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^ j I
OEUVRES
DE
R.-J. POTHIER.
If'
Rl-J. POTHIER,
1
COITESAlT
NOUVELLE ÉDITION,
MISE EN MEILLEUR ORDRE ET CONFORME A CELLE Hbt.tfv
TOME CINQUIÈME.
A BRUXELLES,
CHEZ H. TABLIER, LIBRAIRE-EDITEUR,
RTE DR LA MONTAGNE. N« 51.
MDCCCXXXI.
TRAITE
ARTICLE PRÉLIMINAIRE.
Nous n'admettons dans le droit français que deux formes de disposer de nos biens à titra
gratuit , la donation entre-vifs et la testamentaire. (Ordonnance de 1731 , art. 3).
La donation entre-vifs est une convention par laquelle une personne, par libéralité, le des
saisit irrévocablement de quelque chose au profit d'une autre personne qui l'accepte.
Les donations entre-vifs sont ou directes ou fidéicommissaires ; elles sont directes lorsqu'elles
se font sans l'interposition d'une personne tierce ; elles sont fidéicommissaires lorsqu'elles sont
faites par l'interposition d'un premier donataire , qui est chargé de restituer les choses données
au second. Nous avons parlé de cette dernière espèce au traité des substitutions.
La donation entre-vifs est du droit des gens; nos lois civiles l'ont assujétie à certaines formes.
Nous traiterons d'abord :
1« Des personnes qui peuvent donner, à qui on peut donner, et des choses qui peuvent être
données ;
2' Des formes des donations entre-vifs , et par quels actes elles doivent être faites;
3« De l'effet des donations entre-vifs , et des cas auxquels elles peuvent être révoquées , ou
souffrir un retranchement.
SECTION PREMIERE.
Des personnes qui peuvent donner, à qui on peut donner, et des choses
qui peuvent être données.
SECTION DEUXIÈME.
Les formes, que nos lois exigent pour la vali tion , qui, étant une convention entre le dona
dité des donations entre-vifs d'immeubles, sont : teur et le donataire , renferme nécessairement
1« La solennité de l'acceptation; le consentement des deux parties. Conventio
2« La tradition ; (enim) est duorumin idem placitusn consensus.
3« L'irrévocabilité; La solennité d'acceptation est l'expression qui
4n L'insinuation. doit être faite par l'acte de donation de l'accep
5' Il est encore de la forme des donations tation du donataire. Cette expression est une
qu'elles ne puissent être faites que par actes pure solennité requise par nos lois, et qui ne le
devant notaire. serait pas si les donations eussent été laissées
dans le pur droit naturel, suivant lequel l'ac
AUTICLl) PREMIER. ceptation , quoique non exprimée, quoique tacite
et désignée de quelque manière que ce fût,
De la solennité de l'acceptation. aurait été valable.
11 suit de celte distinction que, quoique, dans
Il faut distinguer entre l'acceptation et la toutes les autres conventions, l'acceptation soit
solennité de l'acceptation. suffisamment signifiée par la présence des parties
L'acceptation , qui n'est autre chose que le à l'acte, ou par leur signature, néanmoins, dans
consentement donné par le donataire à la dona les donations où cette acceptation doit être
tion , n'est pas une simple forme requise par le expresse et est requise comme une formalité, la
droit civil pour la validité de la donation. Cette présence du donataire , la signature à l'acte de
acceptation constitue l'essence même de la dona donaiion, no seraient pas une acceptation suf
SECTION II. 13
lisante. C'est la disposition de l'art. 6 de l'Or raison que les mineurs et autres privilégiés ne
donnance de 1731. peuvent être restituahles , même sous prétexte
Il en est de même de toutes les autres circon de l'insolvahilité de leurs tuteurs, contre le
stances dont on voudrait induire l'acceptation : défaut d'acceptation d'une donation qui leur
quand même le donataire serait, en conséquence aurait été faite par quelqu'un qui serait mort
de la donation , entré en possession de la chose depuis ou aurait changé de volonté; car ces
donnée, cela ne suppléerait pas à la solennité de personnes n'ayant pu acquérir aucun droit que
l'acceptation. par l'acceptation qui n'est pas intervenue , il
Il n'est pas nécessaire, au reste, que l'acte, n'y a aucun droit que la restitution puisse leur
qui contient l'acceptation du donataire , soit le rendre : le donateur, en changeant de volonté,
même acte par lequel le donateur à déclaré qu'il n'ayant fait que retenir ce qui n'avait pas cessé
donnait. Quoique ces deux actes n'en contien d'être à lui , et user de la liherté naturelle qu'ont
nent proprement qu'un, néanmoins ils peuvent tous les hommes de changer de volonté, ne leur
être faits par chartes différentes , et à différons a fait aucun tort qui leur donne lieu de pouvoir
temps l'un de l'autre. se pourvoir contre lui par la restitution. Mais en
Il fallait pourtant, par l'Ordonnance de 1539, ce cas le mineur peut prétendre contre son
art. 133, que l'acte contenant l'acceptation fût tuteur l'estimation de ce qu'il a manqué d'ac
fait en la présence des donateurs et notaires. quérir, par la négligence qu'a eue son tuteur
Mais par la déclaration de 1549, l'acceptation d'accepter la donation avant que le donateur eût
peut être faite même hors la présence du dona changé de volonté, car quoique le mineur n'ait
teur; ce qui se peut faire, ou au pied de l'acte jamais eu aucun droit qui résultâtde cette dona
de donation, ou mémo par chartes tout-à-fait tion , et qu'il n'ait en conséquence rien perdu ,
séparées. Mais, en ce cas, il faut, suivant ladite il suffit qu'il ait manqué d'acquérir par la négli
déclaration, que l'instrument de la donation soit gence de son tuteur, pour qu'il en soit tenu
iaséré dans l'acte qui contient l'acceptation. envers lui.
De ce que la donation et l'acceptation peuvent Il suit de là que si le tuteur avait lui-même
être faites par différentes chartes et à différens fait la donation à son tuteur, il ne pourrait
temps, nait la question de savoir si une donation opposer le défaut d'acceptation ; car, si la dona
avant été faite ainsi sera censée valahle du jour tion est nulle , faute d'acceptation, il est en sa
de l'acte de donation, ou seulement du jour qualité de tuteur responsahle de n'avoir pas fait
de l'acceptation. Il faut dire qu'elle ne sera créer un curateur à son mineur pour l'accepter.
valahle que du jour de l'acceptation. L'Ordon De ce que la donation n'a d'effet que du jour
nance de 1539 le dit en termes exprès : « Celles de l'acceptation , il suit que , par l'acceptation
« qui seront faites en l'ahsence des donataires, de la donation, la chose donnée ne passe au
• les notaires, stipulant pour eux commenceront donataire qu'avec la charge des hypothèques
« leur effet du temps qu'elles seront acceptées. s que le donateur a contractées dans le temps
La raison en est évidente. La donation ne intermédiaire de la donation et de l'acceptation,
reçoit sa perfection que par l'acceptation; elle et avec toutes les autres charges qu'il y aurait
ne peut être valahle que ce jour-là. La donation, imposées.
avant qu'elle soit acceptée, n'est encore qu'un Il n'est pas douteux que la donation ne puisse
projet, et n'est pas encore donation, puisque avoir d'effet, avant l'acceptation, au préjudice
qui dit donation entre-vifs , dit convention, et des tiers qui auraient acquis quelque droit dans
qu'il ne peut y avoir de convention sans accep la chose donnée; mais lorsqu'il ne s'agit pas de
tation. l'intérêt de ces tiers , on demande si l'accepta
De là il suit que le donateur peut, avant l'ac tion peut avoir un effet rétroactif au temps de la
ceptation, changer de volonté; car n'y ayant donation , par exemple , à l'effet que , si on m'a
jusque là proprement qu'un projet qui n'est pas donné un héritage avant mon mariage, et que
effectué, et dont il n'est encore né aucun droit, je n'aie accepté la donation que depuis, l'héri
ni formé, ni informe, au profit du donataire, tage me soit propre de communauté. On dira,
qui ne peut résulter que de son acceptation , il pour l'affirmative, que l'acceptation que je fais
s'ensuit qu'il peut changer de volonté; car on est une rectification de celle que le notaire sti
ne peut pas lui opposer que : Netno mutare pulant pour moi avait déjà faite, en recevant
potest cotuilium in alterius injuriant; car il l'acte qui contient la donation; or, dirait-on,
répondra que , mutando consilium nemini facit c'est le propre des ratifications d'avoir un effet
injuriant ,cùm ci ipsiusproposito nemini fuerit rétroactif au temps de l'acte ratifié. Au con
jus acquisitunt. traire , pour la négative , on dira que la ratifica
L'ordonnance, art. 14, décide donc avec tion d'un acte qui aurait toutes ses formes, et
14 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
auquel il ne manquerait que le consentement de si, dans ce temps, il était incapable de donner;
la personne qui le ratifie, peut avoir un effet par exemple, s'il était alors interdit, s'il était
rétroactif; mais il n'en est pas de même lorsque lors marié à la personne du donataire ; car ,
cette acceptation est une formalité requise pour comme c'est dans ce temps que se forme la
la validité de l'acte. On peut bien donner au donntion et qu'elle reçoit sa perfection, il est
consentement d'une personne qui ratifie, un clair que c'est dans ce temps que la capacité de
effet rétroactif, en supposant que , dès le temps donner est requise.
de l'acte , elle a voulu et consenti à tout ce qui C'est encore une suite de nos principes que,
a été lait en son nom. Mais on ne peut pas de même que l'acceptation ne peut se faire que
donner un effet rétroactifà une formalité requise, du vivant du donateur, elle ne peut se faire que
ni la supposer intervenue avant qu'elle l'ait été du vivant du donataire, par lui-même ou par
effectivement. En vain dirait-on que le dona son procureur , et que son héritier ne peut pas,
taire, en acceptant depuis, est censé, dès le après sa mort, accepter la donation, comme l'a
temps de la donation, avoir voulu et avoir mal à propos avancé Lalande. Cela suit évidem
accepté ce que le notaire a stipulé pour lui; car ment de nos principes.
on répondrait qu'en vain on suppose qu'il a Pour que le concours des deux volontés, qui
voulu dès ce temps accepter, puisque la volonté forme la donation , ait lieu , il faut que ce soit lu
n'est pas seule suffisante pour la perfection de même personne à qui le donateur veut donner
la donation, qui requiert, outre cela, que cette qui veuille accepter la donation. Lorsque c'est
volonté soit expresse , et qu'ainsi l'acte ne peut l'héritier qui accepte la donation , ce n'est pas
être regardé comme parfait que du jour que son la personne a qui le donateur veut donner,
acceptation est intervenue. puisque le donateur n'a pensé qu'au défunt , et
C'est pour cela que l'Ordonnance , art. 5, non pas à son héritier. Le concours nécessaire
déclare de nul effet les acceptations de notaires des deux volontés pour former la donation ne se
stipulans pour les nbsens , et défend aux notaires trouve donc pas. En vain dirait-on que l'héritier
de faire ces stipulations dans les donations. représente le défunt et est censé la même per
De ce que la donation ne commence à avoir sonne que lui , Car cela n'est vrai qu'autant que
son effet que du jour de l'acceptation , il suit l'héritier a succédé aux droits du défunt ; mais
aussi que l'Ordonnance a bien décidé en ordon le défunt , étant mort avant l'acceptation , n'avait
nant qu'elle devrait l'être du vivant du dona aucun droit résultant de la donation , puisque
teur. Car, la donation n'ayant d'effet que du ce n'est que par l'acceptation qu'il pouvait en
jour qu'elle est acceptée, ce n'est que de ce acquérir ; il n'a donc pu en transmettre aucun
jour que le donateur est réputé avoir donné et à son héritier à cet égard , et par conséquent
consommé sa donation ; d'où il suit qu'il faut son héritier ne peut pas , à cet égard , le repré
qu'il soit vivant, car on ne peut plus rien faire senter ni accepter la donation.
après qu'on est mort. La donation étant une Il suit encore de nos principes que le dona
convention, elle se forme par le concours des taire doit être capable de recevoir des donations
volontés du donateur et du donataire. L'accep lors de l'acceptation; car, puisque c'est propre
tation, qui se fait du vivant du donateur, forme ment dans ce temps que la donation se forme ,
ce concours, parce que le donateur, qui n'a pas c'est aussi dans ce temps que le donataire doit
témoigné avoir changé de volonté , est présumé en avoir la capacité.
persévérer toujours dans la volonté de donner Doit-on toujours conclure de là que si le
qu'il avait déclarée auparavant; mais l'accepta donataire, dans le temps intermédiaire de la
tion, qui se fait après la mort du donateur, ne donation et de l'acceptation , devenait le mé
peut plus former ce concours , puisqu'un mort decin ou le procureur du donateur, la donation
n'a plus de volonté. ne serait pas valable ? Je pense que non ; car l'in
Il suit de ces principes que l'acceptation ne capacité du médecin , des procureurs et des
peut se faire, non seulement après la mort du personnes semblables , n'étant pas une incapa
donateur, mais même après qu'il a perdu l'usage cité absolue et prononcée par la loi , mais une
de la raison , ou que, sans l'avoir perdu, il est incapacité improprement dite et qui ne résulte
devenu d'ailleurs incapable de donner; car on que de la présomption, qui naît de la qualité de
ne peut plus supposer, lors de l'acceptation, le ces personnes, que cette donation a été extor
concours des volontés du donateur et du dona quée par leur empire sur l'esprit du donateur,
taire nécessaire pour former la donation, si, cette incapacité ne doit plus être considérée,
dans ce temps, le donateur est incapable de lorsque cette présomption cesse, et qu'il paraît
volonté. En vain, lors de l'acceptation, serait-il que le donateur s'était porté à la donation ,
supposé persévérer dans la volonté de donner , avant que lo donataire eût eu cclto qualité qui
SECTION II. 15
pouvait lui donner de l'ascendant sur l'esprit du personnes à qui elles sont faites, qui sont souvent,
donateur. lors de l'acte, incertaines. C'est pourquoi l'Or
Sous avons à présent à voir par qui l'accepta donnance de 1731, art. Il, dit qu'elles vaudront,
tion peut être faite. Elle peut se faire, ou par le en vertu de l'acceptation du premier donataire
donataire lui-même, ou par son procureur, soit à qui la donation directe a été faite , à la charge
spécial, soit général (Ordonnance de 1731, de leur restituer, sans qu'il soit besoin d'aucune
art. 5); par son tuteur, par son curateur ou acceptation de leur part.
autre administrateur. Lorsqu'une donation est faite à quelqu'un et
Une acceplution faite par toute autre personne à ses enfans à naître, elle est censée faite direc
qui n'aurait pas de mandat , et qui déclarerait se tement à lui, et contenir un fidéicommis au
porter fort pour le donataire absent , ne serait profit de ses enfans, et par conséquent son
pas valable, et la donation ne vaudrait que du acceptation suffit et rend la donation valable
jour de la ratification ezpresse qu'en ferait le même à l'égard des enfans à naître.
donataire par un acte devant notaire, dont il Il en est de même, lorsqu'une donation est
doit rester minute. (Ordonnance de 1731, faite aux enfans nés et à naître de quelqu'un. Les
art. 5. ) enfans nés sont les seuls donataires directs , et
L'acceptation contenant un consentement, il leur acceptation suffit. Ceux à naître sont censés
s'ensuit que les enfans et les fous , à qui une appelés par forme de fidéicommis, à mesure
donation est faite, ne peuvent pas l'accepter qu'ils naîtront , à une portion virile des choses
par eux-mêmes , mais leurs tuteurs ou curateurs données.
peuvent l'accepter pour eux. (Ordonnance de Les institutions contractuelles n'ont point
1731, art. 7.) besoin non plus d'acceptation.
Il est même permis par ledit article, au Les donations entre-vifs, quoique directes,
père et à la mère du donataire mineur ou lorsqu'elles sont faites par contrat de mariage ,
interdit , quand même ils n'auraient pas la qua ne sont pas sujettes à la solennité d'acceptation
lité de tuteurs ou curateurs, et même aux (Ordonnance de 1731, art. 10), parce que la
autres ascendans , quoique du vivant du père et faveur des contrats de mariage fait dispenser de
de la mère du donataire , d'accepter, pour le toute formalité les dispositions qui y sont con
donataire mineur ou interdit, la donation qui tenues.
lai est faite, ainsi que le pourrait faire un Enfin les donations de meubles corporels ,
tuteur. lorsqu'il y a tradition réelle, ne sont pas sujettes
L'Ordonnance, en permettant à ces personnes i aucune formalité, puisqu'on peut même n'en
d'accepter les donations faites aux mineurs et passer aucun acte.
interdits, n'exclut pas les mineurs et interdits Les lois romaines reconnaissaient une espèce
qui ont l'usage de la raison , tels que sont les de libéralité qui obligeait en certain cas le dona
interdits pour cause de prodigalité , et les mi teur, sans aucune convention avec le donataire,
neurs puhères ou voisins de la puberté, d'ac et par conséquent sans acceptation. C'est ce
cepter par eux-mêmes les donations qui leur que les lois appelaient pollicitation , qu'on
sont faites. définit solius offerentis promissum. Ces polli-
Il est évident aussi que les communautés ne citations, lorsqu'elles étaient de quelque chose
pouvant consentir par elles-mêmes l'accepta qui contint quelque utilité publique, ou qui
tion des donations qui leur sont faites , cette contribuât à la décoration d'une ville, étaient
acceptntion doit être faite par les personnes pré obligatoires, ou lorsqu'elles avaient eu un com
posées à la gestion des affaires de ces commu mencement d'exécution, ou même, sans cela,
nautés, comme, par exemple, par un syndic. lorsqu'elles avaient été faites en conséquence de
Si la donation est faite à un hôpital, elle sera quelque honneur ou magistrature déférés à
acceptée par les administrateurs ; si elle est faite celui qui avait fait la pollicitation. (Voyez notre
pour la fondation de quelque service divin dans titre de potlicitationibus, dans nos Pandectes.)
nne paroisse , ou pour la subsistance des pauvres, Ricard rapporte quelques arrêts, par lesquels
Iacceptation sera faite par les curés et les mar- il paraît que ces pollicitalions avaient été admises
guilliers de ladite paroisse. (Ordonnance de dans notre jurisprudence ; mais elles paraissent
1731, art. 8.) aujourd'hui rejetées par l'Ordonnance de 1731,
H nous reste à observer touchant l'accepta art. 5, qui dit en termes formels que même les
tion, qu'elle n'est nécessaire que pour les dona donations faites en faveur de l'église ou pour
tions directes. Les donations fidéicommissaires, causes pies, ne pourront engager le donateur
quuique faites par un acte de donation entre que du jour qu'elles auront été acceptées. Car
es, n'ont pas besoin d'être acceptées par les de ce que l'Ordonnance a déclaré qu'elle n'ex
10 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
ceptait pas de la nécessité de l'acceptation même le donateur préfère le donataire à lui-
la cause pie, on peut conclure que son esprit pour la chose donnée , est (comme nous l'i
est de n'en excepter aucunes, et par conséquent dit) le caractère des donations entre-vifs; or c'est
de ne pas même eu excepter celles qui auraient par suite de cette préférence que le donateur se
pour cause la décoration des villes , ou quelque dépouille au profit de son donataire. Ce dépouil
utilité publique. lement est donc de la nature des donations
entre-vifs.
ARTICLE II.
S I. DE LA TRADITION.
De la tradition et de Virrévocabilité.
Les Coutumes sont différentes sur la qualité
Il est de principe dans notre droit français sur de la tradition. Il y en a qui en demandent une
la matière des donations entre-vifs , que donner solennelle sous différens noms.
et retenir ne vaut. Cette maxime est insérée D'autres demandent une tradition réelle, et
dans plusieurs Coutumes. (Parie, art. 273; ne reconnaissent point pour valables les dona
Orléans, art. 283.) tions dans lesquelles il n'est intervenu qu'une
Ces mêmes Coutumes donnent en mêmetemps tradition feinte, telle que celle qu'on induit de
l'explication de cette maxime : « C'est donner et la rétention d'usufruit. Dans les Coutumes de
« retenir, quand le donateur s'est réservé la Paris et d'Orléans, les donations sont valables ,
u puissance de disposer librement de la chose soit que la tradition ait été réelle, soit qu'elle
« par lui donnée , ou qu'il demeure en possession ait été seulement feinte.
« jusqu'aujour de son décès. s ( Parie, art. 274; On entend assez ce que c'est que tradition
Orlàane, 283. ) Deux choses sont donc requises, réelle ; c'est lorsque je fais passer une chose
suivant cette maxime, pour la validité des mobilière de ma main en celle d'un autre, dans
donations : la tradition de la chose donnée, et la vue de lui en abandonner la possession ; ou
l'irrévocabilité parfaite. 1« La Coutume établit que , dans la même vue , je déloge d'une maison
la nécessité de la tradition, lorsqu'elle dit que ou d'un héritage en faveur d'un autre qui y
c'est donner et retenir, lorsque le donateur entre en ma place.
demeure en possession. On appelle tradition feinte toutes les manières
2« La même Coutume d'Orléans dit ailleurs , de faire passer à quelqu'un la possession d'une
art. 276, que la donation est valable , pourvu chose sans qu'il intervienne de tradition réelle.
que, dès le temps du don, les donateurs se Par exemple, lorsque, donnant un héritage à
dessaisissent. quelqu'un, je le retiens à titre de ferme ou de
La raison, pour laquelle notre droit a requis, loyer, c'est une tradition feinte, parce que,
pour la validité des donations , la nécessité de restant dans l'héritage, et sans qu'il intervienne
cette tradition, ainsi que celle de l'irrévocubi- par conséquent de tradition réelle, je ne laisse
lité, se fait assez apercevoir. L'esprit de notre pas de faire passer à ce donataire la possession
droit français incline à ce que les biens demeu de l'héritage. En effet, comme nous possédons
rent dans les familles et passent aux héritiers. non seulement les choses que nous tenons par
Leurs dispositions sur les propres , sur les nous-mêmes . mais même celles que nous tenons
réserves coutumiéres , le font assez connaître. par nos fermiers et locataires , et qu'un héritage
Dans cette vue, comme on ne pouvait juste n'est pas proprement possédé p:ir celui qui le
ment dépouiller les particuliers du droit que tient à ferme ou à loyer, mais par celui de qui
chacun a naturellement de disposer de ce qui est il est tenu à ce titre , il s'ensuit que le donateur,
à lui, et par conséquent de donner entre-vifs, en se rendant , par une clause de la donation , le
nos lois ont jugé à propos, en conservant aux fermier ou le locataire du donataire pour raison
particuliers ce droit, de mettre néanmoins un do l'héritage qu'il lui donne, sans sortir de l'hé
frein qui leur en rendit l'exercice plus difficile. ritage, il cesse de le posséder, et en transfère
C'est pour cela qu'elles ont ordonné qu'aucun véritablement la possession au donataire.
ne pût valablement donner qu'il ne se dessaisît Il en est de même de la clause de rétention
dès le temps de la donation de la chose donnée, d'usufruit, soit dans un contrat de vente, soit
et qu'il ne se privât pour toujours de la faculté dans un contrat de donation. Car comme un
d'en disposer; afm que l'attache naturelle qu'on usufruitier no possède pas la chose dont il a
a à ce qu'on possède, et l'éloignement qu'on a l'usufruit , comme chose à lui appartenante ,
pour le dépouillement , détournât les particuliers mais comme la chose d'autrui, il ne la possède
de donner. pas en quelque façon , et c'est celui de qui il la
D'ailleurs , la parfaite libéralité . qui fait que tient à usufruit qui la possède par lui : d'où il
SECTION II. 17
suit que le vendeur ou donateur, en se rendant de la simple clause de dessaisine saisine, est
par cette clause l'usufruitier de la chose qu'il particulière à notre Coutume d'Orléans. C'est
vend ou qu'il donne, il en transfère la possession pourquoi , pour qu'elle ail lieu , il faut non seu
a l'acquéreur, de qui il se reconnaît la tenir à lement qu'il s'agisse d'héritages situés en la
titre d'usufruit. Coutume d'Orléans, mais il faut encore, selon
Ces manières et autres semblables de trans Dumoulin , que l'acte y ait été passé, dummodo
férer la possession sont appelées traditions sit facta Aureliœ (dit-il en sa note sur l'orr. 218
feintes, parce qu'elles ne contiennent effective- de l'ancienne Coutume, dont celui-ci est tiré.)
ment aucune tradition réelle. On la suppose Secùs si de terris sitis Parisiis.
seulement intervenue .parce qu'elles produisent Il faut donc aussi dans les autres Coutumes ,
le même effet de transférer la possession, que si à défaut de tradition réelle, quelque clause de
elle était effectivement intervenue. rétention d'usufruit , de constitut , de précaire,
Les Coutumes de Paris et d'Orléans déclarent et la seule clause de dessaisine saisine ne suffit pas.
formellement qu'elles se contentent de ces tra Il faut observer que, suivant Dumoulin, la
ditions feintes pour la validité des donations, tradition, soit réelle, soit feinte, n'est nécessaire
lorsqu'elles disent : u Ce n'est donner et retenir que dans les donations pures et simples, et non
« quand l'on donne la propriété d'aucun héri- dans les donations qui sont suspendues par une
« tage , retenu à soi l'usufruit à vie ou à temps, condition, ni même dans celles dont, par la loi
« ou quand il y a clause deconstitut ou précaire; apposée au contrat, l'exécution est transférée à
«et vaut telle donation. « (Orléans, 284, un certain temps.
Paris, 275.) Il pense que ces sortes de donations sont
On appelle clouse de constitut la clause par valables, et que le, donateur n'est pas ceusé
laquelle le donateur déclare tenir l'héritage du donner et retenir, quoiqu'il retienne la chose
donataire, et n'en demeurer en possession que donnée jusqu'au temps marqué pour l'exécution.
pour lui et en son nom, soit comme fermier, Car, selon lui, ce n'est donner et retenir quo
soit comme locataire, ou de quelque autre lorsque le donateur retient la chose donnée
manière que ce soit. contre la teneur de la donation , et non pas
La clause du précaire est celle par laquelle le lorsqu'il la retient en exécution de la loi même
donateur ne retient l'héritage que précairement apposée a lu donation. Voici ses termes; en
du donataire , c'est-à-dire par grace, de sa part, expliquant que donner et retenir ne vaut , il dit :
et à la charge de le lui remettre toutes fois et JJœc consuetudo intetligitur quando fit contra-
quanles il le demandera. rium donationis , ut quia pvoprietas iint m de
Quand même il ne serait pas dit expressément prœsenti s Secùs si datur post obitum quia
nue le donateur se retient l'usufruit de la chose interim non potest peti, nec potest tradi, et sic
donnée, mais seulement que l'acquéreur n'en non retineturdatum. Ce sentiment de Dumoulin
trera en jouissance que dans un certain temps, ne paraît pas pouvoir être suivi eu notre Cou
Ricard pense que c'est une rétention d'usufruit tume, qui porte expressément qu'il faut que, dés
jusqu'à ce temps. le temps du don , le donateur se dessaisisse.
La Coutume d'Orléans fait mention d'une Quoique les choses incorporelles ne soient
antre espèce de tradition feinte. Elle dit, susceptibles ni de possession ni de tradition pro
art. 278, que la clause de dessaisine saisine prement dite, néanmoins la donation do ces
devant notaire de cour laye équipolle à la tra sortes de choses n'est pas dispensée de la néces
dition de fait , sans qu'il soit requis autre appré sité de la tradition, et ce qui équipolle à tradi
hension. tion à l'égard de ces sortes de choses doit inter
Pour que cette tradition feinte ait lieu, il venir pour que la donation soit valable. C'est
tout 1s que celui, qui se dessaisit par cette pourquoi, comme à l'égard des créances c'est la
clause , soit véritablement en possession de signification , que fait le cessionnaire de sou
l'héritage qu'il aliène; car on ne peut se des transport au débiteur de la créance , qui le saisit
saisir que de ce qu'on possède; 2s il faut que les et équipolle à tradition , suivant lu, t. 108 de la
parties ne fassent par la suite rien de contraire Coutume de Paris, qui est suivi partout, il
à cette clause; car si , nonobstant cette clause, s'ensuit que , pour que la donation d'une créance
le donataire souffrait que le donateur restât par soit valable , il faut que le donataire signifie au
la suite eu possession de la chose donnée, celte débiteur la donation.
clause serait de nul effet, et la donation serait Il faut avoir recours à la même espèce do
nulle , par la raison que , donner et retenir ne tradition, lorsque quelqu'un donne un héritage
vaut. dont il n'a pas la possession; comme, en ce cas,
Cette espèce de tradition feinte, qui résulte il ne peut y avoir lieu ni à la tradition réelle ni
Tome V. 3
18 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
aux traditions feintes ( dont il a été parlé ci- c'est ce qui la distingue de la donation pour
dessus) , dont l'effet est de transférer la posses cause de mort ; d'où il suit que tout ce qui blesse
sion de l'héritage, puisque le donateur, qui ne cette irrévocabilité est un vice qui annule la
l'a pas lui-même, ne peut pas la transférer, la donation entre-vifs , parce qu'il en détruit la
signification faite au possesseur de l'héritage cause.
par le donataire, de la donation qui lui en est Ce que nous disons ne doit pas être entendu
faite avec assignation pour le délaisser, tient absolument de toute irrévocabilité, mais, rela
lieu de la tradition du droit que le donateur avait tivement au donateur, de celle qui consiste en
de le revendiquer, et rend valable la donation ce qu'il ne soit pas laissé en sa liberté de
qu'il en a faite. détruire ni même d'altérer le moins du monde
Si la donation est d'une somme ou d'une rente, l'effet de la donation. Au reste il n'est pas
dont le donateur se constitue débiteur envers le contraire à la nature des donations entre-vifs
donataire, une telle donation n'est susceptible qu'elles soient révocables sous quelquecondition
d'aucune tradition , et l'obligation irrévocable casuelle qui ne dépende pas de la volonté du
de la payer, que le donateur contracte par la donateur, et elles peuvent être valablement faites
donat ion , suffit pour rendre sa donation valable. à la charge de révocation sous quelques unes
Il nous reste à observer sur la nécessité de la de ces conditions.
tradition que, suivant Ricard, le défaut de tra C'est eu conséquence de l'irrévocabilité que
dition ne peut être opposé par le donateur lui- nous disons êtrede l'essence des donations entre-
même, qui peut toujours être contraint à faire vifs, que les Coutumes, en expliquant la
la délivrance : et que ce défaut peut être opposé maxime donner et retenir ne vaut , disent que
seulement par ses héritiers et par des tiers. Cela c'est donner et retenir, quand le donateur s'est
souffre difficulté en notre Coutume, qui dit en réservé la puissance de disposer librement de la
termes très généraux que, pour que la donation chose donnée ; car cette faculté , qu'il se réserve
soit valable , il faut que , dès le temps du don , le d'en disposer, empêche que la donation ne soit
donateur se dessaisisse. C'est pourquoi Lalande, irrévocable , et par conséquent détruit sa nature
sur l'orf. 283, dit formellement , qu'à défaut de et la rend nulle.
clause de tradition feinte, le donataire ne peut
pas agir personnellement contre le donateur, à g III. PLUSIEURS CONSÉQUENCES TIREES DE LA NÉ
ce qu'il soit condamné à la délivrance des meu CESSITÉ DE LA TRADITION ET DE L'iRRÉVOCARILlTÉ
bles ou immeubles par lui promis. Et ailleurs il DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
dit que par notre Coutume, conforme en cela
à l'ancien droit romain, la simple paction de Il suit de là, 1« qu'on ne peut donner ses
donner n'est point obligatoire. biens à venir ; car cette donation pèche , et par
Il y a néanmoins des jurisconsultes qui pen le défaut de tradition, puisque le donateur ne
sent que, même dans la Coutume d'Orléans, le peut pas se dessaisir de ce qu'il n'a pas encore,
défaut de tradition ne peut être opposé par le et par le défaut d'irrévncabilité , car, étant en
donateur, et que le donataire a action contre lui la liberté du donateur d'acquérir ou de ne pas
pour se faire livrer la chose qu'il lui a donnée ; acquérir des biens, il demeurerait en sa liberté
que ces termes , • pourvu que dès le temps du de donner ou de ne pas donner d'effet à la
don le donateur se dessaisisse, > ne concernent donation.
que l'irrévocabilité essentielle aux donations, et De là il suit 2s qu'on ne peut donner sous une
qu'ils signifient seulement que , dès le temps du condition qui dépende de la volonté du donateur,
don, le donateur ne doit plus être le maître de même ses biens présens , ni quelque chose par
se repentir de sa donation; qu'au surplus il est ticulière ; car cette donation pèche par le défaut
censé s'être dessaisi suffisamment par l'action d'irrévocabilité , le donateur étant le maître,
qu'il donne contre lui en l'obligeant à livrer la en faisant manquer la condition, d'en anéantir
chose, et que de même qu'on dit en droit que, l'effet.
14 qui actionem habet ad rem, jam ipaam rem De là il suit 3« qu'on ne peut donner à la
kabere videtur, de même on peut dire que charge de payer les dettes que le donateur con
celui , qui a donné une action contre lui pour le tractera par la suite : cette donation pèche par
contraindre à se dessaisir de la chose, s'en est le défaut d'irrévocabilité ; car le donateur ,
déjà comme dessaisi. ayant la liberté d'en contracter tant qu'il lui
plaira , conserve la liberté de disposer des biens
S II. DE L'iRIU.VOCARIMTÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS. qu'il a donnés, et de détruire entièrement l'effet
C'est le caractère essentiel et distinctif de la de sa donation, en l'absorbant par les dettes
donation entre -vifs, d'être irrévocable, car qu'il contractera. (Ordonnancede 1731, art. 16.)
SECTION II. 19
De là il suit 4« que si la donation était faite à donation, et par conséquent la charge de payer
la charge de payer les dettes que le donateur les dettes qu'il contracterait , qui était inhérente
contractera , jusqu'à concurrence néanmoins à cette donation, était, dans l'intention du do
d'une certaine somme , la donation ne sera pas nateur , une charge de tout ce qu'il donnait des
à la vérité entièrement nulle , mais elle le sera biens présens comme des biens à venir.
jusqu'à la concurrence de cette somme, quand La jurisprudence, qui, avant l'Ordonnance,
même le donateur n'aurait pas usé de cette était contraire à cette décision , n'a été abrogée
liberté et n'aurait contracté aucune dette. Car que pour l'avenir. C'est pourquoi on doit meme
le donateur ayant eu la liberté de diminuer encore aujourd'hui décider , à l'égard des dona
l'enet de sa donation jusqu'à concurrence de tions des biens présens et à venir faites avant la
cette somme, il s'ensuit qu'elle n'a pas été irré publication de l'Ordonnance de 1731, qu'elles
vocable jusqu'à la concurrence de cel te somme, sont valubles pour les biens que le doua leur avait
et par conséquent qu'ello est nulle jusqu'à cette lors de la donation.
concurrence. (Ordonnance de 1731 , art. 16.) Lorsque quelqu'un fait donation entre-vifs
Par la même raison , si quelqu'un avait donné d'une rente d'une certaine somme, dont il se
tous ses biens présens à quelqu'un , en se réser constitue le débiteur, la clause apposée à cette
vant néanmoins la faculté de disposer ou de donation , que le donateur n'en paiera pendant
tester d'une certaine somme; quand bien même sa vie les arrérages que selon sa commodité ,
il serait dit expressément par l'acte que la n'est pas contraire au caractère d'irrévocabilité
somme, au cas qu'il n'en eût pas disposé, de que doivent avoir les donations pour être vala
meurerait comprise en la donation, néanmoins bles ; car cette clause ne rend pas le donateur
la donation serait nulle jusqu'à concurrence de maître de n'être pas débiteur de la rente qu'il h
cette somme , parce qu'elle n'était pas irrévo donnée ; elle lui donne seulement une exception
cable jusqu'à la concurrence de cette somme. que tout donateur avait par les lois romaines.
De là il suit 5« que l'Ordonnance de 1731 , Ne ultra quans facere polesl exigatur.
art. 15, a fort bien décidé que la donation des
biens présens et à venir n'était pas valable,
quand même le donataire aurait été mis en pos S IV. EXCEPTION PAR
A L'ÉGARD DES DONATIONS FAITES
CONTHAT DE MARIAGE.
session des biens présens (Ordonnance de 1731,
art. 15) , parce que cette donation contenant
en soi la charge de payer toutes les dettes que Les donations faites par contrat de mariage
le donateur contractera , elle pèche par le défaut aux conjoints , ou à ceux qui naîtront du ma
d'irrévocabilité, puisque le donateur, en se riage , par quelque personne que ce soit, ne
réservant la liberté de charger son donataire des sont pas sujettes aux règles établies dans les pa
dettes qu'il contractera, se réserve par là indi ragraphes précédons, et ne peuvent être attaquées
rectement la liberté d'anéantir la donation des de nullité faute de tradition ou d'irrévocabilité.
biens , même présens , en contractant des dettes C'est pourquoi, 1« l'Ordonnance de 1731,
qui absorbent tant les biens qu'il acquerra que art. 17, décide que ces donations peuvent com
les présens. prendre les biens à venir, et que, lorsque la
La jurisprudence , avant l'Ordonnance, était donation par contrat de mariage a été faite des
contraire à cette décision, et on jugeait que la biens présens et à venir , il est au choix du dona
donation n'était nulle que pour les biens à venir, taire , ou d'accepter tous les biens tels qu'ils se
et que le donataire n'était pas chargé des dettes trouvent lors du décès du donateur, en se char
coutractées depuis la donation , ces dettes étant geant de toutes les delles même postérieures à
une charge des biens à venir qu'il n'avait pas, la donation, ou de s'en tenir aux biens existans
et non des biens présens. (Arrêts des 24 mai 1718, lors de la donation , en se chargeant seulement
janvier 1719, au septième tome du Journal des des dettes et charges qui existaient audit temps.
audiences.) 2« Elle décide que ces donations faites par
Mais. le sentiment, qu'a embrassé l'Ordon contrat de mariage peuvent être faites sous des
naoce , et qui est aussi celui de Ricard , parait conditions qui dépendent de la volonté du do
bien plus cunforme aux principes; car le dona nateur ;
teur , qui avait donné ses biens présens et à 3'' Qu'elles peuvent être faites à la charge de
venir, n'avait pas entendu faire deux donations , payer les dettes qu'il contractera ;
l'une de ses biens présens , à la charge de ses 4« Que le donateur peut, dans ces donations,
dettes présentes , et l'autre de ses biens à venir, se réserver la faculté de disposer de certaines
à la charge des dettes qu'il contracterait; mais choses ou de certaines sommes , et que , lorsqu'il
il n'avait entendu faire qu'une seule et même meurt sans en avoir disposé, ces choses demou
20 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
rent comprises en la donation. (Ordonnance de Il y avait peu lieu de douter que les donation»
1731 , art. 18.) rémunératoires, qui contiennent une énonc1a-
tion vague de services incertains , dussent être
ARTICLE III. sujettes à l'insinuation ; autrement il aurait été
De l'insinuation des donations. au pouvoir du notaire et des contractons d'élu
der, quand ils voudraient, la disposition du
On appelle insinuation la description qui est l'Ordonnance, en insérant dans l'acte cette
faile de l'acte de donation dans un registre clause, qui, par la suite, serait devenue de
public. style , et aurait rendu la loi sans effet.
Par le droit romain , suivant les constitutions 11 y aurait plus de difficulté à l'égard des do
de Constantin cl de Yalentinien , tes donations , nations qui seraient faites pour récompense du
pour être valables, devaient être insinuées services certains, et désignés par l'acte de dona
lorsqu'elles excédaient une certaine somme. tion. Néanmoins celles-ci sont aussi sujettes à
(Voyez notre titre des donations, dans nos l'insinuation, si les services, en récompense
Pandectes.) desquels la donation a été faite, quoique con-
Dans notre droit français, la première loi, stans, sont des services qui ne sont pas appré
qui les y a assujetties, est l'Ordonnance de 1539 ; ciables à prix d'argent , et pour lesquels le
elle a été confirmée en ce pointpar l'Ordonnance donataire n'aurait aucune action contre le dona
de Moulins , et enfin de nos jours par l'Ordon teur pour en élre récompensé ; car, quoiqu'une
nance de 1731. donation, faite pour récompense de tels services,
Le motif de ces lois est afin que ceux, qui ne soit pas si parfaite que la donation simple,
contracteraient par la suite avec le donateur, néanmoins c'est toujours vraiment une dona
et ceux, qui accepteraient sa succession, qu'ils tion, puisque le donateur donne sans qu'il soit
croiraient opulente, ne fussent pas induits en besoin de donner. C'est ici hberalitas nullojur»
erreur par l'ignorance où ils seraient des dona cogente facta.
tions. Que si les services , en récompense desquels
la donation a été faite, étaient et constans et ap
$ I. QUELLES DONATIONS SONT SUJETTES A préciables à prix d'argent, mais que le prix
L'iNSIMJATION. desdits services fut inférieur en valeurà la chose
donnée, ce serait encore unedonntion, qui. faute
Tontes les donations entre -vifs, quelles d'insinuation, serait nulle, sauf au donataire
qu'elles soient, sont sujettes à l'insinuation. d'exercer ses actions pour se faire payer du juste
L'Ordonnance de 1539 l'étant exprimée en prix des services par lui rendus.
termes généraux , on fil la question de savoir si Que si le prix de ces services est égal à la valeur
les donations rémunérotoires étaient comprises de la chose donnée, en ce cas cette donation
dans la disposition de la loi. La raison de douter rémunérntoire n'en a que le nom , et quoique le
était que ces donations, que le devoir d'une donataire fuit qualifiée telle, elle n'est pas en
juste reconnaissance engage le donateur à faire , effet une donation rémunéraloire. mais une
ne sont pas proprement des donations; car, sui donation en paiement, une vente de la chose
vant Julien . une donation n'est proprement une donnée pour la somme due à l'acquéreur pour
donation , que lorsque quelqu'un donne sans le prix de ses services ; et par conséquent un tel
avoir aucun sujet de donner que celui d'exercer acte n'est pas sujet à l'insinuation.
sa libéralité. JJat aliquis câ mente , ut statim On a fait la même question à l'égard des
velit accipientis fieri , nec ulto casu ad se re- donations onéreuses qu'à l'égard des donations
verii : et propter nullam aliam causani facit, rémunératoires : c'était la même raison de
quàm ut liberalitutem et munificentiam exer- douter. On disait que ces donations onéreuses
ceat. Hœc propriè donatio appellatur ; l. 1 , ff. ne sont pas proprement et parfaitement des
de donationib. donations, étant du caractère de la donation
Cette question fut décidée par la déclaration parfaite de n'avoir d'autre cause que celle
rendue en interprél ation de l'Ordonnancede 1539, d'exercer une libéralité. Néanmoins, l'Ordon
qui porte que toutes les donations , encore bien nance de Moulins assujettit en termes formels à
qu'elles soient simples, ainsi rémunératoires, l'insinuation les donations onéreuses.
ou autrement causées, sont sujettes à l'insinua Cela doit s'entendre des donations dont les
tion. charges ne sont pas appréciables à prix d'ar
L'Ordonnance de 1731 , art. 20. porte aussi gent, telles que sont celles faites à la charge
que même les donations rémunératoires doivent de" services et fondations, que l'Ordonnance
être insinuées. de 1731, art. 20, déclare, par cette raison,
SECTION II. 21
être de vraies donations sujettes à l'insinuation. qu'il s'est dépouillé de ses biens par des dona
Quand même les charges seraient appréciables tions , peu importe, pour remplir cette vue,
à prix d'argent, si le prix est de beaucoup infé qu'il s'en soit dépouillé par une parfaite libéralité
rieur à celui de la chose donnée , c'est encore , ou par un don mutuel , pourvu qu'il s'en soit
en ce cas , une donation qui pourra et re annulée dépouillé.
faute d'insinuation , réservant au donataire son On a demandé si les donations par contrat de
aclion pour se faire payer, s'il a accompli ces mariage sont sujettes à l'insinuation. Quoi
charges. qu'elles soient dispensées des autres formalités
Que si les charges , que le donateur a stipulées des donations, elles ne sont pas dispensées de
à son profit , sont charges appréciables , et dont l'Insinuation. Néanmoins, il faut , à cet égard,
le prix égale à peu près l'héritage donné, ce distinguer celles qui sont faites à l'un des con
n'est pas une donation , et par conséquent il joints par quelqu'un des ascendans , et celles qui
n'est pas besoin d'insinuation. Cela a été jugé leur sont faites par d'autres personnes, et celles
pararrêt du3 avril 1716, au 6v tome du Journal que les conjoints se font entre eux.
des audiences, dans l'espèce d'une donation L'Ordonnance de 1731 , ars. 19, excepte les
faite à la charge de nourrir le donateur, la premières de la nécessité de l'insinuation.
valeur des choses données n'excédant pas le prix Ricard avait été aussi de cet avis. La raison en
de cette charge. est que l'obligation de doter les enfans étant,
On a douté si les donations mutuelles avaient de la part des ascendans, une obligation natu
besoins d'insinuation. La raison de douter était relle , ces donations ne sont pas tant des dona
que ces donations n'en avaient que le nom et tions que l'acquittement d'une dette naturelle.
étaient plutôt des contrats intéressés. D'ailleurs les mariages étant publies , et les
L'Ordonnance de Moulins a décidé qu'elles y ascendans, qui marient leurs enfans, étant pré
étaient sujettes. Malgré le texte formel de cette sumés les doter, lorsqu'ils les marient, ces
Ordonnance, Ricord a soutenu que les donations donations ne peuvent être ignorées , et par con
mutuelles, lorsqu'il y avait parfaite égalité, et séquent n'ont pas besoin de l'insinuation pour
dans ce qui était donné de part et d'autre et par être rendues publiques.
rapport aux personnes des donateurs , qui étaient Ricard avait limité son sentiment aux dona
l'un et l'autre en santé, n'étaient pas sujettes à tions qui seraient faites intrà lcgitimani modum;
insinuation , ces donations n'ayant de la dona mais cette limitation trop scrupuleuse n'a pas
tion que le nom, puisque, dans ce contrat, chacun été suivie par l'Ordonnance.
recoit autant qu'il donne. Ce sentiment de Ricard Les donations , quoique faites par les ascen
est manifestement contraire au texte de l'Or dans , ailleurs que par contrat de mariage . sont
donnance de Moulins. En vain Ricard dit que sujettes à l'insinuation, l'Ordonnance n'ayant
l'Ordonnance de Moulins n'a entendu parler que excepté que celles faites par contrat de ma
des donations mutuelles inégales : c'est donner riage.
un sens ridicule à cette Ordonnance que de dire, On pourrait peut-être, néanmoins, étendre
qu'en assujettissant les donations mutuelles à la disposition de l'Ordonnance aux donations
l'insinuation , elle n'y assujettit que celles qui faites par un ascendant pour le titre clérical du
ne sont pas parfaitement mutuelles, mais qui donataire, lorsqu'elle n'excèdo pas la somme
ne le sont que aliquatenùs. Aussi le sentiment réglée pour le titre clérical, y ayant une très
de Ricard n'a pas été suivi, et il est aussi grande parité de raison.
réprouvé par l'Ordonnonce de 1731 , qui dit que 11 eu est de même de la donation faite par un
les donations mutuelles sont sujettes à l'insinua ascendant pour la profession religieuse du dona
tion, quand même elles seraient parfaitement taire, dans nn couvent où il est permis de
égales. La raison en est que , quoique les dona recevoir des dots , lorsque le donation n'excède
tions mutuelles ne soient pas proprement des pas ce qu'il est permis de donner pour ces dots.
donations et ne contiennent pas une vraie libé Par la même raison , les donations de la
ralité, néanmoins il suffit que le donateur se seconde espèce faites par contrat de mariage ,
soit dépouillé de ses biens, sans avoir reçu à la c'est-à-dire celles faites aux conjoints par autres
place qu'une espérance qui n'a pas eu d'effet, personnes que par les ascendans, sont sujettes
pour que le motif de l'Ordonnance, qui a assu à l'insinuation, puisque l'Ordonnance n'a excepté
jetti les donations à l'insinuation , s'y rencontre; que celles faites parles ascendans, et que d'ail
car ce motif tendant à la fin de ne pas induire en leurs la même raison ne s'y rencontre pas, n'y
erreur les héritiers qui accepteraient la succes ayant aucune obligation naturelle de doter de la
sion et les tiers qui contracteraient avec lui , part des collatéraux et étrangers.
dans l'ignorance où ils seraient les uns les autres Enfin , les donations par contrat de mariage
22 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
de la troisième espèce , c'est-à-dire celles faites qu'il n'y a pas à la vérité do tradition réelle,
par les conjoints entre eux , sont sujettes à mais que leur valeur n'excède pas la somme
l'insinuation. de 1,000 liv. La modicité, en ce cas , les a fait
Mais on n'y doit pas comprendre les conven dispenser de la nécessité de l'insinuation.
tions ordinaires des contrats de mariage, quoi On a demandé si la donation des biens à
qu'elles contiennent un litre lucratif, tel est venir , faite par contrat de mariage par d'autres
l'augment dans le pays de droit écrit , et , dans que par les ascendans, était sujette à l'insinua
le pays coutumier , le douaire, le préciput d'une tion. Il semble qu'elle ne devrait pas l'être, car
certaine somme, soit en argent, soit en effets les motifs, qui ont fait établir l'insinuation, ne
mobiliers. (Ordonnance de 1731 , art. 21.) se rencontrent pas à l'égard de ces donations ,
La convention, que les biens de communauté puisque ces donations n'étant pas des choses qui
demeureraient en entier au surrivant , à la ne restent au donataire que lors du décus du
chargo de payer une somme modique aux héri donateur, à la charge de toutes les dettes que
tiers du prédécédé , doit passer pour une simple devra lors ce donateur, il n'y a aucun lieu de
convention et une loi de contrat de communauté, craindre qu'elles puissent induire en erreur
plutôt que pour une donation , et elle n'est pas préjudiciable ni ceux qui contracteront par la
en conséquence sujette à l'insinuation. suite avec le donateur, ni ses héritiers. Néan
On a jugé aussi que la convention, que le moins , la jurisprudence a assujetti ces sortes
conjoint jouirait en usufruit des biens du pré de donations, et même les institutions contrac
décédé, était une convention matrimoniale tuelles, à l'insinuation. Le maître en apporte une
plutot qu'une donation, et par conséquent non raison assez mauvaise, qui est de dire qu'il est
sujette à l'insinuation. (Arrêt du 8 août 1719.) toujours nécessaire que ces donations soient
Il faut observer que quoique les donations, publiques, si ce n'est pour ceux qui contracte
faites par le mari à la femme par le contrat de ront avec le donateur, au moins pour ceux qui
mariage, soient sujettes à l'insinuation, néan contracteront avec ses héritiers présomptifs ,
moins les héritiers du mari ne peuvent lui en comptant sur l'espérance de la succession , qu'ils
opposer le défaut. (Ordonnance de 1731 , ignoraient leur être ôtée par les donations. Il
art. 30.) La raison en est que le mari, comme valait mieux ne pas dire de raison que d'en dire
administrateur des biens de sa femme , ayant une si pitoyable. Il faut plutot dire que les héri
été obligé à la faire faire , il est responsable tiers du donateur ne laissent pas d'avoir intérêt
envers sa femme de ce défaut : d'où il suit que de connaître ces donations , afin de ne pas
les héritiers du mari ne sont pas recevables à accepter la succession du donateur; car quoi-
opposer un défaut, dont en leur qualité d'héri qu'en l'acceptant ils eussent un recours pour les
tiers ils se trouvent responsables. dettes contre le donataire jusqu'à concurrence
Néanmoins , si , dans te pays de droit écrit , la des choses données , ils ont néanmoins grand
donation eût été faite à la femme pour lui tenir intérêt de ne la pas accepter, ce recours ne les
lieu de biens paraphernaux ; comme le mari n'a mettant pas à couvert des poursuites des créan
pas l'administration de ces sortes de biens que ciers,.étant souvent mauvais ou accompagné de
la femme a droit d'administrer elle-même sans discussions.
son mari , il ne peut être , à cet égard , respon Les donations sont sujettes à l'Insinuation,
sable du défaut d'msinuation , et par conséquent quelles que soient les personnes entre qui elles
le défaut en peut être opposé par les héritiers du sont faites. Il faut en excepter néanmoins celles
mari. (Ordonnance de 1731 , art. 30.) faites au roi. La raison en est que les lois n'o
Les donations sont sujettes à l'insinuation, bligent que les sujets et non le souverain : il ne
quelles que soient les choses qui en soient peut donc être assujetti à la loi de l'insinuation.
l'objet : néanmoins, les donations des choses Vice nersâ , celles faites par le roi n'y sont
mobilières en sont dispensées en deux cas. pas assujetties : la première Ordonnance, qui a
Le premier est lorsqu'il y a tradition réelle. établi les insinuations, et qui est celle de 1539,
La raison en est que les meubles n'ont pas de y est formelle.
suite, et que leur fréquent commerce et leur Au reste, il ne faut pas conclure de ces
nature à passer successivement dans beaucoup termes que les donations faites soit par un
de mains , oblige à dispenser de toutes formalités étranger à un Français , soit par un Français à
les dispositions qui se font de ces sortes de un étranger, ne soient pas sujettes à l'insinua-
choses , lorsqu'elles sont suivies de tradition tiou ; car, comme l'observe Ricard, les lois
réelle. exercent leur empire sur tous les biens du
Le second cas auquel les donations des meu royaume. L'étranger, par rapport à la disposi
bles sont dispensées de l'insinuation , c'est lors tion ou à l'acquisition qu'il fait de ces biens . y
SECTION II. 23
«st sujet , et peut , à cet égard , être compris doit être fau> dans le lieu du domicile que le
HU le terme de nos sujets. donataire avait lors de la donation ; si elle ne se
fait qu'après le temps porté par l'Ordonance,
$ II. ou l'insinuation doit-elle étbk Faite. comme en ce cas cette insinuation ne vaut que
du jour qu'elle est faite , elle doit se faire au
lieu du domicile qu'a le donateur lorsqu'elle
Suivant les anciennes Ordonnances , l'insinua est faite.
tion devait se faire dans les greffes des Juridic A l'égard de la disposition des Ordonnances
tions royales du domicile du donateur et des qui porte que les donations seront aussi insinuées
lieux où les choses données étaient situées. Le dans les lieux où les choses données sont
roi, par édit de 1703, ayant établi des greffes situées , il est évident qu'elle ne peut avoir lieu
des insinuations dans chaque juridiction royale, pour les choses qui, par leur nature, n'ont pas
les insinuations ont cessé de pouvoir se faire de situation, tels que sont les meubles. Les
dans les greffes ordinaires des juridictions donations des meubles ne sont donc sujettes
royales , et ont dû se faire dans ces nouveaux qu'à l'insinuation du lieu du domicile.
greffes. Les choses Incorporelles n'ont pas aussi de
Depuis , ayant été permis aux greffiers des situation, n'y ayant que les corps qui eu soient
insinuations d'établir des bureaux d'arrondisse susceptibles : or tous les droits , toutes les
ment dans les justices des seigneurs , il s'éleva choses quœ in jure consistant r sont comprises
la question de savoir si les insinuations étaient parmi les choses incorporelles ; d'où il semble
valablement faites dans ces bureaux d'arron suivre que les donations de toutes ces choses ne
dissement. Cette question fut décidée par la sont sujettes qu'à l'insinuation du domicile.
déclaration du roi, du 10 novembre 1717, qui Néanmoins , comme les droits , qu'on a dans
décida que les insinuations, qui avaient été quelque héritage jura in re , tels que les droits
faites, et qui seraient faites par la suite dans d'usufruit, de rente foncière, de champart,
ces bureaux, seraient aussi valables que si elles sont en quelque façon comme une partie de
eussent cté faites aux greffes des insinuations l'héritage, la donation de ces sortes de droits
des juridictions royales. est suJette à l'insinuation dans la juridiction du
Depuis, par la déclaration du 7 février 1731, lieu où est situé l'héritage. >
le roi a voulu que les insinuations ne pussent se En est-il de même des droits ad rem ? Par
faire qu'aux greffes des insinuations établis près exemple, si quelqu'un avait donné à un autre
les juges royaux ressortissant Duement aux le droit qu'il avait de se faire livrer un héritage,
cours, et qui ont la connaissance des cas la donation devrait-elle être insinuée au lieu de
royaux. la situation de l'héritage? Je le pense; car
Les lois, touchant les lieux où l'insinuation donner un droit qui se termine et se résout
doit se faire , ayant été différentes, selon les dans l'héritage, c'est comme si on donnait
dilférens temps , est-ce la loi du temps où la l'héritage même.
donation a été faite, ou celle du temps où A l'égard des autres droits et créances qui ne
l'insinuat iou se fait, qui doit décider? C'est la se terminent qu'à quelque chose de mobilier,
loi qui a lieu au temps où l'insinuation se fait. comme aussi à l'égard des rentes constituées, soit
La déclaration de 1731 déclare nulles toutes les perpétuelles , soit viagères , la donation de ces
insinuations qui se feront à l'avenir ; elle dit sortes de choses n'est sujette qu'à l'insinuation
indistmctement : les insinuations des donations au lieu du domicile du donateur, ces sortes de
qui se feront à l'avenir. Le bureau, qui était choses n'ayant pas de situation.
compétent lors de la donation, ayant cessé de 11 y a néanmoins certaines rentes qui à cause
l'être, on ne peut plus faire l'insinuation dans du bureau de paiement qu'elles ont dans un
un bureau devenu incompétent. certain lieu, sont censées avoir leur assiette et
L'insinuation devant se faire dans la juridic situation au lieu où est ce bureau; comme sont
tion du domicile du donateur, s'il en a changé, celles sur l'hôtel-de-ville de Paris, ete. D'où il
est-ce dans le lieu du domicile qu'il avait lors suit que les donations de ces rentes doivent
de la donation, ou dans celui du domicile qu'il être insinuées en la juridiction de ce lieu,
avait lors de l'insinuation, qu'elle doit ctre comme lieu de la situation des choses données.
uùte? Ricard fait, à cet égard, une distinction Les offices, quoique êtres incorporels, sont
lui est que, si l'insinuation est faite dans le censés avoir une situation au lieu où s'en fait
temps porté par l'Ordonnance, comme en ce cas l'exercice, et par conséquent la donation d'un
l'insinuation a un effet rétroactif au temps de la office doit être insinuée en ce lieu.
donation, et qu'elle vaut dès ce temps, elle On a demandé si la donation des droits
TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
successifs appartenons au donateur, ou des vallo, par un acte différent, le temps des quatre
hiens présens du donateur, devait être insinuée mois ne court que du jour de l'acceptation , car
au lieu où étaient situés les héritages compris la donation n'est parfaite et n'est donation que
dans la succession ou dans les hiens donnés. de ce jour, et l'insinuation n'aurait pu se faire
La raison de douter est que, dans les droits auparavant , puisque l'insinuation suppose né
successifs, une universalité de hiens est consi cessairement une donation , et qu'il n'y a pro
dérée comme une universalité des corps qui la prement pas de donation avant l'acceptation ,
composent. Néanmoins, comme les corps, qui mais un simple projet.
y sont compris , sont réellement et effective Que si une donation a été faite sous une con
ment donnés par la donation de l'universalité dition suspensive, le temps courrait du jour de
qui les comprend . il faut dire que l'insinuation la donation, et non pas seulement du jour de
doit être faite au lieu où ils sont situés. l'échéance de ln condition. La raison en est que
Il en est autrement de la donation des hiens encore que la donation soit en suspens jusqu'à
qui se trouveront lors du décès du donateur. l'échéance de la condition , néanmoins , lorsque
Comme cette donation ne comprend aucun la condition vient à exister, elle a un effet ré
corps certain , l'insinuation du domicile suffit. troactif, et la donation vaut du jour du contrat ,
Lorsque d'une terre et seigneurie qui a été suivant le principe de droit commun à tous les
donnée dépendent plusieurs corps ou pièces d'hé actes entre-vifs ,que les conditions de ces actes
ritages situés en différentes juridictions, Ricard ont un effet rétroactif au temps du contrat.
et Lalande sont d'avis qu'il suffit de faire l'insi Que si la donation conditionnelle est donation
nuation en la juridiction du lieu où est situé le dès le temps de sa date , il s'ensuit que le temps
chef-lieu. Ce sentiment est fort plausihle; car de l'insinuation doit courir du jour de la date,
le chef-lieu est représentatif de tout ce qui en et non pas seulement du jour que la condition
dépend. Il est néanmoins plus sûr de faire l'in a existé ; autrement on ne satisferait pas aux
sinuation dans les différens lieux. On pourrait Ordonnances.
peut-être user ici de la distinction que l'édit Lorsque le donateur a confirmé sa donation
des criées met entre les fiefs et les héritages par un acte suhséquent , si le premier acte était
censuels, et dire, qu'à l'égard des fiefs, il suffit valahle , le temps court du jour de la donation ,
de faire l'insinuation en la justice royale, et, et non pas du jour de la confirmation , qui est
qu'à l'égard des héritages censuels, il faut la un acte inutile, le donateur ne pouvant plus
faire dans les différens lieux. donner ce qui a cessé d'être à lui. C'est pour
quoi on ne doit pas distinguer avec Ricard si
g III. COMMENT, ET QUAND DOIT-OH FAIM cet acte éluit revêtu des formes de la donation.
L'INSINUATION? Lorsque l'insinuation se fait dans le temps de
l'Ordonnance , elle a un effet rétroactifau temps
L'insinuation se fait en transcrivant dans les du contrat, c'est-à-dire qu'elle est également
registres puhlies , destinés pour cet effet , l'acte valahle, comme si elle eut été faite dès l'instant
de donation. Il faut que ce soit l'acte même de du contrat.
donation qui soit ainsi transcrit ; il ne suffirait D'où il suit 1« que lorsqu'elle se fait dans le
pas d'en transcrire un qui la confirmerait, à temps de l'Ordonnance , il n'importe qu'elle se
moins que l'acte de donation ne s'y trouvât in fasse du vivant ou après la mort du donateur.
séré en entier. 2« 11 suit que, lorsqu'elle se fait dans le temps
Au reste, il n'importe par qui se fasse cette de l'Ordonnance , elle est valahle , même à l'é
insinuation ; tout porteur de l'acte le peut , gard des tiers qui auraient contracté avec le
quand même il n'aurait pas de mandat pour donateur dans le temps intermédiaire entre la
cela; car la loi, en ordonnant l'insinuation, n'a donation et l'insinuation. Ces tiers , par exemple ,
eu autre chose en vue que de rendre la dona ne pourront prétendre aucune hypothèque sur
tion puhlique. La fin est remplie, lorsqu'elle est les choses données, parce que l'insinuation re
transcrite dans les registres puhlies, et il est in montant au temps de la donation , ils n'en ont
différent pour cette fin par qui l'insinuation suit pu acquérir sur les choses données , qui, dès le
faite, pourvu qu'elle soit faite. temps de la donation, avaient cessé d'apparte
L'insinuation doit être faite dans les quatre nir au donateur avec qui ils ont contracté.
mois du jour de la date de la donation , pour le L'insinuation , qui ne se fait qu'après le temps
regard des personnes et hiens qui sont dans le de l'Ordonnance, n'est pas tout-à-fait inutile,
royaume, et dans six pour ceux qui sont hors pourvu qu'elle se fasse du vivant du donateur ;
du royaume. mois elle n'a d'effet que du jour de sa date; et
Lorsque la donation a été acceptée ex inter- en cela elle diffère de celle qui se fait dans le
SECTI )H II. 25
temps de l'Ordonnance, dont l'effet remonte à suite , contracteraient avec le donateur , et ceux
la date de la donation. qui seraient appelés à sa succession , il s'ensuit
Se là il suit que la donation ne pourra être que le défaut d'insinuation ne peut être opposé
opposée ans créanciers, qui auraient contracté parle donateur, puisque ce n'est pas par rap
avec le donateur, dans le temps intermédiaire port à lui que l'insinuation a été ordonnée, et
entre la donation et cette insinuation faite après qu'il ne peut y avoir aucun intérêt. Cela est
le temps de l'Ordonnance , lesquels pourront d'ailleurs formellement décidé par l'Ordonnance
exercer leurs hvpothèques sur les choses don de Moulins, article 58, qui porte : u Faute de
nées; et de même tous les autres tiers, au pro « ladite (insinuation) seront nulles et de nul
fit desquels le donateur aurait , depuis la do « effet, tant en faveur des créanciers que de
nation , dans ledit temps , disposé des choses u l'héritier du donnant; s et par l'article 27 de
données, ou de quelque droit sur lesditeschoses, l'Ordonnance de 1731.
pourront pareillement les demander contre A l'exception du donateur lui-même, toutes
le donataire, qui ne pourra leur opposer sa do les autres personnes ont intérêt à la nullité de
nation. Mais le donataire n'aura rien à craindre la donation , et peuvent opposer le défaut d'in
de tous ceux avec lesquels le donateur contrac sinuation, et la soutenir nulle par ce défaut.
terait depuis l'insinuation, non plus que des hé Non seulement les créanciers et les acqué
ritiers du donateur. reurs à titre onéreux peuvent opposer ce défaut ,
A l'égard de l'insinuation qui ne se ferait les donataires postérieurs à la donation et les
qu'après le temps de l'Ordonnance , et après la légataires le peuvent aussi .L'Ordonnance de 173 1 ,
mort du donateur, elle serait absolument nulle; article 27, le décide en termes formels. Il
car les héritiers du donateur ayant une fois ac est vrai que le défaut de publicité de la do
quis, faute d'insinuation, dès l'instant de la nation ne leur fait pas courir le même risque
mort du donateur, un droit aux choses don que courent des créanciers et des acquéreurs à
nées , ils ne peuvent plus en être dépouillés par titre onéreux qui contracteraient avec le dona
l'insinuation qui se ferait depuis. teur, et que courent les héritiers du donateur,
L'insinuation ne peut à la vérité se faire puisque ceux-ci peuvent perdre leur propre bien
après la mort du donateur, lorsque le temps de en contractant avec le donateur que ses dona
l'Ordonnance est passé, mais peu importe, lors tions auraient rendu insolvable , ou en accep
qu'elle se fait , que le donataire ail perdu la ca tant la succession devenue mauvaise ; mais l'in
pacité de donner; et en cela l'insinuation est térêt de ceux-ci ayant une fois fait établir la
différente de l'acceptation. La raison de diffé nécessité de l'insinuation pour la validité des
rence est que l'acceptation est nécessaire pour donations , tous les autres , quoiqu'ils aient un
former la donation, qui ne peut sans cela exis intérêt beaucoup moindre à la publicité des do
ter. Or, il est évident qu'elle ne peut plus se for nations , et qui seul aurait été suffisant pour
mer dans un temps où le donateur n'est plus faire porter la loi, profitent de la loi portée, et
capable de donner. Il n'en est pas de même de sont reçus à opposer le défaut d'insinuation ,
l'insinuation : elle n'est pas requise pour former pour l'intérêt qu'ils y ont , quel qu'il soit. Or on
la donation, mais seulement pour sa publicité. ne peut nier que ce donataire postérieur n'eût
La donation a toute sa forme intrinsèque indé un intérêt de connaitre la première donation;
pendamment de l'insinuation ; elle est valable car la connaissance qu'il eu aurait eue , en em
entre le donateur et le dbnataire. II est donc pêchant d'accepter la donation postérieure qui
indifférent que, lors de l'insinuation, le dona lui en aurait été faite, l'aurait préservé du re
teur ait conservé ou non la capacité de donner; gret qu'il aurait de n'avoir pas une chose qu'il
il suffit qu'il l'ait eue lors de la donation. aurait comptée à lui ; regret qu'on n'a pas ,
Il importe aussi fort peu , pourvu que le do lorsqu'on n'a jamais compté que la chose nous
nateur vive , que l'insinuation se fasse du vivant appartient.
ou après la mort du donataire. (Ordonnance On peut ajouter . à l'égard du donataire , que
de 1731 , art. 26. ) l'héritier étant débiteur envers le légataire de la
chose léguée, le légataire peut exercer les droits
S IV. PAR QUI LE DKrAUT D'mSWEATlON PEUT-IL de l'héritier son débiteur, et par conséquent
ETRE OPPOSÉ? exercer le droit , qu'a l'héritier, d'opposer le dé
faut d'insinuation pour retenir ou revendiquer
L'insinuation des donations n'ayant été re les choses données.
quise par les Ordonnances que pour les rendre Les héritiers du donateur peuvent aussi op
publiques , et afin , comme nous l'avons déjà dit , poser le défaut d'insinuation. La raison de dou
de ne pas induire en erreur ceux qui, par la ter était qu'un héritier est obligé d'entretenir
Tome V. 4
20 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
tous les engagemens contractés par le défunt. nances ont introduit l'insinuation pour éviter
Cùm succedat in omnejus defuncti. Mais l'in qu'il ne se fit des donations simulées , il résulte
térêt public a fait décider que les héritiers du défaut d'insinuation une présomption que ces
pourraient opposer ce défaut, pour que ce dé donations , qu'on a voulu tenir cachées en ne
faut de connaissance de la donation n'engageât les faisant pas insinuer , sont des insinuation!
pas des héritiers à accepter une succession oné simulées, et ceux mêmes, qui en ont connais
reuse , dans laquelle ils croiraient être compris sance , ont droit d'en porter ce jugement , et par
les biens que le défunt a donnés. conséquent d'opposer le défaut d'insinuation.
Par la même raison , lorsque le mari a donné
entre-vifs un conquêt de sa communauté, et S V. O.CELLES EXCEPTIONS PEUT-ON OU NOs CONTRE
qu'il predécède, sa veuve pourra, aussi bien que . LE DEFAUT D'INSINUATION.
les héritiers , opposer le défaut d'insinuation
pour la part qu'elle a droit de prétendre comme La meilleure exception, qu'on puisse oppo
commune dans ce conquêt ; car elle a intérêt ser contre le défaut d'insinuation , est que celui ,
d'en avoir connaissance, pour prendre son parti qui oppose le défaut d'insinuation , se trouve res
sur l'acceptation de la communauté. ponsable envers le donataire de ce défaut.
Même du vivant du mari, la femme, en cas Cela arrive toutes les fois que celui , qui op
de séparation , ou les héritiers de la femme, en pose le défaut d'insinuation , se trouve avoir été
cas de prédécès de la femme , peuvent opposer l'administrateur des biens du donataire , et en
ce défaut , par la même raison. cette qualité tenu de faire faire l'insinuation ; ou
Il est bon d'observer que Lebrun va trop loin, bien encore lorsque celui , qui oppose le défaut
lorsqu'il dit que la femme ou ses héritiers pour d'insinuation est l'héritier de cet administrateur;
raient opposer le défaut d'insinuation pour leur car en cette qualité il succède aux obligations
part dans le conquêt donné , même dans les qua de cet administrateur.
tre mois depuis la donation ; parce que , dit-il , C'est par cette raison que l'Ordonnance de
la communauté ayant été dissoute, quoique 1731 , arr. 30, décide que les héritiers du mari
avant les quatre mois , le mari , n'étant plus le ne pourront opposer le défaut d'insinuation
maître de la communauté, nepeut perfectionner des donations qu'il a faites à sa femme; carie
par l'insinuation la donation qu'il a faite de ce mari, comme administrateur des biens de sa
conquêt. La réponse est que l'insinuation n'ap femme , était en cette qualité tenu de faire faire
partient pas proprement à la perfection, mais à cette insinuation ; et faute de l'avoir faite, il est
la publicité de la donation. Elle a été parfaite obligé envers sa femme aux dommages et inté
par le contrat, mais sujette à être annulée vis- rêts qui en résultent, laquelle obligation passe
à-vis du tiers , si le donataire ne satisfaisait pas à ses héritiers. Or, il serait contradictoire
à la loi , qui exige l'insinuation. Mais tant que qu'une personne opposât le défaut d'insinuation,
les quatre mois ne sont pas expirés , il n'est pas lorsqu'elle est elle-même tenue des dommages-
en demeure et ne doit donc pas perdre l'effet intérêts qui résultent de ce défaut.
de la donation , puisque l'insinuation , qu'il Par la même raison , si un tuteur a fait une
fait avant l'expiration du terme, a un effet donation à son mineur , les héritiers de ce tu
rétroactif, comme nous l'avons vu ci-dessus. teur ne seront pas recevables à opposer le dé
Si le créancier ou l'héritier du donateur avait faut d'insinuation ; art. 31.
eu connaissance de la donation ; par exemple, Par la même raison, si Pierre m'a fait une
s'ils eussent reçu l'acte comme notaires, s'ils donation , mon tuteur , mon curateur , mon
l'eussent souscrit comme témoins , pourraient- mari, ou son héritier, qui deviendrait par la
ils opposer le défaut d'insinuation ? Je le pense. suite héritier de Pierre, ou qui deviendrait
Car, quoique la raison , qui a fait introduire la créancier de Pierre, ne pourrait pas, en ladite
nécessité de l'insinuation , ne se rencontre pas à qualité d'héritier ou de créancier de Pierre,
leur égard, néanmoins il suffit que les Ordon m'opposer ce défaut , parce que je répliquerais
nances aient introduit ce moyen de rendre pu qu'en la qualité qu'il a eue de mon tuteur, cu
bliques les donations , pour qu'il ne puisse être rateur ou mari , il est responsable envers moi
accompli par équipollence , et pour que tous de ce défaut.
ceux , qui ont intérêt à la publicité de la dona Il paraîtrait suivre de là que si, par un con
tion, quelque connaissance particulière qu'ils trat de donation, le donateur s'était, à peine
en aient, soient reçus à en prétendre cause d'i de tous dépens ou dommages-intérêts , chargé
gnorance tant qu'elle n'est pas publique par le de faire faire lui-même l'insinuation , son héri
moyen que la loi * introduit pour sa publicité. tier ne pourrait en opposer le défaut au dona
On peut encore dire que , depuis que les Ordon taire. Néanmoins l'Ordonnance , art. 27 , dé
SECTION II. 27
cide le contraire et veut qu'une telle clause En vain dit-on que personne ne peut pres
soit de nul effet. La raison est qu'une telle crire contre son propre titre, qui est vicieux
clause, par laquelle le donateur, qui n'a au et imparfait, et qu'ainsi le donataire ne peut
cune qualité pour défendre les intérêts du do prescrire contre le titre de sa donation, qui se
nataire , s'oblige à faire faire lui-même l'insi trouve vicieux et imparfait par le défaut d'insi
nuation , parait n'être faite que pour soustraire nuation. La réponse est que la maxime , qu'on
le donataire à la nécessité de l'insinuation, et ne peut prescrire contre son titre, est ici mal
pour rendre la donation secrête, et par consé appliquée par les auteurs qui ont traité cette
quent faire en fraude des lois qui ordonnent question , et n'a lieu que lors de la prescription
l'insinuation. En effet, si cette clause était per à l'effet d'acquérir. Par exemple, si une per
mise , il serait toujours permis , par le moyen sonne a commencé de posséder un héritage en
de cette clause, d'éluder l'Ordonnance, au vertu d'un bail à loyer, ou bien en vertu d'une
moins pour ce qui concerne l'intérêt des héri vente faite par l'église sans les formalités requi
tiers. Or toute clause en fraude des lois est de ses, elle ne pourra , par quelque temps que ce
nul effet. soit, prescrire contre son titre et acquérir l'hé
La puissance de quelqu'un , en laquelle le ritage, parce que tels titres, étant vicieux,
donataire a été, lui donne bien une défense n'ont pu lui donner qu'une possession vicieuse,
contre cette personne en la puissance de qui il incapable d'acquérir par la prescription la pro
a été , ou contre les héritiers de cette personne priété des choses ; mais cette maxime , qu'on
qui lui opposeraient le défaut d'insinuation ; ne prescrit pas contre son titre, n'a pas lieu
mais elle ne lui donne aucune défense contre à l'égard de la prescription à l'effet de libérer,
des tiers , quand même l'insolvabilité de la per qui n'a pas son fondement dans la posses
sonne, en la puissance de qui a été le dona sion de celui qui prescrit; car, à l'égard de
taire, ne lui laisserait aucun recours. C'est cette prescription , on prescrit tous les jours
pourquoi les créanciers du mari peuvent opposer contre son titre. Le débiteur, dont on n'exige pas
à la femme le défaut d'insinuation des donations la dette pendant trente ans, prescrit contre son
qui lui auraient été faites par son mari, quoi titre, et est libéré.
que la femme , pendant le temps qu'elle était Ces principes , qui sont certains , étant pré
en la puissance de son mari , n'ait pas eu la li supposés , il ne s'agit, pour résoudre la ques
berté de faire celle insinuation. La femme n'a tion proposée , que de savoir si la prescription ,
d'autre ressource , en ce cas , qu'une action de dont nous venons de parler , est à l'effet d'ac
recours contre les héritiers de son mari ; et il quérir ou seulement à l'effet de libérer. Or il est
en serait de même quand elle n'aurait pas cette certain que c'est une prescription à l'effet de
ressource , par l'insolvabilité de la succession libérer; car l'acte de donation est intrinsèque
de son mari. C'est ce qui est décidé par l'arti ment valable, indépendamment de l'insinuation,
cle 28 de l'Ordonnance de 1731. La raison en et a transféré la propriété de la chose donnée
est que l'intérêt des la sûreté publique, qui au donataire.
milite en faveur des créanciers et des acqué 11 est vrai que, faute d'insinuation, cette pro
reurs du donateur, ne permet pas que le dona priété n'est pas irrévocable, à cause de l'action
taire soit restituable, pour quelque cause que ce révocatoire utilis in rem , que^la loi donne aux
soit , contre l'omission de l'insinuation que cet héritiers du donateur et aux tiers, faute d'insi
intérêt de la sûreté publique demandait. nuation ; la prescription contre ce défaut d'insi
Par lu même raison , le défaut d'insinuation nuation n'est donc pas une prescription qui a
des donations faites à des mineurs ou à l'église l'effet de faire acquérir au donataire la pro
peut leur être opposé, quand même l'insolvabi priété de la chose donnée , puisqu'il l'avait déjà
lité de leurs tuteurs ou antres administrateurs acquise dès l'instant de la tradition qui a suivi
ne laisserait aucun recours. (Ordonnance de la donation. C'est seulement une prescription à
1731 , art. 32. ) l'effet de le libérer des actions que la loi donne
C'est une exception légitime contre le défaut à l'héritier du donateur et aux créanciers. La
d'insinuation qu'opposerait l'héritier du dona maxime , qu'on ne prescrit pas contre son pro
teur, si le donataire a possédé pendant trente priétaire, ne reçoit pas ici d'application.
ans l'héritage depuis la mort du donateur. Car le Des principes, que nous avons établis, il suit
droit , qu'a l'héritier d'opposer ce défaut, con encore que le temps de cette prescription ne
siste dans une action , utile in rem , et révoca- court contre l'héritier du donateur que du
toire, que la loi lui donne. Or cette action est jour de la mort du donateur, et contre les créan
sujette a la prescription commune des actions : ciers et les tiers acquéreurs, que du jour qu'ils
ainsi le décide Ricard. ont contracté avec le donateur. Car, suivant
28 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
nos principes , la prescription contre le défaut soit le maitrc de révoquer pendant sa vie, quoi
d'insinuation étant une prescription à l'effet de que conçues entre-vifs , en retenant pardevers
libérer le donataire des actions que la loi donne lui l'acte de donation , ou en le mettant entre
contre lui aux héritiers et créanciers du dona les mains d'une personne affidée , qui aurait
teur , elle ne peut courir que du jour que nais ordre de ne le remettre au donataire qu'après
sent ces actions. Car on ne peut prescrire con la mort du donateur, ou lorsque le donateur le
tre une action avant qu'elle soit née; or il est jugerait à propos. C'est pour ôter ce moyen au
évident qu'elles ne naissent que du jour que donateur que l'Ordonnance veut qu'il reste une
nous avons déjà dit. minute de la donation entre les mains d'un no
Ln possession , que le donataire a eue , soit taire , personne publique dont le donateur ne
avant la mort du donateur, soit avant le con puisse être le maître. Sans cela , les donations
tral du créancier qui a contracté avec le dona sont suspectes de n'avoir pas le caractère d'irré-
teur , ne peut couvrir le défaut d'insinuation , vocabilité requis par nos lois dans les donations
quoique , s'il eut possédé ces choses sans titres , entre-vifs , et par la raison de cette suspicion
il les eût pu prescrire ; et c'est ici le cas où ont elles sont déclarées nulles.
lieu les maximes qu'on ne prescrit pas contre Le donateur peut-il lui-même opposer ce dé
son titre , et qu'il vaut mieux n'avoir pas de ti faut? On peut dire, en faveur du donateur, que
tre que d'en avoir un qui soit vicieux : s'il les la loi prononce indistinctement la peine de nul
avait possédées sans titres, il les aurait possédées lité ; que nos lois ayant assujetti le contrat de
simpliciter , et une telle possession n'a rien qui donation à des formes à peine de nullité, dont
la rende inhabile à produire la prescription. Mais une est qu'il soit passé pardevant notaires , la
comme la donation renferme la charge de l'insi donation est nulle , lorsqu'elle n'est pas revê
nuation , la possession , que lui donne la dona tue de ses formalités; que ce qui est nul ne
tion , est une possession qui qpntient la charge peut produire aucun effet à tous égards , et
de l'insinuation , et qui par elle-même ne peut qu'ainsi une donation, qui manque de cette
pas cesser de la contenir , parce qu'une posses formalité, ne peut ni transférer la propriété
sion, quelque temps qu'elle dure, continue tou des choses données, ni engager le donateur.
jours telle qu'elle a commencé. Cùm nemo sibi D'un autre côté , on peut dire contre le do
causans auœ poaaessionis mutare possit. La nateur que l'Ordonnance prononçant cette
possession, quelque longue qu'elle soit , ne peut nullité pour empêcher les fraudes, parce que
donc par elle-même décharger le donataire de ces actes sont suspects de la fraude faite à la loi
la nécessité de l'insinuation. Il n'en peut être touchant l'irrévocabilité des donations , il s'en
déchargé que par l'extinction des droits de ceux suit qu'il n'y a que ceux, envers qui cette fraude
à qui la loi avait donné le droit d'en opposer le pourrait avoir été commise, savoir les héritiers
défaut ; lesquels droits s'éteignent par le non- du donateur, et les tiers , qui soient recevantes
usage, c'est-à-dire faute par eux d'en avoir usé à alléguer cette fraude. Il est vrai que l'Ordon
pendant le temps de trente ans depuis qu'ils ont nance de 1731 prononce indistinctement la
commencé d'avoir ce droit. peine de nullité pour le défaut d'insinuation ; et
cependant on n'a pas laissé de tenir que ce dé
ARTICLE IV. faut ne pouvait être opposé par le donateur.
Il faut pourtant convenir que l'argument n'est
Par quels actes les donations entre-vifs doivent- pas concluant. L'insinuation ne concerne que
elles être faites ? la publicité de la donation , qui a toute sa force
sans cela. L'acte pardevant notaire est requis
L'ordonnance de 1731 , art. 1 , veut que tous pour la forme même de l'acte; c'est pourquoi
les actes portant donations soient passés parde- on ne peut guêre se dispenser de regarder la
vant notaives, et qu'il en reste minute, à peine donation comme entièrement nulle sans cela.
de nullité. Il reste à observer que cette disposition de
Le motif de cette loi a été d'empêcher les l'Ordonnance n'a pas lieu pour la donation des
fraudes , et qu'il ne fut pas permis au donateur choses mobilières, lorsqu'il y a tradition réelle;
et en son pouvoir de faire des donations qu'il car, en ce cas, il n'est besoin d'aucun acte.
SECTION III. 29
SECTION TROISIÈME.
De Feffet des donations entre—vifs, des cas auxquels- elles peuvent être
révoquées ou souffrir quelques retranchemens.
\
56 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
tagent avec eux les biens retranchés , ainsi que Au reste, comme l'aîné n'a de droit d'aînesse
cela est décidé en termes formels par la loi 9, que lorsqu'il est héritier, il y a lieu de penser
cod. de secundis nupliia. La raison est évidente : qu'il ne peut exercer ce droit d'aînesse sur les
l'édit n'est fait que contre le second mari, et biens retranchés , que lorsqu'il est héritier.
non pas contre les enfans du second mariage ; Ce droit des enfans de faire retrancher l'excès
ces enfans ne doivent pas etre privés de partager de la donation faite au second mari , est ouvert
un bien qui est l'héritage de leur mère, et et leur est acquis du jour du décès de leur
auquel ils ont un droit égal à celui des enfans du mère. Par conséquent , de ce jour ils ont ce
premier lit, puisqu'ils sont enfans aussi bien droit in bonia ; il fait partie de leurs biens ; ils
qu'eux. Il est vrai que, par eux-mêmes, et s'ils en peuvent disposer, et ils le transmettent dans
eussent été seuls, ils n'eussent pu demander le leur succession. Les hériters de ces enfans pour
retranchement ; mais il n'est pas nouveau en raient donc l'exercer , quand même ces enfans
droit que ce qu'on n'a pas par la loi , on l'obtienne seraient décédés avant que d'avoir donné
quelquefois par le concours d'une a ut re personne. aucune demande.
Mais les filles dotées du premier lit , qui sont, Si la femme avait fait la donation à son
dans certaines Coutumes, exclues de la succes second mari sous cette condition, si les enfans
sion, n'y doivent pas prendre de part, parce de son mariage, qu'elle laisserait à son décès ,
qu'elles n'ont plus de droit au bien de leur mère, décédaient par la suite avant l'âge de puberté ,
comme nous l'avons déjà dit. les héritiers de ces enfans pourraient-ils en de
Le second mari partage aussi lui-même les mander le retranchement? Quelques arrêts ont
choses retranchées avec les enfans , suivant le jugé qu'ils ne le pouvaient pas , que cette dona
sentiment de la glose sur la novelle 22 ; ce qui tion ne doit pas être regardée comme préjudi
est juste, car sans cela l'enfant le moins pre ciable aux enfans du premier lit, puisque la
nant, au moyen de la part qu'il prendrait dans mère, par la condition apposée à sa donation,
les choses retranchées , se trouverait avoir plus leur conserve ces biens dans le cas où ils attein
que le second mari; ce qui ne doit pas être, dront l'âge de puberté. Je pense que ces arrêts
car l'intention des lois romaines et de l'édit qui ne doivent pas êtres suivis : l'édit ne distingue
les a adoptées , en ordonnant cette réduction , pas entre les enfans impubères et les enfans
a été seulement que le second mari n'eût pas pubères , entre ceux qui atteindront l'âge de
plus que l'enfant le moins prenant, et non pas puberté et ceuxquinel'atteindrontpas.Il est fait
qu'il eût moins. en faveur des uns comme des autres. L'édit
On demande si l'aîné peut prendre son droit annule en leur faveur la donation pour l'excé
d'aînesse dans les biens retranchés. La raison dant de la part d'enfant , et les particuliers ne
de douter se tire de ce que nous avons dit ci-des pouvant déroger à l'édit ni priver leurs enfans
sus , que les biens retranchés n'étaient pas cen impubères de l'action que l'édit leur donne pour
sés rentrer dans la succession de la femme , d'où faire retrancher l'excédant de cette donation ,
il semble suivre que le droit d'ainesse , qui ne cette action leur doit donc être acquise nonob
s'exerce que sur les biens de la succession de stant cette clause ; et si elle leur est acquise, ils
la personne à qui on succède , ne devrait pas la transmettent â leurs héritiers.
s'exercer sur ses biens.
Néanmoins les auteurs décident qu'il peut S V. SI LES ENFANS DO PREMIER MARIAGE PEUVENT,
exercer son droit d'aînesse sur les biens retran DC VIVANT DE LEVR MÈRE DONATRICE, RENONCEE
chés. La raison en est que l'objet de l'édit étant AU RENEFICE DE CET SDIT.
d'accorder aux enfans une réparation du préju
dice que leur cause la donation excessive de On convient assez régulièrement que les en
leur mère, chacun doit avoir dans la répara fans ne peuvent pas renoncer, du vivant de la
tion une part proportionnée au préjudice que personne qui a fait la donation à leur préjudice,
la donation lui cause. Or la donation excessive au bénéfice de l'édit.
des biens féodaux cause un plus grand préju- La raison n'est pas qu'on ne peut répudier un
à l'ainé qu'aux autres enfans , puisqu'il aurait eu droit avant qu'il soit ouvert; car si on ne peut
dans ces biens, s'ils n'eussent été donnés, une répudier un droit avant qu'il soit ouvert, au
plus grande portion qu'eux. Jl doit donc avoir moins rien n'empêche qu'on ne puisse convenir
une portion proportionnée dans la réparation, qu'on n'en usera pas , lorsqu'il viendra à être
qui consiste à lui accorder la même portion ouvert.
dans les biens retranchés , qu'il aurait eue s'ils La vraie raison , pour laquelle les enfans no
fussent restés dans la succession , et par consé peuvent pas renoncer au bénéfice de l'édit du
quent il doit y exercer son droit d'aînesse. vivant de leur mère qui aurait fait une donation
SECTION III. 57
eicessive à son second mari , c'est qu'une telle mariage donation d'une part d'enfant à son
renonciation serait présumée n'avoir pas été second mari, et qu'elle laisse deux enfans, quelle
faite arec une pleine liberté , mais par l'impres doit être la portion avantageuse de l'aîné dans
sion de l'autorité qu'une mère a sur ses enfans. les fiefs ?
La soumission , que les enfans auraient témoi La portion avantageuse de l'aine dans les fiefs,
gnée par cette renonciation aux ordres de leur lorsqu'il n'y a que deux enfans , est, au terme
mère , contre leurs intérêts , les rendant d'au des Coutumes de Paris et d'Orléans, les deux
tant plus digues de ses biens, ne doit pas etre tiers de la masse des biens féodaux de la succes
une raison pour les en exclure. D'ailleurs on ne sion. Cette masse des biens féodaux de la succes
doit pas laisser aux personnes qui se remarient sion n'est pas composée du total des fiefs que In
ce moyen qu'elles auraient très souvent d'élu femme possédait lors de son décès : il en faut
der la loi, en abusant de l'autorité qu'elles ont distraire la part donnée au mari , que la femme ,
sur leurs enfans. par la donation qu'elle lui en a faite, a retran
Il y a plus de difficulté de savoir si , dans le chée de sa succession ; laquelle part doit être
cas d'une donation mutuelle et égale faite entre égale à celle de l'enfant puîné , qui est le moins
une femme et son second mari, les enfans du prenant. Il n'y a que ce qui reste après la distri
premier lit peuvent, du vivant de leur mère, bution de la part du mari, qui se trouve compo
et par le contrat du second mariage , renoncer ser la masse féodale, de laquelle l'aîné doit
au bénéfice de l'édit. avoir les deux tiers , et le puîné le tiers. Tout
Ricard , après Dumoulin , pense qu'ils le ceci présupposé, pour régler les portions que
peuvent. La raison en est, qu'en ce cas, ces doit avoir chacune des parties , il faut diviser le
enfans ont un motif tiré de leur intérêt, pour total des fiefs que la femme avait lors de son
renoncer au bénéfice de l'édit, et qu'ils ne re décès , en quatre portions ; en distraire un quart
noncent pas gratuitement au droit qu'ils pou pour le mari ; des trois quarts restans, qui com
vaient avoir un jour dans l'excès de la donation posent le total de la masse féodale de la succes
de leur mère , mais qu'ils y renoncent en con sion, en donner deux à l'aîné , et l'autre au puîné :
séquence de l'espérance qu'ils acquièrent de par ce moyen chacun a ce qui lui appartient.
profiter des biens de leur beau-père dans le L'aîné a les deux tiers du féodal de la succession,
cas où il prédécéderait leur mère. C est une es qui se houve être la même chose que la moitié
pèce de contrat aléatoire que les entans , con du total des fiefs qu'avait la femme lors de son
jointement avec leur mère, font avec leur décès ; le puîné a le tiers de la succession, qui
beau - père , qui n'aurait pas donné cequ'il a se trouve être la même chose que le quart au
donné à sa femme, si lesdits enfans n'eussent total des fiefs ; et le mari se trouve avoir une
promis de ne pas contester ce que la femme portion égale à celle du puîné.
lui donnait de son coté. Il n'y a donc pas lieu Lorsqu'il y a un plus grand nombre d'enfans,
de présumer, en ce cas-ci, que la renonciation, comment doit-on régler la portion avantageuse
que font les enfans au bénéfice de l'édit , leur de l'aîné, qui est la moitié aux termes des Cou
ait été extorquée par l'autorité qu'avait sur eux tumes de Paris et d'Orléans? 11 faut, en ce cas ,
leur mère, puisqu'il parait un autre motif qui diviser les fiefs que la femme avait lors de son
a pa y donner lieu. décès, en deux fois autant do portions, plus
Si , dans le cas d'un don mutuel égal fait entre une, qu'il y a de puînés; en distraire une pour
une femme et son second mari, les enfans avaient le second mari ; donner à l'aîné la moitié de ce
renoncé au bénéfice de l'édit, non par le con qui restera après cette distraction faite, et par
trat même , sed ex intervalle , du vivant de leur tager l'autre moitié par portions égales entre les
mère, en ce cas, comme ils n'auraient aucun puînés. Finge , la mère a laissé quatre enfans ,
intérêt à y renoncer, puisque , quand ils n'y au un aîné et trois puînés ; le total des fiefs qu'elle
raient pas renoncé , ce don fait à leur mère par avait lors de son décès , monte à 70,000 livres :
ion second mari n'en aurait pas moins subsisté , je divise ce totnl en deux fois autant de portions,
ainsi que nous l'avons vu ci-dessus, cette renon plus une , qu'il y a de puînés, c'est-à-dire en
ciation pourrait passer pour une conséquence sept portions , qui sont chacune de 10,000 liv. ;
de l'impression de l'autorité de leur mère, pour j'en distrais une de ces sept portions pour le mari,
n'être pas parfaitement libre, et ne doit pas par qui est de 10,000 livres. Dans les six septièmes
conséquent être valable. restans , qui montent à 60,000 livres , et qui
composent toute la masseféodale de la succession
S VI. QUESTIONS TOCCHANT LES DONATIONS DE de la mère , j'en donne la moitié à l'aîné , qui est
PARJ D'ENFANT. de 30,000 livres , et In même chose que les trois
Lorsqu'une femme a fait par son contrat de septièmes du total , et je donne 10,000 livres a
Tome V.
58 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
chacun des puînés. Par ce moyen chacun a ce u libéralités de leurs défuntes femmes, tellement
qui lui appartient : l'aîné a la moitié de ce qui « qu'ils n'en pourront faire part à leurs secondes
compose le féodal de la succession , et le second « femmes , mais seront tenus les réserver aux
mari a une portion égale à celle de l'un des u enfans qu'ils ont eus de leurs premières. s
puînés. Cette disposition est tirée de la constitution
Lorsque la femme n'a laissé qu'un enfant , de Constantin, qui est en la loi 3, cod. de se-
quelle part doit avoir le second mari dans les cundis n uptiin , et de celle qui est en la loi 5,
biens féodaux? Il y en a qui pensent qu'il ne cod. dicto iitulo , et qui a étendu à l'homme qui
doit y avoir que la part qu'aurait eue un puîné se remarie ce que la loi 3 n'avait accordé qu'à
s'il y en avait eu un , c'est-à-dire que l'enfant l'égard de la femme ; ce qui est encore confirmé
prendra le manoir, le vol du chapon et les deux par la novelle 98 , Ut. 10 , cap. 1«.
tiers , et que le second mari aura le tiers. Je l'ai
vujuger au bailliage d'Orléans, par une sentence S I. QUELLES CHOSES SONT COMPRISES EN CE SECOND
dont il n'y a pas eu d'appel. CHEF DE L'EDIT.
Je trouve de la difficulté dans cette décision,
et je ne vois pas pourquoi le second mari n'au L'édit porte : Les biens acquis par dons et
rait pas la moitié des biens féodaux, l'éditn'ayant libéralités. La loi 3, d'où l'édit est tiré, porte :
défendu autre chose , sinon que le second mari Quidquid ex facultatibus priorum maritorum
fut donataire de plus que se trouverait avoir un sponsalium jure , quidquid etiam nuptiarum
enfant. Je ne vois pas pourquoi on donne , en solemnitate perceperint, aut quidquid mortis
ce cas-ci , un droit d'aînesse à l'enfant , ce droit causd donationibus factis.
d'aînesse n'ayant lieu qu'entre enfans cohéri Il résulte des termes de la loi , que tout ce que
tiers , et non pas vis-à-vis d'un étranger , tel la femme a acquis à titre lucratif des biens de
qu'est le second mari. son premier mari doit être réservé aux enfans
Lorsqu'il n'y a pas d'enfans, quelle sera la part du premier mariage; et comme il paraît que
du second mari? Je ne pense pas que ce soit tout : l'édit a été fait sur le modèle des lois romaines
car la femme aurait bien pu à la vérité, en ce sur cette matière , il s'ensuit que, par ces termes
cas , donner tout ; mais elle ne l'a pas fait , puis dont l'édit se sert, il ne faut pas seulement en
qu'elle a donné une part , et qu'une part n'est tendre ce qui a été donné à une femme par des
pas le tout. Dira-t-on que le second mari , en ce donations proprement dites de son premier mari,
cas , ne doit avoir rien , parce que le mari dona mais généralement tout ce qu'elle a eu de lui à
taire d'une part d'enfant se trouve être dona titre lucratif, en vertu de ses conventions ma
taire d'une part qui n'est pas i» rorum naturâ, trimoniales. De ces principes naîtra la décision
ne pouvant pas y avoir une part d'enfant? Ce de différentes questions.
raisonnement est un pur sophisme. La femme a Le préciput que la femme a eu de son pre
voulu donner une part : si elle a ajouté d'enfant, mier mari , doit-il être réservé aux enfans du
c'est pour signifier que cette part ne pourrait premier mariage ? La raison de douter est que le
excéder celle d'un enfant ; mais elle a voulu préciput est plutôt une convention matrimoniale
donner une part qui sera la moitié suivant la qu'un don. Cette raison de douter devient plus
loi 164, ïï.deverb. signif. qui, dans l'espèce grande , lorsque le préciput est réciproque ; car
d'un legs d'une part des biens, dit : Si non fue- le mari ne l'ayant accordé à la femme , dans le
rit portio adjecta , dimidia pars debetur. cas où elle le survivrait, qu'en conséquence de
ce que la femme lui en accorderait autant dans
ARTICLE VIII. le cas où il la survivrait, c'est plutôt un contrat
aléatoire qu'une libéralité et une donation.
Du second chef de l'édit des secondes noces. Néanmoins il faut dire qu'il doit être réservé
aux enfans du premier lit \ et la raison en est
L'article s%cond de l'édit des secondes noces qu'encore que ce ne soit proprement donation
est conçu en ces termes : « Au regard des biens ni libéralité, néanmoins, conformément aux
« à icelles veuves acquis par dons et libéralités principes que nous venons d'établir, il suffit que
« de leurs maris défunts, elles n'en pourront le préciput soit un avantage, lucrum nuptiale;
« faire aucune part a leurs nouveaux maris ; il suffit que la femme l'ait à titre lucratif, qu'il
« ainsi elles seront tenues les réserver aux en- ne lui ait rien coûté, pour qu'il doive être ré
u fans communs d'entre elles et leurs maris , de servé aux enfans du premier mariage.
« la libéralité desquels iceux biens leur sont Observez que le préciput de la femme qui
« avenus. Le semblable voulons être gardé ès accepte la communauté , se confondant pour
« biens qui sont venus aux maris par dons et moitié sur sa part , il n'y a que l'antre moitié ,
SECTION III. 59
qu'elle prend sur la part de son mari , qui soit romain , cela n'avait lieu qu'à l'égard de la
unavantage, et qui doive être réservé aux enfans femme, et non à l'égard du mari.
du premier mariage. Que si elle renonçait à la Pareillement, ce qui a été donné à une femme
communauté, le préciput, qui lui aurait été en faveur du mariage , mais par quelques pai ens
accordé, même en cas de renonciation , serait de son mari , n'est pas compris dans l'édit.
un avantage pour le total. Cependant, si quelqu'un des parens du mari
Il est aussi évident que le préciput du mari se constituait un douaire sans retour, on pourrait
confond pour le total , lorsque les héritiers ds peut-être dire qu'il serait compris dans l'édit ,
la femme renoncent. Le mari, en ce cas, n'est par raison qu'un mariage ne se contractant pas
point obligé de rien réserver aux enfans de son régulièrement sans douaire, et le douaire étant
premier mariage : s'ils acceptent , il doit en ré une espèce de condition de mariage, le parent
server la moitié. du mari, qui l'a constitué ù la femme, peut être
Le douaire d'une femme eu propriété , qui censé l'avoir fait pour et au nom du mari; d'où
n'excède pas néanmoins la valeur du droit cou- il suit que ce douaire peut être considéré comme
tumier, est-il sujet à la réserve? La raison de venant du mari.
douter est que le douaire coutumier étant dû à On ne pourrait pas dire la même chose d'une
la femme par le bénéfice de la loi , le préfix qui donation ; car , comme ce n'est pas une dépen
est accordé pour en tenir lieu, lorsqu'il n'excède dance du contrat de mariage , que le mari fasse
pas la valeur du coutumier , est plutôt censé des donations à sa femme , rien n'oblige de sup
l'acquittement d'une dette qu'une libéralité. poser que le parent du mari, qui les a faites à
Aussi nous avons vu qu'il n'était pas compris la femme , les lui ait faites pour et au nom du
dans la première partie de ledit, et que le mari.
douaire accordé a la seconde femme n'est pas Il est évident que l'intérêt civil , qu'a une
regardé comme une donation qui lui soit faite, veuve pour l'assassinat de son premier mari ,
qui doive être réduite a la part d'enfant. Néan n'est pas compris dans l'édit ; car cet intérêt
moins il faut dire, dans cette seconde partie de civil ne provient pas du mari, quoique ce soit
l edit , que le douaire qu'une femme a eu de son à l'occasion du mari qu'il lui soit adjugé.
premier mari, doit être réservé aux enfans du
premier mariage; car il su (lit qu'elle l'ait pris { II. DE L'EFrET DU SECOND CJ1EF DE l'JÎDIT.
dans les biens de son premier mari , à titre lu
cratif, en vertu d'une convention matrimoniale. L'édit ordonne deux choses a l'égard des biens
On ne peut pas dire que tant qu'il tient lieu du dont il a été parlé au paragraphe précédent :
coutumier, c'est enolnlio debiti; car le douaire 1« Que la femme n'en puisse faire aucune
coutumier n'est pas une dette , puisqu'on peut part à son nouveau mari. On ne doit donc pas
y déroger. les compter parmi les biens dont la femme peut
L'inégalité d'apport en la communauté est un donner à son second mari une part d'enfant.
véritable avantage que celui des conjoints, qui 2« L'édit ordonne qu'elle soit tenue de réser
apporte le plus, fait à celui qui apporte le moins. ver ces biens aux enfans communs d'elle et du
C'est pourquoi, si ma première femme a apporté mari de la libéralité duquel elle les a eus.
en communauté avec moi 20,000 livres, et que L'édit est différent de la loi romaine : celle-ci
je n'en aie apporté que 12,000 , c'est un avan dépouillait la femme qui se remariait , dès l'in
tage qu'elle me fait de la moitié de 8,000 livres stant de son second mariage, de la propriété do
excédantes. Je serai donc obligé , si je me rema ces biens , et la transférait aux enfans du pre
rie, de réserver 4,000 livres à mes enfans de mier lit, en réservant seulement l'usufruit à la
mon premier mariage. mère. L'édit ne dépouille pas la femme qui so
Les avantages que certaines Coutumes accor remarie de la propriété de ces biens; mais il lui
dent au survivant noble , d'avoir les meubles , ordonne de les réserver à ses enfans du premier
ne sont pas compris dans l'édit , le survivant ne lit : c'est donc une espèce de fidéieommis légal
les tenant d'aucune convention matrimoniale. dont elle est chargée envers ses enfans.
A plus forte raison , ce que le survivant a eu de De là il suit, 1« que les enfans du premier
la succession de ses enfans n'est pas sujet à lit ne peuvent disposer de ces biens du vivant
ledit. de leur mère , ni les transmettre dans leur suc
11 est vrai que le droit romain oblige la femme cession s'ils meurent avant elle.
de conserver aux enfans de son premier mariage 2« Que s'ils venaient tous à mourir avant elle,
ce qu'elle a eu de la succession de quelqu'un ce fidéicommis légal se trouvant éteint par leur
de ses enfans ; mais cela n'a pas été adopté par mort , toutes les dispositions , que la femmu
notre droit coutumier; et même par lu droit aurait faites de ces biens , et même les dona
60 TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
(ions qu'elle en aurait faites à son second mari, mari , qu'à la charge de la restitution à ses en
seraient valables. fans , dansifl cas où elle se remarierait. Cette
3« Que , lors de la mort de la mère , qui est condition est attachée par la loi i la donation
l'échéance de ce fidéicommis légal , les enfans qui lui en a été faite , et y est inhérente ; et par
du premier lit recueillent ces biens comme étant conséquent, ces biens ne passent aux tiers-ac
substitués par la loi à leur profit; d'où il suit : quéreurs que sous cette condition.
ls Qu'il n'est pas nécessaire qu'ils soient Par la novelle de Justinien , la mère , qui
héritiers , pour les recueillir ; s'était remariée , ne pouvait avantager de ce qui
2« Que les enfans du second Ht ne les par lui venait d'un premier mariage , même un des
tagent point avec eux; premiers enfans de ce mariage , au préjudice
3« Qu'ils ne sont pas tenus, pour cela, d'une des autres ; ce qui est une conséquence du prin
plus grande part des dettes de leur mère ; cipe qu'elle était dépouillée de ces biens. Lebrun
4« Que si les biens ne se trouvent pas en pense que cela ne doit pas être observé parmi
nature , ils doivent en prélever le prix sur la nous , parce que la mère n'est pas dépouillée ,
succession de leur mère , comme en étant créan mais simplement chargée d'une substitution
ciers; légale au profit des enfans de sou premier
5« Que cela ne leur est point imputé sur la mariage. Mais ne suffit-il pas que, par ce fidéi
légitime qui leur appartient dans les biens de commis légal , la femme soit devenue débitrice
leur mère; de ces biens envers ses enfans, pour qu'elle ne
6« Qu'à l'exemple de l'hypothèque qui a lieu puisse disposer de ces biens au profit de l'un
pour les substitutions, ils ont une hypothèque desdits enfans , au préjudice des autres , qui
sur les biens de leur mère du jour de son second sont également appelés au fidéicommis légal
mariage , jour auquel s'est contracté le fidéi comme celui au profit de qui elle en aurait
commis légal ; disposé. Il faudrait , pour soutenir le sentiment
7« Qu'ils peuvent évincer les tiers-acquéreurs de Lebrun , dire que l'édit a rendu ces enfans
de ces biens, a moins qu'ils ne fussent héritiers du premier lit créanciers solidaires de ces biens :
de leur mère, qui les avait vendus; car, étant Correoa credendi quorum aatura est , ut solu-
en cette qualité d'héritiers tenus de la garantie lio uni facta à cœteria liberet : mais cela ne se
envers l'acquéreur , ils n'y seraient pas rece- peut pas dire, parce que, correi credendi non
vables , suivant la règle : Quem de evictione intelliguntur , nisi hoc sit expressum.
lenct actio , euni agenlcm repellit ereeptio. Aussi Duplessis et Ricard sont d'avis contraire
Ne pourrait-on pas dire que , suivant la nou à Lebrun.
velle Ordonnance des substitutions, ils y seraient Si le premier mari avait donné ses biens à sa
recevables , en offrant , pour la portion dont ils femme, à la charge de les restituer à ceux de
sont héritiers, le prix qu'en a payé à leur mère ses enfans qu'elle choisirait, Duplessis pense
le tiers-acquéreur ? Je ne le pense pas ; car ce qu'elle conserverait ce choix en se remariant ;
que la nouvelle Ordonnance a établi en faveur car on peut dire que , le mari ayant pourvu par
des substitutions testamentaires étant établi par lui-même, par un fidéicommis , à la conserva
de sages vues , à la vérité , mais contre la raison tion de ces biens pour ses enfans, il n'y a pas
de droit, ne doit pas être étendu à cette substi lieu au fidéicommis légal de l'édit. Provisio
tution légale, suivant cette règle : Quod coutrà hominia derogat legia provisioni.
rationem juria introductum est, non est pro- Les héritages donnés par un premier mari à
ducendum ad conaequentiaa. la femme qui s'est remariée, sont-ils propres
Mais si les enfans ne peuvent , en ce cas , paternels ou maternels dans la personne des
évincer le tiers-acquéreur , ils doivent avoir enfans du premier lit qui les ont recueillis?
remploi du prix que leur mère remariée , qui Suivant nos principes , ces biens n'étant pas
les a vendus, en a reçu. recueillis par les enfans du premier lit à titre
La donation n'obligeant pas à la garantie, il d'héritiers de leur mère , ni pour leur eu tenir
s'ensuit que les enfans , quoique héritiers de lieu dans sa succession, mais comme des biens
leur mère, peuvent évincer les donataires de de leur père , qui , au moyen du second mariage
ces biens. de leur mère , se trouvent ne lui appartenir qu'à
Si la femme-, qui s'est remariée , avait aliéné charge de les restituer , il s'ensuit qu'ils ne sont
ces biens avant son second mariage , les enfans pas propres maternels, mais propres paternels.
du premier mariage n'en auraient pas moins le Ils sont donataires de leur père au second degré,
droit d'évincer les acquéreurs ( Piovelie 22 , comme si leur père eût donné ces biens à lu
vhap. 26) ; car la femme n'a la propriété des charge de les restituer. La loi supplée à ce que
biens qui lui ont été donnés par sou premier leur père a manqué de faire.
SECTION III. til
Cest l'avis de Ricard et de Dumoulin. Du- comme il le fait en la première partie, néan
plessis et Lebrun soutiennent l'avis contraire, moins il n'est pas douteux que les petits-enfans
qu'ils appuient de misons qui ne méritent pas sont compris dans cette seconde partie sous le
de réponse. terme général d'enfans , auxquels l'édit ordonne
à la femme qui se remarie de réserver les biens
J DL A QUELS ENFANS DOIVENT ÊTRE RESERVÉS LES qu'elle a eus de leur père, et que les petits-enfans
RIENS DONNES A LEUR HÈRE. doivent venir par représentation au partage de
ces biens. Les mêmes raisons, sur lesquelles
C'est aux seuls enfans du mariage de celui l'édit est fondé, se rencontrent ù l'égard des
qui a donné les biens à sa femme qui s'est rema pelits-enfans comme à l'égard des enfans. La
riée, que les biens doivent être réservés. femme, qui se remarie, est obligée envers eux
Il n'est pas nécessaire, pour les recueillir, aux mêmes devoirs d'amour. Les droits, les
qu'ils soient héritiers de leur mère, ainsi que espérances des petits-enfans aux biens de leurs
nous l'avons déjà observé : il n'est pas nécessaire parens , sont les mêmes que ceux des enfans pro
non plus qu'ils l'aient été de leur père , car l'édit pres r la femme doit donc être également tenue
ne leur réserve ces biens qu'en qualité d'enfans. de les leur conserver.
Celui , néanmoins , qui aurait été justement On demande si l'aîné des enfans doit avoir
exhérédé par son père, n'y peut rien demander; droit d'aînesse dans les biens donnés à la femme ,
car, sil'exhérédalion le rend indigne derecueillir qui s'est remariée, par son premier mari. Il
les biens de son père à titre de succession , elle semble qu'il ne doit point y avoir de droit d'aî
le doit rendre, à plus forte raison , indigne de nesse , car le droit d'aînesse est dû à l'aîné en
les recueillir en vertu de l'édit. qualité d'héritier. Or nous avons dit que ces
Celui qui est indigne , par rapport aux biens biens appartenaient aux enfans, non en qualité
de son père , d'avoir part même au droit commun d'héritiers , mais en leur seule qualité d'enfans
des successions, doit , à plus forte raison, être du premier lit. Ricard, néanmoins, décide que
véputé indigne d'un bénéfice particulier de la l'aîné doit avoir droit d'aînesse dans ces biens.
loi. Tel est celui de l'édit. Son sentiment peut être fondé sur une raison à
Celui qui n'aurait pas été exhérédé par son peu près semblable à celle alléguée sur le pre
père , mais par sa mère, pourrait-il y prendre mier chef de l'édit , savoir, que l'édit ordonne
part ? On peut dire que l'exhérédation de la mère que ces biens soient conservés aux enfans du
ne peut priver les enfans que de son bien ; que premier mariage , afin que les enfans , qui souf
ces biens , suivant les principes établis au para frent un préjudice du mariage de leur mère,
graphe précédent, étant déférés aux enfans du qui ordinairement transporte son amour à un
premier lit , non comme biens de leur mère , nouveau mari et à de nouveaux enfans , ne souf
mais comme biens de leur père , celui qui n'a frent pas un autre préjudice des donations que
été exhérédé que par la mère , doit y avoir part. leur père lui a faites; et comme l'aîné souffrirait
On peut dire , d'un autre coté , que le motif de le plus de la donation . il doit avoir à proportion
l edit est tiré du devoir d'amour et de tendresse, plus de part au bénéfice de l'édit qui conserve
que les femmes doivent conserver pour les eufans les biens de leur mère.
de leur premier mariage , auquel devoir l'édit
ne permet pas aux femmes de manquer. C'est g IV. QUELQUES CAS DANS LESQUELS LA DISPOSITION
ce qui résulte des termes de l'édit : « Comme DE L'EDIT DOIT CESSER.
- les femmes veuves mettant en oubli le
« devoir de nature envers leurs enfans , de On demande si la disposition de l'édit, qui
« l'amour desquels tant s'en faut qu'elles s'en oblige la femme qui s'est remariée à conserver à
• dussent éloigner par la mort des pères, que, ses enfans du premier lit ce qu'elle a eu à titre
« les voyant destitués de secours , elles devraient lucratif de son premier mari , doit cesser lors
• s'exercer à leur faire le double office de père que , lors de sa mort , elle ne laisse pas d'autres
• et de mère. s Que si le motif de l'édit , dans biens à ses enfans du second lit. Selon nos prin
ces deux dispositions , est tiré du devoir d'amour cipes, il faut dire que sa disposition ne doit pas
envers les enfans , il s'ensuit que , lorsque les cesser d'avoir lieu; qu'en vain les enfans du se
enfans s'en sont rendus indignes , le motif de cond lit réclameraient leur légitime , parce que
l'édit cesse, et par conséquent, la raison de la la légitime ne se prend que dans ce qui reste
lui cessant , la loi doit cesser à l'égard de tels après les dettes payées, et que" s'il ne reste rien
enfans. il n'y a point de légitime. Or la restitution do
Quoique l'édit, en la seconde partie, ne s'ex ces biens aux enfans du premier lit est une dette
prime pas sur les pelits-enfans en termes exprès , que la femme a contractée en se remariant, ou ,
6'J TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
pour mieux dire , qu'elle a contractée par la do disposition qui leur est particulière , ont donné
nation même, qui est censée n'être faite que une extension à l'édit, en défendant à la femme
sous la condition de cette restitution., dans le qui se remarie d'avantager, en aucune manière,
cas où elle se remarierait. des conquêts d'une précédente communauté,
Duplessis convient que notre décision est con son second et autres subséquens maris , et même
forme à la rigueur du principe ; mais il dit que d'en disposer envers toutes autres personnes au
l'équité pourrait peut-être faire décider autre préjudice des portions que les enfans des précé
ment, scion les circonstances. Cette limitation dons lits pourraient amender d'elle dans lesdits
souffre difficulté. conquêts.
On demande si, lorsque le second mari est
mort sans enfans , la femme recouvre la liberté S I. QUELS RIENS SONT COMPRIS DANS CETTE
de disposer des choses qui lui ont été données DISPOSITION.
par son second mari. Duplessis et Lemaitre dé
cident pour l'affirmative. Leur moyen est de dire On a agité la question si le terme de conquêts ,
que , le second mariage cessant , et n'en restant dans les Coutumes de Paris et d'Orléans , com
aucun vestige, lorsque le second mari est mort prenait les biens tant mobiliers qu'immobiliers
sans enfans, la cause qui donnait lieu à la pro de la première communauté, ou s'ils devaient
hibition de disposer, cesse, et par conséquent être restreints aux immeubles. On peut dire,
cette prohibition, qui en est l'effet, cesse aussi. d'un côté, qu'encore que le terme de conquàts
Cessante causâ, cessat effectus. Cette décision soit un terme générique capable de signifier tout
me parait porter sur un faux fondement. Le se ce qui a été acquis durant la communauté , soit
cond mariage n'est pas, à proprement parler, la meuble , soit immeuble , néanmoins, dans l'usage
cause de la prohibition de disposer: cette cause de parler, on l'entend plutôt des immeubles que
est le fidéicommis légal, inhérent à la donation des meubles. D'ailleurs la difficulté qu'il peut y
dans le cas du second mariage : ce second ma avoir à distinguer le mobilier acquis durant la
riage est seulement la condition d'où dépend le première communauté d'avec celui acquis avaut
fidéicommis , et il suffit qu'il ait existé pour qu'il et depuis , et le peu d'attention que nos lois ont
y ait lieu au fidéicommis légal , lors de la mort coutume d'avoir pour les meubles , sont des rai
de la femme , qui est la seconde condition d'où sons qui portent à croire que nos Coutumes n'ont
il dépend. Or la condition du convoi en secondes entendu parler que des immeubles dans cette
noces n'a pas moins existé , quoique le second disposition. Ces raisons sont fortes , et on rap
mari soit mort sans enfans. Au reste tous con porte un arrêt de 1653 qui a jugé en conformité ;
viennent que , lorsqu'il y a des enfans du second mais depuis, il a été jugé par un célèbre arrêt
mariage, la prohibition dure. du 4 mai 1697, et un autre de 1698, appelé
l'arrêt de Garanger, et qui ont fixé sur ce point
S V. SI LES I NI AN, DU PREMIER UT SONT EXCLUS DE la jurisprudence , que la Coutume de Paris com
PRENDRE PART DANS LES DONS DU SECOND MARI. prenait dans sa dispositiou, sous le terme de
conquêts, tous les biens acquis durant la pre
Il y a des auteurs qui le disent , mais leur sen mière
timent est sans aucun fondement. communauté, tant les meubles que les
immeubles. Ces arrêts sont fondés sur ce que le
ARTICLE IX. terme de conquêts renfermait tant les meubles
que les immeubles , et ne doit pas être restreint
De l'extension que les Coutumes de Paris et aux seuls immeubles. La preuve en est que,
d'Orléans ont apportée à l'édit à l'égard des dans d'autres articles de la Coutume , les immeu
conquêts du premier mariage. bles acquis pendant une communauté ne sont
pas appelés simplement conquêts , mais con-
La communauté, que la femme qui se remarie quéts-immeubles. A joutez à cela que la Coutume
a contractée avec son premier mari, n'étant pas de Paris, dans sa première disposition, lors
de sa nature un titre lucratif, mais un contrat qu'elle dit que femme qui se remarie ne peut
de commerce où chacun apporte de son côté , il avantager son second mari de ses propres et
s'ensuit que les biens de cette communauté ne acquêts plus que l'un de ses enfans, ayant ren
sont pas compris en la seconde disposition de fermé sous ce terme acquêts tous les biens qui
l'édit , et que la femme peut en disposer et même ne sont pas propres, soit meubles , soit immeu
les donner, ainsi que ses autres biens, jusqu'à bles , elle a fort bien pu aussi comprendre sous
concurrence d'une portion d'enfant , à son se le terme de conquêts les meubles acquis pendant
cond mari. la communauté, ainsi que les immeubles. Enfin ,
Les Coutumes de Paris et d'Orléans, par une la vue de la Coutume ayant été d'empêcher que
SECTION III. 03
les gains d'une première communauté fussent nière , des conquêts de sa première commu
transférés au second mari , les meubles se trou nauté; au lieu qu'elle ne lui défend de disposer,
vent également renfermés , comme les immeu soit à titre de donation, soit à titre onéreux,
bles , dans la vue qu'a eue la loi , et sur laquelle envers des étrangers, que des portions des con
cette disposition est fondée. quêts que ses enfans du premier lit auraient
C'est une autre question , si ce que la femme pu avoir en sa succession si elle n'en eût pas
a apporté en communauté, pour la part qu'elle disposé.
y a, est sujet à cette disposition. On peut dire , La donation faite au second mari , d'un con-
pour la négative, qu'il y a grande différence quét, est donc nulle pour le total ; et le second
entre ce que la femme a apporté elle-même en mari ne peut retenir dans le conquét qui lui a
communauté, et ce qui a été acquis durant la donné, les portions qu'y auraient les enfans du
communauté, ce qui a été acquis pendant la second lit, s'il ne lui eût pas été donné, en disant
communauté ayant été acquis à la femme par que la donation , qui lui en a été faite , n'étant
les travaux du mari. Que si la femme ne tient nulle qu'en faveur des enfans du premier lit,
pas proprement de son premier mari la part elle ne doit être nulle que pour leur portion ;
qu'elle va, puisqu'elle l'a de son chef, au moins car, s'il pouvait dire cela, il ne se trouverait au
elle lui en est en quelque façon redevable. C'est cune différence entre lui et les étrangers. Cepen
pourquoi , ces biens ayant quelque affinité avec dant il y en doit avoir une , la Coutume l'ayant
ceux compris dans le second chef de l'édit , la évidemment exprimé en ces termes : u Quant aux
Coutume y a étendu une partie de la disposition « conquêts , elle n'en peut aucunement avan-
de ce second chef de l'édit , en défendant à la « tager son second mari. Toutefois peut dis-
femme d'en avantager son second mari , n'ayant « poser d'iceux à autres personnes , sans que
pas paru équitable que les travaux du premier « cette disposition puisse préjudicier en aucune
mari servissent à enrichir le second. Or ces rai « façon aux portions que les enfans du premier
sons ne se rencontrent pas à l'égard des biens u mariage pourraient amender de leur mère. s
que la femme a mis elle-même dans sa première Ce terme, toutefois, établit disertement une
communauté : d'où il semble qu'on doit con différence entre le second mari et les étrangers,
clure qu'ils ne sont pas compris dans la disposi et ne laisse aucun lieu de douter que les dona
tion de la Coutume. tions de conquêts faites au second mari sont
Néanmoins Berroycr et Laurière , dans leurs nulles en entier, et non pas seulement pour les
notes sur Duplessis , disent que c'est un des portions des enfans du premier lit , ainsi que
pointe établis par l'arrêt de Garanger ci-dessus nous venons de l'établir.
cité, que la femme ne peut avantager son second Il est vrai que la disposition de la Coutume
mari même des choses qu'elle avait mises elle- n'étant faitaaqu'en faveur des enfans du premier
même dans la communauté. La raison , sur la lit , s'il ne s'en trouve aucun lors de la mort de
quelle est fondé cet arrêt , est que le terme de la femme , les enfans du second lit ne pourront
conquêls faits avec ses précédens maris , est un pas attaquer de nullité la donation faite à leur
terme général qui comprend tout ce qui a fait père , de même que , dans les cas du second
partie de la communauté , tant ce qui a été ap chef de l'édit , ils ne pourraient pas , s'il n'y avait
porté par les conjoints que tout ce qui a été aucun enfant du premier lit , faire réduire la do
acquis depuis; que l'intention des contractans, nation faite à leur père qui excéderait une part
dans l'apport qu'ils font à la communauté , est d'enfant. Mais de même que, dans le cas du
que les choses que l'un des conjoints y apporte, premier chef de l'édit, les enfans du premier lit,
sortissent la même nature , et soient susceptibles quand il y en a lors de la mort de la mère, com
du même droit que les autres conquêts , dans muniquent à ceux du second le droit qu'ils ont
tout ce qui concerne l'intérêt de l'autre conjoint de faire retrancher ce qu'il y a d'excessif dans la
et de ses enfans. donation faite à leur père, et qu'ils partagent
tous ensemble ces biens retranchés, lesquels,
S II. DE LA DIFFÉRENCE QUE LA COUTUME d'oRLÉANS venant de leur mère commune , sont des biens
MET ENTRE LE SECOND MARI ET LES ÉTRANGERS, auxquels ils ont tous un droit égal; de même,
TOUCHANT LA DÉFENSE QU'ELLE FAIT A LA FEMME dans le cas de la Coutume, les enfans du pre
QUI SE REMARIE DE DISPOSER DES CONQUÊTS. mier lit , lorsqu'il s'en trouve lors du décès de
leur mère , communiquent à ceux du second
La Coutume d'Orléans met cette différence lit le droit qu'ils ont de faire annuler la donation
entre le second mari et les étrangers , qu'elle des conquêts, et les partagent tous ensemble,
défend absolument à la femme qui se remarie comme étant des biens de leur mère commune
d'avantager son second mari , en aucune ma qu'elle n'a pu donner.
TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
Ohservez que de même que, dans le cas du Lors donc que la femme a apporté en la com
premier chef de l'édit , il n'est pas nécessaire munauté de son second mari des conquêts de la
que les enfans soient héritiers de leur mère qui première communauté contre autant de hien
a fait la donation à son second mari pour avoir que le second mari a apporté de son côté, cet
part aux hiens retranchés , il n'est pas pareille apport égal étant un contrat onéreux, les enfans
ment nécessaire qu'ils le soient pour partager les du premier lit renonçant à la communauté et
conquêts donnés au second mari ; car la femme même à la succession de leur mère, ne pour
s'en étant dépouillée par la donation qu'elle en ront répéter contre le second mari leurs por
a faite à son second m.nri ,et qui vis-à-vis d'elle tions dans les conquêts apportés en commu
est valahle et n'est nulle qu'au respect de ses nauté.
enfans, ces conquêts ne se trouvent plus dans Il reste une question, de savoir si la diffé
sa succession , et ne peuvent par conséquent ap rence que la Coutume d'Orléans met entre le
partenir à ses enfans à titre de succession , mais second mari et les autres personnes touchant la
seulement par le hénéfice de la loi , qui leur disposition des conquêts , a aussi lieu en la Cou
donne une action révocatoire de la donation. tume de Paris. De la manière qu'elle s'explique,
On peut faire encore d'autres questions sem il semhle qu'elle confonde le second mûri avec
hlahles à celles que nous avons faites touchant les autres personnes,' car, sans faire aucune
le premier chef de l'édit, et qui se décident par distinction des personnes , elle s'exprime ainsi :
le même principe. « Et quant aux conquêts faits avec ses prêcè-
Il n'en est pas de même des autres personnes > dens maris , n'en peut disposer au préjudice
comme du second mari. Les donations et les u des portions dont les enfans du premier ma-
ventes, que la femme qui s'est remariée a faîtes » riage pourraient amender. s
a d'autres personnes , ne sont , comme nous l'a
vons déjà dit , révocahles que pour les portions S lit. EN QUOI DIFFÈRENT LES DISPOSITIONS DES
des enfans du premier lit, et elles tiennent pour COUTUMES DE PARIS ET D'ORLÉANS, TOUCHANT LES
le surplus. Ceux du second ne participent point CONQUETS , ET LE SECOND CHEF DE L'ÉDIT TOU-
à l'action révocatoire, qui n'est accordée à ceux . Il l LES CHOSES DONNÉES PAR LE PREMIER MARI.
du premier que pour leurs portions.
Il faut même que les enfans du premier lit, La principale différence, d'où naissent toutes
auxquels cette action révocatoire est accordée, les autres, est que le second chef de l'édit or
renoncent à la succession de leur mère, pour donne à la femme qui se remarie de conserver
qu'ils puissent répéter leur portion des conquêts aux enfans du précédent mariage , à l'exclusion
vendus ; car , s'ils sont héritiers , ils succèdent de tous autres , ce qui lui a été donné par leur
à l'ohligation de cette garantie, et cette ohliga père; au lieu que les Coutumes de Paris et d'Or
tion exclut leur action. léans n'ordonnent pas à la femme qui se remarie
Que si c'est à titre de donation que la mère a de conserver les conquêts qu'elle a d'un précé
disposé, comme la donation ne produit pas d'o dent mariage ; mais elles lui défendent seule
hligation de garantie , il s'ensuit que les enfans ment d'en avantager son second mari, et même
du premier lit pourront, quoique héritiers de d'en disposer en faveur de quelque personne que
leur mère , répéter leurs portions contre les do ce soit , au préjudice des parts que les enfans du
nataires des conquêts. premier mariage pourraient prétendre en sa suc
De là nait un inconvénient ; car , les enfans cession dans lesdits conquêts , si elle n'en eût
du second lit n'ayant pas le même droit , il se disposé.
trouvera que les enfans du premier lit, venant La raison de différence est que les hiens,
à la succession de leur mère, seront plus avan qui ont été donnés à la femme par son premier
tagés dans les hiens de leur mère que ceux du mari , peuvent être considérés comme des hiens
second, venant également comme eux à la suc de son premier mari , qu'il n'a donnes à sa
cession ; ce qui est contraire aux principes de femme qu'à la charge de les restituer, à sa mort,
notre droit français en matière de succession. à ses enfans , dans le cas où elle se serait rema
Ohservez que la Coutume ne met une diffé riée. L'édit supplée à la donation qui en a été
rence entre les feconds maris et les autres per faite cette clause de suhstitution légale , à la
sonnes que pour le titre de donation, ainsi qu'il quelle l'existence des deux conditions de rema
résulte de ces termes, ne peut ancunement riage et de la mort de la femme donnent lieu.
avantager. Quant aux titres onéreux et de com C'est pour cette raison que l'édit les défère aux
merce , le mari se trouve confondu avec les au seuls enfans du premier lit. On ne peut pas dire
tres personnes dans la prohihition générale faite la même chose iles conquêts : quoique ia femme
à la femme de disposer. soit redevahle de ces conquèts aux soins el aux
SECTION III.
travaux de son mari, néanmoins ces conquêts, faites depuis la dissolution du second mariage
qui. par le partage de la communauté, sont ne peuvent recevoir aucune atteinte ; nos Cou
tombés dans son lot, sont des biens qui ne lui tumes le décident en termes formels. Au con
viennent pas de son mari , qui sont même censés traire, par le second chef de l'édit, les enfans
n'avoirjamais appartenu à son mari , mais avoir du premier lit peuvent revendiquer contre les
toujours et dès le temps de leur acquisition ap tiers-acquéreurs les choses données par leur
partenu à la femme , suivant l'effet rétroactif père à leur mère qui s'est remariée, en quel
des partages ; et par conséquent ils ne peuvent que temps que ce soit qu'elle en ait disposé,
être considérés autrement que comme des biens soit avant , soit depuis son second mariage. La
de la femme, auxquels par conséquent tous les raison de différence est que , dans la cas du se
enfans de cette femme, tant ceux du second cond chef de l'édit . c'est le second mariage qui
que ceux du premier lit, ont un droit égal. donne lieu à la substitution légale des biens
Ces différences fondamentales présupposées donnés à la femme qui s'est remariée, par son
entre le second chef de l'édit et la disposition premier mari , et non pas les aliénations que la
de nos Coutumes , il sera facile d'en parcourir femme en fait, puisque, quand même elle ne
toutes les espèces différentes , et d'en apercevoir les aurait pas aliénés, la substitution ne laisse
les raisons. rait pas d'avoir lieu au profit des enfans du pre
mier mariage, commenous l'avons vu ci-dessus ;
PREMIÈRE DIFFÉRENCE. au lieu qu'à l'égard des conquêts, la Coutume
n'ayant fait autre chose que d'interdire à la
Il y a lieu au second chef de l'édit, lorsque la femme qui s'est remariée d'aliéner les conquèts
femme qui s'est remariée meurt, soit qu'elle ait de son premier mariage au préjudice des portions
disposé, soit qu'elle n'ait pas disposé des choses des enfans du premier lit, la substitution légale
qui lui ont été données par son premier mari ; de ces conquêts au profit desdits enfans ne peut
et ces choses appartiennent aux seuls enfans de naître que de l'aliénation même qui en est faite
son premier mariage, soit qu'ils soient héritiers contre la défense de la loi II n'y a que celles
de leur mère , soit qu'ils ne le soient pas. Au faites durant le second mariage qui soient faites
contraire , il n'y a pas lieu à la disposition de contre la défense de la loi : il n'y a donc que
nos Coutumes touchant les conquêts , lorsque la celles-là qui puissent donner lieu à la substitu
femme qui s'est remariée est morte sans en tion légale des conquêts au profit des enfans.
avoir disposé ; et ils se partagent comme biens
de sa succession entre tous ses enfans, tant du quatvième diFFévence.
premier que du second lit , qui ne peuvent , en Les biens que les enfans recueillent en vertu
ce cas , y prendre part qu'en qualité d'héritiers de lu substitution légale du second chef de l'édit,
de leur mère. leur sont , comme nous l'avons décidé en l'ar
ticle précédent , propres paternels , comme étant
SECONDE DIFFÉRENCE. censés n'avoir été donnés à leur mère qu'à la
C'est que , selon les Coutumes de Paris et quêts,charge de les leur rendre. Au contraire les con
d'Orléans , lorsque la femme a disposé des con propresdans le cas de nos Coutumes, leur sont
maternels par les raisons rapportées au
quêts. il n'y a lieu à l'action révocatoire que commencement de ce paragraphe.
pour les portions des enfans du premier lit , et
la disposition vaut pour le surplus ; au lieu que , Quand les dispositions des Coutumes de Paris et
par le second chef de l'édit , la disposition que d'Orléans cesseni-elles d'avoir lieu? et st elles
la femme qui s'est remariée a faite des choses à s'étendent a l'iiouiuie qui se remarie?
elle données par son premier mari , est infirmée i
pour le total par les enfans du premier lit. Les dispositions des Coutumes , touchant la
défense qui est faite à la femme qui se remarie
TROISIÈME DIFFÉRENCE. de disposer des conquêts au préjudice des por
tions des enfans du premier lit, cessent par la
Il n'y a que les aliénations faites durant le se dissolution du second mariage. Nos Coutumes
cond mariage qui puissent recevoir atteinte pour déclarent formellement qu'elle recouvre la fa
les portions des enfans du premier lit ; celles culté d'en disposer à son gré.
faites auparavant n'en peuvent recevoir aucune, La disposition de ces Coutumes cesse encore
à moins qu'on no justifie qu'elles eussent été plus par le prédécès des enfans du premier ma
faites en fraude , et dans le dessein d'en faire riage avant leur mère.
passer le prix au second mari , que la femme Quant à la question si la disposition de ces
était sur le point d'épouser. Pareillement , celles Coutumes devait s'étendre à l'homme qui se re-
Tome V. !t
TRAITÉ DES DONATIONS ENTRE-VIFS.
marie, elle a fait difficulté autrefois. Plusieurs paraissait s'ensuivre que la disposition de ces
pensaient qu'elle ne devait pas s'y étendre, la Coutumes ne devait pas être étendue à l'homme.
même raison ne militant pas pour l'homme Cependant, par l'arrêt de 1697, que nous avons
comme pour la femme. L'homme ayant la part déjà cité, et qui a fixé la jurisprudence, il a
principale à l'administration des affaires de la été jugé que l'homme qui se remarie ne pou
communauté, et «n étant même le seul admi vait pas avantager sa seconde femme des con
nistrateur, c'est à ses soins, a ses travaux que quéts de sa première communuuté : et en ce
la femme est redevable des acquisitions qu'elle point la disposition (le ces Coutumes a été éten
a faites avec lui, ce qui l'oblige plus particu due à l'homme. Elle ne l'est pas néanmoins en
lièrement à conserver aux enfans qu'elle a eus tout point , car il parait , par l'arrêt de Sour-
avec lui les portions qu'ils doivent amender dans deval , que toutes sortes de dispositions faites
ces conquéts ; et c'est peut-être ce qui a servi à d'autres personnes qu'à une seconde femme,
de motifs aux dispositions de nos Coutumes. Or, ne sont pas interdites à l'homme qui s'est re
cette raison étant particulière i la femme, il marié, comme elles le sont à la femme.
TRAITÉ
DES SUBSTITUTIONS.
ARTICLE PRELIMINAIRE.
Not>s n'avons , dans le pays coutumier, que deux espèces de substitutions : la substitution
vulgaire ou directe, et la substitution fidéicommissaire.
La pupillaire et l'exemplaire n'y sont point admises.
La substitution vulgaire ou directe , est celle par laquelle je lègue quelque chose à quelqu'un ,
au cas que celui à qui je l'ai léguée en premier lieu ne recueille pas le legs.
Par exemple , si je lègue ainsi : Je fais Pierre mon légataire universel , et , à son défaut ou refus ,
Paul. La disposition faite au profit de Paul est une substitution vulgaire ou directe.
La substitution fidéicommissaire est la disposition queje fais d'une chose au profit de quelqu'un,
par le canal d'une personne interposée, que j'ai chargée de la lui remettre.
Par exemple : Je fais Pierre légataire universel de mes biens , et je veux qu'il les restitue , après
ta mort, à Paul. La disposition, que je fais de mes biens au profit de Paul, est une substitution
fidéicommissaire , parce que Paul , au profit de qui la substitution est faite, ne doit pas recueillir
mes biens directement, mais par le canal de Pierre, personne interposée, que j'ai chargée de les
lui remettre.
On peut faire tout à la fois l'une et l'autre substitution, par le terme général de substituer,
comme lorsqu'il est dit : Je fais Pierre mon légataire universel, et je lui substitue Paul. Ces
termes comprennent la substitution vulgaire et la fidéicommissaire, et non seulement Paul est
appelé dans le cas auquel Pierre ne recueillerait pas le legs ; mais , même dans le cas auquel Pierre
le recueillerait , il est censé grevé de le restituer, après sa mort , à Paul.
On appelle cette forme de substituer, substitution compendiaire.
Dans la substitution fidéicommissaire , comme dans la vulgaire, celui au profit'de qui la sub
stitution est faite est celui qu'on appelle le substitué ; celui qui est chargé de restituer les choses
qui font l'objet de la substitution, s'appelle le grevé.
On divise les substitutions, tant vulgaires que fidéicommissaires, en simples et graduelles.
Les simples sont celles qui n'ont qu'un degré, telles que celles dont les exemples sont rapportés
ci-dessus.
Les graduelles sont celles qui contiennent plusieurs degrés ; comme lorsqu'après avoir
substitué Paul à Pierre, je substitue Jacques h Paul , Christophe a Jacques.
On peut les diviser encore, à raison de leurs objets , en substitutions universelles, et substitu
tions des choses particulières.
C'est des substitutions fidéicommissaires dont nous nous proposons de traiter ici. Nous
traiterons :
1« Des actes par lesquels elles peuvent être faites, de leurs différentes natures, suivant
les différons actes qui les contiennent , et de leurs formalités tant intrinsèques qu'extrinsèques.
2« Des termes qui expriment ou non les substitutions, suit simples, soit graduelles, et quand
ou doit ou non en supposer de tacites.
3« De l'interprétation des substitutions, conditions, clauses et termes qui s'y rencontrent, et
de l'mterprétation de quelques espèces particulières de substitutions.
4" Des personnes qui peuvent faire des substitutions, de celles qui peuvent y être appelées, oiv
fi8 TRAITÉ «ES SUBSTITUTIONS.
en peuvent être grevées; quand et jusqu'à quelle concurrence, et des choses qui en sont
l'objet.
5« De leur effet avant l'ouverture.
6« De leurs ouvertures, et des actions qui en naissent.
7« Des manières dont elles s'éteignent.
SECTION PREMIERE.
Tome V. 10
74 TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
SECTION DEUXIÈME.
SECTION TROISIÈME.
SECTION QUATRIÈME.
Des personnes qui peuvent faire des substitutions ; de celles gui y peuvent
être appelées, ou en peuvent être grevées; quand etjusqu'à quelle con
currence ; et des choses qui en peuvent être f objet.
SECTION CINQUIEME.
Cette matière se réduit à ces trois principes : délai ne courra point contre les mineurs; ou
l« L'héritier , ou autre grevé de substitution , dans l'année, si la substitution est faite au profit
est, avant l'ouverture, seul propriétaire des d'une église ou communauté; art. 49, 50, 5 1 et 52.
biens substitués. De ce que les droits et actions de la succes
2« Outre que le grevé est débiteur des biens sion résident en la seule personne du grevé ,
substitués , ce droit de propriété qu'il a des im avant l'ouverture de la substitution , il suit aussi
meubles substitués, n'est pas une propriété que la prescription contre lesdits droits et ac
incommutable , mais une propriété résoluble au tions, court et s'accomplit contre le grevé, avant
profit du substitué, par l'échéance de la condi l'ouverture de la substitution, et que lesdites
tion qui doit donner ouverture à la substitution. actions et droits , ainsi éteints, ne revivent pas
3« Le substitué, avant l'ouverture de la sub au profit du substitué, lors de l'ouverture de la
stitution , n'a aucun droit formé par rapport au substitution. La loi 70, § fin. S. ad senat, cone,
bien substitué, mais une simple espérance. treb., le décide : Si temporalis aclio in hœredi-
Nous traiterons de ces trois principes , et de tate relicta fuerit, tempus quo hœres experiri
leurs corollaires, en autant d'articles séparés ; ante reslitutam hœreditatem potuit, imputa-
nous joindrons un quatrième article qui contien bitur ei cui relicta fuerit.
dra le détail des obligations que l'Ordonnance Par exemple : si l'héritier laisse écouler le
impose au grevé, lorsqu'il recueille les biens temps de trente ans , avant l'ouverture de la
substitués. substitution , sans exiger une dette de la succes
sion ; s'il laisse passer ce temps , sans user d'un
ARTICLE PREMIER. droit de servitude qui appartient à la succession,
et qui est de nature à s'éteindre par le non-
Premier principe et ses corollaires. usage : eu l'un ou l'autre cas , la créance de la
succession , ou le droit de servitude qu'avait la
Le grevé de substitution étant, avant l'ouver succession , sont éteints par la prescription qui
ture de la substitution, le vrai et seul proprié a couru, et s'est accomplie contre l'héritier
taire des biens substitués, il suit de là que les grevé. Pareillement, si un héritage, qui appar
actions actives et passives de la succession rési tient à la succession , a été possédé par quelque
dent en sa seule personne : Ipsi et in ipsum tiers détenteur du grevé, qui ne le tenait point
competunt. du grevé pendant le temps requis par la pres
D'où il suit que ce qui estjugé sur ces actions, cription, avant l'ouverture de la substitution, le
avant l'ouverture de la substitution avec le grevé, droit de propriété de cet héritage passe à ce tiers
doit tenir après l'ouverture de la substitution ; détenteur, par la prescription qui a couru contre
et que , lorsque la chose a passé en force de l'héritier qui a négligé de le revendiquer ; 1.22,
chose jugée, le substitué ne peut pas revenir § 3 , ff. ad senat, cons. treb.
contre , pourvu néanmoins que le grevé se soit Le substitué , lors de l'ouverture de la substi
défendu, et que l'arrêt ou jugement ait été tution, ne peut faire revivre les droits de la
rendu sur les conclusions des gens du roi; faute succession; et il n'a qu'une simple action, ex
de quoi, le substitué pourrait se pourvoir par testaments , en dommages et intérêts contre le
requête civile, après l'ouverture de la substitu grevé ou ses héritiers.
tion , dans les six mois de la signification qui lui En vain le substitué alléguerait-il qu'il était
aurait été faite de l'arrêt ou jugement, lequel mineur pendant que cette prescription a couru,
SECTION V. 101
ou même qu'il n'était pas ne , ni même conçu, ture à la substitution , le droit de propriété
et qu'ainsi la prescription n'a pu courir contre qu'il a avant l'ouverture , est un droit qui
lui. La réponse est , que ce n'est pas aussi contre doit se résoudre de plein droit , au profil du
lui qu'a couru , ni dû courir la prescription de substitué , par l'ouverture de la substitution.
ces droits , puisque ce n'était pas en sa personne De la première partie du principe , il suit que
qu'ils résidaient; qu'elle n'a couru, et dû courir le grevé doit conserver les biens et choses don
que contre la personne de l'héritier grevé, en la nés, et y apporter le soin qu'un bon père de
personne seule duquel ils résidaient. famille a coutume d'apporter. C'est pourquoi ,
On u agité la question , si au moins , au cas si les héritages se trouvent détériorés , suit par
d'insolvabilité de l'héritier grevé, qui a laissé son fait, soit par sa négligence; si les droits et
perdre ses droits, le substitué ne doit pas être actions de la succession se trouvent perdus par
restitué pour les faire revivre. Quelques anciens sa négligence, il est tenu des dommages et
auteurs l'ont pensé ; mais Ricard rejette avec intérêts envers le substitué.
raison leur sentiment ; carl'insolvabilité de l'hé Il est tenu, à cet égard, de la faute légère ,
ritier ne change rien au principe de la prescrip puisqu'il profite des biens substitués, par la
tion qui a éteint ses droits. jouissance qu'il en a jusqu'à l'ouverture de la
De ce que l'héritier ou autre grevé do substi substitution. Les textes de droit , qui disent que
tution est , avant l'ouverture de la substitution , l'héritier grevé n'est tenu que de la faute lourde
seul et vrai propriétaire des biens substitués, il envers le fidéicommissaire , sont dans l'espèce
suit aussi qu'il a qualité pour recevoir le rachat du fidéicommis, dont la restitution devait se
des rentes, et le prix des aliénations forcées des faire sur-le-champ, et dont il ne restait, par
héritages substitués, comme d'une licitation, conséquent , aucune utilité par-devers l'héri
et que les débiteurs sont libérés, en payant tier grevé.
entre ses mains; art. 15. De la seconde partie du principe , )1 suit que
Mais les substitués ou curateurs à la substitu le grevé ne peut aliéner les immeubles sujets
tion , peuvent , pour la sûreté de la substitution, à la substitution , ni les hypothéquer , ni leur
saisir et arrêter entre les mains des adjudica imposer aucune charge réelle , au préjudice de
taires ou acheteurs , le prix des héritages substi la substitution. Car, suivant la règle nemo
tués, qui auraient été laissés ou aliénés pour potest plus juris in alium conferre quàm ipso
quelque cause nécessaire, et faire ordonner, habet , le droit qu'a l'héritier grevé dans les
sur une assignation donnée , tant audit achcleur immeubles, n'étant qu'un droit sujet à se ré
qu'au grevé , que le prix demeurera en dépôt , soudre de plein droit au profit du substitué,
soit entre les maius desdits acheteurs, soit par l'ouverture de la substitution, il ne peut,
de quelque autre nommé par le juge , jusqu'à en les aliénant, les hypothéquant, et en leur
l'emploi. imposant des charges réelles, transférer qu'un
Ils peuvent pareillement saisir et arrêter en droit tel qu'il l'a, c'est-à-dire, sujet à se ré
tre les mains des débiteurs , des rentes sujettes soudre au profit du substitué , par l'ouverture
à la substitution, à l'effet que lorsqu'ils vou de la substitution ; et par conséquent, le droit
dront les racheter, ils seront tenus d'appeler de ceux qui ont acquis du grevé, soit immédia
le substitué ou curateur à la substitution . qui tement, soit médiatement, les immeubles sujets
fera pareillement ordonner le dépôt des deniers, à la substitution, ou quelque hypothèque, ou
jusqu'à l'emploi. autre droit réel, doit se résoudre par l'ouver
Si les débiteurs du prix des héritages ou des ture à la substitution.
renles , payaient, au préjudice de ces saisies et La jurisprudence, confirmée par la nouvelle
arrêts , au grevé , ils demeureraient responsa Ordonnance des substitutions, a apporté une
bles envers les substitués, lors de l'ouverture exception à cette règle. Elle permet au grevé
de la substitution, de l'insolvabilité du grevé , de substitution, lorsqu'il n'a pas suffisamment
pour ce qu'ils auraient payé au préjudice des de biens libres, d'hypothéquer les biens substi
dites saisies et arrêts. tués, même au préjudice de la substitution, à
la restitution de la dot de sa femme , au douaire.
ARTICLE II.
% I. MOTIFS DE CETTE HYPOTHÈQUE SURSIDIAIRE. ET
Second principe et ses corollaires. EN QUEL CAS A-T-ELLE LlrU?
Outre que le grevé eut personnellement dé Cette jurisprudence est fondée sur une pré
biteur conditionnel des biens ou choses substi somption de la volonté de l'auteur de la substi
tués , aous la condition qui doit donner ouver tution. Comme on ne peut guêre trouver un
102 TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
honnête établissement par mariage, sans avoir J II. * L'iGAr.D DE QUELLES P1RSONNES
de quoi répondre de la det de la femme qu'on
épouse, et de quoi assigner un douaire, on Cette présomption de volonté, et l'hypothè
présume que l'auteur de la substitution , qui a que subsidiaire qui en est une suite , ont indis
voulu que celui qu'il grevait de substitution se tinctement lieu, lorsque ce sont des enfans qui
mariât, n'a pas prétendu, en le grevant de sub sont grevés de substitution au profit de quel
stitution, lui eu ôter les moyens, et, qu'en qu'un, par leur père ou mère, quelles que
conséquence , il lui a permis d'engager et d'en soient les personnes au profit de qui la substi
tamer les biens substitués , autant qu'il serait né tution soit faite; car le vœu naturel des pères
cessaire, à défaut d'autres, pour la restitution de et mères étant de se perpétuer dans leurs des-
la dot de sa femme, et pour assigner un douaire. cendans, ils ont voulu que leurs enfans trou
On s'est aussi fondé, pour établir cette juris vassent à se marier , et par conséquent leur
prudence, sur la Novelle 39, qui a été mal en intention, en les grevant de substitution , n'a
tendue; car elle permet bien à la femme de se pas été de leur en ôter les moyens.
constituer une dot sur les biens grevés de sub Ont -elles lieu indistinctement, lorsque ce
stitution , à défaut d'autres , et au mari de sont des petits-enfans qui ont été grevés de
constituer une donation à cause de noces : mais substitution, par quelques-uns de leurs ascen-
on n'y trouve pas qu'elle permette à l'homme dans? La question a souffert difficulté : Ricard
d'hypothéquer les biens substitués à la restitu tenait la négative sur d'assez mauvaises raisons ;
tion de la dot de la femme; mais quoi qu'il en mais depuis la nouvelle Ordonnance, il ne doit
soit du sens de la Novelle, la jurisprudence, plus y avoir de doute que cette présomption de
pour cette hypothèque , est bien établie et con volonté, et l'hypothèque subsidiaire, qui en
firmée par la nouvelle Ordonnance. est une suite, doivent avoir lieu indistincte
Il suit do là, que cette hypothèque subsi ment , lorsque les grevés de substitution sont
diaire n'aurait pas lieu, si l'auteur de la substi les petits-fils de l'auteur de la substitution , de
tution avait expressément déclaré que les biens même que lorsque ce sont ses propres enfans ;
par lui substitués ne pourraient être aliénés ni car cette Ordonnance, en l'ars. 53, n'ayant
hypothéqués , pour quelque cause que ce fut , restreint à certains cas cette présomption de
même pour cause de dot et de douaire; car la volonté, et l'hypothèque subsidiaire, qui en
présomption do volonté, sur laquelle seule est est la suite, qu'à l'égard des collatéraux de
fondée cette hypothèque subsidiaire, se trouve l'auteur de la substitution, et des étrangers,
rait , en ce cas , détruite par la déclaration d'une elle a par là suffisamment insinué que cette
volonté contraire : Ubi est evidena voluntas r présomption de volonté dovuit avoir lieu indis
non relinquitur prœsumplioni locus : c'est tinctement à l'égard des petits-enfans de l'au
l'avis de Ricard. teur de la substitution , comme à l'égard de ses
Il suit encore de là , que cette hypothèque propres enfans. Effectivement , il y a même
subsidiaire ne laisserait pas d'avoir lieu, quand raison de le présumer à l'égard des petits-en
même le substitué aurait fait signifier la sub fans , comme à l'égard des enfans, si, comme
stitution à la future épouse du grevé , avant la nous l'uvons observé, la principale raison de
célébration du mariage. Ce qui a induit en cette présomption est fondée sur l'inclination
erreur quelques auteurs . dont Ricard rapporte naturelle qu'ont les hommes de se voir perpé
le sentiment , et qu'il rejette avec raison . c'est tuer et reproduire dans leur postérité; car cette
qu'ils ont cru que cette hypothèque subsidiaire inclination naturelle doit également faire pré
avait pour fondement une raison rapportée par sumer en nous la volonté et le souhait du ma
la Novelle, qui consiste à dire qu'il faut em riage de nos petits-enfans , comme de nos
pêcher que les personnes qui se marient ne propres enfans.
soient induites en erreur ; mais ce ne peut être Comme cette raison ne se rencontre pas à
sur cette raison que cette hypothèque est fon l'égard des collatéraux et des étrangers, on ne
dée dans notre jurisprudence , les Ordonnances présume pas indistinctement, dans l'auteur de
ayant suffisamment pourvu, par l'insinuation la substitution , la volonté que ceux qu'il a
et publication des substitutions, à ce qu'elles grevés de substitution se mariassent , lorsqu'ils
ne puissent induire personne en erreur : elle ne sont que des collatéraux ou des étrangers ;
est fondée sur la seule raison de la présomption et, par conséquent, l'hypothèque subsidiaire
de la volonté du testateur, qui a permis cette sur les biens substitués n'est point accordée
hypothèque subsidiaire; c'est pourquoi inutile aux femmes de ces grevés collatéraux ou étran
ment le substitué donnerait-il copie à la fu gers : mais , s'il se trouve dans le testament , ou
ture épouse de la substitution, pour l'empêcher. autre acte qui contient la substitution , quelque
SECTION V. 103
chose qui fasse connaître que l'auteur de la les dots et douaires de tous les mariages du
substitution a voulu effectivement que ces col grevé, ou seulement pour son premier mariage.
lntéraux ou étrangers, qu'il grevait de substi Les raisons de douter étaient : 1« comme dans
tution, se mariassent, on présume qu'il n'a la question précédente , que les biens substitués
pas voulu leur ôter le moyeu de se marier ; et pourraient ù la En être absorbés; 2« qu'il n'y a
l'hypothèque subsidiaire sur les biens substi pas même raison de présumer que l'auteur de la
tués, qui est une suite de cette présomption, substitution ait voulu que son enfant, qu'il
a lieu à leur égard. grevait de substitution, se mariât plusieurs fois,
Cela se trouve en deux cas : 1« lorsque ce surtout s'il avait des enfans du premier mariage;
sont les enfans de ces collatéraux ou étrangers , comme il y a lieu de présumer qu'il a voulu
(|ai leur sont substitués; 2« lorsque la substi qu'il se mariât une première fois. Néanmoins,
tution est faite au profit de quelque personne l'Ordonnance, art. 52 , décide que l'hypothèque
que ce soit, mais sous la condition que ces subsidiaire aura lieu en faveur de chacune des
grevés de substitution décéderont sans enfans. femmes que les grevés se trouveront avoir épou
En l'un et l'autre de ces cas , l'auteur de la sées successivement. Le vœu naturel dans les
substitution, en substituant à ces collatéraux hommes, de laisser nue nombreuse postérité,
ou étrangers leurs enfans , ou en préférant leurs doit faire présumer, dans l'auteur de la substi
enfans aux substitués , a témoigné que son in tution, la volonté de ne point ôter à ses en
tention était qu'ils eussent des enfans , et par fans, en les grevant de substitution , les moyens
conséquent qu'ils se mariassent ; d'où on pré de contracter non seulement un premier ma
sume que son intention a été de ne leur point riage, mais tous ceux qu'ils vaudront contracter
oler les moyens de se marier, et par conséquent par la suite.
leur permettre d'hypolbéquer les biens substi L'Ordonnance, art. 52, apporte néanmoins
tués , à défaut d'autres , à la restitution de la une limitation , qui est , que les femmes des ma
dot de leur femme, et au douaire. riages postérieurs ne pourront point exercer cette
C'est pourquoi l'Ordonnance, art. 53, or hypothèque subsidiaire sur les biens substitués
donne que l'hypothèque subsidiaire aura lieu contre les enfans des mariages antérieurs , lors
en ces deux cas , quoique l'auteur de la substi que ce sont lesdits enfans qui recueilleront la
tution ne soit qu'un parent collatéral du grevé, substitution; la faveur des enfans des premiers
ou même un étranger. mariages a donné lieuàcette limitation. Nos lois
ont toujours eu attention de leur subvenir
S lit. A-T-ELLE LIEU DANS TOUS LES DEGRÉS? contre les secondes femmes, comme il parait
par l'édit des secondes noces.
On a agité autrefois la question si cette Cette hypothèque subsidiaire a-t-elle lieu pour
hypothèque subsidiaire devait avoir lieu dans la dot, et le douaire d'un mariage contracté
tous les degrés de substitution, lorsqu'une avant la substitution? Il semble que la raison
substitution est graduelle. Ricard a tenu la sur laquelle nous avons fondé cette hypothèque
négative , et a pensé qu'elle ne pouvait avoir subsidiaire, parait ne pas se rencontrer dans
lieu qu'a l'égard de l'héritier, ou autre premier cette espèce ; car nous avons dit que c'était
légntaire direct, contre le premier substitué, pour laisser à son enfant les moyens de trouver
parce que ces hypothèques subsidiaires pour un établissement par mariage, que l'auteur de
raient absorber les biens substitués, si elles la substitution était présumé lui avoir permis
avaient lieu en chaque degré. La nouvelle d'hypothéquer les biens substitués, à défaut
Ordonnance a rejeté le sentiment de Ricard : d'autres, à la dot et au douaire de la femme
elle ordonne, art. 52, que l'hypothèque subsi qu'il épouserait. Or, il semble que cette raison
diaire aura lieu dans tous les degrés de substi cesse dans cette espèce , où l'enfant , se trouvant
tution ; et , effectivement , les mêmes raisons déjà marié lors de l'acte qui contient la substi
sur lesquelles cette hypothèque subsidiaire est tution , n'a plus besoin qu'on lui laisse de quoi
permise, à l'égard des personnes qui sont dans le trouver un établissement par mariage. La raison
premier degré de disposition , se rencontrent à de décider, au contraire , que l'hypothèque
légard des personnes qui sont dans les degrés subsidiaire doit avoir lieu , est que la femme a
ultérieurs . pu etdû compter sur l'hypothèque des biens du
père ou de la mère de son mari, pour la sûreté
3 IV. A L'ÉGARD DE QUELS MARIAGES. de sa dot et douaire , lorsque son mari aurait
succédé à ses père ou mère : la confiance en
On a pareillement agité la question , si cette cette hypothèque ayant fait trouver au fils un
hypothèque subsidiaire devait avoir lieu pour établissement par mariage, il serait injuste que
104 TRAITÉ DES SUBSTITUTION.
le beau-père et la belle-mère frustrassent leur A l'égard des remplois dûs à la femme ,
bru de cette attente, par une substitution. Si les pour le prix des aliénations volontaires de
femmes pouvaient être frustrées de cette espé ses héritages, auxquelles elle a consenti , elle
rance, les mariages ne se contracteraient pas n'a aucune hypothèque subsidiaire pour lesdits
avec la confiance et avec la liberté avec lesquelles remplois , sur les biens substitués ; car elle
il est de l'intérêt public qu'ils se contractent. La doit s'imputer d'avoir consenti à ces aliénations ;
même raison ne se rencontre pas , lorsque la art. 49.
substitution a été faite depuis le mariage du Cette décision a lieu, soit dans les provinces
grevé , ou même par un étranger, au profit des où ces aliénations sont valables, soit dans celles
enfans du grevé. On ne peut pas dire, en ce cas, où elles sont nulles, sauf à la femme, dans les
que la femme du grevé , lorsqu'elle a épousé son provinces où ces aliénations sont nulles, son
mari , ait pu compter sur les biens pour la sûreté recours contre les tiers détenteurs.
de sa dot et de son douaire , surtout si son La femme n'a pareillement aucune hypothè
mari n'était point l'héritier présomptif de l'au que sur les biens substitués, pour l'indemnité qui
teur de la substitution. Néanmoins, l'Ordon lui est duc , pour les dettes auxquelles elle
nance ne fait à cet égard aucune distinction s'est obligée pour son mari , quand même elle
entre les substitutions faites par les ascendans, les aurait déjà acquittées en tout ou en partie ,
et celtes faites par les collatéraux; et, n'ayant et quand même ces obligations absorberaient
pas plus distingué a l'égard des autres, pour toute sa dot ; car elle doit s'imputer de les avoir
accorder l'hypothèque subsidiaire sur les biens contractées.
substitués, si la substitution avait été faite Ces décisions doivent avoir lieu , quand bien
avant , ou depuis le mariage , il serait difficile de même la substitution serait portée par le
ne la pas accorder sur les biens substitués par contrat de mariage , dans lequel ces remplois et
un collatéral, ou même par un étranger, même ces indemnités sont stipulés. On ne suivrait pas
depuis le mariage, dans les deux cas dans aujourd'hui l'arrêt de Vendome , rapporté au
lesquels l'Ordonnance l'accorde. Journal du Palais , qui avait accordé , en ce cas,
l'hypothèque subsidiaire pour les remplois et les
indemnités.
$ V. POCR OCELLES CAUSES. La femme a hypothèque subsidiaire, pour
son douaire , sur les biens substitués de son
Les biens substitués peuvent être hypothéqués mari.
subsidiairement, à défaut d'autres, à la restitu Les enfans, lorsqu'ils ont un douaire, ont la
tion de la dot de la femme du grevé , tant pour même hypothèque.
le capital de cette dot, que pour les fruits et Cette hypothèque a lieu, tant pour les fonds
intérêts qui pourraient lui être dûs, ou à ses du douaire que pour les arrérages qui peuvent
héritiers, depuis la dissolution du mariage, ou en être dûs.
la séparation. Elle a lieu , tant pour le douaire coutumier
Cette restitution de dot comprend : 1« celle que pour le conventionnel ; mais si le conven
des deniers, ou du prix des effets mobiliers que tionnel excède le coutumier, elle n'a lieu que
la femme a apportés eu dot , tant de ceux qu'elle jusqu'à la concurrence de la valeur du coutu
s'est réservés propres, que de ceux qu'elle a mis mier, et non pour l'excédant ; art. 45.
en communauté, et dont elle s'est réservé la Dons les pays de droit écrit , où l'augment de
reprise, en cas de renonciation à la commu dot tient lieu du douaire coutumier , la femme
nauté. a , pour son augment de dot , cette hypothèque
2« Celle de tout le mobilier échu à la femme subsidiaire sur les biens substitués, soit qu'il y
pendant la communauté, par succession ou soit en usage sous ce nom, soit sous celui
donation, et qu'elle s'est réservée propre, et d'engagement , gain de survie , ou de donation à
dont elle s'est réservé la reprise, en cas de cause de noces.
renonciation à la communauté. Cette hypothèque a lieu , tant pour le capital
3« Les dommages et intérêts dûs à la femme , que pour les intérêts de l'augment, jusqu'à
pour la détérioration des héritages, les pertes et concurrence de la quotité réglée par les statuts
les prescriptions des droits dépendans de ses du pays , sans néanmoins que cette quotité
biens , arrivés par la négligence de son mari. puisse être exercée pour une plus grande quotité
4« Le remploi du prix des renies de la femme, que le tiers de la dot, encore que l'augment fût
qui ont été remboursées au mari , et de celui plus considérable ; art. 46.
de toutes les aliénations forcées de ses héri L'hypothèque subsidiaire n'a pas lieu pour
tages. toutes les autres conventions matrimoniales ,
SECTION V. 105
telles que sont le préciput , la donation de AIVriCLE III.
bagues et joyaux, ni pour le deuil; art. 48.
Troisième principe et ses corollaires.
S VI. PAR QOI PEUT-ELLE ETRE EXERCEE , ET SUs
QUELS RIENS. Notre troisième principe est , comme nous
l'avons dit , que le substitué , avant l'ouverture
Cette hypothèque subsidiaire , qu'a la femme de la substitution , n'a, par rapport au bien
sur les biens substitués de son mari, n'est pas substitué , aucun droit formé, mais une simple
un droit qui lui soit personnel ; ses héritiers ou espérance.
même ses créanciers , qui voudraient exercer D'où il suit : 1« que si le substitué meurt avant
ses droits, peuvent le faire. l'ouverture de la substitution , il ne transmet
Cette hypothèque subsidiaire peulétre exercée rien à ses héritiers, et la substitution devient
sur les biens substitués que le mari avait lors de caduque; car, n'ayant aucun droit avant son
son mariage, même sur ceux qui lui sont venus ouverture , il n'avait rien qu'il pût leur trans
depuis des successions de ses père et mère et mettre; l'espérance s'évanouit par sa mort.
autres ascendans, avec la charge de substitu Cela a lieu , quand même le testateur aurait
tion , comme nous l'avons vu ci-dessus ; car la expressément ordonné, par son testament, que
femmes pu compter sur ces biens. Mais si te mari si le substitué mourait avaut l'ouverture de la
avait , avant son mariage , aliéné un bien sub substitution , il la transmettrait à ses enfans ;
stitué , et qu'il l'eût recouvré depuis, je doute car le testateur ne peut ordonner l'impossible ,
que la femme pût y exercer une hypothèque et faire, quelque chose qu'il ordonne, qu'on
subsidiaire; car cet héritage ne se trouvant pas puisse transmettre ce qui n'existe pas encore :
dans les biens du mari, lors du mariage, et la cette clause n'est pas néanmoins nulle , comme
femme, ne pouvant pas penser que son mari le quelques-uns l'ont pensé ; car , comme dans les
recouvrerait un jour, n'a pu compter sur l'hypo testameni on doit plutot avoir égard à ce que le
thèque de cet héritage. On ne peut pas dire que testateur a voulu, qu'à la manière dont il s'est
le pouvoir d'hypothéquer cet héritage à la dot ou exprimé , on doit favorablement interpréter que
au douaire de sa femme, lui ait été nécessaire le testateur, par cette clause, a entendu appeler
pour trouver un établissement par mariage, et, aussi à la substitution les enfans du substitué à
par conséquent, il ne doit pas y avoir lieu à sa place, dans le cas où il prédécéderait : c'est
l'hypothèque subsidiaire sur cet héritage , qui , pourquoi ces enfans viendront, en ce cas, à la
selon nos principes , n'a lieu que parce qu'on le substitution, non par droit de transmission,
présume uvoir été un moyen au grevé, pour mais comme ayant été appelés de leur chef, au
trouver un établissement par mariage, que défaut et à la place de leur père.
l'auteur de la substitution n'a pas voulu lui ôler. 2 II suit de notre principe , que non seule
Néanmoins , l'Ordonnance n'ayant point dis ment le grevé de substitution, mais même les
tingué, eu accordant l'hypothèque sur les biens tiers détenteurs qui ont acquis de lui , soit
du mari grevé de substitution , s'il les possédait immédiatement , soit médiatement , des immeu
lors de son mariage, ou s'il ne les avait recouvrés bles sujets à la substitution , ne peuvent , avant
que depuis , il y aurait beaucoup de difficulté à l'ouverture de la substitution , en acquérir par
ne la pas accorder. prescription la libération, quand même l'héritage
leur aurait été vendu comme franc et quitte de
3 Vit. SI LALIÉNAT10N 0U L'ENGAGEMENT DEs RIENS toute substitution, et qu'ils l'auraient possédé
SURSTITUÉS POURRAIT ETRE PERMIS DANS DES CAS comme tel , pendant tout le temps requis pour
TRÈS- FAVORARLES. la prescription; car il est impossible qu'on
i puisse acquérir la libération d'un droit avant
Par exemple : si un fils grevé de substitution qu'il ait commencé d'exister ; le droit du sub
par son père, avait été pris par les Algériens, stitué ne commençant à exister que lors de son
et qu'on ne pût payer sa rançon , qu'en aliénant ouverture, on ne peut pas en acquérir auparavant
quelque partie des biens substitués , on ne peut la libération.
douter que la volonté du père n'ait pas été Si c'était un possesseur qui n'eût acquis ni
d'empêcher cette aliénation, s'il eût prévu ce médiatement ni immédiatement du grevé l'héri
cas; c'est pourquoi il semble, en ce cas, le tage sujet à la substitution , il pourrait acquérir
permettre : Ex prœsumptd patrie voluntale. par prescription un droit de propriété de cet
Il peut s'en présenter d'autres ; mais on doit héritage, qui, n'étant pas celui qu'avait le grevé,
être réservé à permettre ces aliénations , surtout ne serait pas sujet à la substitution , comme
les premiers juges. l'était celui du grevé : la sujétion à la substitution
Tove V. 14
106 TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
causé fideicommissi, étant une qualité du droit C'est pourquoi il doit être recevable à inter
de propriété qu'avait le grevé, et l'extinction rompre les prescriptions des droits dépendans
d'une chose entraînant celle de toutes les qualités des biens substitués, si l'héritier grevé néglige de
de la chose , le droit de propriété qu'avait le le faire. Par exemple ; Si l'héritier grevé négli
grevé venant à s'éteindre par la prescription geait de faire passer reconnaissance ou déclara
qui s'est accomplie envers lui , la résolubilité tion d'hypothèque aux débiteurs des biens sub
de ce droit au profit du substitué, dans le cas stitués, le substitué serait recevable, surtout
d'ouverture de la substitution, qui était une après avoir sommé l'héritier grevé de le faire,
qualité de ce droit, el en quoi consistait l'affec d'assigner lui-même , à son défaut ou refus ,
tation de l'héritage de la substitution , ne peut lesdits débiteurs.
plus subsister. Par la même raison, s'il dépendait des biens
311 suit , en troisième lieu, de notre principe, substitués quelque droit de rente foncière , ou
que le décret qui est fait avant l'ouverture de autre droit sur un héritage qui se décrétât sans
la substitution d'un héritage substitué, soit sur charge desdits droits, le substitué serait, par
le grevé, soit sur quelqu'un qui ait acquis de rapport à son intérêt d'espérance , recevable a
lui, médiatement ou immédiatement, pour les former opposition au décret pour la conservation
dettes du grevé, ou de celui qui a acquis l'héri desdits droits. Cet intérêt d'espérance donne
tage de lui , ne purge point la substitution ; car aussi droit au substitué d'agir contre le grevé .
le décret ne peut pas purger un droit avant s'il mésusait des héritages substitués' , et les
qu'il ait commencé d'exister. détériorait , pour lui faire des défenses ; et si ,
Il y a encore une autre raison particulière après ces défenses , il continuait à mésuser
pour laquelle le décret ne purge pas les substi desdits héritages, le substitué pourrait enobtenir
tutions, qui est que les substitutions devenant le séquestre.
publiques par l'insinuation et la publication qui Enfin, il peut poursuivre le grevé, pour
s'en font , l'adjudicataire a dû les connaître , ou l'obliger à faii e emploi des deniers provenans de
du moins a pu s'en informer. la vente des meubles sujets à la substitution ,
C'est pour cette raison que l'Ordonnance, enhéritages ou rentes, ou pour en faire ordonner
art. 55, a établi , par un droit nouveau, que le le dépôt en attendant l'emploi. Il peut même,
décret ne purgerait plus les substitutions, quand comme nous l'avons déjà vu, faire à cet effet des
même elles auraient été ouvertes avant le décret, saisies et arrêts , entre les mains des débiteurs ,
et même avant la saisie réelle de l'héritage. des deniers sujets à cet emploi.
Si l'héritage sujet à la substitution avait été
décrété pour les dettes de l'auteur de la substi ARTICLE IV.
tution , ou pour quelque autre hypothèque ou Des obligations que l'Ordonnance impose au
charge antérieure à la substitution , c'est-à-dire, grevé de substitution , lorsqu'il recueille les
antérieure ou au temps de la donation , si c'est biens substitués.
une substitution portée par une donation , ou
antérieure au temps du décès du testateur, si g I. DE i/rNVENTAIRE.
c'est une substitution testamentaire , il n'est pas
douteux que l'héritage passe, en ce cas, à L'héritier ou légataire universel grevé de
l'adjudicataire , sans aucune sujétion à la sub substitution , doit faire inventaire de tous les
stitution : car la substitution n'a pu empêcher effets mobiliers , titres et reoseignemens de la
l'aliénation forcée de cet héritage. succession.
Je pense aussi que si l'héritage était décrété Cet inventaire doit être fait par un notaire
sur quelque possesseur qui ne tiendrait pas son royal, en présence du substitué ou de son
droit du grevé de substitution , le décret , en curateur, tuteur ou admmistrateur; et, s'il
purgeant le droit de propriété que le grevé de n'était pas encore né, en présence d'un curateur
substitution a de cet héritage , faute par lui de qui doit être nommé par lejuge à la substitution.
s'être opposé au décret , purgerait aussi la sub Si le substitué ne voulait pas s'y trouver, il
stitution causâ fideicommissi , qui était attachée faudrait l'assigner au bailliage du lieu où le
à ce droit. testateur avait son domicile lors de son décès,
De la seconde partie de notre principe , que pour être par le juge donné assignation à jours
le substitué a une simple espérancepar rapport certains , et aux jours suivans , pour être
an bien substitué , il suit qu'ayant intérêt, par procédé à l'inventaire en sa présence; et, en
rapport à cette espérance , à la conservation des ce cas, la signification qui serait faite de ce
biens substitués , il est recevable à faire tous les jugement au substitué, tuteur, curateur ou
actes conservatoires par rapport à ces biens. administrateur , avec sommation de se trouver
SECTION V. 107
audit inventaire, équipollerail à sa présence, insinuation et publication , ce que nous avons
s'il ne s'y trouvait pas. dit sur ce sujet , à la section première.
C'est devant les officiers de ce bailliage royal Le grevé , avant que de se mettre en posses
qu'on doit se pourvoir pour cette assignation , sion des biens sujets ù la substitution, doit obte
comme pour tout ce qui concerne les substi nir une Ordonnance du lieutenant-général, qui
tutions, quand même ce serait un autre juge le lui permette, sur une requête qu'il doit, pour
qui aurait apposé les scellés. Putù , le juge du cet effet , lui présenter , a laquelle doivent être
seigneur dans le territoire duquel était le attachés une expédition de l'acte de publication
domicile du testateur, lors de son décès; et ce et insinuation de la substitution, et un extrait
juge, après avoir levé les scellés , doit renvoyer de la cloture de l'inventaire, et sur les conclu
devant le juge royal. sions du procureur du roi; art. 35 et 37.
Le procureur du roi doit aussi assister à cet Ce qui doit être observé, quand même les dis
inventaire. Il doit contenir une prisée des positions du testament auraient été consenties
meubles, me me dans les pays où cette prisée par des actes volontaires ; art. 39. Il ne pourra
u'est pas d'usage. être rendu aucun jugement en conséquence des
Faute par l'héritier ou légataire universel . de actes portant substitution , qu'il n'ait été satis
faire procéder à cet inventaire dans le temps fait auxdits articles ; art. 40.
des Ordonnances , le substitué peut , un mois
après l'expiration du délai , y faire procéder, en S Ht. DE LA VENTE DES MEURLES, ET EMPLOI DES
y appelant ledit héritier ou légataire universel; DENIERS.
et il a la répétition des frais contre ledit héritier
ou légataire universel. L'héritier ou légataire universel grevé doit
Kn cas de négligence du substitué d'y faire faire procéder à une vente publique des meubles,
procéder , il y doit être procédé par le procu sur affiches préalablement mises.
reur du roi, aux frais dudit héritier ou légataire Il est néanmoins de la prudence du juge de
universel. lui permettre de retenir des meubles pour la
Faute par le grevé de substitution d'avoir prisée , pour ce qui doit être distrait à son profit
satisfait à ce qui est prescrit ci-dessus pour des biens substitués, soit pour ce qui lui est dù
l'inventaire et la prisée , il doit être privé des par le défunt , soit, en pays de droit écrit , pour
fruits des biens substitués , jusqu'à ce qu'il y ait les distractions de quartes.
satisfait , lesquels fruits doivent être adjugés , et Le grevé doit faire emploi des deniers prove-
ceux qu'il avait perçus , restitués par forme de nans de ladite vente, et des autres deniers pro-
peine , au substitué ; et , s'il n'est pas encore né, venans de la succession, conformément à ce que
à l'hôpital. le testateur a ordonné à ce sujet ; et , s'il ne s'en
Ce qui doit avoir lieu, quand même les est pas expliqué , l'emploi doit être fait d'abord
substitués seraient enfans du grevé , et sous sa à payer les dettes, même à rembourser les rentes
paissance. dues par la succession, ensuite en acquisition
Le grevé n'est pas sujet à cette peine, lorsqu'il d'héritages ou rentes , soit foncières, soit consti
est mineur nu interdit, ou lorsque c'est une tuées.
communauté; mais, eu ce cas, les tuteurs, Cet emploi doit être fait dans le délai porté
curateurs ou administrateurs doivent être, en par l'ordonnance du juge, qui met le grevé eu
leur propre et privé nom , condamnés en des possession ; et , à l'égard des autres sommes su
amendes au profit du substitué , s'il est né ; ou jettes à emploi , qui lui rentreront par la suite,
de l'hopital , s'il ne l'est pas. comme, par exemple , par le remboursement de
quelques rentes, il en doit faire emploi dans les
su. de i.a publication, de l'insinuation et de trois mois du jour qu'il les aura reçues , faute do
l'ovdonnance pouv se mettre en possession. quoi il peut être poursuivi pour le faire.
L'emploi doit être fait en présence du substi
Les grevés de substitutions universelles ou tué, ou de sou tuteur , curateur ou administra
particulières , sont tenus , dans les six mois , de teur, ou d'un curateur à la substitution. S'il ne
les faire insinuer et publier, sous les mêmes voulait pas y consentir , il faudrait , sur une
peines expliquées au paragraphe précédent : assignation, faire statuer par le juge sur l'emploi
Art. 18 de l'Ordonnance. Voyez , sur cette proposé.
Il» TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
SECTION SIXIEME.
SECTION SEPTIÈME.
Comment «'éteignent les substitutions.
Les substitutions s'éteignent , ou de la port de l'unique héritier pur et simple du grevé , ou par
l'auteur de la substitution , ou de la part de la défaillance de la condition , ou par l'accoin-
l'héritier, on de la part du substitué, ou par plissement des degrés auxquels l'Ordonnance a
l'extinction des choses sujettes à la substitution , limité les substitutions.
°u dans le cas auquel le substitué devient
112 TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
ARTICLE PREMIER. contenues : cela est confirmé par l'Ordonnance ,
art. 26.
De l'extinction des substitutions de la part de Cette règle souffre exception : 1« à l'égard des
l'auteur de la substitution , ou de la part de testamens militaires , lesquels n'étant pas assu
l'héritier. jettis aux règles du droit civil, peuvent valoir
S ï. DE L'EXTINCTION DES SURSTITUTIONS DE LA PART sans héritier.
2« A l'égard de tous les autres testamens ,
DE LF.UR AUTEUR. lorsqu'ils contiennent la clause codicillaire ,
Il faut distinguer , à cet égard , entre les c'est-à-dire, une clause par laquelle le testateur
substitutions testamentaires et celles faites entre- déclare que , si son testamerïl ne peut avoir effet
vifs. comme testament, sa volonté est qu'il vaille
Les substitutions testamentaires s'éteignent comme codicille ab intestat, ou , ce qui est la
ainsi que les legs : 1« lorsque le testateur est même chose , lorsqu'il charge ses héritiers ab
condamné à une peine qui emporte mort civile , intestat de l'exécution de son testament, au cas
et meurt privé de l'état civil , par cette condam auquel ceux qu'il a institués ne seraient pas ses
nation ; car, son testament ne pouvant valoiren héritiers.
ce cas, les substitutions qui y sont contenues Si celui des héritiers institués, qui a été
périssent comme toutes les autres dispositions. chargé de la substitution, soit universelle, soit
2« Les substitutions testamentaires s'éteignent particulière , est prédécédé, mais qu'il se trouve
de la part de l'auteur de la substitution , ou par quelque héritier substitué par substitution di
une révocation générale qu'il fait de son testa recte, ou quelque cohéritier de cet héritier grevé
ment, dans lequel elle est contenue, ou par une prédécédé, en ce cas, les substitutions fidéi-
révocation particulière de la substitution. commissaires, dont cet héritier prédécédé avait
Ce que nous avons dit , au Traité des testa- été chargé, ne sont pas éteintes par son prédécès,
niens, sur l'extinction des legs de la part du parce que , selon la constitution de l'empereur
testateur, reçoit son application a l'égard des Sévère, le testateur est censé enavoirtacitement
substitutions testamentaires. chargé, à son défaut, le substitué, ou les cohé
A l'égard des substitutions portées par des ritiers qui profilent , par son décès , de sa por
contrats de mariage ou des donations entre-vifs , tion héréditaire.
comme elles sont de la nature des actes dans Si l'héritier institué, qui a été grevé de sub
lesquels elles sont contenues , elles sont irrévo stitution , a survécu . fût-il le seul institué, il ne
cables , et ne dépendent plus de l'auteur de la peut pas, en répudiant la succession, donner
substitution , qui ne peut les révoquer. (Ordon atteinte à la substitution fidéicnmmissaire uni
nance de 1747 , art. 1 1 et 12. ) La mort civile , verselle dont il est grevé, parce que, selon le
qu'il encourrait par la suite, par une condam sénatus-consulte pégasien , l'héritier institué
nation à peine capitable , ne peut non plus y chargé d'un fidéicommis universel, peut être
donner aucune atteinte. forcé d'accepter la succession, au risque du
fidéicommis.
S II. DE L'EXTINCTION DES SURSTITUTIONS DE LA PART C'est pourquoi l'Ordonnance, conformément
DE L'HEAITIER. à ces principes , décide , art. 27 , que la renon
ciation de l'héritier institué ne pourra nuire au
Les substitutions portées par des contrats de substitué, lequel en ce cas, prendra la place
mariage ou donations entre-vifs , ne peuvent dudit héritier ; et, pareillement , en cas de re
jamais recevoir aucune atteinte de la part de nonciation du substitué , celui qui sera appelé
l'héritier de l'auteur de la substitution. apvès lui , pendra sa place.
Les substitutions testamentaires peuventrece- Dans nos pays coutumiers , où nous n'avons
voirattemte de la part de l'héritier en un seulcas, pas d'institution d'héritier d'où dépendent nos
et dans les pays de droit écrit seulement : c'est par testamens, et nos testamens n'étant proprement
la caducité de l'institution d'héritier , qui arrive que des codicilles ab intestat, et n'ayant d'autres
par le prédécès de l'héritier institué ; car , si , héritiers que ceux qui sont appelés par la loi, il
lors de la mort du testateur, il ne reste aucun est évident que les substitutions testamentaires,
des héritiers qu'il a institués , soit dans lo pre soit universelles, soit particulières, ne peuvent
mier degré , soit dans les degrés ultérieurs , ce jamais recevoir d'atteinte, soit de la part de
défaut d'héritier entrains la ruine du testament , l'héritier, soit de la part des légataires univer
selon les principes du droit romain , et, par con sels qui en sont grevés ; car , soit que l'héritier ,
séquent , de toutes les substitutions , soit uni ou légataire, ou donataire universel ou particu
verselles , soit particulières , qui y seraient lier, qui a été grevé de la substitution nouvelle:
SECTION VII. ILS
nu particulière, prédéeède, soit qu'il répudie la tion ne puisse se faire que lorsqu'elle est ouverte,
succession, son legs ou son don universel; ceux car, pour répudier un droit, il faut qu'il existe :
qui recueilleront les biens à leur défaut, ou eu ce qui n'existe pas encore , ne peut être ni ac
leur place, ou même la succession vacante, cepté ni répudié.
seront tenus des substitutions : Arrêt du 26 fé Néanmoins , quoiqu'il ne puisse pas y avoir de
vrier 1715, au tome vi du Journal; Arrêt répudiation proprement dite d'une substitution ,
du 9 février 1718, au tome vu du Journal. Au avant qu'elle soit ouverte , on peut faire quelque
reste, ils n'en sont tenus que sous les mêmes chose d'équipollent; car le substitué peut, avant
conditions qui ont été apposées à la substitution. l'ouverture de la substitution , convenir avec le
Par exemple : si un légataire universel a été grevé, qu'au cas que la substitution s'ouvre par
chargé de restituer, après son décès, à quel la suite à son profit , il ne la recueillera point.
qu'un , les biens qui lui ont été légués , et que ce Le substitué peut aussi avoir une pareille con
légataire universel répudie son legs , l'héritier vention avec le substitué ultérieur, qui est
ah intestat , pardevers qui demeurent les biens appelé à la substitution à son défaut. Ces con
légués , ne sera tenu de lu substitution , que sous ventions ne se peuvent faire du vivant de l'au
la condition de la mort de ce légataire universel , teur de la substitution , parce que les conventions
qui a été apposée à la substitution. qui concernent les biens d'un homme vivant ,
ont quelque chose de contraire aux bonnes
ARTICLE II. mœurs.
De l'extinction des substitutions de la part Mais , lorsqu'elles se font après sa mort, avant
du substitué. l'ouverture de la substitution , elles doivent être
entretenues.
La substitution s'éteint de la part du substitué, $ II. COMMENT SE rAlT L*. ntPCDIATION D'CNE SUR
lorsque le substitué meurt avant l'ouverture de STITUTION.
la substitution, ou lorsqu'il se trouve incapable
de la recueillir lors de l'ouverture , comme Lorsque la renonciation à la substitution se
lorsqu'il a perdu la vie civile. L'exhérédation , fait depuis qu'elle est ouverte , ello peut se faire
quoique justement prononcée par un père , par la seule déclaration que fait le substitué de
contre quelqu'un de ses enfans, ne rend pas cet la volonté qu'il a de renoncer à la substitution,
enfant exhérédé incapable de recueillir la substi laquelle néanmoins doit être constatée par
tution des biens dont ce père a été grevé envers écrit.
ses enfans; car cette ezhérédation ne lui ôte pas Lorsque la renonciation à la substitution se
les droits de famille, ni la qualité d'enfant en fait avant qu'elle soit ouverte , elle ne peut , en
laquelle il est appelé à la substitution. Le père, ce cas, se faire que par un acte devant notaire,
en l'exhérédant, n'a pu le priver quede ses biens, passé ou avec le grevé , ou avec celui qui est
et non pas des biens substitués , qui , par l'ou appelé au défaut du renonçant , duquel acte il
verture de la substitution, cessent de lui appar doit rester minute , a peine de nullité.
tenir. L'Ordonnance, en exigeant cet acte, parait
C'est la décision de X'art. 29 de l'Ordonnance , avoir rejeté les renonciations tacites aux substi
qui a néanmoins deux exceptions. La première tutions avant leur ouverture , telle que celle qui
est, si l'auteur de la substitution avait lui-même, se tirait , par induction , du consentement
par sa disposition, excepté ceux qui encourraient donné par le substitué à la vente que l'héritier
l'hérédation. La seconde est, lorsque l'exhérédé grevé avait faite d'un héritage sujet à la substi
se trouve dans quelqu'un des cas pour lesquels tution, suivant la loi 120, § 1 ,S.deleg. 1«. L'es
les Ordonnances privent quelqu'un de tout droit prit de l'Ordonnance a été en cela , comme dans
• toutes les successions; car cela comprend non quelques autres de ses dispositions, de retran
seulement les successions légitimes , mais aussi cher la matière des procèsauxquels la recherche
celtes à titre de substitution. de la volonté du substitué pourrait donner
La substitution s'éteint aussi par la répudia lieu.
tion qu'en fait le substitué : on peut demander, Observez que, si ce consentement donné par
■ l'égard de cette répudiation, quand elle se le substitué à la vente de l'héritage sujet à la
peut faire , comment elle se fait , et quel en est substitution , ne renferme pas parmi nous une
l'effet. renonciation entière à la substitution , au moins
il doit renfermer un consentement du substitué
S I. QUUIO SE rS.1T LK REPUDIATION D'CNE SURSTI de se contenter de répéter du grevé, lors de
TUTION. l'ouverture de la substitution , le prix pour le
Il semble que la répudiation d'une substitu- quel l'héritage aura été vendu.
Tomb V. 15
11i TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
Obsenez aussi qu'à l'égard des substitutions lu substitution, puisqu'il n'existe pas encore;
qui ne résultent que d'une défense d'aliéner, le cette convention forme seulement un engage
consentement que donnent à cette aliénation ment personnel entre le substitué et le grevé,
tous ceux au profit de qui cette défense a été par lequel le substitué s'engage envers le grevé
faite, doit en empêcher l'ouverture : car c'est de ne pas lui demander les biens sujets à la sub
une remise qu'ils font de la condition qui seule stitution , lorsqu'elle sera ouverte à son profit .
y pouvait donner ouverture. et non seulement de ne les pas demander à lui
Si le consentement formel donné à la vente grevé, mais de ne les point demander à tous
de l'héritage du substitué, ne renferme pas une ceux qui les tiendraient de lui; de laquelle con
renonciation à la substitution, à plus forte rai vention il résulte une exception qui peut exclure
son , celui qui reçoit comme notaire, ou la demande que le substitué formerait pour la
assiste simplement comme témoin au contrat restitution desdits biens.
ile vente de l'héritage substitué, n'est pas censé Mais cet engagement , qui natt d'une conven
s'engager à ne point revendiquer l'héritage lors tion entre le substitué et le grevé, peut être dé
de l'ouverture de la substitution, mais seule truit par une convention contraire entre les
ment prêter son ministère à un contrat; /. 34, mêmes parties , auquel cas le substitué, libéré
J. 2, de leg. 1 . de l'engagement qui résultait de cette conven
Quid si par le contrat , ou avait déclaré à tion , pourra recueillir les biens substitués lors
l'acheteur l'héritage franc et quitte de sub de l'ouverture de la substitution , sans que ce
stitution? La réticence malicieuse du substi lui qui y est appelé à son défaut , puisse les
tué, présent à l'acte, pourrait passer pour un prétendre; la renonciation faite à la substitu
dol qui exclurait de la revendication contre cet tion avant son ouverture, par ce premier sub
acheteur. stitué, n'ayant point éteint son droit , et n'en
La clause dans un partage des biens des sub ayant donné aucun à celui qui est appelé à son
stitués, que font ensemble des cohéritiers ou défaut; car la convention, qui contient cette
colégataires réciproquement grevés de substitu renonciation , n'ayant été faite qu'avec le grevé,
tion , par laquelle ils promettent de ne pas re et non avec la personne appelée au défaut du
venir, de pait et d'autre, contre le présent par premier substitué , n'a pu donner aucun droit
tage , ne renferme pas de renonciation; car il eût à cette personne , suivant ce principe de droit :
fallu, pour cela, qu'ils se fussent permis récipro Conventio inter alioa facta , alteri nec prodest
quement la libre aliénation de la portion échun nec noect.
à chacun d'eux par le partage qu'ils ont fait , et Pareillement , lorsque la renonciation à la
contre lequel ils se sont promis de ne pas reve substitution a été faite par le substitué, avant
nir. l'ouverture de la substitution , par une conven
tion entre le substitué et celui qui était appelé
S lit. ci l'eFret de la vépudiation. ù son défaut, sans que le grevé y fut partie ,
cette convention ne forme qu'un engagement
La répudiation que fait le substitué après personnel , par lequel le substitué s'engage en
l'ouverture de la substitution, éteint proprement vers celui qui est appelé à sou défaut, à lui lais
le droit qui résulterait do cette substitution à ser recueillir à sa place les biens substitués ,
ce substitué ; il se trouve, par cette répudiation, lorsque la substitution sera ouverte. Mais, si
sans droit , tant vis-à-vis du grevé et de ses hé cette personne appelée à son défaut venait à ne
ritiers , à qui il ne peut rien demander, que vis- pouvoir les recueillir par sou prédécès avant
à-vis de ceux qui sont appelés à la substitution l'ouverture de la substitution, cette convention
simplement à son défaut , auxquels il fait place. n'empêchera pas le substitué de demander au
Par exemple, s'il était dit : Je veux que mes grevé les biens substitués, lorsque la substi
biens, après la mort de mon légataire univer- tution viendra à être ouverte; car le grevé
eel, appartiennent à Pierre, et, à aon défaut, n'ayant pas été partie dans cette convention, il
à Jean : Pierre , par la répudiation qu'il fait de n'en peut résulter aucune exception au grevé
la substitution, après la mort du légataire uni contre la demande du substitué, suivant la rè
versel , éteint son droit , et donne ouverture à la gle ci-dessus rapportée.
substitution au profit de Jean appelé après lui. En cela , les renonciations qui se font avant
Lorsque le substitué renonce à la substitu l'ouverture de la substitution , diffèrent entière
tion, par une convention qu'il a avec le grevé, ment de celles qui se font depuis l'ouverture ,
avant l'ouverture de la substitution , cette re lesquelles éteignent le droit du substitué re
nonciation ne peut éteindre le droit que le sub nonçant, tant vis-à-vis du grevé que de ceux
stitué pourra uu jour avoir par l'ouverture de qui sont appelés à son défaut.
SECTION VII.
Une seconde différence entre la renonciation renonciations , si deux frères mineurs étant ré
à la substitution qui se fait depuis l'ouverture, ciproquement grevés de substitution l'un envers
et celle qui se fait avant , est que le substitué , l'autre, en faveur du survivant, et ayant réci
qui est appelé à une substitution dans plusieurs proquement renoncé à ces substitutions , par
degrés , lorsqu'il y renonce avant l'ouverture une convention faite entre eux; le mineur au
de tous ces degrés, par une convention qu'il a profit de qui , par l'événement , la substitution
avec le grevé , est censé y renoncer pour tous les serait ouverte, pourrait être restitué contre
degrés dans lesquels elle pourrait être ouverte à cette convention. La loi H, infin., cod. de tram.,
son profit contre ce grevé avec qui il a eu con décide qu'il ne doit pas être restitué. La raison
vention; au contraire, la renonciation à la sub est, que cette convention était en soi avanta
stitution qui se fait depuis l'ouverture , n'est geuse à l'un et è l'autre ; que le mineur qui
censée faite qu'au droit qui est ouvert , et non demande à être restitué, n'a souffert de cette
à celui auquel il pourrait y avoir encore ouver convention que par l'événement , ce qui ne doit
ture dans les degrés ultérieurs, dans lesquels je pas être une cause de restitution , suivant cette
me trouverais encore appelé. maxime : Non restituetur , qui sobriè rem
Par exemple , si le testateur avait ordonné suans administrons , occasions damni non in-
que ses biens appartiendraient , après le décès consultè accidentie, sedfato, velit reetitui .Nec
de son légataire universel , à Pierre ; ou , au dé enim eventus damni restitutione indiget ; /.11,
faut ou au refus de Pierre, à Jean ; ou, au dé § 4, ff. de minor. Cette décision , néanmoins,
faut ou refus de Jean . au plus proche de son doit beaucoup dépendre des circonstances , et
nom ; que Pierre , après la mort du légataire , de telles conventions entre mineurs ne doivent
et , par conséquent, après l'ouverture dela sub pas être facilement autorisées , à moins qu'elles
stitution, y ait renoncé; que Jean, après y avoir ne soient faites par avis de parens, et pour de
long-temps délibéré, y ait renoncé aussi; et que bonnes raisons.
Pierre , lors du refus de Jean , qui donne ou
verture à la substitution au profil des plus pro jtRTICLE 1I1.
ches du nom , se trouve le plus proche de ce De l'extinction des substitutions , par l'extinc
nom, et, par conséquent, appelé à la substitu tion des choses sujettes à la substitution , et
tion dans ce degré ; la répudiation qu'il a faite
de la substitution qui lui était déférée dans le par la défaillance des conditions dont elles
premier degré, ne l'exclura pas de recueillir la dépendent, et dans le cas auquel le substi
substitution qui lui est déférée par le dernier tué devient l'unique héritier pur et simple
degré ; car il ne répudie que le droit qui était du grevé.
ouvert à son profit lors de la renonciation. S I. DE L'EXTINCTION TES CHOSES SUJETTES A LA
Au contraire, si Pierre avait, du vivant du léga SURSTITUTION.
taire universel , et, par conséquent , avant l'ou
verture d'aucun des degrés , renoncé à la sub Il n'est pas douteux que l'extinction des cho
stitution , par une convention avec le légataire ses comprises dans une substitution qui arrive
universel , il serait censé y avoir renoncé pour sans le fait ni la faute du grevé, l'éteint par
tous les degrés dans lesquels elle pourrait , par rapport à ces choses , lorsqu'elles sont du nom
la suite , être ouverte a son profit ; car , aucun bre de celles qui doivent être conservées en
des degrés n'étant encore ouvert, il n'y a pas de nature.
raison pour laquelle il serait censé y avoir re Par exemple : si un héritage sujet à la sub
noncé plutôt pour un degré que pour un autre : stitution , est emporté par la rivière dont il est
cette renonciation doit donc embrasser tous les voisin , la substitution est éteinte par rapport
degrés. à cet héritage, pourvu que cela ne soit point
Mais cette renonciation ne doit pas s'éten arrivé par la faute du grevé, qui aurait négligé
dre à la substitution qui aurait été ouverte au de réparer les digues.
profit d'un autre , dont il serait devenu héritier Par la même raison , si les meubles qui ser
depuis l'ouverture. Que s'il n'avait pas seulement vaient à meubler un château , compris avec ce
renoncé à une substitution faite à son profit , château dans une substitution , avec la clause
mais qu'il eut promis de garantir l'acquéreur à qu'ils seraient conservés en nature , ont été con
qui on vendrait l'héritage substitué , il ne pour sumés par l'incendie du château , causé par le
rait pas , non seulement de son chef , mais ni feu du ciel , la substitution est éteinte par rap
même comme héritier d'un autre substitué , in port à ces meubles.
quiéter cet acquéreur. A l'égard des meubles qui sont compris dans
C'est une question qui concerne l'effet de ces uns substitution, pour être vendus, leur «x
116 TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
tlnctlon, quoique causée par une force majeure, droit de la substitution ne consiste que dans
n'éteint la substitution par rapport auxdits meu une simple créance que le substitué a contre le
bles , que lorsque l'accident est arrivé avant que grevé, la substitution devient sans effet, lorsque
le grevé de substitution ait eu le temps de faire le substitué devient l'unique héritier du grevé ,
procéder à la vente desdits meubles , lequel parce qu'il fait par-là une confusion et extinc
temps doit s'estimer à l'arbitrage du juge. tion de cette créance , dans laquelle seule con
Voyez ce que nous avons dit au Traité des sistait le droit de substitution.
testamens , sur l'extinction des legs , par l'extinc Si la substitution comprend des immeubles
tion des choses léguées. ou autres choses qui (foivent être restituées en
nature, la substitution ne demeure pas sans ef
$ II. DE L'EXTINCTION DES SURSTITUTIONS PAR LA fet , quoique le substitué soit devenu l'unique
DEFAILLANCE DES CONDITIONS. héritier du grevé; car elle a cet effet, que
le substitué, s'il ne répudie pas la substitution,
Les substitutions s'éteignent par la défail ne tient pas ces immeubles de la succession du
lance des conditions qui y sont apposées. Une grevé , qui ne les a pas transmis , et dont la
condition est défaillie , lorsqu'il est certain droit, dans ces immeubles, s'est résolu et éteint
qu'elle n'existera pas. Par exemple : si on m'a par son décès , qui a donné ouverture à la sub
chargé de rendre à mon fils les biens qu'on m'a stitution ; mais le substitué les tient de la sub
légués, lorsqu'il se mariera, la condition de la stitution, qui , lors de son ouverture , lui en a
substitution défaillit, s'il se fait prêtre; car il fait passer la propriété de la personne du grevé
est certain qu'il no se mariera pas , en étant en la sienne.
devenu incapable par la prêtrise, et par consé De là vient que ces immeubles , qui seraient
quent , que la condition n'existera plus. propres en sa personne, s'il les tenait de la suc
Lorsqu'il y a plusieurs conditions apposées à cession du grevé, dont il a été héritier, sont des
une substitution , une condition défaillit non acquêts en sa personne, si l'auteur de la substi
seulement lorsqu'il devient certain qu'elle n'exis tution n'était parent du substitué qu'en collaté
tera pas du tout, mais lorsqu'il devient certain rale, ou même était étranger.
qu'elle n'existera pas du vivant du substitué ;
c'est pourquoi toutes les conditions des substi ARTICLE IV.
tutions défaillissent, et, par conséquent, toutes
les substitutions conditionnelles s'éteignent par D'une manière dont s'éteignent lee substitu
le prédécès du substitué avant l'accomplisse tions , particulière aux substitutions gra
ment de la condition, car il devient certain, par duelles , par l'accomplissement du nombre
son prédéees , que la condition qui n'est pas des degrés limités par l'Ordonnance.
encore accomplie , ne s'accomplira pas de son
vivant. Le droit romain donnait une faculté indéter
Lorsqu'il y a plusieurs conditions apposées à minée de faire autant de degrés de substitutions
une substitution , pourvu qu'elles ne le soient fidéicommissaires que bon semblait, et la sub
pas par une disjonctive , la défaillance d'une stitution avait son effet dans tous ces degrés.
seule éteint la substitution, puisque, comme L'Ordonnance d'Orléans , art. 59 , a limité
nous l'avons vu en la section précédente , l'ac cette faculté indéterminée , en ordonnant que
complissement de toutes est nécessaire pour quelques degrés que contienne une substitu
l'ouverture. tion , elle ne puisse avoir effet que pour deux
Si elles ont été apposées par une disjonctive , degrés , non compris l'institution ou autre pre
comme, en ce cas, l'accomplissement d'une mière disposition.
seule suffit pour donner ouverture à la substi Par exemple : si j'ai fait Pierre mon légataire
tution , suivant que nous l'avons vu ci-dessus , universel, auquel j'ai substitué Paul , après son
il s'ensuit que la substitution ne peut, en ce cas, décès , et que j'aie substitué à Paul , après son
s'éteindre que par la défaillance de toutes. décès, Jacques, et après son décès, Jean; lors
que Paul , après le décès de Pierre, mon léga
S III. DE L'EXTINCTION DES SURSTITUTIONS DANS LE taire universel , aura recueilli la substitution et
CAS AUQUEL LE SURSTITUE DEVIENT L'UNIQUE HÉRI rempli le premier degré, et que Jacques, après
TIER PUR ET SIMPLE DU GREVÉ. le décès de Paul, aura pareillement recueilli la
substitution et rempli le second degré , elle sera
Lorsque la substitution n'est que de choses éteinte pour les autres degrés; Jacques, second
mobilières , et que le grevé est mort sans en substitué, possédera librement et sans charge
faire aucun emploi; comme, en ce cas, le de la substitution dont le testateur l'avait chargé
SECTION VII. 117
envers Jean , laquelle est éteinte par l'accom fruit de ceux du premier degré s'éteint par leur
plissement de la substitution dam deux degrés. mort ; l'usufruit de ceux du second est un nouvel
Comme l'Ordonnance d'Orléans ne concerne usufruit qui leur est constitué après l'extinction
que les substitutions qui seraient faites à l'ave du premier, et ainsi des degrés suivans. Cepen
nir , celle de Moulins , intervenue depuis , a dant, si cette disposition devaits'exécuter dans son
pourvu à celles qui étaient antérieures à l'Or entier, ce serait suivis verbis logis, sententiam
donnance d'Orléans, et les a restreintes à quatre ejus circonveniro . Car la multiplicité de ces
degrés. diflerens usufruits qui se succéderaient les uns
La nouvelle Ordonnance de 1747 a confirmé aux autres , a le même inconvénient que la
les dispositions de ces deux Ordonnances , art. multiplicité des degrés de substitution que
30; mais elle n'a abrogé que pour l'avenir l'u l'Ordonnance a voulu retrancher. C'est pour
sage de quelques provinces qui avaient étendu quoi Riçard décide fort bien que cette multi
les substitutions à quatre degrés; art. 31. plicité , dont le testateur a ordonné la succes
Cet usage est fondé sur une mauvaise inter sion de degré eu degré, doit être regardee
prétation de l'Ordonnance de Moulins , qu'on a comme une substitution graduelle d'une espèce
appliquée indistinctement à toutes les substi de seigneurie utile et temporelle qu'il a réser
tutions , quoiqu'elle ne dispose que de celles vée a sa famille dans l'héritage légué à l'hôpital,
qai sont antérieures à l'Ordonnance d'Orléans , et dont l'hôpital acquiert la seigneurie directe
à laquelle elle ne déroge pas. avec le droit de réversion , lors de l'extinction
L'Ordonnance de 1747 n'a pas même abrogé, entière de la famille. C'est pourquoi , lorsque
pour l'avenir, l'usage de certains pays conquis l'enfant du second degré aura succédé, après la
où ces Ordonnances ne sont point observées , mort de celui du premier, par une espèce de
et où les substitutions sont illimitées ; art. 32. premier degré de substitution , à cette seigneurie
Dans cette variété de lois, on doit suivre celle utile et temporelle, et qu'après la mort du se
de la province où les choses sujettes à la sub cond degré, celui du troisième degré y aura
stitution sont situées ; et à l'égard des ebosca pareillement succédé par une espèce de second
qui n'ont pas de situation, la loi du lieu où degré de substitution , cette seigneurie utile et
l'auteur de la substitution avait son domicile temporelle sera dorénavant possédée librement,
lors de sa mort, si c'est une substitution testa et ne passera plus que, jure hœreditario, aux
mentaire, ou lors de la donation, si elle est por degrés ultérieurs , jusqu'à ce qu'elle se réunisse
tée par une donation entre-vifs , ou par un con à la propriété directe dudit hôpital , ce qui ar
trnt de mariage. rivera lors de l'extinction entière de la race, qui
Les testateurs ou donateurs ne peuvent déro est la condition apposée à cette réversion.
ger, même par contrat de mariage, aux Ordon C'était une question, avant l'Ordonnance,
naoces qui sont conçues en termes prohibitifs. comment se devaient compter les degrés de
Us n'y peuvent déroger ni directement ni in substitution. La jurisprudence des différens
directement; c'est pourquoi un testateur ou do parlemens était différente. A Paris , on a tou
nnteur ne peuvent pas valablement ordonner jours compté autant de degrés de substitution
que ceux qui recueilleront leurs biens au se qu'il y avait de personnes qui l'avaient recueil
cond degré , seront tenus d'en disposer eux- lie successivement avec eflet, quoique ces per
mêmes au profit de la famille ; car , leur en sonnes fussent dans un même degré de parenté.
juindre cela ce serait véritablement les grever A Toulouse, au contraire, les degrés de sub
de substitution. stitution se comptaient par les degrés de pa
Si quelqu'un , avant l'édit de 1749, qui dé renté; et toutes les personnes d'un même degré,
fend de léguer des héritages aux communautés, qui s'étaient succédé successivement les unes
avait légué une terre à l'hôpital , à la charge aux autres, étaient censées ne composer toutes
que l'hôpital n'entrerait en jouissance de ladite ensemble qu'un seul et même degré de substi
terre, qu'après l'extinction de toute sa race, et tution.
que l'usufruit en appartiendrait à ses enfans, Par exemple : si quelqu'un a chargé son hé
et , après leur moi t , à ses petits-enfans , et ainsi ritier ou légataire universel , après sa mort ,
successivement de degré en degré , jusqu'à d'une substitution graduelle et perpétuelle en
l'extinction de sa race, cette disposition pour vers sa famille, autant que substitution puisse
rait-elle être regardée comme contraire à l'Or s'étendre, et que ce légataire universel ou hé
donnance? Il semble d'abord que non, car ritier ait laissé deux enfans, Pierre et Paul, qui
il paraît qu'il n'y a point de substitution : les aient recueilli les biens dans un premier degré
enfans du premier degré ne sont pas obligés de de substitution; que Pierre étant mort le pre
restituer aucune chose a ceux du second , l'usu mier, sa portion ait été recueillie par Paul :
118 TRAITÉ DES SUBSTITUTIONS.
iuivant la jurisprudence du parlement de Paris, mande en délivrance qu'il aurait donnée , le
qui compte les degrés de substitution par per degré dans lequel il a été appelé, est censé
sonne, la portion que Pierre, premier décédé, rempli , et doit être compté.
aura recueillie, sera libre dans la personne de Cela a lieu , quand même il se serait ensuite
Paul , qui l'a recueillie après la mort de Pierre , désisté de cette demande, ou de quelque autre
et a fait un second degré de substitution ; les qu'il aurait donnée contre les débiteurs des
parens du degré suivant ne pourront préten biens substitués; cela a lieu, quand même il
dre, par droit de substitution, que la portion aurait laissé prescrire et périmer les demandes ;
que Paul , dernier décédé , avait recueillie de car son acceptation de la substitution, qui
son chef, après la mort de son père. Au con suffit pour donner effet au degré dans lequel il
traire , suivant la jurisprudence du parlement est appelé, se fait nudd contestatione volun-
de Toulouse , Pierre et Paul sont censés n'avoir tutis; et, une fois faite, elle est irrévocable.
composé ensemble qu'un seul degré de substi Il y a plus : quand même le substitué aurait
tution, et les parens du degré suivant recueil répudié la substitution , si les créanciers , en
lent, en conséquence, par un second degré de fraude desquels il a fait cette répudiation , ont
substitution, après la mort du dernier décédé, été admis à recueillir en sa place les biens
tous les biens de la succession. substitués , et à en jouir en sa place pendant sa
L'Ordonnance de 1747 a confirmé la juris vie , le degré dans lequel était appelé ce sub
prudence du Parlement de Paris, art. 33 et 34, stitué, sera censé avoir eu effet, et devra être
sans néanmoins déroger, pour les substitutions compté; art. 38. .
antérieures à l'Ordonnance, aux usages des par- Dans les substitutions graduelles qui résul
lemens qui avaient une jurisprudence contraire; tent d'une prohibition d'aliéner , comme lors
il faut , à cet égard , suivre celle du lieu où les qu'un héritage a été légué à quelqu'un , à la
biens sont situés. charge qu'il ne pourrait être aliéné, et serait
On ne compte que les degrés de substitution conservé à toujours dans la famille ; si ce lé
qui ont eu effet. Un degré de substitution a ef gataire l'a transmis, par sa mort, à son héritier,
fet , lorsque la personne appelée au degré a re et que celui-ci l'aliène à un étranger , ceux de
cueilli avec effet les biens substitués. la famille qui auront revendiqué cet héritage
Au contraire , le degré de substitution est par droit de substitution , à laquelle l'aliénation
censé n'avoir pas eu effet , lorsque la personne qui en a été faite à un étranger a donné ou
appelée au degré n'a pas recueilli les biens sub verture, feront-ils le premier degré de substi
stitués, soit qu'elle ait prédécédé avant l'ouver tution, ou s'ils feront seulement le second? et
ture, soit parce qu'elle a répudié la substitution l'héritier, qui a succédé au légataire, fera-t-il
depuis qu'elle a été ouverte à son profit, soit le premier? Il semble qu'ils doivent faire le
même parce qu'étant morte depuis l'ouverture, premier, et que l'héritier du légataire, qui lui
sans déclarer si elle acceptait ou non la substi a succédé , ne fait pas un premier degré , puis
tution , les biens sont passés au degré suivant. que ce n'est pas jure subsiitutionis , mais jura
Par exemple : si un testateur a ordonné que hœreditario, qu'il a succédé, n'y ayant pas eu
ses biens appartiendraient, après la mort de d'ouverture à la substitution , et n'y ayant que
son héritier ou légataire, à Pierre; après Pierre, les aliénations hors la famille qui donnent ou
à Paul; après Paul, à Jean; et que Pierre, verture à ces sortes de substitutions. Néanmoins
premier substitué , soit mort avant l'héritier ou Ricard décide que l'héritier du légataire forme
légataire universel grevé, ou bien ait survécu, le premier degré de substitution , parce qu'il
mais répudié la substitution, ou soit mort sans s'est fait en sa personne une première succes
déclarer s'il entendait accepter ou répudier, le sion des biens substitués; que, qoique cette
degré dans lequel Paul recueillera les biens succession se fasse jure hœreditario , elle se
substitués , quoique le second , juxta ordinesn fait aussi en quelque façon par la volonté du
ecriptum, sera compté pour le premier degré, testateur, qui, en défendant au légataire de
parce que celui qui le précédait , dans lequel les aliéner hors la famille, l'a obligé, par ce
Pierre était appelé, n'a pas eu d'effet, et, par moyen, à les lui conserver dans sa succession ;
conséquent, Paul demeure chargé de la substi que si on décidait autrement, il s'ensuivrait
tution envers Jean. que des descendans pourraient être à la fin dans
Au reste, pour peu que celui qui était appelé l'interdiction d'aliéner : ce qui est contraire à
à la substitution , ait déclaré et fait connaître l'esprit de l'Ordonnance.
sa volonté d'accepter la substitution, soit en Il nous reste à observer que le premier degré
s'immisçant dans les biens substitués , soit de substitution n'est que le second dans la dis
même sans s'y être immiscé . par la seule de position , et que le premier substitué suppose
SECTION VII. un
une personne avant lui, qui ait recueilli en jouir, soit jusqu'à leur décès, soit jusqu'à l'é
premier lieu les biens substitués et en ait joui vénement de quelque autre condition ; que , s'ils
ou dû jouir jusqu'au temps de son décès , ou de sont obligés de les restituer incontinent, ils ne
quelque autre condition qui ait donné ouverture forment pas un premier degré; car ce n'est pas
à la substitution. recueillir avec effet les biens substitués, que
C'est ce-que dit l'Ordonnance , art. 80. Ten de les recueillir pour les rendre aussitot , sui
tes substitutions ne pourront s'étendre au-delà vant cette maxime : Non videtur capere qui
de deux degrés de substitué, outre le dona tenetur statim restituere. Le terme capere doit
taire , l'héritier institué, ou légataire, ou donc être pris dans toute l'étendue de sa signi
outre qui aura recueilli le premier I?s biens fication , ou plutôt c'est comme s'il y avait uti-
du donateur ou testateur. litatem percipere; autrement cette disposition
Lorsque le testateur a grevé de substitution serait sans fondement : ce qu'il serait on ne peut
son héritier ab intestat, après son décès, ou plus ridicule de supposer. La raison et l'utilité
sous quelque autre condition , cet héritier ab sont la base des lois ; et toute interprétation ,
intestat forme-t-il le premier degré de dispo qui nécessiterait à supposer le contraire, serait
sition, outre lequel il ne puisse y avoir que extravagante.
deux degrés de substitution ? La raison de dou Si donc , par exemple, quelqu'un a fait Pierre
ter est que c'est par la loi , et non par la dispo son légataire universel , à la charge de restituer
sition du testateur, que cet héritier ab intestat incontinent une certaine terre à Jacques , que
a recueilli les biens du testateur. La raison de 10 testateur a ordonné être substituée à perpé
décider, au contraire, que cet héritier forme le tuité à sa famille , tant que la substitution peut
premier degré de disposition, est que, si ce s'étendre, on ne comptera, par rapport à cette
n'est pas par une disposition positive du testa terre, ni l'héritier ab intestat, qui est saisi de
teur, qu'il a recueilli le premier ces biens, tous les biens du testateur , ni même le légataire
c'est par une espèce de disposition qu'on peut universel , des mains duquel le légataire parti
appeler négative, en ce que le testateur, qui culier doit recevoir cette terre ; mais ce sera le
pouvait les lui ôter, a bien voulu les lui laisser; légataire particulier qui sera le premier dans
et même c'est en conséquence de cette dispo la disposition, et outre lequel il pourra encore
sition négative , que le testateur a pu le grever y avoir deux degrés de substitution.
de substitution. On peut donc dire que l'héri Observez encore que, quoiqu'un héritier ou
tier ab intestat, grevé de substitution , tient le légataire ne soit obligé de rendre les biens
premier degré dans la disposition du testateur, substitués qu'au bout d'un certain temps, ou
outre laquelle il ne peut plus y avoir que deux lors d'une certaine condition , néanmoins , s'il
degrés de substitution; et il se trouve compris est obligé de les rendre avec tous les fruits qu'il
dans les termes de l'Ordonnance : Ou autre aura perçus , il ne forme qu'un seul et même
qui aura recueilli le premier les biens. degré avec celui à qui il doit les restituer ; car
Au reste, l'héritier ab intestat, ni même le 11 n'y a proprement de disposition qu'au profit
légataire, ne peuvent former ce premier degré de celui à qui cette restitution de la chose , avec
dans la disposition , outre lequel il ne puisse tous les fruits, doit se faire; celui qui les lui
plus y avoir que deux degrés de substitution, doit restituer , n'est qu'un simple curateur de
que lorsqu'ils recueilleront les biens pour en cette disposition, et un simple administrateur.
TRAITÉ
DES PROPRES.
L'kspvit de notre droit coutumier est que chacun conserve à sa famille les biens qui lui en sont
venus : de là est venue la distinction entre les acquêts et propres.
On appelle les acquêts les immeubles qui ne nous viennent point de famille et que nous avons
acquis nous-mêmes, soit à litre onéreux, comme par l'achat que nous en avons fait, soit à titre
gratuit , comme par la donation ou legs qu'on nous en aurait fait.
Il faut pourtant en excepter ceux qui nous auraient été donnés ou légués par nos père , mère
ou autres ascendans ; car ces titres équipollent a celui des successions , et font des propres et non
des acquêts, ainsi que nous le verrons plus bas.
Les propres sont nu réels ou fictifs , légaux ou conventionnels. Nous traiterons séparément de
ces trois différentes espèces.
SECTION PREMIERE.
i
SECTION I. 125
cet héritage en mon nom , me l'ait donné depuis; masse des hiens de mon père , dans laquelle mes
mais supposons qu'il est mort avant que je me frères et moi l'avons comprise, suppose en moi
sois expliqué si je ratifiais cette acquisition. Cet la volonté de réfuter cette acquisition , et dans
héritage sera-t-il censé m'appartenir en vertu mes cohéritiers celle d'acquiescer à ma réfuta
de cette acquisition , ou à titre de succession tion, et de laisser l'acquisition pour le compte
de mon père , duquel je suppose encore que j'aie de la succession de mon père.
été seul héritier? Il me parait qu'il faut faire Ce qui nous est donne par nos ascendans
cette distinction : Si mon père, lorsqu'il a fait nous est propre; mais il en est autrement des
cette acquisition en mon nom, avait qualité immeuhles que nous acquérons d'eux à titre de
pour la faire, comme s'il était mon tuteur, en commerce. Il n'est pas douteux que ce que
ce cas , ce qu'il acquiert en mon nom m'étant mon père me vend ou me donne en paiement
acquis de plein droit, et sans qu'il soit hesoin de ce qu'il me doit , m'est acquêt comme si je
d'acceptation, comme si je l'avais acquis moi- l'acquérais d'un étranger.
même, le fait du tuteur étant, à cet égard, le Cela a lieu , quand même mon titre d'acqui
lait du mineur , cet héritage sera censé m'appar sition serait qualifié de donation; car si mon
tenir en vertu de cette acquisition, et non à père me donne en récompense des services que
titre de succession de mon père, et par consé je lui ai rendus , qui sont appréciahles à prix
quent , me sera acquêt. Que si mon père a fait d'argent et qui égalent la valeur de l'héritage ,
cette acquisition en mon nom , sans avoir au une telle donation n'étant donation que nomine
cune qualité et comme simple negoliorum ges- tenus, et étant sis rei veritate une vraie vente,
tor, comme, en ce cas, je ne peux acquérir la l'héritage que j'acquiers de mon père à es
propriété de cet héritage, ainsi acquis en mon titre, m'est acquêt.
nom, que par la ratification que je ferais do Quid, si les services ou les charges n'éga
cette acquisition, étant devenu héritier de mon laient pas la valeur de l'héritage? Je pense
père avant d'avoir fait cette ratification , et par qu'en ce cas l'héritage serait acquêt, seulement
conséquent, avant d'avoir acquis cet héritage, jusqu'à concurrence des services ou des charges,
je le trouve en la succession , et je suis censé et que l'héritage étant censé donné pour le sur
par conséquent l'avoir à titre de succession. plus , serait propre pour le surplus.
Venons actuellement au cas où j'aurais par Il en serait autrement, si mon père m'avait
tagé avec d'autres cohéritiers la succession de vendu cet héritage au-dessous de sa valeur;
mon père. En ce cas, le partage fera connaître l'héritage me serait entièrement acquêt. La
si j'ai cet héritage en vertu de l'acquisition qui raison de différence est que , dans l'espèce pré
en a été faite en mon nom, ou a titre de succes cédente, l'intention de mon père est de me
sion de mon père ; car si cet héritage n'a point faire une donation de l'héritage pour ce qu'il
été employé dans la masse des hiens de mon excède la valeur des services qu'il m'a payés ou
père, et qu'on y ait seulement employé le prix des charges qu'il m'impose; que l'acte est une
que mon père a fourni pour cette acquisition, donation pour cet excédant : mais dans l'espèce
je serai censé avoir cet héritage en vertu de présente , il n'a d'autre intention que de me
cette acquisition que mon père en aurait faite faire une vente, à vil prix à la vérité; mais
comme un simple negotiorum gestor , quand je une vente, quoiqu'elle soit faite à vil prix,
ne l'aurais pas ratifiée de son vivant; car la n'est pas pour cela autre chose qu'une vente ,
ratification , que j'en fais depuis sa mort , en n'étant pas de l'essence de la vente que le prix
empêchant que cet héritage ne soit compris en soit précisément le juste prix de la chose ven
la masse de ses hiens , a un effet rétroactif au due. Le contrat étant doue une pure vente,
temps de l'acquisition , et empêche que cet hé l'héritage que j'acquiers à ce titre , ne peut
ritage soit censé dépendre de la succession de être autre chose qu'acquêt.
mon père. Il est vrai que si j'avais des cohéritiers venant
Que si au contraire cet héritage a été mis avec mui à la succession de mon pèie.,ils pour
dans la masse de la succession de mon père , et raient attaquer cette vente qui m'a été faite à
qu'il soit échu dans mon lot de partage, en ce vil prix, et la faire déclarer avantage indirect
cas je l'aurai à titre de succession , nonohstant et donation simutée faite sous le nom de vente;
l'acquisition qui en a été faite en mon nom ; car mais il n'y a qu'eux qui soient recevahles à
un héritage, acquis par mon tuteur en mon cela : c'est pourquoi, si je n'ai point de cohé
nom, est hien censé m'appartenir, tant que je ritiers , ou qu'ils ne se soient pas plaints, cette
ne réfute pas l'acquisition; mais lorsque je la vente qui m'a été faite suhsistant , l'héritage
réfute et que l'on acquiesce à ma réfutation , il que j'ai acquis à ce titre , ne peut passer que
est censé ne m'avair jamais appartenu. Or, la pour un acquêt en ma personne.
I2« TRAITÉ DES PROPRES.
Lorsque nous disons qu'une donation est gardé comme une vente, mais comme un acte,
censée vente, et faire des acquêts jusqu'à con par lequel l'héritage est suhstitué à la place de
currence des charges appréciahles à prix d'ar la somme d'argent que le père avait d'ahord
gent qui sont imposées par la donation, nous entendu donner, et qu'ainsi cet héritage doit
entendons parler des charges extrinsèques aux être censé avenir à l'enfant à titre de donation ,
choses données. A l'égard des charges qui sont et par conséquent être propre.
charges de la chose même , une donation , pour Quo si mon père m'a donné en dot 10,000 liv.
être faite à ces charges , n'en est pas pour cela dont il me constitue une rente de 500 liv. au
réputée onéreuse; c'est seulement donner les capital de 10,000 liv., cette rente est certaine
choses telles qu'elles sont. ment un acquêt , puisqu'elle n'a commencé à
Suivant ces principes , si mon père m'a donné exister qu'en ma personne.
un héritage à la charge d'une rente foncière S II. SI LA DONATION FAITE ADX HtMTtERS PRÉ
dont il est chargé , quelque forte que soit cette SOMPTIFS EN LIGNE ASCENDANTE OU COLLATÉRALE
rente, la donation n'est point pour cela censée FAIT DES PROrRES.
onéreuse : c'est une pure donation qui m'est
faite de cet héritage, lequel me sera propre Les Coutumes ont différentes dispositions sur
en entier. cette question. Celle d'Anjou et du Maine disent
Pur la mémo raison , si mon père me fait en général que le don d'héritages fait à l'héritier
donation de ses hiens à la charge de payer ses présomptif, est réputé en avancement de succes
dettes , quand même ces dettes égaleraient l'ac sion, et non pas acquêt.
tif, cette donation n'est point réputée onéreuse, Les Coutumes de Paris, art. 246, et d'Or
et les hiens que j'aurai à ce titre, me seront léans, art. 21 , décident assez ouvertement le
propres , parce que la charge des dettes est une contraire. Ces Coutumes font entrer en commu
charge de la chose qui m'est donnée , les hiens nauté tout ce qui est donné à l'un des conjoints
renfermant en soi la charge des dettes. pendant le mariage, fors en ligne directe. D'où
Il en serait autrement , si mon père m'avait il suit que, puisqu'elles n'exceptent que la ligne
donné lu moitié de ses hiens à la charge de directe, tout ce qui advient à titre de donation
payer le total de ses dettes : la moitié des hiens en ligne collatérale, sans distinguer si le dona
qui m'est donnée n'étant par elle-même chargée taire est ou n'est pas héritier présomptif du
que de la moitié des dettes, l'autre moitié, dont donateur, est acquêt, puisqu'il n'y a que les
on me charge, étant extrinsèque à la chose acquêts qui tomhent en communauté.
donnée , rend la donation onéreuse jusqu'à la Que doit-on décider dans les Coutumes qui
concurrence de cette autre moitié des dettes; n'ont à ce sujet aucune disposition? La jurispru
et par conséquent , les hiens compris dans cette dence est aujourd'hui constante que la donation
donation me seront acquêts jusqu'à cette con faite à l'héritier présomptif en collatérale ne fait
currence. que des acquêts. La raison en est qu'il n'y a
Que s'il m'avait donné des corps certains , d'ohligation naturelle de laisser ses hiens qu'à
par exemple , une certaine terre , à la charge ses enfans : nous ne les devons point à nos colla
de payer ses dettes , quand même cette terre téraux. Les donations , que nous leur faisons , ne
ferait la portion la plus considérahle du ses peuvent donc point être regardées comme l'ac
hiens , la charge des dettes n'étant pas charge quittement anticipé de la dette de notre succes
des corps certains, cette charge des dettes est sion. Ce sont de pures donations qui ne font par
entièrement extrinsèque à la chose donnée , et conséquent que des acquêts, suivant la maxime :
par conséquent reml la donation onéreuse jus // n'est si hel acquêt que don.
qu'à la concurrence de la quantité de toutes les Cela a lieu, quand même le contrat de dona
dettes dont on m'a chargé. tion porterait expressément qu'elle est faite à cet
Lorsqu'un père donne à son fils un héritage à héritier présomptif en avancement de succes
la place d'une somme d'argent qu'il lui avait sion : car étant impossihle per rerum naturam
promise en dot, il semhle que ce soit une do d'avancer le paiement de ce qu'on ne doit pas ,
nation en paiement, et par conséquent un titre il est impossihle qu'une telle donation soit en
équipollent ù vente qui doit faire un acquêt , avancement de succession , et les termes dont
siam dare in solutum est vendere. Mais la dis on s'est servi dans l'acte, ne peuvent pas lui
position de l'article 126 de la Coutume de donner une qualité qu'elle ne peut avoir.
Paris , formée sur la jurisprudence qui avait Quid, de la clause que l'héritage donné sera
dès-lors prévalu , en décidant qu'il n'est point propre au donataire, comme il l'aurait été. s'il
dû de profit en ce cas , nous insinue assez ou eût succédé? Voyez cette question in fin. sert. 3.
vertement que cet acte de doit point être re Les raisons que nous venons de rapporter,
SECTION [. 127
paraissent concluantes pourdéciderque la dona telle donation ne peut donc pas passer, comme
tion que je fais de mes acquêts à mon héritier dans la précédente espèce, pour un acquittement
présomptif en collatérale , ne peut être regardée anticipé de ma succession, pour une succession
comme un avancement de ma succession; qu'ef anticipée; mais c'est une pure donation qui nu
fectivement nous ne devons en aucune manière fait que des acquêts.
nos acquêts à nos collatéraux. Mais a-t-on eu Les héritages donnés par les descendans aux
raison de décider la même chose à l'égard de la ascendans sont-ils propres dans la Coutume de
donation que je fais de mes propres à mon héri Paris? Renusson pense qu'ils le sont, lorsque
tier présomptif en collatérale? Car ne peut-on les héritages qui leur sont donnés sont des héri
pas dire que, suivant l'esprit de notre droit cou- tages dont ils étaient les héritiers présomptifs.
tumier , nous devons la succession de nos propres Comment peut-il concilier ce sentiment avec
à nos paiens de la famille d'où ils procèdent; celui embrassé touchant la donation faite à l'hé
que c'est sur ce fondement que les Coutumes ont ritier présomptifen collatérale qu'il convient no
établi les légitimes coutumières ; qu'ainsi il faire que des acquêts? Nous ne devons pas plus
semble que la donation que nous faisons A notre la succession de nos biens à nos ascendans qu'à
héritier présomptif des propres, peut fort bien nos collatéraux , et par conséquent la donation
passer pour un avancement de succession , et que nous leur faisons de nos biens , ne peut pas
que les héritages ainsi donnés doivent leur être plus être regardée comme une succession anti
propres? Ces raisons sont spécieuses. Néanmoins cipée, que celle faite à nos collatéraux. Il y a
je pense que la jurisprudence a fort bien décidé plus : lasuccession des descendans n'arrivant que
que la donation , que nous faisons même de nos contre l'ordre et le vœu de la nature , turbato
propres à notre héritier présomptif, même en mortalitalis ordine , on ne peut pas regarder les
ligne collatérale, n'est point en avancement de donations faites aux ascendans par leurs descen
succession. Il y a une grande différence entre la dans, comme l'avancement d'une succession
dette naturelle de nos biens envers nos enfans, qu'il est contre l'ordre et le vœu de la nature
et les légitimes coutumières qui sont dues par d'attendre.
la loi municipale à l'héritier aux propres. Nous
devons nos biens à nos enfans par la seule qua J IIt. QUAND LE TITRE DE SURSTITUTION FA1T-II. DES
lité qu'ils ont d'être nos enfans , et nous les leur PROPRES ?
tlevons dés notre vivant; quoique la dette ne
soit exigible qu'après notre mort , en telle sorte La substitution fidéicommissaire est une dis
que nous ne pouvons , sans manquer aux devoirs position testamentaire qu'un testateur fait de
nnturels, les en frustrer, en les dissipant de ses biens, ou de choses particulières, au profit
notre vivant. Les donations que nous leur fai de quelqu'un, non directement, mais par le
sons dès notre vivant, sont donc vraiment un canal de son héritier ou d'un premier légataire
paiement avancé et anticipé , et par conséquent que le testateur charge do les lui restituer.
une succession anticipée. Il n'en est pas de Il résulte de cette notion que le substitué
même d« la légitime coutumière: elle est due à lient du testateur les choses comprises en la
l'héritier en sa seule qualité d'héritier; et comme substitution , et non de la personne grevée de
oa ne peut avoir cette qualité d'héritier qu'après les lui restituer; le titre auquel ces choses
la mort de celui auquel on succède, on ne peut adviennent au substitué, est la donation testa
pas dire , comme dans l'espèce précédente , que mentaire qui en est faite à son profit par le
lorsque nous donnons nos héritages propres à testateur. De là il suit que les héritages échus
notre parent collatéral , quoique le plus proche en vertu d'une substitution , seront au substitué,
habile à nous succéder, ce soit donation , ce soit si le substitué est un des descendans du testa
un paiement anticipé d'un bien qui lui fût dû, teur, parce qu'en ce cas la substitution est une
quoique l'échéance de la dette ne fût pas encore donation testamentaire faite en directe, laquelle
venue : car la réserve coutumière dans les pro fait des propres. Que si au contraire ce sub
pres n'étant point due à raison de la qualité de stitué n'est qu'un parent collatéral du testateur,
parent, ni même de plus proche parent , mais à il semble que les héritages qu'il recueillera
raison de la seule qualité d'héritier, qualité que seront des acquêts, quand même le substitué
ce donataire n'a pas, puisqu'on ne peut avoir la serait l'héritier présomptif, ou même l'enfant
qualité de mon héritier qu'après ma mort, qua du grevé de substitution. Car il ne tient pas ces
lité qu'il est même incertain s'il l'aura jamais , biens de la succession du grevé , dont la mort a
on ne peut pas dire que les propres que je lui fait ouverture à la substitution; il les tient du
donne soient quelque chose que je lui dusse, et testateur dont il n'est que parent collatéral. La
dont je ne fais qu'anticiper le paiement : une substitution, qui est son titre, est une donation
128 TRAITÉ DES PROPRES.
testamentaire en collatérale, qui ne peut faire vons acquérir ce qui est déjà à nous , quod meum
que Hcs acquets. Nonohstant cette raison, qui est ampliùs fieri non potest, nec ut ex pturihus
me parait décisive, Renusson pense que si le cousis res mihi deheri potest t ita ex plurihus
testateur, en appelant ù la suhstitution la famille cousis mea esse non potest.
de grevé, a suivi l'ordre des successions, l'héri Si le grevé de suhstitution avait aliéné l'héri
tage sera propre à ceux qui recueil leront la suhsti tage compris en la suhstitution, et que l'héritier
tution. Ses raisons sont que la suhstitution étant du suhstitué, suivant le droit introduit parla
faite dans la vue d'assurer davantage à la famille nouvelle Ordonnance des suhstitutions, t. 1,
les héritages suhstitués, elle ne doit pas avoir un art. 31, se le fût fait délaisser par le tiers-
effet contraire à cette vue , qu'elle aurait néan détenteur, en ce cas, il n'est pas douteux que
moins , si elle donnait à ces héritages, en la l'héritage sera acquêt pour le total ; car ne
personne des suhstitués, la qualité d'acquêt au s'étant point trouvé dans la succession du grevé
lieu de celle de propres , qu'ils auraient eue s'il qui l'avait aliéné de son vivant, on ne peut pas
n'y avait point eu de suhstitution, et que les dire que le suhstitué l'ait à titre de succession
héritiers y eussent succédé au grevé à titre de de ce grevé ; il ne peut , en ce cas , l'avoir qu'en
succession ; d'ailleurs que ces suhstitutions vertu du seul titre de la suhstitution, laquelle
n'étant point faites par aucune considération étant , comme on le suppose , faite au profit du
personnelle des suhstitués, qui, n'étant point collatéral , étant une donation en collatérale, ne
encore nés, n'avaient pu mériter celle des testa peut faire que des acquêts.
teurs, mais étant pour la considération générale
de la famille . les suhstitués , qui recueilleraient $ IV. SI LA REMISE DE LA CONFISCATION FAtT DES
ces hiens en vertu de la suhstitution, ne les PROPRES OD DES ACQUÊTS.
recueilleraient pas tant merito suo , ce qui fait
le caractère des acquêts , que jure sanguinis et Lorsque la remise de la confiscation est faite
familiœ , ce qui fait celui des propres. Renusson à la personne même du condamné par des lettres
rapporte deux arrêts pour ce sentiment. d'aholition qu'il ohtient du roi, il n'y a pas de
Lorsque le suhstitué est héritier du grevé, difficulté que les héritages lui retournent avec
dont la mort donne ouverture à la suhstitution, la qualité de propres qu'ils avaient avant la
il n'est pas douteux que l'héritage compris en la confiscation; car les lettres d'aholition ayant
suhstitution lui est propre pour la portion dont détruit et réduit ad non action la sentence de
il est héritier, puisqu'il a cette portion jure condamnation qui avait opéré la confiscation ,
hœreditario , à titre d'héritier du grevé, dans la ces lettres ont plutot fait cesser la cause en
succession duquel l'héritage s'est trouvé, et que vertu de laquelle le condamné avait perdu ses
le droit de creance . qu'il avait en vertu de la hiens, qu'elles n'ont formé un nouveau titre
suhstitution contre la succession, s'est confus d'acquisition. Le condamné recouvre ses hiens
pour cette portion par son adition d'hérédité. plutôt qu'il ne les acquiert de nouveau. Ces
Doit-on dire la même chose, s'il n'était lettres n'étant donc point un nouveau titre
qu'héritier sous hénéfice d'inventaire? La raison d'acquisition , et ne pouvant donner à ces hiens
de douter est que l'héritier sous hénéfice d'in une nouvelle qualité d'acquêts, puisqu'ils re
ventaire ne confond pas les créances qu'il a tournent au condamné plutôt qu'il ne les acquiert,
contre la succession. La raison de décider est, ils retournent avec les mêmes qualités avec
qu'encore que le hénéfice d'inventaire empêche lesquelles il tes possédait avant la confiscation ,
la confusion du droit de créance qu'il a contre et par conséquent avec la qualité de propres ,
la succession pour raison des choses suhstituées s'ils avaient cette qualité. Dargentré avait fait
a son profit, il n'eu est pas moins vrai de dire une distinction entre les lettres d'aholition qu'il
que ces choses s'etant trouvées dans la succes appelle de justice, pour des cas de leur nature
sion du grevé, il en a été saisi comme héritier graciahles . et celles qu'il appelle de pure grâce,
pour la part dont il est héritier, et ayant acquis qui n'a point été suivie.
à ce titre d'héritier la propriété de cette part , Lorsque le roi remet la confiscation aux plus
elle lui est propre. La créance , qu'il a de cette proches parens du condamné , on a agité la
chose contre la succession , et dont le hénéfice question si ces hiens devaient être regardés
d'inventaire empêche la confusion, lui donne comme des propres ou acquêts. Quelques an
droit de retenir cette chose; il l'a en vertu de ciens arrêts les ont décidés propres, sur le fon
son droit de suhstitution; mois on ne peut pas dement que la remise de confiscation était
dire qu'il l'acquiert en vertu de ce droit , puis comme une permission que le roi accordait que
qu'il l'avait acquise à titre d'héritier par la les parens succédassent à ces hiens , et qu'ainsi
règle le mort saisit le vif, et que nous ne pou les parens , dans ce cas , étaient censés tenir
SECTION I.
ces biens à titre successif, et par conséquent je l'ai eu d'abord , parce que ce n'est plus en
comme propres. Ce raisonnement n'était pas vertu de ce titre que j'ai cet héritage , mais en
juste ; car le don que le roi fait aux pai ens , des vertu de la vente ou de la donation qui m'en a
biens confisqués , laisse subsister la sentence été faite; et comme les titres de vente et de
rendue contre le condamné , ne lui rend pas la donalion font des acquêts, il n'est pas douteux
vie civile qu'il a perdue par la condamnation ; que cet héritage, qui m'avait d'abord été propre,
et, comme le droit de succession passive est un ne me sera plus qu'acquêt.
droit attaché à l'état civil qui ne lui est pas Au second cas, lorsque je redeviens proprié
rendu, on ne peut supposer que ses parens , à taire, non par un nouveau titre d'acquisition ,
qui le roi fait don de la confiscation, aient suc mais par la seule résolution de l'aliénation que
cédé à ses biens ; ils les tiennent donc à titre j'en avais faite, n'y ayant point de nouveau titre
de don du roi , lequel titre fait des acquêts. Par d'acquisition , l'héritage ne peut pas recevoir
ces raisons, la jurisprudence les juge acquêts. une nouvelle qualité d'acquêt qu'il n'avait pas
auparavant; le titre en vertu duquel je deviens
ARTICLE IV. propriétaire, ne peut être que l'ancien titre en
vertu duquel je l'étais, lorsque je l'ai aliéné,
Quelles choses sommes-nous censés tenir à titre puisqu'on suppose qu'il n'en est point intervenu
de succession, par conséquent comme pro de nouveau, et que l'aliénation que j'en avais
pres? faite s'est résolue. Si donc, avant que je l'eusse
aliéné, je le possédais à titre de succession , il
Nous possédons comme propres , les immeu reprendra la même qualité de propre.
bles auxquels nous avons succédé, non seulement Faisons l'application de ce principe. J'ai vendu
lorsque nous avons toujours continué de les un héritage qui m'était échu à titre de succes
posséder à ce titre, mais même lorsqu'après sion , je prends des lettres de rescision contre
avoir cessé de les'posséder , nous les avons la vente que j'en ai faite, soit pour cause de
recouvrés plutôt par la résolution de l'aliénation minorité, soit pour cause de lésion d'outre
que nous en avions faite , que par un nouveau moitié du juste prix , ou pour quelque autre
titre d'acquisition. cause que ce soit. Elles sont entérinées , et je
Nous possédons à titre successif et comme rentre dans cet héritage. Il n'est pas douteux
propres , non seulement les immeubles auxquels qu'il reprendra la qualité de propre; car la sen
nousavons succédé immédiatement, mais encore tence en vertu de laquelle je rentre, contient
ceux qui nous sont avenus depuis la succession, plutôt la destruction du titre par lequel je l'avais
en vertu d'un droit auquel nous avons succédé. aliéné, qu'elle ne contient un nouveau titre
Nous possédons comme propre tout ce qui , d'acquisition. Voici un autre exemple : j'ai été
depuis que nous avons succédé à un propre, est condamné à une peine qui emporte mort civile
uni , incorporé , et fait partie de notre propre. et confiscation de biens ; j'obtiens par la suite
Nous possédons comme propre tout ce qui des lettres d'abolition , en vertu desquelles je
nous reste d'un propre , et tous les droits que rent re dans les biens qui avaient été confisqués;
nous avons retenus dans ce propre , ou par rap ces lettres ne sont pas tant pour moi un nouveau
port à ce propre , en l'aliénant. titre d'acquisition de ces biens , que la destruc
tion de la sentence qui m'en avait fait perdre la
S I. DES CHOSES DANS LESQUELLES NOOS RENTRONS propriété.
PAR LA RÉSOLUTION DE L'ALIÉNATION QUE NOUS EN Dargentré néanmoins fait une distinction dans
AVIONS FAITE. cette espèce; il convient que, dans le cas des
Lorsque nous devenons propriétaires d'une lettres d'abolition, qu'il appelle de justice, qui
chose après voir cessé de l'être , il faut bien exa sont accordées pour un cas graciable, les biens
miner si nous en redevenons propriétaires en qui avaient été confisqués , retournent avec la
vertu d'un nouveau titre d'acquisition que nous qualité de propres qu'ils avaient auparavant.
en faisons , ou seulement par la résolution de Mais il prétend que, lorsque ces lettres d'aboli
l'aliénation que nous en avions faite. tion sont de grâce et qu'elles sont accordées
Au premier cas , on ne considère plus l'ancien par une grâce extraordinaire, et par la plénitude
titre, mais celui auquel nous l'avons acquis de de la puissance du souverain, ces lettres renfer
nouveau. Par exemple , si j'ai vendu mon héri ment un véritable don des biens confisqués, et
tage, qui m'était échu par succession, et que leur doit donner la qualité d'acquêts.
celui à qui je l'ai vendu , ou ses successeurs , Cette distinction est rejetée par les auteurs,
me le revendent ou m'en fassent donation, on et je ne pense pas qu'elle doive être suivie ; car
ne considère plus le titre de succession auquel dans l'un et dans l'autre cas . les lettres d'abo-
Tome V. 17
130 TRAITÉ DES PROPRES.
lition anéantissent la sentence de condamnation nouveau litre d'acquisition par lequel le juge
qui a opéré la confiscation ; d'où il suit que les m'adjuge , par forme de réparation de l'offense
biens confisqués lui retournent parla résolution qui m'a été faite , ce que le donataire ingrat se
du titre qui les lui avait fait perdre. Ce n'est trouve posséder de mes bienfaits.
point une nouvelle acquisition qu'il fasse Il me semble qu'on ne peut pas la considérer
d'où puisse résulter la qualité d'acquêt. comme une simple résolution de la donation
L'héritage dont je redeviens propriétaire, que j'avais faite; car un acte entièrement con
reprend la qualité de propre qu'il avait , non sommé , tel qu'est la donation , ne peut se
seulement lorsque j'y rentre par la rescision et résoudre qu'en vertu de quelque condition
l'annulation du titre m'en avait fait perdre la résolutoire sous laquelle cet acte ait été fait,
propriété, comme dans les espèces précédentes , sinon expressément, du moins tacitement. Or,
mais même lorsque ce titre se résout pour l'ave on ne peut pas dire qu'une donation ait été
nir. C'est pourquoi si la donation, que j'avais faite sous la condition qu'elle serésolverait en cas
faite d'un héritage propre, est révoquée pour d'ingratitude du donataire. C'est à quoi même
cause de survenance d'enfant, si j'avais vendu on n'a pas dû penser. Ce n'est donc point en
mon héritage propre avec la clause de ré vertu d'aucune condition résolutoire de la dona
méré , ou avec la clause commissoire, et que tion , que le donataire est privé de la chose
j'exerce le réméré , ou que j'y rentre en vertu donnée , et que le donateur y rentre , mais par
de la clause commissoire faute de paiement ; si forme de peine prononcée contre le donataire au
je l'avais donné à rente , et qu'on me déguer profit du donateur, et par forme de réparation
pisse; dans tous ces cas et autres semblables, de l'offense commise contre lui , ce qui est un
mon héritage, dont je redeviens propriétaire, vrai titre d'acquisition que le donateur fait de
n'est point acquêt, parce que ce n'est point en cette chose qui la rend acquêt. Une preuve que
vertu d'un nouveau titre d'acquisition que j'en le donateur n'y rentre pas, en ce cas, parla
redeviens le propriétaire ; mais il reprend la résolution de la donation , c'est qu'il reprend la
qualité de propre qu'il avait lorsque je l'ai chose avec toutes les charges qui ont été impo
aliéné, parce que, redevenant propriétaire par sées parle donataire, ainsi qu'on en convient,
la résolution du titre d'aliénation que j'en avais ce qui néanmoins ne devrait pas être , si la do
tait, je recommence à le posséder au même nation se résolvait ; car toutes les charges impo
titre auquel je le possédais auparavant. Outre sées par le donataire devraient se résoudre
cette raison , qui seule est très-suffisante pour pareillement suivant la règle soluto jure dantis,
décider que , dans cette espèce , l'héritage re solviturjus accipientis.
prend la qualité de propre , il se rencontre celle- La commise d'un fief, qui se fait au profit du
ci : le droit de rente foncière, que j'ai retenu seigneur pour cause de désaveu ou de félonie,
dans l'héritage propre que j'ai aliéné , et en n'est regardée non plus que comme une peine
vertu duquel j'y rentre lorsqu'on me le déguer prononcée par les Coutumes contre le vassal au
pit ; le droit de rentrer en cas de réversion , le profit du seigneur, et un titre d'acquisition qui
droit de rentrer dans l'héritage par la clause de donne au fief qui est commis la qualité d'acquêt.
réméré ou par la clause commissoire, sont des Ainsi le décide Renusson en son Traité des pro
droits immobiliers qui m'étaient propres de la pres , et d'autres auteurs.
même nature que m'était l'héritage , suivant les Lorsque j'ai vendu à crédit un héritage et que
principes que nous établirons au paragraphe l'acheteur , qui n'a pas payé le prix par une
troisième; ces droits venant a se fondre, se ter convention faite avec moi, se déporte de son
miner et se réaliser dans l'héritage dans lequel achat, et permet que je reprenne mon héri
je rentre en vertu de ces droits que j'ai conser tage, celte convention est regardée comme con
vés , il s'ensuit que cet héritage doit aussi avoir tenant plutôt un desistement et une résolution
la même nature de propre, suivant les princi de la première vente, qu'une nouvelle vente
pes que nous établirons au paragraphe deuxième. et un nouveau titre d'acquisition. La raison en
Lorsque j'ai donné entre-vifs un héritage est que le contrat n'a pas été entièrement con
propre , et que j'y rentre pour cause d'ingrati sommé dans cette espèce où il manquait à
tude du donataire , la sentence qui m'y fait ren la consommation du contrat le paiement du
trer, doit-elle être regardée comme une simple prix. On peut, par un commun consentement,
résolution de la donation que j'en avais faite, s'en désister : re integrd abire pacto à vendi-
ou bien comme un nouveau titre d'acquisition tione potest. C'est le sentiment de Dumoulin
qui donne à cet héritage la qualité d'acquêt? La sur le titre des fiefs; et notre Coutume, art. 112,
question fait difficulté, et est controversée. Je en décidant que , pour une telle convention , il
suis revenu à penser que cette sentence est un n'était point dû de nouveau profit , parait avoir
SECTION I. 131
adopté ce sentiment , et avoir regardé cette con semblables. Par exemple, si le parent auquel
vention, non comme contenant une nouvello j'ai succédé avait vendu un héritage, et qu'il
veute, un nouveau titre d'acquisition , mais lui fût resté, par rapport a cet héritage, une ac
plutot un désistement de la première vente : d'où tion rescisoire pour y rentrer par la rescision de
il suit que l'héritage dans lequel le vendeur la vente qu'il en avait faite, ou qu'il eût con
rentre , n'est point un nouvel acquêt, mais qu'il servé un droit de réméré ou une action en vertu
reprend la même qualité de propre qu'il avait de la clause commissoire ; si après sa mort
lorsqu'il l'a aliéné. j'exerce, comme son héritier, cette action res
cisoire , ou ce droit de réméré, ou une action
$ II. DES CHOSES QC1 NOUS ADVIENNENT EN VERTU en vertu de la clause commissoire, cet héritage
D'UN DROIT AUQUEL NOUS AVONS SUCCEDÉ. me sera propre ; et même s'il était déjà propre
à mon parent lorsqu'il l'a vendu . il me sera pro
Non seulement les immeubles qui nous ont pre avitin , tel qu'il me l'aurait été si mon parent
été transmis immédiatement par la succession ne l'avait jamais vendu et que j'y eusse succédé
de nos parens, nous sont propres; tous ceux immédiatement ; car l'action que mon parent
qui nous adviennent en vertu d'un droit auquel a retenue et conservée par rapport à l'héritage,
nous avons succédé, le sont aussi; car ils nous est propre de même nature qu'était l'héritage,
adviennent en notre qualité d'héritiers. C'est en suivant les principes que nous verrons au para
tant qu'héritiers que nous en devenons proprié graphe quatrième. Ce droit , auquel j'ai suc
taires. 11 est donc vrai de dire que nous les te cédé , m'était donc propre , tel que l'était l'hé
nons à titre d'héritiers , et par conséquent que ritage, lorsque venant à exercer, ce droit par
ce sont des propres. Par exemple, mon père a moi-même, il s'est terminé . fondu et réalisé en
acheté un héritage dont la tradition ne s'est faite l'héritage même ; il s'ensuit que l'héritage me
que depuis sa mort , à moi qui suis son héritier; rentre avec la même qualité de propre que ce
cet héritage me sera propre, quoique je n'aie droit avait, et par conséquent avec la même qua
point succédé immédiatement à cet héritage , lité de propre que cet héritage aurait eue lui-
qui n'a jamais appartenu à mon père ; car il suffit même, s'il n'eût point été aliéné, et que j'y
que j'aie succédé à l'action ex empto qu'avait eusse succédé immédiatement.
mon père pour se le faire livrer. En succédant Suivant les mêmes principes , si j'acquiers par
à l'action par laquelle je me suis fait livrer l'hé prescription la propriété d'un héritage dont ce
ritage , c'est tout comme si j'avais succédé a l'hé lui à qui j'ai succédé s'était mis en possession,
ritage même. Car, de même que c'est un axiome cet héritage me sera propre tout comme sij'avais
endroit, que qui actionem habet , ipsam rem succédé à l'héritage même; car quoique le dé
habere videtur, de même il faut dire que qui in funt n'en ait point eu la propriété , et que ce soit
actionem successii, in ipsam rem successisse moi qui l'oie acquise , il suffit que je l'aie ac
sideiur. quise en vertu d'un droit de possession auquel
On peut dire que j'ai cet héritage à titre d'hé j'ai succédé, pour que cet héritage soit propre,
ritier, puisque ce n'est qu'en ma qualité d'héri ainsi que le droit auquel j'ai succédé , et de
tier, et en conséquence du droit auquel j'avais même que si j'y avais succédé immédiatement.
•accédé a mon père, qu'il m'a été livré, et que Mon père a vendu et livré un héritage à cré
j'en suis devenu propriétaire. Ce droit , auquel dit , il meurt peu après ; et par une convention
j'ai succédé, était un droit à un héritage, jus ad entre l'acheteur et moi, par laquelle l'acheteur
immobile , et par conséquent , suivant les prin se déporte de sou achat , je rentre dans l'héri
cipes établis au paragraphe précédent , un droit tage; cet héritage me sera-t-il propre? Il y a
immobilier qui était en ma personne un propre. beaucoup plus de difficulté que dans les espèces
Ce droit n'était autre chose que l'héritage même précédentes ; car on ne peut pas dire dans celle
considéré sous un certain aspect , non comme espèce , comme dans les précédentes , que je
étant déjà in dominio, mais comme étant in deviens propriétaire de l'héritage en vertu d'un
ervdilo , et devant un jour parvenir en notre do droit auquel j'ai succédé. Mon père, ayant vendu
maine. Il s'ensuit que l'héritage, auquel le droit à crédit cet héritage, n'a conservé aucun droit
qui m'était propre vient à se terminer, et dans à cet héritage auquel j'aio pu succéder; il n'avait
lequel il vient à se fondre et réaliser par la tra que l'action ex vendito pour être payé du prix ,
dition qui m'en est faite , doit être pareillement laquelle étant une action mobilière, n'était pas
propre, puisqu'il n'est rien autre chose que le susceptible de la qualité de propre. D'un autre
terme et la réalisation du droit qui m'était pro coté , on peut dire que la convention parlaquclle
pre. On doit décider la même chose, et par la un acheieur se déporte de son achat, suivant
même raison , dans toutes les autres espèces les principes établis au paragraphe précédent,
132 TRAITÉ DES PROPRES.
étant plutôt un résiliement de la vente qui en a ritage me sera-t-il propre ou acquêt? U faut
été faite , qu'une nouvelle vente qui m'est faite , entrer dans la discussion de la question sur
il s'ensuit que je rentre dans cet héritage plutôt laquelle j'ai transigé. S'il appartenait à la per
que je ne l'acquiers ; et comme j'y rentre en sonne qui m'a fait la contestation, et qui, par
qualité d'héritier du vendeur, la convention la transaction, au moyen de l'argent que je lui
eu vertu de laquelle j'y rentre , étant une con ai donné , s'est désistée de son droit , cette
vention que je n'ai pu faire que comme héritier, transaction est pour moi un véritahle titre d'ac
je liens donc cet héritage à titre d'héritier, ce quisition en vertu duquel je possède l'héritage;
qui suffit pour qu'il me soit propre. Mais , dit-on , je ne le tiens plus de la succession de mon père,
mon père n'ayant conservé aucun droit à cet mais je le tiens en vertu de ce nouveau titre, et
héritage, je n'ai pu succéder à aucun droit en par conséquent l'héritage m'est acquêt.
vert u duquel je sois devenu propriétaire de l'hé Mais à moins qu'il ne soit justifié que l'héri
ritage. On ne peut donc pas dire que j'aie l'hé tage appartenait à celui qui m'en a fait la con
ritage en vertu d'un droit auquel j'aie succédé testation , ou que le prix que j'ai donné par la
en vertu d'un droit successif, ce qui est néan transaction, qui se trouverait égaler la valeur
moins nécessaire pour qu'il soit propre. de cet héritage , ne le fît présumer ; hors ces
Je réponds : Je l'ai en vertu du droit ex ren deux cas , il faut dire que cet héritage est propre,
dit" auquel j'ai succédé, et par conséquent en et que je n'ai donné l'argent convenu par la
vertu d'un droit successif. Il est vrai que le transaction que pour me rédimer d'un procès ,
droit ex vendito n'avait dans son origine, et la propriété étant présumée être pordevers le
dans le temps que j'y ai succédé, pour ohjet possesseur tant que le contraire ne parait pas ;
que le paiement du prix, et était une action c'est pourquoi je ne serai point censé l'avoir
mohilière non susceptihle de la qualité de pro acquis par la transaction; mais le tenir de la
pre; mais, ex accidenti, par le désistement que succession de mon père, et en conséquence il
l'acheteur a fait de son achat , et la convention sera propre.
qu'il y a eu entre lui et mot en ma qualité d'hé
ritier, ce droit ex vendito que j'avais a changé $ lit. DE CE QUI ENTRE ECHOIT PAR PARTAGE OD LICITATION
COHERITIERS.
de terme, et a pour ohjet l'héritage dans lequel
il m'était permis de rentrer au lieu d'en exiger Comme il est de la nature de toute commu
le prix ; de droit mohilier qu'il était , il est devenu nauté de devoir un jour se partager, nulla enim
immohilier, ayant pour ohjet l'héritage : c'est in œternum communio est, et qu'en consé
en vertu de ce droit que je suis rentré et devenu quence une succession n'est déférée à plusieurs
propriétaire de l'héritage, et par conséquent en héritiers qu'à la charge du partage que chacun
vertu d'un droit successif, ce qui suffit pour d'eux a droit de demander à ses cohéritiers , il
qu'il soit propre. s'ensuit que le partage et les actes qui en tien
Mon père avait eu un héritage qu'il avait nent lieu , tel qu'est l'acte de licitation , doivent
donné à rente , en retenant un droit de refus ; être regardés comme l'exécution et la détermi
depuis sa'mort cet héritage a été vendu ; j'exerce nation du titre de succession, et non comme
le droit de refus : cet héritage sera-t-il propre un titre d'acquisition distinct et séparé du titre
ou acquêt? Il sera acquêt; car le titre de mon de succession : de là il suit que tout ce qui avient
acquisition est la vente qui en a été faite d'a par partage et licilation est censé avenir à titre
hord à l'étranger, et par l'événement à moi de succession , et chaque cohéritier est censé
comme suhrogé à l'étranger. Le droit de refus avoir succédé à tout ce qui tomhe dans son lot,
auquel j'ai succédé ne m'a donné que la préfé ou à tout ce qui lui est adjugé par licitation ,
rence. J'ai été préféré en vertu de ce droit, ces actes n'ayant fait que déclarer et déterminer
mais j'ai acquis en vertu de la vente qui en les choses auxquelles chaque cohéritier devait
avait été faite. être censé avoir succédé; et par conséquent,
Que si la vente, qui a donné lieu au droit de tout ce qui échoit à chacun des cohéritiers,
refus , avait été faite du vivant de mon père , le soit par partage ou par licitation, est propre
droit d'avoir cet héritage ayant été acquis à pour le total , et non pas seulement pour la por
mon père, s'étant trouvé dans la succession , et tion que l'héritier y avait avant le partage; cela
étant un droit immohilier qui m'est propre, il a passé en jurisprudence constante : de là ln
n'est pas douteux que si j'ezerce ce droit , l'héri maxime que les partages ont parmi nous un
tage me sera propre ; car je l'acquiers en vertu effet retroactif, et ne sont que déclaratifs de ce
d'un droit acquis à mon père, auquelj'ai succédé. à quoi chacun a succédé.
J'ai transigé sur la propriété d'un héritage Cela a lieu, quand même l'héritage qui m'a-
dont mon père m'a transmis la possession , l'hé vient par licitation , composerait seul tout
SECTION I. 133
l'actif do la succession. En vain ilira-t-nn qu'il Il en serait autrement, si mon cohéritier
répagne que n'étant héritier que pour une partie, m'avait fait donation de sa part, ou me l'eût
par exempte pour un quart, je sois censé avoir donnée pour une rente viagère qui n'excédât pas
succédé à ce qui fait le total de l'actif de cette le revenu de cette part. Un tel acte ne peut
succession. Je réponds que cela ne paraît point passer pour tenir lieu de partage; car il est de
répugner, si on fait réflexion que le quart indivis la nature des partages que chacun des coparta-
en cet héritage auquel j'ai succédé, renfermait, geans ait intention d'y recevoir autant qu'il
en conséquence de la qualité d'indivis , le droit donne , ce qui ne se rencontre pas dans ceci. Par
de demander le partage et même la licitation de conséquent , cet acte ne pouvant être regardé
cet héritage, au cas que ce fut la commodité comme fait animo dividendi , mais étant vrai
commune de sortir de cette manière de com ment une donation que mon cohéritier me fait
munauté, et par conséquent, il renfermait le de sa part, cette part me sera acquêt.
droit d'avoir le total de cet héritage , si j'étais
le plus hardi licitant. Il est donc vrai de dire S IV. DE CE QUI EST UNI AU PROPRE.
que c'est en vertu d'un droit renfermé dans celui
auquel j'ai succédé, et par conséquent en vertu Tout ce qui est uni et incorporé à un propre,
d'un droit auquel j'ai succédé, que je le licite, est propre de la même nature que la chose dont
et que je deviens , par le moyen de lu licitation , il est l'accessoire , selon cette maxime de droit ,
propriétaire du total de l'héritage. Or, suivant accessorium sequitur naturam rei principalis.
les principes établis uu paragraphe précédent, C'est pourquoi , si j'ai bâti un édifice sur un
je suis censé avoir succédé, non seulement aux terrain propre, si j'y al planté des bois, des
choses auxquelles j'ai succédé directement et vignes, ete., ces choses étant des accessoires
immédiatement, mais aussi aux choses qui me de ma chose , suivant la règle superficies solo
sont avenues en vertu d'un droit auquel j'avais cedit , elles seront propres de la même nature
succédé , et elles sont également censées propres que le sol , sans même que l'héritier aux propres
comme si j'y avais succédé immédiatement. doive aucune récompense de ce qu'il en aura
Donc, en cette espèce, il ne répugne point que coûté , comme l'avance mal à propos Kenusson,
je sois censé avoir succédé au total de cet héri ainsi que nous l'avons montré au Traité des
tage, puisqu'en succédant au quart indivis j'ai successions.
vraiment succédé au droit d'avoir le total , si Il n'en est pas de même de l'union civile
la licitation en décidait ainsi. comme de la naturelle. Les héritages que j'ac
La licitation n'est pas le seul acte qui tienne quiers dans ma censive et dans mon fief, ne
lieu de partage. Tout acte passé entre cohéri seront pas pour cela propres , comme l'est ma
tiers, ou quelqu'un d'eux, où on puisse pré censive ou mon fief dominant; mais ils seront
sumer que l'intention principale des parties a été acquêts , si j'en suis devenu propriétaire par un
de sortir de communauté, doit passer pour titre qui fait des acquêts. La raison en est qu'il
partage quand cet acte serait qualifié de vente ne se fait qu'une union de mouvance. Les héri
ou de quelque autre nom , parce que la nature tages ne sont plus , à la vérité, qu'un même fief
des actes doit se régler, non par le nom qu'on avec le mien dont ils relevaient ; mais ils n'en
leur a donne , mais par ce qui s'est passé entre sont pas moins des corps d'héritages naturelle
les parties , par ce que les parties ont eu en vue ment distincts et séparés de mou fief dominant
et se sont proposé. dont ils relevaient, et par conséquent, ils peuvent
Selon ces principes , la jurisprudence n'est avoir une qualité différente.
devenue constante que lorsque mes cohéritiers L'union de simple destinations doit encore
ou quelqu'un d'entre eux me veud sa part qu'il moins faire des propres. C'esL pourquoi , lorsque
a par indivis dans quelque héritage de la suc j'achête un morceau de terre enclavé dans ma
cession , ou qu'il me la donne à rente , soit per métairie, et le comprends dans les baux à ferme >
pétuelle , soit viagère; pourvu que cette rente queje fais de cette métairie, ce morceau de terre
viagère réponde à la valeur de la part qu'il me ne sera pas moins un acquêt. Lorsque j'achête
cède, tous ces actes tiennent lieu de partage , des droits dont mon héritage propre était chargé,
et en conséquence les parts de mes cohéritiers , par exemple , un droit d'usufruit ou de rente
qui me sont cédées, sont censées m'étre adve foncière , lesquels, par cette acquisition , sont
nues à titre de succession , et me sont propres. réunis à mon droit de propriété, il n'y a pas lieu
La raison en est qu'on présume que l'intention à la question si ces droits sont acquêts , ou s'ils
de mes cohéritiers n'a pas été tant de vendre , suivent la nature des propres de mon héritage;
ai la mienne d'acheter , que de sortir de com car ces droits s'éteignant par l'acquisition que
munauté. j'en fais , ils ne sont susceptibles d'aucune qua-
134 TRAITÉ DES PROPRES.
lité ; mon héritage libéré demeurera propre droit personnel que j'acquiers contre l'acheteur
comme il l'était , sans aucune récompense. Ce de mon héritage par la rente qu'il m'en fait pour
titre ne produira aucun acquêt; car, par ce et en acquit de la somme qui me doit pour le
titre, je me libère plutôt que je n'acquiers. prix de mon héritage : acquérant ce droit de rente
On demande si des augmentations de gages , à titre d'une vente qui m'en est faite, c'est évi
qu'un officier a été obligé d'acquérir , sont des demment un acquêt. Mais , dira-t-on , je retiens,
acquêts , ou s'ils suivent la qualité des propres pour raison de cette rente , une hypothèque sur
qu'avait l'office. Il faut examiner comment elles l'héritage ; cette hypothèque est un droit dans
ont été créées, comme si quelques unes l'ont l'héritage jus in re : or, nous avons dit que les
été , pour pouvoir être possédées séparément de droits retenus dans un héritage propre , lorsque
l'office; il n'est pas douteux qu'elles sont acquêts, nous l'aliénons, conservaient la qualité de pro
sinon elles sont censées unies à l'office et en faire pres. La réponse est , que cela est vrai des droits
partie, et par conséquent doivent, en ce cas , qui subsistent principaliter et per se ; mais ce
suivre sa qualité. principe nepeut recevoird'application à un droit
Lorsque je rentre dans un héritage au moyen d'hypothèque qui ne subsiste pas principaliter
du retrait féodal , il faut dire que cet héritage et per se , et n'est que l'accessoire d'une créance
m'est acquêt, le retrait féodal étant un vrai personnelle. Car l'accessoire doit suivre la nature
achat , n'étant que le droit d'être préféré à un de la chose principale.
acheteur étranger. C'est pourquoi , en celle espèce, la renie qui
m'est constituée pour le prix de mon héritage,
$ V. DF. CE QCl «ESTE D'Es PROPRE ET DES nROITS étant un acquêt, l'hypothèque, qui ne lui est
qu'on vetient pav vappovt a un pvopre. qu'accessoire , ne peut pas changer sa nature
d'acquêt , et lui donner la qualité de propre.
Il n'est pas douteux que ce qui reste d'un Il en est de même d'une servitude prédiale,
propre est propre, quand même cet héritage finge , d'un droit de vue. Par exemple, j'ai deux
aurait péri et changé de forme ; car tout ce qui maisons dont l'une acquêt, qui a des vues sur
reste de ma chose, qui a péri , m'appartient au l'autre qui m'est propre ; par l'aliénation de celle
même titre et de la même manière que m'appar qui m'est propre, je retiens les droits de servi
tenait ma chose. Quod ex re meâ superest r tude de vue tels qu'ils sont . On ne peut pas dire
meum est. Par exemple, si ma maison a été que ce droit de servitude de vue , que je retiens
inondée , la place ou la masure qui en reste de dans la maison propre quej'aliène, ait la qualité
meure propre de la même nature qu'était la de propre; car ce droit de servitude, queje retiens,
maison. n'est pasundroitqui subsiste par lui-même : c'est
Quid, des matériaux qui sont détachés? Si un droit attaché à la maison acquêt queje retiens :
le propriétaire conserve la volonté de les repla il en fait partie . 7 nul vu im aliud suntjura ser-
cer dans la reconstruction de la maison , comme vitutum quàm qualitates prœdiorum ? et par
en ce cas ils conservent la nature d'immeubles , conséquent, ce droit de servitude doit suivre la
ainsi que nous l'avons vu au paragraphe précé nature de la maison acquêt dont il est une dé
dent , ils conservent aussi la qualité de propres ; pendance inséparable.
sinon ils sont devenus meubles , et par consé Non seulement les droits que je retiens dans
quent non susceptibles de cette qualité. un héritage propre, lorsque ce sont des droits
Tous les droits que nous retenons dans une qui subsistent principaliter et per se j me sont
chose, lorsque nous l'aliénons, ou par rapport propres, il en est de même de ceux queje re
h celte chose, nous sont propres, de la même tiens , non pas proprement dans cet héritage ,
manière que l'était la chose; car ces droits, dé mais par rapport à cet héritage. Par exemple,
rivant du droit de propriétaire que nous avions , si je vends mon héritage propre avec la clause
doivent retenir la qualité des choses dont ils de réméré, ou avec la clause commissoire par
dérivent. laquelle je stipule qu'il me sera permis d'y ren
C'est pourquoi , si j'aliène mon héritage à titre trer , si je ne suis pas payé dans un certain temps;
de cens et de rente foncière , le droit de cens ou ce droit de réméré, ce droit de rentrer dans l'hé
de rente foncière que je retiens sur cet héri ritage par la cluuse commissoire, sont des droits
tage , m'est propre, ainsi que m'était l'héritage. propres de la même nature qu'était l'héritage.
Il n'en est pas de même d'une rente qu'on me 11 en est de même des actions rescisoires qu«
constituerait par le contrat de vente pour le prix j'ai contre l'aliénation que j'ai faite demon hé
de mon héritage propre par moi vendu. Cette ritage. Par exemple, pour cause de lésion d'ou
rente sera un acquêt ; car cette rente n'est pas tre-moitié du juste prix, de minorité, ou pour
un droit que je reliens dans l'héritage; c'est un quelque autre cause; ces droits, étant des droits
SECTION I. 135
quej'ai conservés par rapport à l'héritage aliéné, de propres est affectée aux parens de la fa
me sont propres de même nature qu'était l'hé mille d'où ils viennent, à l'exclusion des autres
ritage. parens , quoique plus proches.
2« En fait de disposition. Les Coutumes ré
S VI. DE QUELLES QUALITÉS DOIVENT ETRE PRÉSUMÉS servent dans les héritages propres à l'héritier
LES HÉRITAGES DONT L'ORIGINE EST INCERTAINE. aux propres , une certaine portion dont elles
défendent de disposer à son préjudice par tes
L'héritage dont l'origine est incertaine, doit tament . Quelques unes même défendent de dispo
être présumé plutôt acquêt que propre. La qua ser d'une certaine portion de propres par donation
lité d'acquêt étant la première et la plus naturelle entre-vifs.
qualité d'un héritage, puisque tout héritage est 3« Lorsqu'un propre est vendu, les Coutumes
acquêt avant que d'être propre , la qualité de accordent aux parens de la famille le droit de
propre ne pouvant survenir à un héritage qu'a le retirer par retrait lignager sur l'acquéreur
près que celui qui l'a acquis , et en ta personne étranger.
de qui il est acquêt , l'a transmis par succession. Nous avons parlé de ces trois différens effets
D'ailleurs la qualité de propre servant de fonde au traité des successions , des donations entre
ment à des droits établis en faveur de la famille vifs et testamentaires, et au traité du retrait li
sur des héritages contre le droit commun , lors gnager , où est le siège de ces matières.
que des familles réclament des droits sur ces
héritages, c'est à elles à justifier la qualité qui S II. QUAND S'ÉTEINT LA QUALITÉ DES PROPRES.
sert de fondement à leurs prétentions, suivant Il est évident que la qualité de propre s'éteint
U maxime que c'est au demandeur à fonder sa par l'extinction de l'immeuble qui en est le sujet,
demande. Incumbit onus probandi ei qui dicit. pourvu qu'il n'en reste rien ; car elle se conserve
Par exemple , un parent de mon vendeur veut dans ce qui en reste , ainsi que nous l'avons vu.
retirer sur moi un héritage par retrait lignager ; Ainsi, lorsqu'une rente propre est amortie,
le fondement de sa demande est que cet héritage lorsqu'un office propre est supprimé , le propre
est un propre : c'est donc à lui à justifier cette est éteint, et cette qualité ne se conserve pas
qualité de propre , puisqu'elle sert de fondement dans les effets du remboursement ; car ces de
à sa demande. niers ne font plus partie de la rente , qui ne sub
Un héritier veut faire retrancher de mon legs siste plus, ni de l'office. Et d'ailleurs, étant
les quatre cinquièmes d'un héritage sur le fon quelque chose de mobilier, ils ne sont point
dement qu'il est propre ; c'est à lui à le justifier. susceptibles de la qualité de propres. Il n'en est
Vous me direz que le légataire étant demandeur pas de même de la place sur laquelle était bâtie
en saisissement de legs, c'est plutôt à lui, comme une maison quia été incendiée. Cette place con
demandeur , à justifier que l'héritage est acquêt. serve toujours la qualité de propre qu'avait la
Je réponds que c'est l'héritier qui prétend que maison ; car elle en fait partie , area est pars
les quatre cinquièmes doivent être exceptés du domûs , et elle est susceptible de cette qualité.
legs; ezeipiende fitactor, et c'est par conséquent De là il suit que si on y reconstruit une nouvelle
à lui à justifier le fondement de son exception, maison , elle aura la même qualité de propre que
le fondement de cette réserve, et par conséquent l'ancienne; car la place, sur laquelle elle a été
à lui à justifier la qualité de propre. Que s'il est bâtie, et dont le nouveau bâtiment est l'acces
question d'une succession entre l'héritier aux soire, lui communique cette qualité de propre,
propres et l'héritier aux acquêts, il est évident suivant les principes établis en l'article précé
que l'héritier aux acquêts , étant le plus proche dent.
parent, il n'a rien à prouver autre chose que la La qualité de propre s'éteint aussi , salvo sub-
proximité de sa parenté . C'est à l'héritier aux pro jecto , lorsque l'héritage sort de la famille ; mais
pres qui veut l'exclure, àjustifier la qualité de pro s'il y rentre par la résolution du litre qui l'en a
pre qu'il prétend lui donnerdroit àla succession. fait sortir, cette qualité de propre revivra.
La qualité de propre s'éteint aussi, quoique
ARTICLE V. l'héritage reste dans la famille , lorsque quel
Des effets de la qualité des propres, et quand qu'un de la famille commence à le posséder à un
titre qui fait des acquêts, c'est-à-dire à tout
elle s'éteint. autre titre que de succession et de donation en
j I. DES EFFETS DE LA QUALITÉ DES PROPRES. directe.
Il semblerait suivre de ces principes que la
Cette qualité de propre a trois principaux effets. qualité de propre est éteinte dans les héritages
1° En matière de succession. La successsion qui sont retirés par retrait lignager , ce retrait
136 TRAITÉ DES PROPRES.
consistant à rendre le lignager acheteur à la elle veut que l'héritier de la ligne n'y succède
place de l'étranger, à qui il a été vendu. Néan qu'en remboursant à l'héritier aux acquêts le
moins, comme le retrait lignager a été introduit prix pour lequel il l'a retiré.
pour conserver les héritages dans les familles , L'héritage tient donc , en ce cas, et de la na
il ne doit pas avoir un effet contraire aux vues ture d'acquêt, et de la nature de propre ; de la
dela loi qui l'a introduit. La Coutume ne regarde nature d'acquêt, parce qu'effectivement le li
pas la qualité de propre comme éteinte dans gnager est acheteur , tune ( iu m pecunid sud
l'héritage retiré par retrait lignager, et elle acquiaivit , et de la nature de propre, parce que
donne aux parens de la ligne d'où ils procèdent c'est jure aanguinis et familiœ , qu'il a été sub
le droit d'y succéder préférablement aux héri rogé à cet achat.
tiers desacquêtsde ce lignager; mais comme cet Nous remettons à traiter cette question plus
héritage est pourtant , dans la vérité , acquêt , amplement au traité du retrait lignager.
SECTION DEUXIEME.
SECTION TROISIÈME.
SECTION QUATRIÈME.
Les propres conventionnels sont ceux qui sont somme de la communauté , et de donner au con
formés par les conventions. joint et à ses héritiers une action de reprise de
Les conventions qui les forment , sont les cette somme. Mais cette action n'est propre que
stipulations qu'on a coutume d'insérer dans les de communauté, et elle n'est considérée dans
contrats de mariage , qu'une certaine somme de la personne des enfans auxquels elle a passé par
deniers que l'un des futurs conjoints apporte en la succession du prédécédé des deux conjoints
mariage , lui sera propre. qui avait fait la stipulation, que comme une
La clause, qu'une certaine somme sera em somme mobilière à laquelle le survivant leur
ployée en achat d'héritages, équipolle à la sti succède comme leur héritier au mobilier.
pulation des propres, suivant l'orf. 351 de notre Exemple : Si un homme a stipulé qu'une
Coutume. Il faut observer que ce n'est que par somme de 10,000 liv. lui serait propre , et qu'elle
forme d'exemple que notre Coutume parle en serait employée en achat d'héritages , et qu'il
cet article d'une somme donnée par père et mère, meure sans que l'emploi ait été fait, laissant un
et que la décision aurait pareillement lieu dans enfant, lequel meurt ensuite, la mère de cet
le cas où un étranger fournirait la dot sous cette enfant lui succédera à cette action de reprise
clause, et même dans le cas où une personne qui qu'il avait à exercer.
se marierait de suo, stipulerait qu'une certaine Que si cela était stipulé à l'égard des deniers
somme qui lui appartient serait employée en de la femme; qu'il y eût par le contrat de ma
achat d'héritages. riage de la femme une destination en achat d'hé
La simple destination d'emploi en achat d'hé- ritages, et qu'elle fût décédée avant que l'emploi
ritages, ainsi que la simple stipulation de pro en eût été fait , laissant un enfant , on a douté
pres, lorsqu'on ne donne pas plus d'étendue à ' si le père survivant pouvait succéder à son en
cette clause, n'ont d'autre effet que d'exclure la fant à l'action de reprise de cette somme. L'an
SECTION IV. 147
cienne jurisprudence était qu'il ne le pouvait, nent dans le premier degré , et n'ont d'autre
parce que, s'il eût fait l'emploi de la somme en objet que d'exclure de la communauté conju
un héritage, il n'aurait pas succédé- à cet héri gale la somme réservée propre , peuvent se
tage, qui serait devenu un propre naissant faire non seulement par les contrats de mariage,
maternel en la personne de l'enfant ; il parais mais par de simples actes de donation entre
sait que sa négligence à exécuter une des clau vifs , nu par des testamens , car chacun étant
ses du contrat de mariage , ne devait pas rendre le maître de prescrire telle loi ou telle condition
sa condition meilleure, et lui procurer la suc que bon lui semble à sa libéralité, unusquisque
cession de cette somme. Mais cettejurisprudence quem voluerit modum liberalitati suœ appo-
a changé , et on pense aujourd'hui qu'il peut nere potest; il s'ensuit que celui qui donne ,
succéder à cette action de reprise , et que la soit entre-vifs, soit par testament, à quelqu'un
destination d'emploi n'a d'autre effet que d'ex une somme d'argent , peut valablement stipuler
clure la somme de la communauté , et ne forme que cette somme sera propre au donataire ,
aucun empêchement de la part du mari. c'est-à-dire , qu'elle n'entrera point dans la
Il en serait autrement, si le mari s'était communauté conjugale du donataire; pourvu
formellement obligé par le contrat de mariage que , si c'est par acte entre-vifs , la stipulation
à en faire l'emploi; car, de l'inexécution de cet se fasse par l'acte même , ou du moins dans
engagement contracté par le mari envers la l'instant même de la donation , car le donateur
famille de sa femme , il doit résulter des dom entre-vifs, se dessaisissant dans l'instant même
mages et intérêts , lesquels consistent à donner de la donation , ne peut plus par la suite pres
aux parens maternels dans la succession de crire de loi à ce qui n'est plus à lui.
l'enfant , la reprise des deniers dont le mari En est-il de même des stipulations de propres,
s'était obligé de faire l'emploi, pour les dédom qui ont plus d'étendue , et qui vont à changer
mager et tenir lieu des héritages auxquels ils l'ordre des successions? ces stipulations, que
auraient succédé, si le mari avait satisfait à son la faveur des mariages a fait admettre , peuvent-
obligation. elles se faire aussi par de simples actes de dona
Les stipulations des propres , et les destina tion entre-vifs, ou par des testamens? Quel
tions en achat d'héritages , peuvent recevoir ques-uns de nos auteurs ont pensé que cela se
une plus grande étendue par l'addition de ces pouvait, par la raison ci-dessus alléguée, que
termes , aux siens , ou bien â ses hoirs , ou bien chacun peut prescrire telles conditions qu'il
â ses héritiers. Putà, s'il a été ainsi stipulé, le veut à sa donation ; mais le sentiment contraire
surplus des biens des futurs leur sera propre qu'on m'a assuré prévaloir, est plus régulier.
et aux leurs , ou bien ladite somme sera em Il est vrai que chacun peut prescrire telles con
ployée en achat d'héritages, qui seront propres ditions que bon lui semble à ce qu'il donne ,
à la future et aux siens. mais pourvu que cette condition ne donne point
L'effet de cette addition est non seulement atteinte à l'ordre public , qu'il n'est pas permis
d'exclure de la communauté le mobilier ainsi aux particuliers de déranger. Or, les successions
réservé, mais de faire de l'action de reprise de sont d'ordre public. Il n'est point donné au
cette somme , en la personne des enfans qui y pouvoir d'un donateur, ni d'un testateur, d'in
auront succédé, un propre fictif auquel lesdits tervertir l'ordre de la succession de son dona
enfans se succéderont les uns aux autres , à l'ex taire ou légataire , par rapport à la somme qu'il
clusion de leur père ou mère survivant. lui donne : pricatorum enim cautione legum
Au reste ces termes de siens, hoirs ou héri auctoritali non noceri , comme ditPapinien eu
tiers , ne comprennent que les enfans. C'est la loi 10, ff. de suis et légit. hœred., dans une
pourquoi ils n'empêchent point le survivant de espèce où il est aussi question de l'ordre des
succéder au dernier mort de ses enfans à cette successions. Si, contre cette maxime, notre
action de reprise. jurisprudence a admis ces stipulations qui
Que si on ajoute ces termes, à ceux de son intervertissent l'ordre des successions dans les
càté et ligne, cette stipulation do propre aura contrats de mariage , c'est la grande faveur
encore une plus grande étendue, et comprendra qu'ont parmi nous les contrats de mariage , ce
les parens collatéraux du conjoint qui a fait la qui les rend susceptibles detoutes sortes de con
stipulation ; c'est pourquoi s'il prédécède , le ventions , qui les y a fait admettre ; mais cela ne
survivant ne succédera pas même au dernier se doit point étendre à d'autres actes.
mort de ses enfans à cette action de reprise ; ce Ces stipulations , qui intervertissent l'ordre
seront les parens de ses enfans du coté du pré des successions , et que la faveur des contrats
décédé , qui y succéderont de mariage y a fait admettre , sont de droit très-
Les stipulations des propres , qui se contien étroit, et ne s'étendent ui d'une personne à une
1-18 TilAITÉ DES PROPRES.
autre , ni d'une chose à une autre , ni d'un cas on a eu en vue le cas où ces héritages seraient
à un autre. aliénés , puisqu'elle ne pouvait avoir d'effet que
1s Elles ne s'étendent pas d"une personne à dans ce cas , et qu'on a voulu faire un propre
une autre. Ainsi la stipulation de propre qu'une fictif de l'action de remploi que produirait l'alié
épousé future fait au profit d'elle , des siens , nation. De ce que les stipulations ne s'étendent
ou de ses héritiers , ne comprend que ses enfans , pas d'une chose à une autre , il suit pareillement
qui, dans la signification rigoureuse de ces que la stipulation que le mobilier des successions
termes , siens, hoirs, héritiers , y sont compris, sera propre, ne s'étend point à ce qui avient
et ne s'étend point aux collatéraux. par donation ou legs , à moins que ces donations
Par la même raison, si un père, en dotant ou legs ne fussent faits par des ascendans ; car
sa fille de suo , a stipulé que les deniers qu'il lui telles donations sont des successions anticipées.
donnait seraient propres à sa fille , aux siens , Enfin la clause n'a lieu que pour les successions
et à ceux de son coté et ligue , quoiqu'il y ait qui arrivent durant le mariage , et non pas pour
quelque raison de présumer que le donateur a celles qui écherraient depuis le mariage aux en
voulu conserver cette somme à sa famille plutôt fans de celle qui a fait la stipulation.
qu'à celle de sa femme qui lui est étrangère, et 3« Ces stipulations ne s'étendent point d'un
que , sur ce fondement , quelques arrêts aient cas ù un autre. Ce qui est stipulé pour le cas
jugé que l'action de reprise était, en ce cas, de la communauté ne s'étend point à celui des
affectée aux seuls parens du côté du donateur, successions, ni le cas de la succession à celui
néanmoins le sentiment le plus conforme aux de la disposition. C'est pourquoi un enfant peut
principes , et le plus reçu aujourd'hui , est que léguer à son père l'action de reprise des deniers
cette action de reprise est affectée indistincte dotaux de sa mère, stipulés propres à ceux de
ment à tous les parens de la fille qui a été ainsi son côté et ligne , quoique cette action soit dans
dotée, parce que, suivant le sens rigoureux et la succession un propre fictif maternel ; parce
grammatical de la clause, ils se trouvent tous que la stipulation n'ayant eu pour objet que le
indistinctement compris , et que , pour affecter cas de la succession , cette action n'est réputée
cette action à la seule famille du donateur, il faut propre que pour le cas de la succession , et non
autre chose qu'une présomption de sa volonté , pour celui de la disposition.
ces affectations, qui sont de droit étroit, devant Les propres convenlionnelss'éteignent, ^lors
être faites en termes formels. que la fiction a été consommée; si une femme,
2« Ces stipulations ne s'étendent pas d'une chose qui a stipulé propre à elle et aux siens une
à une autre. C'est pourquoi si j'ai stipulé propre somme de 9,000 liv. , a laissé trois enfans , on
à ceux de mon côté et ligne , le surplus de mon demande si , dans la succession de celui qui est
bien, cela s'entend seulement du bien quej'avais mort , le second et le troisième enfant, qui est
lorsque j'ai été marié , et ne s'étend point à ce resté , peut prétendre , à l'exclusion de son père ,
qui me serait avenu depuis par succession , non seulement le tiers que cet enfant avait de
donation , ete. son chef en cette reprise , mais encore les
Cela ne s'étend point non plus aux actions 1,500 liv. qui appartenaient à ce dernier, comme
de remploi, résultantes de l'aliénation de mes héritier du premier décédé. La raison de douter
propres que jaurai faite durant mon mariage , est que la fiction avait déjà eu son effet pour les
parce que ces actions n'étant nées que lors de 1,500 liv. dans la succession du premier dé
l'aliénation, elles n'existaient pas encore lors cédé; mais il faut néanmoins décider que le
de la stipulation de propres , qui , dans la signifi dernier survivant doit , à l'exclusion de son
cation rigoureuse , ne doit comprendre que le père, succéder à ces 1,500 liv., parce que,
mobilier que j'avais alors. quoique la fiction ait déjà eu son effet à l'égard
On peut dire néanmoins en un cas , que les des 1,500 liv. dans la succession du premier
stipulations de propres que je fais du surplus décédé , néanmoins elle n'a pas eu tout son effet ,
de mon bien à ceux de mon côté et ligne , doivent elle n'a pas été consommée; l'intention de la
comprendre les actions de remploi ; c'est dans femme ayant été de conserver à ses enfans et au
le cas où le surplus de mon bien n'aurait con dernier survivant d'eux toute cette somme, la
sisté qu'en héritages ou autres immeubles. fiction n'est point consommée tant qu'il reste
Comme la signification ne pourrait avoir d'autre encore un enfant. Que si la stipulation avait été
effet , dans le cas où je les aurais conservés , faite à ceux du côté et ligne, la fiction ne serait
puisque indépendamment de la stipulation, par consommée qu'après que les collatéraux auraient
leur nature , ils auraient été faits propres à succédé à cette fiction , à l'enfant dernier sur
mes enfans qui y auraient succédé , on en doit vivant.
conclure que , dans la stipulation des propres . 2« Le propre conventionnel s'éteint par l'ex
SECTION IV. 149
tioction des reprises ou remploi, auxquels cette Au reste, dans ces deux cas , le propre n'est
qualité est attachée. éteint que lorsque l'enfant est décédé majeur ;
Cette extinction arrive, 1« par le paiement , car, s'il décède mineur, les deniers pro
lorsque le conjoint qui était le débiteur de la venans du paiement de ce propre ou l'emploi
reprise l'a payée à ses eufans , â qui elle était d'iceux , tiennent lieu dans la succession du
due ; 2« par l'acceptation que l'enfant créancier propre même , comme nous l'avons déjà vu
de cette reprise fait de la succession du survi en la section précédente ; et lorsqu'il a ac
vant qui en était le débiteur; le concours des cepté la succession du survivant , qui en était
deux qualités de créancier et de débiteur, qui , le débiteur , les biens de la succession du débi
par cette acceptation , se réunissent en ce cas teur tiennent lieu d'emploi de la somme qui lui
en sa personne, éteint l'action de reprise. était due.
TRAITE
DES
PREMIÈRE PARTIE.
Des Personnes.
TITRE PREMIER.
TITRE II.
SECTION PREMIÈRE. père français qui n'a pas établi son domicile
dans ce pays , ni perdu l'esprit de retour , sont
QUELLES PERSONNES SONT C1TOvENS OU REGNI- aussi français : à plus forte raison . celui qui
COLESJ QUELLES PERSONNES SONT ETRANGERS serait né en pleine mer de parens français , doit-
OU AU8AINS. il être français.
Les citoyens . les vrais et naturels Français , Quirl do ceux qui sont nés dans les provinces
suivant la définition de Bacquct , sont ceux qui qui ont été réunies à la couronne, ou qui en
sont nés dans l'étendue de la domination fran ont été démembrées , ou qui , ayant été con
çaise , et ceux qui sont nés dans nos colonies, quises, ont été rendues par un traité de paix?
ou même dans les pays étrangers , comme en Il est certain que, lorsqu'une province est réunie
Turquie et erïAfi ique , où nous avons des établis- à la couronne , ses habitons doivent être re
semens pour la commodité de notre commerce. gardés comme Français naturels, soit qu'ils y
Des enfans nés dans un pays étranger, d'un soient nés avant ou après la réunion. Il y a
même lieu de penser que l.'s étrangers qui
seraient établis dans ces provinces , et y auraient
(l) Voir la déclaration du roi du 9 août 1777. re obtenu , suivant les lois qui y sont établies, les
gisirev le 37 , qui défend le transport dei noirs et droits de citoyen , devraient , après la réunion ,
mutatres en Fraoce. être considérés comme citoyens , ainsi que les
PARTIE I, TITRE II. 163
haliitans originaires de ces provinces , ou tions, et injure nostro , semper notatur origo
du moins comme des étrangers naturalisés en patenta, non origo propria et natale solum.
France. Pour qu'un enfant né en pays étranger, soit
Lorsqu'au contraire une province est démem Français , faut-il que le père et la mère soient
hrée de la couronne , lorsqu'un pays conquis Français , ou suffit-il que l'un des deux le soit
est rendu par le traité de paix, les huhitans indistinctement? ou, enfin, l'un des deux doit-il
changent de domination. De citoyens qu'ils être Français plutôt que l'autre? On peut ré
étaient devenus au moment de la conquête ou pondre à ces questions, qu'il n'est pas néces
depuis la conquête , s'ils sont nés avant la réu saire que le père et la mère soient Français ou
nion ; de citoyens qu'ils étaient par leur nais citoyens ; mais pour savoir lequel des deux , ou
sance , jusqu'au temps du démemhrement de la du père ou de la mère , doit être Français ou
province, ils deviennent étrangers. citoyen , pour que l'enfant le soit , il faut distin
Ils peuvent cependant conserver la qualité et guer si l'enfant est né en légitime mariage . ou
les droits de citoyens, en venant s'étahlir dans non : s'il est né en légitime mariage, il faut que
une autre province de la domination française; le père soit Français pour que le fils le soit
car, comme ils ne perdraient la qualité de ci aussi : un enfant né en pays étranger d'une
toyens . qui leur était acquise , en continuant de Française et d'un étranger, serait réputé étran
demeurer dans la province démemhree ou rendue ger. C'est dans cette espèce qu'il faut entendre
par les traités de paix, que parce qu'ils seraient toutes les lois qui disent que l'enfant suit l'ori
passés sous une domination étrangère, et qu'ils gine du père : toutes parlent de l'enfant né en
reconnaîtraient un autre souverain, il s'ensuit légitime mariage. Telle est la loi, au code de
que, s'ils restent toujours sous la même domi municip. et origin. : Filios apud originem pa
nation , s'ils reconnaissent le même souverain , trie , non in maternâ civitate , et ai ihi nati
ils continuent d'être citoyens , et demeurent eint (simodo doufcitiis non retineantur) , ad
dans la possession de tous les droits attachés à honores , seu munera passe compelli explorat*
cette qualité. juris est. C'est ce que nous apprend aussi Ul-
On demande si l'on ne devrait pas considérer pien : Qui ex duohus campams parentihus
comme citoyens ceux qui sont nés dans un pays natns est , Campanus est ; sed si ex patre vam-
sur lequel nos rois ont des droits et des pré pano , matre puteolanâ , œqué Campanus est.
tentions, lorsqu'ils viennent s'étahlir dans le Si , au contraire, l'enfant n'est pas né en légi
royaume. Quelques anciens auteurs l'avaient time mariage , il faut que la mère soit Française.
ainsi pensé; mais il est constant aujourd'hui Cette distinction est une suite de la règle géné
qu'on les regarde comme étrangers. rale , qui veut que l'enfant qui est né en légitime
Il y a cependant cette seule différence entre mariage, suive la condition du père : Cùm le
eux et les autres auhains, que les auhains ont gitimœ nuptiœ sunt , patrem liheri sequuntur ;
hesoin de lettres de naturalité pour acquérir les et que celui qui n'est pas né en légitime ma
droits de citoyens , et qu'il suffit à ceux-là d'oh riage , suive la condition de la mère : Vulgô
tenir des lettres de déclaration. quœsitus matrem sequitur. L. 19, ff. de statu
Au reste, pour que ceux qui sont nés dans hom. Et on ne peut nous opposer le paragraphe
les pays de la domination française , soient 5 du titre 8 des Fragmens d'Ulpien , où il est dit
réputés Français, on ne considère pas s'ils sont que l'enfant né d'un Latin et d'une Romaine était
nés de parens français ou de parens étrangers , si Latin ; car cela avait été étahli par une loi par
les étrangers étaient domiciliés dans le royaume, ticulière ( la loi Mencia) contre la règle géné
ou s'ils n'y étaient que passagers. Toutes ces rale. Adrien, par un sénatusconsulte , ahrogeu
circonstances sont indifférentes dans nos usages : même par la suite la loi Mencia : mais , d'ailleurs,
la seule naissance dans ce royaume donne les nous n'avons aucune loi semhlahle parmi nous,
droits de naturalité, indépendamment de l'ori il faut donc recourir à la règle générale, qui
gine des père et mère , et de leur demeure. veut que l'enfant qui n'est pas né en légitime
Il n'en était pas de même chez les Romains ; mariage, suive la condition de sa mère, et eu
car on ne regardait comme citoyens que ceux qui conclure que l'enfant né d'une Française est
étaient nés de citoyens : mais ils regardaient Français.
comme citoyens , ainsi que dans notre droit Après avoir vu quelles sont les personnes .
français , tous ceux qui étaient nés de citoyens , que nous devons regarder comme Francais et
quoiqu'ils ne fussent pas nés à Rome , ni même comme citoyens , il faut voir quelles sont celles
dans l'étendue de l'empire romain : c'est ce que que nous devons appeler étrangers.
remarque Cujas , ohserv. 33. Rectè Romanum Ou appelle étrangers ceux qui sont nés de
interpretatn ur Hnmû oriendum : quà appella parens étrangers , et hors des pays de la domi
164 TRAITÉ DES PERSONNES.
nation française, soit qu'ils fassent résidence jusqu'à cinq sous : ils ne pouvaient avoir d'au
continuelle dans le royaume, soit qu'ils y de tres héritiers légitimes , que les enfans nés dans
meurent pour un certain temps seulement, soit le royaume. S'ils n'en avaient pas , le seigneur
qu'ils n'y soient que simples voyageurs. leur succédait. (Ext. des Reg. de la ch. des
Nous réunissons ici deux conditions. La pre comptes.)
mière, que l'aubain soit né en pays étranger; la Si aujourd'hui la condition des aubains est
seconde , qu'il soit né de parens étrangers ; moins dure, elle n'est cependant pas semblable
parce que , comme nous l'avons prouvé , la seule à celle des citoyens ; ils sont privés de plusieurs
naissance hors du royaume ne suffit pas pour droits dont ceux-ci jouissent. Nous allons par
rendre étranger. courir ces différences.
Nous devons regarder comme pays étrangers 1s Les étrangers ne peuvent ni posséder un
tous ceux où le roi de France n'est pas reconnu. bénéfice , ni tenir un office , ni faire aucune
Ainsi on doit regarder comme des aubains, tous fonction publique dans ce royaume. L'Ordon
ceux qui sont nés dans des pays sur lesquels nance de 1431 rend les étrangers , de quelque
nos rois ont à la vérité des droits constans et qualité qu'ils soient , incapables de tenir arche
légitimes , mais où néanmoins leur autorité est vêchés , évêchés , abbayes , dignités , prieurés et
méconnue. Tels sont le royaume de Naples , la autres bénéfices, de quelque nature qu'ils soient,
république de Gènes , le duché do Milan et le en France : ils sont cependant relevés de cette
comté de Flandre, dont nos rois ont été en pos incapacité s'ils obtiennent des lettres de natu-
session quelque temps , mais qui obéissent ralité ; il n'est pas même nécessaire qu'ils se fas
aujourd'hui à d'autres princes. Ceux qui sont sent naturaliser , il suffit qu'ils obtiennent des
nés dans ces États, sont réputés aubains, jusqu'à lettres de capacité.
ce qu'ils aient obtenu des lettres de déclaration. Il y a cependant des bénéfices d'un ordre supé
Il en faut dire autrement de ceux qui sont nés rieur , que ceux mêmes d'entre les étrangers qui
dans une province qui appartient a un prince ont été naturalisés , sont encore incapables de
étranger , lorsque ce prince , pour raison de cette posséder. L'Ordonnance de Blois , art. 4, dit que
même province, reconnaît le roi pour son sei nul étranger , quelques lettres de naturalité qu'il
gneur suzerain. ait obtenues , ne peut être pourvu d'archevêchés,
d'abbayes de chef- d'ordre , d'évêchés , nonob
SECTION II. stant toute clause dérogatoire qu'il peut obtenir,
à laquelle le roi ne veut pas qu'on ait aucun
«il quoi l'état des aubains diFkève-t-il de égard. On a regardé ces places comme si impor
CELUI DES CITOYENS? tantes dans l'ordre de la religion, et dans celui
du gouvernement , qu'on a cru ne devoir les
Avant d'entrer dans l'examen des droits pro confier qu'à des Français originaires. Il parait
pres aux citoyens, dont ne jouissent pas les cependant aujourd'hui que la disposition de l'Or
étrangers , on verra avec plaisir quelle était l'an donnance n'est pas suivie dans toute son étendue.
cienne condition des aubains dans le royaume. A la vérité, les lettres de naturalité, dans la
Il parait qu'on distinguait alors deux sortes forme ordinaire, ne suffisent pas pour habiliter
d'étrangers : les uns qu'on nommait aubains r un étranger à posséder ces dignités éminentes ;
c'était ceux qui étaient nés dans les États voi mais le roi y insère souvent une clause particu
sins , et dont on pouvait connaître l'origine ; les lière pour les relever de cette incapacité, et
autres qu'on appelait êpaves , c'était ceux qui nous avons des exemples d'étrangers qui en ont
étaient nés dans les États éloignés de la France, été pourvus.
et dont on ignorait la véritable patrie. Les évêques ne peuvent aussi nommer pour
Les uns et les autres , aubains ou épaves , leurs grands-vicaires des étrangers ; il faut qu'ils
étaient en quelque sorte regardés comme serfs, soient Français, soit par origine, soit par natu
ou du moins leur condition ne différait pas de ralisation. Des lettres de capacité ne suffiraient
celle des serfs. Ils étaient contraints de payer pas pour les habiliter à remplir ces fonctions.
une redevance annuelle plus ou moins forte, Nos Ordonnances ne parlent pas des simples
suivant la coutume des lieux. Ils ne pouvaient vicaires; c'est pourquoi on demande si des évê
se marier à d'autres qu'à des aubains, sans le ques pourraient donner des lettres de vicariat à
consentement du seigneur : s'ils le faisaient sans des étrangers. 11 y a lieu de penser qu'ils ne le
son consentement, ils étaient sujets à l'amende. pourraient pas, parce qu'entre les fonctions de
Lors même qu'ils l'avaient obtenu, ils ne devaient simples vicaires, il y en a plusieurs qu'on doit
pas moins le formariage , qui était la moitié ou regarder comme des fonctions publiques et
le tiers des biens. Ils ne pouvaient tester que civiles , dont on sait que tous les étrangers sont
PARTIE I, TITRE II. îr.j
incapables dans ce royaume. Les étrangers ne en laquelle l'étranger , appelant de la sentence
peuvent aussi exercer aucun office sans lettres rendue contre lui par le premier juge, et con
de capacité. Cela a lieu pour toutes sortes d'of firmée par le juge d'appel , a été condamné pour
fices, de justice, de finance et de guerre : cela son fol appel. Bacquet tient la négative, et son
doit même s'observer pour les offices des sei opinion est établie sur les principes, et suivie
gneurs. dans l'usage. La caution ne s'oblige qu'avec le
Les évèques ne peuvent aussi nommer pour défendeur; elle ne contracte qu'avec lui : elle
leurs officiaux des étrangers : il en faut dire de ne peut donc être tenue que des condamnations
même des autres officiers des cours ecclésiasti qui interviennent à son profit; mais l'amende
ques. prononcée contre l'appelant n'est pas à son
Enfin les étrangers ne peuvent exercer aucune profit, elle appartient au fisc : la caution n'en
fonction publique, de quelque nature qu'elle peut donc pas être tenue.
soit. Ils ne doivent pas être reçus au serment Cette caution est due in limine litis. Le défen
d'avocat : ils ne pourraient pas être principaux deur ne peut être contraint de fournir ses
ni regens dans les universités. Il faut même défenses , qu'après qu'elle a été présentée et
observer qu'on ne confère des degrés à des étran reçue en la forme ordinaire ; il peut la demander
gers , qu'à la charge de n'en pas faire usage dans par forme d'exception ; on prétend que, s'il avait
le royaume. Par l'art. 17 de l'Ordonnance de défendu au fond sans exiger cette caution, il ne
Blois , il n'est pas permis aux prélats de donner serait plus recevable à l'exiger dans le cours de
à ferme le temporel de leurs bénéfices à des l'instance , à moins qu'il ne fût en état de prouver
étrangers qui ne seront pas naturalisés, habi qu'il ne connaissait pas la qualité d'étranger dans
tués et mariés en ce royaume. Cette loi leur la personne du défendeur.
défend de le faire, sous peine de saisie de leur Cette caution peut étr» exigée de l'étranger ,
temporel , qui doit être distribuéaux pauvres du tant en cause principale que d'appel. (Bacquet,
lieu. Bacquet ( Tr. du Dr. d'aub. 15, n. 8) dit n. 5.) Mais si, en première instance, il était
que cela doit aussi avoir lieu pour les fermes du défendeur , et que , par appel , il se fût constitué
domaine du roi, des aides, des gabelles, et appelant au demandeur, on ne la pourra exiger
autres fermes publiques. de lui.
Les aubains ne peuvent faire la banque Lorsque deux étrangers plaident ensemble , si
dans le royaume, sans une caution suffisante le défendeur l'exige du demandeur, il ne peut
de 150,000 liv., reçue devant le juge des lieux l'y faire condamner, qu'il ne l'offre respective
et renouvelée tous les cinq ans. (Edit de 1563 , ment de son côté.
art. 78. Ordonnance de Blois , art. 357.) 3« Il y a cette différence entre le régnicole et
2>>L'étrangerdoit donner lacaution juoVcafum l'étranger , que l'un est admis au bénéfice de
soivi, c'est-à-dire d'acquitter les condamnulions cession, et que l'autre ne l'est pas.
qui pourront intervenir contre lui , quoiqu'on Suivant l'Ordonnance de 1673, le bénéfice de
n'exige pas une semblable caution des citoyens. cession est la faculté que la loi accorde au dé
L'étranger n'est cependant tenu de donner cette biteur qui est poursuivi par ses créanciers,
caution , que lorsqu'il ne possède pas d'immeu d'anéantir et de faire cesser leurs poursuites , en
bles situés dans le royaume , parce qu'on n'exige faisant une cession de tous ses biens à leur
cette caution que pour servir de sûreté à celui profit.
qui l'appelle en jugement, qui ne pourrait pour- 4« L'Ordonnance de 1667 , qui abroge la con
luivre cet étranger, qui se retirerait hors le trainte par corps en matière civile en faveur des
royaume s'il venait à être condamné. Au reste, citoyens , la laisse subsister à l'égard des étran
cette caution n'est due par l'étranger, que lors gers, et avec raison, puisque cette contrainte
qu'il est demandeur, et non lorsqu'il est défen rigoureuse est presque la seule voie que les
deur; parce que, s'il comparaît en jugement, créanciers puissent avoir contre 1rs débiteurs
ce n'est que parce qu'il y est forcé. (Arrêt du 13 étrangers pour les forcer au paiement, si l'on
février 1581. considère qu'ils n'ont pas pour l'ordinaire des
La caution jurlicatum solvi contracte l'obli biens immeubles situés dans leroyaume , et qu'ils
gation de payer non seulement l'objet de la peuvent facilement en retirer tout ce qu'ils ont
condamnation principale , mais encore tous les en meubles ou en effets mobiliers.
accessoires, c'est-à-dire les dépens faiis tant en 5« Il y a certains actes solennels, où l'on ne
première instance qu'en cause d'appel, avec les peut prendre pour témoins que des régnicoles ,
dommages et intérêts, en cas qu'il y eût lieu et dans lesquels les étrangers ne peuvent en ser
d'en adjuger. Mais on demande si la caution peut vir ; c'est ainsi que l'Ordonnance des testamens,
être poursuivie pour le paiement de l'amende , entre les qualités qu'elle exige des témoins qui
166 TRAITÉ DES PERSONNES.
doivent assister à ces sortes d'actes, fait mention et que l'on ne peut lui supposer d'autre situation
de celle de régnicoles. Il faut cependant en que le domicile du créancier qui demeure hors
excepter les testamens militaires faits en pays du royaume.
étranger, où les étrangers peuvent être admis D'acquet , en son traité du droit d'aubaine ,
pour témoins, pouvu qu'ils jouissent d'une répu propose quelques autres questions relatives à
tation sans atteinte. cet objet. La première consiste à savoir si deux
6« Quoique les étrangers puissent faire toutes conjoints peuvent se faire un don mutuel dans les
sortes de contrats entre-vifs; quoiqu'ils puissent, Coutumes qui le permettent, lorsqu'ils sont tous
par cette voie . disposer des biens qu'ils ont en deux étrangers, ou même lorsqu'il n'y en a qu'un
France , soit à titre onéreux , soit à titre gratuit, d'eux qui te soit.
ils ne peuvent cependantdisposerdes biens qu'ils Bacquet embrasse l'affirmative, parce que,
ont en France, soit par testament, soit par tout dit-il, le don mutuel est un acte entre-vifs; les
autre acte à cause de mort, en faveur d'étran étrangers peuvent faire toutes sortes d'actes
gers ou de régnicolus ; les étrangers ne peuvent entre-vifs, ils peuvent donc faireun don mutuel.
aussi rien recevoir , soit par testament , soit par Il rapporte un arrêt du 26 novembre 1551 , qui
quelque ai.tre acte a cause de mort , quoiqu'ils l'a ainsi jugé. Mais ne pourrait-on pas dire, au
soient capables de donations entre-vifs. Cette contraire , que le don mutuel est un acte à cause
différence, que la loi établit entre les actes de mort, qui n'est pas permis entre étrangers?
entre-vifs et les actes à cause de mort , en per Cette question souffre beaucoup de difficulté.
mettant les uns aux étrangers , et en leur inter Le don mutuel diffère à quelques égards des
disant les autres , est fondée sur la nature même donations à cause de mort, en ce que le don
de ces actes. mutuel doit être fait par personnes en santé ,
Les actes entre-vifs sont du dvoit des gens ; qu'il est sujet à insinuation , et qu'il ne peut
les étrangers jouissent de tout ce qui est dudroit être révoqué que par un consentement mutuel ;
des gens; ils peuvent dont faire toutes sortes mais on peut opposer de l'autre côté qu'il se fait
d'actes entre-vifs. La faculter de tester active dans la vue de la mort , et ne peut avoir d'exécu
et passive est au contraire du droit civil, testa- tion qu'après le prédécès de l'un des deux con
menti factio estjuris civilis ; les étrangers ne joints : deux caractères essentiels aux donations
jouissent pas de ce qui est du droit civil ; ils ne ù cause de mort.
doivent donc pas avoir cette faculté ou ce droit. Ceux qui pensent que les aubains ne jouissent
Observez que quelques personnes prétendent que du droit des gens, leur refusent aussi le
que les aubains ne sont capables que des actes droit de faire un don mutuel , uniquement parce
qui sont du droit des gens , et qu'ainsi ils ne qu'il est du droit civil, sans entrer dans la ques
sont pas capables des actes entre-vifs , qui sont tion de savoir si c'est un acto entre-vifs , ou si
du droit civil. c'est un acte à cause de mort.
L'incapacité où sont les étrangers de dispo La seconde question de Bacquet consista à
ser, par un acte à cause de mort, de leursbiens , savoir si un étranger pouirait faire, par un
ou de recevoir par testament , a lieu , soit que contrat de mariage, une institution d'héritier,
l'étranger soit domicilié dans le royaume, soit ou une donation de tous biens présens ou à
qu'il n'y soit que passager ; mais il faut obser venir. 11 soutient l'affirmative, et établit son
ver que l'incapacité où est l'étranger de tester , sentiment sur la faveur qu'ont parmi nous les
ne peut avoir lieu que pour les biens situés dans contrats de mariage; mais, nonobstant cela,
le royaume. Ainsi il faut plutôt dire que l'étran nous regarderions l'institution d'héritier et la
ger ne peut pas tester des biens qu'il a en donation entre-vifs . dans la partie qui contient
France, que d'assurer indéfiniment qu'il ne peut la donation des biens à venir, comme nulles,
pas faire de testament; quoiqu'il soit établi en puisque l'un et l'autre de ces actes sont des actes
France , il peut avoir le droit de tester par la à cause de mort , qui sont interdits aux étrangers
loi de son pays, et l'exercer pour les biens qui par les lois du royaume. Ceux qui refusent aux
y sont situés. aubains la capacité nécessaire pour les actes
Conformément à ces principes , on demande entre-vifs , doivent nécessairement regarder
si un étranger, domicilié hors du royaume, qui cette institution d'héritier, et cette donation
a une créance a exercer contre un Français , des biens présens et ù venir, aussi comme nulles.
pourrait léguer cette créance : il y a lieu de On nous propose enfin une troisième ques
penser qu'il le pourrait, pareeque cette créance, tion beaucoup plus difficile que les deux pre
soit qu'elle soit mobilière ou immobilière, n'est mières : c'est de savoir si une femme étrangère
pas censée avoir de situation; qu'on doitla regar peut prétendre au douaire coutumier , ou prétix,
der comme inhérente à la personne du créancier, sur les biens de son mari qui sont situés dans le
PARTIE I, TITRE II. 167
royaume. A l'égard du douaire coutumier, nous aux enfans la loi du royaume , qui les exclut de
ne croyons pas qu'on puisse le lui refuser. Ce la succession de leurs père et mère , mais les
douaire a été établi par la Coutume pour pour enfans ne peuvent se l'opposer entre eux.
voir à la subsistance de la femme après le décès Cependant, pour que ces enfans, qui ne sont
de son mari. Ce sont en quelque sorte des ali- pas nés Francais, qui ne sont pas naturalisés ,
mens que la loi lui assure. La femme étrangère puissent succéder concurremment avec leurs
ne les mérite pas moins que celle qui est Fran frères et sœurs , il faut qu'ils demeurent dans le
çaise. Quant à ce qui concerne le douaire préfix, royaume.
il faut consulter les circonstances. S'il n'excède 3« Les aubains qui sont propriétaires de
pas le douaire coutumier , ou s'il est moindre , rentes créées par le roi , à la charge qu'elles
on ne peut encore le contester à la femme étran seraient exemptes du droit d'aubaine , peuvent
gère ; mais s'il était beaucoup plus considérable transmettre à leurs pavens la succession desdites
que le douaire coutumier, comme s'il tendait à rentes seulement.
faire passer à la femme la propriété des biens 4« Les marchands étrangers fréquentant les
dont la loi ne lui accordait que l'usufruit, on foires de Lyon , et qui décèdent ou en venant
pourrait le regarder alors comme une donation auxdites foires , ou en s'en retournant , ou pen
à cause de mort déguisée , dont la femme étran dant le séjour qu'ils y font, transmettent leurs
gère ne serait pas capable : mais si on ne lui successions mobilières à leurs parens.
permettait pas de profiter de la libéralité entière 5« Les ambassadeurs , envoyés , résidens et
de son mari, peut-être serait-il de l'équité de autres ministres étrangers, les gens de leur
substituer au douaire préfix le douaire coutu suite , peuvent transmettre la succession de leurs
mier. meubles seulement.
On oppose à ce sentiment, dans le système Si on excepte ces cas particuliers , les aubains
de ceux qui n'accordent aux aubains que le droit ne peuvent pas avoir d'héritiers. Leurs propres
des gens, qu'une femme aubaine ne peut pré enfans, soit qu'ils soientétablis dans le royaume,
tendre que le douaire préfix , et non le douaire ou non , ne peuvent même leur succéder. Les
coutumier, parce que le douaire préfix est une biens que les étrangers ont en France, appar
loi de son contrat de mariage, qui doit être tiennent au roi à titre d'aubaine. Nous ne trai
exécutée , et sans laquelle elle ne serait pas terons pas ici de ce droit.
mariée : le douaire coutumier, au contraire, 6« On demande si les étrangers peuvent se
est une faveur de la loi civile , qui n'a eu en servir de la prescription : de celle de trente ans,
vue que les citoyens et non pas les étrangers. de celle de dix ans entre présens , et vingt ans
7« Les étrangers ne peuvent transmettre leurs entre absens, de celle de cinq ans pour les
successions à leurs parens étrangers ou régni- rentes constituées, et autres que la loi a éta
coles , ni recueillir les leurs. Cette règle souffre blies.
cependant quelques exceptions. 1« Les aubains On répond qu'ils peuvent s'en servir, parce
transmettent leurs successions à leurs enfans que la prescription a été introduite pour empê
légitimes nés dans le royaume, et qui y font cher que le domaine des choses fût incertain ,
leur demeure. Ces enfans nés dans le royaume ne in incerto dominia rerum maneant ; et que
communiquent même ce bénéfice i leurs frères cet objet ne serait pas rempli , si la prescription
et sœurs nés hors du royaume , lorsqu'ils y ont n'avait pas lieu en faveur des étrangers , comme
leur domicile. en faveur des citoyens.
2« Les aubains transmettent leurs successions D'ailleurs, on peut dire que la prescription ,
à ceux de leurs enfans demeurant dans ce pour acquérir ou pour libérer, est établie sur
royaume, qui ont obtenu des lettres de natura- la présomption d'un titre ou d'un paiement : or
lité , lorsqu'ils ont fait insérer dans leurs lettres cette presomption s'élève également en faveur
qu'ils pourront succéder à leurs père et mère de l'étranger que du citoyen. Enfin il y aurait
étrangers. une extrême injustice à permettre contre les
On pourrait demander si, dans ce cas, les étrangers la prescription , tandis qu'ils ne pour
enfans naturalisés communiqueraient le droit raient pas eux-mêmes s'en servir.
qu'ils ont de succéder à leurs frères et sœurs On oppose à cette décision que les aubains
non naturalisés, qui ne sont pas nés Français. ne peuvent se servir de la prescription nommée
Il semble qu'il y ait la même raison de le usucapion t parce que le droit d'acquérir par
décider que dans l'espèce précédente ; tous les cette prescription est un bénéfice de la loicivile :
enfans ont un droit égal aux successions de leurs aussi , par les lois romaines , le droit d'usucapion
père et mère. La loi de la nature les appelle était propre aux seuls citoyens romains ; les
tous à les recueillir. Le roi peut bien opposer étrangers n'en pouvaient jouir.
168 TRAITÉ DES PERSONNES.
II faut dire la même chose de la prescription mission et cette reconnaissance de l'étranger ne
de cinq ans pour les rentes constituées : c'est permet plus de le regarder comme tel.
une faveurqu'elle a accordée aux débiteurs; elle
n'a eu en vue que les citoyens. Quant à la pres SECTION III.
cription de trente ans , il parait qu'on peut
l'accorder à l'aabain ; car cette prescription est COMMENT LES ETRANGERS PEUVENT ACQIF.RIH
fondée sur la présomption que celui quiapossédé LES DROITS DR CITOYENS.
la chose pendant un temps si considérable, en est
effectivement propriétaire , et que, s'il n'apporte Les étrangers ne peuvent acquérir le droit de
pas le titre d'acquisition queluiet sesauteurs en citoyens français que par les lettres de natura-
ont pu faire de l'ancien propriétaire, c'est que, lité. Un étranger qui aurait demeuré pendant
pendant un laps de temps aussi considérable, il a plusieurs années en France , qui s'y serait marié,
pu survenir plusieurs accidens qui aient donné qui y aurait eu des enfans , ne serait pas moins
lieu à l'égarement de cetitre. Orcetteprésomption regardé comme étranger ; il faut même observer
n'étant fondée que sur le laps de temps , et étant que les aubains qui auraient obtenu des lettres
indépendante de la qualité de la personne du du roi pour posséder des offices ou des bénéfices,
possesseur , elle milite à l'égard du possesseur ne sont pas censés naturalisés ; ces lettres n'ont
aubain comme de tout autre : d'où il suit que d'autre effet que de les relever d'une incapacité,
l'aubain peut, comme un autre, user de la qui les rend inhabiles à posséder un office, ou
prescription qui en résulte, cette prescription un bénéfice dans ce royaume : il n'y a que les
n'étant pas une grâce de la loi civile accordée lettres de naturalité qui naturalisent les étran
aux citoyens. gers , et qui leur attribuent sans réserve les
Par la même raison , un aubain peut opposer droits de citoyens. Le roi seul peut naturaliser
la prescription de trente ans à ses créanciers les étrangers : cet acte est un exercice de la
contre ses obligations personnelles , et toutes les puissance souveraine , dont il est le seul déposi
autres prescriptions qui sont fondées sur une taire.
présomption de l'acquittement de l'obligation . Ces lettres de naturalité s'obt iennent en grande
7« On demande si l'étranger peut exercer le chancellerie , et elles doivent être enregistrées
retrait lignager : il ne le peut. Les arrêts l'ont en la chambre des comptes : c'est le seul enre
ainsi jugé, parce que, pour exercer le retrait gistrement essentiellement nécessaire, sans le
lignager , il faut être parent du vendeur du côté quel les lettres ne peuvent avoir aucun effet; et
et ligne dont l'héritage lui était propre , et que l'enregistrement au Parlement, au domaine,
l'étranger ne peut avoir aucune parenté civile. quelquefois à la cour des aides, est plutôt pour
Il eu faut dire autrement du retrait féodal : faciliter l'exécution des lettres , que pour assurer
l'aubain , seigneur de fief, peut l'exercer, ainsi leur validité.
que tous les autres droits féodaux : la raison en Ces lettres s'accordent moyennant une somme
est que ces droits sont réels plutot que person proportionnée à la fortune de celui qui les ob
nels, et que les coutumes les accordant à raison tient ; quelquefoisie roi en fait remise ; c'est ce
de la chose, ils sont indépendans de la qualité qui arrive, lorsque le roi les accorde en récom
des personnes , et il suffit à l'aubain d'être pro pense des services qu'un étranger a rendus à la
priétaire du fief auquel ces droits sont attachés, France. Le paiement de cette finance est comme
pour qu'il puisse en jouir et les exercer. une indemnité du droit d'aubaine , auquel le roi
8« Lorsque nous avons une guerre avec une renonce par les lettres de naturalité qu'il ac
puissance étrangère , tous les étrangers qui sont corde.
soumis à cette puissance, sont obligés de sortir Les étrangers naturalisés jouissent de presque
du royaume dans le temps qu'on a fixé ; ils doi tous les droits des citoyens , si l'on excepte quel
vent aussi mettre hors de leurs mains tous les ques dignités éminentes dans l'Eglise, qu'ils ne
biens qu'ils possèdent en France. S'ils ne font peuvent occuper sans une permission expresse
pas l'un et l'autre dans le temps qui leur est du roi. Ils sont capables de posséder toutes
indiqué, le roi s'empare de leurs biens; ils sortes d'offices et bénéfices ; ils ne sont pas te
peuvent aussi eux-mêmes être arrêtés , et alors nus de donner la caution judicatum aolvi ; ils
on les oblige de payer une rançon pour obtenir doivent être admis au bénéfice de cession ; la
leur liberté. contrainte par corps n'a pas lieu contre eux en
Cette injonction faite aux étrangers de sortir matière civile ; i's peuvent être témoins valables
du royaume , ne comprend pas les naturalisés ; dans toutes sortes d'actes, même les plus so
ils ont reconnu le roi comme leur souverain : lennels. On ne peut leur refuser l'exercico du
celui-ci les a avoués comme ses sujets. Cette sou retrait lignager ; ils ont la faculté de tester et de
PARTIE I, TITRE II. 169
receYoir par testament, et de transmettre leurs Les esclaves nègres qui sont affranchis dans
successions et de succéder. nos colonies , y acquièrent tous les droits de ci
Il faut cependantobserverque les étrangers na toyens. Nos Ordonnances portent que leur affran
turalisés ne peuvent testerqu'en faveur de Fran chissement leur tiendra lieu de naissance dans
çais ou d'étrangers naturalisés, comme ils ne le pays où ils auront été affranchis.
peuvent aussi transmettre leurs successions On a aussi naturalisé les étrangers qui au
qu'à ceux de leurs pai ens qui sont nés français , raient servi pendant un certain temps dans nos
ou qui ont été naturalisés. La raison pour la armées de terre. Tout récemment , on a accordé
quelle ils ne peuvent tester au profit d'un étran le même privilège à ceux qui serviraient cinq
ger, ni lui transmettre leurs successions , vient ans sur mer.
moins d'un défaut de capacité en eux , qu'en Il y a quelques peuples qui jouissent des
la personne des étrangers, qui sont incapables droits d'originaires français , les uns sous la con
de toutes dispositions testamentaires , de toutes dition de venir s'établir en France, les autres
successions légitimes. même en demeurant hors du royaume. Sur quoi,
L'étranger naturalisé doit avoir pour héri il faut observer que les lettres de naturalité sont
tiers ses plus proches parens régnicoles , encore censées renfermerlacondition de demeurer dans
qu'il y en eut de plus proches en pays étranger. le royaume , et que , pour que l'étranger puisse
Eir effet , l'héritier n'est pas le plus proche pa en profiter sans cette demeure, il faut qu'il y
rent seulement , mais le plus proche parent a se ait une clause qui l'en dispense. Enfin, il faut
dire et porter l'héritier ; l'étranger ne possède faire attention à ne pas confondre l'exemption
que la première de ces deux qualités , il n'y joint du droit d'aubaine , avec la concession des droits
pas la seconde ; il ne peut donc pas être regardé des originaires français.
comme le véritable héritier; cette qualité ap Les particuliers ou les peuples exempts du
partient donc au plus proche parent régnicole. droit d'aubaine , ne sont pas pour cela citoyens :
On demande si la veuve de l'étranger natura cette concession ne leur en acquiert pas les
lisé lui succède, lorsque cet étranger n'a pas droits. Seulement celui qui l'a obtenue , est
de parens régnicoles, en vertu de ledit undù capable de disposer par testament des biens qu'il
vir et uror. On peut dire que , lorsque le roi a a dans le royaume, et de les transmettre à ses
accordé des lettres de naturalité à cet étranger , héritiers légitimes ; mais ils ne pourraient rece
il n'a eu d'autre objet que do lui permettre de voir une disposition à cause de mort, qui leur
transmettre sa succession aux héritiers légitimes, serait faite par un Français, ni la succession
à ceux: que le vœu de la nature et de la loi du légitime d'un régnicole. (Arrêt de 1739 contre
sang y appelaient pour la recueillir; mais dès les Genevois. )
qu'il ne s'en trouve pas , le droit du roi revit ; il Lorsque nos rois, par quelque traité particu
n'a prétendu favoriser que l'étranger naturalisé. lier, ont accordé à une nation les droits de na
Il semble cependant que la femme a droit de turels français , elle en doit jouir tant qu'il n'y
succéder à cet étranger naturalisé : la femme a pas de guerre entre elle et nous ; car s'il sur
est une héritière légitime. On ne peut tirer au vient quelque rupture , on n'y a plus égard.
cune induction de ce que le roi exclut le haut- Si la paix vient à être rétablie , il faut savoir
justicier; le haut-justicier est un héritier irrégu si elle est rétablie sous les mêmes conditions que
lier, il ne succède qu'aux biens inbona vacantia; dans les traités précédens, car alors le droit de
en conséquence , il n'est tenu des dettes que naturel français revit en faveur de cette nation.
jusqu'à concurrence des biens. La femme, au Que si le traité ne parlait pas du droit d'aubaine,
contraire, est une héritière régulière de son et qu'il n'eût aucune relation avec les précédens
mari; elle est tenue indéfiniment des dettes. traités, il faudrait avoir recours au droit commun .
Les lettres de naturalité ne sont cependant pas
le seul moyen par lequel les étrangers puissent SECTION IV.
obtenir les droits de régnicoles ; quelques villes
du royaume ont obtenu de nos rois que tous COMMENT LES FRANÇAIS PERDENT LES DROITS DE
ceux qui viendraient s'y établir , seraient natu RÉGNICOLES.
ralisés : ces villes sont Lyon , Toulouse et Bor
deaux. (Voyez Coquille, sur la Coutume du Les Français qui ont abandonné leur patrie
Nivernois. ) sans aucun esprit de retour , perdent la qualité
La nécessité de peupler nos colonies a en et les droits de citoyens. C'est pourquoi Loisel
gagé nos rois à naturaliser tous les étrangers met au rang des aubains ceux qui , étant natifs
qui s'y transporteraient , dans la résolution d'y du royaume , s'en sont volontairementabsentés.
former un établissement fixe et durable. (R. 48, tit. 1, liv. I.)
Tome V.
17<> TRAITÉ DES PERSONNES.
Mais on doit présumer toujours cet esprit de • sition d'immeubles , transport de leurs fa
retour , à moins qu'il n'y ait quelque fait con n milles et biens , pour y prendre établissement
traire qui détruise uno présomption aussi bien « stable et sans retour, à peine de confiscation
fondée , et qui prouve une volonté certaine de o de corps et de biens, et d'être réputés étran-
s'expatrier. Tout autre fait ne peut que faire « gers. s
naître des soupçons qui s'évanouissent si le Fran Il faut ajouter à tout ce que nous avons dit ,
cais revient dans le royaume, quelque longtemps que les peines prononcées par cet édit ne s'en
qu'il ait demeuré en pays étranger : que s'il y courent pas ipso facto , et qu'il faut qu'on ait
était mort , le soupçon croîtrait. intenté contre le sujet une accusation de déser
Le mariage qu'il y contracterait , ne pourrait tion, sur laquelle sera intervenu un jugement.
non plus que faire naître des soupçons ; mais il Sans cela , il conserve toujours les droits de ré-
ne serait plus permis de douter de son dessein gnicole.
de s'expatrier, s'il avait établi le centre de sa Les enfans nés hors de France , de Français
fortune en pays étranger , s'il s'y était fait pour expatriés, ne sont privés des droits de régnicoles,
voir de quelque office ou bénéfice , surtout s'il qu'autant qu'ils demeurent en pays étranger.
s'y était fait naturaliser ; car on ne peut obtenir S'ils viennent en France, ils recouvrent tous les
des lettres do naturalité, sans se reconnaîtra droits de citoyens. C'est l'avis deBoyer , décision
sujet du prince à qui on les demande. 13 : Filius in Hispaniâ conceptus et natus à
Le Français sorti du royaume sans conserver patre et matre gallis qui in llispaniam perpe
l'esprit de retour , devient presque de la mémo tuœ morœ causâ migrarunt , revenus in Gal-
condition que les étrangers. liasn ad domicilium originis paternœ , animo
Il y a seulement une différonco entre les perpetua ibi manendi sine fraude r potezt et
étrangers et les Français expatriés , qui est que succedere > et ad retractum ventre. Cela a été
les Français recouvrent les droits de régnicoles, ainsi jugé par arrêt vulgairement appelé l'arrét
en revenant dans leur patrie avec dessein d'y de Langloise. (Bacquet, chap. 39, du Droit
fixer leur demeure; car nous ne pensons pas d'aubaine. )
qu'ils doivent être assujettis , comme le préten Il faut, néanmoins, observer que ces enfans,
dent quelques auteurs , à prendre des lettres de quoique nés en pays étranger, doivent succéder
réhabilitation , si ce n'est peut-être dans lo seul à leurs père et mère, qui seraient sortis du
cas où ils so seraient fait naturaliser en pays royaume sans aucun esprit de retour. En effet ,
étranger, pour effacer cette reconnaissance d'un puisqu'il est constant que les enfans nés en
autre souverain que celui de France. France d'un étranger, lui succèdent, quoique
Ce Français, qui revient en France, ne re l'étranger ne puisse pas transmettre sa suc
couvre les droits do rcgnicolc que du moment cession , il en doit être de même de l'enfant éta
de son retour : ainsi il ne peut recueillir les bli en France, qui est né en pays étranger d'un
successions qui lui sont échues , ni les disposi Français expatrié : car il n'est pas moins Fran
tions faites à son profit pendant son absence. çais que celui qui est né en France de paiens
Quelques auteurs prétendent qu'il y a encoro étrangers : sa condition doit donc être la même.
une différence entre les Français cxpatriés et Nos lois ont prononcé des peines particulières
l'étranger , qui est qu'ils peuvent transmettre contre les religionnaires fugitifs ; elles ont voulu
leurs successions à leurs héritiers légitimes, sans que , lorsqu'ils reviendraient dans leur royaume,
que le roi puisse s'emparer de leurs biens à titre après qu'on leur aurait fait leur procès pour
d'aubaine. (Bacquet, chap. 40, n. 4, du Droit crime de désertion , ils fussent tenus de prêter
d'aubaine. ) un nouveau serment de fidélité entre les mains
L'Ordonnance la plus récente contre ceux du gouverneur de la province, et de faire pro
qui s'expatrient est l'Ordonnance de 1669. Elle fession de la religion catholique. Mais ces lois
s'explique en ces termes : « Défendons à tous ne sont pas exécutées, et il faut avouer que la
« nos sujets de s'établir sans notre permission jurisprudence sur l'état des Français expatriés
« dans les pays étrangers par mariage, acqui- est très -incertaine.
PARTIE I, TITRE III. 171
TITRE III.
Division des personnes par rapport à oelles qui ont perdu la vie civile et
celles qui Pont recouvrée.
flous no distinguons pas , ainsi que les Ro l'abdication volontaire de tous les droits que
donne la vie civile. La profession religieuse, qui
mains , deux sortes de morts civiles : l'une , qui
emporte la privation de tous les avantages éta fait perdre la vie civile , se consomme par l'é
mission des vœux solennels.
blis, soit par le droit civil en faveur des citoyens,
soit par le droit des gens en faveur de tous des Pour que les vœux soient solennels , il faut
hommes libres ; l'autre , qui ne privait que des que cinq choses concourent.
1 9 sans donner atteinte aux seconds. 1« Que l'ordre dans lequel ils sont faits, soit
. nos mœurs, nous ne connaissons que la approuvé dans l'Eglise et dans l'Etat.
première de ces morts civiles. Parmi nous , les 2« Qu'ils soient reçus par un supérieur , qui
morts civilement perdent tous les droits qui en ait le pouvoir par les constitutions de l'ordre.
Nous ne reconnaissons pas , dans nos mœurs , de
sont, soit du droit civil , soit du droit des gens.
Non seulement ils ne peuvent point tester ni professions tacites, quoique quelques-unes de
recevoir par testament , succéder ni transmettre nos Coutumes en fassent mention : et il en résulte
leur succession ; ils ne peuvent encore ni con que, lorsqu'il est certain qu'un religieux n'a pas
tracter, ni acquérir, ni posséder. Ils peuvent fait de vœux solennels, le seul habillement ne
cependant recevoir des alimens , parce que tous peut les suppléer.
ceux qui ont la vie naturelle, en sont capables. 3« Que celui qui les prononce ait l'âge re
Tel est I etat dans lequel Argon et Domut sem quis. Celle de Blois avait réduit à seiie ans ac
blent nous les représenter. complis le temps de la profession , qui , aupara
Quoiqu'il n'y ait parmi nous qu'une mort ci vant , suivant l'Ordonnance d'Orléans , ne
vile, qui produit les mêmes effets à l'égard de pouvait être qu'à l'àge de vingt-cinq ans pour les
tous ceux qui l'ont encourue , on distingue ces mâles , et vingt ans pour les filles. Mais , par édit
pendant, si l'on considère la cause qui produit du mois de mars 1768 , l'âge requis a été fixé ,
la mort civile , deux sortes de morts civilement.à compter du 1" janvier 1769, à vingt-un ans
Les uns sont ceux qui ont encouru la mort accomplis pour les hommes , et à dix-huit ans
civilo par l'abdication volontaire qu'ils ont faite
aussi accomplis pour les filles. Celui ou celle
d'eux-mêmes des droits de la vie civile, par leurqui , étant né le soir , ferait profession le matin
profession dans un ordre religieux. Les autres du dernier jour de sa vingt-unième ou dix-
sont ceux qui ont encouru la mort civile par la huitième année, ferait-il cette profession vala
condamnation à une peine dont elle est la suite blement? Non ; car tant qu'il reste quelques
nécessaire. uiomens , il est vrai de dire que l'année n'est pas
L'Ordonnance des substitutions de 1747 dis accomplie On peut tirer en argument la loi 3 ,
tingue ces deux sortes de morts civiles : elle ne£ 3, ff. de minor. 25 annù, qui décide qu'uno
conserve ce nom , qui , dans nos mœurs a qu elquepersonne est encore mineure de vingt-cinq ans
chose de flétrissant , qu'aux derniers , c'est-à-le dernier jour de sa vingt-cinquième année,
dire a ceux qui on encouru la mort civile par avant l'heure à laquelle elle est née, l'année
quelque crime grave; et elle nomme les religieux devant se compter à momento ad momentum.
profès incapables d'effets civils. 4« Il faut qu'il y ait au moins un an d'inter
valle , entre le jour auquel le religieux a pris
SECTION PREMIÈRE. l'habit de religion , et celui de sa profession ,
DE CEUX QUI SONT INCAPARLES U'EI PETS CIVILS suivant qu'il est porté par l'Ordonnance de Blois.
PAR LA PROFE8SION DANS UN ORDRE RELIGIEUX. La même loi défend d'admettre aucune fille à
profession , qu'elle n'ait été examinée par l'évé-
La profession religieuse consiste dans la sépa que, ou par un de ses grands-vicaires . et que la
ration du siècle, et par conséquent ron ferme causo leur en ait paru légitime et valable.
-
172 TRAITÉ DES PERSONNES.
Nos rois ont voulu qu'il y ait des actes de vê toutes les formalités requises par les canons de
tu re et de profession qui en assurent la vérité. l'Eglise et les lois de l'Etat, le religieux devient
Ils ont, à cet effet, ordonné qu'il y eût dans incapable de tous effets civils : l'ordre dans le
chaque monastère et maison religieuse un re quel il entre, forme bien un corps dans l'état ,
gistre en bonne forme, relié, coté et paraphé qui peut acquérir des droits , posséder des biens,
en tous ses feuillets par le supérieur, et approuvé et exercer les actions qui en résultent ; mais les
par un acte capitulane inséré au commencement. particuliers qui^e composent ne sont plus censés
( Ordonnance de 1667 , lit. 20 , art. 15. ) y exister. Si même le religieux profès devient
La déclaration de 1736 veut que chaque acte titulaire d'un bénéfice; si, en cette qualité, il
et registre soit double , l'un desquels doit de a des droits à exercer, c'est plutôt le bénéfice
meurer à la communauté, et l'autre doit être qui est censé agir , que le religieux , qui n'en
porté au greffe du bailliage du lieu , pour y avoir est que l'administrateur.
recours. Comme le religieux devient, au moment de
Chaque acte de vêture, ainsique de profession, l'émission de ses vœux solennels , incapable de
doit être inscrit sur ce registre, signé de celui tous effets civils, dès cet instant sa succession
qui a pris l'habit ou fait profession, du supérieur est déférée à ses pai ens qui se trouvent eu degré
et de deux témoins. (Art. 16, tit. 20, Ordon de lui succéder.
nance de 1667. Par la même raison, s'il a fait un testament,
5« Il faut que la profession ait été volontaire. son testament est confirmé par sa profession re
Tout ce qui peut lui ôter cetto qualité la rend ligieuse, comme il l'aurait été par sa mort natu
nulle : la violence, la crainte , l'erreur, le dol, relle.
peuvent donner lieu ù une réclamation contre Il ne peut aussi rien posséder en propriété,
des vœux. Il faut cependant, pour que la crainte contracter, succéder à ses paiens, jouir des
et la violence puissent annuler les vœux, qu'elles droits de famille, assister comme témoin à un
aient été capables de faire impression sur l'esprit acte oùles témoins sont requis pour la solennité ;
d'un homme constant. Le dol et l'erreur dot- en un mot, faire aucune fonction publique. 11
vent aussi être de nature à ne pouvoir faire re peut néanmoins être entendu comme témoin
garder le consentement , qui a été donné en dans une enquête ou dans une information; car,
conséquence , comme valable. comme ces actes n'ont d'autre objet que de dé
Comme il est de l'intérêt public que l'état des couvrir la vérité, tous ceux de qui on la peut
hommes ne soit pas incertain , on a cru devoir apprendre , doivent être entendus , et par con
fixer un temps , dans lequel celui qui aurait séquent les religieux plus que les autres , puis
fait des vœux solennels, serait obligé de récla que la profession religieuse ne les rend que plus
mer contre. Ce temps est fixé à cinq ans depuis dignes de foi , par la sainteté de l'état qu'ils ont
la profession ; et lorsqu'il est écoulé, le religieux embrassé.
n'est plus recevable à proposer ses moyens de Quoique les religieux ne puissent rien possé-
nullité. Il en est à plus forte raison de même , deren propre , il y a cependant plusieurs ordres,
lorsqu'il a approuvé de nouveau volontairement dans lesquels on leur accorde différentes admi
ses vœux ; mais il faut observer que les cinq ans nistrations à gérer. De là s'est formé le pécule,
que le religieux a pu réclamer, ne commencent qu'on peut comparer à plusieurs égards à celui
à courir que du jour que la cause qui donne des esclaves. Ils peuvent contracter pour raison
lieu à la réclamation, a cessé. On doit aussi de leur pécule , s'obliger et obliger les autres
remarquer que, quoique le religieux soit obligé envers eux : ils ont aussi le droit d'en disposer
de réclamer dans les cinq ans, À compter du par quelque acte entre-vifs que ce soit ; mais ils
jour de sa profession , il n'est cependant pas ne peuvent en disposer par testament, ni par
obligé de former sa demande dans le même aucun acte à cause de mort.
temps : mais il ne semble cependant pas qu'on Mais on demande à qui il doit appartenir après
dût lui donner plus de cinq ans pour agir après leur mort. Il faut, à cet égard, distinguer le
sa réclamation. pécule des religieux qui devraient être dans la
Le religieux qui prétend que ses vœux sont communauté , d'avec le pécule de ceux qui ont
nuls, doit s'adresser à l'officialde l'évêque, pour des cures , et qui sont obligés , pour en remplir
en faire prononcer la nullité. Celui-ci doit l'ad les fonctions , de demeurer hors le cloître. Le
mettre à la preuve testimoniale, et si les faits pécule des religieux qui demeurent dans les
sont prouvés par les enquêtes , l'officia| doit communautés, appartient aux communautés,
prononcer la nullité des vœux ; et le religieux puisqu'il est censé acquis de leurs fonds et du
est censé ne l'avoir jamais été. Lorsque la pro travail des religieux, dont elles doivent profiter.
fession est solennelle, lorsqu'elle est faite avec Il y a cependant quelques abbayes réformées ,
PARTIE I , TITRE III. 173
dans lesquelles le pécule des religieux appartient mais s'ils ne sont pas morts civilement, Us con
à l'abbé. tractent néanmoins différentes incapacités ,
Le pécule des religieux-curés provenant des même pendant le temps de leur noviciat.
épargnes qu'ils ont faites sur les revenus de leurs L'Ordonnance des testamens défend de les
cures, qui sont destinées aux pauvres après qu'ils recevoir pour témoins dans ces sortes d'actes.
ont pris leur nécessaire , devrait appartenir aux Ils ne peuvent faire de donations entre-vifs; mais
pauvres de la paroisse. La jurisprudence du Par ils peuvent tester, lorsqu'ils ont l'age requis
lement de Paris est d'en accorder un tiers à la pour le faire. Il est vrai qu'ils ne peuvent faire
fabrique, un tiers aux pauvres , et l'autre tiers à aucune disposition au profit du monastère dans
l'abbaye : mais , au grand conseil , on adjuge le lequel ils entrent , ni d'aucun autre du même
tout à l'abbaye. Il parait qu'on n'adjuge pas le ordre.
pécule des religieux apostats aux communautés Les vœux simples ne rendent pas incapables
qui l'ont laissé vaquer sans le réclamer ; il faut d'effets civils ceux qui les ont prononcés : ils ne
dire que c'est un bien vacant qui appartient au lient point dans le for-extérieur , quoique dans
fisc. le for-intérieur ils soient aussi obligatoires que
Ceux qui prennent le pécule d'un religieux, les vœux solennels. On appelle vœux simples ,
sont obligés d'acquitter les dettes qu'il a con ceux qui ne sont pas faits avec les formalités
tractées; mais ils n'en sont jamais tenus que prescrites pour les rendre solennels.
jusqu'à concurrence de l'émolument qu'ils font. Nous observerons qu'ils s'est élevé , dans le
Quoique les religieux , comme nous avons dit , dernier siècle, plusieurs congrégations régu
ne puissent faire aucune fonction civile comme lières. La nature des engagemens qu'on y forme
religieux , rien n'empêche que , s'ils possèdent varie beaucoup. On peut les distinguer en quatre
une cure , ils ne puissent faire celles qui dépen classes. La première est de ceux qui font des
dent de la qualité de curé. C'est pourquoi , un vœux soiennels , comme les tbéatins et les bar-
religieux-curé, qui peut dresser les actes de nabites. La seconde est de ceux qui ne font que
baptême, mariage et sépulture de sa paroisse, des vœux simples , comme les pères de la mis
et en délivrer des expéditions, peut, par la même sion , autrement dits lazaristes. La troisième
raison, recevoir les testamens de ses paroissiens, classe comprend les ci-devant jésuites , qui
dans les Coutumes qui donnent aux curés le pou commençaient par faire de premiers vœux, pour
voir de les recevoir : mais il ne pourrait pas s'engager après un certain temps par des vœux
assister comme simple témoin à un testament , solennels. La quatrième renferme ceux qui ne
parce que cette fonction est indépendante de sa font aucuns vœux , soit simples , soit solennels,
qualité. comme les oratoriens et les sulpiciens.
Les religieux profès , qui sont élevés à l'épis- Il faut observer qu'il y a aussi plusieurs
copat , sont sécularisés ; ils recouvrent , par leur communautés de filles , dans lesquelles on ne
promotion à cette dignité , la vie civile qu'ils fait pas de vœux ; ou bien ceux qu'on y fait ne
avaient perdue par leur profession ; ils devien sont que simples. '
nent capables de toutes les fonctions publiques ; Les cleres réguliers qui font des vœux solen
ils peuvent acquérir des biens par toutes sortes nels , sont incapables d'effets civils , comme
d'actes; ils ont le droit de disposer par testament tous les autres religieux profès. Ceux, au con
de ceux qu'ils possèdent; ils transmettent leur traire, qui ne font que des vœux simples, con
succession , ab intestat t à leurs parens ; ils ne servent la vie civile et tous les droits qui en sont
peuvent cependant pas leur succéder : enfin ils une suite : ils succèdent à leurs parens, et leurs
sont capables de posséder et d'acquérir des im parens leur succèdent : ils peuvent tester au
meubles. Nous observerons que quelques per profit des autres , comme on peut tester en leur
sonnes refusent aux religieux qui ont été promus faveur; en un mot, ils sont dans le même état
à l'épiscopat, le droit do tester. que s'ils n'avaient fait aucuns vœux, et cela a
Les religieux qui ont obtenu du pape une lieu , soit qu'ils demeurent dans la communauté
dispense de leurs vœux , ne sont pas pour cela où ils se sont engagés , soit qu'ils en soient sor
restitués à la vie civile. Toutes ces dispenses tis. Les cleres réguliers , qui ne font aucuns
sont regardées en France comme abusives , et vœux , jouissent à plus forte raison de tous ces
ceux qui les ont obtenues , ne jouissent pas dans droits.
le royaume, del'étal qu'ils auraient s'ils n'avaient Mais on a long-temps douté de la nature des
pas été religieux. premiers vœux que prononçaient les jésuites. Il
On n'encourt la mort civile que par l'émission ne sera pas inutile de rapporter les variations
des vœux solennels. Il en faut conclure que les de la jurisprudence sur cette matière.
novices la conservent jusqu'à leur profession : 11 est constant qu'on n'a pas regardé les jc
174 TRAITÉ DES PERSONNES.
suites qui n'avaient fait que leurs premiers commissaires pour examiner la question ; mais
vœux, comme incapables d'effets civils. cet examen , ou ne fut pas fait , ou ne servit à
Depuis leur établissement en France, jusqu'au rien. Cenefut que surde nouvelles remontrances
temps de leur exil, c'est-à-dire jusqu'en 1594, et un nouvel examen , que Louis XIV rendit, en
leur état n'était pas même conditionnel ; il ne 17 1S, une déclaration pour tout le royaume.
dépendait pas de leur sortie : ils conservaient Suivant cette nouvelle loi , les jésuites qui
tous leurs droits , même pendant le temps qu'ils avaient fait leurs premiers vœux, étaient vrais
étaient dans la société. religieux tant qu'ils demeureraient jésuites , et
Enfin , s'ils faisaient leurs derniers vœux , ils ils ne jouissaient pas plus do la vie civile que
n'encouraient la mort civile, que du moment tous les autres religieux. Néanmoins, comme ils
qu'ils les avaient prononcés. Ricard parle de plu pouvaient être congédiés de la société , leur état
sieurs arrêts , qui les ont déclarés capables do civil était plutôt en suspens qu'il n'était perdu ;
recueillir des successions , des donations entre- car,s'ils étaient congediés,et qu'ils renournassent
vifs ou à cause de mort , même pendant le temps au siècle , ils étaient censés , quasi quodam jure
qu'ils étaient dans la société. postliminii , n'avoirjamaisperdu leur état civil;
Lorsqu'ils furent rétablis en France, en 1603, si , au contraire , ils restaient dans la société , ils
l'édit de leur rétablissement les déclara , après était censés , par la fiction de la loi Cornélienne ,
leur premier vœu, de la même condition que l'avoir perdu dès l'instant de l'émission de leurs
tous les autres religieux, sous cette modification premiers vœux. Leur état était semblable , en
néanmoins , que, s'ils venaient à être congédiés cela , à l'état des captifs dans le droit romain.
ou licenciés par leur supérieur , ils pourraient De là il s'ensuivait que le jésuite qui était
rentrer dans leurs droits comme auparavant. congédié, rentrait dans tous les droits qu'il avait
Cette dernière disposition de l'article 5 ne passa au moment de l'émission de ses premiers vœux;
pas au Parlement, lors de la vérification de l'édit. que s'il lui était échu quelque succession ,
La cour ordonna qu'il serait fait à ce sujet des pendant qu'il était encore dans la société , à
remontrances au roi , par lesquelles il serait laquelle il eût eu droit , s'il n'eût pas été
supplié de donner une déclaration. jésuite, cette succession était censée véritable
En conséquence de cet arrêté, la modification ment lui être échue , et par conséquent devait
de l'article 5 n'a pas eu d'exécution. Plusieurs lui être restituée.
arrêts ont déclaré les jésuites qui se sont en Il en faut conclure , à plus forte raison, qu'il
gagés par lespremicrs vœux, incapables de toutes devait être admis à recueillir les successions
successions échues ou à échoir, dans le cas qui lui échéaient après sa sortie. Il faut cepen
même où ils avaient été licenciés par leur supé dant observer, qu'aux termes de la déclaration
rieur. Il y en a un de 1631 , qui déclare le sieur de 1715 , il ne pouvait exiger la restitution des
Begat, qui avait été congédié de la société des fruits, soit des biens qu'il avait, soit de ceux qui
jésuites depuis l'émission de ses premiers vœux, lui étaient échus depuis. Il pouvait, néanmoins,
incapable de succéder à son frère. Il y en a un répéter les fruits perçus pendant les deux années
autre de 1632 , qui déboute le sieur Martin , ex- de son noviciat , parce qu'au moment de l'émis
jésuite, de la demande qu'il avait formée en sion de ses vœux , ces fruits avaient changé do
partage contre sa sœur. nature , et faisaient partie de ses biens.
Il paraît cependant qu'on ne les réputait pas De là il résultait aussi que, s'il n'était pas
incapables d'effets civils à tous égards. Lebrun , congédié, les biens qu'il avait au moment de sa
dans son Traité des successions, paraît le décider. profession, étaient censés avoir passé aux héri
Il faut observer que la jurisprudence du Parle tiers qu'il eût eus pour lors, s'il fût décédé ; que
ment de Paris n'était pas généralement reçue. son testament devait être censé confirmé irrévo-
Dans quelques parlemens , on suivait la disposi vocablement dès ce même instant , comme il
tion de l'art. 5 de l'édit de 1603 dans toute son l'eût été par la mort naturelle; et qu'enfin les
étendue. Dans celui de Bordeaux , on admettait successions qui auraient dû lui appartenir, s'il
ceux qui avaient été licenciés dans les cinq ans, eût été licencié, devaient être regardées comme
à partagerourecueillir les successions auxquelles échues à ceux que la loi appelait pour les recueil
la loi les appelait. (Arrêt du 4 juillet 1697.) lir , dans le cas où il n'eût pas existé.
On sentit l'inconvénient que produisait la Mais il faut observer que , pour que le jésuite
variété et l'incertitude de la jurisprudence sur pût rentrer dans les biens qu'il avait au moment
un objet aussi important. Bès 1701 le Parlement de l'émission de ses vœux , et recueillir les suc
de Paris fit un nouvel arrêté , par lequel il cessions qui lui étaient échues pendant le temps
ordonna que le roi serait supplié d'interpréter qu'il avait été jésuite, il était nécessaire qu'il
l'art. 5 de ledit de l603. Louis XIV nomma des fût sorti de la société avant trente-trois ans .
PARTIE I, TITRE IIL. 176
s'il n'en était sorti qu'après sa trente-troisième et qu'ils avaient le pouvoir do tester et do rece
année , il ne pouvait ni rentrer dans les biens voir par testament.
qu'il avait au moment de ses vœux, ni se faire Il y a un arrêt , qui a jugé que le sieur Colas,
restituer les successions qui lui étaient échues : chanoine de Saint-Agnan d'Orléans, congédié
il était même incapable de toutes successions , de la société après l'âge de trente-trois ans , était
qui pouvaient lui échoir par la suite, soit di capable d'un legs qui lui avait été fait par le
rectes ou collatérales. testament de l'un de ses parens.
Pious avons dit que le jésuite congédié après Enfin , dans le cas où ils n'étaient pas dans
l'âge de trenle-trois ans , ne pouvait rentrer les ordres sacrés, ils pouvaient contracter un
dans aucun des biens qu'il avait au moment de mariage qui aurait eu tous les effets civils.
l'émission de ses vœux, quoique la déclaration Nous devons cependant observer qu'il y a des
de 1715 ne parlât que des successions qui leur personnes qui regardaient les jésuites licenciés
étaient échues ; parce que la même raison milite après l'âge de trente-trois ans, comme incapables
dans l'un et dans l'autre cas , et qu'on peut dire de tous effets civils.
que ce terme de trente-trois ans est comme une N. B. « Le roi Louis XV , par son édit du
espèce de prescription que la loi avait établie a mois de novembre 1764, a ordonné que la
contre les jésuites licenciés après cet âge , qui • société et compagnie des jésuites n'aurait plus
ûc leur permettait plus de revendiquer leur u lieu dans son royaume, et néanmoins a permis
biens , ni d'ezercer les droits qui leur étaient « à ceux qui avaient été membres de cette
échus jusqu'au moment de leur sortie. « société, devivreen particuliers dans ses Etats,
De ce que le jésuite qui était congédié après « sous l'autorité spirituelle des ordinaires des
les trente-trois ans , ne pouvait plus rentrer dans u lieux , en se conformant aux lois du royaume.
les biens qu'il avait avant l'émission de ses vœux, • Le roi , par son édit du mois de mai 1777 ,
on qui luiétaient échus depuis, ni même recueil u leur a permis pareillement de vivre dans ses
lir les successions directes ou collatérales qui y Etats comme particuliers, et ainsi que les
pouvaient lui échoir après sa sortie , il ne s'en c. autres ecclésiastiques séculiers, sous l'autorité
suivait pas qu'il fût privé de même de tous les « des ordinaires. Par l'art. 4, sa majesté déclare
autres droits qui dépendaient de l'état civil. Ce u qu'ils ne pourront posséder aucuns bénéfices
n'est pas , en effet , parce que cette loi les a re « à charge d'ame dans les villes , ni y exercer
gardés comme incapables d'effets civils , qu'elle s les fonctions de vicaire ; mais leur permet
a prononcé contre eux cette incapacité , mais , u seulement de posséder dans lesdites villes ou
comme elle le déclare elle-même , pour rassurer « ailleurs des bénéfices simples ou sujets â rési-
l'état des familles, dans lesquelles on avait pu « dence; et leur permet par l'art. 5 do possé-
prcndxc les arrangemens relatifs au juste sujet « der des cures dans les campagnes, ou d'y
qu'on avait de croire que le jésuite ne rentrerait « exercer les fonctions de vicaire.
pas au siècle , et qui se trouveraient dérangés , « L'ort. 7 déclare qu'ils seront à l'avenir ca-
s'il recouvrait le droit de succéder. D'ailleursil « pables de recevoir tous legs et donations , do
suffit de considérer lanature de leurs vœux : s'ils « tester, contracter, et jouir de tous les effets
s'engagaient à demeurer pour toujours dans la « civils, ainsi que les autres sujets du roi , sans
société , les supérieurs avaient le droit do les « néanmoins que ceux qui auraient quitté la
licencier. Leur engagement n'étant donc quo « société après l'âge de trente-trois ans, ou qui
conditionnel . il s'anéantissait si les supérieurs « auraient atteint l'âge de trente-trois ans ac-
les congédiaient. Mais comment peut-on dire « complis lors de l'édit du mois de novembre
qu'un homme qui est sans engagement, sans « 1764 , puissent recueillir aucune succession.
vœux , puisse être incapable d'effets civils? On « Enfin, par la déclaration du 7 juin 1777,
pouvait dont regarder comme le sentimentle plus « sa majesté a déclaré que les ecclésiastiques
unanimement reçu , que ceux qui sortaient des « qui étaient ci-devant dans la société, pourront
jésuites après les trente-trois ans, si l'on en « résider hors du diocèse de leur naissance,
excepte l'incapacité où ils étaient de pouvoir suc « lorsqu'ils en auront obtenu la permission de
céder , devaient être regardés comme les autres o leur évêque, et qu'ils pourront posséder toutes
citoyens; qu'ils conservaient tous les droits de « dignités , canonicats et prébendes dans les
famille ; que , comme aînés , ils pouvaient por 0 cathédrales et collégiales , autres que celles
ter les armes pleines; qu'en cette même qualité, « qui ont charge d'ame , ou dont les fonctions
le droit de patronage leur appartenait ; qu'ils u sont relatives à l'éducation publique , qui
étaient capables d'exercer le retrait lignager , si u leur sont interdites par l'édit ci-dessus daté ,
ce n'est dans quelques Coutumes , où cette fa n à la charge par eux de se conformer aux dis-
culté est comme une suite du droit de succéder; 1 positions dosdits édit et déclaration. s
176 TRAITÉ DES PERSONNES.
Les virux que les chevaliers de Malle pro que les cours souveraines qui pussent hannir
noncent, sont des vœux solennels de religion , hors du royaume ; mais tous lesjuges royaux ont
qui les rendent incapahles de tous effets civils. ce droit; il parait cependant qu'on le conteste
On leur permet cependant d'exiger de leurs père aux juges des seigneurs.
et mère, ou de ceux qui leur ont succédé , une La condamnation aux galères h perpétuité ,
pension . jusqu'à ce qu'ils soient pourvus d'une séquestrant pour toujours le condamné de la
commanderie. société, doit emporter mort civile.
En ce qui concerne les ermites, on doit dire Examinons dans quel temps la mort civile est
que ceux qui n'ont fait aucuns vœux solennels censée encourue par les condamnés aux peines
dans un ordre approuvé , ne sont point reli qui emportent mort civile.
gieux, et par conséquent ne sont point morts Il faut distinguer si la condamnation a été
civilement; cependant ils sont quelquefois rendue contradictoirement ou par contumace.
déclarés incapahles de recueillir les successions Au premier cas, la mort civile est encourue irré
qui leur sont échues , ou qui leur écherraient vocahlement du jour que la condamnation a été
par la suite, lorsqu'ils ont vécu long-temps dans prononcée par un juge souverain , soit qu'il soit
cet état. Arrêt du 17 février 1633, contre Jé juge en première instance , soit qu'il soit juge
rome Delanoûe, rapporté par Brodeau sur Louet, d'appel.
lettre C, som. 8. Quelques auteurs prétendent que , dans le cas
où lejuge souverain est juge d'appel , l'arrêt eon-
SECTION II. firmatif devait avoir un effet rétroactif au jour
de la première sentence : mais il faut considérer
DES MORTS CIVILEMENT PAR LA CONDAMNATIO!s qu'en matière criminelle la première sentence
A I M. TEINE QUI EMPORTE MORT CIVILE. ne forme pas un jugement parfait, qu'on la
regarde comme faisant partie de l'instruction ;
La mort civile n'est pas parmi nous une peine que cette instruction ne reçoit son complément ,
particulière prononcée contre ceux qui ont com que par le dernier interrogatoire que l'accusé
mis quelque crime grave ; elle est , au contraire, suhit en la cour où l'appel est porté; et qu'enfm
une suite d'une condamnation à une autre peine l'on est tellement persuadé que la première sen
qui y donne lieu. tence n'est pas un véritahlejugementjusqu'alors,
1« Celui qui a été condamné à la mort natu qu'on ne la prononce au condamné qu'après
relle, encourt la mort civile, lorsque la con l'arrêt rendu.
damnation ne peut être exécutée. L'on ne doit Si le jugement en dernier ressort est attaqué
plus, en effet, regarder comme existans ceux par la voie de la requête civile, de la révision
qui ont été jugés mériter le dernier supplice. ou de la cassation ; si le jugement n'est pas
2« Celui qui a été condamné aux galères à annulé, la mort civile est encourue du jour de
perpétuité, est réputé mort civilement; il devient l'arrêt contre lequel on s'est pourvu.
même , en quelque sorte, esclave de la peine. Dans le deuxième cas, où la condamnation est
Nous disons à perpétuité, car s'il n'y était con prononcée sans avoir entendu l'accusé , et par
damné que pour un temps, quelque long qu'il contumace , alors la mort civile n'est pas encou
fût , il ne pourrait y avoir lieu à la mort civile. rue du jour du jugement , mais seulement du
3« Le hannissement à perpétuité et hors du jour de l'exécution. Il faut même alors distin
royaume emporte mort civile ; mais il faut que guer si l'accusé s'est présenté , ou a été con
ces deux circonstances concourent. stitué prisonnier , ou s'il est décédé dans les
Le hannissement à perpétuité d'un lieu, ou cinq ans ; ou s'il ne s'est présenté , s'il n'a été
du rovaume pour un temps, ne donne pas lieu constitué prisonnier, et s'il n'est décédé qu'après
à la mort civile; car la mort civile étant une les cinq ans.
image de la mort naturelle, elle doit avoir un Dans le cas où le condamné s'est présenté,
effet perpétuel. Nec enim quia ad certum tem- ou est constitué prisonnier dans les cinq ans, la
pus intelligitur mori. contumace est anéantie, de telle sorte que, si
L'usage n'est pas de hannir les femmes du le condamné venait à mourir, même après les
royaume : en conséquence , Argon prétend que cinq ans, sans avoir suhi une nouvelle condam
les femmes qui auraient été hannies hors du nation , on ne pourrait pas le regarder comme
ressort d'un Parlement, devaient être censées mort civilement. Si même il était condamné par
mortes civilement ; mais nous ne voyons pas jugement contradictoire à la même peine, il ne
quelles peuvent être les raisons de ce senti serait toujours censé mort que du jour du der
ment. nier jugement.
Plusieurs avaient aussi pensé qu'il n'y avait Le jugement de contumace est aussi anéanti .
PARTIE I, TITRE III. 177
si le condamne vient à décéder dans les cinq le condamné peut toujours se représenter ; et ,
ans. Si cependant il était coupable d'un crime par une suite nécessaire, il peut obtenir un ju
qui ne s'éteint pas par la mort , il faudrait faire gement d'absolution qui anéantisse la contu
le procès à sa mémoire , comme s'il n'y avait pas mace : de sorte qu'on ne peut jamais dire qu'il
eu de jugement de contumace. ait encouru la mort civile irrévocablement jus
S'il décède après les cinq ans , sans s'être re qu'au jour de son décès.
présenté et sans avoir été constitué prisonnier, Quelques-uns avaient pensé que cette prescrip
alors il encourt la mort civile du jour de l'exé tion de trente ans avait non seulement lieu pour
cution du jugement par contumace : ainsi son la peine, mais encore pour toutes les autres
état est en suspens pendant les cinq ans. suites de la condamnation. Le contraire a été
11 faut cependant observer que la veuve du jugé à la Tournelle, en 1737.
condamné, ses enfans ou ses parens, peuvent Lorsqu'une personne a encouru la mort civile
obtenir des lettres i l'effet de purger la mémoire par une condamnation à une peine dont elle est
du défunt. S'ils réussissent à faire rétracter la la suite, soit que cette condamnation soit pro
condamnation , il est réputé mort integri atutiU ; noncée par un jugement contradictoire, soit
s'ils succombent, la sentence de contumace a qu'elle le soit par contumace, elle a toujours
tout sou effet . une ressource , pour recouvrer la vie civile ,
Mais que dira-t-on, si le prisonnier ne se re dans la clémence du prince.
présente ou n'est constitué prisonnier qu'après Si la condamnation prononce la peine de
les cinq ans? Il semble qu'il faut distinguer s'il mort , il peut obtenir des lettres d'abolition et de
a obtenu, ou non, des lettres d'ester à droit : rémission ; si la condamnation n'emporte pas
s'il en a obtenu , l'effet de ces lettres est de le peine de mort, il peut obtenir des lettres de
remettre au même état où il était avant l'expi pardon. Ces lettres, lorsqu'elles sont entérinées ,
ration des cinq ans; mais s'il n'en obtient pas, effacent jusqu'au moindre vestige de la condam
la contumace ne peut être anéantie que par un nation. Pion seulement elles remettent la peine
jugement contradictoire; de sorte que, s'il vient du crime , elles sont encore censées éteindre le
A décéder avant ce jugement, il est censé mort crime.
civilement , comme s'il ne se fut pas représenté. Quelquefois il arrive que les lettres que le
Mais on demande si, lorsque le condamné, prince accorde , ne contiennent qu'une commu
soit qu'il se soit représenté dans les cinq ans ou tation de peine : dans ce cas, le condamné ne
après, vient à être condamné, par le jugement recouvre la vie civile, qu'autant que la peine
contradictoire, à la même peine à laquelle il en laquelle a été commuée la première , n'em
avait été condamné par le jugement de contu porte pas mort civile.
mace ; si , dis-je , il encourt la mort civile , ou Si ceux qui ont été condamnés aux galères ,
du jour de l'exécution du jugement de contu ou au bannissement hors du royaume à perpé
mace , ou du jour du jugement contradictoire. tuité , obtiennent des lettres de rappel de ban ou
Il faut décider qu'elle n'a toujours lieu que du de galères, alors ils recouvrent la vie civile;
jour du jugement contradictoire, parce que ce car, comme la mort civile n'est qu'une suite de
jugement annule toujours celui de contumace. la peine à laquelle ils sont sujets , dès que cette
Lorsque celui qui a été condamné par con peine leur a été remise , on ne peut plus les pré
tumace à une peine qui emporte mort civile , ne sumer morts civilement.
s'est pas représenté , ou n'a pas été constitué pri Nous remarquerons que les lettres de commu
sonnier dans les trente ans, il encourt la mort tation de peine, de rappel de ban et de galères,
civile irrévocablement , et il ne peut plus espé n'effacent pas la condamnation , comme les let
rer de revenir à la vie civile, que par des lettres tres d'abolition, de rémission ou de pardon, ni
du prince qui la lui rendent. Comme , après ce la réhabilitation du condamne en ses biens et
temps, il ne peut plus subir la peine dont il a bonne renommée. Ces premières ne font que
obtenu la décharge par la prescription, il n'est changer ou remettre la peine ; les autres remet
plus recevable à se représenter ; et par une con tent le condamné au même état que s'il ne l'avait
séquence naturelle, il n'a plus de moyen do pas été.
purger la contumace, et d'anéantir les suites de Pour que les condamnations dont la mort
lu condamnation qui a été exécutée contre lui. civile est une suite, puissent y donner lieu, il
Cela ne peut avoir lieu , lorsqu'il s'agit du faut qu'elles aient été prononcées en justice
crime de duel ; car comme suivant l'art. 35 de réglée.
l'éditdumois d'août 1679, on n'en peut prescrire Une condamnation à mort , prononcée par un
la peine, même par trente ans, à compter du conseil de guerre contre un soldat pour délit
j our de l'exécution de la sentence de contumace, militaire, n'emporte pas la mort civile du con-
Tomï V. 23
178 TRAITÉ DES PERSONNES.
damné , ni la confiscation de ses biens , il meurt seule qui produise l'infamie; ce n'est qu'impro
integri status , et il transmet sa succession à ses prement qu'on appelle de ce nom les satisfactions
parens. Par la même raison , un ordre du roi qu'on fait aux particuliers pour réparer l'injure
qui enjoint à quelqu'un de sortir du royaume, qu'ils ont reçue ; l'amende honorable envers la
n'emporte pas la mort civile de l'exilé. justice produit l'infamie, soit qu'elle se fasse en
la chambre du conseil ou à l'audience, debout
SECTION III. ou à genoux , nu-tête et en chemise , la corde au
cou, en présence de l'exécuteur de la haute-
DES INFAMES. justice.
Il ne faut pas aussi confondre l'injonction
L'infamie forme un état mitoyen entre ceux d'être plus circonspect, ou la défense de réci
qui jouissent de tout leur état civil , et ceux qui diver, avec le blâme ; ces deux dernières pro
sont morts civilement ; car l'infamie ne fait pas nonciations n'emportent pas d'infamie ; l'au
perdre l'état civil, mais elle y donne atteinte et mône , quoique prononcée par arrêt, n'emporte
le diminue: non consumit , sedminuit. Elle ne pas non plus d'infamie.
s'encourt, parmi nous, que par la condamna Argou , tit. des Peines , prétend que le juge
tion à une peine dont elle est la suite. Exami ment qui prononce contre un officier la priva
nons quelles sont ces peines. tion de son office , et qui le déclare incapable de
1« Tous ceux qui ont été condamnés à la le posséder, emporte infamie; mais on tient au
mort naturelle ou civile , sont censés morts in jourd'hui le contraire pour constant : ce juge
fâmes. Quelques-uns tiennent que le contumace ment rend seulement celui contre lequel il a été
décédé dans les cinq ans meurt infâme; mais ce rendu, incapable de posséder d'autres offices.
sentiment est contraire à l'opinion commune, L'effet de l'infamie est de rendre celui qui l'a
fondée sur l'Ordonnance , que le contumace dé encourue, incapable de posséder aucun office
cédé dans les cinq ans meurt integri status. Le ni bénéfice , et de pouvoir remplir aucune fonc
jugement de contumace est absolument anéanti , tion publique. Cette incapacité fait que non
et l'accusé est réputé mort aussi innocent que seulement on ne peut obtenir, ni acquérir de
s'il n'y avait eu aucun jugement rendu contre nouveaux bénéfices ou offices , mais encore qu'on
lui ; on ne peut donc dire qu'il est mort infâme, perd ceux dont on était pourvu : il y a cependant
l'infamie ne pouvant s'appliquer qu'à celui qui cette différence entre le bénéficier et l'officier ,
est reconnu coupable ; mais on dit , pour l'opi que ce dernier n'est privé que de l'exercice de
nion contraire, que la disposition de l'Ordon son office, et qu'il en conserve la propriété.
nance , qui permet aux héritiers du contumace Ceux qui sont infâmes, ne peuvent ainsi être
décédé dans les cinq ans d'appeler du jugement entendus en déposition , ni être témoins , en ma
de contumace , serait illusoire , s'il était vrai que tière civile , dans quelque acte que ce soit , tes-
la sentence de contumace fût anéantie relative tamens ou autres ; enfin , ceux qui sont infâ
ment à tous les effets qu'elle peut produire ; mais mes ne peuvent tester.
cette objection se détruit , si l'on fait attention Ceux qui sont dans les liens d'un décret d'a
que l'appel des parens n'a d'autre effet que de journement personnel , ou de prise de corps ,
faire cesser les condamnations pécuniaires, et quoiqu'ils ne soient pas regardés comme infà
non pas de faire déclarer le défunt innocent. Si mes, ne jouissent cependant pas d'une réputation
l'on demande pourquoi les parens doivent inter entière. Leur témoignage ne doit pas être reçu,
jeter appel pour se faire restituer contre les con ou du moins il doit être regarde comme suspect ;
damnations pécuniaires , c'est que , comme elles aussi l'Ordonnance regarde-t-elle comme sus
ont été adjugées et exécutées en vertu d'un ju pects , et comme des moyens de reproches légi
gement, il faut recourir à la même voie pour en times , ceux par lesquels les parties prouvent
obtenir la restitution; or celle voie est la voie que les témoins ont été décrétés de prise de
de l'appel. corps , ou d'ajournement personnel ; ils sont
2« Ceux qui sont condamnés à une peine af aussi interdits de toutes fonctions publiques
fective , sont réputés infâmes ; les peines nfflic- pendant qu'ils sont in reatu.
tives sont les galères pour un temps, le fouet et On avait douté si le décret d'ajournement
la fleur-de-lis , le pilori et le carcan. personnel , décerné contre les ecclésiastiques ,
3« Les autres peines qui emportent infamie, les interdisait des fonctions de leur ministère ;
sont , le bannissement pour un temps , ou d'un mais l'arrêt de règlement de 1752 ne laisse plus
lieu ; l'amende honorable , le blame , et l'amende lieu d'en douter.
en matière criminelle confirmée par arrêt. Il faut observer qu'il y a cette différence, en
L'amende honorable envers la justice est la tre les effets de l'infamie , et les suites des dé
PARTIE 1, TITRE IV. 17'.)
crets de prise de corps et d'ajournement person tre les décrets de prise de corps ou d'ajourne
nel , que les uns sont perpétuels , ainsi que l'info - ment personnel, et les décrets d'assigné pour
raie même qui les produit, au lieu que les autres être ouï , que, lorsqu'un accusé, assigné pour
ne durent qu'autant que les décrets ; dès qu'il être ouï, est, faute de se représenter, décrété
est intervenu un jugement, qui décharge l'ac d'ajournement personnel ou même de prise de
cusé, ou qui ne prononce aucune des peines corps , les décrets de conversion n'ayant de du
qui donnent lieu à l'infamie , il rentre absolu rée que jusqu'à ce que l'accusé ait subi interro
ment dans l'exercice de ses fonctions , et il y a gatoire, il s'ensuit qu'il n'emporte interdiction
lieu de penser qu'on ne pourrait reprocher son que jusqu'à ce temps. Au contraire , lorsque le
témoignage. La raison qui a fait joindre une décret de prise de corps ou d'ajournement per
espèce de note aux décrets de prise de corps ou sonnel est originaire, l'interdiction qu'il fait
d'ajournement personnel, est que, comme ces encourir, dure jusqu'à la fin du procès, à moins
décrets ne se doivent décerner que lorsque l'ac que , par un jugement interlocutoire , l'accusé
cusation est grave, et qu'elle est accompagnée ne soit renvoyé en état d'assigné pour être ouï.
de présomptions ou même de preuves considé De même que ceux qui ont perdu la vie ci
rables , ils rendent légitimement suspects ceux vile peuvent la recouvrer en obtenant des let
contre qui ils ont été lancés. tres du prince qui la leur rendent, de même
Au contraire , le décret d'assigné pour être ceux qui ont encouru l'infamie par une con
ouï ne suppose qu'une légère accusation, de damnation à une peine dont elle est la suite,
faibles indices ; il n'emporte aucune interdiction peuvent obtenir des lettres de réhabilitation en
contre ceux contre qui il a été décerné , et il ne leur bonne renommée; ces lettres remettent le
peut diminuer la foi qui est due aux dépositions condamné au même état où il était avant la con
qu'ils font en justice. Ce décret n'est pas d'un damnation ; elles lui rendent tous les droits
usage fort ancien, et il n'a été introduit que qu'elle lui avait fait perdre; il devient de nou
pour conserver les officiers dans leurs fonctions , veau capable d'être pourvu d'offices ou de bé
dont le décret d'ajournement personnel les ren néfices ; il recouvre la faculté de tester ; on ne
dait incapables; il paraissait, en effet, injuste peut plus suspecter son témoignage.
de voir un officier interdit de toutes ses fonc Les lettres de rappel de ban et de galères n'ont
tions , sur la plus légère accusation qu'on for pas le même effet que les lettres de réhabilita
mait contre lui, ou sur de simples soupçons qui tion ; celui qui les a obtenues , demeure toujours
semblaient l'établir. infâme, à moins que , par un nouveau bienfait du
Il faut encore observer cette différence , en prince, il ne soit rétabli en sa bonne renommée.
TITRE IV.
On appelle bâtards tous ceux qui ne sont pas à l'enfant légitimé que le droit de porter le nom
nés d'un mariage contracté suivant les lois du de son père, et ne lui donne pas les droits de
royaume. famille , et par conséquent les droits de succé
L'enfant né d'une conjonction illégitime , peut der ni à son père, ni à sa mère , ni à aucun autre
devenir légitime, si les père et mère contractent parent.
par In suite ensembleun légitime mariage, pourvu Les bâtards jouissent de l'état civil, commun
néanmoins qu'il ne soit pas adultérin , c'est-à- à tous les citoyens, mais ils n'ont pas les droits
dire , que , lors de la conjonction de laquelle il de famille.
est né , ni son père ni sa mère n'aient été enga Par le droit romain , ils appartenaient à la fa
gés dans un mariage avec un autre. mille de leur mère , mais, par le droit français ,
La légitimation par lettres du prince ne donne ils n'appartiennent à aucune famille , toute pa
ISO TRAITÉ DES PERSONNES.
rente naturelle provenant d'une conjonction tions et legs , soit universels , «oit particuliers.
illégitime , n'étant pas considérée dans notre Les batards , quoique légitimés par lettres ,
droit ; de là il suit qu'ils n'ont droit de succé ne succèdent pas à la noblesse de leurs père ou
der à personne , si ce n'est à leurs enfans nés mère ; néanmoins les bâtards des princes , lors
d'un légitime mariage, et qu'il n'y a que leurs qu'ils sont légitimés par lettres , sont nobles.
enfans nés en légitime mariage qui puissent leur Les bâtards nés d'une conjonction inces
succéder. tueuse ou adultérine , sont d'une condition pire
Les bâtards sont incapables de recevoir des que les autres bâtards, en ce que, 1« ils ne
donations universelles , soit entre-vifs , soit par peuvent devenir légitimes que par le mariage
testament de leurs père ou mère , mais ils sont subséquent de leurs père et mère; 2« en ce
capables de recevoir d'eux des donations et qu'ils sont incapables de toutes donations de
legs particuliers, et, à l'égard des étran leurs père ou mère , même à titre particulier ;
gers , ils sont capables de toutes sortes de dona on peut néanmoins leur laisser des alimens.
TITRE V.
Le sexe fait , dans l'état civil des personnes , trouvant avec des hommes dans les assemblées.
une différence entre elles. Celui des hommes L'âge établit encore une différence entre les
est plus étendu. personnes. Les mineurs de vingt-cinq ans sont
Les fonctions civiles et offices publies étant sous la puissance paternelle, ou sous la puis
réservés aux seuls hommes, et interdits aux fem sance de leurs tuteurs; et en conséquence , ils
mes , les femmes ne peuvent donc faire les fonc n'ont ni la disposition , ni l'administration de
tions d'avocats , dejuges ; elles sont incapables leurs biens , à moins qu'ils ne soient sortis de
de tutelle , curatelle , sauf que , par une excep cette puissance par l'émancipation.
tion au droit commun, quelques Coutumes leur Les mineurs , quoique émancipés , ne peuvent
défèrent celle de leurs enfans; elles ne peuvent aliéner les immeubles sans décret du juge : ils
être témoins dans les actes pour la solennité ne peuvent ester en justice sans l'assistance
desquels les témoins sont requis, ete. d'un curateur, si ce n'est en quelques cas parti
Le droit d'interdire aux femmes les offices culiers. Au contraire, les majeurs de vingt-cinq
publies nous est commun avec les autres peu ans sont usans de tous leurs droits , et ont en
ples. Dans le droit romain, feminœ ab omnibus conséquence la libre disposition et administra
officiis cicilibus vel publicia remotœ aunt ; liv.2, tion de leurs biens.
ff. de reg. jur. Ce droit n'est pas seulement Il en faut excepter les interdits , soit pour
fondé sur la faiblesse du sexe , car il y a plu cause de démence, de prodigalité ou de quel
sieurs fonctions civiles qui ne demandent au que défaut corporel , tels que sont les sourds et
cune capacité , telles que celles d'un témoin muets. Ils ne sont pas usans de leurs droits, et
pour la solennité d'un acte , lesquelles ne lais n'ont ni la disposition ni l'administration de
sent pas d'être interdites aux femmes. La prin leurs biens ; ils sont soumis à des curateurs
cipale raison doit se tirer de la pudeur du sexe , qu'on leur crée. 11 faut aussi en excepter les
qui , obligeant les femmes à vivre retirées dans femmes mariées : le mariage les fait passer sous
leurs maisons , pour s'y appliquer uniquement la puissance de leur mari.
à leur ménage , et ne leur permettant pas de se L'âge est aussi considéré pour les fonctions
produire au dehors, surtout in cœtibus virorum, publiques et civiles ; par exemple , il faut avoir
leur interdit, par une conséquence naturelle , vingt-cinq ans pour être juge , vingt ans accom
ces fonctions civiles, qu'elles ne pourraient rem plis pour être témoin dans les actes où les té
plir qu'en se produisant au dehors, et en se moins sont nécessaires pour leur solennite.
PARTIE I, TITRE VI. 181
Enfin, l'âge peut être considéré commo opé la plupart des charges publiques, de la contrainte
rant, dans ceux qui l'ont atteint , une espèce de par corps en matière civile; ils peuvent même
privilège ; par exemple , les septuagénaires , par 6e faire élargir des prisons , où ils sont détenus
l'accomplissement de cet âge , sont exempts de pour dettes.
TITRE VI.
Division des personnes par rapport aux différentes puissances quelles ont
droit dexercer sur d'autres, et qui s'exercent sur elles.
TITRE VIÏ.
Des communautés.
Les corps et communautés étahlis suivant reur ; et il ne peut saisir que les effets qui appar
les lois du royaume , sont considérés dans l'État tiennent au corps.
comme tenant lieu de personnes : veluti per- Cela a lieu , lorsqu'il n'y a que le corps qui
sonam sustinent ; car ces corps peuvent, à l'in contracte seul la dette. Par exemple, lorsqu'une
star des personnes, aliéner, acquérir, posséder ville , par le ministère de ses maire et échevins ,
des hiens, plaider, contracter, s'ohliger, ohli fait un emprunt; lorsqu'un hopital, par le mi
ger les autres envers eux. nistère de ses admininistrateurs , contracte quel
Ces corps sont des êtres intellectuels, diffé que engagement.
rons et distincts de toutes les personnes qui les Mais comme il y a des corps qui n'ont pas de
composent : unicersitas distat à singulis. C'est hiens , comme sont les compagnies d'offices de
pourquoi les choses qui appartiennent à un judicature ou de finance, comme sont les corps
corps, n'appartiennent aucunement pour aucune de métier, ete., lorsque ces corps font des em
part à chacun des particuliers dont le corps est prunts , les créanciers ne se contentent pas de
composé; et en cela, la chose appartenante à l'ohligation du corps : ils font intervenir au
nn corps, rea universitatis , est très-différente contrat tous les memhres , pour qu'ils déclarent
d'une chose qui serait commune entre plusieurs qu'ils s'ohligent tous , tant en corps que cha
particuliers, pour la part que chacun a en la cun d'eux en particulier ; et au moyen de cette
communauté qui est entre eux. Par la même ohligation de chacun des memhres , chacun
raison , ce qui est dû à un corps n'est dû aucu d'eux peut être contraint au paiement , ou pour
nement à aucun des particuliers dont le corps sa portion virile, ou solidairement, lorsque la
est composé : Si quid universitati dehetur , solidarité a été expressément stipulée.
sinyulis non dehetur. Le créancier de ce corps Les memhres d'un corps s'ohligent chacun
ne peut donc point exiger de chacun des parti en leur particulier avec le corps , ou s'ohligent
culiers de ce corps ce qui lui est dû par le corps : seulement eu tant que memhres du corps , et
il ne peut faire condamner au paiement que le dès là même cette ohligation ne passe point à
corps; il ne peut faire commandement qu'au leurs héritiers; ou hien ils s'ohligent en leur
corps , en la personne de son syndic ou procu propre et privé nom , et, en ce cas , ils demou
19fi TRAITÉ DES PERSONNES.
rent toujours obligés , quand mémo ils cesse prendro cette voie ; ou si les statuts ont été ho
raient d'être du corps , et ils transmettent à mologués dans une cour souveraine , il formera
toujours leurs obligations à leurs héritiers. opposition , et sur cet appel ou opposition , il
De ce qu'un corps est une personno intellec assignera le corps ou communauté.
tuelle , il s'ensuit qu'il ne peut pas faire par Enfin, il est de la nature des corps qu'ils
lui-mêmo tout ce que nous avons dit que les aient une espèce de juridiction correctionnelle
corps étaient capables de faire , comme de con sur les membres , dans ce qui concerne la police
tracter, plaider, ete. Il est d'abord de la nature et l'administration du corps et sa discipline.
de chaque corps d'avoir un ou plusieurs procu
reurs, par l'organe desquels ils puissent faire ARTICLE PREMIER.
ces choses. Proprium est universitatis habere
procuratorem seu syndicum. Le procureur des En quelles choses les corps ont-ils moins de
corps et communautés est ordinairement lo droit que les particuliers?
syndic ; il est élu par les membres du corps as Nous avons établi au commencement de ce
semblé , à la pluralité des suffrages. Ses pou titre que les communautés pouvaient, à l'instar
voirs sont plus ou moins étendus , suivant que des particuliers, acquérir et aliéner; mais leur
le corps assemblé a jugé è propos de les éten droit , en cela , n'est pas si étendu que celui des
dre ou limiter, par l'acte par lequel il a été pré particuliers.
posé pour syndic. Le syndic , en contractant , Is En ce qui concerne le droit d'acquérir, ils
oblige le corps dans les choses qui n'excèdent ne peuvent acquérir à tous les titres auxquels
point les bornes de l'administration qui lui a peuvent acquérir les particuliers. Les contrats
été confiée. Le fait de ce syndic est censé le fait à fonds perdu , lorsqu'ils sont à titre de com
du corps : c'est à ce syndic , ou à son domicile, merce , leur sont interdits par les déclarations
que sont données les assignations sur les de du roi , à peine de confiscation des choses qu'ils
mandes que quelqu'un a ù former contre le auraient acquises à ce titre. Suivant ces décla
corps. rations , les communautés ne peuvent recevoir
Outre les syndies , les corps ont ordinaire de deniers pour une rente viagère plus forte
ment un receveur qui est préposé pour recevoir que le denier vingt, réglé par l'Ordonnance; ou
des débiteurs ce qui est dû au corps. Les paie- acquérir des héritages pour une rente viagère
mens qui lui sont faits sont censés faits au qui excède le revenu desdits héritages ; car lors
corps , et il libère les débiteurs par les quittan que la rente excède le revenu de l'héritage, ou
ces qu'il leur donne. Lorsque le corps n'a point l'intérêt de la somme de deniers reçue par la
de receveur, c'est le syndic qui en fait les fonc communauté , cette rente viagère est le prix du
tions. fonds de la chose acquise par la communauté ;
Il est encore de la nature des corps et com et par conséquent le titre d'acquisition est un
munautés, que chaque corps ou communauté contrat à fonds perdu , à titre de commerce ,
puisse se faire des statuts pour sa police et sa que la loi défend aux communautés.
discipline, auxquels tous les membres sont te Que si la rente viagère n'excède pas l'intérêt,
nus d'obéir, pourvu que ces statuts ne contien au fur de l'Ordonnance , de la somme reçue par
nent rien de contraire aux lois , à la liberté la communanté , ou n'excède pas le revenu des
publique et à l'intérêt d'autrui. His potestatem héritages acquis par la communauté , ce con
fncit lex , pactioncm, quam vetint, sibi ferre , trat est excepté en termes formels de la prohi
vlùm nequid expublicd lege corrumpant ; liv. 4, bition de cette loi : car en ce cas , la rente ne
ff. de colleg. et corp. Mais, comme c'est aux peut être regardée comme le prix de la chose ,
magistrats à examiner s'il ne s'est rien glissé mais plutôt comme le prix de la jouissance de
dans les statuts qu'un corps s'est prescrits , qui la chose. Ce n'est donc pas un titre de com
soit contraire aux lois et à la liberté publique , merce, mais plutôt une donation faite à la com
les corps doivent présenter leurs statuts , ou munauté , sous la réserve que le donateur fait
aux juridictions royales , auxquelles ils sont de l'usufruit , dont la rente viagère qui n'excède
soumis immédiatement, ou au Parlement. Ils y pas la valeur del'usufruit lui tient lieu. Or il n'est
sont homologués , s'il ne s'y trouve rien qui pas interdit aux communautésde recevoirdesdo-
puisse empecher l'homologation. nations : il n'y a que les contrats a fonds perdu
Si quelque autre corps, ou quelque particu qui sont à titre de commerce , qui leur sont in-:
lier, se trouvait lésé par ces statuts , il pourrait terdits.
appeler de l'homologation , si le juge qui a ho Les communautés n'ont pas non plus le droit
mologué , est un juge inférieur, ou former son d'acquérir toutes les choses que les particuliers
opposition ù l'homologation, s'il aime mienx ont droit d'acquérir. Dès avant l'édit de I74ft
PARTIE I, TITRE VII. 197
le* communautés n'étaient pas à la vérité inca Cette somme n'indemnise lo seigneur que des
pables d'acquérir des héritages, mais, si elles profits qu'il pourrait recevoir par les aliénations
pouvaient les acquérir, elles n'étaient pas en de l'héritage , s'il restait dans le commerce.
droit de les retenir toujours. Elles pouvaient C'est pourquoi , outre cette indemnité , la com
être obligées de vider leurs moins de ces hérita munauté doit nommer pour son vicaire au sei
ges , soit par les seigneurs de qui les héritages gneur une personne, par la mort de laquelle il
acquis par elles relevaient, soit par te procureur soit dû au seigneur le même profit qui serait
du roi, à moins qu'elles n'eussent obtenu du roi dû par les mutations qui arriveraient par la
des lettres d'amortissement qui les rendissent mort du propriétaire , si l'héritage était resté
capables de posséder et retenir ces héritages , en dans le commerce.
indemnisant les seigneurs. Dans les censives où il n'est point dù de pro
Le droit du procureur du roi d'obliger les fits par la mort du propriétaire, le seigneur ne
communautés à vider leurs mains des héritages peut prétendre de profits par la mort du vicaire,
par elles acquis , est fondé sur l'intérêt public ; lorsqu'il a reçu une indemnité , ou que , par le
car les communautés ne meurent point , et n'a laps de temps, il est présumé l'avoir reçue.
liènent presque jamais les héritages par elles Néanmoins , si le seigneur de censive était en
acquis. Les aliénations mêmes leur sont défen possession de recevoir des profits par la mort
dues , ainsi que nous le verrons ci-apvès. Les des vicaires , il pourrait y être maintenu , parce
héritages qui sont entre leurs mains, sont hors que de cette possession il résulterait une pré
du commerce , et par conséquent le commerce somption qu'il y a eu convention entre ses au
en est d'autant diminué. teurs et la communauté , qu'il serait payé un
Le droit qu'ont pareillement les seigneurs profit par les mutations de vicaire , pour tenir
d'obliger les communautés à vider leurs mains lieu d'indemnité au seigneur, et qu'il n'en au
des héritages par elles acquis , est fondé sur rait point reçu d'autres.
l'intérêt particulier de ces seigneurs. L'émolu Observez que le seigneur reçoit cette indem
ment de la seigneurie directe , qu'ils ont sur les nité pour être indemnisé seulement du préju
héritages , consiste dans les profits auxquels dice qu'il souffre de cette permission ; mais il
donnent ouverture les mutations qui arrivent, n'aliène par-là aucun droit de sa mouvance.
soit par la mort des propriétaires , soit par les C'est pourquoi , si , par quelque cas extraordi
aliénations. Ces seigneurs se trouveraient privés naire, la communauté aliénait l'héritage pour
en entier de l'émolument de leurs seigneuries lequel elle a payé une indemnité, cela n'empê
directes , si les communautés , qui ne meurent cherait pas le seigneur d'exercer tous ses droits
point et qui n'aliènent point , pouvaient retenir sur cet héritage rentré dans le commerce.
les héritages. De là est né le droit qu'ont les Quiiit si la communauté qui a payé l'indem
seigneurs de les obliger à vider leurs mains. La nité , aliénait à une autre communauté? le sei
Coutume d'Orléans en a une disposition (art. 40 gneur pourrait-il contraindre cette communauté
et 41) où elle veut que les communautés soient à vider ses mains de cet héritage . ou lui de
tenues d'en vider leurs mains , dans l'année du mander une nouvelle indemnité? La raison de
jour de la sommation qui leur en sera faite par douter est que , lorsque le seigneur a reçu la
le seigneur d'où ils relèvent; faute de quoi , le première indemnité , il d compté que la com
dit temps passé, elle permet au seigneur de fief, munauté de qui il la recevait n'aliénerait ja
et même de censive , de saisir lesdits héritages, mais l'héritage. Il a reçu l'indemnité de tous les
et percevoir à son profit tous les fruits en pure profits auxquels il pourrait y avoir ouverture à
perte pour les communautés , jusqu'à ce qu'elles toujours ; d'où il semble suivre qu'il ne peut
aient vidé leurs mains. prétendre une outre indemnité , et qu'il ne
il y a trois fins de non-recevoir qui peuvent souffre aucun préjudice de ce que l'héritage
être opposées contre cette sommation des sei passe à une autre communauté. La raison de
gneurs. décider, au contraire , se tire de ce que nous
La première est celle des lettres d'amortisse avons dit déjà, que l'indemnité n'est que le
ment , que la communauté obtient du roi , qui prix de la permission accordée à la communauté
lui donnent le droit de retenir et posséder l'hé de posséder l'héritage. Le droit que la com
ritage par elle acquis : mais comme le roi n'ac munauté a acquis lui est personnel , et ne peut
corde point de grâce au préjudice d'autrui , la passer à l'autre communauté, qu'en recevant
communauté doit , en ce cas , indemnité au sei l'indemnité. Le seigneur n'a aliéné , comme
gneur, qui est ordinairement réglée au tiers nous l'avons dit , aucun droit de sa mouvance ,
du prix, pour les mouvances en fief, et au et ne peut être empêché d'exercer tous ses
cinquième , pour les mouvances censuclles. droits envers cette autre communauté.
198 TRAITÉ DES PERSONNES.
La seconde fin de non-recevoir qui peut être Les choses qu'il est défendu par cette loi
opposée contre les seigneurs , est celle qui ré d'acquérir , ne peuvent être par elles acquises à
sulterait du consentement qu'il aurait donné à quelque titre que ce soit, soit à titre gratuit,
l'acquisition faite par la communauté. Ce con soit à titre de commerce : il ne leur est pas
sentement peut résulter de plusieurs causes : il même permis de les acquérir en paiement de ce
peut s'induire de ce que le seigneur aurait ac qui leur serait dû. Il est défendu à tous les
cepté une reconnaissance du vicaire à lui offerte notaires de passer ces actes à peine de nullité,
par la communauté. Au reste, ce consentement, d'interdiction et d'amende contre le notaire. Il
donné par le seigneur à la communauté, le est aussi défendu à toutes personnes de prêter
rend hien uon-recevahle à contraindre la com leur nom aux communautés pour lesdites acqui
munauté de vider ses mains , mais il ne lui ôte sitions, à peine de trois mille livres d'amende.
pas le droit d'exiger l'indemnité, à laquelle il n'est Les legs faits aux communautés des choses
point censé avoir renoncé par ce consentement. qu'il ne leur est pas permis d'acquérir, sont
La troisième fin de non-recevoir est celle entièrement nuls : il ne leur en est pas même
qui résulte du laps de temps pendant lequel la dû l'estimation ; ce qui est fondé , 1« sur le prin
communauté a joui de ces héritages , sans y être cipe de droit : Rei legatœ , cujus commercium
trouhlée par les seigneurs. Le temps , qui opère legatarius non hahet, nec œnimatio quidem
cette fin de non-recevoir dans les Coutumes qui dehetur; 2« sur ce que l'édit de 1749 ne se
n'ont sur cela aucunes dispositions , est le temps contente pas de défendre aux communautés d'ac
de trente ans, qui est le temps ordinaire des quérir ces sortes de choses ; elle a formellement
prescriptions , ou celui de quarante ans , si le défendu de les leur léguer (art. 17).
seigneur est du nomhre de ceux contre qui on Pourrait-on léguer un héritage à un particu
ne prescrit que par ce temps. La Coutume lier, à la charge qu'il le revendrait et en remet
d'Orléans a fixé le temps de cette prescription a trait le prix à une communauté ? Il parait que
soixante ans. Cette fin de non-recevoir, qui cela se peut faire; car cette disposition ne con
résulte du laps de temps, a plus d'effet que les tient qu'un fidéicommis du tprix de cet héri
deux précédentes, en ce qu'elle ôte ans sei tage, qui est une somme mohilière qu'il est
gneurs , non seulement le droit de contraindre permis à la communauté d'acquérir. Néanmoins
les communautés à vider les mains , mais même l'édit de 1749 déclare cette disposition entiè
celui de leur demander l'indemnité, qui est rement nulle (art. 31). La raison est que la
présumée payée. Le seigneur ne peut , eu co nullité du legs d'un héritage, ou autre chose
cas, demander qu'un vicaire, par la mutation semhlahle , fait aux communautés , n'est pas
duquel il soit dû le même profit qui serait dû seulement fondée sur l'incapacité qu'elles ont
par la mort des propriétaires, si l'héritage était d'en acquérir, mais sur une défense formetle
resté dans le commerce. portée par ladite loi (art. 17) de leur en léguer
L'édit du roi de 1749 a encore heaucoup dimi le prix. Cette loi a donc dû , comme elle l'a fait .
nué le droit qu'avaient les communautés d'ac déclarer cette disposition nulle, comme faite en
quérir. fraude de sa défense.
Auparavant elles n'étaient point ahsolument De là il suit pareillement que le legs d'un
incapahles d'acquérir des héritages: elles acqué héritage, fait à une communauté pour une fon
raient valahlement, sauf à pouvoir être, comme dation , quelque utile qu'elle soit , à la charge
nous l'avons vu , contraintes à vider leurs mains , par la communauté d'ohtenir des lettres paten
dans un certain temps , de ce qu'elles avaient tes, n'en est pas moins nulle, ainsi que cela est
acquis. C'était plutôt la faculté do retenir, qui décidé formellement par l'art. 17. La raison de
leur manquait , que la faculté d'acquérir. douter pourrait être que les communautés peu
L'édit de 1749 a rendu les communautés ahso vent être rendues capahles d'acquérir par de,
lument incapahles d'acquérir aucuns héritages, lettres patentes, ainsi que nous l'alions voir, et
comme fond, de terre, maisons, rentes foncières, qu'un legs fait à un incapahle, sous la condition
droits seigneuriaux et autres droits réels. Il leur qu'il deviendra capahle, cùm capore potuerit .
est même pareillement défendu d'acquérir des peut être valahle. (L. 52, de hœred. s"«a/. ) La
rentes constituées sur les particuliers, même raison qu'a eue l'Ordonnance de décider au
dans les Coutumes où elles sont réputées meu contraire que le legs était nul, se tire de la dé
hles; elles peuvent seulement acquérir des cho fense ahsolue qu'elle u faite de léguer ces sortes
ses mohilières, et des rentes sur le roi et les de choses aux communautés.
communautés, comme sur le clergé, sur les Le roi permet néanmoins aux communautés .
états de provinces, sur les villes et sur quelques en certains cas, pour causes justes et nécessai
autres communautés que ce soit. res, d'acquérir des immeuhles , unis à In charp
PARTIE I, TITRE VII. 199
d'obtenir auparavant l'acquisition des lettres qu'en conséquence d'une nouvelle vente, que
patentes de sa majesté , enregistrées au parle le possesseur de l'héritage même fait volontai
ment, qui permettent d'acquérir, lesquelles rement de l'héritage sujet à ce droit. Ce droit
lettres ne peuvent être accordées ni enregistrées, n'est autre chose que le droit d'être préféré à
qu'il n'ait été préalablement rendu compte de tout autre acheteur; c'est un achat, un nouveau
la nature et de la valeur de l'immeuble, de la titre d'acquisition, que l'exercice de ce droit;
commodité ou incommodité de l'acquisition, d'où il suit que les communautés , étant incapa
Lesdites lettres doivent aussi être communiquées bles d'acheter des immeubles , ne peuvent exer
avant l'enregistrement aux seigneurs, soit de cer ce droit (1).
fief, soit de censive, soit de haute-justice. Par la même raison , l'édit de 1749 décide que
Cetédit, qui défend aux communautés d'acqué les communautés ne peuvent exercer le retrait
rir des héritages, n'empêche pas qu'elles ne féodal des fiefs qui sont vendus dans leur mou
puissent rentrer dans ceux qu'elles ont aliénés, vance; car le retrait féodal, ainsi que celui
lorsque c'est plutôt par la résolution de l'aliéna dont nous venons de parler, étant le droit quo
tion qu'elles y rentrent, que par une nouvelle nous avons d'être préférés à un autre acheteur,
acquisition qu'elles font de ces héritages. Par et d'acheter à sa place , l'exercice de ce droit est
exemple, une communauté peut rentrer dans un véritable titre d'acquisition.
un héritage après l'expiration du temps pour Les communautés peuvent-elles céder à des
lequel elle l'avait aliéné à bail emphytéotique. particuliers leur droit de refus, ou de retrait
Elle peut rentrer dans un héritage qu'elle avait féodal?
donné à rente, parle déguerpissement volon La raison de douter est qu'on ne peut céder
taire qu'en fait le possesseur qui ne veut plus ce qu'on n'a pas; que l'édit de 1749, ayant
payer la rente; ou, lorsqu'à défaut de paiement privé les communautés de ce droit de refus ou
de la rente, elle obtient sentence qui lui permet de retrait féodal , dérogeant à cet enet aux clau
d"y rentrer; car, dans l'un et l'autre de ces cas, ses stipulées parles Coutumes, il semble qu'elles
ce n'est pas une nouvelle acquisition que la n'ont plus ce droit , et par conséquent qu'elles
communauté fasse de cet héritage, c'est plu ne le peuvent céder. Je pense cependant qu'elles
tôt une résolution d'aliénation , par le défaut le peuvent. L'article 25 de l'édit de 1749 , porte :
d'accomplissement de la charge sous laquelle « Les gens de main-morte ne pourront exercer
elle avait été faite, qui était la charge du paie « aucune action en retrait féodal. >• Par ces
ment de la rente. termes , les communautés ne sont pas privées
Par la même raison , si une communauté de ce droit; il leur est seulement défendu de
avait aliéné un héritage avec la clause de réméré, l'exercer par elles-mêmes , parce qu'en l'exer
c'est-à-dire avec la clause qu'elle pourrait , dans çant elles acquerraient un héritage contre la
l'espace d'un certain temps, y rentrer en ren défense de la loi , l'objet de la loi ayant été uni
dant le prix, nonobstant la déclaration du roi, quement d'empêcher les communautés d'acqué
elle pourrait exercer cette faculté de réméré , et rir des héritages , et non pas de les dépouiller
rentrer dans cet héritage; car l'exercice d'une d'aucuns des droits qui leur appartenaient. C'est
faculté de réméré n'est point un nouveau titre pourquoi , si , sans contrevenir à la loi , si , sans
d'acquisition , mais la résolution de l'aliénation acquérir des héritages , elles peuvent jouir de
qui avait été faite sous cette clause. leur droit de refus ou de retrait féodal , et en
En est-il de même de ce qu'on appelle droit retirer quelque utilité par lu cession qu'elles en
de refus ou de prélation, qui résulte de la feront à un particulier , on ne peut pas les en
clause par laquelle je stipule , en aliénant mon empêcher (2).
héritage , que toutes les fois que l'acheteur ou De ce que l'édit de 1749 , en rendant les com
ses successeurs voudront le vendre, ils ne le munautés incapables d'acquérir des héritages,
pourront faire que je n'en aie la préférence? La ne les a pas privées des droits attachés à leur
communauté qui a aliéné un héritage avec cette seigneurie, il s'ensuit qu'elles ne doivent pas
clause, peut-elle, nonobstant l'édil de 1749, en être privées. Par exemple, si le propriétaire
exercer le droit de préférence, lorsque l'héri d'un héritage situé dans le territoire de la j usticc
tage sujet à ce droit viendra à être vendu? Il
faut dire qu'elle ne le peut : ce droit est bien dif
férent du droit de réméré. L'exercice du droit
de réméré se fait sans qu'il intervienne une (l)jugéParauarrél du Parlemens du lo mai 1766, il a
nouvelle vente de l'héritage , et ne contient que clé profil du chapitre de Sainl-Pierre-Emponi
d'Orléans , qu'il pouvait exercer le droit de refas.
la résolution de celle qui avait été faite. Au (a) La déclaration du 6 mai 1774, article 6, eu a
contraire, le droit de préférence ne s'exerce uoe disposition précise.
200 TRAITÉ DES PERSONNES.
appartenant à la communauté , vient à mourir dans cette espèce , a une datecertaine et authen
sans héritier, ou à être condamné à une peine tique avant la publication de l'édit , savoir la
capitale , cette communauté le doit pas être date du testament qui le contient. Au contraire
privée du bénéfice du droit de déshérence ou pour la négative , on dit que les dispositions
de confiscation, qui sont des droits attachés à que l'édit déclare ainsi valables , sont les dispo
son droit de justice. sitions entre-vifs. A l'égard des testamentaires,
Si le vassal d'une communauté commet félo il ne suffit pas que les testamens qui les con
nie ou désaveu, la communauté ne doit pas tiennent aient une date avant la publication ;
être privée de son droit de commise ; mais, il faut que le testateur soit mort auparavant. La
comme les héritages qui adviennent à un sei raison en est que ces dispositions sont des
gneur à ces titres , sont de vraies acquisitions ordonnances de dernière volonté : elles ne sont
qu'il en fait , et que , par l'édit , les communau valables, qu'autant qu'elles sont la dernière
tés sont incapables d'acquérir des héritages, volonté du testateur, qui est présumé avoir
pour concilier cette incapacité avec l'équité, voulu, lors de sa mort, ou du moins au dernier
qui ne permet pas que les communautés soient instant qu'il a été capable de volonté , ce qui est
privées des droits attachés à leurs seigneuries , contenu dans son testament. Or, la loi ayant été
l'édit ( art. 20) donne aux communautés le délai publiée avant sa mort , on ne peut plus dire qu'il
d'un an , pour vendre les héritages qui leur sont ait persévéré dans la volonté de léguer des héri
échus à ces titres : par ce moyen on a satisfait tages à des communautés, ni qu'il a voulu, lors
à la loi, qui ne veut point qu'elles acquièrent de sa mort, les leur léguer; car il ne pouvait
des héritages; et leurs droits leur sont conser plus vouloir alors ce que la loi lui défendait de
vés, puisqu'en vendant à leur profit ces héri vouloir; ou s'il le voulait encore, sa volonté
tages , elles profitent des droits de confiscation , étant injuste et contraire à la loi, elle ne doit
commise, déshérence, et autres semblables at avoir aucun effet. Ces raisons , qui sont prises
tachés a leurs seigneuries. de la nature même des dernières volontés,
Faute par la communauté de satisfaire à cette pourraient paraître décisives pour la nullité du
obligation dans le temps marqué , le roi veut legs, si le contraire n'avait été déjà jugé par
que ces héritages soient réunis à son domaine, deux arrêts, l'un desquels a été rendu en faveur
si les seigneuries des communautés sont dans ses de l'IIôtel-Dieu d'Orléans , pour le testament du
mouvances immédiates ; sinon à celui des sei sieur Barré, chanoine de Sainte-Croix.
gneurs dont ils relèvent, pourvu qu'ils deman Nous avons vu que ce en quoi le droit qu'ont
dent cette réunion dans le délai d'une autre les communautés d'acquérir, consistait, était
année; sinon, la réunion s'en fait au domaine du moins étendu que celui des particuliers : le
roi. droit qu'elles ont d'aliéner, est aussi moins
L'édit de 1749 ne devant avoir lieu que du étendu que celui des particuliers.
jour de l'enregistrement qui en a été fait, suivant 1« Les communautés ne peuvent aliéner leurs
cette règle commune à toutes les lois positives : immeubles qu'en vertu du décret du juge, qui
Leges futuris dant forman1 neyotiis , non ad ne doit leui en accorder la permission , qu'en
prœterita recocantur, il s'ensuit que toutes les grande connaissance de cause et pour des raisons
acquisitions d'héritages , faites par les commu très-puissantes , après une enquête de commodo
nautés avant ce temps , sont valables. C'est ce et incommodo.
qui est porté par Vint. 28 , dont voici les termes: Le droit qu'ont les communautés, à l'instar
a N'entendons rien innover en ce qui regarde les des particuliers, de former des demandes en
• dispositions des actes ci-devant faits en faveur justice , a été aussi limité à l'égard de certaines
- des gens de main-morte, légitimement éta- communautés ; car, par la déclaration du 2
« blis , lorsque ces dispositions ou actes auront octobre 1703, les communautés d'habitans des
« une date authentique avant la publication des villes ne doivent point être reçues à intenter
«présentes , ou auront été faits par des per- aucunes demandes en justice, que la délibéra
w sonnes décédées avant la publication. s tion des habitans pour l'intenter n'ait été auto
De là est née la question , si le legs d'un héri risée par une permission de l'intendant de la
tage fait à une communauté est valable, lorsque province.
le testament est fait par acte pardevant notaires,
avant la publication de l'édit, quoique le testa ARTICLE II.
teur ne soit décédé que depuis. Quels sont les arantages des communautés sur
Tour l'affirmative, on dit que l'édit déclare les particuliers.
valables les dispositions qui ontune date certaine
et authentique avant la publication; que le legs, Si le droit des communautés est plus resserré
PARTIE II. 201
en certaines choses , que celui des particuliers , communautés sont censées n'avoir pas été suffi
elles ont aussi sur eux des avantages en d'autres samment défendues , et ont la voie de la requête
civile contre les condamnations prononcées
Les communautés jouissent de plusieurs droits contre elles par des arrêts ou jugemens en der-
accordés aux mineurs, suivant cette règle :
reip >> minorumjura habent. En conséquence, Les choses appartenantes aux communautés,
les communautés peuvent être restituées par ne peuvent être acquises par un tiers-détenteur,
lettres de rescision , pour cause de lésion consi quoiqu'avec titre et bonne foi , par la prescrip
dérable , contre des engagemens de conséquence tion de dix ans ou de vingt ans, ni même de
qu'elles auraient contractés. Les procès , qu'elles trente : il n'y a que la prescription de quarante
ont à soutenir, soit en demandant, soit en dé ans qui puisse leur être opposée , soit pour
fendant , dans lesquels il s'agit de la propriété acquérir les choses qui leur appartenaient, soit
des biens immeubles a elles appartenans, doi pour se libérer des droits et actions qu'elles
vent , dans les juridictions où les procès se pour avaient. Les communautés ont encore d'autres
suivent, être communiqués aux officiers chargés prérogatives , que nous remarquerons en trai
du ministère public , qui doivent donner leurs tant des différentes matières du droit fran-
conclusions avant le jugement ; faute de quoi les
SECONDE PARTIE.
Des Choses.
DU DROIT
DE DOMAINE DE PROPRIÉTÉ.
CHAPITRE PRÉLIMINAIRE.
1 . Oi1 considère, à l'égard des choses qui sont dans le commerce , deux espèces de droits : le
droit que nous avons dans une chose , qu'on appelle jus in re; et le droit que nous avons par
rapport à une chose, qu'on appelle jus ad rem.
Le jus in re est le droit que nous avons dans une chose, par lequel elle nous appartient , au
moins à certains égards.
Le jus ad rem est le droit que nous avons , non dans la chose , mais seulement par rapport à
la chose , contre la personne qui a contracté envers nous l'obligation de nous la donner.
C'est celui qui naît des obligations , et qui ne consiste que dans l'action personnelle que nous
avons contre la personne qui a contracté l'obligation, ou qui y a succédé , aux fins qu'elle soit
condamnée à nous donner la chose , si elle est en son pouvoir , ou en nos dommages et intérêts
résultans de l'inexécution de l'obligation.
C'est ce jus ad rem qui a fait la matière de notre Traité des Obligations , et de ceux qui ont
suivi sur les différentes espèces de contrats. Nous allons traiter du jus in re.
2. Il y a plusieurs espèces de jus in re, qu'on appelle aussi droits réels.
La principale est le droit de domaine de propriété.
Les autres espèces de droits réels, qui émanent de celui-ci , et qui en sont comme des démem-
hremens , sont les droits de domaine de supériorité , tels que les seigneuries féodale ou cen-
suelle ; le droit de rente foncière; les droits de servitudes, tant ceux des servitudes personnelles ,
que ceux des servitudes prédiales; le droit d'hypothèque.
Nous avons déjà traité du droit de rente foncière dans notre Traité du Bail à Rente, nous ne
traiterons, dans celui-ci, que du droit de domaine, qu'on appelle aussi droit de propriété.
Nous le diviserons en deux parties. Nous verrons , dans la première, ce que c'est que le domaine
de propriété; en quoi il consiste; quelles sont les différentes manières de l'acquérir et de le
perdre. Dans la seconde , nous traiterons des actions qui naissent du droit de propriété. Nous
ajouterons un Traité de la Possession.
Tout V. 27
210 DE LA PROPRIÉTÉ.
PREMIERE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
3.-11 n'y a aujourd'hui (1), à l'égard des meu fruits , d'en disposer à son gré, à la charge de
bles , qu'une seule espèce de domaine , qui est reconnaître à seigneur celui qui en a le domaine
le domaine de propriété. Il en est de même des direct.
héritages qui sont en frauc-aleu. C'est, à l'égard des héritages, le domaine
A l'égard des héritages tenus en fief ou en cen utile qui s'appelle domaine de propriété. Celui
sive, on distingue deux espèces de domaines : le qui a ce domaine utile, se nomme propriétaire ,
domaine direct , et le domaine utile. ou seigneur utile ; celui qui a le domaine di
Le domaine direct , qu'ont les seigneurs de rect , s'appelle simplement seigneur. Il est bien
fiefou de censive sur les héritages qui sont tenus le propriétaire de son droit de seigneurie ; mais
d'eux en fief ou en censive, est le domaine an ce n'est pas lui , c'est le seigneur utile qui est
cien, originaire et primitif de l'héritage, dont proprement le propriétaire de l'héritage.
on a détaché le domaine utile par l'aliénation 4. Le domaine de propriété est ainsi appelé ,
qui en a été faite , lequel , en conséquence , n'est parce que c'est le droit par lequel une chose
plus qu'un domaine de supériorité , et n'est m'est propre, et m'appartient privativement à
autre chose que le droit qu'ont les seigneurs , tous autres.
de se faire reconnaître comme seigneurs par les Ce droit de propriété , considéré par rapport à
propriétaires et possesseurs des héritages tenus ses effets , doit se définir le droit de disposer à
d'eux , et d'exiger certains devoirs et redevances son gré d'une chose , sans donner néanmoins
recognitifs de leur seigneurie. atteinte au droit d'autrui , ni aux lois : Jus de
Cette espèce de domaine n'est point le do re liberé disponendi, ou Jus utendi et abutendi.
maine de propriété qui doit faire la matière du 5. Ce droit a beaucoup d'étendue. Il com
présent traité ; on doit plutot l'appeler domain» prend, 1« le droit d'avoir tous les fruits qui
de supériorité. naissent de la chose , soit que ce soit le proprié
Le domaine utile d'un héritage renferme tout taire qui les perçoive , soit qu'ils soient perçus
ce qu'il y a d'utile ; comme d'en percevoir les par d'autres sans droit.
2« I.o droit de se servir de la chose, non seu
lement pour les usages auxquels elle est naturel
(l) Par l'ancien droit romain, il y AVait, tant à lement destinée , mais pour quelque usage que
l'égard des meubles que des immeubles , deux espèces ce soit qu'il en voudra faire : par exemple, quoi
de domaine: le dominium civile ou quiritarinm , et
le dominium natnrale ou bontsarium. Justinicn, en que les chambres d'une maison ne soient desti
la loi unique, Cod. de nud. jur. i;uir., ayant aboli nées qu'à loger des hommes , le propriétaire a
cette différence, nous n'en dirons rien, f'oy. nos droit d'y loger des bestiaux, si bon lui semble.
Pandectes , r. de acq. rer. dus\., s. t. 3« Ce droit de disposer renferme celui qu'a
PARTIE I, CHAPITRE I. 211
le propriétaire, de changer la forma do sa ce n'est pour de justes causes, en vertu du
chose, putà, en faisant d'une terre labourable décret du juge, et en observant les formalités
un pré ou un étang , aut vice vend. requises pour l'aliénation des biens des mineurs.
11 a droit de convertir sa chose, non seulement La raison est , que le tuteur n'a cet exercice des
en une meilleure forme, mais, si bon lui sem droits que renferme la propriété des biens de
ble, en une pire, en faisant, par exemple, son mineur, que pour l'avantage et l'intérêt de
d'une bonne terre labourable, une terre non la son mineur , et qu'il n'a pas l'exercice de ceux qui
bourable, une terre en friche, qui ne serve qu'au y seraient contraires.
pâturage des bestiaux. Tout ce que nous venons de dire du proprié
4« Ce droit de disposer comprend aussi le taire mineur s'applique pareillement au proprié
droit qu'a le propriétaire, de perdre entière taire en démence , ou interdit pour prodigalité.
ment sa chose, si bon lui semble. Par exemple , Il a bien dans sa personne le fond des droits que
le propriétaire d'un beau tableau a droit de faire renferme la propriété de ses biens; mais sa dé
passer dessus une couleur pour l'effacer j le pro mence ou son interdiction le prive de la faculté
priétaire d'un livre a droit de le jeter au feu , si de les exercer : c'est au curateur de l'interdit
bon lui semble , ou de le déchirer. qu'il appartient de les exercer pour l'avantage
5« Le droit d'empêcher tous autres de s'en et l'intérêt de l'interdit.
servir, sauf ceux qui auraient ce droit en vertu Lorsqu'une femme, en se mariant, passe sous
de quelque droit de servitude , ou auxquels il en la puissance de son mari , elle conserve le droit
aurait , par quelque convention , concédé un de propriété de ses biens : elle a en conséquence
certain usage. le fond des droits que renferme ce droit de pro
6s Le droit de disposer comprend le droit priété ; mais la puissance en laquelle elle est de
qu'a le propriétaire d'aliéner sa chose , et pa son mari , la prive de la faculté de les exercer à
reillement d'accorder à d'autres dans sa chose son gré, ne pouvant aliéner ni disposer de rien
tels droits qu'il voudra , ou d'en permettre seu de ce qui lui appailient, sans l'autorisation de
lement tel usage qu'il jugera à propos. son mari , comme nous l'avons vu en notre
6. Quoique le droit de propriété renferme Traité de la Puissance du Mari.
tous ces droits, le propriétaire ne peut pas 8. L'imperfection du droit de propriété peut
néanmoins toujours les exercer ; il peut en être aussi priver le propriétaire d'une partie des
empêché , ou par un défaut de sa personne , ou droits que nous avons dit être renfermés dans le
par quelque imperfection de son droit de pro droit de propriété, lesquels n'y sont renfermés
priété. que lorsque la propriété est une propriété pleine
7. Les défauts dans la personne du proprié et parfaite.
taire, sont l'âge de minorité , la démence, l'in Une propriété est pleine et parfaite, lors
terdiction , la sujétion d'une femme mariée à la qu'elle est perpétuelle , et que la chose n'est pas
paissance de son mari. chargée de droits réels envers d'autres person
On distingue dans le droit de propriété , de nes que le propriétaire.
même que dans tous les autres droits , le fond Au contraire , elle est imparfaite , lorsqu'elle
du droit cl. l'exercice du droit. doit se résoudre au bout d'un certain temps ,
Un mineur propriétaire a bien le fond de tous ou par l'événement d'une certaine condition.
les droits que son droit de propriété renferme , La propriété d'un héritage est aussi impar
mais il n'en a pas l'exercice, jusqu'à ce qu'il soit faite , lorsque l'héritage est chargé de droits
devenu suant de ses droits par la majorité , ou réels envers d'autres que le propriétaire : car
d'une partie de ses droits par le mariage , ou ces droits réels sont autant de droits qui ont été
par des lettres de bénéfice d'âge. détachés de la propriété.
En attendant, c'est le tuteur de ce mineur La propriété est surtout très-imparfaite, lors
qui a l'exercice des droits renfermés dans le droit qu'elle est chargée d'un droit d'usufruit : elle
de propriété des choses qui appartiennent au est appelée, en ce cas, propriété nue, nuda
mineur ; en conséquence, c'est lui qui a le droit proprietas.
de percevoir les fruits des héritages de ce mi 9. Celui qui n'a qu'un droit de propriété
neur, pour les employer au profit de ce mineur. résoluble d'un héritage, est privé d'une partie
C'est lui qui a le droit de vendre les meubles du des droits que la propriété renferme lorsqu'elle
suineur, pour les employer au profit du mineur, est parfaite. Quoique la propriété, lorsqu'elle
soit au paiement de sus dettes, soit en achat est parfaite , renferme le droit d'en mésuser et
d'héritages ou de rentes. C'est lui qui a le droit de la perdre, il n'est pas permis à celui qui
de donner à bail ou à loyer les héritages du mi n'a qu'une propriété résoluble d'un héritage , de
neur ; mais il n'a pas le droit de les vendre , si le dégrader au préjudice de celui à qui il doit
212 DE LA PROPRIÉTÉ.
retourner par droit de réversion , ou appartenir plusieurs droits qui sont renfermés dans le droit
• à titre de substitution. Il ne lui est pas permis de propriété , lorsqu'elle est parfaite.
d'en changer la forme; et lorsque le temps de Par exemple, le propriétaire d'un héritage
la réversion ou de la substitution est arrivé, lui chargé d'usufruit n'a aucun droit aux fruits qui
ou scs héritiers sont tenus des dommages et naissent de son héritage pendant tout le temps
intérêts résultans de toutes les dégradations qui que doit durer l'usufruit : ils appartiennent pen
s'y trouvent. dant tout ce temps à l'usufruitier. Il ne peut ,
10. Celui qui n'a qu'une propriété résoluble sans le consentement de l'usufruitier , ni chan
d'un héritage, ne peut non plus ni l'aliéner, ni ger la forme de l'héritage, ni y rien détruire,
y concéder des droits à d'autres , que pour le ni y rien construire, ni y imposer aucune servi
temps que doit durer son droit de propriété : tude , ni généralement y faire aucune chose qui
aussitôt que le temps auquel il doit se résoudre , puisse donner atteinte à l'usufruit.
est arrivé , la propriété qu'il a aliénée , en Pareillement , le propriétaire d'un héritage
quelques mains qu'elle ait passé , et qu'elle se chargé de quelque droit réel que ce soit , ne
trouve, se résout de même que si elle était peut rien faire dans son héritage qui puisse don
encore par devers lui ; pareillement ; tous les ner atteinte à ce droit. Par exemple , si l'héri
droits qu'il y a concédés à d'autres , se résol tage, dont j'ai la propriété, est chargé, envers
vent. C'est le cas de la règle : Solulojure dan- le voisin, d'un droit de passage, il ne m'est pas
tia, aolviturjus accipientia. permis de rien faire dans le lieu de mon héritage
11. Observez que, si celui qui a acquis de par où ce voisin a ce droit de passage , qui puisse
bonne foi un héritage, de celui qui n'en avait nuire à ce droit de passage. Pareillement, si
qu'une propriété résoluble , l'a possédé pendant l'héritage dont j'ai la propriété , est chargé d'un
tout le temps requis pour la prescription avec droit de rente foncière , je n'ai pas le droit d'en
la même bonne foi, ignorant toujours que celui mésuser, et de le dégrader, que j'aurais si
de qui il a acquis l'héritage, n'en eût qu'une j'avais une propriété parfaite; mais je suis obligé
propriété résoluble, il acquiert par droit de de le conserver en bon état , pour la sûreté de
prescription , ce qui manquait à la propriété qui la rente qui y est à prendre, comme nous l'a
lui a été transférée, laquelle, de résoluble vons vu en notre Traité du Bail à rente.
qu'elle était, devient une propriété perpétuelle. 13. Nous avons défini le droit de propriété,
La prescription peut donner le droit de pro le droit de disposer à son gré d'une chose ; et
priété à celui qui a acquis de bonne foi un nous avons ajouté, aans donner néanmoins
héritage , de celui qui n'en était pas le proprié atteinte au droit d'autrui. Cela droit s'entendre
taire, et qui n'a pu par conséquent lui transférer non seulement du droit actuel , que d'autres y
aucun droit de propriété : la prescription peut, ont, mais encore du droit de ceux auxquels la
par la meme raison , donner ce qui manquait à chose doit passer un jour. Cela doit s'entendre
la perfection de la propriété de celui qui a acquis non seulement des droits réels que d'autres
de bonne foi un héritage , de celui qu'il croyait ont dans l'héritage, auxquels le propriétaire,
en avoir la propriété parfaite, et qui , n'ayant qui n'a qu'une propriété résoluble ou imparfaite,
qu'une propriété résoluble, ne lui avait trans ne peut donner atteinte , comme nous l'avons
féré qu'une propriété résoluble. vu jusqu'à présent ; cela s'entend aussi du droit
Pareillement , lorsque ceux qui ont acquis des propriétaires et possesseurs des héritages
quelque droit réel dans un héritage , de celui voisins, auquel lo propriétaire d'un héritage,
qui n'en avait qu'une propriété résoluble, ont quelque parfait que soit son droit de propriété,
possédé ce droit do bonne foi pendant le temps ne peut donner atteinte, ni par conséquent
requis pour la prescription, dans l'opinion que faire dans son héritage ce que les obligations ,
celui de qui ils l'ont acquis avait la propriété qui naissent du voisinage , ne lui permettent pas
perpétuelle de l'héritage , ils acquièrent, par la de faire dans son héritage au préjudice de ses
prescription, ce qui manquait a la perfection voisins. / oyez ce que nous en avons dit an
du droit i;u'ils ont acquis , lequel , de droit réso second Appendice que nous avons ajouté a la
luble qu'il était , devient un droit perpétuel. fin de notre Traité du Contrat de Société.
Voyez , sur le droit d'usucapion et de prescrip 14. Enfin, dans notre définition, après ces
tion , pour les cas auxquels ce droit a lieu , ce termes , «ans donner atteinte au droit d'autrui,
que nous en disons infrà , en notre Traité des nous avons ajouté ni aux loia : car, quelque
Pi'escriptions , part. 2. étendu que soit le droit qu'a un 'propriétaire ,
12. Celui qui n'a qu'une propriété imparfaite de faire de sa chose ce que bon lui semble, il ne
d'un héritage, par rapport aux droits réels que peut pas néanmoins en faire ce que les lois ne
d'autres personnes y onl , est aussi privé de lui permettent pas d'en faire. Par exemple,
PARTIE I, CHAPITRE I. 213
quoique le propriétaire d'un champ puisse y C'est pourquoi , lorsque j'ai le droit de pro
planter tout ce que bon lui semble, il ne lui est priété d'une chose, un autre ne peut, per
pas néanmoins permis d'y faire une plantation rerum naturam, devenir propriétaire de cette
de tabac, y ayant des lois qui défendent ces chose , que je ne cesse entièrement de l'être; et
plantations dans le royaume, comme contraires il ne peut en avoir la propriété pour aucune
aux intérêts de la ferme du tabac. part , qu'en cessant par moi d'avoir la propriété
Pareillement, quoique le droit de propriété que j'avais pour la part qu'il en aurait. La
d'une chose renferme le droit de la vendre et de raison est , que propre et commun sont les con
la transporter où bon lui semble, il n'est pas tradictoires. Si on suppose qu'un autre que moi
néanmoins permis de transporter son blé hors soit propriétaire d'une chose dont je suis pro
du royaume , lorsqu'il y a une loi qui en défend priétaire, dès-lors cette chose est commune
l'exportation. Il n'est pas permis ù un marchand entre nous , et si elle est commune, on ne peut
de vendre une quantité considérable de blé dans plus dire qu'elle me soit propre pour le total , et
ses greniers , surtout dans un temps de disette, que j'en aie la propriété pour le total; car
au préjudice des lois de police, qui ordonnent propre et commun sont deux choses contradic
de le mener et de le vendre au marché. toires.
Pareillement , quoique la propriété d'une En cela , le jus in re est différent du jus ad
chose renferme le droit d'en mésuser et de la rem, plusieurs personnes pouvant être, chacune
perdre , un marchand , propriétaire d'une quan pour le total , créanciers d'une même chose ,
tité considérable de blé , qui , en différant trop soit par une même obligation , lorsqu'elle a été
long-temps de le vendre , dans l'espérance que contractée envers plusieurs créanciers solidaires,
le prix du blé enchérirait, l'aurait laissé perdre comme nous l'avons vu en notre Traité des
dans un temps de disette , serait coupable en Obligations , part. 2, chap. 3, art. 7, soit par
vers le public d'une injustice considérable, la différentes obligations, d'un même débiteur,
loi naturelle ne lui permettant pas de laisser soit de différais débiteurs. La raison de diffé
perdre une marchandise d'une première néces rence est : qu'il n'est pas possible que ce qui
sité . au préjudice du besoin que le public en a. m'appartient , appartienne en même temps à un
15. Le domaine de propriété , de même que autre ; mais rien n'empêche que la même chose ,
tous les autres droits, tant l'» re qu'arf rem, qui m'est due , ne soit aussi due à un autre.
suppose nécessairement une personne dans la 17. Plusieurs ne peuvent , à la vérité , avoir la
quelle ce droit subsiste , et à qui il appartienne. propriété de la même chose pour le total, mais
Il n'est pas nécessaire que ce soit une per ils peuvent avoir cette propriété en commun ,
sonne naturelle , telles que sont les personnes chacun pour une certaine part. Cela n'est pas
des particuliers, à qui le droit appartienne : ce contraire à ce que nous avons dit, que la pro
droit, de même que toutes les autres espèces de priété est le droit par lequel une chose nous
droits , peut appartenir à des corps et à des appartient privativement à tous autres ; car ce
communautés , qui n'ont qu'une personne civile droit de propriété, qu'ils ont en commun , est le
et intellectuelle. droit par lequel la chose leur appartient en
Lorsqu'un propriétaire étant mort, personne commun , privativement à tous autres : et ,
ne veut accepter sa succession, cette succession entro eux , la part que chacun y a , lui appar
jacente est considérée comme étant une personne tient a lui seul privativement , même à ses
civile, et comme la continuation de celle du copropriétaires ; car la part que l'un a dans la
défunt; et c'est dans cette personne fictive que chose commune, n'est pas la part de l'autre,
subsiste le domaine de propriété de toutes les et chacun n'a le droit que de disposer de sa
choses qui appartenaient au défunt , de même part.
que tous les autres droits actifs et passifs du dé Ces parts, que chacun de ceux qui ont le droit
funt : Hereditasjacens personœ defunctilocum de propriété d'une chose en commun , ont dans
obtinet. la chose commune, ne sont pas des parts réelles,
16. Le droit de propriété étant , comme nous qui ne peuvent être formées que par la division
l'avons vu suprà , n. 4 , le droit par lequel une de la chose ; ce sont des parts intellectuelles.
chose nous appartient privativement à tous C'est en ce sens qu'il est dit, en la loi 66 , § 2,
autres , il est de l'essence de ce droit , que deux ff. de lcgat. 2« : Pluresin unofundo dominium
personnes ne puissent avoir, chacune pour le juris intellectu , non divisione corporis, obti-
total, le domaine de propriété d'une même nent.
chose : CeUus ait ; Duorum in aolidum domi- Plusieurs peuvent même être propriétaires en
nium vel possessionem esse non posse; l. 5, commun d'une chose qui n'est pas susceptible
§ 15, £f. commod. de parties, même intellectuelles, tel qu'est un
214 DE LA PROPRIÉTÉ.
droit de servitude , qui appartient & plusieurs férons titres : Non ut ex pîarihus cousis idem
copropriétaires d'une maison à qui la servitude nohis deheripotest, ità ex plurihus cousis idem
est due. Quoique , en ce cas , chacun des copro potest nostrum esse : liv. 159, ff. de Reg. Jur.
priétaires de ce droit de servitude le soit pour le Dominium non potest nisiex unâ causa contin-
total, ce droit n'étant pas susceptihle de parties, gere; liv. 3, § 4, de adq. possess.
cela ne donne néanmoins aucune atteinte à la La raison de différence est , qu'il est impos
maxime exposée au nomhre précédent. Duorum sihle que j'acquière ce qui m'appartient déjà.
in solidum dominium esse non potest; car cette C'est pourquoi , lorsque j'ai une fois acquis la
maxime s'entend en ce sens, que plusieurs ne propriété d'une chose en vertu d'un titre , ne
peuvent être chacun séparément propriétaires pouvant plus l'acquérir, elle ne peut m'appar-
pour le total d'une même chose : mais plusieurs tenir qu'en vertu du seul titre par lequel je l'ai
peuvent être propriétaires d'une même chose en acquise : au contraire . rien n'empêche qu'une
commun. Or, dans notre espèce , chacun des chose qui m'est déjà due par un titre , me soit
copropriétaires n'est pas propriétaire séparé encore due par un autre titre. Par exemple , je
ment du droit de servitude; ils ne le sont suppose que Pierre m'a vendu une certaine
qu'en commun ; ils ne le sont totaliter que tous chose ; il fait ensuite son testament , par lequel
ensemhle. il me la lègue. Cette chose m'est due par les
18. Le domaine de propriété, de même que le héritiers de Pierre , à deux titres, et en vertu de
jus ad rem, suppose une cause qui le produit la vente que Pierre m'en a faite, et en vertu du
dans la personne qui a ce droit. Mais il y a cette legs. J'ai contre eux deux actions pour cette
différence, que le domaine de propriété d'une même chose, l'action ex empto , et l'action ex
chose que j'ai acquise à un titre, ne peut m'ap testamento ; et si cette chose , qui m'a été
partenir à un autre titre, si ce n'est pour ce qui vendue par Pierre, m'avait aussi été léguée par
manquait à ce que j'en ai acquis d'ahord ; au Paul , elle me serait due par les héritiers de
lieu qu'une même chose peut m'être due par dif Pierre et par les héritiers de Paul.
CHAPITRE II.
SECONDE PARTIE.
Dd domaine de propriété que nous avons des choses particulières, nait une action qu'on
appelle action de revendication. Du domaine que nous avons d'une hérédité que la loi nous a
déférée , naît une action contre ceux qui nous la disputent , qu'on appelle pétition d'hérédité.
Nous traiterons, dans un premier chapitre, de l'action de revendication. Nous traiterons, dans
un second , de la pétition d'hérédité.
CHAPITRE PREMIER.
De faction de revendication.
281. L'action de revendication est une action Nous examinerons , dans un troisième article,
qui naît du domaine de propriété que chacun a quand le demandeur en revendication d'un héri
des choses particulières, par laquelle le proprié tage ou d'une rente doit être censé avoirjustifié
taire qui en a perdu la possession , la réclame de son droit de propriété. Nous traiterons , dans
et la revendique contre celui qui s'en trouve en un quatrième article , de la restitution qui doit
possession , et le fait condamner à la lui resti être faite de la chose revendiquée , lorsque le
tuer. demandeur a obtenu sa demande; dans un cin
L'action de revendication est une action quième article , de plusieurs prestations person
réelle, puisqu'elle naît d'un droit réel que quel nelles auxquelles le possesseur sur qui la chose
qu'un a dans une chose ; savoir, du domaine est revendiquée, est quelquefois tenu envers le
de propriété qu'il a de cette chose. demandeur eu revendication ; dans un sixième
Quoique cette action soit réelle , elle a néan article, de celles auxquelles le demandeur en
moins quelquefois des conclusions personnelles revendication est quelquefois tenu envers le
qui lui sont accessoires , qui naissent de quel possesseur, pour qu'il doive lui délaisser la chose
ques obligations, que le possesseur de la chose revendiquée.
revendiquée a contractées par rapport à celle
chose , envers le demandeur en revendication. ARTICLE PREMIER.
Sur cette action de revendication , nous ver Quelles choses peuvent être l'objet de l'action
rons , dans un prochain article, quelles choses en revendication; par qui, et contre qui
peuvent être l'objet de cette action ; par qui elle peut-elle être donnée?
peut être donnée , et contre qui. Nous verrons,
dans un second article , ce que doit observer le $ I. QOELLES CHOSES PEUVENT ÉTRE L'ollET DE
propriétaire avant que de donner la demande L'ACTION EN REVENDICATION .
en revendication; ce qu'il doit pratiquer en
donnant cette demande; et quel est l'effet dela 282. Toutes les différentes choses particu
demande en revendication pendant le procès. lières dont nous avons le domaine de propriété .
276 DE LA PROPRIÉTÉ.
peuvent être l'objet de l'action de revendica Mais lorsque dans.Ia dépendance d'une terre,
tion, les meubles aussi bien que les immeubles : il y a une chapclle, quoique cette chapelle
Hœc specialis in rem actio locum habet in om soit res divinijuris , et qu'en conséquence cette
nibus rebus mobitibus , tàm animalibus , quàm chapelle, in se, considérée séparément, ne
his quœ anima carent , et in his quœ solo soit pas susceptible de l'action de revendica
contiuentur ; liv. I , §. 1 , ff. de rei vindie. tion; néanmoins elle entre dans l'action de re
On donne, dans notre droit, à l'action de vendication de-la terre, comme une dépendance
revendication des meubles corporels, le nom de la terre.
d'entiercement , qui lui est particulier. 285. Suivant la subtilité du droit romain ,
Nous en verrons la raison dans l'article sui lorsqu'une chose dont j'avais le domaine de pro
vant. priété, se trouvait tellement unie à une qui
Cujas , dans son ouvrage ad libros dig. Ju- vous appartenait , qu'elle paraissait en être une
liani, lib. 78, sur la loi 56, de rei vind., qui partie accessoire , je ne pouvais pas la revendi
en est tirée, observe que, par le droit romain , quer pendant qu'elle y demeurait ainsi unie,
l'action de revendication n'avait lieu que pour parce qu'elle était censée pendant ce temps ,
les choses corporelles. Dans notre droit francais, n'avoir pas une existence particulière , et n'être
je ne vois rien qui empêche que le propriétaire qu'une partie de la vôtre, à laquelle elle était
d'une chose incorporelle, putà, d'un droit de unie : il fallait donc que j'eusse recours à l'ac
censive , d'un droit de champart ou d'une rente, tion ad exhibendum, contre vous par-devers
lorsqu'il en a perdu la possession, ne puisse qui elle était , pour vous faire condamner à la
donner l'action en revendication de cette chose détacher et à me l'exhiber ; et ce n'était qu'après
contre un tiers qu'il en trouverait en possession, qu'elle avait été détachée , que cette chose ayant
de même qu'on la donne pour les choses corpo recouvré l'existence particulière qu'elle avait
relles. avant l'union , et moi ayant en conséquence
283. Il n'y a que les choses particulières qui recouvré le domaine de propriété que j'avais de
peuvent être l'objet de cette action. Une uni celle chose , je pouvais la revendiquer : Quœ-
versalité de biens , telle qu'est une succession , cumque aliisjuncta , sive adjecta , accessionis
lorsqu'elle nous est contestée par quelqu'un, loco cedunt ; ea , quamdiù cohœrent , dominus
ne donne pas lieu a l'action de revendica vindicare non potest, sedad exhibendum agero
tion, mais à une autre espèce d'action, qui potest, ut separentur, et tune vindicentur ;
est la pétition d'hérédité, dont nous traiterons au liv. 23, § 5 , ff. rfe rei vind.
chapitre suivant. Dans notre droit on ne s'attache pas à ces
Il en est de même de l'universalité des biens subtilités; et je pense que lorsque j'ai perdu la
d'une personne morte sans héritiers , qui appar possession d'une chose dont j'ai le domaine de
tiennent à un seigneur à titre de déshérence ; ou propriété , je suis reçu à la revendiquer sur celui
du pécule d'un religieux défunt , qui appartient par-devers qui elle se trouve, quoiqu'elle se
à son abbé ou au monastère : la contestation sur trouve attachée à une chose qui lui appartient,
le domaine de ces universalités de biens , donne et qu'elle en soit comme une partie accessoire ;
lieu à une action à l'instar de la pétition d'héré et je suis bien fondé à conclure par cette ac
dité, et non à la revendication. tion, à ce qu'il soit tenu de la détacher et de
Il ne faut pas confondre avec l'universalité de m: la rendre. Voyez suprà, n. 177 et suiv.
biens ce qui n'est qu'universalité de choses , tel
qu'est un troupeau de moutons , un haras de g II. PAR QUI PEUT ETRE INTENTÉE L'ACTION DE
chevaux : ces espèces d'universalités ne sont con REVENDICATION?
sidérées que comme choses particulières , et
peuvent être l'objet de l'action de revendica 280. Régulièrement cette action n'appartient
tion : Posse etiam gregem vindicari Pompo- qu'à celui qui a le domaine de propriété, de la
nius, libro lectionum 25« scribit : idem de ur- chose revendiquée, et ne peut être intentée que
mentis et de equitio ; liv. 1, § 3, ff. de rei par lui : In rem actio competit ei qui, aut jure
vind. gentium, autjure cicili, dominium acquisiit ;
284. L'action de revendication étant une ac liv. 23 , ff. de rei vind.
tion par laquelle le propriétaire d'une chose la Do là, il suit que l'acheteur d'une chose qui
revendique sur celui qu'il en trouve en posses ne lui a pas encore été livrée, ne peut être
sion , il s'ensuit que les choses qui n'appartien fondé dans la demande en revendication de
nent a personne, telles que sont celles qui sont cette chose, parce qu'il n'en a pas encore le
divini aut publicijuris , ne peuvent être l'objet domaine de propriété, qu'il ne peut acquérir
de l'action de revendication. que par la tradition qui lui en sera faite en exc
PARTIE II, CHAPITRE I. 277
cution du contrat : Si ager ex emptionis canut notre droit français , pour que nous oyons la
ad aliqneni pertineat, non reclè hâc actione revendication d'une chose , que nous en ayons
(in rem) agi polerit, antequàm traditus sit, le domaine direct ; il suffit que nous en ayons
tuncque ( I ) possessio amissa sit; l. 60. le domaine utile : un emphytéote, un euga-
2S7. Par la même raison , si un homme a giste, ont cette action. ,
acheté pour lui et en son nom une chose avec 291. Celui qui n'a le domaine de propriété
une somme de deniers que vous lui aviez donnée d'une chose que pour une partie, peut la re
en dépot , vous n'êtes pas fondé dans la demande vendiquer pour la part qu'il y a , quand mémo
en revendication de cette chose, quoique ac la chose ne serait pas susceptible de parties
quise de vos deniers; car vous n'en avez pas le réelles , mais seulement de parties intellec
domaine de propriété, n'ayant pas été acquise tuelles : Eornm quoque , qum sine 'interitu
pour vous ni en votre nom : Si ex eâ pecunid dividi non possunt , partenl petere posse con
quam deposueris , in apud quem collocata fue- stat ; 1. 35 , § 3, de rei vind.
rat , sibi possessiones comparavif , ipsique 292. Quoique régulièrement l'action de re
traditœ sunt, tibi vel omnes tradi, ifel quasdam vendication d'une chose n'appartienne qu'à celui
ex his compensat ionis causd ab invito eo in te qui en est le propriétaire , on l'accorde néan
transferri, injurioaum est; 1. 6, Cod. de reivind. moins quelquefois à celui qui n'en est pas le
Il y a, néanmoins, quelques cas dans le propriétaire, mais qui était en chemin de le
droit, où, contre la rigueur des principes, on devenir lorsqu'il en a perdu la possession.
accorde à celui des deniers duquel une chose a Car si celui qui possédait de bonne foi , en
été achetée, la revendication de cette chose. vertu d'un juste titre , une chose dont il n'était
288. Il n'est pas nécessaire, pour pouvoir pas propriétaire , en a perdu la possession avant
intenter cette action, que le domaine, que nous l'accomplissement du temps requis pour la
avons de la chose revendiquée, soit un do prescription , il est reçu , quoiqu'il ne soit pas
maine parfait et irrévocable : quoique nous de propriétaire de cette chose, à la revendiquer,
vions le perdre au bout d'un certain temps , ou par l'action de revendication , contre ceux qui
par l'événement de quelque condition , tant que se trouvent la posséder sans titre.
nous avons encore le domaine de la chose, Cette action est celle qui est appelée en droit
nous sommes fondés à la revendiquer : Non ideo actio publiciana. Elle est fondée sur l'équité,
minus rectd quid nostrum esse vindicabimus , qui veut que celui qui était le juste possesseur
quod abire à nobis dominium speratur, sicon- d'une chose , et qui , quoiqu'il n'en fût pas en
dilio legativel libertalis extiterit; 1. 66, ff. de core le propriétaire , était en chemin de le
rei vind. devenir, soit préféré pour avoir cette chose,
Par exemple, le propriétaire d'un héritage lorsqu'il en a perdu la possession , à un usurpa
chargé de substitution , tant que la substitution teur qui s'en est mis injustement en possession.
n'est pas encore ouverte, est bien fondé à le 293. Il n'est pas précisément nécessaire que
revendiquer. le titre en vertu duquel j'ai possédé la chose,
289. 11 n'est pas non plus nécessaire que le fût un titre valable; il suffit que j'aie eu quel
domaine de propriété, que nous avons de la que sujet de le croire valable, pour que je sois
chose revendiquée, soit une propriété pleine : réputé avoir été juste possesseur de la chose, et
quoique je n'oie que la nue propriété d'une que je sois reçu à cette action lorsque j'en ai
chose, l'usufruit appartenant à un autre, j'ai perdu la possession. Par exemple , si j'ai acheté
droit de la revendiquer; cor, quoique je n'en aie d'un fou , dont j'ignorais le dérangement d'es
pas l'usufruit, je n'en suis pas moins proprié prit , une chose qu'il m'a livrée ; quoique la
taire pour le total; l'usufruit, que je n'ai pas, vente qu'il m'en a faite , en vertu de laquelle
étant une servitude, une charge, plutôt qu'une j'ai possédé cette chose, fût nulle , néanmoins ,
partie de la chose : Rectè dicimus eum fun- ne m'étant pas aperçu de son dérangement d'es
dnm totum nostrum esse, etiam quùmususfruc- prit, j'ai eu sujet de la croire valable : ce qui
tus alienus est , quià ususfrnctus non dominii suffit pour que je sois réputé en avoir été juste
pars, sed servitus sit, ut via et iter ; nec falsà possesseur , et pour que je sois reçu à cette ac
dici totum meum esse, cujus nonpotestulla pars tion contre un usurpateur qui en aurait usurpé
enses' alterius esse; 1. 25 , ff. de verb. signif. sur moi la possession : Marceline scribil : eum
290. Il n'est pas nécessaire non plus , dans qui à furioso (2) , ignorons eum furere , emit ,
r
292 DE LA PROPRIÉTÉ.
qu'ils excéderaient les fruTts que le possesseur a tions, qui doivent être sous-entendues dans ce
perçus depuis ledit temps, avec lesquels la com que nous venons de rapporter du texto des Insti
pensation doit s'en faire. tuas, comme l'a remarqué Vinnius dans son
Nous avons excepté de notre principe les im Commentaire sur ce texte.
penses do simple entretien; car cette espèce La première est, que ce possesseur ne doit
d'impenses est une charge des fruits : c'est pour pas être remboursé précisément et absolument
quoi le possesseur de bonne foi , qui perçoit à de tout ce qu'il a déboursé pour lesdites impen
son profit les fruits avant la demande, sans être , ses, mais seulement jusqu'à concurrence de ce
à cet égard , sujet à aucune restitution envers le que la chose sur laquelle il les a faites, et qui
propriétaire , ne doit pareillement avoir contre fait l'objet de l'action en revendication , se
le propriétaire aucune répétition des impenses trouve en être augmentée de valeur au temps du
de simple entretien qu'il a faites pendant ce délais qu'il en doit faire.
temps, ces impenses étant une charge de la C'est ce que nous apprenons de Paul, dans
jouissance qu'il a eue. l'espèce d'un acheteur de bonne foi, qui avait
A l'égard du possesseur de mauvaise foi , il construit un bâtiment sur une place qui était
couche les impenses d'entretien qu'il a faites , hypothéquée. Paul dit : Jus soli superficiem
dans le chapitre de dépense du compte qu'il doit secutam videri sed bond fiée possessores
rendre des fruits qu'il a perçus , n'en étant tenu non aliter cogendos creditoribus œdificium res
que deductis impensis. tituera , quàsn sumptus in extructionc eroga-
345. Il n'y a aucune différence à faire entre lo tos , quatenùs res pretiosior facta est, recipe-
possesseur de bonne foi et le possesseur de mau rent; liv. 29, § 2, ff. de pign.
vaise foi, pour le remboursement qui doit leur C'est ce qui résulte du principe sur lequel
être fait de ce qu'ils ont déboursé, dans le pre est fondée l'obligation en laquelle est le pro
mier et le second cas que nous avons ci-dessus priétaire , de rembourser ces impenses au pos
rapportés; mais il y a de la différence à faire sesseur de bonne foi.
entre l'un et l'autre , à l'égard des impenses Cette obligation ne naît que de celte règle
qu'ils ont faites, qui n'étaient pas nécessaires, d'équité , qui ne permet pas que quelqu'un s'en
mais seulement utiles, et qui ont seulement richisse aux dépens d'autrui. Suivant cette règle ,
amélioré la chose qui fait l'objet de l'action en le propriétaire no doit pas profiter , aux dé
revendication. pens de ce possesseur , de l'impense que ce
A l'égard du possesseur de bonne foi , le pro possesseur a faite , mais il n'en profite qu'autant
priétaire , sur l'action en revendication , ne peut que sa chose se trouve augmentée de valeur par
obliger ce possesseur à lui délaisser la chose cette impense : il ne doit donc être obligé à
revendiquée , s'il ne le rembourse au préalable le rembourser que jusqu'à cette concurrence ,
des impenses qu'il y a faites, quoique ces im quand même le possesseur aurait remboursé
penses ne fussent pas nécessaires , et aient seu davantage.
lement augmenté la chose revendiquée, et l'aient Contrà, vice versa, si la valeur dont la
rendue d'un plus grand prix. chose est augmentée par cette impense ,. est
Justinien donne un exemple de ce principe, d'une somme plus grande que celle qu'elle a
dans l'espèce d'un possesseur, qui a construit coûtée, le propriétaire n'est obligé de rembour
un bâtiment sur un héritage qu'il possédait de ser que ce qu'aile a coûté; car, quoique le
bonne foi; et il décide que le propriétaire de propriétaire profite de plus, ce n'est que jusqu'à
l'héritage n'est reçu à revendiquer l'héritage, concurrence de la somme que l'ènpense a
qu'en offrant de rembourser au préalable cette coûtée , qu'il profiterait , aux dépens du pos
impense à ce possesseur : Si quis in alieno solo sesseur , de l'impense qu'il a faite.
ex sud materid domum œdificaverit illud 347. La seconde limitation au principe , que
constat , si in possessions constituto œdifica- le possesseur de bonne foi doit être remboursé
tore soli dominus pelat domum suam esse, nec de ses impenses utiles , au moins jusqu'à con
solvat pretium materiœ et mercedes fabrorum, currence de cequela chose se trouve augmentée
passe euin per exceptionem doli mali repelii , de valeur, est que ce principe n'est pas si gé
utique si bonœ fidei possessor fuerit qui œdifi- néral, que le juge ne puisse quelquefois s'en
cavit ; Jnstit. lit. de rcr. die. § 30. écarter , suivant les circonstances. C'est C3 que
346. Ce principe , que le possesseur de bonne nous enseigne Celse : In fundo alieno, quem
foi doit être remboursé des impenses utiles imprudens enieras, œdifieasti aut eonseruisti ,
qu'il a faites sur la chose qui fait l'objet de l'ac deindè erincitur, bonus judex rariè ex per-
tion en revendication , souffre quelques limita sonis causisque constituat : finge et domi
PARTIE II, CHAPITRE I. 203
Hum (1) eadcm facturum fuisse ; reddat im- qui n'en augmentent pas le revenu dans le cas
pensam et fundum recipiat, usquè (2) eo dun- auquel il compterait la garder : le propriétaire
taxat quo pretiosior foetus est, et sipluspretio qui , en gardant cette chose, ne profite point de
fundi accessit, solùm quod impensum est. cette impense , n'est point obligé de rembourser
Finge pauperem, qui, si id reddere cogatur, le possesseur de bonne foi qui l'a faite , à moins
laribus, sepulchris avilis carendum habeat, que ce propriétaire ne fut un homme qui fit
sufficit tibi permitti tollere ex his rebus quœ commerce des choses de l'espèce"dont est la
poscis , dùm ità ne delerior sit fundus quàm chose revendiquée ; auquel cas , profitant de ce
sit initia non fuerit œdificatum ; liv. 38, ff. de dont les impenses ont augmenté le prix de cette
rei vind. chose , il en doit rembourser le possesseur de
Dans cette dernière espèce, s'il y a une raison bonne foi qui les a faites. Les lois apportent cet
d'éqijiité qui milite en faveur du possesseur , exemple : Si puerum (l) meum, quûm possi-
qui consiste à dire , que le propriétaire ne doit deres, erudisses , nec idem observandum Pro-
pas profiter à ses dépens de l'augmentation de culus existimat : quia neque carcre serva meo
valeur que ces impenses ont apportée à l'héri debeam , nec potest remedium idem adhiberi
tage ; d'un autre côté , il y a une autre raison quod in ared diximus (2) ; /. 27, §/ta. ff- de
d'équité encore plus forte en faveur du proprié rei vind. ( Forte quod pictorem aut librarium
taire, à laquelle celle-ci doit céder , qui est que docueris ) , dicitur non aliter officia judicis
l'équité permet encore moins que le propriétaire œsiimationem haberfpasse ; l. 28; nisi si ve
soit privé de son héritage , pour lequel il a une naleni eum habeas (3), et plus ex pretio ejus
juste affection , faute de pouvoir rembourser consecuturus sis propter artificium ; I. 29 , ff.
des impenses qu'il n'a pas le moyen de rem dict. lit.
bourser, dont il pouvait se passer aussi bien On peut imaginer d'autres exemples. Finge ;
que de l'augmentation de valeur qu'elles ont Unhomme a acheté de bonne foi un jeune chien
apportée a son héritage , qu'il ne veut pas qu'on m'avait volé, et a donné une somme d'ar
vendre , et qui lui suffisait dans son ancien état. gent pour lui apprendre à arrêter le gibier :
Lorsque les impenses utiles faites par le pos ayant depuis reconnu mon chien , je l'ai reven
sesseur de bonne foi , sont tellement considéra diqué. Je ne suis pas obligé de lui rendre la
bles, que le propriétaire n'a pas la commodité somme qu'il a donnée pour instruire mon chien,
d'en faire le remboursement avant que de ren cette dépense m'étant inutile, parce que je ne
trer dans son héritage , et que ces impenses ont suis pas chasseur : mais si j'étais connu pour
produit daus le revenu de l'héritage une aug faire commerce de chiens , je serais obligé de la
mentation considérable , il me paraît qu'on lui rendre, profitant, en ce cas, de cette dé
peut concilier les intérêts des parties , en per pense , qui me ferait vendre mon chien plus cher
mettant au propriétaire de rentrer dans son que s'il n'était pas dressé.
héritage , sans rembourser au préalable les im 349. La troisième limitation qui doit être ap
penses du possesseur de bonne foi , et en se portée au principe qui oblige le propriétaire à
chargeant , envers co possesseur, d'une renie rembourser au possesseur de bonne foi les im
d'une somme approchante de co dont le revenu penses utiles qu'il a faites pour la chose qui
de l'héritage a été augmenté par lesdites im fait l'objet de l'action en revendication, est que
penses ; laquelle serait remboursable aux bons le propriétaire n'est tenu de rembourser au pos
pointsdu propriétaire, à laquelle l'héritage serait sesseur de bonne foi la somme qui lui est due
affecté par privilège. Par ce moyen , les intérêts pour lesdites impenses, que sous la déduction
de chacune des parties sont conservés : le proprié de ce que ce possesseur s'en trouve déjà rem
taire n'est point privé de son héritage, faute de boursé par les fruits qu'il a perçus C'est ce
pouvoir rembourser les impenses; et il ne profite qu'enseigne Papinien : Sumptus in prœdium,
pas,auxdépens du possesseur, de l'augmentation quod alienum esse apparuit , à bondfidepos-
du revenu qu'elles ont causé à son héritage. sessore facti.... si fructuum ante litem contes-
348. Il y a des impenses, qui augmentent la
valeur de la chose revendiquée , dans le cas (1) Servam.
auquel le propriétaire voudrait la vendre , mais (a) U1 ci qui bondfide a-dificavit senear reddere
impensam ; car je profiie Ju bâiiment ; an lieu que je
ne profite pas de l'art qu'on a fait apprendre à mon
esclave, auquel je ne compte pas l'employer.
(1) Jdesl, maxime hoc casu debet reddere impen- (3) Mutai personas , en mestani à la seconde per
sam i sed etsi facturas non fuisset> regulariter sonne le propriétaire qui a revendique son esclave,
debei reddere. qui, dans la loi 37, étaii a la première personne.
(2) Ceci se rapporse a impensani reddai. Cela est fréquent dans le digeste.
294 DE LA PROPRIÉTÉ.
tatam perceptorum summum excedant, admissâ Neminem œquum est cum alterius detrimento
compensation, superfluum sumptum, meliore locupletari. 11 fonde son opinion sur la loi 38,
prœdio facto, dominus restituere cogitur; ff, de petit, hœred., où il est dit : In cœteris ne-
liv. 48 , ff. de rei vindic. cessariis et utilibus impensis posae separari ,
Cela n'est pas contraire à ce qui a été dit ci- ut bonœ fidei quidem possessores , has quoque
dessus , que le possesseur de bonne foi perçoit à imputent, prœdo autem de sequeri debeat, qui
son profit les fruits, tant que sa bonne foi dure, sciens in rem alienam impendit; sed benigniùs
et que le propriétaire n'a pas intenté contre lui est, in hujus quoque persond habere rationem
l'action en revendication ; car il ne les perçoit à impensarum ; non enim debet pvtitor ex aliené
son profit qu'en ce sens , que le propriétaire ne jacturd lucrum facere.
peut , par voie d'action , en exiger de lui le rap Quelque grande que soit l'autorité que Cujas
port ; mais il peut lui en opposer la compensa s'est acquise dans les écoles, la plupart des doc
tion avec les mises qu'il a faites pour la chose teurs qui ont écrit depuis , n'ont pas suivi son
revendiquée. opinion. On répond de deux manières à la loi 38,
350. A l'égard du possesseur de mauvaise foi, qui en faille fondement. La réponse la plus ordi
les lois romaines paraissent lui avoir refusé le naire est, que cette loi est dans l'espèce de l'action
remboursement des impenses par lui faites , qui de pétition d'hérédité; qu'on ne peut en rien con
n'étaient pas nécessaires, quoiqu'elles eussent clure pour ce qui doit s'observer dans l'action
fait devenir plus précieuse la chose qui est re de revendication , ces deux actions se gouver
vendiquée, et lui avoir seulement permis d'em nant par des règles différentes,comme nous le ver
porter de l'héritage revendiqué les choses qu'il rons au chapitre suivant. Vinnius répond d'une
y a mises, qui peuvent en être détachées, en ré autre manière à cette loi : il prétend que le pos
tablissant les choses en leur premier état. Malœ sesseur de mauvaise foi ne peut prétendre le
fidei possessores , dit l'empereur Gordien , ejus remboursement des impenses utiles, ni dans l'ac -
quod in alienans rem impendunt , non eorum tion de revendication , ni même dans l'action de
negotium gerentes quorum res est , nullam ha- pétition d'hérédité ; et que ces termes de la loi,
beant repetitionem , nisi necessarios eumptus benigniùe est in hujus quoque persond haberi
fecerint ; sin autem utiles, licentia eis permit- rationem impensarum , ne doivent pas s'enten
titur, sine lœsione prioria statûs rei, eos au- dre en ce sens , que le remboursement lui en
ferre ; liv. 5, Cod. eod. fit. doit être accordé ; mais seulement en ce sens ,
Le même dit ailleurs : fineas in alieno qu'on doit lui permettre d'enlever tout ce qu'il
agro institutas aolo cedere, et si à malœ fidei a mis dans l'héritage , qui en peut être enlevé ,
possessore id factum sit , sumptus eo nomins en rétablissant les choses dans le premier étal ;
erogatos per retentionem eervarinon posse in- ce qui ne lui est encore accordé que par une
cognitum non est; liv. 1, Ut. de rei vind, in raison de faveur et d'humanité , puisque ces
fragm. Cod. Gregor. choses ayant été acquises de plein droit au pro
Enfin Justinien , aux Instit. de rer div. § 30, priétaire de l'héritage dont elles se trouvent faire
après avoir dit que celui qui a bâti sur l'héri partie, jure accessionis, et vi ac potestate rei
tage d'autrui , doit être remboursé de cette im- euœ , le possesseur , qui les y a attachées , à ne
pense par le propriétaire, ajoute : Utique bonœ consulter que la rigueur du droit , ne devrait
fidei possessor sit : nam scienti solum alienum pas même avoir la faculté de les en détacher.
esse , potest objici culpa , quod œdificaverit te- A l'égard de la règle, Neminem œquum est
merè in eo solo quod inlelligebat alienum esse. cum alterius detrimento locupletari, la réponse
Malgré des textes aussi formels , Cujas , obs. x, est, qu'elle peut bien être opposée par le pos
cap. 1 , pense que le possesseur de mauvaise foi sesseur de bonne foi, mais qu'elle ne le peut
doit être remboursé, aussi bien que le posses- être par le possesseur de mauvaise foi ; le pro
i leur de bonne foi, des impenses utiles, jusqu'à priétaire pouvant lui répliquer que l'équité lui
concurrence de ce que la chose se trouve plus permettait encore moins de constituer le pro
précieuse; et que les textes de droit qui parais priétaire , contre son gré , dans uue dépense
sent contraires , doivent s'entendre en ce sens , qu'il ne voulait pas faire , en faisant sur son héri
qu'à ne consulter que la rigueur du droit , le tage, qu'il possédait injustement, des impenses
possesseur de mauvaise foi n'est pas fondé à pré qu'il savait n'avoir pas droit d'y faire ; que s'il
tendre ce remboursement ; mais que cela n'em souffre de ce que ses impenses ne lui sont pas
pêche pas que le juge ne le lui accorde, en préfé remboursées , il ne peut s'en prendre qu'à lui-
rant en cela , à la rigueur du droit , l'équité , qui même , puisque c'est par sa faute qu'il les a
ne permet pas que le propriétaire profite aux faites : or , on n'est point reçu à se plaindre de
dépens de ce possesseur, suivant cette règle : ce qu'on souffre par sa foute : Id quod quis
PARTIE II, CHAPITRE I. 295
sud culpâ damnum sentit, non videtur sentira. me faire faire raison des améliorations que J'ai
Cette réponse est justement celle que Justinien, faites sur l'héritage , jusqu'à concurrence de ce
au texte des Institutes ci-dessus rapporté , met qu'il est plus précieux.
dans la bouche du propriétaire, pour le décharger 351. De la différence qu'il y a entre le pos
du remboursement des impenses utiles envers le sesseur de bonne foi et celui de mauvaise foi ,
possesseur de mauvaise foi : Nam, dit Justinien, par rapport aux impenses utiles , naît une ques
scient i solum ali en uni esse pot est objici culpa, tion, qui est de savoir, si, pour que le posses
quod œdificaverit temerè in eo solo. seur puisse prétendre ce remboursement , il
Si le propriétaire n'est pas obligé de rem suffit qu'il fût possesseur de bonne foi lorsqu'il
bourser au possesseur de mauvaise foi les im a acquis l'héritage; ou s'il faut qu'il le fût
penses utiles , jusqu'à concurrence de la somme encore lorsqu'il a fait lesdites impenses. Ulpicn,
dont l'héritage revendiqué en est augmenté de d'après Julien , décide qu'il faut qu'il l'ait été
valeur, au moins ce propriétaire ne peut pas se lorsqu'il les a faites : Julianus, libro 8« Diges-
dispenser d'en souffrir la compensation jusqu'à torum, scribit : Si in aliend ared œdificasscus
due concurrence , avec la somme qui lui est due cujus honœ firle i guideni emptor fui, verùm co
par ce possesseur pour le rapport des fruits : car tempore œdificavii quo jam sciebam alienani ,
le propriétaire est censé avoir déjà touché, videamus an nihil «n'Ai exceptio (1) prosit ?
jusqu'à due concurrence, le prix desdits fruits, Nisi fortè (2) guis rficof prodesse de damno
par l'emploi qui en a été fait à l'amélioration de sollicita ; puto miteni huii- excepiionem non
ion héritage. Ce serait s'en faire payer deux prodesse; nec eni1n debuit jam alienam certus,
fois , que de n'en pas tenir compte au posses œdificium ponere ; sed hoc es concedendum est,
seur : ce que la bonne foi ne permet pas. ut sine dispendio domini areœ tollat œdificium
Dans notre pratique , on laisse à la prudence quod posnit ; liv. 37 , fi", de rei vind.
du juge à décider , suivant les différentes cir 352. Observez , à l'égard du droit qui est
constances , si le propriétaire doit rembourser accordé au possesseur de mauvaise foi , d'em
le possesseur de mauvaise foi des impenses porter ce qu'il a mis dans l'héritage revendiqué,
utiles, jusqu'à concurrence de ce que l'héritage en le rétablissant dans son premier état, qu'il
revendiqué eu est devenu plus précieux. Il y a ne peut en détacher que les choses dont il peut
une mauvaise foi caractérisée et criminelle , retirer quelque profit en les emportant, et qu'il
telle que celle d'un usurpateur qui a profité de doit même les laisser , si le propriétaire lui en
la longue absence d'un propriétaire , ou de la
minorité d'un propriétaire qui n'avait point de offre le prix qu'il en pourrait retirer , Consti-
tuimus, dit Oise . ut si paratus esl dominus
défenseur, pour se mettre, sans aucun titre , en tantùni duce . quantum habiturus est possessor,
possession d'un héritage : un tel possesseur de his rebus ablatis , fiat ci potestas; liv. 38 , ff.
mauvaise foi doit être traité avec toute la de rei vind.
rigueur du droit ; il ne mérite aucune indul Suivant ces principes , il ne doit pas lui ctre
gence ; et on ne doit point en conséquence lui permis d'effacer les peintures dont il a décoré
faire raison des améliorations qu'il a faites à les appartemens de l'héritage revendiqué , quoi
( l'héritage , pendant qu'il le possédait. Au con qu'il offre de remettre les choses dans l'ancien
traire , il y a des espèces de mauvaise foi qui ne état. C'est pourquoi le jurisconsulte ajoute :
sont pas si criminelles , et qui sont excusables. Neque malitiis indulgendum est, si tectorium,
Par exemple , j'ai acheté l'héritage d'un mineur, putà, quod induxeris , picturasque corrodere
de sa mère et gardienne , qui était alors très- velis , nihil laturus nisi ut officias; dict. I. 38.
riche, et qui s'est obligée de le faire ratifier; 353. Il nous reste à observer que le posses
depuis, il est arrivé un dérangement dans la seur qui est condamné à délaisser au pro
fortune de ma venderesse : elle est morte. Le priétaire la chose revendiquée , quoiqu'il l'ait
mineur devenu majeur a renoncé à sa succession, achetée de bonne foi , et qu'il soit possesseur de
et a donné une demande en revendication contre bonne foi , n'est pas fondé à demander au pro
moi. Je suis possesseur de mauvaise foi. J'avais priétaire qu'il lui rende le prix qu'il a payé :
scientiam rei alienœ, puisqu'en achetant j'ai eu Incivilem rem desideratis , dit l'empereur
connaissance que l'héritage appartenait au Antonin , ut agnitas tes furticas non priùs
mineur, et que ma venderesse n'avait pas le
pouvoir de l'aliéner : mais cette mauvaise foi
n'est point criminelle ; j'avais un juste sujet de
me flatter que le mineur ratifierait, ou devien
drait héritier de sa mère: c'est pourquoi, je (1) Ixceplio dnli mali, nisi refundal impensam.
(2) C'était Ii raison de douter, à laquelle le jurii-
dois être traité avec indulgence, et le juge doit eoDiullu ne croit pas qu'on doive l'arrêter.
290 DE LA PROPRIÉTÉ.
reddatis, quàm pretium solutum fuerit, liv. 2, personne ou ù domicile, avec sommation d'y
Cod. de furt. satisfaire.
Mais s'il était prouvé que le prix que le pos Ce délaissement consiste en ce que le posses
sesseur a payé pour le prix de l'achat qu'il a fait seur doit , dans ce terme qui lui est accordé,
de la chose qu'il a été condamné de délaisser déloger tous les meubles qu'il a dans l'héritage
au propriétaire , a tourné au profit de ce pro qu'il est condamné de délaisser, le laisser vacant,
priétaire ; quand même ce possesseur serait et en remettre les chefs au proprietaire deman
possesseur de mauvaise foi , le propriétaire doit deur en revendication , à qui il a été condamné
lui rendre le prix qu'il a payé , et il se doit faire de le délaisser.
compensation des intérêts de ce prix avec les Faute par le possesseur de délaisser dans ledit
fruits que ce possesseur a perçus. Par exemple, temps de quinzaine , ladite Ordonnance . art. 1 ,
si j'ai acquis d'un tuteur un héritage de son prononce contre lui une amende de 200 liv. ,
mineur, qu'il m'a vendu en sa qualité de tuteur, applicable moitié au roi , moitié à la partie.
sans observer aucunes formalités ; si , sur l'ac L'Ordonnance veut, en outre, art. 3, que le
tion en revendication , que le mineur devenu possesseur qui , quinzaine après la première
majeur à depuis donnée contre moi , j'ai été con sommation qui lui a été faite , n'a pas obéi au
damné à le lui délaisser , quoique je fusse jugement, soit condamné par corps à délaisser,
possesseur de mauvaise foi de cet héritage , et aux dommages et intérêts du propriétaire à
puisque je savais que celui qui me l'a vendu qui il a été condamné de délaisser.
n'avait pas droit de me le vendre ; néanmoins , Observez que, lorsque l'héritage est éloigné
si je puis justifier que le prix a tourné au profit de plus de dix lieues du lieu du domicile de la
de ce mineur , putà, qu'il a servi à payer ses partie qui a été condamnée de le délaisser, on
dettes, le juge, en me condamnant à délaisser ajoute au délai de quinzaine ci-dessus men
l'héritage au mineur, le condamnera à me rendre tionné , un jour pour chaque dix lieues de dis
le prix qui a tourné à son profit. tance.
Observez que si ce tuteur avait employé le 356. Lorsque la partie persiste dans le refus
prix que je lui ai payé à rembourser des rentes opiniâtre de délaisser l'héritage, le propriétaire
dues par le mineur, je ne pourrais pas obliger le peut s'en faire mettre en possession manu mili
mineur à autre chose qu'à me les continuer. tari. Il obtient, pour cela, une sentence du
juge, qui lui permet de se mettre en possession
ARTICLE VII. de l'héritage , et pour cet effet, de faire faire
ouverture des portes par un serrurier , et d'en
De l'exécution du jugement qui a condamné le faire déloger les meubles qui s'y trouvent.
possesseur à délaisser la chose revendiquée ; Le propriétaire, qui a obtenu cette sentence, la
et du cas auquel il s'est mis ; par dol ou par fait mettre à exécution par un huissier, accom
sa faute, hors d'état de pouvoir le faire. pagné d'un serrurier, de témoins, et d'un voi-
turier pour déloger les meubles, et les trans
S I. DU DÉLAISSEMENT QUE LE POSSESSEUR DOIT FAWZ porter dans le cabaret voisin. Gela est conforme
DE LA CHOSE. à la loi 68 , ff. de rei ri ml . où il est dit : Qui
restiluerejussus, judici nonparet... si quidem
354. Lorsque, sur l'action en revendication , habeat rem, manu militari officio judicis ab co
le défendeur est condamné, par un jugement possessio transfertur.
dont il n'y a pas d'appel , à délaisser au deman 357. Lorsque le possesseur n'a pas été pure
deur la chose revendiquée ; si cette chose est ment et simplement condamné à délaisser l'hé
un meuble qui soit en la possession du défen ritage, mais a été condamné ù le delaisser, à la
deur , qui avait obtenu main-levée par provision charge par le propriétaire de lui rembourser les
de l'entiercement qui en a été fait , le défendeur impenses et améliorations qu'il y a faites , le
doit la rendre sur la première sommation qui propriétaire ne peut faire aucunes poursuites
lui en est faite ; sinon , sur son refus , le juge contre lui , pour le lui faire délaisser , jusqu'à
permet au demandeur de la faire saisir par un ce qu'il en ait été remboursé ; le possesseur
huissier, et de l'emporter du lieu où elle est. ayant, en ce cas, le droit de le retenir , reluti
355. Lorsque la chose que le possesseur a jure pignoris. C'est ce qui est porté par l'art. 9.
été condamné de délaisser, est un héritage, Mais comme ce possesseur pourrait se pro
l'Ordonnance de 1667 , litre de l'exécution longer la possession de l'héritage , en différant
des jugemens, 27 , art. 1, lui donne quinze à faire liquider la somme ù laquelle montent
jours pour le délaisser, à compter du jour de la lcsdiles impenses et améliorations , et qui doit
signification du jugement, qui lui a été faite à lui être remboursée , l'Ordonnance ordonne ,
PARTIE II, CHAPITRE I. 297
par ledit art. 9 , que le possesseur soit tenu de voisin de l'héritage , pendant le; quatre saisons
liquider lesdites impenses et améliorations , de ladite année , dont on fait une année com
dans un certain délai qui sera prescrit par le mune. Cette estimation se fait sur des extraits ,
juge; et que, faute par lui de le faire dans ledit que le possesseur doit rapporter, du registre de
délai , le propriétaire soit mis en possession de la valeur des grains , de la justice du lieu où est
son héritage , en donnant caution de les payer ledit marché, qui doivent être en honne forme,
après qu'elles auront été liquidées. délivrés par le greffier de ladite justice, et
L'Ordonnance de Moulins , art. 52 , voulait signés de lui. L'Ordonnance , audit titre, art. 8,
que ce délai n'excédât pas le temps d'un mois. porte expressément que l'estimation des grains
Celle de 1667 l'a laissé à l'arhitrage du juge. ne pourra se faire que par les extraits desdits
Pour parvenir à cette liquidation, le posses registres.
seur doit , par un acte de procédure , déclarer A l'égard des fruits d'une autre espèce , tels
les différens articles d'impenses nécessaires ou que du vin, du cidre, des foins, etc., que le pos
utiles, dont il demande le remhoursement ; sesseur a recueillis chaque année, on en doit
produire les marchés faits avec les ouvriers , et régler le prix , ou par les papiers de recette du
les quittances des sommes qu'il a payées ; et possesseur, s'il y est fait mention des prix qu'il
nommer un expert pour en faire la visite , et les a vendus chaque année, ou par l'estimation
estimer de comhien les impenses utiles ont qui en sera faite par personnes dont les parties
augmenté la valeur de l'héritage; et sommer le conviendront, qui soient d'état à avoir cette
propriétaire de le venir passer ou contredire , et connaissance. Par exemple si c'est du vin, cette
en nommer un de sa part. estimation doit s'en faire par d'anciens mar
Le propriétaire répond à cet acte , nomme un chands de vin, qui peuvent facilement con
expert de sa part, sinon le juge en nomme un naître, en feuilletant leurs registres , le prix qu'a
pour lui ; les experts font leur rapport ; et le valu le vin chaque année.
juge, tant sur ledit rapport qu'il homologue, Après toutes ces estimations faites, le posses
lorsqu'on n'a rien opposé contre, qui en pût seur, dans le compte qu'il doit rendre des fruits
empêcher l'homologation, que sur tout ce qui qu'il a perçus , se charge en recette de la somme
a été dit et produit par les parties, règle la à laquelle se trouve monter l'estimation de tous
somme à laquelle doivent monter lesdites im les fruits qu'il doit rapporter, sur laquelle
penses et améliorations, et qui doit être rem somme il doit lui être fait déduction des frais
hoursée au défendeur par le propriétaire. qu'il a faits pour faire venir et pour recueillir
les fruits ; ensemhle, des sommes qu'il a payées,
S II. DE LA LIQUIDATION DES FRUITS QUE LE POSSES tant pour les frais d'entretien et réparations
SEUR A trà CONhAMNÉ DE RESTITUER. viagères , que pour l'acquittement des charges
foncières, tant annuelles qu'extraordinaires , et
358. Lorsque le possesseur, qui sur l'action pour les dixièmes, vingtièmes et autres sem
en revendication, a été condamné, par un hlahles impositions, de toutes lesquelles sommes
jugement dont il n'y a pas d'appel , à délaisser il doit rapporter les quittances.
l'héritage revendiqué , a été aussi condamné à 359. Si le possesseur, pendant le temps qu'il
restituer les fruits qu'il en a perçus; l'Ordon a possédé l'héritage qu'il a été condamné de
nance de 1667, au titre 38, de la liquidation délaisser avec rapport des fruits, l'avait donné
des fruits , article premier, veut qu'il soit tenu à loyer ou à ferme, il doit rapporter les haux à
de rendre , dans les mêmes espèces , ceux de la loyer qu'il a faits, et compter les fermes et
dernière année qu'il a perçus, lorsqu'il les a loyers sur le pied desdits haux, sous la déduc
encore par-devers lui ; et ceux des années précé tion des charges foncières , frais d'entretien et
dentes , suivant la liquidation qui en doit être impositions , comme il a été dit ci-dessus.
faite devant le juge ou commissaire. Si les haux n'étaient pas à prix d'argent , mais
Pour parvenir à cette liquidation, le posses pour une certaine quantité de grains par chacun
seur, lorsqu'il a fait valoir l'héritage par ses an , il faudrait faire l'appréciation des grains de
mains, doit donner une déclaration de la quan la ferme de chaque année, suivant les extraits
tité des fruits qu'il a recueillis chaque année , du registre du lieu où la ferme était payahle , de
depuis le temps qu'il est condamné de les la manière dont nous l'avons dit ci-dessus. Le
rapporter; et, pour en justifier, représenter propriétaire pourrait être écouté à ne pas s'en
ses papiers de recette ; art. 2. tenir ou prix des haux à ferme , et à demander
Lorsque ces fruits sont des grains , on doit une estimation, s'il alléguait qu'il aurait fait
estimer ceux qu'il a recueillis chaque année , valoir l'héritage par ses mains, et qu'il en aurait
sur le pied qu'ils ont valu au marche le plus rétiré heaucoup plus.
Tome V. 38
DE LA PROPRIÉTÉ.
360. Si le compte des fruits présenté par le tuere jussus judici non paret... si non potest
possesseur n'est point débattu, le juge arrête ce restituere,siquideindolofecit,quominùspossit,
compte, en faisant déduction de la somme à 1s, quantum adversarius in litem, sinv ulltS
laquelle montent les fruits qui doivent être rap taxations, in infinitum juraverit, damnandus
portés , de celle à laquelle montent les articles est; liv. 68, ff. de rci vind.
employés au chapitre des déductions qui doivent Lorsque c'était seulement par la faute du
être faites; et la somme à laquelle le reliquat possesseur que la chose ne se trouvait plus, sans
aura été arrêté, doit être payée , par le posses qu'il fût néanmoins intervenu aucun dol de sa
seur, dans le mois , pour tout délai. part ; en ce cas , on ne déférait pas le serment in
Lorsque le propriétaire envers qui le posses litem au propriétaire, et le possesseur était seu
seur a été condamné au rapport des fruits, lement condamné envers lui en ses dommages
débat le compte, en soutenant, par exemple, et intérêts, tels qu'ils seraient réglés par arbitres,
que le possesseur a recueilli une plus grande dans lesquels n'entrait point le prix d'affection :
quantité de fruits que celle qu'il a déclarée par Si verà, ajoute la loi, nec potest restituers ,
le compte, le juge permet aux parties respectives nec dolo fecit quominùs possit , non pluris
de faire preuve , tant par témoins que par écrit, quùm quanti res est , id est quanti adversarii
de la quantité desdits fruits, et des autres faits interfuit , condemnandus est ; dict. I. 68.
par eux avancés; art. 3. 363. Dans notre jurisprudence française, on
Si le propriétaire qui a débattu le compte , ne ne défère pas le serment in litem au propriétaire;
fait pas sa preuve, il doit être condamné aux et soit que ce soit seulement par la faute, soit
dépens : si , au contraire , il la fait , c'est le que ce soit par le dol du possesseur, que la chose
possesseur qui y doit être condamné; lesquels ne lui a pas été rendue, le possesseur n'est con-
dépens, en l'un et en l'autre cas, doivent être damnéenverslui qu'en ses dommages et intérêts,
taxés par le jugement qui interviendra ; art 4- tels qu'ils seront réglés par personnes dont les
ai 5. parties conviendront ; et l'intérêt d'affection n'y
361. Lorsque le possesseur, qui a fait valoir entre pas.
l'héritage par ses mains , déclare qu'il ne peut 364. Lorsque le possesseur, qui , par sa faute,
rendre compte des fruits qu'il est condamné de s'est mis hors d'état de restituer la chose reven
rapporter, ne se souvenant aucunement de la diquée, paie au propriétaire la somme à laquelle
quantité qu'il a recueillie par chacun an , dont ont été réglés les dommages et intérêts, le pro
il n'a tenu aucun registre, non plus que des priétaire est censé lui abandonner pour celte
frais ; il ne peut , en ce cas , yavoir d'autre voie somme tout le droit qu'il a dans cette chose. C'est
que celle d'ordonner que les jouissances que lu pourquoi, cet ancien possesseur, qui a payé,
possesseur est condamné de rapporter, seront peut , comme étant aux droits du propriétaire à
estimées par personnes dont les parties convien qui il a payé cette somme, exercer à son profit et
dront. à ses risques, contre les tiers qui so trouveraient
en possession de cette chose, l'action de revendi
s iii. du cas auquel le possesseuv s'est mis hovs cation que le propriétaire eût pu exercer ; et si
d'état de pouvoiv vendve la chose vevendiquée. le propriétaire, qui a reçu la somme , s'en trouvait
depuis lui-même en possession , l'ancien posses
362. Lorsque la chose mobilière, que le seur, qui lui a payé cette somme, serait bien
possesseur a été condamné de restituer au pro fondé à intenter contre lui la demande pour
priétaire, ne peut être saisie entre ses mains, la lui faire délaisser : Si culpd non fraude quis
parce qu'elle ne s'y trouve plus ; si c'est par le possessionem amiserit , quoniam pati debet
dol de ce possesseur qu'elle ne s'y trouve plus, œstimationem Mis, audiendue erit à judice,
soit qu'effectivement elle ne s'y trouve plus, «s deeideret ut adversarius actione euâ cedat. . .
soit qu'il la recèle; en ce cas, suivant les prin ipso quoque, qui litis œstimationem perceperis
cipes du droit romain, lejugedevaits'en rapporter possidente , debet adjuvari; liv. 63, ff. de rei
au serment du demandeur sur la somme à laquelle vind.
il juge a propos d'estimer ses dommages et Le propriétaire ne serait pas même reçu , en
intérêts résultans de ce que sa chose ne lui est ce cas, à offrir de rendre la somme qu'il a reçue,
pas rendue, dans laquelle estimation il pouvait pour se dispenserde rendre la chose ù celuide qui
comprendre le prix de l'affection qu'il a pour il a reçu la somme : Aee facile audiendus
cette chose. Lejuge devait condamner le posses erit, ajoute tout de suite Papinien, si velit
seur payer au propriétaire la sommeàlaquellcce posteà pecuniam , quam ex sententiâ 1udicis ,
propriétaire avait, par serment de lui pris, estimé periculo judicati recepit, restituera; dict. 1. 63.
lui-même ses dommages et intérêts : Qui resti- Le propriétaire à qui le défendeur, qui s'est
PARTIE II, CHAPITRE II. 299
m is hors d'état de rendre la chose, a payé la somme gnrantie : Petilorpossessori de evictione cavere
a laquelle ont été réglés les dommages et inté non cogitur rei nomine cujus mstimationem
rêts , est bien obligé de lui abandonner tous les accepit; sibi enim possessor imputare debet qui
droits qu'il a dans cette chose, mais sans aucune non resiliait rem ; liv. 35 , § 2, ff. dict. tit.
CHAPITRE II.
De la pétition ethérédité.
365. L'action de revendication , dont nous sixième section , de certaines actions qui sont ù
Avons traité au chapitre précédent , a lieu pour l'instar de la pétition d'hérédité.
les choses particulières. Le propriétaire qui en
a perdu la possession, a cette action contre SECTION PREMIÈRE.
celui qui s'en trouve en possession. La question
qui est agitée par les parties sur cette action, pav quelles pevsonnes, et contve quelles
est de savoir si le demandeur a justifié suffi pevsonnes peut etve intentee la petition
samment son droit de propriété de la chose d'névédité.
revendiquée. La pétition d'hérédité a lieu pour avticle pvemier.
les successions : l'héritier à qui la succession
appartient, soit pour le total, soit pour partie, Par quelles personnes peut être intentée la
a cette action contre ceux qui la lui disputent , pétition d'hérédité.
et qui refusent, sur ce prétexte, de lui rendre
les choses qu'ils ont par-devers eux, dépendantes 366. De même que l'action de revendication
de ladite succession, ou qui en sont provenuos; ne peut être valablement intentée que par le
ou de lui payer ce qu'ils doivent à ladite succes propriétaire de la chose revendiquée , pareille
sion. La question qui est à juger , est de savoir ment la pétition d'hérédité ne peut être intentée
si le demandeur a bien établi sa qualité d'héri que par celui qui est l'héritier du défunt , dont
tier , et si , en conséquence , la succession lui il revendique la succession , et par conséquent
appartient. propriétaire de cette succession.
Nous verrons, dans une première section, Dans les provinces régies par le droit écrit ,
par quelles personnes et contre quelles personnes et dans quelques Coutumes qui reconnaissent
peut être intentée la pétition d'hérédité : dans des héritiers testamentaires, telles que celle de
une seconde, ce que le demandeur doit établir Berri , l'héritier peut intenter la pétition d'hé
sur cette action, et ce qui peut lui être opposé rédité , soit qu'il soit héritier testamentaire, soit
par lo défendeur. Nous y verrons de plus , si et qu'il soit héritier légitime. Dans les Coutumes
comment , pendant que le procès dure sur cette de Paris, d'Orléans , et dans presque tout le pays
action entre deux parties qui se disputent la coutumier , il n'y a pas d'autre héritier que
succession, les créanciers de la succession et les l'héritier légitime.
légataires peuvent se faire payer. Nous traiterons, 367. Celui qui n'est héritier que pour une
dans uno troisième section, de la restitution qui partie, peut intenter la pétition d'hérédité, aussi
doit être faite des biens de la succession, par le bien que celui qui est héritier pour le total ;
possesseur,à l'héritier qui a obtenu en sa demande avec cette différence, que celui qui est héri
en pétition d'hérédité. Nous traiterons dans une tier pour le total , revendique la succession
quatrième, des prestations personnelles aux entière contre ceux qui en possèdent quelques
quelles est tenu ,en ce cas , le possesseur envers cet effets , quelque peu qu'ils en possèdent, et con
héritier : dans la cinquième, de celles auxquelles clut , en conséquence , à ce que le juge, en dé
est tenu, de son côté, l'héritier envers le pos clarant que la succession lui appartient pour le
sesseur. Enfin, nous traiterons, dans une total , condamne le défendeur à lui délaisser le
:«x> DE LA PROPRIÉTÉ.
tufat de ce qu'il a par devers lui des effets do son cédant , ni exercer aucun recours contre
celte succession ; au lieu quu celui qui n'est lui, à moins qu'il n'y eût du dol de la part de
héritier qu'en partie , revendique seulement la son cédant ; comme s'il était justifié que , lors
partie de la succession qui lui appartient, et de la cession , le cédant avait une parfaite con
conclut, en conséquence, à ce que le juge, en naissance que les prétentions qu'il vendait
déclarant que la succession lui appartient pour étaient mal fondées ; auquel cas , le cession
cette partie, condamne le défendeur à lui dé naire a l'action de dol contre lui. C'est pourquoi
laisser les effets de cette succession qu'il a Gaïus, après avoir dit que celui qui n'a vendu
par-devers lui , pour la part seulement qu'il a que ses prétentions, ne contracte aucune obli
dans cette succession. gation de garantie , ajoute : Hoc ità intelligen-
368. Non seulement l'héritier immédiat d'un dum , nisi sciens ad se non pertinere ità ven-
défunt a droit de revendiquer, par cette action diderit ; nam tune ex dolo tenebitur, liv. 12, ff.
d'hérédité , la succession de ce défunt , mais de hœred. vind. Voyez notre Traité du Con
encore l'héritier do cet héritier , a le même trat de vente , n. 528 et 529.
droit; car l'héritier immédiat, ayant transmis
tous ses droits à son héritier, lui a transmis la ARTICLE II.
propriété qu'il avait de cette hérédité. C'est ce Contre qui peut être intentée la pétition
qu'enseigne Gaïus : Si Tilio qui Seio hœres d'hérédité.
extitit, nos hœredes facti sumus , sicuti Titii
hœreditatem nostram esse intendere possumus, 370. La pétition d'hérédité peut être intentée,
ità et Seii; liv. 3, ff. de hœred petit. non seulement contre ceux qui se sont mis en
Ce que nous disons de l'héritier de l'héritier possession des biens , ou de la plus grande par
doit s'entendre quantumvis per longissimam tie des biens de la succession qui est revendi
successionem ; car c'est une règle de droit que , quée par le demandeur, mais même contre
Qui per successionovi quamvis longissimam celui qui ne posséderait qu'un effet de cette
hœredes constiterunt, non minus hœredes in- succession le moins considérable , lorsque ce
teliiguntur, quàm qui principaliter hœredes possesseur, pour ne pas rendre cet effet, dispute
existunt ; liv. 194, ff. de Reg. Jur. au demandeur la propriété de la succession et
369. Un cessionnairc de droits successifs sa qualité d'héritier, en laquelle il eu demande
peut aussi , non pas de son chef, mais du chef la restitution : Definiendum est eum teneri pe
de l'héritier qui lui a cédé ses droits successifs , titions hœreditatis, qui veljus pro hœrede vel
intenter la pétition d'hérédité. possessore possidet , vel rem hœreditariam , li-
Lorsque le possesseur des effets de la succes cet minimam; liv. 9, liv. 10, ff.de hœred. petit.
sion , assigné sur la demande de ce cessionnaire Si le possesseur ne disputait pas au deman
des droits successifs, lui dispute la propriété de deur sa qualité d'héritier, mais soutenait que
la succession , et la qualité d'héritier qu'a son les choses dont le demandeur lui demande la
cédant, il peut sommer en garantie son cédant, restitution, en qualité d'héritier d'un tel , n'ap
qui est son garant formel , pour qu'il soit tenu partenaient point au défunt; en ce cas, la con
de prendre son fait et cause, et de suivre la testation n'étant pas sur la propriété de la
demande en pétition d'hérédité contre le défen succession , mais sur la propriété des choses
deur qui dispute sa qualité d'hérédité , et la pro particulières , il n'y aurait pas lieu à la péti
priété de la succession : car quoique celui qui tion d'hérédité , mais à l'action de revendica
a vendu ses droits successifs , ne soit pas garant tion.
des effets particuliers de la succession , il est 37 1 . A l'égard des possesseurs, qui prétendent
garant de la succession , lorsque c'est la succes que la succession dont ils possèdent les effets ,
sion elle-même et sa qualité d'héritier qui sont leur appartient , soit pour le total , soit pour
disputées à son cessionnaire : Hœredem se esse partie, la pétition d'hérédité procède contre
prœstare debet ; liv. 13, ff. de hœred. vind. eux , soit qu'ils n'aient aucun droit dans cette
11 en serait autrement , si quelqu'un avait succession, soil qu'ils y aient effectivement une
vendu , non ses droits successifs , mais ses pré part, lorsqu'ils disputent au demandeur la part
tentionsa une telle succession, si aucunes il y a. qu'il y a , et pour laquelle il a intenté contre
En ce cas, le cessionnaire desdites préten eux la pétition d'hérédité. C'est pourquoi, dans
tions , soit qu'il ait intenté lui-même la pétition l'espèce d'une sœur, qui , étant héritière d'un
d'hérédité, soit qu'elle ait été intentée contre défunt avec ses quatre frères , chacun pour une
lui , doit faire valoir à ses risques les préten cinquièmeportion, avait intenté la pétition d'hé-
tions de son cédant, lorsqu'elles lui sont dis rédité pour sa cinquième portion , contre ses
putées , sans qu'il puisse sommer eu garantie fières qui s'étaient emparés des effets de cette
PARTIE II, CHAPITRE II. 301
.succession qu'ils prétendaient leur appartenir 374. La pétition d'hérédité peut aussi être in
ù l'exclusion de leur sœur, le jurisconsulte dé tentée contre un débiteur de la succession ,
cide que la pétition d'hérédité procède contre lorsque, pour se défendre de payer ce qu'il doit
eux, et que chacun desdits frères doit, sur cette à la successiou , il prétend que c'est à lui que la
action, être condamné à restituer à sa sœur la succession appartient , et la dispute au deman
cinquième portion do ce dont il s'est emparé : deur : Item (peti polest hœreditas , dit Ulpien,)
Sorori, quam cohœredom fratribus quatuor in à debitore hœreditario , quasi à juris posses-
bonia matrïs esse pUicuit , quinta portio , pro aore; nam et à juris possessoribus posse hœre-
portionibus , quœ ad eos pertinuit, cedet ; ità ditatem peti constat; liv. 13, § fin., ff. dict. lit.
ut singuli in quartd , quam anteà habere cre- Le sens de ces termes , quasi àjuris posses-
debantur, non ampliùs ei quintam conferant ; sore , est que par le refus que fait ce débiteur
liv. 6, S. si pari hœred. pet. de payer ce qu'il doit à la succession en préten
372. Dans nos usages , un héritier pour par dant que la succession lui appartient , il se
tie débuteordiuairement pardonner la demande met , en quelque façon , en possession d'un
à fui de partage contre les autres héritiers qui droit de la succession, savoir, de la créance
se sont emparés des effets de la succession. .Huis que le défunt avait contre lui , qu'il prétend
si les héritiers, assignés sur cette demande, dis. être passée en sa personne, en sa prétendue qua
pillent au demandeur la part qu'il prétend dans lité de son héritier.
Ja succession dont il demande le partuge , le Mais lorsque le débiteur ne prétend pas que
demandeur, en soutenant contre les défendeurs la succession envers laquelle il est débiteur, lui
que la part qui lui est disputée lui appartient , appartient , mais fonde le refus qu'il fait de
est censé intenter contre eux la pétition d'héré payer au demandeur ce qu'il doit à la succes
dité pour cette part; et cette pétition doit être siou , uniquement sur ce qu'il prétend que le
instruite et jugée préalablement à la demande à demandeur ne lui a pas suffisamment justifié
fin de partage. que cette succession lui appartient ; ce qu'il doit
In héritier pour partie ne pouvant pas , sur néanmoins lui justifier, pour qu'il puisse le payer
la pétition d'hérédité, faire condamner un de sûrement ; en ce cas , il n'y a pas lieu à la péti
ceux qui possèdent des effets de la succession , à tion d'hérédité contre ce débiteur, qui nullam
les délaisser pour le total, quelque peu qu'il en facit hœreditutis controversiam. L'héritier n'a,
possède , mais seulement quant à la part pour en ce cas, d'autre action contre ce débiteur,
laquelle le demandeur est héritier, et pour la que celle qui est née de la créance du défunt,
quelle il a intenté sa pétition , comme nous sur laquelle il doit justifier sa qualité d'héritier,
l'avons vu suprà, n. 367, il s'ensuit qu'il ne qui a fait passer cette action en sa personne :
suffit pas à l'héritier pour partie d'intenter la Si debitor hœreditarius non ideà nolit solvere
pétition d'hérédité contre quelqu'un des posses quodsedicat hœredem , sed ideà , quod neget
seurs ; il faut qu'il l'intente contre tous. C'est aut dubitet an hœreditas pertineat ad eum
ce qu'observe II pieu : Si duo possideant hœre- qui petit hœreditatem , non tenetur hœredila
ditatem , et duo sint qui adse pertinere dicant, tis petitions ; liv. 42, ff. dict. tit.
non singuli à singulis petero contenti esse de- 375. Suivant les principes du droit romain ,
bent , putà, primus à primo, vel secundus à le véritable héritier n'avait l'action directe en
secundo, sed ambo à prime, et ambo à secundo ; pétition d'hérédité contre le possesseur d'effets
neque enim aller primi , aller secundi parteni de la succession , que lorsque ce possesseur pré
possidet, sed ambo utriusquo pro hœrede ; tendait , de son chef, la propriété de la succes
lir. 1 , § 2 , ff. si pars hœr. pet. sion. Lorsqu'il ne la prétendait que du chef d'un
373. La pétition d'hérédité peut être intentée, autre, de qui il avait acquis les droits succes
non seulement contre ceux qui possèdent des sifs , l'héritier avait seulement contre lui l'ac
effets dépendons de la succession , mais géné tion utile, qui avait tous les mêmes effets que
ralement contre tous ceux à qui il en est parvenu la directe : Si quia hœreditatem emerit, an
quelque chose , tel qu'est celui qui a reçu quel utilis in eum petitio hœreditatis deberet dari
que somme des débiteurs de la succession , ou ne singulisjudiciia vciaretur?... Putat Gains
du prix de la vente des effcts de la succession , Cassius dandam ulilem actionem ; liv. 13 , § 4,
lorsque, pour se dispenser d'en faire raison au dict. tit. Cette distinction des actions directes
demandeur, il lui dispute la succession et sa et utiles , qui ne diffèrent que subtilitatejuris ,
qualité d'héritier : Sed et is qui pretia reruin est inconnue dans notre droit.
hœreditariarum poasidet , item is qui à debi- 376. On peut aussi intenter la pétition d'hé
tore exegit , petione hœreditutis tenetur ; 1. 16 , rédité contre celui qui ne possède plus , à la
§ I , ff. de hœred. petit. vérité , aucune chose de la successiou dont il
302 DE LA PROPRIÉTÉ.
prétend la propriété, mais qui a cessé par dol proprement ces choses qui sont revendiquées
do posséder celles qui étaient par-devers lui : Si par cette action, c'est la succession même qui
quis dolo fecerit quoniinùs possideat , hœredi- est revendiquée. C'est pourquoi le demandeur,
tatis possessione tenebitur ; Uv. 13 , § 14. qui a intenté la demande en pétition d'hérédité,
C'est ce qui avait été ordonné par la constitu soit en qualité d'unique héritier d'un tel, soit
tion d'Adrien , rapportée en la loi 20 , § 0, IV. comme héritier pour une certaine partie de ce
dict. fit., où il est dit : Eos qui bona inva- tel , doit établir et justifier contre le défendeur,
sissent , quiim scirent ad se non pertincre , qui lui dispute la succession de ce tel, que cette
ctiamsi ante litem contestatam fecerint quo succession lui appartient , ou pour le total , ou
niinùs poasiderent , perindè condemnandos pour la partie pour laquelle il se prétend héri
q uasi possiderent. tier ; à l'effet qu'après qu'il l'aura établi , le dé
377. Enfin , dans la pétition d'hérédité , de fendeur soit condamné à lui restituer , non pas
même que dans l'action de revendication , lors toute la succession , ni toute la partie de cette
que le demandeur a assigné quelqu'un, pour succession qui appartient au demandeur, mais
délaisser quelque chose dont il le croyait pos seulement tous les effets de cette succession
sesseur, quoiqu'il ne la possedât pas ; si la partie qu'il possède ; lesquels effets il doit restituer ou
assignée , dans le dessein de tromper le deman pour le total, lorsque le demandeur est héritier
deur, et pour donner à celui qui la possédait le unique; et lorsqu'il ne l'est que pour partie,
temps de l'acquérir par droit d'usurpation , a pour la partie seulement pour laquelle il est hé
défendu à la demande , comme s'il possédait ritier : Qui ex asse vel ex parte hœres est,
cette chose , en soutenant que la succession intondit quidem hœreditatem suam esse lotam
dont elle dépendait lui appartenait , et non au vel pro parte, sed hoc sulum ei officia jndicis
demandeur; il doit être , sur la demande, con restituitur quod adversarius possidet, aut to-
damné, de même que s'il eût effectivement pos tum si ex asse sit hœres, aut pro parte ex qud
sédé la chose : Qui se liti obtulit quiim rem hœres est, liv. 10, § 1, ff. dict. tit.
non possideret , condemnatur; liv. 4S, ff. de La pétition d'hérédité doit donc se mesurer
petit, hœred. sur le droit que le demandeur prétend dans
Il en serait autrement , si le demandeur avait cette succession , et non sur ce que le défendeur
lui-même connaissance que la partie assignée en possède. C'est pourquoi, quelque peu qu'il
ne possédait pas la chose pour laquelle il l'a assi en possède, le demandeur, par cette action,
gnée; car, en ce cas, elle ne l'aurait pas trompé. revendique contre lui toute la succession, s'il
C'est pourquoi le jurisconsulte ajoute tout de est héritier unique; ou toute la partie pour la
suite : .\ isi si evidentissimis probationibus quelle il est héritier, lorsqu'il ne l'est que pour
possitostendere, actorem ab initiolitis scireeum partie : Qui hœreditatem vel partem hœredi
non possidere ; quippe isto modo non est decep- tatis petit , is non ex eo metitur quod possessor
tus , et qui se hœreditatis petitioni obtulit , ex occupant , sed ex suojure, et ideo sire ex asse
doli clausuld tenetur : œstimari scilicet opor- hœres sit, totam hœreditatem vindicabit , licèt
tebil quanti ejus interfuit non decipi ; dict. I. tu unam rem possideas ; sive ex parte, licèt tu
totam hœreditatem possideas; liv. I , § I , ff. si
SECTION II. pars hœred. pet.
379. Lorsque le demandeur en pétition d'hé
QUE DOIT ÉTARLIR LE DEMANDEUR SUR L'ACTION rédité , à qui la succession est disputée par les
EN PÉTITION D'HÉRÉDITÉ, ET CE QUI PEUT LUI défendeurs , est un héritier testamentaire , dans
ÊTRE OPPOSÉ; 81, ET COMMENT, PENDANT CE les provinces qui les admettent, ce demandeur
PROCÈS , LES CRÉANCIERS DE LA SUCCESSION ET doit justifier do son droit dans la succession
LES LÉGATAIRES SE PEUVENT FAIRE PAYER.
qu'il revendique, par le rapport du testament
ARTICLE l'REHIER. par lequel il est institué héritier.
Lorsque les défendeurs en pétition d'hérédité
De ce que doit établir le demandeur sur la sont ceux qui, à défaut de testament , viendraient
demande en pétition d'hérédité ; et de ce qui à la succession ab intestat du défunt , ils sont
peut lui être opposé. reçus à débattre le testament qui fait le fonde
ment de la demande du demandeur.
378. Quoique, sur la demande en pétition Ils peuvent même , avant que de le débattre,
d'hérédité , le possesseur ne soit condamné à lorsque le testament est otographe, demander
délaisser que ce qu'il possède des choses dépen qu'il soit vérifié par experts dont les parties con
dantes de la succession du défunt, dont te de viendront , pour être écrit et signé de la main
mandeur est héritier, ce ne sont pas néanmoins du défunt.
PARTIE II , CHAPITRE II. 303
Cette vérification se fait toujours aux dépens logiques qui pourraient servira établir etjustifier
de la succession ; les parties qui la demandent sa généalogie, il est fondé à demander que lo
n'étant pas obligées de connaître l'écriture du défendeur les rapporte, ou du moins, lorsqu'il
défunt. n'y a pas de preuve qu'il les ait, qu'il soit tenu
Lorsque la partie qui a demandé cette véri de se purger par serment qu'il n'en a point.
fication , avait une parfaite connaissance de 383. Après que le demandeur a établi sa généa
l'écriture du défunt, elle est obligée, dans le logie, le possesseur doit la contredire, s'il croit
for de la conscience , de rendre à la succession qu'elle n'est pas bien établie ; ou , s'il la croit
les frais de cette vérification qu'elle a fait faire suffisamment établie , il doit , de son coté , établir
par malice, sans que besoin en fût. la sienne, pour justifier qu'il est en degré plus
380. Lorsque le testament est un testament proche que le demandeur, et conséquemmenl
solennel , il n'y a pas lieu à aucune vérification. que sa demande ne procède pas, ou pour jus
La foi qui est due à l'officier public qui l'a tifier qu'il est en degré égal , et conséquemment
reçu , assure suffisamment la vérité de la signa que la demande ne procède que pour partie.
ture du testateur et des témoins ; à moins que Si le possesseur, contre qui le demandeur
les défendeurs ne voulussent passer à l'inscrip revendique l'hérédité ab intestat du défunt, s'en
tion en faux contre le testament; auquel cas prétend héritier testamentaire, dans les provinces
cette accusation devrait être instruite et jugée, qui admettent les héritiers testamentaires, il
avant que de statuer sur la pétition d'hérédité; doit produire le testament par lequel il est
et si celui qui a formé l'accusation, ne prou institué; le faire reconnaître, s'il est olographe;
vait pas le faux, il devrait être condamné aux et le demandeur doit le débattre par les ma
dépens , dommages et intérêts , auxquels sont nières ci-dessus mentionnées.
condamnés ceux qui ont intenté une accusation 384. On a demandé si le possesseur qui se
calomnieuse. prétend héritier testamentaire, peut, contre le
381. On peut débattre le testament, sur le demandeurqui revendique l'hérédité abinlestat,
quel le demandeur en petition d'hérédité fonde opposer, comme fin de non recevoir, que le
sa demande , ou pour cause de nullité pour demandeur a approuvé ce testament , en rece
quelque défaut qui se trouverait dans la forme, vant un legs particulier qui lui était fait par ce
ou pour des faits de suggestion , à la preuve testament. Paul décide pour la négative. Légi
desquels le juge doit admettre le défendeur qui timani hœreditatem vindicare non prohibetur
les oppose , lorsqu'ils sont bien articulés. M qui, quilm ignorabat vires testamenti,judi-
On peut aussi opposer, contre le testament, ciumdefunctisecutus est;\. 8, ff. de hœred.petit.
les vices tirés du motif qui a porté le testateur a Cela doit, néanmoins, dépendre des circon
le faire; comme lorsqu'on peut établir qu'il a stances. Lorsqu'il parait que c'est par erreur
été fait par un motif de captation, ou par le qu'il a reçu le legs, et qu'il n'a appris que
motif d'une haine injuste que le testateur avait depuis les défauts qu'il entend opposer contro
contre ses enfans. On peut aussi opposer contre le testament, on ne peut lui opposer de fia da
le testament , que le testateur était incapable de non recevoir contre sa demande qu'il intente do
tester, ou que depuis son testament il a changé bonne foi, et il ne peut être censé avoir, en
de volonté. Enfin on peut opposer au deman acceptant lelegs, renoncé à l'hérédité ab intestat;
deur, qu'il est incapable de l'institution d'héritier car on ne peut être censé renoncer à un droit,
qui a été faite de sa personne , ou indigne. Le tant qu'on ignore avoir ce droit : mais s'il parait
défendeur doit justifier ce qu'il oppose contre le de sa part de la mauvaise foi, la fin de non
testament. recevoir sera opposée. C'est pourquoi le même
382. Lorsque le demandeur en pétition d'hé Paul dit ailleurs : Imperator Antoninus res-
rédité est un héritier légitime, il doit, pour établir cripsit , ei, qui legatum ex testamento abstu-
que la succession qui lui est disputée par le lisset, causa cognitd hœreditatis petilionem
défendeur, lui appartient , signifier au défendeur negandam esse , scilicet si manifesta calumnia
sa généalogie, par laquelle il établit son degré sit; liv. 43, ff. dict. lit.
de parenté avec le défunt. 385. On fait une autre question, qui est de
Il doit justifier cette généalogie par des titres savoir, si ce demandeur, qui a été reçu à
généalogiques.tels que sont des actes de baptême, intenter la pétition d'hérédité , doit perdre son
de célébration de mariage, des prémisses de legs , au cas qu'en définitif il n'obtienne pas en
contrats de mariage ou d'actes de partage. sa demande. Paul décide encore cette question
Lorsque le demandeur prétend que , parmi les pour la négative, lorsqu'il n'y a pas de mauvaise
papiers de la succession dont il prétend que le foi de la part du demandeur : Postquàm legatum
défendeur s'est emparé , il y a de ces titres généa à te accepi, hœreditatem peto. Atilicinus qui
304 DE LA PROPRIÉTÉ.
busdam placuisse ait non aliter mihi adveraiis par des conclusions subordonnées, en déclarant
te dandam petitionem , quani si legatum red- que c'est dans le cas seulement auquel , contre
derem ; videamus ne non aliter petitor hœre- son espérance, la succession serait, par le juge
(iilalis legatum reatituere debeat , qiiàm ut ei ment qui doit intervenir sur la pétition d'héré
caveatur, si contra cum de hœreditate judi- dité , déclarée appartenir à son adversaire.
catum fuerit , reddi ei legatum? q un m sit ini- 389. Passons au cas inverse. Lorsque c'est la
quun1 eo casu possessorem hœreditatis legatum succession , qui a quelque action contre l'une
quod aoherit retinere , et maxime si non per des parties qui se disputent la succession , le
calumniam . sed per errorem . hœreditatem procès qui est pendant sur la pétition d'héré
petierit adversarius ; idque et Lœlius probat; dité, parait aussi devoir la suspendre jusqu'a
dirt. I. 43. près le jugement qui doit intervenir sur la
386. Lorsque c'est un cessionnaire de droits pétition d'hérédité ; car c'est de ce jugement
successifs qui intente la pétition d'hérédité , il que dépend le sort de cette action. Si, par ce
doit établir tout ce que son cédant, du chef jugement , la succession est déclarée appartenir
duquel il l'intente, devrait établir; et on peut au débiteur, l'action se trouvera avoir été éteinte
lui opposer tout ce qui peut être opposé à son et confuse ; si , au contraire , la succession est
cédant. déclarée appartenir à l'autre partie, elle l'exer
cera contre ce débiteur.
AI1TICLE II. Si , néanmoins , le débiteur d'une succession
formait, contre la personne qui est en possession
De l'effet du procès pendant sur la pétition des biens de cette succession, une demande en
d'hérédité. pétition d'hérédité qui ne parût pas avoir de fon
dement, ce possesseur devrait être reçu, même
S I. DE SON EFFET VIS-A-VIS DES PARTIES PLAIDANTES. pendant le procès sur la pétition d'hérédité, a
lui demander et à exiger de lui ce qu'il doit à la
387. Un effet du procès sur la pétition d'héré succession, à la charge de le lui rendre, au cas
dité, est que, tant qu'il est pendant , il suspend qu'il obtint en définitif sur la pétition d'hérédité;
les droits que l'une et l'autre des parties avaient ne devant pas être au pouvoir d'un débiteur
contre le défunt , jusqu'au jugement définitif de la succession d'éloigner le paiement de ce
qui doit intervenir sur la pétition d'hérédité. qu'il doit, en intentant, sans fondement, une
Car le sort de ces actions dépend du jugement demande en pétition d'hérédité.
qui doit intervenir. Si , par ce jugement , l'héré 390. Il est évident que la pétition d'hérédité
dité est déclarée appartenir â celui qui avait ces arrête l'action de partage; car, pour partager
actions contro le défunt , il n'y a pas lieu à ces une succession , il est préalable de décider entre
actions , qui , par sa qualité d'héritier , sont con quelles personnes se doit faire le partage, et
fuses en sa personne; il n'y a lieu à ces actions quelle part doit y avoir chacune d'elles.
que lorsque l'hérédité, par le jugement, est 391. Un antre effet du procès sur la pétition
déclarée appartenir à son adversaire, contre d'hérédité, est que, dès que la demande est
lequel il peut , après ce jugement , les exercer. donnée, il n'est pas permis au possesseur des
388. L'exercice de ces actions étant empêché biens de la succession d'en rien vendre : D. Pins
par le procès sur la pétition d'hérédité , le temps rescripsit prohibendum possessorem hœredi-
de la prescription contre ces actions est-il pareil tatis de quâ controversia erit , antequàm lia
lement arrêté pendant ce procès? Je ne le crois inchoarctur, aliquid ex ed distrahere ; liv. 5.
pas. Il ne doit pas être au pouvoir d'un créancier ff. de hœred. petit.
de la succession de proroger le temps de son Cette règle souffre néanmoins quelques excep
action , en faisant un mauvais procès. Si le procès tions. Par exemple, on doit permettre au pos
snrlapétition d'hérédité empêche qu'il ne puisse sesseur de vendre les choses périssables : Res
procéder sur ces actions , il peut au moins , pour tempore perituras permittere debet prietor dis
empêcher le temps de la prescription , proposer trahere ; dict. I. 5.
ces actions par un acte de procédure pendant le On doit aussi lui permettre de vendre quelque
procès sur la pétition d'hérédité , sauf à y sur héritage, à défaut du mobilier, pour payer les
seoir, et à n'y procéder qu'après le jugement dettes de la succession, et pour prévenir une
définitif. saisie réelle des biens de la succession que les
Vous opposerez peut-être qu'il ne peut pro créanciers pourraient faire : Si fulitrnsn est , ut
poser ces actions, puisque, en les proposant, il nisi pecunia intrà diem solvatur. pignus dis-
contredirait la prétention qu'il a que l'hérédité trahatur ; dict. I. 5.
lui appartient. Je réponds qu'il peut les proposer Lorsqu'il y a quelques dépenses nécessolres à
,
PARTIE II, CIIAPITRE II 305
faire pour In conservation des biens de la suc la succession serait déclarée appartenir à sa par
cession, on doit permettre de vendre jusqu'à tie adverse , il aurait contre elle la répétition de
concurrence de la somme nécessaire pour les ce qu'il a été obligé de payer a ce créancier de
faire : Non soin m ad œs alienum hœreditarium la succession. Telle est , à cet égard, la décision
exsolvendum neceasaria alienatio possessori de Justinien. Je pense qu'on doit subvenir da
est , sed et si impenses necessariœ in rem hœre- vantage au demandeur en pétition d'hérédité,
ditariam factœ sunt à possessore , vel si mord et que sur la demande donnée contre lui par le
periturœ deterioresve futures erant ; ljv. 53 , ff. créancier, il doit être reçu è la dénoncer au
dict. fit. possesseur qui lui dispute la succession , et à
Dans tous ces cas, lorsque lejuge a permis au conclure contre lui à ce qu'il soit tenu d'y en
possesseur de vendre, pendant le procès, des tendre, et d'acquitter la créance , après que le
effets de la succession , la vente doit s'en faire créancier l'aura établie; sauf à se faire allouer
partie appelée. en dépense le paiement qu'il en aura fait, dans
S II. DE L'EFFET DU PROCÈS PENDANT SUR LA PÉTITION le compte qu'il aura à rendre au demandeur, si
DE L'HÉRÉDITÉ VIS-A-VIS DES TIERS . TELS QUE SONT le demandeur obtient sur sa demande en péti
LES CRÉANCIERS DE LA SUCCESSION ET LES LÉGA tion d'hérédité.
TAIRES.
394. A l'égard des légataires , si la demande
392. Le procès sur la pétition d'hérédité entre en pétition d'hérédité était entre deux parties ,
deux parties qui se disputent la succession , ne dont l'une se prétendrait héritière testamen
doit point empêcher les créanciers de cette suc taire , et qu'en conséquence, la question sur la
cession d'être payés ; ils ne doivent point souffrir validité du testament fût l'objet du procès , les
de ce procès. Justinien , en la loi fin. , Cod. de légataires, dont le droit dépend de la même
pet. hœred. , distingue, à cet égard , entre les question, devraient attendre, pour le paiement
créanciers de corps certains, et les créanciers de leur legs, la décision du procès; ils pour
d'une somme d'argent. raient y intervenir, et y soutenir, avec l'héritier
Les créanciers de corps certains qui se trou testamentaire, la validité du testament.
vent en nature par-devers celui qui s'est mis en Si le procès sur la demande en pétition d'hé
possession des biens de la succession , tels que rédité était entre des porties qui se disputent
sont ceux qui sont créanciers de la restitution l'une et l'autre la succession ab intestat, et qu'en
d'une certaine chose qu'ils ont prêtée ou donnée conséquence il n'y fût pas question du testa
en dépôt au défunt , peuvent agir contre ce pos ment, les légatai-es pourraient donner leur de
sesseur chez qui est la chose , qui ne peut refuser mande en délivrance et paiement de leur legs ,
de la rendre à ce créancier, qui , de son côte , contre celle des parties qui s'est mise en posses
lui remettra la reconnaissance du prêt ou du sion des biens de la succession , sans qu'elle
dépôt que le défunt lui en avait donnée. puisse demander qu'il fut sursis jusqu'au juge
Si ce créancier de corps certain avait donné ment sur la pétition d'hérédité.
la demande contre l'héritier demandeur en péti
tion d'hérédité , chez qui la chose n'est pas , cet SECTION III.
héritier serait bien fondé a prétendre qu'il serait DE LA RESTITUTION QUI DOIT ÊTRE FAITE AU
tenu de se pourvoir contre le possesseur chez DEMANDEUR QUI A ORTENU SUR SA DEMANDE
qui la chose est; car un débiteur de corps cer EN PÉTITION D'HÉRÉDITÉ.
tain n'est pas tenu de le rendre, lorsque, sans Comme il y a plusieurs différences à faire en
son fait ni sa faute, un tiers lui en a enlevé tre les possesseurs de bonne foi et les possesseurs
la possession. de mauvaise foi, pour la restitution qui doit
393. A l'égard des créanciers de sommes d'ar être faite au demandeur qui a obtenu en sa de
gent, Justinien décide qu'ils peuvent s'adresser mande en pétition d'hérédité, et pour les pres
tant contre l'une que contre l'autre des parties tations personnelles, dont nous traiterons en la
qui se disputent la succession , sans que ni l'une section suivante , nous verrons , dans un premier
ni l'autre puisse demander qu'il soit sursis à la paragraphe, quels sont ceux qui sont possesseurs
demande du créancier, jusqu'à la décision du de bonne foi ; quels sont ceux qui sont posses
procès sur la pétition d'hérédité. seurs de mouvaise foi. Nous verrons, dans un
Quoique le demandeur en pétition d'hérédité second , quelles sont les choses que le posses
ne soit pas encore en possession des biens de la seur doit restituer au demandeur qui a obtenu
succession , il est, par la seule qualité d'héritier sur sa demande en pétition d'hérédité : dans un
qu'il prétend avoir, tenu de payer les dettes de troisième, quelles sont les différences entre le
la succession , sauf que , dans le cas auquel , par possesseur de bonne foi et celui de mauvaise foi ,
l'événement de l'action en pétition d'hérédité, par rapport aux choses qu'il a cessé de posséder.
Tome V.
306 DE LA PROPRIÉTÉ.
Nous verrons, dans un quatrième, pour quelle teà vero conscius ad se nihil hœreditulcm per
portion la restitution doit être faite au deman tinere. prœdonio more versari cœpit ; nihil
deur qui n'est héritier que pour partie. senatus loqui videtur ; puto tamen et ad eum
mentem senatus -consulti pertinere; parvi
S I. QUELS SONT CEUX QUI SONT POSSESSEURS DE RONNE enim refert ab initio quis dolosè in hœreditate
FOI ; QUELS SONT CEUX QUI SONT POSSESSEURS DE sit cersatus , an posteà hoc facere cœpit ; dict.
MAUVAISE FOI? I. 25 , § 5.
395. Dans cette matière de pétition d'hérédité, 397. Nous avons déjà observé, au chapitre
on appelle possesseurs de bonne foi ceux qui se précédent, suprà, n. 317, qu'en matière de
sont mis en possession des biens d'une succes pétition d'hérédité , de même qu en matière de
sion qu'ils croient de bonne foi leur appartenir. revendication , les différences, entre le posses
C'est la notion qu'en donnent ces termes de seur de bonne foi et celui de mauvaise foi ,
la constitution d'Adrien, Qui se hœredes exis- n'ont lieu que pour le temps qui a précédé la
timant; liv. 20, § 6, If. de petit, hœred. demande; le possesseur de bonne foi cesse de
Par exemple, une personne instituée héritière l'être lors de la demande, par la connaissance
par le testament d'un défunt, dans les provin que le demandeur lui donne de ses titres de
ces où l'institution d'héritier est admise , s'est propriété.
mise en possession , en vertu de ce testament, Il en reste, néanmoins, encore une que nous
des biens de ce défunt , n'ayant pas de connais observerons infrà.
sance que le testateur eût révoqué le testament
par un autre qui a paru depuis : c'est un posses S II. QUELLES SONT LES CHOSES QUE LE POSSESSEUR DOIT
seur de bonne foi. RESTITUER AU DEMANDEUR QUI A ORTENU EN SON
Un parent s'est mis en possession des biens de ACTIl N DE PETITION d'hEREDITK.
la succession de son parent , croyant être en de
gré de lui succéder, quoiqu'il y eût une autre 398. Lorsque le demandeur en pétition d'hé
personne, qu'il ne connaissait pas, qui était rédité ajuslifiéquela succession qu'ilrevendique
dans un degré pTus proche que lui : c'est un pos lui appartient, et qu'il a en conséquence obtenu
sesseur de bonne foi. sentence de condamnation contre le possesseur
Au contraire, on appelle un possesseur de qui s'est emparé des biens de la succession , ce
mauvaise foi , ou prœdo, celui qui s'est mis en possesseur doit restituer toutes les choses dépen
possession des biens d'une succession qu'il savait dantes de la succession , qu'il a par-devers lui,
ne lui pas appartenir. C'est la notion qu'en donne les droits de la succession, aussi bien que les
la constitution d'Adrien , par ces termes , Qui choses corporelles : Placuit universas res hœre
bona invasissent quùm scirent ad se nonperti- diturias in hoc judicium venire, sive jura ,
nere; dict. I. 20, §6. sive corpora sint; liv. 18 , § 2, £f. depetit, hœred.
Quid, s'il croyait, à la vérité , que la succes En quel sens le défendeur à la pétition de
sion lui appartenait, mais par erreur de droit? l'hérédité est-il censé posséder un droit de la
Il ne laisse pas d'être possesseur de bonne foi : succession, et devoir le restituer? Il faut sup
Scire ad se non pertinere , dit Ulpien , en expli poser que la demande en pétition d'hérédité a
quant l'édit d'Adrien, vtrùm ia tantummodo été donnée contre un débiteur du défunt , qui,
v'icfeiur, qui faciusn scit r an et is qui in jure comme nous l'avons observé suprà, n. 374 , eu
erravit? Putavif enim rectè factum testamen- disputant la succession du défunt , s'est mis , en
ium , quùm inutile erat.... non puto hune esse quelque façon , en possession de cette créance
prœdonem qui dolo caret, quamvis in jure que le défunt avait contre lui, et qu'il a laissée
erret ; liv. 25, § 6, ff. dict fit. dans la succession, en prétendant qu'étant héri
396. Que doit-on décider, à l'égard de celui tier du défunt , cette créance était passée en sa
qui croyait de bonne foi que la succession lui personne. La sentence, intervenue sur la de
appartenait, lorsqu'il s'est mis en possession mande en pétition d'hérédité, en jugeant contre
des biens, mais à qui depuis la connaissance est lui qu'il n'est pas héritier, juge que la créance
survenue qu'elle ne lui appartenait pas ? Ulpien que la succession a contre lui ne lui appartient
décide qu'en suivant l'esprit plutot q.v la lettre pas, et que c'est mal à propos qu'il s'en est
de la constitution d'Adrien, il est, par cette arrogé la possession : il doit donc la restituer au
connaissance qui lui est survenue, devenu pos demandeur, à qui la succession appartient; et la
sesseur de mauvaise foi: De eo loquitursenatusf restitution s'en faiten payant la somme ou la chose
quiab initio mente prsedanis res hœrediturias par lui duc, qui fait l'objet de cette créance.
apprehendit. Qubd si ab initia quidem justam 399. Le possesseur doit rendre au demandeur,
causani habuit adipiscendœ possessionis , pos- non seulement les choses qui appartiennent à
PARTIE II, CHAPITRE II. 307
la succession, mais mime celles qui avaient 'cat, evictd hœreditate, restituere debet, reluti
été prêtées , ou confiées , ou données en nan- interdictum undè ci , aut si quidprecario co1i-
tissement au défunt. Lorsque le possesseur les a cessit ; l'n. 40, § 2, ff. de pet. hœred.
par-devers lui, le demandeur étant, en sa qualité 402. Le possesseur doit aussi rendre à l'héri-
d'hérilier, obligé de les rendre à ceux de qui le tier qui a obtenu en sa demande en pétition
défunt les a reçues, il a intérêt, pour pouvoir d'hérédité, non seulement les héritages de la
s'acquitter de son obligation , que le possesseur, succession, mais aussi toutes les choses qui
par-devers qui elles sont, les lui rende : Non servent à leur exploitation, tels que sont les
lantùm hœreditaria corpora , aed et quœ non bestiaux, les instrumens aratoires, les cuves,
aunt hœreditaria, quorum periculum ad hœre- les ustensiles de pressoir, surtout lorsque ces
dem pertinet , ut rea pignori datœ defuncto, choses ont rte acquises des deniers de la suc-
ce/ commodatœ , depositowe ; liv. 19. cession ; mais même dans le cas où le possesseur
400. On doit comprendre, parmi les choses en aurait fait l'emplette de ses propres deniers ;
appartenantes à une succession, non seulement sauf à lui, en ce cas, à se faire faire raison de
celles qui existaient au temps de la mort du ce qu'elles lui ont coûté, par l'héritier à qui
défunt , et qu'il a laissées dans sa succession , il restitue les biens de la succession. C'est ce
mais pareillement tout ce qui est né et provenu qu'enseigne Ulpien : Item veniunt in hœredi-
desdites choses , tels que sont les fruits qu'elles totem etiam ea quœ hœreditatia causa compa-
ont produits ; car toutes les choses provenues rata aunt, ut putà, mancipia pecoraque , et si
de choses appartenantes à une succession, appar- qua alia quœ necessario hœreditati aunt com-
tiennent elles-mêmes à cette succession , et font parafa; et si quidem pecunid hœreditariâ aunt
partie de ce qui la compose. C'est ce qu'enseigne comparata, sinè dubio venient; si verd non
Ulpien : Non aolùm ea quie mortia tempore pecunid hœreditarid , videndum erit. Et puto
fuerunt, aed et si quœ posteà augmenta hœro- etiam hœc venire , si magna utilitas hœredi-
ditati accesserunt , venire in hœreditatia peti- tat's veraetur, pretium scilicet restituturo hœ-
tionvm; nom hœreditaa et augmentani recipit rede ; liv. 20, ff. dict. tit.
et diminutionem ; liv, 20 , §3, ff. de petit. 403. Quoique des choses aient été acquises des
hœred. Il donne ensuite ces exemples : Fructus deniers de la succession , lorsque le possesseur
omnea augent hœreditatem , sive ante aditam , nu les « pas acquises pour la succession, mais
sive poat aditam hœreditatem accesserint; dict. pour lui, il n'est pas , par cela seul que ces choses
§ 3 : Augent hœreditatem gregum et pecudum ont été acquises des deniers de la succession ,
partus ; liv. 25, § fin., ff. dict. tit. Quod si oves obligé de les restituer à l'héritier , à qui il est con-
natœsint , deindè exhis olim , hœ quoque quasi damné de restituer lesbiens de la succession; sauf
augmentum reatitui debent ; liv. 26, ff. dict. à ce possesseur à faire raison[, dela manière dont
tit. nous le verrons ci-après, des deniers qu'il a eus
Ces fruits devant être rendus au demandeur, de la succession. C'est encore ce qu'enseigne
par la raison qu'étant provenus des choses de la Ulpien : Non omnia quœ ex hœreditarid pecu-
succession , ils composent eux-mêmes la succes- nid comparata aunt, in hœreditatia petitionem
siun et en font partie, il s'ensuit qu'il importe veniunt. Deniquè acripsit Julianus, si pos-
peu que le demandeur, à qui les biens de la suc- sessor ex pecunid hœreditarid hominem emerit,
cession appartiennent , eût dû ou non les perce- 't ob eo petatur hœreditaa , ità venire in hœre-
voir : Quùm hœreditaa petita sit , eos fructus ditatia petitionem, hœreditatia interfuit eum
quospoasessorpercepitomnimodorestituendos, emi; at si aui causd emit, pretium venire;
etsipetitor eos percepturus nonjuerat; liv. 56, dict. liv. 20, § t.
ff. dict. tit. Vous opposerez peut-être que «ous avons dit
401. Le possesseur doit.aussi rendre, comme ci-dessus, que toutes les choses provenues des
choses dépendantes de la succession , les actions choses appartenantes à la succession, apparte-
qu'il a acquises par rapport à quelqu'une des naient elles-mêmes à la succession. Je réponds
choses de la succession ; par exemple, s'il a été que nous ne regardons comme choses prove-
dépouillé par violence , par un tiers , d'un héri- nues des choses appartenantes à la succession ,
tage de la succession dont il était eu possession, que celles qui en sont des productions natu-
ou s'il en a accordé à quelqu'un la possession relies, comme sont les fruits; mais il n'en est
précaire, il doit comprendre, dans la restitution pas de même de ce qui n'en est provenu qu'ex-
qu'il doit faire au demandeur, les actions de trinsecùs, telles que sont les choses à l'acquisi-
réintégrande et de précaire qu'il a pour se faire tion desquelles les deniers de la successiou ont
rendre cet héritage, et y subroger le demandeur pu servir. C'est encore Ulpien qui nous fournit
à sj place : Acliones, si quas poascasor naitus cette distinction : Ea quœ post aditam hœrc-
308 DK LA PROPRIÉTÉ.
dilatans accedunt , si quidem ex ipsd hœredi- daient , lui appartenait, et encore moins de
tale , puto hœreditati accedera; si extrinsecùs, celles qu'il a manqué de posséder ; seulement
non : quia personœ posssssoris accedunt ; dict. lorsqu'il a retiré quelque profit de celles qu'il a
liv. 20, §3. cessé deposséder, soit en les vendant, ou autre
404. Il nous reste à observer que, dans la ment, il est sujet à une prestation personnelle
restitution , qui doit être faite au demandeur, en de la somme dont il se trouve profiter, comme
exécution de la sentence rendue à son profit sur nous le verrons en la section suivante.
la demande en pétition d'hérédité , le possesseur Cette différence, entre le possesseur de mau
contre qui elle est intervenue, y doit comprendre vaise foi et celui de bonne foi , se trouve portée
tous les effets de la succession, non seulement par le sénatus-consulte rendu sur la constitu
ceux qu'il possédait déjà lors de la demande tion d'Adrien (l) , où il est dit : Eos qui bona
donnée contre lui, mais pareillement ceux qu'il invasissent , quùm scirent ad se non perti-
n'a commencé de posséder que depuis le procès : nere , etiamsi ante litem contestutam fecerint
Si quo tempore coneeniebatur possessor hœre- quominùs possiderent, perindé condemnandos,
ditatis, pauciores res possidebat , deindè alia- quasi possiderant ; eos autani quijustas causas
rum quoque rerum possessionem adsumpsit , habuissant , quarebona ad se pertinere existi-
cas quoque victus restituera debebit , sive ante massent , usqué eo duntavat quo locupletiores
raceptumjudicium, siveposteà acquisient pos- ex ed re facti essent ; liv. 20 , § 6 , dict. tit.
sessionesn ; liv. 41, ff. dict. tit, La raison de cette différence vient de ce que
405. Il y a plus : quand même le défendeur la connaissance qu'a un possesseur , que la
n'aurait rien possédé dépendant de la succession, succession des biens de laquelle il s'est mis en
lors de la demande donnée contre lui, quoique possession , ne lui appartient pas , lui fait con
la demande ne parût pas alors procéder contre tracter envers le véritable héritier l'obligation
lui, si, depuis la demande, il a commencé à de les lui restituer. Lors donc qu'au préjudice
posséder quelque chose dépendante de la suc de cette obligation , il dispose de quelqu'un
cession , il doit être condamné à la restituer : Si desdits biens , ou cesse par son fait, de quelque
quia , quùm peteretur ab eo hœreditas, neque manière que ce soit, de les posséder, il commet
rei neque juris valut possessor erat , verùm un dol envers cet héritier, à qui il est obligé de
posteà aliquid adeptus est , an petitione hœre. les rendre ; et ce dol doit le faire considérer
ditatis vidaatur teneri? Celsus, lib. 4, ff., comme s'il les possédait encore , et le faire
rectè scribit, hune condemnandum , licèt ab condamner à les restituer : Qui dolo desiit
initia nihil poasedit ; liv. 18, § 1, ff. dict. possiderc , pro possidente damnatur . quia pro
tit. possessione dolus est; liv. 131, ff. de reg.juris.
Au contraire , le possesseur qui croit de bonne
$ III. DE LA DirrÉRENCE ENTRE LE POSSESSEUR DE foi que la succession des biens dont il s'est
RONNE roi ET CELUI DE MAUVAISE FOI , PAR RAPPORT mis en possession, lui appartient , peut très lici
AUX CHOSES QU'ILS ONT CESSE OU MANQUÉ DE POS tement disposer des choses qui en font partie ,
SÉDER. et cesser , de telle manière que bon lui semble ,
de posséder ces choses qu'il croit de bonne foi
406. Il n'y a aucune différence entre le pos lui appartenir. 11 ne commet, en cela , aucun
sesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise dol envers personne. Il n'a pu contracter , à
foi , par rapport aux choses dépendantes de la l'égard desdites choses, aucune obligation envers
succession , qui se trouvent être par-devers eux le véritable héritier, à qui il ignorait qu'elles
et en leur possession, lors de la restitution qui appartenaient ; il n'a commencé à s'obliger
est à faire au demandeur en pétition d'hérédité, envers cet héritier, que du jour que cet héritier
qui a obtenu sur sa demande ; ils sont tenus l'un s'est présenté, et lui a justifié de son droit ; et il
et l'autre de les restituer. ne peut paraître s'être obligé envers lui , qu'à
Mais il y a une grande différence entre eux, lui rendre les choses dépendantes de la succes
par rapport à celles qu'ils ont cessé ou même sion , qui se trouvaient pour lors par-devers lui,
manqué de posséder. Le possesseur de mauvaise
foi est tenu de la restitution de celles qu'il a ,
par son fait ou par sa faute, cessé ou même (l) Les empereurs romains n'osaient pas eocore
manqué de posséder, comme s'il les possédait s'attribuer la puissance royale et législative. Lors
encore : au contraire, le possesseur de bonne qu'ils voulaient faire passer une constituiion sur
quelque matière, ils la faisaient proposer au sénat
foi n'est point tenu de la restitution des choses persuoi quœstores candidatos ; et le sénat, qui leur
qu'il a cessé de posséder, pendant qu'il croyait était asservi, ne manquait pas de rendre un sénatus-
de bonne foi que la succession dont elles dépen consulte en conformité.
PARTIE II, CHAPITRE II. 30!)
et le profit qu'il se trouve avoir de celles qu'il 410. Le second cas est , lorsque l'héritier
n'a plus, l'équité ne permettant pas de profiter trouve plus d'avantage à se faire rendre compte
aux dépens il autrui. par le possesseur de mauvaise foi , du prix de la
407. Ulpien, en interprétant le sénatus-con- vente qu'il a faite d'une chose de la succession,
sulte ci-dessus mentionné, sur ces mots , fece- qu'à le faire regarder comme s'il ne l'avait pas
rint qiominùs possidvrent , dit , accipies sive vendue : Si prœdo dolo desiisset (1) possidere ,
dolo, desieritpossedasse, sice dolo nolueritpos- res autetn eo modo interierit (2) quo esset inte-
sessionem admittere ; dict. liv. 25, § 8. ritura, et si eadem causa possessionis man-
Finge. Par exemple, une personne , à qui le sisset; quantum ad (3) verha senatus-consulti,
défunt avait prêté une chose , est venue pour la melior est causa prœdonis quùm honœ fidei
rendre au possesseur de mauvaise foi , qui s'est possessoria ; quia prœdo (4) sidolo desierit pos
mis en possession des hiens de la succession de sidere , ità condemnetur atque si possideret ;
ce défunt : ce possesseur n'a pas voulu la rece nec adjectum esset , si res interierit : sed non
voir, et lui a dit qu'il lui en faisuit présent. est duhium quin non dehcat melioris esse con-
Quoiqu'il ne possède point , et qu'il n'ait jamais ditionis prœdo quùm honœ fidei possessor;
possédé cette chose, il est tenu de la restitution
de cette chose, comme s'il la possédait. La
disposition qu'il a faite de cette chose , qu'il
savait ne lui pas appartenir , est un dol qui doit
le faire regarder comme s'il la possédait : Pro (i) En vendant une chose d'une succession qu'il
possidente damnatur , quia pro possessione savait ne lui pas appartenir , et des hiens de laquelle it'
Holus est , dict. liv. 131, ff. de reg.jur. savait, par conséquent, n'avoir pas droit de disposer.
(a) Depuis la vente qu'il en a faite.
408. Le principe , que le possesseur de mau (3) Qui sont rapportés suprà , n. 4o6.
vaise foi, qui a cessé , par son fait et par dol , (4) Le sens est, .'- s'en tenir purement aux termes
de posséder, est tenu de la restitution de la du sénatus-consulte , qui ordouoe que le possesseur
chose qu'il a cessé de posséder , comme s'il la de mauvaise foi qui dolo desiit possidere , eu vendant
possédait encore, a lieu, soit que cette chose une ehose de la succession , soit considéré comme s'il
ait cessé d'exister , soit qu'elle existe encore ne l'avait pas vendue , comme s'il eût continué de la
entre les mains d'une autre personne envers posséder, et qu'il demeure , en conséquence, déhiteur
qui ce possesseur en a disposé , et l'héritier a le de la chose in specie ; lequet sénatus-consulte ne s'est
pas d'ailleurs expliqué sur le cas auquel la chose
choix d'en demander la restitution, ou à celui serait périe par uo cas fortuit, depais la veote quo
qui a cessé de la posséder, ou au tiers qui la le possesseur de mauvaise foi en a faite : il s'ensui
possède. C'est pourquoi Ulpien, en interprétant vrait que , dans cette espèce , la condition du posses
ces termes de la constitution d'Adrien , perindè seur de mauvaise foi serait meilleure que celle du
condemnandos quasi possiderent , dit : Si ah possesseur de honne foi; car le possesseur de mau
alio res possideatur , sive in totum extat, locum vaise foi , demeurant déhiteur in specie de la chose
qu'it a vendue, serait entièrement déchargé de son
hahehit hœc clausula: undo si sit aliuspossessor ohligation
ah utroque hœreditas peti posset , et sipermul- depuis par par l'extinction de cette chose survenue
uu cas fortuit, comme le sont tous les
tos amhulaverit possessio, omnes tenehuntur déhiteurs d'une chose in specie, par l'extinction de
dict.Kv. 25, §8. la chose due, arrivée par cas fortuit. Au cuntraire,
409. Le principe , que le possesseur de mau le possesseur de honne foi , n'étant déhiteur que de
vaise foi est tenu de la restitution des choses la somme qu'it a vendu la chose, ne serait pas déchargé
dépendantes de la succession qu'il a vendues, de de son ohligation par l'extinction qui surviendrait de
même que s'il ne les avait pas vendues , et qu'il la chose qu'il a vendue , qui ne faisait plus l'ohjet de
les possédât encore , reçoit exception en deux son ohligation. La condition du possesseur de mau
vaise foi se trouverait donc , en ce cas , meilleure que
cas. celle du possesseur de honne foi , ce qu^i serait ahsurde.
Le premier cas est , lorsque la vente a été La disposition du sénatus-consulte ,qui ordunne que
faite pour l'avantage de la succession , auquel le possesseur de mauvaise foi , qui dolo desiit possi
cas , le possesseur n'est ohligé qu'à rendre dere res htereditatis , soit regardé comme les possé
compte du prix de la vente. C'est ce qu'enseigne dant encore , et comme étant demeuré déhiteur de ces
Ulpien : Si fundum hœreditarium distraxit choses m specie ; cette disposition , dis-je , est étahlie
(possessor malœ fidei scilicet) , si quidem sine que uniquement en faveur de l'héritier : il faut donc dire
causd , et ipsum fundum et fructus in hœre- ticetjuri l'héritier ne peut s'en servir, suivant le pvincipe,
m snumfavorem introdnetu renuniiare , et
ditatis petitionem venire ; quod si œris exsol- qu'il peut, au tieu de cela, demander compte à ce
vendi gratid hœredilarii id fecit , non ampliùs possesseur des sommes qu'il a rerues, oudu recevoir,
rentre quant pretium; dict. liv. 20, § 2, ff. pour le prix des choses de la succession qu'it e ven
dict. lit. dues.
310 DE LA PROPRIÉTÉ.
itaquo (1) etsi pluris venierit res , eleclio son mineur, des biens d'une succession qu'il
dobebit esse actoris ut pretium consequatur, savait ne pas appartenir à sou mineur, le juris
alioquin lucretur aliquid prœdo ; liv. 36, §3, consulte Ariston pensait que , sur la demande en
ff. de petit, hœr. pétition d'hérédité, donnée par le véritable héri
411. Le possesseur de mauvaise foi ayant été tier contre le mineur sorti de tutelle , le mineur
condamné, aux termes du sénatus-consulte, a devait être condamné à la restitution des choses
restituer à l'héritier les choses de la succession de celte succession que son tuteur avait laissé
dont il a disposé par mauvaise foi, comme s'il perdre, ou qu'il avait , de quelque manière que
les possédait encore, et ne pouvant satisfaire à ce soit , cessé , par son dol ou par sa faute , de
cette condamnation, n'ayant plus ces choses en posséder ; pourvu néanmoins que son tuteur fût
sa possession , et n'étant plus en son pouvoir de solvable , et que ce mineur pût , pour les con
les recouvrer, la condamnation se convertit en damnations intervenues contre lui , auxquelles
celle de dommages et intérêts que souffre l'héri le dol ou la faute du tuteur aurait donné lieu ,
tier de la privation de ces choses. avoir un recours efficace contre ce tuteur.
Suivant le droit, on j'en rapportait, en ce Pomponius , qui rapporte cette opinion , décide,
cas, sur la somme à laquelle devaient monter avec plus de raison, qu'il doit suffire que le
ces dommages et intérêts, au serment in litem de mineur cèdo à l'héritier, demandeur en pétition
l'héritier: Tàmadversùs eum quidolofecit quo- d'hérédité , l'action qu'il a contre sou tuteur
minûspossideat quàmadversùs possidentem, in pour se faire rendre compte desdites choses;
litem (l)juratur; 1. 25, § 10, ff. de hœred. petit. l'équité ne permettant pas qu'il essuie des con
Dans notre pratique française, on ne défère damnations pour le dol et la faute de son tuteur,
point le serment in litem; mais les dommages et dontil est innocent :Elegantiùs dicipoleslactio-
intérêts doivent être réglés par experts, dont nesduntaxat quas haberet cum tutore pupiltus,
les parties conviendront , qui auront connais petitori hœreditatis prœstandas esse. liv. 61 ,
sance des effets que le possesseur a manqué de ff. rie adm. et per. tut.
représenter.
Quelquefois le juge les arbitre lui-même. S IV. POUR QUELLE PAHT LA RESTITUTION DOIT-ELLE
412. Enfin le possesseur de mauvaise foi est ÊTRE FAITE, LORSQUE LE DEMANDEUR EN PfcTITlUN
tenu de rendre à l'héritier le prix des choses de D'nKHÉDITÉ N'EST HÉRITIER QUE POUR PARTIE.
la succession qui ont péri, quoique par cas
fortuit , dans le cas auquel il est vraisemblable 414. Lorsque le demandeur en pétition d'héré
que s'il les eut rendues à l'héritier, cet héritier dité n'est héritier quo pour partie, putà, pour
les eût vendues, et en eût par ce moyen évité la unquurt, et qu'il n'a en conséquence revendiqué,
perte. Le possesseur est pareillement tenu de par cette action , que la partie de cette succes
rendre le prix des choses de la succession qu'un sion qui lui appartient, le possesseur, contre qui
tiers a acquises par droit d'usucapion, que la demande a été donnée, ne doit, en exécution
l'héritier eût pu interrompre, si ce possesseur de la sentence qui a fait droit sur la demande,
de mauvaise foi lui eût rendu les titres et ensei- restituer au demandeur que la portion indivise
mens de la succession : Restituerc pretia debebit dans les effets que ce possesseur possède, quelque
possessor,etsideperditœsintresveldiminutœ... peu qu'il en possède, qui appartient à ce deman
quia si petitor rem consecutus esset, distraxis- deur, putà, le quart par indivis , s'il est héritier
set , et verum rei pretium non perderet ; dict. pour un quart; car le demandeur en pétition
I. 20, § -fin. ff. de petit, hœred. Deperditum d'hérédité, tant qu'il n'y a pas encore eu de
intelligitur , quod in rerum nalurd esse desiit, partage de la succession , n'a que la part indi
diminutum verô quod usucaptum est , et ob id vise pour laquelle il est héritier, dans chacune
de hœreditate exiit; liv. 21 , ff. dict. fit. de toutes les choses dont la succession est
413. Lorsqu'un tuteur, par mauvaise foi, s'est composée : ce n'est que par l'action familiœ
mis en possession, en son nom de tuteur, pour erciscundœ , qui doit suivre celle en pétition
d'hérédité, que cet héritier en partie obtiendra
une part certaine et déterminée dans les biens
(l) C'ess un autre cas auquel l'héritier trouve plus de la succession : Non posiumus consequi, dit
d'avantage a se faire rendre compte du prix que la Julien , per hœreditatis petitionem id quod
chose a clé vendue, qu'a se la fairo rendre en nature : judicio familiœ erciscundœ consequimur, ut à
l'héritier doit, dans ce cas, comme dans tous les communione discedamus; quùm ail officiumju-
autres, avoir le choix de la demande qui lui ess la
plus avantageuse. dicis nihilamplius pertineat, quàm ut partem
(i) Qui quamvis res posxideat, per contumaciaui hœreditatis pro indiviso restitui mihi juieat ;
non vult eam restitue>*, et eam abscondit. liv. 7, ff. si pars hœred. pet.
PARTIE II, CHAPITRE II. 3l1
415. Ceci a lieu , lorsque le possesseur, contre lorsque le possesseur est un possesseur de mau
qui l'héritier pour partie a revendiqué la portion vaise foi, il doit rendre compte des dégradations
à lui appartenante dans la succession . et a et détériorations qui ont été faites , par son fait
oblenu en sa demande, est lui-même héritier ou par -a faute, dans les biens de la succes
pour les autres portions, ou du moins pour sion : Petitio hœreditatis habet prœstationes
quelqu'une des autres portions. Mais lorsque le personales, ut putà comm quœ à debitoribus
possesseur, contre qui la demande est donnée, su ni exacta, item pretiorusn(i) dict. , 1.25 , § 18.
est un usurpateur , qui s'est mis sans droit en 417. Il suffit que le possesseur, soit qu'il soit
possession des biens de la succession qu'il a de mauvaise foi, ou qu'il soit de bonne foi, ait
prétendu mal à propos lui appartenir ; quoique , retiré quelque profit des biens de la succession,
selon la rigueur et la subtilité du droit, le deman pour qu'il soit tenu d'en rendre compte, et ("e
deur ne puisse exiger que la portion indivise le rendre à l'héritier qui a obtenu en sa demande
pour laquelle il est héritier des effets de la suc en pétition d'hérédité, quand même ce profit
cession qui sont entre les mains de ce posses viendrait de la vigilance et de l'industrie de ce
seur, l'équité veut que, en attendant que ceux possesseur, et que l'héritier n'eût pas fait eu
qui sont héritiers pour les autres portions se profit , s'il eût été en possession des bien.> de la
présentent , toutes les choses de la succession succession.
qui sont entre les mains de ce possesseur, Par exemple , lorsque le possesseur a vendu
soient remises en entier à cet héritier , quoiqu'il des biens de la succession , le prix qu'il a reçu
ne le soit que pour partie, plutot que d'être de cette vente , est un profit qu'il a eu des biens
laissées a cet usurpateur, qui n'a aucun droit de la succession, qu'il doit rendre à l'héritier,
aux biens de la succession : l'héritier pour quoique l'héritier n'eût pas lui-même fait ce
partie, a qui il les remettra, doit seulement, profit , pu ta , parce que ces choses sont péries ,
en ce cas , se charger envers lui de le défendre, par cas fortuit , peu après la vente qui en a été
pour raison desdites choses, contre les demandes faite , et que l'héritier ne se fût pas également
en pétition d'hérédité que pourraient donner dépêché de les vendre. C'est ce qui est expres
contre lui les héritiers des autres portions. sément porté par le sénatus-consulte susmen
tionné : Ait senatus , placere à quibus petita
hcsreditaa fuisse! . si adversùs sos judicatum
SECTION IV. esset , pretia quœ ad eo> rerum ex hœreditate
venditarum pervenissent , etsi ante aditam
des pvestations pevsonnelles dont est tenu hœreditatem deperiissent , diminutœve enient,
le possesseuv, suv la demande en petition restituera debere; liv. 20, § 17, ff. dict. lit.
d'névédité. 418. De ce principe nait la décision de la
question suivante : Le possesseur, contre qui la
416. Quoique la pétition d'hérédité soit prin demande en pétition d'hérédité a été donnée,
cipalement une action réelle, qui nait du avait, long-temps avant cette demande , vendu
domaine que le demandeur a de l'hérédité qu'il un effet de la succession pour un prix très-avan
revendique par cette action , soit pour le total , tageux ; depuis , il a trouvé l'occasion de rache
lorsqu'il est héritier unique, soit pour partie, ter cet effet à très bon compte. On demande si ,
lorsqu'il ne l'est que pour partie , elle renferme sur la demande en pétition d'hérédité , ce pos
néanmoins des prestations personnelles, dont sesseur, surtout s'il était possesseur de bonne
est tenu le possesseur contre qui cette action est foi , doit avoir le choix de rendre l'effet de la
donnée, et qui naissent des obligations que ce succession qu'il a par-devers lui en nature, ou
possesseurest censé avoir contractées envers l'hé le prix qu'il a reçu pour la vente qu'il en a faite.
ritier demandeur en pétition d'hérédité. C'est ce Paul décide qu'il ne suffit pas à ce possesseur
qui fait dire à Ulpien : Pelilio hoereditutis etsi de rendre la chose , qu'il doit rendre avec la
in rem actio sit, habet tamenprœstationes quas- chose le profit qu'il a retiré de la vente qu'il en
dam personales; 1. 25, § 18, ff. de petit, hœred. a faite : par exemple, s'il l'a vendue cent livres,
Ces prestations personnelles consistent dans et qu'il l'ait rachetée pour quatre-vingts, il doit
le compte que le possesseur doit rendre de ce rendre avec la chose !a somme de vingt livres.
qu'il a reçu des débiteurs de la succession , du 11 se fonde sur ce que c'est un profit qu'il a eu
prix de la vente des effets de la succession , des des biens de la succession. Or, suivant la con-
fruits qu'il en a perçus , et lorsque le possesseur
est de mauvaise foi , même de ceux qu'il a pu
percevoir, et généralement de tous les profits qu'il (l) Quœ ex vendisione rerum hœredituriarum pos-
a retirés des biens de la succession; comme aussi, sessor redegit.
:si DE LA PROPRIÉTÉ.
stitution d'Adrien , le possesseur , quoique de ne peut retenir aucun profit qu'il a retiré des
bonne foi , doit , sur la demande , rendre tout le biens de la succession, quel qu'il soit : Omnelu-
profit qu'il a retiré des biens de la succession : crumauferendumesse tàm bonœ fidei possessori
Si rem et pretium habeat bonœ fidei possessor , quàm prœdoni dicendum est; l.28,ff. dict. tit.
pulà, quod eamdem rem (hœreditariam quam 422. En cela conviennent le possesseur de
rendidit) emerit , an audiendus sit, ai velit bonne foi et le possesseur de mauvaise foi; mais
rem date, non pretium?... In oratione D. Ha- ils différent en plusieurs points sur les presta
driani ità est : « Dispirite , Patres conscripti , tions personnelles auxquelles ils sont sujets ,
« mimquid sit 1equius possessorem non facere sur la demande en pétition d'hérédité.
a lucrum . et pretium quod ex aliena re perce- Ces différences proviennent des différente»!
u perit , reddere , quia potest existimari in locum causes, d'où naissent les obligations que le pos
« lircreditariae rci venditœ pretium ejus succes- sesseur de bonne foi et celui de mauvaise foi
« sisse, et qiiodammodù ipsum hœreditarium contractent envers l'héritier.
« factum. n Oportet igitur possessorem et rem La connaissance qu'a le possesseur de mau
resiituere pelitori, et quod ex venditione ejus vaise foi , lorsqu'il se mel en possession des biens
reihœreditariœ lucratus est; liv. 22, ff. dict. lit. d'une succession, qu'elle ne lui appartient pas,
419. Il en est de même de toutes les autres lui fait dès lors contracter l'obligation de les
espèces de profits , que le possesseur a retirés de rendre ; et cette obligation naît de ce précepte
la vente qu'il a faite des effets de la succession : de la loi naturelle , Bien d'autrui tu ne pren
ce possesseur, quoique possesseur de bonne dras , ni retiendras à ton escient. Au contraire ,
foi , ne peut les retenir , et doit les rendre à le possesseur de bonne foi , qui croit de bonne
l'héritier, sur la demande en pétition d'hérédité : foi que la succession lui appartient, qui use et
Proindè si non pretium, sed etiam pœna tar- dispose des biens qui en dépendent, comme de
diùs pretio soluto pervenit , poterit dici, quia choses qu'il croit de bonne foi lui appartenir,
locupletior in totum (1) factus est, debsre ne contracte point cette obligation; l'unique
venire , licèt de pretio solummodè senatus sit cause de celle qu'il contracte, est la règle
locutus ; liv. 23, § 1, ff. dict. tit. Sed etsilege d'équité, qui ne permet pas que nous nous enri
commissorid vendidit , idem dicendum lucrum chissions aux dépens d'autrui , ni par conséquent
quod sensit lege (2) commissoriâ , prœstatu- que nous retenions le profit que nous avons
rum ; liv. 25. retiré des choses qui appartiennent à autrui,
420. Quand même le profit que le possesseur lorsque nous venons à apprendre qu'elles appar
a fait des biens de la succession , serait un profit tiennent à autrui.
déshonnête , et par conséquent tel que l'héritier De là naissent les différences entre le possesseur
ne l'eût pas fait , ce possesseur doit le rendre à de bonne foi et le possesseur de mauvaise foi , à
l'héritier, sur la demande en pétition d'hérédité : l'égarddes prestations personnelles auxquelles ils
Si possessor ex hvereditate inhonestos habuerit sont sujets, surla demande en pétition d'hérédité.
quœstus , hos etiam resiituere cogetur , ne
honesta (3) interpretatio non honesto quœstu PREMIÈRE DIFFERENCE
lucrum possessori faciet ; liv. 52, ff. dict. tit.
421. En un mot, c'est une règle générale qui 423. Le possesseur de mauvaise foi est obligé
ne souffre point d'exception, que le possesseur de tenir compte à l'héritier de tout ce qui lui
est parvenu des biens de la succession , quand
même il l'aurait depuis dissipé, et ne s'en trou
(l) C'est-à-dire, parce qu'il a profité de tout ce verait pas plus riche : au contraire, le possesseur
qu'il a reçu , sani pœn*e nomine , quam pretii nomine. de bonne foi n'est tenu de rendre ce qui lui est
(a) Tingc. Le possesseur avait vendu une chose
de la succession , avec la clause que , faute par l'ache parvenu des biens de la succession, que jusqu'à
teur de payer le prix dans un certain temps , la chose concurrence de ce qu'il se trouve en profiler au
lut serait rendue , et qu'il retiendraii la somme payée temps de la demande en pétition d'hérédité.
par l'acheteur, par forme d'arrhes. La raison de cette différence est évidente. Le
(3) Le sens est : L'honnête inierprétation qui , dans possesseur de mauvaise foi ayant connaissance
d'autres cas , fait regarder un gain deshonnéte comme que tout ce qui lui parvient des biens de la suc
n'étant pas un véritable gain, ne doit pas avoir lieu cession ne lui appartient pas, il sait qu'il n'a
dans ce cas-ci , de peur que , si on disait que l'héri
tier ne doit poins exiger la restitution- de ce gain pas le droit d'en disposer et de le dissiper, et il
déshonnête , parce que ce n'est pas uu véritable gain, est tenu de le conserver à l'héritier à qui il
le possesseur qui l'a fait n'en profilât, et ne fui par appartient , comme un negotiorum gestor est
là de meiileure condision que celui qui aurait fait un tenu de conserver et de rendre à celui à qui
boa et honnête usage des hicus de la succession. appartiennent les biens, dans la gestion des
PARTIE II, CHAPITRE II. 313
quels il s'est immiscé, tout ce qui lui est par quelque droit d'attendre d'être récompensé des
venu desdits biens. donations qu'il leur a faites.
Au contraire, le possesseur de bonne foi, Néanmoins, Ulpien décide qu'il n'est censé
croyant que la succession lui appartenait, a pu avoir profité , qu'autant qu'il a reçu effective
très licitement disposer, comme bon lui a ment quelques récompenses desdites donations,
semblé , de tout ce qui lui est parvenu de cette et seulement jusqu'à concurrence de la valeur
succession , et le dissiper comme choses dont destites récompenses : Nec si donaverint ,
il croyait de bonne foi être le maître; c'est locupletiores facti videbuntur , quamvis ad
pourquoi , il ne doit être tenu de rendre que ce remunerandum sibi aliquem naturaliter obli-
dont il se trouve profiter lors de la demande en gaverunt. Plane si «vtoVîsc , id est remunera-
pétition d'hérédité , par laquelle on lui a fait tiones acceperunt ; dicendum est autem locu
connaître que ce qui lui est parvenu des biens pletiores factos , quatenùs acceperunt; velut
de la succession appartient au demandeur en genus quoddam hoc esset permutationis ; dict.
pétition d'hérédité. liv. 25, § 11.
Le principe que nous venons de rapporter, Quoique le possesseur de bonne foi ait con
que le possesseur de bonne foi , à la différence sommé dans son ménage les deniers qui lui
du possesseur de mauvaise foi , n'est tënu de ce étaient venus de la succession, il est censé en
qu'il a retiré des biens de la succession, que profiter au temps de la pétition d'hérédité ,
jusqu'à concurrence do ce qu'il se trouve en jusqu'à concurrence de la somme qu'il avait
profiter au temps de la pétition d'hérédité, est coutume de prendre dans son patrimoine pour
exprimé en termes formels dans le sénatus- cet emploi, et qu'il a épargnée en se servant des
consulte que nous avons déjà plusieurs fois cité, deniers de la succession.
où il est dit : Qui justas causas habuissent Mais si , se comptant plus riche par la suc
quare boua ad se pertinere extotimassent, cession qu'il croyait lui appartenir, il a dépensé,
vrquà eà quù locupletiores ex eâ re facti essent dans son ménage, des deniers de cette succes
(condemnandos) ; liv. 20, § 6. sion, plus qu'il n'avait coutume de dépenser, il
Il ne suffit donc pas que le possesseur de que ne sera censé avoir profité et être plus riche ,
bdnne foi ait retiré quelque profit des biens de coutume jusqu'à concurrence de la somme qu'il avait
la succession, s'il ne l'a pas conservé; s'il l'a ce qu'enseignede dépenser, et qu'il a épargnée. C'est
dissipé avant la demande en pétition d'hérédité, tate erogavit , Ulpien : Quod quis ex hœredi
utrùm lotum decidât (1), an
si, lors de cette demande, il ne s'en trouve pas vero pro ratd patrimonii ejus ? L 7 pu tu penuvn
plus riche, il n'a rien à rendre. C'est pourquoi hœreditarium ebibit ; utrùm totum hœreditati
Ulpien , en interprétant ces termes du sénatus- expensum feratur , an aliquid
consulte , placcre à quibus hœredilas petita ejus; ut inidfactus locupletior (2) ex patrimonio
videatur quod
fuisset, siadversùs cosjudicotum esset , prelia solebal ipse erogare ante delatum hœreditutem ;
quœ ad eos rerum ex hœreditate venditurum ut si quid lauiius , contemplatione hœreditatis
pevvexissekt restUuere debere , dit à impendit, in hoc non videatur factus locuple
l'égard du possesseur de bonne foi : Finqe pre- tior, in statutis vero suis sumptibus videatur
tium acceptum , vel perdidisse , vel consump- factus locupletior... veriusest, ut ex suo patri
sisse, vel douasse; etverbum quidam pevvemsse
ambiguusn est , solum ne hoc continent quod monio decidant ea quœ, etsi hœres non fuisset,
prima ratiom fuerit , an vero et id quod erogassut 424. Du
; liv. 25, lj 16.
principe , que le possesseur de bonne
durat ? Et pnlo.... ut ità demùm compulet si foi n'est tenu de la restitution des deniers de la
factus sit locupletior ; liv. 23, ff. dict. tit. succession que jusqu'à concurrence de ce qu'il
Ailleurs le même Ulpien dit : Consuluit en profite, il suit que, s'il les a placés à inté
senatus bonœ fidei possessoribus , ne in totum rêt ; s'il a été payé par ceux à qui il les a donnés
damno afficiantur, sed in idduntaxat teneantur à intérêt, il doit tenir compte des sommes qui
in quo locupletiores facti sunt ; quemeumque lui ont été payées , tant pour le principal que
igitur sumptum fecerunt ex hœreditate, si
quiddilapidarerunt, perdiderunt, dùln re sud
se abuti putant, non prœstubunt ; liv. 25, S 1 1 (i) Supple , summa- ex- hœreditate redactœ quam
ff. dict. tit. . ' possessor petitori restUuere debet.
Il aurait pu paraître à quelqu'un que le pos (a) Possessor bonœ fidei eaU-nàs videtur locuple-
tlorex peeuniihœredituriâ, quam In proprtos usus
sesseur de bonne foi profite des biens de la suc consumpsis, quatenùs pepercit pecunia- proprùe
cession , dont il a fait donation , parce que , par quam in eos impendisset , si pecuniam Iia-rcditariam
ces donations, il s'est fait des amis de qui il a non impendisset.
Tome V. 40
.!I4 DE LA PROPRIÉTÉ.
pour !es intérêts ; mais s'il n'en a pas été payé , d'hérédité. On doit, pour cela, avoir égard à
il lui suffit de céder à l'héritier ses actions con deux temps.
tre les débiteurs , pour que ledit héritier s'en 1« On doit avoir égard au temps de la litis-
fasse payer comme il pourra. C'est ce que Paul contestation (dans notre droit français, au temps
enseigne dans l'espèce proposée : Dicendum ita- de la demande). C'est de ce temps que le pos
que est , dit-il , in bonœ fidei possessore hœc sesseur de bonne foi devient débiteur, envers le
tantummodo en m pœstare debere , id est vel demandeur en pétition d'hérédité , de tout le
sorteni et usuras ejus , si et eas percepit ; vel profit qu'il se trouve alors avoir de la succes
nomina cum eorum cessione in id faciendâ sion : il est obligé dès lors de le lui conserver,
quod ex his adhuc deberetur, periculo scilicet sans qu'il puisse, par son fait ou par sa faute,
petits ris ; liv. 30 , IV. dict. fit. en rien diminuer.
425. Lorsque le possesseur de bonne foi a em 2« On doit aussi avoir égard au temps du ju
ployé les deniers de la succession à faire em gement, en ce sens, que, si, depuis la litis-
plette d'une certaine chose pour son compte et contestation , il est survenu, sans le fait ni la
pour son usage , ce n'est pas de cette chose que faute de ce possesseur, quelque perte dans les
l'héritier doit demander la restitution , mais de biens de ln succession qui étaient par-devers lui,
la somme de deniers qu'il a employée à cette em il ne soit tenu de rendre que ce qui lui reste.
plette , dont il est censé profiter au moyen de C'est en ce sens qu'on doit entendre ce que dit
cette emplette; sauf que, s'il l'avait achetée Ulpien : Quo tempore locupletior esse debeat
plus qu'elle ne vaut , il ne serait censé profiter bonœ fidei possessor dubitatur, sed magis est
que de la somme qu'elle vaut : Si rem tlis.trs ni. reijudicatœ tempus spectandum esse ; liv. 36,
et ex pretio aliam rem comparavit , veniet pre- % 4 , ff. dict. tit.
tium in petitionem hœreditatis , non res 428. Quoique le possesseur de bonne foi cesse
tjiium in patrimonium suum convertit; sed si d'être réputé possesseur de bonne foi, et de
res minoris valet quani comparata est , hacte- vienne semb'able au possesseur de mauvaise foi ,
nun locupletior foetus videtur, qualenùs res comme nous l'avons observé suprà , néanmoins
valet , quemadmodùm si consumpsisset in to- il diffère encore en un point , même depuis la
tum locupletior factus non videbitur ; liv. 25, litiscontestation , du possesseur de mauvaise
Si. foi.
426. Lorsque le possesseur de bonne foi, qui Paul nojs fait observer cette différence : Illud
a été condamné à rendre au demandeur en pé quoquo quod in oratione D. Hadriani est , ut
tition d'hérédité la moitié qui appartient à ce post acceptuni judicium , id actori prœstetur
demandeur dans la succession , est lui-même quod habiturus esset , si eo tempore , quo petit,
héritier pour l'autre moitié ; s'il u consommé en restituta esset hœreditas; interdùm dnrum
pure perte la moitié de cette succession, c'est est : quid enim si post litem contestatam man-
une question s'il doit imputer en entier cette cipia, aut jumenta , aut pecora deperierunt ?
perte sur sa portion , de manière qu'il doive ren Damnari debebit secundùm verba constitutio-
dre tout ce qui lui reste des biens de la succes nis , quia potuit petitor distraxisse ea. Et hoc
sion, ou s'il doit l'imputer en entier sur la por justum esse in specialibus petitionibus Pro-
tion qu'il doit rendre au demandeur , de manière culo (1) placet ; Cassius contrà sensit. In prœ-
qu'il ne lui reste plus rien ù lui rendre ; ou plu demis per>ond Proculus rectè existimat ; in
tot si ce qu'il a consommé des biens de la suc bonœ fidei possessoribus Cassius : nec enim
cession doit s'imputer, tant sur la portion qu'il debet possessor aut mortalitatem prœstare , aut
doit rendre , que sur la sienne , par proportion. prœter metum periculi hujus , temerè inde—
C'est l'avis d'Ulpien : Si quis putans se ex asse fensum jus su um relinquere ; liv. 40, ff. de
lue rede m (quùm essel hœres ex dimidid dun- petit, hœred.
taxat, et petitor ex alterd dimidid ) , parteni 429. Toutes les décisions des lois romaines ,
dimidiam hœreditatis sine dolo malo consump- que nous avons rapportées , sont très confor
serit... puto residuuns integrum non esse res- mes aux principes de l'équité naturelle dans la
tituendum , sed parteni ejus dimidiam ; dict.
liv. 25, § 15.
427. Il nous reste à examiner à quel temps (l) Proculus, qui vivais long-iemps avant Adrien,
on doit avoir égard , pour juger si tout le profit , en iraisant de l'aclion en revendication, avaii pareil,
que le possesseur de bonne foi a retiré de la suc testationpensé
lement que la perte arrivée depuis la lisiscon
> quoique sans la faute du possesseur par-de
cession, subsiste encore par-devers lui, à l'effet vers qui elle étaii, devaii tomber sur ce possesseur ;
qu'il soit tenu de le Restituer à l'héritier de et il y a même raison dans le cas de la pclilioa
mandeur, s'il obtient en sa demande en pétition d'hérédité.
PARTIE II, CHAPITRE II. 315
théorie ; mais il est très difficile d'en faire l'ap sion , et pour qu'elles doivent , par conséquent ,
plication dans la pratique. En effet, il n'est lui être allouées en déduction sur ce qu'il doit
guêre possible de connaître si le possesseur de rendre ou demandeur, n'étant tenu de lui rendre
bonne foi , qui a reçu des sommes d'argent des les biens de la succession que jusqu'à concur
débiteurs de la succession , et du prix de la vente rence de ce qu'il en profite.
des effets de cette succession, et qui les a em- A l'égard des dépenses qu'il aurait faites
employées, s'en trouve plus riche ou non au depuis la demande pour les biens de la succes
temps de la demande en pétition d'hérédité : il sion, n'étant plus , depuis la demande, réputé
faudrait , pour cela , entrer dans le secret des possesseur de bonne foi , elles ne doivent lui
affaires des particuliers , ce qui ne doit pas étro être allouées qu'autant qu'il se serait fait auto
permis. Il a fallu, dans notre pratique fran riser par le juge pour les faire , ou du moins qu'il
çaise , s'attacher à une autre règle sur cette ma serait évident qu'il était indispensable de les
tière , qui est que personne ne devant être faire.
présumé dissiper ce qui fait le fonds d'un bien Par la même raison , les pertes survenues
qu'il croit lui appartenir, le possesseur de bonne dans les biens de la succession , depuis la de
foi des biens d'une succession est censé avoir mande , ne doivent lui être allouées en déduc
profité de tout ce qui lui est parvenu des biens tion, qu'autant qu'elles seraient arrivées sans
de cette succession , et qui en compose le fonds sa faute.
mobilier, et en profiter encore au temps de la
pétition d'hérédité , à moins qu'il ne fasse appa SECONDE DIFFÉRENCE.
roir du contraire.
C'est pourquoi, lorsque le possesseur de bonne 430. La seconde différence entre le posses
foi a été condamné de rendre les biens de la suc seur de bonne foi et le possesseur de mauvaise
cession au demandeur, il doit lui donner un foi , par rapport à la restitution des biens qu'ils
compte de toutes les sommes qu'il a reçues, soit doivent faire à l'héritier qui a obtenu en sa de
des débiteurs de la succession, soit du prix de la mande en pétition d'hérédité , concerne les
ventedes effets de ladite succession, et générale fruits desdits biens.
ment de tout ce qui lui est parvenu de ce qui Les fruits que le possesseur a perçus des
compose le fonds mobilier de la succession. Sur biens de la succession, étant des choses qui font
le montant de toutes ces sommes , on doit lui elles-mêmes partie de cette succession , et qui
faire déduction de toutes les dépenses qu'il jus en sont des accroissemeus, comme nous l'avons
tifiera avoir faites pour les biens de la succes déjà vu supra , ». 400, le possesseur, quoique
sion , sans qu'elles puissent être critiquées , possesseur de bonne foi , est tenu , suivant les
lorsqu'elles ont été faites avant la demande , et principes du droit romain , de compter à l'héri
pendant que la bonne foi durait. Ces dépenses , tier, à qui il doit rendre les biens de la succes
eu égard à sa qualité de possesseur de bonne foi, sion , de tous les fruits qu'il a perçus depuis
doivent lui être allouées , quand même elles qu'il s'est mis en possession desdits biens; mais
auraient été faites mal à propos : car n'étant il n'est tenu de ceux qu'il a perçus avant la
tenu , en sa qualité de possesseur de bonne foi , litiscontestation , que jusqu'à concurrence de
de la restitution des biens de la succession , que ce qu'il s'est trouvé en profiter, et en être plus
Jusqu'à concurrence de ce qu'il est présumé en riche au temps de la litiscontestation. Au con
profiter; soit que ces dépenses aient été bien ou traire , le possesseur de mauvaise foi est tenu de
mal faites, il suffit qu'il établisse qu'il les a compter de tous les fruits qu'il a perçus , soit
faites, pour qu'il établisse qu'elles ont diminué qu'il en ait profité, soit qu'il n'en ait pas profité.
le profit qu'il a retiré de la succession, et par C'est ce qu'enseigne Paul : Prœdo fructus suos
conséquent qu'elles ont diminué ce qu'il doit non facit , eed augent hœreditatem , ideoque
rendre à l'héritier. eorum quoque fructus prœstabit : in bonœfidei
On doit pareillement allouer en déduction à autem possessore , hi tantùm veniunt in resti-
ce possesseur de bonne foi toutes les pertes qu'il tutionem quasi augmenta hœreditatia , per
justifiera avoir faites sur les biens qui lui sont quoa locupletior facius est ; liv. 40, § 1 , S. de
parvenus de la succession , sans qu'on doive har. pet.
examiner, lorsqu'elles sont survenues avant la Le possesseur de bonne foi est-il présumé
demande , si c'est par son fait ou par sa faute avoir profité et être enrichi des fruits qu'il a
qu'elles sont arrivées ; car, de quelque manière perçus avant la demande , s'il ne justifie du con
qu'elles soient arrivées, il suffit qu'elles soient traire , de même qu'il est présumé, suivant
arrivées , pour qu'elles aient diminué le profit notre pratique française, avoir profité de ce qu'il
que ce possesseur a retiré des liions de la succes a reçu des débiteurs dela succession, ou du prix
316 DE LA PROPRIÉTÉ.
de la vente des meubles de la succession , sesseur de bonne foi et le possesseur de mauvai>e
comme nous l'avons observé suprà , n. 429? foi , par rapport à la restitution qui doit être
Il me semble qu'il serait équitable d'admettre faite des biens de la succession au demandeur
une différence entre le cas de l'article 429 et ce en pétition d'hérédité, concerne les intérêts.
cas-ci. Dans le cas de l'article 429 , le possesseur Le possesseur de mauvaise foi ne doit pas , à
de bonne foi regardait ce qu'il a reçu des débi la vérité , les intérêts des sommes d'argent qui
teurs , ou du prix de la vente des meubles de la lui sont provenues de la succession dont il s'est
succession . comme un fonds mobilier d'une suc emparé, tant qu'il n'y touche point : Papinia-
cession qu'il croyait lui être échue. Un père de nus ,li6.3 Quœstionnm : Si possessor hœredi-
famille étant plutot présumé conserver que dis tatis , pecuniom inventam in hœreditate non
siper les fonds qu'il croit lui appartenir, le pos attingat r negat eum omnino in usuras conve-
sesseur de bonne foi est présumé avoir conservé niendum; liv. 20, § 14; de petit hœred.
ce fond mobilier de la succession , et en être en Mais lorsqu'il a employé ces sommes à ses
richi, tant qu'il n'apparatt pas du contraire : propres affaires , il en doit les intérêts à l'instur
mais si un père de famille est présumé conserver d'un negotiorum gestor, qui s'est ingéré dans la
ses fonds, il est, au contraire, présumé dépen gestion des biens qui ne lui appartenaient pas ,
ser ses revenus. Le possesseur de bonne foi re lequel est tenu , en ce cas , des intérêts. Voyes
gardant comme ses revenus, les fruits qu'il per liv. 31, §3, ff. deneg.çest; liv. 31 , §3, V quod
çoit des biens d'une succession qu'il croyait lui si non mand. , ff. mand.
appartenir, il semble qu'on devrait présumer Au contraire, lorsque le possesseur de bonne
qu'il les a dépensés , soit en vivant plus large foi a employé à ses affaires les sommes de de
ment , soit en les employant en aumônes . et niers qui lui sont provenues de la succession ,
qu'il n'en est pas enrichi, tant qu'on ne justifie il est bien tenu de rendre lesdites sommes ,
pas le contraire, et qu'il devrait, en consé lorsqu'il se trouve en nvoir profité , et en être
quence, être déchargé de compter les fruils. Il plus riche au temps de la pétition d'hérédité :
faut, néanmoins , convenir que notre pralique mais l'héritier ne peut en exiger de lui aucuns
française est contraire , et qu'on exige de celui intérêts. C'est ce qui est porté en termes for
qui s'est mis en possession d'une succession, mels par le sénatus-consulte rendu en confor
qu'il compte des fruits à l'héritier qui l'a mité de la constitution d'Adrien : Quùm hi qui
évincé. se hœredes existimant : hœreditntem distraxe-
431. Le possesseur de bonne foi n'étant tenu rint , placere redactœ ex pretio rerum vendi-
des fruits qu'il a perçus , que jusqu'à concur farum pecuniœ usuras non esse -exigendas ;
rence de ce qu'il s'en est trouvé plus riche , à liv. 20, § 6, ff. de petit, hœred.
plus forte raison il ne doit pas être tenu de ceux 434. Cette différence , entre le possesseur de
qu'il a manqué de percevoir. Au contraire , le bonne foi et le possesseur de mauvaise foi , par
possesseur de mauvaise foi doit rendre compte, rapport aux intérêts , ne parait pas être suivie
non seulement des fruits qu'il a perçus, mais dans notre pratique française. Le possesseur
même de ceux qu'il a manqué de percevoir : Et rend compte de toutes les sommes qu'il a reçues
fructùs non soltim quos perceperunt , sed quoa des biens de la succession ; et quoiqu'il soit pos
percipere debuerunt, eos prœstaturos ; dict. sesseur de mauvaise foi , il ne doit les intérêts
liv. 25 , § 4.. de la somme dont il est reliquataire par son
432. Cette différence, entre le possesseur de compte , que du jour qu'il a été mis en demeure
bonne foi et le possesseur de mauvaise foi , ne de la payer.
subsiste qu'à l'égard des fruitsqui ont été perçus ,
ou qui ont dû être perçus avant la litiscontesta- QUATRIÈME D1FFEHENCE.
tion. Le possesseur de bonne foi cessant d'être
réputé tel lors de la litiscontestation, il est tenu ,
de même que le possesseur de mauvaise foi , de 435. La quatrième différence, entre le pos
compter indistinctement de tous les fruits qu'il sesseur de bonne foi et le possesseur de mauvaise
a perçus depuis la litiscontestation , même de foi , concerne les dégradations faites aux biens
ceux qu'il a manqué , par sa faute , depuis ce de la succession.
temps, de percevoir; liv. 1, § 1 , Cod. de petit, Le possesseur de mauvaise foi , par la con
hœred. naissance qu'il a que les biens de la succession
ne lui appartiennent pas, contracto, envers le
TROISIÈME DIFFÉRENCE. véritable héritier , comme nous l'avons déjà
dit, l'obligation de les lui conserver en boa
433. La troisième différence , entre le pos état, jusqu'à la restitutiun qu'il est obligé de
PARTIE II, CHAPITRE II. 317
lui en faire. Cette obligation étant accessoire d'héritier, ce qu'il n'eût pu faire, puisqu'il ne
de la première , faute d'avoir rempli cette obli l'était pas : Iltud plané prœdoni imputari non
gation , il est tenu de tous les dommages et in potest cur passus est debitores liberari, et pau-
térêts résultans des dégradations arrivées par periores ficri , et non eos concenit , quùm
son fait. actionem non abuurit ; dict. , liv. 31 , § 4.
Au contraire , le possesseur de bonne foi , Cette décision a lieu, dans le cas auquel le
qui a un juste sujet de croire que les biens de la possesseur a connaissance , à la vérité , que les
succession lui appartiennent ne contracte point biens de la succession , dont il s'est mis en pos
ces obligations envers le véritable héritier; il session, ne lui appartiennent pas , mais ne sait
peut licitement négliger et laisser détériorer des pas à qui ils appartiennent, et à qui il doit les
biens dont il se croit le maître. Il ne doit donc restituer.
pas être tenu des dégradations qu'il a faites aux Au contraire, lorsque ce possesseur de mau
biens de la succession , tant que sa bonne foi a vaise foi connaissait lu véritable héritier, à qui
duré avant la litiscontestation sur la pétition il devait rendre les biens de la succession ; si,
d'hérédité ( à moins que ce ne fussent des dé faute par ce possesseur d'avoir rendu, aussitot
gradations dont il eut profité , comme s'il avait qu'il l'a pu, les biens et les litres de la succes
uhattu une haute-futaie qu'il eut vendue, et sion , cet héritier, qui n'avait pas les titres, n'a
dont il eût reçu le prix ). pu poursuivre les débiteurs de la succession, le
Mais , depuis la litiscontestation , le possesseur possesseur doit, en ce cas, être tenu envers
de bonne foi , cessant d'être réputé tel, est obligé, l'héritier, par forme de dommages et intérêts,
depuis ce temps, à conserver en bon état les de l'indemniser des prescriptions arrivées dans
biens de la succession , et il est tenu , de même les créances et droits de la succession que cet
que le possesseur de mauvaise foi , des dégrada héritier aurait pu interrompre, et des insolva
tions qui, depuis ce temps, seraient survenues bilités des débiteurs , qu'il eût pu prévenir, si le
par sa faute. Le possesseur, dit Ulpien, sicut possesseur lui eût rendu à temps les titres qui
aumptum quein fecit, deducit, ità si facere lui étaient nécessaires pour les poursuivre.
debuit nec fecit, culpœ hujus reddat rationem,
min bonœ fidei possessor est; tune enim quia SECTION V.
quasi suam rem neglexit , nulli querelœ sub-
jectus est ante petitam hœreditatum ; posteà DES PRESTATIONS PERSONNELLES AUXQUELLES EST
verà et ipse prœdo est , liv. 31, §3, ff. diet. fit. TENU LR DEMANDEUR ENVERS LE POSSESSEUR
436. Tout ce qui vient d'être dit de cette dif QUI DOIT LUI RENDRE LES RIENS DE LA SUCCES
férence , entre le possesseur de bonne foi et le SION.
possesseur de mauvaise foi , a pareillement lieu
dans notre droit français ; sauf que , dans notre 438. Le demandeur qui a obtenu en sa
droit , le simple exploit d'assignation , par lequel demande en pétition d'hérédité, est aussi, de
l'héritier demandeur en pétition d'hérédi té don ne son côté , tenu , envers le possesseur, à certaines
copie de ses titres, a le même effet, à cet égard, prestations personnelles.
qu'avait, par ledroit romain , la litiscontestation; De même que la gestion des biens de la suc
et c'est de ce jour que le possesseur de bonne foi cession, dans laquelle s'est ingéré celui qui s'en
commence à être obligé de conserver les biens est mis en possession , oblige ce possesseur à
de la succession , et à être tenu des dégradations rendre compte au véritable héritier de ce qui lui
qui y seraient faites par son fait ou par sa faute. est parvenu , ou qui a dû lui parvenir des biens
437. On a élevé la question de savoir, si, de de cette succession , comme nous l'avons vu en
même que le possesseur de mauvaise foi est tenu la section précédente, elle oblige pareillement
des dégradations arrivées par son fait ou par sa l'héritier à faire raison à ce possesseur des
faute daus les biens de la succession, il est tenu dépenses qu'il a faites pour les biens de la suc
des prescriptions des créances de la succession, cession. •
et des insolvabilités survenues dans les débi L'héritier peut être obligé à faire raison de
teurs , depuis qu'il s'est mis en possession des deux manières de ces dépenses au possesseur :
biens de cette succession , faute par ce posses I En les lui passant en déduction , dans le
seur d'avoir faildes poursuites contre eux. Ulpien compte que le possesseur doit rendre des sommes
décide la question pour la négative , par la raison qui lui sont parvenues de la succession . et dont
qu'il n'était pas en son pouvoir de poursuivre il est débiteur envers l'héritier;
ces débiteurs, lesquels, sur les poursuites qu'il 2« Lorsque les mises que lepossesseura faites
aurait faites contre eux , auraient été en droit de excèdent les sommes dont il est débiteur, l'héri
lui opposer qu'il eût à justifier de sa qualité tier doit payer de ses propres deniers cet excé
318 DE LA PROPRIÉTÉ.
danl au possesseur, lequel , jusqu'au paiement lui était dû lorsqu'il était lui-même créancier
qui lui en doit être fait , a droit de retenir, veluii de la succession. Cela est sans difîculté à l'égard
quodam pignoris jure , les héritages et autres du possesseur de bonne foi : Justus possessor
effets de la succession qu'il a par-devers lui. dubioproculdebebit deducere quod sibi debctur
439. Lorsque le possesseur est un possesseur dict., In. 31, §2.
de bonne foi , pour que les dépenses qu'il a On refusait, dans le droit romain, cette com
faites , soient passées en déduction sur les pensation au possesseur de mauvaise foi : Si
sommes qui lui sont parvenues de la succession aliquid prœdoni debebatur , hoc deducere non
dont il est débiteur, il n'importe qu'elles aient debebit; dict., liv. 31 , § l. Dans notre droit,
été faites utilement ou non; il suffit qu'il lcsait elle doit être admise, si la dette est certaine et
faites. C'est une suite nécessaire du principe , liquide.
qu'il n'est tenu de ce qui lui est parvenu des 442. On doit surtout allouer au possesseur de
biens de la succession , que jusqu'à concurrence mauvaise foi, aussi bien qu'au possesseur de
de ce qu'il se trouve en profiter. bonne foi, les dépenses qu'il a faites pour la
C'est pourquoi, s'il a payé une somme a quel maladie du défunt , et pour les frais funéraires :
qu'un qui se prétendait faussement créancier In restituendd hœreditate compensalio ejus
de la succession , quoique ce paiement n'ait pas habebitur quod tu in mortui infirmitatem ,
tourné au profit de la succession, l'héritier doit inque sumptum funeris , bond fide expropria
lui passer en déduction la somme qu'il a payée, tuo patrimonio erogasse probaveris; liv. 4,
sauf à la répéter contre le prétendu créancier Cod. de hœred. petit.
qui l'a indûment reçue, per condictionom inde- Néanmoins , lorsque la dépense que le pos
biti> à laquelle l'héritier doit être subrogé au sesseur a faite pour les frais funéraires du défunt
possesseur qui l'a payée , lui en ayant tenu est exorbitante, elle ne doit être allouée au pos
compte. sesseur de mauvaise foi, que jusqu'à concur
Lorsque les dépenses que le possesseur de rence de la somme à laquelle ces frais ont cou
bonne foi a faites , excèdent la somme dont il tume de monter, eu égard à lu qualité et aux
est débiteur; pour que l'héritier soit tenu de facultés du défunt.
lui payer de ses propres deniers cet excédant, 443. L'héritier doit aussi allouer au posses
il faut que ces dépenses aient été utilement faites, seur les sommes qu'il a payées pour acquitter
ou du moins que ce possesseur ait eu quelque les legs , lorsque ces legs étaient dûs.
juste raison pour les faire. Si ces legs n'étaient pas dûs, parce que le tes
A l'égard du possesseur de mauvaise foi, il tament qui les renferme a été depuis déclaré
ne peut même se faire allouer en déduction nul , le paiement qui en a été fait, n'ayant pas ,
les dépenses qu'il a faites , que lorsqu'elles ont en ce cas , tourné au profit de la succession , le
été utilement faites , et que la succession en a possesseur de mauvaise foi ne peut se faire
profité. allouer par l'héritier les sommes qu'il a payées
440. Les dépenses que fait ordinairement le pour acquitter lesdits legs; il n'a d'action que
possesseur pour la succession, sont les paiemeus contre les légataires qui les ont recues indû
qu'il fait aux créanciers , des sommes qui leur ment , per condictionem indebiti.
étaient dues par la succession. Les dépenses Mais lorsque le possesseur qui les a acquit
tournent au profit de la succession, et par con tées , est uxi possesseur de bonne foi , on lui
séquent elles doivent être allouées au possesseur permet, en considération de sa bonne foi , de
qui a fait ces paiemeus: Si quid possessor sol- retenir les sommes qu'il a payées sur les biens
rit crvditoribus, rcpHtabit;l'\v . 31, ff. rficf. tit. de la succession ; à la charge seulement par lui
Si la quittance de la somme qui a été allouée de céder à l'héritier les actions qu'il a contre les
au possesseur, était susceptible dequelque diffi légataires , pour la répétition de ce qu'il leur a
culté de ta part du créancier au nom de qui payé, pour être lesdites actions exercées aux ris
elle a été donnée , elle ne devrait être allouée à ques de l'héritier. C'est ce qu'enseigne Gaïus: Si
ce possesseur, qu'à la charge par lui de s'obliger possessor hœreditatis ob id quod ex testamenlo
euvers l'héritier à la garantir , et à faire valoir hœredem se esse putaretr legalorum nominede
cette quittance , dans le cas auquel le créancier suo solvit ; si quis ab intestato easn hœredita-
la contesterait, et demanderait la somme. Jnlia- tem erincat ( l ) secundûm senatùs-consulti
nus acribit r ità imputaturum possesson ni si sententiam subreniendum ci est r ut ipse qui-
iaverit à sepctilorem def'ensum iri; oYcf.,l. 31 . dem ex retentione rerum hœreditariarum sibs
444. bc même qu'on doit allouer au posses
seur ce qu'il a payé aux créanciers de lu suc
cession , on doit pareillement lui allouer ce qui (l) Quo casu U'gata sestamento relictn cormumt.
PARTIE II, CHAPITRE M. 3I!I
satiafaciat , cedat autem actionibus petitori , Que doit-on dire des impenses purementvnlup-
ut suo periculo cas exerceat;\iv. 17, S. de petit tuaires? Gaïus les alloue au possesseur de bonne
hœred. foi; mais il n'accorde à celui de mauvaise foi, que
444. Dans le compte que rend le possesseur, la faculté d'emporter ce qui peut-être emporté.
même de mauvaise foi , des fruits qu'il a percus, / ideamns tamen ne ad picturarum quoque et
on doit allouer les frais qu'il a faits pour les faire marmorum, et cœterarum voluptuariarum re-
venir et pour les TecueM'w.Fructusintelliguntur rnmimpensasœquèproficiatnobisdoliexceptio?
deductis impensis quœ quœrendorum, cogen- Si modà bonœ fideipossessores simus: nam prœ-
dorum, conservandorunu;ueeorumgratiâfiunt. doni probè diectur nondebuisse in alienant rem
Quod non solùm in bonœ fidei possessoribus supervacuas impensas facere , ut tamen potes-
nahiralis ratio expostulat, veriim etiam inprœ- tas cifuerit tollendorum eorum quœ sine detri-
donibus ; liv. 36, § 5 , ff. diet. fit. menlo ipaius reilolli poasunt; dict., liv. 39, § 1 .
Le possesseur de bonne foi a cela de plus , 446. L'héritier à qui le possesseur restitue les
qu'il est fondé à se faire faire raison , par biens de la succession , non seulement lui doit
l'héritier , des frais qu'il a faits pour faire venir faire raison de ce qu'il a déboursé pour lesdils
les fruits , quoiqu'il n'en ait point été recueilli: biens; il doit aussi l'idemniser des engagemens
Si sumptum quidem fecit , nihil autem fruc- qu'il a contractes pour raison de quelque bien
tuum pereeperit , œquissimum erit rationetn de la succession. Paul rapporte cet exemple: Si
horiim quoque in bernœ fidei possessoribus ha- possessor carerit damni (3) infecti, cavendum
beri; liv. 37, ff. dict. lit. est possessori ; liv. 40 , § 3, dict. tit.
445. A l'égard des impenses qui ont été faites Onpeut rapporter d'autres exemples. Al'ordre
par le possesseur dans les biens de la succession du prix d'un héritage hypothéqué à une créance
dont il était en possession , il n'y a pas de diffé de la succession du défunt, le possesseur, qui
rence entre le possesseur de bonne foi et celui s'était mis en possession des biens de la succes
de mauvaise foi, pour celles qui étaient néces sion , a touché le montant do cette créance, et
saires; on en doit faire raison à l'un et à l'autre. il s'est obligé de rapporter la somme qu'il a tou
A l'égard de celles qui étaient seulement utiles , chée, envers un créancier conditionnel anté
il y a ces deux différences, que le possesseur de rieur, dans le cas auquel la condition de sa
bonne foi est fondé en droit pour en prétendre créanco s'accomplirait. Ce possesseur ayant
le remboursement , et ce qui lui est dû de la depuis été condamné , sur la' demande en péti
somme entière à laquelle elles ont monté ; au tion d'hérédité , à rendre à l'héritier les biens
lieu que ce remboursement n'est accordé au de hi succession, il n'est tenu de lui rendre cette
possesseur de mauvaise foi , que par indulgence somme qu'ila touchéeà l'ordre, et pour laquelle
et contre la rigueur du droit , et qu'il ne lui est il a donné caution de la rapporter, qu'à la
du que jusqu'à concurrence de ce que l'héri- charge par l'héritier de lui donner lui-mémo
tagesurlequel elles ont été faites, en est actuel caution de l'indemniser, et de rapporter la sommo
lement plus précieux : In cœteris necessariis à sa décharge, en cas d'accomplissement de la
et utilibus impensis posse separari, ut bonœ condition.
fidei quidem possessores has ( I ) quoque impu
tent; prœdo autem de se queri debeat quod
seiens in remalienam impendit : sed benigniiia (3) La caution damni infecti est celle que le pro
est in hujus quoque persond haberi rationem priétaire d'une maison voisine de la mienne, qui a
impenaarum (2) ; non enm debet petitor ex quelque sujet de craindre qu'il ne tombe quelque
aliena jacturd lucrum facere.... Plané potest chose de ma maison , qui cause du dommage à la
in eo differentia esse, ut bonœfidei quidempos- sienne, a droit d'exiger de moi, pour que je lui
réponde de ce dommage, au cas qu'il arrive. Si le
sessor omnimodè impensas derlucat , licèt res possesseur a coniracté un pareil engagemens envers
non extet in quam fecit , aient tutorvel curator un voisin , pour une maison de la succession , l'héri
consequuntur ; prœdo autem non aliter quani tier, à qui le possesseur rend cette maison , ess tenu
si res melior sil; liv. 38, ff. dict. lit. Utiles au de donner caution a ce possesseur de l'en indemniser.
tem necessariœque sunt , veluti quœ fiunt refi- Je pense aussi qu'en ce cas, le possesseur, qui
ciendorum œdificiorum gratid, aut in novel- n'a contracié cet engagemens envers le voisin qu'en
lata, ete.; liv. 39. une qualité de possesseur de celse maison qu'il n'a
plus, esi fondé a dcuonccr :î ce voisin la sentence
rendue sur la pétition d'hérédité, par laquelle il en a
été évincé , et .ï demander qu'il soii , eu conséquence,
(1) Sciltcet u1ile>. déchargé de son engagement; sauf au voisin a se
(2) Seeus eu matière d'action en revendication; pourvoir contre l'héritier qui est rentré en possession
supra , n. 3'«>. de la maison.
321) DE LA PROPRIÉTÉ.
SECTION VI. Il résulte de tout ce que nous venons de dire,
que ni le roi, ni le seigneur haut-justicier, ne
DES ACTl0NS QUt SONT A s/sNSTAR DE LA PETI peuvent avoir la pétition d'hérédité proprement
TION d'hévédiré. dite, pour revendiquer la succession des hiens
d'un défunt ou d'un condamné, qu'ils préten
447. Lorsque le roi a succédé, par droit d'au dent leur appartenir à titre d'auhaine , hâtar
haine, aux hiens d'un défunt étranger; lorsqu'il dise, déshérence ou confiscation , contre les pos
a succédé , par droit de hâtardise ou de déshé sesseurs qui se seraient emparés desdits hiens
rence, aux hiens d'un défunt qui n'a pointlaissé ou de partie , et qui en disputeraient la succes
d'héritiers, ou, par droit de confiscation , aux sion au roi ou au seigneur; caria pétition d'hé
hiens d'un condamné ; pareillement , lors rédité, comme nous l'avons définie supra, n. 365,
qu'un seigneur haut-justicier succède aux hiens est une action par laquelle un héritier reven
d'un défunt, par droit de déshérence ou par dique une hérédité qui lui appartient , contre
droit de hâtardise , dans le cas où il eu a le droit: les possesseurs de quelques hiens ou droits de
ou lorsqu'il succède à un condamné; dans tous cette hérédité , qui la lui disputent. Le roi , ni
ces cas, le roi et le seigneur haut-justicier ne le seigneur haut-justicier, n'étant point héritiers
sont héritiers ni du défunt, ni du condamné, de celui aux hiens duquel ils succèdent, et cette
aux hiens duquel ils succèdent ; car un héritier succession n'étant point une hérédité , il s'en
est celui qui succède à la personne du défunt , suit qu'ils ne peuvent avoir, pour raison de cette
qui est une continuation de la personne du succession, la pétition d'hérédité contre ceux
défunt, qui succède à tous ses droits actifs et qui la leur disputent.
passifs. Or le roi , ni le seigneur haut-justicier, Mais si le roi et le seigneur haut-justicier ne
qui succèdent, dans tous ces cas , aux hiens du peuvent avoir la pétition d'hérédité , pour rai
défunt ou du condamné, ne succèdent pas, pour son de ces espèces de successions de hiens , on
cela, à sa personne; ils ne succèdent pas , pour peut leur accorder une action qui soit à l'instar
cela , a son hérédité. L'auhain , qui ne laisse de la pétition d'hérédité, par laquelle ils puis
aucuns enfans nés en France, et le condamné à sent revendiquer le droit de succession à l'uni
une peine capitale, ne laissent pas même aucune versalité des hiens du défunt ou du condamné,
hérédité: leur personne est entièrement éteinte qui leur appartient à titre d'auhaine, hatardise,
par leur mort ; ils ne laissent rien qui puisse la déshérence ou confiscation , contre ceux qui se
représenter. Lo défunt , aux hiens duquel le roi, sont mis en possession desdits hiens ou de par
ou le. seigneur haut-justicier, succèdent par tie, qui leur contestent ce droit.
droit de déshérence , laisse hien, après sa mort, Cette action est, de même que la pétition d'hé
une hérédité qui représente sa personne; mais rédité , une action in rem, qui naît du droit de
lorsque, ne se présentant aucuns parens pour propriété de la succession à l'universalité des
recueillir cette hérédité, le roi ou le seigneur hiens du défunt ou du condamné, droit qui leur
haut-justicier succèdent aux hiensquien dépen a été acquis par l'ouverture du droit d'auhaine,
dent, ce n'est pas l'hérédité qu'ils recueillent , ce hâtardise, déshérence ou confiscation, par la
n'est pas à l'hérédité qu'ils succèdent; ils ne suc quelle le roi ou le seigneur haut-justicier reven
cèdent qu'aux hiens qui eu dépendent , comme diquent, non aucune chose particulière , mais
à des hiens vacans , et qui ne sont réclamés par le droit de succession à l'universalité des hiens
personne. Cela parait en ce que le roi ou le sci- du défunt ou du condamné , à titre d'auhaine,
gneurhaut-justicier, qui succèdent à ces hiens, hâtardise, déshérence ou confiscation, contre
ne sont pas tenus directement des dettes du le possesseur qui le leur conteste.
défunt , comme en aurait été tenu celui qui Tout ce que nous avons dit de la pétition
aurait recueilli son hérédité: ils n'en sont tenus d'hérédité , dans les sections précédentes , peut
qu'indirectement, parce que ces dettes sont des s'appliquer à cette action que le roi et le sei
charges des hiens auxquels ils succèdent, sui gneur haut-justicier ont à Vinstar de la pétition
vant cette maxime: Bona intelliguntur cujus- d'hérédité.
gue, guœ deductoœreatienosuf,crsunt;\iv. 39, 448. Pareillement , dans les provinces où il y
§ I, ff. de verh. sign. Et ils peuvent s'en déchar a des mortaillahles, lorqu'un seigneur succède
ger en ahandonnant les hiens; à la différence à son serf, il n'est point héritier de ce serf, il
d'un héritier, qui ne peut se décharger des succède seulement à l'universalité des hiens de
dettes en ahandonnant les hiens, parecque ce ce serf : ce n'est donc point la pétition d'héré
n'est pas seulement à causc des hiens qu'il en dité, mais une action à l'instar de la pétition
est tenu, mais comme successeur M universum d'hérédité, qu'il a contre ceux qui se seraient mis
jus defuncii. en possession des hiens ou de partie des hieus de
PARTIE II, CHAPITRE il. 321
ce serf, et qui lui disputeraient cette succession. cessé d'avoir une personne civile , ne peut pas
449. L'universalité des biens mobiliers qu'un avoir une hérédité qui soit la continuation d'uno
religieux , pourvu d'un bénéfice qui l'a fait sor personne civile qu'il n'avait plus. L'universalité
tir du cloître, avait de son vivant et qu'il a des biens mobiliers , que ce religieux a laissés
laissés à sa mort , n'est point une hérédité; car à sa mort , à laquelle on donne le nom de
une hérédité est une succession à tous les droits pécule , ne peut donc passer pour une hérédité;
actifs et passifs du défunt, dans laquelle la per et par conséquent ceux que la loi appelle n la
sonne civile du défunt se continue, et de laquelle succession de ce pécule, n'ont pas la pétition
se revêt l'héritier qui recueille l'hérédité. d'hérédité, mais une autre action à l'instar,
Il est évident que cela ne peut convenir à un contre ceux qui se seraient mis en possession des
religieux, qui, ayant, par sa profession reli effets de ce pécule ou de partie , et qui leur en
gieuse, perdu l'état civil, ayant, dès ce moment, disputeraient la succession.
Tome V. 41
TRAITÉ
DE LA POSSESSION.
ARTICLE PRÉLIMINAIRE.
Quoique la possession n'ait rien de commun avec le domaine de propriété, Nihil commune
hahet proprietas cum possessione,\n. 12, § I,ff. de adq. pose., puisqu'on peut avoir la possession
d'une chose sans en avoir le domaine, et que, vt'ce versd, on peut en avoir le domaine sans en avoir
la possession; néanmoins, comme la possession fait présumer le domaine dans celui qui a la posses
sion , et qu'elle est une des manières d'acquérir le domaine, nous avons cru qu'on pouvait joindre
au Traité du Domaine de Propriété un Traité de la Possession.
Nous traiterons, dans un premier chapitre, de la nature dela possession; de ses différentes espèces,
de ses différons vices. Nous verrons, dans un second, si on peut se changer le titre et les qualités de
sa possession. Nous traiterons, dans un troisième chapitre, des choses qui sont susceptihles ou non de
possession , et de la quasi-possession ; et de celles qui ne sont pas susceptihles de possession. Nous
traiterons , dans un quatrième chapitre , de la manière dont s'acquiert la possession , et dont elle
se retient ; et des personnes par lesquelles nous pouvons l'acquérir et la retenir. Dans un cin
quième, nous traiterons des manières dont se perd la possession ; dans un sixième, des droits et
des actions qui naissent de la possession.
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE II.
3 I . C'est un ancien principe de droit , qu'on médiat ou immédiat, quelque long temps qui
ne peut , par la seule volonté , ni par le seul se soit écoulé depuis le hail , quelque long
laps de temps , se changer à soi-même la cause temps qu'il y ait que je n'en paie plus ni fermes '
de sa possession : Illud à veterihus prœcep- ni loyers; tant qu'il ne paraît pas d'autre titre
tum (1) est , neminem sihi ipsum causant pos- qui soit survenu depuis , je suis censé avoir
seasionis mutare poaee ; liv. 3, "j 19, de adq. toujours continué de tenir cet héritage en qua
pou. lité de fermier ou locataire de celui qui en a
Par exemple, s'il parait qu'une chose que je fait le hail , ou de ses héritiers. Pareillement ,
possède m'ait été donnée à titre d'engagement, s'il paraît qu'une chose qui est par-devers moi ,
ayant commencé à la posséder à ce titre , quel m'a été prêtée ou donnée en dépot , soit à moi ,
que déclaration que je fasse , quelque long soit à quelqu'un dont je suis l'héritier, quelque
temps qui s'écoule , tant qu'il ne paraîtra pas long temps qu'il y ait qu'elle soit par-devers moi,
d'autre tilre survenu depuis moi , mes héritiers tant qu'il ne paraît pas d'autre titre , je suis tou
et les héritiers de mes héritiers in infinitum jours censé la tenir comme un dépôt ou un prêt
continueront toujours à la posséder à ce titre de celui qui l'a donnée ou prêtée ; et je ne puis ,
d'engagement , lequel résistera toujours à la par conséquent , par quelque temps que ce soit,
prescription que nous pourrions prétendre de l'acquérir par droit d'usucapion : Quod vulgo
cette chose. reapondetur , causant poasessionis neminem
32. Ce principe a lieu , non seulement à l'é sihi mutare posse, sic accipiendum , ut pos-
gard de la possession , mais pareillement à sessio non solùm civilis , sed etiam natura-
l'égard de la nue détention d'une chose, que lis (2) intelligatur ; et proptereà responsum
quelqu'un tient , non en son nom , mais pour est neque colonum, neque eum apud quem res
un autre et au nom d'un autre. Par exemple , deposita aut cui est commodata, lucri faciendi
s'il parait que l'héritage dans lequel je suis ,
m'a été donné à ferme ou â loyer, par quelqu'un,
à moi, ou à quelqu'un dontje suis l'héritier, ou (2) Les termes Je possessio naturelte sont pris icï
large, eu un sens impropre, pour toute detention
d'une ehose, quelle qu'elle soit, même pour ta nue
détention de ceux qui tiennent une chose pour et au
(t) Prœceptum se prend ici pour dfjinitum tam- nom d'un autre , comme il paraît par les exemples
quam certissimajuris regula. qui vont être rapportés.
Tome V. 42
330 DE LA POSSESSION.
causa pro hœredo (1) usucapere posse ; liv. 2, celle de son auteur, que lorsqu'elle était une
§ l , ff. pro hœrede. juste possession. Si elle était vicieuse , il ne la
33. Non seulement on ne peut pas se changer joint pas a la sienne ; il se borne à sa propre
à soi-même la cause et le titre de sa possession , possession , qui procède du titre auquel il l'a
mais encore on ne peut en changer les qualités acquise.
et les vices : telle elle a commencé , telle elle 35. Celui quia la possession, ou même In
continue toujours. Par exemple, si la posses nue détention d'une chose , ne peut , non plus
sion a commencé par être une possession vio que ses héritiers, par une simple destination,
lente, une possession clandestine, une possession ni par quelque lapsdo temps que ce soit, chan-
de mauvaise foi , une possession précaire, elle ger la cause ni les qualités de sa possession ou
continuera toujours d'être une possession vio détention , tant qu'il ne paraît aucun nouveau
lente , une possession clandestine , une posses litre d'acquisition : mais ce possesseur ou déten
sion de mauvaise foi , ete., non seulement dans teur peut, durant sa possession ou détention ,
la personne de celui dans qui elle a commencé , acquérir par un nouveau titre d'acquisition la
mais pareillement dans celle de ses héritiers , et chose qu'il possédait ou détenait seulement ; et
des héritiers de ses héritiers in infinitum , quel il aura une nouvelle possession de cette chose
que bonne foi qu'ils eussent eux-mêmes : car qui procédera de ce nouveau titre , et qui ne
les héritiers étant la continuation de la personne sera plus la possession ou détention qu'il avait
du défunt, étant successores in universum jus auparavant, et qu'il cesse d'avoir en acquérant
defuncti , la possession à laquelle ils ont suc la nouvelle. C'est ce que nous enseigne Mar-
cédé au défunt , est la même possession qu'au ccllus : Quod scriptum est apud veteres , ne-
rait le défunt , qui continue avec les mêmes minem sibi causani possessionis mutarc posse,
qualités et les mêmes vices qu'elle avait lors credibile est de eo cogitatum , qui et corpore et
qu'elle a commencé. C'est de ces principes qu'a animo possessioni incumbens , hoc solùsn s1a-
été formé celte axiome de droit : Vitia posses- tuit, ut alid ex causd id possidsrvt ; non si
sionum à majoribuscontractaperdurant; liv. 1 1 , quis , dimissâ possessions prima , ejusdem rei
Cod. de adq. poas. C'est conformément à ces denuo ex alid causd possessionem nancisci re
principes que Papinien dit : Quùm hœres in lit; liv. 19,5 i 1 9. ds> adq. poss. Julien ap
jus omne defuncti succedit , ignoratione sud , porte cet exemple : Si quis munit fundum
defuncti vitia non excludit; liv. H , ff. de div. sciens ab eo cujus non erat, possidebit pro pos-
temp. prœscr. sessore ; sedsi eundem à domino emerit, inri-
34. Il n'en est pas de mémo d'un successeur, piet pro emptore possidere, nec videbitur sibi
qui a succédé à une chose à quelqu'un , à titre ipsi causani possessionis mutasse; liv. 33, § I,
singulier : la possession qu'a ce possesseur , qui ff. de usurp. et usueap.
procède du titre auquel il l'a acquise, est une Pareillement , si is , qui apud me deposuit .
possession qui lui est propre, qui commenceen vel commodavit , eam rem cendiderit mini rel
sa personne, qui n'est point une continuation donaverit , non videbor causam possessionis
de celle que son auteur a eue , et qui ne peut mihi mutare, quine possidebam quidem; liv. 3,
par conséquent , eu avoir ni les qualités ni les § 20 , £f. de adq. poss.
vices. De même que de possesseur de mauvaise
Il est vrai que ce successeur a la faculté de foi d'une chose , ou même de simple détenteur
joindre à sa possession celle qu'a eue son au de cette chose , que je détenais pour et au nom
teur ; et lorsqu'il la joint, il ne peut la joindre d'un autre, je puis, par un nouveau titre, en
qu'avec ses qualités et ses vices. Mais comme devenir le légitime possesseur, comme dans les
c'est une faculté qu'il a, dont il peut à son gré, exemples ci-dessus rapportés ; pareillement ,
user ou ne pas user, il ne joint à sa possession vice versd , de légitime possesseur que j'étais
d'une chose , je puis , par un nouveau titre, ne
la plus détenir que pour et au nom d'une autre
personne; comme lorsque j'ai vendu une chose ,
dont j'étais légitime possesseur, à quelqu'un qui ,
(i) Id est ille gui rem ex causd conductionis , vel
s>r causâ depositi aul commodati tenet , causani suis par le contrat de vente que je lui en fais, m'en
detentionis musare non potest conjingendo apud se fait un bail à loyer. Dans cette espèce, non
alium 1itulum possessionis , puià, litulum pro hiv- muto mihi causam possessionis , sed desino
rede , us possit hujus lucrumfacere es eam usuca- possidere , et alium possessorem ministeria
pere. Ità Cujac. ad h. I. in comm. ad dig. Juliai:i. meo facio ; liv. l8 , ff. de adn.poss.
CHAPITRE III. 331
CHAPITRE III.
37. Il n'y a que les choses corporelles qui Cette quasi-possession d'un droit consiste
soient susceptihles de possession : possideripos- dans la jouissance qu'en a celui à qui il appar
suntquœ suntrorporafia ;\\y.3,ft.deadg.poss. tient.
C'est ce qui résulte de la définition et des Par exemple , je suis censé avoir la quasi-pos -
notions que nous avons données de la possession session d'un droit de dîme ou d'un droit de
au commencement de ce Traité. Posséder une champart, par la perception que je fais de la
chose, tenir une chose par nous-mêmes , ou par dîme ou du champart.
d'autres , qui la tiennent en notre nom, étant rei Je suis censé avoir la quasi-possession d'un
insistere , incuhare , il est évident que cela ne droit de fief , d'un droit de censive , d'une
peut convenir qu'aux choses corporelles. rente, soit foncière, soit constituée, parles
Même parmi les choses corporelles , il y en a aveux qui m'en sont portés, par les reconnais
quelques unes qui ne sont pas susceptihles de sances qui me sont passées , par le paiement qui
possession : telles sont celles qui sont divini m'est fait, soit des cens , soit des arrérages de
aut puhlici juris , comme sont une église, un rente.
cimetière, une place puhlique. Il est évident Je suis censé avoir la quasi-possession d'un
que ces choses ne peuvent pas être la matière droit de servitude , lorsque je fais dans l'héri
de la possession des particuliers. tage, au vu et au su du propriétaire de cet
Une chapelle domestique , qui est dans une héritage , ce que mon droit de servitude me
terre, étant une chose consacrée à Dieu, une donne droit d'y faire.
chose divinijuris r nous ne pouvons, à la vé J'ai la quasi-possession d'un droit de justice
rité, la posséder per se , mais nous sommes sur un territoire , par les actes judiciaires qu'y
censés la posséder avec la terre dont elle est une font mes officiers ; par la comparution des jus
dépendance. ticiahles aux assises que tient mon juge, et par
38. Les choses incorporelles , c'est-à-dire , le défaut qu'il prononce contre les ahsens.
celles qum in jure consistant , ne sont pas sus En général, la jouissance quej'ai de quelque
ceptihles , àla vérité, d'une possession véritahle droit que ce soit, en est une quasi-possession.
et proprement dite ; mais elles sont suscepti Cette quasi-possession est susceptihle des
hles d'une quasi-possession : Jura non poasi- mêmes qualités et des mêmes vices que la véri
dentur, sed quasi-poasidentur. tahle possession.
332 DE LA POSSESSION.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
64. Quoique la possession d'unechose consiste C'est conformément ù ce principe que Pro-
dans une détention corporelle de cette chose, ou culus dit : Si is , qui animo possessionem saltûs
par nous-mêmes, ou par d'autres qui la détien retineret, furcre cœpisset , non potest, dum
nent en notre nom; néanmoins, lorsque nous furent , ejus saltûs possessionem amittere :
avons une fois acquis la possession d'une chose quia furiosusnon potest desinere animo possi-
par une préhension corporelle que nous avons dere; liv. 27 , ff. de adq poss.
faite de cette chose par nous-mêmes, ou par Nous allons parcourir les différentes manière
quelque autre en notre nom , avec la volonté de dont se perd la possession. Nous traiterons, dans
la posséder, nous pouvons conserver et retenir un premier article , des manières dont nous per
cette possession, par la seule volonté que nous dons la possession par notre volonté; dans un
avons de la conserver, quand même, pendant second, des manières dont nous la perdons
quelque temps, nous cesserions de la détenir malgré nous.
corporellement par nous-mêmes, ou par d'au
tres. C'est ce que nous avons étahli en l'article ARTICLE PRE3IIEII.
précédent.
I)..' là il suit que, pour perdre la possession Des manières dont nous perdons la possession
que nous avons d'une chose , il ne suffit pas que par notre volonté.
nous cessions de la détenir corporellement, si
nous n'avons pas une volonté formelle d'en ahan 65. Nous perdons la possession d'une chose
donner la possession , ou si nous n'en sommes par notre volonté, ou par la tradition que nous
dépossédés par quelqu'un malgré nous. C'est en en faisons à quelqu'un dans le dessein de la lui
ce sens que Paul dit : / / nulla possessio acquiri transférer, ou par un ahandon pur et simple.
nisi animo et corpore potest , ità nulla amit
titur , nisi in quû utrumque in contrarium ac- g I. DE LA PERTE DE LA POSSESSION PAR LA THADITl0H.
tum (2); liv. 153, ff. de reg.jur.
66. Il est évident que la tradition, que nous
(t) Soit parce que mon héritage est resté inculte , faisons d'une chose à quelqu'un , dans le dessein
soit parce que cela aurait donné occasion à un tien de de lui en transférer la possession , renferme la
«'en mettre en possession , et de m'en déposséder. volonté de la perdre, et qu'elle nous la fait
(a) Cela n'est dit qu'eu ce sens , que , de meme que. perdre, puisque nous ne pouvons la lui trans
pour t'acquisition de la possession , une préhension férer qu'en la perdant.
corporelle tle la chose ne suffît pas, sans la volonté Lorsque la tradition est une tradition réelle,
d'en acquêt ir la possession ; de même , pour la perdre, nous perdons la possession animo et corpore.
il ne suffît pas de cesser de détenir corporellement Nous ne la perdons pas moins par les traditions
une chose, sans la volonté d'en perdre la possession. feintes, quoique nous la perdions, en ce cas,
En cela, l'acquisition et la perte de la possession animo solo , ahsque corporali discessione.
conviennent, mais etles diffèrent, comme nous le
verrons infrà, rn ce que, pour acquérir, la volonté Par exemple, si j'ai vendu un héritage à quel
ne suffit pas sans une préhension corporelle; au lieu qu'un qui me l'a donné à ferme par le même
que la volonté seule suffit puur perdre la possession. acte, la tradition feinte, qui renferme ce hail à
Tome V. 43
3:53 DE LA POSSESSION.
firme, lui en fait acquérir la possession par moi, ilte non erit adeptus possessionem , tu possùlere
qui en prends possession en son nom, eu me desiins ; sufficit quippe dimittere possessionem ,
déclarant tenir dorénavant cet héritage en son etiamsi non transferas ; illud enim ridiculum
nom et comme son fermier ; et je perds en même est dicere, quod non aliter vult quis dimiitere
temps la possession que j'en avais, animo, abs- quàm si transferat : imo vuit dimittere, quià
que corporali discessione. existimat se transferre ; liv. 18, § 1 , dict. lit.
67. la tradition étant une manière de perdre Cette décision deCelse me paraît souffrir diffi
la possession par notre volonté , accompagnée culté. La volonté que la tradition renferme,
du fait de la tradition , il suit de là qu'un mineur n'est pas une volonté absolue de perdre la pos
à qui la volonté d'aliéner ce qui lui appartient session de la chose , mais une volonté de la trans
n'est pas permise, s'il n'est autorisé de son férer à celui à qui la tradition est faite, et de la
tuteur, peut bien, en faisant à quelqu'un la tra perdre, par conséquent, en la lui transférant.
dition réelle d'une chose, sans y être autorisé Ce n'est donc que par la translation que je lui
par son tuteur, cesser de la posséder corporel- en ferai, que je veux la perdre et que je dois la
lement, mais qu'il en conserve néanmoins la perdre. Quelque pure et simple qu'ait été extrin-
possession : Possessionem pupillum sine tutoria secùs la tradition que j'ai faite, la volonté, que
auctoritate amittere ponse constat, non ut cette tradition renferme , de perdre la posses
animo, sed ut corpore desinat possidere ; quod sion , est une volonté à laquelle vi ipsâ et natu-
est enim facti potest amittere; liv. 29, ff. de raliter inest la condition qu'elle passera à celui
adq. poss. à qui la tradition est faite.
Marcien dit encore plus formellement : Pupil-
lus alienare nullam rem potest, nisiprœ- S II. DE L4. PERTE PUR DE LA POSSESSION PAR L'ARANDOM
sente tutore auctore, et nequidem possessionem ET SIMPLE.
quœ est naturalia, ut Sabinianis visum est, 70. Il y a cette différence entre la tradition,
quœ sententia veto est; liv. 1 1 , ff. de adq. rcr. dont nous avons parlé au paragraphe précédent,
dom, et l'abandon pur et simple, que celui qui fait
68. Nous perdons la possession d'une chose , la tradition d'une chose à quelqu'un, dans le
aussitôt que nous en avons fait la tradition à dessein de lui en transférer la possession , n'a la
quelqu'un, dans le dessein de la lui transférer, volonté de perdre la possession , que pour la
lorsque celte tradition se fait purement et sim transférer à celui à qui il fait la tradition. Au
plement : mais lorsque nous y avons attaché contraire, celui qui fait un abandon pur et
quelque condition, nous n'en perdons la posses simple de la possession d'une chose , a une
sion, et elle n'est transférée à celui à qui la volonté absolue de perdre la possession.
tradition est faite, que lorsque la condition Ou peut apporter pour exemple d'un abandon
sous laquelle elle lui a été faite , aura été accom pur et simple de possession , celui que nous
plie. C'est ce qu'enseigne Julien : Si quis pos- faisons de la possession de certaines choses mo
sessioncm fundi ità tradiderit , ut ita demum bilières , que nous jetons dans la rue ou ailleurs ,
cedere ed dicat , si ipsius fundus esset , non comme choses qui ne sont bonnes à rien , et
videtur possessio tradita, si fundus alienus que nous ne voulons plus posséder.
sit: hoc ampliùs existimandum est possessiones Nous faisons pareillement un abandon pur et
sub conditione tradi passe , sicut res sub condi- simple de la possession d'un héritage, lorsque
tioue traduntur , neque aliter accipientis fiunt nous en sortons à dessein de n'y plus revenir et
quàm conditio extiterit ; liv. 38, § l, ff. de de ne le plus posséder.
adq. poss. Le déguerpissement que je fais d'un héritage
69. Lorsque je n'ai apposé aucune condition chargé d'une rente foncière , pour m'en dé
à la tradition que j'ai faite d'une certaine chose, charger à l'avenir , est aussi un abandon pur et
ù une personne queje croyais jouir de la raison, simple que je fais de la possession de cet héri
dans le dessein de la lui transférer, aurai je perdu tage. Mon unique dessein, en le déguerpissant,
la possession par cette tradition, dans le cas est d'en perdre la possession pour me décharger
auquel la personne à qui la tradition de la chose des charges attachées a cette possession , et de
a été faite , n'en aurait pu acquérir la possession, notifier cet abandon au seigneur de rente fon
faute d'avoir l'usage de la raison, et par consé cière , à qui j'en fais le déguerpissement. Il
quent faute d'avoir la volonté nécessaire pour n'importe qu'il l'accepte , et qu'il rentre en la
l'acquérir ? CeUe décide cette question pour l'af possession de l'héritage , ou qu'il ne juge pas à
firmative : Si furioso, quem suœ mentis exis- propos d'y rentrer.
timas, eo quod fortè in conspectu inumbratœ 71. L'abandon , que nous faisons de la pos
quietis fuit constitutus, rem tradideris; licùt session d'une chose , est ordinairement accom
CHAPITRE V. 339
pagne de l'abandon que nous faisons pareille tos per quos possidebat ; liv. I , § 22 , ff. de vi et
ment du domaine de cette chose. Néanmoins , vi arm.
quelquefois nous retenons le domaine des choses 74. Nous sommes censés avoir été chassés de
dont nous abandonnons la possession , comme notro héritage, et en avoir, par conséquent,
lorsqu'un marchand , dans le cas d'une tem perdu mulgré nous la possession , non seulement
pête , jette à la mer ses marchandises pour al lorsque, par force, on nous a contraints d'en
léger le vaisseau. Il en abandonne la possession ; sortir , mais pareillement lorsque, nous en étant
car il ne peut pas être censé posséder ces mar a'isentés , on nous a par force empêchés d'y
chandises que la mer emporte, et qu'il n'est rentrer. C'est ce qu'enseigne Ulpien : Si quos
plus en son pouvoir de recouvrer. Néanmoins de agro suo , vel de domo processisset , neminc
il en conserve le domaine ; et s'il arrivait que suorum relicto , mox revertens , prohibitus sil
la mer les jelàt sur le rivage , il aurait le droit, ingredi vel ipsum prœdium, vel si quis eum in
en les faisant reconnaître, de les revendiquer , medio ilinere detinuerit , et ipse possiderit , vi
comme nons l'avous vu en notre Traité du do dejectus videtur : ademisti euim ei possessio
maine de propriété. nem quam animo retinebut, etsi non corpore ;
72. L'abandon que nous faisons de la pos dict. liv. 1, § 24.
session d'une chose , se fait ordinairement cor- lien est de même, si l'on a empêché d'y en
pore etanimo. 11 peut se faire aussi unimosolo , trer quelqu'un qui y venait de notre part : Nihil
par la seule volonté, qu'une personne en ses interessel ipsum an alium ex voluntate ejus
droits a d'en abandonner la possession. Par missum prohibuerit ; liv. 18, ff. dict. tit.
exemple , Si in fundo sis , et tamen nolis eum 75. Il n'est pas même absolument nécessaire,
possidere , protinùs amittes possessionem ; pour que je sois censé avoir été chassé de mon
igitur amitti et animo solo potest , quamvis héritage, et en avoir en conséquence perdu la
acquiri non potest;liv. 3, § 6, ff. de adq. pose. possession, que jo me sois présenté pour y ren
En cela, la possession est différente du do trer. Il suffit que, sur l'avis que j'ai eu que des
maine : car nous ne pouvous , par notre seule gens étaient dans mon héritage, dans le dessein
volonté, perdre le domaine d'une chose tant d'employer la violence pour m'empêcher d'y
que nous en retenons la possession : Differentia rentrer, je me sois abstenu d'y retourner, par
inter dominium et possessionem hœc est, quod la crainte de cette violence : Si quis nuntiat
dominium nihilominùs ejus manet quidominus domum à latronibus occupatam , et dominus
esse non vult; possessio autem recedit , ut timore conterritus noluerit accedera , amisisse
quisque constituit nolle possidere; liv. 17, § I , eum possessionem placet; liv. 3, § 8, ff. de
ff. diet. fit. adq. poss.
ARTICLE II. 76. Une seconde manière dont nous perdons
Des manières dont nous perdons la possession malgré lorsque
nous la possession d'un héritage, est
nous la laissons usurper par quelqu'un
malgré nous. qui s'en est mis en possession, et en a joui pen
S I. DES MANIÈRES DONT NOUS PERDONS MALGRÉ> NOL'S dant un an et jour, sans que nous ayons, de
LA POSSESSION D'UN HÉRITAGE. notre part , fait pendant ce temps aucun acte de
73. Nous perdons malgré nous la possession possession, et sans que nous ayons apporté, do
d'un héritage, lorsque quelqu'un nous en chasse : notre part , aucun trouble à sa jouissance ; car,
Constat possidere nos , donec aut nostrd volun- par cette jouissance d'an et jour, il a acquis la
tate discesserimus , aut vi dejecti fuerimus ; possession , et nous a , par conséquent, fait per
liv. 3, § 9, ff. de adq. poss. dre la notre.
Nous sommes censés dépossédés , et nous per 77. Enfin, nous perdons la possession d'un
dons la possession d'un héritage , non seulement héritage lorsqu'il est submergé par la mer ou
lorsque c'est nous-mêmes qui en avons été chas par la rivière : Quod mari aut flumine occupa-
sés , mais pareillement lorsqu'on a chassé notre tum sit, possidere nos desinimus ; liv. 30, § 3,
fermier, notre locataire, notre concierge, ou ff. eod.
autre qui le détenait pour nous en notre nom; Il en est autrement d'une inondation passa
et nous sommes censés avoir perdu la possession gère. Nous retenons la possession de notre héri
de notre héritage , aussitot qu'on les en a chas tage inondé , en attendant que la rivière s'en
sés , avant que nous eu ayous reçu la nouvelle. soit retirée.
C'est ce qu'enseigne Ulpien : Quod servus , vel 78. La saisie, que des créanciers font des
procurator , vel colonus tenent, dominas vide- meubles , ou même des héritages de leur débi
tur possidere, etideo his dejectia ipse dejici de teur, ne lui en fait pas perdre la possession,
possessione videtur , etiatuai ignorat eos dejec- comme nous l'avons vu suprà, n. 10.
:iîo DE LA POSSESSION.
Le vassai dont l'héiitago est saisi féodale- vous êtes censé avoir perdu la possession de ces
ment , est bien censé dépossédé de l'héritage choses , aussitot qu'elles ont été perdues, même
vis-à-vis du seigneur , lequel est censé le possé avant qu'une autre personne les ait trouvées :
der en sou propre nom , comme y étant rentré Pecun simul atque aberraverit, aut vas ità ex-
par la saisie féodale : mais cet effet de la saisie ciderit ut non inveniatur , protinùs desinere à
n'étant considéré qu'entre le seigneur et le vas nobis possideri, licètà nullo possideatur ; Uv. 3,
sal, et n'étant que momentané , le vassal est § 13.
censé, vis-à-vis des tiers, continuer de posséder En cela , la possession des choses mobilières
son héritage, quoique saisi féodalement. est différente de la possession des héritages , que
nous ne perdons pas malgré nous , tant qu'un
S II. COMMENT PERDONS-NOUS MALGRÉ NOVS LA POS autre n'en a pas usurpé sur nous la possession.
SESSION DES CHOSES MORILIÈRES? 81. Il ne faut pas confondre avec les choses
perdues celles qui , n'étant pas sorties de ma
79. Nous perdons malgré nous la possession maison, y sont seulement égarées : parce que
des choses mobilières, lorsqu'elles cessentd'étre j'ai perdu la mémoire de l'endroit de ma maison
sous notre garde; c'est-à-dire, lorsqu'elles ces où elles sont, je ne laisse pas d'en conserver la
sent d'être dans un lieu où nous puissions les possession. C'est pourquoi Paul , après ce que
avoir quand nous le voudrons : Res mobiles , nous avons rapporté de la loi 3 , § 13, ajoute de
excepto (l) homine , quatenûs sub custodid suite : Dissimiliter atque si sub custodiâ meâ
uoatrd sint , hactenùs possideri , id est quate- sit, nec inveniatur , quia prœsentia ejus sit, et
nùs si velimus , naturalem possessionem nan- tuntùm cessat interim diligens inquisitio.
cisci possimus ; liv. 3 , § 13, ff. eod. Par la même raison , je ne perds pas la pos
11 suit de ce principe, que nous perdons la session d'une chose , tant qu'elle n'a point été
possession, non seulement des choses mobilières déplacée du lieu où je l'ai mise puur l'y garder ,
qui nous sont ravies, mais pareillement de cel quoique j'aie perdu la mémoire du lieu où je l'ai
les qui nous sont dérobées : Rem quœ nobis sub- mise ; et il n'importe que ce soit dans mon héri
repta est perindè intelligimur desinere possi tage ou dans celui d'autrui. C'est ce qu'enseigne
dere, atque cam quœ ri nobis ereptaest;\iv. 15. Papinien : Peregrà profecturus pecuniam in
80. Il suit pareillement de ce principe, que terrd, custodiœ causâ , condiderat : quùm re
nous perdons la possession des choses mobi versas locum thesauri (2) in memorid non re-
lières que nous avons perdues de manière que peteret;an desiisset pecuniampossidere ? vel si
nous ne savons plus où elles sont : Si id quod posteà recognovisset locum , an confestim pos
possidemus ità perdiderimus, ut ignoremus ubi sidere inciperet, quœsitum est? Dixi, quoniam
sit, desinimus possidere ; liv. 25. custodiœ causd pecunia condita proponeretur ,
Comme, por exemple, si vos cavales ou vos jus possessionis es qui condidisset non videri
vaches , qui paissaient dans un pàturagc , ayant peremptum , nec infirmitatem memoriœ dam-
été épouvantées , ont pris la fuilc et ne sont pas num afferre possessionis quam alius non inva—
revenues, de manière que vous ne savez ce sit.... Et nihil interest pecuniam in meo an in
qu'elles sont devenues ; ou si quelque chose, qui alieno condidissem.... nec alienus locus meam
était derrière votre voiture , s'en est détachée, propriam aufert possessionem, quùm suprà
et s'est perdue en chemin ; ou si quelque chose terram , an infrà terram possideam, nihil in-
est tombée de votre poche, ete.; en tous ces cas, tersit; liv. 44.
(i) Le droit romain exceptait de ce principe la pos sa possession , appartient i son maîire : la possession
session que nous avons de nos esclaves. Nous étions que ces esclave fagiiif a de lui-même, est une pos
censés conserver la possession d'un esclave fagitif, session qui apparsient à son mailre. N'y ayaut pas
quoiqu'il ne fût plus dans un lieu où il fut en notre d'esclaves en Fraoce, cette exception ne reçoit pas
pouvoir de l'avoir quand nous le voudrions. La raison d'applicasion dans notre droit français,
d« l'exception est , que tout ce qu'un esclave a , même (a) Ce terme est pris ici improprement.
CHAPITRE VI. 341
CHAPITRE VI.
82. Quoique la possession ne soit pas un droit comme nous l'avons vu en notre Traité du Do
dans la chose , et qu'elle ne soit en elle-même maine de Propriété , n. 292 et suiv.
qu'un fait, elle donne néanmoins au possesseur Le possesseur , quel qu'il soit , étant réputé
certains droits par rapport à la chose qu'il pos proprietaire de la chose qu'il possède , jusqu'à
sède. ce qu'il en soit évincé , doit cependant eu per
Il y en a qui sont particuliers aux possesseurs cevoir les fruits, et jouir de tous les droits al ta -
de bonne foi; d'autres, qui sont communs a chea à la propriété de la chose , tant honori
tous les possesseurs. fiques qu'utiles.
Ceux qui sont particuliers aux possesseurs de 84. Le possesseur, quel qu'il soit, doit aussi
bonne foi , sont, 1« le droit d'usucapion ou de avoir une action pour être maintenu dans sa
prescription; c'esl-à-dire, le droit qu'a le pos possession, lorsqu'il yest troublé par quelqu'un,
sesseur de bonne foi , d'acquérir, par la posses et pour y être rétabli , lorsque quelqu'un l'en a
sion, la propriété de la chose qu'il possède , dépossédé par violence. L'action qu'avait, par
après l'accomplissement du tempsde possession le droit romain, le possesseur d'un héritage ,
réglé par la loi. Nous traiterons de ce droit dans l'orsqu'il était troublé dans sa possession , s'ap
un Traité qui suivra celui-ci. pelait interdictum uti possidetis: il en avait une
2« Le droit qu'a le possesseur de bonne foi, autre, lorsqu'il avait été dépossédé par vio
de percevoir à son profit les fruits do la chose, lence, qui s'appelait interdictum de vi, autre
jusqu'à ce qu'elle soit revendiquée par le proprié ment undè vi. .
taire , sans être tenu de les rapporter et d'en Notre droit français donne aussi au possesseur,
faire raison lorsqu'il la revendiquera. Nous avons quel qu'il soit, pour l'un et pour lautre cas,
traité de ce droit dans notre précédent Traité , une action qu'on appelle complainte. Lorsque le
partie 2, chap. 1. possesseur l'intente pour le cas auquel il est
3« Le droit qu'a le possesseur lorsqu'il a troublé dans sa possession, elle s'appelle com
perdu la possession de la chose qu'il possédait plainte en cas de saisine et nouvelleté. Lors
de bonne foi , de la revendiquer, quoiqu'il n'en qu'il l'intente pour le cas auquel il a été dépos
soit pas le propriétaire , contre celui qui s'en sédé par violence, elle s'appelle complainte pour
trouve en possession sans titre. Nous avons aussi force ou pour dessaisine, autrement action de
traité de ce droit au même chapitre, art. I, i 2. réintégrande. Nous traiterons de l'un et de l'au
83. A l'égard des droits que donne la posses tre cas eu des sections séparées. Nous ajouterons
sion , qui sont communs à tous les possesseurs, une troisième section sur la complainte en
le principal est qu'elle les fait réputer par pro matière de bénéfices.
vision propriétaires de la chose qu'ils possèdent,
tant qu'elle n'est point revendiquée par celui SECTION PREMIÈRE.
qui en est effectivement le propriétaire, ou qui
a droit de la revendiquer, et même après qu'elle DE LA COHPLAINTE EN CAS DE SA1SINE ET
a été revendiquée , jusqu'à ce que celui qui l'a NOUVELLETE.
revendiquée, ait justifié de son droit.
J'ai dit, ou qui a droit de la revendiquer, 85. On peut la définir, uneaction possessoire.
parce qu'un ancien possesseur de bonne foi, qui que le possesseur d'un héritage , ou d'un droit
a perdu la possession d'une chose, est reçu, réel , ou d'une universalité de meubles , u
quoiqu'il n'en soit pas propriétaire, à la reven contro celui qui le trouble dans sa possession ,
diquer contre celui qui la possède sans titre, aux fins qu'il y soit maintenu , et qu'il soit fait
342 DE LA POSSESSION.
défenses à celui qui l'y trouble , de l'y troubler. rogative de ces actions, qu'elles puissent cire
Cette action a un grand rapport avec celle portées directement par-devant les juges royaux,
qu'on appelait en droit interdictum uti possi- sans que les seigneurs de justice puissent être
delis. reçus à les revendiquer , quand même l'héritage
Le terme de complainto convient d'une qui en fait l'objet, serait situé, et les parties se
manière particulière au cas pour lequel cette raient domiciliées dansl'étenduede leur justice.
action est intentée ; car chacune des parties s'y C'est encore une des prérogatives de cette ac
plaint réciproquement du trouble apporté par tion , que les sentences rendues sur ces actions
l'autre à la possession , que chacune d'elles pré par les juges royaux, s'exécutent nonobstant
tend avoir , de l'héritage dont elles se contes l'appel, en donnant caution. Ordonn. de 1667,
tent la possession. lit. 18 , art. 7.
Le terme de saisine signifie la même chose
quepossession,- et le termede nouvelleté seprend S II. POCR QUELLES CHOSES PEET-ON INTENTER LA
pour le trouble que quelqu'un prétend avoir COMPLAINTE?
été apporté à sa possession par quelque nouvelle
entreprise de son adversaire. C'est pourquoi ces 88. L'Ordonnance et la Coutume de Paris
termes , complainte en cas de saisine et de nou donnent plus d'étendue à la complainte , que
velleté, ne signifient autre chose qu'une action n'en avait l'interdictum uti possidetis.
dans le cas d'une saisine, c'est-à-dire, d'une Celui-ci n'avait lieu que pour les maisons et
possession que chacune des parties litigantes fonds de terre : il n'avait point lieu pour les
se dispute, et par laquelle chacune d'elles se droits réels que quelqu'un avait dans un héritage.
plaint de la nouvelleté, c'est-à-dire, du trouble II y avait d'autres interdits particuliers pour
qu'elle prétend que l'autre partie y a apporté. certains droits de servitudes prédiales , tels que
86. Les Ordonnances et plusieurs coutumes l'interdictum de itinere actuque privato, de
ont parlé de cette action. Nous nous bornerons aqud quotidiand et œstivâ, de fonte.
à rapporter ce qu'en ont dit l'Ordonnance de Notre complainte peut être intentée, nou seu
1667 et la Coutume de Paris. lement pour les héritages, elle peut l'être aussi
L'Ordonnance de 1667 , fit. 18, art. 1, dit : pour les droits réels que nous avons dans un
« Si aucun est troublé en la possession et jouis- héritage. L'Ordonnance et la Coutume de Paris
« sance d'un héritage, ou droit réel, ou uui- s'en sont expliquées en termes formels dans les
o versalité de meubles qu'il possédait publique- articles ci-dessus rapportés.
o ment , sans violence , à autre titre que de fer- Si les droits réels, étant des choses incorpo
u mier ou possesseur précaire, il peut, dans relles quœ solo intellectu continentur, ne sont
u l'année du trouble, former complainte, en cas pas susceptibles de la possession proprement
« de saisine et nouvelleté , contre celui qui lui dite, ils sont susceptibles d'une quasi-possession,
u a fait ce trouble. s qui consistedans lajouissance quenoùs en avons,
La Coutume de Paris , art. 96 , dit pareille pour la conservation de laquelle nous pouvons
ment : a Quand le possesseur d'aucun héritage intenter la complainte.
« ou droit réel , réputé immeuble , est troublé et Je puis donc , lorsque je suis en possession ,
« empêché en sa possession et jouissance , il par exemple, d'un droit de champart , intenter
n peut et lui loist soy complaindre , et intenter cette action contre ceux qui m'y troubleraient.
« poursuite, en cas de saisineet nouvelleté, dans 89. Je puis l'intenter non seulement contre
u l'an et jour du trouble à lui fait , et donné un tiers qui me le disputerait , et entrepren
u audit héritage ou droit réel , contre celui qui drait de le lever à mon exclusion ; je puis même
o l'a troublé. s l'intenter contre le débiteur qui prétend que
Nous verrons sur cette action , 1« quelles en son héritage n'est pas sujet à ce droit et qui
sont les prérogatives; 2« pour quelles choses elle refuse en conséquence de me le payer. Ce refus
peut être intentée ; 3« par qui ; 4« contre qui , est un trouble qu'il apporte à la possession en
et en quel cas ; 5« quelle est la procédure qui laquelle je suis, de percevoir ce droit sur son
doit être tenue sur cette action, et à quoi elle héritage , qui donne lieu à la complainte que je
se termine. puis former contre lui , et sur laquelle , en éta
blissant ma possession , je dois être maintenu
S I. DES PREROGATIVES DE L'ACTION DE COMPLAINTE. par provision dans la possession de percevoir le
champart, jusqu'au jugement définitif qui inter
87. Quoique les juges subalternes puissent viendra au pétitoire.
avoir la connaissance des actions de complainte On doit dire la même chose des rentes fon
en mulicre profane, c'est néanmoins une pré cières.
CHAPITRE VI. 343
90. Quoique les droits de servitudes prédiales tacitement la complainte pour de simples meu
soient des droits réch que nous avons dans un bles. Elle est conforme, en cela, aux Coutumes
héritage , néanmoins , celui qui a joui du pas du royaume. Celle de Paris dit, art. 97 : « Aucun
sage par un héritage, ou de quelque autre espèce u n'est recevable de soi complaindre et intenter
do servitude , par quelque temps que ce soit , « les cas de nouvelleté pour une chose mobilière
sans avoir aucun titre pour en jouir, n'est pas w particulière, mais bien pour universalité de
reçu à former la complainte , lorsqu'il en est u meubles comme en succession mobilière. s
empêché ; parce que , suivant les principes de Notre Coutume d'Orléans, art. 489, a une
notre droit français, la jouissance, que quel pareille disposition.
qu'un a du passage par un héritage, ou de quel Notre droit français est , en cela , différent du
que autre espèce de servitude sans avoir aucun droit romain, qui, outre Yinterdictum utipoa-
titre, est présumée une jouissance de pure tolé sidetis , qu'il accordait à ceux qui étaient trou
rance. Or, une telle jouissance n'est pas suffi blés dans la possession de quelque héritage,
sante pour former la complainte. L'article de pour y être maintenus , accordait aussi uneautre
l'Ordonnance de 1667 , ci- dessus rapporté , action possessoire , appelée interdictum utribi,
dénie en termes formels cette action à celui qui à ceux qui étaient troublés dans la possession
n'est que possesseur précaire. d'une chose mobilière. Mais, dans notre droit
Mais lorsque celui qui a joui , rapporte un français, lorsque deux parties se disputent une
titre en vertu duquel il a joui du passage , ou chose mobilière, on entre d'abord dans la ques
de quelque autre espèce de servitude sur un tion de la propriété.
héritage; quoique le possesssur de l'héritage, 94. La Coutume de Paris , en l'article ci-dessus
qui l'a troublé dans sa jouissance, conteste lu va rapporté , apporte pour exemple d'une universa
lidité de son titre ; la jouissance, qu'il a eue en lité de meubles pour laquelle elle permet d'in
vertu de ce titre, ne passe plus pour une sim tenter la complainte, celui d'une succession
ple tolérance; elle suffit pour qu'il puisse former mobilière. Je me suis mis en possession de la suc
la complainte , et demander à être maintenu par cession mobilière d'un défunt , j'en ai joui pen
provision dans sa jouissance , jusqu'à ce qu'il dant an etjour : au bout de ce temps, il vient un
ait été statué définitivement au pétitoire. tiers qui se prétend héritier à mon exclusion, et
91. Il en est de même de tous les droits qui qui apporte quelque trouble à ma possession ,
sont de nature à ne pouvoir s'acquérir par la putà, en faisant des poursuites en son nom con
seule possession sans titre, tels que sont les tre les débiteurs de la succession. Je puis inten
droits de banalité, les droits de corvées. Le sei ter contre lui la complainte, aux fins que je sois
gneur qui en a joui sans titre, n'est pas reçu a maintenu et gardé en la possession de cette suc
former la complainte pour y être maintenu ; cession, et qu'il lui soit fait défenses de m'y
cette possession , en laquelle il a été sans titre , troubler, sauf à lui de se pourvoir au pétitoire.
étant présumée injuste et extorquée, dans son On peut encore apporter pour exemple d'une
origine , par un abus que le seigneur a fait de sa universalité de meubles , pour laquelle on peut
puissance. Mais lorsque le seigneur rapporte un intenter la complainte , le pécule qu'un religieux
titre , quoique ce titre soit contredit, il sullit curé a laissé en mourant. Si celui qui , se pré
pour que le seigneur puisse former la com tendant avoir droit de succéder à ce pécule , s'en
plainte, et pour qu'il doive être maintenu par est mis en possession, et qu'il soit troublédans sa
provision dans la possession du droit par lui possession, il peut, pour raison de ce pécule, in
prétendu, jusqu'à ce qu'il ait été statué défini tenter la complainte contre celui qui l'y trouble.
tivement au pétitoire.
92. Il est évident que nous ne pouvons être $ III. PAR QUI LA COMPLAINTE PEOT ETRE INTENTÉE.
reçus à former la complainte, pour des droits
que nous sommes incapables de posséder ; c'est 95. La complainte étant une action par laquelle
pourquoi, les laïques n'étant pas capables de quelqu'un demande à être maintenu dans la pos
posséder des dîmes ecclésiastiques, et pouvant session d'une chose , c'est une conséquence qu'il
seulement posséder des dîmes inféodées, un n'y a que celui qui a la possession d'une chose ,
laïque ne peut être reçu à former la complainte qui puisse être fondé à intenter la complainte
pour une dîme dont il jouit, s'il ne justifie, par pour raison de cette chose.
des aveux qui remontent à plus de cent ans, Il n'y a donc que le possesseur d'un héritage,
qu'elle est inféodée. c'est-à-dire, celui qui le détient pour lui et en
93. L'Ordonnance ajoute, parmi les choses son nom , qui soit fondé à intenter l'action de
pour lesquelles on peut former la complainte , complainte pour cet héritage, lorsqu'il est trou
une universalité du meubles. Elle dénie, par là, blé dans sa possession.
344 DE LA POSSESSION.
Il n'importe qu'il le possède par lui-même nous l'avons vu suprà , n. 16, il peut former la
nu par d'autres , qui le détiennent pour lui , tels complainte, s'il lui est apporté quelque trouble
que ses fermiers ou locataires. par des tiers. S'il négligeait de le faire, elle pour
Wn'importo aussi qu'il possède l'héritagejuste- rait être formée , sous son nom , à la poursuite
ment ou injustement : car , dans l'action de com et diligence du commissaire à la saisie réelle.
plainte , il n'est pas question du droit de la 99. Celui dont l'héritage est saisi féodale-
possession ; il n'est question que du seul fait de ment , n'en étant censé dépossédé que vis-à-vis
la possession. du seigneur, et étant censé, vis-à-vis des tiers,
11 suffit donc que quelqu'un ait de fait la pos en conserver la possession , comme nous l'avons
session d'un héritage, quelle que soit sa posses vu suprà, c'est une conséquence qu'il peut for
sion , pour qu'il soit fondé à intenter la complainte mer la complainte , s'il y était troublé par des
contre tous ceux qu'ils l'y troublent , quels qu'ils tiers.
soient: Qualiscumquepossessor, hoc ipso quod 100. La complainte ne pouvant être formée
possessor est, plus juris habet quans ille qui que par celui qui a la possession , elle ne peut
non possidet; liv. 2, ff. uti possid. être formée par les détenteurs , qui ne détiennent
96. Il faut excepter de cette règle les posses l'héritage que pour un autre et en son nom , tel*
seurs qui ont usurpé leur possession , soit par que sont des fermiers et locataires.
violence , soit par des voies clandestines , ou C'est pourquoi , lorsqu'un fermier est troublé
dont la possession est précaire , lesquels ne sont dans sa jouissance, si c'est par son bailleur, il
pas fondés à former la complainte contre celui ne peut pas former contre lui la complainte ; il
sur qui ils ont usurpé la possession par ces voies, n'a contre lui que l'action ex conducto. Pareil
ni contre celui de qui ils la tiennent précaire lement, si c'est parun tiers qu'il y est troublé,
ment. Mois ces possesseurs sont fondés à la for il n'a contre ce tiers qu'une action in factum :
mer contredes tiers. C'est ce qu'enseigneUlpien. et si le défendeur, par ses défenses, prétendait
Quod ait prœtor in inierdicto , sec vi, sec la possession, le fermier doit les dénoncer à son
CLAM, NEC PRECAElÔ Ai.TEH AR ALTERO POSSI- bailleur, pour que son bailleur forme lui-même
cebit, hoc eo pertinct ut si quis possidet vi, complainte.
aut clàm, aut precario, si quidem ab alio , L'usufruitier d'un héritage peut bien former
prosit ci possessio; si vero ab adversario suo , la complainte pour son droit d'usufruit, dont il
non debeat eum , propter hoc quod ab eo possi a une quasi-possession , lorsqu'il y est troublé ;
det , erincere: hasenim possessionesnon debere mais il ne peut pas former la complainte pour '
proficere palàm est; liv. 1 , § fin., ff. dict. fit. l'héritage même; car ce n'estxpas lui, c'est le
C'est ce que prétendait notre ancienne Cou propriétaire qui en estlepossesscur, et qui peut
tume d'Orléans, par ces termes : On acquiert seul former la complainte.
possession en jouissant par an et jour, nec vi,
nec clàm , nec precario ab adversario; lesquels S IV. CONTRE QUI PEUT-ON INTENTEs LA COMrLAINTE :
termes n'ont été rétranchés , lors de la réforma ET POUR QUEL TROURLE?
tion, que comme superflus , et devant être suffi
samment sous-entendus. 101 . Le possesseur d'un héritage, ou de quel
97. Le mari, ayant, pendant le mariage, la que autre chose , pour laquelle on peut intenler
possession des héritages propres de sa femme , la complainte, peut l'intenter contre tous ceux
étant , comme s'en explique la Coutume de Paris, qui le troublent dans sa possession , quels qu'ils
art. 233, seigneur des actions possessoires qui soient.
procèdent du côté de sa femme , il n'est pas dou Il peut l'intenter même contre le propriétaire
teux qu'il peut former la complainte pour les de l'héritage, qui le troublerait dans la posses
héritages propres de sa femme, mais il doit la sion qu'il en a ; et ce propriétaire n'est reçu, ni
former en sa qualité de mari d'une telle. à justifier, ni même à alléguer son droit de pro
Il faut excepter le cas de la séparal ion de priété, jusqu'à ce que l'action en complainte,
biens, soit contractuelle, soit judiciaire. Ce que le possesseur a formée contre lui, ait été
n'est point le mari , en ce cas , c'est la femme instruite , et entièrement terminée par une sen
qui a la possession de ses héritages ; et c'est, en tence qui maintienne le possesseur en sa posses
conséquence, elle seule qui peut former la com sion.
plainte pour lesdits héritages, y étant autorisée 102. Il y a deux espèces de troubles , pour les
par son mari , ou , à son défaut ou refus , par quels on peut intenter la complainte, le trouble
justice. de fait , et le trouble de droit.
98. Puisque celui dont l'héritage est saisi On appelle trouble de fait, les différens faits ,
réellement en conserve la possession , comme par lesquels quelqu'un entreprend quelque chose
CHAPITRE VI. 345
sur un héritage dont je suis en possession, soit la demande qu'elle formera au pélitoire, ait
en le labourant , soit eu coupant les fruits qui y amplement justifié.
sont pendons, soit en y abattant quelque arbre, 105. Lorsque les enquêtes sont contraires, do
ou en arrachant quelque haie, ou en comblant manière que lejuge ne puisse connaître laquelle
un fossé , ou en y en ouvrant un. Je puis prendre des parties qui se disputent la possession de
pour trouble à ma possession les entreprises faites l'héritage, a cette possession , lejuge, en ce cas,
sur mon héritage , résultantes de quelqu'un de sans lien statuer sur la possession, ordonne que
ces différens faits, et eu conséquence intenter les parties instruiront au pélitoire ; et l'héritage
la complainte contre celui qui les a faites. sera déojurc appartenir à celie des parties qui ,
Lorsque je suis ainsi troublé dans la posses sur l'instance au pélitoire , aura le mieux établi
sion quo j'ai d'un héritage, je ne dois pas laisser son droit de propriété.
passer l'année depuis le trouble , sans former la Quelquefois lejuge ordonne que la possession
complainte contre celui qui a fait le trouble , ou sera séquestrée pendant le procès sur le pélitoire.
sans m'opposer de fait à son entreprise, putà ; Quelquefois le juge accorde la récréance à
en détruisant ce qu'il a fait sur mon héritage; l'une des parties, c'est-à-dire, une possession
autrement, comme la possession s'acquiert en provisionnelle pendant le procès au pélitoire.
jouissant par an et jour sans trouble , il pourrait Cette réeréonce n'a d'autre effet que de donner
prétendre avoir acquis la possession de l'héri à lu partie à qui elle a été accordée, le droit de
tage par lu jouissance qu'il en aurait eue sans jouir de l'héritage contentieux, pendant le pro
trouble par an et jour. cès au pélitoire, à la charge d'en rendre compte
103. Le trouble de droit est celui qui résulte à l'autre partie, dans le eus uuquel cette partie
de quelque demande judiciaire , par laquelle obtiendrait au pélitoire : mais cette récréanec
quelqu'un me disputerait la possession que je n'a pas l'effet qu'a la sentence de pleine main
prétends avoirde quelque héritage , parexemple, tenue , de déclarer possesseur celui qui l'a obte
si quelqu'un, prétendant avoir la possession de nue, et de le faire présumer propriétaire, sans
cet héritage, dont je prétends, de .non côté, qu'il ait besoin do prouver son droit de propriété,
être le possesseur, donnait contre moi une de tant que l'autre partie n'aura pas pleinement jus
mande en complainte; étant assigné sur cette tifié le sien. Au contraire , la sentence de simple
demande, je dois lui déclarer que je prends sa récréance laisse la possession in incerto , et ne
demande pour trouble fait à la possession en déclare point possesseur celui qui l'u obtenue;
laquelle je prétends être de l'héritage, et lui elle ne le dispense pas par conséquent d'établir,
former, de mon côté, la complainte, aux fins sur l'instance au pétitoire , le droit de propriété
d'être maintenu en ma possession, et qu'il lui qu'il prétend avoir de l'héritage contentieux.
soit fait défenses de m'y troubler.
SECTION II.
S V. QUELLE PROCÉDURE ON TIENT SUR L'ACTION DE
COMPLAINTE ; ET A QUOI ELLE SE TERMINE. DE LA RÉINTÉCRANDE.
106. On appelle action en réintégrande l'ac
104. Lorsque la partie assignée sur la de tion de complainte, lorsqu'elle se donne pour le
mande en complainte , ne forme point d'opposi cas de force et de dessaisine, c'est-à-dire, dans
tion à la complainte , le demandeur obtient nue lequel le possesseur n'est pas seulement troublé,
sentence qui le maintient en possession. mais a été entièrement dépossédé par violence.
Au contraire , lorsqu'elle forme opposition à la Elle a les mêmes prérogatives que celle qui
complainte , en articulant possession contraire, s'intente en cas de nouvclleté ; suprà r n. 87.
le juge rend un appointement , qui permet aux On peut la définir, une action que celui qui
parties respectives de faire preuve de leur pos a été dépossédé par violence de quelque héri
session. Après les enquêtes faites et rapportées, tage , a contre celui qui l'en a dépossédé, pour
celle des parties qui a fait la preuve de sa pos être rétabli dans sa possession.
session, obtient sentence qui la maintient dans Cette action a rapport à celle qui est connue
sa possession , et fait défenses à l'autre partie de dans le droit romain sous le nom d'inlurdictum
l'y troubler, sauf à se pourvoir uupétitoire. iniiié vi, qui fait la matière du titre du Digeste,
L'effet de cette sentence est, que la partie de vi et vi armatd.
qui, par cette sentence, a été maintenue en Nous verrons sur cette matière, 1« à l'égard
possession , n'aura rien à prouver, lorsqu'elle de quelles choses il y a lieu à cette action ; 2« en
sera poursuivie au pélitoire , et sera présumée quels cas elle a lieu ; 3« par qui elle peut être
propriétaire, jusqu'a ce que l'autre partie, sur intentée; 4« contre qui elle doit être intentée;
Tome V. 44
.,KG DE LA POSSESSION.
3« dans quel temps elle doit être intentée; qu'il y ait lieu à cette action, il faut que quel
6« quel est l'effet de cette action. qu'un ait été dépossédé par violence d'un héri
tage qu'il possédait. On ne peut être dépossédé
S I. À L'ÉGARD DE OCELLES CHOSES Y A-T-1L LIEU A de ce qu'on n'a pas encore possédé : c'est pour
L'ACTION DE IlEINTEGRANDE. quoi, si j'ai été empêché, quoique par violence,
de me mettre en possession d'un héritage que je
107. Vinterdictum undè vi du droit romain, n'avais pas encore possédé, quelque droit que je
auquel répond notre action de réintégrande , a puisse avoir de m'en mettre en possession , il n'y
lieu à l'égard de toutes les espèces de biens a pas lieu à cette action. C'est ce qu'enseigne
fonds dont quelqu'un a été dépossèdé , soit Ulpien : Interdictum hoc nulli competit, niai
fonds de terre , soit maisons : Generaliter ad ei qui tune quùm dejiceretur, possidebat ; nec
omves hoc pertinet interdictum , qui de re solo alius dejici visus est quàm qui possidet ; l. I ,
cohœrenti dejiciuntur; qualisqualis enim fue- § 23 , ff. de vi. Et plus bas, il dit : Eum, qui
rit tocau undà quis vi dejectus est , interdicto nequeanimo, neque corpore , possidebat, in-
locus erit; l. 1 , § 4, ff. de vi et vi arm. gredi autem et incipere possidere prohibeatur,
Proindè etsi superfieiaria insula fuerit quâ non videri dejectum verius est; dejicitur enim
quia dejectus est , apporet interdicto loco fore; qui amittit possessionem non qui accipitur ;
dict. I. 1 , % 5. dict. I. 1,26.
Plané si quis de ligneis œdibus dejectus fue On peut apporter pour exemple le cas auquel
rit , nemo ambigit interdicto locum fore; quia l'acheteur d'un héritage , à qui le vendeur a
qualequale vit quod solo cohœret , indè qui vi permis de s'en mettre en possession quand il
dejectus est, habet interdictum ; dict. (.,£8. voudrait , s'est , avant qu'il lui en ait fait aucune
A l'égurd des choses meubles , quelque grand tradition , ni réelle ni feinte , présenté pour s'en
qu'en soit le volume, elles ne peuvent , princi- mettre en possession , et en a été empêché par
paliter et per se , donner lieu à l'interdictum violence, soit par le vendeur, soit par un tiers :
undè vi, lorsqu'elles ont été ravies à quelqu'un il n'y a pas. lieu à l'action de réintégrande.
par violence : illud in dubium non venit inter 1 10. lien serait autrement , si, m'étant absenté
dictum hoc ad res mobiles non pertinere ; dict. de mon héritage , sans y laisser personne de ma
l.X 6. Si quis de nave vi dejectus est, huic part , avec l'intention d'y retourner, quelqu'un,
interdicto locus non est ; dict. I. § 7. à mon retour, m'eût par violence empêché d'y
Mais lorsqu'elles s'étaient trouvées dans un rentrer. Je suis , en ce cas , censé dépossédé de
héritage dont quelqu'un avait été dépossédé la possession que je retenais par la volonté que
par violence, l'interdictum undè vi, qui avait j'avais de revenir dans mon héritage , comme
lieu pour l'héritage, s'étendait à ces choses qui s'y nous l'avons vu suprà, n. 74 ; et il y a lieu à la
étaient trouvées : Si quœ res sunt in fundo vel réintégrande contre celui qui m'en a dépossédé
in œdibus undè quis dejectus est , etiam earum en m'empéchant d'y rentrer , et s'en est mis de
nomine interdictum competere non est ambi- cette manière en possession.
gendum ; dict. I. 1 , § 6. 1 1 1 . Il y a lieu à la réintégrande , lorsqu'un
108. Pareillement , dans notre droit, notre héritier est empêché par violence de se mettre
action de réintégrande, étant une branche de l'ac en possession d'un héritage que le défunt possé
tion de complainte, n'a lieu que pour les immeu dait lors de sa mort : car, suivant la règle de notre
bles, et non pour de simples meubles. droit français , Le mort saisit le vif, il est censé
Ceux à qui on a ravi des choses meubles, ont avoir succédé à la possession que le défunt avait
bien une action contre le ravisseur, pour en de cet héritage ; il est censé en avoir été mis en
obtenir la restitution; et il suffit , pour l'obtenir, possession par le défunt, dès l'instant de sa
qu'ils établissent que la chose leur a été ravie, mort , de laquelle possession il est dépossédé par
sans qu'on doive entrer dans l'examen du droit la violence exercée pour l'empêcher d'y entrer.
que les parties y ont ; mais cette action n'est 1 12. Pour que quelqu'un soit censé avoir été
qu'une action ordinaire , qui n'est pas l'action dépossédé par violence d'un héritage, et pour
de réintégrande, et qui n'en a pas les préroga qu'il y ait lieu en conséquence à la réintégrande,
tives. il n'importe que ce soit lui-même , ou ceux qui
le détenaient en son nom , tels qu'un concierge,
Z IL EN yUELS CAS IL Y A LIEU A L'ACTION DE un fermier ou un locataire, qui en aient été
IVMNTsGilANDL. chassés par violence , ou qu'on ait empêchés d'y
rentrer, comme nous l'avons déjà vasuprà, n. 73.
Il résulte de la définition que nous avons 1 13. Le droit romain faisait une distinction ,
donnée de l'action en réintégrande, que, pour si la violence par laquelle quelqu'un avait .été
CHAPITRE VI. 347
dépossédé d'un héritage, avait été faire sans qui l'en a dépossédé : Qui à me vi possidebat ,
«viims ou avec des ai mes. Lorsqu'on n'avait pas si ab alio- dejiciatur , habet interdictum ; dict.
employé d'armes , il y avait lieu à l'action qu'on I. 1 , § 30.
appelait interdictum de vi quotidiand; lors 115. L'action de réintégrande étant l'action
qu'on s'était servi d'armes , il y avait lieu à une qu'a celui qui a été dépossédé, et n'y ayant que
action qu'on appelait de vi armaté. Il y avait celui qui possédait qui puisse être censé avoir
quelques différences entre l'une et l'autre action, été dépossédé , il s'ensuit que , lorsqu'un fermier
que nous avons observées au titre de nos Pan- a été chassé par violence d'un héritage qu'il
dectes, de vi et vi armatd, n. 13 et 14. tenait à ferme, il peut bien avoir une action
Dans notre droit français , il n'y a qu'une seule r'n factum contre celui qui a exercé laviolence,
action de réintégrande : mais, suivant les cir pour réparation du tort qu'il lui a causé ; mais il
constances de l'atrocité de la violence, celui ne peut pas intenter contre lui l'action de réinté
qui a été dépossédé par violence, peut, au lieu grande ; dict. /. I, § 10 : car ee n'est pas lui qui
de la réintégrande , prendre la voie de la plainte, possédait l'héritage , ni par conséquent lui qui'
et poursuivre criminellement ceux qui l'ont com en a été dépossédé ; c'est celui de qui il le tenait
mise. à ferme, qui en était le possesseur, et qui en a
été dépossédé , et c'est lui seul qui a droit d'in
$ III. VAR QUI L'ACTION DE RÉIKTMinANUE PECT ÊTRE tenter l'action de réintégrande.
1ÏG. Il ne faut pas dire la même chose d'un
1HTENTIE.
usufruitier, lorsqu'il est chassé parviolence d'un
héritage dont il jouissait par usufruit, ni même
114. Tout ceux qui ont été dépossédés d'un de celui qui n'y avait qu'un simple droit d'usage,
héritage par violence, ont droit d'intenter cette quoique cet usufruitier ou cet usager possédas
action de réintégrande, pour en recouvrer la sent plutôt un droit d'usufruit ou d'usage dans
possession. l'héritage, qu'ils ne possédaient l'héritage même.
Pour que quelqu'un soit reçu à intenter l'ac Cette possession , quelle qu'elle soit , dont ils ont
tion de réintégrande, il n'est pas nécessaire que été dépossédés , suffit pour qu'ils soient reçus à
la chose dont il a été dépossédé, fût une chose intenter la réintégrande , pour être réintégrés
qui lui appartint, et dont il fût propriétaire; il dans la jouissance ou l'usage de l'héritage dont
suffit qu'il la possédât : Fulcinius dicebht vi ils ont été chassés : Qui ususfrucUis nomine
possideri , queties vel non dominus , quùm taliter qualiter fuit quasi in possessione ,
tamen possideret, vi dejectus est ; l. 8, ff. de utetur hoc interdicto ; t. 3 , § 17 , ff. dict. tit.
vi et vi ami. Item , Si non ususfructus , sed usas sit
Il n'importe pas non plus que la possession relictus, competit hoc interdictum ; dict. liv. 3,
dont a été dépossédé celui qui intente la réinté $ 16.
grande, fût une possession civile procédant d'un 1 17. Si cet usufruitier est mort peu après avoir
juste litre, où qu'elle fût une possession seule été chassé , ses héritiers sont-ils reçus à intenter
ment naturelle , destituée de titre , ou procédant la réintégrande? La raison de douter est, que
d'un titre nul : Dejicitur is , qui possidet , sive l'usufruit étant éteint par sa mort , et ne passant
eiviliter, sire naturaliter possideat ; nam et pas à ses héritiers, l'action que cet usufruitier
naturalis possessio adhoc interdictumpertinet; avait . pour être réintégré dans la jouissance de
l. 1, § 9, ff. dict. til. l'héritage , paraît devoir être pareillement
Ulpien en apporte un exemple, dans l'espèce éteinte : néanmoins , Ulpien décide que ses héri
d'une femme, qui a été dépossédée par violence tiers sont reçus à l'intenter. La raison est , que
d'un héritage dont son mûri lui avait fait dona cette action ayant été acquise à l'usufruitier, il
tion pendant le mariage. Quoique la possession la transmet à ses héritiers , non pas , à la vérité,
qu'elle avait de son héritage, procédât d'un titre pour le rétablissement dans lu jouissance de
nul , et fût une possession injuste et purement l'héritage pour l'avenir ,. ce qui lui était per
naturelle, néanmoins elle est reçue à intenter sonnel et ne peut passer à ses héritiers , mais
l'action de réintégrande : Si maritus uxori do- pour la restitution des jouissances dont il a été
navit , eaque dejecta sit, poterit interdicto uti; privé jusqu'à sa mort : Si quis posteaquàm
dict. I. I , § 10. prohibitus est, capite minutas sit, rel mor-
En un mot , quelque vicieuse que soit la pos tuus ; rectè dicitur hœredibus et successoribus
session dont quelqu'un a été dépossédé par competere hoc interdictum ; non ut in futurum
violence, fût-ce une possession qu'il eût lui- constituutur ususfructus , sed ut prœterita
même acquise par violence , il est reçu â causa et damnum prœteritum sarciatur; dict.
intenter l'aclion de réintégrande contre un tiers 1.3, S 17.
348 DE LA POSSESSION
n'est pas fondé à exercer cette action de réinlé
5 IV. CONTRE QUI PEVT-ON INTENTER L'ACTION DE grandc contre celui qu'il trouve en possessipa
RÉINTEGRANDE. de la chose dont il a été dépossedé par violence «
si ce possesseur n'y a aucune part : Quùm ù t/t
118. Celui qui n été dépossédé par violence vi dejectus («as , si Titius eamdcm rem possi-
d'un héritage, peut intenter l'action de réinté dere cœperit , non possum cum alio, quàm
grande, non seulement contre ceux qui ont, tecum , interdicto experiri ; l. 7, ff. dict. lit.
par eux-mêmes, employé la violence pour l'eu 123. Au reste, celui qui a dépossédé quel
déposséder, mais encore contre celui qui leur qu'un par violence d'un héritage, ne peut sr
en a donné l'ordre ; car , par cet ordre qu'il a défendre de cette action de réintégrande, quand
donné . il est censé l'en avoir lui-même dépos même il offrirait de justifier qu'il en est le véri
sédé : Parvi enim referre cisum est suis mani- table propriétaire, et que celui qu'il en a
bus quis dejiciat, an ccro per alium ; l. 1, J 12, dépossédé, le possédait indûment. On n'examine,
ff, dict. Ut. Dejicit et qui mandat ; l. 152, § 1, sur l'action en réintégrande , que le seul fait de
Cf. de reg . fur. la dépossession par violence; et quel que puisse
119. Quand même ceux qui ont dépossédé être le spoliateur, il suffit qu'il soit établi qu'il
quelqu'un par violence en mon nom , l'auraient a dépossédé par violence le demandeur en réin
fait sans en avoir alors de moi aucun ordre ; si tégrande, pour qu'il doive être condamné à le
depuis j'ai approuvé ce qu'ils ont fait en mon rétablir dans la possession de l'héritage dont il
nom, on peut intenter contre moi l'action de l'a dépossédé. Jusqu'à ce qu'il l'ait rétabli en
réintégrande, de même que si je leur, en avais possession, et même jusqu'à ce qu'il ail entiè
donné l'ordre; car mon approbation de ce qu'ils rement satisfait à la sentence, par le paiement
ont fait en mon nom. équipolle à un ordre que des domtnages et intérêts, auxquels il a été
je leur aurais donné de le faire : 5s quod alius condamné envers le demandeur spolié, il ne doit
dejecit , ratuni habucro t suntqui patent secun- ni être écouté à alléguer le droit de propriété
dùm Snbinum et Cassium , qui ratihabitionem qu'il prétend avoir de l'héritage, ni être admis
mandate- comparant, me videri dejecissc . à former la demande au pétilnire : Spoliatus
interdictoque islo teneri. Et hoc verum est ; ante omnia i eslituendus.
l. 1. § 14, ff. de vi et ri arm. Si néanmoins le spolié au profit de qui la
C'eil le cas de cette règle de droit : In male- sentence a été rendue, était en demeure de
fcio ratihabitio mandata comparatur; dict. faire liquider les dommages et intérêts, et taxer
t. 152, § 2, K. de reg.jur. les dépens auxquels le spoliateur a été condamné,
120. Quoique celui qui a commandé, ou le spoliateur pourrait être reçu à procéder au
même seulement approuvé ce qui a été fait en pétitoirc, en donnant, nu préalable, caution de
son nom pour déposséder quelqu'un par violence, les payer, aussitôt qu'ils auraient été liquidés et
soit censé l'avoir lui-même dépossédé, et soit taxés; Ordonnance de 16U7 lit. 18, art.l.
parconséquent tenu de l'action de réintégrande,
cela n'empéclie pas que ceux qui ont exercé la
violence . quoique en son nom et par son ordre, S V. DE
DANS Q1rEL TEMPS DOIT ÊTnE INTENTEE L'ACTION
R£iNTÉGHANDE; ET DES FINS DE NON RECEVOIH
ne soient pareillement tenus de l'action de réin CONTnE CETTE ACTION.
tégrande solidairement avec lui; car s'il est en
faute pour leur donner cet ordre, ils sont pareil
lement eu faute pour l'avoir exécuté : Quoties 124. L'action de réintégrande, lorsqu'elle est
cerus- procuratore dejecerit , cum utrolibet poursuivie au civil , doit , de même que la com
eorum, idest sire domino, sive procuratore , plainte, être intentée dans l'année, laquelle se
agi posse Sabinus ait non enim excusatus compte du jour que la violence a cessé, et que
est quijussu alicujus dejecit , non magis quùm le spolié a élé en pouvoir de l'intenter. Quelques
sijussu alicujus occidit , dict. I. 2, § 13. Coutumes s'en sont expliquées. Celle de Cam
121. Mais si celui au nom duquel quelqu'un brai, fit. 25, art. 26, dit :« Action pourspoliation
m'a dépossédé par violence , n'a ni commandé s'intente par complainte ou clain de rétablisse
ni approuvé ce qui a été fait en son nom , l'ac ment dedans l'an.s Cela est aussi conforme aux
tion de réintégrande ne peut être intentée contre principes du droit romain sur l'interdictum
lui ; elle ne peut l'être que contre celui qui a undoci, conçu en ces termes : Undi tu illum
commis la violence : Quùm faisus est procu- ri dejecisti , aut familia tua dejecit; de eo ,
rator . cum ipso tantùm procuratore interdici quwque tune ille ibï habuil , tantummodo intrà
debere ; dict. anvum, post annum de co quod ad cum qui vi
122. Celui qui a été dépossédé par violence. dejecit pervenerit , judicium dalo; l. I, ff. de
CHAPITRE VI. 341
vi et ci arm. .In nus in hoc inlordicto ulilis est; rend la raison pour laquelle le spoliateur est
dict. I. 1,$39. tenu de rendre le prix de la chose au spolié ,
Si donc »n a laissé passer l'année sans intenter quoiqu'elle ait péri sans son fait et par une
cette action, il résulte de ce laps de temps une force majeure : c'est, dit-il, parce que le spo
fin de non recevoir contre cette action qu'on liateur est, par le seul fait de la spoliation,
voudrait intenter après l'année. réputé de plein droit en demeure de restituer la
Néanmoins, même après l'année, lorsque le chose. Or, c'est un principe, qu'une chose
spoliateur se trouve eu possession de l'héritage dont la restitution est duo, est aux risques du
dont il a dépossédé quelqu'un, ou de quelques- débiteur qui est en demeure de la restituer.
unes des choses qui s'y sont trouvées , il ne peut, 128. Ou n'entre pas même , à l'égard du spo
par aucune fin de non recevoir , même après liateur et du voleur, dans l'examen dans lequel
l'année , se défendre de restituer au spolié ledit on entre à l'égard des autres débiteurs qui sont
héritage , ou lesdites choses, dans l'état qu'il en demeure de restituer une chose, qui est de
les a. savoir si la chose qu'ils sont en demeure de
125. Tant que le spolié est dans l'année, quand restituer, fut également périe entre les mains de
même il aurait déhuté par donner une demande celui à qui elle devait être restituée : ces per
en revendication contre le spoliateur, il n'en sonnes sont trop défavorables pour qu'on doive
résulte aucune fin de non recevoir qui l'empêche, entrer, à leur égard , dans cet examen , comme
en laissant sa demande eu revendication , de nous l'avons observé eu notre Traitédes Obliga
former l'action de réintégrande. C'est ce qu'en tions, n. f>64.
seigne Papinien : 1 '.mu , quifundum vindicavit, 129. Hais, dans le for intérieur, lorsque je
ab eo cum qiro interdicto undè vi potuit expe- sais que je ne me serais pas défait de la chose
ririr peudensejudiciO> nihilominùs interdicto dont j'ai été spolié ou qui m'a été volée, et
recté agere placuit ; l. 18 , lj I , ff. de vi et qu'elle serait également périe entre mes mains,
vi arm. commeelle estpéi ie entre les mains du spoliateur
126. Lorsque la violence est de nature à être ou du voleur; la spoliation, ou le vol, ne
poursuivicextrao(dinairemeul , l'accusation peut m'ayaut , par l'événement, causé aucun tort, je
clic intentée dans les vingt ans, de même que ne crois pas que je puisse, en conscience , me
pour tous les autres crimes. faire payer du prix de cette chose par le spolia
S VI. nr. i.VrrhT ns l'action i>e nfciNrkcuANnE; et teur ou le voleur ; car les règles de la charité,
DE LA SENTENCE QUI INTERVIENT SUR CETTE ACTION. qui nous est commandée , même à l'égard de
ceux qui ont mal mérité de nous , ne permettent
127. Le spolié est fondé à demander sur cette pas que nous puissions exiger d'eux , lorsqu'ils
action , 1« qu'il soit rétabli en possession de l'hé ont commis quelque délit envers nous , plus que
ritage dont il a été dépossédé. la réparntion du tort que leur délit nous à causé.
S'il n'est plus au pouvoir du spoliateur de 130. Le demandeur en action de réintégrande
rétablir le spolié dans la possession de l'héritage est fondé , en second lieu , à demander la resti
dont il l'a depossédé , le spolinteur doit être con tution de toutes les choses qui se sont trouvées
damné à lui eu restituer le prii , et en ses dom dans l'héritage, lorsqu'il en a été dépossédé,
mages et intérêts ; et cela a lieu , quand même ce soit qu'elles lui appartinssent, soit qu'elles
serait sans uoeune faute de sa part , mais par un appartinssent à d'autres : Quod ait prœtor ,
accident de force majeure, comme dans le cas qc.eque ibi HARCiT ; sic accipimus ut omnes res
auquel lu maison dont le spoliateur adépossédé le contineantur , non solùm quœ propriœ ipsius
spolié, aurait clé incendiée par le feu du ciel. fuerunt , verùm etiam si quœ apuil eum depo-
C'est ce qu'enseigne Paul : Si vi ms dejeceris , vel sitm . vel ei commodotœ , vel pignoratœ , qua-
ri aut clum feceris ; quumvis sine dolo et culpd rumque nsum, vel usumfructum, vel cuslodiam
aniiseris possessiouem ? iamen damnandus es habuit , vel si quœ ei locatœ «uni; quùm enitn
quanti mvd intersit ; quia in eo ipso culpa tua dicat prœtor uabiit , omnia hœc habendi verbo
prucessit , quod omnino vi dejecisti r aut ri, continentur \ dict. /. I, § 33.
aut cla m fecisli ; l. 15, ff. dict. lit. La restitution du ces choses doit être faite au
Et Julien : Il m,- consequens esse ait. ut rillœ demandeur en réintégrande, seit qu'elles soient
quoque et ledium incendio consuinptarum pre- encore dans l'héritage dont il a été dépossédé,
tium restituera cogatur; ubi enimquis, inquit, soit qu'elles ne s'y trouvent plus : Rectissimè
dejecit , per cum stetisse videtur quominùs res- prœtor addidit , tunc ibi nablit : tukc sic
tituvret; t. 1 , §35 , ff. dict. lit. accipimus . quàm dejiceretur ; et ideà et si
Par ces derniers termes, per cum stetisse quod posteà desiit illic esse , dicendum erit r in
videtur quominùs restituervt , le juriscuusulto interdictum venire; dict. I. I. § 34.
350 DE LA POSSESSION.
Quand même ces choses seraient péries sans consecuturum , quanti sud interessee so vi
la faute du spoliateur, il ne laissera pas d'être dejectum non esse; dict. I. 1, J 41.
obligé d'eu restituer la valeur : Eum qui vi Voyex, sur les dommages et intérêts, notre
dejecit ex eo prœdio , in quo hominea faerant , Traité des Obligations.
propiùs esse , ut etiam sine culpd ejus mortuis
hominibus œstimationem eorum per inter- SECTION III.
dictnm restituere debeat; sicuti fur hominis .
etiam mortuo eo , tenetur; dict. § 34.
DE LA COMPLAINTE EN MATIERE DE RKSEUCE.
Triphqnius en rend cette raison , quia ex ipso
tempore delicti plus quàm frustrator debiter 134. La complainte, en matière de bénéfice,
constiiutus est; t. 19, ff. dict. fit. Le sens
est : Si une chose est aux risques de tout débi est quia
une action par laquelle un ecclésiastique ,
pris possession d'un bénéfice dont il a été
teur, qui est en demeure de la rendre , à plus pourvu,
forte raison elle doit être aux risques d'un spo session dedemande à être maintenu dans la pos
ce bénéfice , contre un autre ecclé
liateur, bien plus odieux que le simple débiteur; siastique qui en a aussi pris possession.
lequel spoliateur, parle seul fait de la spoliation, Nous verrons , dans un premier article, quels
a été, dés ce temps, constitué de plein droit sont les juges pardevant lesquels la complainte
en demeure de rendre les choses dont il s'est doit être intentée : dans un second , nous traite
emparé. rons de la prise de possession du bénéfice qui
131. Observez , à l'égard des choses qui étaient la doit précéder : dans un troisième, de la pos
dans l'héritage, lorsque le demandeur en a été session triennale qui l'exclut. Nous verrons .
dépossédé, que, pour qu'il soit fondé à en dans un quatrième , par qui , et contre qui elle
demander la restitution , il n'est pas besoin qu'il s'intente. Nous traiterons, dans un cinquième,
ait la preuve, à l'égard de chacune desdites de la procédure qu'on tient sur celle action , et
choses, qu'elle fut dans son héritage; mais il dans un sixième, des jugemens qui intervien
doit être cru à son serment, jusqu'à concur nent.
rence néanmoins d'une certaine somme que le
juge doit arbitrer, eu égard à la vraisemblance ARTICLE PREMIER.
qui résulte des circonstances et de la qualité
de la personne ; /. 9, Cod. undè vi. A quels juges appartient la connaissance des
132. Le demandeur en réintégrande estfondé, complaintes en matière de bénéfice.
en troisième lieu, à demander la restitution des
fruits, tant de l'héritage dontila été dépossédé, 135. Quoique les bénéfices soient choses
depuis le jour qu'il eu a été dépossédé, que de spirituelles , néanmoins la complainte , en
toutes les choses frugifères qui y étaient : Ex die, matière de bénéfice , est de la compétence des
quo quis dejectus est, fructuum ratio habetur... juges séculiers ; car c'est le fait de la possession
Idem est et in rebus mobilibus , quœ ibi erant; qui fait l'objet de cette action , et ce fait de pos
nom earum fructus computandi sunt , ex quo session n'est pas quelque chose de spirituel.
quis vi dejectus est; /. I , § 40. C'est la puissance séculière, que Dieu a chargée
Cette restitution de fruits n'est pas bornée à du maintien de l'ordre public et de la tranquillité
ceux que le spoliateur a perçus; il doit restituer publique ; et c'est une chose qui appartient à
même ceux qu'il n'a pas perçus, et que le l'ordre public et à la tranquillité publique, qu'il
demandeur aurait pu percevoir, s'il n'eût pas ne soit apporté aucun trouble à la possession de
été dépossédé : Fructus etiam quos vetus pos- toutes les choses que chacun possède, quelles
sessor percipere potuit , non tantùm quos qu'elles soient, profanes ou spirituelles. L'action
prœdo percepit , venire non ambigitur; l. 4, de complainte, en matière de bénéfice, par
Cod. undè vi. laquelle un ecclésiastique conclut contre un
133. Enfin le demandeur en réintégrande est autre à ce qu'il lui soit fait défenses de le trou
fondé à demander ses dommages et intérêts , bler en la possession de son bénéfice , est donc
lesquels comprennent non seulement les pertes une action qui est du ressort de la puissance
qu'il a souffertes, mais pareillement tout le gain séculière, et dont la connaissance uppartieut
dont il a été privé par la possession : Vivianus aux juges séculiers.
refertin hoc interdicto omnîa quœcumque habi- Ce droit , qu'ont les juges séculiers , de con
turus vel adepturus erat is , qvi dejectus est , naître des complaintes en matière de bénéfice ,
si ci dejectus non esset , restitui , aut eorum ne leur est point contesté. Les papes l'ont eux-
liiens àjudice œstimari debere , eumque tuntùm mêmes reconnu . Mart in V , par une bulle adressée
CUAPI RE VI. 351
mi roi Charles VII, qui a été enregistrée au
Parlement , reconnaît en termes formels la légi S I. DE LA mis H. DE POSSESSION REELLE.
timité de l'usage immémorial dans lequel on est
en France, de porter les causes sur le possessoire 138. Pour qu'un ecclésiastique puisse prendre
des bénéfices devant lesjuges royaux. On trouve, possession réelle d'un bénéfice, il faut qu'il ait
dans le Recueil des preuves des libertés de un litre canonique, c'est-à-dire, des provisions
l'Eglise gallicane , une autre bulle du pape par lesquelles ce bénéfice lui ait été conféré.
Eugène IV , qui porte la même chose ; et un bref 139. Lorsque ce sont des provisions de la
de Léon X, adressé à François I". par lequel il cour de Rome, si ce bénéfice est uu bénéfice à
lui recommande la cause qu'un nommé Jean de charge d'ames , soit que les provisions aient été
Ansedona avait devant ses juges, sur le posses expédiées in forma dignum , soit qu'elles l'aient
soire de deux bénéfices qu'il avait en France. été in formâ graliosâ; pour que le pourvu en
136. L'Église étant sous la protection spéciale puisse prendre possession réelle , il faut que,
du roi , le roi a réservé à ses juges , privative- outre ses provisions , il ait encore le visa de
ment à ceux des seigneurs, la connaissance de l'évêque dans le diocèse duquel est situé* le
ces complaintes. bénéfice. Si le bénéfice n'est pas à charge d'ames,
C'est ce qui est formellement porté par l'nr- le pourvu n'a besoin du visa de l'évêque diocé
ticle 4 du litre 15 de VOrdonnance de 1667 , sain, que lorsque ses provisions sont in formd
dont voici les termes : « Les complaintes pour dignum ; il n'en e pas besoin lorsqu'elles sont
« bénéfices seront poursuivies pardevant nos in formâ gratiosâ ; édit du mois d'avril 1695,
« juges , auxquels la connaissance en appar- art. 2 et 3.
« tient , privativement aux juges d'Église et à Les provisions in formâ dignum sont celles
s ceux des seigneurs ; encore que les bénéfices qui sont adressées à l'ordinaire, a qui le pape
« soient de la fondation des seigneurs , ou de donne commission de conférer le bénéfice à
• leurs auteurs , et qu'ils en aient la présenta l'impétrant : elles sont ainsi appelées , parce que
is tion ou collation. s le style commence par ces mots : Dignum arbi-
Par ces termes de l'article , nosjuges , il faut tramur.
entendre les baillis et sénéchaux, auxquels la Les provisions in formâ gratiosâ sont celles
connaissance de ces causes est attribuée par qui sont expédiées sur un certificat de vie et
l'édit de Crémieu . article 13, privativement mœurs préalable , donné par l'ordinaire à l'impé
aux prévôts royaux. trant, par lesquelles le pape confère lui-même
Les juges de privilège sont aussi compris sous directement le bénéfice à l'impétrant.
ces termes , nos juges, tels que sont ceux des Dans les cas auxquels le visa est nécessaire ,
requêtes , et les juges conservateurs des privi le pourvu doit se présenter en personne devant
lèges des universités. Les parties qui ont droit l'évêque, ou, en son absence, à ses vicaires-
de committimus , peuvent, s'ils sont deman généraux , lesquels , après examen fait de sa vie ,
deurs, porter ces causes devant les juges de de ses mœurs , de sa religion , de sa science , lui
leur privilège, ou les y évoquer, et les faire acecordent le visa. En cas de refus , l'évêque
renvoyer , lorsqu'elles ont été assignées , devant doit exprimer les causes du refus dans l'acte qu'il
le juge ordinaire. lui donne. Edit de 1695, art. 5.
140. L'ecclésiastique , qui a les titres néces
saires pour prendre possession réelle d'un béné
ARTICLE II. fice , peut le prendre en personne , ou par quel
qu'un qui soit fondé de sa procuration spéciale.
De la prise de possession du bénéfice , qui doit 141. Lorsque le bénéfice n'est point un
précéder la complainte. bénéfice qui le rende membre d'un chapitre, il
doit , pour en prendre possession , se transporter
137. Un ecclésiastique ne peut être censé en en personne, ou par son procureur spécial,
possession d'un bénéfice , s'il n'en a pris posses avec un notaire apostolique et deux témoins, en
sion dans la forme ordinaire. La complainte l'église , où il prend possession , avec les céré
étant une action par laquelle un ecclésiastique monies qui sont d'usage dans le diocèse , dont
demande à être maintenu dans la possession d'un le notaire apostolique dresse un acte, et lui en
bénéfice, c'est une conséquence qu'il ne peut délivre une expédition. Si on faisait refus d'ou
intenter cette action , qu'il n'ait pris auparavant vrir les portes de l'église, le notaire apostolique
possession du bénéfice dans la forme ordinaire. dresserait procès-verbal du refus , et le pourvu
Il y a deux espèces de prise de possession : la prendrait possession a la porte ou à la vue du
prise de possession réelle , et la prise de posses clocher , dont le notaire apostolique dresserait
sion civile. un acle.
352 DE LA POSSESSION.
Lorsque le bénéfice rend le titulaire membre conservation du droit qu'a au bénéfice celui qui
d'une église cathédrale, collégiale ou conven a pris cette possession.
tuelle , dans laquelle il y a un greffier ou secré
taire, qui a coutume de dresser et expédier les ARTICLE III.
actes de prise de possession , le pourvu, pour
prendre possession , se présente en pv.rsonne , ou De la possession triennale qui exclut la
par son procureur spécial, au chapitre, qui le complainte
met en possession , dont le greffier du chapitre
dresse un acte , et lui en délivre une expédition. 145. Lorsque quelqu'un est en possession
Ces greffiers sont expressément maintenus dans actuelle d'un bénéfice depuis trois ans ou plus,
ce droit par l'édit de création des notaires apos dans laquelle il n'a souffert, pendant ledit temps,
toliques , art. 3. Mais si le chapitre refusait de aucun trouble , on ne peut plus former contre
mettre le pourvu eu possession, et le greffier lui aucune demande en complainte pour raison
du chapitre d'en donner acte , le pourvu se pré de ce bénéfice, pourvu qu'il ait au moins un
senterait avec un notaire apostolique et deux titre coloré , en vertu duquel il le possède.
témoins, qui en dresserait procès-verbal. C'est C'est la disposition du concordat, au titre de
ce qui est porté par ledit édit, art. 3. pacifiais possessoribus, où il est dit : Statuimus
142. La prise de possession réelle met le quod quicumque , dummodô non sit violentus,
titulaire en possession , tant des fonctions spiri sed habens coloratum titulnm, pacificè ei sine
tuelles et ecclésiastiques dépendantes du béné lite prœlaturam seu quodeamque b, neficium
fice, que du temporel dudit bénéfice. ecclesiasticum triennio proximo hactenùs vet
protempore possiderit, vel possidebit , in peti-
S II. DE LA PRISE DE POSSESSION CIVILE. toriovel possessorio , à quoquam, etiam ratione
juris nociter reperti , molestari nequeat , ete.
143. Il y a une autre prise de possession , La pragmatique-sanction et le concile de Bâle
qu'on appelle prise de possession civile. L'ec avaient de pareilles dispositions.
clésiastique qui a acquis un droit à un bénéfice, Nous verrons , dans un premier paragraphe ,
dont il n'a pu encore obtenir les provisions, ou quelles choses sont requises, pour que le posses
pour lequel il n'a pu obtenir le visa nécessaire seur d'un bénéfice puisse jouir d'un privilège
pour en prendre possession réelle, obtient du accordé par le concordat à la possession trien
juge royal , par une ordonnance au bas d'une nale. Nous verrons, dans un second, ce qu'on
requête, la permission d'en prendre, pour la entend par titre coloré , et quels sont les défauts
conservation de son droit, une espèce de prise que ce titre , soutenu de la possession triennale,
de possession , qu'on appelle prise de possession peut purger.
civile, par le ministère d'un notaire apostolique,
qui en dresse un acte. g I. QUELLES CHOSES SONT REQUISES POUR QUE LE POS
Par exemple, lorsqu'un ecclésiastique fran SESSEUR D'UN RENÉFICE PUISSE JOUIR DU PRIVILEGE
çais a retenu en cour de Rome une date pour ACCORDE A LA POSSESSION TRIENNALE.
l'impétratinn d'un bénéfice vacant; l'ecclésias
tique ayant, par la rétention do cette date, 146. Cinq choses sont requises, pour que le
acquis un droit au bénéfice, dont le pape, sui possesseur d'un bénéfice puissejouirdu privilège
vant nos maximes, ne peut lui refuser des pro accordé par le concordat à la possession trien
visions; si le pape les refuse, ou dilTère de les nale.
donner, cet ecclésiastique peut, sur un certi 1« Il faut que le possesseur ait possédé le béné
ficat de la rétention de la date oui lui est donné fice pendant le temps de trois ans entiers et
par le banquier, présenter requête au juge royal, consécutifs depuis la prise de possession; et on
qui lui permet d'en prendre possession civile. compte, dans ce temps, celui pendant lequel,
Pareillement , lorsque l'ordinaire a refusé des depuis la prise de possession du titulaire , l'évè-
provisions à un ecclésiastique qui a droit à un que ou l'archidiacre a joui du bénéfice comme
bénéfice, tel qu'est un gradué ; ou a refusé un déportuaire : car ce déportuaire jouit aliene'
visa à un pourvu en cour de Rome , lequel est nomine : le titulaire n'en est pas moins censé le
appelant du refus; le juge royal permet à l'ec possesseur pendant ce temps ; de même qu'en
clésiastique de prendre possession civile. matière profane le propriétaire ne laisse pas d'être
144. Cette prise de possession civile ne donne censé posséder son héritage, quoiqu'un usufrui
pas le droit de faire aucunes des fonctions spiri tier en possède les fruits; Rebuff. de pacif.
tuelles ecclésiastiques dépendantes du bénéfice; poss. , n. 85.
édit d'avril 1695 : elle n'a d'effet que pour la 2« Il faut quo le possesseur ait joui pendant
CHAPITRE VI. 353
tout ledit temps aana aucun trouble, pacificè et procuration ad resignandum de l'ancien titu
sine lite ; ce qui doit s'entendre de la part du laire. Le possesseur triennal , qui produit la
demandeur qui a formé contre lui la complainte : collation qui lui a été faite du bénéfice sur rési
carie demandeur, après ledit temps, n'est pas gnation, est censé avoir un titre coloré, quoiqu'il
rccevable à lui opposer le trouble qui lui aurait ne rapporte pas la procuration ad resignandum
été fait par des tiers ; Rebuff. , ibid. , n. 167. Il de l'ancien titulaire; Hêricourt , p. 2, tit. 18,
suffit que ce demandeur ait tardé à donner sa M. 21.
demande jusqu'après l'ezpiration du temps de On ne peut non plus opposer au possesseur
trois ans, pour que l'exception qui résulte de triennal, qui produit le titre par lequel le béné
la possession triennale , puisse lui être opposée. fice lui a été conféré, le défaut d'insinuation,
3« Il faut qu'il n'y ait eu aucun accident de soit de ses titres , soit de son acte de prise de
force majeure , qui ait empêché le demandeur possession ; Hêricourt , ibid.
de donner sa demande dans les trois ans ; car, Pareillement, lorsqu'il a été pourvu sur une
en ce cas, on ne pourrait pas lui opposer la résignation, la possession triennale couvre le
prescription , qui résulte de la possession trien défaut de publication de la résignation; Hêri
nale , suivant le principe , Adversùa non valen- court, ibid.
iem agere, nulla currit prœscriptio. Le con En général, la possession triennale couvre
cordat s'en est expliqué, en exigeant néanmoins tous les défauts de forme ; Hêricourt , ibid. ,
du demandeur, que, s'il n'a pas été en son pou n. 19.
voir de former sa demande dans les trois ans, 148. Il y a de certains vices dans le titre, que
il ait au moins fait les protestations qu'il était en la possession triennale ne couvre pas : tel est le
son pouvoir de faire. C'est ce qui résulte de ces vice de simonie. Lorsqu'il est justifié que le
termes du concordat qui suivent, prœterquàm bénéfice a été conféré par simonie, la collation
prœtextu hoatilitatia uni alterius legilimi im- est tellement nulle, qu'elle ne peut passer pour
pedimenti , de quo proteaturi et illud intimari un titre coloré , par quelque laps de temps que
debeat. ce soit que le pourvu ait possédé le bénéfice ,
4« Il faut que le possesseur triennal ne se soit quand même la simonie aurait été commise par
pas mis en possession du bénéfice par violence; un tiers, à l'insu du pourvu, pour lui faire ob
dummodè non sil violentus. tenir le bénéfice.
5« Enfin, il faut que sa prise do possession 149. La possession triennale ne petit pas cou
ait été précédée d'un titre au moins coloré ; car vrir le vice d'une collation faite par quelqu'un
la possession qu'on prend d'un bénéfice sans qui n'aurait pas le droit de conférer le bénéfice
titre , n'est pas tant une possession qu'une intru en aucun cas. C'est ce qui résulte de la défini
sion , qui ne peut donner aucun droit, quelque tion que nous avons donnée ci-dessus du titre
longue que soit sa durée. coloré : Titulus habitus ab eo qui habet po-
teatatem conferendi , ete. Donc le titre ne peut
5 II. ce qu'on doit entendve pav titve colové ; passer pour être au moins coloré, lorsque celui
QUELS SONT LES VICES QUE LE TITRE COLORÉ , SOU qui l'a conféré n'avait aucun droit de le con
TENU DE LA POSSESSION TRIENNALE, PEUT PURGER. férer.
De là naît la décision de la question propo
147. Rebuffe, en son Traité de pacificia poa- sée par Pastor, si la collation faite d'un béné
sessoribus , n. 32, définit lelitre coloré. Titu- fice simple , qui est à la collation de l'évêque ,
lue habitus ab eo qui habet poteatatem confe- faite par le chapitre aede vaconte, peut passer
rendi aeu elitjendi , sire de jure rommuni , sire pour un titre coloré.
specialt t et msi obslitissct aliquod impedimen- Pastor avait décidé pour l'affirmative, parce
tusn , fuiasetjustus. que la juridiction de l'évêque est dévolue au
Rebuffeapportepourexemple d'un titrecoloré, chapitre pendant la vacance du siège ; en quoi
le cas auquel le possesseur triennal produirait il est repris par Sollier, qui décide que cette
la collation qui lui a été faite par le collateur du collation ne peut passer pour un titre coloré,
bénéfice, sans avoir la présentation de celui qui la collation des bénéfices simples n'appartenant
a droit d'y présenter. La raison est , que c'est la point au chapitre , pendant la vacance du siège ,
collation qui est le titre ; la présentation n'est mais au roi par son droit de régale. Hêricourt
qu'une condition requise pour rendre le titre suit l'avis de Sollier, p. 2, tit. 18, n. 19.
légitime, mais dont le défaut de rapport n'em 150. Hêricourt, ibidem, propose une question
pêche pas que le titre ne soit au moins un titre à l'égard de la collation qu'un vicaire-général
coloré. aurait faite , d'un bénéfice à la collation de
Il en est de même du défaut de rapport de la l'évêque, quoique les lettre! du vicaire-général
Tomb V. 45
.154 DE LA POSSESSION.
ne contiennent point le pouvoir de les conférer. que la possession triennale d'une cure de
Il incline à décider qu'un tel titre n'est pas ville ne couvre pas l'incapacité du possesseur
même coloré. La question me paraît souffrir qui n'est pas gradué au temps de la demande
plus de difficulté que la précédente; car on donnée contre lui. Il se fonde sur la déclaration
n'ignore pas que le chapitre n'a pas le droit de du roi Henri II, du 9 mars 1551, qui défend
conférer, aede vacante, les bénéfices simples ; absolument aux juges d'avoir aucun égard au*
mais on peut facilement se persuader qu'un impétrations de cures do ville obtenues par
vicaire-général , qui s'ingère dans la collation des personnes non graduées, ni à aucunes dis
des bénéfices , en a le pouvoir par une clause penses obtenues a cet égard. Le motif exposé
de ses lettres ; et cette opinion commune , qu'on dans le préambule de la déclaration, est celui
a dans le public, qu'il a ce pouvoir, peut vali de l'instruction des habitans des villes , qui
der les collations qu'il a faites, et les faire demande que les cures de villes ne soient con
passerau moins pour titres colorés; Arg. L.Bar- fiées qu'à des personnes qui aient fait une
barius Philippin , ff. de ojf. prœt. preuve publique de leur science par les degrés
On doit surtout présumer qu'il avait ce pou qu'ils ont obtenus. Ce n'est donc pas seulement
voir, lorsque ces lettres n'ont pu être produites, en faveur des gradués que la loi a requis cette
jiutà , parce que les registres où elles ont dû qualité. Maynard, lie. 1, chap. 55, rapporte
être insinuées, ont été perdus. un arrêt du Parlement, qui a adjugé la récréance
151. La collation faite par quelqu'un qui d'une cure de ville à un gradué contre un trien
n'Hvait aucun droit de conférer, ne peut passer nal possesseur non gradué ; et il observe que
même pour un titre coloré : mais elle est un c'est parce qu'il n'était pas encore justifié
titre coloré , quoique, lorsqu'elle a été faite , il pleinement que le lieu fût une ville, qu'il
y eut en la personne du collateur quelque n'eut pas la maintenue, qui, sans cela, n'eut
empêchement qui empechait l'exercice de son pas souffert de difficulté, parce que, ajoute-t-il,
droit; comme s'il était alors suspens, la posses lorsqu'une qualité est requise par une loi pour
sion Iriennale couvTe ce défaut. tenir un bénéfice , le défaut de cette qualité ne
152. La possession triennale ne couvre pas peut se couvrir.
le vice d'inhabileté à tenir le bénéfice, qui se Par la même raison , Iléricourt , ibidem ,
trouve dans le possesseur triennal, et qui décide, contre le sentiment de Rebuffe, que la
subsistait encore lors de la demande donnée possession triennale ne peut servir à un séculier
contre lui; par exemple, s'il était irrégulier pour tenir un bénéfice affecté aux réguliers ; et
lorsque le bénéfice lui a été conféré , et qu'au vice versâ.
temps de la demande , cette irrégularité ne
fût pas encore levée par une dispense ; Hêri- ARTICLE IV.
court, ibid., n. 20.
153. On a fait , à ce sujet, la question , si la Par qui et contre qui la complainte eet-elle
possession triennale d'une cure de ville, conférée formée ?
à un prêtre non gradué, couvrait le défaut de
ses grades , s'il n'était pas gradué au temps de 154. L'ecclésiastique qui a pris possession
la demande. Rebuffe , en son Traité de pacificis d'un bénéfice , soit qu'il en ait pris une posses
poaaessoribus , n. 80, pense que la possession sion réelle , soit qu'il n'en ait pris qu'une pos
triennale couvre ce défaut. La disposition du session civile , peut former la complainte contre
concordat , qui veut que ces bénéfices ne soient un autre ecclésiastique , qui, soit avant, soit
conférés qu'à des gradués , étant un droit établi depuis sa prise de possession, a aussi pris pos
en faveur des gradués, ils ont pu y renoncer, session du même bénéfice.
et sont censés y avoir renoncé , pour raison de On opposera peut-être que je puis bien former
la cure conférée à un prêtre non gradué, lors la complainte contre celui qui a pris posses
qu'ils l'ont laissé pendant trois ans en posses sion du même bénéfice depuis ma prise de pos
sion paisible de cette cure. L'incapacité d'un session, sa prise de possession étant un trouble
prêtre non gradué pour avoir une cure de ville, qu'il fait à la mienne; mais que je ne puis pas
n'est pas une incapacité absolue; elle n'est que la former contre celui qui a pris possession
relative au droit qu'ont les gradués , d'avoir ces avant moi , sa prise de possession ne pouvant
bénéfices exclusivement à tous autres , et d'em être un trouble fait à ma possession , que je
pêcher qu'ils ne soient conférés à d'autres ; n'avais pas encore. Je réponds que ce n'est pas
laquelle incapacité cesse , lorsque les gradués sa prise de possession , mais la continuation
ont renoncé tacitement à leur droit. dans cette possession qu'il a prise, que je sou
Iléricourt, ibidem, décide, au contraire, tiens illégitime, et dans laquelle il demeura
CHAPITRE VI. 3Ô5
depuis ma prise de possession , qui est un batifs des qualités qui lui sont nécessaires pour
trouble fait à ma possession, pour lequel je être capable de posséder le bénéfice : tels sont,
forme la complainte. son extrait baplistaire, ses lettres de tonsure,
Il résulte de ceci , que, lorsque deux ecclé ses lettres de prêtrise , ou d'un autre ordre ; ses
siastiques ont pris possession du même bénéfice, lettres de degré , et l'attestation du temps
c'est le plus diligent qui donne la demande en d'étude, lorsqu'il a été pourvu en qualité de
complainte. gradué, ete.
155. La partie qui est assignée sur une Si le demandeur avait manqué de donner par
demande en complainte, doit, de son côté, l'exploit d'assignation ces copies , je pense qu'il
former la complainte contre le demandeur, et pourrait les donner dans le cours de l'instance,
prendre pour trouble à sa possession, tant la ët qu'il ne serait sujet à d'autre peine, faute de
demande du demandeur, que sa prise de posses les avoir données par l'exploit d'assignation,
sion. qu'à celle portée par l'article 6 du titre 2 de
Lorsque plusieurs ont pris possession d'un l'Ordonnance, contre les demandeurs qui n'ont
même bénéfice , cbacun d'eux forme la com pas donné par l'exploit copie des titres servant
plainte contre tous les autres. de fondement ù leur demande, qui est, que les
Un tiers qui aurait pris possession d'un béné copies qu'ils en donneront par la suite, et les
fice, même depuis l'instance qui est entre deux réponses qui y seront faites , seront à leurs
parties pour ce bénéfice, peut intervenir dans frais , et sans répétition.
l'instance , et former sa complainte contre les 158. La partie assignée doit pareillement
deux parties. déclarer, par ses défenses , le titre de sa provi
156. Les mineurs peuvent, sans autorité ni sion , et le genre de la vacance sur laquelle il a
assistance de tuteur ni de curateur, donner été pourvu, et donner copie de ses titres et
demande en complainte pour leurs bénéfices, capacités; Ordonnance de 1667, ibid., art. 6.
et défendre à celles qui sont données contre Les intervenans doivent déclarer la chose
eux, de même qu'ils peuvent intenter toutes les par leur requête d'intervention, et ils doivent
autres actions qui concernent les droits , fruits donner pareillement copie , tant de leur requête
et revenus de leurs bénéfices, et y défendre. que de leurs titres et capacités , au procureur de
C'est la disposition de l'Ordonnance de 1667, chacune des parties; Ordonnance de 1667,
tit. 15, art. 14, qui a, sur ce point, adopté le ibid., art. 12.
droit des Décrétales, cap. Si annum , dojudic. 159. Il y a cela de particulier, à l'égard des
in 6«. dévolutaires , que lorsqu'un dévolutaire intente
Il faut, néanmoins, que le mineur soit pubère. la complainte pour un bénéfice qu'il a obtenu
C'est ce qui est expressément porté par le cha en cour de Rome , comme vacant par la préten
pitre Si annum , d'où ce droit est tiré. Il y est due nullité du titre , ou par la prétendue inca
dit, Si annum quartum decimumperigisti, ete. pacité de celui qui en est en possession ac
tuelle, ce dévolutaire est obligé de donner
ARTICLE T. caution suffisante pour répondre du jugé,
jusqu'à la somme de 500 livres, dans le délai
De la procédure qui se tient surla complainte. que lui sera prescrit ; et faute de la donner dans
ledit délai , l'Ordonnance le déclare déchu de
, 157. L'assignation , sur la demande en com son droit , sans qu'il puisse être reçu à purger
plainte, se donne à personne ou domicile, la demeure; Ordonnance de 1667, tit. 15,
lorsque la partie assignée est en possession art. 13.
actuelle du bénéfice; sinon elle doit être donnée C'est le seul cas auquel on exige d'un Français
au lieu du bénéfice; Ordonnance de 1667, cette espèce de caution; hors ce cas, il n'y a
lit. 15, art. 3. que les étrangers non naturalisés qui soient tenus
Le demandeur doit, par l'exploit d'assigna à cette caution , pour former quelque demande
tion, déclarer le titre de sa provision, et le que ce soit.
genre de vacance sur lequel il a été pourvu : H 160. Lorsque, pendant le cours du procès,
doit aussi donner, par cet exploit, des copies l'une des parties résigne son droit purement et
signées de lui, de ses titres et capacités ; Ordon simplement, ou en faveur, le résignataire pourra
nance de 1667, ibid., art. 2. reprendre l'instance par une simple requête ver
Ces titres, dont il doit donner copie, sont bale faite judiciairement , sans appeler les par
ses provisions , le visa, dans les cas auxquels il ties ; ibid., art. 16. Mais jusqu'à ce que ce rési
est nécessaire, et l'acte de sa prise depossession. gnataire ait fait cette reprise , la procédure se
On entend par ses capacités, Ici actes pro- continue contre le résignant, ibid., art. 13,
35f> DE LA POSSESSION.
sans que le résignataire puisse être reçu à for fournit contre , que les juges prononcent sur la
mer opposition en tiers contre ce qui serait jugé complainte soit définitivement, soit par pro
avec lo résignant, comme l'a fort bien observé vision.
Héricourt; car étant en son pouvoir de repren
dre l'instance , il doit s'imputer de ne l'avoir ARTICLE VI.
pas fait , et d'avoir laissé continuer la procédure
contre son résignant.
Le résignataire , qui a repris l'instance , se Des jugemens qui plainte. interviennent sur la com
charge de tout l'événement du procès : c'est
pourquoi , si , par la sentence définitive rendue
au profit de l'autre partie , il intervient aucune 163. Lorsque la cause est portée à l'audience,
condamnation de restitution de fruits, dépens, après l'examen fait des titres et pièces respec
dommages et intérêts , elle sera exécutée con tives des parties , si l'une des parties parait avoir
trôle résignataire , même pour les fruits échus suffisamment justifié le droit qu'elle a au béné
et les dépens faits avant la résignation admise. fice, les juges rendent une sentence définitive ,
Néanmoins le résignant est garant des fruits , par laquelle ils lui adjugent la pleine maintenue
dépens, dommages et intérêts de son temps; du bénéfice; et si c'était l'autre partie, qui eût
Ordonnance de 1667, ibid.,art, 18. eu la possession actuelle du bénéfice , ils la
161. Lorsque, pendant le procès sur la com condamnent à lui restituer les fruits.
plainte entre deux parties, celle qui était en 164. Lorsque les juges trouvent que la cause
possession actuelle du bénéfice, vient à mourir, n'est pas encore suffisamment éclaircie, et qu'il
l'Ordonnance , pour empêcher que le bénéfice est besoin d'un plus grand examen pour ren
ne demeure vacant et sans desservissement, dre la sentence définitive, ils adjugent a la par
permet à la partie survivante d'obtenir à son tie qui paraît avoir le droit le plus apparent,
profit la récréance du bénéfice contentieux, la récréance , c'est-à-dire , la possession pro
sur une simple requête à l'audience , en rap visionnelle du bénéfice pendant le procès.
portant l'extrait mortuaire de la partie dé 165. Quelquefois , ils ordonnent le séquestre
cédée , et les pièces justificatives de la litispen- du bénéfice ; auquel cas l'économe séquestre
dance. du diocèse (qui est un officier créé par édit du
Lorsqu'il y a un successeur nommé à la partie mois de novembre 1691 ) se met en possession ,
décédée, qui a pris possession du bénéfice, le pendant le procès , des biens dépendans du bé
survivant n'est plus à temps pour demander la néfice , les régit , en perçoit les fruits et reve
récréance. C'est ce qui a été jugé par arrêt nus, à la charge d'en rendre compte à la partie
du 13 juillet 1707 , rapporté au troisième tome qui aura obtenu en définitif.
des Arrêts d'Augear. A l'égard des fonctions spirituelles du béné
Lorsque le procès était pendant entre plus de fice, les juges, par le même jugement qui or
deux parties, la récréance ne peut être accordée, donne le séquestre , renvoient devant Févêque
que toutes les parties survivantes appelées. diocésain , pour nommer un tiers pour desser
162. Il y a cette grande différence entre la vant, à qui il assignera une rétribution telle
complainte en matière de bénéfice , et la com qu'il jugera convenable, dont il sera payé sur
plainte pour choses profanes, que, dans celle-ci, les revenus du bénéfice , par privilège, et non
il n'est question que du seul fait de la possession : obstant toutes saisies et empéchemens; édit du
les parties ne sont pas reçues à alléguer le droit mois d'avril 1695 , article 8.
de propriété quelles prétendent avoir de l'hé 166. Ces jugemens de récréance ou de sé
ritage qui fait l'objet de la complainte, ni à questre doivent être exécutés , avant qu'il soit
produire leurs titres de propriété; cet examen procédé sur la pleine maintenue; Ordonnance
est réservé pour le procès sur le pétitoirc , qui de 1667, ibid. , article 6.
ne peut commencer, qu'après que celui sur la 167. C'est une chose particulière aux com
demande en complainte aura été terminé. plaintes sur le possessoire des bénéfices , que les
Au contraire , dans la complainte en matière sentences de récréance , de séquestre ou de
de bénéfice, comme on n'autorise point d'autre maintenue (rendues sur ces demandes), ne
possession que celle qui procède d'un titre sont valables ni exécutoires, si elles ne sont
légitime , les parties doivent chacune produire données par plusieurs juges, au moins au nom
leurs titres et pièces justificatives des qualités bre de cinq; Ordonnance de 1667, ibid. , arti-
qu'elles doivent avoir , comme nous l'avons déjà ticle 17.
vu suprà, n. 157 ; et c'est sur l'examen de ces 168. Lorsque les juges qui les ont rendues,
titres et des pièces , et sur les oontredits qu'on étaient en nombre suffisant , ces sentences s'e je
CHAPITRE VI. 357
cutent nonobstant l'appel; ce qui a lieu pour juge d'église entreprenait d'en connaître , il y
toutes les complaintes, même en matière pro aurait lieu à l'appel comme d'abus. La raison
fane, comme nous l'avons vu suprà. est, que, dans les complaintes en matière de
169. Il nous reste à observer, que, lorsque bénéfice , le jugement de pleine maintenue
l'instance en complainte sur le possessoire d'un étant rendu sur l'examen des titres respectifs et
bénéfice a été terminée par une sentence de capacités des parties , au profit de celui dont
pleine maintenue , les parties ne peuvent plus , le droit au bénéfice est le mieux établi , il ne
comme on le prétendait autrefois , se pourvoir reste plus rien à examiner; et on ne pourrait
au pétitoire devant le juge d'église. La juris procéder au pétitoire , sans renouveler la mémo
prudence est constante aujourd'hui, que , si le question que celle qui a déjà été jugée.
TRAITÉ
DE LA PRESCRIPTION
QUI RÉSULTE
DE LA POSSESSION.
ARTICLE PRÉLIMINAIRE.
1 . La prescription dont nous traitons ici , n'a rien de commun , que le nom , avec cellequi a fait
la matière du huitième chapitre de la troisième partie de notre Traité des Obligations. Nous trai
tons ici de celle par laquelle quelqu'un acquiert, par la possession qu'il a eue d'une chose,
pendant le temps réglé par la loi , le domaine de propriété de cette chose , et l'affranchissement
des rentes, hypothèques et autres charges réelles dont elle était chargée.
C'est un des principaux droits que la possession donne aux possesseurs de bonne foi.
C'est aussi une des manières d'acquérir du droit civil, comme nous l'avons vu en notre Traité
du Domaine de Propriété, n. 253. Cette manière d'acquérir le domaine s'appelait, dans le droit
romain , usucapion.
Modestinus définit l'usucapion, Adjectio (1) dominiiper continuationem poaseesionie temporis
lege definiti; l. 3, ff. de usurp. et Vaucap.
Nous la définissons , le droit qui nous fait acquérir le domaine de propriété d'une chose, par la
possession paisible et non interrompue que nous en avons eue pendant le temps réglé par la loi.
2. Par l'ancien droit romain, il n'y avait que certaines choses qu'on appelait res mancipi, qui
fussent susceptibles du droit d'usucapion ; et le temps pour l'usucapion de ces choses était d'un
an, si elles étaient meubles, et de deux ans seulement, si elles étaient immeubles. C'est ce qui est
porté par un des articles de la loi des Douze-Tables : Ueûs autoritaa (2) fundi (3) biennium,
cœterarum rerum annuus usus est.
A l'égard des choses incorporelles, et mémo des choses corporelles qui n'étaient pas res man
cipi, ni par conséquent susceptibles d'un domaine civil, elles n'étaient pas par conséquent suscep
tibles de l'usucapion, qui est une manière du droit civil d'acquérir le domaine civil.
3. Le prêteur avait , à l'égard de ces choses qui n'étaient pas susceptibles de l'usucapion, établi
la prescription longi temporis, pour en tenir lieu en quelque façon.
(l) En ce sens , que le drois d'usucapion , poss complciam possessions tempus , rei dominium adj'icial
et sribnas possessori qui, anlè, «jus possessionem danlaxat habeba1. .
(s) Gel termes uusûs autoritas , signifient la même chose qn'usucapio.
(3) Fundi. Ce terme comprend toutes les choses quœ solo tenentur : Fundi appellations omne œdiji-
cium es omnis ager continetur ; l. an . ff. de verb. sign.
360 DE LA PRESCRIPTION.
Suivant ce droit du préteur, le possesseur de bonne foi , qui avait eu une possession paisible et
non interrompue , soit d'un droit incorporel , soit d'un héritage qui n'était pas du nombre de ceux
qui étaient res mancipi, pendant le temps de dix ans, inter pressentes , et de vingt ans inter
absentes, acquérait, après l'accomplissement du temps de sa possession, non le domaine de la
chose, mais une prescription ou fin de non recevoir, à l'effet d'exclure la demande en reven
dication du propriétaire de la chose, qui n'aurait été intentée qu'après l'accomplissement de ce
temps.
Depuis, on avait aussi accordé une action utile à ce possesseur pour revendiquer la chose ,
lorsqu'il en avait perdu la possession après l'accomplissement du temps de la prescription.
4. Justinien, par sa constitution qui est dans la Loi unique, Cod. de vsucap. trans/brm ..
a fondu ensemble l'usucapion et la prescription long* temporis; et, après avoir aboli, par celte
loi, la distinction entre les choses mancipi el les choses nec mancipi, et après avoir pareillement
/ aboli par la Loi unique, Cod.denudojur. quir. tollendo, la distinction du dominium civile et qui-
riturium, et du dominium naturale, il a ordonné que le temps pour l'usucapion des meubles
serait de trois ans , et que celui pour l'usucapion de tous les héritages et fonds de terre , de même
que pour les droits incorporels , serait de dix ans interpressentes , et de vingt ans inter absentea.
Justinien, par cette constitution , a transformé la prescription de dix et vingt ans en un véritable
droitd'usucapion, puisqu'elle fait acquérir au possesseur ledomainedepropriétédel'héritageoudu
droit incorporel , dont il a eu, pendant ce temps , une possession ou quasi-possession paisible et
non interrompue.
5. La Coutume de Paris, et la plupart de nos Coutumes, ont adopté la prescription de dix et
vingt ans dans la forme que lui a donnée Justinien par sa constitution, et elles lui ont conservé
le nom de prescription, quoiqu'elle dut plutôt avoir aujourd'hui le nom d'usucapion.
Il y a néanmoins quelques Coutumes, du nombre desquelles est notre Coutume d'Orléans, qui
n'admettent point d'autres prescriptions pour les immeubles , que celle de trente ans.
Nous traiterons , dans la première partie de ce traité , de cette prescription de dix ou vingt ans .
qui est la principale espèce des prescriptions qui font acquérir par la possession.
Nous traiterons, dans la seconde, des autres espèces de prescription qui font acquérir par la
possession.
PREMIÈRE PARTIE.
6. La. Coutume de Paris, art. 113, établit la a et sans inquiétation , pardix ans entre présens ,
prescription de dix et vingt ans, en ces termes : « et vingt ans entre absens, agés et non privilé-
« Si aucun a joui ou possédé héritage ou rente « giés , il acquiert prescription-dudit héritage ou
« a juste titre, tant par lui que par ses succes- « rente, n
« seurs dont il a le droit et cause , franchement Nous verrons , dans un premier chapitre ,
PARTIE I, CHAPITRE I. 3li|
quelles sonl les choses qui sont ou ne sont pas dans un troisième, du juste titre d'où doit pro
susceptibles de cette prescription ; au profit de céder la possession. Dans un quatrième, du temps
quelles personvfes , et contre quelles personnes que doit durer la possession , et de l'union qu'un
elle peut courir. Dans un second , nous traite- successeur peut faire de la possession de ses
rons des qualités que doit avoir la possession uuteurs à la sienne. Dans un cinquième, de
pour opérer cette prescription. Nous traiterons, l'effet de la prescription.
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE II.
26. La possession, pour opérer la prescrip se définir, la juste opinion qu'a le posses
tion, et faire acquérir au possesseur le domame seur, qu'il a acquis le domaine de propriété de
de propriété de la chose qu'il a possédée pen la chose qu'il possède ; justa opinio qnœsiti
dant le temps réglé par la loi, doit être une dominii.
possession civile et de bonne foi , qui procède Cette opinion, quoique fondée sur une erreur
d'un juste titre, qui ait été publique , paisible, de fait , ne laisse pas d'être une juste opinion ,
et non interrompue. et de donner à la possession le caractère de
possession de bonne foi.
ARTICLE PREMIER. Par exemple , lorsque quelqu'un m'a vendu .
comme chose à lui appartenante, un héritage
La possession doit être une possession cicile et dont il était en possession , et qui ne lui appar
de bonne foi. tenait pas, l'opinion que j'avais qu'il en était
le propriétaire , et qu'il m'en a transféré la pro
27. Quoique nous ayons défini la prescrip priété , quoique fondée sur une erreur de fait .
tion, suprà, a. I , l'acquisition que nous fai est une juste opinion qui me rend possesseur de
sons du domaine de propriété d'une chose par bonne foi. L'erreur de fait, en laquelle j'étais ,
la possession que nous en avons eue, il ne faut pas est excusable, ayant un juste sujet de croire
néanmoins en conclure que toute possession, propriétaire celui quej'en voyais en possession ;
même celle qui procède d'un juste titre, la possession faisant réputer le possesseur pour
puisse opérer la prescription : Scparata est le propriétaire do la chose qu'il possède. C'est
causa possessionis et usurpationis , dit Paul : pourquoi Paul dit : Qui à quolibet rem emit ;
nam verè dicitur quis émisse , sed malô fide ; quani putat ipsius esse, bond fide emit ; t. 27,
quemadmodùm qui sciens alienans rem emit, ff. de contrah. empt.
pro emptore possidet , licét usu non copiat; 29. Il en est autrement de l'erreur de droit.
L. 2 , § 1 , ff. pro empt. L'opinion, que j'ai qu'on ma transféré la pro
La possession , pour pouvoir opérer la pres priété d'un héritage , opinion fondée sur une
cription , doit être une possession civile et de erreuj^de droit , n'est pas une juste opinion , et
bonne foi. elle n'a pas par conséquent l'espèce de boune
On appelle possession civile , la possession de foi , qui est requise pour donner à ma posses
celui qui possède ani'no domini r c'est-à-dire, sion le caractère de possession de bonne foi,
comme s'en réputant le propriétaire. La posses nécessaire pour la prescription. Paul en fait une
sion de ceux qui possèdent une chose tanquam maxime : Nunquam in usucapionibus juris
alie nu >n . telle qu'est celle d'un séquestre, et error possessori prodest; l. 31, ff. de usurp.
celle des créanciers auxquels un débiteur a et usucap.
fait un abandon d'un héritage, pour en jouir On peut apporter pour exemple le cas auquel
jusqu'à ce qu'ils soient entièrement remplis de votre procureur, à qui vous avez donné procu
leurs créances par les revenus, est une posses ration d'administrer vos biens, croyant, par
sion naturelle , qui n'est pas de nature à opérer erreur de droit, que cette procuration lui
la prescription. donnait le pouvoir de vendre vos héritages , en
28. La bonne foi qui doit accompagner la a, eu vertu de cette procuration , vendu un à
possession , pour opérer la prescription, peut quelqu'un qui était dans la même erreur. Cet
PARTIE I, CHAPITRE II. 367
acquéreur ne pourra pas l'acquérir par pres celte opinion , il produit une lettre écrite par la
cription : car l'opinion que l'acquéreur avait femme à un de ses amis, qui porto : Quoique la
>fue la propriété de l'héritage lui avait été donation que m'a faite mon mari, ne aoit
transférée, étant fondée sur une erreur de droit, pas permise par la Coutume, je me flatte
n'est pas une juste opinion , ni par conséquent qu'elle tiendra, connaissant assez les senti-
l'espèce de bonne foi requise pour la prescrip mens de son neveu qui doit lui succéder, pour
tion. ttre assurée qu'il respectera la volonté de son
30. La bonne foi requise pour la prescrip oncle. On doit, aux termes de la loi que nous
tion, étant la juste opinion qu'a le possesseur venons de rapporter , décider dans cette espèce,
que la propriété de la chose qu'il possède lui a que la femme n'a pas eu la bonne foi requise
été acquise, c'est une conséquence que, lors pour la prescription , et n'a pu en conséquence
que mon procureur a acquis pour moi un héri l'acquérir par prescription.
tage, et en a été mis pour moi et en mon nom 32. Dans une province régie par le droit
eu possession ; quoique je possède par lui écrit, un fils de famille, qui avait un pécule
l'héritage avant que j'aie été informé de l'acqui- profectice, a acheté de ce pécule, après la
ftsition, je ne puis néanmoins commencer le mort de son père qu'il croyait vivant , un héri
temps pour la prescription, jusqu'à ce que j'aie tage. On a fait la question de savoir, s'il pouvait
été informé de l'acquisition : car je ne puis être censé avoir eu la bonne foi nécessaire pour
avoir l'opinion que je suis propriétaire d'un l'acquérir par prescription. La raison de douter
héritage, avant que de savoir qu'on en a fait est que, ayant cru son père vivant , il n'a pu
pour moi l'acquisition. C'est ce qu'enseigne croire avoir acquis pour lui lu propriété de cet
Paul : Si emptam rem mihi procurator, igno héritage, mais plutôt l'avoir acquise à son père.
rante me , sneo nomine apprehenderit ; quam- Néanmoins Papinien décide que le fils doit être
vis possideam, cam non usucapiam; l. il, S. censé, dans cette espèce, avoir la bonne foi
de usurp. et usucap. requis* pour la prescription , parce que le père
31. Lorsque quelqu'un, quoique par erreur, et le fils étant censés comme la même personne,
est dans l'opinion que 1'acquisvlion qu'il a le fils est censé avoir cru acquérir, en quelque
faite d'une chose, ne lui est pas permise par façon, pour lui ce qu'il a cru acquérir pour
les lois ; ne pouvant pas, eu ce cas, avoir son père : Filiusfamilias emptor aliena- rei,
l'opinion qu'il en a acquis la propriété, dans quùm patremfàinitias se factum ignoret, cœpit
laquelle opinion consiste la bonne foi , il ne rem sibi tradituns possidero : cur non copiat
pourra l'acquérir par usucapion ou prescription : usu, quùm bona fides initiopossessionis adsit,
Si quis id quvd possidet , non pu lut sibi per quamvis eum se per erroiem esse arbitretur ,
leges licere usucapere , dicendum est, etiamsi qui rem ex causâ peculiari quœsitam nec
erret , non procedero tanien usucapioneni ; possidere possit ; l. 44, § 4, ff. dict. fit.
l. 32 , § I , ff. diet. lit. 33. Lorsque l'acheteur d'un héritage a con
On peut , pour exemple de cette décision, naissance qu'il n'appartient pas pour une cer
faire cette espèce : Pierre, demeurant à Paris, taine partie divisée ou indivisée à son vendeur,
a fait donation pendant le mariage , à sa femme, ce n'est que pour cette partie qu'il n'est pas
avec laquelle il était séparé de biens, d'un possesseur de bonne foi ; il est possesseur de
héritage qu'il possédait de bonne foi, et qui bonne foi du surplus , et il peut acquérir par
appartenait à Jacques, situé dans la Coutume prescription le surplus. Mais lorsque l'acheteur
de Noyon , qui permet les donations entre vifs , sait seulement en général que l'héritage n'appar
entre mari et femme, pendant le mariage. tient pas pour le total à son vendeur, sans
Quelques temps après, Jacques donne contre savoir pour quelle partie il ne lui appartient
cette femme une demande en revendication de pas, l'acheteur ne pouvant , en ce cas, avoir
cet héritage. Elle oppose qu'elle l'a acquis par l'opinion , a l'égard d'aucune partie de l'héri
prescription, l'ayant possédé, tant par elle tage, qu'elle appartient au vendeur, et qu'il lui
que par son auteur, pendant le temps requis en ait transféré la propriété ; il n'est possesseur
pour la prescription, en vertu d'un juste litre. de bonne foi d'aucune partie de cet héritage , il
Jacques réplique que la femme n'a pu acquérir n'en peut rien acquérir par prescription. C'est
l'héritage par prescription, parce qu'cllo n'a ce que Javolenus a fort bien abservé : Emptor
pas eu la bonne foi requise pour la prescription, fundi partens ejus alienani esse non (1) igno-
ayant cru , quoique par erreur , que la donation
que son mari lui avait faite, était nulle, et
n'avait pu lui transférer la propriété de l'héri (l) Cujas restitue ainsi le texte , au lieu >le alienani
tage ; et , pour justifier que la femme a été dons non rsse ignoraverai.
DE LA PRESCRIPTION.
raverat, Uesponsusn est nihil eum ex eo fundo était le propriétaire, et que cette bonne foi ait
longé possessions capturum. Quod ità rerum toujours duré depuis, pour que je puisse, par
esse existiino , si quœ pars aliena esset in eo cette nouvelle possession, commencer et par
fundo, emptor ignoraccrat ; quod si certum achever le temps de la prescription contre Jac
locum esse sciret, reliquas partes longâ posses ques qui est le propriétaire , sans que mon
sion capi passe non dubito ; l. 4, ff. pro empt. ancienne possession de mauvaise foi , qui a pré
Idemjuris estsi is, quitotum fundum emebal. cédé celle-ci , y puisse apporter aucun obstacle.
pro indiriso parteni aliquam alienani esse scit; 36. Il nous reste à observer, à l'égard de la
eam enisn duntaxat non capiet; cœterarum bonne foi , qu'elle se présume dans le possesseur
partium non impedietur longâ possessions qui possède en vertu d'un juste titre, tant qu'on
copia ; dict. I. 4, § 1 . n'établit pas le contraire.
34. Par le droit romain, il suffisait que le
possesseur eût, au commencement de sa posses
sion, la bonne foi qui est requise pour la pres AliTICLF. 1I.
cription ; la connaissance qui lui survenait
depuis, que la chose ne lui appartenait pas, n'em La possession, pour opérer la prescription.'
pêchait pas que le temps de la prescription ne doit être publique.
continuât de courir à son profit, et ne la lui fit
acquérir lorsqu'il était accompli : Si eo tempore,
quo res mihi traditur, puleni vendentis esse, 37. La possession . qui nous fait acquérir,
deindè cognovero alienans esse , perseverat per par droit de prescription, le domaine de pro
longum tempus capio ; l. 48, § I, ff. de adq. priété d'un héritage, doit être une possession pu
rer. dons. blique. Quelques Coutumes s'en expliquent.
Nous avons, dans notre droit français, aban Celle d'Etampes, art. 63, dit : Quand aucun a
donné sur ce point le droit romain , et embrassé joui d'un héritage pleinement , paisiblement ,
la disposition du droit canonique , qui exige la PCRLKJUE5IENT , il acquiert prescription . Celle
bonne foi pendant tout le temps qui est requis de Melun , art. 170, dit : Quand aucun a
pour la prescription. joui au vu et su de tous ceux qui l'ont
Cette disposition du droit canonique est très voulu voiv et SAVOIR.
équitable. Par la connaissance, qui survient au C'est pourquoi si quelqu'un, pour agrandir
possesseur avant qu'il ait accompli le temps de ses caves, en a fouillé une sous le terrain de U
la prescription, que la chose, qu'il avait com maison voisine , et l'a unie aux siennes , sans que
mencé de bonne foi à prescrire , ne lui appar son voisin s'en soit aperçu, et a depuis vendu sa
tient pas , il contracte l'obligation de la rendre ; maison telle qu'elle se poursuit, quoique l'ac
laquelle obligation naît du précepte de la loi quéreur ait possédé de bonne foi la cave qui a
naturelle , qui défend de. retenir le bien d'autrui. été fouillée sous la maison voisine , il ne pourra
Cette obligation , étant une fois contractée, dure l'acquérir par prescription , cette possession
toujours , jusqu'à ce qu'elle soit acquittée, et n'étant pas une possession publique. La Coutume
résiste à la prescription : elle passe aux héritiers d'Orléans, art. 253, a parlé de ce cas, en disant
de ce possesseur, et elle empêche pareillement que fouillement en terre , grattement... n'at
que ses héritiers ne puissent prescrire. tribuent, par quelque laps de temps que ce
35. Ce que nous disons, que la bonne foi doit soit , droit de possession à celui qui aura fait
durer pendant tout le temps de la possession , ladite entreprise.
s'entend d'une même possession. Mais si j'ai Il faut ajouter, ni à ses successeurs, même à
commencé à posséder de mauvaise foi un héri titre singulier, la possession qu'ils en ont n'é
tage appartenant à Jacques , que j'ai usurpé sur tant pas une possession publique.
Pierre, qui en était le possesseur, et que, sur
une demande en revendication que Pierre était
prêt ii donner contre moi . j'aie acheté de Pierre AKT1CLE III.
cet héritage , ma possession de cet héritage , qui
procède de la vente que Pierre m'en a faite, La possession doit être paisible , et non
étant une nouvelle possession, quoiqu'elle suc interrompue.
cède immédiatement et sans intervalle à la pos
session de mauvaise foi que j'avais de cet héri
tage, il suffit que, au temps de la vente que 38. Pour que la possession de dix ou vingt
Pierre m'a faite (le cet héritage, j'aie cru de ans fasse acquérir, par droit de prescription,
bonne foi que Pierre, de qui je l'achetais, en au possesseur le domaine de propriété de l'héri-
PARTIE I , CHAPITRE II. 369
tage qu'il a possédé pendant ce temps, il faut suo quisque possideat , an ex lucrativâ causd.
qu'elle n'ait point été interrompue pendant tout La loi 17 , ff. de adq. poss., où il est dit : Qui
ce temps : c'est ce qui résulte de la définition ri dejectus est , perindè habendus est ne si pos-
que nous avons rapportée suprà , n. 1 : Adjectio sideret, n'est point contraire; car cela n'est dit
dominii per continuationem possessionis , ete. que vis-à-vis.du spoliateur.
Il y a deux espèces d'interruption, l'inter Quelques auteurs pensent que cette disposi
ruption naturelle , et l'interruption civile. tion du droit romain ne doit pas être adoptée
dans notre droit , et qu'on n'y doit point regar
S I. DE L'iNTERRCPTlON NATURELLE. der comme interrompue la possession de celui
qui a été dépossédé par violence , lorsqu'il a été
39. Il y a interruption naturelle dans la pos rétabli dans l'année.
session d'une chose , lorsque celui qui la pos 41. La possession que j'avais d'un héritage,
sédait, a cessé pendant quelque temps de la est interrompue, et je cesse de le posséder,
posséder. lorsque j'en ai fait un bail à ferme à celui qui
Cette interruption naturelle de la possession en est le propriétaire , que j'en ai mis en posses
qui arrêtait le cours de l'usucapion , est ce que sion ; car ce propriétaire de l'héritage ne peut
les jurisconsultes romains appelaient usurpatio : être censé le tenir pour moi et en mon nom , en
Usurpatio est usucapionis interruptio ; l. 2 , ff. qualité de fermier, personne ne pouvant être
de usurp. et usucap. fermier de sa propre chose. C'est ce qu'enseigne
Par exemple , si après avoir possédé de bonne Javolenus : Ei à quo fundum pro hœrede diu-
foi, et en vertu d'un juste titre, un héritage tiùs possidendo capturus erami locaci eum ;
qui ne m'appartenait pas , pendant six ans , mon an ullius momenti eam locationem exislimes
voisin s'en est emparé et en a acquis la posses quœro? Quod si nullius momenti existimes,
sion par an et jour; quoique, sur une action an durare nihilominùs usucapionem ejus fundi
de revendication , j'aie fait condamner ce voisin putes?... Respondit : Si is, qui pro luerede
à me le délaisser, et que, depuis le délaissement domum possidebat , domino eam locavit, nul-
qu'il m'en a fait, je l'aie encore possédé pen lins momenti locatio est, quia dominus rem
dant quatre ou cinq ans , je ne l'aurai pas acquis suam conduxisset : sequitnr ergo, ut ne pos-
par la prescription de dix ans ; car la possession, sessionem quidem locator rctinuerit ; ideàque
que j'ai eue do cet héritage pendant six ans, longi temporis prœscriptio non durabit; l. 2l,
ayant été interrompue , puisque j'ai cessé de le ff. de usurp. et usucap.
posséder, ne peut plus me servir pour la pres Il en est de même, lorsque j'en ai mis le pro
cription , et je ne puis compter le temps que priétaire en possession à titre de nantissement,
depuis que j'ai commencé de nouveau à posséder ou de dépôt, ou de prêt, ou de précaire; car le
l'héritage , après le délaissement que m'en a fait propriétaire d'une chose ne peut pas avoir sa
le voisin qui s'en est emparé. propre chose en gage, ni en être le dépositaire,
40. La possession est interrompue, non seu ni le possesseur précaire, de même qu'il n'en
lement lorsque le possesseur l'a perdue par peut être le locataire ni le fermier : Neque
négligence et par sa faute ; elle l'est pareillement pignus , neqne depositum , neque precarium ,
lorsqu'il a été dépossédé , même par violence : neque emptio, neque locatio rei suœ consistere
Naturaliter interrumpitur possessio , quùm potest ; l. 45, ff. de reg.jur.
quis de possessions vi dejicitur , vel alicui ree 42. Si , lorsque je vous ai passé bail à loyer
eripitur; l. 5 , ff. do usurp. et usucap. d'une chose que je possédais en vertu d'un juste
Il n'importe, à cet égard , par qui le posses titre , ou lorsque je vous l'ai donnée à titre de
seur ait été dépossédé, par le propriétaire de la dépôt, de prêt ou de nantissement, vous n'en
chose, ou par quelque autre personne que ce étiez pas encore le propriétaire, mais que vous
soit ; ni quel ait été le titre de sa possession , soyez devenu depuis l'unique héritier du pro
lucratif ou onéreux : Nec eo casu quicquam priétaire ; dès l'instant que vous en êtes devenu
interest, is . qui usurpaverit (l) dominas sit , le propriétaire, je suis censé avoir cessé de la
nec ne; dict. I. Ne illud quidem interest pro (2) posséder , car dès que vous en êtes le proprié
taire , vous n'êtes plus une personne par qui je
puisse être censé en retenir la possession. C'est
Idest, interruperit possessionem eum deji- ce qu'enseigne Julien : .Si rem alienam bond
ciendo. fide emeris, et mihi pignori dederis , ac pre-
(a) Td est, suivant la Glosa, pro sua pecuniâ . seu carià rogaveris , deindè me dominus hœredem
ex onerosâ causa. Ailleurs ces termes se preuuent instituera, desinit pignus esse; et sola pre-
dans un autre sens. carii rogatio supererit; ideirco usucapio tua
Tome V. 47
t
370 DE LA PRESCRIPTION.
interpeliahitur ; l. 29, ff. de pign. act. Dès cariirogalio impedimentoesse non dehet; quùm
que je suis devenu propriétaire de la chose, plus juris in possessione haheat qui precario
vous avez cessé de pouvoir être censé la pos rogaverit, quàm qui omnino ntm possidet; 1.36,
séder par moi , comme la tenant de vous à titre ff. de adq. poss.
de gage ; un propriétaire ne pouvant pas avoir 45. Lorsque l'héritage que j'ai commencé de
sa propre chose en gage : il ne vous reste plus posséder en vertu d'un titie , est saisi réellement
qu'une possession précaire que vous tenez de par mes créanciers, ma possession n'est point
moi ; mais il est évident qu'on ne peut prescrire interrompue par la saisie réelle, et le temps de
contre un propriétaire par une possession qu'on la prescription continue de courir à mon profit
tient précairement de lui. pendant la saisie ; car je continue de le posséder
43. 11 n'est pas douteux que , lorsque le par le commissaire à la saisie réelle , qui le dé
possesseur d'une chose la donne à titre de ferme , tient pour moi et en mon nom , comme nous
ou de loyer, ou de dépôt, ou de prêt, à quel l'avons vu dans le Traité de la Possession, n. 16.
qu'un qui n'en est pas le propriétaire, il con 46. Lorsqu'un héritage tenu en fief est saisi
tinue de la posséder, et le temps de la pres féodalement , le possesseur n'en est dessaisi par
cription continue de courir à son profit ; car un la saisie féodale que vis-à-vis du seigneur ; il
fermier , 'un locataire, un dépositaire, un continue de le posséder vis-à-vis de tous autres;
emprunteur, ne détiennent la chose que pour sa possession n'est pas interrompue , et le temps
et au nom de celui de qui ils la tiennent, qui la pour la prescription continue de courir, et peut
possède par eux. même se parachever pendant la saisie.
44. Il y a plus de difficulté à l'égard d'un 47. Enfin le dérangement d'esprit, qui sur
créancier à qui il l'a donnée en nantissement; vient dans le possesseur, n'interrompt point la
car le gage étant le droit de posséder une chose possession, ni le cours du temps de la prescrip
in securitatem dehiti, quoique le créancier ne tion, comme nous l'avons vu suprà, ihid., n. 56.
possède pas la chose qui lui a été donnée en S II. DE L'INTERRUPTION CIVILE.
gage, tanquam rem propriam, sed tanquam
rem alienam , il la possède pour lui; il en a 48. L'interruption civile est celle qui résulte
une possession naturelle qui parait devoir faire- de l'interpellation judiciaire, c'est-à-dire,
cesser celle de celui qui la lui a donnée en nan d'une demande judiciaire donnée contre le pos
tissement. Néanmoins c'est un droit reçu, que sesseur pour lui faire délaisser la chose.
celui qui a commencé a posséder une chose en Par le droit romain , lorsque quelqu'un avait
vertu d'un juste titre, et qui la donne en nan commencé de posséder une chose en vertu d'un
tissement à son créancier, est censé, quant à juste titre, la demande judiciaire, qui était
l'effet de la prescription, continuer de la pos donnée contre lui pour la lui faire délaisser, ni
séder par ce créancier, et que le temps pour la même la litiscontestation qui intervenait sur
prescription court à son profit , soit que la cette demande, n'empêchaient pas que le temps
chose soit par-devers le créancier , soit qu'il l'en pour l'usucapion ne continuât de courir, et même
ait retirée précairement. C'est ce qu'enseigne que l'usucapion ne s'accomplît pendant le pro
Julien : Qui pignoris causa fundum creditori cès. C'est ce qu'enseigne Paul : Si rem alienam
tradit, intelliijitur (1) possidere sed etei eum- emero, et quùm usucaperem, eamdem rem
dem precario rogaverit, œquè (2)per diutinam dominus à me petierit, non interpellari usu
possessionem capiet : namquùm possessio credi capionem litiscontestatione ; /. 2, § 21, ff.
tons non impediat capionem, longé minus pre- pro. empt. Mais par la litiscontestntion , le pos
sesseur contractait envers le demandeur l'ohli
(s) Jam quidam ipse non possidct , sed creditor : gation de lui rendre la chose , s'il justifiait qu'il
verùm utilitatis causa receptum est ut quoad usu- en fut le propriétaire au temps de la litiscontes-
capionis causam intelligatur possidere per credi- tulion ; et le juge le condamnait à la rendre,
torem , et ut possit captam à se usucapionem quoiqu'il l'eût acquise par droit d'usucapion , et
adimplere per possessionem creditons eut rem même à donner caution au demandeur, qu'il
pignort dedit. Ità Cn/aciut , ad hanc trgem. n'avait apporté aucun changement à l'état de
ia) Hatio dehitandi , qaàdprecariapossessio quam cette chose, depuis l'accomplissement de l'usu
hahet à creditore , nonjit possessio civitis quœ sola capion. C'est ce qu'enseigne le même Paul : Si
projicitad usucapionem, Respondet : Quum receptum post acceptumjudicium possessor usu hominem
sit ut hoc casu possit , etiamsi ipse omninô non pos-
sideat , ctrptam usucapionem adimptere per posses crepit; dehet eum tradere, eoque nomine de dota
sionem creditoris , à fortiori potest eam hoc casu cavere : periculum est enim ne eum vel pigno-
adimplere per possessionem quatn precario hahet à raverit vel manu miserit; l. 78, ff. de reivind.
creditore. 49. Cujas pense qu'il n'y avait que l'usuca
PARTIE I, CHAPITRE I{. 371
pion qui s'accomplit pendant le procès ; qu'il nium adeersariorum silentio et taciturnitate
en était autrement à l'égard de la prescription firmatur; interpellatione verà et controversid
tongi temporis , et qu'elle était arrêtée de plein progressa" , non possc eum intelligi pûssesso-
droit par la litiscontestation. Il se fonde sur ce rem, qui, licèt possessionem corpore teneat,
resent des empereurs Dioctétien et IHaximilien : tamen ex interpositd contestatione et causd
Longs temporis prœscriptio his qui bond fide in judicium deducld , super jure possessoris
acceptani possessionem et continuatam nec in- vacille! ac dubitet; l. 10 , Cod. de adq. poss.
terruptam inoeietedihe litis tenuerunt , so- 50. IJne simple dénonciation que j'aurais
let patrocinari; l. 2 , Cod. de prœscr. long, faite à quelqu'un, de mes prétentions sur la
iesnp. chose qu'il possède, n'interrompt point sa pos
Il se fonde encore sur un rescrit des empe session , ni le cours de la prescription : Alienam
reurs Sévère et Antonin , aux termes duquel , aream bond fide emit , et ante impletam diu-
non seulement la litiscontestation , qui inter tinam possessionem, œdificare cœpit; ei de-
vient sur une demande en revendication donnée nuntiante domino soli , intrà tempora dinlinœ
contre le possesseur, arrête le cours de la possessionis perseveravit : quœro utrùm inter-
prescription , mais encore affecte sa possession pellata sit, an cœpta duraverit? Respondit
d'un vice qui la rend incapable d'opérer la secundùm ea quœ proponerentur, non esso
prescription , tellement que , quand même le interpellatam ; l. 13 , ff. pro empt.
demandeur aurait depuis abandonné sa de 51. Tels sont les principes du droit romain
mande, et que le possesseur aurait , depuis sur l'interruption civile. Dans notre droit fian
l'abandon de la demande, possédé la chose pen çais, il n'est pas douteux que l'interruption
dant tout le temps requis pour la prescription, civile arrête de plein droit le cours de la pres
il ne la pourrait acquérir par prescription. Il cription. La Coutume de Paris, en l'article
n'y a dorénavant que son successeur à titre sin 113 ci-dessus rapporté, et la plupart des autres
gulier, qui puisse commencer par lui-même le Coutumes , s'en expliquent formellement par
temps de la prescription , et le parachever : ces termes : quiconque ajous et possédé... sans
Qutim post snotam et omissam quœstionem , inquiétation.
ree ad nova (1) dominia bonà fide transierint , L'exploit d'assignation sur une demande en
et exindè novi viginti anni intercesserint sine revendication donnée contre le possesseur ,
interpellatione, non est inquietanda quœ nunc forme l'interruption civile. Du jour que cet ex
possidet persona. Quœ sicut accessione prioris ploit lui a été posé, sa possession cesse d'être
domini (2) non utitur, qui est inquietatus ; une possession sans inquiétation , telle que les
ità nec impedienda est, quod ei (3) mota con- Coutumes la demandent pour la prescription,
troversia sit. Quod siprior possessor inquieta et par conséquent le temps de la prescription
tus est , etsi poateà per longum tempus sine doit dès ce jour cesser de courir.
aliqud interpellatione in possessione remansitt Observez qu'un exploit d'assignation, quoi
tamen non potest uti longi temporis prœscrip- que devant un juge incompétent , ne laisse pas
tione ; l. 1 , Cod. de prœscr. long. temp. d'être une interruption civile , qui arrête le
Constantin en donne la raison, qui est que, cours de la prescription. C'est ce qui a été jugé
depuis l'interruption que la litiscontestation sur par un arrêt du l" juillet 1627, dans une ma
la demande en revendication donnée contre le tière de retrait lignager, où tout est de rigueur;
possesseur, a apportée à sa possession , la' pos- ce qui doit avoir lieu à plus forte raison dans
aession qu'il a eue depuis cette interruption , toutes les autres matières. L'arrêt est au Jour
n'a plus été qu'une possession vacillante; elle nal des Audiences.
n'a plus été la possession d'un homme qui croit 52. Si l'assignation était donnée au fermier,
avec assurance posséder une chosequi lui appar que le demandeur croyait être le possesseur de
tient : Nemo ambigit, dit cet empereur, pos l'héritage, cette assignation ne pourrait arrêter
sessionis duplicem esse rationem , aliam quœ le cours de la prescription , qui court au profit
jure consistit , aliam quœ corpore ; utramque du possesseur qui l'a donné à ferme : elle ne
autem ità demiim esse lcgitimani , quùm oni- cessera de courir que du jour du nouvel exploit
d'assignation qui aura été posé au possesseur ,
sur l'indication qu'en aura donnée le fermier ;
(i) Id >r.%( ad novos possessores bona-fidei, qui et si, dans le temps intermédiaire entre l'assi
tltulo lingulari successerunt ei eut mota est contro- gnation donnée au fermier et celle donnée au
fersia. possesseur , le temps de la prescription s'était
(a) Id est prioris possessoris. accompli, l'assignation donnée au possesseur,
(3) Priori possessori. aurait été donnée à tard.
372 DE LA PRESCRIPTION.
Si néanmoins le demandeur pouvait étahlir de continuer à se croire propriétaire de l'hé
qu'il y a eu fraude et collusion entre le posses ritage, en quoi consiste la durée de la honne
seur ot son fermier, pour amuser le demandeur foi nécessaire pour la prescription, Voyez ce
et lui cacher le nom du possesseur, jusqu'à que nous avons dit dans notre Traité du Do
l'accomplissement du temps de la prescription , maine de propriété , n. 342, dans une espèce
le demandeur , à qui le possesseur opposefait la à peu près semhlahle.
prescription , pourrait , contre la prescription , 54. Lorsque le propriétaire pour partie d'un
opposer avec succès la réplication de dol. héritage a donné une demande en revendica
53. Lorsque le demandeur a laissé tomher tion , pour la partie qui lui en appartient ,
en péremption la demande qu'il a donnée con contre un possesseur qui le possède pour le to
tre le possesseur, et qu'il y a eu un jugement tal en vertu d'un juste titre , cette demande
qui a déclaré la péremption acquise , l'effet de n'interrompt la possession de ce possesseur et
la péremption étant de faire regarder comme le cours de la prescription , que pour la part du
non avenue la demande , elle ne peut avoir au demandeur ; le possesseur continuant de pos
cun effet, ni par conséquent celui d'avoir apporté séder le surplus sans inquiétation , le temps
une interruption à la possession du possesseur, pour la prescription continue de courir à son
et d'avoir arrêté le cours de la prescription , la profit.
quelle conséquemment doit continuer de courir Néanmoins, si, parla communication que le
et de se parachever , nonohstant cette demande ; possesseur a eue des titres du demandeur, qui
Ordonnance de Roussillon. sont des titres communs à ce demandeur et à ses
Hais si les titres du demandeur, dont le pos co-propriélaires , ledit possesseur a été instruit
sesseur a eu la communication dans l'instance du droit de propriété qu'ont lesdits co-proprié—
qui a été périmée , étahlissaient le droit de pro taires, cette connaissance, qui fait cesser la
priété du demandeur; si le demandeur donnait honne foi de la possession par rapport aux parts
une nouvelle demande contre le possesseur, et desdils co propriétaires qui n'ont pas encore
que ce possesseur lui opposât la prescription , donné la demando, interrompt aussi et arrête
ce demandeur serait-il hien fondé à soutenir le cours de la prescription pour les parts desdits
que la prescription , avant qu'elle fut accom co-propriélaires.
plie , a cessé de courir au profit de ce posses C'est pourquoi , lorsque, par la suite, lesdits
seur, non par la première demande qui a été co-propriétaires donneront demande contre ce
donnée contre lui , laquelle , étant tomhée eu possesseur pour leurs parts; si le possesseur
péremption , n'a pu produire aucun effet ; mais leur oppose qu'il a accompli le temps de la
par la connaissance qu'il a eue du droit de pro prescription pour ces parts avant leur demande ,
priété du demandeur , par la communication ils seront hien fondés à lui répondre, qu'il n'a
qu'il a eue de ses titres? Cette connaissance pas accompli la prescription , et qu'elle a été
ayant, dira-t-on, fait cesser la honne foi du interrompue par la connaissance de leur droit
possesseur, qui consiste dans la juste opinion de propriété , qu'il a acquise par les titres qui
qu'a un possesseur que la chose qu'il possède lui ont été communiqués dans le procès qu'il a
lui appartient, a conséquemment fait cesser le eu sur la première demande qui a été donnée
cours de la prescription , laquelle ne peut cou contre lui.
rir sans être accompagnée de la honne foi du 55. Lorsque plusieurs possèdent en commun,
possesseur; puisque, comme nous l'avons vu de honne foi, en vertu d'un juste titre, un hé
suprà, n. 34, suivant les principes de notre ritage qui ne leur appartient pas ; si le proprié
droit, la honne foi du possesseur doit durer taire ne donne la demande que contre l'un
pendant tout le temps de la prescription , jus d'eux , la demande n'interrompt le cours de la
qu'à son entier accomplissement. prescription que pour sa part; elle continue de
Nonohstant ces raisons , on doit dire que le courir et peut se parachever pour les parts des
cours de la prescription n'a point été inter autres qui, n'ayant point été assignés, possèdent
rompu ; que la communication qui a été faite leurs parts sans inquiétation. Mais si le posses
au possesseur des titres du demandeur , sur la seur pour partie , qui a été assigné seul , s'est
demande qu'il a laissé périmer, ne doit point porté pour possesseur du total , et a caché par
être censée avoir donné au possesseur une con dol au demandeur, qu'il avait des co-possesseurs
naissance parfaite que la chose appartenait au pour leur donner le temps de parachever pour
demandeur; qu'il a eu, au contraire, un juste leurs parts la prescription , il sera tenu des
sujet de croire qu'il y avait quelque défaut dans dommages et intérêts du demandeur, comme
les titres du demandeur, puisqu'il ahandonnait nous l'avons vu en notre Traité du Domaine
sa demande , et qu'en conséquence il a eu sujet de Propriété , n. 310; et si les co-possesseurs
PARTIE I, CHAPITRE III. 373
avaient été participans de cette fraude , le pro priétaire pour partie d'une chose qui n'est pas
priétaire, qui donnerait par la suite la demande susceptible de parties , la demande donnée
contre eux , pourrait opposer à la prescription par l'un des propriétaires , doit interrompre
qu'ils lui opposeraient la réplicalion du dol , la prescription pour le total, et par conséquent
comme dans le cas du nombre 51 , suprà. l'interrompre pour tous les propriétaires.
66. Lorsque la chose qui fait l'objet de la Pareillement , si cette chose est possédée par
prescription, est une chose indivisible, qui n'est plusieurs en commun , chacun des possesseurs
susceptible ni de parties réelles, ni même de en étant possesseur pour le total , la demande
parties intellectuelles, tel qu'est un droit de donnée contre l'un d'eux interrompt la posses
passage ; chacun de ceux qui en sont pro sion pour le total, et par conséquent contre
priétaires en commun , en étant propriétaire tous ; une même possession ne pouvant pas être
pour le total , puisqu'on ne peut pas être pro pour le total interrompue et non interrompue.
CHAPITRE III.
57. On appelle titre de possession , tout con titre, comme nous l'avons déjà remarqué suprà,
trat ou acte en conséquence duquel quelqu'un n. 1; car, de sa nature, elle ne donne au sei
a été mis en possession d'une chose. gneur qu'une propriété momentanée du fief
On appelle juste titre, un contrat ou autre saisi,jusqu'à ce quelevas'sal se présente à lafin.
acte qui est de nature à transférer la propriété, 58. La nécessité d'un juste titre pour la
par la tradition qui se fait en conséquence ; de prescription est renfermée dans la définition
manière que , lorsqu'elle n'est pas transférée, que nous avons donnée de la prescription. Nous
c'est par le défaut de droit en la personne qui l'avons définie , l'acquisition que nous faisons
fait la tradition , et non par le défaut du titre du domaine de propriété d'une chose, par la
en conséquence duquel la tradition a été faite. juste possession que nous en avons. Il faut donc,
Tels sont tous les contrats par lesquels on pour la prescription, que la possession soit une
s'oblige à donner à quelqu'un la chose même juste possession, une possession animo dominii,
qui en fait l'objet , et non pas seulement la une possession d'une chose dont on se croie
jouissance , l'usage ou la possession de cette avec fondement le propriétaire , et par consé
chose. quent qui procède d'un juste titre : car on ne
Ces titres sont appelés justes titres , parce peut se croire avec fondement propriétaire d'une
que, étant de leur nature translatifs de pro chose . qu'on possède en vertu d'un titre qui
priété , ils donnent un juste sujet à ceux qui n'est pas de sa nature translatif de propriété,
acquièrent la possession d'une chose à ces titres, ni d'une chose dont on s'est emparé sans titre.
de s'en croire propriétaires , n'ayant pu deviner C'est suivant ces principes que les empereurs
que la personne de qui ils ont acquis la chose, Dioctétien et Maximilien répondent : Nullo
et qu'ils voyaient en possession de cette chose , juslo titulo prœcedenle possidentes , ratio juris
n'en fût pas propriétaire. quœrere dominium prohibet : ideirco quùm
Suivant ces notions , les contrats de vente , etiam usucapio cesset, intentio dominii nun-
d'échange, les donations, les legs, ete., sont de quam absumitur; I. 24, Cod. de rei vind.
justes titres. Au contraire , un bail à loyer ou La Coutume de Paris, art. 113, ci-dessus
à ferme, un contrat de nantissement , un titre de rapporté , exige en termes formels un juste titre
séquestre, de précaire, ete., ne sont pas de pour la prescription dont nous traitons : elle
justes titres. dit , Quiconque a joui et possédé héritage à
Une saisie féodale n'esl pas non plus un juste JUSTE TITRE.
374 DE LA PRESCRIPTION.
Nous parcourrons, dans un premier article, chose par prescription contre Jacques , que
les différentes espèces de justes titres les plus j'ignore en être le propriétaire : car le paiement,
ordinaires, qui opèrent la prescription qui en que j'ai fait à Pierre , renferme une espèce de
procède. Dans un second , nous verrons les cho vente que Pierre m'a faite de cette chose , pour
ses qui sont requises dans le titre nécessaire la somme que je lui ai payée pour sa valeur :
pour la prescription. Dans un troisième, nous Possessor qui litis œstimationem obtulii (1),
verrons si l'opinion erronée qu'a le possesseur, pro emptore incipit (2) possidere ; l. 1, ff. pro
que sa possession procède d'un juste litre, équi- empt.
polle à ce juste titre, lorsqu'elle a un juste § II. Dr TITRE PRO 1ll '.irir
fondement. Enfin, dans un quatrième, nous 62. Le titre pro hœrede , c'est-a-dire , le titre
verrons comment le possesseur doit justifier que de succession , est aussi un juste titre. C'est un
sa possession procède d'un juste titre. titre qui est de sa nature translatif de propriété;
ARTICLE PREMIER. car il transmet à l'héritier la propriété de toutes
les choses de la succession dont le défunt était
Des différentes espèces de justes titres. propriétaire. S'il ne lui transfère la propriété des
choses
Nous les rapporterons dans le même ordre dans priétaire, que le défunt possédait sans en être pro
lequel Justinien les a rapportées dans ses Pan- c'est par lecedéfaut n'est pas par le défaut du titre ;
de droit dans la personne du
dectes. défunt, qui n'a pas pu transmettre un droit de
S I. DU TITRE PRO EMPTORE.
propriété qu'il n'avait pas. Mais il ne transmet
59. Justinien , dans ses Pamlectes, rapporte pas à son héritier la propriété de ces choses ;
en premier lieu, parmi les justes titres d'où il lui transmet, lorsqu'il les possédait en verta
procède la possession , le titre pro emptore ; d'un juste titre, le droit d'eu continuer et d'en
c'est-à-dire , le contrat de vente qui a été fait parachever la prescription.
à quelqu'un de la chose qu'il possède. 63. Observez que la possession que l'héritier
Le contrat de vente, étant de sa r ature Irnns- a des choses de la succession , n'étant pas une
lalif de propriété , est un juste titre qui peut nouvelle possession de ces choses qui commence
faire acquérir par prescription à l'acheteur de en sa personne , mais n'étant que la continua
bonne foi la chose qui lui a été vendue , par la tion de la possession qu'avait le défunt , comme
possession qui en procède. nous le verrons au chapitre suivant , le titre pro
60. Les actes équipollens à vente sont aussi hœrede ne peut seul faire acquérir par prescrip
de justes titres qu'on peut appeler pro emptore. tion à l'héritier les choses que le défunt possé
Par exemple, lorsque quelqu'un m'a donné en dait sans en être le propriétaire , s'il n'est joint
paiement d'une somme d'argent qu'il me devait à un autre juste titre d'où ait procédé la posses
une chose que je croyais lui appartenir, quoi sion du défunt. Par exemple , si la possession
qu'elle ne lui appartint pas, cette dation en que le défunt avait d'un héritage, provenait d'un
paiement est une espèce de vente qu'il me fait contrat de vente qui lui en avait été faite par
de celle chose: Dore in solutum est vendere ; quelqu'un qu'il croyait en être le propriétaire, l'en
et par conséquent cette dation en paiement est voyant en possession, quoiqu'il ne le fût pas ; la
un juste titre , semblable au titre pro emptore , prescription qui a commencé de courir au profit
qui doit me faire acquérir par prescription la du défunt, continuera de courir, et pourra se par
chose par la possession qui a procédé de ce achever au profit de l'héritier; fit, pro emptore,
titre. pro hœrede. Mais si le défunt possédait sans
61. Ulpien rapporte un autre exemple d'un titre une chose , la possession que le défunt en
titre équipoltent à vente , lorsqu'il dit : Litis avait, étant, en ce cas, une possession vicieuse,
œstimatio similis est emptioni; l. 3 , ff. pro celle de l'héritier, qui n'en est que la con
empt. Pour entendre ceci, il faut supposer que tinuation, et qui doit en avoir toutes les qua
j'ai usurpé sur Pierre la possession d'une chose qui lités, est pareillement une possession viciense;
appartenait à Jacques. Ayant été condamné a et son titre d'héritier ne peut, par cette posses
la rendre à Pierre , et ne satisfaisant pas à sion vicieuse , lui faire acquérir cette chose par
la condamnation , j'ai été condamné à en prescription.
payer à Pierre la valeur en une certaine C'est conformément à ces principes, que l'em
somme d'argent que je lui ai payée. La posses pereur Antonin répond , que le titre pro hœrede
sion quej'ai de cettechose, en vertu du paiement
qijp j'ai fait à Pierre , est une possession qui (i) Ajoutez et soli'it.
procède d'un juste titre , semblable au titre pro (a) Iocipit possidere pro emptore, quod autè
emptore , par laquelle je puis acquérir cette injnstè et sinè titulo possederai.
PARTIE I, C IAPITRE III. 373
n'est pas un titre qui seul et par lui-même puisse paré de la chose , le droit de l'acquérir par le
être un titre pour l'usucapion : Quùtn pro hœ temps de la prescription, lorsqu'il sait qu'elle a
rede usucapio locum non haheat, intelligis, ete. ; été ahandonnée , quoiqu'il ignore par qui. C'est
l. 1, Cad. de usuc. pro hœrede. le cas du titre d'usucapion pro derelicto, et
64. Il y a, néanmoins, un cas auquel un c'est de cette espèce qu'on doit entendre ce que
héritier peut commencer en sa personne la pos dit Paul : /i/ quod pro derelicto hahitum est,
session d'une chose qu'il trouve parmi les effets et haheri putamus , usucapere possumus ,
de la succession , et l'acquérir par prescription etiamsi ignoramus à quo derelictum sit; l. 4,
par le titre pro hœrede; c'est le cas auquel une ff. pro derel.
chose s'est trouvée dans la maison du défunt ,
sans que le défunt en ait jamais eu de connais S V. DD TITRE PRO LEGATO.
sance. L'héritier qui la trouve dans la maison
du défunt, et qui a un juste sujet de croire 67. Le legs , de même que la donation , est
qu'elle fait partie des effets de la succession , un juste titre qui est de sa nature translatif de
possède celle chose pro hœrede : on ne peut propriété , qui doit , par conséquent , donner
dire, en ce cas, que la possession de l'héritier au légataire le droit d'acquérir par prescription
ne soit qu'une continuation de celle du défunt, la chose qui lui a été délivrée à ce titre, lorsque
puisque le défunt, n'ayant eu aucune connais celui qui la lui a délivrée n'en était pas le pro
sance de cette chose , n'en a pu acquérir la priétaire . pourvu que le légataire ait cru de
possession. C'est de ce cas qu'il faut entendre ce honne foi qu'il l'était.
que dit Pomponius : Plerique putaverunt , si
hœres sim , et putem rem aliquam esse ex hœ- S VI. DU TITRE PRO DOTE.
reditate, quœ non sit , passe me usucapere;
l. 3 , ff. pro hœrede. 68. Par le droit romain , et encore aujour
d'hui dans les provinces régies par le droit écrit ,
S III. DU TITRE PRO DONATO. le titre de dot est un titre qui est de sa nature
translatif de propriété; car le mari acquiert le
65. II n'importe , pour acquérir par prescrip domaine de propriété des choses qui lui sont
tion une chose par la possession qu'on en a eue, données en dot par sa femme , ou par d'autres
que le titre d'où la possession procède , soit pour elle, lorsque la femme ou les autres , qui
un titre onéreux ou un titre lucratif, pourvu les lui ont données , en étaient les propriétaires.
que ce soit un juste titre , c'est-à-dire, un titre C'est une conséquence que ce titre de dot est
qui soit de sa nature translatif de propriété. un juste titre , qui lui fait acquérir par pres
C'est pourquoi Paul enseigne que le titre de cription les choses qui lui ont été données en
donation est un titre par lequel on peut acquérir dot, lorsque la femme ou autres, qui les lui
par usucapion ou prescription : Pro donato is ont données en dot , n'en étaient pas les pro
usucapit t cui donationis causa res tradita priétaires , pourvu qu'il ait cru de honne foi
est ; l. 1 , ff. pro donat. qu'ils l'étaient : Titulus est usucapionis et
quidem justissimus , qui appellatur pro dote;
S IV. DU TITRE PRO DERELICTO. ut qui in dotem rem accipiat, usucapere possit
spatio solemni, quo soient , qui pro emptoro
66. L'ahandon , que quelqu'un fait d'une usucapiunt ; l. I , ff. pro dote.
chose, ne voulant plus qu'elle lui appartienne , 6'J. Il n'importe, à cet égard , que la femme
est , pour celui qui s'empare de cette chose , un ait donné en dot à son mari certaines choses,
juste titre , un titre translatif de propriété ; car ou qu'elle lui ait donné l'universalité de ses
celui qui en fait l'ahandon, consent tacitement hiens; le mari, qui, dans l'universalité des
que le domaine de cette chose qu'il ahdique hiens que possédait sa femme, et qu'elle lui a
passe et soit transféré à celui qui s'en empa apportés en dot , trouve des choses qui n'appar
rera. tenaient pas à sa femme , peut les acquérir par
Lorsque quelqu'un a fait l'ahandon d'une prescription, titulo pro dote, pourvu qu'il ait
chose qu'il possédait comme chose à lui appar cru qu'elles lui appartenaient : Nil refert sin-
tenante, et dont il n'était pas propriétaire, cet gulœ res , an pariter universes in dotem do
ahandon ne peut faire acquérir à celui qui s'est rentur ; dict. I. 1 , § l.
emparé de la chose ahandonnée , le domaine 70. Il n'importe non plus que l'héritage ait
de propriété que n'avait pas celui qui en a fait été donné en dot sous une estimation ou sans
l'ahandon : mais cet ahandon est , dans ce cas, estimation, œstimatus an inœstimatus ; car,
un juste titre , qui donne à celui qui s'est em- en l'un et en l'autre cas , le titre de dot en
376 DE LA PRESCRIPTION.
transfère la propriété au mari, lorsque la femme tificats de la mort de son mari , qu'on avait cru
qui le lui a donné en dot , en était propriétaire ; tué à une bataille , et qui néanmoins était en
avec cette seule différence, que, lorsque la core vivant. Si , long-temps après , ce premier
femme le lui a donné sous une estimation , elle mari, qu'on croyait mort , a reparu, de manière
lui en transfère une propriété perpétuelle , à la qu'il ne soit pas douteux que le second mariage
charge seulement d'en rendre l'estimation lors soit nul, néanmoins ce mariage, quoique nul.
de la dissolution du mariage; au lieu que, ayant les effets civils d'un véritable mariage en
lorsqu'elle le lui a donné sans estimation , elle faveur de la bonne foi des parties, la dot qne
lui en transfère bien le domaine de propriété, l'homme a reçue , est une véritable dot , qui loi
mais à la charge de le lui rendre en nature lors a fait acquérir le domaine de propriété des choses
de la dissolution du mariage. Le titre de dot que la femme lui a données en dot , et dont elle
étant donc de sa nature translatif de propriété était propriétaire , et le droit d'acquérir par
en l'un et en l'autre cas , il est en l'un et en prescription celle dont il la croyait propriétaire,
l'autre cas un juste titre , qui doit donner au quoiqu'elle ne le fût pas. Lorsque l'erreur du
mari le droit d'acquérir par prescription l'hé mariage vient à être reconnue , cette dot est
ritage que la femme lui a donné en dot sans rendue à la femme , qui est obligée, en ce cas,
estimation ou avec estimation , lorsqu'elle n'en de se séparer de son second mari ; de la même
était pas la propriétaire , pourvu qu'il ait cru manière que, dans le cas d'un véritable ma
de bonne foi qu'elle l'était. riage , la dot est rendue à la femme après sa
71. N'y ayant point de dot sans mariage, dissolution.
lorsque le mariage qu'un homme et une femme 73. Une femme s'est constitué en dot cer-
ont contracté, est nul , les choses que la femme taineschoses dont elle a fait d'avance la tradition
lui a apportées en dot, ne sont point une véri à l'homme qu'elle devait épouser, avec intention
table dot ; il ne les possède point à titre de dot : de lui transférer dès lors la propriété qu'elle
la possession qu'il en a est une possession desti croyait avoir de ces choses , quoiqu'elles ne lui
tuée de titre , qui ne peut par conséquent les appartinssent pas. La célébration du mariage
lui faire acquérir par prescription : Constante ayant été retardée, on a fait la question de
matrimonio , pro dots usucapio inter eoa lo- savoir, si le temps de la prescription pour les-
cum habet , inter quos et matrimonium. Cœ- dites choses pouvait courir au profit du mari
terùm si cesset matrimonium t Cassius ait avant le mariage , dès le moment de la tradition
cessare usucapionem , quia ei doa nulla sit ; qui lui en a été faite. La raison de douter est,
dict. I. 1, § 3. que n'y ayant point de dot sans mariage, les
Ajoutez que le mariage étant illicite et nul , choses qu'il a reçues ne devant commencer à
la convention de dot, qui est un accessoire du être dotables que lors du mariage , le mari n'a
contrat de mariage , l'est pareillement, et ne pu les posséder à titre de dot avant le mariage.
peut être par conséquent un juste titre, qui La raison de décider que la prescription a couru
puisse donner à l'homme le droit d'acquérir par dès le moment de la tradition et avant le ma
prescription les choses dont la tradition lui a été riage , est que , si ce n'est pas à titre de dot
faite en conséquence. qu'elle a couru , c'est en vertu d'un autre juste
72. Ce qu'ajoute Cassius , que cela a lieu titre ; et ce titre est la convention que la femme
même dans le cas auquel l'homme aurait cru a eue avec l'homme de lui transférer d'avance
son mariage valable : Etsi maritus putavif esse la propriété de ces choses. Cette convention est
sibi matrimonium quùm non esset, usucapere une convention permise , une convention qui
eum non passe, quia ei dos nulla sit; dict. I. de sa nature est translative de propriété , puis
§ 4 , ne doit point être suivi dans notre droit , qu'elle aurait transféré à l'homme, au'moyen de
lorsque l'erreur qui a fait croire le mariage la tradition qui lui en a été faite, la propriété
valable , a un fondement probable ; car, en ce de ces choses, si la femme en eut été la proprié
cas, notre droit, en faveur de la bonne foi des taire. Cette convention est donc un juste titre ,
parties, donne les effets civils à ce mariage, qui a pu faire courir la prescription au profit do
quoique nul, comme nous l'avons vu en notre mari , dès le moment de la tradition qui lui a été
Traité du Mariage, n.438, et par conséquent il faite de ces choses : Est quœstio vulgata, an
peut y avoir une dot pour ce mariage , quoique sponsus possit, hoc est qui nondùm maritus
nul ; et le titre auquel l'homme possède les est, rem pro dote usucapere ? Et Julianus
choses que la femme lui a apportées en dot, est inquit : Si sponsa sponso eâ mente tradiderit
nn véritable titre de dot. reit ut non ante ejus fieri collet, quàm nuptiir
On peut apporter pour exemple le cas auquel secutœ sint , usûs quoque capio cessabit : si
un homme a épousé une femme sjir de bons cer tamen non evidenter id actum fuerit , creden
PARTIE I, CHAPITRE III. 377
rlum esse id agi, Julianus ait, ul statim res causâ possidemus , ex qud acquiritur, et prœ-
ejus fiant et si alienœ sint, usucapi possint : tereà pro suo; ut putà ex causd emptionis , et
quœ sententia probabilis mihi videtur. Ante pro emptore, et pro suo possideo; item donata,
iiuptias autem non pro dote usucapit , sed pro vel legata, velpro donato, velpro legatu, ctiam
suo (1) ; dict. /. 1 , § 2. pro suo possideo; l. l, ff. pro suo.
74. Une femme a donné en dot à son mari un Ces différais titres qui n'ont point de nom,
héritage qu'elle savait ne lui pas appartenir : le et qui nous font acquérir la propriété des choses
mari, qui ignorait que l'héritage n'appartint pas par la tradition qui nous en est faite en consé
à sa femme , en a acquis la propriété par l'ac quence , lorsque celui qui nous la fait ou qui y
complissement du temps de la prescription. Le consent , en est le propriétaire , sént de justes
mari étant mort depuis , et l'héritage étant re titres , cjui, lorsqu'il ne l'est pas, nous donnent
tourné à la femme , on demande si l'ancien pro le droit d'acquérir ces choses par usucapion ou
priétaire de cet héritage, qui en a perdu la prescription; et c'est cette usucapion qu'on ap
propriété par la prescription qui s'est accomplie pelle usucapion pro suo.
au profit du mari , peut néanmoins donner l'ac 77. On peut apporter pour exemple de ces
tion contre la femme pour le lui délaisser. Je differons titres , une transaction par laquelle
pense qu'il y est fondé ; car la femme ayant par celui avec qui je transigeais , m'a cédé une
la connaissance qu'elle ovait que l'héritage ne certaine chose comme à lui appartenante , quoi
lui appartenait pas , contracté l'obligation de le qu'elle ne lui appartint pas ; cette cession , qui
rendre au propriétaire , cette obligation dure m'eût fait acquérir la propriété de cette chose
toujours jusqu'à ce qu'elle l'ait acquittée. par la tradition qu'il m'en a faite , s'il en eût été
75. Il reste à observer que, dans les provinces le propriétaire , est un juste titre qui me donne
régies par le droit coutumier, le titre de dot le droit de l'acquérir par prescription : Ex
n'est point un titre translatif de propriété, ni causâ trnnsactionis habentes justam causam
par conséquent un titre de prescription à l'égard possessionis , usucapere possunt;l. 8, Cod. de
des héritages qu'une femme apporte en dot à usucap. pro empt. : c'est une usucapion pro suo.
son mari ; car la femme en demeure pro 78. La perception des fruits, que fait le pos
priétaire , le mari n'en acquiert que le gouver sesseur de bonne foi , d'un héritage qui lui avait
nement et la jouissance. été donné ou vendu par quelqu'un qui n'en était
pas propriétaire, dans les principes du droit
S VII. DU TITRE PROSCO. romain , n'en faisait pas acquérir le domaine de
propriété a ce possesseur : le domaine de pro
76. Le titre pro suo est un titre général de priété des fruits suivait celui de l'héritage; et
possession de toutes les choses dont nous acqué le propriétaire de l'héritage, lorsqu'il reven
rons, ou dont nous croyons avec fondement diquait l'héritage , revendiquait les fruits lors
acquérir la propriété. Ce titre comprend sous sa qu'ils étaient extans. Mais cette perception des
généralité tous lesdifférenstitres par lesquels nous fruits d'un héritage qu'il croyait de bonne foi
acquérons la propriété d'une chose , lorsque la lui appartenir, était un juste titre qui lui donnait
personne de qui nous la tenons , en est la pro le droit de les acquérir par droit d'usucapion , à
priétaire , tant ceux qui ont un nom qui leur est cause de la possession qu'il en avait pendant le
particulier, que ceux qui n'en ont point. temps réglé par la loi. Le titre de cette usuca
Lorsque le titre en vertu duquel je possède , pion n'est pas le titre pro emptore, ou pro
a un nom qui lui est particulier, je possède en donato; car on a bien vendu ou donné ù ce pos
vertu de ce titre et en vertu du titre général pro sesseur l'héritage dont il a perçu les fruits ,
suo; lorsqu'il n'en a point, mon titre d'acqui mais on ne lui a ni vendu ni donné ces fruits :
sition n'a d'autre nom que celui du titre général Pro nostro possidemus fructus rei emplœ vel
pro suo ; Pro suo possessio talis est , quùm donatœ; l. 2 , ff. pro suo.
dominium nobis acquiri putamus , et ex eâ 11 en est de même de l'héritier de ce posses
seur : lorsque le temps de l'usucapion ou pres
cription des choses que le défunt possédait de
bonne foi , n'est point encore parachevé, ni
(t) C'est-à-dire, en vertu de la convention que la par lui ni par son héritier, la perception que
femme a eue avec l'homme, pour lui iransférer la fait l'héritier des fruits de ces choses , depuis
propriété de ces choses , laquelle convention, de même l'adition d'hérédité , est un juste titre, qui lui
que toutes les autres qui sons de leur nature transla
tives de propriété , et qui n'ont poins de nom qui leur donne le droit d'acquérir ces fruits par droit
soit particulier, est comprise sous l'appellation géné d'usucapion , en les possédant pendant le temps
rale du titre pro suo. réglé parla loi; et cette usucapion est une usu-
Tome V. 48
378 DE LA PRESCRIPTION.
capion pro suo.C'est ce que Paul nous enseigne: peut commencer à courir que du jour du par
Fructus et partus ancillarum, et fœtus peco- tage ; car n'ayant pu savoir avant le partage si
rum, si defuncti non fuerunt, usucapi pos- ces choses m'écherraient par le partage, je n'ai
aunt; l. 4, § 5, ff. de usurp. et usucap. pu avoir , avant le partage, l'opinion que j'étais
Voyez Cujas , ad hune §, en son commentaire propriétaire de ces choses. C'est dans cette opi
sur Paul , ad lib. 54. nion quo consiste la bonne foi , sans laquelle la
Dans notre droit français , le possesseur de prescription ne peut courir.
bonne foi acquiert de plein droit le domaine de 80. Lorsqu'un homme , par son contrat de
propriété des fruits qu'il perçoit, sans qu'il ait mariage, a apporté à la communauté un héri
besoin du secours de la prescription,' comme tage ou quelque autre chose dont il était, pos
nous l'avons vu en notre Traité du domaine de sesseur de mauvaise foi ; si cet héritage , par
Propriété, n. 341. le partage des biens de la communauté, tombe
On peut voir encore un autre exemple d'usu- à la femme, qui ignorait qu'il n'appartint pas à
capion pro suo , suprà, n. 73. son mari , elle pourra l'acquérir par la pres
79. Il n'est pas douteux que les contrats cription, en vertu du titre par lequel son mari
d'échange et de bail à renle, étant de leur na l'a apporté en communauté ; et le temps de cette
ture translatifs de propriété , sont de justes prescription commencera à courir du jour du
titres , par lesquels je puis acquérir par pres partage par lequel il lui est échu.
cription l'héritage qui m'a été donné en échange Lorsque c'est la femme qui a apporté à la
du mien, ou à bail à rente, par quelqu'un que communauté un héritage qu'elle possédait de
je croyais en être le propriétaire , et qui ne mauvaise Toi, le mari, qui ignore que cet hé
l'était pas. ritage n'appartenait pas a la femme, et qui en
Le contrat de société est un contrat qui est est possesseur de bonne foi, en vertu du titre
de sa nature translatif de propriété ; car j'ac de son contrai de mariage , par lequel sa femme
quiers, par ce contrat, la propriété des choses l'a apporté en communauté, peut commencer
que mon associé a apportées par le contrat à la la prescription de cet héritage du jour qu'il en
société, et qui , par le partage qui s'est fait des a été mis en possession pendant le mariage , et
biens de la société , sont tombées dans mon lot , la parachever pendantMe mariage ; car le mari,
lorsque mon associé en était le propriétaire. Ce pendant le mariage , est réputé seigneur pour le
contrat est donc un juste titre qui, ne pouvant total de tous les biens qui composent la com
me transférer la propriété de ces choses , lors munauté. Mais si , par le partage qui en sera fait,
que mon associé de qui je les tiens ne l'avait cet héritage apporté par la femme tombe à la
pas , doit au moins me donner le droit de les femme , l'héritage étant censé , en ce cas , lui
acquérir par prescription. Il doit me donner avoir toujoursappartenu et n'avoirjamais appar-
causans usucapiendi. au mari , la prescription n'aura pas lieu.
La question est de savoir de quand commence
à courir cette prescription. Lorsque mon asso S VIII. DU TITRE PRO SOLCTo:
cié qui. a apporté ces choses à la société, en
était lui-même le possesseur de bonne foi en 81 . Le paiement qu'on nous fait d'une chose ,
vertu d'un juste titre, le temps de la prescrip et qui nous en .transférerait la propriété , si
tion de ces choses qui a commencé à courir au celui qui le fait ou qui y consent , en eût été le
profit de mon associé , continue de courir au propriétaire, est un juste titre de possession
profit de la société depuis qu'il les y a appor qui nous donne le droit d'acquérir la chose par
tées; et s'il n'est pas encore parachevé au temps prescription , lorsqu'il ne l'était pas. Les juris
du partage, il continue de courir au profit de consultes ont donné à ce titre le nom de pro
celui des associés à qui elles tombent par le par soluto.
tage. Je possède pro soluto , et je puis prescrire
Lorsque mon associé était possesseur de mau pro soluto, la chose qu'on m'a payée, la chose
vaise foi des choses qu'il a apportées à la même qui m'était due , soit qu'on m'en ait payé
société, et qui me sont tombées par le partage, une autre que j'ai bien voulu recevoir à la place :
la prescription ne peut en ce cas, commencer à Pro soluto usucapit , qui rem dvbiti causa rc-
courir qu'en ma personne. Quoiqueje sois censé cipit: et non tantùm quod debetur, sedet quod-
avoir acquis pour le total ces choses qui me libet pro debito solutum , hoc titulo usucapi
sont tombées en partage, dès le moment du potest ; l. 46 , ff. de usurp. et usucap.
contrat de société , par l'effet rétroactif que 82. Observez néanmoins cette différence,
notre jurisprudence française donne aux par que, lorsque c'est la chose meme qui m'était
tages, néanmoins le temps de la prescription ne due , qui m'est payée, c'est le titre en vertu
PARTIE I, CHAPITRE III. 379
duquel elle m'était due , qui est le principal titre que le titre d'où la possession procède, soit un
de la pos-ession que j'en ai , et de la prescrip titre qui soit de sa nature translatif de propriété,
tion que j'en acquiers : le titre pro soluto ne comme nous l'avons vu dans tout l'article pré
fait que concourir avec ce titre , et n'en est que cédent,
l'exécution. Il faut , 1« que ce filre soit valable ; 2s il faut
Par exemple , si on me fait le paiement et la qu'il ne soit pas suspendu par quelque condi
tradition d'une chose qui m'était due en vertu tion ; 3« enfin, il faut qu'il continue d'être le
de la vente qui m'en avait été faite , le principal titre de cette possession , pendant tout le temps
titre de la possession que j'en ai , est le titre pro requis pour l'accomplissement de la prescrip
emptore, quoiqu'on puisse dire aussi que je la tion.
possède pro soluto. Mais lorsque la chose qu'on
m'a donnée en paiement , est une autre chose S I. IL FAUT QUE LE TITRE SOIT UN TITRE VALARLE.
que celle qui m'était due, c'est , en ce cas, le
seul titre pro soluto qui est le titro'de la pos 85. Pour qu'un possesseur puisse acquérir
session que j'ai de cette chose, et de la pres par prescription la chose qu'il possède, il faut
cription que j'en acquiers. que le titre d'où sa possession procède, soit un
Par exemple , si vous m'avez vendu l'héri titre valable. Si son titre est nul, un titre nul
tage A, dont vous étiez obligé de me faire la n'étant pas un titre, la possession qui en pro
tradition , et que , en paiement de cette obliga cède est une possession sans titre, qdi ne peut
tion , vous m'ayci donné l'héritage B, que j'ai opérer la prescription.
bien voulu recevoir à la plane; le titre de la Par exemple, l'institution d'héritier d'une
possession que j'ai de l'héritage B, n'est pas le personne qui en était incapable par les lois ,
titre pro emptore ; car ce n'est pas celui que j'ai étant un titre nul ; si cet incapable , dont l'inca
acheté : je le possède pro soluto, et je l'acquiers pacité pouvait n'être pas connue, s'est mis en
par prescription , fit. pro soluto, si vous n'en possession des biens de la succession du défunt
étiez pas le propriétaire, et que je crusse de qui l'a institué héritier , son titre étant un titre
bonne foi que vous l'étiez. nul, il ne peut rien acquérir par prescription
Lorsque c'est eu paiement d'une somme d'ar des biens de cette succession : Constat eum
gent , qu'une chose m'a été donnée, la possession (demùm) qui testamenti factionem habet , pro
que j'en ai, outre le titre pro soluto, a aussi hœrede usucapere passe ; /. 4, ff. pro hœrede.
pour titre celui pro emptore; car la dation d'une Il en est de même d'un legs, qui aurait été
chose en paiement d'une somme d'argent, est fait à cet incapable : il ne pourra pas acquérir par
une espèce de vente de cette chose , Daru in prescription la chose léguée , dont l'héritier, qui
solutum est vendere ; comme nous l'avons vu ne connaissait pas son incapacité, lui a fait
suprà, n. 60. délivrance ; car le legs , qui est le titre d'où sa
83. Observez, à l'égard du titre pro suluto, possession procède , est un titre nul , qui ne peut
que quoiqu'un paiement suppose une dette, subsister en sa personne, étant par les lois inca
néanmoins celui a qui on a payé une chose qu'il pable du legs : Nemo potest legatorum nomine
croyait de bonne foi lui être due, quoiqu'il ne usucapere , nisi is, eum quo testamenti factio
lui fut rien dû, peut la pre-crire. C'est ce qu'en est, quia ea possessio ex jure testamenti pro-
seigne Pomponius : Hominem , quem ex slipu- ficiscitur ; l. 7 , £f. pro leg.
latione te mihi debere falsô eristimabas , tra- 86. Lorsque quelqu'un s'est mis, à titre de
didisti mîhi; si scissem te 1nihi nihil debere , succession , en possession des biens de son parent
usu eum non capiam : quia si nescio , verius qu'il croyait mort, quoiqu'il fût encore vivant,
est ut usucapiam , quià ipsa traditio ex il ne peut rien acquérir desdits biens par pres
causa (1) , quam veram existimo , sufficit ad cription , car son titre est un I itre nul , ne pouvant
efficiendum ut id , quod mihi traditum est, pas y avoir de succession d'un homme vivant :
pro meo possideam ; l. 3, S. pro suo. Pro hœrede ex vivs bonis nihil usucapi potest,
ARTICLE II. etiamsi possessor mortui retn fuisse existima-
Des choses requises à l'égard du titre pour la verit ; l. I , £f. pro luerede.
prescription. Au contraire , si une chose léguée a quelqu'un
lui a été délivrée du vivant du testateur , il peut
84. Outre qu'il faut, pour la prescription, l'acquérir par prescription, s'il a cru quelle
(i) Pourvu que ce ne soit pas ex causa emptionis appartenait au défunt qui la lui a léguée : Ea
quam Jalsù crediderim intervenisse ; I. 4^s ff, de ses, quœ legati nomine tradita est, quamvis
usurp. et usu cap. Voyez la raison de cette excepiion. dominus ejus vivat, legatorum tamen nomine
infrà , n. 0,5. usucapietur ; /. 6, ff. pro leg. Si is, cui
380 DE LA PRESCRIPTION.
tradita est, mortui esse existimaverit ; l. &, En général , lorsqu'un héritier m'a délivré une
ff. dict. M. chose comme m'avant été léguée , soit qu'elle
Cujas dit, pour raison de différence, qu'il ne l'ait été ou non , j'ai un titre pour l'acquérir par
peut pas y avoirde succession d'un homme vivant; prescription : s'il n'y a pas eu de legs , ce ne
au lieu qu'il peut y avoir des legs d'un homme sera pas le titre pro legato, mais ce sera le titre
vivant, un testateur pouvant délivrer d'avance pro suo : Quod legatum non sit, ab hœrede
à quelqu'un les choses qu'il lui a léguées. tamen perperàm traditum sit, placet à lega-
87. Une donation entre oonjoints par mariage tario usucapi, quia pro suo possidet; l.
étant un titre nul, c'est une conséquence que § 2, ff. pro suo.
le conjoint donataire ne peut, ni pendant son 89. Lorsque quelqu'un m'a vendu une chose,
mariage, ni depuis sa dissolution , acquérir par et m'a fait, par lo contrat, remise du prix, ce
prescription la chose qui lui a été donnée par contrat est nul comme vente, mais il est vala
l'autre conjoint. ble comme donation; c'est pourquoi, il peut
Mais si, après la mort du conjoint donateur, servir de titre pour acquérir la chose par pres
son héritier consentait l'exécution de cette dona cription : ce ne sera pas le titre pro emptore,
tion, ce consentement de l'héritier à la donation mais ce sera le litre pro donato : Donationss
est un nouveau titre qui est valable, qui trans causâ factd venditione , non pro emptore, sed
fère au donataire la propriété de la chose, lorsque pro donato res tradita usucapitur; 1.6, S. pro
l'héritier en est le propriétaire , ou le droit de donato.
l'acquérir par prescription , lorsqu'il ne l'est
pas : >Ss inter virum et uxorem donatio facta S II. IL FAUT QUE LE TITRE NE SOIT PAS SUSFENDU
sit, cessat usucapio. Item, si vir uxori rem PAE QUELQUE CONDITION.
donaverit, et divortium intercesserit , cessare
usucapionem Cassius respondit, quoniàm non 90. Pour que le temps de la prescription d'une
possit causani possessionis sibi ipsa mutare; chose puisse commencer à edurir, il faut que le
aliàs ait, post divortium ità usucapturam , si titre d'où la possession procède , ne soit sus
eam maritus (1) concesserit, quasi »une do- pendu par aucune condition; car tant que la
nasse intelligatur i l. V, J 2 , ff. pro donato. condition n'est point encore accomplie, étant
88. Lorsque le défaut de litre ne procède que incertain si ce titre aura effet, et s'il aura acquis
de quelque défaut de forme , si celui en faveur au possesseur la chose qu'il possède , le posses
s de qui la forme est établie veut bien passer seur ne peut pas la posséder comme une chose
par-dessus la forme, et regarder le titre comme qui lui appartient , mais comme une chose qui
valable , il doit être réputé valable. Par exemple, pourra lui appartenir , si la condition existe : il
lorsqu'il y a dans un legs quelque défaut de ne peut pas encore avoir, à l'égard de cette
forme, si l'héritier a bien voulu n'y pas avoir chose , opinionem quœsiti dominii , laquelle
égard , et a fait au légataire la délivrance de la est nécessaire pour faire courir le temps de la
chose léguée, le légataire en acquiert la pro prescription , comme nous l'avons vu supra.
priété , si l'héritier en était le propriétaire; ou C'est conformément à ces principes, que Paul
le droit de l'acquérir par prescription , lit. pro dit : Si sub conditions emptio facta sit t pen-
legato , s'il ne l'était pas : Pro legato usucapit,
cui rectè legatum relictum est; sed etsi non
jure legatum relinquatur (2) pro legato subtilitatc jnris ; mais elle donnait seulement à l'hé
usucapi post magnas varietates obtinuit ; ritier une exception pour se défendre de l'acquitter.
I. 9, S. pro legato. Si l'héritiervoulait bien ne pas profiier de cetie excep
tion, ei délivrait au légntaire la chose léguée, le
légataire la possédait^ro legaio . et pouvait l'acquérir
(l) Le divorce n'étant pas admis parmi nous, j'ai par prescripiion pro legato, si l'hériiier, qui la lui
changé l'espèce; et au lieu du cas du consentement avais délivrée, n'en ésait pas le propriésaire. Dans
donne par le mari après ledivorce, j'ai substitué celui notre droit ,1a volonté de révoquer le legs, de qoelque
du consentemeni douné par l'héritier, qui est un cas manière qu'elle soii déclarée, détruii eniièremens le
semblable. legs. C'esi pourquoi si l'héritier, quoiqu'il eût con
(a) J'ai supprimé les mots vel ademptum est, qui naissaoce de la révocation, a bien voulu dclivrer au
suivaient, comme renfermant un cas qui ne peut légaiaire la chose léguée , le légataire ne la possédera
avoir d'application dans notre droit. Par le droit pas pro legato, n'y ayani poins de legs; mais il la
romain , un legs ue pouvaii être légalement révoqué possédera pro suo ou pro donato , et pourra la pres
que testamento , nul codicillis testamento conjir- crire pro suo ou pro donato; la délivraoce, que l'hé
mat/s la révocation qui en ésait faiie , extra testa- ritier lui en a faite, étans une donation qo'il lui en a
mentum nudâ volnntate , ne détiuisait pas le legs faite.
PARTIE I, CHAPITRE II». 881
dente conditions emptor usu non capit ; l. 2, La vente qui m'a été faite, étant un titre qui
§ 2 , £f. pro empt. dépend de la condition de la vatification de ce
91. Paul ajoute que la prescription ne peut tel , la prescription ne peut commencer à courir,
courir avant l'accomplissement de la condition, suivant le principe que nous venons d'exposer,
quand même le possesseur croirait par erreur que du jour de l'accomplissement de la condition
que la condition est accomplie : Idemque est, par cette ratification : tant que ce tel n'a pas
etsi putet conditionem extitisse, quœ nondùm ratifié, il est incertain s'il ratifiera, s'il m'aura
extitit; similis est eniin ei quiputat se emisse; transféré le droit qu'il peut avoir dans l'héritage.
dict. %. Je n'ai donc pas eu, ni même pu avoir, avant la
La raison est, que l'opinion quœsiti dominii ratification, opinionem quœsiti dominii, qui
qui est nécessaire pour faire courir le temps de est absolument nécessaire pour faire courir le
la prescription, doit être une opinion qui résulte temps de la prescription. En vain opposerait-on
du titre d'où la possession procède. Or, tant que quela ratification a un effet rétroactifau contrat :
le titre , d'où la possession procède , est sus cela et vrai entre les parties contractantes; mais
pendu par une condition , il n'est point encore elle ne peut avoir cet effet au préjudice des tiers,
de nature à pouvoir faire croire au possesseur contre lesquels doit courir la prescription.
que la chose lui est acquise; la fausse opinion, 93. Observez qu'il n'y a que les conditions
qu'a le possesseur , que la condition est accom suspensives, qui empêchent la prescription de
plie, et qu'en conséquence la chose qu'il a courir jusqu'à leur accomplissement. Il n'en est
achetée lui est acquise , étant une opinion qui pas de même de celles qui ne sont que résolu
ne résulte pas du titre d'où procède sa posses toires. La raison de différence est, que les con
sion, et n'ayant pas un fondement suffisant , elle ditions suspensives suspendent et arrêtent jusqu'à
ne peut faire courir la prescription ; l'opinion , leur accomplissement tout l'effet du contrat au
qu'aurait un possesseur , qu'il a acheté la chose quel elles sont apposées. Par exemple, lorsqu'une
qu'il possède, et qu'il en a en conséquence condition suspensive est apposée à un contrat
acquis la propriété , si , dans la vérité , il ne l'a de vente, il est incertain, jusqu'à son accom
point achetée , ne suffit point pour faire courir plissement, si la tradition de la chose vendue , qui
la prescription, parce quelle n'a pas un fonde a été faite à l'acheteur, en exécution du contrat,
ment suffisant. Par la 'même raison, la fausse lui en a transféré la propriété : il ne peut donc,
opinion, qu'a le possesseur, que la condition avant l'accomplissement de la condition, avoir,
de son contrat d'acquisition est accomplie , ne à l'égard de cette chose , opinionem dominii,
doit pas la faire courir. qui est nécessaire pour faire courir la prescrip
92. Paul propose ensuite le cas inverse , qui tion. Au contraire, les conditions qui ne sont
est celui auquel la condition est accomplie sans que résolutoires, n'empêchent pointel n'arrêtent
que le possesseur en ait encore connaissance ; point l'effet du contrat ; elles le détruisent seu
et il décide que le temps de la prescription com lement pour l'avenir, lorsque les conditions
mence a courir du jour de l'accomplissement de viennent à s'accomplir. Par exemple, lorsqu'on
la condition , et non pas seulement du jour de a apposé à un contrat de vente une condition
la connaissance que le possesseur en aura : qui n'est que résolutoire , cette condition n'ar
Contrà si extitit et ignoret, potest dici (secun- rête point l'effet du contrat ; elle n'empêche
dum Sabinum , qui potiùs substantiam intue- point que la tradition de la chose vendue, qui
tur quani opinionem) usucapere eum ; dict. §. est faile à l'acheteur en exécution de ce contrat ,
La raison est que, quoique n'ayant pas encore ne lui en transfère la propriété aussitot et dès le
eu connaissance que la condition est accomplie, moment de cette tradition : l'acheteur a donc,
il n'ait pas encore une opinion formelle que la dés ce moment, à l'égard de cette chose, une
chose lui est acquise , néanmoins il a un fonde justeopinion que la propriété lui en a été acquise;
ment pour l'avoir, ce qui doit suffire pour faire et par conséquent, lorsqu'elle ne l'a pas été,
courir le temps de la prescription ; et c'est un parce que le vendeur n'était pas propriétaire, le
des cas de cette règle de droit : Plus valet quod temps de la prescription doit, dès ce moment,
in veritate est , quàm quod in opinions. Instit. commencer à courir au profit de l'acheteur, et
fit. deleg., § 11. même se parachever, tant que la condition réso
Suivant ces principes , lorsque quelqu'un , lutoire n'a pas encore existé.
comme se faisant fort d'un tel , qu'il a promis C'est pourquoi, dans le cas de la vente qu'on
de faire ratifier, m'a vendu un héritage ; quoi appelle addictio in diem, qui est celle qui est
qu'il m'en ait mis en possession incontinent après faite à quelqu'un, à condition qu'elle n'aura lieu
le contrat , le temps de la prescription ne com qu'au cas qu'un autre, d'ici à un certain temps,
mencera à courir que le jour de la ratificatien. n'offre pas une condition meilleure ; pour savoir
382 DE LA PRESCRIPTION.
>i le temps de la prescription doit courir au ouverture à la prescription, qu'un possesseur
profit de l'acheteur, du jour de la tradition de la croie qu'il est intervenu un juste titre , d'où ss
chose vendue, quia été faite à l'acheteur en possession procède, s'il n'est pas intervenu. Par
exécution de ce contrat , ou si elle ne peut courir exemple , il ne suffit pas qu'il croie qu'une chose
que du jour de l'accomplissement de la condi lui a été vendue, qu'elle lui a été léguée, si elle
tion, Paul fait dépendre la question de celle de ne lui a été ni vendue ni léguée. Celsus , lib. 34,
savoir si on doit regarder la condition comme Errare eosait qui existimarent, cujusrei q ni
suspensive, ou seulement comme résolutoire; que bond fille adeptus sit possessionem . pro suc
et il décide, suivant l'opinion de Julien, que la usucapere euns posse : nihil referre, emerit .
condition ne doit être regardée que comme réso nec ne; donatum sit, nec ne; si modo emptum .
lutoire, et qu'en conséquence elle ne doit pas vel donatum sibi existimaverit : quia neque pns
arrêter le cours de la prescription : Si in (tieni legato, neque pro donato, neque pro dote usu -
addictio facta sit (id est, nui quia meliorem capio valeat,sinulla donatio. nulle, dos, nulium
conditionem attidcrit) , perfectam esse emp- legatum sit; idem et in litis œslimalione placet,
tionem, et fructus emptoris effici, et usuca- ut, nisi quis verè litis œstimationem subierit ,
pionem procedere Julianus putabat ; alii , et usucapere non possit ; l. 27, ff. do usurp. et
hanc sub condilione esse contractani ; iile non usucap. Il en est de même des autres titres de
contrahi (1), sed resolvi dicebat : quœ sententia prescription. Par exemple, il ne suffit pas , pour
rera est ; l. 2, § 4 , ff. pro empt. Paul fait le que quelqu'un puisse acquérir une chose par
même examen à l'égard d'autres conditions, aux prescription pro derelicto , qu'il ait cru que cette
paragraphes 3 et 5. chose, dont il s'est emparé, était une chose que
celui qui en était le possesseur, avait aban
S III. Il r,VCT QUE LE JUSTE TITRE DOU PROCÈDE LU. donnée, si elle l'avait pas été : Nemo potest pro
POSSESSION CONTINUE D'ÊTRE LE TITRE DE CETTE dereliclo usucapere qui falso existimuverit rem
POSSESSION PENDANT TOUT LE TEMPS RI.QUIS POUR pro derelicto habitani esse ; l. 6, ff. pro derel.
L'ACCOMPLISSEMENT DE LA PRESCRIPTION. C'est surtout à l'égard du litre pro emptore,
94. Pour que le juste titre, d'où procède la qu'il ne suffit pas, pour acquérir une chose par
possession d'un possesseur de bonne foi , puisse prescription, que le possesseur se soit fausse
opérer la prescription, il faut qu'il continue ment persuadé l'avoir achetée, s'il n'y a point
d'être le titre de cette possession, pendant le eu de vente ; car c'est une chose particulière à
temps requis pour l'accomplissement de la pres la prescription pro emptore, qu'il faut, pour
cription. Si, avant l'accomplissement de ce cette prescription , que le possesseur ait été de
temps, il survient au possesseur un nouveau bonne foi , non seulement au temps de la pres
titre pour la continuation de sa possession, le cription, par laquelle a commencé la possession,
titre par lequel le possesseur avait commencé, mais encore au temps du contrat, comme nous
n'étant plus le titre de celle qui continue, ne l'avons vu suprà. Il faut donc qu'il y ait eu un
peut plus opérer la prescription : le temps de la contrat : Pro emptore possidet qui rcvera emit :
prescription qu'il avait fait courir est an-cté, nec sufficit tantùm in eâ opinione esse eum . ut
dès qu'il cesse d être le titre de la possession qui pnlel se pro emptore possidere; sed debet eliani
continue; et si le titre de celle qui continue subesse causa emptionis. Si tamen existimans
n'est pas de ceux par lesquels on peut prescrire , me debere, tibi ignoranli tradam, usucapies.
la prescription ne pourra s'accomplir. C'est ce Quare ergo, elsipulem me vendidisse et tradam,
qu'enseigne Pomponius : Qui quùni prohœrede non copies usu? Scilicet quia in cœteris con
vel pro emptore usucaperet (2), precario roga- tractions sufficit Iraditionis tempus .' sic deni-
vit , usucapere non potest ; l. 6, ff. pro empt. que si sciens stipuler, rem alienani usucapiam,
si, quùm traditur mihi , existimem illius esse;
ARTICLE III. al in emptione et illud tempus inspicitur quo
contrahitur. Iyitur et bond fide emisse debet,
Si l'opinion d'unjuste titre qui n'a point existé et possessionem bond fido adeptus esse ; I. 2 .
peut donner lieu à la prescription. ff. pro empt.
95. Ordinairement il ne suffit pas, pour donner 96. Néanmoins, même à l'égard du titre pro
emploie, lorsque l'opinion, qu'a le possesseur
qu'il possède une chose à litre de vente, quoi
(l) Sub conditione t sed tanlùm resolvi suh condi qu'il n'y ait point eu de vente, a un juste fonde
tionf. ment ; celle opinion, qui est appuyée sur un
(a) id est. usuenpionis tempus incJioaverut , et juste fondement, équivaut à un titre, et peut
nondnon compleeeroi. être comprise sous le titre général pro suo, et
PARTIE I, CHAPITRE III. .38$
elle peut en conséquence donner ouverture à la s'agit de faire acquérir à quelqu'un le hien d'au-
prescription. Africain apporte pour exemple le trui , et d'en dépouiller le véritahle propriétaire.
cas auquel j'ai donné commission à quelqu'un La réponse est , que l'opinion qu'a le posses
de m'acheter une chose. Mon mandataire m'a seur, que sa possession procède " de quelque
remis cette chose, qu'il m'a dit avoir achetée en juste titre, quoiqu'elle soit fausse, lorsqu'elle
exécution de la commission que je lui en avais est appuyée sur un juste fondement , est elle-
donnée : quoiqu'il ne l'eût point achetée, et que ce même un juste titre, compris sous le titre géné
fut une chose qui fût par-devers lui , le mandat , ral pro suo : un tel possesseur peut donc dire
quej'ai donné à ce commissionnaire, de m'acheter qu'il est dans les termes de la Coutume de Paris,
cette chose qu'il m'a remise, est pour moi un et qu'il a possédé ajuste titre. La Coutume de
juste fondement de croire que cette chose a été Paris, en l'art. 113, et les autres Coutumes
achetée pour moi , et qu'il est intervenu un con semhlahles , n'ont entendu faire autre chose que
trat de vente. Cette opinion que j'ai, appuyée d'adopter la décision du droit romain sur la
sur un tel fondement, équivaut a un titre, et prescription de dix et vingt ans : les dispositions
doit donner ouverture à la prescription de la de ces Coutumes doivent donc s'entendre et
chose que je possède dans cette opinion : Quod s'interpréter suivant les principes du droit ro
rulgô traditum est , eum , qui existimat se quid main , lorsque rien n'ohlige de s'en écarter.
emisse , neC emerit , non posse pro emptore
usucapere : hactenùs verùm esse ait , sinullam ARTICLE IV.
justam causam ejus erroris emptor (1) haheat.
Aam si fortè servus vel procurator, cui etnen Comment le possesseur doit justifier du titre
dam rem mandasset , persuaserit ei se emisse , d'où procède sa possession.
atque ità tradiderit , magis esse , ut usucapio
sequatur; l. 1 1 , ff. pro etnpt. 98. C'est, à la vérité, au possesseur à justifier
Paul rapporte un autre exemple : "Un homme, du contrat ou autre acte, qu'il prétend être le
dont je ne connaissais pas le dérangement d'es juste litre d'où procède sa possession. Par exem
prit, m'a vendu et livré une chose , sans me ple , s'il prétend qu'elle procède d'une vente qui
donner alors aucun signe de son dérangement. lui a été faite de l'héritage qu'il possède , il doit
Cette vente est nulle : un fou n'étant pas capa en justifier parle rapport d'une expédition du
hle de contracter , il n'y a pas eu de vente. Mais contrat qui en a été passé devant notaire.
cette ventenulle est pour moi, qui n'ai pu devi Il n'est pas nécessaire que le contrat de vente
ner le dérangement d'esprit du vendeur , un ait été ensaisiné, même dans les Coutumes qui
juste fondement de croire que la chose m'a été assujettissent ces contrats à cette formalité.
vendue; et cette opinion que j'ai, ayant un jute L'ensaisinement peut être nécessaire pour faire
fondement, équivaut à un titre pour donner courir le temps du retrait lignager, ou quelque
ouverture à la prescription : Si à furioso, quem autre cas ; mais, pour la prescription , il suffit que
putetn sanœ mentis, emero, constitit usucapere le possesseur justifie que sa possession procède
utiîitatii causa me passe, quamvis nulla esset d'une vente ou de quelque autre juste titre , et il
emptio; I. 2, § 1is, ff. pro empt. justifie suffisamment que cette est vente inter
97. C'est mal à propos que Lemaître, sur la venue, parle rapport de l'expédition du contrat,
Coutume de Paris, a écrit que la décision des qui en a été passé devant notaire, sans qu'il soit
jurisconsultes romains, qui enseignent que hesoin d'ensaisinement.
l'opinion d'un juste titre, quoiqu'elle soit fausse, 99. Si la vente , qui a été faite de l'héritage
lorsqu'elle est appuyée sur un juste fondement, au possesseur, ou tout autre juste titre, d'où
équivaut à un titre, et donne ouverture à la procède sa possession, avait été fait par un acte
prescription , ne doit pas être suivie dans la Cou" sous signatures privées , le possesseurjustifierait
tume de Paris et autres semhlahles, qui exigent suffisamment de ce titre, par le rapport de l'acte
pour la prescription en termes formels , un titre sous signatures privées qui en a été passé.
par ces termes : Si aucun a joui et possédé. Mais comme les écritures privées font hien foi,
àjuste titre, ete. L'opinion erronée d'un titre, même contre les tiers, que les octes qu'elles
quelque fondement qu'elle ait, n'est pas, dit cet contiennent sont intervenus, mais qu'elles no
auteur, un titre, et ne peut par conséquent font pas également foi contre les tiers, du temps
remplir ce que la Coutume exige pour la pres auquel ces actes sont intervenus, à cause de la
cription ; on ne doit y rien suppléer, lorsqu'il facilité qu'il y a de les antidater, comme nous
l'avons vu en notre Traitédes Ohligations, «.750,
le possesseur qui a justifié du titre d'où sa pos
(t) Ce possesseur qui se croit achetent. session procède, par le rapport de l'acte sous
DE LA PRESCRIPTION.
signatures privées qui en a été passé, doit d'ail . La Coutume de Paris a une disposition !
leurs prouver par témoins le temps qu'a duré sa singulière à l'égard du juste titre d'où doit pro
possession, qui a procédé de ce titre. C'est la céder la possession du possesseur d'un immeu
disposition d'un arrêt du 29 décembre 1716, qui ble, qui oppose la prescription de dix ou vingt
se trouve au sixième volume du Journal des ans; elle veut que ce possesseur soit cru à son
Audiences. serment du titre par lequel il avait acquis lui-
100. Le possesseur n'est pas reçu u la preuve même d'un tiers l'héritage ou autre immeuble
testimoniale de la vente ou autre titre, d'où il pour lequel il oppose la prescription.
prétend que procède sa possession , sinon en Lorsque ce possesseur dit avoir acquis dn
trois cas : 1« lorsqu'il n'en a pas été passé d'acte, demandeur; si le demandeur le dénie avec ser
et que la chose est d'une valeur qui n'excède pas ment, le posssesseur est obligé à justifier du
la somme de cent livres ; 2« lorsqu'il y a déjà un titre par lui allégué.
commencement de preuves par écrit ; 3« lorsque Pareillement , lorsqu'il fait procéder sa pos
les actes par écrit sont péris par quelque acci- session, non de son propre titre, mais du titre
dent de force majeure , et que cet accident de de son auteur, le titre de son auteur, n'étant
force majeure est constant; nomme lorsqu'ils pas de son fait , il n'en est pas cru à son ser
ont péri dans l'incendie de la maison où ils ment, mais il en doit justifier.
étaient en dépot; et en général toutes les fois Cette disposition de la Coutume de Poitou,
que le possesseur peut justifier^qu'ils ont été qui veut que le possesseur soit cru à son serment
perdus sans sa faute. C'est à ce cas que nous de titre , doit être restreinte dans son territoire :
devons appliquer ce rescrit de Dioclétien et elle ne s'accorde guêre avec l'horrible corruption
Maximilien : Lougi temporispossessione muni- des mœurs de notre siècle, et avec l'irréligion
tis r instrumentorum ainissio nihil juris au- qui fait tant de progrès, et qu'on professe si
fert; l. 7. Cod. de prœscr. long. temp. publiquement et si impunément.
CHAPITRE IV.
CHAPITRE V.
125. Justinien ayant fondu le droit d'usuca hœrede , qnominùs persecutio pignoris
pion des héritages dans la prescription de dix ou sit ; ut enim ususfructus usucapi non
vingt ans, qu'il a établie par sa constitution , ilà persecutio pignoris quœ nulld societate do-
et que la Coutume de Paris, par l'art, 1 13, a minii conjungitur, sed sold conventions consti-
adoptée , cette prescription est un vrai droit tuitur, usucapione rei non perimitur ; l. 44,
d'usucapion, qui fait acquérir au possesseur le § 5, ff. de usurp. et usucap.
domaine de propriété de l'héritage ou autre Au contraire, à l'égard de la prescription de
immeuble , qu'il a possédé en vertu d'un juste dix ou vingt ans , les empereurs Dioctétien et
titre et de bonne foi, pendant le temps requis Maximilien répondent : Neque data pignoriprœ-
pour l'accomplissement de la prescription. dia post intervallum longi temporis tibi aufe-
Plusieurs Coutumes, qui, comme celle de renda sunt, quando etiam prœsentibus credito-
Paris , ont adopté cette prescription , s'en expli ribus decem annorum prœscriptionem opponi
quent en termes formels. Senlis, art. 1 18, dit, posse tàm rescriptis nostris quàm priorum
Ils acquièrent par prescription la propriété et principum statutis probatum sit ; l. 2, Cod. si
seigneurie. Anjou dit pareillement, art. 431, A adt). cred. prœscr.
acquis le droit et propriété de la chose. Valois, La raison de différence était, que l'usucapson
art. 120 , A acquis et gagné le droit de la n'avait été établie que pour acquérir le domaine
chose. civil des choses mancipi, et que lesdroits réels,
126. La prescription de dix ou vingt ans, que des tiers ont dans les choses, n'étaient pas
non seulement fait acquérir au possesseur le susceptibles d'usucapion , au lieu qu'ils sont
domaine de propriété de l'héritage; elle le lui susceptibles de la prescription de dix ou vingt
fait acquérir aussi franchement et pleinement ans.
qu'il a cru de bonne foi l'avoir , et elle éteint La Coutume do Paris a pareillement attribué
de plein droit les rentes foncières , hypothèques à la prescription de dix ou vingt ans , l'effet de
et autres charges réelles dont l'héritage était faire acquérir au possesseur qui , en vertu d'un
chargé , qui n'ont point été déclarées au posses juste titre, a possédé de bonne fei un héritage
seur par son contrat d'acquisition , et qu'il a 'pendant le temps requis pour la prescription .
ignorées. l'affranchissement de toutes les hypothèques,
En cela, parle droitromain , la prescription de rentes foncières et autres charges réelles dont
dix ou vingt ans avait plus d'effet que n'en avait cet héritage est chargé, qui n'ont point été
l'ancien droit d'usucapion ; car celui-ci faisait déclarées à ce possesseur par son contrat d'ac
bien acquérir le domaine , mais il le faisait quisition , et qu'il a ignorées. Elle en a une
acquérir tel que l'avait eu l'ancien propriétaire, disposition expresse en l'ort. 1 14, qui est conçu
avec toutes les hypothèques et autres charges en ces termes : « Quand aucun a possédé et joui
dont cet héritage était chargé : Non mutat « par lui et ses prédécesseurs , desquels il a le
usucapio superveniens pro emptore vei pro «. droit et cause, d'héritage ou rente, à juste
PARTIE I, CHAPITRE V. 301
« titre et de bonne foi , par dix ans entre pré- possesseur a acquis l'héritage de bonne foi de
« seus , et vingt ans entre absens , agés et non quelqu'un qui n'en était pas le propriétaire ,
« privilégiés, franchement et paisiblement, sans que, pour qu'il puisse acquérir par cette pres
« inquiétation d'aucune rente ou hypothèque , cription l'affranchissement des rentes, hypothè
« tel possesseur dudit héritageou rente a acquis ques et autres charges dont l'héritage est chargé,
« par prescription contre toutes rentes et hypo- il faut qu'il ait préalablement acquis par cette
« thèques prétendues sur ledit héritage ou prescription la propriété de cet héritage; car,
& rente. s per rerum naturam, il n'y a que celui qui est
127. La prescription établie par cet article le propriétaire d'un héritage, qui puisse acqué
est très différente d'une autre espèce de pres rir ce qui manque à la perfection de son droit
cription dont nous avons parlé dans notre de propriété, et l'affranchissement des charges
Traité des Obligations, laquelle ne résulte que dont son héritage est chargé.
de la négligence du créancier à demander ce Suivant ce principe , quoique j'aie possédé
qui lui est dû, et qui, faute par lui d'en avoir pendant dix ans un héritage chargé d'une rente
fait la demande dans le temps qui lui est pres foncière , laquelle appartient à un majeur de
crit, le rend , au bout de ce temps , en punition meurant dans le même bailliage où je demeure ;
de sa négligence , non recevable à l'intenter : si le propriétaire de l'héritage est un mineur,
nous avons appelé cette espèce de prescription , contre lequel le temps de la prescription n'a pu
prescription à l'effet de libérer. Au contraire, courir pendant sa minorité , l'héritage ne sera
la prescription établie par l'art. 114 est une point affranchi de la rente , jusqu'à ce que j'aie
possession à l'effet d'acquérir : elle est fondée acquis la propriété de l'héritage par l'accom
sur la juste possession , que le possesseur a eue plissement du temps de la prescription depuis
de l'héritage, pendant le temps requis pour la la majorité du propriétaire , ne pouvant pas
prescription, et sur la juste opinion où il a été acquérir l'affranchissement d'une charge d'un
qu'il avait un domaine de cet héritage , libre et héritage , tant que l'héritage ne m'appartenait
franc des hypothèques, renles, et autres charges pas encore. C'est pourquoi , si , avant l'accom
réelles, dont cet héritage était chargé, qui ne plissement du temps de la prescription contre
lui avaient point été déclarées par son contrat le propriétaire , je suis évincé de l'héritage par
d'acquisition ; et en conséquence de cette pos le propriétaire , le créancier de la rente pourra
session de lionne foi , la loi lui fait acquérir ce demander sa rente contre le propriétaire , l'hé
qui manquait à la perfection de son domaine, ritage n'en ayant point été affranchi.
en affranchissant l'héritage desdiles hypothè 131. Mais quoique le temps de la prescription
ques , rentes et autres charges dont il était ne soit pas encore accompli contre le proprié
chargé. taire de l'héritage , et quoique , in rei veritats,
128. Cette prescription étant fondée unique je n'aie pas encore acquis la propriété de l'hé
ment sur la juste possession que le possesseur ritage, ni conséquemment l'affranchissement de
a eue de l'héritage pendant le temps requis pour la rente dont il est chargé ; néanmoins si le
la prescription , sans avoir eu , pendant ce propriétaire de l'héritage demeure dans le
temps, connaissance des rentes et hypothèques silence, et ne le revendique pas, étant, par la
dont l'héritage était chargé , l'héritage en est seule qualité que j'ai de possesseur de l'héritage,
déchargé par cette prescription , quand même , réputé en être le propriétaire , tant que le véri
pendant tout ce temps , le créancier aurait été table propriétaire ne se fait pas reconnaître ,
servi et payé de ces rentes par ceux qui en et qu'il ne le revendique pas, je pourrai opposer
étaient les débiteurs personnels , lesquels con la prescription contre la demande du créancier,
tinueront d'en être débiteurs. La Coutume de qui était majeur et présent pendant tout le temps
Paris en aune disposition en l'art. 115, qui de ma possession , et soutenir que j'ai acquis
porte : « A lieu ladite prescription , supposé par la prescription l'affranchissement de la rente
« que ladite rente fût payée par celui qui l'a dont l'héritage était chargé, sans qu'il puisse
« constituée au desçu du délenteur. s répliquerque je ne suis point encore propriétaire
129. Cette prescription a lieu , soit que le de l'héritage, et que je n'ai pu par conséquent
possesseur ait acquis l'héritage de celui qui en acquérir l'affranchissement des charges dont
était l£ propriétaire, et qui ne lui a pas déclaré l'héritage est chargé ; car ce serait de sa part
les hypothèques , rentes , ou autres charges exciper du droit d'autrui, à quoi il ne peut être
dont son héritage était chargé , soit qu'il l'ait reçu. Il suffit que je sois possesseur, pour que
acquis de quelqu'un qui n'en était pas le pro j'en doive être réputé le propriétaire , tant qu'il
priétaire. ne s'en présente pas d'autres, et pour que je sois
130. Observez , à l'égard du cas auquel le en conséquence réputé avoir acquis par la
392 DE LA PRESCRIPTION.
prescription l'affranchissement de la rente. Observez qu'une rente, quoique créée pas
Nous avons à voir sur cette prescription, bail à cens , n'est seigneuriale, que lorsqu'elle
1« quelles sont les charges réelles qui y sont est confondue avec le cens , et n'en est pas dis
sujettes; 2« au profit de qui et contre qui court tinguée; comme lorsqu'il est dit par le bail à
cette prescription ; 3« quelles qualités doit avoir cens, que l'héritage est baillé à la charge de
la possession pour opérer cette prescription , et 50 liv. de cens et rente. Les parties n'ayant point,
du temps de cette possession. en ce cas , distingué ce qui , dans cette unique
redevance de 50 livres , devait être le cens re
S I. QUELLES CHARGES SONT SUJETTES A CETTE cognitif de la seigneurie directe , et ce qui ne
PRESCRIPTION. devait être qu'une simple rente, la redevance
de 50 livres sera, dans sa totalité, réputée sei
132. La Coutume, en l'art. 114, ci-dessus gneuriale , et recognitive de la seigneurie que le
rapporté , s'exprime ainsi : « A acquis prescrip- bailleur s'est réservée, et par conséquent, dans
u tion contre toutes rentes et hypothèques sa totalité, non sujette à la prescription de cet
« prétendues sur ledit héritage. s article , ni à aucune autre.
Autrefois les rentes constituées à prix d'argent Au contraire, si la rente, quoique créée par
étaient des charges réelles des héritages sur un bail à cens , yétait distinguée du cens ; comme
lesquels elles étaient constituées , aussi bien s'il était dit que l'héritage était baillé à la charge
que les renles foncières créées par bail d'héri de 10 sous de cens et de 50 livres de rente ; il
tage. Aujourd'hui les rentes constituées ne sont n'y aurait , en ce cas , que le cens de 10 sous
plus regardées que comme des dettes de la per qui serait la redevance seigneuriale ; la rente
sonne qui les a constituées, quand même elles de 50 livres ne serait qu'une simple rente fon
auraient un assignat spécial sur quelque héri cière , sujette par conséquent à la prescription
tage : cet assignat n'étant regardé que comme établie par cet article.
un droit d'hypothèque spécial , ce n'est pas 134. Observez aussi que , lorsque nous disons
contre la rente , mais contre l'hypothèque qui a que le cens n'est pas sujet a la prescription de
été contractée pour la rente, qu'on acquiert cet article , ni à aucune autre prescription , nous
prescription par cet article. C'est pourquoi , entendons parler d'un véritable cens , c'est-à-
comme l'a fort bien observé Laurière sur cet dire d'une redevance recognitive de la seigneu
article, ces termes, contre loutes rentes, ne rie directe, que s'est retenue le seigneur de qui
doivent plus s'entendre que de rentes foncières; l'héritage relève. Mais si on a donné le nom de
et ces termes, et hypothèques , s'entendent de cens improprement elabusivà à une redevance
toutes les espèces d'hypothèques dont l'héritage qui ne soit point recognitive d'uno seigneurie
est chargé , soient spéciales , soit qu'elles ne directe , cette redevance, quoique qualifiée de
soient que générales < soit qu'elles aient été cens, ne sera qu'une simple rente foncière,
contractées pour des rentes , soit pour quelque sujette à la prescription de cet article , c
autre espèce de créance que ce soit. Ainsi le toutes les autres rentes. Par exemple , si le ;
possesseur de l'héritage , a qui ces rentes et priétaire d'un héritage, qui le tient à cens d'un
hypothèques n'ont point été déclarées par son seigneur , l'a baillé à quelqu'un à la charge du
contrat d'acquisition, et qui les a ignorées, cens dû au seigneur , et de 100 sous d'autre cens
acquiert . par la prescription établié par cet envers lui , cette redevance de 100 sous, impro
article , l'affranchissement de son héritage des prement qualifiée de cens, dont il a chargé
dites rentes et hypothèques. l'héritage envers lui , ne sera qu'une simple
133. Quoique la Coutume ait dit , toutes redevance foncière ; car ce propriétaire , par le
rentes, il faut néanmoins en excepter les rentes bail qu'il a fait de cet héritage, n'a pu s'en rete
seigneuriales , c'est-à-dire , celles qui sont nir la seigneurie directe qu'il ne peut avoir ,
recognitives de la seigneurie directe et du do puisque , le tenant à cens , il n'en avait que le
maine de supériorité , que le seigneur , de qui pur domaine utile : la redevance de 100 sous ,
l'héritage relève , s'est réservé : les droits de dont il a chargé l'héritage envers lui, et qu'il a
seigneurie étant imprescriptibles , les devoirs improprement qualifiée de cens , ne peut être
et les redevances qui en sont recognitifs , le recognilived'une seigneurie directequ'il n'a pas.
sont pareillement ; et l'acquéreur de l'héritage Ce second cens n'est donc pas un véritable cens,
n'en peut acquérir l'affranchissement par cette mais une simple redevance foncière , sujette
prescription, ni par quelque autre espèce de à la prescription de cet article, lorsqu'un tiers
prescription que ce soit. La Coutume de Paris acquerra par la suite l'héritage, sans qu'on lui
le reconnaît en l'ort. 124, où il est dit que le déclare les charges dont il est chargé.
cens est imprescriptible. Il n'en est pas de même d'un propriétaire qui
PARTIE I, CHAPITRE V. 393
son héritage en fief: ce propriétaire ayant , en son héritage , est convenu qu'il avait la fa
ce cas, l'honorifique aussi hien que l'utile du culté de le rémérer , sans limiter le temps
domaine de l'héritage, il peut, par le hail à dans lequel il pourrait l'exercer , cette faculté
cens qu'il en fait , se réserver une seigneurie dure trente ans , et l'héritage est affecté à l'exé
directe, suhordonnée à celle du seigneur dequi cution de la convéntinn , en quelques mains
il relève; et le cens , dont il charge l'héritage, qu'il passe. Si l'acheteur, peu d'années après,
est un véritahle cens recognitif de cette seigneu revend cet héritage à un tiers , sans lui donner
rie, qui ne peut jamais être sujette à cette connaissance de ce droit de réméré auquel l'hé
prescription ni à aucune autre. ritage est affecté , quoique cette affectation soit
135. A l'exception des rentes seigneuriales et quelque chose de différent d'un droit d'hypothè
autres redevances et devoirs seigneuriaux , tou que, ce tiers acquéreur, qui n'a pas eu de
tes les autres rentes, soit que ce soient des connaissance de l'affectation de l'héritage à ce
rentes en argent, soit que ce soient des rentes droit de réméré , en acquerra l'affranchissement
en grains , el généralement toutes les redevances, par l'accomplissement de la prescription de cet
de quelque espèce et nature qu'elles soient, article.
dont un héritage est chargé, sont sujettes à cette 137. Pareillement, lorsqu'un héritage est chargé
prescription. envers un particulier d'un droit de retrait con
Le champai t même , lorsqu'il n'est pas sei ventionnel, qu'il s'est réservé lors de l'aliénation
gneurial , y est sujet , et l'acquéreur qui a acquis qu'il en a faite , c'est-à-dire, du droit que lui et
l'héritage sans qu'on lui ait déclaré cette charge , ses successeurs auraient à toujours , de prendre
en acquerra l'affranchissement par cette pres le marché de l'acquéreur toutes les fois que l'hé
cription, si pendant tout le temps de la pres ritage serait vendu ; un tiers acquéreur de cet
cription, celui à quf le champart appartient, a héritage , à qui on n'a pas donné , par son con
laissé ignorer à cet acquéreur cette charge, en trat d'acquisition , connaissance de ce droit ,
nelevant point pendant tout ce temps son cham acquerra , par l'accomplissement du temps de
part. la prescription , que son héritage soit entière
Un champart n'est pas seigneurial, lorsque ment affranchi et déchargé dece droitde retrait.
l'héritage qui en est chargé est en outre chargé Il en est autrement du retrait seigneurial et
d'un cens, soit envers le seigneur, à qui est dû du retrait lignager : l'acquéreur , qui a acquis
le champart , soit envers un autre seigneur: en l'héritage qui y est sujet, n'en peut acquérir
ce cas , c'est le cens qui est la redevance reco l'affranchissement par cette prescription , quoi
gnitive de la seigneurie directe , et le champart qu'il n'en ait pas été chargé par son contrat
n'est qu'une simple redevance foncière sujette à d'acquisition; car, ces retraits étant de droit
la prescription. commun , il a dû s'y attendre.
Au contraire , lorsque l'héritage , qui est 138. Lorsqu'un particulier a aliéné son héri
chargé de champart , n'est chargé d'aucune tage pour un certain temps , au hout duquel
autre redevance seigneuriale ni devoir seigneu l'héritage lui retournerait ou à son successeur ;
rial , le champart est censé être la redevance si j'ai acquis cet héritage de celui qui n'en a le
recognitive de la seigneurie directe, et par con domaine que pour le temps porté par le contrat
séquent seigneurial, et non sujet à la prescription . originaire d'aliénation , sans qu'il m'ait déclaré
136. Ces termes de la Coutume , a acquis la que l'héritage fut sujet à réversion au hout d'un
prescription contre' toutes rentes et hypothè certain temps, j'acquerrai par la prescription
ques prétendues sur ledit héritage, ne doivent le domaine perpétuel de cet héritage, et l'affran
pas se prendre restrictivè ; sa disposition s'étend chissement du droit de réversion auquel l'héri
généralement à toutes les différentes espèces de tage est sujet : car si Ja prescription me fait
droits réels que des tiers peuvent avoir sur l'hé acquérir le domaine perpétuel d'un héritage ,
ritage, qui diminuent la perfection du domaine lorsque je l'ai acquis de quelqu'un qui n'y avait
de l'héritage , que l'acquéreur . à qui ces droits aucun droit , pourquoi me le ferait-elle moins
n'ont pas été déclarés par son contrat d'acquisi acquérir , lorsque je l'ai acquis de honne foi de
tion , croit avoir acquis franc et lihre desdits quelqu'un qui n'en avait qu'un domaine à temps ?
droits : l'effet de cette prescription est , comme 139. Enfin l'acquéreur d'un héritage sujet à
nous l'avons déjà dit , de faire acquérir à l'ac des devoirs de servitudes, soit personnelles,
quéreur un domaine de l'héritage aussi parfait tels qu'un droit d'usufruit , un droit d'usage ,
qu'il a eu un juste sujet de le croire , en affran un droit d'hahitation , soit prédiales,enacquiert
chissant l'héritage de tous les droits réels dont par cette prescription l'affranchissement , lors
il est chargé, qui en diminueraient la perfection. qu'elles ne lui ont point été déclarées , et qu'il
Par exemple , lorsque quelqu'un , en vendant n'en a eu aucune connaissance, pendant tout
Tome V. 50
394 DE LA PRESCRIPTION.
le temps de la prescription , ceux qui avaient a donné lieu à cette prescription , en vendant
ces droits de servitude, n'en ayant point use la rente sans déclarer la faculté de rachat à la
pendant ledit temps. quelle elle était sujette.
En vain opposerait-on que, par l'article 186, Néanmoins comme il n'est guêre ordinaire
il est dit que la liberté des servitudes se peut d'acheter une rente sans en voir le titre, ce
acquérir contre le titre par le temps de trente qui est dit par le contrat d'acquisition de la
ans: donc , dirait-on , elle ne peut s'acquérir rente , que le vendeur en a égaré le titre, pour
par un moindre temps ; elle ne peut donc être rait être un jeu entre le vendeur et l'acheteur,
sujette à la prescription de dix ou vingt ans. pour donner lieu à lu prescription de la faculté
Je réponds que la prescription de trente ans , de rachat , en faisant paraitre que l'acheteur
qui fait acquérir la liberté des servitudes , dont n'en a pas eu de connaissance : pour peu qu'il v
il est parlé dans l'article 186, est la prescription ait de circonstances qui fassent présumer ce
à l'effet de libérer, qui résulte uniquement du concert, on ne devrait pas avoir égard à la
non usage de la servitude, et qui en fait acquérir prescription.
la libération , même à ceux qui les auraient 141. Les droits qui ne sont pas sujets à la
constituées , ou à leurs héritiers. Ce n'est que de prescription de dix ou vingt ans, établie par
cette espèce de prescription qu'il est parlé en l'article 1 13 , sont :
l'article 186, qui n'a rien de commun avec la 1« Les droits seigneuriaux, comme nous
prescription de l'article 114, qui résulte de la l'avons déjà dit. -
possession qu'un acquéreur de bonne foi a eue 2« L'affectation des biens d'un homme au
d'un héritage qu'il a possédé comme franc des douaire, soit eoutumier, soit conventionnel,
droits de servitude dont il était chargé. de sa femme et de ses enfans, est une charge
140. J'ai acquis une rente foncière, qui était qui n'est point sujette a cette prescription,
rachetablc par une clause du bail à rente. Le avant que le douaire soit ouvert; elle ne com
bailleur, qui me l'a vendue , ne m'a point dé mence à courir que depuis qu'il est ouvert par
claré qu'elle l'était ; et pour m'en dérober la la mort du mari. La coutume de Paris en a une
connaissance , il ne m'a pointremis le bailentre disposition en l'article 117, où elle dit : « En
les mains ; il a déclaré qu'il l'avait égaré , et u matière de douaire, la prescription commence
s'est chargé de me leremettre , lorsqu'il l'aurjit « à courir du jour du décès du mari. s f'oyez
retrouvé. J'ai fait incontinent signifier mon con ce que nous en avons dit en notre Traité du
trat d'acquisition au débiteur de la rente, qui me Douaire.
l'a payée axaclement. Ayant possédé cette rente 3« Les droits de substitution, dont les héri
pendant tout le temps de la prescription, sans tages ou rentes sont chargés, ne sont point
avoir connaissance de la faculté de rachat à la sujets à cette prescription, lorsque la substitu
quelle elle est sujette, turai-je acquis par la tion a été dûment publiée et insmuée. La raison
prescription l'affranchissement de celte faculté est, que celui qui a acquis ces héritages oa
de rachat auquel la rente est sujette ? Suivant rentes, ne peut avoir une ignorance excusable
la règle ordinaire , on doit décider pour l'affir et invincible des substitutions dont ils sont
mative. La charge imposée au propriétaire de chargés, ayant pu consulter les registres publia
la rente , d'en souffrir le rachat , lorsque le où ces substitutions sont enregistrées.
i débiteur jngora à propos de le faire, est une 142. Enfin , il résulte de ces termes, dont la
charge qui diminue la perfection du domaine de Coutume se sert en cet article 113, entre
propriété de cette rente : or , suivant ces princi âgés et non privilégiés , que le possesseur ne
pes , l'effet de celte prescription est de faire peut acquérir, par la prescription établie par
acquérir à l'acquéreur de bonne foi d'un héritage cet article, l'affranchissement des rentes, hypo
ou d'une rente , un domaine de propriété de thèques et autres droits dont l'héritage est
l'héritage ou de la rente aussi parfait qu'il a eu chargé , lorsque ces droits appartiennent à des
sujet de croire l'avoir , en affranchissant l'héri mineurs, tant qu'ils sont mineurs; ou lorsqu'ils
tage ou la rente de toutes les charges qui en appartiennent à l'église , ou à des corps et com
diminuent la perfection; ledébileur de la rente, munautés , même séculières , leurs biens n'étant
par la copie que l'acquéreur lu! a signifiée de son sujets' qu'à In prescription de quarante ans} ou
contrat d'acquisition, ayant dû voir qu'elle n'y enfin lorsqu'ils appartiennent au domaine du
était pas déclarée rachetable, a dû le lui notifier, roi, les biens du domaine étant imprescriptibles.
pour empêcher la prescription de la faculté de
rachat. Faute de l'avoir fait, cette faculté doit S II. AU PROFIT DE QUI, ET CONTRE QUI PEUT
être éteinte par cette prescription ; sauf à ce COURIR LA PRESCRIPTION DE L'ARTICLE Il3.
débiteur son recours en dommages et intérêts 1 43. Les personnes , au profit desquelles peut
contre le bailleur ou l'héritier du bailleur, qui courir la prescription de l'article 113, pour
PARTIE I, CHAPITRE V. 3(J5
l'affranchissement des rentes , hypothèques et empêchement qui ne lui a pas permis de de
autres droits , dont l'héritage , qu'elles ont mander reconnaissance à l'acheteur , et d'in
acquis, est chargé, sont celles au profit des terrompre sa possession.
quelles a pu courir la prescription pour en 146. Observes que, lorsqu'un héritage est
acquérir le domaine de propriété. Voyex ce que chargé de plusieurs renles qui n'ont point été
nous en avons dit supra, chap. 1, art 2. déclarées à l'acquéreur, quoique le cours de la
144. Pareillement le principe, que nousavons prescription soit arrêté contre le créancier de
exposé en l'article 3 dudit chapitre, que la l'une de ces rentes, soit pour cause de minorité,
prescription, à l'effet d'acquérir la propriété, ne soit pour cause de quelque légitime empêche
court point contre le propriétaire, tant qu'il a ment qui ne lui permette pas d'intenter son
quelque cause d'empêchement légitime qui action en reconnaissance de sa rente ; cela
l'empêche de revendiquer l'héritage , reçoit , n'empêche pas que la prescription ne coure et
aussi bien que tous les exemples que nous avons ne s'accomplisse contre les créanciers des autres
donnés de ce principe , une parfaite application rentes , qui n'ont rien de leur part à opposer
aux personnes qui ont quelque rente ou hypo contre la prescription.
thèque, ou quelque autre droit réel sur un 147. Pareillement , lorsque l'héritage est
héritage , contre lesquelles la prescription , à chargé d'une rente due à plusieurs créanciers,
l'effet de faire acquérir au possesseur l'affran quoique le cours de la prescription soit arrêté
chissement desdites rentes , hypothèques ou contre l'un de ces créanciers pour la part qu'il
autres droits , ne court point , tant que ces per a dans la rente, cela n'empêche pas qu'elle ne
sonnes ont eu quelque empêchement légitime coure et qu'elle ne s'accomplisse contre les
qui ne 'leur a pas permis do pouvoir intenter autres pour le surplus.
leurs actions contre le possesseur , pour se 148. Ce n'est que dans lo cas , auquel un
faire reconnaître desdites rentes , hypothèques droit , dont l'héritage est chargé envers plu
ou autres droits. sieurs, est un droit indivisible, que la prescrip
Par exemple , lorsque j'ai acquis un héritage, tion, pour en acquérir l'affranchissement, ne
qui u appartenu à un homme marié, sur lequel peut s'accomplir que contre tous ensemble, et
sa femme a des hypothèques qu'il n'a pas dé que, tant qu'elle est arrêtée de la part d'un seul
clarées lorsqu'il l'a vendu , la prescription , à de ceux à qui le droit appartient , elle ne peut
l'effet d'acquérir la décharge de ces hypo courir ni s'accomplircontre les autres : la raison
thèques, ne court point pendant le mariage ; est, qu'il implique contradiction qu'on puisse
car ta femme est censée n'avoir pu intenter ces acquérir pour partie l'affranchissement d'un
actions pendant le mariage , et eu avoir été droit qui n'est pas susceptible de parties.
empêchée par son mari , contre qui ces actions
auraient réfléchi. g lit. DES QOALITgS REOUMSFS DANS LA POSSESSION,
145. La Coutume apporte un autre exemple PriCR ACQUÉRIR PAR PRESCRIPTION L'AFFHANCHISSE-
en l'article 115. Après avoir dit que, lorsque WENT DES RENTES, HYPOTHÈQUES ET AUTRES DURI
quelqu'un a acheté un héritage chargé d'une DONT L'HÉRITAGE EST CHARGÉ.
rente envers un tiers, dont le vendeur, qui en
était le débiteur, ne lui a pas donné connais 149. Tour que le possesseur d'un héritage
sance, le temps de la prescription n'a pas laissé puisse acquérir par prescription l'affranchisse
de courir contre le créancier de cette rente, ment des rentes , hypothèques et autres droits
quoique, pendant tout le temps , il en ait été dont l'héritage est chargé, il faut que sa posses
servi par le débiteur à l'insu du possesseur de sion soit une possession civile , qui procède
l'héritage, la Coutume ajoute : « Toutefois si d'un jusie titre et qui soit de bonne foi. La
a le créancier de la rente a eu juste cause Coutume s'en explique formellement dans l'ar
a d'ignorer l'aliénation, parce que le débiteur ticle 113: Quand aucun a poaiédé àjuste
« de ladite rente serait toujours demeuré en litre et de bonne roi.
a possession de l'héritage par le moyen de Cette bonne foi n'est autre chose qu'une
« location, rétention d'usufruit, constitution opinion, fondée sur un juste fondement, que
« de précaire ou autres semblables , pendant ce possesseur doit avoir , qu'il a acquis le
« ledit temps , la prescription n'a cours. s domaine de l'héritage libre et franc des rentes,
Le créancier voyant son débileur demeurer hypothèques et autres droits qu'on ne lui a pas
dans l'héritage sujet a sa rente , et en étant déclarés : cette bonne foi n'est autre chose que
payé par lui exactement , ne pouvant pas soup justa opinio quœsili dominii liberi.
çonner qu'il l'eût aliéné , cette juste ignorance . 150. De là il suit que , s'il n'est pas absolu
en laquelle il était de l'aliénation , est un ment nécessaire , pour cette prescription , que
:i;ir> DE LA PRESCRIPTION.
le possesseur de l'héritage en soit le proprié tion que le possesseur a eue, sur cette demande,
taire , il est au moins nécessaire qu'il croie des titres du créancier, lesquels, en donnant
l'être ; car opinio dominii liberi , dans laquelle connaissance au possesseur du droit du créan
consiste la bonne foi nécessaire pour cette cier, ont fait cesser, par lapport à cette rente,
prescription, renferme nécessairement opinio- sa bonne foi , qui doit durer pendant tout le
nem dominii. temps de la prescription ? Je pense que , dans
Le possesseur de l'héritage ne peut donc être ce cas , la communication que le possesseur a
possesseur de bonne foi vis-à-vis do tous ceux eue des titres du créancier , n'a pas fait cesser
qui ont des rentes, hypothèques nu autres droits sa bonne foi, ni par conséquent arrêté le cours
sur l'héritage, s'il n'est ou propriétaire , ou pa de la prescription ; car le défaut de poursuite
reillement possesseur de bonne foi vis-à-vis du du créancier a été un juste sujet de faire croire
propriétaire de l'héritage. Au contraire, lorsque à ce possesseur que les titres du créancier n'é
l'héritage est chargé de plusieurs rentes ou hy taient pas suffisons pour établir son droit ,
pothèques ; quoique le possesseur soit posses puisqu'il ne suivait pas sa demande ; comme
seur de mauvaise foi à l'égard de quelques-unes nous l'avons vu suprà, n. 53.
de ces rentes et hypothèques dont il a connais 154. Lorsque l'héritage est chargé de plu
sance , et dont il ne peut , en conséquence , sieurs rentes et hypothèques , la demande ,
acquérir l'affranchissement par la prescription, donnée par l'un des créanciers , arrête bien le
cela ne l'empêche pas d'être possesseur de bonne cours de la prescription pour la rente ou l'hy
foi vis-à-vis des autres renies et hypothèques pothèque de ce créancier ; mais elle n'en arrête
dont il n'a pas connaissance, et d'en acquérir pas le cours, ni même l'accomplissement, à
l'affranchissement par la prescription. l'égard des rentes et hypothèques des autres
Il reste à observer, par rapport à la bonne foi , créanciers qui sont demeurés dans le silence :
qu'elle doit durer pendant tout le temps requis car ce n'est qu'à l'égard de la rente ou de
pour la prescription. l'hypothèque pour laquelle la demande a été
151. Pour que le possesseur puisse acquérir donnée, que la possession du possesseur a cessé
par la prescription l'affranchissement des rentes, d'être sans inquiétation ; elle a continué d'être
hypothèques et autres charges dont l'héritage sans inquiétation à l'égard de celles pour les
est chargé, il faut encore que la possession ait quelles on ne lui a donné aucune demande.
été paisible, et n'ait souffert aucune interrup 155. Lorsque l'héritage est chagé d'une rente
tion. qui appartient à plusieurs particuliers, la de
152. Non seulement l'interruption de la mande , qui est donnée contre le possesseur de
possession naturelle arrête le cours de la pres l'héritage par l'un desdits particuliers , pour la
cription, l'interruption civile l'arrête pareille part qu'il y a , n'interrompt , à la vérité , la
ment : elle se fait par la demande que le possession que pour cette part ; mais si les
créancier , qui a une rente ou une hypothèque litres , dont ou a donné communication au
sur l'héritage, donne contre lo possesseur, en possesseur sur cette demande, sont des titres
reconnaissance de sa rente ou de son hypothè communs, qui aient donné au possesseur con
que , avant l'accomplissement du temps de la naissance du droit de ceux qui sont créanciers
prescription. La possession de ce possesseur de la rente pour les autres parts, cette connais
cessant, par cette demande, d'être une posses sance, qu'il a acquise par ces titres , avant l'ac
sion paisible, une possession «ans inquiétation, complissement du temps de la prescription ,
cesse d'être capable d'opérer la prescription. ayant fait cesser sa bonne foi , même par rapport
La Coutume s'en explique en l'article 113: aux parts de ceux qui sont demeurés dans le
Quand aucun a possédé franchement et silence, le cours de la prescription est arrêté,
paisiblement sans inquiétation d'une rente, ete. même pour lesdites parts , par le défaut de
153. Si le créancier, qui a donné la demande, bonne foi du possesseur, qui est requise pen
la laisse tomber en péremption ; cette demande, dant tout le temps de la prescription.
qui a été, par un jugement, déclarée périmée, 156. N'ayant été donné, pendant tout le
étant regardée comme non avenue, ne peut par temps de la prescription , contre le possesseur
elle-même interrompre le cours de la prescrip de l'héritage, aucune demande pour les rentes
tion : Quod nullum est, nullum producit effec- et hypothèques dont l'héritage est chargé ;
tum. si, avant l'accomplissement du temps de la
Mais si la demande, qu'on a laissé tomber en prescription, onadonné contre luiune demande
péremption , n'a pas, par elle-même , arrêté le en revendication de l'héritage, celte demande
cours de la prescription , ne peut-on pas dire empèchera-t-elle la prescription? Ou le posses
que le cours en a été arrêté par la communica seur a succombé sur cette demande . ou il en a
PARTIE I, CHAPITRE V. 397
eu congé, ou la demande a été abandonnée , ou se rédimer d'un procès , et non comme le prir
l'on a transigé sur la demande. Au premier cas, d'une vente qui lui aurait été faite de l'héritage.
lorsque le possesseur a succombé sur cette Il est donc censé , en qualité de propriétaire de
demande, et a été condamné à délaisser l'héri l'héritage, et en le possédant comme franc,
tage , cette demande , qui a arrêté la prescrip avoir acquis par la prescription l'affranchisse
tion à l'effet d'acquérir le domaine de propriété ment des rentes et hypothèques dont il était
de l'héritage a indirectement arrêté la prescrip chargé.
tion pour l'affranchissement des rentes et Néanmoins si le titre dont le possesseur a
hypothèques , le possesseur n'ayant pu , par la eu communication sur la demande en revendi
prescription , acquérir cet affranchissement cation était produit , et que ce titre fut si clair
avant que d'avoir acquis la propriété de l'héri qu'il ne laissât aucun doute sur le droit du
tage , personne ne pouvant acquérir l'affran demandeur , il eu résulterait que ce possesseur
chissement des charges d'une chose , s'il n'en n'a acquis la propriété de l'héritage que par
est le propriétaire. l'acte qu'on a qualifié de transaction, pour
N'y ayant pas eu lieu , en ce cas , à la pres déguiser la vente qu'il renfermait : il s'ensui
cription des rentes et hypothèques , les créan vrait qu'il n'a pu par conséquent, avant cet
ciers pourront donner leurs actions , non contre acte, acquérir par la prescription l'affranchis
le possesseur, qui, ayant été dépossédé de sement des rentes et hypothèques dont l'héri
l'héritage , ne peut plus en être tenu , mais tage est chargé; qu'il n'a pu pareillement,
contre le propriétaire de l'héritage qui y est pour acquérir la prescription depuis cet acte,
rentré . joindre la possession qu'il avait eue auparavant;
157. Au second cas, auquel le possesseur cette possession ayant, dès avant cet acte, lors
aurait eu congé de la demande en revendication, de la communication du titre du demandeur,
cette demande n'aura point empêché la pres cessé d'être une possession de bonne fui , et no
cription pour l'affranchissement des rentes et pouvant pas , par conséquent , être jointe à la
hypothèques dont l'héritage est chargé ; car il nouvelle possession , que le possesseur a eue
est vrai , en ce cas , que le possesseur a possédé depuis la transaction pour opérer la prescrip
l'héritage pendant tout le temps de la prescrip tion.
tion , sans inquiétation desdites rentes ; la 160. Si , par la transaction , le possesseur a dé
demande en revendication n'a apporté aucune laissé l'héritage au demandeur en revendication ,
interruption à sa possession vis-à-vis des créan il est évident, en ce cas, que la prescription
ciers desdites rentes , qui sont demeurés dans pour l'affranchissement des rentes et hypothè
le silence : car c'est un principe que l'interrup ques dont l'héritage était chargé, ne peut avoir
tion civile, qui nait d'une demande judiciaire , lieu ; car lorsque les créanciers desdites rentes
n'interrompt la possession que vis-à-vis de donneront leur demande contre celui qui s'est
celui qui a donné la demande ; en quoi elle fait délaisser l'héritage, il ne pourra pas leur
diffère de l'interruption naturelle. opposer que le possesseur , par qui il s'est fait
158. Au troisième cas , lorsque la demande délaisser l'héritage , en a acquis par la prescrip
en revendication a été abandonnée, le posses tion l'affranchissement : car n'y ayant que le
seur, par la seule qualité de possesseur, étant propriétaire qui puisse acquérir cet affran
répaté le propriétaire de l'héritage, est censé, chissement , il faudrait qu'il dit que ce posses
en cette qualité de propriétaire de l'héritage, seur a été propriétaire de l'héritage ; ce qui
qu'il a possédé pendant tout le temps de la pres serait une contradiction avec la demande en
cription, comme libre des rentes et hypothèques revendication qu'il a donnée contre ce posses
dont il était chargé , en avoir acquis l'affran seur , et avec l'acte par lequel il s'est fait
chissement par la prescription. délaisser l'héritage.
159. Il en est de même au quatrième cas,
lorsque , par la transaction , l'héritage est $ IV. DO TEMPS DE LA POSSESSION POt'R ACQUERIR
demeuré au possesseur, moyennant une cer L'AFFRANCHISSAIENT DES RENTES ET HYPOTHÈQUES
taine somme qu'il a donnée au demandeur : sa DONT L'HERITAGE EST CHARGE; ET DE L'UNION DE
qualité de possesseur de l'héritage l'en faisant LA POSSESSION DU POSSESSEUR AVEC CELLE DE SES
répater le propriétaire, tant que le contraire AUTEURS.
n'est pas établi , et la transaction , qui est , de
sa nature, de re incertd, ne pouvant rien 161. Le temps de cette prescription, par
établir de contraire , il est censé avoir toujours laquelle nous acquérons l'affranchissement des
été le propriétaire de l'héritage, et avoir donné rentes , hypothèques, ete. . par une possession
la somme qu'il a payée par la transaction , pour de dix ans entre présens, et de vingt ans entre
DE LA PRESCRIPTION.
absens , est censé courir entre présens , lorsque s'en explique par ces termes : « Quand aucun a
le créancier de la rente ou de l'hypothèque, « possédé par lui et ses prédécesseurs
contre qui le possesseur prescrit, demeure dans « desquels il a le droit et cause. s Tout ce que
le même bailliage que lui. nous avons dit, au chapitre précédent, de
Le possesseur peut , pour l'accomplissement l'union de la possession du possesseur avec celle
du temps de cette prescription, joindre à sa de ses auteurs , reçoit ici une entière applica
possession celle de ses auteurs. La Coutume tion.
SECONDE PARTIE.
T
410 DE LA PRESCRIPTION.
elles sont mineures ou majeures , nous n'en de de cinq ans ne peut purger les renies constituées
vons pas faire : Ubi lex non distinguit , nec dont l'héritage est chargé envers l'église ; car
nos distinguere dcbemus. Néanmoins Pallu, c'est un privilège , que l'église a de droit com
sur la Coutume de Tours , rapporte un arrêt de mun , que tous ses biens immeubles , les mo
1654 , qui a jugé que la prescription du téne- dernes aussi bien que les anciens , ne soient
ment de cinq ans n'avait pas couru au profit de sujets qu'à la prescription de quarante ans .
l'acquéreur d'un héritage , chargé d'une rente comme nous l'avons vu supra.
constituée pendant la minorité de la personne A l'égard des hypothèques, que l'église a sur
qui en était créancière. La raison de cet arrêt un héritage pour de simples créances mobilières,
est, qu'il n'était pas besoin que ces Coutumes j'inclinerais assez à penser que le ténement è:
exceptassent expressément de celie prescription cinq ans les peut purger.
du ténemeut de cinq ans, les rentes dont l'héri 237. On a fait la question, si le temps de U
tage était chargé envers des mineurs, parce que prescription de cinq ans courait contre les ab-
de droit commun , les mineurs n'étaient pas su sens , c'est-à-dire, contre les créanciers , qui
jets à cette prescription , ni à aucune autre. ont des rentes ou des hypothèques sur l'héritage,
Nous en avons dit la raison suprà> n. 8, qui est et qui demeurent en une autre province que
que la prescription étant une espèce d'aliénation celle ou demeure l'acquéreur de l'héritage. Nom
que fait de la chose celui qui la laisse perdre apprenons de Pallu , sur la Coutume de Tours ,
par la prescription , les choses dont les lois ne que plusieurs avaient prétendu que , à l'excep
permettent pas l'aliénation , ne doivent pas être tion de la Coutume de Lodunois, qui dit, en
sujettes à prescription. Or , les rentes qui ap termes formels , que la prescription du ténement
partiennent à des mineurs , sont des immeubles de cinq ans court tant contre les absens que con
dont les lois ne permettent pas plus l'aliénation tre les présens , dans les autres Coutumes qui os
que des autres biens immeubles des mineurs ; s'en sont point expliquées , on devait au moins
elles ne doivent donc pas être sujettes aux doubler le temps de la prescription à l'égard des
prescriptions. absens ; de manière qu'au lieu que l'acquérear
L'arrêt que nous avons rapporté , est dans acquière , par un ténement ou une possession
l'espèce d'une rente. de cinq ans, l'affranchissement des rentes dont
235. Que devrait-on décider , si l'héritage l'héritage est chargé , lorsque les créanciers de
était seulement chargé d'une hypothèque que le ces rentes sont présens , il ne peut l'acquérir
mineur aurait pour une simple créance mobi que par une possession de dix ans, lorsqu'ils
lière ? Lu question souffre beaucoup plus de dif sont absens. Ils tiraient argument de ce que.
ficulté : les mêmes raisons ne se rencontrent pas. dans la prescription de dix ou vingt ans, le
Les lois n'ayant pas défendu l'aliénation des temps était doublé à l'égard des absens : mais
meubles des mineurs, il semble qu'on en peut Pallu ajoute que cette opinion a été proscrite
conclure qu'elles n'en empêchent pas la pres par un arrct du 16 décembre 1650, rendu en
cription. Cette question a rapport à celle que la Coutume d'Anjou , qui a jugé que le sieur
nous traitons en l'article 3 , si la prescription Barillon , demeurant en Anjou , avait acquis, par
triennale des meubles a lieu contre les mineurs : le ténement de cinq ans , l'affranchissement
j'y renvoie. , ' d'une rente dont l'héritage par lui acquis était
236. Le ténement de cinq ans , dans les Cou chargé, quoique le créancier de la rente de
tumes d'Anjou , du Maine et de Lodunois , meurât dans la province de Poitou , et que le
purge les rentes et hypothèques dont l'héritage dit acquéreur n'eût fait l'acquisition que depuis
est chargé depuis trente ans onvers l'église , de huit ans et demi. Cet arrêt se trouve aussi dans
même que celles dont il est chargé envers des le Journal des Audiences. L'argument , qu'on
particuliers laïques ; ces Coutumes ayant des tirait de la prescription de dix ou vingt ans .
dispositions expresses , par lesquelles elles res en faveur de l'opinion qui a été proscrite par
treignent le privilège qu'ont les biens de l'église, cet arrêt, était un fort mauvais argument. Si,
de n'être sujets qu'à la prescription de quarante dans le cas de la prescription de dix ou vingt
ans , aux seuls biens de son ancien domaine , et ans , on double le temps de la prescription .
veulent que tous les nouveaux acquêts de l'é lorsque la personne , contre laquelle un acqué
glise soient sujets aux mêmes lois et aux mêmes reur prescrit , est absente , c'est-à-dire , demeure
prescriptions que les biens des particuliers dans une autre province que lui , c'est parce
laïques. Voyez Anjou , art. 447 , 448 ; le Maine, que la loi qui a établi cette prescription . s'en
art. 459 , 460 ; Lodunois, lit. 20 , art. 7 et 9. est formellement expliquée : au contraire , les
Dans la Coutume de Touraine, qui n'a pas Coutumes de Tours , d'Anjou et du Maine, en
pareille disposition , je pense que le ténement établissant la prescription du ténement de cinq
PARTIE II. 417
ans pour l'affranchissement des rentes et hypo l'affranchissement des rentes et hypothèques
thèques dont un héritage est chargé , n'ayant dont l'héritage est chargé , sans que les créan
fait aucune distinction enlre les créanciers qui ciers puissent se défendre de cette prescription
sont présens , et ceux qui sont absens , on ne par le défaut de forme du testament : la forme
doit pas faire une distinction que la loi n'a pas des test amens n'étant établie qu'en faveur de
faite : Ubi lex non liiatinguit , nec nos debemus l'héritier, il n'y a que l'héritier qui soit rece-
distinguera. vable à en opposer le défaut ; lesdits créanciers
n'y sont pas recevables.
S V. QUELLES QUALITÉS DOIT AVOIR LA POSSESSION Il y a plus : quand même le legs d'un héritage,
POUR ACQUÉRIR PAR LE TÉNEMENT DE CINQ ANS. qui m'avait été fait , aurait été révoqué , si l'hé
ritier , qui a trouvé ce legs équitable, quoiqu'il
238. Pour que l'acquéreur d'un héritage ou eût connaissance de la révocation , a bien voulu
autre immeuble puisse acquérir, par le téne- m'en faire délivrance , je suis censé l'avoir pos
rnent de cinq ans , l'affranchissement des rentes sédé en vertu d'un juste titre: si ce n'est, en
et hypothèques dont il est chargé, il faut, ce cas, le titre pro legato , c'est le titre prosuo.
1« que sa possession procède d'un juste titre. Voyez ce que nous avons dit suprà , n. 76.
Les Coutumes d'Anjou , art. 422 , du Maine , 239. Pour acquérir par le ténement de cinq
art. 437 , et de Lodunois, chap. 20, art. 1, ans, il faut, eu second lieu, que la possession
s'en expliquent en termes formels. La raison en de l'acquéreur ait été une possession de bonne
est évidente. Un possesseur, qui ne rapporte foi , c'est-à-dire qu'il n'ait pas eu connaissance,
aucun titre de sa possession, à moins qu'un pendant tout ce temps , des rentes et hypothè
temps très-long de trente ans et plus ne le fasse ques dont l'héritage qu'il a acquis , est chargé, et
présumer, est un possesseur injuste , qui est qu'il ait possédé pendant ledit temps l'héritage,
appelé eu droit prœdo , comme nous l'avons vu comme le croyant franc desdites rentes et hy
dans notre Traité de la Possession , n. 8. Or, pothèques. Les Coutumes d'Anjou et du Maine ,
c'est un principe certain, qu'une possession aux articles ci-dessus cités , exigent en termes
injuste ne peut servir de fondement à une pres formels la bonne foi.
cription, par laquelle nous acquérons quelque 240. Il faut, en troisième lieu, que la posses
droit par la possession. sion de l'acquéreur ait été continuelle et
On appellejustes titres , tous les contrats et paisible pendant tout le temps de cinq ans ,
autres actes, lesquels, par la tradition qui se c'est- à-dire qu'elle n'ait souffert , pendant ledit
fait en exécution, transfèrent à quelqu'un la temps, aucune interruption, ni naturelle,
propriété d'une chose, tels que les contrats de ni civile.
vente, d'échange, les donations ou les legs. L'interruption naturelle est lorsque l'acqué
Pourvu que la possession de l'acquéreur reur , avant l'accomplissement du temps des
procède d'un juste titre, il n'importe que ce cinq ans, a réellement perdu la possession de
soit un titre onéreux, comme une vente , ou un l'héritage, et a cessé de le posséder.
titre lucratif, tel qu'une donation; les Coutumes Quoique cet acquéreur ait depuis recouvré
n'ayant fait, à cét égard, aucune distinction, la possession de l'héritage , sa possession ayant
nous n'en devons pas faire. été interrompue, le temps de la possession,
Quoiqu'il se rencontre quelque défaut de qu'il a eue jusqu'à l'interruption , ne peut lui
forme dans le litre d'acquisition de l'héritage, servir , et il ne peut prescrire qu'en possédant
si , en exécution de ce titre , la tradition de l'hé encore l'héritage pendant le temps de cinq ans,
ritage a été faite à l'acquéreur, cet acquéreur à compter du jour qu'il en a recouvré la pos-
n'en est pas moins censé posséder à juste titre ,
et il peut en conséquence acquérir , par le téne C'est ce qui résulte de ces termes des Cou
ment de cinq ans, l'affranchissement des rentes tumes d'Anjou , du Maine et de Tours , tient et
et hypothèques dont son héritage est chargé. possède par cinq ans continuels. Cela est d'ail
Supposons , par exemple , qu'on m'a légué un leurs conforme à la nature de toutes les pres
héritage par un testament, qui a quelque défaut criptions , qui font acquérir quelque droit par
dans la forme. L'héritier , par respect pour la la possession, lesquelles exigent toutes un temps
volonté du testateur , n'a pas eu égard au défaut de possession qui soit continuel et sans inter
de forme , et m'en a fait délivrance. Ce défaut ruption.
de forme dans le testament, qui est mon titre , Voyez suprà, n. 39 etsuiv., ce que nous
n'empêche pas que je ne sois censé possesseur avons dit sur l'interruption naturelle de la
de l'héritage à juste titre ; et je puis en consé possession .
quence acquérir , par le ténement de cinq ans , L'interruption civile est celle qui se fait par
Tome V. 53
413 DE LA PRESCRIPTION.
une demande en action hypothécaire , ou en quand l'acquéreur dudit héritage a tenu et
action d'interruption , donnée par un créancier exploité ledit héritage par lui ou par un autre .
contre l'acquéreur, avant l'accomplissement du pour et au nom de lui , autre que le Tendeur
temps de la prescription. C'est ce qui résulte de d'icelui héritage, de manière que l'on puisse
ces termes des Coutumes d'Anjou et du Maine , connaître que la seigneurie et possession dudit
sans ajournement d'interruption , ou autre héritage ait même main.
inquiétation , telle, par exemple, qu'une oppo Quoique celle de Tours ne se soit pas expli
sition formée par un créancier au décret de quée , cette disposition y doit avoir lieu. Il
l'héritage que l'acquéreur poursuivait, et telle résulte de la disposition de cet article , que lors
qu'est aujourd'hui une opposition formée au que celui qui ayant vendu , ou donné , on
bureau du conservateur des hypothèques. aliéné à quelque autre titre que ce soit un héri
Observez une différence entre l'interruption tage, a continué , depuis que l'aliénation en a
naturelle et l'interruption civile. L'interruption été faite , de demeurer dans ledit héritage , soit
naturelle interrompt la prescription du ténement en vertu d'une clause de rétention d'usufruit .
de cinq ans, à l'égard de tous les créanciers, soit par un bail à ferme ou à loyer que l'acqué
qui ont quelques rentes ou quelques hypothè reur lui en avait fait par le contrat d'aliénation ;
ques sur l'héritage ; l'interruption civile ne l'in quoique ce vendeur ou donateur demeure dans
terrompt qu'à l'égard du créancier qui a donné l'héritage et ne le détienne qu'au nom de l'ac
la demande : le temps de la prescription du quéreur, et que l'acquéreur en soit le véritable
ténement de cinq ans ne laisse pas , nonobstant possesseur , néanmoins l'acquéreur ne peut , en
cette demande, de courir et de s'accomplir con ce cas , acquérir , par le ténement de cinq ans ,
tre les autres créanciers qui n'en ont point donné. l'affranchissement des rentes et hypothèques
Voyez suprà , n. 48 et suiv., ce que nous avons dont l'héritage est chargé, parce que sa posses
dit sur l'interruption civile. sion n'est pas assez notoire pour donner aux
241. Pour acquérir par le ténement de cinq créanciers la connaissance de l'acquisition qu'il
ans , il faut . en quatrième lieu , que la posses a faite de l'héritage : ces créanciers , qui voient
sion de l'acquéreur ait été publique et notoire. le vendeur ou donateur continuer de demeurer
Elle doit être d'autant plus notoire pour cette dans l'héritage , ont sujet de croire qu'il conti
prescription , que le temps en étant plus court , nue d'en être le propriétaire , et d'ignorer l'alié
les créanciers qui ont des rentes et hypothèques nation qu'il en a faite.
sur l'héritage , ont moins de temps pour en être 242. Comme ce n'est qu'en conséquence de
informés. la juste ignorance , que les créanciers peuvent
Les Coutumes d'Anjou et du Maine s'en sont avoir de l'acquisition de l'héritage , qu'il n'y a
expliquées en termes formels : Et est à enten pas lieu, en ce cas , à la prescription du téne
dre , dit celle d'Anjou , art. 430 , qu'à ce que ment de cinq ans , c'est une conséquence que ,
ledit acquéreur se puisse défendre par ledit s'il est établi que les créanciers qui ont des
ténement etpossession de cinq ans, il est requis rentes ou des hypothèques sur l'héritage , ont en
qu'il aitpossédépar ledit temps continuellement ou pu avoir facilement connaissance de l'acqui
par possession publique, et non clandestine sition , il y a lieu à la prescription de cinq ans ,
ment ; mais qu'il convient qu'elle soit telle que dont le temps doit commencer à courir contre
les autres acquéreurs ou créditeurs vraisem lesdits créanciers, du jour qu'ils ont eu ou pu
blablement en aient eu ou pu avoir connais avoir facilement cette connaissance. C'est le
sance. sens de ce qui est à la fin dudit article 429 ci-
De ce principe, les Coutumes tirent elles- dessus rapporté.
mêmes cette conséquence : Et pour ce ( conti Lorsque l'acquéreur d'un héritage est un
nuent-elles ) , si celui qui a vendu et aliéné, donataire, à qui le donateur en a fait donation
demeure fermier ou détenteur des choses après sous la rétention de l'usufruit ; quoique le dona
qu'il a aliéné , jaçoit que ce soit au nom de teur ait en conséquence continué de demeurer
l'acquéreur, toutesfois tellepossession ne serait dans l'héritage , si le donataire a fait insinuer
suffisante pour porterpréjudice à autres tierces sa donation , je pense que , en ce cas , le temps
personnes , sinon que dudit contrat lesdites de la prescription du ténement de cinq ans doit
tierces personnes aientété dûment acertainées, commencer à courir du jour de l'insinuation ,
auquel (cas) ladite prescription de cinq ans contre tous les créanciers qui ont des rentes on
aurait lieu. hypothèques sur l'héritage ; car l'insinuation
La Coutume de Lodunois a une semblable des donations étant une voie légale, par laquelle
disposition ; il y est dit , ch. 20 , art. 2 : Et est les douations sont censées rendues publiques,
à entendre ledit ténement réel et naturel, lesdits créanciers sont censés avoir été, par
PARTIE II. 419
l'insinuation, dûment acertainés dela donation , % VI. DE QUAND COMMENCE A COURIR LA PRESCRIPTION
et ils sont par conséquent sujets à la prescrip DU TÉNEMENT DE CINQ ANS ; ET QUAND ELLE EST
tion de cinq ans. CENSÉE ACCOMPLIE.
243. Les Coutumes ayant décidé que , lors 244. Le temps de la prescription du ténement
que celui qui a aliéné l'héritage, a, depuis de cinq ans , de même que celui des autres
l'aliénation qu'il en a faite , continué de demeu prescriptions, commence à courir du jour que
rer dans l'héritage à titre d'usufruitier ou fer l'acquéreur a été mis en possession de l'héritage,
mier, la possession , que l'acquéreur a , dans ce en exécution du contrat de vente qui lui en a
cas, de l'héritage, n'est pas assez notoire pour été fait, ou de quelque autre espèce de titre
le tenement do cinq ans : que doit-on décider, d'acquisition.
dans le cas inverse , lorsque c'est le fermier ou 245. Sauf néanmoins que , si le contrat de
usufruitier de l'héritage, qui y demeurait en vente ou autre titre d'acquisition était fait
cette qualité , qui a fait l'acquisition de l'héri sous quelque condition suspensive, l'acquéreur,
tage ? Dupineau estime que, quoique les Cou quand même il aurait été mis en possession de
tumes ne se soient pas expliquées sur ce cas , de l'héritage incontinent, et avant l'accomplisse
même que dans l'autre, il ne doit pas y avoir ment de la condition , ne pourrait commencer
lieu à la prescription du ténement de cinq ans. le temps de la prescription que du jour de l'ac
11 y a une entière parité de raison entre ce cas complissement de cette condition, par les rai
et l'autre. La possession de l'acquéreur n'est pas sons que nous en avons apportées suprà , n . 90.
plus notoire dans ce cas-ci que dans l'autre : Par la même raison , lorsque quelqu'un a
car, de même que dans l'autre cas, les créan vendu comme se faisant fort d'un tel , quoiqu'il
ciers , qui voient celui qui a vendu ou aliéné 5 ait mis l'acquéreur en possession incontinent,
quelque autre titre l'héritage , continuer de l'acquéreur ne peut commencer le temps de la
demeurer dans l'héritage, ont sujet de croire prescription que du jour de la ratification , par
qu'il continue d'en être propriétaire , et d'igno les raisons que nous en avons apportées , ihid. ,
rer l'aliénation qu'il en a faite; pareillement , n. 92.
lorsque les créanciers voient l'acquéreur de l'hé Lorsque c'est une rente qui a été acquise ,
ritage , qu'ils ont connu pour en être l'usufrui l'acquéreur étant censé en acquérir la posses
tier ou le fermier , continuer de demeurer dans sion par la signification qu'il a faite par un ser
cet héritage, ils ont sujet de croire qu'il conti gent , de son transport au déhiteur de la rente ,
nue d'y demeurer dans la même qualité qu'il ou par l'acceptation que le déhiteur en a faite
avait d'usufruitier ou de fermier , et d'ignorer par acte devant notaire; c'est du jour de cette
l'acquisition qu'il en a faite. On doit donc, par acceptation que commence à courir le temps
parité de raison , décider , dans ce cas-ci comme de la prescription.
dans l'autre , que la possession de l'acquéreur 246. Pour accomplir le temps de la prescrip
n'est pas assez notoire pour donner lieu à la pres tion du ténement de cinq ans , l'acquéreur peut
cription du ténement de cinq ans : Uhi eadem ajouter au temps de sa possession celui de la
ratio et œquitas occurrit , idem jus statuendum possession de ses auteurs , qui ont comme lui
est. ' possédé l'héritage, dans la juste opinion qu'il
Dumoulin , dans une note sur l'article 429 était franc des rentes et hypothèques dont il
ci-dessus rapporté , propose le cas d'un acqué était chargé. Voyes , à cet égard, tout ce que
reur , qui aurait commencé par se faire faire un nous avons dit suprà.
hail à la ferme d'un héritage , et qui deux jours Le temps de cette prescription, de même que
après paraîtrait en avoir fait l'acquisition : il celui de toutes les autres qui font acquérir par
décide que , dans ce cas , ce hail à ferme n'em la possession , est accompli , aussitot que le
pêche pas le temps du retrait de courir, et dernier jour de la dernière année est commencé;
donne seulement lieu à la question, s'il y a eu suprà t n. 102.
fraudo. Dupineau rejette avec raison cette opi
nion de Dumoulin. Il est visihle que le hail à ARTICLE V.
ferme n'est fait que pour cacher l'acquisition de
l'héritage , et s'en faisant , par ce hail , regarder Quelle loi doit régler les prescriptions par
comme en étant le fermier; et quand il serait lesquelles nous acquérons le domaine depro
possihle de ne pas supposer dans l'acquéreur priété des choses, et l'affranchissement de
la fraude et le dessein de cacher son acquisition, leurs charges.
il suffit que , dans le fait , ce hail , qui le faisait
regarder comme fermier , ait empêche l'acqui 247. Les lois qui concernent los prescrip
sition d'être suffisamment notoire. tions par lesquelles nous acquérons la propriété
420 DE LA PRESCRIPTION.
des choses, étant des lois qui ont pour ohjet ans , des terres de cet héritage qui sont situées
les choses, ces lois sont des statuts réels, les sous la Coutume de Blois, et conserver celles
quels , suivant la nature des statuts réels , exer qui sont sous la Coutume d'Orléans , de même
cent leur empire sur toutes les choses qui y que vous auriez pu disposer, par vente ou par
sont sujettes, à l'égard de toutes sortes de donnation, des unes, en conservant les autres.
personnes. 248. Les rentes foncières étant censées avoir
Toutes les choses qui ont une situation , la même situation que l'héritage; si une rente
telles que sout tous les héritages , tant les foncière est à prendre sur un héritage , dont les
maisons que les fonds de terre, sont soumises à terres , qui en dépendent , sont situées sous dif
l'empire de la loi du lieu où est leur situation. férentes Coutumes, la rente foncière sera censée
Les droits réels, que nous avons dans un avoir sa situation, pour raison des differentes
héritage, tels qu'un droit de rente foncière, un parties de l'héritage sur lesquelles elle est à
droit d'usufruit , ete., sont censés avoir la même prendre, sous les différentes Coutumes sous
situation que l'héritage , et sont pareillement lesquelles les différentes parties dudit héritage
soumis à l'empire de la loi du lieu où il est sont situées, et en conséquence cette rente sera
situé. soumise à l'empire deces différentes Coutumes ,
La loi qui doit régler la prescription qui nous pour raison des différentes parties de l'héritage
fait acquérir la propriété d'un héritage ou d'une sur lesquelles elle est éprendre. Par exemple, si
rente foncière, doit donc être la loi du lieu où quelqu'un demeurant en même province que
l'héritage est situé : il n'importe où soit le vous, possède, avec titre et honne foi, une
domicile, tant du possesseur qui acquiert, que .rente foncière à vous appartenante, laquelle
du propriétaire qui est dépouillé par la pres rente foncière est à prendre sur un héritage ,
cription. dontle tiers des terres est situé sous la Coutume
Par exemple, si j'ai possédé pendant dix ans , de Blois, et les deux autres tiers sous celle d'Or
avec titre et honne foi, votre héritage situé léans ; lorsque ce possesseur aura possédé votre
sous la Coutume de Blois, qui admet la pres rente pendant dix ans , il deviendra propriétaire
cription de dix ans entre présens , et de vingt de votre rente foncière sur les terres sur les
ans entre ahsens ;, quoique nous demeurions quelles elle est à prendre, qui sont situées sous
l'un et l'autre sous celle d'Orléans , qui n'admet la Coutume de Blois, qui admet la prescription
que celle de trente ans , je l'aurai acquis par la de dix ans , et vous continuerez d'être proprié
prescription de dix ans , à laquelle il est sujet taire de la rente sur les terres sur lesquelles elle
par la loi du lieu de sa situation. est à prendre, qui sont situées sous la Coutume
Vice verad, si votre héritage , que je possède d'Orléans , qui n'admet point d'autre prescrip
avec titre et honne foi, est situé sous la Cou tion que celle de trente ans.
tume d'Orléans ; quoique nous demeurious l'un Mais comme deux personnes ne peuvent pas
et l'autre sous la Coutume de Blois, qui admet être propriétaires chacune pour le total d'une
la prescription de dix ans entre présens, je ne même chose , Duo non possunt esse dominiin
pourrai l'acquérir que par une possession de solidum , le domaine do cette rente se divisera
trente ans , la Coutume d'Orléans n'admettant nécessairement entre ce possesseur et vous , à
d'autre prescription que celle de trente ans. proportion de la partie de l'héritage, sur laquelle
Si les terres dépendantes de votre héritage que il a acquis la rente, et de la partie de l'héritage,
j'ai possédé pendant dix ans, avec titre et honne sur laquelle vous l'avez conservé ; c'est-à-dire
foi , étaient situées sous différentes Coutumes, que, dans notre hypothèse, il sera propriétaire
les unes sous la Coutume de Blois , qui admet la de la rente pour un tiers, et vous demeurerez
prescription de dix ans, les autres sous celle propriétaire pour les deux tiers.
d'Orléans , qui n'admet que celle de trente ans, Au moyen de cette division de la rente, les
j'aurai acquis , par la prescription de dix ans, différentes parties de l'héritage, qui, avant la
les terres situées sous la Coutume de Blois , et division, étaient chargées, chacune pour le
vous conserverez celles situées sous la Coutume total , de la rente envers vous , sont déchargées
d'Orléans. Ces terres, quoiqu'elles composassent de cette solidité ; les parties situées sous la Cou
par la destination du père de famille un même tume de Blois ne seront plus chargées que du
héritage, sont néanmoins différentes les unes tiers de la rente, et les autres ne seront plus
des autres ; elles ont chacune leur situation dif chargées que des deux tiers.
férente; elles sont par conséquent soumises Cette division a lieu , lorsque le possesseur de
chacune aux différentes lois de leur différente la rente, après l'avoir acquise pour partie par
situation , et rien n'empêche que vous ne puis la prescription, savoir pour la partie des terres
siez être dépouillé, par la prescription de dix situées sous la Coutume de Blois, a été évincé
PARTIE II. 421
depuis par vous du surplus de ladite rente sur elle doit être soumise à l'empire de la loi du lieu
les terres situées sous la Coutume d'Orléans, où est situé le chef-lieu , et c'est cette loi qui
qui y sont sujettes. doit régler la prescription qui l'a fait acquérir
Mais lorsque le possesseur, qui, ayant pos au possesseur. Par exemple , si quelqu'un demeu
sédé la rente pendant trente ans entiers , a ac rant en même province que vous , avait possédé,
quis la rente sur toutes les parties de l'héritage avec titre et honne foi , pendant dix ans une sei
qui eu est chargé, tant sur celles situées sous la gneurie dont le chef-lieu est situé sous la
Coutume d'Orléans, que sur celles situées sous Coutume de Blois, qui admet la prescription de
la Coutume de Blois sujettes à la rente, et le dix ans, il aurait acquis cette seigneurie par
possesseur des terres situées sous celle d'Or la prescription , même sur les héritages relevans
léans, sont des personnes différentes; pourront- en fiefouencensivede votre seigneurie , quoique
elles , pour se défendre de la solidité de la situés sous la Coutume d'Orléans , qui n'admet
rente, opposer au propriétaire de la rente, que que la prescription de trente ans : et vice versd ,
celui de qui il l'a acquise, n'en était pas le si le chef-lieu est situé sons la Coutnme d'Or
propriétaire , et n'a pu par conséquent lui en léans , il ne pourra acquérir votre seigneurie que
transférer la propriété; qu'il n'en est devenu par la prescription de trente ans , même sur les
propriétaire que par la prescription ; que ne héritages qui en relèvent , quoique situés sous
l'étant devenu que successivement et par par la Coutume de Blois.
ties, il s'était fait une division de la rente, lors On nous opposera peut-être ce que nous avons
qu'il était devenu propriétaire de la rente sur dit , que le droit de rente foncière à prendre
les teiTcs situées sous la Coutumede Blois, avant sur des héritages , dont les différentes parties
que de l'être devenu sur celles situées sous la sont situées sous différentes Coutumes , est censé
Coutume d'Orléans , laquelle division en avait avoir sa situation, par rapport à ces différentes
détruit la solidité? Je ne pense pas que les déhi parties, sous les différentes Coutumes sous les
teurs de la rente soient recevahles dans ce quelles ces différentes parties d'héritages sont
moyen. Le possesseur d'une chose en est pré situées , parce que le droit de rente foncière étant
sumé de droit le propriétaire, tant que le véri un droit réel , que le créancier de rente foncière
tahle propriétaire ne la réclame pas , et ne a dans les différentes parties d'héritages qui sont
justifie pas de son droit; c'est pourquoi le pos sujettes à sa rente, il est censé avoir la même
sesseur de cette rente est présumé en avoir été situation qu'ont ces différentes parties d'héri
le propriétaire pour le total, dès qu'il a com- tages. Or , dit-on , le droit de seigneurie est
.mencé de la posséder. C'est de la part du déhi pareillement un droit réel , un droit de domaine
teur de la rente exciper du droit d'autrui , que de supériorité , que le seigneur a dans les diffé-
d'opposer que la rente appartenait a un autre rens héritages qui relèvent , soit en fief, soit en
sur qui le possesseur l'a acquise par la prescrip censive, de sa seigneurie; ce droit de seigneurie
tion; or personne n'est recevahle à exciper du doit donc pareillement être censé avoir sa situa
droit d'autrui. tion , par rapport à ces différons héritages , tlans
249. Il n'en est pas d'un droit de seigneurie , les différens lieux où ils sont situés. Je réponds
de fief ou de censive , comme d'un simple droit que la raison de différence est , que les héritages ,
de rente foncière. Quoique ces seigneuries con chargés d'une simple rente foncière , n'en étant
sistent dans un domaine de supériorité , qui est chargés qu'envers la personne à laquelle la rente
aussi un droit réel que le seigneur a dans les est due, et n'y ayant aucun lieu auquel ce droit
héritages qui relèvent de lui en fief ou en cen de rente foncière soit attaché , et duquel les
sive , néanmoins comme le seigneur en ce droit héritages qui sont charges de la rente, soient
de seigneurie sur les héritages , lors de l'aliéna mouvans , le droit de rente ne peut avoir d'autre
tion qu'il eu a faite à titre de fief ou de censive, situation que celle qu'ont les héritages sur les
a attaché ce droit de seigneurie à une certaine quels elle est à prendre : au contraire, un droit
tour , à un certain château qui est le chef-lieu de seigneurie étant attaché à un chef-lieu , duquel
de sa seigneurie et le lieu où elle s'exerce ; les héritages relevans de la seigneurie sont mou
comme c'est de cette tour, do ce château , que vans , c'est où est situé le chef-lieu , que le
tous les héritages dépendans de la seigneurie droit de seigneurie , qui y est attache, doit être
sont dits être mouvans en fief ou en censive ; il censé avoir sa situation, plutot que dans les
y a lieu de penser que cette seigneurie doit être différens lieux où les héritages relevans de cette
censée avoir sa situation dans le lieu où est situé seigneurie sont situés.
le chef-lieu auquel elle est attachée , plutot que On opposera peut-être encore que ce sont les
dans les différais lieux où sont situés les héri lois des différens lieux où sont situés les héri
tages sur lesquels elle s'étend : en conséquence , tages relevans d'une seigneurie , qui règlent les
422 DE LA PRESCRIPTION.
différons droits seigneuriaux dont ils sont char doit rester à courir pour parachever la pres
gés , et non la loi du lieu où le chef-lieu de la cription? Je pense que le possesseur doit, ec
seigneurie est situé. Donc , dira-t-on , ce sont ce cas, pour parachever le temps de la pres
pareillement les lois des lieux où sont situés les cription , posséder la chose pendant une portioa
héritages relevans d'une seigneurie , qui doivent du temps que la loi du nouveau domicile du
régler la prescription de cette seigneurie. La propriétaire demande pour la prescription ; et
conséquence est très-mal tirée. Les droits sei cette portion doit être pareille à la portion qui
gneuriaux sont des charges , que la loi aimposées restait à courir lors du changement de domicile,
sur les héritages qui relèvent en fief ou en cen- du temps que la loi de l'ancien domicile
sive : il n'y a que la loi à l'empire de laquelle demande pour la prescription. Par exemple , si.
ils sont soumis , je veux dire celle du lieu où après que quelqu'un demeurant comme voui
ils sont situés, qui ait pu leur imposer ces dans le bailliage de Blois , a possédé pendant
charges : il n'y a donc que cette loi , qui puisse huit ans , avec titre et bonne foi , une rente
régler ces charges , non pas celles du lieu où est constituée ionl vous êtes propriétaire, vous
situé le chef-lieu de la seigneurie. Mais la pres avez transféré votre domicile à Orléans, ne
cription , qui fait acquérir la propriété de la restant plus à courir, lors de votre change
seigneurie au possesseur de cette seigneurie, ment de domicile , que deux ans , qui est la por
est quelque chose qui n'influe en rien sur les tion du temps de dix ans , que la Coutume
héritages qui relèvent de cette seigneurie. La de votre ancien domicile demande pour la
condition des propriétaires de ces héritages prescription, il faudra que, depuis votre trans
ne change point par la prescription , qui fait lation de domicile ù Orléans, le possesseur de
passer la propriété de la seigneurie au posses votre rente la possède encore pendant le temps
seur ; ce ne sont donc pas les lois, qui régissent de six ans , qui est la cinquième partie de celui
les héritages rulevans de la seigneurie, mais de trente ans , que la Coutume de votre nouveau
plutot la loi du lieu qui régit le chef-lieu auquel domicile demande pour la prescription, fïee
est attaché le droit de seigneurie, qui en doit vend, si vous aviez votre domicile à Orléans,
régler la prescription. et que, après que quelqu'un a possédé pendant
II n'importe quel soit ce chef-lieu , ne fût-ce vingt-quatre ans, avec titre et bonne foi , use
qu'une masure , ne fût-ce qu'un orme , sous rente constituée qui vous appartient , vous
lequel le seigneur reçoit les hommages de ses transfériez votre domicile à Blois , où est celui
vassaux, et les cens de ses censitaires: cette du possesseur de votre rente , ne restant plus,
masure , cet orme est le chef-lieu de la sei lors de votre translation de domicile , du temps
gneurie , auquel le droit de seigneurie est atta de trente ans, que la Coutume de votre ancien
ché, et c'est la loi du lieu où il est situé , qui en domicile demande pour la prescription , que
doit régler la prescription. celui de six ans , qui en est la cinquième por
250. A l'égard des seigneuries qui n'auraient tion , il suffira , pour parachever le temps de la
point de chef-lieu , elles ne peuvent , de même prescription , que le possesseur de votre rente U
que les droits de rentes foncières , être censées possède encore , depuis votre translation de
avoir d'autre situation que celle des différens domicile, pendant le temps de deux ans, qui
lieux où sont situés les différens héritages, dans est la cinquième portion de celui de dix ans.
lesquels le seigneur a le droit de domaine de que la Coutume de votre nouveau domicile de
supériorité qui constitue sa seigneurie. mande pour la prescription.
251. Passons aux choses qui n'ont point de 253. De même que la prescription , qui nous
situation, telles que sont les rentes constituées fait acquérir le domaine de propriété des choses,
et les meubles. Ces choses sont régies par la se règle par la loi qui régit lesdites choses,
loi qui régit la personne de celui qui en est le pareillement la prescription , qui nous fait ac
propriétaire , c'est-à-dire par la loi du lieu où quérir l'affranchissement des droits réels, que
est son domicile : c'est donc la loi de ce lieu qui quelqu'un> a sur notre héritage , doit se régler
eu doit régler la prescription : et le propriétaire par la loi qui les régit; ces droits réels étant
ne peut être dépouillé des choses qui lui appar censés avoir la même situation que celle de notre
tiennent , que par une loi à l'empire de laquelle héritage sur lequel ils ont à prendre et qui en est
il soit soumis. chargé, ils sont régis par la loi du lieu où est
252. Lorsque , pendant le cours de la pres situé notre héritage , et c'est la loi de ce lieu qui
cription de ces choses , qui se règle par la loi du doit régler la prescription qui en fait acquérir
lieu du domicile de celui qui en est le proprié l'affranchissement. Par exemple, si un Orléanais,
taire , ce propriétaire vient à changer de propriétaire d'un héritage situé sous la Coutume
domicile , comment doit-on régler le temps qui de Paris , l'a possédé pendant dix ans , sans avoir
PARTIE II. 423
connaissance d'une renie foncière , dont ledit qui en sont les accessoires, et elle transmet la
héritage était chargé envers un autre Orléanais, rente avec tous les droits d'hypothèques qui en
il aura acquis pour son héritage , par la pres- dépendent , à celui qu'elle appelle à la succes
cription , l'affranchissement de cette renle; car sion de cette rente, en quelque lieu que soient
quoique le propriétaire de cette rente eut son situés les héritages qui y sont hypothéqués.
domicile sous la Coutume d'Orléans, qui n'ad Mais lorsqu'un droit d'hypothèque, que le
met pas cette prescription de dix ans, néanmoins créancier d'une rénte a pour cette rente sur
étant soumis , par rapport à ses biens , aux lois quelque héritage, est considéré séparément de
qui les régissent , qui sont celles des lieux où ils la rente , comme dans le cas de cette prescrip
sont situés, ou censés situés, il est, par rapporta la tion , dont l'objet est de séparer de la rente le
rente foncière qu'il avait sur mon héritage situé droit d'hypothèque que le créancier a sur un
sous la Coutume de Paris, soumis à cette Cou héritage pour sa rente, d'éteindre ce droit
tume , qui régit la rente foncière qui y est censée d'hypothèque en laissant subsister la rente; en
située, et il en a été dépouillé par cette Cou ce cas, ce n'est pas la loi, qui régit la rente,
tume, qui admet la prescription de dix ans. qui doit régir le droit d'hypothèque que le
254. Il y a plus de difficulté, par rapport ù l'af créancier a sur un héritage pour cette rente :
franchissement de l'hypothèque, que le créan ce droit doit être régi par une loi qui lui soit
cier d'une rente constituée à prix d'argent a propre; c'est la loi du lieu où est situé l'héri
pour sa rente sur un héritage. Est-ce la Coutume tage , la loi qui régit l'héritage auquel le droit
qui régit l'héritage chargé de cette hypothèque, d'hypothèque est attaché.
qui est celle du lieu de sa situation ; ou est-ce II en est de même de tous les autres droits
celle qui régit la rente, c'est-à-dire celle du d'hypothèque, que des créanciers auraient sur
lieu ouest le domicile du créancier, qui doit mon héritage pour des créances mobilières, ou
régler la prescription qui fait acquérir au pro pour quelques autres espèces de créances que
priétaire l'affranchissement de l'hypothèque ? ce soit. Ce n'est, pas la loi, qui régit leurs
Pour résoudre cette question , il faut examiner créances, mais celle qui régit mon héritage,
quelle est la chose qui est l'objet de cette pres auquel leurs droits d'hypothèque sont attachés,
cription. Ce n'est pas la rente elle-même qui est qui doit régler la prescription qui m'en fait
l'objet de cette prescription ; le créancier de la acquérir l'affranchissement.
rente ne perd, par cette prescription , que l'hy
pothèque qu'il a pour sa rente sur l'héritage ; ARTICLE VI.
mais cette prescription ne lui fait pas perdre sa De quelques espèces de prescriptions qui ont
rente : ce n'est donc pas la rente, c'est l'hypo lieu dans quelques Coutumes particulières.
thèque , que le créancier a pour sa rente , sur
l'héritage , qui fait l'objet de la prescription ; et S I. DES PRESCRIPTIONS DE SEPT ANS , QUI ONT LIEU
par conséquent ce n'est pas la loi qui régit sa DANS LA COUTUME DE RAVONNE.
rente , mais celle qui régit l'hypothèque que 255. La Coutume de Bayonne , au titre 13,
le créancier a sur l'héritage, qui doit régler des Prescriptions , art. 1. établit une prescrip
cette prescription. On dira peut-être que, les tion de sept ans par laquelle celui , qui a pos
hypothèques n'étant que des accessoires de la sédé pendant ce temps un héritage ou autre
rente , c'est la loi qui régit la rente , c'est-à-dire immeuble, en acquiert le domaine de propriété,
celle du lieu du domicile du créancier , qui doit lorsque celui de qui il l'a acquis , n'en était
être censée régir les hypothèques qui n'en sont pas le propriétaire , et par laquelle celui qui
que les accessoires ; que c'est donc la loi du lieu a possédé pendant ledit temps , acquiert l'affran
du domicile du créancier, qui doit régler cette chissement des hypothèques et autres charges
prescription, et non celle du lieu où est situé réelles dont son héritage était chargé , et dont
l'héritage hypothéqué à la rente. il n'a pas eu de connaissance.
Je réponds que, dans les cas auxquels les Voici comme elle s'en explique : « Celui qui,
droits d'hypothèques , qui sont les accessoires o comme vrai seigneur , a tenu et possédé
d'use rente , ne sont point considérés séparé a aucune chose immeuble présent, sachant et
ment de la rente , mais comme faisant un même « non contredisant celui à qui la chose est
tout avec la rente , la loi qui régit la rente , est « obligée, qui est majeur de vingt-cinq ans,
censée régir tout ce qui en dépend , et par con • qui jouit par ledit temps, a prescrit la chose,
séquent les droits d'hypothèques qui en sont les a tant contrele seigneur que contrele créditeur.s
accessoires. Par exemple, dans le cas d'une suc Cette prescription paraît être la même espèce
cession, la loi qui régit la rentf , est censée de prescription, que celle de dix ans entre
régir pareillement tous les droits d'hypothèques présens , qui a été établie par le droit romain ,
424 DE LA PRESCRIPTION.
et adoptée dans la plupart des Coutumes , et 260. La Coutume de Bayonne établit ras-
dont nous avong traité suprà ; sauf que cette autre espèce de prescription septénaire, e-
Coutume en a fixé le temps à sept ans , au lieu l'article 5 du même titre , qui est conçu en ce
de dix. termes : .> Si aucun habitant de ladite ville »:
256. Cette prescription, de même que celle « cité (de Bayonne), qui a bâti , planté vi«iv
de dix ans entre présens, demande que le pos « ou verger, ou autrement peuplé au fonds îfsn-
sesseur ait possédé avec titre et bonne foi. o trui majeur de vingt-cinq ans, présent, sachîK
Cette Coutume le fait assez entendre par ces s le seigneur du fonds et non contredisas".
termes, qui comme vvai seigneur a joui et « tient et possède la chose bâtie ou aulremer'
possédé , ete. Posséder un héritage comme vrai u peuplée par l'espace de sept ans continuel? c
seigneur, c'est posséder un héritage dont on est « consécutifs, sans être inquiété en jugeaws'
propriétaire, ou dont on a au moins un juste « par le seigneur de fonds , ne peut après ledii
sujet de croire l'être; ce qui ne peut convenir « temps être inquiété obstant exception de pres-
qu'à celui qui produit un juste titre d'où sa « cription. «
possession procède, ou dont la possession a Le cas de la prescription établie par cet
duré pendant un temps assez long pour le faire article 5 , est différent de l'article l . Le cas ik
présumer. l'article I , est le cas d'un possesseur, qui a pos
257. La Coutume, par ces termes, sachant sédé pendant sept ans un héritage en Tertu à'as
et non contredisant , ne veut dire autre chose juste titre , comme d'une vente ou donatiair
que ce que les autres Coutumes disent, en par qui lui en avait été faite par quelqu'un qui:
lant de la possession de dix ans, que le posses croyait en être le propriétaire , quoiqu'il ne k
seur doit avoir possédé publiquement. fût pas. Le cas de l'article 5 est celui d'un pos
258. Enfin, par ces derniers termes , a pres sesseur, qui ne possède point en vertu d'à:
crit la chose, tant contre le seigneur que juste titre , mais qui , trouvant un terrain qu'os
contre le créditeur, la Coutume déclare le ne cultivait point, et dont on ne faisait aucun
double effet, qu'a cette prescription, de même usage , s'en est emparé , et y a construit de>
que celle de dix ans , savoir de faire acquérir édifices ou fait des plantations : la Coutume
au possesseur le domaine de propriété de l'héri présume , en ce cas , que le propriétaire de Thé-
tage , et d'en dépouiller l'ancien propriétaire ; ritage, majeur et présent qui a laissé ce posses
comme aussi de faire acquérir au possesseur seur bâtir ou planter sur son héritage, et le lai
l'affranchissement des hypothèques et autres a laissé posséder pendant sept ans , lui a bie»
droits réels, que des créanciers auraient eus voulu concéder ce terrain.
sur son héritage, dont il n'avait pas de con Cet article porte , les habitons de ladist
naissance. ville. Il parait par ces termes , que cette espèce
Tout ce que nous avons dit supra, de la de prescription est un privilège accordé a«x
prescription de dix ans entre présens avec titre bourgeois de Bayonne , et qu'il n'y a qu'eux qni
et bonne foi , reçoit donc une application à cette soient reçus à Opposer cette prescription pour
prescription. les terrains où ils ont bâti ou planté.
259. De ce que la Coutume de Bayonne a 261. Cette prescription a pour fin d'encou-
restreint à sept ans le temps de la prescription rager les bourgeois de Bayonne à rentre utiles
de dix ans , qui a lieu , avec titre et bonne foi, les terrains incultes , en y construisant des bàti-
entre présens , il ne faut pas en conclure que , mens , ou en y faisant des plantations. Comme
ensuivant la même proportion , la prescription c'est en considération des bâtimens qu'on y
de vingt ans avec titre et bonne foi , qui a lieu construit , ou des plantations qu'on y fait , que
contre les absens , doive pareillement être ré la Coutume accorde cette prescription; lors
duite à quatorze ans. La raison est, que les qu'un bourgeois de Bayonne s'est mis sans titre
prescriptions . qui tendent à dépouiller des pro en possession d'un terrain , ce n'est que depui>
priétaires et des créanciers de leurs droits, qu'il y a bâti ou qu'il y a fait faire des piano
étant d'un droit très-étroit, elles ne peuvent tions , que le temps de cette prescription doit
s'établir que par une loi expresse, et non par commencer â courir. Cest ce qui résulte de ces
de simples conséquences. La Coutume ayant termes , tient et possède la chose bâtie on
donc étubli une prescription de sept ans à la autrement plantée par l'espace de sept ans.
place de celle de dix ans qui a lieu de droit Ce n'est donc que la possession d'une chose
commun entre présens , mais ne s'étant point batie ou plantée qui donne lieu à cette pres
expliquée sur celle qui doit avoir lieu entre cription ; le temps ne peut donc commencer à
absens , elle doit être censée n'avoir rien innové courir, que du jour que le terrain qui fait l'ob
à cet égard. jet de cette prescription , a été bâti ou planté.
PARTIE II. 425
262. Est-ce du jour que le possesseur a com prescription de trente ans, lorsqu'elle court
mencé le bâtiment , que commence à courir le entre absens.
temps de la prescription , ou seulement du jour Les Coutumes de Cambrai, de Saint-Paul,
que le bâtiment a été parachevé? Je penserais et de Valenciennes , ont aussi admis la prescrip
que le temps de la prescription ne doit com tion de vingt ans sans titre , entre présens seu
mencer à courir que du jour que le bâtiment a lement.
acquis la forme de bâtiment , et est parvenu â Tout ce que nous avons dit supra, art. 1 , ds
avoir toutes les parties essentielles pour com la prescription de trente ans , reçoit une entière
poser un bâtiment , c'est-à-dire qu'on a achevé application à la prescription de vingt ans, qui
la couverture ; car, jusqu'à ce temps , le terrain est de même nature que celle de trente ans.
est bien un terrain sur lequel on a bâti , mais
ce n'est pas encore une chose bâtie. Or, la $ III. DE LA PRESCRIPTION DE QUARANTE ET UN ANS,
Coutume demande , pour la prescription , qu'on QUI A LIEU AU PAYS DE SOLE.
ait possédé la choae bâtie pendant sept ans.
Au reste , je pense que, aussitôt que le bâti 264. La Coutume de la vicomte de Sole a éta
ment a acquis la forme de bâtiment, le temps bli une prescription de quarante et un ans, par
de la prescription doit commencer à courir, laquelle celui, qui a possédé un héritage pen
quoiqu'on n'ait pas fait dans le dedans ce qu'on dant ce temps , soit avec titre ou sans titre, en
se propose d'y faire. acquiert la propriété , et l'affranchissement de
tous les droits réels dont il est chargé : elle re
jette expressément toute prescription d'un temps
S II DE LA PRF.SCRIPTION Dr. VINGT ANS , SANS moindre , à l'égard des fonds de terre.
TITRE , QUI A LIEU DANS QUELQUES COUTUMES. Cette prescription , au temps près , est de
même nature que celle de trente.
263. Par le droit commun, le possesseur, qui
ne peut produire le titre , en vertu duquel il ARTICLE VII.
possède quelque héritage ou autre immeuble , De quelques prescriptions particulières , pour
ne peut en acquérir la propriété, ni l'affranchis l'acquisition de certains droits.
sement des droits réels et hypothèques dont il
est chargé , que par la prescription de trente S I. DE LA PRESCRIPTION PAR LAQUELLE UN SEIGNEUR
ans, dont nous avons traité supra, art. I. PRESCRIT , CONTRE UN AUTRE SEIGNEUR , LE DOMAINE
La Coutume de Ponlhieu et celle de Boulonnais DE SUPERIORITE SUR DES HERITAGES.
ont abrégé le temps de la prescription de trente
ans , et l'ont réduit à vingt ans , soit que la 265. Le droit de domaine de supériorité, tel
prescription coure contre des présens , soit que l'ont les seigneurs de fief, de censive, de
qu'elle coure contre des absens. champart seigneurial , ou de rente seigneuriale,
La Coutume de Ponlhieu, art. 116, dit: est imprescriptible, en ce sens que les proprié
Quiconque jouit et possède aucune choae... à taires des héritages, qui y sont sujets, ne peu
titre ou aans titre... par vingt ans... entre vent en acquérir l'affranchissement par aucune
gens laïques et non privilégiés , présens ou prescription , par quelque long temps qu'ils pos
absens, tel possesseur acquiert droit en la sèdent leurs héritages sans reconnaitre le droit
chose... nul n'est recevable... à lui demander de seigneurie auquel ils sont sujets.
aucune chose de ce dont il est demeurépaisible Mais si le domaine de supériorité est impres
pendant le temps dessus dit. criptible extinctivè, en ce sens qu'il ne peut
Celle de Boulonnais, art. 121, dit pareille s'éteindre par la prescription , il est prescripti
ment que celui , qui possède chose mobile ou ble transiiaire , en telle sorte qu'il peuf passer,
immobile, à titre ou sans titre , entre présens par la prescription , à un autre seigneur.
ou absens , le temps et espace de vingt ans , La Coutume de Paris, en l'article 123 , éta
acquiert, ete. Elle ajoute que celui, qui vou blit cette prescription. L'article est conçu en
dra s'aider de ladite prescription de vingt ans, ces termes : u Cens portant directe est prescrip-
sera tenu alléguer titre suffisant... sans toute « tible par seigneur contre seigneur , et se peut
fois qu'il soit tenu le vérifier. u prescrire par trente ans contre âgés et non
La Coutume d'Artois, art. 72, a aussi réduit « privilégiés, et par quarante ans contre l'église ,
à vingt ans, avec titre ou sans titre, la pres « s'il n'y a titre ou reconnaissance dudit cens,
cription de trente ans, avec cette différence, a ou que le détenteur ait acquis l'héritage à la
que c'est seulement dans le cas auquel la pres « charge dudit cens. s
cription court entre présens ; elle a conservé la Cet article est dans l'espèce d'un seigneur ,
Tome V. 54
42fi DE LA PRESCRIPTION.
qui , pendant l'espace de trente ans , s'est fait la première reconnaissance , que lui aura
reconna>tre pour seigneur par les propriétaires passée le propriétaire ou possesseur de l'héri
ou possesseurs d'un héritage qui ne relavait tage, qui n'aura reconnu ni avant ni depuis le
point de sa seigneurie , mais de celle d'un autre véritable seigneur; et elle continuera par les
seigneur , qui , de son côté , ne s'est point fait reconnaissances , que lui passeront les succes
reconnaître par les propriétaires ou possesseurs seurs de ces propriétaires, qui n'auront pareil
dudit héritage. lement reconnu ni le véritable seigneur, ni au
266. Pour que les reconnaissances censuelles, cun autre.
qu'on a passées à celui qui n'était pas le vérita C'est le véritable sens de ce qui est dit à la fin
ble seigneur, établissent une quasi-possession de l'article ci-dessus , s'il n'y a titre ou recon
trenlenaire du domaine de supériorité de l'hé naissance dudit cens ; ou que le détenteur ait
ritage, par laquelle il le puisse acquérir par acquis à la charge dudit cens : c'est-à-dire que
droit de prescription , il faut qu'il y ait au moins le tiers , qui prétend avoir acquis , par droit de
deux reconnaissances qui lui aient été passées prescription, la seigneurie censuelle d'un héri
par acte devant notaires , et qu'il y ait un in tage, par la possession qu'il prétend en avoir
tervalle au moins de trente ans entre la pre eue pendant trente ans, par la prestation qui
mière et la dernière. lui a été faite du cens pendant ledit temps , et
Si celui, qui prétend avoir une possession par les reconnaissances qui lui ont été passées
trentenaire d'un droit de seigneurie censuelle par les propriétaires et possesseurs de l'héritage,
sur un héritage, ne rapporte point de reconnais n'est fondé dans sa prétention qu'en tant que le
sances censuelles pour l'établir, mais rapporte véritable seigneur, contre lequel il prétend
tous lescueillerets ou papiers de recette qu'il a avoir prescrit , ne peut justifier avoir lui-même,
tenus tous les ans des cens qui lui ont été payés, de son côté, pendant ledit temps, exercé sa
dans tous lesquels il est dit que le cens a été seigneurie, par le rapport de quelque titre,
payé pour ledit héritage ; ces papiers de cueil- comme d'une saisie censuelle ; ou en avoir été
lerets n'étant que des écritures privées , ne peu reconnu pendant ce temps , par le rapport dés
vent pas faire une foi suffisante contre des tiers, reconnaissances que lui en ont passées les pro
de ce qu'ils contiennent , comme nous l'avons priétaires ou les possesseurs de l'héritage, ou de
établi en notre Traité des Obligations, part. 4, l'acquisition qu'ils ont faite dudit héritage, à
n. 752. Ils ne peuvent donc établir la presta la charge du cens envers lui.
tion du cens , ni par conséquent la possession Quelques commentateurs de la Coutume de
prétendue du droit de seigneurie censuelle. Paris ont donné d'autres interprétations de la
267. Pour cette prescription, de même que fin de cet article , que j'ai cru inutiles de rap
pour la prescription trentenaire ordinaire, il porter. Voyez Lemaitre, en son Commentaire
n'est pas nécessaire que celui, qui s'est fait, sur ce même article.
pendant trente ans, reconnaître pour seigneur Au reste , si , suivant ce qui est porté par la
d'un héritage qui relevait d'un autre seigneur, fin de cet article , celui , qui allègue la prescrip
produise un titre d'où sa possession procède, ou tion , ne peut la fonder sur les reconnaissance
qu'il justifie de sa bonne foi; elle est présumée, qui lui ont été passées par les propriétaires on
tant qu'on ne justifie pas du contraire , c'èst-à- possesseurs dé l'héritage , qui en ont pareille
dire, tant qu'on ne justifie pas qu'il avait con ment passé au véritable seigneur , ou qui ont
naissance que l'héritage, pour lequel il s'est acquis à la charge du cens envers lui , ce n'est
fait reconnaître , relevait d'un autre seigneur. point par la raison que Lemaitre et Laurière en
268. Mais pour que celui , à qui on a passé donnent, qui est, qu'on doit présumer, en ce
des reconnaissances censuelles, ou payé des cas, de la mauvaise foi et de la collusion. Il
cens pour un héritage, soit censé avoir possédé n'est point nécessaire de présumer cela : c'est
la seigneurie directe de cet héritage, il faut que par la seule raison que nous avons donnée , qui
les propriétaires ou possesseurs de cet héritage, est , qu'il ne peut y avoir eu une possession vé
qui les I ui ont passées , n'aient pas aussi reconnu ritable et paisible de la seigneurie directe de
le véritable seigneur, soit par une reconnais l'héritage , pendant que le véritable seigneur en
sance formelle, soit en acquérant à la charge était pareillement reconnu.
du cens envers lui; car tant que le véritable sei Laurière prétend que le tiers , qui prétend
gneur est reconnu, celui qui se fait connaître pour avoir acquis, par prescription, la seigneurie
seigneur, ne peut pas avoir, par les reconnais directe d'un héritage, ne peut la fonder non
sances qu'on lui passe , une possession véritable seulement sur les reconnaissances, qui lui ont
et paisible de la seigneurie directe de l'héritage. été passées par les propriétaires de l'héritage
Cette possession ne peut commencer que par qui ont reconnu le véritable seigneur, ou qui
PARTIE II. 427
ont acquis & la charge du cens envers lui , mais laquelle il porte la foi à ce seigneur; cet aveu
même sur les reconnaissances , qui lui auraient étant un acte, qui contredit les aveux et recon
été passées par les héritiers de ces propriétaires, naissances par les propriétaires de l'héritage au
parce qu'ils les ont passées , dit-il , contre leur seigneur qui allègue la prescription , la posses
titre. Je ne crois pas cette raison valable. Quand sion , qu'il prétend de la seigneurie directe de
même ces héritiers lui auraient passé, de mau l'héritage par ces aveux et reconnaissances, n'est
vaise foi , ces reconnaissances , il suffit qu'il ait point une possession, qui ait été sans contra
été de bonne foi en les recevant, et que le véri diction pendant le temps qu'elle a duré, ni par
table seigneur n'ait point été reconnu , pour conséquent une possession , qui ait été capable
qu'il soit censé avoir eu, par ces reconnaissan de faire acquérir par droit de prescription la
ces , la possession de la seigneurie directe , et seigneurie directe sur cet héritage
pour qu'il puisse l'acquérir par prescription. 272. Observez , à l'égard de l'effet de la pres
269. Quoique cet article 123 de la Coutume cription , qui fait acquérir la seigneurie directe
de Paris soit dans l'espèce de deux seigneurs de d'un héritage à un seigneur contre un autre
censive, sa disposition a pareillement lieu a seigneur, que cet effet n'est pas de transférer le
l'égard de deux seigneurs de fiefs : l'un d'eux même droit de seigneurie directe qu'avait le sei
peut pareillement acquérir, par prescription, gneur contre qui la prescriplionest acquise, de
la seigneurie directe sur un héritage qui relève sa personne encolle du seigneur qui a prescrit,
en fief d'un autre seigneur, en se faisant passer, mais de créer et de former,par la possession tren
pendant trente ans , des aveux par les proprié tenaire, un nouveau droit de seigneurie directe
taires et possesseurs desdits héritages; pourvu de l'héritage , au profit du seigneur qui a pres
que lesdits propriétaires n'aient pas reconnu crit, tel et de la nature qu'il a été reconnu
aussi leur véritable seigneur, ou n'aient pas ac pendant ce temps , par les aveux ou reconnais
quis à la charge des droits seigneuriaux envers sances passés pendant ledit temps par les pro
lui. priétaires de l'héritage ; lequel nouveau droit
270. La Coutume de Berri et celle de Niver de seigneurie directe de l'héritage, acquis par
nais veulent que , pour que le seigneur , qui. la prescription au seigneur qui a prescrit , pré
allègue la prescription , puisse établir la pos vaut , et détruit l'ancien droit de seigneurie
session trentenaire, qu'il prétend avoir eue de directe, qu'avait l'ancien seigneur contre qui la
la seigneurie directe du fief servant, il faut qu'il prescription a été acquise ; la seigneurie directe
y ait eu au moins deux ouvertures de fief, et ou domaine de supériorité d'un même héritage
qu'il ait fait des saisies féodales dûment noti ne pouvant pas être pardevers deux différens
fiées au fief servant Dans les Coutumes , qui ne seigneurs, de même que deux différentes per
s'en sont pas expliquées , il n'est pas nécessaire sonnes ne peuvent avoir chacune pour le total
de rapporter des saisies féodales. Le seigneur, le domaine de propriété d'une même chose :
qui prescrit , établit suffisamment sa possession Duo non possunt esse domini in solidum.
trentenaire par des aveux qui lui ont été passés 273. Le nouveau droit de seigneurie directe
par les propriétaires et possesseurs de l'héritage de cet héritage , qui est acquis au seigneur qui
pourvu qu'il y en ait au moins deux, et qu'il se a prescrit, est uni et incorporé à sa seigneurie,
soit écoulé un temps de trente ans, ou plus, dcJ de laquelle les propriétaires de l'héritage ont
puis le premier aveu jusqu'au dernier; comme reconnu qu'il relevait; il en devient une partie
aussi pourvu que ceux, qui les lui ont passés , intégrante , et il relève, comme la seigneurie à
n'aient pas pareillement reconnu leur véritable laquelle il est uni, du seigneur de qui relève
seigneur, comme nous l'avons dit. cette seigneurie, et non de celui duquel relevait
271. Un seigneur, pour acquérir par pres l'ancien droit de seigneurie directe, qui a été
cription le droit de seigneurie directe sur un éteint par la prescription.
héritage qui relevait d'un autre seigneur, devant Par exemple , si les propriétaires de l'héri
avoir eu, pendant trente ans, par les aveux ou tage Z, qui relevait en fief du seigneur, de
reconnaissances que lui ont passés les proprié Villepoin, vassal du chapitre de Sainte-Croix
taires de cet héritage , une possession de ce d'Orléans, ont reconnu en fief, pendant le temps
droit de seigneurie directe, qui n'ait point été requis pour la prescription , le seigneur de Mont-
contredite pendant tout ce temps , par des actes pipeau , vassal de l'evêché d'Orléans; la sei
contraires, de la part du véritable seigneur; il gneurie directe , que le seigneur de Montpipeau
s'ensuit que si , pendant ce temps , le véritable a acquise par la prescription sur l'héritage Z , et
seigneur, qui relève de l'héritage, a passé à son qui a été unie et incorporée à sa seigneurie de
seigneur un aveu, dans lequel il ait compris cet Montpipeau , relèvera , comme ladite seigneurie
héritage comme relevant de sa seigneurie, pour de Montpipeau, de l'évêché d'Orléans; et ledit
428 DE tA PRESCRIPTION.
héritage Z , qui était auparavant un arrière-fief viennent dans lesdits héritages , lorsqu'ils sont
du chapitre de Sainte-Croix, deviendra désor dans le commerce.
mais un arrière-fief de l'évêché. Le phapitre de Les gens de main-morte , qui ont acquis
Sainte-Croix doit s'imputer de ne s'être pas fait quelque héritage , acquièrent, par la prescrip
servir par les seigneurs de Villepoin , et de tion Irenlenaire , l'affranchissement du droit
n'avoir pas fait comprendre dans les aveux qu'a le seigneur de leur en faire vider les mains,
qu'ils devaient lui porter, l'héritage parmi ses lorsqu'ils l'ont possédé pendant trente ans con
arrière-fiefs. sécutifs, sans être interpellés par le seigneur
274. Le nouveau droit de seigneurie directe, d'en vider leurs mains : le seigneur ne peut plus
qu'acquiert par la prescription , le seigneur, sur même leur demander aucune indemnité , le laps
un héritage qui relevait d'un autre seigneur, est du temps la faisant présumer acquittée.
si bien un droit différent de celui qu'avait le 276. Il faut, pour cette prescription , que la
seigneur, contre qui la prescription a été ac possession n'ait pas été interrompue. Si les gens
quise , qu'il est souvent d'une nature toute dif de main-morte avaient, avant l'expiration du
férente. Par exemple , si un seigneur s'est fait temps de la prescription , aliéné sous quelque
reconnaître en fief pendant le temps requis condition résolutoire l'héritage qu'ils ont acquis,
pour la prescription , par les propriétaires d'un dans lequel ils fussent depuis rentrés par l'ac
héritage qui relevait en censive d'un autre sei complissement de la condition résolutoire , ils
gneur, il acquiert, par la prescription , un droit ne pourraient compter pour le lemps de la pres
de seigneurie féodale sur cet héritage , au lieu cription , le temps de la possession qu'ils ont
du droit de seigneurie censuelle, qu'avait le ene de cet héritage avant l'aliénation qu'ils en
seigneur contre qui la prescription a été acquise : ont faite : cette possession ayant été interrompue
et , vice vend , si un seigneur s'est fait recon par cette aliénation , il faut , pour acquérir la
naître à cens, pendant le temps requis pour la prescription, qu'ils le possèdent de nouveau
prescription , par les propriétaires d'un héritage pendant trente années.
qui relevait en fief d'un autre seigneur, il ac
quiert , par la prescription , un droit de sei de Sicette les gens de main-morte n'avaient aliéné
manière l'héritage qu'ils ont acquis ,
gneurie censuelle , à la place du droit de qu'après l'accomplissement
seigneurie féodale qu'avait l'ancien seigneur, et cription , et qu'ils y fussent du temps de la pres
rentrés par la réso
que la prescription a éteint.
Notre Coutume d'Orléans , art. 86, a cela de lution de cette aliénation , les seigneurs ne
pourraient
particulier, par rapport a cette prescription , car, en rentrant plus leur en faire vider les mains ;
qu'elle demande un temps de quarante ans. dans cet héritage , ils n'en font
pas une nouvelle acquisition : ils le tiennent en
vertu de l'acquisition originaire qu'ils en ont
$ II. DE LA PRESCRIPTION , PAR LAQUELLE LES GENS faite , dans laquelle l'accomplissement du temps
DE MAIN-MORTE ACQUIÈRENT L'AFFRANCHISSEMENT de la prescription les a maintenus contre le
DU DROIT QU'ONT LES SEIGNEURS DE LEUR FAIRE
VIDER LIS MAINS DES HÉRITAGES QU'ILS ACQUIERENT droit qu'avaient les seigneurs de les empêcher
DANS LEUR SEIGNEURIE. de jouir de cette acquisition , et de leur en faire
vider les mains.
275. On appelle gens de main-morte, les titu 277. L'interruption civile arrête aussi le cours
laires de bénéfices , les hôpitaux , les fabriques, de cette prescription : c'est pourquoi , si , avant
et toutes les communautés , tant ecclésiastiques l'accomplissement du temps de la prescription,
que séculières. Ils sont ainsi appelés, parce le seigneur a fait sommation aux gens de main
que, ne leur étant pas permis d'aliéner leurs morte de vider leurs mains de l'héritage; quoique
héritages , les héritages , qui tombent entre le seigneur n'ait fait aucune poursuite en exé
leurs mains , sont morts pour le commerce. cution de la sommation , la possession des gens
C'est pour cette raison, que les Coutumes de main-morte ayant été interrompue par cette
donnent aux seigneurs le droit de contraindre sommation , ils ne peuvent acquérir la prescrip
les gens de main-morte qui ont acquis des héri tion, qu'en continuant de posséder l'héritage
tages dans leur seigneurie, d'en vider leurs encore pendant trente ans depuis la sommation,
mains, parce que, s'il leur était permis de les sans que le seigneur, pendant tout ce temps,
retenir, les seigneurs seraient privés des droits fasse contre eux aucune poursuite en exécution
utiles de leurs seigneuries par rapport i ces de la sommation.
héritages , lesdits droits consistant dans les pro Notre Coutume d'Orléans, art. 41 et 120. a
fits féodaux ou censuels , auxquels donnent une disposition, par rapport à cette prescription,
ouverture les mutations de propriétaires qui sur qui lui est particulière, en ce qu'elle exige, pour
PARTIE II. 42>J
le temps de cette prescription , un temps de moins, comme, suivant le principe que nous
soixante ans. venons d'exposer, la possession centenaire équi
vaut à un titre; si un seigneur justifie qu'il est
ARTICLE VIII en possession , depuis cent ans et plus , de
quelques-uns de ces droits , il est censé l'avoir
De la possession centenaire , ou immémoriale. suffisamment établi, quoiqu'il n'en rapporte pas
d'autre titre ; cette possession étant regardée
278. Lorsque quelqu'un a pu justifier avoir comme un titre . et ayant la même force que si
possédé une certaine chose , ou avoir joui d'un le titre constitutif du droit était rapporté : habet
certain droit, pendant cent ans et plus, cette vim constituti.
possession centenaire , qu'on appelle aussi poa- 280. Observez que, pour qu'un seigneur jus
seeeion immémoriale, équivaut à un titre, et tifie la possession centenaire, en laquelle il est
établit le domaine de propriété , qu'il a de cette d'un droit de bannalité, il ne suffit pas qu'il
chose , aussi pleinement et aussi parfaitement justifie qu'il y a plus de cent ans que ses justi
que s'il rapportait un titre d'acquisition en ciables portent leurs grains à son moulin . leur
bonne forme, par lequel quelqu'un de ses auteurs pâle à son four, leur vendange à son pressoir ;
aurait acquis la chose de ceux qui avaient car ayant pu les y porter volontairement , de ce
le droit d'en disposer. qu'ils les y ont portés , on n'en peut pas conclure
C'est ce qu'enseigne Dumoulin , in Coneuet. que le seigneur ait joui du droit de les y con
Par. § I2,j/. 7, a. 14, en ces termes : Hujus- traindre, en quoi consiste le droit de bannalité.
modi prœscriptio (cenlum annorum «ive tem- Il faut donc , pour établir cette possession , que
poria immemorialia) habet vim constitua. Il le seigneur rapporte des actes , par lesquels il
se fonde sur ce qui est dit en la loi 3 , § 4 , S. de paraisse qu'il jouissait du droit de les y con
aq. quotid. Dui tus aqum cujus origo memo- traindre , tels que des jugemens rendus contre
riam excessit , jure constituti loco habetur : quelques justiciables , qui auraient contrevenu
c'est-à-dire que la possession immémoriale, en à la bannalité, des saisies faites en cas de con
laquelle quelqu'un est d'avoir un aqueduc sur travention , ou d'autres actes semblables , qui
l'héritage voisin , pour y passer les eaux dont il remontent à cent ans et plus.
a besoin , tient lieu de titre constitutif de ce Les anciens aveux et dénombremens rendus
droit. par le seigneur au seigneur de qui il relève,
Ce principe a lieu à l'égard de certaines dans lesquels il aurait compris ces droits de
choses, et de certains droits, que les lois décla bannalité , s'ils ne sont soutenus par d'autres
rent n'être sujets à aucune prescription , par actes probatoires de la possession de ce droit,
quelque laps de temps que ce soit. Ces lois ne ne me paraissent pas suffisans ; car il peut fort
s'étendent point à la possession centenaire ou bien arriver qu'un seigneur, afin de se faire des
immémoriale , et n'empêchent point que celui , titres pour l'avenir, comprenne , dans ses aveux
qui peut établir cette possession, ne soit fondé et dénombremens , des droits dont il ne jouit
à se prétendre propriétaire desdites choses ou pas : les justiciables , lorsqu'il les passe , n'y
desdits droits, de même que s'il en rapportait sont pas pour les contredire.
le titre d'acquisition. C'est ce qu'enseigne Du 281. Le principe, que la possession cente
moulin , au lieu cité , en ces termes : Undà naire équivaut à un titre, et suppose le titre,
nunquam censetur excluea, eliam per legem peut aussi s'appliquer aux dîmes inféodées. Les
prohibitivam, et per univeraalia negatiea et laïques n'étant pas capables de posséder d'autres
geminata verba, quameumque prœseriptionem dîmes que celles qui sont inféodées , un laïque
excludentia. La raison est, dit cet auteur ailleurs, ne peut acquérir le droit de dîme sur une
' en son conseil 26 , que la possession centenaire paroisse , par quelque long temps qu'il l'ait pos
doit être regardée plutôt comme un titre , que sédé , s'il ne justifie de son inféodation : mais
comme une prescription : yon tàm est prm- s'il peut établir, par le rapport d'aveux , dont il
ecriptio quàm titulus. y en ait quelqu'un qui remonte à plus do cent
279. On peut faire l'application de ce principe ans, qu'il possède cette dîme comme dîme
aux droits de bannalité, soit de moulin, soit de inféodée , cette possession centenaire équivaut
four, soit de pressoir, et aux droits de corvées. au titre d'inféodation, et dispense le possesseur
La Coutume de Paris, art. 71 et 72, veut de le rapporter.
qu'un seigneur ne puisse établir ces sortes de 282. La possession centenaire, qui équivaut
droits , que par le rapport d'un titre valable. à un titre , doit être une juste possession
Notre Coutume d'Orléans, art. 100, ajoute ces civile , c'est-à-dire , la possession d'une per
termes, par quelque tempe que ce aoit. Néan sonne, qui, tant par elle que par ses auteurs ,
DE LA PRESCRIPTION.
ait possédé la chose tauquam rem propriam : à rente de biens d'église , ou outres actes sem-
et cette possession est toujours présumée avoir blables , qui ne paraissent point revêtus on
cette qualité , tant que le contraire ne parait accompagnés des formalités nécessaires P°'--
pas , et tant qu'on ne produit de part et d'autre l'aliénation des biens d'église, tels que sont fin
aucun titre qui fasse connaître l'origine de la actes d'homologation en justice de ces contrat>
possession. sur des enquêtes de commodo et incommedr
283. Mais si le titre , d'où procède cette Ces contrats ne sont pas, comme les premier,,
possession , est produit , et que ce titre soit un des titres qui soient contraires à la translati
titre vicieux , c'est-à-dire qu'il ne soit pas de de propriété J au contraire, ils y tendent; 3s
nature à transférer la propriété ; comme , par sont seulement insuffisans pour la transférer,
exemple , si on produit un bail en ferme de faute des formalités dont ils doivent être acesm-
l'héritage fait à quelqu'un des auteurs du pos pagnés : ils font en conséquence obstacle à II
sesseur centenaire, ou un contrat d'engagement, prescription de quarante ans , que le possessea-
par lequel l'héritage aurait été donné à titre opposerait à l'église , lorsqu'ils seraient rap
d'engagement a cet auteur , ou un litre , par portés , mais ils ne font pas obstacle a la posses
lequel cet auteur aurait été mis en possession sion centenaire , l'effet de cette possession claE'
de l'héritage , pour en percevoir les revenus en de suppléer à ce qui manque à la perfection >i;
déduction de ses créances, ou un acte, par titre, en faisant présumer que toutes les forma
lequel il en aurait été mis en possession en lités, requises pour la confirmation du titre,
qualité de séquestre ou de précaire ; dans tous sont intervenues, et que ce n'est que l'injuve
ces cas, ce titre de la possession étant un titre des temps qui empêche de les rapporter.
vicieux , étant un titre qui n'est pas de nature à 285. Il y a certaines choses, qu'on ne peoi
attribuer au possesseur la propriété de la chose, acquérir par la possession, même centenaire;
la possession, qu'a lepossesseur, n'étantpointen tels sont les droits seigneuriaux dont un héri
conséquence une possession civile, une posses tage est chargé , dont lepossesseur de l'héritije
sion de propriétaire, elle ne peut, quelque ne peut acquérir l'alfranchissement par la pos
longue qu'elle, soit , et quoiqu'elle excède cent session plus que centenaire, en laquelle il serait,
uns , procurer aucun moyen do défense au pos de ne reconnaître aucun seigneur pour cet héri
sesseur contre la demande donnée contre lui tage. La Coutume de Paris, en l'ort. 12, en i
par le propriétaire pour lui faire délaisser une disposition ; elle dit que le vassal ne peut
l'héritage :" c'est le cas de la maxime, Melius prescrire l'affranchissement de la foi qu'il doit a
est non habere titulum quàm habere vitio- son seigneur pour son fief, pour quelque Umf
sum. temps qu'il en ait joui, encore que ce fut par
C'est sur le fondement de ces principes , que, cent ans et plus.
par un arrêt que nous avons déjà rapporté Cette Coutume a une semblable disposilioa
supràt l'évêque de Clermont fut condamné à pouHecens, en l'art. 124, qui dit : « Le droit
vendre à la reine Catherine de Médicis la sei u de cens ne se peut prescrire par le dé-lenteur
gneurie de la ville de Clermont , quoiqu'il y eût « de l'héritage contre le seigneur censicr, encore
plusieurs siècles que les évêques de Clermont en « qu'il ait cent ans. «
fussent en possession ; parce qu'on produisit le La plupart des Coutumes ont de semblables
titre originaire de cette possession , qui était un dispositions. La raison est, que, ponr acquérir
acte, par lequel celte seigneurie avait été donnée par la possession l'affranchissement de quelque
en garde à un évêque de Clermont , par Jean de droit dont notre héritage est chargé , il faut que
Bourbon , au droit duquel était la reine. ce soit une possession pour laquelle nous le pos
284. Il faut faire une grande différence entre sédions comme franc de ce droit , et comme
les titres absolument vicieux, tels que ceux ayant' lieu de croire qu'il n'eu est pas chargé:
qu'on vient de rapporter, dont la nature est laquelle opinion se présume toujours, tant qoe
contraire à la translation de la propriété, et le contraire ne paraît pas. Mais la maxime.
ceux, qui sont seulement imparfaits et insuffi- nulle terre sans seigneur; qui a prévalu dan>
sans pour la translation de la propriété , s'ils ne ces provinces, ne permet pas qye nous puis
sont revêtus de certaines formalités. La posses sions posséder nos héritages comme les crovant
sion , qui procède des titres de la première franes des droits seigneuriaux : c'est pourquoi .
espèce , fût-elle de plusieurs siècles , ne peut quand nous avons possédé un héritage par cent
jamais établir la propriété du possesseur, le ans et plus, sans reconnaître le seigneur de qui
litre d'où elle procède y résistant. Il n'en est pas il relève, nous ne pouvons . par cette possession,
ile même de ceux de la seconde espèce , tels que acquérir l'affranchissement des droits seigneu
sont des contrats de vente , d'échange , des baux riaux dont il est tenu , parce que nous ne le
PARTIE II. ,531
possédions pas comme le croyant franc des temps la cause et la qualité de sa possession :
droits seigneuriaux. Nemo polest muter* sibi causani possessionis.
286. Dans la Coutume de Paris, lesdroits de ser C'est pourquoi , si on rapportait une concession
vitude prédiale ne s'acquièrent point sans titres précaire de la servitude faite à quelqu'un des
par la possession centenaire : elle en a une dis auteurs de celui qui en jouit , on convient que
position en l'article 186, où il est dit : a Droit celui qui en jouit, ne serait pas fondé à pré
« de servitude ne s'acquiert par longue jouis- tendre avoir acquis le droit de servitude par la
« sance , quelle qu'elle soit , sans titre , encore possession centenaire, sa possession n'étant
« que l'on ait joui par cent ans. s censée être , en ce cas , qu'une possession pré
Plusieurs Coutumes ont une semblable dis caire de la tolérance, telle qu'elle a commencé.
position. La raison est , que la possession cen Mais lorsqu'il est incertain comment a com
tenaire , qui équivaut à un titre , et qui établit mencé la jouissance de la servitude , et qu'on
la propriété de la chose et du droit qu'on a n'en rapporte aucun titre ; quoique nos Cou
possédé pendant ce temps , doit être une véri tumes présument que la jouissance de cette ser
table possession : mais dans ces Coutumes , la vitude n'est qu'une jouissance de tolérance ,
jouissance, que quelqu'un a d'une servitude, lorsqu'elle a duré un certain temps , on ne doit
dont il ne parait aucun titre, ni constitutif, ni pas en conclure qu'elles doivent présumer la
au moins recognitif, est présumée n'être qu'une même chose , lorsque la jouissance de la servi
jouissance de tolérance , une complaisance : tude a duré plus de cent ans , n'étant pas vrai
or, une jouissance de tolérance n'est pas une semblable qu'une tolérance dure aussi long
véritable possession; celui, qui jouit de cette temps : c'est pourquoi il y a lieu de soutenir
manière , ne compte pas posséder , et ne pos que , dans les Coutumes, qui se sont bornées à
sède pas effectivement un droit de servitude. dire que les droits de servitude ne s'acquièrent
Cette jouissance ne peut donc, quelque long sans titre , par quelque temps que ce soit , sans
temps qu'elle ait duré , fût-ce par cent ans et ajouter , comme a fait celle de Paris , même par
plus , faire acquérir le droit de servitude à celui cent ans, ces droits s'acquièrent par la posses
qui en a eu la jouissance. sion centenaire, qui tient lieu de titre. Ricard ,
287. C'est une question , si , dans les Cou en son commentaire sur la Coutume de Senlis ,
tumes qui se sont contentées de dire que les rapporte un arrêt du 1 1 février 1658 , qui l'a
droits de servitude ne peuvent s'acquérir par jngé pour la Coutume de Crépy, qui porte :
prescription , par quelque temps que ce soit , et Nulle servitude sans titre, par quelque temps
qui n'ont pas ajouté, comme celle de Paris, que ce soit. Il faut néanmoins convenir que la
même par cent ans, les droits de servitude question souffre difficulté, la nouvelle jurispru
peuvent s'acquérir par la possession centenaire. dence inclinant beaucoup aujourd'hui à rappro
Pour la négative ,on dit que, dans ces Coutumes, cher les autres Coutumes de celle de Paris.
de même que dans celle de Paris, la jouissance 288. Il y a déjà long-temps qu'on a élevé la
qu'un voisin a d'une servitude sur l'héritage question , si on peut opposer au roi la posses
voisin , est présumée n'être qu'une jouissance sion centenaire. Cette question ne tombe pas
de tolérance . et que ce n'est que par cette raison sur les droits attachés essentiellement à la sou
que les droits ne s'acquièrent pas dans ces Cou veraineté , et qui sont incommunicables , tels
tumes par la prescription ordinaire de trente que le droit de légitimer des bâtards, d'accorder
ans , par laquelle tous les autres droits s'ac des lettres d'abolition et de pardon pour des
quièrent. Or, dit-on, une jouissance de tolé crimes, d'accorder des lettres d'émancipation à
rance n'étant point une possession de droit , des mineurs , et autres semblables. Il est évident
elle ne peut , même dans ces Coutumes , le faire qu'un seigneur , qui se serait arrogé quelqu'un
acquérir , quelque long temps qu'ait duré cette de ces droits dans l'étendue de sa justice , ne
jouissance , eut-elle duré plus de cent ans. Je pourrait se défendre par la possession centenaire
réponds , en convenant du principe , qu'en de la demande du procureur du roi , pour qu'il
supposant pour constant le fait que la jouissance lui fût fait défenses de se les attribuer : la jouis
de la servitude eût commencé par la tolérance , sance , qu'un seigneur aurait eue de quelqu'un
elle ne pourrait jamais faire acquérir le droit de ces droits, quelque long temps qu'elle eût
quelque long temps quelle eût duré , fût-ce plus duré , serait un abus vetusti erroris, plutôt
de cent ans ; car une possession ou une jouis qu'une possession.
sance est censée avoir toujours continué dans La question ne tombe que sur les biens et
la même qualité dans laquelle elle a commencé, droits utiles , que le procureur du roi revendi
tant qu'il ne parait aucun nouveau titre; per querait comme appartenans au domaine, contre
sonne ne pouvant se changer par le seul laps de des particuliers qui s'en trouvent en possession.
432 DE LA PRESCRIPTION.
Ces particuliers sonl-ils fondés à opposer et i taient les possesseurs qui avaient en leur f -
établir, à défaut de titre , la possession cente- la possession centenaire contre la disposition
tenaire en laquelle ils sont desdits biens et droit écrit, observé dans la province, 1er
droits , tant par eux que par leurs auteurs , ordonne que les procès seront jugés suivu! ï
pour en exclure la demande du procureur du droit, ainsi que par ci-devant.
roi ? ou , au contraire , le procureur du roi est- Loisel eu a fait une maxime, /. 5, fit. 3, a. Il,
il fondé à soutenir qu'il lui suffit d'établir que en ces termes : Contre le roi n'y a prescriptm
lesdits biens et droits ont appartenu autrefois que de cent ans.
au domaine, pour que lesdits biens et droits M. Lefèvre de Laplanche, en son Tniti»
soient censés lui appartenir encore , et pour Domaine, /ie. 12, chap. 7, soutient, la ex
qu'il soit fondé à en demander le délaissement, traire , que la déclaration du roi, qui vejette a
par quelque long temps que ces possesseurs les prescription centenaire en matière de donna
eussent possédés , fût-ce par cent ans , les biens a toujours dû être exécutée. Il prétend que. y
du domaine étant inaliénables et imprescrip les auteurs, que nous venons de rapporter, r
tibles ? admis cette prescription, il y en a d'un Mtr?
Par une déclaration du roi François I" , du coté plusieurs autres qu'il cite . qui ont Ci
30 juin 1539 , registréc en Parlement le 3 juillet d'avis contraire. licite entre autres, Leb.t!
suivant , le roi déclare que son domaine étant Traité de la Souveraineté , l. 3, ch. 2. U
réputé sacré , il est hors du commerce des auteur, au lieu cité , convient qu'il a toi.;
hommes ; qu'en conséquence on n'en a jamais été tenu pour constant dans le palaii...
pu rien détacher ni aliéner légitimement, et toutes les lois qui défendent l'aliénation du
que tout ce qui l'a été , y doit êtve remis , sans domaine de la couronne, n'ont point rejetr
que , dans les causes où il en sera question , les la prescription de cent ans; jusque-là que lu
juges puissent avoir aucun égard à quelque pes plus savans praticiens de ce temps , parlu-
possession.... que ce fût, par quelque laps de de l'Ordonnance de 1539, qui exclut nororr -
temps qu'elle ait duré , ores qu'elle excédât ment la prescription de cent ans en matière &
cent ans, ete. domaine , dit qu'elle n'a jamais été obseriei
Néanmoins Chopin, de Domanio, lib. 3, nec in consulendo , nec in judicando. C«
cap. 9, n. 3, atteste que le Parlementa plus auteur ajoute tout de suite : J'ai vu toutes*
d'une fois jugé contre les ter.nes de la déclara juger au contraire dans le conseil du ioi.
tion du roi de 1539, que les particuliers , pos vaut cette Ordonnance, qui , bien qu'elle seoû*
sesseurs de biens qu'on prétend appartenir au en apparence être trop rude... néanmoins pui-
domaine, y doivent être maintenus lorsqu'ils que la loi est écrite , et que sa rigueur se coi:
établissaient une possession centenaire. pense par l'utilité que le public en reçuil. i
Bacquet , en son Traité du Droit de Déshé semble que nous sommes tenus d'observer.
rence, ch. 7, n. 8, dit en termes formels : H Quant à ce qu'ajoute M. Lebret , Je f"
est certain que la possession immémoriale est toujours de cet avis pour le regard des terrs"
reçue contre le roi en tous héritages et droits qui ont été usurpées par force ou par iurf'oi
domaniaux, nonobstant l'édit de 1539. les partisans de la prescription centenaire re
Cet auteur apporte pour preuve de son opi viendront volontiers, avec M. Lebret,s/*
nion, un arrêt de la cour, du 10 décembre 1548, doit cesser, lorsqu'il parait quelque veu?
par lequel la cour a vérifié un édit, qui enjoint d'usurpation , ou même quelque autre vice d««>
à tout prétendons droits de péage en la rivière l'origine de la possession; et c'est dans *
de Loire, de vérifier leurs titres; par lequel espèces qu'on doit croire qu'étaient les an*
arrêt de vérification la cour déclare qu'elle qu'on rapporte , qui ont rejeté la prescnpli*
n'entend déroger aux permissions de la preuve centenaire.
de temps immémorial octroyées par édit du roi M. Lefèvre, pour achever de prouver •*
Louis XII, concernant les péages de ladite l'opinion des auteurs , qui ont admis la prWCT
rivière. tion centenaire en matière de domaine, neo^1
Salvains, en son Usage des Fiefs, l. 1, point être suivie , se fonde sur l'édit du m*
ch. 14, pour prouver pareillement que la décla d'avril 1667. Il est porté par cet édit , que
ration de 1539, qui rejette la possession cente les domaines aliénés à quelques personne •
naire , n'a pas été observée, rapporte une pour quelques causes et depuis ocelovs ru">
déclaration du roi Henri II , pour le Dauphiné, que ce soit, à l'exception des dons faitsao1
du 14 août 155G, par laquelle, sur les plaintes églises , apanages et échanges..., seront reuni>,
des habitans de cette province , que les officiers, nonobstant toute prétention de pvescvipl'""1-
chargés de la recherche des domaines , inquié et espace de temps, pendant lequel le* u'''
PARTIE II. 433
mairies et droits en pourraient avoir été séparés. màme de cent ans. Or, selon la doctrine de
Il reste encore une difficulté , qui est qu'on Dumoulin, rapportée suprà , n. 278, la posses
pourrait dire que l'édit n'a pas exclu en termes sion de cent ans nunquam videtur exclusa per
formels la possession centenaire. Il est bien dit, legem prohibitivam et per universalia negativa
nonobstant toute prétention de prescription et et geminata verba quamaimque prœecriplio-
espace de temps, etc. ; mais l'édit n'ajoute pas, nem excludentia.
Tome V. 55
TRAITÉ
DE L'HYPOTHÈQUE.
ARTICLE PRÉLIMINAIRE.
L'nvpotnèque , ou droit de gage , est le droit qu'un créancier a dans la chose d'autrui ,
qui consiste à pouvoir la faire vendre , pour , sur le prix , être payé de sa créance. Ce droit
d'hypothèque est un droit dans la chose , jus in re.
Il y a deux espèces d'hypothèques : celle qu'on appelle nantissement , pignus , et celle ,
qu'on appelle proprement hypothèque.
Le nantissement est l'espèce d'hypothèque qui se contracte par la tradition qui est faite
de la chose au créancier , et qui lui donne droit de la retenir pour sûreté de sa créance jus
qu'au parfait paiement , et même de la faire vendre à défaut de paiement. L'hypothèque pro
prement dite est celle qui se contracte sans tradition. Outre ces deux principales espèces de
droit de gage , il y en a encore deux autres.
Il y a le droit de gage, que les seigneurs d'hôtel, de métairie, et de rente foncière ont,
pour les obligations résultantes du bail , sur les effets qui garnissent leur hôtel ou métairie ,
et sur les fruits qui y sont nés. Nous en avons traité en traitant du contrat de louage , où
nous renvoyons.
Il y a le droit de gage judiciaire , qu'un créancier acquiert par la saisie judiciaire qu'il
fait faire des effets de son débiteur. Nous en parlerons dans notre Traité de procédure
civile, où nous renvoyons.
Nous nous proposons de traiter ici principalement du droit d'hypothèque proprement dit;
nous ajouterons un chapitre sur le droit de nantissement.
On divise encore l'hypothèque en générale et spéciale. Lorsque quelqu'un hypothèque à un
créancier tous ses biens, présens et à venir, l'hypothèque qu'a ce créancier sur chacune
des choses qui composent lesdits biens, est une hypothèque générale.
Que si on a hypothéqué nommément un certain héritage , l'hypothèque sur cet héritage
est une hypothèque spéciale.
On distingue encore les hypothèques en conventionnelles , légales et tacites. Les hypothèques
conventionnelles sont celles qui naissent des actes des notaires. Ces hypothèques peuvént être
appelées conventionnelles , parce que la convention , par laquelle celui qui , par cet acte ,
contracte quelque engagement envers un autre , convient de lui hypothéquer ses biens ,
présens et à venir, pour la sûreté de cet engagement, ou est exprimée par ces actes, ou y
est sous-entendue.
L'hypothèque légale est celle qui n'a point été convenue par aucune convention . ni expresse ,
436 DE L'HYPOTHÈQUE.
ni tacite, telle que celle qui naît des jugemens; l'hypothèque tacite, qui est aussi légale,
est celle que la loi seule accorde en certains cas , et qui est appelée tacite , parce qu'elle
ne résulte d'aucun titre, c'est-à-dire, ni d'aucun acte de notaire, ni d'aucun jugement,
mais de la loi seule.
Enfin, on distingue les hypothèques en hypothèques privilégiées et hypothèques simples.
Les privilégiées sont celles qui sont accompagnées d'un privilège, qui donne le droit au
créancier qui a cette hypothèque, d'être préféré, sur le prix de l'héritage hypothéqué, sui
autres créanciers hypothécaires, quoique antérieurs.
Les hypothèques simples sont celles qui ne sont accompagnées d'aucun privilège.
Pour traiter avec ordre ce qui concerne la matière de l'hypothèque, nous traiterons, en
premier lieu, de ce qui concerne sa création; 2« de ses effets, et des actions qu'elle
produit ; 3« des manières dont elle s'éteint.
CHAPITRE PREMIER.
Les questions qui ont rapport à la création suivant lesquels l'hypothèque étant j'u* i» re.
de l'hypothèque, sont celles-ci : quelles sont ne pouvait , non plus que le domaine , et lon
les cuuses qui la produisent ; les choses qui en ivs autres droits in re, s'acquérir par la seule
sont susceptibles ; les personnes qui la peuvent convention, mais seulement par la tradition,
créer , et pour quelles dettes ? non nuiiis conventionibus , sed traditionibus.
Le fréquent usage des hypothèques, l'iocom
SECTION PREMIÈRE. modité qu'il y avait de ne pouvoir créer àes
hypothèques que par la tradition , avait engagé
quelles sokt les cacses qui pvodeisekt le préteur à s'écarter des principes rigoureux du
l'hypotnèque. droit civil.
Nous n'avons suivi ni le droit du préteur, ni
Les causes , qui produisent l'hypothèque , les principes rigoureux du droit civil. Selon
sont , 1« les actes pardevant notaires , les juge notre droit, la simple convention ne peut pro
mens, et la loi seule en certains cas. duire l'hypothèque : nous n'exigeons pas nean
moins la tradition; mais, lorsque la convention
ARTICLE PREMIER. est munie du sceau de l'autorité publique, elie
produit l'hypothèque; et la force de l'autorité
De l'hypothèque qui naît des actes devant publique supplée , en ce cas , à la tradition.
notaires. Suivant ces principes, les antes sons signature
privée, n'étaut point munis de l'autorité publi
$ I. ORSCnVATIO.V3 GLNKBALES. que, ne peuvent, parmi nous, produire d hy
pothèque , quand même elle y serait eipresK'
Par le droit romain , l'hypothèque ne pouvait ment convenue , et quand même la date de ces
s'acquérir par une simple convention. Ce droit actes serait constatée, soit par le controle, s'"t
n'avait été établi chei les Romains , que par par le décès de quelqu'une des parties qu'
l'édit du préteur contre les principes du droit , aurait souscrits.
CHAPITRE I. 437
Au contraire , les actes reçus par un notaire produire hypothèque. C'est ce qui ost expressé
compétent , et revêtus de toutes les formes dont ment porté par l'édit de décembre 1691 , art. 2.
ces actes doivent être rovêtus, produisent une Les actes des notaires des justices subalternes,
hypothèque sur tous les biens présens et à venir aussi bien que ceux des notaires royaux , pro
des personnes qui y ont été parties, pour toutes duisent l'hypothèque de tous les biens des per
les obligations qu'elles y ont contractées ; et ces sonnes qui s'obligent, parees actes, en quelque
actes produisent cette hypothèque , non seule endroit du royaume qu'ils soient situés. Toutes
ment lorsqu'elle y est expressément stipulée, les justices seigneuriales ayant été concédées
mais quand même il n'y en aurait aucune men par le roi, et étant des émanations de l'autorité
tion. Cette convention d'hypothèque y étant publique qui réside dans le roi , les officiers de
toujours sous-entendue, l'autorité publique du ces justices sont revêtus d'une autorité qui
sceau dont ces actes sont munis, est ce qui leur émane du roi; c'est pourquoi leurs actes sont
fait produire cette hypothèque. munis d'une autorité publique, suffisante pour
produire cette hypothèque.
3 H. QUELS NOTAIRES SONT COMPETENS , POUs QBE Les notaires , soit royaux , soit subalternes ,
LEURS ACTES PUISSENT PRODUIRE HYPOTHÈQUE. n'ont caractère public que dans l'étendue de la
justice où ils sont reçus ; c'est pourquoi les
Les notaires , pour que leurs actes puissent actes qu'ils passeraient hors le territoire de
produire hypothèque sur les biens situés dans ce cette justice , seraient destitués de toute auto
royaume, doivent être des notaires établis dans rité , et ne pourraient par conséquent produire
le royaume , ou dans quelqu'un des pays de d'hypothèque.
l'obéissance du roi : ceux des notaires él rangers Il y a néanmoins trois juridictions dans le
ne peuvent produire cette hypothèque ; car l'au royaume, qui sont les Châtelets de Paris, d'Or
torité publique, dont les actes de ces notaires léans et de Montpellier, dont les notaires ont,
sont revêtus , étant une autorité étrangère , non par privilège , le droit de pouvoir passer des
reconnue dans le royaume , où on n'en recon actes par tout le royaume. C'est pourquoi les
naît aucune autre que celle qui émane du roi , actes de ces notaires , quelque part qu'ils soient
elle ne peut avoir aucun effet sur les biens du passés , emportent hypothèque.
royaume , ni par conséquent produire aucun Ce privilège a été accordé aux notaires d'Or
droit d'hypothèque sur ces biens. , léans, par Philippe-le-Bel , en 1302, en consi
La qualité de personnes publiques , qu'ont les dération de ce qu'en ce temps les notaires d'Or
notaires étrangers dans les lieux où ils sont léans étaient des personnes lettrées , qui avaient
établis , peut bien donner dans ce royaume , et étudié dans l'école de droit d'Orléans , qui était
partout ailleurs , à leurs actes , une espèce d'au pour lors une des plus fameuses de l'Europe,
torité de créance , qui doit faire ajouter foi à ce et qui fut peu après érigée en université par le
qui y est contenu, lorsque leur qualité est suf même roi.
fisamment constatée par l'acte de légalisation du Plusieurs anciens réglemens exigeaient , pour
juge des lieux où ils sont établis ; mais leurs la validité des actes des notaires subalternes, et
actes ne peuvent avoir une autorité de pouvoir pour qu'ils pussent produire hypothèque , que
et de juridiction nécessaire pour produire l'hy ces actes fussent passés entre des personnes
pothèque. domiciliées dans l'étendue de la justice, et que
Par la même raison , les actes des notaires les biens qui faisaient l'objet de ces actes y
apostoliques , tels qu'étaient ceux qui l'étaient fussent situés p mais ces réglemens sont tombés
avant l'établissement des notaires royaux-apos en désuétude. Il nous reste à observer que les
toliques, ne pouvaient produire d'hypothèque; notaires sont les seuls officiers compétens pour
car ces officiers étant des officiers purement ec dresser des actes des conventions extrajudi-
clésiastiques, étant établis par la seule autorité ciaires des particuliers. Tous autres officiers ,
ecclésiastique, qui ne s'étend point aux choses comme huissiers, greffiers, et même les juges,
temporelles , les actes de ces notaires n'étaient sont incompétens pour cette fonction ; et les
point revêtus d'une autorité capable de produire actes qu'ils dresseraient, seraient destitués de
hypothèque. toute autorité. Les secrétaires du roi, quoi
Mais , depuis que le roi a créé des notaires qu'ils aient la qualité de notaires , ne sont pas
royaux-apostoliques , ces officiers étant établis plus compétens.
par l'autorité royale, étant reçus par les juges Néanmoins, par la déclaration du 21 avril
royaux, leurs actes sont revêtus d'une autorité 1692, les contrats de mariage des princes et
publique qui émane du roi, de qui ces officiers princesses du sang, passés par un secrétaire
tiennent leur pouvoir, et par conséquent peuvent d'État , en présence du roi , produisent hypo
438 DE L'HYPOTHÈQUE.
thèque , et ont la même autorité que les actes qu'en dresse le notaire ; car , quoique ces acte
des notaires, sans qu'il soit besoin qu'ils y sous signature privée ne soient pas eus-ména
soient déposés. munis d'aucune autorité publique qui pui>-«
produire l'hypothèque, ils le deviennent p
S III. DES FORMES DONT DOIVENT ETRE REVETUS l'acte de reconnaissance qui en est fait par deni
LES ACTES DES NOTAIRES , POUR PRODUIRE HYPO notaire.
THÈQUE. Ils le deviennent pareillement , lorsque, sa
l'assignation donnée aux débiteurs qui ontsofc
Les actes des notaires doivent contenir le lieu crit les actes sous signature privée , ou à leon
où ils sont passés ; autrement , il ne serait pas héritiers , le juge eu prononce la reconnu
constant que le notaire l'eût passé dans le lieu sance; et conséquemment ils portent hrp
où il a droit de le passer. thèque du jour de ce jugement.
Ils doivent aussi contenir la date ; autrement , Si le débiteur assigné dénie sa signature.?
on ne pourrait dire de quand ils auraient pro que , sur la vérification faite par les eipw
duit hypothèque. Ils doivent être écrits sur pa nommés par le juge, la reconnaissance en us
pier ou parchemin timbré. prononcée, l'hypothèque a lieu, non pas ser
II n'est pas nécessaire que l'acte soit écrit de ment du jour du jugement , mais du jour de ■
la main du notaire ; il peut le faire écrire par dénégation. Ordonnance de 1529 , art. 93.
son clerc, ou par quelque autre personne;
mais l'acte doit être signé par le notaire , et par ABTICLE II.
toutes les parties , ou du moins il doit être fait
mention de celles qui ne savent , ou n'ont pu De l'hypothèque des jugemens.
signer.
Lorsque l'acte est reçu par un seul notaire , Les jugemens de tous les juges du roy«uirc.
il doit être passé en présence de deux témoins. et des pays de l'obéissance du roi; des juge» i>
Il faut que l'un de ces témoins sache signer, et férieurs , comme des juges souverains; desjn;'-
signe effectivement. Si l'autre témoin ne sait de Justices de seigneurs , comme des joy'-
pas signer , il suffira d'en faire mention. Ordon royaux; des juges d'attribution, connue te
nance de Blois , art. 166. juges ordinaires; même ceux des juges-consui>
Ces témoins doivent être âgés au moins de emportent hypothèque sur tous les biens prr-
vingt ans accomplis, si ce n'est dans les pays sens et à venir des parties , pour les condamci
de droit écrit , ou autres lieux où la loi permet tions qui y sont prononcées contre elles.
de tester avant cet âge , dans lesquels endroits Il en doit être de même des jugemens reonfc
il suffit que le témoin ait l'âge requis pour tes par le consul de France , dans les pays étrange'''
ter. Arrêt de règlement de la cour des 2 juillet où les Français ont des établissemens.
1708, et 25 avril 1709, qui n'a pas lieu pour A l'égard des jugemens rendus en pays en»
les actes passés avant le règlement. gers , par des juges étrangers , ils ne peu"-
Il est fait aussi défense, par ce règlement, produire hypothèque sur les biens que les
aux notaires , de se servir à l'avenir , pour té ties condamnées ont dans le royaume, l'aulonli-
moins, de leurs enfans ou cleres. La présence dont ces jugemens sont revêtus , étaut une
des témoins n'est pas nécessaire , lorsque l'acte lorité étrangère , qui ne peut avoir aucun e£>'
est reçu par deux notaires. dans le royaume, où on n'en reconnaît dau|rT
L'usage même a prévalu à l'égard des actes de que celle qui émane du roi.
commerce ordinaire. Il suffit que le second no Les jugemens des officiaux ne produisent pot1
taire signe l'acte quoiqu'il n'ait pas été présent. d'hypothèque , puisque l'autorité ecclésiastia*
Enfin , l'édit du controle porte que les acles ne s'étend point au temporel. II est vrai que
des notaires ne pourront produire aucun droit sentences sont exécutoires sur les biens du ce*
d'hypothèque , s'ils ne sont controlés. Édit de damné , sans aucun parealis du juge Hy*
mars suivant l'orf. 44 de l'édit de 1695; mais re
tiennent ce droit d'être exécutoires, non
S IV. DES ACTES SOCS SIGNATURE PRIVEE, RECONNUS l'autorité du juge d'église qui les a rendue>
mais de l'autorité du roi, qui, par cet édi|-J
PAR DEVANT NOTAIRES , ET EN JUSTICE.
bien voulu les rendre telles. Ainsi, par la men"
Les actes sous signature privée , lorsqu'ils raison que les officiaux ne pourraient ren
sont déposés chez un notaire , et reconnus par des sentences exécutoires, s'il n'y avait une
les parties qui les ont souscrits , produisent du prince qui leur eût accordé ce droit ,
hypothèque du jour de l'acte de reconnaissance pourraient pas rendre des sentences qui Por e
CHAPITRE I. 43!)
hypothèque, n'y ayant pas de loi du prince qui posant est déhouté de son opposition , l'hypo
le leur permette. thèque doit avoir lieu du jour de la signification
Les sentences des arhitres ne portent hypo de la première sentence rendue par défaut , de
thèque que du jour de l'homologation qui en même que si on n'y avait pas formé d'opposition.
est faite devant le juge ; car ces arhitres étant
des particuliers , leur sentence ne peut être re ARTICLE III.
vêtue d'aucune autorité puhlique qui puisse
produire l'hypothèque, jusqu'à ce qu'elles aient De l'hypothèque que produit la loi seule.
reçu cette autorité par l'homologation du juge.
Il n'importe, pour qu'un jugement produise La loi seule , en certains cas , donne une hypo
hypothèque, que la condamnation qu'il ren thèque au créancier , sur les hiens du déhiteur ,
ferme soit liquide ou non; car l'hypothèque quoique l'ohligation du déhiteur ne soit portée
peut être contractée pour des dettes non liqui par aucun acte devant notaire, ni qu'il soit
dées ; et , en cela, le droit d'hypothèque diffère intervenu aucun jugement de condamnation
du droit d'exécution. contre lui. Cette hypothèque est appelée tacite,
Il n'importe contre qui le jugement ait été parce que la loi seule la produit sans aucun titre.
rendu , pour qu'il produise hypothèque sur les Telle est, 1« l'hypothèque, que la loi donne
hiens de la partie condamnée, pourvu néan à la femme, sur les hiens de son mari , du jour
moins que la partie Contre qui il a été rendu, de la céléhration de son mariage , pour la resti
fut capahle d'ester en jugement; car, si elle tution de sa dot , lorsqu'il n'y a point de contrat.
n'en était pas capahle, la sentence rendue Leg. unie. cod. De rei uxor. act.
contre elle serait nulle, et ne pourrait par con 2« Telle est celle que la loi donne aux mineurs ,
séquent produire d'hypothèque sur ses hiens. .pour le reliquat du compte de leur tutelle, sur
Les jugemens rendus Contre des tuteurs de les hiens de leur tuteur , dujour qu'a commencé
mineurs, curateurs d'interdits, fahriciers, ad la tutelle.
ministrateurs d'hopitaux, syndies de commu 3« La loi donne une pareille hypothèque sur
nautés , sont censés rendus contre les pupilles , les hiens de tous les autres administrateurs , tels
interdits , fahriques , hôpitaux et communautés, que sont les administrateurs d'hôpitaux, fahri-
et produisent par conséquent hypothèque sur ciers , curateurs d'interdits , syndies de commu
les hiens de tous ceux pour lesquels ils ont esté nautés , du jour qu'a commencé leur adminis
en jugement. tration.
Ceux rendus à l'audience , lorsqu'ils sont con Un titulaire de hénéfice est regardé' comme
tradictoires , portent hypothèque du jour qu'ils administrateur.des hiens de son hénéfice; c'est
ont été prononcés : ceux rendus par défaut , du pourquoi , s'il y fait des dégradations par sa faute ,
jour seulement qu'ils ont été signifiés à procu tous les hiens de son patrimoine sont hypothé
reur. (Ordonnance de 1667, tit. 35, art. 11.) qués envers son hénéfice, du jour de sa prise de
Ceux rendus en procès par écrit ne portent possession , pour les dommages et intérêts résul
pareillement hypothèque que du jour de leur tans desdites dégradations.
signification à procureur. Ihid. Quand même les administrateurs de hiens des
L'appel, qui en est rejeté , en suspendant son mineurs, d'église, de communauté ou de chose
effet , suspend aussi l'hypothèque ; mais , si , puhlique , n'auraient pas eu une vraie qualité
sur l'appel, il est confirmé, ce droit est censé pour les administrer , et qu'ils se seraient portés
acquis du jour de la sentence , et non pas seule pour tuteurs et administrateurs , sans l'être véri
ment du jour de l'arrêt qui la confirme. ( Pre tahlement , l'hypothèque ne laisserait pas d'avoir
mière déclaration aur l'Ordonnance de Mou lieu sur leurs hiens , du jour qu'ils auraient com
lins, du 10juillet 1566.) mencé de s'ingérer dans leur administration;
Lorsque l'arrêt a infirmé le jugement , en ré ces faux administrateurs ne devant pas être de
duisant à une somme moindre la condamnation meilleure condition que les véritahles.
portée par ce jugement, il est confirmé jusqu'à Suivant ces principes , les hiens du heau-père ,
concurrence de la somme à laquelle la condam qui ne fait point pourvoir de tuteur les enfaus
nation a été réduite par l'arrêt ; il n'est infirmé du premier lit de sa femme , qui a perdu la tutelle
que pour le surplus , et par conséquent l'hypo et se remariant, sont hypothéqués, du jour de
thèque doit avoir lieu du jour de la sentence, son mariage, aux dommages et intérêts desdits
et non pas seulement du jour de l'arrêt. enfans et au compte de l'administration de leurs
L'opposition aux jugemens par défaut doit hiens, quoiqu'il n'eut aucune qualité pour les
avoir le même effet que l'appel : elle doit sus administrer.
pendre pareillement l'hypothèque; mais , si l'op Ce droit d'hypothèque tacite sur les hiens des
440 DE L'HYPOTHÈQUE.
tuteurs ou proluteurs des mineurs , curateurs héritiers; nu du jour que lesdits héritiers se Hi'
d'interdits , fabriciers , administrateurs d'hôpi obligés envers eux , par acte devant notaire>. i
taux , syndies de communautés, ne doit pas l'exécution du testament: car le testateur ci
s'étendre aux simples receveurs fondés de pou pas pu hypothéquer les biens de ses héritier>,
voir, et intendans d'affaires des particuliers, personne ne pouvant hypothéquer que ce -.
sur les biens desquels les personnes dont ils ont est a lui.
géré les affaires , ne peuvent prétendre hypo Telle est l'hypothèque tacite que celui qui
thèque que du jour des actes par devant notaires, réparé un bâtiment, a sur ce bâtiment.
par lesquels ils ont contracté quelque obligation Telle est enfin celle que le vendeur oV
envers elles; ou, s'il n'y en a point, du jour des héritage a sur cet héritage, pour le prix qui 1 :
jugemens de condamnation obtenus contre eux. est dû. Les lois romaines ne donnaient puu:
Observez aussi que , quoique les biens des cette hypothèque au vendeur ; elle est de nci-r
tuteurs et autres semblables administrateurs droit.
soient hypothéqués du jour que leur adminis
tration a commencé , lorsqu'ils sont débiteurs , SECTION II.
ils ne peuvent pas, lorsqu'ils sont créanciers, QUELLES CHOSES SONT SUSCEPTIRLES DHTr^
prétendre une semblable hypothèque sur les TIIKQUE J PAR QUI PEUVENT-ELLES ETRE ■Trte'
biens de ceux dont ils ont été les administra
teurs; ils ne l'ont que du jour de la cloture de THÉQUÉES? ET POUR QCELLES DETTES?
leur compte. SI. QUELLES CHOSES SONT SUSCEPTIRLES rtHS-
La jurisprudence accorde aussi aux substitués TBÉQUE?
une hypothèque tacite sur les biens des grevés
de substitution , pour les dégradations qu'ils ont Suivant le droit romain, toutes les ebof
faites sur les biens substitues, du jour qu'ont qui sont dans le commerce , soit meubles , là
été faites lesdites dégradations , et pareillement immeubles , soit corporelles , soit incorporelle--
pour les sommes de deniers sujettes à la substi sont susceptibles d'hypothèque.
tution, qu'ils ont reçues, du jour qu'ils les ont Notre droit diffère en cela du droit rosuii
reçues. Il n'y a que les immeubles , qui soient suscr^-
Des lois donnent aussi une hypothèque tacite bles d'une véritable hypothèque ; les meubla
au fisc , sur les biens de ses débiteurs. Fiscus ou n'en sont pas susceptibles, ou ne ie
semper habet jus pignoris ; l. 46, §3, ff. de d'une hypothèque imparfaite.
jur. fisci. Certum est ejus , qui cum fisco con- Dans les Coutumes de Paris et d'Orléans, \B
trahitt bona veluti pignoris titulo obligari . meubles ne sont point susceptibles d'hypothéqs'
quumvis id specialiter non exprimatur ; l. 2, et les créanciers hypothécaires nesontpaye>-
cod. in quib. caus. pig. sur le prix des meubles de leurs débiteurs . >?s
Le fisc n'a néanmoins ce droit d'hypothèque concurremment avec les simples chirofjrapbï-
tacite, que lorsqu'il est créancier de son chef; res, au sou la livre de leurs préances.
que si le fisc a succédé aux créanciers de quelque Dans quelques autres, telle que celle de 5s'
particulier, pulà , par droit d'aubaine ou de mandie , les meubles sont susceptibles dlrfl""
confiscation , il ne peut avoir plus de droit qu'en théque , et les créanciers hypothécaires *■
avait ce particulier , 1.2S , ff. de pig. et hypoth. colloques, par ordre d'hypothèque, sur le p"1
.Outre ces hypothèques tacites générales, il des meubles de leurs débiteurs , comme .'«' >
y en a qui sont limitées à de certains biens. prix des immeubles.
Te|le est l'hypothèque tacite qu'a un copar- Mais cette hypothèque des meubles, res>ct
tageant sur les biens échus au lot de ses copar- dans ces Coutumes , n'est qu'une hypolbeq*
tageans, pour toutes les obligations résultantes imparfaite , qui ne dure que tant queles oieuW«
du partage , quoiqu'il n'ait pas été fait par acte sont en la possession du débiteur qui I° >
devant notaires. hypothéqués, et qui s'éteint lorsqu'ils «nie*
Telle est celle que la loi donne aux légataires , aliénés , et ont passé en la main d'un autre. •*
sur la part des biens de la succession échue à meublesvant cette maxime générale du droit francct>-
chacun des héritiers du testateur, pour la part a été introduit n'ont de suite par hypothèq" - cvtj
dont chacun des héritiers est tenu dans leurs pour la sûreté et facilité de
legs ; /. 1 , cod. comm. de lvg. commmerce.
A l'égard des immeubles , ils sont partuu!
Mais les légataires n'ont aucune hypothèque
sur les biens appartenans auxdits héritiers de susceptibles d'une véritable hypothèque, >P
leur chef, que du jour que lesdits légataires ont peut être poursuivie en quelques main) que»
obtenu jugement de condamnation contre lesdits chose ait passé.
CHAPITRE I. •'.41
Non seulement les immeuhles corporels sont c'est une conséquence qu'il ne peut être accordé
susceptihles de cette hypothèque , mais même que par celui à qui la chose appartient , et qui
les immeuhles incorporels, tels que sont les en est le propriétaire; celui, qui ne l'est pas,
droits réels, tels que les droits de renies fon ne pouvant pas transférer à un autre un droit
cières , de censives , de fiefs , même les droits dans une chose, qu'il n'a pas lui-même.
de justice. On dira peut-être que le propriétaire d'une
Le droit d'hypothèque est lui-même suscep chose n'a pas le droit d'hypothèque dans sa chose,
tihle d'hypothèque. Pigvuspignori daripotest. cùm nemini rvs suapignori essepossit, comment
Les rentes constituées , dans les Coutumes peut-il donc le donner à un autre? La réponse est
telles que lesnôtres, qui les réputent immeuhles, facile. Le propriétaire d'une chose n'a pas , à la
sont aussi susceptihles d'hypothèque. vérité, un droit d'hypothèque dans sa chose;
Les offices domaniaux et les offices vénaux de dans la forme de droit d'hypothèque, il no l'a
judicature et de finances , en sont aussi suscep- fmformaliter ; mais il a eminenter, c'est-à-dire,
t ihles ; mais le sceau des provisions que le roi en non quidem jure hypothecœ , sedjure dominii,
donne, purge les hypothèques des créanciers tout ce en quoi le droit d'hypothèque consiste :
qui n'ont pas eu la précaution d'y faire opposi car le droit d'hypothèque consiste dans le droit
tion. de tenir la chose hypothéquée , et de la vendre.
La fin de l'hypothèque étant de vendre la chose Or, ce droit se trouve renfermé dans le domi-
hypothéquée, pour être payé sur le prix, il suit niutn qu'a le propriétaire , qui contient princi
de-là^que les choses , qui ne peuvent être ven palement le droit de disposer de la chose , et par
dues, n'étant pas dans le commerce, ne sont conséquent de la vendre. Puis donc qu'il a le
pas susceptihles d'hypothèque. Eamrem, quam droit de vendre la chose , il peut transférer ce
quia emere non poteat , jure pignoris acci- droit à son créancier qui l'aura, non pas comme
pere non poteat .' I. 1 , § 2 , quœ res pig. vel le propriétaire l'avait, jure dominii et in re pro-
hyp. dat. prid ; mais jure hypothecœ, et in re alienà.
Cela'n'empêche pas que le droit d'usufruit ne Pour pouvoir hypothéquer une chose , il ne
soit susceptihle d'hypothèque , car il peut se suffit pas d'en être propriétaire , il faut avoir la
vendre. Si ou dit qu'il ne peut passer d'une per faculté d'en disposer; c'est pourquoi les inter
sonne à une autre , personam usufructuarii dits , les femmes sous puissance du mari , lors
non egreditur ; c'est eubtilitate juris, que qu'elles ne sont pas autorisées, les mineurs, ne
l'étranger, qui en est acquéreur, ne jouit pas peuvent pas hypothéquer leurs hiens ; parce que,
de ce droit, proprio jure, comme d'un droit quoiqu'ils en soient les propriétaires , ils u'ont
suhsistant en sa personne ; mais du chef et pen pas la faculté d'en disposer.
dant la vie seulement dè celui sur la tête de qui De-là nait la question de savoir si , lorsqu'un
il a été constitué. mineur a contracté quelque engagement par acte
On considère , dans le droit d'usufruit , le devant notaires, sous l'hypothèque de tous ses
droit même attaché à la personne de l'usufrui hiens ; et qu'il le ratifie en majorité, le créancier
tier , et l'émolument de ce droit, qui consiste a hypothèque du jour de l'acte , ou seulement
en la perception des fruits de la chose sujette ù du jour de la ratification ; il semhlerait que le
ce droit ; cet émolument est séparahle de la per créancier ne devrait avoir hypothèque que du
sonne de l'usufruitier en qui réside le droit ; il jour de la ratification, et non du jour de l'acte
peut se vendre , et est par conséquent suscep fait en minorité , puisque , suivant ce que nous
tihle d'hypothèque. venons de dire , le mineur, n'ayant pas en ce
Les hiens grevés de suhstitution ne sont pas temps la faculté de disposer de ses hiens, ne
ahsolument inaliénahles; ils peuvent se vendre pouvait pas les hypothéquer. Néanmoins , il faut
cum causa et onere fidei-commisei , ils sont décider que le créancier aura hypothèque du
donc par conséquent susceptihles d'hypothèque , jour de l'acte fait en minorité ; la raison est , que
c'est-à-dire, d'une hypothèque qui s'éteindra la loi n'interdisant aux mineurs la faculté de dis
par l'ouverture de la suhstitution , si elle a lieu. poser de leurs hiens , et de les hypothéquer que
Les offices de la maison du roi n'étant point pour leurs propres intérsts, cette incapacité,
des choses qui soient in commercio nostro , ne en laquelle ils sont , d'en disposer et de les hypo
peuvent être susceptihles d'hypothèque. théquer, n'est pas une incapacité ahsolue, mais
relative à leurs intérêts : ils sont seulement inca
S II. PAR QUI LES CHOSES PEUVENT-ELLES ETsE pahles de disposer de leurs hiens , et de contrac
HYPOTHÉQUÉES? ter sous l'hypothèque de ces mêmes hiens , en
tant que la disposition qu'ils auraient faite, et
L'hypothèque étant un droit dans la chose, l'engagement qu'ils auraient contracté , leur
Tome V. 56
442 DE L'HYPOTHÈQUE.
seraient désavantageux ; mais lorsqu'en ratifiant faisant fort de moi , avait contracté en mon non
en majorité cet engagement , soit expressément , quelque engagement par acte devant notaire,
soit tacitement, par le laps de dix ans, sans et que par la suite je ratifiasse, le créaocier
prendre de lettres contre, ils ont reconnu qu'il pourrait-il prétendre hypothèque sur mes biens,
ne leur était point préjudiciable ; l'acle , et du jour du contrat , au préjudice de ceux qui
l'hypothèque dont il est accompagné, doivent auraient acquis des hypothèques sur mes bien,
être regardés comme ayant été véritablement dans le temps intermédiaire entre le contrste!
contractés, et, par conséquent, le créancier la ratification, ou s'il . n'aurait hypothèque que
doit avoir hypothèque du jour de l'acte. du jour de la ratification? Il faut décider qu'il w
Il faudrait décider autrement à l'égard d'une l'aura que du jour de la ratification. Nec obstat
femme mariée, qui, pendant son mariage, se que les ratifications ont un effet rétroactif,
serait obligée par acte devant notaire , sans être suivant cette règle de droit : Ratihabitio man
autorisée , et depuis son veuvage , aurait ratifié data comparatur. Qui mandat ipee fecim
cet acte : le créancier n'aurait hypothèque que videtur; et qu'en conséquence, ayant ratifie,
du jour de la ratification; encore faut-il que c'est tout comme si le contrat avait été fait eu
cette ratification se fasse aussi par acte devant vertu de ma procuration , et comme si j'aviis
notaire : il ne pourrait la prétendre du jour de contracté moi-même par le ministère de «lui
l'acte passé par la femme durant son mariage , qui a contracté en mon nom ; car cet effet
parce que l'incapacité , en laquelle est une rétroactif n'a lien qu'entre le créancier et mnt.
femme mariée , de contracter sans autorisation, qui ai ratifié ce quia été fait en mon nom; mais
est une inhabileté et une incapacité absolue , il ne peut avoir lieu au préjudice des tiers,
qui ne permettent pas que l'acte puisse être qui ont acquis un droit d'hypothèque sur roe>
valide par la ratification , laquelle ne vaut que biens, dans le temps intermédiaire; car celai,
comme une nouvelle obligation ; ce qui est abso qui a contracté en mon nom , n'ayant aucune
lument nul , ne pouvant pas être confirmé. qualité pour pouvoir m'engager et hypothéquer
Quoiqu'il n'y ail que le propriétaire de la mes biens; ils ne l'étaient point avant que j'eusse
chose, qui la puisse hypothéquer, néanmoins, ratifié, et par conséquent je les ai valablement
lorsqu'un tuteur de mineur, un curateur d'in hypothéqués à ces créanciers intermédiaires, et
terdit , des fabriciers , des administrateurs d'hô il n'a pas dû dépendre de moi de les priver de
pitaux , des syndies de communautés , contrac ce droit d'hypothèque qui leur était acqais,
tent en ces qualités , pourvu qu'ils n'excèdent en ratifiant un acte que j'étais le maître de M
point les bornes de leur administration , ils pas ratifier.
hypothèquent les biens de ces personnes dont Dans le cas de la convention d'hypothèque de
ils ont l'administration ; ce qui n'est point con biens présens et à venir , il est évident qu'il suffit
traire à notre proposition , car , lorsque ces que le débiteur , qui est convenu d'accorder
tuteurs , curateurs et autres semblables admi cette hypothèque , soit devenu propriétaire des
nistrateurs , contractent dans lesdites qualités , choses , depuis la convention, pour qu'elle>
ce ne sont pas tant eux qui contractent , que les soient valablement hypothéquées; mais, lovs
personnes ou communautés dont ils ont l'admi que la convention d'hypothèque était d'une
nistration, qui sont censées elles-mêmes con- chose certaine et spéciale , il fallait , suivant les
tracterpar leur ministère , et hypothéquer elles- principes du droit romain , pour que la conven
mêmes , par le ministère de ces tuteurs , cura tion fut valable, que le débiteur, qui en accor
teurs , leurs biens : c'est pourquoi , mémo en dait l'hypothèque , en fût le propriétaire su
ce cas, c'est le propriétaire de la chose qui en temps de la convention , à moins que la con
constitue l'hypothèque. vention n'eût été faite sous la condition, et au
Il en est de même lorsque mon fondé de pro cas qu'il en deviendrait un jour le propriétaire;
curation , sans sortir des bornes de cette procu /. 15 , § 1 ; l. I , § 7 , ff. de pig. et hypolh.
ration, contracte en cette qualité, par acte Quoique la convention d'hypothèque pare et
devant notaire; il n'est pas douteux qu'il hypo simple d'une certaine chose, ne fût pas valable,
thèque mes biens aux engagemens qu'ilcontracte et que, lorsque le débiteur en devenait paris
en mon nom dans cette qualité ; mais c'est moi- suite le propriétaire , l'hypothèque n'en était
même qui suis censé , par son ministère , con pas pour cela validée : néanmoins , les Ion
tracter l'engagement , et hypothéquer mes biens subvenaient de différentes manières au créan
en lui donnant ma procuration : j'ai par-là , cier contre le débiteur , soit en accordant à ce
dès-lors , consenti à l'engagement et à l'hypo créancier la rétention de la chose , lorsqu'il s
thèque qui en est l'accessoire. trouvait en possession , soit même en lui accor
Quid? si quelqu'un , sans procuration et sa dant une action utile contre ce débiteur qui
CHAPI TRE I. 443
l'avait trompé ; sur quoi, les lois font plusieurs qui a depuis passé en d'autres mains , par la
distinctions dans lesquelles nous n'entrerons vente qu'il en a faite . il suffit , pour fonder mon
pas, parce qu'elles ne peuvent avoir d'applica hypothèque, que je prouve que mon déhiteur
tion dans notre droit, suivant lequel toute con l'a possédé , parce que tout possesseur est pré
vention d'hypothèque comprend toujours tous sumé propriétaire, et par conséquent avoir pu
les hiens présens et à venir. C'est pourquoi , valahlement hypothéquer la chose par lui pos
dans notre droit, il faut tenir que, toutes les sédée, tant qu'il n'en parait pas d'autre qui en
fois que j'ai contracté par acte devant notaire , réclame la propriété.
il suffit , pour qu'un héritage soit hypothéqué,
que j'en sois devenu propriétaire depuis que S III. POUR iJLFLI.ES DETTES PEUT-ON HYPOTHÉQUER?
j'ai contracté , quoique je ne le fusse pas dans ce
temps. Il ne peut y avoir d'hypothèque , s'il n'y a
Mais , quoique la convention d'hypothèque une dette qui suhsiste , pour laquelle l'hypo
fût valahle auparavant que je fusse propriétaire , thèque ait été contractée; c'est ce qui résulte
néanmoins elle n'a son effet, et elle n'acquiert de la notion et de la définition que nous avons
au créancier un droit d'hypothèque sur les hiens donnée de l'hypothèque.
que j'afpu acquérir depuis, que du jour que je Il suit de-là , que les contrats , que la loi dé
les ai acquis : car je ne peux transférer de droit clare nuls , ne peuvent être accompagnés d'au
que dans les choses qui m'appartiennent. cune hypothèque, parce qu'il ne résulte de ces
De-là nait une question : J'ai contracté diffé contrats aucun engagement valahle , aucune
rons engagemens envers trois différens créan dette , et qu'il en faut une qui puisse leur servir
ciers, en différens temps, sous l'hypothèque de de fondement, puisqu'elles ne peuvent suhsister
mes hiens présens et à venir , et j'ai ensuite sans une dette dont elles soient un accessoire.
acquis un certain héritage : ces trois différens Suivant ces principes , il est décidé , par la
créanciers viendront-ils par concurrence d'hy- loi 2 , ff. quœ res pig. , que si quelqu'un a hy
pothùque sur cet héritage, ou suivant l'ordre pothéqué quelque chose pour l'emprunt qu'un
des dates de leurs contrats? Il semhlerait qu'ils fils de famille a fait contre le sénatus-cmisulte
devraient venir par concurrence ; car ces trois macédonien , ou pour l'ohligation qu'une femme
différens créanciers ont acquis tous les trois leur a suhie pour autrui contre le sénatus-consulte
hypothèque sur cet héritage , dans le même velléien , telle hypothèque est nulle, parce que
instant ; savoir, lors de l'acquisition qui en a l'engagement de ce fils de famille , aussi hien
été faite; n'ayant pas pu l'acquérir plus tôt, que celui de cette femme, est nul.
conenrrunt tempore, et par conséquent ils pa Suivant ces mêmes principes , on doit décider
raissent avoir un droit égal , et il semhle que les parmi nous, que si une femme , sous puissance
jurisconsultes romains le pensaient ainsi. Arg., de mari , a contracté sans être autorisée , les
1. 28, ff. dejure fisc. Vid. Cujac. ad hanclegem. hypothèques qui auraient été accordées , soit
Nonohstant ces raisons , la jurisprudence est par elle , soit par des tiers , pour raison de ce
constante parmi nous, que ces créanciers ne contrat qui est nul , le sont aussi.
doivent pas concourir , mais qu'ils doivent être On dira peut-être qu'il y a dans cette espèce
colloques scion l'ordre des dates de leur contrat; une ohligation de la femme dans le for de la
la raison est, que le déhiteur, en contractant conscience , et qu'une telle ohligation doit être
avec le premier créancier , sous l'hypothèque de un fondement suffisant pour lus hypothèques ,
ses hiens à venir, s'est interdit le pouvoir de les puisque, suivant la loi 5 . ff. de pig. , et hyp. ,
hypothéquer à d'autres, au préjudice de ce pre on peut constituer des hypothèques pour des
mier créancier; par conséquent, quoique ces ohligations purement naturelles ; et vel pro ci-
créanciers acquièrent le droit d'hypothèque vili ohligations vel tantitm naturali.
dans le même instant, le premier est cependant La réponse est , que les ohligations naturelles,
préféré au second, et le second au troisième, pour lesquelles cette loi permet de constituer
parce que le déhiteur n'a pu accorder d'hypo hypothèque, sont celles qui naissaient des sim
thèque à ce second créancier, ni ce second ples conventions, ex nudis partis r qui n'étaient
créancier en acquérir que sur ce qui resterait point revêtues de la forme de la stipulation,
après la créance du premier acquittée ; et il en qui, selon les principes du droit romain, que
faut dire do même du troisième à l'égard du nous ne suivons point, était nécessaire pour
second. donner le droit d'action et de demande en jus
Il nous reste à ohserver que lorsque mon dé tice. Ces ohligations étaient appelées purement
hiteur , qui a contracté avec moi , sous l'hypo naturelles, parce qu'elles étaient insuffisantes
thèque de tous ses hiens . a possédé un héritage pour donner le droit d'action ; mais la loi ne les
444 DE L'HYPOTHÈQUE.
désapprouvait pas, elle ne les déclarait pas On peut même constituer des hypothèques
nulles; elles pouvaient donc servir de fonde pour une dette qui n'a point été contractée,
ment à des hypothèques , mais celles , que la loi mais qu'on contractera , et fatum obligation^
improuve et déclare nulles , ne peuvent y servir nomine. Dict. leg. 5 ; mais , comme il ne peut ;
de fondement ; ce qui est nul ne pouvant pro avoir d'hypothèque qu'il n'y ait une dette, cette
duire d'effet. hypothèque n'aura lieu que du jour que la dette
On peut constituer des hypothèques pour aura été contractée.
quelque dette que ce soit. Il n'importe quel C'est pourquoi si , aujourd'hui , premier d'a
soit l'objet de la dette : Non tantùm obpecu- vril , je suis convenu que tel héritage vous serait
niatn , sed et ob aliam causani pignus dari spécialement hypothéqué pour une somme de
polest ; l. 9, % 1 , ff. do pig. act. 10,000 Hv. que vous me prêteriez, et que vou-
On peut constituer des hypothèques,, non ne m'ayez compté cette somme que le premier
seulement pour sa propre dette , mais pour celle septembre suivant , l'hv pothèque n'aura lieu que
d'autrui, sivo pro sud obligations , sive pro du premier septembre , parce que n'ayant com
aliend ; l. 5 , § 2 , de pig. et hyp. mencé à être débiteur envers vous de cette
On peut constituer des hypothèques , même somme, que du jour que je l'ai reçue, l'hypo
pour une dette qui n'est contractée que sous thèque n'a pu naître plus tôt , ne pouvant pas y
une condition qui n'est point encore arrivée : avoir d'hypothèque avant qu'il y ait use
Rem hypothecœ dari posse sciendum est.1..... dette.
Sive pura est obligatio vel in diem, vel sub De-là il suit que, pour que l'hypothèque soit
conditions , dict. I. 5. valablement contractée, il faut que j'aie été
Mais, de même que la dette est en suspens propriétaire de la chose, non pas précisément
jusqu'à l'échéance de la condition , l'hypothè au temps que je suis convenu de vous accorder
que sera aussi en suspens. Si la condition vient cette hypothèque , mais au temps que la dette a
à défaillir , il n'y aura point eu d'hypothèque , été contractée par la numération qui m'a été
ne pouvant y en avoir sans dette ; que si la con faite de l'argent; car, comme ce n'est qu'en ce
dition existe, la dette étant censée, en ce cas , temps que le droit d'hypothèque a pu être ac
valablement contractée dès le temps du contrat , quis au créancier , il faut que , dans ce même
par l'effet rétroactifqu'on donne aux conditions, temps , la chose m'ait appartenu, pour pouvoir
l'hypothèque aura aussi effet du jour qu'elle a lui faire acquérir ce droit; /. 4, ff. quœ rei
été constituée. pig-
CHAPITRE II.
L'eFFet de l'hypothèque est d'affecter au to et a laissé quatre héritiers, entre lesquels l'hé
tal de la dette , la chose hypothéquée et chacune ritage, qu'il m'a hypothéqué, a été partagé,
de ses parties , d'où il suit que, si mon débi j'ai hypothèque pour le total de ma dette, sur
teur aliène une partie de l'héritage qu'il m'a hy la part de chacun de ces quatre héritiers.
pothéqué , j'ai hypothèque pour le total de ma En cela , l'hypothèque est différente de l'obli
dette sur la partie qu'il a aliénée, commeje l'ai gation personnelle ; car l'obligation de la per
pour le total sur la partie qu'il a conservée. sonne se divise entre les héritiers du débiteur,
Par la même raison , si mon débiteur est mort, au lieu que l'hypothèque, que le créancier!
CHAPITRE II. 445
sur les biens , ne se divise point par le partage celle , qu'a le créancier contre le tiers déten
qui se fait de ces biens , parce qu'ils sont hypo teur de l'héritage ou autre immeuble hypothé
théqués au total de la dette, non seulement qué, aux fins que ce détenteur soit condamné
dans leur totalité , mais dans chacune de leurs à le délaisser, si mieux il n'aime satisfaire aux
parties, divisées ou indivisées. causes de l'hypothèque.
La fin de l'hypothèque étant d'assurer au
créancier sa dette, et de lui en procurer te paie ARTICLE PREMIER.
ment, par la vente de la chose hypothéquée,
lorsque le débiteur est en demeure de satisfaire, De la nature de l'action hypothécaire simple-
le créancier a différera moyens pour parvenir à ment dite. Par qui , et contre qui s'intente-
cette fin. t-elle ?
Lorsque la chose hypothéquée est en la pos
session du débiteur, et que le créancier, outre L'action hypothécaire n'est point une action
son droit d'hypothèque , a contre son débiteur personnelle, mais une action réelle , puisqu'elle
un titre exécutoire , il peut , après avoir mis en ne naît d'aucune obligation que le défendeur
demeure le débiteur, saisir réellement l'héritage ait contractée envers le demandeur , ces parties
hypothéqué , et poursuivre la vente judiciaire. n'ayantjamais eu aucune affaire ensemble; mais
Nous traiterons amplement de cette saisie- elle naît du droit d'hypothèque , que le deman
réelle dans notre Traité de la procédure civile, deur a dans la chose hypothéquée , et cette ac
où nous renvoyons. tion contient la poursuite de ce droit contre le
On appelle titre exécutoire un acte pardevant possesseur de la chose.
notaire, portant obligation, ou un jugement de Cette action ne peut être intentée que par le
condamnation. créancier à qui ce droit appartient ; et, comme
Lorsque le créancier n'a point de titre exé-" toutes les autres actions réelles , elle ne peut
cutoire contre son débiteur qui possède les être intentée que contre le possesseur de l'hé
biens hypothéqués , soit parce que l'hypothè ritage ou d'autre immeuble sujet à ce droit, que
que, qu'il a contre ce débiteur, est une hypo le demandeur poursuit.
thèque tacite , qui ne résulte d'aucun titre exé Le détenteur , contre qui doit s'intenter cette
cutoire, soit parce que ce débiteur n'est que action est celui qui le possède comme proprié
l'héritier de celui qui s'est obligé ou a été con taire , animo domini, soit qu'il le soit effective
damné envers le créancier , le créancier ne peut ment , soit qu'il se déclare tel.
saisir les biens hypothéqués, qu'il n'ait assigné Si la demande a été donnée contre un fer
le débiteur, et obtenu contre lui un jugement mier ou locataire , que le demandeur aurait
de condamnation ; ou qu'il ne se soit obligé au trouvé en possession de l'héritage, ce fermier
paiement de la dette, par acte devant notaire. ou locataire doit être renvoyé de la demande ,
Le créancier a , pour cet effet, l'action per en indiquant le nom de celui , de qui il tient à
sonnelle hypothécaire contre les héritiers de ferme ou loyer; car ce n'est pas proprement le
son débiteur , qui sont en possession des biens fermier ou locataire qui est le possesseur, c'est
hypothéqués. celui , de qui il tient à ferme ou loyer , qui pos
Lorsque la chose hypothéquée n'est pas en la sède par lui : Possidemus per colonos nostroa
possession du débiteur , mais d'un tiers , le aut inquilinos.
créancier ne la peut saisir sur ce tiers, qui n'est Lorsque le propriétaire d'un héritage hypo
ni son obligé ni son condamné ; il n'a que la théqué a créé un droit d'usufruit sur l'héritage,
voie d'action pour la lui faire délaisser, et, après l'action hypothécaire doit être donnée contre
le délais fait, le créancier la saisira sur un cu le propriétaire ; car c'est lui qui possède l'héri
rateur qu'il fera établir au délais. tage : l'usufruitier possède ou est en quasi-pos
C'est de cette action et des autres, qui nais session de son droit d'usufruit dans l'héritage ,
sent de l'hypothèque, dont nous nous propo plutôt qu'il ne possède l'héritage même ; c'est
sons principalement de traiter en ce chapitre. pourquoi , si le créancier avait donné l'action
On a coutume de distinguer trois actions, qui contre l'usufruitier qu'il trouve en possession,
naissent de l'hypothèque : l'action hypothécaire il faudrait, sur l'indication qu'il donnerait du
simplement dite; l'action personnelle hypothé propriétaire , mettre ce dernier en cause; mais
caire; et l'action d'interruption. l'usufruitier ne serait pas mis hors de cause , et
SECTION PREMIÈRE. le créancier pourrait conclure tant contre l'u
sufruitier , que contre le propriétaire , parce
de l'action nvpothécAibe simplement dite. que l'usufruitier a un droit dans la chose , en
L'action hypothécaire simplement dite , est quoi il est différent du simple fermier.
446 DE L'HYPOTHÈQUE.
Loyseau, néanmoins, lie. 3, ch. 3, a. 2, discuté les hiens de son déhiteur et des cautiun-
décide , contre notre opinion , que l'action hy de ce déhiteur, pour se procurer le paiemevt
pothécaire ne doit pas être donnée contre le de sa créance.
propriétaire de l'héritage chargé d'usufruit , Cette exception-est dilatoire et non pas pé-
mais contre l'usufruitier : ce que je ne pense pas remptoire, car elle ne fait que différer l'action
véritahle. hypothécaire; elle ne la détruit pis; et le de
Que si le propriétaire de l'héritage hypothé mandeur, après la discussion par lut faite des
qué, depuis la création de l'hypothèque, l'a hiens de son déhiteur et de ses cautions, pourra
donné à titre de cens, d'emphytéose , ou de suivre son action hypothécaire, si cette discus
rente foncière, l'action doit être donnée contre sion ne lui a point procuré le paiement de sa
le détenteur, qui le tient à quelqu'un desdits dette.
litres, de cens, d'emphytéose ou de rente fon De- là il suit que , suivant la règle commune
cière , et non contre le seigneur dudit cens ou à toutes les exceptions dilatoires, cette excep
rente ; car c'est celui , qui le tient à ces titres , tion doit être opposée avant la contestation es
qui est vraiment propriétaire et possesseur de cause. Loyseau le décide ainsi, l. 3,ch . S, n. 26.
l'héritage dont il a le domaine utile ; le seigneur et il dit que, lorsque cette exception n'a été
de cens , d'emphytéose ou de rente foncière , proposée qu'après contestation, le juge ne doit
ne possède pas proprement l'héritage, mais le pas surseoir à faire droit sur la demande jus
droit qu'il s'est retenu dessus. qu'après la discussion ; mais il vent que le
Lorsque l'héritage hypothéqué appartient à juge, en ce cas, condamne à délaisser, en
une femme mariée, l'action doit être donnée ajoutant : Après discussion faite des hiens da
contre le mari et la femme ; elle ne peut être déhiteur.
donnée contre la femme seule , parce qu'on ne Il y a néanmoins quelques auteurs , qui pré
peut donner d'action contre une femme seule , tendent qu'elle peut être opposée depuis U
lorsqu'elle est en puissance de mari, ni contre contestation en cause, et même depuis la sen
le mari seul , parce que le mari est à la vérité tence rendue sur l'action hypothécaire; mais
possesseur des héritages propres de sa femme , je ne vois pas quel peut être le fondement de
car il ne l'est pas nomine proprio , mais en sa cet avis.
qualité de mari et du chef de sa femme ; ainsi
la propriété en appartient à sa femme. Or, g II. PAa QUI , ET A L'EGARD DE QUELLES CHEUnCES
toutes les actions, pour raison de la propriété CETTE EXCEPTION PEUT-ELLE ÊTRE OPPOSEE?
des propres de la femme, qui tendent à la dé
pouiller de sa propriété, ne peuvent être don Cette exception ne s'oppose que par les tiers
nées contre le mari seul. détenteurs, qui ne sont point ohligés person
L'action hypothécaire ne peut être intentée, nellement a la dette, n'ayant point acquis a
avant que le terme de paiement de la dette , cette charge.
pour laquelle l'héritage est hypothéqué, soit Au reste , ils ne sont pas censés y être per
échu, en quoi elle diffère de Uaction d'inter sonnellement ohligés , pour en avoir eu connais
ruption, qui peut s'intenter même avant l'é sance, ou même pour avoir été chargés de
chéance de la condition. l'hypothèque seulement, et non de la dette,
comme l'ohserve fort hien Loyseau, en soa
ArticLe h. Traité du déguerpissement , liv. 3, chap. 8.
«. 14. C'est pourquoi , ils ne laissent pas , en ces
De l'exception de discussion et des autres qui cas, de pouvoir opposer la discussion.
peuvent être opposées contre l'action hypo Cette exception ne peut s'opposer par ceux
thécaire. qui sont personnellement tenus de la dette, pour
quelque petite partie que ce soit.
Le tiers détenteur de l'héritage hypothéqué, Dans certaines Coutumes, les simples tievs
qui est assigné en action hypothécaire , peut or détenteurs n'ont pas même le droit d'opposer
dinairement, avant contestation en cause , op cette exception contre certaines créances hypo
poser au demandeur l'exception de discussion. thécaires. '
Dans la Coutume de Paris , elle n'a lieu qu'à
S I. DE LA NATURE DE CETTE EXCEPTION . ET EN QUEL l'égard des créances hypothécaires de sommes
TEMPS PEUT-ELLE ÊTRE OPPOSÉE? exigihles ; elle ne s'oppose point contre les
créanciers de rentes, soit que le créancier ait
Cette exception arrête la demande, jusqu'à ce une hypothèque spéciale sur l'héritage pour
que le demandeur en action hypothécaire ait lequel l'action hypothécaire est donnée, aoit
CHAPITRE II. 447
qu'il n'ait qu'une hypothèque générale : c'est ce par laquelle la rente aurait été créée spéciale
qui est dit en termes formels, par l'art. 101. ment à prendre sur les revenus de l'héritage ,
Les détenteurs et propriétaires d'aucuns héri cette clause d'assignat n'empêchant pas que
tages obligés ou hypothéqués à aucunes rentes, l'obligation de l'héritage ne soit qu'accessoire à
sont tenus hypothécairement icelles payer la personnelle.
sans qu'il soit besoin d'aucune discussion. Si le créancier avait été nanti de l'héritage ,
Cet article ne distingue point si l'hypothèque quand même la possession , en laquelle on l'au- ,
est spéciale ou seulement génerale. Il dit en mit mis de cet héritage, ne serait qu'une pos
termes généraux : d'aucuns héritages obligés session feinte et civile, l'acquéreur, qui aurait
ou hypothéqués à aucunes rentes: d'où il suit acquis cet héritage du débiteur, et s'en trouve
qu'aux termes de cet article, on ne peut opposer rait en possession réelle , ne pourrait opposer la
la discussion aux créanciers de rentes, quand discussion , le créancier n'ayant pas dû être
même ils n'auraient qu'une hypothèque géné dépossédé. C'est le sentiment de Loyseau, au
rale. même endroit.
Laurière, contre le texte formel de cet article, On doit suivre , sur les cas auxquels la dis
n'a pas laissé d'avancer que les créanciers de cussion doit avoir lieu ou non , la Coutume du
rentes étaient obligés à la discussion dans la lieu où est situé l'héritage hypothéqué; car
Coutume de Paris ; la raison , sur laquelle il se l'exemption ou la nécessité de la discussion dans
fonde, est que la Coutume n'a dispensé de la certains cas, son? des effets de la plus grande
discussion les créanciers des rentes , que parce ou de la moindre vertu de l'hypothèque. Or, il
qu'autrefois les rentes constituées étaient regar est évident que c'est à la Coutume, qui régit
dées comme des charges réelles des héritages , l'héritage, à régler la nature et l'étendue des
et de lu même nature que les rentes foncières; différens droits qu'on peut avoir dans l'héritage;
qu'aujourd'hui qu'elles sont considérées diffé quand même il serait expressément porté par le
remment , les créanciers de ces rentes devaient contrat , que le créancier aurait une hypothèque
être sujets à la discussion. Cet avis de Laurière sur tous les biens ou certains biens du débiteur,
n'est pas suivi, et est contredit par tous les contre laquelle l'exception de discussion ne
commentateurs , Duplessis , Lemaitre , ete. , et pourrait être opposée , les tiers détenteurs de
avec raison ; car, quoique les rentes constituées ces biens ne laisseraient pas de pouvoir l'op
soient considérées différemment de ce qu'elles poser : car cette clause, dans un contrat où ce
étaient autrefois , la disposition de la Coutume, tiers détenteur n'était point partie, ne peut lui
qui dispense de la discussion des créanciers de préjudicier, ni lui ôter un droit qui lui est
rentes, n'eu subsiste pas moins. accordé par la loi : Privatorum pactis juri
Dans notre Coutume , les tiers détenteurs publico derogari non potest.
peuvent opposer la discussion aux créanciers de
rentes, lorsqu'ils n'ont qu'une hypothèque géné % III. QUELS RIENS LE CRÉANCIER EST-1L ORLIGÉ DE
rale : pour qu'ils ne puissent l'opposer, il faut DISCUTER, ET AUX FRAIS DE QC1 ?
que deux choses concourent : 1s que la créance
hypothécaire soit une rente ; 2« que l'hypo Le créancier, à qui on oppose la discussion ,
thèque soit une hypothèque spéciale. C'est ce doit faire vendre les meubles de son débiteur
qui résulte de l'art. 436 de la Coutume d'Or principal et des cautions , ou rapporter un
léans. procès-verbal de carence des meubles.
Dans les Coutumes , qui ne s'en expliquent Il est obligé aussi de discuter leurs immeu
pas , les tiers détenteurs peuvent Opposer la dis bles, mais seulement ceux, qui lui sont indiqués
cussion contre toutes les actions hypothécaires, par celui qui lui oppose la discussion; car il
quelle que soit la créance hypothécaire , créance n'est point obligé de les connaître.
exigible ou rente, et quelle que soit l'hypo Il en est de même des dettes actives de son
thèque générale et spéciale ; car l'exception de débiteur, et même des meubles corporels qui
discussion est de droit commun , et par consé seraient ailleurs qu'en la maison de son débi
quent elle doit avoir lieu tant qu'il n'y a quelque teur; le créancier, n'étant point obligé de les
loi ou Coutume qui contienne quelque cas d'ex connaître , n'est obligé de les discuter qu'autant
ception. C'est le sentiment de Loyseau, lie. 3, qu'ils lui sont indiqués.
chap. 8, ». 5, 6, 7, qui préte'nd même, qu'il y Le créancier n'est point obligé de discuter les
aurait lieu à la discussion dans les Coutumes biens de ses débiteurs et cautions qui sont hors
qui ne s'en expliquent pas , quand mêms l'héri le royaume.
tage n'aurait pas été spécialement hypothéqué Il n'est point obligé de discuter ceux qui sont
à la rente, mais qu'il y aurait clause d'assignat, litigieux, et dont la propriété est contestée à
4'.S DE L'HYPOTHÈQUE.
son déhiteur ; car il ne doit pas être ohligé cum alterius detrimentolocvpletari. Le déten
d'attendre la tin d'un procès, ni à soutenir le teur ayant conservé le gage par les impensa
procès. nécessaires qu'il a faites , le créancier n'en doit
Enfin, le tiers détenteur, contre qui le créan pas profiter aux dépens de ce détenteur, et doit
cier a donné son action , ne peut ohliger le par conséquent les lui remhourser.
créancier ù discuter les hiens d'autres que de iVous ne comprenons point, dans ces im
ses déhiteurs et cautions , et il ne peut les ren penses nécessaires, les impenses de simple entre
voyer contre les autres tiers détenteurs d'héri tien : le tiers détenteur ayant joui et perçu les
tage , pareillement ohligés à sa créance, soit fruits de l'héritage , n'a pas de répétition de ces
qu'ils aient été aliénés les premiers ou les impenses, qui sont une charge des fruits qu'il
derniers. a perçus ; il ne serait pas même recevahle à les
Loyseau , liv. 3, chap. 8, n. 29, dit néan demander, en offrant de compter des fruits , s'il
moins que, lorsque le créancier a une hypothèque prétendait qu'elles excédassent les fruits : car,
spéciale sur un héritage possédé par un tiers comme ces impenses sont faites pour les fruits
détenteur, et qu'il a donné sa demande contre dont il aurait eu le hénéfice , s'ils eussent excédé
le détenteur d'un héritage sur lequel il n'a les impenses , la charge de ces impenses doit le
qu'une hypothèque générale, ce détenteur peut regarder, n'ayant été faites que propter ipsiw
le renvoyer à la discussion de l'héritage spécia negotium, et non propter negotium creditoria
lement hypothéqué. Ce qui est fondé sur la loi 9, hypothecarii , & qui il ne devait point compte
cod. de dist. pig., et d'autres, qui décident que des fruits. C'est de ces impenses qu'il est parlé
le créancier doit commencer par vendre les en la loi 40 , § 1 , ff. de dumtw inf., suivant le
hypothèques spéciales, avant que de venir aux sentiment de Cujas et de Loyseau.
générales; mais cette décision de Loyseau ne Suivant les principes du droit romain , le de
reçoit plus d'application , au moyen de la tenteur n'était point ohligé à délaisser l'héritage,
clause , que l'on ne manque jamais d'insérer, qu'on ne lui en eût au préalahle remhoursé ,
que la spéciale hypothèque ne mura point à la non seulement les impenses nécessaires , mais
générale , laquelle clause donne le pouvoir au même les utiles ; avec cette seule différence
créancier de discuter les hypothèques générales, entre les nécessaires et les utiles, que ces der
si hon lui semhle , avant les spéciales ; et cette nières ne lui devaient être remhoursées que
clause est devenue tellement de style, et passée jusqu'à concurrence de ce que l'héritage s'en
en usage, que plusieurs auteurs disent, que trouverait plus précieux. C'est la décision de la
quand elle aurait été omise, elle devrait être loi 29 , § 2 , ff. de pig. et hypoth.
sous-entendue. Suivant notre droit , le détenteur doit aussi
Il nous reste à ohserver que la discussion être remhoursé des impenses nécessaires , et
doit se faire aux frais de celui qui l'oppose , et même des impenses utiles, eu égard à ce que
que le créancier, à qui on indique des héritages lesdites impenses utiles ont rendu l'héritage
du déhiteur à discuter, est fondé à demander plus précieux , c'est-à-dire , eu égard à ve qu'il
que celui , qui oppose la discussion , lui four sera vendu de plus ; autrement te créancier pro
nisse une somme de deniers pour frayer à la fiterait aux dépens de ce détenteur, ce que
saisie réelle qu'il en fera, faute de quoi il doit l'équité naturelle ne permet pas ; mais Loyseau
être dispense de la discussion des immeuhles. prétend que la loi 29, qui accorde à ce déhi
teur le droit de retenir l'héritage jusqu'à ce
S IV. DE L'EXCEPTION OUI PEUT ÊTRE OPPOSÉE remhoursement , ne doit point être suivie dans
CONTRE L'ACTION HYPOTHÉCAIRE , POUR RAISON notre droit, et qu'on doit seulement lui accorder
DES IMPENSES rAITES A L'HÉRITAGE. le droit d'être payé à l'ordre des impenses
nécessaires , par privilège , sur tout le prix ; et
Le tiers détenteur peut opposer par exception des utiles , par privilège , sur la plus value du
contre l'action hypothécaire, qu'il a fait des prix, par rapport auxdites impenses. La raison
impenses nécessaires à l'héritage hypothéqué , de différence entre le droit romain et le nôtre ,
et qu'il ne peut être contraint à le délaisser, qu'il est que , par le droit romain , un créancier
ne soit remhoursé desdites impenses, ou du n'avait pas droit de vendre le gage., avant qu'il
moins que le créancier ne lui donne caution de eût satisfait les créanciers antérieurs ou plus
faire monter l'héritage à si haut prix, qu'il en privilégiés que lui ; mais , suivant notre droit ,
soit remhoursé sur le prix. le dernier créancier pouvant vendre le gage , ce
Cette exception est fondée sur cette règle de détenteur, quoique privilégié pour ses impenses,
l'équité naturelle , que personne ne doit s'enri ne peut se dispenser de délaisser au créancier
chir aux dépens d'autrui : Neminem œquum ost l'héritage pour être vendu, sauf à ce détenteur
CHAPITRE II. 449
à exercer à l'ordre son privilège sur le prix, actions hypothécaires, qui auraient pu étre
pour les impenses qui lui sont dues. données contre moi par d'autres créanciers; de
Néanmoins , comme il ne serait pas juste que même elle me donne une exception péremptoire
ce détenteur perdit ses impenses , si les frais du contre sa propre demande : car, qui habet
décret absorbaient le prix de l'héritage, je pense actionem, multà magis debet habere exceptio-
que , si le demandeur n'est pas condamné à lui nesn.
rendre préalablement le prix de ses impenses, Lorsque le créancier , qui a donné contre
au moins il doit être condamné à lui donner cau moi l'action hypothécaire, n'est héritier que
tion que l'héritage montera à si haut prix qu'il pour partie, de mon vendeur, par exemple,
en sera payé, sans encourir les risques d'aucuns pour un quart, il ne doit être exclu de son
frais de saisie et de criées. action hypothécaire, que pour la partie dont il
Comme la saisie réelle peut durer fort long est héritier; c'est pourquoi je dois être con
temps, il est juste aussi que le détenteur soit damné, en ce cas, à lui laisser l'héritage pour
payé à l'ordre , non seulement du prix principal les trois quarts, si mieux je n'aime payer les
de ses impenses, mais des intérêts. causes de l'hypothèque pour ces trois quarts ;
Le détenteur doit, à cet effet , demander , dès car, n'étant obligé à la garantie envers moi,
avant le délais, l'estimation desdiles impenses, que pour le quart dont il est héritier de mon
par experts nommés tant par le demandeur que vendeur , il ne peut être obligé de m'acquitter
par lui. que pour cette partie, soit du délais de l'héri
Si les impenses étaient de nature à pouvoir tage, soit du paiement des causes de l'hypo
s'enlever, et que le détenteur, pour éviter la thèque, .si je voulais le conserver.
discussion de leurliquidation, voulut les enlever, Si ce créancier, en même temps qu'il est héri
on ne pourrait le lui refuser. tier pour un quart de mon vendeur , est aussi
A l'égard des impenses voluptuaires, le déten biens - tenant , c'est-à-dire,- possesseur d'im
teur n'en peut demander le remboursement; meubles de la succession de mon vendeur, hypo
mais on ne peut lui refuser la faculté de les théqués à ma garantie, il doit être déclaré per
enlever, si cela se peut sans détérioration. sonnellement pour la part dont il est héritier de
mon garant, et hypothécairement comme biens-
S V. DE L'EXCEPTION QUI RÉSULTE DE LA GARANTIE. tenant de mon garant, non recevable en sa
demande, sauf à lui à se faire faire raison pnr ses
Lorsqu'un créancier , qui a un droit d'hypo cohéritiers, pour chacun leur part, de ce qu'il
thèque sur un héritage possédé par un tiers souffre d'être exclu de la demande qu'il avait
détenteur, se trouve, de quelque manière que de son chef contre moi.
ce soit, personnellement obligé envers ce tiers Suivant ces principes, quoiqu'une femme ait,
détenteur, à la garantie de cet héritage, cette pour ses reprises et conventions matrimoniales ,
obligation de garantie résiste à l'action hypothé hypothèque sur les biens de son mari, du jour
caire qu'il a contre ce détenteur , et fournit à ce de son contrat de mariage , et qu'elle ait en con
détenteur une exception qui détruit cette action. séquence l'action hypothécaire contre les tiers
Par exemple : si Pierre m'a vendu un héritage détenteurs, qui auraient acheté quelques biens
hypothéqué à une créance que Jacques' a contre de son mari, pendant le mariage : néanmoins, si
Jean, à qui cet héritage a autrefois appartenu, elle accepte la communauté, comme, en sa
et que Jacques devienne par la suite héritier de qualité de commune, elle est tenue, pour sa
Pierre qui me l'a vendu; quoique Jacques , de part en la communauté, de l'obligation de ga
son chef, ait une hypothèque sur cet héritage rantie que son mari a contractée durant le
que je possède , et en conséquence ait droit de mariage envers ces acquéreurs , et qui est , par
donner l'action hypothécaire contre moi, néan conséquent , une dette de la communauté , elle
moins il ne pourra utilement la donner, parce doit être, pour cette part, non recevable en
qu'en sa qualité d'héritier de Pierre mon ven son action hypothécaire.
deur, il se trouve obligé envers moi, ainsi que L'exception qui résulte de la garantie, a lieu,
l'était Pierre , à me défendre de tous troubles non seulement lorsque le demandeur en action
par rapport à cet héritage , et par conséquent à hypothécaire se trouve personnellement obligé
faire cesser la propre demande qu'il avait droit, à la garantie de l'héritage, mais encore lorsqu'il
de son chef, d'intenter contre moi ; de même se trouve seulement possesseur d'héritages hy
que cette obligation de garantie, dont Jacques, pothéqués à cette garantie, comme si Pierro
comme héritier de Pierre mon vendeur, est tenu m'a vendu un héritage hypothéqué à Jacques .
envers moi , m'aurait donné une action de pour une dette de Paul , à qui cet héritage avait
garantie contre lui , pour faire taire et cesser les auparavant appartenu ; qu'ensuiy; ledit Pierre
Tome V. 5>
Î50 DE L'HYPOTHÈQUE.
vende audit Jacques d'autres héritages, hypo lorsque le détenteur, qui a payé le créaocier,
théqués par conséquent à la garantie que Pierre et les détenteurs des autres héritages, les ont
est tenu de me prêter pour celui qu'il m'a acquis du même vendeur; car, en ce cas. uu
précédemment vendu, si ce Jacques donne le détenteur, qui a payé le créancier, a acquis
contre moi l'action hypothécaire, je lui oppo avant les autres , ou depuis : s'il a acqni>
serai pour exception contre sa demande, qu'il depuis, son héritage étant hypothéqué à 11
est possesseur d'héritages sujets à la garantie garantie des héritages acquis par les précèdees
de celui dont il veut m'évincer. acquéreurs , il ne peut exercer aucun recours
Mais il y a cette différence entre l'exception contre eux, parce que, comme possesseur
que l'on a contre celui qui est personnellement d'un héritage hypothéqué à la garantie des
tenu à la garantie, et celle que l'on a contre leurs, il est tenu hypothécairement de faire
celui qui est seulement possesseur d'héritages cesser sa propre demande qu'il donnerait contre
hypothéqués à cette garantie, que la première eux. S'il a acquis au contraire avant eux, les
l'exclut absolument de son action; ou pour le héritages des autres détenteurs se trouvant
total, s'il est obligé pour le total à la garantie, hypothéqués à la garantie du sien ; il a de son
ou pour partie , s'il n'est tenu de la garantie que chef, contre eux , une action hypothécaire pour
pour partie : au lieu que l'autre ne l'exclut pas être acquitté en total de celle qui a été donnee
absolument de son action , mais lui laisse la contre lui par le créancier du vendeur, et Uni
faculté de la suivre, après qu'il aura abandonné pas, par conséquent, besoin de la subrogntion
les héritages sujets à la garantie qui est duc au aux actions de ce créancier, pour les faire con
tiers détenteur, pour raison de l'héritage qu'il tribuer à la dette de ce cvéancier, qu'il •
veut lui évincer par son action hypothécaire, acquittée.
pour, par ce tiers évincé , vendre lesdits héri Le cas de la contribution entre le détenteur,
tages sujets à la garantie , pour les dommages et qui a payé le créancier, et les détenteurs des
intérêts qui lui sont dûs, résultans de l'éviction autres héritages hypothéqués à la même dette,
qu'il a soufferte. est lorsque ces détenteurs ont acquis de diffe-
rens vendeurs. Kinge : un débiteur, qui possé
S VI. DE L'EXCEPTION CEDENDARUM ACTIOMUM. dait quatre héritages hypothéqués à Pierre, a
laissé quatre héritiers, Mathieu, Marc, Luc et
Le tiers détenteur, en payant le créancier, Jean , qui ont chacun un de ces héritages dans
quia donné l'action hypothécaire contre lui, leur lot de partage ; chacun de ses héritiers a
a droit de se faire subroger à tous les droits, vendu l'héritage qui lui était échu, à quntre
actions et hypothèques de ce créancier. différens particuliers. Dans cette espèce, s
Il peut les exercer, non seulement contre le celui , qui a acquis de Mathieu , est assigné par
débiteur et autres personnellement obligés, le créancier en action hypothécaire , apv«
mais aussi contre les autres détenteurs d'héri avoir payé , il agira en recours contre ceux qui
tages pareillement hypothéqués à la dette qu'il on acquis de Marc , Luc et Jean. C'est le cas de
a payée. , la contribution.
Il ne peut pas néanmoins les exercer solidai Quid? si le créancier, qui a donné l'action
rement contre ces tiers détenteurs, car il se hypothécaire contro le détenteur qui a acquis
ferait un circuit d'actions; le détenteur, qui de Mathieu , avait acquis lui-même un héritage
paierait le total de la dette à ce premier cession- hypothéqué a sa créance, de l'un des autres
naire des actions du créancier, devrait à son héritiers , le détenteur assigné pourrait-il oppo
tour être subrogé aux actions et hypothèques ser, par exception , que ce créancier, comme
du créancier; et, en vertu de la subrogation, détenteur lui-même de l'un des héritages hypo
il exercerait les mêmes actions contre le déten théqués à sa dette, y doit contribuer et en doit
teur, a qui il a payé la dette , que ce détenteur faii e sur lui confusion d'une partie , au provata
a exercée contre lui, et lui ferait rendre ce de ce qu'il possède? La raison de douter, est.
qu'il a reçu de lui. que ce créancier pourrait alléguer, pour s'en
Pour éviter cet inconvénient , le tiers déten défendre, que cet héritage n'est plus hypo
teur, qui a payé le créancier, et s'est fait céder théqué a sa dette, ayant cessé de l'être lorsqu'il
ses actions , ne doit pas agir solidairement en est devenu propriétaire , cûm res suansv1ia1
contre les autres détenteurs , mais les faire pignori eue possit. Nonobstant celle raison.
contribuer avec lui à la dette qu'il a payée , au Dumoulin et Loyseau décident que le créaocier
prorata de ce que chacun possède d'héritages doit faire confusion d'une partie de sa dette,
hypothéqués à cette dette. au prorata de cet héritage qu'il possèJs-
II ne peut y avoir lieu a cette contribution, porce qu'en l'acquérant, il s'est mis, par son
CHAPITRE II. -ir.l
fait, hors d'état de céder au défendeur son rente, tant qu'il sera détenteur de l'héritage
hypothèque qu'il était tenu de lui céder sur cet hypothéqué.
héritage; c'est pourquoi, comme il ne peut, Le tiers détenteur d'un héritage hypothéqué
par son fait, préjudicier au défendeur, il doit à une rente, ne devant, pour éviter le délais,
confondre sur lui la même portion de sa dette , s'ohliger à la rente que tant qu'il est détenteur,
pour laquelle le défendeur aurait pu avoir si, par l'erreur du notaire (comme il arrive
recours, si cette hypothèque eût suhsiste; l'ex assez souvent), il était dit purement et simple
ception, que le défendeura pour cet effet contre ment qu'il s'ohlige à la rente, il serait néan
le créancier, s'appelle exception cedendarum moins présumé s'y être ohligé seulement pour le
actionum, parce qu'elle a pour fondement la temps qu'il serait détenteur.
cession du droit qu'il avait d'exiger de l'hypo Il y a plus : quand même le titre nouvel
thèque sur cet héritage acquis par le créancier, porterait formellement qu'il s'est ohligé à la
que le créancier a éteint en acquérant, et qu'il continuation de la rente.pour toujours, et tant
ne peut plus céder. qu'elle aurait cours, on présumerait encore
Cette exception cedendarum actionum, qui favorahlement que ces termes se seraient glissés
milite contre le créancier demandeur en action par erreur et par style de notaire, parce qu'on
hypothécaire , n'a lieu que lorsque le créancier croit difficilement qu'un homme ait voulu s'ohli
a acquis l'héritage hypothéqué à sa dette, depuis ger à plus qu'il ne doit, à moins qu'il ne parût
que le défendeur a acquis le sien. Si le créan quelque cause , pour laquelle il aurait augmenté
cier l'avait acquis auparavant, l'hypothèque sur son ohligation , et se serait ainsi ohligé a payer
l'héritage acquis par le créancier, ayant été la rente indéfiniment, et tant qu'elle aurait
éteinte avant que le défendeur eut acquis le cours. Putà , s'il avait reçu quelque chose pour
sien , le défendeur n'aurait jamais eu de recours cela , qu'on lui eût remis des arrérages. C'est le
à espérer sur l'héritage acquis par le créancier, sentiment de Loyseau , liv. 4, chap. 4, n. 15
et par conséquent il ne pourrait lui imputer (/ 16.
qu'il en avait éteint l'hypothèque en l'acquérant. Le détenteur ayant la faculté d'éviter le délais,
en offrant de payer, ou de passer titre nouvel;
ARTICLE III. dans les sentences qui interviennent sur des
actions hypothécaires, et qui condamnent le
De l'effet de l'action hypothécaire. détenteur à délaisser les héritages hypothéqués,
il y a toujours la clause : Si mieux n 'aime payer,
L'effet de cette action est de faire condamner ou, si mieux n'aime passer titre nouvel, ete.
le liers détenteur à délaisser l'héritage hypo Quand même cette clause ne serait pas dans
théqué. la sentence, elle y doit être toujours sous-
l.e tiers détenteur peut néanmoins éviter entendue, car elle est de la nature de l'action
ce délais, soit avant la sentence, soit même hypothécaire, le créancier n'ayant aucun autre
après qu'il y a été condamné, en offrant au intérêt au délais des héritages hypothéqués,
créancier le paiement de sa créauce , si c'est que de se procurer le paiement de sa dette , en
une créance d'une somme exigihle : mais il faut les faisant vendre; il est mis hors d'intérêt, et
que le paiement , qu'offre le détenteur, pour ne peut plus prétendre ce délais, lorsqu'on
éviter le délais , soit le paiement de toute la offre de le payer.
dette à laquelle l'héritage est hypothéqué, et de Ohservez que le paiement de la dette hypo
tous les accessoires de cette dette ; c'est-à-dire, thécaire n'est de la part du détenteur de l'héri
de tous les intérêts et frais. Pour peu qu'il tage hypothéqué, que in facultate solutionis,
restât quelque chose de dû, il serait tenu au pour éviter le délais : il n'est pas t'a ohligatione;
délais de tout ce qu'il possède; les hiens hypo car le tiers détenteur n'est point déhiteur de
théqués étant hypothéqués en total, non seule cette dette, il ne l'a point contractée, ni suc
ment à toute la dette, mais à tout ce qui peut cédé ou participé aux ohligations personnelles
en rester dû, quelque peu qu'il eu reste. de ceux qui l'ont contractée. On ne laisse pas
Lorsque c'est une rente, à laquelle l'hérilage néanmoins de conclure assez souvent contre le
est hypothéqué, le tiers délenteur, pour éviter tiers détenteur, qu'il soit tenu de payer la
le délais , doit non seulement offrir de payer dette hypothécaire, si mieux il n'aime délais
lous les arrérages qui en sont dûs, et les frais ser, et de rendre des sentences conformes à ces
qui peuvent être dûs au créancier, pour raison conclusions ; mais ces conclusions et ces pro
de ladite rente , mais il doit encore offrir au nonciations ne sont pas exactes dans l'élocution :
créancier de passer un titre nouvel pardevant c'est mettre la charrue devant les hœufs ;
notaire, par lequel il s'ohlige à continuer la Loyseau , liv. S, chap. 4. Au reste, elles n'en
452 DE L'HYPOTHÈQUE.
sont pas moins valables; et, nonobstant le autre ; c'est pourquoi la peine de la contesta
renversement d'ordre dans l'élocution , c'est le tion en cause, prononcée par ces Coutumes
délais qui est considéré comme l'objet, et des dans le cas de l'action eh reconnaissance et
conclusions , et dela prononciation; le paie paiement de rente foncière , ne doit pas s'éten
ment de la dette n'est qu'une faculté accordée dre à l'action hypothécaire.
au détenteur, pour éviter le délais. Cette décision , que le tiers détenteur qui dé
Le tiers détenteur ne peut être condamné à laisse n'est pas obligé de payer les arrérages de
autre chose qu'au délais de l'héritage, en l'état la rente constituée, courus pendant son temp>,
qu'il se trouve : il n'est point tenu desdégrada- a lieu , quand même il aurait eu connaissaoce
tions qu'il y a faites avant la demande; car il de la rente , et quand même il aurait été expres
a pu négliger un héritage qui lui appartenait, sément chargé , non de la rente , mais de l'hy
et le dégrader. pothèque, suivant que l'enseigne Loyseau. Et,
Celte décision a lieu, quand même ce tiers en cela , la rente constituée est différente de la
détenteur aurait eu connaissance de l'hypothè rente foncière. La raison de différence vient de
que, et même dans le cas auquel il aurait été la différente nature du droit de rente foncière
déjà assigné en interruption, et que l'héritage et du droit d'hypothèque. La rente foncière
aurait été déclaré hypothéqué; car, tant qu'on étant due par l'héritage plutot que par la per
ne donne pas contre lui de demande hypothé sonne, ce droit consiste à exiger du possesseur
caire, aux fms de délaisser l'héritage, il de de l'héritage la prestation de la rente ; par con
meure maître de faire de son héritage ce que séquent, celui, qui achête l'héritage, avec la
bon lui semble; et il peut penser que le créan connaissance de cette charge , est censé s'y sou
cier trouve son débiteur personnel suffisant. mettre, et ainsi s'obliger à la prestation de la
Elle a aussi lieu , quand même il aurait re rente. Au contraire, le droit d'hypothèque,
tiré du profil de ces dégradations. Par exemple, même spéciale , qu'a sur un héritage le créan
si le tiers détenteur a abattu des bois de haute cier d'une rente constituée, ne consiste p»
futaie, et les a vendus, il n'est point obligé à dans le droit d'exiger du possesseur de l'héritage
rapporter le prix qu'il en a touché. la prestation de la rente qui est due par la per
Il y a plus : quand même ces bois abattus sonne qui l'a constituée. Ce droit d'hypothèque
seraient encore sur la place, le créancier ne consiste seulement, suivant qu'il résulte de la
pourrait les prétendre; car, étant devenus définition de l'hypothèque, dans le droit qu'a
meubles , ils n'ont plus de suite par hypothè le créancier de se faire délaisser l'héritage, et
que. de le faire vendre lorsqu'il ne sera pas payé par
A plus forte raison , le tiers détenteur n'est son débiteur. Delà il suit, que celui, qoi
point tenu au rapport des fruits qu'il a perçus achête l'héritage , quoiqu'avec connaissance de
avant la demande. la rente , et quoiqu'on le charge de l'hypothè
Mais il est tenu du rapport des fruits , et des que, pourvu qu'on ne le charge pas de la rente,
dégradations qu'il a faites depuis la demande ; n'est pas , pour cela , censé s'obliger à la pres
car il devait délaisser aussitôt que la demande tation de la rente, mais seulement se charger
a été donnée contre lui ; et le créancier ne doit d'abandonner l'héritage , au cas que le créan
pas souffrir de la demeure en laquelle le dé cier demande qu'on le lui délaisse , et par con
tenteur a été de délaisser. séquent il n'est point tenu des arrérages coures
Lorsque l'héritage est hypothéqué , soit gé pendant le temps de sa détention.
néralement , soit même spécialement, à une Si le tiers détenteur a été chargé par le débi
rente constituée, le tiers détenteur n'est point teur , de qui il a acquis , de continuer la rente,
obligé à payer les arrérages courus pendant le il n'est pas douteux qu'il est personnellement
temps de sa détention , pour qu'il puisse dé tenu des arrérages courus pendant sa détention;
laisser, soit qu'il délaisse avant ou depuis la et , s'il y avait avant sa détention d'anciens ar
contestation en cause. Les articles 102 et 103 rérages dont il n'eût pas été chargé, il pourrait
de la Coutume de Paris , et les articles 409 et délaisser , pour éviter de payer lesdits arréra
410 de la nôtre, qui obligent le détenteur d'un ges , mais il demeure obligé à ceux courus pea-
héritage sujet à la rente foncière , qui ne dé dant le temps de sa détention.
guerpit qu'après contestation en cause , à payer S'il n'a pas été chargé de la rente, mais quv>
des arrérages de son temps, ne doivent point pour éviter le délais, il ait passé titre nouvel,
s'étendre à l'action hypothécaire qui a lieu pour et que par suite, meliùs consultns, il veuilla
rentes constituées. C'est le sentiment de Loy- délaisser , il demeure obligé aux arrérages cou
seau, liv. 5 , chap. 15, n. 8. La raison est, que rus pendant sa détention, il est même oblige a
les peines ne s'étendent point d'un cas à un ceux courus auparavant , s'il s'est obligé s Ie!
CHAPITRE II. 45:i
payer par le titre nouvel , comme il est d'usage; la dette, ou de s'obliger à lu rente , si c'est une
le créancier ne pouvant êtçe obligé d'accepter rente, et en offrant de payer tous les frais qui
son titre nouvel, qu'il ne s'y soit obligé; Loy se sont faits depuis le délais.
seau, liv. S , chap. 15 , n. 19. Mais, quoiqu'on Par la même raison , les hypothèques, servi
délaissant , il demeure obligé au paiement des tudes et autres droits réels , qui ont été impo
arrérages courus pendant sa détention et aupa sés par le délenteur qui a délaissé l'héritage, ne
ravant , il n'est pas absolument nécessaire, pour laissent pas de subsister nonobstant le délais,
que son délaissement soit valable , et qu'il soit ils ne sont purgés que par l'adjudication; et
déchargé de la rente pour l'avenir , qu'il les ait ceux, à qui ils appartiennent, et qtli se sont op
préalablement payés avant que de délaisser, et, posés, peuvent être mis en ordre sur le prix,
en cela , le délais pour hypothèque est moins s'il en reste quelque chose , après que le créan
rigoureux que le déguerpissement pour renie cier, qui a fait délaisser l'héritage, aura été
foncière , comme l'observe Loyseau. entièrement acquitté.
Si le détenteur ne s'est chargé de la rente , ni Si l'héritage n'est pas d'une assez grande va
par son contrat d'acquisition, ni par un titre leur pour mériter les frais d'un décret solennel,
nouvel, ni en entrant en paiement depuis la le créancier, en vertu d'une permission, que
condamnation , je penserais qu'il ne serait tenu le juge accorde , eu égard à la modicité de la
d'aucuns arrérages, pas même de ceux courus valeur de l'héritage, peut en poursuivre la vente
depuis la condamnation , mais qu'il est seule sur une simple affiche et trois publications. Ré
ment tenu de rendre compte des fruits depuis la gulièrement le créancier ne doit pas prendre
demande. Loyseau parait d'avis différent. en paiement de sa dette , l'héritage qui est dé
Le tiers détenteur n'est pas non plus obligé, laissé, mais il doit le faire vendre ; néanmoins,
pour délaisser , d'acquitter les hypothèques , on le lui permet quelquefois.
servitudes et autres charges réelles qu'il a lui- Parmi nous, on ne s'adresse pas au prince,
même imposées. et le juge permet quelquefois au créancier de
Il n'est pas non plus obligé absolument de prendre en paiement de ses créances , et pour
sommer en cause son garant avant que de délais l'estimation qui en sera faite , l'héritage qui
ser ; mais il est beaucoup de son intérêt de le sera délaissé, lorsqu'il est évident que ses
faire, car, si le garant n'a pas été sommé , il créances absorbent, et au-delà, le prix que
peut dire, lorsqu'il sera par la suite assigné en pourrait être vendu l'héritage , ét surtout lors
garantie, que, s'il l'eût été d'abord, il eût que ses créances sont privilégiées ou favorables,
payé ce qu'il doit .et fait cesser la demande. ou lorsque l'héritage est de si peu de valeur ,
Par conséquent , en payant le créancier, il sera que les frais absorberaient la plus grande par
renvoyé de la demande du détenteur évincé ; tie du prix.
sauf à ce détenteur, si l'héritage n'a pas encore
été adjugé , à rentrer dans l'héritage , mais en SECTION II.
payant tous les frais sur le délais et la saisie ,
sans aucun recours contre le garant, faute de DES AUTRES ACTIONS QUIr NAISSENT DE L HYPO
l'avoir sommé. Et si l'héritage est déjà adjugé, THEQUE.
par la même raison , le garant devra être ren
voyé do l'assignation , en offrant de tenir compte 5 t. de l'action pevsonnelle hvpothécaive.
au détenteur de la partie, du prix de l'adjudi
cation , pour laquelle le créancier du garant a L'action personnelle hypothécaire est celle,
été mis en ordre après tous les frais; au lieu qui a lieu contre l'héritier du débiteur, qui est
que , si le détenteur avait mis en cause d'abord en même lemps biens-tenant , c'est-à-dire, qui
son garant, il l'aurait fait condamner en tous possède des biens de la succession , suscepti
ses dommages et intérêts, résultans de l'évic bles d'hypothèque, et par conséquent hypothé
tion , faute par lui de lui avoir manqué de ga qués à la dette.
rantie , et de n'avoir pas fait cesser la demande 11 n'importe qu'il soit héritier pur et simple,
en payant. ou sous bénéfice d'inventaire. Cette action est
Le délais que fait le délenteur , n'est que le personnelle , parce que l'héritier du débiteur,
délais de la possession de l'héritage , auquel en sa qualité d'héritier, est personnellement
héritage on crée lui curateur, sur lequel le débiteur de la dette, puisqu'il succède, en cette
créancier doit le faire saisiret vendre par décret; qualité, à toutes les obligations personnelles du
le détenteur, qui en fait le délais, en demeure défunt ; elle est en même temps hypothécaire ,
propriétaire jusqu'à l'adjudication ; il est tou parce que , comme biens-tenant , il est sujet à
jours recevable à y rentrer, en offrant de payer l'aclion hypothécaire.
45Î DE L'HYPOTHÈQUE.
Cette action personnelle hypothécaire s'in- donc pas avoir le même effet , l'héritier et hiens-
teute, pour le total de la dette, contre l'héri tenant étant condamné hypothécairement yen
tier qui est hiens-tenant , quoiqu'il ne soit héri le total , et personnellement pour sa part, il n i
tier du déhiteur que pour partie. a que cette condamnation personnelle quidoiie
La formule des conclusions et de la condam être ahsolue; la condamnation pour le surpbs
nation, dans cette espèce d'action hypothécaire, n'étant qu'une condamnation hypothécaire, il
est différente de celle qu'on emploie dans la doit avoir la faculté de délaisser les hiens hype
simple action hypothécaire. théqués qu'il possède, pour en éviter l'exécu
Dans celle-ci , on conclut à ce que le défen tion; autrement , en vain distinguerait-on dies
deur soit tenu de délaisser l'héritage, si mieux la sentence la condamnation personnelle et li
il n'aime payer ; mais , dans l'action personnelle condamnation hypothécaire.
hypothécaire , on conclut directement à ce que Par la même raison , l'héritier et hiens-tecat'
le défendeur soit condamné de payer. d'un défunt, passant titre nouvel des rentesët
Loyseau , liv. 4, chap. 4, n. 17 et 18, pré la succession, ne doit s'ohliger à toujours, qw
tend que ce n'est qu'une seule et même action , pour la part dont il est héritier, et pour le ,ur-
et que l'héritier, qui a été une fois tenu de plus , que tant qu'il sera hiens-tenant , paiseme
cette action personnelle hypothécaire , en est ce n'est qu'en qualité de hiens-tenant qu'il est
toujours tenu , quaud même il cesserait depos ohligé pour le surplus. Il ne peut jamais cesser
séder les hiens hypothéqués a la dette ; parce d'être déhiteur de sa part , que par le paiement,
que cette action ayant tous les avantages de la parce qu'il ne peut cesser d'être héritier ; nuis,
personnelle et de l'hypothécaire , comme hypo comme il peut cesser d'être hiens-tenant . c'est-
thécaire , a lieu pour le. total de la dette; et , à-dire , de posséder des hiens hypothéqués «1s
comme personnelle , a lieu tant que l'ohligation dette, il peut donc cesser d'être déhiteur da
personnelle suhsiste. surplus, qu'il doit comme hiens-tenant, lors
Suivant le même principe, il soutient que qu'il cessera de l'être.
l'héritier, qui est tenu de cette action person Par la même raison, un héritier en partie,
nelle hypothécaire , pour une rente due par le dans le lot duquel sont tomhés des immeuhles
défunt, doit, par le titre nouvel de la rente, hypothéqués à la dette du défunt, ne demit
s'ohliger à la continuer toujours, et non pas plus, si depuis il a cessé de les posséder , être
seulement tant qu'il sera détenteur. tenu de cette action personnelle hypothécaire,
Comme aussi qu'il ne peut éviter de payer le n'ayant plus d'autre qualité que celle d'héritier,
total de la dette hypothécaire, en offrant de et n'étant plus hiens-tenant.
délaisser tous les hiens hypothéqués qu'il pos Néanmoins, il faut convenir que ce qu'en
sède , sauf que , s'il n'est héritier que sous héné seigne Loyseau , était de son temps la pratique
fice d'inventaire, il peut se décharger, tant de constante du Palais.
l'ohligation personnelle que de l'hypothécaire, Au reste, Loyseau, liv. 4, chap. 4, a. "s
en ahandonnant non seulement tous les hiens ohserve que cette action personnelle hyp«to^'
hypothéqués, mais en comptant de tous ceux cairo , qui , selon lui , n'est qu'une seule et
de la succession. même action , n'a lieu que contre l'héritier
J'aurais de la peine ù acquiescer à ces déci hiens-tenant de la succession, c'est-à-dire .
sions. L'action personnelle hypothécaire ren qui , en sa qualité d'héritier , possède ou a pus
ferme deux actions véritahlement distinctes sédé des hiens de la succession hypothéqués à la
l'une do l'autre; quoique ces actions s'intentent dette. Si l'héritier du déhiteur, qui n'aursil eu
conjointement et sous le nom d'une unique ac dans son lot aucuns hiens de la succession du
tion qu'on appelle personnelle hypothécaire , déhiteur qui fussent susceptihles d'hypothèque,
elles conservent néanmoins leur nat ure distincte venuit par la suite à acquérir, à un autre HW,
et séparée , et , quoique réunies par un même quelques hiens hypothéqués è la dette, ou s"
exploit, elles ont leurs conclusions différentes en était détenteur avant qu'il eût été héritier , -
ainsi que leur condamnation. Car je vois que, Loyseao convient, qu'en ce cas, cet hérit,er
dans l'usage , on conclut contre l'héritier , à ce pourrait , pour éviter de payer au-delà de la
qu'il soit tenu personnellement pour la part part dont il est tenu personnellement en sa i|tia"
dont il est héritier , et hypothécairement pour lité d'héritier , délaisser les hiens hypothéqual
le total; et pareillement les sentences portent : qu'il possède, de même qu'il cesserait uplre
condamnaiu le défendeurpersonnellementpour sujet à l'action hypothécaire, s'il cessait de Pos
la part dont il est héritier, et hypothécaire séder ces hiens.
ment pour le total, ete. La femme commune, qui , comme détc«,r,cc
Ces condamnations différentes ne doivent de couquéts, est tenue hypothécairemenl
CHAPITRK II. 4r>5
lettes de la communauté , doit aussi être reçue autre, et de la vente des immeubles affectés à
i les délaisser, pour éviter de payer au-delà de ces sortes de créances.
a part dont elle est tenue personnellement Il nous reste seulement à traiter ici de l'ordre
somme commune. des créanciers hypothécaires.
Il nous reste à observer que l'exception de Lorsqu'un héritage ou autre immeuble a été
liscussion ne peut jamais être opposée contre vendu par décret , et que plusieurs créanciers
'action d'interruption. se sont opposés , le prix est distribué entre eux
selon l'ordre de leurs hypothèques.
$ II. de l'action d'intevvuption. On ne suit pas, à l'égard de tous les créan
ciers, l'ordre de la date de leurs hvpothèques ,
L'action d'interruption est celle qu'un créan cet ordre n'a lieu qu'entre les simples créanciers
cier hypothécaire a contre les détenteurs des hypothécaires.
choses hypothéquées à sa dette , pour leur faire Il y a certaines créances et certaines hypo
reconnaître le droit d'hypothèque dont les thèques privilégiées , qui ne s'estiment pas par
cli oses par eux possédées sont chargées , et leur date, mais par leur cause , et qui précèdent
interrompre, par ce moyen, le temps de la pres les autres créanciers, quoique antérieurs. On
cription qui aurait pu être opposée contre son les appelle privilèges.
hypothèque, s'il l'eut laissé accomplir. C'est une règle en fait de privilège, que la
Comme le créancier, par cette action, ne créance, qui a profité et tourné à l'utilité com
demande ni le paiement de sa dette , ni le délais mune des créanciers , doit être privilégiée, et
de l'héritage qui y est hypothéqué , et qu'elle que, lorsqu'elle a profité, même aux créanciers
n'a d'autre lin que la conservation du droit privilégiés, ce privilège doit l'emporter. Nous
d'hypothèque, il suit dc-là, 1« qu'il ne peut y ferons l'application de cette règle, en donnant
avoir d'exception de discussion à opposer con le détail des différens privilèges.
tre cette action; 2« qu'elle peut être donnée Le receveur des consignations commence par
auparavant que le terme du paiement de la dette retenir, sur les deniers consignés, les frais de
soit échu, et, si elle est conditionnelle, même consignation (Édit de février 1689, art. 28).
avant l'existence de la condition; et, en cela, Après lui, le créancier, qui a poursuivi la
cette action diffère de l'action hypothécaire. saisie réelle, est le premier colloqué en ordre,
Le détenteur, sur cette action, doit être pour les frais extraordinaires de criées, A l'é
condamné à passer titre nouvel de reconnais gard des frais ordinaires , l'adjudicataire en est
sance ou déclaration d'hypothèque, et ce titre tenu (Édit de 1551 , art. 12).
doit contenir la description détaillée des héri On appelle frais ordinaires, tous les frais de
tages hypothéqués à la dette, avec leurs nou procédure, qui , indépendamment d'aucun inci
veaux tenans et aboutissans, une déclaration dent , sont nécessaires pour parvenir à l'adjudi
qu'ils sont hypothéqués à la dette du créancier, cation, depuis le commencement qui précède
et une promesse de payer, lorsque le terme du la saisie réelle, jusqu'à l'adjudication inclusi
paiement ou la condition seront échus, et seu vement.
lement après la discussion du débiteur et autres De même que. dans les ventes volontaires,
personnellement obligés à la dette. c'est l'aquéreur qui porte les frais du contrat
Ce titre est dû , par chaque nouveau déten d'adjudication; de même, dans les ventes judi
teur, à toutes mutations. ciaires, l'acquéreur doit être tenu de ces frais,
qui sont frais nécessaires de l'adjudication , qui
SECTION III. tient lieu de contrat.
On appelle frais extraordinaires , ceux que le
DE L'EXÉCUTION DES HYPOTHEQUES J DE LEUR poursuivant a été obligé de faire sur les incidons
SURROGATION U'UNE CREANCE A UNE AUTRE , survenus pendant le cours de la saisie réelle.
ET DE L'ORDRE ENTRE LES CREANCIERS HtPO- Par exemple : ceux faits sur l'appel de la saisie
THÉIAIRES. réelle, ou pour avoir congé des oppositions h
fin d'annuler, de distraire, ou de charge, les
L'exécution de l'hypothèque se lait par la frais d'ordre , les incidens sur l'ordre.
saisie que le créancier fait de la chose hypothé Le privilège de cette créance se tire du prin
quée, et la vente judiciaire qui en est ordonnée. cipe ci-dessus établi. Tous les créanciers, mémo
Nous en avons fait un traité séparé, où nous les privilégiés, ne pouvaient parvenir à être
renvoyons. payés de leur créance, que par la vente de
Nous avons aussi traité ailleurs de la subro l'héritago hypothéqué , par conséquent , ces
gation des hypothèques d'une créance à une frais, que le poursuivant a été obligé de faire
456 DE L'HYPOTHÈQUE.
pour parvenir à cette vente, et sans lesquels il thécaire , elle a ce privilège , qui est fondé re-
n'aurait pu y parvenir , sont des frais faits pour une raison de piété et de faveur .et sur ce qaV
l'affaire commune de tous les créanciers , même présume que les créanciers du défunt ont con-
des privilégiés, et par conséquent, suivant le senti ou dû consentir à ces frais, que l'huic>-
même principe , elle doit l'emporter sur leur nité exigeait, même au préjudice de Irsr
privilège. créances.
Il semble que cette raison cesse à l'égard des Ensuite , on met en ordre la créance de cek .
seigneurs féodaux ou censuels , créanciers de qui a tellement conservé l'héritage , qu'il seré
leurs redevances seigneuriales et profits féodaux totalement péri sans le travail qu'il a fait. Tel*
ou censuels, car ces seigneurs n'avaient pas est la créance de celui , qui aurait construit «c
besoin dela procédure d'une saisie réelle, pour réparé une digue, sans laquelle la mer oa t
être payés; ils pouvaient même l'empêcher, et rivière aurait emporté l'héritage. Telle est b
demander à rentrer dans leurs héritages, a dé créance des ouvriers, qui ont fait des réparauss
faut de paiement, si mieux n'aimaient les créan nécessaires à une maison. 11 est évident qnen
ciers se charger de leur dû. Sur ces raisons, créanciers doivent être préférés à tous les autve-
Lemaître, en son Traité des criées, suivi par même aux seigneurs féodaux et censuels ; cari
Duplessis et d'Héricourt, pense que les seigneurs ontconservélachoseàtous les autres créanciers,
doivent être colloques avant les frais de criées ; ils ont agi uf res esset in bonis débitons . â-
néanmoins, on m'a assuré que l'usage est con ont travaillé pour l'affaire de tous les créancier:,
traire , et cet usage est fondé en raison ; car on en leur conservant leur gage ; et , par conséqueni
peut dire que les seigneurs, n'ayant pas usé du ils doivent être préférés à tous les créancier>,
droit qu'ils avaient, étaient censés avoir préféré suivant le principe que nous avons établi à-
la voie de la saisie réelle, pour parvenir au dessus.
paiement de leur dû ; par conséquent , cette Observez une différence entre celui, qui i
saisie réelle s'étant faite aussi bien pour eux que réparé des bâtimens , et celui, qui a réparé es,
pour les autres créanciers , ils doivent, comme digue qui a empêché la mer ou la rivière dé
eux, souffrir que les frais de poursuite soient porter tout l'héritage. Celui-ci ayant consens
prélevés, comme faits pour l'affaire commune. tout l'héritage, a privilège sur tout le prii.
En vain oppose-t-on Yart. 350 de la Coutume après les frais de justice; au lieu que celui, qe
de Paris, qui porte que les seigneurs seront a réparé les bâtimens , n'a proprement privifep
préférés a tous autres créanciers ; car il doit que sur le prix de la superficie qu'il a conserve?,
s'entendre des créanciers ordinaires , et non des et non sur le prix du sol ou terrain , pourqs«
créanciers qui ont travaillé pour l'intérêt com il y a lieu à la ventilation. ( Arrêt du 14 js>s
mun , tant des autres créanciers que des sei 1721 , tom. VII du journal des audiences.)
gneurs. Si les créanciers , qui ont conservé le gajr.
Le poursuivant ne laisse pas de retenir ses doivent être préférés aux autres, pnree an'k
frais, quoiqu'il ait obtenu des condamnations l'ont conservé . et par conséquent fait l'atter
de dépens contre ceux qui ont formé des inci- des autres créanciers , les frais dejustice douese
dens dont il a eu congé; il ne doit pas être être préférés même à ces créanciers qui ont a*
obligé à se contenter du recours que lui donnent servé le gage, puisqu'ils ont servi à l'affiirs
lesdiles condamnations, qui souvent lui seraient, commune, tant de ces créanciers que des autve.,
infructueuses par l'insolvabilité des condamnés; puisqu'en vain l'héritage aurait-il été conserve,
mais il doit céder ses actions , qui résultent des s'il n'eût été vendu.
dites condamnations, aux créanciers sur qui le Observez qu'entre plusieurs créanciers, mèff?
fonds à distribuer manquera, pour, par eux, hypothécaires , dont les créances ont pour objri
les exercer à leur risque et si bon leur semble , différentes espèces de réparations faites pour U
et même sans qu'il y ait de cession expresse de conservation de l'héritage , te plus ancien d'enté
ces actions ; ces créanciers doivent être admis eux ne doit point être préféré aux autres; car
à exercer ce secours contre ceux qui ont été les privilèges s'estiment par la cause, et DOo
condamnés aux dépens des incidens, cette ces par le temps: Privilcgia epstimantur non ss
sion devant facilement se suppléer. tempore , sed ex causa. Ayant également coc-
Apres les frais de poursuite, on met en ordre , tribué à la conservation du gage commun , il>
avant-tous les autres créanciers, les frais funé doivent avoir un droit et un privilège égal.
raires et de la dernière maladie du défunt , dont Les créanciers, qui ont rendu l'héritage plu-
les biens vendus sont tenus, lorsqu'il n'a laissé précieux, tel qu'un entrepreneur, qui a con
aucun mobiliersur lequel ilsaientpu être acquit struit de nouveaux bâtimens, un javdinier, qi»
tés. Quoique cette créance ne soit point hypo y a planté des vergers , ete., ont aussi un prii'
CHAPITRE II. 457
lége sur tous les autres créanciers, non pas sur s'être opposé trop tard , a été renvoyé à l'ordre ,
la totalité de l'héritage , mais sur sa plus value , et qu'il a justifié que la portion de biens, dont
par rapport à ce qu'ils y ont fait. il a demandé la distraction , lui appartenait effec
Par exemple: si on estime que l'héritage, qui tivement, il doit toucher la portion du prix,
a été adjugé pour 10,000 liv. , n'aurait été porté qui, par la ventilation qui en sera faite, se trou
qu'à 8,000 liv., sans les améliorations qui y ont vera répondre à cette portion de biens, et être,
été faites par ces créanciers , ils n'auront de pri à cet égard, préféré aux autres créanciers, qui
vilège que sur ce qui restera des 2,000 liv., prix se trouvent par-là n'avoir aucune hypothèque
de lu plus value, déduction faite des frais de sur cette portion, puisqu'elle n'appartient pas
consignation et de justice sur le total du prix : à leurs débiteurs ; mais il ne doit venir qu'après
ils ne doivent pas avoir privilège sur tout le prix, les frais de justice , ceux qui ont conservé l'hé
car ils n'ont pas fait ut res esset in bonis debi- ritage, et les seigneurs.
toris ; mais ils doivent avoir privilège sur tous Lorsqu'un opposant à fin de charge, a été
les autres créanciers , sur cette plus value , car renvoyé à l'ordre , pour s'être opposé trop tard,
ils ont fait que cette plus value fut in bonis debi il est , pour le prix du droit qu'il avait , préféré
tons. aux autres créanciers , sur la plus value qu'a
Observez , à l'égard de ces créanciers , qui ont donné à l'héritage la libération de ce droit.
conservé ou amélioré l'héritage, que, pour qu'ils Après les créanciers privilégiés acquittés, on
puissent exercer leur privilège , il faut , ou qu'ils doit colloquer , avant tous les créanciers du der
aient donné leur demande dans l'année de la nier propriétaire et possesseur, quelque privi
perfection de leurs ouvrages , parce qu'autre légiés qu'ils soient , tous les créanciers , chacun
ment il y aurait une fin de non recevoir acquise selon leurrang, du précédent propriétaire à qui
contre leur créance ; ou qu'ils soient fondés ce dernier a succédé , soit à titre universel , soit
dans un marché fait par acte devant notaire t ou à titre particulier, de qui il tient son droit; car
du moins dans une obligation par-devant notaire ce dernier propriétaire n'a pu succéder à son
passée dans ladite année. Un titre de créance auteur à l'héritage , qu'avec la charge de toutes
sous signature privée est bien valable vis-à-vis les hypothèques dont il se trouvait déjà chargé
du débiteur, et pareillement une obligation pas par son auteur ; et , comme il n'a pas pu trans
sée depuis l'année ; mais ces actes ne doivent férer sur cet héritage, à ses propres créanciers ,
point donner de préférence au créancier contre plus de droit qu'il n'y en avait lui-même, il n'a
des tiers, parce qu'autrement des débiteurs pu le leur hypothéquer qu'à la charge et après
pourraient, en fraude de leurs légitimes créan toutes les hypothèques de son auteur.
ciers, ressusciter des créances déjà acquittées. D'ailleurs , les hypothèques des créanciers du
Les créanciers, qui ont prêté leurs deniers, dernier propriétaire , quelqu'ancienne que soit
pour payer les entrepreneurs ou ouvriers qui ont lu date de leurs créances, n'ont pu naître que
aussi conservé ou amélioré l'héritage , peuvent depuis que leur débiteur est devenu propriétaire:
aussi user du même privilège, pourvu qu'ils et , par conséquent , elles sont postérieures à
aient observé tout ce qui est prescrit "pour celles des créanciers du précédent propriétaire.
acquérir la subrogation aux hypothèques du Par ta même raison , s'il se trouvait encore
créancier qui est payé de leurs deniers. Voyez des créanciers d'un premier propriétaire , aux-
ce que nous en avons dit , en traitant des subro quels l'auteur du dernier eut lui-même succédé,
gations , et au Titre du contrat de vente. tous les créanciers de ce premier devraient être
Ces créanciers privilégiés sont préférés à tous colloqués avant ceux du second , comme ceux
créanciers, non seulement à ceux du dernier du second le doivent être avant ceux du der
propriétaire, sur qui les héritages ont été vendus, nier , et sic in infinitum.
mais même à ceux de tous ses auteurs. Lorsque le dernier propriétaire a succédé à
Les seigneurs féodaux ou censuels sont ensuite titre d'héritier à l'héritage , non seulement les
colloqués pour les anciens profits , et redevances créanciers du défunt sont préférés à tous les
seigneuriales , qui leur sont dûs. siens , mais les légataires le sont aussi pour la
Si , néanmoins , il se trouvait des créanciers , part dont il est tenu de leurs legs ; car il ne suc
à qui le seigneur ou ses auteurs eussent hypo cède à l'héritage , qu'à la charge de cette hypo
théqué l'héritage dès avant l'inféodation , ou le thèque que la loi donne aux légataires ; et , par
bail à cens qui en a été fait, ils seront préférés conséquent , il n'a pu hypothéquer cet héritage
au seigneur ; car le seigneur n'a pu le donner à à ses propres créanciers , qu'après cette hypo
titre de fief ou de cens , qu'à la charge de ces thèque.
hypothèques , dont il se trouvait déjà chargé. Entre les créanciers d'un même propriétaire ,
Lorsqu'un opposant à fin de distraire, pour celui, qui lui a vendu l'héritage, doit être pré-
Tome V. 58
458 DE L'HYPOTHÈQUE.
féré Si fous ses autres créanciers ; car ce proprié sect. 2 , § 2 , parce que le débiteur , en hypo
taire n'ayant acquis l'héritage , qu'à la charge théquant au premier ses biens à venir , s'était
de l'hypothèque que son vendeur s'était réservée interdit le pouvoir de les hypothéquer à d'autre
dessus en l'aliénant , il n'a pu l'hypothéquer à à son préjudice , et sic deinceps.
ses autres créanciers, qu'à la charge de cette Entre des créanciers du même jour, celai,
hypothèque , n'ayant pas pu leur transférer plus dont le titre porte avant midi, doit être préfère
de droit qu'il n'en avait lui-même. à celui, dont le titre ne fait mention que 6:
Ce que nous disons de la vente , peut s'appli jour : car, l'acte de ce dernier, ayant pa n'être
quer à tous les autres titres d'aliénation : celui , fait qu'à la dernière heure du jour, n'a de date
qui a aliéné un héritage à quelque litre que ce certaine et constante que de cette dernière
soit , a , pour toutes les charges de cette aliéna heure , et par conséquent est postérieur à celui,
tion , donti'acquéreur"pcut être tenu envers lui, qui a une date avant midi. ,
une hypothèque privilégiée sur cet héritage , Lorsque les titres de deux différens créaocier,
semblable à celle du vendeur; il y a entière sont l'un et l'autre du même jour, sans mentiun
parité de raison. du temps d'avant ou d'après midi , et passés [»"
Pareillement, lorsqu'il est échu à quelqu'un le même notaire , il y a quelques arrêts, qai ont
un héritage par partage, les copartageans ont, donné la préférence à celui qui se trouvai:
pour toutes les obligations résultantes du par inscrit le premier sur le répertoire du notaire.
tage dont il est tenu envers eux , une hypot hèque D'Héricourt décide avec raison que ces arvêts n'
privilégiée sur cet héritage, semblable à celle doivent pas être suivis : car, cette circonstance
d'un vendeur, et qui les rend préférables à tous ne forme qu'une légère présomption , et non
les créanciers de ce propriétaire ; car l'héritage pas une preuve certaine que l'acte, qui f'
n'étant échu à ce propriétaire , par le partage , inscrit le premier sur le répertoire , ait été pas>e
qu'à la charge de ces hypothèques résultantes le premier, n'étant point impossible que ls
du partage , il n'a pu l'hypothéquer à ses propres notaire, en les inscrivant l'un et l'autre suriw
créanciers , qu'à la charge desdites hypothè répertoire, eût commencé par celui qui
ques , et pource qui pourraitresteraprès qu'elles été passé le dernier; c'est pourquoi, dans fin-
seraient acquittées. certitude lequel des deux actes a été passé le
Après le vendeur et ceux dont le privilège est premier, ces créanciers doivent être colloque'
semblable au 'sien , le roi a un privilège sur les par concurrence.
héritages du comptable, acquis par lui depuis Suivant unejurisprudence reçue au parlement
qu'il a commencé à manier les deniers royaux. de Paris , le créancier, qui ne produit quii'"
(Édit de 1669, art. 3.) La raison de ce pri seconde expédition de son titre de créaoce,
vilège est , qu'il y a présomption que le comp n'est colloque entre les créanciers du meone
table les a acquis des deniers du roi. débiteur, que du jour de la date de cette expé
Par le droit romain , suivant la constitution dition, et non du jour de celle de l'acte. W
de Justinien , la femme avait , pour la restitution jurisprudence a été établie pour empêcher
de sa dot, une hypothèque privilégiée sur celle fraude des débiteurs , qui , pour tromper leur>
des autres créanciers de son mari. Notre droit créanciers, faisaient, par collusion, para>t
coutumier n'a point admis ce privilège . et ne d'anciens créanciers dont les créances avaient
donne à la femme qu'une simple hypothèque , été acquittées , et dérobaient la connaissant
du jour du contrat de mariage , ou de la célé du paiement, en représentant une seconde eipr-
bration . s'il n'y a pas de contrat. dit ion à la place de la première qu'ils avaient
Après les créanciers privilégiés, on met en' rendue au débiteur, et sur laquelle était inscrite
ordre les créanciers simples , chacun selon la quittance du paiement.
l'ordre de la date de son hypothèque , suivant Au reste , le créancier du défunt ne laisse p»
cette maxime, qui prior est tempore t potior d'être préféré au créancier de l'héritier, quoique
est jure. sa seconde expédition ne soit que depuis I'
Quoique les hypothèques des créanciers d'un mort du défunt. La présomption, dont nous
même débiteur, dont les créances ont précédé avons parlé ci-dessus, ne pouvant avoir hen
l'acquisition de l'héritage faite par ce débiteur , dans l'espèce présente.
soient toutes nées en même temps , savoir lors Lorsque plusieurs créanciers sont subrogé'
de cette acquisition , n'ayant pas pu naître plus aux hypothèques d'un même créancier, dont ils
tôt ; néanmoins , dans notre droit , ces créanciers ont, chacun en différens temps , acquittv partie
ne viennent pas par concurrence , mais chacun de la créance , ils sont tous colloqués coocur
selon l'ordre de la date de leur titre de créanco , remment à la place de ce créancier, > >Iui 'Il
comme nous l'avons déjà observé, chap.1, sont subrogés, sans qu'on ait aucun égards '
rft£ II. 459
priorité de leur chef; car. comme ce n'est pas et Brodeau; l. 2, chap. 40. Il y eu a uu rendu
de leur chef qu'ils sont colloques, on n'y doit en forme de règlement.
avoir aucun égard. Les raisons , que ces auteurs rapportent de
Par exemple : si Jacques a prêté au débiteur cette préférence , sont que la dot est la première
commun , en 1760, 1,000 liv., pour rembourser et la principale convention du mariage : Nullum
ù Pierre, créancier de 1740, pareille somme sine dote matrimonium; et, par conséquent,
de 1,000 liv., faisant partie de 3,000 liv. qui l'obligation, que contracte le mari, de con
étaient dues à Pierre; qu'en 1761, Jean ait server à sa femme la dot qu'elle lui a apportée,
prêté une autre somme de 1,000 liv., aux mêmes est ordine naturœt la première et principale
lins, et qu'en 1762 , Jude ait prêté pareille obligation qu'il contracte , et , par conséquent ,
ment 1,000 liv. , pour rembourser à Pierre les doit précéder, saltem ordine naturœ, l'obliga
1 ,000 liv. restantes, et qu'ils aient tous acquis tion du douaire que le mari ne contracte que
la subrogation aux hypothèques de Pierre , ils in consequentiam matrimonii. D'ailleurs, le
seront tous les trois placés concurremment en douaire est un titre lucratif.
ordre , du jour de la date de l'hypothèque de Louet apporte une exception à cette préfé
Pierre, parce qu'ils sont tous subrogés à l'hypo rence , au cas auquel la convention de douaire
thèque d'une même créance. se trouverait énoncée dans le contrat de mariage
Il semblerait qu'on devrait décider pareille avant l'article de la dot. Il prétend que la prio
ment que, dans le cas, auquel Pierre serait rité qu'a, en ce cas, le douaire sur la dot,
demeuré créancier de 1,000 liv., pour restant ordine scripturœ , doit opérer quelque chose,
de sa créance, Jacques et Jean devraient être et faire marcher, eu ce cas , d'un pas égal et par
colloqués concurremment uvec lui, puisqu'ils concurrence , le douaire avec la dot , cette prio
sont subrogés à la même créance , du restant do rité in ordine scripturœ devant se compeuser
laquelle Pierre est demeuré créancier : néan avec ce que la dot a de préférable in ordine
moins, l'usage est constant que Pierre doit, en natures , et rations causes. J'aurais de la peino
ce cas , leur être préféré. La raison est , que le à être de cet avis, l'ordre de l'écriture ne
créancier, qui est payé des deniers d'un autre, paraissant être de nulle considération.
n'est obligé de le subroger qu'autant que la Cette préférence de la dot sur le douaire, a
subrogation ne pourra lui préjudicier ; et, par lieu non seulement lorsque la contestation est
conséquent, en subrogeant aux hypothèques de entre la femme elle-même et ses enfans, qui
sa créance, celui des deniers duquel il est payé demandent à être colloqués pour le fonds du
en partie, il est censé se réserver une pré douaire qui leur appartient; elle a lieu aussi en
férence pour ce qui lui reste dû. faveur des créanciers de la femme, puisqu'ils
Au reste, cette préférence ne passe pas à un exercent ses droits , et sont placés en sous-ordre
tiers; c'est pourquoi Jude, qui aura piété ses à la place de la femme , pour la restitution de sa
deniers, pour acquitter ce restant , quoiqu'il ait dot : ces créanciers sont donc , pour la somme
acquis la subrogation aux droits et hypothè à laquelle monte la restitution de la dot de leur
ques de Pierre , ne pourra pas prétendre être débitrice , préférés au douaire dû aux enfans.
préféré à Jacques et à Jean , comme Pierre Cette préférence a aussi lieu contre la femme
l'eût été ; mais ils viennent tous concurrem elle-même. Finge , un parent du mari s'est
ment, comme nous l'avons dit, comme étant rendu , envers la femme , caution de sa dot, et
tous subrogés aux hypothèques d'une même non de ses autres conventions matrimoniales :
créance. ce parent, en payant à la femme sa dot, et se
S'il y a plusieurs créances , qui ont leur hypo faisant subroger aux droits et hypothèques de
thèque du contrat de mariage : il semble la femme, pour raison de celte dot qu'il a
qu'ayant tous une même date , elles devraient acquittée , doit être mis en ordre pour la somme
concourir ; néanmoins , la jurisprudence a établi à laquelle monte la dot qu'il a acquittée avant
un ordre entre elles , la créance de la femme, le douaire dû à la femme , et ses autres créances
pour la restitution de sa dot, est colloquée la et conventions matrimoniales. C'est l'espèce de
première; le douaire ne vient qu'après: on quelques arrêts rapportés par Louet et Brodeau.
place, après le douaire, les autres conventions On fait plusieurs questions au sujet de cette
de la femme, et le remploi de ses propres préférence de la dot sur le douaire ; et on
aliénés. L'indemnité de la femme, pour les demande qu'est-ce qui doit être censé faire
dettes auxquelles elle s'est obligée, ne tient que partie de cette dot, dont la restitution est pré
le dernier rang. férée au douaire.
Cette préférence de la dot sur le douaire , est On demande, 1« si la somme apportée en
établie par plusieurs arrêts rapportés par Louet communauté , dont la reprise a été stipulee eu
460 DE L'HYPOTHÈQUE.
cas de renonciation , doit être censée faire Après la dot vient le douaire. Entre la femme,
partie de la dot , aussi bien que ce qui a été ré créancière des arrérages de son douaire, et Irs
servé propre , et si , en conséquence , cette enfans, créanciers du fonds, il a été décidé qa
reprise doit avoir la même préférence sur le "la femme devait être préférée pour les arvéraçjt
douaire? Je le pense ; car, dans notre pays cou- qui lui en étaient dûs , à ses enfans, créaocier;
tumier, tous les biens de la femme sont dotaux. du fonds du douaire.
Il est vrai que ceux , qu'elle a mis en commu La raison est , que la femme , en stipalant de
nauté, quand elle n'en a point de reprise, n'ont douaire pour elle, et pour ses enfans qui rai-
aucun des privilèges de la dot, parce que ces traient de son mariage, doit être présirae>
privilèges ne sont accordés qu'à la créance, et à avoir voulu pourvoir à sa propre subsistance,
la reprise que la femme a de sa dot ; mais , avant que do penser à celle de ses enfans.
lorsqu'elle s'en est stipulé la reprise en cas de Gomme la loi, par le douaire coutumier, r
renonciation, et que ce cas est arrivé, cette fait que suppléer à ce que la femme a mineur
reprise doit avoir la même préférence que celle de faire, elle doit être censée avoir sairi ie
de ce qu'elle s'est réservé propre , cette reprise même ordre , et, par conséquent, avoir préférs
étant également une reprise de sa dot. la femme à ses enfans.
On demande, 2« si cette préférence a lieu seu Les autres conventions matrimoniales nui'
lement pour la reprise de ce que la femme a nent qu'après le douaire , non plus que le sens-
apporté lors de son mariage , ou si elle doit ploi du prix des prop res de la femme , aux alié
s'étendre au mobilier qui lui est échu depuis, et nations volontaires desquelles elle a consenti
qui a été exclu de la communauté , par une car elle doit s'imputer d'y avoir consenti; et
clause du contrat? Brodeau sur Louet pense ses enfans, créanciers de leur douaire, ne dui
que la préférence ne doit pas avoir lieu pour la vent pas souffrir dela faute qu'a faite leurmère,
reprise de ce qui n'est échu à la femme que en consentant à ces aliénations.
depuis le mariage, parce que, le mari n'ayant A plus forte raison, ne doivent-ils pas souf
été véritablement débiteur de ces sommes , que frir de ce que leur mère a bien voulu accéder
depuis qu'elles sont advenues à sa femme, ce aux obligations contractées par son mari duv>Dt
n'est que par fiction, et contra rationemjuris , le mariage ; c'est pourquoi l'hypothèque de>
qu'on en fait remonter l'obligation et l'hypo indemnités de la femme , pour lesdites obliga
thèque du jour du contrat de mariage ; et cette tions , ne peut être placée qu'après le douaire:
hypothèque , qui n'a lieu que contra rationem on ne la place même qu'après toutes les autres
juris, ne doit pas prévaloir sur celle du douaire, créances de la femme.
qui a lieu de cejour, eeciindàm veram rationem Il nous reste à observer , a l'égard de l'ovdre
juris. Néanmoins , je crois que ce sentiment de des hypothèques , que chaque créancier est cul-
Brodeau n'a pas prévalu, et que la reprise de ce loqué dans son rang, non seulement pour If
qui est échu à la femme durant le mariage , de principal de sa créance , mais pour tous te
même que celle de ce qu'elle y a apporté, pré arrérages et intérêts , et pour les frais qu'il 1
vaut sur celle du douaire. Le mari, devenant légitimement faits pour parvenir au paiement
administrateur des biens présens et à venir de la ces intérêts et frais étant des accessoires de
femme qu'il épousait, s'est obligé, du jour de principal.
son contrat de mariage , sous l'hypothèque de Tous les créanciers, soit simples bypotné-
ses biens , à lui restituer les biens qui lui advien- caires , soit même privilégiés , ne sont colloque-
draient durant le mariage , aussi bien que ceux dans leur rang, sur le prix des biens adju;i>
qu'elle a apportés en se mariant, de même par décret, que lorsqu'ils ont fait leur oppos>'
qu'un tuteur s'oblige, du jour que commence sa tion au décret.
tutelle, à conserver et à restituer à ses mineurs Cette opposition peut se faire pendant tout lt
tous les biens qui leur adviendront durant la temps de la saisie réelle, et jusqu'à ce que
tutelle, aussi bien que ceux qu'ils avaient lors le décret , c'est-à-dire , le jugement d'adju
qu'elle a commencé. dication, ait été scellé; après, il n'est ptns
On demande, 3' si le remploi du prix des temps.
rentes propres de la femme, rachetées durant la Les créanciers , qui ont manqué de faire leur
communauté , et des autres aliénations néces opposition, ne peuvent espérer , en faisant arret
saires, avait cette préférence? On peut apporter sur le prix , d'être payés , si ce n'est sur ce qui
pour raison de douter celle qui a déjà été appor pourrait rester , après toutes les créance» d"
opposans acquittées , et , s'il reste quelqos
tée en la question précédente ; mais l'arrêt de chose , tous ceux , qui n'ont pas fait oppo>1t'uu'
Gallard , du 7 avril 1677, rapporté par Basnage, le partagent entre eux nu sou la livre do leur>
a jugé pour la préférence.
CHAPITRE II. 461
créances , comme un simple mohilier qui appar manière , les premiers créanciers , qui conser
tient à leur déhiteur commun. vent leur hypothèque sur l'héritage dont le prix
Il en est autrement, lorsque plusieurs créan est dû, qui n'a point été décrété, le feraient
ciers ont saisi et arrêté la somme due à leur délaisser à l'acheteur , par action hypothécaire,
déhiteur commun , pour le prix de quelque et le feraient vendre pour être payés sur le prix,
immeuhle , sur l'acheteur qui ne l'a point fait dans l'ordre de leurs hypothèques.
décréter, quoique cette somme soit un effet Tout ce que nous avons dit de l'ordre et du
mohilier ; néanmoins, elle se distrihue entre rang des hypothèques sur les héritages , a lieu
eus selon le rang et l'ordre des hypothèques , à l'égard des autres immeuhles. 11 y a quelque
ce qui se fait pour éviter le circuit d'actions ; chose de particulier à l'égard des offices dont
car, si la distrihution ne se faisait de cette nous allons traiter.
APPENDICE.
Les créanciers hypothécaires sont payés sur l'office, puisqu'il suffit, pour le conserver, de
le prix de l'office , par ordre et rang d'hypothè payer celle du dernier hail.
que, comme sur le prix des autres immeuhles. Après cette créance , viennent celles de tous
(Édit de février 1683.) ceux qui sont créanciers du titulaire, pour rai
Lorsque l'office rend comptahle celui qui en son des fonctions de son office. Ces créanciers
était pourvu , le roi , après les frais de justice , ont un privilège sur l'office qui précède celui
est payé par préférence à tous les autres créan du vendeur, mais ils ne doivent venir qu'après
ciers , pour ce qui peut lui être dû par le comp celui qui a payé la paulette du dernier hail ,
tahle, pour raison des fonctions audit office. puisque (comme nous venons de le dire) celui-ci
(Éditde 1669 ) leur a conservé l'office aussi hien qu'aux autres
Entre les particuliers , ceux , qui se sont créanciers.
opposés au sceau des provisions de l'adjudica Enfin , le vendeur de l'office est préféré, après
taire , sont colloqués les premiers. Ceux , qui tous ces privilèges , à tous les autres créanciers
n'y ont point formé d'opposition, quoiqu'ils de l'acheteur.
l'aient formée au décret , ne viennent qu'après , On suit au surplus , entre les opposans au
quelque privilège qu'ils aient. sceau , le même ordre d'hypothèque que sur le
Entre les opposans au sceau, le créancier, prix des autres immeuhles.
qui a acquitté de ses deniers la paulette de l'of S'il reste quelque chose , tous les créanciers
fice du dernier hail , est préféré à tous les autres opposans au sceau, acquittés, ceux, qui n'y
créanciers, car il leur a conservé l'office. ont point formé d'opposition, mais qui ont seu
Ce privilège n'a lieu que pour la paulette du lement formé opposition au décret , sont collo
dernier hail ; car ce n'est pas le paiement de la qués sur le restant , dans le même rang et ordre
paulette des précédens haux qui a conserve de privilège et hypothèque.
«52 DE L'HYPOTHÈQUE.
CHAPITRE III.
L'hyporhèque s'éteint , 1« par l'extinction de qu'elle ait été créée sans faculté de rachat. M
la chose hypothéquée. que celle, qui en avait été accordée, fût pres
2« Lorsque le creancier hypothécaire acquiert crite : car, de quelque manière que le rachit
la propriété de la chose hypothéquée ; ce qui ait été fait, il a éteint la rente, et l'hypothéque
s'appelle confusion ou consolidation. ne peut plus suhsister, puisque cette rente n;
3s Pur la résolution et extinction dû droit de suhsiste plus.
propriété de celui qui a constitué l'hypothèque. Le créancier , qui a une hypothèque sur t.
4« Par l'extinction de la dette pour laquelle rente, a néanmoins un moyen pour eœpéciic
l'hypothèque a été constituée. que le rachat , qui pourrait en être fait, n'éteijot
5« Par la remise expresse ou tacite de l'hypo son droit d'hypothèque; ce moyen consistes
thèque. faire un arrêt du fonds de cette renie ; et l'effet
6« Par la prescription et autres manières in de cet arrêt sera que le déhiteur ne pourrais
troduites par les lois , pour purger les hypothè remhourser à celui à qui elle est due , sans y sp-
ques. peler le créancier arrêtant, et à la charge qu'il
sera fait emploi des deniers du rachat , en l'ac
S I. DE L'EXTINCTION DE LA CHOSE HYPOTHÉQUEE. quisition d'un autre immeuhle sur lequel œ
créancier aura le même droit d'hypothèque
L'hypothèque étant un droit dans la chose qu'il avait sur la rente qui a été rachetée.
hypothéquée , il est évident qu'elle ne peut suh Pour que l'hypothèque soit éteinte par l'o-
sister, lorsque cette chose ne suhsiste plus. tinction de la chose hypothéquée , il faut qu il
C"est pourquoi, si j'avais un droit d'hypothè n'en reste rien; s'il en reste quelque parties
que sur un champ que la rivière ait emporté, quelque petite qu'elle soit, l'hypothèque de
ce champ ne suhsistant plus, il est évident que meure pour le total de la créance , sur cette
mon droit d'hypothèque est éteint. partie. Par exemple : si une maison, sur la-
Cette règle a également lieu à l'égard de l'hy quclle j'avais droit d'hypothèque , a été consu
pothèque que nous avons sur des immeuhles mée par le feu , mon droit d'hypothèque demeure
incorporels ou sur des rentes. sur la place qui reste de cette maison. Demeure-
Par exemple : le droit d'hypothèque , que t-il aussi sur les matériaux échappés aux «am
j'avais sur un droit d'usufruit qui appartenait à mes ? Tant que ces matériaux paraissent destines
mon déhiteur, s'éteint, lorsque ce droit d'usu à la reconstruction de la maison, comme cette
fruit vient à s'éteindre. destination leur conserve lu qualité d'immeuhles
Par la même raison, lorsqu'une rente, sur et de partie de maison, elle me conserve aussi
laquelle j'avais un droit d'hypothèque, est ra mon droit d'hypothèque sur ces matériaux;
chetée; comme le rachat , qui s'en fait , éteint mais lorsqu'il parait que le dessein de la reCOO'
la rente, il éteint aussi mon droit d'hypothèque struction a été ahandonné, que ces maténsu1
sur cette rente. ont été dispersés , ces matériaux n'étant plus
Il n'importe que ce rachat ait été nécessaire , que de simples meuhles non susceptihle5l"l!'
tel qu'est le rachat d'une rente constituée ; ou pothèque, je ne peux plus la conserver dessus.
qu'il ait été volontaire , tel qu'est le rachat d'une Le changement de forme accidentelle" 1u'
rente foncière que le créancier de cette rente , survient à une chose , ne l'éteint pas , nt V
mon déhiteur, a volontairement acceptée, quoi conséquent l'hypothèque sur cette choses ^ar
CHAPITRE Iïl. 463
exemple : si une terre labourable que j'ai ven- le droit d'hypothèque, que j'avais sur ce terrain,
(luo , sur laquelle j'ai un droit d'hypothèque ne peut plus subsister.
privilégiée , est mise en pré , aut vice versâ , je
conserve mon droit d'hypothèque ; car c'est le S II. DC CAS AUQUEL LE CREANCIER I1YP0THÉCA r, T.
même fonds de terre qui n'a fait que changer de ACQUIERT LA PROPRIÉTÉ DELA CHOSE HYPOTHEQUEE,
forme , et qui peut être remis dans celle qu'il ET DE LA CONFUSION.
avait auparavant.
Il en est autrement du changement qui arrive L'hypothèque s'éteint , lorsque le créancier
dans la forme substantielle de la chose, c'est-à- acquiert la propriété de la chose sur laquelle il
dire, lorsque la forme, qui est détruite, con avait hypothèque : ce qui s'appelle confusion ;
stituait l'essence de la chose, et que ce change car il est de l'essence du droit d'hypothèque ,
ment produit une nouvelle chose à la place de suivant la défmition et les notions que nous en
l'autre qui est totalement détruite, et ne peut avons données , que ce soit un droit dans la
plus être rétablie dans sa forme. Cùm non po- chose d'autrui. On no peut avoir un droit d'hy
test materia ad pristinam formani reverti. Par pothèque dans sa propre chose, res sua nemini
exemple : si un marchand de laine a vendu de la pignori esse polest ; d'où il suit nécessairement
laine à un fabricant qui l'ait convertie en étoffes, que, lorsque le créancier, qui avait un droit
c'est un changement de la forme substantielle de d'hypothèque dans une chose, devient le pro
la laine. Elle est censée ne plus subsister , et le priétaire de cettê chose , le droit d'hypothèque
privilège , qu'avait ce marchand, sur cette laine, qu'il avait ne peut plus subsister, et il se perd
est éteint par l'extinction de la chose , et ne peut et se confond nécessairement dans le droit de
plus s'exercer sur l'étoffe qui en a une autre. propriété qu'a acquis le créancier.
Cette distinction est tirée des lois romaines. Pour que l'acquisition , que fait le créancier
Les jurisconsultes romains ne pensaient pas de la chose hypothéquée , opère une extinction
que la chose était détruite, lorsque, sur une absolue de son droit d'hypothèque, sans espé
terre nue , on bâtissait une maison , aut vice rance que ce droit puisse revivre, il faut que
rersâ , mais bien lorsque de la laine on en faisait l'acquisition qu'il a faite soit irrévocable.
un habit : Land legutd vesteni quœ ex eâ facta Si elle n'a pas été irrévocable , soit parce que
sit deberi non placet : I. 88 , ff. de leg. 3.. Si celui , de qui j'ai acquis , n'étant pas lui-même
urece legatœ domus imposita sit debebitur..., propriétaire incommutable, n'a pu me trans
I. 44, § 4, ff. de leg. 2«. férer qu'un droit de propriété révocable , sous
Il y a une autre raison de différence ; c'est une certaine condition , tel qu'il l'avait lui-
qu'un fonds de terre, quoiqu'il ait changé de même; soit parce que l'acquisition, que j'ai
forme , peut toujours se reconnaître pour le faite de lui , a été faite à la charge de révocation,
même fonds de terre, il occupe toujours le en certain cas convenu ou sous-entendu , cette
même lieu, il a les mêmes tenans et aboutissans ; acquisition suspend plutôt le droit d'hypothèque
au lieu que la laine , dont on a fait de l'étoffe , qu'avait le créancier dans cette chose , tant qu'il
quand on voudrait soutenir qu'elle subsiste en eu sera propriétaire, qu'elle ne l'éteint; c'est
core , au moins elle n'est plus reconnaissable ; pourquoi , si son droit de propriété vient à se
et, comme le créancier, qui aurait sur cette résoudre ex causâ antiqud , necessarid , et
laine un privilège , ne pourrait l'exercer qu'en inexistenti contractui, le droit d'hypothèque ,
la faisant reconnaître pour être celle qu'il a qu'il avait sur la chose avant qu'il en eût acquis
vendue, son privilège ne peut subsister, sans la propriété, revivra. La raison est , que l'effet
qu'il soit besoin, pour cela, d'entrer dans la ne doit pas avoir plus d'étendue que la cause ,
subtile question que faisaient les jurisconsultes litnitatu causa limitatuni producit effectum.
romains : An lana quœ in vesteni transii! C'est pourquoi l'acquisition , que le créancier
extincta dici debeat uec-ne ? fait de la propriété de la chose hypothéquée ,
Le droit d'hypothèque ne peut avoir lieu que étant la cause de l'extinction de l'hypothèque ,
dans les choses qui sont dans le commerce , et si cette acquisition qu'il a faite n'est pas absolue
non sur celle qui sont aut publici , aut divini et irrévocable, elle ne peut pas produire une
juris, comme nous l'avons vu au chapitre pre extinction absolue et irrévocable du droit d'hy
mier, section 2, § l, d'où il suit que, si le pothèque ; elle dort , en quelque sorte , pendant
fonds de terre, sur lequel j'avais un droit d'hy le temps que l'acquisition durera, et elle se
pothèque , est mis hors le commerce ; putà , si réveillera dès l'instant de la révocation de l'ac
on a pris, par autorité publique, un terrain sur quisition.
lequel j'avais droit d'hypothèque , pour en faire Par exemple : si j'ai acheté un héritage sujet
un grand chemin , une église, ou un cimetière, au retrait lignager, et qu'on l'ait exercé sur moi ;
4G4 DE L'HYPOTHÈQUE.
si on m'a donné un héritage, et que la donation C'est pourquoi , si celui , qui a constitué i
ait été révoquée par la surrenance d'enfans au son créancier une hypothèque sur un héritage,
donateur; si on me l'a vendu sous faculté de était propriétaire de cet héritage, en vertu
réméré, et que le réméré ait été ezercé; si l'hé d'une donation sujette à la révocation, pour
ritage , que j'ai acquis , était grevé de suhstitu cause de survenance d'enfans ; s'il l'avait achete
tion, et qu'il y ait eu depuis ouverture à la avec la clause de réméré; si l'héritage était
suhstitution ; s'il m'a été évincé par un créan sujet à être retiré sur lui par retrait ligna-
cier hypothécaire ; en tous ces cas , le droit ger ou autre espèce de retrait; s'il était grevé àt
d'hypothèque, que j'avais sur cet héritage, se suhstitution , ete. ; en tous ces cas , et autres
réveillera , parce que l'acquisition , que j'avais semhlahles, lorsque le droit du propriétaire,
faite de la propriété de l'héritage , n'a point été qui a constitué l'hypothèque, viendra ù s'étein
irrévocahle , et qu'elle a été effectivement révo dre, soit par la survenance d'enfans , soit par
quée ex causd antiqud, necessarid et inexis- l'exercice du réméré ou du retrait , soit pa,
tenti contractui. l'ouverture de la suhstitution , l'extinction da
A plus forte raison, mon droit d'hypothèque droit de ce propriétaire entraînera aussi celle
revivrn-t-il , si mon titre d'acquisition de la des hypothèques qu'il a consituées.
propriété de la chose hypothéquée a été rescindé Cette règle reçoit une exception à l'égard àt
par des lettres de rescision, qu'a ohtenues celui l'hypothèque de la dot et du douaire sur le,
de qui j'ai acquis, contre l'aliénation qu'il en hiens suhstitués lorsqu'un homme grevé de suh
avait faite. stitution par quelqu'un de ses ascendans, oc,
Si le créancier a acquis un droit de propriété même, en certains cas, par quelqu'autre per
irrévocahle , sur la chose qui lui était hypothé sonne que ce soit, s'est marié, si les hiens lihre:
quée , quoique , par la suite , par une cause nou qu'il avait ne sont pas suffisans pour acquitter
velle, l'acquisition qu'il a faite ait été révoquée, la dot et le douaire , sa veuve , créancière de sa
son droit d'hypothèque ne revivra pas. Par dot et de son douaire , et ses enfans , créanciers
exemple : s'il a pris à rente un héritage , sur le de leur douaire, conservent un droit d'hypo
quel il avait un droit d'hypothèque, et qu'il thèque suhsidiaire sur les hiens substitués,
l'ait déguerpi volontairement, pour se lihérer nonohstant que le droit de celui, qui l'a consti
de la rente ; s'il lui a été donné , et que la dona tuée, soit éteint par l'ouverture de la suhstitu
tion ait été révoquée pour cause d'ingratitude; tion. La raison de cette exception est fondée sur
en ce cas, et autres semhlahles , le droit d'hy- ce que l'auteur de la suhstitution est présumé
polhèque qu'il avait ne revivra pas; car il avait avoir permis cette hypothèque , au préjudice de
acquis un droit de propriété irrévocahle; il ne sa suhstitution.
tenait qu'à lui do le conserver , en ne le déguer Nous avons traité tout ce qui concerne cette
pissant pas , ou en ne commettant pas les excès exception, en notre Traité des suhstitutions ,
qui ont donné lieu à la révocation pour cause où nous renvoyons.
d'ingratitude. L'acquisition qu'il a faite ayant Pour que l'extinction du droit de propriété
été parfaite et irrévocahle , elle a dû opérer une de celui quia constitué les hypothèques, entraine
confusion et une extinction ahsolue du droit l'extinction des hypothèques qu'ila constituées,
d'hypothèque qu'il avait sur cet héritage , lequel il faut que cette extinction de son droit de pro
droit par conséquent ne peut plus revivre. priété arrive ex causd antiqud et necessarid ,
c'est-à-dire, que, dès le temps qu'il a constitué
S III. de L'exvincrion de L'hyporhèque , pav La l'hypothèque , son droit de propriété fût réso
RESOLUTION ET EXTINCTION DU DROIT DU PROPRIÉ luhle in aliquem certum casum qui ah ipso non
TAIRE QUI L'A CONSTITUEE. penderet. Si , au contraire, celui , qui a consti
C'est une règle de droit , puisée dans la raison tué l'hypothèque , avait alors un droit de pro
naturelle , que personne ne peut transférer à un priété irrévocahle, et que son droit n'ait été
outre plus de droit dans une chose, qu'il n'en a éteint que par quelque cause nouvelle et procé
lui-même : Nemo plus juris ad alium trans- dant de son fait , cette extinction de son droit
ferre polest quàm ipse haheret ; I. 54, ff. de de propriété n'entraînera pas celle des hypo
reg. jur. thèques qu'il a constituées. Par exemple.- lors
De-là il suit que celui , qui n'a qu'un droit de que le donataire d'un héritage l'a hypothéqué, la
propriété révocahle dans une chose, ne peut révocation dela donation, pour cause d'ingrati
donnera un créancier qu'un droit d'hypothèque tude, qui survient depuis, n'éteint pas l'hypo
sur cette chose, qui soit pareillement révocahle thèque.
dans les mêmes cas que doit se révoquer son Pareillement, lorsque celui, qui a pris un
droit de propriété. héritage à titre de rente foncière, l'a hypo
CHAPITRE III. 40Ô
i héqué , et le déguerpit ensuite , le déguerpisse- total, du créancier, ou que, vice versâ , le
ment n'éteint pas l'hypothèque du créancier , créancier devient héritier, pour le total, du
qui peut le faire vendre, ù la charge de la rente débiteur , la dette se trouvant en ces deux cas
pour laquelle il a été déguerpi. confuse et éteinte par la réunion des deux qua
lités de créancier et de débiteur , qui se détrui
S IV. DE L'EXTINCTION DE L'HYPOTHÈQUE , PAR L'EX sent réciproquement en une même personne,
TINCTION DE LA. DETTE POUR LAQUELLE ELLE A ÉTÉ cela entraine l'extinction des hypothèques, à
CONSTITUÉE. moins que la succession n'ait été acceptée sous
L'hypothèque ne peut subsister sans une dette bénéfice d'inventaire; car un des effets du bé
pour laquelle elle ait été constituée, suivant néfice d'inventaire étant d'empêcher la confu
qu'il résulte des notions que nous avons données sion des droits de l'héritier et de la succession,
au chap. 1 , sect. 2, § 3. D'où il suit que l'ex la dette subsiste, et par conséquent les hypothè
tinction de la dette, pour laquelle l'hypothèque ques, qui en sont les accessoires, subsistent aussi.
a été constituée, entraînera nécessairement Lorsque le créancier n'est devenu héritier
l'extinction des hypothèques. que pour partie de son débiteur, autvice versâ,
Il n'importe que la dette ait été éteinte par quoique l'acceptation ait été pure et simple ,
le paiement ou par quelqu'une des autres ma il ne se fait aucune confusion des hypothèques,
nières dont les dettes s'éteignent , comme par la parce que la dette n'étant éteinte que pour la
remise que le créancier aurait faite de sa dette , partie pour laquelle le créancier a été héritier
par la novation, la compensation. de son débiteur , ou le débiteur de son créan
Pour que le paiement de la dette éteigne les cier , les hypothèques sont entières pour ce qui
hypothèques, il faut qu'il soit entier; pour peu reste de cette dette.
qu'il reste quelque chose de dû, soit de son Lorsqu'il y a plusieurs créanciers d'une même
principal, soit même des intérêts, il ne se fait dette , quoique l'un do ces créanciers devienne
aucune extinction des hypothèques, et tous les héritier, pour le total, du débiteur, il ne se
biens, qui étaient hypothéqués au total de la fait aucune extinction des hypothèques, parce
dette, demeurent hypothéqués à ce qui en reste qu'elles restent entières pour les parts qui sont
dû; lie. 13, § 6, ff. depig. et hyp. C'est pourquoi, dues aux autres créanciers.
quoiqu'on ait payé à l'un des héritiers du créan Lorsqu'il y a plusieurs débiteurs, et que
cier, tout ce qui était dû à cet héritier pour sa l'un d'eux devient héritier, pour le total , du
portion, il ne se fait aucune extinction des hypo créancier, les hypothèques des biens de ses
thèques, et tous les biens demeurent hypothé co-débiteurs doivent donc aussi subsister.
qués à ce qui reste dû aux autres héritiers; et La prescription de 30 ans, qui résulte de ce
vice versâ r si l'un des héritiers du débiteur a que le créancier ne s'est pas fait connaître ni
payé sa portion entière , tous les biens, même servir pendant ce temps, n'éteint pas l'hypothè
ceux échus dans le lot do ce débiteur qui a payé que ; car , comme cette prescription opère plu
sa portion, demeurent hypothéqués à ce qui tôt une fin de non-recevoir contre l'action du
restedû par lesautres héritiers; liv. l,eod. siun. créancier , qu'elle n'éteint la dette , et que la
ex plur. ; lie. I , cod. de luit. pig. et passim. dette subsiste , quoique sans action, cela suffit
Quelquefois le paiement entier de la dette pour conserver l'hypothèque : Cii>« hypotheca
transfère l'hypothèque du créancier, qui est possit accedere obligationi ctiam naturali.
payé, à un autre créancier, plutôt qu'il ne C'est pourquoi l'hypothèque . et l'action qui en
l'éteint ; cela arrive , lorsque le paiement se fait nait, demeurent contre le débiteur jusqu'à ce
avec la clause de subrogation au profit de celui qu'il ait acquis la prescription contre l'hypo
des deniers duquel le paiement se fait ; la raison thèque , qu'il ne peut acquérir que par le laps
est, qu'on feint que la créance du créancier, de 40 ans.
qui est payé avec la clause de subrogation, n'est Quoique l'autorité de la chose jugée et du ser
pas tant censée payée que vendue au nouveau ment décisoire opèrent plutôt une fin de non;
créancier, des deniers duquel le paiement s'est recevoir contre la demande du créancier ,
fait , inagis emisse noinen quàm soleisse intel- qu'elles n'éteignent , dans la vérité , la dette
ligitur. Nous avons traité des subrogations à la du débiteur, qui a été injustement renvoyé de
fin du contrat de vente, où nous renvoyons. la demande de son créancier, ou qui a fausse
La novation transfère aussi quelquefois l'hy- ment juré qu'il ne devait rien; néanmoins,
" pothèque de la nouvelle créance à l'ancienne , comme elle renferme une présomption , juris
plutot qu'elle ne l'éteint ; cela arrive toutes les et dejure , qu'il n'y a point de dette , elle éteint
fois qu'on en convient par la novation. indirectement l'hypothèque , en la rendant de
Lorsque le débiteur devient héritier , pour le nul effet.
Tome V. 59
40G DE L'HYPOTHÈQUE.
$ V. DE L'EXTINCTION DE L'HYPOTHEQUE , PAR LU Le consentement . que donne le cvéancier ,
REM1SE EXPRESSE OU TACITE QUE FAIT LE CREANCIER l'aliénation, ou même à l'obligation de la chus
DE SON DROIT D'HYPOTHÈQUE. hypothéquée , renferme une remise tacite desor
droit d'hypothèque.
L'hypothèque s'éteint par la remise expresse Le créancier est censé avoir tacitement reon.
ou tacite , que fait le créancier, dé son droit le droit d'hypothèque qu'il a sur un héritage
d'hypothèque. lorsqu'il a consenti à l'aliénation de son héritage,
Pour que cette remise soit valable et éteigne sans faire réserve de son droit d'hypothèque
l'hypothèque, il faut que le créancier soit une Crediter, qui permittit rem vœnire, pians>
personne usante de ses droits, et qui ait le dimittit ; l. 158, ff. de regjur.; I. 4,§ 1,1
pouvoir d'aliéner. quib. mod.pig.solv. La raison est, que le dé»'
C'est pourquoi un interdit ne peot remettre teur n'ayant pas besoin du consentement de m
les droits d'hypothèque qui lui appartiennent. créancier, pour aliéner ses héritages avecli
Une femme mariée ne le peut, sans être auto charge des hypothèques, le consentement «V
risée de son mari. Un mineur ne le peut :je créancier ne peut paraître requis et donné pom
pense pourtant, à l'égard du mineur, que, s'il une autre fin que pour remettre son hypotheque
l'avait fait , il devrait obtenir des lettres de Il en est de même , lorsque le créaocier s
rescision dans les dix ans de sa majorité; car, consenti que le débiteur obligeât à un noovss
ce que fait un mineur est plutôt sujet à rescision créancier la chose hypothéquée; car le débiter
qu'il n'est absolument nul. n'ayant pas besoin du consentement duprenw
Si un tuteur, eu sa qualité de tuteur, avait créancier, pour constituer à un nouveau w.
fait gratuitement une remise des droits d'hypo hypothèque qui n'aurait lieu qu'après II pre
thèque qui appartiennent à son mineur, je mière, le consentement du premiercréaocierw
pense que cette remise est absolument nulle , peut guêre paraître donné et requis à d'autve 6i>.
sans qu'il soit besoin de lettres; car, ce que que pour remettre son hypothèque.
fait un tuteur, en sa qualité de tuteur, ne peut On pourrait néanmoins , en ce dernier es1.
être valable et réputé pour le fait du mineur, rechercher l'intention des parties , eteiamintr
qu'autant que ce qu'il fait n'excède point les par les circonstances , si l'intention de l'aocict>
bornes de l'administration ; sa qualité de tuteur créancier, en consentant qu'on obligeât au nou
ne lui donnant que le droit d'administrer les veau la chose qui lui était hypothéquée,! rte
biens de son mineur, et non pas d'en disposer à de remettre absolument son droit d'hypothèse,
son gré. Or, toute aliénation gratuite passe les ou seulement de céder son rang au nourr>u
bornes de l'administration , par conséquent le créancier , sans néanmoins remettre son hypo
pouvoir du tuteur. thèque : /. 12, § 4, ff. qui pot. in pig.
Il faut décider la même chose à l'égard d'un Mais, régulièrement, la présomption est qw
curateur. le créancier , qui a consenti a la nouvelle nyp«
Par la même raison , un fondé de pouvoir, thèque, a remis la sienne. Paulus respendi' :
quelque générale que soit sa procuration, ne Sempronium antiquiorem craditereni
peut remettre gratuitement les droits d'hypo tientem quùm debiter eamdem rem tertio en-
thèque qui appartiennent à celui de qui il a la ditori obligaret, jus suum pignoris remuas-
procuration; il en faut une ad hoc. videri, non etiam tertium in locum ejuscepim
Un mari ne peut pas non plus faire remise des I. 12, ff. quib. mod. pig. sole.
droits d'hypothèque qui dépendent des rentes Pour que le consentement, que le créaucwr
propres de sa femme, car il n'a que l'adminis donne à l'aliénation ou à une nouvelle oblignt""1
tration de ses propres ; mais il peut remettre les de la chose qui lui est hypothéquée, renfémr
hypothèques des dettes actives mobiliaires de sa une remise tucite de son droit d'hypothèque- "
femme, quoique réservées propres ,- parce que faut que ce consentement soit formel.
la réserve des propres n'empêche pas qu'il ne La connaissance de la vente que faisait h
soit seigneur des droits mobiliers de la femme ; débiteur , qu'a eue le créancier, ou de la nou
cette réserve ne donnant à la femme qu'une velle hypothèque qu'il constituait à un
action de reprise, comme on peut le voir au ne peut pas passer pour consentement, qn1u-
Traité de la Communauté. qu'il n'ait pas réclamé : Non videtur ce***
La remise, qu'un créancier, quia le pouvoir sisse creditor, si seiente eo , debitor rsm'"'
de disposer, fait des droits d'hypothèque qui diderit quùm ideo passus est vaynive, !**
lui appartiennent, éteint l'hypothèque, soit sciebat , ubique pignus sibi durare; I. 8, S "'
que cette remise soit expresse , soit qu'elle soit ff. eod.
seulement tacite. C'est pourquoi, si le créancier a reçu, connus
CHAPITRE III. 467
notaire, l'acte de vente ou d'obligation que le n'a pas lieu , non seulement lorsque le débiteur
débiteur a fait de la chose hypothéquée, ou s'il n'a pas vendu la chose, mais encore lorsque la
y a souscrit comme témoin , il ne sera pas, pour vente, qu'il en a faite, est nulle ou simulée :
eela, présumé avoir consenti à la vente ou è /. 4,§2,ff. eod.
la nouvelle obligation, et avoir remis son hypo Il y a plus : si le débiteur, en conséquence
thèque. de la permission du créancier, a aliéné, à la
Quid ? si l'acte portait que l'héritage est franc vérité, son héritage, mais sous quelque condi
d'hypothèque; le créancier, qui, en recevant tion résolutoire , ou inhérente au contrat , l'hy
l'acte comme notaire, ou en le souscrivant pothèque du créancier est plutôt suspendue
comme témoin, aurait souffert cette clause sans qu'éteinte, et elle revit, si le contrat vient a se
réclamation, serait-il censé avoir remis son hypo résoudre ex causâ necessarid et inhœrenti con-
thèque? Il y a lieu de le penser. Il paraît que la tractui.
loi 9, § 1 , ff. quib. mod. pig. soiv., le décide : Par exemple : si le débiteur avec la permis
Mœvius... dicebat anlè rempublicam feudum sion de son créancier, a vendu son héritage
sibi obligatum fuisse; inveniebatur autem avec faculté de réméré , et qu'il l'exerce par la
Afievius, instrumenta cautionis cum republicâ suite; ou si, avec la permission de son créan
facto à Seio, interfuisse , rt subscripsisse : quo cier, il en a disposé par donation entre vifs, et
caverat Seius feudum nulli alii obligatum..,. qu'elle ait été révoquée par survenance d'enfans:
3'Iodestinus respondit , pignus , eus, is , de en ces cas, et autres semblables . l'hypothèque
quo quœrïtur, consensit, minime eum retinere revivra.
posse. Ainsi , quoique la vente ne contînt aucune
Si on doutait que le créancier dut être pré clause résolutoire, si les parties s'en sont volon
sumé avoir absolument remis son hypothèque, tairement désistées avant qu'elle eut eu son
en souscrivant à l'acte où était cette clause, au entière exécution, le créancier, qui a consenti
moins il n'est pas douteux qu'il ne pourrait l'exer cette vente , conservera son hypothèque ; /. 10,
cer contre l'acquéreur , a qui l'héritage aurait ff. quib. mod. pig. solv. Car il n'est censé, par
été vendu, ou contre Je nouveau créancier, à ce consentement, avoir remis sonlhypothèque ,
qui il aurait été hypothéqué par cet acte ; car, qu'autant que la vente , en faveur de laquelle
s'il n'a pas voulu remettre son hypothèque, il il voulait bien la remettre , aurait son entière
ne peut se disculper d'avoir, par sa dissimu exécution.
lation, concouru , avec le débiteur, à tromper Au contraire , si le débiteur , qui a aliéné son
cet acquéreur ou ce nouveau créancier : c'est héritage, du consentement du créancier, en
pourquoi ils auront contre lui l'exception de redevient propriétaire , non par la résolution de
dol. l'aliénation qu'il en avait faite , mais par un nou
J^a signature du créancier, à un acte qui veau litre d'acquisition , il ne recouvrera pas la
énonce qu'un certain héritage de son débiteur même hypothèque qu'il avait et qu'il a remise ;
n'est chargé d'aucune hypothèque, peut quel l'héritage se trouvera seulement compris dans
quefois ne préjudicier en aucune manière a son le droit d'hypothèque générale qu'il a sur tous
droit d'hypothèque; savoir, lorsqu'il y a lieu de les biens présens et à venir de son débiteur, s'il
présumer qu'il a pu apposer sa signature sans est créancier en vertu d'un titre authentique;
prendre la lecture de l'acte; putà, lorsqu'il a mais , s'il avait , outre cette hypothèque géné
signé, honoris causâ , à un contrat de mariage, rale , une hypothèque spéciale ou un privilège
en la seule qualité de parent ou d'ami. sur cet héritage, il ne pourra plus rien pré
Le créancier, qui consent à l'aliénation de la tendre, tous ses droits ayant été éteints par la
chose hypothéquée, n'est censé remettre son remise qu'il est censé en avoir faite , en consen
droit d'hypothèque, qu'autant et sous la con tant à l'aliénation ; /. fin. cod. de remiss. pig.
dition que l'aliénation , à laquelle il a consenti , Lorsque le consentement , que le créancier a
aura effectivement lieu : c'est pourquoi , si le donné à l'aliénation de la chose hypothéquée,
créancier a permis, par écrit , à son débiteur, est limité À certain titre d'aliénation, à cer
de vendre son héritage, et qu'il ne l'ait pas taines conditions , ou à certaines personnes ,
vendu, l'hypothèque du créancier, sur cet héri l'aliénation n'éteint l'hypothèque , qu'autant que
tage, ne laissera pas de subsister : Si non l'aliénation est faite au même titre et sous les
vœnierit, non est satis ail repelLmdum credi mêmes conditions, auxquelles le créancier a
terens, quod coluit vœnire ; i. 8, § 6, ff. dict. consenti a l'aliénation , et à la même personne,
Ut. à qui il a consenti qu'elle fût faite.
La remise , qu'opère le consentement du C'est pourquoi , si le créancier a permis à son
créancier a l'aliénation de la chose hypothéquée, débiteur de vendre la chose hypothéquée, et
DE L'HYPOTHÈQUE.
que le débiteur l'ait donnée par donation entre g VI. DE LA PRESCRIPTION DE i/HYPOTHÈQUE , El H
vifs , on doit , en ce cas , décider que l'hypo QUELQUES AUTRES MANIERES INTRODUITES Ml Ul
thèque n'est pas éteinte ; car il y a lieu de pré LOIS , POUR PURGER LES HYPOTHÈQUES.
sumer que le créancier, en permettant lu vente
de la chose hypothéquée, a eu en vue que le L'hypothèque s'éteint par la prescription. Ii
débiteur en emploierait le prix à le payer , ou à faut, à cet égard, faire une différence entre le
acquérir d'autres biens qui lui répondraient de tiers détenteur de l'héritage hypothéqué, et le
sa dette, et qu'en conséquence , en permettant possesseur personnellement obligé.
de vendre, il n'a pas entendu permettre de A l'égard du tiers détenteur , dans les payi
donner. régis par le droit écrit et dans les Coutume-,
Au contraire , lorsque le créancier a permis a telle que celle de Paris, qui admettent la pres
son débiteur do disposer , par donation entre cription de dix ans entre présens , et vingt ans
vifs , de la chose hypothéquée , on doit ordinai entre absens .avec titre et bonne foi; le lien
rement présumer qu'il lui a permis , à plus forte acquéreur, qui n'a pas eu connaissance dcl'hypis-
raison, d'en disposer à titre onéreux, suivant thèque par son titre d'acquisition ni d'ailleurs,
cette règle de droit: Non debet , cui plus licet, et a possédé l'héritage comme franc, acqaiert
quod minus est , non licere ; l. 21 , ff. de reg. la libération de l'hypothèque , par dix an> de
jur. possession, contre le créancier qui demeurera
Si, néanmoins, le créancier avaitpermis à son même province que lui , ou par vingt ani.if
débiteur, de donner à une certaine personne, demeure en une province différente.
amie de ce créancier , on ne pourrait pas dire Le tiers délenteur, qui possède sans pouvcir
qu'il lui aurait permis de vendre : Si conce!sit produire le titre de son acquisition, ne peut
donare et vendiderit debiter , repelletur cre- prescrire que par trente ans de possession.
ditor;nisi ai quiadicat, ideb concessissedonari, Dans notre Coutume, qui n'a point admis l>
quod amicus erat creditori lt, eus donabatur ; prescription de dix ou vingt ans , le tiers déten
dict. I. 8, § 13, in fine. teur , soit qu'il ait litre ou non, ne peut ac
Si le créancier a permis à son débiteur de quérir la libération de l'hypothèque , que par Ij
vendre, pour un certain prix , la chose hypo prescription de trente ans.
théquée, ou de la vendre à certaines conditions, Cette prescription , non plus que celle de dix
et que le débiteur l'ait vendue ù un momdre ou vingt ans . ne court point contre le créaocier,
prix, ou n'ait pas suivi les conditions prescrites pendant qu'il est mineur.
par le créancier ; ou s'il lui a permis de vendre Elles n'ont pas lieu non plus contre l'Eglise,
dans l'espace d'un certain temps, et que le débi contre qui on ne prescrit que par quarante ans.
teur n'ait vendu qu'après l'expiration de ce Elle ne laisse pas de courir contre le créan
temps : dans tous ces cas , l'hypothèque ne sera cier, quoique la condition de la delie, pour
pas éteinte , car le créancier n'est censé l'avoir laquelle l'héritage est hypothéqué, ne fut pa>
remise, qu'autant que la vente se ferait pour le encore échue; et le créancier ne peut alleguer
prix, aux conditions et dans le temps qu'il en sa faveur la maxime, contra non ra/eiiew
l'avait permis. agere , non currit prœscriptio. Car, si, avant
Mais , si le débiteur l'a vendue pour un prix l'échéance de la condition , il ne pouvait ps'
plus fort , l'hypothèque n'en sera pas moins intenter contre le délenteur de la chose hypo-
éteinte ; car le créancier , en fixant le prix pour Ihéquée l'action hypothécaire , nu moins pou
lequel il lui permet de vendre , ne lui permet de vait-il intenter l'action en interruption; et,
vendre à un moindre prix, mais il ne l'empêche faute de l'avoir fait, il doit s'imputer à
pas de vendre plus, s'il peut ; /. 8, § 14, et 18 ; même s'il perd son hypothèque.
argum. dict. I. 21 , ff. de reg. jur. Nous avons traité plus amplement de f
Au reste, lorsque le créancier a permis à son prescriptions, en traitant du droit depropriele.
débiteur , de vendre l'héritage hypothéqué , où nous renvoyons.
pourvu que ta vente se soii effectivement faite , A l'égard du débiteur, de ses héritiers el
et de la manière et aux conditions que le créan autres, personnellement obligés, suivant le>
cier l'a permise, il n'importc que cette vente ait principes de l'ancien droit romain, ils ne pou
été faite par la personne même du débiteur, ou vaient acquérir la libération de l'hypothèque,
par son héritier ou autre successeur universel ; par quelque temps qu'ils eussent possédé la
dict. I. 8, § 16. chose hypothéquée. La raison est , que le débi
Mais le consentement du créancier n'aurait teur, qui a constitué l'hypothèque, fi>xè&e
aucun effet , si c'était un tiers qui vendit ; dict. lui-même la chose hypothéquée à la chargen'
I. 8, $ 17. l'hypothèque. Or, cette possession résiste à ■
CHAPITRE IV. 4>5'J
prescription; il ne peut dono pas prescrire par débiteur et autres, personnellement obligés,
quelque temps qu'il possède, et ses héritiers ne possesseurs de la chose hypothéquée, pourraient
le peuvent pas non plus , parce que la posses opposer contre l'action hypothécaire la pres
sion de ses héritiers est la même que la sienne, cription de quarante ans, contre le créancier
qui continue en leur personne , puisqu'ils suc qui n'aurait point usé de son droit pendant ce
cèdent in virtutes et vitia possessionis defuneti, temps.
comme nous l'avons vu, en traitant du droit do Plusieurs Coutumes, du nombre desquelles
propriété. est la nôtre, ont adopté la constitution de
Il en est de même de tout autre possesseur, l'empereur Justin, à l'égard des hypothèques
qui a reconnu l'hypothèque, quoique l'empe contractuelles, c'est-à-dire, qui naissent des
reur Théodose eut établi la prescription de trente contrats devant notaires; et, en conséquence,
ans contre l'action personnelle, par le défaut elles décident que le débiteur et autres, per
du créancier d'en avoir usé pendant ce temps; sonnellement obligés, prescrivent par quarante
néanmoins le débiteur ou ses héritiers, qui ans contre l'action personnelle hypothécaire,
avaient acquis cette prescription contre l'action dont ils sont tenus envers le créancier.
du créancier, et qui possédaient des biens hypo A l'égard des hypothèques légales, et de
théqués à la dette, ne laissaient pas dVlre celles qui naissent des jugemens, elles sont,
sujets a l'action qui résultait de cette hypo même dans ces Coutumes, sujettes à la même
thèque, et ils ne pouvaient en acquérir la pres prescription que l'obligation personuelle, c'est-
cription de trente ans contre l'action person à-dire, à la prescription de trente ans.
nelle, qui opère seulement une fin de non Dans les Coutumes, qui ne se sont pas expli
recevoir contre l'action , et n'éteint pas l'action quées, telles que celle de Paris, on a jugé que
personnelle; cette obligation personnelle, quoi la prescription contre l'action personnelle hy
que destituée d'action, était suffisante pour que pothécaire, résultante de contrat pardevant
l'hypothèque pût y accéder et se conserver par notaires, devait aussi se proroger jusqu'à qua
quelque temps que ce fût. rante ans, et que la loi de Justin devait y être
Depuis , l'empereur Justin a ordonné que lo adoptée.
CHAPITRE IV.
Du nantissement.
CHAPITRE V.
DU
CONTRAT DE NANTISSEMENT.
ARTICLE PRÉLIMINAIRE.
Apvès avoir traité des différentes espèces de contrats , qui se font principalement et pour eux-
mêmes , tant des contrats intéressés de part et d'autre , soit commutatifs , soit aléatoires , que des
contrats de bienfaisance, l'ordre est de venir aux contrats accessoires qui ne se contractent pas
principalement et pour eux-mêmes, mais qui accèdent à un autre contrat ou à une autre obliga
tion. Ces contrats sont le cautionnement et le contrat de nantissement. Nous avons traité assex
au long du cautionnement dans notre Traité des Obligations , partie 2 , chap. 6 , pour qu'il ne
soit pas nécessaire d'en faire un Traité particulier. Nous traiterons donc seulement du contrat de
nantissement.
1 . On peut définir le contrat de nantissement , un contrat , par lequel un débiteur , ou un autre
pour lui , donne au créancier une chose pour la détenir pardevers lui pour la sûreté de sa créance ;
et le créancier s'oblige de la lui rendre après que sa créance aura été acquittée.
2. La chose , qui est donnée par ce contrat au créancier , s'appelle nantissement ; elle s'appelle
aussi gage , et en latin pignus.
Le nantissement diffère de l'hypothèque , en ce que le nantissement se fait par la tradition de
la chose qui est remise entre les mains du créancier; au lieu que l'hypothèque est un droit, que
le créancier acquiert dans lés biens de son débiteur, qui en sont susceptibles, sans que son débi
teur lui en fasse aucune tradition.
3. La seule convention n'est pas néanmoins suffisante dans notre droit français pour établir
l'hypothèque ; elle ne peut naître que d'un acte par devant notaires , par lequel le débiteur se soit
obligé ; ou d'un jugement de condamnation rendu contre lui.
A. l'égard du contrat de nantissement, nous verrons , dans un premier chapitre, ce qui est de
l'essence de ce contrat , à quelles classes de contrats il appartient , et quelles sont les clauses que
les lois réprouvent dans ce contrat. Nous traiterons, dans un second chapitre , du droit qu'acquiert
le créancier dans la chose qui lui a été donnée en nantissement; des obligations qu'il contracte,
et de l'action pigneratitia directa , qui en naît. Nous parlerons , dans le troisième , des obligations
que contracte celui qui a donné la chose en nantissement , et de l'action pigneratitia contraria,
qui en nait.
-<7R DU CONTRAT DE NANTISSEMENT.
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE II.
Du droit qu'acquiert le créancier dans les choses qui lui sont données en
nantissement ; des obligations qu'il contracte par le contrat de nanlu-
sement, et de Taction pigneratitia qui en naît.
CHAPITRE III.
54. Celui , qui donne une chose en nantisse droit de pouvoir la détenir pour sûveté ir*
ment, contracte envers le créancier, à qui il créance.
l'a donnée , l'obligation de lui faire avoir dans De là il suit que ce débiteur contrerira' 1
cette chose un droit de gage, qui lui donne le cette obligation, lorsqu'il donne en nantie
CHAPITRE III.
ment à son créancier une chose dans laquelle il Lorsque le débiteur a donné en nantissement
ne peut procurer ce droit de gage. Cela arrive , à son créancier une chose qui était déjà obligée
lorsqu'il donne en nantissement , sans le con à un autre, s'il n'y a pas, dans ce qu'elle vaut
sentement du propriétaire , une chose qui ne de plus que la somme pour laquelle elle est
lui appartient pas : car il ne peut pas donner à obligée au créancier, de quoi procurer un droit
son créancier un droit de gage dans une chose , de gage à ce second créancier à qui elle est
sur laquelle il n'a lui-même aucun droit, sui donnée en nantissement, ce second créancier a
vant la règle de droit : Nemoplusjuris, etc. l'action pigneratitia contraria contre son dé
De cette obligation , à laquelle contrevient le biteur qui la lui a donnée, comme il est décidé
débiteur qui donne en nantissement une chose en la loi ci-dessus mentionnée.
qui ne lui appartient pas , et dans laquelle par Il en serait autrement si la chose était d'une
conséquent il ne peut procurer un droit de gage valeur plus que suffisante pour répondre des
au créancier à qui il la donne, naît une action deux créances : Si en res ampla est, et ad
qu'on appelle actio pigneratitia contraria , ou modicum œris fuerit pignerata, dici debebit
contrarium judicium pigneratitium , qu'a le cessare non solûm steltionatiîs crimen , sed
créancier contre le débiteur, pour qu'il soit etiam pigneratitiam et de dolo actionem , quasi
condamné à substituer à la place des choses in nullo captus sit qui pignus secundo loco
qu'il a données en nantissement, d'autres choses accepit; l. 36, § fin., ff. de pig. act.
d'égale valeur qui lui appartiennent; sinon, 57. Lorsque la chose donnéo en nantisse
qu'il sera déchu des termes qui lui avaient été ment a un vice inconnu au créancier, qui la rend
accordés pour le paiement de la dette, et con de nulle valeur, le créancier ne pouvant en ce
traint au paiement. cas, acquérir dans cette chose qu'un droit de
Cette décision a lieu, quand même le créan gage qui sera de nulle valeur, il a l'action pig
cier paraîtrait n'avoir pas d'intéret à avoir un neratitia contraria pour se faire donner en
droit de gage , le débiteur étant très-solvable : nantissement une autre chose à la place.
Cum dehiiore t qui alienani rem pignori dedit, 58. Observez que, dans tous les cas ci-dessus
potestereditor contraria pigneratitia agere, et- rapportés, le créancier n'a l'action pigneratitia
si debitor solvendo sit; l. 32, ff. de pign. act. contraria que lorsqu'il a été trompé ; mais s'il
Il y a lieu à cette action , non seulement avait connaissance que la chose n'appartenait
lorsque le débiteur, qui a donné une chose en pas à celui qui la lui donnait en nantissement ,
nantissement, avait connaissance qu'elle ne lui ou qu'elle était déjà obligée à un autre, ou s'il
appartenait pas , mais même dans le cas auquel avait connaissance du vice qui la rend de nulle
il l'a donnée en nantissement de bonne foi, valeur, il n'est pas , dans tous ces cas , rccevable
croyant qu'elle lui appartenait. La seule diffé à s'en plaindre ; Si sniens creditor accipiat vel
rence qu'il y a entre l'un et l'autre cas , est que, alienum , vel obligatum, vel morbosum . con
lorsque le débiteur sait que les choses qu'il trariani (judicium ) ci non competit ; dict.
donne en nantissement ne lui appartiennent I 16, '. 1. La raison est que volenti non fit
pas , il commet le crime de slellionat; et est en injuria.
conséquence contraignable par corps au paie 59. La bonne foi devant régner dans les con
ment de la somme pour laquelle il avait donné trats de nantissement comme dans tous les autres
la chose ne nantissement : au lieu que, dans contrats, toutes les friponneries, que le débi
notre cas , lorsque le débiteur a donné de bonne teur peut commettre dans ce contrat, pour
foi en nantissement une chose qui ne lui appar tromper le créancier , donnent ouverture a l'ac
tenait pas, il ne commet pas de stellionat qui le tion pigneratitia contraria ; par exemple , si le
rende sujet à la contrainto par corps ; mais le débiteur a donné en nantissementtlu cuivre pour
créancier n'en a pas moins contre lui l'action de l'or :Si quis in pignore pro auro œs subje-
contraria pigneratitia. cisset creditor, qualiter teneatur?... Si gui
C'est ce qu'enseigne Paul : Contrariani pig- de>» dato auro œs subjecisset , furti teneri :
neratiiiam creditoriactiouem competerecertum quod si in daudo œs subjecisset , turpiter
est. Proindè si rem alienam vel ali\ pignera- fecisse, non fureni esse : sed hic puto pignera
tam, vel in publicum obligatam dedit, tene- titium judicium locum habere ; l. 36, ff. de
bitur, quameis et steilionatûs crimen com- pign . act.
mittat. Scd nlrùm ità dcmùm si scit, an etsi 60. Celui , qui a donné une chose en nantis
ignorarit? et quantum ad crimen pertinet sement, contracte, envers le créancier à qui il
excusat ignorantia. Quantum ad contrarium l'a donnée, une autre obligation, qui est celle
judicium , ignorantia eum non excusat ; I. 16, de le rembourser des impenses nécessaires qu'il
§ I , ff. de pign. act. a faites pour la conservation de cette chose.
Tome V. 62
i'JO DU CONTRAT DE NANTISSEMENT.
De cette obligation naît une action pignera- tement du débiteur qui a donné la chose en
tilia contraria, qu'a le créancier pour s'en nantissement, quoiqu'elles subsistent, et que
faire rembourser, quand même, depuis, par le débiteur se trouve en profiter an teon;n
quelque accident de force majeure , celui , qui auquel la chose doit lui être rendue , e'vst-i-
lui a donné la chose en nantissement , n'en aurait dire, après que la dette a été acquittée , on ne
pas profité. C'est ce qu'enseigne Papinien : Si doit pas toujours l'obliger à les rembourser in
necessarias impensas fecerim in servum , aut créancier qui les a faites; car si elles sont >i
infundum, quem pignoris causâ acceperim , considérables qu'il lui fallût vendre son bien on
»oa tantùm retentionem , sed contrariani pig- s'endetter pour pouvoir les rembourser, il ne
neratitiam habeo : finge enim niedicis , quùm doit pas y être obligé : on doit seulement per
œgrotaret servus , dedisse me pecuniam , et mettre , en ce cas , au créancier qui a fait des
eusn decessisse ; item insulam fulsisse, vel augmentations à ses frais , d'emporter ce qu:
refecisse , et posteà deustam esse , nec habere peut se détacher. Mais si les impenses , quoique
quodpossim retinere ; l. 8 , ff. de pign. act. seulement utiles , sont modiques , et qne Ir
61. A l'égard des impenses, qui n'étaient pas débiteur puisse commodément les rembouvser,
nécessaires, mais qui étaient seulement utiles, il doit être condamné à les rembourser jusqu'i
si le créancier les a faites du consentement de concurrence de ce qu'il se trouve en pro6ter.
celui , qui lui a donné la chose en nantissement, il Tout cela doit être laissé à la prudence et à l'ir-
n'est pas douteux que le créancier a contre lui bitrage du juge : Sicut negligera credilom
l'action pigneratitia contraria, pour s'en faire dolus , et culpa , quam prœstat, non patitar.
rembourser comme pour les nécessaires ; et il est ità nec taleni c/pcerc rem pigneratam, ntyrn-
facilement présumé les avoir faites du consen vissit debitoriadrecuperandum. Putà , soltuv
tement de celui , qui la lui a donnée en nantis grandezn pignori datum ab homine qui m
sement, lorsque le créancier n'a fait que par lucre potest , nedum excolere , tu acceptsm
achever ce que ce débiteur avait déjà commencé pignori excoluisti sicut magni pretii facsrrs :
avant de donner cette chose en nantissement : alioquin non est œquum aut quœrere meoUa
Si servos pigneratos artificiis instruxit cre- creditons , aut cogi distrahere quod sslis
ditor; si quidem jam imbutos , vel voluntate receptum , aut tibi , penurid, coactum devi-
debitons , erit actio contraria ; l. 25 , ff. dict. linquere : mediè igitur hœc àjudice eruHtdù-
Lorsque les impenses , non nécessaires , mais picienda , ut neque delicatus debiter , *e;«
seulement utiles , ont été faites sans le consen onerosus credidor audiatur; dict. I. 25.
TRAITÉ
DES CENS.
ARTICLE PRÉLIMINAIRE.
Le contrat de hail à cens est un contrat , par lequel le propriétaire d'un héritage ou d'un
autre droit immohilier, l'aliène, sous la réserve qu'il fait de laseigneurie directe, et d'une rede
vance annuelle en argent ou eu fruits , qui doit lui être payée par le preneur ou
ses successeurs , en reconnaissance de ladite seigneurie.
Cette redevance annuelle s'appelle cens.
L'héritage chargé de cette redevance, à la charge de laquelle il a été concédé, est ce
qu'on appelle un héritage censuel.
Le possesseur de cet héritage s'appelle censitaire.
Celui, à qui est due cette redevance recognitive de la seigneurie directe qui est par de
vers lui , est ce qu'on appelle le seigneur de censive.
On appelle censive le droit de seigneurie directe, qu'a le seigneur sur les héritages donnés
à titre de cens.
Il résulte de la définition que nous avons donnée, qu'il est de l'essence du contrat de
hail à cens, qu'il contienne la réserve, de la part du hailleur , de la seigneurie directe,
et d'un droit de redevance annuelle recognitive de la dite seigneurie.
En cela, le hail à cens diffère du simple hail à rente foncière, lequel ne contient la
réserve d'aucune seigneurie directe de l'héritage, mais d'une simple charge et redevance
foncière. ,
En cela aussi, le cens diffère de la simple rente foncière. Le cens est une redevance sei
gneuriale, c'est-à-dire, recognitive de la seigneurie directo qui est pardevers celui à qui il
est dû; et, eu conséquence, le cens est imprescriptihle. Au contraire, la rente foncière
n'est point seigneuriale, mais une simple charge de l'héritage, et, en conséquence , cette
rente est prescriptihle.
De ce que nous venons de dire , il suit qu'il n'y a que le propriétaire de l'héritage ,
dont le droit de propriétaire renferme quelque seigneurie honorifique de l'héritage, qui
puisse le donner a cens.
Il n'est pas douteux que celui , qui tient un héritage en francaleu , ne le puisse donner
à cens; car, ne reconnaissant aucun seigneur, il a pardevers lui toute la seigneurie de
l'héritage; et, par conséquent, il peut, en le donnant à cens, s'en réserver la seigneurie
directe et honorifique.
Le propriétaire d'un héritage, qui le tient à titre de nef, peut aussi le donner à cens;
car, quoiqu'il ne soit lui-même qu'un seigneur utile vis-à-vis de celui, de qui il tient
son héritage en fief , néanmoins cette seigneurie utile , qu'il a , n'est pas hornée à ce qu'il
y a de purement utile dans la seigneurie; elle renferme aussi une seigneurie honorifique
de l'héritage , quoique suhordonnée à celle du seigneur de qui il relève en fief. Il peut
en conséquence se qualifier seigneur de l'héritage qu'il tient en fief ; il jouit de tous les
honneurs et droits honorifiques qui peuvent y être attachés ; il y a le droit de chasse qui
est un des droits , quœ in honore magis quàm in utilitate consistant. Cette seigneurin
4,JU DES CENS.
honorifique , qu'il a , peut faire la matière de la seigneurie directe , qu'il doit se résener
en donnant son héritage à cens.
Au contraire , le propriétaire d'un héritage , qui le tient lui-même à cens , ne peut pu
en faire un hail ù cens , selon la maxime : Cens sur cens n'a lieu. Coutume d'Orléans ,
art. 122. La raison est, que son droit de propriété ne contenant rieu d'honorifique, mais
seulement ce qu'il y a de purement utile , il n'a aucune seigneurie honorifique et directe,
qu'il puisse se retenir sur le cens; et, par conséquent, il ne peut le donner à cens, ne
pouvant y avoir de hail à cens , sans réserve de la seigneurie directe de la part du
hailleur.
Si , dans le fait, le propriétaire d'un héritage censuel avait fait un hail de cet héritage,
pour une certaine redevance annuelle et perpétuelle, qui , par le hail , aurait été qualifiee
de cens, ce hail ne serait qu'un simple hail à rente foncière: et cette redevance, quoi
que qualifiée de cens, no serait qu'une simple rente foncière, non seigneuriale et sujette
à prescription.
Un tel hail ne ferait point encourir de droits de ventes aux mutations , à moins qu'ils
n'eussent été expressément stipulés; et, s'ils avaient été stipulés, ils seraient dus, non comme
droits seigneuriaux, mais comme simples charges foncières.
Nous traiterons séparément du cens annuel , et des autres diflërens droits dont les cen
sitaires sont tenus, tels que le défaut, faute de paiement du cens au jour et au lieu nommes
les profils , qui sont dus en cas de vente ; le dépri , auquel est ohligé l'acquéreur d'us
héritage censuel , et l'amende , faute de dépri ; la reconnaissance censuelle. Nous traiterai»
ensuite de la saisie censuelle, et des autres actions qu'ont les seigneurs de censive pour
être payés de leurs droits censuels. Enfin, nous traiterons de quelques espèces particulières
de censives dans la Coutume d'Orléans.
SECTION PREMIÈRE.
SECTION IL
SECTION III.
$ I. de l'action de> seigneuv de censive , aein dit : a II est loisible à un seigneur foncier ou
d'exhibition des titves. , censier de poursuivre l'acquéreur nouvel dé-
u tempteur d'aucun héritage étant en la censive
Pav l'art. 73 de la Coutume de Paris , il est « ou seigneurie foncière , afin d'exhiber les
504 DES CENS.
• lettres d'acquisition, si aucunes y en a , pour exhibition , parce que ce n'est pas lui qui ofeit
« être payé des droits de vente , saisines et être le juge si son titre donne ou non ouverturs
a amendes. s au profit de vente. Le seigneur doit être «m i
Notre Coutume, art. 108, en a aussi une portée de le connaître par lui-mêrhe. par fexk
disposition : elle porte : « Est tenu le preneur bition que le censitaire lui en doit faire : ri h
u ou acheteur d'exhiber les lettres de la prinse Coutume s'est servie de ces termes , le prener
« ou achapt au seigneur censier, s'il en est ou acheteur, cela peut s'entendre en ce seœ
u requis. s celui que le seigneur prétend pouvoir être pre
De ces dispositions de Coutumes riait une neur ou acheteur.
action , qu'ont les seigneurs de censive contre Un secrétaire du roi , ou autre privilégié, «t
les acquéreurs des héritages situés en leur cen a acquis un héritage ceusuel dans la mouvis?.
sive, pour les obliger à leur exhiber leurs titres. du roi , est-il tenu à l'exhibition de son titre? h
Cette action est une action personnelle, qui semble d'abord que non , et que le receveur è:
naît de la disposition des Coutumes , qui oblige domaine est sans intérêt pour la demander,
les acquéreurs à cette exhibition , condictio ex puisque cet acquéreur est exempt des profit
lege. Cette action doit durer trente ans , comme Néanmoins, on doit décider que ce privilégié e>t
les autres actions personnelles. obligé d'exhiber son titre: lereceveurdu dormis:
Ces Coutumes ont accordé aux seigneurs cette a intérêt de l'examiner, pour connaître si ce pri
action, pour qu'ils puissent avoir connaissance vilégié a effectivement acquis pour lui , et sT:
des profits qui leur sont dûs, sans être obligés n'est pas en possession pour un autre non pri
d'avoir recours à la voie du compulsoire , qui vilégié.
est coûteux et souvent très difficile , et presque Celui , qui possède un héritage ceusuel a
impossible, faate par le soigneur de savoir le titre d'héritier, n'est obligé à l'exhibition d'aoe?i-
temps de l'acquisition , et le notaire qui a passé titre d'acquisition de cet héritage , qu'autie>,
le contrat. que le défunt , dont il est héritier, n'y aurait pa?
satisfait de son vivant , auquel cas il aurait soc
S II. CONTRE Ql ELS ACQ.CÉREURS A-T-ELLE LIEU ? cédé à cette obligation du défunt , autrement .
n'est obligé à aucune exhibition. Le seigneur n"
Cette action ayant été accordée au seigneur, peut demander l'exhibition du partage de Ii
pour avoir connaissance des profits de vente qui succession : ces titres ne doivent pas être exhi
peuvent lui être dûs , il semblerait qu'elle ne bés; ne secreta familiarum pondant w et.
devrait avoir lieu que contre les acquéreurs qui d'ailleurs , les partages ne donnant point ouver
ont acquis à un titre qui donne ouverture au ture au profit de vente , le seigneur n'a aucai
profit de vente. Néanmoins , Dumoulin décide intérêt de les voir.
qu'elle a lieu contre tous les nouveaux acqué Quoique celui, qui possède un héritage cee-
reurs , à quelque titre que ce soit qu'ils aient suel à titre d'héritier du dernier possesseur, ui
acquis. La raison est, que la Coutume de Paris soit régulièrement tenu à aucune exhibition de
ne distingue point : elle dit en termes généraux, titres , néanmoins il pourrait être tenu de justi
l'acquéreur nouvel détenteur. La raison ulté fier au seigneur sa parenté , si le seigneur, axs
rieure est , que le seigneur n'est pas obligé à s'en serait en même temps seigneur-justicier, pre
rapporter à ce que lui déclare son censitaire, tendait que l'héritage lui appartient à titre dr
que le titre auquel il a acquis n'est pas un titre déshérence, ou contestait à ce possesseur s>
qui donne ouverture au profit de vente ; le sei parenté avec le défunt.
gneur doit en prendre connaissance par lui-
même , par l'examen qu'il doit avoir la liberté $ III. Elt QUOI CONSISTE L'ORLIGATION D'EXHISEI.
de faire de ce titre , et il doit pour cela lui être
exhibé. Exhiber, suivant la définition des lois , ef:
La question pourrait faire plus de difficulté legenc/i et deacribendi copians facere; d'où ii
dans notre Coutume d'Orléans ; car elle dit : suit que le nouvel acquéreur est tenu de remelli -
Et est tenu le preneur ou acheteur; d'où il son titre d'acquisition à son seigneur, sous le
semble qu'on peut conclure que notre Coutume récépissé, que le seigneur doit lui en donner,
n'oblige à cette exhibition , que les acquéreurs pour ledit titre rester par devers le seigneur un
qui ont acquis l'héritage à un titre qui donne temps suffisant pour qu'il puisse l'examiner, et
ouverture au profit , tel qu'est un preneur qui a en tirer copie si bon lui semble.
acquis à titre de bail à rente, ou un acheteur. L'acquéreur n'est donc point obligé de lui en
Néanmoins, on doit décider, même dans notre fournir une copie ; les Coutumes ne l'obligent
Coutume, que tout acquéreur est obligé à cette qu'à l'exhibition.
SECTION III. 805
La Coutume de Paris dit : Exhiber les lettres Chaque nouveau censitaire doit cette recon
d'acquisition 1 si aucunes il y en a. Quid? s'il naissance, de quelque manière qu'il soit devenu
n'y en avait point? Putà , si cet acquéreur allé propriétaire , soit par acquisition , soit par suc
guait que les minutes du notaire , qui a passé son cession directe ou collatérale.
contrat d'acquisition , ont été incendiées , et Lorsqu'un tuteur a passé reconnaissance pour
qu'il n'en a point d'ezpédition ; ou s'il alléguait ses mineurs, les mineurs devenus majeurs ne
qu'il a acquis par un acte sous signature privée, sont pas obligés d'en passer une nouvelle ; car
lequel est adiré, ou verbalement: en ces cas, ils sont censés l'avoir passée eux-mêmes par le
l'acquéreur ne serait tenu à aucune exhibition , ministère de leur tuteur, le fait du tuteur étant
ne pouvant pas être obligé à l'impossible; mais le fait du mineur.
il serait obligé de se purger par serment, qu'il Mais lorsqu'une femme , qui a passé recon
n'a point le contrat de son acquisition , d'en naissance, se marie, son mari est obligé de
déclarer au seigneur la teneur, et d'attester par passer reconnaissance ; car il devient nouveau
serment la sincérité de sa déclaration. censitaire ; à moins que le contrat de mariage
Quid? s'il y avait minute du contrat d'ac ne portât, outre l'exclusion de communauté, la
quisition , l'acquéreur serait-il dispensé d'exhi clause que chacun des conjoints jouirait séparé
ber, en disant qu'il n'en a pas levé d'expédition? ment de son bien.
Non : il serait tenu d'en lever une, et de l'ex Le censitaire, qui doit la reconnaissance cen
hiber au seigneur. La Coutume , par ces termes: suelle , doit les frais , tant de l'acte que de l'ex
si aucunes y en a, ne les dispense de l'exhibi pédition qu'il doit fournir au seigneur ; mais il
tion, que lorsque les lettres d'acquisition n'exis n'est point obligé de se servir du notaire du sei
tent pas; mais, si elles existent chez le notaire gneur ; il peut prendre celui qu'il voudra.
qui en conserve la minute, il ne suffirait pas à
l'acquéreur d'indiquer au seigneur le notaire , $ V. DE LA SAJSINE OU ENSAISINEMENT.
pour y en aller prendre communication : le
seigneur n'est point obligé de se déplacer ; cette La saisine ou ensaisinement est un acte , par
exhibition doit lui être faite chez lui. lequel le seigneur déclare solennellement qu'il
La Coutume ne parle que des lettres de l'ac met le ceusitaire en possession de l'héritage
quisition de ce nouvel acquéreur : il n'est donc tenu à cens de lui.
point obligé dé communiquer au seigneur tous Suivant la Coutume de Paris, le censitaire,
les anciens titres qu'il peut avoir de cet héri qui se fait ensaisiner par le seigneur, lui doit
tage ; cependant il est assez d'usage , lorsque le pour cette saisine un droit de douze deniers.
seigneur fait un terrier, d'obliger les censitaires Le seigneur est obligé d'accorder cette sai
à communiquer les anciens titres qu'ils peuvent sine au censitaire , lorsqu'il la demande , à la
avoir, pour parvenir à faire un terrier juste par charge par le censitaire de lui payer préalable
la confrontation de ces anciens titres, et des ment tous les arrérages de cens , profits et
reconnaissances que le seigneur a entre les amendes qu'il lui doit, et son droit de douze de
mains. niers; et, s'il refusait de l'accorder, le censi
taire pourrait le poursuivre en justice, pour l'y
S IV. DE LA RECONNAISSANCE CENSUELLE- faire condamner, à peine de tous dépens , dom
mages et intérêts.
La reconnaissance censuelle est une descrip- Au contraire , le censitaire ne peut être obligé
s tion détaillée de l'héritage tenu à cens par nou par le seigneur, à prendre cette saisine ; car,
veaux lenans et aboutissons , et des charges suivant l'art. 82 de la Coutume de Paris, ne
auxquelles il est sujet, que chaque nouveau censi prend saisine qui ne veut.
taire doit faire par un acte pnrdevant notaires, Mais les nouveaux acquéreurs ont intérêt de
et dont il doit donner une expédition au sei- prendre cette saisine , parce que, dans la Cou
. gneur. Cette reconnaissance censuelle n'est point tume de Paris, comme dans plusieurs autres ,
due aux mutations du seigneur comme l'est le l'an du retrait lignager ne court que du jour de
port du foi dans les fiefs , mais seulement aux cette saisine. A Orléans, cette saisine n'est pas
mutations de censitaire. en usage.
Tome V. Ci
5ors DES CENS.
SECTION IV.
Des actions qu'a le seigneur pour être payé de ses cens et droits censuels,
et de la saisie censueUe.
SECTION V.
DES CHAMPARTS.
ARTICLE PRELIMINAIRE.
Le champart est une redevance foncière , qui consiste dans une certaine quotité des fruits
qui se recueillent sur l'héritage qui en est chargé.
Nous traiterons de la nature de co droit ; des ohligations des possesseurs ; des terres tenues
à champart , et des droits des seigneurs de champart.
ARTICLE PREMIER.
S 1. DE LA NATURE DU DROIT DE CHAMP ART. champart n'est pas seigneurial, mais est une
simple redevance foncière : car un même héri
Le champart est quelquefois un droit seigneu tage ne peut être tenu do deux redevances
rial ; quelquefois il ne l'est pas. Lorsque l'héri seigneuriales , ni relever de plus d'une sei
tage , qui en est redevahle , n'est chargé d'aucun gneurie.
cens , et que le champart est la première rede Cette distinction du champart seigneurial ou
vance dont l'héritage est chargé , il est, en ce non seigneurial , suivant qu'il est ou non la pre
cas , censé avoir été retenu sur l'héritage , non mière redevance dont l'héritage est chargé, est
seulement comme un droit utile, mais encore très ancienne. Elle se trouve dans l'Auteur du
comme un droit recognitif de seigneurie , que grand Coutumier, et forme le droit commun.
s'est retenu celui, qui a donné l'héritage à ce Quoique le cens soit présumé être la rede
titre ; et conséquemment le champart est , en vance seigneuriale plutot que le champart,
ce cas , un droit seigneurial. néanmoins , s'il était justifié par les litres , que
Si l'héritage redevahle du champart est aussi le champart est plus ancien que le cens , et que
chargé d'un droit de cens , soit envers le même c'est celui , qui tenait l'héritage à droit de cham
seigneur, à qui le champart est dû , soit envers part , qui l'a depuis donné à cens , en ce cas , le
un autre seigneur ; en ce cas , le cens est censé champart serait la redevance seigneuriale, et le
être la première redevance et la redevance cens ne serait pas un vrai cens , mais une rede
seigneuriale : car c'est la nature du cens d'être vance foncière : celui , qui le tenait roturière-
recognitif de la seigneurie , et il ne serait pas ment à droit de champart , n'ayant pu le donner
proprement cens sans cela ; en ce cas , le à cens, et se retenir une reconnaissance, re
518 DES CHAMPARTS.
cognitive d'une seigneurie qui n'était pas par La dime se lève avant le champart , qui n'esi
devers lui. que la quotité des gerbes qui restent après U
Lorsque le champart est seigneurial , il a les dime prélevée. Derri , art. 25, tit. 10.
prérogatives des redevances seigneuriales; en Le champart est requérable , à moins qu'il t"j
conséquence : ait des titres qui obligent le redevable à le en
1s Il est imprescriptible, c'est-à-dire, que duire dans la grange champarteresse , on crw
les possesseurs des terres tenues à ce droit , ne longue possession qui équipolle à titre.
peuvent en acquérir la libération par quelque Le champart ne s'arrérage point ; le leignev.
laps de temps que le seigneur ait laissé passer à qui il est dû , est présumé en avoir été pay:
sans se faire servir de son droit. tous les ans.
2« 11 ne se purge point par décret. Si le redevable avait contesté le champart . ii
3« II emporte profit de vente aux mutations n'est pas douteux que le champart serait dù *
de l'héritage, dans les Coutumes qui ne s'en toutes les années pendant lesquelles la contes
expliquent pas. tation aurait duré.
Par une disposition singulière de la Coutume
d'Orléans , les terres tenues à droit de champart $ II. SI'B QUELLES TERRES SE PERÇOIT L.E CBUMl!.
ne sont sujettes à aucun profit, lors des muta
tions. Orléans, art. 143.
Observez néanmoins que , lorsque les terres Le champart se perçoit sur les terres qui ns!
sont chargées d'un cens et d'un champart , été baillées à cette charge, ou sur lesqt»
quoiqu'envers le même seigneur, le champart , quelqu'un a acquis, par prescription . le drorf
dont elles sont chargées , ne les affranchit pas de l'y percevoir; car le droit de champart.
du droit de vente , ni de relevoisons aux muta comme les autres droits réels , peut s'acquénr
tions , qui est une suite du droit de cens. Or par la possession de trente ans , en laquelle quel
léans , art. 143. qu'un justifie avoir été de percevoir le chan-
Lorsque le champart n'est pas seigneurial : part sur une terre ; laquelle prescription «
1« Il est prescriptible comme toutes les trente ans ne court point contre les mineuvs.
autres redevances foncières. Cette longue possession donne le même dm:
2« Il se purge par le décret, comme les autres qu'un titre de bail à champart ; et elle fait pré
redevances foncières. sumer qu'il y en a un, quoiqu'il ne soit pas rap
La Coutume d'Orléans s'est écartée de ce porté.
principe : elle décide, en l'art. 480, qu'il n'est Lorsqu'un seigneur est en possession d"u-,
pas nécessaire de s'opposer au décret pour le champart seigneurial sur un terrain circonscri'-
champart, quoiqu'il ne soit pas seigneurial. La quand même il y aurait quelques-unes de
raison en peut être, que la perception du cham terres enclavées dans ce territoire , sur les
part étant publique , les adjudicataires en peu quelles , de mémoire d'homme , le champart
vent être facilement instruits , et que les décrets n'eût jamais été perçu , le seigneur néanmoic-
ne sont faits que pour purger les droits que les aurait droit de l'y percevoir , si le possesseur ne
adjudicataires pourraient ignorer. justifiait que lesdites terres relèvent d'an autre
3s Il n'emporte aucuns profils aux mutations. seigneur, ou qu'elles sont en fief. C'est une
Soit que le champart soit seigneurial , soit suite des maximes, qu'il n'y a nulle terre sacs
qu'il ne le soit pas, ce ne sont que les titres ou seigneur, et que le champart seigneurial est
la possession qui en déterminent la quotité ; elle imprescriptible.
n'est point déterminée par les Coutumes , si l'on Les terres tenues en fiefne sont point sujettes
en excepte un petit nombre : celle de Montargis au champart. Orléans , art. 142.
la détermine a la douzième gerbe ; art. 3 , Lorsqu'il s'est fait par allurion , des accrues
chap. S. a une terre tenue à droit de champart , le pro
La Coutume d'Orléans ne l'a point déter priétaire de celte terre , qui l'est aussi des ac
minée. Dans cette Coutume , la quotité est dif crues par droit d'alluvion, doit le champart
férente , suivant les différens titres ou usages r: pour les accrues, comme pour le reste de sa
il y a des champarts de la vingtième, de la terre ; car l'alluvion étant une union et acces
quinzième , de la douzième , de la neuvième sion nnturelle, ce qui est uni par alluvion doit
gerbe. Celui du chapitre de Saint-Aignan , sur suivre la nature de la chose principale à laquelle
plusieurs paroisses de la Beauce, est de la il est uni , suivant cotte règle : .Icivssoriuon
seizième. sequitur nui m a m reiprincipalis et dominivne.
ARTICLE II. 519
ARTICLE II.
5 I. de l'obligation des détenteuvs des tevves n'avait point averti du tout. Mais quel est ce
SUJETTES A CHAMPART , PAR RAPPORT A LA PER temps? La Coutume d'Orléans ne s'en explique
CEPTION DE CE DROIT. pas. Celle de Montargis, chap. 3, art. 'A. dit : un
temps compétent. Celle de Berri, fit. 10, art. 27,
Celui , qui fait valoir des terres à champart, le détermine à vingt-quatre heures : on pourrait
soit qu'il en soit le propriétaire, soit qu'il en suivre cette Coutume comme voisine.
soit seulement le fermier, est obligé, lorsqu'il Il y a néanmoins des cas , auxquels une
les a fait moissonner, d'en donner avis au sei urgente nécessité peut dispenser le redevable
gneur de champart . ou à ses préposés , lorsqu'ils d'attendre les préposés du seigneur, pour compter
sont sur les lieux , avant que de les enlever, afin les gerbes , comme lorsque le temps se disposo à
que ledit seigneur ou ses préposes , puissent les un orage prochain.
•venir compter. Faute de donner cet avis , il Lorsque le seigneur ou ses préposés, ayant
encourt une amende de 60 sous tournois. Ord. , été avertis et attendus un temps compétent, ne
art. 141. sont pas venus compter les gerbes ; ou lorsque
Le détenteur n'est pas obligé d'aller chercher le redevable n'a pu les avertir, parce qu'ils
le seigneur ou ses préposés , pour leur donner n'étaient pas sur les lieux ; en l'un et l'autre cas,
cet avis ailleurs que dans ta paroisse où sont les le redevable doit appeler des témoins , en pré
terres , ou en la grange champartresse, s'il y en sence desquels il compte les gerbes du champ
a une, quand même elle serait hors de la sujet au champart; après lequel compte il doit
paroisse. Si le seigneur, ni personne de sa part conduire le champart en la grange champarte-
ne s'y esl trouvé , le détenteur n'encourt , en ce resse , s'il est rendable : s'il n'est pas rendable ,
cas , aucune amende faute d'avoir averti. il est quitte du champart, en le laissant sur
Cet avertissement se fait verbalement; mais, le champ, et il peut emmener ses gerbes ; Iliais,
comme le seigneur ou ses préposés pourraient art. 133.
en disconvenir, et que c'est au redevable à Si le redevable avait manqué, en l'un ou en
justifier, pour éviter l'amende , il doit prendre l'autre de ces cas ci-dessus, de compter les
des témoins lorsqu'il fait cet avertissement. La gerbes en présence de témoins, il ne serait,
Coutume de Berri , lit. 10, art. 26, porte pour cela, sujet a aucune amende; car les
qu'un seul témoin suffit pour le constater. amendes ne sont dues que dans les cas pour les
La Coutume n'oblige d'avertir le seigneur, que quels précisément les Coutumes les prononcent;
pour qu'il puisse venir ou envoyer compter les et elles n'en prononcent pas pour avoir manqué
gerbes ; d'où il suit que le redevable , après qu'il d'appeler des témoins au compte des gerbes; mais
l'a averti, doit l'attendre pendant un temps la peine de n'avoir pas pris cette précaution,
convenable, avant (pie de pouvoir enlever ses sera que U seigneur ne sera pas obligé de s'en
gerbes; car, s'il les enlevait aussitot que le sei rapporter au compte des gerbes que le rede
gneur a été averti, et avant qu'il eût pu les vable aura fait seul et sans témoins , ni de se
venir compter, ce serait l'avertir d'une manière contenter de ce qu'il lui aura conduit dans sa
illusoire : ce ne serait pas satisfaire à la Cou grange ou laissé sur le champ ; mais il pourra
tume ; et, par conséquent, le redevable n'évite faire ordonner une estimation de ce que le champ
rait pas plus l'amende, en ce cas, que s'il aura pu produire do gerbes, pour régler le
520 DES CHAMPARTS.
champart sur cette estimation ; et le redevable La Coutume de Blois , art. 131, le leur déie-
sera condamné aux frais de cette estimation, absolument. Dans cette Coutume , et autres seon
auxquels il a donné lieu, en n'appelant pas des blables , le seigneur de champart peut empêeàei
témoins; et il doit surtout y être condamné, les tenanciers de changer la forme de les--
lorsque l'estimation se trouve plus forte que ce héritages ; par exemple, de faire de terres lalws
qu'il avait laissé pour le champart . rables, un bois, une vigne, un pré, un éUn:
Au contraire, lorsque, dans l'un ou l'autre quand même ils offriraient d'indemniser le sei
des deux cas ci-dessus , le redevable a pris des gneur.
témoins pour faire compter ses gerbes avant que Au contraire, la Coutume de Montarrs.
de les enlever, le seigneur ne .peut refuser de chap. 3 , art. I , le permet en indemnisas! >
s'en rapporter au témoignage de ces témoins , seigneur. Je pense que c'est à cette Couhra,
pour la quantité de ces gerbes , à moins qu'il qu'on doit s'en tenir, comme plus conforme i a
n'eût de grands reproches contre eux ; et il doit liberté naturelle que doivent avoir des propnr-
s'imputer de n'avoir pas fait trouver quelqu'un taires , de disposer de ce qui leur appartient, ri
de sa part pour les compter. au bien public, qui est intéressé à ce que In
Si le redevable n'avait point averti les pré particuliers aient la liberté de faire produira i
posés du seigneur, quoiqu'ils fussent sur les leurs terres ce à quoi ils remarquent quel-,
lieux , ou , sans aucune juste cause , eût enlevé peuvent être plus propres.
ses gerbes sans les attendre , le compte , qu'il C'est aussi ce qui est observé dans la Coûtam
prétendrait en avoir fait devant les gens à lui d'Orléans , quoiqu'elle ne s'en explique pu:
affidés , pourrait paraître suspect. nous en avons plusieurs exemples.
Cette indemnité doit être réglée par >fc
S II. DE L'ORLIGATION , EN LAQUELLE SONT LES POS experts nommés par le seigneur et par le teaxs-
SESSEURS DES TERRIL A CHAMPART, DE LES CULTI cier, aux frais du tenancier : elle se règle, oc
VER , ET S'ILS PEUVENT EN CHANGER LA EORME. en une certaine redevance annuelle en argvat
dont ces terres doivent être chargées à la pliei
Les possesseurs de terres sujettes au droit de du champart, ou en une certaine quotité sa
champart , doivent les cultiver de manière que fruits que la terre convertie en sa nouvelle
le seigneur puisse y percevoir son droit de forme produira, et qui réponde à la valeur fc"
champart. ce que pouvait produire le champart , si la terre
Le possesseur peut néanmoins laisser reposer eût été laissée en son ancienne forme : rayr:
ses terres , selon l'usage du pays : le seigneur de l'Introduct. au Tit. 4 de la Coutume d'Or
champart ne peut pas s'en plaindre , et ne peut léans.
rien exiger pendant les années de repos ; il en Si le tenancier, sans changer entièrement U
est dédommagé , parce que les terres étant plus forme des terres sujettes à champart , y snst
fertiles après le repos, son champart en est fait des plantations considérables d'arbres frai-
après le repos plus considérable. tiers, qui diminuassent beaucoup par Iro--
Si le tenancier laissait ses terres sujettes au racines et parleur ombre, la quantité des grain-
champart, incultes et vacantes pendant un temps que ces terres avaient coutume de produire. Ir
plus long qu'il n'est d'usage dans le pays, les seigneur de champart devrait être indemnisé de
Coutumes ont , en ce cas , différemment pourvu la diminution qu'en souffre son champart, par
à la punition du tenancier négligent , et à l'in une indemnité qu'on lui accorderait sur It
demnité du seigneur de champart. Il y en a qui revenu de ces arbres fruitiers. Basnage rappovte
vont jusqu'à priver à toujours de ses terres le un arrêt du Parlement de Normandie, qui l'a
tenancier négligent (Berri , lit. 10, art. 23; ainsi jugé.
Blois, art. 134). Dans celles qui ne s'en expli Mais , pour que le seigneur puisse prétendve
quent pas , telle qu'est la Coutume d'Orléans, le cette indemnité , il faut qu'il souffre une dimi
droit le plus raisonnable est , qu'après la somma nution considérable dans son champart : use
tion faite au tenancier de cultiver ses terres, de diminution légère ne doit point entrer en consi
manière que le champart puisse y être perçu , dération.
s'il ne se met en devoir de les cultiver, le sei
gneur de champart peut obtenir sentence, qui S lit. DES ACTIONS QU'A LE SEIGNEUR DE CHAMPAST.
lui permette de s'en mettre en possession, et de
les faire valoir à sou profit , jusqu'à ce que le
tenancier se présente pour les faire valoir. Le seigneur de champart n'a que la voie d'ac
C'est une question, si les propriétaires de tion pour se faire payer, tant du champart que
terres à champart peuvenjt en changer la forme. de l'amende que le redevable a encourue.
ARTICLE II. 521
Nos Coutumes ont accordé aux seigneurs de peut former la complainte pour la quasi-posses
censive, pour le paiement de leur cens , la voie sion du droit de champart , et de tous les autres
de la saisie censuelle ; mais elles ne l'ont pas droits réels, à l'instar de celle qu'on forme pour
accordée pour le paiement de ebampart. la possession des choses corporelles.
Il y a même une raison , pour laquelle les Le seigneur, qui prétend le champart, en
Coutumes n'ont pas dû accorder la voie de la justifiant la possession annale en laquelle il est
saisie pour le paiement du champart , comme de le percevoir, doit être maintenu à le perce
elles l'ont accordée pour le cens : cette raison voir par provision , pendant tout le temps que
est , que le seigneur, qui demande le paiement durera le procès au pétitoire, à la charge de
de son champart, qui ne lui a pas été rendu à sa rendre ce qu'il aura perçu , s'il n'établit pas
grange, ou n'a pas été laissé sur le champ, suffisamment, dans le procès au pétitoire, que
n'est point créancier d'une somme ou quantité ce droit lui appartienne.
déterminée, pouvant y avoir contestation entre Au pétitoire , ce droit s'établit non seulement
lui et le redevable, sur la quantité des gerbes par le rapport du titre primordial et constitutif
que la terre sujette à champart a produite : or, du droit de champart, mais, à défaut de ce
ou ne saisit que pour des sommes ou quantités titre, par des titres qui établissent une posses
déterminées. sion au moins trentenaire de ce droit , telles que
Celte raison doit faire décider que le seigneur seraient plusieurs reconnaissances , qui en au
de champart ne pourrait agir que par voie d'ac raient été passées par le possesseur de la terre
tion pour le paiement de son champart, même qu'on prétend en être redevable ; les baux, par
dans le cas auquel le redevable se serait obligé, lesquels le possesseur et ses auteurs en auraient
par une reconnaissance devant notaire, à la chargé les fermiers , ete.
prestation du champart. Lorsque le champart est seigneurial , il suffit
Quoiqu'il ne soit pas d'usage de faire passer au seigneur dejustifier que le terrain , sur lequel
des reconnaissances pour le champart , par les on lui conteste le champart , est dans l'enclave
nouveaux propriétaires des terres qui y sont de sa seigneurie et que toutes les terres, qui
sujettes, néanmoins je pense que les seigneurs environnent le terrain contesté, y sont sujettes;
de champart sont fondés à en demander, comme car, comme dans ces provinces, la maxime
pour toutes les autres redevances foncières. nulle terre sans seigneur a lieu, le possesseur
Lorsque le propriétaire des terres , qu'on pré du terrain contesté, ne justifiant pas relever d'un
tend sujettes à champart , refuse de le payer, et autre seigneur, est présumé relever pour ce
conteste le droit , le seigneur de champart, qui terrain , de la seigneurie dans l'enclave de
est en possession annale , peut former la com laquelle il se trouve , et aux mêmes droits aux
plainte; car c'est une jurisprudence reçue, qui quels relèvent toutes les autres terres de cette
ne fait plus aujourd'hui de difficulté, qu'on seigneurie.
rm DU CINQUIÈME ÏOUHF..
Tome V.
I
TABLE
FsgM.
De la division des biens en acquêts et pro § IV. De ce qui est uni à un propre. 133
pres. 121 \ V. De ce qui reste d'un propre et des
droits qu'on retient par rapport à un
SECTION PREMIÈRE. propre. 134
§ VI. De quelles qualités doivent être pré
Des propres réels. 121 sumés les héritages dont l'origine est
Avt. I. Qu'est-ce qu'un propre? Division , incertaine. 135
et quelles choses sont susceptibles de Avt. V. Des effets de la qualité des pro
cette qualité. ibid. pres, et quand elle s'éteint. iCid.
§ I. Qu'est-ce qu'un propre réel. ibid. I. Des effets de la qualité des propres, ibid.
\ II. Division des propres. ibid. ', U. Quand s'éteint la qualité des propres, ibiii.
§ III. Quelles choses sont susceptibles de
la qualité de propraa. 122 SECTION II.
Akt. II. Quel genre de successions fait des
propres. ibid. Des propres fictifs, ' 136
Akt. III. Quels titres équipollent à celui de § I. Des propres de subrogation. ibid.
succession. 123
§ I. Des donations faites par nos ascendans. ibid. section m.
§ II. Si la donation faite aux héritiers pré Des propres fictifs établis par les articles 94
somptifs en ligne ascendante ou collaté de la Coutume de Paris , et 35 1 de celle
rale fait des propres. 126 d'Orléans. 139
§ III. Quand le titre de substitution fait-il § I. De la nature des propres fictifs établis
des propres. 127 par l'art. 94 de la Coutume de Paris. ibid.
§ IV. Si la remise de la confiscation fait des § II. Quelles choses sont propres par la
propres ou des acquêts. 128 disposition de l'art. 94 de la Coutume de
Avt. IV. Quelles choses sommes - nous Paris. ibid.
censés tenir à titre de succession , et § III. Quel effet ont les propres fictifs. 143
par conséquent comme propres? 129 § IV. Quand s'éteignent les propres. 144
^ I. Des choses dans lesquelles nous ren § V. Si la subrogation établie par l'art. 94
trons par la résolution de l'aliénation de la Coutume de Paris , et l'art. 351 de
que nous en avions faite. ibid. celle d'Orléans, s'étend à autre chose
§ II. Des choses qui nous aviennent en qu'à la qualité de propre. 145
vertu d'un droit auquel nous avons suc
cédé. 131 SECTION rv.
§ III. De ce qui échoit par partage ou lici-
tation entre cohéritiers. 132 Desj>ropres conventionnels. 146
523 TABLE DES MATIÈRES.
PREMIERE PARTIE.
SECONDE PARTIE.
psg«- *■««■.
Des choses. 201 § II. De la division des choses incorpo-
j I. De la division des choses corporelles relies en meubles et immeubles. 204
en meubles et immeubles. ibid. § III. Des choses qui ont une situation , et
de celles qui n'en ont pas. 20S
TRAITE
PREMIÈRE PARTIE.
Pijei. P>>...
Chapitve pvéliminaive. 209 sont les personnes à qui , par notre droit
Ce que c'est que le droit de domaine de pro français , la chasse est permise , et celles
priété ; des manières dont il s'acquiert et à qui elle est défendue. 217
dont il se perd. 210 § 111. A qui le droit de chasse appartient-il. 218
§ IV. Comment ceux qui ont droit de chasse
CHAPITRE PREMIER. en doivent-ils user. 221
§ V. Du droit qu'ont ceux qui ont droit de
Ce que c'est que le droit de domaine de chasse, d'empêcher de chasser. 222
propriété, et en quoi il consiste. ibid. Avt. III. De la pèche et do l'oiselerie. 223
§ I. De la pêche. ibid.
CHAPITRE II. § II. De l'oiselerie. ibid.
Avt. IV. De l'invention; des trésors; des
Comment s'acquiert le domaine de pro épaves ; et de la découverte des pars
priété, et comment il se perd. 214 inhabités. 224
ject. I. De l'occupation des choses qui § I. De l'invention. ibid.
n'appartiennent à personne. ibid. S II. Des trésors. 225
Avt. I. Quelles sont les choses qui n'appar \ III. Des épaves. ibid.
tiennent à personne , dont le domaine de § IV. Des essaims d'abeilles. 228
propriété peut être acquis à titre d'occu ( V. Du droit de varech et choses gaives. ibid.
pation. 215 î VI. De l'occupation des terres inhabitées. 229
Avt. II. De la chasse. ibid. Avt. V. De l'occupation simplement dite. ibid.
3 I. Quels étaient les principes du droit Sect. II. De ce qui est pris sur l'ennemi. 230
romain sur la chasse. 216 Avt. I. Des conquêtes et du butin. ibid.
§ II. De l'abrogation du droit qui permet I. Des conquêtes. ibid.
tait la chasse à tout le monde. Quelles II. Du butin. ibid.
Tome V. 67
530 TABLE DES MATIÈRES.
Tas".
Avt. II. Des prises qui se font sur mer. 231 § III. De la tradition tongœ manûs. 256
§ I. Qui sont ceux qui ont droit de faire la § IV. Si la marque qu'un acheteur met, du
course sur les vaisseaux ennemis. ibid. consentement du vendeur, aux choses
§ II. Quels sont les vaisseaux et les effets qu'il lui a vendues , tient lieu de la tradi
dont la prise est légitime. 232 tion. iW.
§ III. De ce qui doit être observé par les § V. De la tradition qui est censée inter
capitainesdes-vaisseaux armés en guerre, venir par la fiction brevis marné*. 257
lorsqu'ils ont fait une prise ; et comment § VI. De la tradition feinte qui résulte de
se distribue le produit de la vente de la certaines clauses apposées au contrat de
prise. 237 vente ou de donation de la chose , ou
% IV. Des rançons. 239 autres contrats semblables. ibià.
Avt. III. Des prisonniers de guerre. 242 § VII. Des traditions qui ont lieu à l'égard
Sect. III. De l'accession. 243 des choses incorporelles. 258
Avt. I. De l'accession qui résulte de ce que Avt. II. Des conditions requises pour que
des choses sont produites de la nôtre, ibid. la tradition transfère la propriété. 259
Avt. II. De l'accession qui résulle de l'union § I. Première condition. Il faut que la tra
d'une chose avec la nôtre , qui se fait dition se fasse par le propriétaire de b
naturellement, et sans le fait de l'homme. 245 chose , ou de son consentemeut. >W-
Premier exemple. ibid. § II. Seconde condition. Il faut que le pro
De l'alluvion. ibid. priétaire qui fait la tradition, ou qui v
Second exemple. 246 consent , soit capable d'aliéner. 261
Des iles qui se forment dans les rivières ; et § III. Il faut que la tradition soit faite en
du lit que la rivière a abandonné. ibid. vertu d'un titre vrai , ou du moins pa
Troisième exemple. ibid. tatif, qui soit de nature à transférer la
Quatrième exemple. ibid. propriété. 262
Avt. III. Du droit d'accession qui résulte § IV. Du consentement des parties , néces
de ce que des choses ont été unies à la saire pour que la tradition transfère la
mienne par le fait de l'homme. 247 propriété. ihil
5 I. Règles pour discerner quelle est , dans § V. D'une autre condition pour que la tra
un tout composé de plusieurs ehoses , dition transfère la propriété , condition
celle qui en est la partie principale , et particulière à la tradition qui se fait en
celles qui n'en sont que les accessoires, ibid. exécution d'un contrat de vente. 264
Première règle. ibid. Avt. III. De l'effet de la tradition. M.
Seconde règle. 249 Avt. IV. Si la seule convention peut faire
Troisième règle. ibid. passer le domaine de propriété d'une per
Quatrième règle. ibid. sonne à une autre , sans la tradition. 266
(j II. De la nature du domaine que le droit Sect. V. Des manières de transmettre le
d'accession me fait acquérir de la chose domaine de propriété par le droit civil. 267
qui est unie à la mienne; et de l'action Sect. VI. Comment, et par quelles per
ad exhibendum qu'a celui à qui elle ap sonnes acquérons-nous le domaine de
partenait, ibid. propriété des choses. 269
J III. Quelle est l'espèce d'union qui donne § I. Par quelles personnes. sW.
lieu au droit d'accession. 250 § II. Comment acquérons-nous le domaine
Avt. IV. Do la spécification et de la confu de propriété. ls**
sion. 251 Sect. VII. Comment se perd le domaine
<j I. De la spécification. ibid. de propriété. 271
§ II. De la confusion. 253 § I. En quels cas sommes-nous censés per
Sect. IV. De la tradition. 254 dre, par notre volonté, le domaine de
Avt. I. Ce que c'est que la tradition; et propriété des choses qui nous appartien
quelles sont les différentes espèces de nent. *s*
tradition. 255 § II. En quels cas perdons-nous, sans noire
jj I. De la tradition réelle. ibid. consentement, le domaine de propriété
$ II. Ds la tradition symbolique. ibid. des choses qui nous appartiennent. 2"'
TABLE DES MATIÈRES. 531
SECONDE PARTIE.
CHAPITRE PREMIER.
demandeur, dans l'action de revendica
t'agtt. tion. 291
De l'action de revendication. 275 Aur. VII. De l'exécution du jugement qui
Avr. I. Quelles choses peuvent être l'ohjet a condamné le possesseur à délaisser la
de l'action en revendication ; par qui , chose revendiquée ; et du cas auquel il
et contre qui peut-elle être donnée. ihid. s'est mis, par dol ou par sa faute, hors
§ I. Quelles choses peuvent être l'ohjet de d'état de pouvoir le faire. 296
l'action en revendication. ihid. § I. Du délaissement que le possesseur deit
§ II. Par qui peut être intentée l'action de faire de la chose. ihid.
revendication. 276 § II. De la liquidation des fruits que le pos
§ III. Contre qui l'action de revendication sesseur a été condamné de restituer. 297
doit-elle être donnée. 279 J III. Du cas auquel le possesseur s'est
Avv. II. De ce que doit ohserver le pro mis hors d'état de pouvoir rendre la
priétaire avant que de donner la demande chose revendiquée. 298
en revendication ; de ce qu'il doit prati
quer en la donnant ; et quel est l'effet de CHAPITRE II.
la demande pendant le procès. 281 i
Avr. III. Quand le demandeur en reven De la pétition d'hérédité. 299
dication d'un. héritage ou d'une rente Secr. I. Par quelles personnes, et contre
est-il censé avoir justifié de son droit de quelles personnes peut être intentée la
propriété, à l'effet d'ohtenir en sa de pétition d'hérédité. ihid.
mande. 284 Aur. I. Par quelles personnes peut être in
Avr. IV. De la délivrance qui doit être tentée la pétition d'hérédité. ibid.
faite de la chose revendiquée au deman Avr. II. Contre qui peut être intentée la
deur, lorsqu'il a ohtenu en sa demande. 285 pétition d'hérédité. s 300
jj I. Comment, où, et quand se fait la déli Secr. II. Que doit étahlir le demandeur
vrance de la chose revendiquée , au de sur l'action en pétition d'hérédité, et ce
mandeur qui a ohtenu en sa demande, ihid. qui pent lui être opposé ; si et comment,
§ II. En quel état doit être rendue la chose pendant ce procès , les créanciers de la
revendiquée. 286 succession et les légataires se peuvent
Avr. V. De la restitution des fruits dont le faire payer. 302
défendeur doit faire raison au demandeur Avr. I. De ce que doit étahlir le demandeur
qui a justifié de son droit de propriété de sur la demando en pétition d'hérédité ;
la chose revendiquée. 287 et de ce qui peut lui être opposé. ihid.
§ I. A l'égard de quelles choses y a t il lieu Auv. II. De l'effet du procès pendant sur
à la restitution des fruits dans l'action de la pétition d'hérédité. 304
revendication. ihid. § I. De son effet vis-à-vis des parties
£ II. Depuis quel temps le possesseur de plaidantes. ihid.
mauvaise foi est-il tenu de faire raison § II. De l'effet du procès pendant sur la
des fruits ; et de quels fruits. ihid. pétition d'hérédité vis-à-vis des tiers ,
§ III. De quand le possesseur de honne foi tels que sont les créanciers de la succes
est-il tenu des fruits ; et de quels fruits. 288 sion et les légataires. 305
§ IV. Quels sont les principes du droit Secv. III. De la restitution qui doit être
français sur la restitution des fruits , dans faite au demandeur qui a ohtenu sur sa
les demandes en revendication. 290 demande en pétition d'hérédité. ihid.
Auv. VI. Des prestations personnelles du $ I. Quels sont ceux qui sont possesseurs
532 TABLE DES MATIÈRES.
de bonne foi , quels sont ceux qui sont Sect. IV. Des prestations personnelles dont
possesseurs de mauvaise foi. 306 est tenu le possesseur , sur la demande
§ II. Quelles sont les choses que le posses en pétition d'hérédité. 31 1
seur doit restituer au demandeur qui a Première différence. 312
obtenu en son action de pétition d'héré Seconde différence. 315
dité, ibid. Troisième différence. 316
' § III. De la différence entre le possesseur Quatrième différence. ibid
de bonne foi et celui de mauvaise foi ,
par rapport aux choses qu'ils ont çessé Sect. V. Des prestations personnelles aux
ou manqué de posséder. 308 quelles est tenu le demandeur envers le
§ IV. Pour quelle part la restitution doit- possesseur qui doit lui rendre les biens
elle être faite, lorsque le demandeur en de la succession. 317
pétition d'hérédité n'est héritier que pour Sect. VI. Des actions qui sont à l'instar de
partie. 310 la pétition d'hérédité. 33)
TRAITE DE LA POSSESSION.
TRAITE DE LA PRESCRIPTION
QUI RÉSULTE DE LA POSSESSION.
PREMIERE PARTIE.
SECONDE PARTIE.
Des autres espèces de prescriptions qui font Avt. III. De la prescription pour acquérir
acquérir par la possession. 398 les meubles corporels. •
Avt. I. De la prescription de trente ans. ibid. An'. IV. Du ténement de cinq ans , qui a
§ I. Des choses qui sont susceptibles de cette lieu dans quelques Coutumes. &
prescription. ibid. § I. Quelles choses peuvent être affranchies
§ II. Du temps de cette prescription; et de do leurs charges par cette espèce de
l'union que le possesseur peut faire du prescription ; et de quelles espèces de
temps de la possession de ses auteurs avec charges. f
la sienne. 400 § II. Quelles sont les espèces de charges des
§ III. Des qualités que doit avoir la posses héritages nu autres immeubles dont le
sion pour la prescription de trente ans. ibid. ténement de cinq ans affranchit. ^
^ IV. A qui est-ce à prouver la possession § III. Quels sont ceux quipeuvent acquérir,
trentenaire ; et comment elle se prouve. 401 par le ténement de cinq ans, l'affran
§ V. De l'effet de la prescription de trente chissement des rentes et hypothèques
ans. ibid. dont leur héritage est chargé. W
Avt. II. De la prescription de quarante ans § IV. Contre quelles personnes court l>
contre l'église et les communautés. 404 prescription du ténement de cinq ans. i"
TABLE DES MATIÈRES. 5IJ5
Pag».
5 V. Quelles qualités doit avoir la possession titre, qui a lieu dans quelques Coutumes. 425
pour acquérir par le ténement de cinq § III. De la prescription de quarante- un ans ,
ans. 417 qui a lieu au pays de Sole. ibid.
§ VI. De quand commence à courir la pres Avt. VII. De quelques prescriptions parti
cription du ténement de cinq ans; et culières, pour l'acquisition de certains
quand elle est censée accomplie. 419 droits. ibid.
Akt. V. Quelle loi doit régler les prescrip § I. De la prescription par laquelle un sei
tions par lesquelles nous acquérons le gneur prescrit , contre un autre seigneur,
domaine de propriété des choses, et le domaine de supériorité sur des héri
l'affranchissement de leurs charges. ibid. tages, ibid.
§ II. De la prescription par laquelle les
Akt. VI. De quelques espèces de prescrip- gens de main-morte acquièrent l'affran
tionsqui ontlieu dansquelques Coutumes chissement du droit qu'ont les seigneurs
particulières. 423 de leur faire vider les mains des héritages
§ I. Des prescriptions de sept ans, qui ont qu'ils acquièrent dans leur seigneurie. 429
lieu dans la Coutume de Bayonne. ibid. Avt. VIII. De la possession centenaire, ou
§ II. De la prescription de vingt ans, sans immémoriale. 429
TRAITÉ DE L'HYPOTHEQUE.
Akticle pvkiimixaive. 435 § II. Par qui les choses peuvent-elles être
Ce que c'estque l'hypothèque , et ses diffé hypothéquées. 441
rentes espèces. ibid. § III. Pour quelles dettes peut-on hypo
théquer. 443
CHAPITRE PREMIER.
CHAPITRE H.
De ce qui concerne la création de l'hypo
thèque. 436 Des effets de l'hypothèque, et des actions
Sect. I. Quelles sont les causes qui produi qui en naissent. 444
sent l'hypothèque. ibid. Sect. I. Do l'action hypothécaire simple
Avt. I. De l'hypothèque qui naît des actes ment dite. 445
devant notaires. ibid. Avt. I. De la nature de l'action hypothé
^ I. Observations générales. ibid. caire simplement dite. Par qui et contre
\ II. Quels notaires sont compétens, pour qui s'intente-t-elle. ibid.
que leurs actes puissent produirent hy Avt. II. De l'exception de discussion et
pothèque. 437 dès autres qui peuvent être opposées
§ III. Des formes dont doivent être revê contre l'action hypothécaire. 446
tus les actes des notaires pour produire § I. De la nature de cette exception , et en
hypothèque. 438 quel temps peut-elle être opposée. ibid.
$ IV. Des actes sous signature privée , re § II. Par qui, et à l'égard de quelles créan
connus pardevant notaires , et en justice, ibid. ces cette exception peut-elle être oppo
Avt. II. De l'hypothèque des jugemens. ibid. sée, ibid.
Avt. III. De l'hypothèque que produit la § III. Quels biens le créancier est-il obligé
loi seule. 439 de discuter , et aux fi ais de qui. 447
Sect. II. Quelles choses sont susceptibles § IV. De l'exception qui peut être opposée
d'hypothèque, par qui peuvent-elles contre l'action hypothécaire , pour rai
être hypothéquées , et pour quelles son des impenses faites à l'héritage. 448
dettes. 440 § V. De l'exception qui résulte de la garan
§ I. Quelles choses sont susceptibles d'hy tie. 449
pothèque, ibid. $ VI. De l'exception cedvndarum actionum. 450
5.18 TABLE DES MATIÈRES.
PsgCs.
Avt. III. De l'effet de l'action hypothé § VI. De la prescription de l'hypothèque,
caire. 4SI et de quelques autres manières intro-
Sect. II. Des autres actions qui naissent duites par les lois , pour purger les hypo
de l'hypothèque. 453 thèques. «6
§ I. De l'action personnelle hypothécaire, ibid.
§ II. De l'action d'interruption. 455 CHAPITRE IV.
Sect. III. De l'exécution des hypothèques;
de leur subrogation d'une créance à une Du nantissement. 46!
autre , et de l'ordre entre les créanciers Avt. I. De la substance, de la nature, et
hypothécaires. ibid. de la forme du nantissement; des choses
qui en sont susceptibles ; des personnes
APPENDICE. qui peuvent constituer celle espèce de
page, et pour quelles dettes. âil
De ce qu'il y a de particulier touchant l'or § I. De la substance , de la nature , et de la
dre et le rang des hypothèques sur les forme du nantissement. " iW
offices. 461 § II. Quelles choses sont susceptibles du
nantissement; des personnes qui peu
CHAPITRE HI. vent constituer cette espèce de gage,
pour quelles dettes. *>','
Des manières dont s'éteint l'hypothèque. 462 Avt. II. Des effets du nantissement. lW-
§ I. De l'extinction de la chose hypothé § I. Du droit du créancier dans la chose
quée, ibid. qui lui a été donnée en nantissement. M
5 II. Du cas auquel le créancier hypothé 5 II. De l'engagement du créancier envers
caire acquiert la propriété de la chose le débiteur, produit par le nantisse
hypothéquée , et de la confusion. 463 ment, d
§ III. De l'extinction de l'hypothèque par § III. De l'obligation du débiteur qui a
la résolution et extinction du droit du donné une chose en nantissement envevs
propriétaire qui l'a constituée. 464 le créancier à qui il l'a donnée. Cl
§ IV. De l'extinction de l'hypothèque par
l'extinction de la dette pour laquelle CHAPITRE V.
elle a été constituée. 465
§ V. De l'extinction de l'hypothèque, par la De l'antichrèseet du contrat pignoratif. C3
remise expresse ou tacite que fait le Avt. I. De l'antichrèse.
créancier, de son droit d'hypothèque. 466 Avt. II. Du contrat pignoratif. C5
TRAITE
DU CONTRAT DE NANTISSEMENT
tin DE la t uu.