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Prospective en Santé
Grand Est 2030
STRATYS
20/1/201
Prospective en Santé Grand Est 2030
Ainsi, le scénario n’a pas une vocation contemplative : la description d’une configuration
possible du futur n’est pas une fin en soi. Le scénario n’a d’utilité que pour autant qu’il induit
des décisions visant à l’anticiper, c’est-à-dire à s’efforcer à amplifier ou attenuer les effets du
scénario, à s’y préparer,
On présente ci-après le scénario de référence retenu pour la réflexion. On indiquera certaines
« bifurcations » possibles, c’est-à-dire les variantes que pourraient constituer des évolutions
de certaines variables « zones d’incertitude » différentes de celles retenues dans le scénario
de référence.
Prospective en Santé Grand est 2030
Une région vieillissante, avec des personnes âgées plus dépendantes, souvent
polypathologiques et, dans certains territoires, isolées et précaires
La région Grand Est vieillit. Plus vite que la plupart des régions
françaises. Un habitant du Grand Est sur 3 a plus de 60 ans, alors
qu’on n’en comptait qu’un sur 5 un quart de siècle plus tôt.
Mais surtout, la Région a vu la part des personnes âgées dépendantes
– plus de 75 ans et plus de 85 ans – s’accroître considérablement, et
leur situation se détériorer : une majorité d’entre eux sont traitées pour
plusieurs pathologies, dont une maladie ou un problème de santé
chronique.
Et encore ce constat est loin d’être homogène sur la région : le
vieillissement est accentué dans la Haute Marne, la Meuse et les
Vosges, où il se conjugue avec un isolement croissant et une
précarisation plus marquée.
Un vieillissement qui accentue la transition épidémiologique : maladies chroniques,
neurodégénératives, et vulnérabilité aux risques environnementaux
Ce vieillissement a amplifié dans la région Grand-Est des
évolutions épidémiologiques telles que l’accroissement des
maladies chroniques, l’augmentation des maladies
neurodégénératives, des maladies cardio-neurovasculaires
(AVC), des troubles psychiatriques, des déficits visuels, auditifs
et de l’appareil locomoteur. De plus, si on meurt moins du cancer
en 2030 qu’en 2005, on y est aujourd’hui plus exposé, d’autant
que la population vieillissante est plus vulnérable aux risques
environnementaux, par exemple.
D’où un accroissement de la perte d’autonomie et des handicaps
dans la Région. Cette évolution de l’épidémiologie pèse sur le
système de soins, avec un accroissement très fort des besoins
en accompagnement des malades et de leurs aidants, en services à la personne, en matériel de
suppléance (appareillage).
Un déficit criant de professionnels de santé
Face à ces évolutions démographiques et épidémiologiques qui
s’annonçaient depuis plusieurs décennies, la Région a dû faire face
à un déficit dramatique de professionnels de santé : plus de 100000
postes à pourvoir entre 2015 et 2025, du fait des seuls départs à la
retraite, car les professionnels de santé vieillissent aussi, et
prennent aussi leur retraite, et ce sans compter les besoins
supplémentaires induits par les évolutions épidémiologiques et le
vieillissement de la population.
Au total c’est près de 150000 professionnels de santé qu’il aurait
fallu recruter, former, ou attirer sur le territoire, entre 2015 et 2025 pour répondre aux besoins croissants
de la population. Or les jeunes générations de professionnels de santé ont des attentes différentes vis-
à-vis de leur activité : temps partiel, autonomie, qualité de vie et préservation de la vie familiale, etc…
toutes exigences qui se traduisent, de facto, par une réduction sensible de l’offre effective de soins à
effectifs de professionnels de santé équivalent.
Certes, on a considéré qu’il était possible d’atténuer ce déficit en répartissant mieux le travail : travail
en réseau, transferts de tâches, émergence de nouvelles professions intermédiaires, responsabilisation
des patients, enfin nouvelles technologies (télé-médecine, auto-diagnostic via internet…)
Mais la Région souffre d’un déficit d’attractivité pour ces jeunes, qui préfèrent s’installer sous d’autres
cieux. Au mieux, ils préfèreront s’installer en zone urbaine que dans la campagne profonde. C’est ainsi
que certaines zones rurales de la région sont devenues de véritables déserts sanitaires, et on a pu
constater chez des personnes âgées isolées ou précaires des comportements de renoncement à des
soins -financièrement et matériellement- inaccessibles.
Prospective en Santé Grand Est 2030
Une mutation technologique dans la santé, qui bouleverse les métiers, et qui suscite encore des
résistances
Parallèlement à ces évolutions épidémiologiques et
démographiques, le monde de la santé a connu une mutation
technologique sans précédent, qui a bouleversé les métiers
et l’organisation des soins.
On ne soigne plus en 2030 comme on soignait en 2010. La
génomique, l’intelligence artificielle, la robotisation,
l’imagerie, le partage et le traitement de gigantesques bases
de données médicales, les objets connectés, etc. ont tout
changé dans les filières de soin, depuis le diagnostic,
désormais automatisé, jusqu’au suivi à domicile, qui s’appuie
sur la télémédecine, des objets connectés et des applications
sur smartphone permettant de suivre en temps réel les données cliiniques des patients, en passant par
l’acte chirurgical, qui, quand il n’est pas remplacé par de la radiologie interventionnelle, est souvent
réalisé par avec l’aide de robots, plus ou moins autonomes, par des chirurgiens équipés de lunettes de
réalité virtuelle, qui ont pu si nécessaire préparer des scénarios d’intervention sur des modèles 3D de
leurs patients.
Certaines de ces technologies ont pu apporter des réponses – partielles – à la désertification médicale
de certains territories de la région. Mais si ces technologies permettent d’optimiser le temps de travail
des médecins, elles supposent l’existence d’une offre de soins de proximité qui n’est pas toujours
accessible sur tout le territoire.
De plus, plusieurs incidents -dont certains ont pu mettre en
danger la vie des patients concernés- ont suscité des
résistances à ces progrès technologiques : ainsi, la perte de
contrôle d’un robot chirurgien miniaturisé semi-autonome lors
d’une opération d’un cancer de la prostate a conduit à limiter
les utlisations de robots autonomes. Par ailleurs, la mise en
place d’un dossier médical partagé contenant les données
génomiques et cliniques des patients a été suspendue suite à
l’utilisation de ces données par une compagnie d’assurances,
pour la tarification des contrats en fonction des risques
épidémiologiques estimés grace au génome des assurés. Une
loi régulant les usages des données du génome a dû être votée en 2018, quarante ans après la loi
informatique et liberté (1978). Il était en effet essentiel de permettre le développement d’une médecine
personnalisée, ciblée, tout en garantissant aux patients que les données de leur génome ne seraient
pas utilisées à des fins non voulues par lui.
Outre ces résistances liées à la perception que peuvent avoir patients comme professionnels des
risques induits par ces technologies, il demeure encore une réticence résiduelle vis-à-vis des
technologies, qui est plus de nature générationnelle, chez les plus âgés : en effet, les personnes de
plus de 80 ans en 2030 sont nées avant 1950, et qui sont mal à l’aise avec les nouvelles générations
d’objets connectés et de smartphones miniaturisés. Mais surtout, nombre sont les patients de cette
tranche d’âge qui ont du mal à admettre qu’une consultation à distance avec l’aide d’objets et de
capteurs connectés puisse se substituer à une visite chez un médecin.
A cet égard, les malades chroniques, qui, comme on l’a vu, sont de plus en plus nombreux en 2030, se
montrent, eux, totalement réceptifs à toutes les technologies qui permettent de suivre en temps réel
l’évolution de leurs données cliniques, ou qui leur permettent d’échanger avec leur médecin, ou au sein
de communautés de malades, toutes fonctions qui leur permettent d’entrer dans un processus
d’autonomisation, et, pour certains, de vaincre leur isolement.
Ces malades chroniques connectés font partie d’une catégorie émergente de patients connectés,
certes, mais également autonomes, responsables, désireux d’être acteurs de leurs traitements, que l’on
pourrait appeler les « e-patients », et qui attendent une évolution dans la relation médecin-malade, enfin
qui entendent être actifs dans le système de santé. Ceux-là sont des acteurs potentiels des dispositifs
de démocratie sanitaire mis en place depuis les années 2010.
L’évolution du marché de la santé : émergence des mutuelles, place des secteurs publics et
privés, évolution du rôle du patient
Ce patient (ou plutôt ce e-patient), est individuellement, un patient dans une relation malade-patient,
mais il est également, individuellement mais également collectivement un acteur qui compte de plus en
plus dans le marché de la santé.
L’image traditionnelle du patient qui n’a pas son mot à dire face au pouvoir médical ou au pouvoir
administratif, cette image est désormais dépassée : d’abord via des associations de malades, et
désormais via des communautés constituées sur les réseaux sociaux, ils peuvent s’organiser, et par
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leur nombre, constituer un contre-pouvoir face aux professionnels de santé, aux industries
pharmaceutiques, aux établissements hospitaliers, aux assurances et aux mutuelles.
Dans ce marché, on a assisté depuis les années 2000 à l’émergence du rôle des mutuelles, qui sont
devenues progressivement prescriptrices, dans un champ plus large que la santé, le bien-être.
Sur le champ du sanitaire, la dualité public / privé a elle-aussi évolué, mais de façon multiforme. L’hôpital
public bénéficiait d’une image d’excellence scientifique et d’innovation technologique, notamment dans
les CHU, du fait de son implication dans la recherche médicale. Mais il n’a plus l’exclusivité de la
recherche, mais surtout les jeunes générations de spécialistes sont moins disposées à consacrer leur
temps libre pour conduire des recherches que leur volume de patients ne leur permet pas de
programmer dans leur temps normal de travail. De plus, la relation entre établissements publics et privés
varie selon les territoires : ici
l’hopital public récupère la
charité, le privé capte la richesse,
là, ils se font une concurrence
féroce et se disputent les
« patients les plus rentables »,
jouant sur les effets pervers de la
tarification, ailleurs enfin, les
deux coopérent et se spécialisent
au sein de GHT élargis au privé.
Dans ce contexte, le patient
devient un acteur à part entière,
à travers des associations de
malades ou des communautés
virtuelles constituées sur les réseaux sociaux. Si, comme on l’a vu, il est – et notamment le patient
atteint de maladire chronique- utilisateur actif des outils numériques, il peut avoir également, dans le
marché de la santé, une attitude consumériste, et défendre ses droits face aux autres acteurs, fût-ce au
prix de contentieux. Ceux-ci se sont multipliés depuis les années 2010, et concernent majoritairement
les diagnostics, et dans une moindre mesure les actes médicaux.
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Cette hiérarchisation est dite intuitive, car elle se fonde sur les seules appréciations spontanées des
experts de l’ARS, et sans tenir compte des liaisons entre ces variables, que prend en compte par
exemple une technique comme l’analyse structurelle, non utilisée ici.
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