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Revue
Revue d’études
d’études générales
générales
n° 07
DOCTRINE
DOCTRINE
La mutation
La mutation dudu cadre
cadre général
général
de l’emploi
de l’emploi des
des forces
forces
ETRANGER
ETRANGER
L’Armée de
L’Armée de terre
terre allemande
allemande
sur la
sur la route
route du
du futur
futur
LIBRES REFLEXIONS
LIBRES REFLEXIONS
“Parlez-moi de
“Parlez-moi de tactique”
tactique”
3 DOCTRINE N° 07
La mutation du cadre général
de l’emploi des forces
Progressivement, les facteurs classiques de la puissance militaire se trouvent remis en cause.
La résurgence d’une opposition militaire de blocs ne peut être exclue et il est possible qu’une
confrontation majeure se livre encore au cours du demi-siècle à venir sur le mode frontal et
classique qu’a forgé le XXe siècle. En revanche, il est certain que les armées auront demain
beaucoup plus souvent à intervenir dans des conflits “gris”, sans réelles frontières - entre
combattants “ et “non-combattants”, entre “extérieur” et “intérieur” - des conflits sans “cibles
à détruire”, sans adversaires clairement identifiables, des conflits où il s’agira davantage de lutter
contre la “nuisance” que d’affronter la “puissance”, des conflits où les effets à obtenir tiendront
autant de l’immatériel que du matériel.
Dans ces circonstances nouvelles, les éléments - hier constitutifs à eux seuls de la puissance
des nations et du succès de leurs armes - voient leur pertinence se dégrader. Il faut donc repenser
les outils et conditions des succès politiques.
PAR LE GÉNÉRAL VINCENT DESPORTES COMMANDANT LE CENTRE DE DOCTRINE D’EMPLOI DES FORCES
De la violence d’Etat
à la violence sociale
Depuis le Traité de Westphalie,
la logique des Etats et de la
puissance réglait la dyna-
mique internationale et les
pratiques de la violence. Sauf
exception, les conflits identi-
taires se contenaient dans les
frontières étatiques, leurs
contagions se bornant à la
proche périphérie et les irré-
dentismes ne faisant guère
école. L’organisation du mon-
de issue du deuxième conflit
mondial a, davantage encore,
ordonné le modèle ; les crises
ecpad/coll.documentation française
retour en force du local et du dotée des armes favorisant des et satisfaisantes un instant
tactique atténue de lui-même résultats techniques rapides, pour celui qui les conçoit : ce
l’utilité des armes du straté- détruit d’autant les équilibres faisant, elles ne règlent en rien
gique. patiemment établis. Dans ces les problèmes de fond et ten-
conditions, la dynamique de dent au contraire à engendrer
En aval, si la puissance conser- la discontinuité et de la pro- frustration, sentiment d’injus-
ve sa capacité destructrice jection d’effets s’avère sou- tice et regain de violence.
(comme lors des opérations vent contre-productive, oppo-
Allied Force au Kosovo en 1999 sée au temps long, à la
et Iraqi Freedom en 2003), compréhension des milieux et Face à la nouvelle réalité géo-
indispensable en particulier des hommes, à l’action en har- politique et conflictuelle, c’est
dans ses fonctions de dissua- monie avec les cultures donc bien la question de la
sion et de “réassurance”, elle locales. capacité limitée de certaines
affiche ses limites dans sa armes et de certains procé-
capacité à restaurer la stabili- La violence sociale trouve dés, donc de leur insuffisan-
té. Davantage même, elle com- même dans l’opposition à cet- ce, qui se trouve franchement
porte des effets pervers. te puissance qui la submerge posée et, inversant la ten-
L’intervention étrangère, usant des ressources renouvelées. dance moderne jusqu’ici res-
de la puissance de destruction Plus elle est combattue, plus pectée, impose la nouvelle
à distance de sécurité, pour elle se durcit ; à mesure qu’el- priorité donnée à la projection
mal adaptée qu’elle soit au le subit la puissance dissymé- de forces sur la projection de
traitement de la violence trique, elle se radicalise, puissance.
décentralisée, attise le dis- s’éloigne des expressions que
cours identitaire en s’opposant la puissance traditionnelle sait
à des expressions de violence combattre. Plus celle-ci s’op-
qu’elle avive plus qu’elle ne pose à la faiblesse, plus cette
maîtrise. dernière abandonne les règles
classiques de l’affrontement.
Parangon de la nouvelle puis- Par dépit, à défaut de savoir
sance de haute technologie, s’attaquer à la source même
l’intervention ponctuelle, sur de la violence, la puissance tra- 1 Sur les nouveaux rapports
de la conflictualité et de la
le mode “ tire et oublie”, bou- ditionnelle opte parfois pour puissance, on se rapportera
leverse les architectures des stratégies de punition col- avec le plus grand intérêt
sociales progressivement tres- latérale, apanage des armes à l’ouvrage du professeur
Bertrand Badie, L’impuissance
sées dans la durée séculaire. classiques agissant en “stand de la puissance, Paris,
L’impatience occidentale, off ” - à distance de sécurité -
Naturellement, les tenants et servants des armes de la guerre d’hier, quelle que soit
leur armée d’appartenance, perçoivent le monde à leur manière. Plus on est doué
dans un savoir-faire, plus aisément on poursuit dans sa propre voie ; aussi, les
puissances classiques restent-elles conservatrices dans leur façon de concevoir
l’action militaire et celle d’administrer la force en supposant - ou laissant croire - que
l’adversaire d’aujourd’hui peut se traiter comme celui d’hier. Pour des raisons
compréhensibles, le réflexe est au maintien des établissements militaires tels qu’ils
existent, à la préservation des équilibres d’hier, d’autant plus que la difficulté à
comprendre les nouvelles menaces - plus abstraites et plus qualitatives - ne pousse
guère à quitter les certitudes rassurantes des logiques conventionnelles et
quantitatives. Les forces dont la technologie plus que l’homme fonde l’efficacité
perçoivent naturellement l’événement et la méthode à travers ce prisme ; elles
recherchent des solutions dans leurs propres gammes de capacités. Disposant
surtout des armes d’une guerre improbable, la tentation est même forte, pour elles,
d’en accréditer l’éventualité, quitte à nier la
vérité du monde et se priver ainsi de toute
capacité sérieuse de son remodelage.
“Le niveau stratégique politique met en œuvre la stratégie globa- “Le niveau opératif est le niveau auquel des opérations sont pla-
le : c’est le niveau “auquel un Etat, ou un groupe d’Etats, fixe des nifiées, conduites et soutenues, en vue d’atteindre les objectifs
objectifs de sécurité à l’échelon national ou multinational et déploie fixés par le niveau stratégique sur des théâtres d’opération. Décrit
des ressources nationales, notamment militaires, pour les comme le niveau de coordination des actions interarmées, le
atteindre”1. Dans l’OTAN et l’UE, le Conseil de l’Atlantique Nord niveau opératif existe toujours. Il peut, dans certaines opéra-
(NAC : North Atlantic Council) et le Comité politique et de sécurité tions, être partiellement absorbé par les niveaux stratégique ou
(COPS), respectivement, exercent tout ou partie des responsabili- tactique”. (Doctrine interarmées)
tés de ce niveau”. (Doctrine interarmées)
Tactique : “Art de combiner, en opération, les actions de tous les
Stratégie générale militaire : “Conception, mise sur pied, organi- moyens militaires pour atteindre les objectifs assignés par la stra-
sation et mise en œuvre des moyens militaires en vue d’atteindre tégie opérationnelle”. (Glossaire interarmées)
les objectifs définis par le projet politique national ou multinatio-
nal dans le cadre d’une stratégie globale. “Le niveau tactique est le niveau auquel les batailles et les enga-
Note : ce niveau s’intéresse en particulier à la préparation et à la gements sont planifiés et exécutés pour atteindre les objectifs
conduite de la guerre”. (Glossaire interarmées) militaires assignés aux formations et unités tactiques. Ce niveau
est le niveau de combat des unités dans un domaine de lutte
“Le niveau stratégique militaire est le niveau de direction des opé- (...)”. (Doctrine interarmées)
rations militaires, de déploiement et d’emploi des forces dans un
cadre politique fixé. A ce niveau et dans un cadre national, le chef
d’état-major des Armées propose les orientations militaires qui
doivent permettre de satisfaire les objectifs politiques fixés. Il conduit
ensuite les opérations.
Dans l’OTAN, le Comité Militaire (MC : military committee) évalue La direction de publication
la contribution militaire à la satisfaction des objectifs définis par le
NAC, et le conseille à travers le Comité de planification de défense
(DPC : Defence planning committee). Pour élaborer ses recom- 1 Cf. AAP 6.
mandations, le MC consulte le grand commandement straté- 2 “operational” en anglais, ce qui provoque souvent des confusions et des erreurs
gique concerné (SC : strategic command) (...). Le plus générale- de traduction.
ment, le commandement opérationnel désigné conduit la
planification de l’opération puis l’opération elle-même sous la direc-
tion du commandement stratégique concerné. Celui-ci s’assure de
la conformité de l’opération avec les buts poursuivis”. (Doctrine ... avec une illustration tirée de la Doctrine
interarmées) interarmées d’emploi des forces en opération
Ces documents conceptuels et doctrinaux français, qui précisent les principes d’emploi des
forces et proposent aux chefs militaires de tout niveau des modes d’action et des organisations
du commandement possibles, sont bien sûr en cohérence avec les documents équivalents de
l’OTAN et de l’Union européenne que l’armée française a approuvés (et généralement contribués
à rédiger).
Documents interarmées
• Concept d’emploi des forces - Juillet 1997
• Manuel provisoire d’emploi de la composante terrestre de niveau corps d’armée - Land Component Command/Army Corps
- TTA 902 / 1 - Novembre 2002
La direction de publication
Or à la lumière de ces retours d’expérience et du constat effectué lors d’exercices récents, il me semble
que nous avons tendance à oublier, dans le feu de l’action, un petit référentiel que nous connaissons
pourtant bien tous. Lorsque la tentation devient forte, après une MEDO aux conclusions incertaines,
de s’en remettre à son intuition (French touch pour les uns ou French nose pour les autres), pourquoi
ne pas apprécier la pertinence des modes d’action envisagés à l’aune des sacro-saints principes de la
guerre : la liberté d’action, la concentration des efforts et l’économie des moyens, tous trois enrichis
de préoccupations nouvelles ? “Légitimités politique et médiatique de nos actions, maîtrise des effets
militaires et gradation des effets” ?
PAR LE GÉNÉRAL DE DIVISION ELRICK IRASTORZA, ANCIEN ADJOINT DU GÉNÉRAL COMMANDANT LA FORCE D’ACTION TERRESTRE
ET ACTUELLEMENT COMMANDANT DE LA FORCE LICORNE
ecpad/France
vant de les revisiter suc- pas d’autre ambition que de ments ne nous en épargnera
doctrine
En revanche est-ce une faute
A cessivement, il n’est
peut-être pas inutile de
rappeler que le premier devoir
contribuer à la construction de
cet espace de liberté intellec-
tuelle, tôt ou tard confrontée
aucun- me paraît difficilement
justifiable. Lorsque le but
recherché est de frapper les
de ne pas donner de mission
à son artillerie dans telle phase
d’une offensive en zone urbai-
du chef est de ne pas dénier à aux interrogations fondamen- esprits en s’emparant par ne au motif d’épargner le cœur
son adversaire le droit d’ap- tales sur la légitimité de l’ac- exemple d’un objectif sans historique de la cité ? De nos
pliquer lui-même ces principes tion. Liberté d’action en grand intérêt tactique mais jours plus que jamais, le prin-
universels. Une bande dotée conscience et légitimité de possédant une forte plus-value cipe d’économie des moyens
d’une centaine d’AK 47 et l’action ont toujours été étroi- médiatique, le fait de n’en rete- ne se décline plus dans sa seu-
quelques RPG7 dispersés dans tement liées. Ce qui est nou- nir initialement qu’un me le acception militaire. La vie
la zone d’action d’une brigade veau aujourd’hui c’est que cet- semble enfermer le chef dans des populations tout autant
restent un adversaire maîtri- te légitimité conditionne plus un tout ou rien aux effets que les infrastructures y
sable, mais qu’il lui prenne de que jamais l’issue de l’action dévastateurs en cas de mau- concourant, ou témoignant de
concentrer ses efforts sur une à conduire. Le chef militaire vaise fortune. La définition l’héritage culturel et historique
seule section qui serait rapi- n’en détient pas toutes les clés d’objectifs alternatifs préser- dans lequel plongent leurs
dement massacrée, produira comme il ne détient pas toutes ve la liberté de choix en cours racines, doivent être préser-
en réaction des effets qui celles délimitant son champ d’action et permet générale- vées. Cela dit, entre le fait
feront inévitablement changer d’action. ment de “se raccrocher aux d’écarter d’emblée une possi-
de nature la bataille. Dans ce branches” pour employer une bilité d’infléchir le cours de la
type de conflit le problème En effet son échiquier ne se expression un peu triviale. bataille et décider en cours
n’est pas seulement d’imagi- réduit plus à son seul cadre d’action de ne pas utiliser tel
ner comment nous devons pro- espace temps. Un contexte Jusqu’à présent le principe type de moyens, il y a de la
céder pour rester les plus forts politique national et interna- d’économie des moyens2, par- marge. Mais le chef militaire
et l’emporter, mais bien de rai- tional toujours plus complexe fois mis à mal dans quelques d’aujourd’hui doit bien être
sonner en ayant toujours à l’es- tout autant que des règles épisodes douloureux de notre conscient qu’entre la réussite
prit nos propres vulnérabilités. d’engagement alternant par- histoire militaire, ne prêtait guè- de sa mission, la vie de ses
En effet, l’adversaire ne fois d’un théâtre à l’autre, flou re à discussion. Il ne viendrait hommes et le prestigieux édi-
cherche pas la victoire militai- artistique et pointillisme blo- plus à l’idée d’aucun chef mili- fice cultuel du XIe siècle, il lui
re qu’il sait hors de portée mais quant, viennent sérieusement taire d’exposer indûment ses faudra peut-être choisir un
plutôt un avantage ponctuel à border son espace de unités et la vie de ses hommes jour.
fort retentissement psycholo- manœuvre. Ce n’est pas for- en optant en toute connaissan-
gique et médiatique. Cela fait cément un mal lorsque l’on ce de cause pour un mode d’ac-
longtemps que ces organisa- mesure les conséquences tion faisant peu de cas de cet- La concentration des efforts
tions se sont pourvues de d’une incursion malheureuse te considération alors qu’un est souvent associée au génie
“ JEC ” 1 ! ou les dégâts provoqués par autre mode d’action lui per- des quelques tacticiens hors
les dérives comportementales mettrait d’emporter la décision du commun dont peut s’enor-
La liberté d’action est le prin- qui déchaînent la haine là où, à moindre coût. Là encore la gueillir notre histoire militaire.
cipe auquel le chef, fort de ses par exemple, il aurait fallu mise en réserve de capacités Elle se conçoit le plus souvent
prérogatives et responsabili- gagner les cœurs. En avoir une permet de réaliser localement avant même d’avoir poussé le
tés opérationnelles, fait le plus claire perception au début de un déséquilibre favorable ou de premier pion ou s’exprime en
volontiers référence. Mais si l’action est aujourd’hui indis- soutenir une unité en difficulté conduite par une habile bas-
commander c’est choisir, pensable pour faire avancer tout en économisant les cule des moyens voire l’en-
conserver cette liberté en ses pions sur l’échiquier, sinon hommes. Mais il n’y a pas que gagement opportun de
cours d’action est une autre à coup sûr du moins plus serei- le potentiel humain. La projec- réserves, lesquelles consti-
affaire. Par analogie avec le jeu nement. tion de puissance, surtout dans tuant peu ou prou le lien entre
d’échecs je dirai qu’elle peut sa phase initiale se fera géné- ces trois principes.
se décliner en trois niveaux. Le choix du bon mode d’action ralement à moyens très comp-
initial paraît beaucoup simple tés et le soutien logistique relè-
et pousser le premier pion guè- vera, un peu comme d’habitude, Mais la gestion des crises nous
C’est d’abord, me semble-t-il, re plus sorcier. Certes, mais il de l’exploit humain et tech- incite là encore à une lecture
la liberté de conscience du reste à préserver sa liberté nique. Il n’est pas raisonnable un peu différente d’un princi-
joueur, celui qui va prendre la d’action dans la durée et là de perdre un tiers de son ravi- pe qui s’inscrit désormais sur
décision, pousser ses pions et c’est une autre affaire qui ne taillement en carburant et muni- une échelle de gradation des
par-là même son avantage. Elle s’improvise pas. tions et avec eux les logisticiens efforts et des effets. Le but de
doit être solide, forgée au fil qui les acheminent, pour avoir l’affrontement armé n’est pas
du temps dans nos écoles et Engager d’emblée tous ses voulu recompléter quasiment tant de détruire que de sou-
à l’école de la vie et s’appuyer moyens sans conserver dans sur la ligne de contact là où des mettre une volonté à une
sur un socle de références per- sa main les réserves permet- plots sécurisés à distance rai- autre, le plus souvent doréna-
sonnelles et professionnelles tant de prononcer un effort ou sonnable auraient été acces- vant, celle de la communauté
fortes. Les textes fondateurs de réagir face à l’imprévu - et sibles sans grands problèmes internationale.
de notre Armée de terre n’ont l’irrationalité des comporte- par rotations successives.
L’évolution récente de la nature des conflits et du contexte stratégique nous montre que dans les années
à venir nos forces armées seront confrontées à des menaces dissymétriques et surtout asymétriques.
Dans ce cadre, la place des forces terrestres sera privilégiée et elles devront bénéficier du soutien et de
l’appui des forces aériennes et maritimes.
PAR LE GÉNÉRAL DE DIVISION ALAIN BIDARD, SOUS-CHEF OPÉRATIONS-LOGISTIQUE DE L’ÉTAT-MAJOR DE L’ARMÉE DE TERRE
La nature des crises notions ne sont pourtant pas La phase de prise d’initiative même s’interroger sur l’effica-
nouvelles. Nos anciens ont lut- au cours de laquelle se dérou- cité et la légitimité du main-
té contre la guérilla et le ter- lent les engagements de coer- tien pour une longue durée de
La guerre froide est un rorisme à de maintes reprises cition se raccourcit singulière- forces armées sur un théâtre
exemple unique dans l’histoi- hors du sol national, lors de la ment. A l’inverse, la phase de où la violence relève quasi-
re, puisque les populations des campagne du Mexique, de la stabilisation où l’on doit maî- ment de troubles à l’ordre
deux opposants en sont sor- pacification du Maroc ou de la triser la violence s’allonge public.
ties positivement. Si l’on fait guerre d’Algérie par exemple. considérablement. Nos adver-
exception de la crise en saires potentiels ont vite com- Nous devons résoudre la cri-
Tchétchénie, les nations de Le véritable mérite de cette ter- pris que notre supériorité tech- se, c’est-à-dire repositionner
l’ex-bloc de l’Est et celles du minologie récente est de sus- nologique, numérique, le pays dans lequel nous
bloc de l’Ouest vivent en paix. citer un élan de réflexion pour financière nous rend invulné- sommes engagés dans un
Les analyses stratégiques redécouvrir - réinventer - la rables dans un face à face clas- référentiel de droit et de
convergent pour admettre que doctrine adaptée à la nature sique. Ils adoptent alors les “fonctionnement” permettant
cette situation paraît durable. des crises actuelles et à venir. techniques de guérilla dont la le transfert des charges de
Les nations modernes ont donc Les forces armées subissent la partie émergée est le terroris- sécurité aux forces de l’ordre
naturellement tourné leurs loi de l’offre et de la demande me et le harcèlement, mais et aux autorités locales.
centres d’intérêts et concen- et doivent adapter leur doctri- dont la partie immergée est la
tré leurs efforts sur la péri- ne, leur organisation, leur équi- conquête des populations. L’atteinte de ce stade passe
phérie de leur monde. La natu- pement pour être efficientes impérativement par un rallie-
re des crises qui s’y dans la résolution des crises ment de la population et des
développent est fort différen- pour lesquelles leurs diri- La gestion des crises dirigeants potentiels aux
te de celles que l’Europe a geants les engagent. valeurs internationales. Cette
connue sur son sol jusqu’à la vision politique est commune
fin de la seconde guerre mon- Parmi d’autres facteurs, la pau- Qu’attendent nos dirigeants aux nations occidentales, mais
diale. La doctrine occidentale vreté, la déstructuration et le de leurs forces armées ? Quel également depuis quelques
a formalisé la menace en la qua- fanatisme caractérisent les état final recherchent-ils ? années aux nations d’Europe
lifiant de “dissymétrique” et zones actuellement en crise, De nombreux commandeurs de l’Est : permettre l’assise
d’“asymétrique”. Catalysées créent des menaces très éloi- notent, à leur retour d’opéra- d’un régime démocratique qui
par les engagements améri- gnées de celles répertoriées tion, que cet état final n’était respecte les traités internatio-
cains post-11 septembre, ces pour les combats classiques. pas clairement défini. On peut naux et les droits de l’homme.
En effet, seules les forces terrestres peuvent créer les conditions nécessaires pour le retour à
l’état de droit, la paix des institutions et celle des cœurs. En charge de la sécurité, au contact
de la population et des autorités civiles, leur action se fonde sur leur capacité à simultanément
dissuader, contrôler, et si nécessaire réagir par un emploi maîtrisé de la force, l’ensemble créant
une part essentielle de l’environnement indispensable pour le retour à la normalité.
Dans ce cadre, les engagements récents, tant nationaux que multinationaux, sont très riches
en enseignements et autorisent à définir progressivement un corpus doctrinal visant à mieux
préparer les unités à ce type d’intervention. Mais ils posent aussi des questions de fond sur
les équilibres capacitaires qu’il convient d’assurer dès lors que l’on veut tout à la fois être
en mesure de créer le choc initial puis de stabiliser la situation dans la durée. Le concept
des “Three blocks war”, les options d’organisation en forces d’entrée en premier et en forces
de stabilisation, la spécialisation des forces à l’échelle internationale pour l’une ou l’autre
des missions, ont tous un lien fort avec le défi capacitaire à relever pour faire face aux exigences
propres à la différenciation des engagements entre coercition et maîtrise de la violence.
L’expérience acquise permet de mieux préciser les capacités nécessaires aux forces terrestres
en phase de stabilisation.
PAR LE GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE JEAN-CLAUDE THOMANN, COMMANDANT LA FORCE D’ACTION TERRESTRE
En premier lieu se pose la conditionneront le succès du liser, pour un meilleur entraî- mode d’engagement à un
question du commandement. second, il n’en reste pas moins nement, voire une plus gran- autre. Le concept de PCTIA est,
Il s’agit en fait d’une redou- que dans la stabilisation le de efficacité, ou mieux vaut-il à cet égard, une tentative de
table problématique car il est commandement à tous les retenir un schéma plus évolu- fusionnement, pour la gestion
clair que le centre de gravité échelons s’exerce en corréla- tif, en greffant par exemple sur des crises, de deux niveaux de
et les fonctionnalités d’un PC tion, plus ou moins étroite, un même noyau intangible les responsabilité (EMF et briga-
de stabilisation ne sont pas avec des autorités civiles dont cellules et fonctions addi- de) fortement différenciés dans
exactement ceux d’un PC de l’action est prioritaire pour la tionnelles requises par l’un ou le cadre des engagements
conduite d’un combat pour résolution effective de la crise l’autre des engagements ? dédiés à la seule coercition.
neutraliser ou détruire un et répond à des impératifs par-
adversaire. S’il doit exister une fois difficiles à concilier avec La réponse n’est pas évidente En matière de renseignement,
corrélation forte entre un PC ceux propres à la composante et repose en partie sur les la donne est également d’un
de bataille et un PC de retour militaire. Cette différenciation capacités culturelles des états- autre ordre. En stabilisation,
à la paix, ne serait-ce que par- pose la question des struc- majors à s’adapter et à déte- la priorité va au renseignement
ce que le premier doit condui- tures de PC à adopter selon nir la flexibilité nécessaire humain. Il ne s’agit pas de
re son action en ayant toujours les grandes phases de l’en- pour, au-delà des requis orga- repérer et identifier des
en filigrane les impératifs qui gagement : faut-il les spécia- nisationnels, passer d’un masses ayant une capacité cri-
Ce bref tour d’horizon de la problématique d’ensemble des capacités nécessaires aux forces terrestres dans les
opérations de stabilisation met en évidence la nécessité de les situer dans un ensemble, tant doctrinal
qu’humain et matériel, beaucoup plus large que celui de la seule stabilisation. Mais celle-ci, de par sa nature,
est une mission prioritaire des forces terrestres, seules à pouvoir la conduire au sein des populations, dans la
durée nécessaire jusqu’à son aboutissement.
Il y a bien là pour les forces terrestres modernes un réel défi, qui induit des choix difficiles tant en matière
d’équipements que de structures ou encore de formation du personnel.
La professionnalisation, qui autorise les qualifications multiples, une certaine polyvalence des unités, nos
facultés d’adaptation et de flexibilité, produits de notre expérience et de notre formation, sont des bases
solides pour relever le défi, instaurer les équilibres capacitaires indispensables et in fine, agir en stabilisation
avec l’efficacité nécessaire et suffisante.
es opérations récentes démontrent, d’une manière évidente, qu’il n’existe plus d’opérations
L exclusivement aériennes suivies par des opérations terrestres voire aéromaritimes, mais
qu’aujourd’hui les opérations sont multinationales et d’essence interarmées. Dans ce
cadre, le commandant interarmées de théâtre (JFC), situé entre le niveau stratégique et tactique,
joue un rôle primordial, puisque c’est ce niveau de commandement sur le théâtre qui décide en
fonction de “ l’effet recherché ” du meilleur emploi des forces mises à sa disposition sur place,
c’est-à-dire du choix de la composante “menante” et des composantes “concourantes ”.
Afin de mieux comprendre le rôle joué par le commandant d’opérations air (JFACC), il convient
tout d’abord de resituer les trois niveaux de commandement puis d’insister sur l’importance
du commandement interarmées de théâtre et de montrer comment les quatre composantes
(terre, air, mer et forces spéciales) peuvent être employées alternativement suivant le schéma
décrit précédemment dans un tempo des opérations de plus en plus rapide. Au sein de ces
structures, le commandement air tient un rôle primordial pour donner à l’arme aérienne toute
sa puissance dans une campagne totalement interarmées et qui exige une très forte réactivité.
PAR LE GÉNÉRAL DE CORPS AÉRIEN JEAN-PATRICK GAVIARD, COMMANDANT LA DÉFENSE AÉRIENNE ET LES OPÉRATIONS AÉRIENNES (CDAOA)
Dans ce cadre, le niveau opératif véritable miroir du niveau stratégique sur le théâtre d’opération représente un
niveau indispensable, comme l’ont appris à certaines occasions, et à leurs dépens, les forces engagées au Kosovo
et en Afghanistan.
L’action politico-militaire menée par le commandant opératif nécessite d’utiliser toutes les forces armées. Elles
seront alternativement “menantes ” ou “concourantes ” en fonction de la situation. La réactivité doit être forte. Le
commandant air doit donc se projeter rapidement sur le théâtre d’opération au côté du “commandeur ” pour être
en mesure de lui proposer immédiatement des solutions adaptées.
En effet, si le commandant air est par nature le spécialiste de la 3e dimension, il est culturellement un expert du temps
qui aujourd’hui s’accélère. Cette expertise doit impérativement être utilisée par le commandeur de niveau opératif en
particulier dans le cas délicat du ciblage.
Le commandant air (JFACC) a ainsi la tête au niveau opératif et son bras armé (CAOC) au niveau tactique.
utre le contexte de la guerre froide où l’arme nucléaire a joué le rôle dissuasif que l’on sait, il existe
O peu d’exemples au cours des conflits auxquels la France a été confrontée, où les forces terrestres
n’ont pas exercé le rôle déterminant, qu’il s’agisse de la défense du territoire national ou des intérêts
stratégiques nationaux dans le monde. Participant grandement au succès militaire, elles sont chargées
de le consolider en assurant le contrôle du terrain le temps qu’il faut afin de marquer la volonté de la
France et de permettre le développement de la diplomatie et des politiques voulues par les autorités.
Que ce soit pour emporter la décision initiale ou pour “durer” sur le terrain, les forces terrestres
ont été amenées dès leur origine à déployer, parfois très loin du territoire national, un dispositif
logistique leur permettant de réunir, au bon moment et au bon endroit, toutes les ressources
nécessaires pour vivre et mener leurs missions opérationnelles.
Elles ont ainsi acquis, au fil des siècles, une expertise et un savoir-faire en matière de soutien
logistique opérationnel, sans cesse renouvelés pour s’adapter aux évolutions des modes d’action
et des systèmes d’arme. Pour des motifs tant stratégiques qu’organisationnels ou simplement
pragmatiques, cette compétence et cette capacité - initialement purement “terro-terrestres” -
sont, depuis longtemps déjà, exploitées au profit de l’ensemble des armées.
PAR LE GÉNÉRAL DE CORPS D’ARMÉE JEAN-LOUIS SUBLET, ANCIEN COMMANDANT DE LA FORCE LOGISTIQUE TERRESTRE
es opérations majeures voire plusieurs années, au D’une façon générale, le sou- s’agit tout d’abord sur le ter-
C’est pourquoi, l’Armée de terre, disposant des expertises requises et de l’expérience indéniable en matière de
procédures logistiques interalliées, est - sans doute - à même d’assurer la maîtrise d’ouvrage des processus de
multinationalisation du soutien opérationnel au bénéfice de toutes les composantes militaires françaises projetées sur
un théâtre donné.
Très clairement donc, l’Armée de terre se trouve toujours et durablement placée au cœur des engagements
opérationnels à longue distance. Ainsi, pendant l’année 2004, elle a été engagée, simultanément, dans cinq opérations
principales sur quatre continents et a soutenu ces opérations dans un cadre multinational.
Rien d’étonnant à ce qu’elle soit désignée armée pilote du soutien dans la quasi-totalité des cas. Elle dispose d’ailleurs
pour cela d’un état-major central spécifique, le commandement de la force logistique terrestre, que l’activité et
l’expertise installent de fait, d’ores et déjà, au centre du soutien logistique interarmées en opération.
C Le TTA 106 nous enseigne que l’interarmes - entendu ici à la fois comme adjectif et comme nom -
consiste en “l’emploi synchronisé ou simultané de plusieurs armes (ABC, infanterie, génie,...)
pour produire sur l’ennemi un effet supérieur à la mise en œuvre indépendante de chacune de ces
armes”. A la différence donc de l’interarmées où les forces terrestres, maritimes et aériennes coordon-
nent leur action, le plus souvent aux niveaux stratégique et opératif, les forces terrestres coopèrent en
combinant l’action des différentes armes, le plus souvent au niveau tactique.
Il est d’ailleurs intéressant de noter qu’à quelques exceptions près la manœuvre interarmes au sein de
l’Armée de l’air ou de la Marine n’existe pas : les chasseurs et les transporteurs, tout comme les sous-
mariniers et les “aéros” travaillent rarement ensemble. Les premiers sont cantonnés dans des métiers
différents et les seconds dans des milieux homogènes et totalement distincts.
L’anglais nous éclaire sur ces différences puisque l’interarmées se traduit “joint” et l’interarmes
“combined arms”.
Cela étant précisé, la question se pose de savoir la place qu’il convient de donner à l’interarmes
au sein de l’Armée de terre, tant en temps de paix qu’en temps de guerre.La guerre n’étant pas une
science exacte, la réponse n’est ni simple ni dogmatique.
Dans un monde où peu nombreux sont ceux qui maîtrisent l’accélération des événements et donc
de leurs conséquences - que ce truisme soit pardonné - l’heure n’est peut-être pas venue pour l’Armée
de terre de bouleverser fondamentalement sa conception de l’interarmes. En revanche il serait peu
raisonnable de ne pas tenir compte des enseignements tirés des conflits récents tout comme
des contraintes budgétaires, donc d’effectifs, qui pèsent sur les armées. Quoiqu’il en soit les voies
dans lesquelles l’Armée de terre s’engage doivent préserver toute possibilité de réversibilité.
PAR LE COLONEL FRANÇOIS RICHARD, DE LA DIVISION EMPLOI ORGANISATION DU CDEF (MAINTENANT CHEF DE LA DIVISION RECHERCHE ET RETOUR D’EXPÉRIENCE )
N’oublions pas Le premier de ces principes premier de façon très claire de la violence relève davanta-
les fondamentaux demeure celui qui consiste au mais le deuxième aussi en rai- ge du savoir être et de l’intel-
combat à vaincre l’ennemi jus- son du caractère toujours ligence de situation. Somme
qu’à sa défaite, littéralement réversible d’une opération de toute dans le premier cas il faut
La connaissance et la mise en jusqu’à ce qu’il soit “défait ”, maîtrise de la violence vers une pouvoir vaincre et dans le sec-
œuvre des principes fonda- en réalité jusqu’à ce que l’ef- opération de coercition fusse- ond, il faut savoir.
mentaux de la tactique pré- fet final recherché par la coali- t-elle limitée et temporaire.
servent la force terrestre enga- tion soit atteint. De façon Maîtriser peut parfois signifier
gée de toute erreur mortelle. désormais communément éradiquer. Les Américains ont gagné la
Cette règle s’applique d’autant admise, on distingue aujour- première guerre du Golfe et l’of-
mieux que la situation devient d’hui les opérations de coerci- Schématiquement, on pourrait fensive aéroterrestre de la
complexe, ces fondamentaux tion de celles de maîtrise de la dire que la coercition relève de deuxième car ils ont pu vaincre.
constituant des repères aux- violence. Le sujet qui nous inté- la puissance nécessaire pour Leurs difficultés actuelles en
quels le chef peut se référer, resse, l’interarmes, concerne établir un rapport de forces Irak résultent peut-être du fait
voire s’accrocher. ces deux types d’opération : le favorable alors que la maîtrise qu’ils ne savent pas vaincre.
A cet égard, le danger à éviter pour ne citer qu’elles. Ce sys- Faut-il réformer les tés PROTERRE au nom de l’im-
consiste à considérer que la tème mis en place depuis possible réversibilité évoquée
structures du niveau
nécessité d’engager sur les quelques années donne satis- précédemment en cas d’ag-
théâtres extérieurs un maxi- faction, mais ne nous leurrons régimentaire pour gravation de la situation. Ainsi
mum d’unités des différentes pas, lorsqu’une section ou une optimiser l’interarmes ? le GTIA constitue-t-il le niveau
armes pour leur donner de batterie est déployée à cet seuil générique de l’interarmi-
l’expérience, autorise la fusion effet, on ne peut lui demander sation, en opération. Il peut
des savoir faire de chaque de changer de posture instan- En opération extérieure, oui et exister des cas particuliers qui
arme. Le risque à terme serait tanément pour qu’elle repren- c’est désormais acquis. Le font alors l’objet de décisions
de disposer de soldats aptes ne son métier premier. Le choix faible volume de force requis sur de conduite prises sur place par
à tout donc bons à rien. Le opéré en planification est rare- les théâtres extérieurs où la le chef de l’unité considérée.
métier de logisticien est diffé- ment réversible notamment France est impliquée désigne le
rent de celui du sapeur ou du sur le plan des équipements groupement tactique interarmes
fantassin et la complexité des ou des munitions. Le CFAT comme l’unité la plus adaptée à A “l’arrière” il convient de dis-
systèmes d’armes contraint poursuit ses études dans ce remplir les missions qui lui sont tinguer la métropole des
inévitablement à spécialiser domaine et envisage à cet dévolues. Comportant toujours DOM/TOM et pays où nous
nos soldats. égard de projeter des unités des unités élémentaires des avons des forces préposition-
élémentaires dites de “métier” armes de mêlée et d’appui, ce nées.
Pour autant, la ressource aptes à l’emploi instantané- GTIA peut en fonction de la En France métropolitaine, le
humaine étant comptée, fort ment car structurées et équi- situation comprendre des élé- niveau organique le plus bas
opportunément l’Armée de ter- pées à cet effet. ments de soutien s’il est ame- d’une structure interarmes est
re a décidé qu’un certain né à agir seul temporairement. celui de la brigade, les régi-
nombre de missions simples Somme toute, sans s’interdire Les études sur la constitution ments étant homogènes par
dites communes de l’armée de des adaptations pragmatiques et l’emploi des BG 1500 armes. Le retour à des régi-
terre (MICAT) pouvaient être et de bon sens, le respect de (“ Battle Group ” européen) ments interarmes possèderait
remplies par des unités de quelques principes fonda- vont dans ce sens. davantage d’inconvénients (sur
toutes les armes, appelées mentaux du combat inter- le plan du soutien et de la for-
PROTERRE. Il s’agit des mis- armes préserve de toute erreur Le risque à éviter dans la consti- mation) que d’avantages
sions d’escorte de convoi ou fatale la force terrestre enga- tution de ces GTIA est bien celui (cohésion avant l’engagement
de contrôle de check-point gée en opération de coercition. de ne pas y inclure trop d’uni- par exemple).
a fonction appuis feux de l’artillerie de l’Armée de terre comprend deux volets : défense
L sol-air et feux dans la profondeur. Les cultures d’arme correspondantes sont voisines,
et l’emploi est normalement défini dans une même cellule au sein des centres opérationnels
(CO). Les avancées conceptuelles expérimentées sur le terrain par la brigade d’artillerie
confirment une évolution tactique semblable dans ces deux composantes, notamment par
la constitution de groupements tactiques d’artillerie. Toutefois les moyens sol-sol et sol-air
visent des effets différenciés : dans un cas coup au but d’emblée et quasiment sans préavis
contre un mobile adverse en vol, dans l’autre cas neutralisation après acquisition d’un objectif
ponctuel ou étendu, sur préavis plus ou moins bref et avec choix préalable de la munition.
Pour ces raisons qui dépassent la seule approche technique, l’emploi et la mise en œuvre
de ces deux composantes comportent aussi des spécificités propres à chacune.
Les fondamentaux
des appuis feux
- la gestion d’une “manœuvre une large gamme d’effets, souvent mal appréhendée par
de l’artillerie” globale, coor- les chefs opérationnels à cause du cloisonnement des
Vers une amélioration de donnée dans le cadre d’un tar-
capacités, réparties dans les structures-carcans de
la cohérence feux dans la geting ou d’échanges de feux,
centralisable pour marquer un l’organique. Ces structures conservent leur pertinence
profondeur
effort, tout en maîtrisant le pour l’apprentissage du métier et le soutien, mais en
déclenchement des frappes en
matière d’emploi, et grâce à la professionnalisation, on
temps réel,
La fonction feux dans la pro- - la nécessaire synchronisation prend l’ascendant sur les anciennes pesanteurs
fondeur est aujourd’hui très entre moyens de traitement et techniques et logistiques. Les compétences des EVAT,
structurée organiquement : d’acquisition,
- l’inscription des missions de l’ouverture des théâtres d’opérations aux artilleurs, même
- un régiment de canons de 155 feux sol-sol dans la manœuvre par le biais des unités PROTERRE, conduisent à des prises
dans chacune des brigades globale de la force. de conscience et à une volonté de répondre efficacement
interarmes (niveau 3). Ces
régiments disposent en aux exigences de la projection et du combat. L’évolution
propre de moyens d’acquisi- Ces actions sont conduites dans se fait dans le sens d’une meilleure adaptabilité par des
tion pour l’horizon visible des les CMO ou par les DLet rendues
structures polyvalentes à géométrie variable, avec
combats de mêlée ; interopérables grâce à la numé-
- deux régiments LRM au sein risation de la totalité de la chaî- apparition d’une émulation entre unités servant des
de la brigade d’artillerie pour ne de commandement des feux matériels différents. La coopération avec l’Armée de l’air,
les feux dans la profondeur via ATLAS. Des efforts sont en
l’ALAT ou la brigade de renseignement progresse. Enfin la
d’une force ou d’une division cours pour atteindre une
(niveaux 1 et 2). Ils sont en meilleure interopérabilité tech- cohérence d’ensemble en terme d’emploi demeure un
cours d’équipement avec le nique et tactique entre unités objectif important pour lequel les indispensables
radar Cobra pour surveiller, équipées de matériels diffé-
alerter, acquérir et observer rents (LRM/canon/mortier) et exercices Guibert, Fatextel et Opéra aident à trouver des
le traitement d’objectifs acquérir le savoir-faire des solutions pertinentes.
constitués d’artillerie. boucles courtes RENS/feux.
L entreprises, la presse ou même les partis politiques. Les mots de stratégie, de tactique ou
d’opérationnel y sont abondamment utilisés, souvent d’ailleurs avec un sens assez éloigné
de celui que nous militaires du 21e siècle lui donnons1, mais n’est-ce pas le cas aussi chez
certains militaires qui connaissent encore mal la doctrine d’emploi des forces et son volet
terminologie, mais aussi parfois l’histoire militaire ?
C’est oublier un peu vite les textes actuels qui fixent les principes et les règles d’emploi
de nos forces armées, et terrestres en particulier, mais aussi les enseignements des conflits
et crises du 20e siècle, qui, dans ces domaines en gigogne de la stratégie, de l’opératique
et de la tactique, nous ont donné quelques références permettant de nous y retrouver un peu
et d’éviter d’attribuer une importance exagérée à certaines actions militaires.
En effet, normalement, pour ne pas dire théoriquement, on devrait lier l’importance d’une
action au fait qu’elle permet d’atteindre ou non un centre de gravité2 ou un point décisif 3.
En fait, ce n’est pas toujours aussi simple, car la détermination des centres de gravité
ou des points décisifs, qui débouche souvent sur une liste normalement bien adaptée à
l’opération et donc différente selon le type d’opération, change si l’on passe d’une phase
d’intervention à une phase de stabilisation.
Aussi faut-il se garder des idées reçues dans cette approche de l’importance d’une action
militaire, et, au contraire, se raccrocher aux principes généraux qui ont fait leurs preuves.
Et, avant de parler et d’agir, sans doute convient-il de méditer sur l’importance relative de
nos actions dans la pyramide des valeurs que nous nous sommes fixées et de faire preuve
de modestie en nous souvenant des terribles conflits qu’ont connu nos anciens.
Pour cela, nous allons revenir, dans les domaines stratégique, opératif et tactique, sur des
campagnes et opérations récentes et plus anciennes et essayer ainsi de mieux comprendre
l’importance relative de nos actions militaires actuelles et à venir.
PAR LE GÉNÉRAL (2S) JEAN-MARIE VEYRAT, CHARGÉ DE MISSION PUBLICATIONS AUPRÈS DU COMDEF
La Bundeswehr opérationnelle
L’Allemagne fait face à
ces défis et à ces La participation d’environ 7 000 militaires
risques en matière de allemands, hommes et femmes, dont 3 500
sécurité par la mise en appartenant à l’Armée de terre, entre autres
œuvre d’une politique aux opérations en Afghanistan et au Kosovo
de sécurité préventive, (la Bundeswehr y est le plus gros contribu-
Les paramètres prévalant concertée au niveau international et inter- teur), en Bosnie-Herzégovine, en Macédoine,
en matière de politique de sécurité ministérielle. La préservation de la sécu- en Géorgie, dans la Corne de l’Afrique ainsi
rité à l’échelle multinationale dans le cadre que dans les régions d’Asie du Sud-Est en
de l’architecture de sécurité que sont les proie aux catastrophes fait ressortir claire-
L’environnement de sécurité allemand s’est Nations Unies, l’OTAN, l’Union européen- ment l’importance que revêtent les nouvelles
radicalement transformé depuis le début des ne et l’OSCE de même que le partenariat missions.
années 90. L’élargissement de l’OTAN et de transatlantique en constituent les fonde-
l’Union européenne, de même que la nou- ments essentiels. C’est dans ce contexte Cependant, ces opérations sont réalisées à
velle orientation de la Russie en matière de qu’est recherchée à long terme la création partir d’une structure des forces armées qui
politique étrangère ont permis la création d’une union de sécurité et de défense ont pour vocation principale la défense du
d’un espace de stabilité euro-atlantique européenne. territoire national. Le changement de natu-
Avant-propos1
ujourd’hui les Etats-Unis et leurs alliés ont à faire face à une large gamme de menaces qui entraînent une
A quantité de conditions d’opérations plus complexes que précédemment. Bien que ces conditions requièrent
des adaptations de la façon de penser et d’opérer, les permanences dans l’art de la guerre font que les
forces terrestres restent le cœur de toute campagne militaire cohérente et réussie. La nature fondamentale de
la guerre n’a pas changé - comme Clausewitz nous le rappelle, une fois que des êtres humains se lancent dans
le domaine de la violence organisée à des fins politiques, ils pénètrent dans une dynamique tout à fait
différente, celle du combat. Et au combat, la capacité de dominer un adversaire sur le terrain demeure la
condition sine qua non du succès militaire à la poursuite d’objectifs politiques.
Ce qui ne veut pas dire que les conditions de la guerre n’ont pas changé - comme elles l’ont toujours fait. Avec
l’émergence de forces aériennes et spatiales extrêmement puissantes - qui participent à renforcer les
composantes maritimes et terrestres traditionnelles, des concepts comme ceux de frappes de précision et de
manœuvre dominatrice, qui reposent sur une maîtrise la plus totale possible de l’information et de ses
technologies, deviennent caractéristiques des opérations interarmées modernes. Mais même si elles ne
constituent qu’un élément parmi un ensemble de moyens de combat souples et ultrasophistiqués, les forces
terrestres n’en demeurent pas moins l’ultime arbitre des combats.
Plutôt que de réagir au bouleversement de l’environnement stratégique, l’US Army (Armée de terre des Etats-
Unis) tend à tirer profit d’une chance qui s’offre à elle au niveau stratégique et a commencé par lancer un plan
dynamique de transformation basé sur quatre stratégies liées les unes aux autres. L’une d’entre elles qui
consiste à fournir aux commandements opérationnels une force de combat terrestre adéquate et
immédiatement disponible, inclut l’effort de transformation principal, à savoir la création d’une force modulaire.
L’US Army est en train de développer une force opérationnelle ayant des capacités interarmées et de corps
expéditionnaire et de la faire évoluer en une force de type modulaire, interdépendante avec les composantes
air et mer afin de permettre une synergie de l’ensemble telle que les capacités de la force interarmées
résultante seront supérieures à la somme des capacités de ses composantes. La force modulaire de l’Army
comprendra des unités bâties en fonction des capacités requises et qui consistent en des éléments
standardisés, faciles à renforcer, à réorganiser en fonction des missions, à découper en éléments de base
(concept “ plug and play ”) pour réaliser des déploiements opérationnels tout en leur garantissant l’aptitude
à durer afin de pouvoir obtenir le succès lors de combats terrestres.
Ce qui suit est un résumé de l’étude intitulée “The Enduring Relevance of Landpower : Flexibility and Adaptability
for Joint Campaigns” rédigée par le Général de division Michael A. Vane (U.S. Army), et le Colonel Robert M.
Toguchi (U.S. Army), publiée en octobre 2003 sous la référence “Land Warfare Paper 44” par l’Institut d’étude
sur le combat terrestre de l’Association de l’Armée de Terre des Etats-Unis (AUSA)*.
US Army
The Army Reserve : An Overview
(www.army.mil/usar/pdfs/ArmyReserve-
Overview.pdf, 25 Septembre 2003).
4 Joint Publication (JP) 1, Joint Warfare of the
Armed Forces of the United States
(Washington, D.C. : Chairman of the Joint
gré et interdépendant avec la force terrestre sauts rapides et simultanés en des endroits Chiefs of Staff, 10 January 1995 edition), p. I-1.
et avec les capacités interarmées, multi- multiples. Le futur commandement inter- 5 See Joint Publication 01-2, Department of
Defense Dictionary of Military and Associated
nationales et inter-organisations. Cette armées sera capable de mettre en œuvre les Terms (Washington, D.C.: Department of
capacité mise en réseau tirera profit de l’en- futures unités des forces terrestres en diri- Defense, 12 April 2001, as amended through
semble des moyens interarmées afin de geant l’intégration continue de petites uni- 5 September 2003), p. 97.
6 2 directives stratégiques à moyen terme
délivrer des munitions de précision contre tés interarmées puissantes, se déplaçant le 7 Groupement tactique interarmes de niveau
les points décisifs et les centres de gravi- long de lignes d’opérations multiples et dis- brigade.
té ennemis. Le futur commandement inter- continues vers des zones d’objectifs de type 8 Command, control, communications,
computers, intelligence, surveillance and
armées sera capable d’orchestrer et de syn- forces, tout en engageant l’adversaire par reconnaissance.
chroniser toute la panoplie des moyens de des moyens feux, organiques ou non, sur- 9 Système commun de recueil et de
frappe à longue portée. puissants et précis, jusqu’au moment cul- présentation des informations relatives
au théâtre d’opérations.
minant de la manœuvre, lorsque le combat 10 U.S. Army Training and Doctrine Command
Les futurs engagements interarmées seront final à distance ou l’assaut rapproché per- Pamphlet (TRADOC PAM) 525-3-90, The United
caractérisés par une nouvelle organisation mettra la destruction des dernières forces de States Army Objective Force Operational and
Organizational Plan for Maneuver Unit of
opérationnelle qui fera évoluer la situation l’ennemi. Action, 22 July 2002, p. 6
au contact et à distance, et qui fera usage (http://www.atsc.army.mil/TSAID/
d’une combinaison équilibrée d’appuis feux UnitofAction.asp).
à distance, de manœuvre précises et d’as-
Conclusion
L’environnement géostratégique du 21e siècle nécessite la transformation de l’appareil militaire des Etats-Unis et en
particulier celui de ses forces terrestres. Personne ne peut prédire avec précisions quelle sera la menace future contre
les Etats-Unis et ses intérêts vitaux ou quelles seront les méthodes qui pourraient être utilisées par ceux qui mettraient
à exécution ces menaces. Attendre que l’ennemi frappe sans développer une capacité de défense américaine appro-
priée ferait perdre l’avantage et pourrait occasionner des conséquences graves pour les Etats Unis. La guerre globale
contre le terrorisme (“ Global War on Terrorism ” (GWOT ), les menaces actuelles contre le territoire des Etats-Unis, la
prolifération d’armes sophistiquées et de technologies, tout concourt à mettre l’accent sur la nécessité impérieuse de
transformer les forces terrestres. Il résultera de cette transformation une force interarmées, basée sur des capacités
spécifiques, préparée et prête à dominer n’importe quelle situation opérationnelle. Mais cette force devra s’appuyer
sur la capacité qu’ont depuis toujours les forces terrestres à être le cœur des opérations interarmées réussies. Alors
que l’environnement sécuritaire du futur demeure incertain, la nécessité pour l’Army d’avoir les soldats les mieux entraî-
nés, les mieux commandés et les mieux équipés au monde ne changera pas. Le fait d’être capable de mettre des com-
battants sur le terrain, “ les pieds dans la boue ”, continue à être la caractéristique principale d’une force capable de
relever les défis militaires globaux auxquels seront amenés à faire face les Etats-Unis.
Ldeesinterconnectés
différents aspects de la défense britannique sont devenus tellement
que comparer les rôles respectifs en opération de l’Armée
terre britannique (Army) avec ceux de la Royal Navy et de la Royal Air Force
(RAF) n’est ni possible ni vraiment utile. Cet article va d’abord tenter de présenter
pourquoi il en est ainsi avant d’expliquer quel est le rôle de l’Army puis quels
sont les concepts principaux qui décrivent comment ce rôle doit être tenu.
Les références qui ont servi à la rédaction de cet article sont : le document
“ UK’s Army Plan for 2005 ” ainsi que le concept récemment adopté (Avril 2005)
“ Future Manoeuvre Sub-Concept (FMSC) for the Army ”. Il importe cependant
de commencer par décrire quel est l’environnement opérationnel actuel.
PAR LE LIEUTENANT-COLONEL JOHN WILLIAM ROLLINS, OFFICIER DE LIAISON BRITANNIQUE AUPRÈS DU CDEF
multidimensionnel :
économique
politique
technologique
restrictives. Afin de combler ces lacunes, combinaison d’effets pour façonner la La réalité sur le terrain pour les
des capacités “Info-Ops” totalement inté- perception de l’adversaire, réduire sa formations et unités de l’Armée
grées ainsi que l’utilisation d’actions non volonté et faire éclater sa cohésion. Pour
létales devront être systématiquement réaliser ces effets, deux aspects sont pri- de terre
pris en compte aussi bien lors de la mordiaux : la protection de la force et le
planification que de la conduite des façonnage des perceptions de la popu- Jusqu’à présent, j’ai décrit les besoins de
opérations. lation civile. Comme cela a déjà été men- la Défense britannique comme un tout, la
tionné, de telles opérations ne peuvent place de l’Armée de terre au sein d’une
réussir que si elles sont conduites au structure de plus en plus interarmées et
Thèmes principaux sein d’un environnement interarmées, comment, en termes généraux, cette
interministériel, inter organisations et, Armée de terre va évoluer pour jouer le
Le FSMC comporte quatre thèmes si nécessaire, multinational. rôle que l’on attend d’elle dans cette struc-
principaux : ture. Mais qu’en est-il du soldat sur le ter-
• Une logistique dirigée (Directed Logistics : rain ? Pour lui, les principes fondamen-
• Agilité : cette qualité demande des chefs DL) : ce n’est que si elle est totalement orga- taux en fonction desquels il doit combattre
qui soient créatifs, qui sachent s’ac- nisée en réseau que ce type de logistique ne changeront pas beaucoup malgré tout
commoder de conditions incertaines et dirigée pourra être mis en œuvre. Une fois ce que j’ai décrit plus haut. Il est bien
qui, avec leurs états-majors, soient cela réalisé, la DL peut permettre l’établis- entendu que les quatre fonctions majeures
capables de faire preuve de disponibi- sement d’une organisation logistique opti- - trouver, fixer, frapper et exploiter - conti-
lité, de robustesse, de souplesse et de misée capable de mieux répondre aux nueront à s’appliquer aux opérations de
capacité d’adaptation aussi bien lors de besoins de la mission. combat. Il est également bien entendu
la planification que de la conduite des que ces fonctions continueront à s’appli-
opérations. • Des capacités optimisées par la mise en quer aux opérations de maintien de la paix
réseau (Network Enabled Capabilities bien que là, l’accent sera mis davantage
• EBO 7 : l’application des principes de NEC) : la nature durable des opérations sur les actions non cinétiques, en parti-
l’EBO par la composante terrestre est ne sera pas changée par les NEC mais culièrement en phase d’exploitation grâ-
basée sur une approche orientée vers la elles donneront de nouvelles possibili- ce aux actions d’Info Ops.
manœuvre utilisant la réalisation d’une tés de réaliser les effets recherchés.
Il devrait donc être évident que l’Armée de terre continuera à jouer un rôle prépondérant au sein de la défense britan-
nique. En effet, sur le terrain, dans la plupart des futures opérations, la majeure partie des forces continuera à être four-
nie par elle. Pour pouvoir jouer son rôle, l’Armée de terre doit continuer à se battre pour satisfaire ses propres besoins
et pour pouvoir développer ses propres actions au niveau tactique aussi bien que pour s’assurer qu’elle est en mesure
de contribuer de la meilleure façon possible au niveau opératif. Dans certains cas ceci requiert des installations spéci-
fiques pour l’expérimentation, le développement de forces et l’entraînement. Ceux-ci continueront à exister. Cependant,
il n’y a pas moyen d’échapper à la nature toujours plus interarmées (aussi bien qu’interministérielle, inter-organisa-
tions et multinationale) du contexte dans lequel les opérations modernes devront être conduites, ainsi que des opéra-
tions elles-mêmes. Par conséquent, il serait contre- productif de comparer les rôles de chacune des trois armées. On
doit plutôt se focaliser sur ce qu’une armée donnée peut apporter à l’effort de défense global. En ce qui la concerne,
ceci impose à l’Armée de terre qu’elle s’implique totalement dans ces structures de défense qui sont de plus en plus
interarmées plutôt que de tenter de défendre son pré carré.
Cette contribution rappelle utilement l’apport conceptuel du colonel John WARDEN qui est l’inventeur
de la théorie dite des “cinq cercles”. Ce colonel de l’US Air Force a acquis sa célébrité en 1991 en tant
que planificateur des frappes aériennes contre l’Irak durant l’opération “Tempête du désert”. Il a mis
en œuvre, à cette occasion, une conception exposée dans son ouvrage “The Air Campaign – Planning
for Combat” dont la traduction a été publiée chez ECONOMICA en 1998 sous le titre français “La cam-
pagne aérienne”. Cette réflexion sur “l’ennemi en tant que système”, marquée par la culture straté-
gique américaine, constitue une avancée théorique intéressante, même si on en perçoit bien aujour-
d’hui toutes les limites pour un monde où la conflictualité est en mutation constante et où l’action militaire
doit être toujours davantage réfléchie comme l’une des contributions à une démarche stratégique beau-
coup plus large. Sur ce thème, on lira avec intérêt l’article du lieutenant-colonel Benoît Durieux figurant
après l’article du Colonel GLIN.
En conclusion, l’approche stratégique est la plus adaptée à la résolution des crises. Pour la mettre en œuvre nous devons
revoir notre schéma traditionnel de pensée car nous devons partir d’une analyse fonctionnelle d’un Etat. Il nous appartient
de l’appréhender dans son fonctionnement global en analysant ses systèmes et sous-systèmes de fonctionnement : partir
du général pour mieux cerner le détail. Nos actions offensives auront pour but d’infecter le système global en visant ses sous-
systèmes clés préalablement identifiés. Simultanément nous devons connaître nos propres maillons faibles afin de parer des
actions agressives de nature symétrique ou asymétrique sur ceux-ci.
Nous ne devons pas baser notre analyse sur des ratios de personnel, d’armes et d’équipements mais sur ce qui est utile
de faire pour que le système global que constitue notre adversaire finisse par se plier à notre volonté.
S
i l’on devait résumer de façon lapidaire la façon dont le progrès technologique a fait évoluer les sys-
tèmes d’armes modernes, il faudrait sans doute retenir qu’il a essentiellement visé, depuis une ving-
taine d’années, à détruire l’ennemi plus loin, plus précisément et au moment exactement choisi. Cette
focalisation de la réflexion militaire sur le principe de destruction trouve son origine en Europe dès la fin
du 19e siècle dans le cadre du mouvement d’idées qui prépare l’avènement de la guerre totale. Il est ensui-
te nourri par deux phénomènes concomitants, la montée de l’arme aérienne dont l’avantage compétitif
consiste à frapper vite, fort et loin, et l’ascension de la puissance américaine, qui sous la triple influence
d’une opinion publique versatile, d’une culture industrielle dominée par l’impératif de productivité et d’une
tradition isolationniste a toujours exprimé sa préférence pour des guerres rapides et brutales. Cette fasci-
nation pour la destruction comme seul et unique principe de l’action militaire, si elle a été souvent le fait
de théoriciens de l’arme aérienne, n’a épargné ni la marine - les théories de la Jeune Ecole sont aujourd’hui
prolongées par les doctrines d’utilisation du missile de croisière - ni l’Armée de terre, dont les procédures
de ciblage rappellent la “bataille méthodique” de l’entre-deux-guerres.
Pourtant, la question s’est rapidement posée du lien entre la destruction militaire d’une cible hostile et
l’atteinte de l’objectif poursuivi, qui consiste toujours, en définitive, à faire plier la volonté de l’adversai-
re. La relation de cause à effet est loin d’être évidente ; l’histoire militaire enseigne d’ailleurs que dans la
plupart des batailles du passé, la majorité des pertes subies par le vaincu survenaient après que le verdict
ait été clairement établi, durant la phase de poursuite de l’ennemi défait, et que les pertes du futur vain-
queur avant cet instant décisif avaient souvent été supérieures à celles du futur vaincu.
La théorie de J. Warden :
l’ennemi en tant que système à détruire
De nombreux théoriciens ont tenté de répondre à cet-
te épineuse question. L’une des réflexions les plus
abouties est sans doute celle qui a été développée
par l’Américain John Warden1, dans son étude désor-
mais classique sur la campagne aérienne. Ce théori-
cien s’inscrit dans la lignée des penseurs de la puis-
ADJ Olivier DUBOIS/SIRPA Terre
manifester un agrément crédible aux exigences qui La deuxième contradiction des théories de WARDEN
lui sont faites, ce qui nécessite qu’il conserve une cer- est relative à sa composante “anti-force”. Plus préci-
taine autonomie, mais aussi et sans doute surtout il sément, elle concerne l’idée selon laquelle la des-
doit être en mesure de communiquer ensuite sa propre truction des forces armées ennemies aura nécessai-
décision aux entités qui dépendent de lui. La cam- rement un impact direct sur le commandement que
pagne irakienne est exemplaire à cet égard. La déca- l’on cherche à faire céder. La théorie de Warden repo-
pitation de l’Irak, si légitime qu’elle ait pu être au regard se sur une conception de la structure politico-militai-
de la nature du gouvernement dirigé par Saddam re dominée par la rigidité. C’est l’un de ses prémisses
Hussein, a conduit à l’émiettement d’une entité poli- essentiels, que l’action dirigée contre un des anneaux
tique cohérente, avec lequel il était possible de trai- a nécessairement un impact sur les autres anneaux,
ter, en une myriade de micro-entités qui ne recon- introduisant ainsi une notion de relation déterminis-
naissent pas la victoire américaine et qui posent un te entre les différentes composantes du système. Un
problème militaire sans commune mesure avec la corollaire important est alors que cette vue de l’en-
menace initialement représentée par l’armée ira- nemi comme un tout fortement intégré va nécessai-
kienne. Si le principe de paralysie appliqué au niveau rement refléter la conception de toutes les organisa-
tactique est sans doute plus prometteur, il n’est pas tions politiques engagées dans le conflit, y compris
sans risques. Le premier est bien connu. Il consiste à celle dont on cherche précisément à définir la straté-
voir le commandant ennemi mis hors de combat rem- gie. Le commandement et la force militaire étant consi-
placé par un adjoint plus capable, plus compétent, dérés comme parfaitement unis, chaque action militai-
plus déterminé. Ce risque est particulièrement avéré re individuelle sera planifiée en accord avec les objectifs
lorsqu’il s’agit de lutter contre un réseau terroriste. Le du plus haut niveau, alors que l’issue de chaque action
second est également régulièrement souligné par les militaire va déterminer l’évolution de la politique ou de
historiens. La mise hors d’usage des moyens de trans- la stratégie qui en est à l’origine. On aboutit à cette “tac-
mission adverses amène souvent des unités subor- ticisation de la stratégie” dénoncée par Michael Handel,
données à continuer à se battre alors même que leur un analyste respecté dans le monde universitaire amé-
En résumé, la déficience principale des idées de WARDEN et de ses disciples consiste à ignorer la différence fondamentale qu’il
peut y avoir entre les trois entités principales que sont l’instance de commandement ou de gouvernement, la population, et la for-
ce militaire, ou, autrement dit à méconnaître la différence essentielle entre la stratégie, la guerre psychologique et la tactique.
Clausewitz avait surmonté cette difficulté en décrivant le corps politique à l’aide de la “paradoxale trinité”, composée de l’armée,
dont les attributs sont le courage et la chance, de la population caractérisée par la passion, et du gouvernement doué de rationa-
lité. Vouloir utiliser la compétence propre de la tactique, qui utilise la violence pour atteindre le courage ennemi, directement contre
le gouvernement dont l’attribut majeur est la rationalité ou contre le peuple animé avant tout par la passion est voué à l’échec et
relève d’une logique de guerre totale. Contrairement à ce qu’espéraient DOUHET et ses successeurs, le principe de destruction ne
conduit pas une solution plus rapide bien que plus brutale, elle conduit à l’ascension aux extrêmes. La destruction du potentiel
physique de l’adversaire est parfois nécessaire mais seule compte en définitive la destruction de son courage, qui ne s’obtient que
dans la durée. Ceci condamne l’illusion entretenue par les théories de la seule destruction, et parfaitement illustrée par l’expres-
sion de “tire et oublie” érigée au rang de philosophie.
Un certain déclin ... Pour quelles raisons ? comme notre adversaire potentiel, envisageaient la
bataille avec emploi5, notre doctrine la récusait et ne
Douter de l’enseignement et du contrôle ... lui accordait qu’une valeur de test6. De ce fait, toute
des niveaux élevés notre manœuvre était conditionnée par cet impéra-
Bien que notre armée ait très tôt compris l’intérêt de tif d’être en mesure d’effectuer la frappe préstraté-
l’étude et de l’enseignement de la tactique en créant gique sur le théâtre sur court préavis. Cet impératif
l’Ecole de guerre, certains n’auront de cesse de la figeait la planification opérationnelle en une succes-
railler puisqu’elle sera accusée d’être une des caus- sion de volets de manœuvre stéréotypés s’appuyant
es de nos pertes de 19142 et de la défaite de 1940. sur autant de lignes de cohérences. Celles-ci facili-
Cet ostracisme perdurera jusqu’à nos
jours puisque ne dit-on pas que pour
remplir une mission, il existe deux solu-
CDEF
La phase défensive en constituait le point d’orgue tac- Une évolution culturelle aux effets accrus
tique8. Jamais notre vocabulaire militaire n’a été aussi par la technique
riche pour illustrer ce qui nous permettait “d’échanger
du terrain contre des délais” selon les justificatifs savants L’équilibre de la terreur avait figé les armées dans une
de l’époque. En effet nous savions doser à la petite cuillè- posture d’attente stratégique. Les centres d’intérêts
re toute la gamme subtile des procédés qui vont du frei- s’étaient portés sur la guerre dite révolutionnaire hors
nage dur à la défense molle, sans oublier les retours d’Europe et la surenchère quantitative et qualitative
offensifs, les contre- attaques9 et autres coups dont la des armements, dans les deux blocs. Aujourd’hui la
graduation allait ... d’épingle à ... d’arrêt, prolongé pour recherche doctrinale développe l’analyse et l’action
certains, mais souvent par essoufflement. sur les champs immatériels. La préparation de l’ave-
Au niveau des corps d’armée, les rôles de la pièce nir est passée d’une logique de renouvellement des
étaient connus, et alternativement distribués entre armements à une logique d’adaptation des équipe-
l’enclume et le marteau10 selon un schéma tout aus- ments selon les besoins en effets à produire.
si classique, dont la finalité ne visait pas moins à
concentrer les forces de l’ennemi pour optimiser les
effets de la frappe, dernier sursaut vengeur d’une Une préparation à l’engagement opérationnel
bataille ingagnable. plus professionnelle
1 Terme pris dans son sens le plus large qui inclut la doctrine, la formation, 11 Comme souvent d’ailleurs, nous avons voulu être plus “otaniens“ que les
l’instruction, l’entraînement et la mise en condition opérationnelle. “otaniens“ eux-mêmes en systématisant l’emploi des procédures OTAN à
2 Chacun sachant que la victoire de la Marne est due à la placidité et au calme tous les niveaux, alors que même dans la structure intégrée, elles ne sont
de Joffre, et celle de 1918 à la ténacité du poilu. obligatoires que pour le niveau CA et au-dessus, les échelons subalternes
3 Jugement à nuancer selon le niveau, plus celui-ci était bas, plus le contrôle conservant les procédures nationales.
était élevé et exigeant, et les armes, en particulier les armes techniques 12 Heureuse appellation en l’occurrence.
dont les savoir-faire étaient plus aisément modélisables, connaissaient des 13 Outil de pédagogie et de progrès et non de sanction.
contrôles impitoyables. 14 Les premiers concernent le commandeur, son premier cercle et ses subor-
4 Dont la susceptibilité était préservée par des règlements très sommaires donnés directs en charge de la planification, de la manœuvre future, et de
(30 à 40 pages) à l’aspect plus littéraire que normatif, s’arrêtant au niveau la conduite de l’action. Les seconds intéressent les cellules de l’état-major
division, et dont la liberté d’action était préservée par le respect jaloux du dans la mise en œuvre de leurs procédures et le service de leurs outils
principe qui voulait que le général mette à sa main son état-major, ce qui informatiques.
valait ainsi au 1er CA des années 80, 4 divisions aux PC aussi dissemblables 15 Qui d’ailleurs peut rester vraie pour l’instruction dans la mesure où elle
que la personnalité de leurs chefs (selon des formules, pour ne parler que n’est pas l’entraînement.
de la structure globale, qui allaient de la croix de Marmon-Bocquet camou- 16 Ainsi quand on veut faire jouer isolément le niveau de la brigade, on s’aper-
flée au fond des bois au chapiteau de cirque déployé sur la place principale çoit que la qualité et la valeur de cet entraînement reposent sur une forte
des petites villes lorraines). représentation du niveau 2 dont elle dépend pour la logistique, le renseigne-
5 Présentation raccourcie, car en fait les doctrines ont évolué avec l’adoption ment, les appuis feux, le NBC et la gestion de l’espace.
de la riposte graduée et du concept d’ “Airland battle”. 17 Constat surtout sensible au niveau de la brigade.
6 Il est à noter que le nucléaire avait monopolisé et pétrifié toute la réflexion 18 C’est souvent le cas dans des missions de contrôle de zone où la solution de
doctrinale. facilité consiste à répercuter en cascade la même mission à chaque échelon
7 Ce raccourci ne vise pas à décrédibiliser les responsables militaires de hiérarchique, en se contentant d’adapter le découpage de la zone par
l’époque, l’ensemble de ces dispositions et de ces choix tactiques étaient niveaux en fonction du nombre d’entités constitutives du niveau considéré.
dictées par les circonstances et notre position en deuxième échelon de 19 Encore que dans mon esprit, les mesures visant à unifier au niveau interar-
l’Alliance. Il ne s’agit que de mettre en lumière les conséquences de la chape mées la formation militaire du second degré se traduisent par un effort
de plomb nucléaire sur la manœuvre des grandes unités. conséquent mais mal ciblé, les promotions du CID sont trop nombreuses
8 Qui faisait effectivement travailler la tactique, mais au niveau du régiment, pour effectuer une formation de qualité dans le même temps où nous man-
puisque le sous-groupement jouait rarement et que la brigade n’existait que quons de tacticiens des grandes unités pour armer les PC, occuper les
par épisodes. chaires de tactique, étoffer les 3A.
9 Outre la nécessité d’entretenir le caractère dynamique et agressif de nos 20 Tout au plus deux à trois ans au commandement de trente à quarante
manœuvres retardatrices, ceci permettait également d’alimenter la dimen- hommes et de 3 ou 4 engins pour le premier, 3 à 4 fois 2 à 3 ans pour le
sion médiatique naissante de notre armée mécanisée moderne par le temps second au commandement de milliers d’hommes et de centaines d’engins.
fort télévisuel que constituait le “débouché“ du régiment de chars. 21 Pour ne pas mettre en exergue l’appétence pour jeunes et moins jeunes
10 L’apparition de la FAR et d’un troisième CA aurait pu offrir des combinaisons pour les “jeux de guerre” informatisés.
tactiques plus intéressantes mais soit on les groupait deux à deux ou la FAR 22 Notamment à l’encontre de nos anciens qui exerçaient de lourdes responsa-
jouait toute seule, dans son coin, une manœuvre classiquement novatrice bilités ces dernières années et dont l’action a tout de même contribué à
qui immanquablement voyait sa composante aéromobile devancer l’ennemi forger des forces terrestres d’une qualité reconnue tant par nos alliés que
dans la profondeur, se faire rejoindre par sa composante légère blindée, qui par nos adversaires.
elle-même, prenant le combat à son compte, menait une manœuvre retar- 23 Mais il faut, hélas, souvent forcer le trait pour émouvoir, parfois en vexant,
datrice en direction de la dernière grande unité d’infanterie qui elle, s’étant dans notre armée, sinon on a toujours tendance à se satisfaire de la situa-
enterrée 4 jours plus tôt, attendait un choc qui risquait d’ailleurs de lui tion ou à justifier l’immobilisme au nom de la préservation du moral, du res-
échapper, l’auteur de ces lignes ayant assisté comme chef d’état-major de pect sourcilleux du principe de précaution vis-à-vis des effets de mode, et
celle-ci à l’invention d’un nouveau concept tactique : la relève rétrograde, surtout de l’attention à ne pas blesser les nombreuses susceptibilités.
c’est-à-dire, non pas la relève d’une unité usée par une unité fraîche mais 24 Ne serait-ce que du fait des contraintes lourdes de nos forces en matière
le remplacement d’une unité fraîche par une unité usée. de temps et de moyens.
La fin des grandes idéologies, la mise en cause de repères traditionnels (patrie, nation, etc.),
l’existence de nouvelles formes d’allégeance à l’égard de l’Europe, de mouvements ou organisations
transnationales, de la défense de l’environnement, des droits de l’homme, de certaines religions,
pourraient en outre conduire à la dilution du sens de la menace. Une menace majeure pourrait n’être
plus ressentie comme telle par d’importants segments de la population qui n’en éprouveraient pas la
réalité. A l’inverse, des dangers non pris en cause par l’État pourraient être considérés comme majeurs
et mobiliser des “militants” en dehors de tout contexte étatique et national.
PAR MONSIEUR YVES BOYER*, DIRECTEUR ADJOINT DE LA FONDATION POUR LA RECHERCHE STRATÉGIQUE (FRS)
i la Nation contre laquelle s’exercerait une mena- Dès lors, il est possible d’esquisser des hypothèses
L’action terrestre dans la résolution des crises a marqué la décennie qui vient de s’écouler. Il fallait en effet, pour
l’essentiel, solder en Europe et dans sa périphérie les suites de la recomposition de la scène internationale après
la disparition du monde soviétique. Ces actions se sont déroulées dans un environnement complexe et difficile
mais sans opposition militaire majeure. Cette situation n’est pas nécessairement la norme pour les 10/15 ans à
venir. Qui pourrait, en effet, prendre le pari que ce siècle sera épargné par les foudres de grands affrontements
militaires ? Il convient dès lors de continuer à moderniser l’Armée de terre en lui donnant en particulier puissance
de feux et davantage de moyens lourds pour se préparer à des affrontements majeurs et peser dans le cadre
d’une coalition européenne et atlantique. Les opérations de stabilité pourraient être davantage du ressort de
ceux de nos partenaires européens dont les efforts de défense sont modestes. A l’Armée de terre française, et sans
doute à son homologue britannique, reviendraient les actions militaires les plus vigoureuses qui s’inscrivent sur
le spectre le plus haut de la violence armée.
L’importance de l’entraînement
Les opérations actuelles démontrent le besoin croissant d’intervention en zone urbanisée. Si l’appui aérien en zone
urbaine est une mission d’appui aérien à part entière, elle présente des particularités qui méritent d’être soulignées
de façon à préparer au mieux les forces qui le mettront en œuvre. La doctrine de l’appui aérien centré sur le feu en
Le progrès technique, extrêmement rapide, qu’ont connu les armées des pays industrialisés,
pendant la première moitié du XXe siècle, parait avoir relativisé le rôle des forces terrestres au
profit de la marine et de l’aviation pendant les deux guerres mondiales. La manière, dont les Alliés
ont chaque fois mené la lutte contre l’Allemagne, paraît d’autant mieux confirmer cette idée qu’ils
combattaient une puissance dont les bases étaient essentiellement terrestres.
La bataille décisive dans laquelle ils ont, comme leur adversaire, longtemps placé la solution au
conflit ne s’est jamais produite et, contrairement à ce dernier, ils ne sont pas davantage parvenus à
opérer une percée de quelque importance 1.
La suprématie navale britannique a, en revanche, fortement influencé l’issue de la guerre, en
permettant aux Alliés de disposer d’un abondant ravitaillement, tout en privant l’Allemagne des
ressources dont avait besoin son économie.
Pendant la Seconde Guerre mondiale, les forces aériennes ont joué un rôle tout aussi décisif dans
la victoire alliée. Dès la fin 1942, l’aviation tactique a sérieusement entravé la liberté d’action des
forces terrestres allemandes, en attendant que les bombardements stratégiques achèvent de les
paralyser en faisant chuter la production de carburant, à partir de l’automne 1944.
Cependant, les Anglo-saxons - qui furent les seuls belligérants de la Seconde Guerre mondiale à
disposer d’armées entièrement mécanisées ou motorisées - ne progressèrent qu’avec beaucoup de
peine en Italie, puis en Normandie. Malgré l’effondrement qu’y connut la Wehrmacht en août 1944,
ils ne parvinrent pas à empêcher celle-ci de replier une grande partie de ses forces, puis de se
rétablir sur les frontières du Reich dès septembre. Le déroulement des opérations n’était guère plus
satisfaisant que pendant la bataille de France de 1918, au cours de laquelle les Alliés avaient
repoussé le front allemand sans jamais parvenir à le rompre, en dépit de l’énorme supériorité
matérielle dont ils disposaient2.
Ce décalage entre les moyens mis en œuvre et les résultats obtenus, amène à se demander si le
faible rendement des opérations terrestres menées par les Alliés, n’a pas davantage découlé de
leur difficulté à tirer parti du progrès technique que d’un réel amoindrissement de leur rôle.
PAR LE COMMANDANT CHRISTOPHE GUÉ, CHEF DU COURS D’HISTOIRE MILITAIRE AUX ÉCOLES DE ST-CYR - COËTQUIDAN
Avec les 200 000 véhicules automobiles qui assurent leur soutien en 1918, les armées alliées possèdent une mobilité tactique sans comparaison avec
celle des premières années du conflit. Elles ne parviennent toutefois pas à tirer tout le parti possible de ce formidable potentiel, comme en témoigne
ECPAD
Les forces terrestres ne pouvaient réagir autrement qu’en améliorant la coopération interarmes et en combinant,
toujours plus étroitement, leur action avec celles des autres armées. Mais, contrairement à ce que croyaient les
Alliés, il était illusoire d’espérer que l’on pourrait, pour autant, faire l’économie de l’effort d’imagination et de la
prise de risques sans lesquels aucune manœuvre n’est possible.
La volonté de n’agir qu’à coup sûr, ne fit que réduire l’ampleur des résultats à moyen terme et accroître les
difficultés à plus longue échéance. Ceci est surtout vrai du second conflit mondial, dont la durée et le coût furent
considérablement augmentés par la sous-utilisation du potentiel terrestre allié.
Un tel rejet du risque était sans doute encore moins adapté aux conflits de la décolonisation. Ceux-ci ne firent
que confirmer le rôle essentiel que conservaient les forces terrestres au XXe siècle. D’une ampleur réduite, ces
conflits ne mettaient certes pas en jeu le sort des nations industrielles. Cependant, l’absence de contrôle étroit de
leurs opinions qui en résultait, conjuguée au fait que la lutte était menée contre des adversaires pratiquant la
guerre totale et utilisant au mieux les médias, les rendait tout aussi complexes. Il était, en effet, nécessaire que
les opérations, qui avaient pour enjeu le contrôle de la population, fussent conduites avec autant de
discernement et d’imagination que d’audace, toute “ bavure” pouvant avoir des conséquences catastrophiques
sur la liberté d’action des forces.
1 Sauf en Macédoine, où l’offensive franco- 9 Qui amène le GQG à considérer que rien
serbe de septembre 1917 bénéficia d’un ne presse lorsque, le 12 mai 1940,
contexte particulier. les Allemands atteignent la Meuse. On
2 Alors que leur ennemi, moins bien équipé, estime, en effet, que le franchissement du
était lui-même arrivé à réaliser des percées fleuve ne peut se faire sans l’appui d’une
spectaculaires quelques mois plus tôt. puissante artillerie qui ne sera pas prête
3 Le principe en a été découvert, en 1862, avant 5 à 6 jours. Dans les faits, l’infanterie
par le Français Beau de Rochas et appliqué, passe la Meuse, dès le 13 mai, et les chars,
en 1867, par l’industriel allemand Otto. dès le 14. ERRATUM
En 1914, les armées ne comptent pourtant 10 Que la coopération économique germano-
que 8 500 véhicules automobiles pour soviétique compromettait, d’ailleurs, dès Dans l’article “ L’opération
la France, 827 pour la Grande-Bretagne les origines. Concordia/Altaïr en
et 4 000 pour l’Allemagne. 11 Cf. Philippe Masson, Une guerre totale, Macédoine ” paru dans la
4 En dépit de la guerre sous-marine, 1939-1945, Paris, Tallandier, 1990, p. 284. rubrique RETEX du N° 06 de
qui les menace d’asphyxie à la fin du 12 Celui-ci n’apparaîtra qu’après la guerre DOCTRINE, la fonction
printemps 1917. du Vietnam, avec la doctrine Airlandbattle. attribuée à l’auteur, le Colonel
5 Chiffres de novembre 1918, sur le front 13 Cf. général Chambe, Le Maréchal Juin “ Duc Pierre AUGUSTIN, n’était pas la
occidental. A la même époque, les du Garigliano”, Paris, Plon, 1983, p. 223. bonne. Cet officier supérieur
Allemands n’alignent que 1 800 avions, 14 Alors qu’ils “disposaient [...] d’une n’était pas sous-chef d’état-
40 000 véhicules automobiles et quelques supériorité numérique de 20 contre 1, en major OPS-LOG de l’EUROFOR,
dizaines de chars. matière de chars, et de 25 contre 1, en mais sous-chef opérations
6 L’offensive de Lorraine devait débuter matière d’aviation ”. Liddel Hart, Histoire (DCOS for Operations) à la fois
le 14 novembre. de la Seconde Guerre mondiale, Paris, pour l'EUROFOR et l'EUFOR,
7 Cette décision aboutit à l’abandon du plan Fayard, 1973, p. 562. mais aussi commandant du
Escaut, qui prévoyait que l’avance alliée contingent français (National
se limiterait au cours de cette rivière, en Contingent Commander - NCC)
amont de Gand, et à son remplacement et REPFRANCE de l’opération
par le plan Dyle. Altaïr.
8 Il est à noter que la dispersion des unités
blindées, fut l’une des caractéristiques de Le Colonel AUGUSTIN voudra
la bataille défensive, considérée comme bien nous excuser de cette
un modèle du genre, que les Allemands erreur.
menèrent en 1944, en Normandie.
Lorsque Fukuyama prophétisa la “fin de l’histoire”, il fut, à tort, voué aux gémonies. En effet, la fin de l’histoire
qu’il évoquait n’était que celle de la guerre froide, née allégoriquement avec le discours prononcé à Fulton par
Churchill et morte à Berlin en 1989.
La fin de la guerre froide fut aussi marquée, dans un registre différent, par un phénomène unique dans l’histoire
militaire occidentale, aussi unique qu’inaperçu d’ailleurs, celui de la fin de la guerre... dans le vocabulaire.
Avec la “Révolution dans les affaires militaires” le mot guerre céda progressivement la place à celui de conflit,
quand il ne fut pas simplement remplacé, dans une inversion dialectique intéressante, par celui de paix.
La guerre devint, dans le langage courant comme dans la terminologie professionnelle, “conflit” de haute ou
de basse intensité, symétrique ou asymétrique, en français comme en anglais. La “paix” la remplaça lorsqu’il
s’agit de la maintenir, de la renforcer, etc. Notons enfin que cette règle nouvelle, comme toutes les règles,
connut d’emblée ses premières exceptions en 1990 avec la première guerre du Golfe, puis la guerre en
Tchétchénie, la deuxième guerre du Golfe et la guerre contre le terrorisme.
Néanmoins, ces évolutions lexicales, qui reflètent les évolutions d’une représentation occidentale du monde,
dissimulent maladroitement une réalité éternelle dans son humanité : la guerre, ce phénomène social que
Gaston Bouthoul définissait comme étant un “affrontement violent entre groupes humains organisés” demeure.
Tout cela nous amène à considérer que nales et internationales afin d’assurer -
les réflexions quotidiennement menées avec le vocabulaire actuel - une opération
sur les conditions nouvelles d’engagement de protection et d’extraction de ressor-
des forces méritent encore aujourd’hui, en tissants internationaux, de rétablissement
dépit de la RMA (sic) d’être éclairées par de la paix puis de stabilisation...
la lumière d’un passé dont la distance au
présent n’est ni un obstacle ni une entra-
ve mais une richesse nouvelle. L’histoire commence au début de l’année
1900, lorsque les sociétés secrètes chi-
Les exemples deviennent alors légions. noises dites “de la Justice et du poing ”
Retenons en un seul pour commencer, (Yi-hu-Tsuann) plus connues sous le nom
celui de l’intervention internationale en générique de “ Boxers ”, animées d’une
Chine en 1900 lors des événements haine farouche contre les étrangers, déci-
aujourd’hui connus sous le nom de dent de les chasser et de détruire le dan-
“révolte des Boxers ” et sous le titre du ger qu’ils représentent, à leurs yeux, pour
film qui leur fut consacré “Les 55 jours de la culture chinoise. Parmi leurs nombreux
Pékin”. Pourquoi un tel choix ? Parce qu’il objectifs, souvent diffus, les légations
pose clairement la question de la gestion étrangères de Pékin (France, Allemagne,
opérationnelle, en temps de paix puis de Grande-Bretagne, Russie, Etats-Unis, Italie,
crise des effectifs disponibles, enga- Autriche-Hongrie, Japon) et les conces-
geables et engagés, instantanément puis sions de la région de Tien-Tsin apparais-
au rythme des décisions politiques, natio- sent en bonne place.
SHD
En premier lieu qu’une force de 500 hommes en armes, immédiatement disponibles, déterminés et n’ayant
pas à combattre réussit, dans la crise naissante, à dissuader une force adverse plus de dix fois supérieure
pendant 3 semaines. Ensuite, qu’une force de secours de 2 000 hommes mise en marche trois semaines
après le début de la crise ne parvint pas à remplir sa mission, fut battue et ne dut sa survie qu’à l’arrivée
d’une deuxième force de 2 000 hommes. Qui plus est, dès que la première défaite fut connue, la dissuasion
initiale cessa.
Par ailleurs, la force qui réussit in fine à dégager les légations comptait entre 5 à 6 000 hommes soit dix fois
le contingent en place dans les légations et plus de deux fois celui envoyé à leur secours. Mais il faut alors
noter qu’elle n’arriva à Pékin que deux mois et demi après le début de la crise.
Enfin, la force multinationale qui assura la pacification finale atteignit certes les 150 000 hommes mais
seulement près de six mois après le début de la crise. Elle fut néanmoins juste suffisante pour accomplir sa
mission.
Ainsi, entre le mois de mai 1900 et le printemps de 1901, les effectifs engagés furent de 500 au début de la
crise, de 2000, 4000 puis 6000 lorsqu’il fallut “ régler la phase violente de crise” et enfin 150 000 lorsqu’il
s’agit de remplir la “mission de paix ”. Si ces chiffres n’ont qu’une valeur relative. Il serait dangereux de les
extrapoler brutalement en les sortant de leur contexte temporel. Néanmoins ils ne peuvent qu’attirer
l’attention sur les trois phases théoriques qu’ils illustrent et qui peuvent être élevées au niveau de
constantes de l’histoire de la guerre : réaction en début de crise à effectif réduit, action opérationnelle à
effectif croissant sur une brève période, retour à la paix avec des effectifs en croissance géométrique sur une
“ longue période”.
Les chiffres cités et l’accroissement géométrique des effectifs au rythme du temps qui passe auraient-ils
encore aujourd’hui la moindre pertinence ? L’historien l’ignore. Mais il est sûr d’une chose : le principe
demeure.
La contre-guérilla qui se déroule en Irak depuis bientôt deux ans marque le retour dans les forces
terrestres américaines de la notion d’action au contact. Celle-ci peut être déclinée en action auprès
de la population et en combat rapproché. Elle relativise le concept de guerre info-centrée et remet
l’homme au centre du combat. La numérisation n’y est plus qu’un outil au profit de l’intelligence
de situation et les feux indirects apparaissent plus comme les compléments du combat rapproché
que comme leur substitut.
Les forces terrestres ont considérablement évolué face au terrible défi des guérillas en Irak. Elles ne sont plus là
pour désigner des cibles et occuper le terrain conquis par les munitions air-sol. Elles sont là pour contrôler une vaste
population et y extirper la guérilla. Ce combat de tous les instants ressemble plus à une partie de gô qu’à une partie
d’échecs. La victoire s’y obtient par la multiplication de micro-opérations très variées mais dont la zone
d’engagement ne dépasse pas un rayon de quelques centaines de mètres.
Stabiliser et reconstruire. Comment reconstruire un Etat au sortir de la guerre ? Avec quels moyens ? De quels outils
dispose-t-on pour sortir les pays de crises avant qu’ils ne redeviennent une zone grise, foyer de réseaux terroristes et
criminels qui menacent tôt ou tard la paix et la cohésion du monde civilisé ? Telles sont les questions posées aux
forces terrestres lors du passage à la phase de stabilisation.
Pour y répondre, l’administration américaine a conçu en Afghanistan des Provincial reconstruction team (PRT), outil
original de stabilisation, dont l’objectif est de constituer le moteur de la reconstruction de l’Etat et de l’administration.
Ce concept préside donc à la création de petits détachements multinationaux, pluridisciplinaires et civilo-militaires, au
niveau régional1. Les forces terrestres en constituent le noyau clé.
Aux côtés des Américains, les Britanniques ont créé en juin 2003 une PRT à Mazar-e Sharif (MeS). Sa zone de responsa-
bilité couvre les cinq provinces du Nord de l’Afghanistan. Une dizaine de nations y participent.
PAR LE CHEF DE BATAILLON PAUL HAÉRI*, ANCIEN STAGIAIRE DE LA 118E PROMOTION DU COURS SUPÉRIEUR D’ÉTAT-MAJOR
Le présent article se propose de décrire gouvernement Karzai, considéré comme nisations non gouvernementales (ONG)
le cadre général qui a présidé à la créa- le centre de gravité du renouveau afghan. est plus que mitigé. Elles s’opposent à l’ir-
tion de cette PRT, le milieu dans lequel Toute l’originalité consiste à fusionner, au ruption du militaire dans leur domaine de
elle agit, puis d’en décrire les structures sein d’une structure unique, des cellules compétence. Enfin, la confusion persiste
et les modes d’action afin d’en tirer des spécialisées qui d’habitude opèrent sépa- dans l’esprit des Afghans devant la diffi-
enseignements, notamment pour les rément à l’échelon du théâtre. L’objectif culté à distinguer les équipes chargées
forces terrestres déployées en sortie de est de mener des actions au niveau pro- de reconstruction et celles qui mènent des
crise. vincial sur les causes d’instabilité propres opérations de combat.
pour, in fine, promouvoir le gouvernement
central.
LE CADRE GÉNÉRAL DE LA CRÉATION En 2004, la situation s’améliore et la créa-
ET DE L’ACTION DE LA PRT GROUP MES
A la demande du président Karzai, les tion de PRT s’accélère. En janvier 2005,
Américains décident en décembre 2002 19 d’entre elles sont activées dont 6 sous
La reconstruction de l’Etat par la promotion l’ouverture anticipée des PRT. En 2003, la responsabilité de non-Américains2.
de l’autorité du gouvernement central le calendrier d’ouverture de ces équipes Parallèlement, conformément à l’OPLAN
de reconstruction accuse un certain 10 302 adopté en avril 2004, on assiste
Les PRT sont initialement conçues pour retard. Celles-ci font en effet face à des au transfert progressif des responsabili-
succéder à la partie strictement militai- situations sécuritaires encore dégradées tés de PRT d’OEF vers la FIAS3.
re de l’opération Enduring Freedom (OEF) qui gênent la tâche des équipes chargées
afin de faciliter la reconstruction de l’Etat de la reconstruction. La situation sécuri- C’est dans ce cadre que le Royaume-Uni
et de l’administration afghane. Le princi- taire n’incite d’ailleurs pas les nations a créé successivement la PRT de Mazar-e
pe retenu est de créer des relais d’in- alliées à contribuer au déploiement de Sharif (juin 2003), puis la PRT “satellite”
fluence chargés de soutenir l’action du nouvelles PRT. De plus, l’accueil des orga- de Maimana (mai 2004).
intrinsèquement positive car elle est asso- graduée des effectifs militaires est ren-
ciée au processus de reconstruction. C’est due possible par l’intégration aisée de
un puissant levier d’influence qui ren- spécialistes civils en remplacement des
force la légitimité de la force déployée. soldats, du fait du caractère multidisci-
Surtout, elle permet aux forces, même plinaire et “ouvert ” de la structure. La
réduites, de maintenir le contact avec tous PRT prépare et permet le désengagement
les acteurs locaux comme internationaux progressif de la force.
agissant dans sa zone. Enfin, la réduction
La Provincial reconstruction team de Mazar-e Sharif à laquelle les forces terrestres de dix nations sont aujourd’hui asso-
ciées constitue un bon exemple des outils de stabilisation disponibles pour accélérer les sorties de crise. Adaptée
au règlement des crises subétatiques, c’est un outil (civilo-) militaire original de la phase de transition entre une situa-
tion de “stabilisation-pacification ” en cours, à celle de “normalisation ” à venir dans le Nord de l’Afghanistan.
Cette entité au sein de laquelle les soldats des forces terrestres constituent des maillons indispensables, à tous les
niveaux, permet également une certaine intégration de la stratégie militaire à la stratégie politique. La force militai-
re se combine en effet avec la force politique, dans un ensemble qui donne bien la primauté du politique sur les opé-
rations militaires, notamment grâce à l’utilisation politique de l’aide à la reconstruction et au développement 22. Cette
intégration semble bien réalisée par des Britanniques pragmatiques, qui ont résolu le problème de la séparation “ his-
torico-culturelle” entre le ministère de la Défense et celui des Affaires étrangères.
International security assistance force (ISAF) : Force internationale d’assistance à la sécurité (FIAS).
United Nations assistance mission in Afghanistan (UNAMA) : Mission d’assistance des Nations unies en Afghanistan (MANUA).
* Officier des troupes de marine, persanophone 9 Gouverneurs provinciaux et de districts, 17 Cette Quick reaction force (QRF) est
et anglophone, cet officier a été inséré dans chefs de la police, chefs des notamment chargée d’une éventuelle
la Provincial reconstruction team britannique administrations. extraction de membres de la PRT de MeS
de Mazar-e Sharif (Afghanistan) en tant que 10 Security sector reform qui consiste à ou de Kunduz (Allemagne).
conseiller spécial du Commander de cette PRT soutenir les forces de sécurités afghanes, 18 Agences de la Coopération danoises ou
de juin à décembre 2004. notamment les polices. finlandaises, fonds américains du CERP
1 C’est-à-dire tactique. 11 Avec participation afghane. (Commander emergency response program),
2 Deux britanniques (Mazar-e Sharif et 12 Ce qui fait de cette entité le plus petit de US AID et du ministère des affaires
Maimana), deux allemandes (Kunduz et ensemble tactique multinational au monde. étrangères (US DoS) ; budgets de l’agence
Faizabad), une néo-zélandaise à Bamian, 13 Outre les Britanniques, la Suède, la britannique de coopération (DfiD)
une néerlandaise à Pol-e Khomri. Roumanie, le Danemark, la Norvège, la et du ministère britannique des affaires
3 Force internationale d’assistance à la sécurité Finlande, l’Allemagne, la Lituanie, la France étrangères (FCO) .
(ISAF sous commandement OTAN). et l’Afghanistan participent à des degrés 19 Constituant également l’élément militaire
4 United Nations assistance mission in divers à cette PRT group MeS. visible sur le terrain.
Afghanistan. 14 MINDEF, MAE, MININT, COOP, MINAGRI. 20 En particulier pour les MOT via le NATO
5 Les généraux Dostum (chef du Jombesh-e 15 J1 à J6, INFOOPS et PSYOPS. Tracker system.
Melli-e Eslami) et Atta (chef, pour le Nord, 16 Constituées d’une équipe de six soldats et 21 Forte composante J2 (3 officiers,
du Jamiat-e Eslami). d’un interprète, commandées par un 2 sous-officiers) s’appuyant sur le HQ FIAS
6 Désarmement, démobilisation, réinsertion. officier, disposant uniquement d’armements et les chaînes de renseignement des Nations
7 Heavy weapon cantonment. légers, du Nato tracker system (NIC).
8 Même si les factions s’infiltrent largement (transmission de données) et circulant en 22 politisation de l’aide apportée, c’est-à-dire :
dans les rouages des administrations véhicule civil de type 4x4 parfois sans conditionner l’aide, à la réalisation d’objectifs
provinciales. marques extérieures. politiques par les Afghans.
C.D.E.F
Centre de Doctrine
d’Emploi des Forces