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Collection dirigée
par Christophe André
www.odilejacob.fr
ISSN : 1620-0853
EAN : 978-2-7381-9648-4
Le code de la propriété intellectuelle n'autorisant, aux termes de l'article L. 122-5 et 3 a, d'une part, que les « copies ou
reproductions strictement réservées à l'usage du copiste et non destinées à une utilisation collective » et, d'autre part, que les
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représentation ou reproduction donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L. 335-2 et suivants du Code de la propriété
intellectuelle.
DÉJÀ PARUS
« Je sors du métro et je me dis que je passerais bien acheter des gâteaux au supermarché du coin.
J’entre et fais le tour du rayon mais, pas de chance, je ne trouve pas les gâteaux dont j’avais envie.
Catastrophe, je vais devoir passer devant l’agent de sécurité sans avoir rien acheté et, c’est sûr, je vais
rougir. Je cogite en me dirigeant vers la sortie. J’approche du vigile et, en moins de deux secondes, me
voilà changée en tomate alors que je n’ai vraiment rien à me reprocher. Je n’ose pas le regarder, je suis
sûre qu’il a repéré ma gêne. Dehors, j’ai envie de piquer un sprint pour qu’il ne me rattrape pas ! »
Banal et bénin pour la plupart d’entre nous, ce scénario relaté par Déborah peut résonner comme un
cauchemar récurrent pour certaines personnes qui vivent dans la crainte quotidienne du regard ou du
jugement de l’autre. Même si tout le monde a déjà ressenti au moins une fois de la gêne, voire de la honte
dans des situations sensibles, la crainte obsédante de rougir en public est très différente en intensité de
ces expériences ponctuelles et vite dépassées. Et elle peut constituer un vrai handicap dans la vie
quotidienne. Il en est de même pour d’autres craintes liées au regard de l’autre, comme la peur de
trembler, de transpirer, de bégayer ou tout simplement d’être la cible de l’attention d’autrui.
Le terme ancien d’éreutophobie, qui désigne cette peur du rougissement, commence à être connu par
les principaux intéressés, notamment grâce à plusieurs sites Internet qui lui sont consacrés1. Mélange de
réactions corporelles intenses et de fixations anxieuses envahissantes, ce trouble à la fois physique et
psychique reste grandement méconnu et négligé par les médecins et les psychologues. Les personnes qui
en souffrent ont beaucoup de mal à en parler, et vont donc très rarement consulter pour ce motif. Notre
pratique de thérapeutes spécialisés dans les troubles anxieux nous a pourtant convaincus qu’il était
essentiel et possible de traiter le mal en amont, tôt dans son évolution, pour éviter parfois des années de
souffrance et de complications.
Vous êtes peut-être, comme Déborah, concerné par ce problème, et nous avons donc souhaité mettre à
votre disposition une méthode pratique qui s’inspire des thérapies efficaces dont nous avons l’expérience
depuis plusieurs années. Elle est applicable par vous-même, dans la vie quotidienne, et pourra réellement
vous aider à mieux gérer vos rougissements et le regard des autres.
Il ne s’agit pas de « trucs » plus ou moins magiques pour vous empêcher de rougir du jour au
lendemain, il n’en existe pas. Pas non plus de moyens artificiels pour masquer les rougeurs : ils sont peu
fiables et ne font, en général, qu’aggraver le sentiment d’impuissance et donc le problème de fond.
En revanche, nous vous proposons de combattre l’éreutophobie et les autres formes de « timidité
corporelle » à l’aide d’exercices et d’outils à appliquer au quotidien, en y consacrant un peu de temps et
d’énergie. Cela dans le but d’améliorer grandement votre bien-être et votre qualité de vie sociale et
personnelle.
Après un premier tour d’horizon du problème, nous vous expliquerons comment utiliser ces
techniques pour combattre votre stress social et vos rougissements. Pour en profiter au mieux, il est
préférable de lire une première fois l’ensemble du livre du début à la fin, puis de revenir sur les
différents chapitres afin de « travailler » un à un les outils proposés.
La plupart des consignes données et des exemples décrits concernent la peur de rougir en public, et
donc l’éreutophobie. Ils s’appliquent cependant très bien aussi aux autres craintes liées au regard de
l’autre : peur de trembler, peur de transpirer, peur de produire des bruits inconvenants (digestifs), voire
des odeurs, peur parfois d’avoir un visage grimaçant malgré soi. Il suffit alors de remplacer le symptôme
« rougissement » par celui qui vous concerne le plus, en appliquant les méthodes exactement de la même
façon.
Nous espérons que vous retrouverez ainsi rapidement le plaisir de vivre des situations simples sans
stress ni contrainte, en étant réellement vous-même et ouvert aux autres, ce qui sera très certainement une
fort belle récompense !
Avant d’aborder les méthodes de changement, il est très utile de connaître les bases physiologiques et
psychologiques du rougissement et de l’éreutophobie.
Émotions et attention
Il faut ajouter deux fonctions de notre corps qui jouent un rôle fondamental aux côtés du système
nerveux autonome : les émotions et l’attention.
Le système émotionnel capte des informations de l’extérieur (conversation avec un ami, visage d’un
bébé, chanson à la radio, etc.) ou de l’intérieur (vos pensées ou des souvenirs par exemple) et réagit très
vite par une sensation subjective comme la tristesse, la peur ou la colère. Il réagit aussi par des
changements corporels : pleurs, mimique effrayée, accélération du cœur. Ces réactions sont extrêmement
rapides, non volontaires et non conscientes. Il vous est sûrement arrivé de vous surprendre en train de
sourire, un peu béatement, devant un feuilleton peu spirituel, mais dans lequel vous êtes « entré » un peu
malgré vous. La même chose peut se produire avec des scènes émouvantes ou qui provoquent
insidieusement une réaction de tristesse involontaire. De même, la vue d’un visage de bébé provoque
presque automatiquement une imitation de l’émotion exprimée sur son visage ; cette capacité d’imitation
existe d’ailleurs dès la naissance, car elle fait partie des savoir-faire très basiques de notre cerveau.
Le système attentionnel est un peu différent, car il comporte deux modes de fonctionnement, l’un
automatique et l’autre volontaire. L’attention est un peu comme une lampe-torche ou un spot lumineux qui
éclaire une « zone » de notre activité mentale, et qui peut être tournée vers l’intérieur de soi et/ou vers
l’extérieur. Cet éclairage accru permet à notre cerveau et à notre intelligence de réunir encore plus
d’informations, de les retenir plus longtemps et donc de résoudre efficacement un problème plus ou moins
complexe : comprendre une question, analyser une situation, prendre la bonne décision, apprendre
quelque chose, etc. En lisant un livre, en regardant un film ou en discutant, notre attention est en général
presque complètement concentrée sur l’histoire, les personnages que nous regardons ou les sons que nous
entendons. À d’autres moments, en révisant par exemple seul un exercice avant un examen ou un texte
avant de jouer un rôle au théâtre, notre attention peut être entièrement tournée vers cet apprentissage au
point de négliger tous les bruits ou mouvements extérieurs à soi. Il arrive aussi que toute notre attention
soit attirée par notre corps lui-même, par exemple quand une migraine tenace ou une brûlure très
douloureuse nous empêche de penser à quoi que ce soit d’autre.
En temps normal cependant, l’attention se répartit sur plusieurs cibles différentes en même temps, ce
qui est bien utile par exemple pour conduire en écoutant la radio et en cherchant son chemin ou en
discutant avec un passager. Comme la lumière, l’attention peut être diffuse sur l’ensemble du décor, sans
effort ni contrôle particulier, automatiquement, mais à tout moment elle peut être dirigée par la volonté ou
par un facteur extérieur qui va concentrer le spot sur un élément précis, intérieur ou extérieur à soi. Nous
reviendrons plus tard sur cette question de l’attention car une bonne partie de la méthode de traitement de
l’éreutophobie que nous présenterons s’appuie sur ce système.
Surprises, surprises…
Le rougissement se trouve au carrefour des trois systèmes que nous venons de décrire : le système
nerveux autonome, les émotions et l’attention. Le système nerveux autonome est responsable de la
dilatation des petits vaisseaux de la face et de l’augmentation de la circulation sanguine au niveau du
visage. Il peut être déclenché par de très nombreux facteurs internes et externes : chaleur, exercice
physique, position (tête en bas), blocage de la respiration, etc. Mais le rougissement peut être également
déclenché par les deux autres systèmes, les émotions et l’attention.
Les liens sont naturellement évidents entre le rougissement et des émotions comme la honte, la colère,
la peur, le plaisir, etc. Les rapports entre rougissement et attention sont moins évidents et pourtant
essentiels. La plupart des éreutophobes disent qu’une des circonstances dans lesquelles ils rougissent le
plus souvent est l’effet de surprise, lorsqu’on s’adresse à eux de manière inopinée, sans prévenir, ou
lorsqu’un sujet « sensible », une question intime notamment, surgit tout à coup dans une conversation
jusque-là banale. Il s’agit alors d’une réaction d’hyperattention brutale, qui met en action tous les
éléments du système nerveux autonome car notre cerveau a détecté, en un éclair sans que nous ayons eu le
temps d’analyser la situation, une menace potentielle.
Chez chacun d’entre nous, le système nerveux autonome sert en effet à alerter et protéger l’organisme
contre les dangers qui peuvent le menacer. Une émotion de peur (ou de stress, d’angoisse ou toute autre
sensation négative) surgit et s’accompagne de signes physiques de préparation à l’action pour combattre
ou fuir : le cœur s’accélère, les muscles se tendent, la respiration se modifie et… un rougissement peut
apparaître. L’organisme répartit en effet la circulation du sang différemment selon les organes et leur
utilité en cas de danger : moins dans les extrémités qui deviennent froides (contraction des vaisseaux), et
plus dans certaines régions comme le cerveau et les joues (peut-être parce que la vasodilatation concerne
l’ensemble de la tête).
En même temps, il existe une augmentation intense et en général transitoire de l’attention, une
véritable réaction de sursaut. Habituellement, tous ces signes d’alerte retombent très vite après une
analyse consciente de la situation qui conclut à l’absence de problème réel et dangereux. Seulement, si on
est un peu ou très éreutophobe, se déclenche alors toute une cascade de réactions en chaîne qui
aboutissent au maintien d’une attention anormale et excessive, qui explique l’autoaggravation du
rougissement.
Court-circuit
Le système nerveux autonome, le système émotionnel et le système attentionnel sont en fait très
proches les uns des autres : leurs centres de contrôle sont situés dans les mêmes régions du cerveau, et ils
partagent certains de leurs câblages et de leurs messagers chimiques. Ceci a pour but de faciliter leur
collaboration rapide, mais cette proximité a probablement tendance aussi à entraîner des « courts-
circuits » ou des erreurs d’aiguillage.
Retenons pour l’instant que la rougeur des joues est un signe banal et absolument normal de
réaction du corps et/ou du cerveau, mais qu’il est sous le contrôle de nombreux facteurs différents,
dont les émotions et l’attention. Cette complexité fait que le rougissement est parfois bien difficile à
comprendre, même (et surtout) quand on y pense tout le temps.
Enfin, le rougissement du visage peut jouer un rôle dans la relation entre deux personnes qui se
parlent, puisqu’il est visible par l’autre. Dans certains cas, cette réaction peut être comprise comme un
message adressé à l’autre involontairement, pour l’informer sur l’état émotionnel ou psychologique dans
lequel nous sommes, en particulier l’embarras, la gêne ou parfois le plaisir et l’excitation. Nous sommes
là dans le domaine de la communication émotionnelle, source également de nombreux courts-circuits
potentiels…
Les personnes qui rougissent accordent beaucoup d’importance au jugement d’autrui sur leur
apparence et, le rougissement étant porteur d’un message d’embarras et de gêne, elles ont tendance
à surveiller en permanence les signes qui pourraient annoncer une rougeur. Elles développent ainsi
une autoattention, automatique et peu consciente, qui est un des éléments essentiels de
l’éreutophobie et des traits de personnalité des éreutophobes.
Ceci permet de comprendre que l’éreutophobie n’existe pas chez l’enfant de moins de 3-4 ans, qui
n’a pas conscience que les autres individus ont une image de lui-même. En revanche, beaucoup
commencent à en souffrir à l’adolescence, période à laquelle l’image que l’on veut donner à autrui
occupe une place fondamentale dans la construction de sa personnalité de futur adulte.
Flush royal
Certaines personnes présentent des rougissements très bien dessinés, toujours aux mêmes endroits. Ils
peuvent être limités aux joues, avec des frontières nettes entre le rouge et le blanc. Assez souvent, ils
s’étendent au cou, aux épaules et au haut du torse. On parle souvent dans ce cas d’un « érythème
pudique » car il va jusqu’au décolleté des dames, et est associé dans la psychologie commune à la
timidité féminine. Les rougeurs peuvent être continues et homogènes, ou se présenter sous forme de
« plaques » qui ressemblent un peu à des éruptions allergiques ou à de l’urticaire. Certains éreutophobes
connaissent parfaitement, par habitude, les localisations de leurs rougeurs, et peuvent les dessiner les
yeux fermés. Même si tout n’est pas très clair dans ces réactions, la géographie de ces rougissements
s’explique par des particularités des vaisseaux des régions concernées qui sont, chez certaines personnes,
très facilement dilatés et visibles du fait de la finesse de la peau. Rien de magique donc…
Quand les rougissements surviennent très brutalement, envahissent une bonne partie du visage et
d’autres zones voisines avec une sensation de chaleur intense, on parle souvent de « flush ». Le
terme médical est « bouffée vasomotrice ». Là encore, absolument rien d’anormal dans la grande
majorité des cas : les flushs sont provoqués le plus souvent par des émotions intenses et/ou par la
chaleur (surtout les changements de température), le stress, l’exercice physique, etc.
Et les animaux ?
Curieuse question en apparence : les animaux rougissent-ils ? Évidemment non car aucun n’a la même
peau que la nôtre, mais le problème n’est pas là, car nous sommes des animaux ! Selon les théories de
l’évolution (Darwin), la plupart de nos comportements ont été modelés et sélectionnés au fil du temps, de
génération en génération, pour assurer la survie de notre espèce. Nous gardons au fond de nous certaines
traces de conduites qui ont été utiles à nos ancêtres et à leurs prédécesseurs. Parfois, ces traces se
réveillent et prennent une place excessive, alors qu’elles ne correspondent plus ni à notre fonctionnement
cérébral actuel ni à notre civilisation moderne. D’où certaines « frictions », voire certaines pathologies.
Une telle analyse peut s’appliquer en partie au rougissement. Les chercheurs en éthologie (la science
qui étudie le comportement des animaux pour en comprendre les mécanismes et les buts) se sont aperçus
que certaines attitudes de l’homme pouvaient se retrouver chez les grands singes, qui sont les espèces de
mammifères les plus proches de la nôtre au niveau relationnel. Face à un individu « dominant » du même
groupe, un singe inférieur doit baisser le regard pour montrer sa soumission et éviter ainsi un affrontement
perdu d’avance. Des telles réactions de gêne se retrouvent fréquemment chaque fois qu’un individu se
sent en situation d’infériorité après avoir commis ce qu’il considère comme une faute. En plus de baisser
les yeux, les singes « coupables » font une grimace de rire un peu forcé et crispé, qui est également un
signal de renoncement au combat.
Même s’il ne s’agit que d’hypothèses difficiles à confirmer, il est possible que cette réaction de
soumission ait été conservée dans le patrimoine génétique de l’être humain. Elle avait en effet un rôle
essentiel chez nos lointains ancêtres préhistoriques : structurer la hiérarchie sociale, avec des chefs
assurant la sécurité et l’ordre de la tribu, et éviter des combats fratricides répétés. Le rougissement peut
être une des traces de ces signaux de soumission et de renoncement au combat chez les humains, car il est
souvent associé au fait de baisser le regard et d’exprimer un visage gêné (sans aller jusqu’aux grimaces
de nos cousins les singes, en général !). Le message véhiculé inconsciemment et automatiquement à
l’autre serait quelque chose comme : « J’avoue, j’ai mal agi, tu as raison, je laisse tomber, je te laisse
juge, etc. » Pas étonnant alors que le rougissement soit assimilé non seulement à l’embarras mais aussi,
chez certaines personnes, aux sentiments de honte, de culpabilité, de faiblesse et d’infériorité.
D’autres explications éthologiques du rougissement pourraient cependant être avancées. Le fait de
rougir pouvant faire partie des signes de colère, on pourrait par exemple penser que l’on rougit pour faire
peur à l’autre et montrer son agressivité au moment d’une confrontation et d’un rapport de forces. La
plupart des patients éreutophobes à qui nous avons soumis cette hypothèse ont du mal à y adhérer ! Autre
idée possible : pour la plupart des psychanalystes, le rougissement est la manifestation (involontaire) de
l’attirance et de l’excitation sexuelle, notamment chez la femme, et pourrait donc s’inscrire dans une sorte
de parade de séduction. Là aussi cette explication, qui a probablement un sens chez certaines personnes,
est loin de s’appliquer à la majorité, d’après nos nombreuses observations et les témoignages que nous
avons reçus. En allant encore plus loin dans les analogies animales, les femelles babouins rougissent
pendant les phases d’ovulation, et un poisson du delta du Niger (le pelmato) affiche un rougissement de
l’abdomen lors des parades amoureuses. Mais ne nous égarons pas !
Il est possible de combattre, grâce à votre intelligence et au contrôle que vous pouvez avoir sur
une partie de vous-même, les conséquences pénibles des réactions automatiques et involontaires de
votre corps.
Ce sont ces mécanismes psychologiques qu’il faut comprendre et combattre pour lutter
efficacement contre le « mal ». Ceci implique de bien analyser toutes les composantes de l’anxiété
sociale et de l’éreutophobie, aussi bien ce qui se passe en soi que ce qui se passe dans les échanges
avec les autres.
Je ne pense qu’à ça
Consciemment ou non, une grande part de l’esprit des éreutophobes avant ou pendant une rencontre
est occupée par le risque de rougir, et cette obsession envahit toute la pensée et l’attention à la moindre
alerte. Cette tendance est renforcée par l’idée que les rougissements peuvent survenir effectivement à tout
moment, et encore plus facilement quand on les redoute. Vouloir se forcer à ne pas y penser revient en fait
à y penser encore plus.
Croyances
Les cinq ingrédients que nous avons décrits sont de nature différente, puisque certains
concernent des aspects physiques et émotionnels, et d’autres des aspects intellectuels et
psychologiques. Ils sont pourtant intimement liés les uns aux autres. C’est pour cela que nous
préférons en général ne pas nous prononcer sur la nature plutôt physique ou psychologique de
l’éreutophobie. S’il le fallait, nous la définirions comme physio-psycho-cognitivo- émotionnelle…
mieux vaut laisser tomber !
1- K. Domschke et al., « Blushing propensity in social anxiety disorder : influence of serotonin transporter gene variation », J. Neural.
Transm., 16 juillet 2008.
2- M.R. Leary et al., « Social blushing », Psychol. Bull., 1992, 112 (3), p. 446-460.
Chapitre 2
Évaluez
votre peur de rougir
Il est important de disposer de repères permettant d’évaluer votre éreutophobie au départ et son
évolution au fil du temps. Elle existe en effet à des degrés variables, certaines formes étant très intenses,
d’autres moins. Les changements que l’on peut espérer se font en général progressivement, avec une
diminution d’intensité au fil des jours et des semaines. Il est donc très utile que vous puissiez évaluer
cette intensité et ces changements, pour savoir où vous en êtes et si vous avancez dans le bon sens.
Naturellement, vous savez globalement si votre éreutophobie vous fait souffrir ou non, et vous savez
sûrement quel objectif vous voulez atteindre. Mais ce jugement général n’est pas assez précis pour
refléter le problème dans sa diversité et bien définir les éléments à combattre. Les mécanismes
psychologiques et physiques de l’éreutophobie interagissent les uns avec les autres, mais ils peuvent
évoluer différemment dans le temps. Il faut donc analyser séparément chacune de ces dimensions.
Vous pourrez revenir régulièrement à cette partie du guide quand vous aurez commencé les exercices,
pour faire le point.
Quand vous aurez répondu à chacune des questions, calculez votre score en additionnant les points de
vos six réponses. Si ce score est inférieur à 6, votre éreutophobie est légère. Entre 6 et 12, vous souffrez
d’une éreutophobie modérée. Entre 13 et 24, votre éreutophobie est intense.
Ne remplissez pas ce questionnaire tous les jours, cela n’apporterait rien, mais par exemple tous les
mois ou tous les deux mois pour suivre votre évolution, en notant les résultats, avec la date, sur une
feuille que vous conserverez dans ce guide.
1. À quel point votre esprit est-il occupé, dans une journée type, par la peur de rougir ?
Occupé tout le temps ____________________________ Jamais occupé
2. À quel point essayez-vous d’éviter les autres ou leur regard ?
Évitement total si possible ______________________ Aucun évitement
3. Quel degré de crainte avez-vous de l’appréciation ou du jugement des autres sur vous-
même ?
Crainte extrêmement forte ______________ Absolument aucune crainte
4. Comment considérez-vous les personnes qui rougissent en public ?
Jugement très négatif ______________________ Jugement très positif
Les méthodes que nous vous proposons dans les chapitres suivants visent en fait à rapprocher vos
points des extrémités de droite, afin de combattre les ingrédients de votre éreutophobie. En refaisant ce
test au fil des semaines, vous pourrez constater quels sont les domaines dans lesquels vous avez
progressé, et quels sont ceux sur lesquels il faut encore travailler. Les chapitres correspondant à ces
quatre domaines sont les suivants :
question 1 : chapitre 3 (« Plus vers l’autre, moins vers soi ») ;
question 2 : chapitre 5 et 7 (« Affronter ses peurs » et « Affirmez-vous ») ;
questions 3 et 4 : chapitre 6 (« Tout ce qu’il faut vous dire à vous-même »).
Chapitre 3
Plus vers l’autre,
moins vers soi
Toutes les peurs sociales sont liées à une crainte excessive du regard de l’autre. Pour surmonter cette
peur, nous allons d’abord travailler sur votre propre attention, parce que son rôle est central et parce
qu’elle est relativement accessible à la volonté.
Attention à l’autoattention !
Nous avons vu les liens très importants entre attention et rougissement au chapitre 1. Reprenons les
points essentiels :
le rougissement du visage est souvent une réaction qui accompagne une émotion (surprise, honte,
anxiété, plaisir, etc.) ; les émotions entraînent en général une augmentation d’attention car elles
servent de système d’alerte ou d’alarme pour l’organisme ;
par ailleurs, toute augmentation de la vigilance et de l’attention peut produire, chez certaines
personnes en tout cas, un rougissement des joues, car le corps est alors « stimulé » dans son
ensemble ;
pour une personne qui souffre d’éreutophobie, une attention quasi permanente est portée
automatiquement, un peu comme une tache de fond sur un ordinateur, sur les risques de
rougissement ; en cas de début de « crise » de rougeur, cette attention est encore plus forte et une
émotion négative peut alors survenir très brutalement (anxiété, honte, colère, etc.), augmentant du
même coup le niveau général de vigilance.
Lorsqu’on n’est pas éreutophobe, les débuts de rougissement sont inévitables car normaux et non
contrôlables, mais ils « s’éteignent » très vite, puisque rien ne contribue à leur maintien. En cas
d’éreutophobie cependant, un véritable cercle vicieux peut se déclencher : quel que soit le point
d’allumage (une pensée, une sensation, un regard, etc.), il va s’autorenforcer et donner au « rougisseur »
une impression d’impuissance totale, avec comme seules échappatoires possibles la fuite ou mourir sur
place…
Car aucun des éléments de ce cercle vicieux n’est directement contrôlable par la volonté. En effet, les
émotions et la vigilance sont gérées surtout par le système nerveux « autonome », c’est-à-dire
automatique, indépendant du contrôle volontaire. Plus nous souhaitons contrôler nos émotions et notre
rougissement, plus nous ressentons de la colère, de l’anxiété ou de la honte de ne pas y parvenir, et plus
l’émotion négative et les signes physiques risquent de s’accentuer. Ce phénomène est connu de tous les
éreutophobes : « Plus j’y pense, plus je rougis. »
Les choses sont un peu différentes pour l’attention. Nous pouvons, dans certaines conditions,
maîtriser volontairement notre attention. Nous pouvons par exemple décider d’augmenter notre niveau
d’attention lorsqu’il le faut : marcher droit sur un tronc d’arbre qui surplombe une rivière, conduire sur
autoroute par temps de pluie, lire un texte compliqué et essayer de l’apprendre par cœur, tout ceci
nécessite un effort mais qui est possible durant un certain temps. À l’inverse, on peut décider à d’autres
moments de se « laisser aller », de se détacher de tout, de somnoler, voire de s’endormir, ce qui
correspond cette fois à une diminution de la vigilance et de l’attention.
Le problème est que ce contrôle volontaire et actif entre en concurrence dans notre organisme avec un
contrôle automatique, couplé au système des émotions. Celui-ci est bien utile quand il faut réagir
immédiatement à un danger vital, avant que nous ayons le temps d’analyser consciemment la situation, ou
lorsque nous devons nous lever le matin pour être à l’heure au travail même si le réveil n’a pas sonné.
Ces « réflexes » attentionnels sont d’autant plus puissants que les émotions qui les accompagnent sont
fortes, et ils prennent alors largement le dessus par rapport à notre contrôle volontaire : impossible de
s’endormir en pleine phase de colère, de peur, et même de joie et de plaisir. Il est donc illusoire de tenter
de somnoler lors d’une poussée de rougissement…
Si la quantité totale d’attention n’est pas facile à moduler, un autre élément l’est beaucoup plus : la
direction de l’attention. Notre cerveau a en effet la capacité de faire varier la cible de notre attention un
peu comme le faisceau lumineux d’une lampe torche. Elle peut être focalisée à un moment donné sur un
point, par exemple sur la page que nous lisons ou le trottoir sur lequel nous marchons, et à un autre
moment sur un décor beaucoup plus large comme lorsque nous sommes face à la mer, captant tous les
éléments visuels, sonores ou olfactifs de la scène sans en privilégier aucun. La direction de l’attention
est, elle aussi, soumise à des réflexes de base, ce qui nous permet de nous concentrer de manière très
rapide sur un élément pertinent de l’environnement. Cependant, le contrôle exercé par la volonté peut
prendre le dessus dans un deuxième temps, même si c’est au prix d’un effort intense et aussi d’un
entraînement régulier.
Un peu d’assouplissement
En plus des situations que vous allez rencontrer naturellement, faites cet exercice au moins une fois
dans chacune de ces situations :
a. non sociales (à faire seul) : marche dans la rue pendant deux minutes, conduite de votre voiture,
douche ou bain, brossage des dents, dans votre lit au coucher et au réveil, lecture d’un livre ou d’un
journal ;
b. sociales peu stressantes : écoute de la radio (la cible L’AUTRE est alors le journaliste), télévision
(idem), discussion banale avec des proches, famille ou collègues avec lesquels vous vous sentez
bien ;
c. sociales stressantes : discussion avec des proches sur des sujets sensibles, discussion avec des
personnes qui vous impressionnent ou que vous ne connaissez pas.
Rappelez-vous bien que, à ce stade, l’objectif n’est pas du tout de modifier votre comportement ou
vos émotions, mais seulement d’observer ce qui se passe et d’estimer le plus précisément possible la
répartition attentionnelle entre les trois cibles.
Exercice 3 : maîtrisez votre attention quand vous êtes avec les autres
L’étape suivante est de continuer à « travailler » le déplacement de l’attention entre différentes cibles,
mais cette fois dans des situations avec contact social. L’objectif est, là aussi, de vous entraîner à passer
d’une cible à l’autre, avec maintenant les trois cibles : VOUS, L’AUTRE et le DÉCOR. Les exercices
doivent toujours durer quelques minutes au total, en faisant passer le pourcentage d’attention maximale
sur vous-même, puis sur vos interlocuteurs, puis sur l’environnement pendant environ une minute à chaque
fois.
Naturellement, la difficulté risque d’être plus grande lorsqu’il sera question de vous concentrer sur la
cible L’AUTRE, car le réflexe habituel quand on est anxieux est d’éviter le regard de l’autre et de
surveiller à l’excès ses propres réactions, de rougissement notamment. Pour faciliter les choses, il est
donc nécessaire de commencer ces exercices en choisissant des situations peu anxiogènes pour vous : par
exemple, lorsque vous n’êtes que spectateur d’une situation sociale (plusieurs personnes parlant entre
elles, enseignement ou spectacle auquel vous assistez) ou lorsque vous parlez de choses banales avec vos
proches en toute confiance. Ces situations risquent moins de générer une réaction anxieuse, et l’enjeu de
l’échange est minime donc le fait d’être un peu occupé à faire l’exercice n’aura pas d’incidence sur votre
relation avec l’interlocuteur. Si, malgré tout, vous ne parvenez pas à faire cet exercice correctement au
départ (c’est-à-dire à obtenir par exemple au moins 50 ou 60 % d’attention sur les personnes),
commencez par vous entraîner devant la télévision ou la radio, en imaginant que les personnes filmées ou
enregistrées sont réellement proches de vous.
En plus d’augmenter la « flexibilité » attentionnelle, cet exercice est fondamental pour vous préparer
à affronter ensuite les situations plus stressantes. Il vise d’une part à être beaucoup plus présent dans la
relation, et donc probablement plus performant dans la communication ; d’autre part à vous éviter une
autoattention qui a toujours comme conséquence d’augmenter l’anxiété et donc les risques de
rougissement. L’essentiel, quand vous décidez de diriger votre attention vers L’AUTRE, est de tout faire
pour vous concentrer sur son discours, son attitude, son regard, etc. S’il vous est difficile de regarder
dans les yeux votre interlocuteur, vous pouvez commencer par faire attention d’abord à son visage, voire
à ses vêtements, ce qui sera moins anxiogène. Il faut également vous concentrer sur ce qu’il vous dit ou
vous demande, seul moyen de pouvoir comprendre et répondre de manière adaptée.
La cible L’AUTRE comporte un aspect qui vous concerne directement : le sujet de la conversation. Si
vous êtes impliqué dans l’échange, tout ce que vous pensez ou ce que vous dites entre alors dans le cadre
de cette cible, et il est important d’y consacrer la plus grande part de votre attention. Quand c’est à votre
tour de parler, votre attention se porte en grande partie sur ce que vous dites, mais aussi un peu sur les
réactions immédiates de l’autre pour les comprendre rapidement et en tenir compte. Tous ces éléments
font partie de la cible L’AUTRE, qui doit représenter dans l’idéal au moins 80 % de votre attention.
La cible VOUS doit en revanche être la plus limitée possible, à moins de 15 % par exemple. Les
éléments de cette cible, dont il faut détourner votre attention, sont notamment :
vos sensations de chaleur du visage, ou d’autres manifestations physiques de stress (tremblement des
mains ou de la voix, transpiration, douleurs, etc.) ;
toutes vos pensées et surtout vos interprétations et ruminations sur ces réactions ;
toutes vos interprétations et anticipations sur l’éventuel jugement de l’autre sur ces réactions ; il faut
vous intéresser aux réactions objectives et visibles de l’autre sur votre discours, et non à vos
suppositions sur son jugement potentiel…
Naturellement, vos réflexes d’autosurveillance ne vont pas disparaître d’une minute à l’autre, et il
faut donc vous entraîner assez régulièrement à cette nouvelle gymnastique attentionnelle dans des
situations peu stressantes d’abord.
L’objectif n’est pas de faire tomber la cible VOUS à 0 %, mais de faire en sorte par exemple que les
sensations de chaleur du visage que vous risquez de capter par habitude se limitent à une intrusion très
brève dans votre esprit, quelques secondes au maximum, ou ne persistent qu’à un niveau très faible en
« tache de fond », non dérangeant d’un point de vue émotionnel.
Cette étape d’entraînement est probablement l’une des plus importantes, il faut donc ne pas hésiter à y
consacrer du temps, avec des exercices réguliers et nombreux pendant plusieurs jours, voire plusieurs
semaines. Il est fondamental de ne pas vouloir aller trop vite vers l’exercice suivant, à aborder
uniquement quand vous vous sentirez à l’aise avec le déplacement attentionnel dans les situations sociales
peu stressantes. Ceci est très important pour éviter de se décourager ou de s’en vouloir à tort : il y aura
toujours des situations plus difficiles que d’autres, et l’essentiel est de progresser petit à petit en
« travaillant » des situations modérément anxiogènes puis plus délicates.
Le tableau ci-dessous vous aidera à suivre un programme de travail progressif, étape par étape.
Cochez une case de la colonne de gauche chaque fois que vous aurez réalisé un « entraînement » dans la
situation concernée. Notez très succinctement les résultats obtenus (« réussite ») par rapport aux objectifs
chiffrés proposés. Répétez ces exercices autant de fois que nécessaire, et ne passez à la catégorie
suivante que lorsque vous maîtrisez bien la précédente.
L’objectif de ces exercices, à ce stade, n’est absolument pas de ne pas rougir ! Le seul
paramètre à prendre en compte ici est votre capacité à modifier votre répartition attentionnelle, en
augmentant celle qui porte sur l’échange social et en réduisant celle qui porte sur vous-même. La
réussite d’un exercice et le souvenir à en garder doivent donc se baser uniquement sur l’attention et
non sur le rougissement.
Les exercices attentionnels que nous avons présentés doivent être pratiqués de manière spécifique au
cours des premiers jours, afin de mettre en place de nouveaux réflexes, mais ils se conçoivent également
comme des principes de base à utiliser lors de tous les contacts sociaux dans la vie quotidienne. Vous
devrez ainsi les avoir en tête lorsque vous aborderez les autres chapitres et donc les autres méthodes
proposées. La technique de déplacement attentionnel pourra vous servir durant toute votre vie, et des
séances de rappel reprenant activement les exercices 3 et 4 seront probablement utiles de temps à autre
en cas de retour inopiné des vieux réflexes d’autoattention.
Chapitre 4
Apprendre à se relaxer
L’apprentissage d’une méthode de relaxation peut être très utile pour combattre les rougissements et
les autres expressions corporelles de l’anxiété et de la timidité. Avec plusieurs objectifs :
faire baisser votre niveau général de stress grâce à une pratique régulière ;
se préparer, grâce aux techniques de visualisation, à affronter une situation redoutée et à mettre en
pratique un exercice d’exposition (chapitre 5) ;
vous aider à mieux supporter une crise de rougissement ou de transpiration en ayant un meilleur
contrôle sur votre corps.
Une condition est essentielle pour parvenir à ces résultats : maîtriser parfaitement la technique
pour pouvoir l’appliquer très rapidement, automatiquement. Et ceci passe forcément par un
entraînement très régulier. Comme les méthodes attentionnelles, la relaxation peut contribuer à
augmenter votre sentiment de contrôle sur ce qui se passe en vous, et donc votre confiance en vous
contre les rougissements. Il faut cependant y consacrer du temps et de l’énergie.
Un des éléments les plus importants de la relaxation est l’apprentissage du contrôle respiratoire, qui
peut conditionner tout le reste.
Avant de débuter, faites une transition entre votre activité précédente et votre exercice de
relaxation. Laissez-vous un moment pour prendre conscience de vos tensions musculaires. Installez-
vous dans un endroit propice, à l’abri des distractions, ou vous ne risquez pas d’être dérangé.
Prenez une position confortable et fermez les yeux. Adoptez une attitude passive et détachée, libre
de préoccupations concernant votre performance de relaxation ; n’essayez pas de vous relaxer de
force ! Une fois bien installé, suivez les étapes que voici :
1. Pour commencer, prenez trois inspirations abdominales profondes. Expirez lentement. Tentez
de vous imaginer que les tensions de votre corps commencent à diminuer doucement. Respirez
par le nez et expirez plus longtemps que vous n’inspirez. Vous constaterez qu’une légère
tension se trouve associée à l’inspiration et que la détente vous vient de l’expiration.
Concentrez-vous et faites en sorte que vos respirations soient aussi agréables que possible.
2. Serrez vos poings pendant 7 à 10 secondes. Par la suite, relâchez-les
pendant 15 à 20 secondes. Utilisez les mêmes délais pour les autres muscles. Après chaque
exercice, prenez bien conscience du relâchement de vos muscles.
3. Tendez vos biceps en dirigeant vos avant-bras vers vos épaules, pour gonfler vos biceps.
Relâchez.
4. Tendez vos triceps en dirigeant vos bras bien droits vers le sol et en bloquant votre coude.
Relâchez.
5. Tendez les muscles de votre front en essayant de lever vos sourcils le plus haut possible.
Relâchez.
6. Tendez les muscles de vos paupières en les fermant serrées. Relâchez.
7. Tendez vos mâchoires en ouvrant grand votre bouche. Relâchez.
8. Tendez les muscles de votre cou en penchant votre tête vers l’arrière, comme si vous vouliez
vous toucher le dos avec la tête. Faites ce mouvement doucement et avec précaution afin de ne
pas vous blesser.
9. Tendez vos épaules en les remontant, comme si vous vouliez qu’elles touchent vos oreilles.
Relâchez.
10. Tendez les muscles aux abords de vos omoplates en poussant vos omoplates vers l’arrière,
comme si vous vouliez qu’elles se touchent. Relâchez.
11. Tendez les muscles de votre poitrine en prenant une inspiration profonde et en la
retenant 10 secondes, puis expirez lentement. Imaginez que votre excès de tension est expulsé
avec votre expiration.
12. Tendez les muscles de votre estomac en contractant votre ventre vers l’intérieur. Relâchez.
13. Tendez le bas de votre dos en décrivant doucement un arc vers l’arrière. Relâchez. Évitez cet
exercice en cas de douleurs lombaires.
14. Tendez les muscles de vos fesses en les serrant l’une contre l’autre. Relâchez.
15. Serrez les muscles de vos cuisses. Relâchez.
16. Tendez les muscles de vos mollets en pointant vos orteils (vers le haut). Relâchez.
17. Tendez les muscles de vos pieds en recourbant vos orteils (vers le bas). Relâchez.
Imaginez que la relaxation s’étend lentement à tout votre corps et prenez quelques inspirations
profondes. Si vous vous laissez distraire, si votre esprit vagabonde, ne vous en faites pas. Ramenez
uniquement votre concentration sur votre respiration. Ne vous obligez pas à vous relaxer : laissez-
vous aller. Quand vous serez prêt à mettre fin à l’exercice, ouvrez les yeux et dégourdissez-vous.
Prenez encore une ou deux grandes respirations et revenez graduellement à un état d’esprit alerte.
Après un entraînement répété, vous devriez pouvoir obtenir une relaxation de tout le corps beaucoup
plus rapidement qu’au début de votre apprentissage. L’état de bien-être peut même se déclencher en
quelques secondes, avec comme « signal » un ralentissement de la respiration ou une phrase particulière.
Ainsi, quelle que soit la situation, vous pourrez faire baisser la pression et garder une sensation de
contrôle sur votre corps, et en partie sur vos émotions. Gardez cependant à l’esprit que l’objectif de la
relaxation n’est pas de supprimer les rougissements, donc laissez de côté la chaleur ou la couleur de vos
joues ! L’essentiel est de faire baisser la pression, de retrouver une certaine sérénité et ainsi de pouvoir
rester en contact avec la réalité extérieure.
S’exercer à la visualisation
À la pratique de la respiration et de la relaxation, il peut être utile d’associer la visualisation d’une
scène paisible. Une fois relaxé, toujours les yeux fermés, il suffit de vous imaginer dans un endroit
plaisant, symbole de détente et de bien-être, loin de toute pensée anxieuse. Cet endroit peut être une plage
tranquille, un torrent dans la montagne, un lac, ou encore un endroit familier comme votre chambre, ou un
fauteuil au coin du feu un soir d’hiver. Ce lieu peut être réel ou imaginaire. L’essentiel est que la scène
comporte suffisamment de détails pour qu’elle capte votre attention. Laissez-vous absorber par votre lieu
paisible, plongez au plus profond de cet océan de détente, et observez les résultats : vos tensions
musculaires disparaissent, votre cœur est calme, votre respiration est lente et profonde.
Voici deux exemples de visualisations paisibles :
Vous marchez pieds nus sur une magnifique plage déserte. Vous sentez un fin sable blanc caresser vos pieds le long de la
mer. Vous pouvez entendre le doux flux et reflux des vagues sur la plage. Le son est hypnotique, vous relaxant de plus en plus.
La mer est d’une extraordinaire couleur bleu turquoise. À l’horizon, vous apercevez un petit bateau navigant au vent. Le bruit
des vagues vous plonge de plus en plus profondément dans la relaxation. À chaque inspiration, vous sentez l’air frais et salé de
la mer, et à chaque expiration vous sentez la détente vous envahir. Le soleil réchauffe agréablement votre peau. Vous ressentez
une légère brise passer dans vos cheveux. Revoyant la scène dans son intégralité, vous êtes parfaitement calme et détendu.
Vous êtes allongé sur une herbe incroyablement verte et luxuriante. La fin de journée approche. Le soleil, qui descend petit
à petit, vous réchauffe de ses rayons. Le ciel est rempli d’ombres pastel, orange et roses. Vous pouvez sentir le parfum enivrant
des fleurs. Vous entendez le doux bruit de l’eau de la rivière. Vous êtes confortable, en sécurité.
La description de ces deux scènes fait appel à tous les sens (vue, ouïe, toucher et odorat).
L’utilisation de mots multisensoriels rend la scène visualisée plus complète, permettant de l’expérimenter
comme si vous y étiez. Le principal objectif est de vous transporter de votre état normal vers un état
profond de relaxation.
Vous pouvez créer votre propre scène. Prenez le temps de la décrire avec le plus de détails possible.
Comme pour les exercices de relaxation, n’hésitez pas à l’enregistrer et laissez-vous guider.
Chapitre 5
Affronter ses peurs
L’éreutophobie est avant tout une phobie, et nous allons donc aborder maintenant un aspect essentiel
de la résolution de toutes les phobies : l’exposition. Derrière la crainte de rougir en public, se cache la
peur des autres. En général, lorsqu’une chose nous fait peur, un regard par exemple, nous avons une
tendance naturelle à la fuir. La fuite n’est pas une mauvaise réaction en soi, notamment lorsqu’il existe un
réel risque de blessure ou d’agression. En revanche, la meilleure stratégie face à un objet redouté mais
non réellement dangereux n’est pas la fuite mais la confrontation, car l’évitement ne fait qu’accroître la
peur. Un peu à l’image de Patrick, dont le rougissement devenu insupportable lors des réunions d’équipe
l’avait conduit à éviter tout contact avec ses collègues :
« Au début, je me suis dit que cela allait passer avec le temps. Mais rien n’y faisait. Les mois passaient et je me sentais de
plus en plus mal à l’aise lorsque je devais prendre la parole lors des réunions. Dans ces moments, je sens la chaleur se
propager sur mon visage ; j’ai l’impression que je vais éclater et que tout le monde me scrute. Un jour où je me sentais un peu
plus déprimé, j’ai décidé de ne pas y aller. Et là, ce fut l’engrenage. Depuis, j’ai toujours une bonne excuse pour ne pas y aller.
Mais je vois qu’avec le temps, c’est de plus en plus difficile. Et si on me demandait demain de retourner dans une réunion, je
crois que cela serait insupportable… »
Chez Patrick comme chez toutes les personnes souffrant de phobie, la situation n’est plus redoutée
parce qu’elle est vraiment dangereuse, ce qui serait une réaction logique et utile, mais elle est redoutée
parce qu’elle provoque de la peur (ou des rougissements dans le cas de l’éreutophobie). La peur et ses
manifestations pénibles constituent en fait le seul vrai danger de la situation, ce qui ne peut que provoquer
un cercle vicieux : je ne veux pas rougir parce que je me sens mal quand je rougis, parce que je ne veux
pas rougir…
L’organisme ne peut changer ses réflexes de peur qu’en se confrontant à la réalité d’une absence de
danger réel. La méthode que nous vous proposons donc pour apprendre à surmonter vos peurs est une
méthode comportementale très efficace : l’exposition. Elle consiste, avec certaines règles très précises, à
affronter progressivement sa peur pour se désensibiliser de celle-ci, comme on traite les allergies. Au
début, l’exposition peut être un peu inconfortable, car il ne s’agit pas d’une démarche naturelle. Mais il
est maintenant temps de changer vos (mauvaises) habitudes d’évitement !
• Quantifiez de façon précise votre niveau d’anxiété pour chaque situation. Pour cela, vous allez
utiliser ce que l’on appelle une « échelle subjective d’anxiété ». Elle est subjective car elle ne prend en
compte que ce que vous ressentez vous-même. Cette échelle est graduée de 0 à 10, avec tous les degrés
intermédiaires. Le niveau 0 correspond à une sensation de grand calme et de sérénité absolue, le
niveau 10 à la pire angoisse que vous ayez déjà vécue ou que vous pouvez imaginer. Les degrés
intermédiaires correspondent à une anxiété croissante ; par exemple le niveau 5 pour une angoisse
moyenne, avec des signes possibles de panique débutante, mais qui vous paraissent contrôlables.
Les degrés de cette échelle sont bien des niveaux d’anxiété et non de rougissement. Il faut évaluer
l’angoisse maximale que vous ressentiriez face à telle personne ou tel groupe, en sachant que vous
risquez de rougir, puisque ce risque existe toujours potentiellement. Par exemple, pour la situation « Je
pose une question au professeur (ou à mon patron) », essayez de vous représenter votre niveau d’anxiété
face au professeur, notamment en cas de sensation de rougissement très intense. Nous disons sensation
pour vous rappeler que le rougissement n’est en général pas évaluable directement par vous-même.
Attribuez ainsi une note de 0 à 10 à chacune des situations de votre liste, en sachant que plusieurs
situations peuvent avoir la même note. Les situations qui ne déclenchent absolument aucune anxiété
(niveau 0) peuvent être supprimées de votre liste.
• Classez les situations de la plus difficile à la plus facile en fonction des niveaux d’anxiété que vous
aurez déterminés. Comme Patrick, utilisez un tableau comme ci-dessous pour hiérarchiser vos situations.
Comment s’exposer ?
La méthode d’exposition consiste à se confronter progressivement aux situations de la liste, de la
moins angoissante à la plus angoissante. Il s’agit donc de faire des « exercices » d’exposition, qui sont
des efforts spécifiques que vous n’auriez pas faits habituellement et qui vont vous prendre du temps, pour
la bonne cause !
Le principe de cette méthode, qui repose sur des données scientifiquement établies, est que l’anxiété
ressentie dans une situation donnée ne peut que s’atténuer avec le temps si rien n’est fait pour la faire
disparaître artificiellement. Il s’agit d’un processus naturel d’habituation, qui s’explique par deux
mécanismes :
• l’extinction : une réaction d’angoisse ne peut pas être maintenue au même niveau pendant une
période très longue, car elle consomme de l’énergie (en adrénaline notamment) et l’organisme l’« éteint »
au bout d’un certain temps pour s’économiser ;
• la désensibilisation : l’exposition prolongée à une situation considérée initialement comme
dangereuse permet d’atténuer les réflexes de peur grâce à une confrontation à la réalité (absence de
dommages réels) ; en dehors de la gêne que vous ressentez subjectivement, il ne se passe rien de vraiment
dangereux quand on vous regarde rougir.
1. Soyez patient. Il est important de prendre le temps nécessaire à un changement en profondeur, même
s’il est lent. Vos « mauvaises » habitudes sont probablement très anciennes, elles ne peuvent donc
pas disparaître en quelques jours. Pour vous encourager, prenez bien conscience de vos réussites,
aussi petites soient-elles à vos yeux, et félicitez-vous, car personne ne le fera à votre place. Vous
pouvez vous en sentir fier. Rappelez-vous de ce que vous faites aujourd’hui en comparaison de ce
que vous faisiez il y a quelques jours ou quelques semaines encore. Cette prise de conscience
régulière vous permettra de relativiser et d’être aussi peut-être plus tolérant avec vous-même.
Dans tous les cas, ne vous trompez surtout pas d’objectif : le but des exercices d’exposition
n’est pas d’arrêter de rougir immédiatement ni de vous sentir tout de suite très à l’aise et performant
dans vos relations avec les autres. Le seul objectif est de vous confronter au regard de l’autre sans
vous en protéger et suffisamment longtemps pour vous y habituer, en étant rouge ou pas.
L’évaluation en fin d’exercice doit donc porter exclusivement sur votre anxiété (à quel niveau était-
elle ? a-t-elle baissé un peu ?) et votre comportement général (suis-je resté comme je l’avais
prévu ? ai-je pu parler normalement aux gens ?). En aucun cas, vous ne devez vous critiquer si vous
pensez avoir rougi, ni essayer d’imaginer tout ce que les autres ont pu penser de vous et de votre
émotivité éventuelle. Basez-vous uniquement sur le résultat objectif de la situation et sur le
comportement réel des interlocuteurs : que vous ont-ils dit ? se sont-ils moqués de vous ? ou au
contraire avaient-ils l’air satisfaits et vous ont-ils considéré comme toutes les autres personnes
présentes ?
Les mots qui font du bien : 25 formules pour garder le bon cap
Quand on redoute particulièrement une situation, il est fréquent de se sentir assailli de « mauvaises
pensées », en général automatiques et basées sur des croyances négatives profondes que l’on a sur soi-
même et sur les autres (cf. chapitre 6). Ces pensées négatives ont l’inconvénient majeur de nous
décourager à agir en amplifiant outre mesure les risques encourus : « Tu vas te planter », « Ça ne sert à
rien », « Tout le monde va se moquer de toi ». L’idéal serait de faire taire cette mauvaise propagande,
mais ceci est un peu vain car les réflexes de pensée sont en général bien ancrés. En revanche, il peut être
utile de développer des pensées plus positives, avec un contenu bien défini pour servir d’auto-injonction
et faciliter l’action et les expositions prévues. Ces pensées positives vont venir « concurrencer » les
slogans toxiques, et normalement prendre le dessus petit à petit. Plutôt que la méthode Coué négative que
vous appliquez malgré vous, choisissez de retourner la mécanique à votre avantage.
Nous vous conseillons d’écrire ces pensées positives sur une feuille que vous garderez sur vous.
Certaines personnes ont toujours la même formule leur servant de « potion magique », d’autres en ont
toute une liste. À vous de voir. Vous trouverez ci-dessous des exemples de pensées positives souvent
utilisées, réparties en trois catégories selon le moment où elles doivent être activées.
Avant l’exposition
– « Aujourd’hui, je m’autorise à aller un petit peu au-delà de ma zone de confort. »
– « Face à ma peur, c’est le meilleur moyen de dépasser mon anxiété. »
– « À chaque fois que je choisis de faire face, je fais un pas supplémentaire pour me libérer de ma
peur. »
– « En franchissant cette étape, je serai capable de faire ce dont j’ai envie. »
– « Quoi qu’il se passe, ce que je fais est très bien. »
– « Quoi que je fasse, je fais de mon mieux. »
– « Il est toujours possible de recommencer si nécessaire. »
Pendant l’exposition
– « Je l’ai déjà fait, je peux le refaire. »
– « Vas-y doucement. Il n’est pas nécessaire de forcer. »
– « Je peux faire quelques respirations de temps en temps. »
– « Rien de grave ne peut arriver. »
– « Je prends mon temps et je fais uniquement les choses pour lesquelles je me sens prêt. »
– « Ça va aller. J’ai déjà réussi auparavant. »
– « Je n’ai pas à être parfait. Je reste humain. »
– « Je peux penser que je suis dans mon lieu de détente comme je l’ai appris. »
– « Je peux réévaluer mon niveau d’anxiété à tout moment, et arrêter un peu si nécessaire. »
– « Plus je pratiquerai, et plus cela sera facile. »
À quoi s’exposer ?
Nous avons parlé dans ce chapitre de la nécessité de se confronter aux autres pour réduire les peurs
sociales. Mais la notion de « confrontation » aux autres est un peu trop générale, et il faut préciser les
éléments clés auxquels il est bon de s’exposer : les yeux de l’autre, le regard de l’autre sur vos émotions,
et le regard de l’autre sur votre éreutophobie.
Les yeux dans les yeux
L’échange de regards directs entre deux personnes peut paraître très banal, car il est au centre de tout
contact social. Or c’est souvent le moment le plus angoissant et insupportable pour les personnes
souffrant d’anxiété sociale et d’éreutophobie. Ceci s’explique en partie par des raisons d’ordre
biologique, car le regard direct entre deux individus est porteur d’agressivité dans le règne animal (le
prédateur fixe sa proie avant de la dévorer, le primate dominé baisse le regard face au dominant). Il se
peut qu’il reste un peu de cette trace éthologique dans la phobie du regard chez l’homme. Plus
concrètement, regarder l’autre « dans les yeux » n’est pas seulement voir les yeux de l’autre, mais c’est
surtout voir l’autre qui vous regarde, et voir l’autre qui vous voit le regarder. Ce jeu subtil et complexe
de miroirs et de communication réciproque peut être très agréable et recherché (dans le rapport amoureux
notamment), mais il est vécu par certaines personnes comme très intrusif et en tout cas comme une
évaluation ou un rapport de forces : lequel cédera le premier ? Vais-je l’impressionner ? Va-t-il voir que
je me sens faible ? Etc.
La plupart des phobiques évitent le regard direct, et ils évitent même de fixer les yeux d’un visage sur
une photo, comme l’ont montré certaines de nos recherches à la Pitié-Salpêtrière. Les personnes qui ont
peur de rougir savent bien qu’elles peuvent parfois échapper à un flush en évitant de croiser les yeux d’un
interlocuteur vécu comme impressionnant. Or cet évitement artificiel (il n’est pas naturel de parler à
quelqu’un sans le regarder) peut apporter un soulagement transitoire mais renforce la sensation de
vulnérabilité et donc la peur dans les situations similaires à venir. Là aussi, l’évitement renforce la peur
et il faut donc s’exposer plutôt que fuir.
Pour cela, utilisez la même procédure que décrite précédemment : une confrontation progressive mais
prolongée et répétée. Le but n’est bien sûr pas de scruter longuement et impoliment les yeux de toutes les
personnes que vous croisez, mais de vous rapprocher le plus possible des comportements « normaux ».
Dans une conversation habituelle, selon la proximité entre deux personnes et le contexte, on échange des
contacts directs pendant environ 30 à 60 % du temps. Le reste du temps, on regarde ailleurs, pour
réfléchir, surveiller les alentours, et ne pas monopoliser l’attention de l’autre de manière autoritaire. Vous
devez donc parvenir à ce résultat, d’abord avec les personnes qui vous angoissent peu (parfois
l’évitement se fait par réflexe ou habitude), puis progressivement avec toutes les autres. Ceci peut
demander des efforts soutenus et difficiles, car la gêne est souvent très ancienne, et des rougissements
peuvent naturellement survenir plus souvent. Mais cette confrontation est essentielle pour progresser,
notamment dans tous les exercices d’exposition que vous pourrez faire par ailleurs. Vous exposer à
l’autre dans des conversations, prises de parole en public ou dans des situations de performance risque
d’être sans effet thérapeutique si vous n’échangez pas vraiment de regards, que vous ne vous « livrez »
pas vraiment (ce qui implique aussi bien de montrer votre regard que de voir celui de l’autre avec les
signes d’un jugement éventuel).
En vous exposant petit à petit au regard des autres, vous pourrez désensibiliser votre phobie des yeux
mais aussi modifier la lecture profonde que vous en faites : l’échange de regards est en réalité beaucoup
moins « à risque » que ce que vous redoutez. Regarder l’autre dans les yeux n’est ni un signe de
provocation, agressive ou de séduction, ni une porte ouverte sur vos émotions ou votre inconscient. C’est
juste un comportement normal et conventionnel de communication, qui ne peut rien révéler de vous
profondément.
Si vous éprouvez réellement beaucoup de difficultés à fixer vos interlocuteurs dans les yeux,
constituez une liste hiérarchique dans laquelle les premières étapes seront d’abord des photos et les
images de la télévision (fixez la présentatrice dans les yeux pendant deux minutes, en imaginant que c’est
une personne réelle), puis en trouvant des exercices un peu similaires dans la vie quotidienne. Il peut
s’agir de vous rapprocher des yeux en regardant d’autres zones du visage, puis les paupières, puis le
regard direct quand ceci sera moins angoissant.
Soyez déterminé
En plus de l’effet favorable sur votre peur, ce changement d’habitude peut être fondamental
pour l’image que les autres ont de vous, et donc ensuite sur l’image que vous avez de vous-même.
Rougissante ou pas, une personne qui regarde dans les yeux est forcément plus convaincante et
proche que quelqu’un qui baisse ou détourne le regard. Le rougissement sera beaucoup plus souvent
interprété comme un signe de gêne s’il s’accompagne d’autres signes de manque de confiance en
soi, alors qu’il peut être complètement négligé si la personne se montre engagée dans l’échange et
ferme dans ses positions.
Vous pourrez constater que dire les choses que vous ressentez n’est jamais un signe de faiblesse
ou de vulnérabilité mais plutôt de maturité et de capacité d’adaptation. Cette démarche de
« révélation de soi » a aussi un intérêt non négligeable dans votre relation avec l’autre : elle montre
que vous lui faites confiance, et peut aussi le mettre plus à l’aise en lui épargnant des efforts pour ne
pas montrer qu’il a repéré votre gêne éventuelle.
Naturellement, les règles d’une exposition efficace s’appliquent ici comme ailleurs : progressivité et
endurance. L’objectif n’est pas d’aller crier sur la place publique ou à la télévision que vous rougissez et
que vous en souffrez terriblement. Il faut établir une liste hiérarchisée d’interlocuteurs potentiels, et
préparer des propos et des questions que vous pensez adaptés à ces interlocuteurs, en commençant par les
conditions les plus faciles. Voici quelques exemples d’exercices à effectuer, a priori des plus faciles aux
plus difficiles même si cet ordre peut être modifié pour vous :
– à un(e) ami(e) de confiance (qui sait garder les secrets !) : « Tu sais, je ne t’en ai jamais parlé, mais
tu as dû voir que je rougis souvent et, en fait, ça me gâche un peu la vie. Qu’en penses-tu ? »
– au parent dont vous vous sentez le plus proche : « Au fait, tu as déjà remarqué que je rougis
facilement ? Je sais que ça a l’air banal mais pour moi c’est un peu obsédant et assez gênant avec les
autres » ; et pour aller un peu plus loin : « Ça me fait du bien d’en parler car c’est un sujet sensible et ça
m’angoisse de ne pas savoir ce qu’en pensent les autres, pourrais-tu m’aider en me donnant ton point de
vue ? »
– à un collègue ou une simple connaissance : « Tu as déjà entendu parler d’éreutophobie ? Je crois
que j’ai un peu ça et j’essaie de m’en débarrasser. »
Le plus délicat dans ce que l’on pourrait appeler un « rouging out » est naturellement la première
révélation, les suivantes sont beaucoup plus faciles en général. Si un abord direct du problème vous
semble impossible, même avec des personnes très proches, commencez par des moyens indirects :
évoquez la question à propos d’une autre personne (« Tu as vu Sophie, elle rougit souvent, ça ne doit pas
être évident »), ou montrez au départ un article ou un site sur le sujet. Évidemment, l’objectif doit être
ensuite de parler de vous et de votre vécu personnel du problème, mais une étape intermédiaire peut vous
permettre d’oser aborder la question.
Enfin, des solutions plus externes sont possibles si toutes les autres ont échoué : en parler d’abord à
un professionnel (médecin généraliste, psychiatre, psychologue), car vous pourrez être certain qu’il ne
portera aucun jugement personnel sur votre problème et qu’il est tenu au secret médical. Ou encore vous
connecter à des sites et forums développés par et pour les personnes souffrant d’éreutophobie1. De
manière anonyme bien sûr, vous pourrez alors parler de votre problème pour la première fois et être
écouté (ou plutôt lu) par des personnes que vous savez bienveillantes car partageant les mêmes
souffrances. Cette formule connaît un certain succès car, outre l’effet « rouging out », elle permet de créer
un esprit de communauté et d’entraide réconfortant, basé notamment sur les échanges d’expériences et
l’identification aux autres. Bien sûr, il est nécessaire d’utiliser ces outils comme des étapes de
progression, afin de ne pas rester enfermé dans cette communauté qui conforterait en fait un sentiment
d’exclusion vis-à-vis du reste du monde.
Une communication directe à propos des problèmes de rougissement et d’émotivité, en face à
face avec des personnes réelles, est toujours l’objectif essentiel à atteindre.
Comme pour les autres expositions dont nous avons parlé, le but est de vous confronter à des
situations qui peuvent vous faire rougir, mais progressivement. Il va donc falloir trouver, au départ, des
personnes face auxquelles le fait de rougir ne vous dérange pas trop et ne vous angoisse pas trop.
L’objectif sera de rester présent le plus longtemps possible, sans chercher à cacher vos rougeurs ni à
penser à autre chose : « Je suis rouge, ça se voit, je le sais, mais je continue à communiquer avec les
autres. »
C’est à ce prix que le signal d’alarme du rougissement deviendra moins perturbant. Petit à petit, votre
organisme ne déclenchera plus une angoisse extrême et interminable lorsque vous sentirez les premiers
signes de chaleur ou lorsque vous imaginerez que vous risquez de rougir devant les autres. Vous allez
réaliser (et le vivre physiquement, c’est le plus important) que vous pouvez supporter le regard d’autrui
en étant rouge, sans que cela se termine par une catastrophe.
Votre liste hiérarchique de l’exposition au rougissement sera probablement assez proche de celle que
vous avez constituée pour l’exposition au regard des autres et aux émotions. Au départ, choisissez des
personnes de confiance, en les avertissant ou non selon ce qui vous convient le mieux. Vous pourriez leur
dire : « C’est un peu spécial, mais j’applique en ce moment une méthode pour mieux gérer mes émotions
et donc j’essaie de m’entraîner à rougir longtemps quand on me regarde, pour m’habituer. » Il faut,
comme toujours, que les expériences soient longues, pour que vous sentiez que l’anxiété déclenchée
commence à diminuer vraiment. Il faut aussi que vous répétiez ces exercices très souvent, pour que la
peur de ces situations disparaisse complètement ou presque. Après cela seulement, vous pourrez aborder
les situations un peu plus délicates, avec des personnes qui vous impressionnent plus, et répéter là encore
les exercices longtemps et souvent.
Une autre exposition utile est de vous habituer à vous regarder quand vous êtes rouge. Pour
beaucoup de personnes, cette observation est angoissante car elle déclenche immédiatement des
idées négatives sur ce que peuvent en penser les autres. C’est pourtant là le cœur du problème, et il
faut donc désensibiliser aussi cette situation, par exemple en vous regardant longuement dans un
miroir à la suite d’une situation qui vous a fait rougir (mais ne fuyez pas l’échange sous ce prétexte,
attendez la fin normale !).
L’idéal pour cela serait aussi de pouvoir vous entraîner seul à supporter votre image lors d’un
rougissement, mais il faudrait pouvoir le déclencher seul et « à la demande », ce qui s’avère souvent
impossible. En dehors des efforts d’imagination, vous pouvez essayer de provoquer des rougissements
avec les méthodes physiques suivantes : vous coller les mains sur les joues pendant 10 ou 20 secondes en
appuyant bien fort, vous pencher avec la tête en bas pendant 20 secondes, vous boucher le nez et la
bouche en expirant très fort, courir, passer du froid (dehors) au chaud très rapidement, placer la tête dans
la vapeur d’eau au-dessus d’une casserole d’eau chaude, etc. Les résultats sont variables, mais si vous
parvenez à faire apparaître des rougissements, profitez-en pour vous y exposer devant la glace !
Enfin, il peut être très utile, quand vous aurez avancé dans ces exercices d’exposition au
rougissement, de les compléter par l’utilisation de photos ou de films où vous apparaissez. C’est aussi
une des situations évitées par la plupart des éreutophobes, car il s’agit d’une double exposition :
l’interlocuteur a à la fois sous les yeux votre visage réel et la photo de celui-ci. Pourtant, rien de plus
naturel que de montrer ses photos de famille ou de vacances à ses amis. Essayez donc de trouver (ou de
prendre spécialement) des images de vous, même si vous y êtes un peu ou très rouge. Vous vous
habituerez d’abord à les regarder seul, en vous forçant à bien les observer activement et dans tous leurs
détails, pendant le temps nécessaire pour que l’anxiété et la gêne disparaissent. Il faudra ensuite les
montrer à d’autres personnes, plutôt des amis ou des proches, à qui vous aurez expliqué le sens de la
démarche ou sous le prétexte de leur demander leur avis sur votre tenue vestimentaire ou votre coiffure.
Si une situation équivalente se présente spontanément, par exemple lors d’une prise de vue entre amis ou
collègues, profitez-en pour faire une « séance d’exposition » qui ne pourra être que bénéfique !
Les peurs excessives sont toutes entretenues par des croyances profondes que nous avons sur nous-
même, sur les autres et sur la vie en général. Il s’agit de « logiciels » ou de grilles de lecture qui
influencent notre perception de la réalité, nos pensées et donc nos émotions. Elles ne sont jamais
complètement fausses, car la plupart de nos peurs ont été justifiées à un moment donné ou dans un
contexte particulier. Elles deviennent anormales et gênantes lorsqu’elles sont excessives et radicales,
lorsqu’on les applique systématiquement et sans discernement. Il est rare que les personnes concernées
aient pleinement conscience de ces croyances, qui sont présentes en toile de fond dans leur esprit ; elles
produisent des pensées fugaces, presque automatiques, et rapidement diluées dans l’anxiété et la peur
qu’elles déclenchent.
Ces croyances profondes ont deux inconvénients : elles amplifient les réactions de peur, et elles
perturbent le raisonnement et l’analyse objective des situations. Il est donc très important de travailler sur
ces règles trop rigides, pour prendre de la distance vis-à-vis d’elles et les faire évoluer dans le bon sens.
Nous allons donc réfléchir maintenant sur les croyances qui concernent les rougissements et la
confrontation aux autres.
Après avoir cherché d’abord spontanément les pensées qui vous viennent en tête en pensant à vos
rougissements, cherchez dans la liste suivante celles qui peuvent aussi vous correspondre et que vous
n’auriez pas déjà repérées.
Retenez donc avant tout que vos craintes ne sont que des idées, que vous êtes le seul ou la seule
à les connaître et que les autres pensent d’autres choses, sur lesquelles vous n’avez que très peu
d’influence.
Il n’est pas très agréable de ne pas plaire à tout le monde et de ne pas être parfait en toutes
circonstances, mais il faut absolument relativiser les conséquences d’un événement ponctuel de ce
type. Pour une, ou quelques personnes éventuellement, qui ont l’impression que vous êtes émotif ou
que vous manquez de confiance en vous, devez-vous vous gâcher la vie en ressassant vos peurs, en
stressant avant toute rencontre et en vous retrouvant isolé réellement des contacts sociaux que vous
souhaitez dans le fond ?
Si vous baissez la tête, si vous ne dites rien, ou si vous prétendez être nul (le) et que vous ne
méritez pas d’être là, les observateurs auront forcément du mal à vous faire confiance,
rougissements ou pas. Votre attitude générale à l’égard des autres est donc l’élément essentiel, et il
se trouve que vous pouvez la modifier sensiblement : il « suffit » de rectifier votre jugement sur
vous-même !
Essayez d’observer, sans aucun a priori, les réactions des autres face aux personnes qui rougissent,
pour vérifier la réalité de ces commentaires. Et si une fois il arrivait que quelqu’un se fasse rejeter
uniquement à cause de ses rougissements, alors que vraiment rien d’autre ne le justifie, n’en tirez
aucune loi générale si ce n’est que l’auteur du rejet n’est peut-être pas quelqu’un de très
fréquentable.
Assouplir le logiciel
Nous venons de voir à quel point les idées que vous avez peuvent influencer votre comportement et
vos émotions. C’est plutôt une bonne nouvelle, car il est possible de les modifier ! L’objectif est de vous
rapprocher tout simplement de ce que font la très grande majorité des personnes non timides et non
éreutophobes : il leur arrive de rougir, beaucoup plus fréquemment que vous ne le pensez, et elles
« gèrent » cette réaction en la négligeant, en étant indulgentes envers elles-mêmes, en se rassurant sur
leurs compétences et qualités par ailleurs.
Comme nous l’avons déjà indiqué, une des séances des thérapies que nous organisons consiste à
« interviewer » des passants dans la rue sur leur avis à propos des personnes qui rougissent. Ceci permet
de casser le tabou, oser en parler, se prouver que c’est possible. Et puis aussi de découvrir le point de
vue des autres. Il est alors très étonnant de voir presque à chaque fois que les personnes interrogées sont
surprises, rougissent un peu en général, et témoignent d’une grande compréhension à l’égard de ce
phénomène que tout le monde connaît. Très rarement de jugement péjoratif, et la possibilité d’en parler
simplement, sans aucune dramatisation. Nos patients comprennent bien en général que l’idée initiale : « il
y a les éreutophobes et les autres », n’est pas justifiée. L’importance accordée aux rougissements est en
effet variable d’une personne à l’autre, pour différentes raisons, mais ce n’est qu’une question de degré et
il est donc possible de se rapprocher, petit à petit, de réactions et de jugements plus sereins sur la
question.
Rappelons les deux consignes générales à appliquer le plus souvent possible à propos de vos arrière-
pensées sur les rougissements, pour assouplir progressivement le logiciel de l’éreutophobie :
1. ne faites pas confiance à vos idées et craintes préétablies, questionnez-les, critiquez-les et essayez
de leur « désobéir » ;
2. osez en même temps vous confronter à la possibilité que ces idées soient en partie fondées, pour en
examiner les conséquences réelles et les relativiser.
Et puis, il est essentiel de tendre vers une attitude générale plus positive envers vous-même : soyez
indulgent, bienveillant, voire amical avec vous, car c’est la meilleure protection contre le découragement,
nous y reviendrons.
Chapitre 7
Affirmez-vous
Parmi bien d’autres dégâts, l’éreutophobie et toutes les autres peurs sociales abîment tout
particulièrement la capacité à s’affirmer. S’affirmer, c’est savoir exprimer son opinion, ses sentiments et
ses besoins1. L’affirmation de soi (on parle aussi d’assertivité ou de comportement assertif) est la
capacité d’agir en fonction de ses propres objectifs, tout en respectant les droits des autres. Certains le
font spontanément, d’autres non, souvent parce qu’ils n’ont jamais appris à le faire. Et, contrairement aux
idées reçues, s’affirmer cela s’apprend, et ce, à n’importe quel âge.
Il est important de travailler sur cette question quand on souffre d’anxiété sociale car le déficit
d’affirmation entraîne alors une « double peine » : non seulement on se sent mal à l’aise et anxieux dans
les situations sociales, mais en plus on n’obtient pas toujours ce que l’on veut. Avec comme risque
principal pour les éreutophobes par exemple de penser que l’on a échoué à cause des rougissements, ce
qui crée un cercle vicieux qui renforce la peur pour les prochaines fois, alors que ce n’est pas le cas :
l’échec vient directement du manque d’affirmation de soi, pas des rougissements !
Comprendre la communication
S’affirmer, c’est avant tout communiquer. Et, pour bien s’affirmer, il est indispensable de bien
communiquer. Au sens strict, communiquer signifie avoir l’intention d’établir une relation avec un
interlocuteur ou une interlocutrice. Je communique lorsque je réponds à une personne qui s’adresse à moi.
À l’inverse, lorsque je ne réponds pas, je communique aussi quelque chose à l’autre. En résumé, je ne
peux pas ne pas communiquer !
On distingue habituellement deux types de communication : la communication verbale et la
communication non verbale. La communication verbale, c’est tout ce que je dis de « vive voix »,
indépendamment de la façon dont je l’ai dit. La communication non verbale, c’est tout ce que j’exprime
mais qui ne s’entend pas, avec des aspects liés à ma voix, à mon corps, à mes attitudes et comportements
en général.
Il s’agit donc de deux choses :
les aspects « paraverbaux » comme le timbre, l’intensité, la mélodie, le rythme, la hauteur, le ton, la
fluidité et la durée du discours, etc ;
les aspects « non verbaux purs » comme le regard, l’expression faciale, la posture du corps, la
distance entre deux personnes, les gestes, etc.
La communication non verbale existe toujours quand deux personnes sont en contact. Elles peuvent
décider de ne pas parler ou se sentir incapables de le faire, mais elles continuent à envoyer des messages
par l’intermédiaire de leur regard ou de leur posture corporelle, par exemple.
Les messages non verbaux occupent plusieurs fonctions : ils peuvent remplacer les mots, comme
lorsqu’un parent fusille du regard son enfant parce qu’il n’est pas sage. Ils peuvent renforcer ce qui vient
d’être dit, comme lorsqu’on dit au revoir à quelqu’un en faisant en plus un geste de la main. Enfin, le
message non verbal peut contredire non intentionnellement ce que l’on est en train de dire comme, par
exemple, remercier quelqu’un sans sourire, trouver les propos de votre interlocuteur intéressants sans
pour autant le regarder lorsqu’il parle, etc.
Vous l’aurez compris, la communication non verbale est essentielle. Elle concernerait
environ 70 à 80 % de notre communication totale. Autant dire qu’il est important d’en prendre soin.
Et les rougissements dans tout cela ? Il s’agit en général d’un élément de communication non verbale
et involontaire, qui peut exprimer une émotion comme la gêne, l’embarras, la surprise, voire la honte ou
l’angoisse. Mais nous avons vu qu’il peut s’agir aussi d’un signe relevant d’autres causes comme la
chaleur, une forte concentration ou une réaction cardio-vasculaire autre. Et, comme tout le monde sait
qu’un rougissement n’est jamais volontaire, même s’il est très visible parfois, ce signe ne peut pas être
pris comme le révélateur fiable de l’intention de la personne. Surtout s’il n’est pas concordant avec les
autres informations verbales et non verbales exprimées en même temps.
Ce serait une erreur de penser que seuls vos rougissements (ou vos tremblements, ou sueurs)
vont être pris en compte par vos interlocuteurs. Il faut surtout maîtriser les éléments d’affirmation
de soi sur lesquels un contrôle est possible, comme le contenu du discours et l’attitude générale
envers l’autre.
Je m’exprime clairement
La première chose que vous avez à faire pour vous exprimer est de choisir un sujet précis. Il est vrai
que si vos idées ne sont pas claires, cela va se remarquer dans votre communication. Si, dans une
situation, vous vous sentez en difficulté, pensez à vous poser ces quelques questions : « Qu’est-ce que je
veux dire ? », « Qu’est-ce que je veux exprimer ? », « Qu’est-ce que je veux communiquer ? »
Je dis « je »
Lorsque nous communiquons, nous avons parfois l’habitude d’utiliser le nous, le tu, le il ou le on.
Dire « je » est une manière de bien marquer que je parle en mon nom propre et non pas au nom de la
communauté tout entière ou de manière imprécise. L’emploi du je signifie aussi que je suis responsable de
mes propos et que je n’implique pas l’autre en utilisant le tu, par exemple. Il existe un certain nombre de
variantes du je, comme par exemple : à mon avis, pour ma part, pour moi, en ce qui me concerne, de
mon point de vue, etc.
« Je fais un compliment »
Il est vrai que l’on fréquente plus volontiers les gens agréables et positifs que ceux qui se plaignent
tout le temps de tout. Lorsqu’on est anxieux, on peut paraître froid et distant. En exprimant quelques
messages positifs, il est possible de briser cette image. De plus, à être positif, on ressent un effet de
mieux-être émotionnel, on commence à voir le bon côté des choses, les qualités des gens plutôt que leurs
défauts. Et il en est de même pour vous. Une règle importante lorsqu’on dit du positif, c’est d’être
sincère. Il ne sert à rien de complimenter quelqu’un si je ne le pense pas. La base de l’affirmation, c’est
la sincérité et l’honnêteté.
En pratique, pour dire quelque chose de positif à quelqu’un sur ce qu’il a fait ou dit :
1. Je dois savoir quel compliment je souhaite exprimer (un seul compliment à la fois).
2. Je complimente en mon nom propre et je prends mes responsabilités en disant « je ».
3. J’énonce mon compliment.
4. Je m’implique émotionnellement.
5. Je suis spécifique.
Par exemple : « Je viens te voir pour te féliciter. J’ai beaucoup apprécié ton intervention lors de la
réunion de ce matin ; en particulier lorsque tu as évoqué la question des déchets radioactifs. »
« Je reçois un compliment »
Se faire critiquer, c’est désagréable. Bizarrement, entendre un compliment peut mettre encore plus
mal à l’aise ! Car on nous a plutôt appris à nous défendre qu’à nous ouvrir au plaisir d’un cadeau. Chaque
fois qu’on lui fait un compliment, Francine nous explique à quel point elle se sent gênée : « J’ai
l’impression que l’autre n’est pas sincère avec moi ou bien que je ne le mérite pas, car ce que j’ai fait ne
me paraît pas exceptionnel. Et puis, en acceptant le compliment, j’ai peur qu’on me trouve orgueilleuse,
sans modestie. »
Devant une personne qui m’adresse un compliment et avec lequel je suis d’accord :
1. Je reconnais le compliment. « Oui, c’est vrai… » « Je reconnais effectivement que… » « Je suis
d’accord avec toi… »
2. J’exprime mon émotion positive. « Cela me fait plaisir… » « Cela me touche… » « Je vous
remercie de votre compliment… » « Ce que tu me dis me fait plaisir et je t’en remercie… »
Si le compliment me paraît vague, alors je peux demander des précisions à la personne, et ainsi
clarifier la communication : « Puis-je avoir quelques précisions… », « Qu’est-ce que tu as aimé
exactement », « Qu’entends-tu par “je trouve que tu as été bon ?” »
Enfin, si je ne suis pas d’accord avec le compliment qui vient de m’être fait, je peux exprimer mon
désaccord en disant : « Je te remercie pour ton compliment, en revanche, je ne suis pas tout à fait
d’accord avec toi lorsque tu dis que… »
Ces attitudes sont souvent difficiles à adopter, car l’embarras engendre des réactions physiques de
fermeture, voire de tension agressive. Il faut donc produire un effort particulier pour contrer ces réflexes
naturels, ce qui demande une vigilance appuyée et un entraînement répété. Ces efforts sont d’autant plus
utiles qu’ils complètent bien ceux des autres outils que nous avons vus, notamment le déplacement de
l’attention vers l’autre pour se décentrer de soi, et l’exposition au regard de l’autre pour se désensibiliser
de la peur du jugement négatif.
Le ton est donc adapté au contexte, et l’humour est toujours le meilleur moyen de dédramatiser une
situation en prenant du recul. C’est souvent difficile car le stress empêche d’avoir la souplesse d’esprit
nécessaire pour trouver les réparties adaptées. Donc l’humour n’est pas du tout obligatoire, l’essentiel
étant de rester dans une conversation équilibrée, où vous n’êtes pas le seul point d’intérêt mais où vous
pouvez vous permettre d’interroger l’autre sur des choses qui le concernent : « Et toi, ça ne t’arrive
jamais ? » Une conversation est comme une partie de ping-pong où deux personnes se renvoient la balle,
et pas un tir à la carabine où vous seriez la seule cible !
Le principe d’équilibre (parler de soi, mais s’intéresser également à l’autre) doit être aussi respecté
dans les situations un peu plus tendues, voire conflictuelles. Là aussi, vous pouvez reconnaître la réalité
des faits : vous rougissez, et vous n’y pouvez rien ; mais aussi afficher votre souhait de ne pas être pour
autant rabaissé et critiqué. Ceci demande évidemment un peu de contrôle de vos émotions de peur et/ou
de colère, et donc souvent un petit temps de pause et de relâchement (par exemple avec les techniques
respiratoires présentées au chapitre 5). Un exemple d’échange entre Pauline et des collègues de bureau,
Alicia et Adrien.
« PAULINE : S’il te plaît, Alicia, pourrais-tu parler un peu moins fort au téléphone ? J’ai du mal à me concentrer sur mon
travail.
ALICIA : Oui, oui, désolée, mais tu sais, toi aussi tu passes du temps au téléphone. Et en plus, tu le sais, c’est pour ça que
tu es toute rouge ! N’est-ce pas, Adrien, tu as remarqué ?
ADRIEN : Ouais, c’est clair, elle a quelque chose à se reprocher, la Pauline !
PAULINE : Pardon, mais votre attitude ne me plaît vraiment pas. Oui, je rougis fréquemment quand je suis stressée ou
énervée, et je ne peux pas m’en empêcher, mais ça n’a rien à voir avec un sentiment de culpabilité. Alicia, tu as le droit de
téléphoner avec ton portable, mais sans déranger les collègues, par exemple en sortant du bureau comme je le fais. Et moi, j’ai
le droit de rougir car ça ne dérange personne. Il va falloir vous y habituer !
ALICIA : OK, d’accord, tu as raison, pardon si nous avons été agressifs. »
Dans toutes ces situations, rappelez-vous bien comme un leitmotiv de garder un contact direct
avec l’autre, donc de ne pas baisser les yeux et de parler d’un ton ferme. Déplacez le plus possible
votre attention vers votre contradicteur, notamment pour observer ses réactions et montrer votre
détermination. Considérez votre rougissement comme acquis, puisque tout le monde l’a vu, inutile
de consacrer de l’énergie et de l’attention à le surveiller. Et vous n’avez pas à vous excuser de
rougir ni à le présenter comme une faiblesse.
La technique dite du « risque rayé » peut être très utile quand vous sentez que l’autre en rajoute dans
les moqueries ou l’agressivité : il s’agit de répéter mot pour mot les mêmes choses autant de fois que
nécessaire, afin de faire passer votre message sans avoir à chercher de nouveaux arguments. Ce peut être
par exemple : « Je sais que je suis rouge, mais ça ne m’empêchera pas de refuser ce que vous me
demandez. » Ou : « Ce n’est pas parce que je rougis facilement que je ne sais pas ce que je veux, et là je
souhaite vraiment que… » Ne pas se replier sur soi-même et ne pas couper le contact avec les autres
permet d’éviter le cercle vicieux qui s’installe quand certains se permettent de « jouer » avec le malaise
des anxieux en faisant remarquer qu’ils rougissent de plus en plus quand on le leur fait remarquer.
Il est également essentiel de contrôler votre agressivité dans vos propos, car les rougissements ou
d’autres signes physiques de stress (tremblements, bégaiements, etc.) peuvent être considérés comme des
signes de colère. Les autres auront alors beau jeu de vous renvoyer à votre nervosité pour couper court à
l’échange et à vos demandes (« On ne peut pas parler, tu n’es pas dans ton état normal », « Si vous perdez
vos nerfs, c’est que vous avez tort », etc.). Si votre discours reste ferme mais contrôlé et respectueux de
l’autre, vous risquez moins d’être attaqué de la sorte.
Voici d’autres exemples de réponses possibles dans des situations particulières :
Situations Réponses possibles
Lors d’un entretien d’embauche, le recruteur vous « J’ai l’habitude, ça m’arrive souvent quand je suis
fait une remarque sur vos rougissements et vous très concentré sur ce que je fais et que c’est
demande si ça ne risque pas de vous poser des important ; je sais que ça se voit, mais je ne perds
problèmes dans votre travail. pas le fil et je gère sans problème. »
« Oui, tu as raison, ça doit être mon éducation.
Au cours d’un déjeuner entre amis, un des invités Mais je crois que nous sommes beaucoup dans ce
fait remarquer tout haut que vous rougissez quand cas, non ?
on parle de sujets sensibles (affectifs ou sexuels). Tant mieux pour toi si tu es “l’homme qui ne rougit
jamais” ! »
« Ah bon, je rougis, moi ? En fait, je le sais et ça
Lors d’un tête-à-tête avec une personne qui vous m’agace un peu mais ce ne sont que des émotions
plaît, elle fait allusion à vos joues un peu rouges. qui passent.
Mes vraies pensées sont plutôt que… » (à adapter)
Le portail sonne quand vous sortez d’un magasin, et « Non, je rougis probablement parce que la
le vigile qui vous aborde remarque que vous situation est gênante mais je vous assure que je n’ai
rougissez et en déduit que vous êtes fautif (à tort !). rien volé, c’est l’alarme qui doit être déréglée. »
Les liens entre éreutophobie et manque de confiance en soi sont évidents, et fonctionnent dans les
deux sens : le manque de confiance produit de l’anxiété et réciproquement. Manquer de confiance en soi,
c’est à la fois sous-estimer ses ressources et surestimer la performance à réaliser. Dans toute situation
nouvelle et potentiellement difficile (un changement de travail, une nouvelle relation, etc.), le manque de
confiance en soi entraîne une focalisation excessive sur soi par crainte de l’échec. Nous avons vu au
chapitre 3 que l’hyperconscience de soi (ou autoattention) est un des mécanismes fondamentaux de
l’éreutophobie. Un cercle vicieux est ainsi souvent au cœur de la peur de rougir :
Parmi beaucoup d’autres démarches utiles pour améliorer la confiance en soi et, plus largement,
l’estime de soi1, nous vous proposons trois axes de travail qui sont parfaitement compatibles avec les
autres objectifs fixés par ailleurs dans ce guide :
soyez positif envers vous ;
soyez positif vis-à-vis des réactions des autres ;
prenez le contrôle de votre vie.
De même, en faisant la liste de vos réussites, ne les minimisez pas à cause de possibles imperfections
et, en tout cas, à cause des rougissements. Quand nous demandons à nos patients quelles réussites ils ont
pu avoir depuis la dernière consultation, nous avons très souvent ce type de remarques :
j’ai déjeuné avec deux collègues, c’était sympa et ils avaient l’air contents, mais j’ai rougi deux ou
trois fois et je m’en veux terriblement ;
j’ai présenté mon rapport à la réunion de service, je crois avoir été clair et on m’a félicité, mais
j’étais rouge pendant les trois premières minutes et je pense que ça a tout gâché !
j’ai fait la connaissance d’une voisine qui m’a invité deux ou trois fois à prendre un café, elle est
sympa et on s’entend bien, mais il m’arrive de bredouiller et de rougir quand nous abordons certains
sujets, donc je pense que ça n’ira pas très loin.
Tous ces « mais… » ne sont pas justifiés, car ils ne portent pas sur des erreurs et encore moins des
fautes ou des actes de malveillance de votre part. Les « mais » pourraient être remplacés par des « et »,
car on peut à la fois rougir et atteindre ses objectifs. Apprenez à vous en tenir aux éléments objectifs de
vos réalisations, sans chercher une perfection absolue, car plus vous enregistrerez vos réussites, plus
vous croirez en vous et gagnerez en bien-être.
De même, une attitude générale de bienveillance et de réconfort envers vous-même ne peut être que
bénéfique pour vous aider à persévérer dans les efforts et face aux inévitables contrariétés.
Dans tous les cas, prenez bien conscience des efforts que vous avez faits et du plaisir que vous avez
pu prendre grâce à cela, en vous en attribuant le mérite (et donc pas uniquement aux autres, au hasard, à la
chance, etc.).
L’essentiel est de comprendre, au travers de ces progrès même limités au début, que vous ne subissez
pas les choses passivement comme si elles ne dépendaient que de forces extérieures à vous, mais que vos
freins sont surtout intérieurs et que vous pouvez construire des projets de vie pour les combattre.
1- C. André, Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi, Odile Jacob, 2006.
Chapitre 9
Action !
1. S’entraîner à contrôler son attention pour la diriger vers les autres plus que vers soi-même.
2. Apprendre une méthode de relaxation pour diminuer son niveau général de stress et avoir des
outils de contrôle émotionnel en cas de besoin.
3. Utiliser la visualisation pour préparer des situations difficiles.
4. S’exposer, s’exposer et encore s’exposer !
5. Bien connaître ses propres schémas de pensée concernant le rougissement (jugements
automatiques sur soi et les autres, généralisation d’une situation à l’autre, etc.) pour les remettre en
cause autant que nécessaire.
6. S’affirmer, s’affirmer et encore s’affirmer.
7. Travailler à une image positive de soi et tout faire pour reprendre le contrôle de sa propre
vie.
Il est préférable de suivre l’ordre de présentation des chapitres dans la mise en pratique des
méthodes, mais rien n’empêche de faire des modifications si vous le souhaitez. Vous pouvez passer plus
de temps sur certaines techniques que sur d’autres, en fonction de vos besoins. N’hésitez pas à relire un
chapitre particulier quand vous sentez que vous avez besoin de piqûres de rappel sur certains points.
Les chapitres précédents ont détaillé les méthodes qui devraient vous permettre de vous libérer
progressivement de vos peurs. Ce sont des exercices à réaliser seul. Vous pourrez en constater les effets
au cours des semaines et des mois qui suivront leur application.
Il se peut cependant que la lecture de ce guide ne suffise pas, et qu’il faille vous faire aider par
d’autres moyens. Ceci peut être lié au fait que votre éreutophobie est extrêmement intense, très ancienne,
ou qu’elle est plus complexe du fait de certaines difficultés psychologiques associées ou de traits
particuliers de votre personnalité. Vous n’avez rien à perdre ou à risquer en essayant d’appliquer malgré
tout les conseils donnés dans ce guide, mais ce sera peut-être plus difficile et moins efficace que pour des
« cas » plus simples.
Nous allons évoquer maintenant d’autres démarches, auprès de professionnels cette fois, qui pourront
vous être utiles pour compléter les conseils de ce guide ou pour aller plus loin.
Cet exercice n’est qu’une illustration de ce que vous pouvez apprendre grâce à la méditation. Celle-ci
nécessite naturellement une pratique très régulière et un accompagnement par un spécialiste.
Les médicaments
Certains refusent catégoriquement d’y avoir recours, d’autres recherchent, avec un espoir démesuré,
la pilule miracle qui empêcherait d’être angoissé ou de rougir. En fait, les choses sont un peu plus
simples, même si les médicaments ne doivent être utilisés que sur avis et prescription médicaux3. Ils
peuvent être utiles dans deux types de situations : pour affronter une situation précise que l’on craint
particulièrement, ou comme traitement de fond quand le stress est très intense et continuel à cause de la
peur de rougir et du regard des autres.
L’opération chirurgicale
Très souvent citée sur Internet et dans les articles portant sur l’éreutophobie, l’opération chirurgicale
dite de « sympathectomie » est parfois considérée comme la solution ultime et radicale par les personnes
qui veulent se débarrasser des rougissements. Il s’agit en fait d’interrompre la branche d’un nerf qui part
de la colonne vertébrale, en haut du dos, et qui contrôle en partie les réactions de vasodilatation des
petits vaisseaux du visage. Il peut s’agir d’une section, d’une coagulation, ou d’une compression par un
« clip ». On appelle cette opération sympathectomie car le nerf en question se nomme le nerf sympathique
(probablement parce qu’il permet de faire fonctionner plusieurs organes en même temps, donc sympa !) et
« -tomie » signifie « sectionner ». Elle a été initialement développée, dans les années 1980, par des
chirurgiens pour soigner les personnes présentant une transpiration excessive et gênante des mains
(hyperhidrose). Ils se sont alors aperçus que cette intervention pouvait aussi réduire les réactions de
rougissement du visage, car les nerfs en jeu dans ces deux phénomènes sont en partie les mêmes.
Déroulement de l’opération
La sympathectomie est une opération chirurgicale qui se réalise sous anesthésie générale ; elle dure
environ une à deux heures et nécessite une hospitalisation de deux à quatre jours. Le chirurgien effectue
quelques petites incisions sous l’aisselle, par laquelle il introduit une caméra miniature et les instruments
nécessaires. Il faut effectuer l’intervention des deux côtés et ceci se fait en général en deux fois, par
exemple deux jours de suite. Les suites chirurgicales sont habituellement assez simples, avec des
douleurs musculaires ou articulaires modérées pendant quelques semaines.
En France, seulement quelques chirurgiens réalisent cette opération pour les rougissements, à
l’hôpital ou en clinique. Elle est plus courante dans d’autres pays, comme les États-Unis ou en Europe du
Nord. Sous certaines conditions, elle peut être, normalement, remboursée par la Sécurité sociale
Résultats
Les effets de la sympathectomie se font en général sentir rapidement, avec une réduction plus ou
moins importante de la tendance à rougir dans les jours qui suivent. Cependant, des changements
progressifs supplémentaires peuvent se faire au cours des semaines, voire des mois suivants.
Concernant les effets positifs, beaucoup de personnes opérées semblent constater un progrès assez net
avec une réduction, voire une disparition des flushs intenses. Pour les patients dont l’anxiété sociale était
très strictement conditionnée uniquement par le rougissement, le résultat d’ensemble paraît satisfaisant,
voire très satisfaisant, avec une reprise de la confiance en soi et de contacts sociaux normaux. Ceci les
conduit d’ailleurs souvent à conseiller l’opération à d’autres personnes, notamment dans des forums sur
Internet. Il arrive cependant que les résultats soient moins satisfaisants, avec des échecs lorsque le
problème initial était en fait plus large que celui du rougissement, notamment une phobie sociale étendue
ou d’autres difficultés psychologiques comme une dépression ou un trouble de la personnalité.
Précisons que même si la plupart des chirurgiens qui pratiquent la sympathectomie thoracique disent
traiter ainsi l’éreutophobie, la réalité est qu’ils traitent en fait l’excès de rougissement éventuel, avec un
effet indirect sur l’éreutophobie (les patients rougissant moins ressentent moins la peur obsédante de
rougir).
Par ailleurs, il existe des effets négatifs et des risques potentiels. Les premiers sont liés à l’opération
chirurgicale elle-même, avec des risques faibles mais parfois graves d’accidents anesthésiques
(allergies, problèmes cardiaques), et d’incidents opératoires divers : hémorragie, infection, lésions
nerveuses ou pulmonaires, etc. Ces problèmes inhérents à tout geste chirurgical sont rares pour cette
opération, mais ils doivent être pris en compte dans la décision, par une évaluation précise du rapport
entre les bénéfices attendus et les risques encourus.
Les autres inconvénients sont les effets secondaires liés à la sympathectomie. Le plus fréquent est
nommé « transpiration compensatoire », et consiste en une augmentation de la tendance à transpirer,
surtout au niveau du thorax ou des membres inférieurs. Ceci est lié à un réflexe de l’organisme qui, ne
pouvant assurer une évacuation de la chaleur par le rougissement et la transpiration du haut du corps,
tente de l’évacuer par une transpiration du bas du corps. Il en résulte des sueurs plus fréquentes que la
normale, en général bien supportées, mais qui peuvent être gênantes, voire très gênantes pour
environ 20 % des personnes opérées, notamment en cas de chaleur et d’effort. Les sueurs sont
habituellement assez fortes juste après l’opération, et peuvent s’atténuer avec le temps. Il est parfois
nécessaire de refaire une opération pour atténuer les sueurs, avec des résultats variables. Les autres effets
secondaires possibles de la sympathectomie sont une sécheresse excessive des mains et du visage,
parfois gênante et nécessitant l’application de crèmes hydratantes.
1- F. Shapiro et M. Silk Forrest, Des yeux pour guérir. EMDR : la thérapie pour surmonter l’angoisse, le stress et les traumatismes,
Seuil, 2005.
3- A. Pelissolo, Bien se soigner avec les médicaments psy, Odile Jacob, 2005.
Vous pouvez changer !
Échapper aux tourments des rougissements, de l’éreutophobie ou de toute autre peur de l’autre
nécessite de l’entraînement et de la persévérance, mais des résultats probants sont tout à fait possibles. Ils
reposent sur une modification des rapports entretenus avec soi-même et avec les autres :
se décentrer de l’auto-observation et des autojugements perpétuels ;
ne pas vouloir penser à la place de l’autre.
Car la souffrance et les peurs viennent toujours d’un décalage insurmontable entre l’image parfaite de
soi que l’on voudrait atteindre et l’idée que l’on se fait du jugement de l’autre. L’une et l’autre sont des
illusions. Il faut donc viser à une meilleure acceptation de soi tel que l’on est dans la réalité avec ses
qualités et ses imperfections (émotif ou pas, rougissant ou pas, génial ou pas, etc.). Et il faut aussi
accepter les informations que nous donnent les autres, telles qu’elles sont et pas telles que nous les
imaginons. Lui, c’est lui, moi, c’est moi, et mes repères doivent rester concrets, pas interprétés.
Enfin, les progrès essentiels viendront de vos motivations au changement et de vos efforts de
confrontation et d’exposition. Vous ne devez pas céder à la peur de rougir et à la phobie du regard des
autres ; vous ne devez pas laisser l’éreutophobie diriger votre vie, et vous pouvez être plus fort qu’elle.
Allez de l’avant, exposez-vous et recommencez puis recommencez encore ! Pour vous aider à tenir le
cap, pensez à tous les objectifs de vie que vous souhaitez et pourrez atteindre quand vous aurez atteint un
véritable changement.
Avec patience et endurance, ce combat réussira. Comme beaucoup de patients nous l’ont rapporté
après coup, vous verrez probablement que les expériences vécues dans cette démarche dépassent
largement, au plan humain et de la connaissance de soi, la simple guérison d’un problème physique ou
esthétique.
Lectures et informations pour aller plus loin
Sites
Sur les TCC et l’EMDR (avec coordonnées de thérapeutes) :
Association française de thérapie comportementale et cognitive : www.aftcc.org
Association francophone de formation et de recherche en thérapie comportementale et cognitive :
www.afforthecc.org
EMDR-France : www.emdr-france.org
Sur l’éreutophobie et l’anxiété sociale :
www.ereutophobie.fr
www.ereutophobie.com
www.lestetesreds.ovh.org
http://ereuto.free.fr
www.estellogie.com
http://lolo40l.free.fr
www.anxietesociale.org
www.anxiete-depression.org
http://mediagora.free.fr
Livres
Pour tout savoir et comprendre sur l’anxiété sociale :
André C. et Légeron A., La Peur des autres, Odile Jacob, 2000.
Pour vaincre l’anxiété sociale :
Macqueron G. et Roy S., La Timidité. Comment la surmonter, Odile Jacob, 2005.
Pour approfondir les techniques d’affirmation de soi :
Fanget F., Affirmez-vous !, Odile Jacob, 2002.
Pour s’entraîner aux méthodes de relaxation :
Servant D., Relaxation et méditation. Trouver son équilibre émotionnel, Odile Jacob, 2007.
Pour améliorer son estime de soi :
André C., Imparfaits, libres et heureux. Pratiques de l’estime de soi, Odile Jacob, 2006 ; « Poches
Odile Jacob », 2009.
Pour mieux connaître les médicaments de l’anxiété :
Pelissolo A., Bien se soigner avec les médicaments psy, Odile Jacob, 2005.
Pour un peu plus de bonheur, de sagesse et de sérénité :
André C., Les États d’âme. Un apprentissage de la sérénité, Odile Jacob, 2009.
Remerciements
À Gaëlle Fontaine pour ses conseils indispensables et ses encouragements chaleureux, ainsi qu’à
Christophe André pour ses avis toujours judicieux et sa fidélité.
Toute notre reconnaissance également aux collègues et amis qui ont nourri notre réflexion et notre
pratique des thérapies de l’anxiété, notamment Manuela Tomba et Corine Lobjoie, toute l’équipe du
CLICC, et bien sûr Stéphany Pelissolo.
Merci au docteur Jean Valla pour nos échanges fructueux et constants au profit des patients souffrant
d’éreutophobie.
Merci au docteur Denis Vabre pour sa confiance et son ouverture.
À Stéphanie, Jade et Romane.
Nos pensées chaleureuses vont aussi aux patients qui sont à l’origine de ce livre, et que nous
remercions pour leur confiance.
Des mêmes auteurs
Chez Odile Jacob
Antoine Pelissolo, Bien se soigner avec les médicaments psy, Odile Jacob, 2005.
Antoine Pelissolo, « Médicaments psy : un bon usage est possible », in Guide de psychologie de la vie quotidienne (sous la direction de
Christophe André), 2008.
Stéphane Roy (avec Gérard Macqueron), La Timidité, comment la surmonter, Odile Jacob, 2005.
Stéphane Roy, « Prendre du recul sur ses pensées : l’approche cognitive » et « Apprivoiser ses peurs et ses phobies », in Guide de
psychologie de la vie quotidienne (sous la direction de Christophe André), 2008.
4eme couverture