qu'il s'agit. Cette intimité qui tra¬ dans les textes anciens, à quelque genre
verse les siècles sera préservée jusque qu'ils appartiennent.
dans les iuvres les plus modernes. Les Quel que soit le biais par lequel on
romans introspectifs du début du siècle aborde la littérature japonaise, quel que
ne témoignent-ils pas, malgré de grands soit le genre qui, d'emblée, nous séduit,
bouleversements historiques et linguisti¬ drame de nô ou jôruri, haiku ou waka,
ques, de cette rare homogénéité ? Nous contes ou écrits religieux, romans d'a¬
lisons les chefs-d'duvre de Natsumé ventures ou récits guerriers, quelle que
Sôseki2 (1867-1916) ou de Nagaï Kafû3 soit la personnalité littéraire qui nous fas¬
(1879-1959) comme une continuation cine, Bashô6 ou Saikaku7, Dogen ou
naturelle de ceux qui les ont précédés. Zeami 8, une chose est certaine : aucun
Ces deux auteurs, du reste, comme plus choix n'est exclusif dans notre intérêt
tard Tanizaki Junichiro4 (1886-1965), ne pour cette littérature et la « sente étroi¬
cesseront de s'interroger sur leur rapport te » du poète réserve mille ans d'émer¬
au passé, ni par passéisme ni par tradi- veillement.
Couverture pour The Tale of the Lady tionnalisme, ce qui serait une menace de
Ochikubo (Ochikubo-monogatari, le Dit de stérilité, mais par désir de trouver ce qui
la cave), l'une des premières luvres ro¬ fonde l'unité de leur inspiration. RENE DE CECCATTY, romancier et traducteur,
manesques de la période de Heian (794- français, est conseiller littéraire auprès des édi¬
Les écrivains de l'après-guerre, tels tions Gallimard et collabore à de nombreuses
1 185), l'âge d'or de la littérature Japonaise.
Abé Kôbô5, inventeront certes une lan¬ revues littéraires. Il est l'auteur d'une anthologie,
Ecrit par un auteur anonyme du 10e siècle,
ce roman évoque le thème de Cendrillon et gue nouvelle qu'ils enrichiront d'une thé¬ Mille ans de littérature japonaise (1982), et a
matique liée aux mutations de l'histoire, traduit de nombreuses tuvres du japonais, dont
a été publié en anglais dans la Collection
en 1970.
Shôbôgenzô de Dôgen, Rendez-vous secret de
mais il n'y aura jamais, me semble-t-il, de Kôbô Abé et Svastika de Junichiro Tanikazi. Il a
reniement du passé, dans la mesure où également publié des romans, dont L'Extrémité
la modernité était déjà en puissance du monde (1985) et L'Or et la poussière (1986).
,e vem
clôtures à claire-voie, faites de bambous, les paravents exté¬ Dans le jardin, une petite servante ramassait, pour les
rieurs sont renversés les uns à côté des autres, et l'aspect du entasser, les plantes et les arbustes que le vent avait déraci¬
jardin est pitoyable. On est déjà peiné en voyant un grand nés, et brisés, ou bien elle les relevait et essayait de les
arbre abattu, dont le vent a rompu les branches. Mais quelle redresser. Une dame qui l'accompagnait regardait cela d'un
douloureuse surprise, lorsqu'on s'aperçoit qu'après avoir air d'envie, en se demandant comment faire pour se joindre
oscillé, il s'est couché, tout de son long, sur les lespédèzes et à ces jeux; elle aussi était amusante à observer, pour moi qui
les valérianes ! la voyais par-derrière .
Quand le vent, tout à coup, pénètre dans les maisons, par
les interstices des fenêtres en treillis, finement tamisé Extrait de Notes de chevet, traduction et commentaires d'André
comme si les lattes de ces fenêtres avaient été disposées à Beaujard, Paris, Gallimard, 1966, 1979, 1985. (Essai)
14
Voix africaines
COMME elle était censée n'avoir En même temps qu'elle acquérait ses
pas d'Histoire et guère plus de lettres de noblesse et une certaine re¬
cole des Blancs » quelques écrivains C'est ainsi que, d'abord grâce à la persé¬
qu'il fallut bien se résoudre peu à peu à vérance de quelques-uns, puis parce
considérer comme tels. Cela commença qu'on s'est aperçu de son extraordinaire
peut-être avec Batouala , le « roman nè¬ richesse, la littérature orale a commencé
gre » de l'Antillais René Maran, qui de d'être recueillie, mise par écrit et parfois
surcroît obtint le prix Goncourt en 1921, traduite dans les langues de grande
pour continuer avec Senghor et Ham- communication. Du même coup, ce sont
paté Ba, et s'amplifier avec les généra¬ des civilisations entières avec leurs
Admire (chnur)
Admire le fruit de beauté
Admire
15
cultivé si l'on ne connaît pas les épopées Kunene2, ainsi que des anthologies de la
du Mandingue ou du Mvet. poésie et de la prose africaines3. On
C'est dans un tel contexte que la Col¬ pourra aussi bientôt lire en français le
lection Unesco d'ruvres représenta¬ chef-d'suvre de la tradition orale qu'est
tives joue un rôle qu'elle entend encore le Fantang , poème mythique des ber¬
développer. Elle a d'abord les moyens, gers peuls, et le Samba Gueladiegni ,
grâce à son incomparable réseau d'infor¬ traduit du wolof.
mations, de détecter parmi les récentes On peut par ailleurs espérer que,
découvertes de récits épiques et mytho¬ comme elle l'a déjà fait pour d'autres
logiques comme dans les créations tuvres, l'Unesco fera traduire certaines
contemporaines, les nuvres dignes de productions africaines de leurs langues
figurer au panthéon mondial de la littéra¬ nationales vers des langues quine soient
ture. Mais elle peut surtout les diffuser pas forcément internationales. Elle élar¬
hors du cercle relativement restreint des girait ainsi un dialogue des cultures qui
langues nationales en les faisant traduire est une de ses raisons d'être.
Mon mari a beaucoup lu, chez les Blancs, Des gens pas rasés, fiers, avec une bedaine
Il a lu de tout, et tout à fond, Ou des joues creuses et des airs renfrognés et vengeurs,
Il est aussi savant que les Blancs, Des images d'hommes et de femmes
Mais la lecture l'a tué. Morts il y a longtemps.
Elle l'a coupé de son peuple, Le bureau de mon mari est couvert
Il est comme un tronc sans racines. D'un amoncellement de papiers qui fait peur,
Il dénigre tout ce qui est acholi, On dirait les plantes grimpantes géantes des forêts,
Il dit Ou l'arbre « Kituba »
Que les coutumes des Noirs Qui tue les autres arbres en les étouffant;
Sont noires Les uns tout dressés,
Les autres sont couchés sur le dos,
Parce que ses yeux ont éclaté,
Ils sont tous emmêlés les uns dans les autres
Et qu'il porte des lunettes noires,
Et que chez lui Comme les jambes des jeunes
Il fait noir comme dans une forêt ! A la danse « orak »,
Ou les pieds des planches
La maison de mon mari
Dans une clôture « goggo ».
Est une forêt de livres !
Ils sont inextricablement emmêlés
Il y en a d'immenses,
Comme les jambes des plantes grimpantes géantes
Aussi grands
Dans la forêt impénétrable.
Que des arbres « Tido »,
La maison de mon mari
Il y en a de vieux
Est une immense forêt de livres,
Dont l'écorce s'en va
Il y fait noir, tout est détrempé,
Et qui sentent fort,
Une vapeur chaude, épaisse, empoisonnée,
Il y en a qui sont minces et mous, S'élève du sol
Et d'autres qui ont le dos Et se mélange à l'humidité pénétrante de l'atmosphère
Dur comme le tronc de roc de l'arbre « poi »; Et aux gouttes de pluie
Certains sont verts, Qui se sont accumulées dans les feuilles.
D'autres rouge sang,
Vous étouffez,
D'autres noirs et huileux
Si vous y restez longtemps,
Avec des dos qui brillent
Ça vous démolit le nez et la langue
Comme le serpent venimeux « ororo »
Au point que vous ne pouvez plus
Enroulé au sommet d'un arbre.
Apprécier l'odeur rafraîchissante de l'huile de sésame,
Quelques-uns ont des images sur le dos, Ni le goût du « malakwang ».
Des visages morts d'hommes et de femmes qui ressemblent à
des sorciers Extrait de La Chanson de Lawino (Werpa Lawino, acholi). Traduc¬
tion de Frank et Henriette Gauduchon. Paris et Dakar, Présence
africaine, 1983.
16
Lettres arabes:
tradition et recherche
17
Unesco d'iuvres représentatives per¬
met-il d'effectuer un périple significatif
dans le champ de la littérature arabe.
Un périple géographique d'abord,
avec les Voyages d'Ibn Battûta\ ou la
Configuration de la terre d'Ibn Hauqal2.
Loin d'être des ouvrages techniques, ces
relations de voyage font partie, dans la
tradition arabe, d'un genre littéraire parti¬
culier, la rihla (itinéraire, parcours), dans
lequel l'explorateur déploie sa culture lit¬
téraire, historique et philosophique.
Un périple historique ensuite avec le
Discours sur l'histoire universelle (Al-Mu-
qaddima) d'Ibn Khaldoun3, fonda¬
mentale dont on n'a pas fini de mesurer,
Al-Ghazali (1058-1111), fut l'un des plus des deux côtés de la Méditerranée, l'im¬ Taha Hussein (1889-1973) fut l'une des
grands philosophes de l'Islam. Convaincu figures de proue du mouvement moderne
que la raison était Incapable d'atteindre la
portance pour la pensée historique et
de la littérature égyptienne. Auteur de ro¬
certitude, il entreprit, dans une célèbre sociologique contemporaine. De portée mans, de nouvelles et de nombreux essais
réfutation, Tahafut al-falasifa (Incohé¬ universelle, cette Muqaddima a permis, politiques et sociaux, son autobiographie,
rence des philosophes), d'anéantir par dans le contexte arabe et maghrébin, Al-Ayyam (Le livre des jours, 1929-1932),
une dialectique rationnelle les certitudes une percée vers une relecture de l'his¬ fut la première arabe contempo¬
des philosophes de son temps, ce qui lui raine saluée en Occident. Dans l'ensemble
toire grâce à une méthodologie appro¬
valut à son tour une longue réfutation de son il s'efforça de concilier les
d'Ibn Rushd (Averroës) dans son Tahafut priée. exigences du classicisme arabe et l'assi¬
al-tahafut (Incohérence de l'incohérence), Un périple intérieur, si l'on peut dire, milation de la culture européenne. Des ex¬
traduit en anglais dans la Collection avec les philosophiques de Al- traits de ses écrite ont été publiés dans la
(1954). Plusieurs éuvres de Al-Ghazali ont Farabi4, Ibn Rushd (Averroës)5, Ibn Sina Collection en français sous le titre Au-delà
paru en anglais, français et espagnol dans (Avicenne)6 et Al-Ghazali7, penseurs du Nil (1977). Ci-dessus, son portrait en
la Collection, dont l'autobiographie mysti¬ couverture de Mudhakkirat, mémoires pu¬
nourris de philosophie grecque, hommes
que qu'il composa peu avant sa mort, Er¬ bliés en 1967.
reur et délivrance (publiée en français en de synthèse qui ont fait des siècles dits
1959). Ci-dessus, la première page d'un du « miracle arabe » une ère de « lumiè¬
manuscrit en persan du 13e siècle d'une res », dont l'éclat s'est maintenu jusqu'à
éuvre d'AI-Ghazali, Le chemin du bon¬ la Renaissance occidentale. Le roman arabe, qui n'a qu'une cin¬
heur, qui illustra l'affiche réalisée par Ali quantaine d'années, est peut-être le
Un périple humain enfin, avec des
Sarmadi pour la Table ronde consacrée au
proprement littéraires dont le genre où le changement est le plus per¬
philosophe sous les auspices de ¡'Unes¬
co, les 9 et 10 décembre 1985 à Paris. joyau, pour l'époque classique, est in¬ ceptible, car il constitue, pour l'écrivain
contestablement le Livre des avares de arabe, un continent encore inexploré. A
Al-Gahiz8, un La Bruyère arabe, plus fa¬ cet égard, l'effort de l'Unesco ne saurait
cétieux encore, à la culture encyclopédi¬ s'arrêter à la traduction d' d'écri¬
gue. Faire connaître les littératures natio¬ que, qui périt (ce n'est pas une boutade) vains tels que Tawfiq al Hakim10, Yusuf
nales dans les grandes langues de sous l'avalanche des livres dont regor¬ Idris11 et Taha Hussein12, mais devrait
communication est peut-être l'un des geait sa bibliothèque. Avec Al-Gahiz, s'étendre aux productions plus récentes
moyens les plus sûrs de jeter des ponts nous assistons à la naissance de la d'auteurs comme Naguib Mahfouz et
entre des aires culturelles différentes et prose arabe, qui acquiert alors ses lettres Tayeb Salih, qui méritent autant d'être
de projeter des visions particulières du de noblesse, face au prestige de la poé¬ connues que celles des géants du roman
monde à l'échelle de l'humanité entière. sie, genre dominant dans la littérature latino-américain, par exemple.
Concernant la littérature et la pensée arabe depuis ses débuts. C'est égale¬ On relève des lacunes analogues
arabes, les réalisations de l'Unesco sont ment dans ce sens que l'on peut appré¬ dans le domaine de la poésie anté-isla-
certes assez modestes, du moins sur le cier les Maqâmât (séances) d'AI-Hariri9, mique et classique arabe. Toutefois, on
plan quantitatif. Le nombre des ouvrages traduites en allemand, une sorte de récit ne peut que se féliciter de l'intérêt ac¬
traduits de l'arabe en français, anglais, où l'on peut trouver certains éléments du cordé à la poésie moderne, avec la tra¬
allemand et espagnol ne dépasse pas la genre romanesque, très prisé à l'époque duction d' de Adonis13, Badr
quarantaine, et ce depuis le lancement classique mais délaissé par les écrivains Chaker As-Sayyab14 et Mahmoud
du programme au début des années 50. arabes contemporains. Darwish15, qui comptent parmi les pion¬
Toutefois, on peut constater, d'une Néanmoins, cette littérature, si presti¬ niers d'une poésie arabe enracinée dans
part, que l'effort a porté sur des iuvres gieuse qu'elle soit, ne devrait pas occul¬ son patrimoine, mais ouverte à la re¬
monumentales de cette littérature, et, de ter le développement original de la littéra¬ cherche poétique contemporaine.
l'autre, que cet effort s'est sensiblement ture arabe depuis le début du siècle.
accru depuis la fin des années 70. Développement de genres nouveaux
Par ailleurs, si, au départ, cet effort a d'abord, principalement le roman. Déve¬ ABDELLATIF LAABI, poète marocain, a traduit,
porté essentiellement sur le patrimoine loppement ensuite de la poésie, qui se pour l'Unesco notamment, de nombreuses
classique et des chefs-d',uvre confir¬ libère progressivement des contraintes littéraires de l'arabe en français. Il est
l'auteur d'un roman, Le chemin des ordalies
més de la littérature arabe, il s'est diversi¬ de la qacida, poème dont la forme obéit à
(1982), de recueils de poèmes, Le règne de la
fié par la suite et s'est étendu à la littéra¬ des règles immuables (voir le Courrier de barbarie (1980) et Sous le bâillon, le poème
ture moderne, et même d'avant-garde. l'Unesco d'août 1985, « La parole et l'é¬ (1981), ainsi que de divers essais, dont le plus
Aussi, le catalogue de la Collection crit »). récent est La brûlure de l'interrogatoire (1985).
18
Illustration de couverture des Voyages
d'Ibn Battûta, publiés dans la Collection
dans une édition bilingue française et
arabe en 1979. Ibn Battûta (1304-1377) fut
le plus grand voyageur de l'Islam au
Moyen Age. A la fin de longs périples en
Arabie, en Asie mineure, en Russie, en
Inde, en Chine, en Afrique noire et saha¬
rienne et au Soudan, Il fit rédiger sa Rihla,
un journal de route d'une exceptionnelle
valeur documentaire, où des éléments pit¬
toresques ou merveilleux et des citations
poétiques se mêlent à la description des
contrées parcourues et des miurs de
leurs habitants.
pas arrivée. On la recherche après eux, et on l'obtient sans C'est une citadelle dont la base embrasse les sources d'eau,
beaucoup de difficultés; on désire l'avoir, et l'on y réussit au et le sommet dépasse la ceinture d'Orion.
moyen du plus léger sacrifice. Telle est cette ville d'Alep. Elle ne connaît point la pluie, puisque les nuées sont pour
Combien de ses rois n'a-t-elle pas introduits dans un temps elle un sol, dont ses bestiaux foulent les côtés.
passé (expression empruntée à la grammaire), et combien de Lorsque le nuage a donné de l'eau en abondance, l'habitant
vicissitudes de la fortune n'a-t-elle pas bravées par sa posi¬ de la forteresse épuise l'eau de ses citernes avant que ses
tion ! Son nom a été fait du genre féminin; elle a été ornée sommets soient humectés.
des atours des jeunes femmes chastes, et elle s'est soumise à Son belvédère serait compté au nombre des étoiles des
la victoire, de même que d'autres l'ont fait. Elle a brillé deux, si seulement il parcourait leurs orbites.
comme une nouvelle mariée, après le sabre (seïf) de sa Les ruses de cette forteresse ont repoussé les subterfuges des
dynastie, Ibn Hamdân (allusion au prince Seïf eddaoullah). ennemis, et les maux qu'elle a occasionnés l'ont emporté sur
Hélas ! sa jeunesse s'en ira, on cessera de la rechercher, et leurs maux.
encore quelque temps, sa destruction arrivera avec prompti¬ Voici ce que dit au sujet de ce château Djémâl eddîn Aly,
tude. » fils d'Abou'lmansoûr :
La forteresse d'Alep s'appelle Achchahbâ (la grise); dans Peu s'en faut que, par l'immensité de sa hauteur, et le point
son intérieur il y a deux puits d'où jaillit l'eau, et on n'y craint culminant auquel son sommet atteint, ce château ne fasse
pas la soif. Deux murs entourent le château; il y a tout auprès arrêter le globe céleste, qui tourne autour de la terre.
un grand fossé d'où l'eau sourd; et sa muraille compte des Ses habitants se sont rendus à la Voie lactée, comme à un
tours rapprochées les unes des autres. Ce fort renferme des abreuvoir, et leurs chevaux ont brouté les étoiles, comme on
chambres hautes, merveilleuses, et percées de fenêtres. paît les plantes fleuries.
Chaque tour est occupée, et dans ce château fortifié les Les vicissitudes du temps se détournent de lui par crainte et
aliments ne subissent aucune altération par l'effet du temps. parfrayeur, et le changement n 'existe pas pour ce château.
On y voit un sanctuaire que visitent quelques personnes,
et l'on dit qu'Abraham y priait Dieu. Cette forteresse res¬
semble à celle appelée Rahbet (la place de ...) Mâlic Ibn Extrait de Voyages d'Ibn Battûta. Traduction de C. Defremey et
Thaouk, qui se trouve près de l'Euphrate, entre la Syrie et B.R. Sanguinetti; réimpression de l'édition de 1854 augmentée d'une
l'Irak. Lorsque Kâzân, le tyran des Tartares, marcha contre préface de Vincent Monteil. Paris, Editions Anthropos, 1979.
19
Le Nord européen: un monde à explorer
par Jean-Clàrence Lambert
20
la précieuse Anthologie de la poésie nor¬ La Cour (1902-1956), poète métaphysi¬ il conviendrait d'aider à souligner l'uni¬
dique ancienne (des origines à la fin du que, à Ole Sarvig (1921-1981), pour ne versalité de Gunnar Ekelôf (1907-1968).
moyen âge) traduite et préfacée par Re- pas parler des écrivains vivants. Pour la Finlande, on devrait disposer de
nauld-Krantz (Paris, Gallimard, 1964), et Quant à la Norvège, nous devrions nouvelles traductions du Kalevala (voir le
mon Anthologie de la poésie suédoise pouvoir nous rendre mieux compte de la Courrier de /'Unesco d'août 1985, « La
(Paris, Editions du Seuil, 1971), qui ap¬ grandeur d'un Knut Hamsun (1859- parole et l'écrit »), de l'tuvre de johan
paraissent en premier sur la liste, soient 1952, prix Nobel en 1920), d'un Hans Ludvig Runeberg ... En fin de compte, on
suivies d'anthologies danoise et finnoise. Ernst Kinck (1865-1926), avec sinon se prend à souhaiter la réédition des
Car c'est bien la poésie qui a constitué, leurs uuvres complètes comme luvres qui furent véritablement fondatri¬
jusqu'à ces derniers temps du moins, le celles de l'écrivain suédois August ces, et demeurent nécessaires.
corpus le plus significatif des littératures Strindberg (1849-1912), maintenant pu¬
nordiques. bliées en français et qui le seront bientôt
Si l'Islande a été relativement bien trai¬ en allemand du moins des
JEAN-CLARENCE LAMBERT, poète français,
tée dans la Collection (surtout en an¬ choisies. La Suède, pays le plus puissant
est un spécialiste de la littérature de l'Europe
glais), un effort très important doit être de la Scandinavie, attire plus facilement nordique, à laquelle il a consacré divers ouvra¬
entrepris en faveur du Danemark. Il est les éditeurs. ges, dont une Anthologie de la poésie suédoise
grand temps que l'on puisse avoir accès Dès lors, l'Unesco devrait promouvoir des origines à nos jours (1971) publiée en coédi¬
tion avec /'Unesco, et plus récemment un essai,
à Saxo Grammaticus (v.1150-v.1206), ce qui semble hors d'actualité, comme
Cobra, un art libre (1983). On lui doit également
historien danois qui rédigea la Gesta Da- Carl Michael Bellman, le grand poète du une autre anthologie, Trésor de la poésie univer¬
norum où Shakespeare aurait trouvé le Rococo européen, ou ces romantiques, selle (1958), rédigée en collaboration avec
modèle de son Hamlet, à Nicolai Frederik Erik Johan Stagnelius (1783-1823), Cari Roger Caillois, ancien directeur du Programme
Unesco de traduction d' littéraires. Parmi
Grundtvig (1783-1872), bâtisseur de l'i¬ Jonas Love Almquist (1793-1866),
ses autres sont à signaler La poésie
dentité Scandinave, à Joannes V. Jensen égaux dans le génie et le malheur aux pour quoi faire ? (1 978) et un recueil de poèmes,
(1873-1950, prix Nobel en 1944), à Paul grands Allemands. Plus proche de nous, Le noir et l'azur (1980).
ILS arrivèrent au lac. Ils traversèrent la voie étroite qui On avait l'impression qu'il n'y avait rien d'animal en elle.
longe la rive. A cette heure tardive il n'y avait pas de Pourquoi ?
train, tout paraissait vide comme ces passages à niveau Il ressentit soudain obscurément qu'il y avait quelque
où la voie s'enfuit de chaque côté. Seul un garde-voie chose de désespérant dans cette pureté, dans cette bonté,
rentrait chez lui dans l'obscurité de la soirée, on entendait au dans la lumière qui l'environnait. Il lui sembla la reconnaî¬
loin la draisine qui s'éloignait à travers la forêt. tre. Elle ressemblait bien à quelque chose qu'il avait déjà
Le chemin était devenu boueux aux abords du lac, les rencontré.
caoutchoucs de la jeune fille s'enfonçaient. Ils durent em¬ Ce qu'il y avait d'effrayant chez de tels êtres c'était ce qui
prunter la pente herbeuse du talus côte à côte. Il sentait sa rappelait la perfection, qui semblait vouloir porter une
chaleur, sa respiration... Et sa main délicate dans la sienne. certitude, une totale sérénité. Lorsqu'on le découvrait, tout
Ils marchèrent en silence un long moment. Et s'il l'aimait ? devenait encore plus désolé : l'existence y trouvait soudain
Un charroi arriva dans leur direction, en longue file. Les une chaleur qu'elle ne pouvait offrir elle-même, mais qui la
chevaux fatigués baissaient la tête, les hommes semblaient rendait encore plus difficile à supporter.
dormir. C'étaient des marchands ambulants de harengs qui Etaient-ils ici depuis longtemps ? Il fallait revenir.
venaient de la côte, à onze milles de là et se rendaient au Ils pressèrent le pas en direction de la ville. Anders
marché du lendemain. Leur panier à provisions et leur ressentait comme un désir de lui échapper. Ou de se mettre à
bouteille d'eau de vie à côté d'eux, ils dormaient au-dessus blasphémer ses croyances, à déchirer quelque chose en elle.
du poisson que la lune faisait briller dans leur dos. Mais ils se turent.
Il était tard. Il fallait rentrer. Mais ils s'arrêtèrent un Les rues étaient vides. Il l'accompagna jusqu'à la forge. Il
moment pour contempler le lac. Soudain tout s'illumina. La y avait une construction en appendice, un taudis dans lequel
clarté de la lune tomba droit sur elle. Son visage s'éclaira, et elle vivait. Il ressentit une nausée en se retrouvant près du
tout son corps. A nouveau un halo de lumière l'entourait et mur derrière lequel ils avaient braillé et beuglé. Ils se
de l'étoffe usée de sa pèlerine semblait venir une lueur, séparèrent. Elle entra dans la bicoque comme s'il s'agissait
exactement comme tout à l'heure pendant l'assemblée. Par¬ d'une demeure d'être humain.
tout où elle la touchait la lumière dévoilait quelque chose Quand il revint à la maison il lui semblait être délivré !
d'elle. Ainsi prit fin sa première jeunesse. Et ce n'était que
Il la regarda comme s'il avait été amoureux d'elle. Il désagrégation, mensonge, confusion.
émanait d'elle une pureté absolue. Ses traits pâlis semblaient
ne pas appartenir à ce monde mais sans la transfiguration
de l'extase, sans l'exaltation de la passion, sans le ravisse¬ Extrait de L'exil de la terre ( Gast hos verkligheten ). Traduction et
ment. Ils étaient paisibles, sans plus. préface de Vincent Fournier. Paris, Stock, 1977. 192 p. ( Roman. )
21
D'une langue à Vautre
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pied en Amérique. Vint ensuite le Portu¬ ce soit avec Caliban (déformation de Ca¬ Dans la préface de sa Nueva crónica y
gal. Les deux empires imposèrent leur raïbe) ou avec le « bon sauvage » que buen gobierno, Guarnan Poma de Ayala
langue et leur religion, les superposant à l'on espérait trouver dans ces contrées, précise qu'il a tiré sa matière d' « his¬
celles des autochtones. Colomb décou¬ l'Amérique fait alors son apparition sur la toires non écrites », « des quipos*, sou¬
vrit les merveilles dont il avait rêvé : l'em¬ venir et relations (...) de vieux témoins
bouchure de l'un des fleuves du paradis, oculaires ». Et, le premier témoin ocu¬
les Amazones, les hommes à tête de laire sachant écrire, son contemporain,
Dans sa préface à la version française des
chien. Bernai Diaz del Castillo, chroni¬ Chants de Nezahualcoyotl grand sei¬ est l'lnca Garcilaso de la Vega, fils d'un
queur espagnol qui participa à la gneur et libertin, despote et bienfaiteur du capitaine espagnol et d'une princesse
conquête du Mexique avec Cortés, dira peuple de l'Anahuac (ancien Mexique), lé¬ indienne : « Je naquis huit ans après que
que ce qu'il avait vu « ressemblait a ces gislateur éclairé et poète lyrique , l'écri- les Espagnol vinrent peupler ma terre.
enchantements décrits dans le livre
. vain français J.M.G. Le Clézlo (quia traduit J'y vécus les vingt premières années de
la Chronique de Michoacán et certaines
d'Amadis ». Quatre siècles plus tard, ma vie. » Ses Comentarios reales de los
légendes mayas sous le titre Les prophé¬
Alejo Carpentier « après avoir succombé ties de Chilam BalamJ écrit à propos de lncas\ qui datent de la même époque
aux sortilèges des terres d'Haïti» et cette poésie : « ...ce qu'elle nous dit, avec que la chronique de Porno de Ayala (v.
« perçu les évocations magiques des toute la splendeur symbolique de la lan¬ 1600), marquent en quelque sorte la
chemins ocres de la Meseta centrale », gue náhuatl, dans ce rythme musical et naissance d'une écriture métisse, dans
allltératif qui en faisait le verbe le plus
se vit « amené à rapprocher la merveil¬
créatif et le plus mélodieux de l'Amérique de cordelettes dont les couleurs, les
leuse réalité de l'épuisante tâche de indienne, résonne en nous avec la profon¬ combinaisons et les n étaient dotés chez
conjurer le merveilleux ». Le découvreur deur inquiétante d'une prophétie. » Ci- les Incas, qui ignoraient l'écriture, de significa¬
et les chroniqueurs du Nouveau Monde dessous, détail de la couverture. tions conventionnelles précises.
23
Détail de la couverture de la traduction
française de Iracema, Légende du Céara,
roman-poème en prose du Brésilien José
de Alencar (1829-1877). Plus que dans le
thème lui-même l'amour entre Martim,
guerrier portugais chrétien, et Iracema (en
guarani «lèvres de miel»),- vierge gar¬
dienne du temple, qui sera punie par la
fatalité pour avoir enfreint l'interdit de la
tribu , thème fréquent dans le roman
latino-américain du 19" siècle, l'intérêt de
cette quvre de José de Alencar parue en
1865 réside dans « l'explosion d'une lan¬
gue nouvelle, d'une grande richesse poéti¬
que, subversive et sensuelle :le portugais
du Brésil ».
laquelle la langue s'adapte au monde espagnol, Alonso Carrió de la Vandera d'expression. Après des siècles d'une
particulier qu'elle décrit : l'origine la¬ (voir extrait ci-après). poésie qui ne fut qu'un reflet de ce qui se
custre que prête aux Incas leur mytholo¬ Dans sa célèbre Lettre à un habitant faisait en Espagne épopées, autos
gie, leur frayeur lorsque retentit le pre¬ de la Jamaïque, datée du 6 septembre religieux, épigrammes , le roman, avec
mier hennissement sous la voûte de la 1815, Simón Bolívar3 nous définit ainsi : El Periquillo Sarniento de Fernández de
forêt. Cet ouvrage est donc le premier « Nous sommes un petit genre hu¬ Lizardi, fit une timide apparition en 1 81 6,
témoignage authentique d'un autoch¬ main », un « monde à part », « ni Espa¬ mais resta imprégné du style picaresque.
tone sur sa propre histoire et celle de ses gnol ni Indien ». Ni Noir. Et de cette fa¬ Viendra ensuite le romantisme : l'amour
aïeux. (L'autre ouvrage attribué à un In¬ çon, l'Amérique, qui, grâce à Colomb, condamné d'un frère et d'une soeur de
ca, El Lazarillo de ciegos caminantes2, dévoila au monde la face ignorée de la races différentes qui ignorent leur pa¬
est une mystification puisque l'on sait planète, lui donna aussi, grâce à Bolivar, renté (Cumandá de Juan León Mera), ou
que son auteur, le prétendu Don Calixto qui à la tête d'une armée en guenilles la touchante idylle de Maria de Jorge
Bustamante Inca, alias Concolorcorvo, nous libéra du joug de la colonisation, le Isaacs4; toujours est-il que le roman s'af¬
était en réalité un inspecteur des postes premier exemple d'une pleine indépen¬ firme en tant que genre littéraire. Vers la
dance. fin du 19e siècle, apparaît le premier
Les Commentaires royaux sur le Pérou Mais après la bataille décisive d'Aya- grand romancier, Joaquín María de
des Incas (Comentarios Reales) de Vinca cucho, en 1824, il fallut improviser la Assis5, qui, à la différence de ses prédé¬
Garcilaso de la Vega, sont l'une des pre¬ liberté, la chercher à tâtons. Et l'Améri¬ cesseurs, écrira plusieurs romans, es et
mières suvres majeures écrites en espa¬ que passa de la férule des vice-rois à de l'âme de leurs habitants.)
gnol par un métis. Il y décrit tous les as¬ celle des caudillos récalcitrants, des dic¬ Don Casmurro, Quincas Borba, Yaya
pects de la société inca lois, modes de
tateurs militaires ou théocratiques aux Garcia, il rompt à la fois avec le natura¬
culture, rites sacrés, travaux, techniques
de construction, mais aussi flore, faune, présidents civils. Cette recherche d'une lisme naissant en Europe qui allait
vêtements, alimentation... en même façon de vivre se fait déchirante lors¬ trouver dans les contes de Horacio
temps qu'il relate l'histoire des anciens qu'elle devient une quête d'un mode Quiroga6 sa plus parfaite expression
habitants du Pérou et celle des premiers
temps de la Conquête. Pour illustrer la
couverture de cette traduction française a Atipa est le premier roman écrit en créole la société guyanaise de la seconde moitié
été choisi un dessin d'un autre métis cé¬ de la Guyane française. Il parut en 1885 et du 19e siècle bars, marchés, faits politi¬
lèbre de cette époque, Felipe Guarnan Po¬ son auteur, Alfred Parépou (pseudonyme ques et religieux et le personnage cen¬
ma de Ayala, extrait de son cuvre Nueva de M. Méteyrand), était le petit-fils du chef tral, qui donne son nom au livre, se révèle
crónica y buen gobierno; il évoque la célé¬ indien Cépérou. Cette récemment un philosophe plein de bon sens populaire
bration de la « Coia Raimi », « la fête so¬ rééditée et augmentée d'une traduction et de sagesse traditionnelle. Ci-dessous,
lennelle de la reine Coia » qui se déroulait condensée en français, constitue une im¬ débarcadère du village de Maripasoula,
en septembre. portante satire de la vie quotidienne et de sur le Maroni, en Guyane française.
24
ensayos en busca de nuestra expresión
de Pedro Henríquez Ureña et les Siete
ensayos de interpretación de la realidad
peruana de José Carlos Mariátegui sont
des analyses fouillées de l'identité de
l'Amérique et de son projet d'avenir.
De nos jours encore, l'écriture reste,
dans certains de nos pays, le privilège de
quelques-uns : ceux qui ont pu ap¬
« Apôtre de l'Indépendance américaine », De Simón Bolivar ( 1783-1830), le Libéra¬
prendre à lire, ceux qui ont le temps de
le Cubain José Marti (1853-1895) est une teur, il a été traduit en français dans la
des grandes figures de l'Amérique latine. Il penser. Le romancier, venu de la ville, Collection des Pages choisies ( Choix de
est l'auteur d'une suvre immense qui découvre avec stupéfaction la forêt vier¬ lettres, discours et proclamations), re¬
comprend des essais politiques comme ge, la plaine immense, le fleuve, la mon¬ cueil divisé en trois parties : « Le républi¬
le toujours actuel Notre Amérique , des tagne, et l'hostilité de la nature. Dépas¬ cain », « l'homme politique » et « le soldat
portraits de héros et de poètes du conti¬ sant la recherche de la couleur locale et et l'homme ». Des textes comme son Dis¬
nent sud-américain, des articles de criti¬ cours d'Angostura et sa célèbre Lettre de
la description paternaliste des us et des
que d'art et de littérature, des poèmes au¬ la Jamaïque permettent au lecteur qui ne
jourd'hui populaires comme ceux de Ver¬ coutumes, le réalisme avec La vorá¬
connaît pas l'espagnol de comprendre la
sos sencillos et une revue pour les en¬ gine de José Eustasio Rivera, Don Se¬ pensée libertaire de Bolivar et de décou¬
fants, La edad de oro, écrite entièrement gundo Sombra de Ricardo Güiraldes, vrir le style d'un homme qui, a-t-on dit,
par lui, « afin qu'ils apprennent comment Doña Barbara de Rómulo Gallegos « maniait aussi bien la plume que l'épée ».
on vivait autrefois et comment on vit au¬
prend si profondément racine en Améri¬
jourd'hui en Amérique et en d'autres par¬
ties du monde ». En français a paru dans la
que qu'il en vient à être considéré pen¬
Collection un recueil de Pages choisies de dant un certain temps comme l'unique « réduit l'expression à l'ellipse, à des
Marti, qui donne une assez bonne Image expression littéraire de la région. Mais, phrases minimes, presque monosyllabi¬
de cette uuvre multiple. compte tenu de certains aspects peu ques, pour refléter dans la forme les ni¬
reluisants de notre réalité misère, veaux élémentaires de la survie »; Mario
poux, coups de fouet , faire d'un quoti¬ de Andrade a recours au délire verbal
et le romantisme, déjà finissant, en Amé¬ dien sordide un sujet de littérature fut pour créer, dans Macunaima^2, un mythe
rique. Et bien que la vision des poètes fût bientôt jugé intolérable, non seulement à la recherche de sa définition continen¬
également romantique, José Hernández par la culture officielle, mais même par tale, une odyssée de la forêt tropicale;
réussit à donner une incomparable sa¬ les forces de l'ordre : Jorge Icaza fut taxé Joäo Guimaräes Rosa13 n'hésite pas à
veur populaire à son épopée gauches- d'antipatriotisme pour son Huasipungo violenter le portugais en y introduisant le
que, Martín Fierro. et Alcides Arguedas10 qualifié d'apatride vocabulaire et même la syntaxe du
Au début de ce siècle, le grand José pour son Pueblo enfermo. Se plaçant au peuple de Minas Gérais, surtout dans
Marti7 traça les frontières ethniques et point de vue du roman moderne, Carlos Gran sertón : veredas, « l'aventure litté¬
culturelles de Notre Amérique métisse, Fuentes a pu dire à leur sujet : « ...Plus raire la plus ambitieuse depuis VUlysses
lui donnant une identité qui n'était plus proche de la géographie que de la littéra¬ de Joyce ».
simplement géographique. De son ana¬ ture, le roman latino-américain a été écrit Avec Rubén Darío14, commencent les
lyse retrospective et globale, il ressort par des hommes qui semblaient se situer prouesses de la poésie. Mêlant l'espa¬
que la « découverte » de l'Amérique fut dans la mouvance des grands explora¬ gnol et le chorotega**, il bouleverse de
une « civilisation dévastatrice, deux teurs du 16e siècle. » On pourrait lui ré¬ fond en comble la poésie de langue es¬
mots qui, par leur antinomie, constituent torquer que tout en étant bien engagés pagnole et y impose, pour un temps, le
un processus. » Parallèlement à celui-ci, dans la littérature, quelques-uns des modernisme. Après lui, César Vallejo,
se déroule un autre processus de re¬ meilleurs romanciers latino-américains presque un Indien, fera exploser le lan¬
cherche de l'homme américain, d'interro¬ contemporains puisent leur inspiration gage, le désintégrera en particules de
gation sur son destin, de mise en doute dans la géographie, la tradition des ex¬ douleur; Vicente Huidobro mettra l'aven¬
de sa propre définition. José Enrique plorateurs, celle des chroniqueurs, et ture verbale au centre de la création;
Rodó8 trouvre dans Ariel respec¬ dans l'histoire : Asturias y trouva le« réa¬ Pablo Neruda renouvellera la langue et
tueuse réfutation de Shakespeare le lisme magique », et après lui Carpentier, la poésie, leur insufflera une nouvelle vie;
symbole de l'esprit latin, qui unit le García Márquez, Roa Bastos. (Onetti et Nicolás Guillen fera résonner dans le
monde hispano-américain à la France et Cortázar ont préféré, quant à eux, s'a¬ castillan le plus pur des sonorités afro-
le réconcilie avec l'Espagne; dans sa venturer dans les méandres des villes et cubaines. Jorge Luis Borges inaugurera
biographie de Facundo Quiroga, Domin¬ de l'âme de leurs habitants.) « une nouvelle compréhension de l'écri- ^
go Faustino Sarmiento9 expose tout un Ce furent sans doute les Brésiliens qui,
programme : civilisation ou barbarie, op¬ les premiers, proclamèrent l'indépen¬ ** Langue de tribus précolombiennes du Nicara¬
posant la ville à la campagne; les Seis dance de la langue : Graziliano Ramos1 1 gua.
25
^ ture ». Ainsi, vers le milieu du 20e siècle,
la nature cède sa primauté dans la littéra¬
ture au langage et la réalité rejoint à
nouveau l'imaginaire.
« L'Amérique est le pays du futur ,
écrivait Hegel. Dans les temps à venir,
son importance historique s'imposera,
peut-être dans la lutte que se livreront
l'Amérique du Nord et l'Amérique du Sud La vie tragique de l'Uruguayen Horacio
(...) Mais les philosophes ne sont pas Quiroga (1878-1937) depuis la mort vio¬
prophètes. » Le fait culturel latino-améri¬ lente de son père, le suicide d'un proche
parent devant ses yeux, celui de sa pre¬
cain revêt les dimensions du continent,
mière femme, jusqu'à l'accident absurde
forme un tout, sans failles, aux contours par lequel il tua son meilleur ami en mani¬
précis. Nous sommes passés d'une litté¬ pulant un pistolet qui s'achèvera par
rature vécue à une littérature pensée, et son propre suicide, l'entraîna aux « fron¬
toutes deux sont les produits d'une tières d'un état particulier, abyssal, lumi¬
neux comme l'enfer ». Exilé volontaire à
culture en devenir, qui se regarde grandir
partir de 1912 dans la forêt de Misiones, il
dans son propre miroir. » décrivit dans ses récits la monstruosité
«Gauderios»
par Concolorcorvo
CE sont des garçons nés à Montevideo ou dans les qui se trouve entre les côtes et la peau. Parfois, ils tuent la
villages voisins. Ils tâchent de dissimuler une mau¬ bête seulement pour manger la langue, qu'ils font cuire sur la
vaise chemise et un costume encore plus mauvais braise. Parfois, il leur prend la fantaisie de manger le cara-
sous un ou deux ponchos dont ils font leur lit en l'étendant cou, c'est-à-dire les os à moelle; ils retirent celle-ci avec un
sur les couvertures de leur cheval, la selle leur servant bâtonnet et ils s'alimentent de cette admirable substance;
d'oreiller. Ils ont toujours une petite guitare, dont ils ap¬ mais le plus prodigieux, c'est de voir tuer une vache, lui
prennent à jouer fort mal, pour chanter, en détonnant, enlever les tripes et toute la graisse, qu'ils réunissent dans le
divers couplets, qu'ils estropient, et bien d'autres qu'ils ventre, et, avec une simple braise, ou un morceau de bouse
tirent de leur tête et qui, d'ordinaire, roulent sur l'amour. Ils séchée, ils mettent le feu à cette graisse, et lorsqu'elle se met
se promènent à leur gré par toute la campagne et, par une à brûler et que le feu se communique à la viande grasse et aux
remarquable complaisance des fermiers du pays à demi os, cela fait une extraordinaire illumination; puis ils refer¬
barbare, ils se nourrissent à leurs frais et passent des se¬ ment le ventre de la vache, en permettant au feu de tirer par
maines entières couchés sur une peau de vache, chantant et la bouche et l'ouverture, la laissant toute une nuit, ou une
jouant de la guitare. S'ils perdent leur cheval, ou si on le leur grande partie de la journée pour qu'elle se rôtisse bien, puis,
vole, on leur en donne un autre, ou ils le prennent dans la le lendemain ou le soir, les gauderios l'entourent et chacun
campagne en l'enlaçant à l'aide d'une très longue corde, va découpant avec son couteau le morceau qui lui convient,
qu'ils appellent rosario. Ils en emportent aussi une autre, sans pain ni aucun autre assaisonnement, et, dès qu'ils ont
avec une boule aux deux bouts, de la taille des boules avec satisfait leur appétit, ils abandonnent le reste, à moins que
lesquelles on joue habituellement au billard, et qui bien l'un ou l'autre n'en emporte un morceau pour sa rustique
souvent sont des pierres recouvertes de cuir, elles servent à amie.
empêtrer le cheval ainsi que d'autres, que l'on appelle Que les gazettes de Londres viennent maintenant nous
« ramales » parce qu'elles se composent de trois boules; ils abasourdir, avec les morceaux de b que l'on sert dans
blessent ainsi, bien souvent, les chevaux, qui ne peuvent plus cette capitale sur les tables des banquets officiels. Si là-bas le
servir à rien, mais ni eux ni les propriétaires ne font cas de ce plus gros morceau est de deux cents livres, que se partagent
service. deux cents milords, ici on en sert de cinq cents livres rien que
Ils se réunissent bien souvent à quatre ou cinq, parfois pour sept ou huit gauderios, et ils invitent de temps en temps
plus, sous prétexte d'aller se divertir à la campagne, n'em¬ le propriétaire de l'animal, qui s'estime alors favorisé. Mais
portant d'autre provision pour leur subsistance que leur assez sur le chapitre des gauderios, car je vois que Messieurs
lasso, leurs boules et un couteau. Ils conviennent d'un jour les voyageurs sont pressés de se rendre à destination en
pour manger la picana d'une vache ou d'un jeune taureau; ils passant par Buenos Aires.
l'attrapent au lasso, le jettent à terre, et, les pattes bien
attachées, retirent à l'animal presque encore vivant, toute la
croupe avec la peau, et après y avoir fait quelques entailles Extrait de Itinéraire de Buenos Aires à Lima (Lazarillo de ciegos
caminantes), de Concolorcorvo [Alonso Carrió de la Vandera]
du côté de la viande, ils la grillent à peine, et la mangent à
(Pérou). Traduction d'Yvette Billod; introduction de Marcel Batail¬
moitié crue, sans autre assaisonnement qu'un peu de sel, si
lon. Paris, Institut des hautes études de l'Amérique latine, 1962. 294
par hasard ils en ont. p. (Relation de voyage.) Traduit aussi en anglais dans la Collection :
D'autres fois, ils tuent une vache ou un jeune taureau El Lazarillo; A Guide for Inexperienced Travellers between Bue¬
simplement pour manger le matamore c'est-à-dire la viande nos Aires and Lima, 1773 (1965).
26
A l'Est du nouveau
par Edgar Reichman
L5 HISTOIRE des peuples de l'Eu¬ toujours peu connue. Avec Cholem canons du croiseur Aurore, qui mouille
rope orientale est marquée par Aleichem4, les Juifs trouvent également devant le Palais d'hiver à Petrograd, an¬
des bouleversements terri¬ leur barde, qui rend au yiddish sa beauté, noncent la naissance d'un monde nou¬
fiants, dont les moindres ne sont pas les rehaussée plus tard par Singer. C'est sur veau. Une végétation indomptable enva¬
contrecoups des grandes migrations. ces auteurs, relevant de littératures et de hit les ruines de la monarchie bicéphale
Dès le 1 2e siècle pourtant, apparaît le Dit langues de diffusion restreinte aux¬ et de l'empire des Tsars autocrates. De¬
du prince Igor, monument commun à quelles nous devons Capek, Andritch5, puis longtemps déjà, Hongrois et Rou¬
toutes les grandes littératures slaves. Au Ady6, Arghezi que porte notamment mains, Tchèques et Slovaques, Slovè¬
16e siècle, Jan Kochanowski jette les l'effort editorial de la Collection Unesco nes, Serbo-Croates et Bulgares écrivent
fondements d'une culture polonaise hu¬ d' représentatives. On ne s'éton¬ dans leur langue nationale, enrichissant
maniste. Deux siècles plus tard, le prince nera donc pas de ne guère y trouver ces ainsi le patrimoine de l'humanité 7. Au¬
moldave Cantemir nous raconte la mon¬ géants de la littérature universelle que jourd'hui comme hier, ils expriment leur
tée et la chute de l'empire ottoman. Pour¬ sont Gogol, Tchékhov, Tolstoï, Dostoïe¬ refus de la tyrannie et de l'arbitraire, leur
tant, à l'époque de Villon, Cervantes et vski, Essenine, Pouchkine, Maïakovski, haine de la guerre, leur attachement à
Shakespeare, la littérature éditée est ra¬ ou encore Musil, Kafka, Canetti. leur patrie et, aussi, leur amour de la vie
re, et compte surtout des textes sacrés Vient le 20e siècle. Octobre 1917. Les dans sa superbe diversité.
en slavon, des contes et des écrits histo¬
riques, fruits du travail d'imprimeurs dis¬
La vie de Soulkhan-Saba Orbéliani (1658-
séminés entre les Balkans et l'Oural. La
1725), surnommé « le Père de la Géorgie »,
culture slave est essentiellement, à cette fut partagée entre les lettres, /apolitique et
époque, de caractère oral : sa richesse la religion. Une de ses grandes tâches a
et ses particularités en sont marquées. été le Dictionnaire raisonné de la langue
A partir du 1 9e siècle, l'extension de la géorgienne, ou Gerbe de mots. Ses écrits
religieux sont nombreux. Il a laissé égale¬
galaxie Gutenberg favorise, de Sofia à
ment un Voyage en Europe, tenu au cours
Prague et à Varsovie, de Budapest à d'une mission diplomatique qu'il fit
Kiev, l'émergence du sentiment national. auprès du roi de France Louis XIV et du
Mickiewicz, poète polonais militant, pape Clément XI, et qui inaugure brillam¬
combat autant l'absolutisme tsariste que ment le genre des Voyages dans les lettres
géorgiennes. Mais c'est la Vérité du Men¬
l'autorité autrichienne. Petôfi1, poète lui
songe qui couronne sans conteste son
aussi, affirme avec force les aspirations
luvre littéraire. Ce recueil d'histoires,
des Magyars. En Transylvanie, le mou¬ contes, paraboles, fables, sentences et de¬
vement connu sous le nom d'école tran¬ vinettes, marque un des sommets de la
sylvaine insiste sur l'origine latine de la prose géorgienne. Ci-coqtre, illustration
langue et du peuple roumains, alors que tirée de la traduction française par G.
Bouatchidzé, parue dans la Collection en
de l'autre côté des Carpathes, 1984.
Eminescu2 donne à la langue roumaine
sa forme actuelle. L'Euvre de l'Ukrainien
27
Cette peinture du monastère de Manasija Portrait d'Anton Pavlovitch Tchékhov Portrait de Miklós Radnóti (1909-1944),
en Yougoslavie, représentant saint Nikita, (1860-1904), conteur, nouvelliste et drama¬ poète lyrique hongrois. D'origine juive, il
illustre la couverture de Marko the Prince, turge russe dont l'vuvre figure parmi les fut envoyé, pendant la Seconde Guerre
Serbo-Croat Heroic Songs, une compila¬ grands classiques de la littérature mon¬ mondiale, dans des camps de travail où il
tion de poèmes épiques serbes, dont un diale. Un recueil de ses Contes et pièces composa un grand nombre de ses poè¬
grand nombre, transmis oralement de gé¬ de théâtre a été traduit en persan et publié mes. En automne 1944, le camp où il se
nération en génération, ont été traduits en dans la Collection en 1962. trouvait en Yougoslavie fut évacué dans le
anglais pour la première fois et publiés sillage des troupes nazies en retraite. Rad¬
dans la Collection en 1984. Ils appartien¬ nóti fut dirigé a pied vers l'Autriche, à
nent à une dos traditions épiques les plus travers la Hongrie où, ne pouvant plus
riches d'Europe. Combattant rusé et va¬ marcher, il fut abattu. Ses derniers
leureux, à la force surhumaine, le prince poèmes furent trouvés sur lui après l'ex¬
Marko est un héros légendaire de cette humation de sa dépouille. Dans une épo¬
poésie, directement inspiré d'un person¬ Le livre des héros, Légendes sur les que où « les poètes meurent » et « la rai¬
nage historique qui vécut au 14e siècle, le Nartes est un vaste ensemble de récits son se dissout», Radnóti recherche
prince Kraljevitch Marko. épiques originaux, relatifs à des héros fa¬ l'ordre et l'harmonie, comme en témoigne
buleux, les Nartes. Ecrits en prose et en le classicisme prononcé de sa poésie. Un
vers, Ils constituent une des les recueil de ses poèmes, Marche forcée sui¬
plus célèbres de la tradition des Ossètes, vi de Le mois des gémeaux, a été publié
ces derniers descendants des Scythes, dans la Collection en français en 1975.
qui furent refoulés par les grandes inva¬
^ Ce qu'ils nous racontent reflète la sen¬ sions dans les montagnes du Caucase. Le
sibilité d'une Europe essentielle et pro¬ grandiose, le pathétique et le comique se
fonde, porteuse de blessures longues à mêlent dans ces légendes où s'exprime
cicatriser. Plus de quarante ans se sont l'âme d'un très vieux peuple. La Collection
présente en français et en italien une sé¬
écoulés depuis la fin de la Seconde lection de ces récits traduits de l'ossète.
Guerre mondiale. Comment oublier le
Ci-dessous, détail de la couverture de la
martyre des hommes de culture froide¬ version italienne, I libro degli Eroi, Leg-
ment assassinés par les nazis ? Parmi gènde sui Narti.
eux, le poète hongrois Miklós Radnóti8,
tué après l'évacuation du camp où il était
détenu, l'écrivain roumain Benjamin
Fondane, surpris par l'occupation à Paris
et déporté à Auschwitz, le pédagogue
polonais Janusz Korczak9, gazé à Tré-
blinka avec les orphelins dont il avait la
garde, sans mentionner tous les autres
disparus dans ces terres gorgées de
larmes et de sang. Une nouvelle généra¬
tion d'écrivains s'affirme aujourd'hui
dans l'Est européen. Courageux et luci¬
des, ils nous restituent leur vision singu¬
lière d'une réalité complexe et mouvante,
tout en nous apportant l'espoir d'un âge
d'or où l'homme ne sera plus pour son
semblable un vil carnassier.
28
Couverture de David de Sassoun, épopée
médiévale arménienne, composée de
poèmes populaires anonymes d'un vigou¬
reux lyrisme, transmis par la tradition ora¬
le. Elle a été traduite en français dans la
Collection en 1964.
Jean-la-Grosse-Voix, tout joyeux, dit à son neveu : David lui dit : « Je me glisserai sous ton ventre. »
« David, Le cheval dit : « Je t'emmènerai par monts et par vaux;
Depuis le jour de la mort de ton père, et jusqu'aujourd'hui, Je te cognerai contre les arbres et contre les rochers et te
J'ai enfermé le cheval de Mehèr dans une grande écurie broierai. »
Dont j'ai barricadé la porte; je lui donnais le fourrage et David lui répondit : « Je me retournerai et je monterai sur
l'eau par la lucarne. tes reins. »
Par crainte du Mélik du Missir, je n'osais pas Le cheval lui dit alors : « Sacré phénomène !
Ouvrir la porte et faire sortir le cheval. » Soyons, toi mon maître et moi, ton cheval. »
Jean-la-Grosse-Voix emmena David David dit au cheval :
Et lui montra de loin la porte de l'écurie en disant : Tu n'avais plus de maître; c'est moi qui serai ton maître.
« David, le cheval de ton père est là-dedans; Il n'y avait plus personne pour te panser; c'est moi qui te
Si tu en es capable, va le tirer de là et sors-le. » panserai.
David enfonça la porte et pénétra à l'intérieur. Il n'y avait plus personne pour te donner à manger; c'est moi
A peine eut-il vu les armes de Mehèr, qui te nourrirai. »
Que le cheval les reconnut et en manifesta de la joie, Après quoi il se tourna vers Jean et lui dit : « Oncle,
En faisant des bonds et en hennissant. Je veux que tu me donnes la Selle Nacrée. »
David s'approcha du cheval, lui prit la crinière, Jean apporta la selle, tout en pensant en lui-même :
Lui caressa le front, lui caressa l'échiné.
« Quand Mehèr mettait cette selle sur le dos du cheval,
Le cheval le flaira et se mit à pleurer. Au moment où il serrait les courroies,
David sortit en tirant le cheval derrière lui.
Il soulevait de terre les deux jambes de devant du cheval. »
Quand ils furent hors de l'écurie, le cheval comprit que ce Il continua de penser : « Si David soulève les jambes du
n'était pas Mehèr. cheval,
Il donna un violent coup de pied sur le sol Qu'il aille se battre.
Et du feu jaillit de dessous son sabot. S'il ne les soulève pas, c'est qu'il ne peut pas y aller. »
Par la grâce divine, il se mit à parler et dit à David : David plaça la selle sur l'échiné du cheval,
« Créature terrestre, tu es poussière et je te ferai redevenir Et quand il serra les sangles,
poussière. Il souleva de terre les quatre pieds du cheval à la fois.
Que veux-tu me faire ? »
David lui répondit : « Je vais te monter ! » Extrait de David de Sassoun, épopée arménienne en vers. Traduc¬
Le cheval lui dit : « Je t'élèverai si haut
tion, introduction et notes de Frédéric Feydit; préface de Joseph
Que je te ferai toucher le soleil et te ferai brûler. » Orbéli. Paris, Gallimard, 1964.
29
La parole aux éditeurs
« Les éditions Allen & Unwin ont entre¬ taine de titres,* pour la plupart des ou¬
tenu de longues et fructueuses relations vrages de grande qualité qui, sans l'aide
avec l'Unesco en matière de publica¬ de la Collection Unesco, n'auraient pro¬
tions. Tout commença lorsque Sir Julian bablement jamais pu figurer sur notre
Huxley, le premier directeur général de catalogue. Sans vouloir établir des dis¬
l'Unesco qui s'enorgueillissait d'avoir w tinctions qui ne pourraient être qu'arbi¬
été à l'origine de l'introduction de la lettre traires, j'avoue néanmoins un penchant
S dans Unesco nous fit part d'un projet particulier pour The Gift of a Cow de
audacieux de publication d'une Histoire Premchand, pour More Tales from the
de l'Humanité en plusieurs volumes qui Masnavi, merveilleusement traduit du
romprait avec la tradition ancienne persan par A.J. Arberry, pour le grand
consistant à considérer l'histoire du classique arménien Daredevils of Sas-
monde d'un point de vue purement natio¬ soon (David de Sassoun), ainsi que pour
nal. Nous fûmes heureux d'avoir été l'élégante anthologie de poésie bengalie
pressentis pour l'édition de la version traduite par Deben Bhattacharya sous le
anglaise, bien que nous n'imaginions titre The Mirror of the Sky.
pas alors qu'il faudrait plus de vingt ans Aujourd'hui, notre série continue, bien
pour l'achever. Entretemps, surtout dans qu'à un niveau plus modeste, de bien
les années 60 et 70, la Collection Unesco servir la communauté internationale.
d'nuvres représentatives prenait de Nos plus récentes contributions au trésor
l'ampleur. Il s'agissait là d'un autre projet de l'Unesco ont été la première traduc¬
d'envergure mondiale qui avait pour ob¬ tion jamais réalisée du vieux classique
jet d'aider à mieux faire connaître les catalan, Curial and Guelfa et une nou¬
chefs-d'Juvre écrits dans des langues velle traduction de la mordante satire
de faible diffusion à un public anglo¬ d'un auteur tchèque plus proche de
phone plus vaste. De nombreux éditeurs nous, Carel Kapek : War with the
s'associèrent à cette action continue que Newts. »
Descendant de Tamerlan et de Gengls- Un recueil de contes khmers tiré d'une Ce Vietnamien âgé, ci-dessous, qui trace
Khan, le Sultan Zahlruddln Muhammad anthologie en langue khmère publiée en des caractères chinois, photographié à
Babur, parti d'Asie centrale, conquit l'Inde 1959 par l'Institut Bouddhique de Phnom- Saigon (aujourd'hui Ho Chi Minh-Ville) en
du Nord et y fonda, au 16* siècle, l'Empire Penh, aujourd'hui capitale du Kampuchea 1963, pourrait symboliser l'histoire de la
moghol. Ce redoutable chef de guerre était démocratique, a paru en anglais dans la tradition poétique au Viet Nam, dont offre
aussi un fin lettré. Il laissa des « Mémoi¬ Collection en 1972 sous le titre Mr Basket un aperçu /Anthologie de la poésie vietna¬
res » écrits en tchaghatay (« turc orien¬ Knife and Other Khmer Folktales. Cet ou¬ mienne (Le chant vietnamien Dix siècles
tal ») qui constituent un document histori¬ vrage a été Illustré par un jeune artiste de poésie), parue en français dans la Col¬
que et littéraire exceptionnel. Le livre de khmer, Sisowath Kulachad, dont l'un des lection en 1981. Le Han, ou chinois classi¬
Babur a été publié dans la Collection Unes¬ dessins est reproduit ci-dessus. que, autrefois langue de culture au Viet
co d'auvres représentatives en 1980. Ci- Nam, donna longtemps à la poésie savante
dessous, miniature du 15e siècle représen¬ sa rigueur formelle. Mais vers la fin du 18e
tant un guerrier moghol et son cheval, siècle, celle-ci se fondit avec la très an¬
tirée de /'Album du conquérant conservé cienne poésie populaire en une synthèse
au musée Topkapi à Istanbul. parfaite dont on peut dire qu 'elle marqua la
naissance du vietnamien moderne.
0. J
Im
MS<aicebhdn£ut Jy Si x&
&Ä
RPholatr vô-a *''*'' l
30
« Une région et une organisation inter¬
nationale. Le patrimoine littéraire et mon¬
dial. Ces deux principes sont à la base
d'une activité éditoriale décentralisée
qui, en quelques années, nous a permis
de constituer un catalogue dans seize
domaines linguistiques différents avec
près de deux cents titres, dont quatre ont
été proposés ou aidés par l'Unesco : Le
vent du nord-est (Malaisie); Le temps et
l'eau (Islande); Le grand appareillage
(Grèce) et Lillelord (Norvège). Et s'agis-
sant de quatre chefs-d'auvre, cela n'est
nullement négligeable. Nous sommes
fiers de ces quatre-là. Nous ne sommes
pas moins fiers des autres, de ceux qui
auraient pu, qui peut-être auraient dû,
prendre place dans la Collection Unesco
d'¬uvres représentatives. Dès lors,
nous appelons de tous nos voux une
extension de cette collection ... »
31
Notes
Notes de l'article d'Edouard J. Maunick, (1 6) Poèmes mystiques bengalis (Chants hauls) (Hàrà- de Lao Ts'an, parue en 1 964 dans la collection Connais¬
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«Universal Bibliothek, 8723.) Il en existe dans la Collec¬ (Mexique). Trans, and introduction by Edward Kissam par U Tche-houa et Jacqueline Alézaïs. Paris, Bibliothè¬
tion une traduction en anglais, ainsi qu'en français : and Michael Schmidt London, Anvil Press Poetry, que de la Pléiade, Gallimard, 1981. Tome 1, 1 638 p.;
Upanishads du yoga (sanskrit). Traduction et notes de 1977. 143 p. tome II, 1 640 p. (Roman.)
Jean Varenne. Paris, Gallimard, 1 971 . 1 75 p. Gallimard
(18) Mileva, Leda (Bulgarie). Le bel épouvantait. Tra¬ (7)Les hymnes spéculatifs du Véda (sanskrit). Traduc¬
(Collection Idées), 1974. 214 p. (Poèmes philosophi¬
duction de Jordanka Bossolova. Paris, Editions Saint- tion et notes de Louis Renou. Paris, Gallimard-Unesco,
ques.)
Germain-des-Prés, 1979. 60 p. (Poésie pour enfants.) 1956, 1979. 276 p. Réédition dans la collection de
(2) Kawabata, Yasunarl. Negerisalju (Yukigunl). Tra¬ grande diffusion Connaissance de l'Orient, Gallimard,
(19) Lahtela, Markku (Finlande). Je t'aime, vent noir
duit en indonésien par Anas Ma'ruf d'après la version 1985. (Poèmes védiques.) Est publié aussi en anglais,
(Rakastan sinua, musta tuuli). Avant-propos de Mirja
anglaise de Edward Seidensticker parue dans la Collec¬ dans la série « Sacred Books of the East » (Inde) sous
Bolgar; traduction de Lucie Albertlni, Eugène Guillevic
tion. Yogyarkarta, Pustaka Jaya, 1972. 147 p. (Roman.) le patronage de l'Unesco : Vedic Hymns (1967-68).
et Pertti Laakso. Paris, Obsidiana, 1982. 88 p., illus.
Outre des traductions en anglais et en italien de cette
(Poèmes.) [Edition bilingue.) (8) Zeaml. La tradition secrète du Nô (suivi de Une
«uvre dans la Collection, il en existe une en français :
journée de Nô). Traduction et commentaires de René
Pays de neige (Yukiguni). Traduction de Bunkichi Fuji¬ (20) Anthologie de la poésie nordique ancienne (Des Sieffert. Paris, Gallimard, 1960, 1979. 238 p. Réédition
mori et Armel Guerne. Paris, Albin Michel, 1960, 1968. origines à la fin du moyen âge). Traduction et préface de dans la collection de grande diffusion Connaissance de
253 p., illus. Renauld-Krantz. Paris, Gallimard, 1964. 276 p.
l'Orient, Gallimard-Unesco, 1985. Traduit aussi dans la
(3) Falz, Ahmed Faïz. Kétszerelem (ourdou). Traduit (21) Dante Alighieri (Italie). Vita nova. Introduction, Collection en italien : // segreto del teatro No (1 966), et
par Garai Gábor d'après la version anglaise de V.G. traduction, notes et appendices d'André Pézard. Paris, en danois : Den Hemmelige Tradition I Nô (1971).
Kiernan parue dans la Collection. Budapest, Europa Nagel, 1953. 253 p. ( poétique.) (9) Sel Shônagon. Notes de chevet (Makura no soshi).
Könyvkiado, 1979. 76 p. (Poèmes.) Cette suvre est
(22) Camôes, Luis de (Portugal). Les Lusiades (Os Traduction et commentaires d'André Beaujard. Paris,
également traduite dans la Collection de l'ourdou en
Lusiadas). Traduction de Roger Bismut. Paris, Société Gallimard, 1966, 1979. 326 p. Réédition dans la collec¬
français, sous le titre : Poèmes.Traduction et introduc¬
d'édition Les Belles Lettres (réédition), 1980. 391 p. tion de grande diffusion Connaissance de l'Orient, Galli¬
tion de Laiq Babree. Paris, Seghers, 1979. 119 p.
(Epopée.) mard-Unesco, 1 985. (Essai.) Traduit aussi dans la Col¬
(4) Aristote. Constitution d'Athènes (Dustur Al-Athi- lection en anglais : The Pillow Book (1967).
(23) La poésie arabe. Choix et préface de René Kha-
niyin). Traduction en arabe et notes du Père Augustin
wam. Paris, Seghers, 1960. 282 p., illus. (1 0) Contes du vampire (Vetala-pancavimsatika) (sans¬
Barbara. Beyrouth, Commission internationale pour la
krit). Traduction et notes de Louis Renou. Paris, Galli¬
traduction des chefs-d'tuvre, 1967. 189 p. (Traité.) (24) Anthologie de la poésie coréenne. Choix et traduc¬
mard, 1963, 1979. 232 p. Réédition dans la collection
tion de Peter Hyun et Hisik Mine. Paris, Librairie Saint-
(5) Sur Poets of Modem Greece. C. P. Cavafy, Anghelos de grande diffusion Connaissance de l'Orient, Galli¬
Germain-des-Prés, 1972. 200 p.
Sikelianos, George Seferis, D. I. Antoniou, Odysseus mard-Unesco, 1985. (Recueil narratif.)
.Poems from Korea. Selected and trans, by Peter
Elytis, Nikos Gatsos. Trans, by Edmund Keekey and
H. Lee. New York, John Day, 1964. 196 pp.; London, (11) Banerji, Blbhouti Bhousan. La complainte du
Philip Sherrard. London, Thames & Hudson, 1960. 192
Allen & Unwin, 1973; Honolulu, University Press of sentier (Patherpanchali) (bengali). Traduction de
p.; New York, Knopf, 1961. 192 p.
Hawaii, 1974. France Bhattacharya. Paris, Gallimard, 1969. 246 p.
(6) Voir supra, note (2). Réédition dans la collection de grande diffusion
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(7) Alelxandre, Vicente. (Espagne). Poésie totale. Tra¬ poétique entre les années 1900-1950. Dilbeek, Belgi¬
(Roman.) Traduit aussi en anglais dans la Collection :
duction et présentation de Roger Noël-Mayer. Paris, que, La maison du poète, tome III, 1 956, choix d'
Pather Panchali. Song of the Road, intégrale
Gallimard, 1977. 252 p. de 63 poètes de 34 pays différents, 346 p.; tome IV,
(1968).
(8) Anthologie de la poésie chinoise classique. Introduc¬ 1959, 72 poètes de 42 pays, 380 p.; tome V, 1961 , 75
tion de Paul Demiéville; choix de A. d'Hormon; traduc¬ poètes de 40 pays, 380 p.; tome VI, 1 963, 90 poètes de
tion par une équipe de traducteurs sous la direction de 45 pays, 395 p.
Paul Demiéville. Paris, Gallimard, 1962, 1978; Galli¬
mard (Collection Poésie), 1982. 571 p. Notes de l'article de René de Ceccatty,
(9) Anthologie de la poésie persane, 11°-20° siècles. page 12 .
Choix, introduction et notes de S. Safâ; traduction de G.
Lazard, R. Lescot et H. Massé. Paris, Gallimard, 1964. (1) Le dit du Genji (Genji monogatari). Traduction de
422 p. René Sieffert. Paris, Publications orientalistes de Fran¬
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(1 0) ¿a femme, le héros et le vilain (Khun Chang, Khun Notes de l'article d'Etiemble, page 9. (Roman du 1 1e siècle.) Traduit aussi en anglais dans la
Phèn) (Thaïlande). Traduction de J. Kasem Sibun-
Collection : The Tale of Genji (dernière édition, 1980).
ruang. Paris, Presses universitaires de France, 1960.
(1) Les contes du perroquet (Sukasaptati) (sanskrit).
160 p. (Poème populaire.) (2) Natsume, Sosekl. Je suis un chat (Wagahai wa
Traduction et introduction d'Amina Okada. Paris, Galli¬
neko de aru). Présentation et traduction de Jean Chol-
(11) Sosa, Roberto (Honduras). Un monde divisé pour mard, 1984. 194 p.
ley. Paris, Gallimard, 1978. 446 p. (Roman.) Traduit
tous suivi de Les pauvres (Un mundo para todos dividi¬
(2) Chatterji, Saratchandra. Shrikanto (bengali). Tra¬ aussi en anglais dans la Collection : / am a Cat : a Novel
do Los pobres); Préface et traduction de Joaquin
duction d'Anne-Marie Moulènes et Nandadudal Dé; (1971).
Medina Oviedo. Paris, Seghers, 1977. 111p. (Poè¬
introduction de Jean Tipy. Paris, Gallimard, 1985. 179 . Le pauvre c ur des hommes (Kokoro). Traduc¬
mes.) [Edition bilingue.]
P- tion de Horiguchl Dáigaku et Georges Bonneau. Paris,
(12) Paz, Octavio (Mexique). Selected Poems of Octa¬ Gallimard, 1957, 1979. 308 p. (Roman.) Traduit aussi
(3) Lie-tseu. Le vrai classique du vide parfait (Tchoung
vio Paz. Trans, by M. Rukeyser in collab. with the en anglais dans la Collection : Kokoro (dernière édition,
hiu-tchen king). Traduction de Benedykt Grynpas. Pa¬
author. Bloomington (Ind.), Indiana University Press, 1971).
ris, Gallimard, 1961. 226 p.; Gallimard (Collection
1 963. 171 p.; London, Jonathan Cape, 1 970 (under title
Idées), 1976. 282 p. (Traduction française et préface (3) Nagaî, Kafû. La Sumida (Sumidagawa). Traduction
Configurations).
rééditéees dans Philosophes taoïstes. Bibliothèque de de Pierre Faure. Paris, Gallimard, 1975. 160 p., illus.
(13) Words of Paradise (Poetry of Papua New Guinea). la Pléiade, Gallimard, 1980.) [Récits philosophiques.] (Roman.) Traduit aussi en anglais dans la Collection in
Ed., trans, and with a preface by Ulli Beier; illus. by Est publié aussi en anglais dans la Collection : Ueh- Kafu the Scribbler : The Life and Writings ofNagai Kafu
Georgina Beier. Melbourne, Sun Books, 1972; Santa tzu. The Book of Lieh-tzu (1 970). (1879-1959) (1968).
Barbara (Calif.), Unicorn Press, 1972, 1973. 107 p.
(4) Chen Fou. Récits d'une vie fugitive (Mémoires d'un (4) Tanizakl, Junichiro. Eloge de l'ombre (In'eiraisan).
(14) Vie et chants de Brug-pa Kun-legs le yogin. Tra¬ lettré pauvre) (Fou-cheng lieou-ki). Traduction de Jac¬ Traduction de René Sieffert. Paris, Publications orienta¬
duction de R. A. Stein. Paris, G. P. Maisonneuve et ques Reclus; préface de Paul Demiéville. Paris, Galli¬ listes de France, 1 977. 1 1 4 p. (Réflexions sur la concep¬
Larose, 1972. 442 p. mard, 1967. 189 p. tion japonaise du beau.)
(15) Three Contemporary Japanese Poets : Anzai Hl- (5) Lieou Ngo. Pérégrinations d'un clochard (Lao Ts'an (5) Abé, Kôbô. Trois de cet écrivain sont
toshi, Shiraishi Kazuko, Tanikawa Shuntaro. Trans, and Yeou Ki). Traduction de Cheng Tcheng; préface d'E¬ traduites en anglais dans la Collection : Inter Ice Age 4,
introduction by Graeme Wilson and Atsumi Ikuko. Lon¬ tiemble; avant-propos de Jacques Reclus. Paris, Galli¬ 1971; The Man who Turned into a Stick, 1977, et The
don, London Magazine Editions, 1972. 80 p; mard, 1984 (Collection Folio) [Réédition de L'odyssée Woman in the Dunes, 1980 (dernière édition).
32
(6) Matsuo, Bashô. Journaux de voyage (Mozaraski (8) Gahlz. Le livre des avares (Kitab al-bukhala). Tra¬ (13) Gulmaräes Rosa, Joäo (Brésil). Premières his¬
Kikô). Traduction de René Sieffert. Paris, Publications duction, introduction et notes de Charles Pellat. Bey¬ toires (Primeiras estôrias). Traduction d'Inès Oseki De-
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Onna). Traduction, préface et notes de Georges Bon- + 366 p. (Recueil d'anecdotes.)
(14) Dario, Rubén (Nicaragua). Rubén Darío. Présen¬
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Seghers, 1966. 191 p. (Poèmes.)
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didactique sur l'étiquette et la vie de cour.)
paru en 1686 3' année de l'ère Jôkyô) (Kôshoku
ichidai onna). Traduction, préface et annotations de (9)AI-Harlrl. Die Verwandlungen des Abu Seid von
Georges Bonmarchand. Paris, Gallimard, 1975, 1979. Serug (Maqamat). Stuttgart, Reclam Jun., 1 966. 222 p.
250 p. Traduit aussi dans la Collection en anglais : The (Traité.)
Life ofan Amorous Woman and Other Writings, 1 969, et Notes de l'article de Edgar Reichman,
(10) Al-Haklm, Tawflq (Egypte). Plays, Prefaces and
en serbo-croate : Zene Ijubavi, 1978. page 27.
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(8) Voir, ci-dessus, la note (8) de l'article d'Etiemble. (D.C.), Three Continents Press, 1981. 304 p.
(1) Petôfl, Sándor (Hongrie). Poèmes. Choix et pré¬
(11) Idrls, Yusuf (Egypte). The Cheapest Night and sentation de Jean Rousselot; traduction de G. Kassai et
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1978.196 p.
(2) Emlnescu, Mlhail (Roumanie). The Last Romantic :
(12) Hussein, Taha (Egypte). Au-delà du Nil. Textes Mihail Eminescu. trans, by R. MacGregor-Hastie. Iowa
Notes de l'article de Sophie Bessis, choisis et présentés par Jacques Berque. Traduction de city, University of Iowa Press, 1972. 129 p. (poésie.)
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Ba. Paris, Gallimard, 1965. 277 p. an-naharwal-lail). Traduction de Martine Faideau; pré¬ . Le peintre. Récit suivi de Fragments de journal.
face de Salah Stétié. Paris, Luneau Ascot Editeurs, Traduit du russe par Guillevic et Jacqueline Lafond.
(2)Kunene, Mazlsl. Anthem of the Decades (A Zulu 1982. 277 p. (Poèmes.) Paris, Gallimard, 1964. 195 p.
Epic) (iNkhlokomo yeMinyaka). Trans, by the author.
London, Ibadan, Nairobi and Johannesburg, Heine- (14) As-Sayyâb, Badr Châker (Iraq). Le golfe et le (4) Alelchem, Cholem. Tévié le laitier (Tewje der mil¬
mann, 1981. 312 p. fleuve. Traduction et présentation d'André Miquel. Pa¬ chiger). Traduit du yiddish par Edmond Fleg. Paris,
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by the author. London, Ibadan, Nairobi, Lusaka and (15) Darwlsh, Mahmoud. Rien qu'une autre année violon sur le toit. 186 p. (Roman.)
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tomes : tome 1, 333 p.; tome II, 280 p.; tome III, 332 p.
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Nouvelles hongroises. Anthologie des XIXe et XX*
(2) Concolorcorvo [Alonso Carrló de la Vandera] siècles. Présentation d'Aurélien Sauvageot; préface
(Pérou). Itinéraire de Buenos Aires a Lima (Lazarillo de d'Andréas Diószegi; traduction sous les auspices de la
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Charles V. Aubrun; introduction de A. Uslar-Pietri; pré¬ Mejak; notices biographiques de Zlata Cognard; traduc¬
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(Relation de voyage.) [Edition bilingue] études de l'Amérique latine, 1966. 239 p., carte.
Nouvelles tchèques et slovaques. Textes choisis par
(2) Ibn Hauqal. Configuration de la terre (Kitab surat (4) Isaacs, Jorge (Colombie). Maria. Traduction de les soins de la Commission nationale tchécoslovaque
a/-ardj.lntroduction et traduction de J.H. Kramers et Mathilde Pomès; préface d'Edmond Vandercammen. pour l'Unesco; préface d'Adolf Hoffmeister; traduction
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London, Peter Owen, 1979. 174 p. (Roman.) Une anthologie de poésie orale des ethnies du
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Paris, Maisonneuve et Larose, 1951. XXVI + 65 p. héros sans aucun caractère) [Macunaïma (O heroi sem Une anthologie de poésie tchèque et slovaque
(Conseils d'un mystique Soufi.) [Edition bilingue.] Tra¬ nenhum carácter)]. Traduction de Jacques Thiérot; pré¬ Les grandes pages de l'Islam
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O Disciple l Hijo /, 1 951 . 249 p. (Roman.) peul
33
1986: Année de la paix/1
m)
montre, a-t-il été d'abord souligné, qu'il davantage les barrières de l'intolérance
est fallacieux de penser que nous individuelle et collective. Si cette liberté,
connaissons une période de paix depuis d'un point de vue éthique, appartient, par
que la Seconde Guerre mondiale a pris essence, à chaque homme, elle est aussi
fin et que certains pays possèdent l'arme une responsabilité pour chaque Etat. Il
nucléaire. Certes, l'équilibre de la terreur faut donc chercher en permanence à
fait régner la paix entre des Etats situés, parvenir à un équilibre, simultané et réci¬
essentiellement, dans l'hémisphère proque, entre les droits de l'homme, pour
Nord. Mais jamais autant qu'aujourd'hui chaque individu, et les droits des peu¬
la guerre n'a sévi dans un si grand ples, pour toutes les nations, à un équi¬
nombre de pays de l'hémisphère Sud. libre entre les besoins matériels et spiri¬
Qui plus est, dans beaucoup de ceux-ci tuels de tous les hommes, entre le déve¬
la famine, depuis une dizaine d'années, synonyme de mort, le stade intermé¬ loppement économique et technique et
est responsable d'une moyenne an¬ diaire que serait une simple survie maté¬ le développement culturel et politique,
nuelle de 60 millions de morts. rielle de l'humanité ne saurait être entre l'être et l'avoir.
Il apparaît donc que la paix ne saurait confondu avec le vrai visage de la paix. De l'avis unanime, la réalisation d'une
être assimilée à une absence, ici ou là, C'est l'homme vivant, dans sa totalité paix indivisible dans l'esprit et la pratique
de guerre : la paix véritable ne peut être physique et spirituelle, qui est et doit des hommes consistera à démilitariser
qu'indivisible. Compte tenu de la puis¬ rester au centre de tout projet d'une paix nos cultures tant individuelles que collec¬
sance de destruction des armes nucléai¬ mondiale authentique. Il n'était pas inu¬ tives, nos visions conflictuelles des
res, qui rend désormais possible l'anéan¬ tile de le rappeler au moment où la mise saines oppositions et différences, nos
tissement de l'humanité, la notion de paix au point de l'arme neutronique permet, jugements manichéens, nos connais¬
universelle n'est plus un idéal mais bien par une étrange perversion, de sauver sances partielles et donc partiales.
une condition de la survie de l'espèce les biens matériels en éliminant les hom Tous les participants ont souligné éga¬
humaine. mes. lement le rôle central dévolu aux organi¬
Les participants ont insisté sur le fait Aussi fallait-il s'interroger à la fois sur sations du système des Nations Unies
qu'entre l'état de paix, avec la plénitude les attitudes éthiques et les actions dans cette recherche d'un équilibre mon¬
active qu'il suppose, et l'état de guerre, concrètes nécessaires à la patiente dial et d'une paix durable.
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Yaounde ; Librairie « Aux messageries », avenue de la Liberté, Walkinstown, Dublin 12. Tycooly International Publ Ltd, 6 Brogatan 26 Box 62-101 20 Stockholm.
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