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M IRGUET
DIRECTBUN DN 1,, Écor,E )ioRrALE DE Huï

HISTOIIIN I}NS BNI,{iN


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DT I,ET]H flVILISATIOI\{

8,
I

BRUXELLES
J. LEBÈGUE & Ci", LIBRAIRES-ÉDITEURS
46, RUE DE LA ITTADBLEINE t*6
'
{ 896
HISTOIRE DES BELGES
nT.

DE LEUR CIVILISATION
'a

't.

Bruxclles. - lrnprirnerie J Jrlssuus, ?.ï, nrc des Arrnuriers.


PRB[ÂCN

< Les notions qu'on dorme à la jeunesse sous le nom d'histoire d


> sont absolument sans valeur comme guide dans la vie. Les faits I
l rapportés dans lcs rnanuels, et ceux même conterius darm les ri

)) ouvrâges plus sérieux écrits pour les adultes, ne mettent presque


'> pâs en lumière les vrais principes
phies des
de I'action politique. Lcs biogra-
souverains (et, nos enfants n'apprennent guère autre
> chose) ne jettent pas lieaucoup de lumière sur la science sociale.
-l
> Nous y lisons qu'il y a eu, à telle époquL., une conlestatiorl pour
> Ie pouvoir ct que cette contestation a amené une bataillc rangée;
, QU€ les généraux avaieut tant de nille honuues d'infanterie, taut
> de mille hornmes de cavalerie et mêrne tarrt de cânol)s; qu'ils ont
r disposé leurs troupes dans tel ou tel ordre; qu'après toul.es les
> péripéties du combat, la victoire a été r.crnportée par l'une ou
r ltautrearméc; eulill qu'il y r eutant, d'hommes tués, tant de faits
)) prisonniels. Dans tous les détails du r'écit, s'en trouve-t-il un seul
u qui puisse vous aidcr à vous diriger en tiurt que cito-vens?
> Supposez que vous iiyoz lu avec soin non seulemcut les quinze
r> batailles décisivcs qui ont été livrées dans le uronde, rnais le récit
r de toutes les autres bataillcs que rnentionne I'histoire, votre votc
)) aux élections prochaines en sera-t-il plus judicieux?
> Ce qui constitue I'histoir.e véritable, ce qu'il nous irnportc
> surtout de connaître, c'est l'ldstoire naturelle dc la société. Nous
)) avons besoin de savoir tous les faits rlui peuvent ilous aider il
)) compt'elldre comrnent une nation a grandi ct s'est organisée.
> Parmi ces faits, plaçons un récit de son 'gouvernement, tlans
> lequel nous ferons entrcr autant rle details que nous pourrons sur S
> s{l constitution, sur lcs principes, les ruéiliotles, lcs préju.gf
V.llirguet.-HistoiredesBelges. n ifl
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t:

l,

II pnÛl'AcE

)) qu'il ac0us0, et quc ce recit eOmprenne,


nOn seulenent ce qui sc
)) rappOrte ir la nltule e[ au jeu du gouvernement eentral, mais
> aussi tout, ce qui a rapport aux gou'ernemenrs
rocaux. Ir
> faudrait cusuitc connaître, d'une facàn gé'érale,
> industriel de la nation; ce qui nous al]prcnch,ait
le système
à quel" aegrJ
> ré$rait chez cile rrr uréilrode de Ia division cru tr.avair,
res rèfte_
> ments eu vigueur dans I'i'ti.strie; si les proclucteurs
formaù't
,r des castes, des corporations, o* s'irs étàient isorés;
queiles
> étaielt les lelations de patron à emplo.vé; p:ll, quelles
voics les
> produits se trouvaient cn circulation; quels étaieni les
rnoyens de
[t' )) comnunication et quel était le signe représentatif
tlcs ialeurs.
,r II faudrait mo'tre' ce qu'était le degré de culture
t )) natiol), dans son arehitecture, sa peinture,
r
esthétiq.e de hr
sr seurpiurc, sl
nusique, son r.ôtltrnent,, sa poésie et ses fictions.
d
'
,, Voif llr, ,rotio,r, ,f,, prrrO qui'pru"r,rt r.,,ui.,.., .rrurr,, ,, ,fi.ig.u,.
> sa conduite ct r\ lui forner une opinion exlete sul les époqles
qui nous olr[ pr'écédcrs. La seule histoire qui ait une valeur
",, pratique
pourr:rit s'rppeler sociologie ilasuiptiue; et lc meilleur
service que I'histoire puisse re'tlre, cbst cle r.lconter la vie
', 'ous
des nations, tle telle façon r1u'il
',, sociologie nous soit fourni des rnatéri:rux de
cornpartc,, alin qu'on puisse ensuite cléter.nriner les
lois
o fondamcnt*les qui président aux phénomr\res sociirux. >
.aa-
Nous rallio's entièreme't à ces itlées de I'illustre philo-
'ous
sophe anglais Hnnnrnr sprxcnn au sujet de I'enseignement
de
I'histoire. Nous avons donc tenté, tlans notre ouyr,àge, un pre-
mier effort pour réalisel sa méthode.
Nous nous sommes attaché à y retracer., sous la for.me la
plus simple et la plus intéressaute possible, ceux des faits
tle
notre histoire qui paraissant lcs plus propres li évoquer, dans
sou intéglale et sincère réalité, la vie tle nos ancêtres.
Sans négliger les événements considérables d'oldre militair.e,
nous n'avons pas cfn ponyoir les mettre. toujours au prernier.
plan ni les exalter outre mesure à toute occasion.
Avec une légèreté, uu défaut de pr:évoyance qui attristc,
la plupart des homrnes de notre époqrre réservent encore torrl
DRÉI-ACE III

leur intérêt ri ces jours tle tliscorcle, de haine et de passion,


qui ont élevé I'hurnauité contre elle-même, fait couler le sang
et les larmes de millions d'hornrnes, occasionné tant de lamen-
tables ruines, tant ct si souvent, pâr suite, retardé la marche
tle la civilisation.
Ce qir'ont été chez un peuple, aux différentes époques tle son
histoire, administration., justice et bienfaisance ; sciencet,
plr,ilosoplûe et c?'lllences ; instructian, Iettres e\ beaun-arts ;
agnculture, czntnrerce eï indu,strie ; nou,rriture' et uetement,
habitatiort, et mobilier ; enfin, mæu,?'s 1nùliques et aie priuée,
tout cela n'est que dôtail et accessoire, aux yeux du plus graud
nombre.
Les inconvénients et les dangers de cel,te disposition des
esprits, contre laquelle nous avons essayé de réagir, ne peuvent
ètre contestés. Nous croyons, du reste, que seul, un exposé clair e[
méthodique des faits de civilisation est capable de faire revivre
le passé aux yeux tle l'élève; tle lui fairc comprendre comment
ttos ancêtres out senti, pensé, vécu; de lui montrer par quels
efforts incessants et pénibles ils ont lentement, pâs à pas,
progressé dans les tlivers champs tle I'activité humaine, En
nous attachant à présenter I'histoire de la patrie sous une forme
à la fois plus concrète et plus vivante, nous avons eu pour but
tl'en rcndre l'éturle plus agréable, plus fructueuse, et aussi de
procurer aux jenucs gens qui ont passé par l'école primaire et
par l'école nroyenne un complément intlispensable d'instruction
historique et civique.
Pour permettre à l'élève de distinguer aisément les notions
tlont la conuaissance est exigée par les programmes, nous les
itvorrs signalées à son attention pâr un texte bien apparent.
Les parties tlu livre imprimées eu caractères plus petits poul'-
;
lont être, de sa part, I'objet d'une simple lecture tontefois,
les détails fournis par ces demièr'es éclaireront certaine-
tnent d'un jour plns vif les rnatières du progrârrrme et contri-
IY pnÉr,'lûn

bueront à développer 0u à faire naitre chez lui le gott des

étutles historiques.
0n trouvera peut-être que nous auriorrs dt
nous étendre
moins longuement sur certaines époques, sur certaines institu-
tions, sur certains hommes, pour faire une place à d'autres,
d'irnportance secondaire il
est vrai, mais que nous passous
complètement sorrs silence ou que nous mentionnons à peine.
Nous avons préféré nous borner et traiter avec plus tl'ampleur
les questions principales, nous souvenant de I'adage Peu,, :
mais bien,. C'est un danger, dans un manuel tl'histoire, de
prétendre toucher à trop de points. Au lieu de composer
un livre élérnentaire, clair et intéressant, comme i[ conviendr.ait,
on s'expose à ne produire qu'un abrégé obscur, aride, rebutant.
Le mot de Lakanal est toujours en situation : ( On corrfond
volontiers les éICmentaires a\ec les abrégés,. on oublie que
l'abré,gé est précisément I'opposé de l'éIintentaire. n

Peut-être aussi nous fera-t-on un grief de séparer, tlans


notre manuel, des faits sociaux que la vie pr.atigue associe
intimement.
C'est pr.écisément parce qu'il s'agit d'un rnanuel que lrous
avons cru devoir procéder ainsi. Conduire parallèlement
l'étutle des faits d'ordre politique ou militaire et les faits
tle civilisation, n'est-ce pas disséminer I'attention tle l'élève, la
distraire, I'affaiblir? N'est-ce pas exposer ce dernier à ne pas
bien apelcevoir, à rnal retenir, la trame et I'évolution des divers
élémelts historiques ? Notre plan lui fera, moyons-nous,
saisir avec plus d'aisance I'enchaînement des faits tl'un
même ordre à tlavers les rnultiples périotles histor.iques; il
en facilitera la revisiou par le professeur.
A la vérité, en répartissant la matière cornme nous le faisons,
oll s'expose à tomber parfois en des r.edites. Est-ce là un si
glaud mal ? Le seul inconvénient à cr.aiutlre serait de grossir
légèrement le manuel. Mais norrs rlous sommes efforcé d'éviter
PRETACE V

cet écueil en introduisant dans I'exposé des faits proprement


dits, chaque fois que la chose nous a paru possible sans rompre
I'unité du récit, les faits d'ordre administratif, judiciaire, scien-
tifique, économique, etc., ne réservant guère, pourles chapitres
subséquents de la pér.iode, ![u0 les svnthèses et les aperçus
généraux.
Au surplus, en suivant ce plan, nous avons imité I'exemple
de hautes autorités parmi lesquelles nous nous bornerons à
citer M. Hulrxn, dans son Histoire rlu règne cle Clm,rles-Quint
ctl Belgiqu,e, oir l'éminent historien cousacre des chapitres
spéciaux à la lëgislation, el ii lt justice,. au conrnxerce, à
I'indu,strie et àI'agriaùture; à l'organisation nùlita,ire,. aux
sciences, aux leftres et :lux beaun-arts.
Nons espérons donc que les sérieux avantages didactiques
dc notre plan compenseront aux yeux des lecteurs et tles
maîtres les faibles inconvénieuts qu'on pourrait lui reprocher.

***
Le 2 septembre tlernier, L'Indé,ltenclance belge publiait un
résumé des discussions du Congrès de la Paix tenu à Anvers
pendant I'Exposition universelle. Noul; extrayons de ce compte
rentlu les lignes suivantes :

n M. Houzslu DE Lnu.lrn, membre de la Clmnùre des


Représentants, président, Iirlplse au, Congrès tl'enuoger ù
l[. Mrncunr, au,teu,r, d'une histoire Belgiqu,e, les félicitations
de
Ies plus chaleu,reuses, p&1"ce qu,e dutts cctte æuure lcs parties
traitant de Ia guerre sont nùses au. second plan. il inaite
égalentent les ntem,bres ii
bien, uouloir sign.aler au brn eau
international de Berne tous les luuroges d'ltistoire sinùIa,ires
qu,i uerraient le jom, dans les différents paEs. n
Comme suite à la proposition folmulée par.M. le Président
du Congrès, M. Mirguet reçut la lettre dont Ie texte suit :
PNÉFÀCE

Gongnès intennational de la Paix.

1894 1894.
-ÀNvERS-
Secri.tariat gënérat Ce I septembre {894.
Rue Joseph II, 39
BRUXELLES.

llonsieur llirguet,

Le Congrès international de la Paix, r'éurti à rlrtvers, a chalgé son


burean, sur la proposition de son pr'ésident lI. Houzeau de Lehaie'
de vous trirnsmcttre ses félicitations pour votrc beiru livre < Histoire
des Belges et de leul civilisation >.
Cette æuvre est un nrodèle que lc Congrès a voulu distinguer
pour le désiguer aux édueateurs des autres peuples comme un
précicux exemple. Il sera celtrrinement imité, mais vous aurez eu
l'honneur d'avoir compris I'un des premiers qu'il fillait faile aimer
Ia paix et que pour celir il faut glorilier lc trirvlil et surtout ne plus
glorilier la guen'e.
Àgréez, je vous 1ilie, I'assul'al)ce de mir hautc considd:rrtion.

POUR LD BUREÀU:

Le Secrétaire général,
LÀ'FotirAINE.

Monsieu,r: Ifû'guet, tlirecteu,r de l'ecolc rtot'ntulc


de Hu,y.
ilI$TOM M$ Bil,ffI]$ tt ilil T$I]I[ fiIYIII$ATIOI{

INTRODUCTION

L'Ilistoùe a polu' loi de ne rien, dite de fauæ


de ne rien taire de vrui.

Sotn'ces h.istoriqu,es. Il y peu de ternps encore, 0n se bor-


-
nait, lorsqu'ou voulail, retracer quelque partie tle I'histoire de
I'humanité, à consulter les légendes et les traditions populaires,
les æuvres des poètes et les émits légués par tle précédents
historiens. Àujourd'hui, ou interroge tl'autt'es sources non
moins intéressantes, souvent plus sérieuses et plus sûres. Les
tlébris fossiles ({ conservés à travers les siècles dans les
)
conches géologiques ; les trouvailles archéologiques; les inscrip-
tionsmolluûlentrles (2) découvertes sur des moirutnents légués
par le passé; l'étude compar'ée tles religions et des langues (3 );

( I ) tes vestiges pétrifïés des animaux et des végétaux portent le nom géné'
ritlue de.fos.siles.
(21 nn caractères hiéroglyphiques, cunéiformes, runiques,-etc.
(a) On est parvepu à reôonst,ituer, pâr lacomparaison de leuus racines, le
tliitidnnaire dà plusieurs langucs éteintes ; à rléterntiner I'dtendtre des idées
et des Connaissànces :rcquise.s par les peuples qui les ont parlées, et', consé-
quenment, le degré de civilisation auquel ils étaient arrivés.
8 Il{TftoDUCTtoN

celle tle I'embryologie; les caractères anthropologiques tles races


(forrnes rJu crfrne, coloration de la peau, système pileux, etc. ),
sont, tour à toul', étudiés de la façon la plus fructueuse et
foumissent des documents histoliques tl'une inestimable laleur.
Nous pourrious ajouter encore, à cette énumération de soulces
nouvelles : a ) I'observâtion des mæurs actuelles des sauvages :

ces mæurs paraissent reproduire, dans une certaine mesut'e,


les états primitifs de civilisation successivement traversés par
les râces ; )
supérieures b l'observatiotl du dÔveloppement
intellectuel de I'enfant : celui-ci repasse, sernble-t-il, sous ce
lappolt aussi bien que sous Ie rapport phvsique, pat' toutes les
phases initiales de l'évolution humaine.
En plusieurs points, I'histoilebasée sttr les docttments fournis
par ces s6urces diffère de I'histoile tellc qn'elle a été émite
jusqu'ici. Soucieux de nous cotlformer aux exigences de la
vérité, uous ayons fait effort pour tenir compte, tlans les pages
qui suivent, des progrès de la critique historique et tles décou
vertes scientifiques les plus récentes.
PÉRIODIi DHS TEMPS PNÉHISTONIOUES ET' PROTOHISTORIQUES I

.A. _ TEITPS PRIIHISTOfIIOUES

Ouvrages à consulteF.

Illorttltet ; Dictionnaire des sciences anlhropologiques. - Dupont : Les


Populations belges préhistoriques' Flantmaûon I Le Montle avant la créa-
Clt. Oontejan:
- Géolbgie et Paléontologie. Falsan:Lt
tion de I'homme. - ou de Cans'
- Fruiportt tt Lhoest.' La Race de Néantlerthal
PériOrleglaciaire.
- Lubbock: Les Origines de Ia civilisation et I'Homme
tadt en Belgique.
préhistorique.
- Ertans .. Les Ages de la pierre et l'Àge du bronze. De
- -
Nadailtac; Les Premiers Homrlles. Petltëte .' Causeries scientifiques failes
- : IIIélangc d'alcltéologie.et
au Cercle des Naturalistes de IIuy.
- Quicherat
rl'lristoire. l'antlerkindere : [thnologie (Patrir I]elgica). Grand.gagnqge:
- -
Del'0rigine tles NallonS. - Dttpottt.'L'Hontmependattt les àges cle la pierre
dans les environs de Dinant-sur-Meuse, '1872. 950 p. Nombreuses ligures. -
1'lûI-Lot'rain: Série de conférences aux Soirées populaires de Yerviers. Réunies
en brochure, ,[873, no 3, no .|2. Remarquable résunré. - Congrès interna-
lional r.l,'anthropologie et d'archéologie ptéhistoliqrres. Stockholm, '187/*. 2 vol.
I\ombreuses figures. I.e lloil.'L'Ilomme fossile. Bnrs. {868. 1n-9o,450 P.
400 figures. Ilaroll- .'Crornlechs el Dolmens. IJus(1es.'ceux de Namuret
- -
de Bruxelles, très riches.

lndex géognaphique.
' St. Acheulprès cl'Amiens, (Somme). D'oir tlérive la qualilication rJ'achetiléen,
donnée d'abortl à la plus ancienne époque du quaternaire. Station tlisparue par
suite dc I'agrantlissement. de la ville,
Canstadt,près tle Stuttgar.d. Crâne découvert en {T00 dans une espèee de
limon nommé lehnt. Depuis, lous les ossemenls humains rencontrés dans le
nème limon ont é1é dits dc Iu rvce de Oanstatlt ou cle liéanderthal, lls
appartiendraient à I'fuomme clielléen. D'aucuns cepentlanl, M. Flaipont entre
autres, croient qtt'ils appartiennent all mouslérien.
l0 HIsrorRE DEs BELGES ET DE LEUR ctvILISATloN

Chaleut, sur la rive tlroite de la Lesse, en aval de Furfooz.


ûhauueau, sur la rive droite de Ia Meuse, en face du village tre Rivière.
chelles, petite ville du département de Ia seine, à 4 lieues de paris, sur la
Illartte. D'oir I'on a ïait chelleen.
Englhoul, près d'Engis.
Engis, village situé sur Ia rive gauche de la }Ieuse, eltre Huy et Liége.
Ftufooz, sur Ia rive droite de la Lesse, rron loin de Dirrant. Là se trouvènt
le Trou des Nutons et celui du Frontal.
Gendron, sur un sous-afiluent de droite de la Lesse, en amontrre Furfooz.
Godinne, en aval de Dinant. Caverne exploitée par Spring, en {8S3.
Goyet (grotle de), sur le Samson, allluent de droite tle la lleuse.
Ilasted,on (plateau de), à Saint-Servais, près de Namur.
Ilasttèt'es, rive gauche de la lleuse, entre Givet et Dinant.
I'a xladeleine, près de sarlat, sur la Yezère, tlans la Dor.rlogne, À rlonné son
nom au lagdalénien.
Magrite (le Trou de), à Pont.à-Lesse.
Mesuin, comrnune du Hainaut à 4 kil. 5 de Mons.
Modaue (Pont de Bone;, mamelon formant presqu'ile rlans la vallée tlu
Iloyoux, allluent de droite de la Meuse, près de IIuy.
Montaigle, sur la rive droite de la llotignée, aflluent de gauche de la Meuse
en aval de Namur et en amont de Dinant.
Le Moustier, petit village sur la Vezère, près de périgueux, département de
la Dordogne, France. Il a donné son nom aumoustérien.
La Naulette, sur la rive gauche de la Lesse, en aval de chaleux. ltàchoire
rlécouverte en {865 par Dupont et'rapportée à la race de canstadt ou cle
Néanderthal
Néanderthql (caverne de), près d'Elberfeltl (Prusse). cr'àne découvert
cn {856.
Pont-ù-Lesse, sur la rive droite de la Lesse, en aval de la Naulettc.
Roltenhausen, localité située près rle Zurich. Orr y a trouvé, dans un
marais, une stal,ion très riche en instruments faits de pierre taillée et polie.
A rlonné son nom aux débuts de la période actuelle on robenhantsienne.
solutré, station située entre Macon et cluny, sur la petite-Grosne, affruent
de la Saône. À donné son nom à l'époque solunéenne.
Sptennes, sur la Trouille, à six kilomètres de trfons. À fourni aux popula-
tions préhisl,oriques belges une immense quantité de silex. Le sol y est miné
par des extractions qui datent, semble-t-il, des temps clrelléens. 0n y a
retrouvé plus d'un million de silex ouvr'és.
.Sp.ry, village belge sur I'Or.neau, aflluent de gauche de la Sambre, à ,lB kil.

tle Namur.
Sureau (le Trou du), à Montaigle(l'alaen)n
Yuoir, village belge sur Ia lfeuse, en aval deDinant. Le prateau rl'Herbois
est près de I'embouchure du llocq.
-
pÉRI6DE DES TEMpS pRÉIIIST6RIgUES ET pR6T6H1STSRIggES {I

Fonmation des tennains pnimitifs et das ternains


sédimentaires primordiaux, pFimaiFes, secondaires
et tentiaines.
Negliger I'histoile des populations qui ont vécu duts nos contrées
.u* Ënipt préhistoriques set'itit faire d'uuc firçon incornplètc celle de
ruotre pays- l{ous allons clonc résumer ci-après les dounées, d'ailleut's
*ounent hypothétiques, acquises sul I'origine et les ponditions
rl'existence de ces populations. Rappelons cl'abord sommairemcnt,
le mode de formation des principales couches géologiques.

TITRE I

Fonmation des tennains pnimitifs ou azoiques,


d'onigine ignée.
Lorsque Ia tcrre, primitiveulent incaltclescente, se fu[ peu à pcu
refroidie, il se forrna à sa surface une crotite solide d'une épaisseut'
indéterminée, qui alla, qui va encore s'augmeutant. Aux rocltes
ll'origine ignée qui cornposent ce[te croûte' les géologuos ont dotttté
le nom de terraiûs primitifs ov n.to'iquæ (salrs vie). Il est peu
pr.obable qu'aucun ôtre organisé ait, pu s'y clévclopper, tlu moins
ilans les premiers liges, la chaleur étant alors extrôme à la surface
rlc notre planète. Aussi ces tcn'irins tte renfel'lltent-ils rrulle trace
incoutestable de fossiles.

TTTRE II

Fonmation des tennains paléozoÏques (l)d'onigine .'-


sédimentaine.

FOATTATION DES TERRAINS PRIIUOITDIAUX.


_ AGE PIIITTONDIÀL,
DIT DES ÀLGUES DT DES ÀCRÀNIENS

U1e atmosphère humide, chalgée d'électricitô, euveloppe alors la


lCrre. D'heUre etl heure, d'effroyables ol'Ages s'y tléeh;rinent, aCCOtu-

(l) Patéozoirpte ; vie arrtique. - V oir Le Illonde ayunt la çéattott de I'homme,


par I'r,ruurRloN, p. 919 et 264.
12 HISTOIRE DES BELGEs ET DE LEUR cIYILISÀTION

pagnés de pluies diluviennes. D'impétueux torrents, dcs fleul'es


énormes se forment, dont I'action, s'ajoutant à celle des tempêtes,
ronge et, désagrège les teruains primitifs sur toute la surface du
globe. Lcs débris rocheux ainsi formés sont entrainés par les eaux
courantes, roulés et peu à peu usés jusqu'à ne plus former qu'un lin
gravier. Dans cct état, ils sc déposen[ par couches sur les terrains
primitifs oir ils constituent lespremicrs terrains de sédirnent ({), dits
tcrrairrs printordinu,n. 0n a aussi donné le nom d'ûge pritnordial
irux temps ilendant lesquels ils se sont formés (9).
Durant cet âge, la Belgique est encore sous I'eau. Pour rencontrer
lir terre ferme, il faut aller dans lesYosgcs et la Bretagne. Cependant,
itl couts de ces tenrps lointains, la vie naît à la surface du globe.
Des ètres organisés, à st,ructule rudimentairc, apparaissent (3). Ce
sont les protistes, d'abord ; des pkmtes et dcs animau,n msrins ensuite
(.ulgues, é.ponges, polypiers) I enfin, quelqucs végétaux et quelqucs
uimaux terrcstres, parmi lesqucls les nnnélidcs, lcs mollusqu,es,les
trilobites (4), etc.

FOnITATION DES TERRATNS pRlrrAmES. ÀcE pRIlrÀrRE! DrT DES


-
roucÈnrs ET DEs PoISsoNs

Dc l'âge primitif au suivant, la température générale btrisse d'uue


flçon sensible. Néanmoins, elle reste partout tellement élevée qu'en
iiueull lieu de la terre, pas plus aux pôles qu'à l'ér1uateur., il n'existe
cncore de saisons. L'évaporation des eaux continue, rapide et puis-
I
sirnte lcs pluies rlemeurent fréquentes et considérablcs sous ;
I'rction clcs rivières et des agents atrnosphériques, la désagrégation

({) Le terme sédiment désigne les dépôts opérés par les eaux.
Notlon essentielle, Entre ces terrains ou âges, il n'y a pâs, comme la clas-
sificationdesgéologues- pourrait le laissercroire,de limite précise,pas ptus que
r:hez I'homme, par exemple, enl,re l'âge mur et la vieillesse. Un âge succède à
I'autre par évolution lente, non par révolution ni cataclysme. (Doctrine de
Lyell, universellement adoptée. )
(9) L'âge primortlial a été partagé par les géologues en trois périodes : le
lau'entien, le cambrien, le silurien,
(3) les eaux furent habitées en premier lieu; ce n'est qu'à la fin de la période
silurienne qu'apparaissent, d'ailleurs en variétés peu nombrerrses, quelques
véi;élaux et animaux terrestres (à respiration aérienne).
(4) te trilobite parait avoir été un ancêt,re des crustacés. 0n remarqrrait
chez lrritles rndirnenls d'yenx. II a disparu depuis la période carbonifère.
pÉRroDE or* rruo, pnÉutsronl0uns BT pRoToHISToRtouEs {3
des roches se poursuit; de nouvelles couches de sédiment se dépo-
sent au fond des eaux pour former les tercnins primaires (l').
Âveq l'âge nouveau naissent les premiers vertébrés, les poissons à
squelette cartilagineux ( 2 ) et les insectes. Plus tard apparaissent les
batraciens (grenouilles, salamandres, etc. ) ct quek.Jues reptiles
(serpents, lézards, tortue ).
L'Ardenne émerge avec le dévouieu,la Belgique centrale avec lecar-
bonifère. Sous I'influenced'une tempér'ature torride, il se développc'
dans le bassin houiller belge actuel, une végétatiorr luxuriante de
prêles géantes et de gigantesques fougères qui atteigttent souvcut
trente et quarante mètres de hauteur : leurs dcbris accumulés,
enfouis dans le sein cle lit tet're, dottnent à la longuc naissanse à la
houille.

FoRrIArr0N,J;;.;iilili"i:iiïii';;J;ï,#"-DAIRE'

Pendant l'âge secondaire, les causss précédemment sigrrirlées


r:ontinuent à produile des effets analogues et de uouvclles couches
rle sédiment se forment à h surfacc du globe (3 ). Il en sera de rnême
aux irges postérieurs, clésignés sous les noms de tertiaire et de tltmter-
naire. D'ailleurs, des phénoniènes scurblables s'itccomplissent, encorc
aujould'hui sous nos yeux, mais d'une façou si lente, si insensible,
r1u'ils échappent facilernent à une nttention superliciclle.
L'irge secondaire fournit d'abord les grands végétaux conifères
(arbres à feuilles persistantes) dout beaucoup attcigneut ccnt mètres
clc hauteur et trois mètres de diarnètre. Les pretniers vegétaux à i,
'È,
fleurs naissertt ensuitc. En mème temps, se montrent les sauriens, 1.1È+._

suivis des prernicrs oiseaux et, bientôt, des premiers mamntifères. .


Itlais I'irge secondairc cst surtout le règne de sauriens géants aux
formes étranges. 0n a retrouvé, en notre pays, d'abondants ves[iges
d'un lézard colossal, dont, la taille devirit dépasscr treize mètres. Ort
lui donnc le nom tle nrosa.saerre (saulicn de l:r llcuse) ou cclui clr:

({) Comme ceux tle l'âge précédent, les [errains de l'âge primaire ont été
divisés en trois périodes :le déuonien, le curbonifère et le permien ou batra-
cien.
(9) Représentés dans Ia faune actuelle par I'anzphiorus.
(3) 0omme les précédents, Ies temins secondaires se subdivisent en trois
pér'iodes z le triasirpe, le jurussirltrc et Ie crétacé.
14 HrsroIRE DEs BELGES ET DE LEUR cIYILISÀTIoN

lminosatn'e (saurien de la Haine), suivant qu'on découvre ses restes


dans le lrassin de la Meuse ou dans eelui de la Haine. L'iguanoilon,
bipède à pattes d'oiseau, mesurrit dix mètres de longueur et,
debout, rrtteignait la hauteur de quatre nètres cinquante. Les houil'
Ières cte Bernissart en avaieut conservé de notnbreux squelettes.
Citons cnL'ore, parni les représetttants les plus ltizames de cetl,e fautrtr
fantrrstique : le ptérodactyle, lëzard à gueule dentee et à ailes menr-
braneuses, probablement I'ancètrc de la chauve-souris, dont les ailes
cléplo1-ées atteignaient une envergure de dix mètres ; Ie labyrintho-
tllnte, clapaud énotme, de la trille d'un bæuf et dont le corps était
couvert de plaques écailleuses colllme celui du crocodile i l'archéo1t'
téth, un oiscau dont le bec était armé de dentsaiguës et les ailcs
terminées par des griff'es acér'ées; enlin l'atluntosaure, quadrupèdtl
hcr'bivore à pieds de lézard, apparemment le plus grand des animaux
qui ricnt jamais existé : il ntesurait de tlente-cinq à quitrante tne\trt's
de lortgueur.

ronvlirox DEs rEnRÀrNs TERTIAIRES.


-
AGE TERTTATRE ou DEs

ARBRES A SAISoNS ET DES ,ltllt,Utf'ÈRrS

i La conlïguration cles terres subit de profortdes nodilicatiorrs


I pendant l'âge tertiaire. L'Europe actuelle achève d'étnerger et deviertt
I
terre felmc; les ilcs Britanniques font partie du contincnt. Toutefois,
!.
t. lc uoltl de la Belgique reste sous les eaux.
4
IÈa -.',
En celtaines parties du globe, surtout drns le voisinage des pôlcs,
on coustate uu abaissentcut considérable de la température. Lcs
s'.risons s'ébauchent. Des irrbres uaissent qui portent des fleurs Lrt
clont lc feuillage se reltouvelle annucllemen[ (arbrcs à saisons ).
Les monstrueux anirutiux de l':ige pr'écédcnt disparaissent et sortt
rcrnplleés par des iltatttutifores, d'ailleurs de taille cncore gigan-
tesque, tels que : le dinotluriu,nt.,le plus grtrnd des mammifèrcs dont
on ai[ signalé I'existence : arntéc de dcux formidables défcnses. srr
tùte scule mesurait plus de dcrtx rnètres cle longuetrr llentastodonte,
ir deux ou à quatre cléfenscs, aux fortnes utassiles et colossales,
rrrrcêtle probable avec le précédent de l'éléphant, lctuel ; l'éI(phant
néridiona,I, qui atteign:rit la hauteur tle cinq ntètres; ctc.
L'oiserut prcntl définititerncnt posscssiou clc I'rtltttosphèr'e au
pÉRIoDE DEs rEltps pnÉHIsroRIQtiES ET pRoroHISl'oRIouES {S

miocène ({); qui voit également apparaîtle le singe misopithèqu,e.Les


singes anthropontorphes (9 ) sc moutt'ent au pliocèrte.
pn anthropologiste rlistingué,M. I'abbé Bourgeois, a éntis I'opinion 11

f{ue I'homme aur.ait existé dès la fin du tcrtiaire. Cette opinion n'a '"xi
pas pr'évalu. I
'1
I

TITRE III

FoÈmation des tennains quatennaines. - Péniode


. paléolithique ou de la pienne taillée.

La cinquièntc couche de sédiment ftlnna les terrains quaternaires.


L'existence dc I'hotnrne à I'aurore des teurps quaternaires est univer-
sellement adtttistl. Ott a retrouvé des tr:rces peu cotttestallles de sa
présence en llclgique tlès cette époque. C'est donc avcc lc quater-
uaile que columcilce en rérlité I'histoire cle nolre pays.
Pour faciliter l'étude des temps préhistoriques et protohistoriques,
orr les pt'utage en trois iTges d'aprùs la matièr'e principalement
cmployée par I'hotnme, au'cours dc chacun d'eux, dans la fabri-
cation de ses itrrrles, irtstluments et outils. Ce sont les âges de la
pierre, du bronxe ct clu pr.
Dirns le ntôlre but, ott a ztussi divisé l'âge de la picrre en trois
pér'iodes et l'ort I basé cette division nouvelle sur les procédés
successivement adoptés par I'homme pour obtenil et firçonner le
silex :
a) Lnpériode éulitlûqtte ou hieuencore dela pierre éclaté,e,rapportée
à la lin du tertiaire, oir quelques savauts admettent qu'e I'homme
âtge
a pu exister. A cctte époque, Ie silex s'obtenait en exposant au feu, dæ
pour les frile éclater par lir chnleur, des nttcléu's ou quartiers de
roche en silex. Lcs fragrnents obtenus étaient emplol'és llruts, sans
laillc ni rctouche.
b) La période paléolitlùque,rJlïe aussi de lzt,pierre tuillic, qui s'étertd
Lr tout le quatemait'c. l,es frirgmettts de silex utilisés s'obtenaientpar
percttssion ou piu' pression.0n les trnvaillait pat nza.rtèlentent, c'esb'
ir-clile qu'on les rippointait ou qu'otl les rendait trtnchants par le

({ ) 0n tlistingue tlans le tertiaire trois périodes : l'éocànerlenûoci:ne eI le


'Ttliocène. -
(2)Qui se rapplochent, rle I'homme par ccrtains caractères exlérieurs.
t6 HISToIRE DES BELGES ET DE IEUR crvILIsÀTroN

moyen de petits coups appliqués sur chaque éclat à I'aide d'un pcr-
cu,teu.r, par exempled'un moreeau de silex ou d'une autre pierre très
dure.
À son tour, la période paléolithique a é[é sulidivisée en quatre
époques, distinguées pal la matière et la forne des instruments
et par la nature des ten'ains oir ils ont été découverts. Ce sont :
{o l'époque chelléenne, caractérisée par l'insh'u,ment chelléen. lequel
affecte la forme amygdaloide et porte le norn de cou,p de poing ;
9o l'époqu,e moustérienne, qui a pour caractéristique l'instrwnent
tnotutérien, pointe triangulaire en silex, taillée sur une facc seu-lc-
nrent et dlte pointe ntou.sté.riennc .' I'instrument chelléen était plus
dangereux, I'instrument moustérien plus utile ; 3o I'époque soht-
tréenne, dont la caractér'istique est I'instrttment soht,tréen, qui a pour.
type une pointe de silex ert forme de feuille de lau,ricr ou er feu,ille
de sau.Ie (à cran); 40 l'époque nmgdaléninnne, signalée par la substi-
tution de I'os, de Ia corne, de I'ivoire et du bois au silex comnte
matières premières tles armes et, des outils, ce qui pemret d'en mul-
tiplier le nombre ct d'en rendre I'ernploi plus commode et plus
-iiiïi;r
iode néolithiqu,e, dtoe ausri ,oàrn hausienne,ou encore de
lit pierre polie, par laquelle débute l'âge actuel. L'homme, devenu
très habilc dans la taille du silex, façonne et polit, arec un art cle
plus en plus parfait, divers objets en cctte matière.
L'existence dc I'homme tertiaire étant, comrte nous I'avons clit,
demeuréc jusqu'ici très conjecturale, nous ne nous pr.éoccupel.olts
pas davantage de la pér'iode éolithique; Dous aborclerons immédia-
tement ce qui, au point de vuc anthropologiquc, se rrpporte au
*frlFle,E. paléolithique.
{+
I. Époque chetléenne ou de t'éléphant anlique.
- Au début du qua-
ternaire, I'Burope fortne uue île. La Gr-antle-Blctlgne ct I'h'lrrnde,
soudées entre elles, font col'ps avec Ie continent. illais l'Océan sub-
merge toujours la tlollande avec la nroitié sejiteltrionalc de la
Belgique, tandis qu'il communique pal le nord avec la nter Noire. Le
graduel abaissement clc température constaté dès lc tertiaire se
continue. Toutefois la tenrpérature de lrr l3clgiquc, colllme en général
celle dc toute I'Burope, dcùrcure rcl:rtivement chaudc. Blle est plus
humide, nrais plus uniforme quc cellc de nos jours : lcs hivers sont
rnoins froids et les étés moins chautls. L)e lir vient que dcs aninraux
cortstitués pour vivre en des clirnats cxtrêrrres se rencontlent dans
la Belgique d'alors : I'éléphant antiqu,e,le rluinocéros ù nnrines cloi-
pÉRroDE DES lElrps pnÉHls'roRrouES ET pRo'IoHISToRI0uES l7
sonnées le lion, Ie ligre, aussî
i l'ours des cuuernes, de la taille du bæuf;
de très grande taille;
l'hyène, Ie clnntoisr la marnrctte, el"c.
L'existencedc I'homme en Belgique, à l'époque chelléenue, semble,
nous l'avons dit ci'dessus, lieir àenrontrée. ll
existe à Mesvin un-...1';'.*f;*"**'-
remalrluable gisement de fossiles rapporté au chelléen. 0n croit,
aussi avoir retrouvé des traces de chelléen à Spy ({) et dans;'lr'1"'-"%Ï"
plusieurs grottcs dc la vallée dc lir llleuse, notamment au trou de '/trÉ'|rr'^-
Gerrdron. Ainsi, tlès Ie commellcement du quaternaire, oll voit la.r,",'.^.À:',:!f
'
Belgique hallitée par deux groupes de population de race chclléenrle,'
aux traits dolichocéphales et prognathes (2). L'un vit daus la vallée
de la llleuse, I'autre daus le bassin rle la Haine. Habitant des régions
séparées par de vastes forêts a peu près impénétrallles, les deux
groupes restent sllns rappolts entre cux ct probablement inconnus
I'un à I'autre. Aussi, tandis elue lcs Mesrinicns utilisent, pour la
flbrication de leurs outils ct de lcurs at'mcs, le silcx des carrières
de Spiennes, lieu voisin cle Mesvin, les llleusiens sont obligés de
tirer cle la Charnpagne celui qu'ils emploient.
Gr'âce à la douceur du climat, I'liomme chelléen peut vivre en plein
air et se passer de vêtement. Yolontier's, il s'instirlle i\ ploximité d'une
source ou d'une eau couraDte oir il
puisse facilement se désaltérer.
Des fluits sauvages, des racines, le produit dc sa chasse, lui servent
de nourriture. Il tencl des pièges aux attimaux sauvages, cléniche les
oiseaux, en mange les æufs, dér,ore leurs petits. Coureur rapide, il
sait atteiudre à Iir course un gibier qtri s'ébat nombreux autour de
lui ; espèce de fauve lui-rnème, it se ptait à déchirer à belles dents les
chairs pantelantcs de ses victirnes. Illais à son tour il sert souvent de
proie aux grands fauves qui peuplent Ia contrée. Contre lcurs griffes
acérées et leurs puissarttcs miichoires, ses dertts, ses mains, unc
branche d'arbre, une,picrre dute, aiguë ou tranchante, sont ses
seuls et trop faibles nroyens de défensc. Sous lc rapport intellectuel
comme au poirtt de vue physique, il est au plus bas degré de l'échelle
hurnaine. Sans doute, son langagc, non encore alticulé, consiste
sultout en exclamations, ert imitatiolls Tagues de sotts et rle bruits.

({ ) Voir La Race lnunaine de Ntionderthul ott de Canstadt, en Belgique, patr


MM. Fupoxr el. Luonsr, p. 699.
(2) Dolichocéplmtes: dont le front est bas et fuyant, les arcades sourcilières
saiila'ntes. Prognathes.' dont les mâchoires sont projetées en avant, en forme
do museau.

V. Mireuet. -- Histoirerles Belges.


{8 Htsl'orne DES t}ltLGES ET DE rnun crvllrsÀTroN

Que d'étapes il lui restc i\ frauchir pour atteintlre le plus arriéré des
sàuvages actuels !
Néanmoins, ilconn:rit I'uslge du feu. Ce trrn.iblc et pr.écieux
élément parai[ avoir été tlécouvcrt pirr. I'honrnre dès lcs temps les
plus reculés. Les voleans en éruption, I'Lln ou I'trutle combustible
accidentellement enflanrmé pirl la foudlc, lc folt saus doute décou-
vrir prr hasard. Dans lir suite, un rognotr dc p1'ritc frappé sur ull
morceru de silex; lc t'rottement dc deux nol.ceaux de bois léger.s
et [rès secs (.1 ) un seul c]e ces morccaux rlc bois engagé clans
;
uDe pierre ereusc et sorrnris à un llpitlc nrouyernent rotatoir,e,
d'irborcl avcc les m;rins, puis à l'iiide cl'une corde pirssée par son
milieu et vivement sclllicitée en rlcux scns oppostis; plus tard encorc,
ce procétlé pelfectionné pirr I'usagc d'nnc espècc de foret: tels son[
les moyens par lcsquels lcs plcmicrs hommes se procuront le feu.
lls ne tarclen[ pas i\ I'emplol'cr àh cuisson tle leurs ali-
ments.
II. Époque moustériennne ou de l'éléphant primordial (mammouth).
Pcndant l'époquc moustérienne,, les lrlanclres, le pa.vs d',\rrvers, -lc
Brabant, le Limbourg restcnt en partie submergés. Les pays-Bas
dcvaient fonner llors une sorte d'arehipcl., ciu. on clivers enclroits
de cette contréc on a letrouvé clcs osscments cl'hippopotamc. Iuscn-
sibletnent, sotts I'itctiotr do citttses divcrscs nral dtitcnuinées e1co1Lf ,
lc climrrt clu pays, ainsi quc celui de torrte I'Hurope cl'ailleurs,,
devient singulittrement froid et sur.tout lrunrirkr. 0'r,st, ir ccttc é1loc1uc
t1u'on a rlonné le nom r7e période glnci,nire., à cr'rusc de lrr grandc
extension prise par les glaciers. Toutefois, il inrportc cle r.emarqucr
que la vraie carrctér'istique de la période glrcirir.c n'est pas un froid
intense, mais uue ext,rclrne lrrrnridité. Penrhnt torrte r'époque mous-
tér'ienne, des neiges lbondlntes l,ornbent sur' lcs hauteurs les plus
élevécs du conl,inent europécn oir clles formenl cl'imrnenscs
glacicls, lin même teurps, dcs pluics tollenticlles inontlcnt les
plaines. Ainsi uaissertt tle trotnltrcttx ct puissirnts corrr.s rl'ciru r|ipt,
les flots intpétucux erttririltertt des rnasse's eorrsirler';r|lcs 4e sir;le.

.^
({)0-n a contesté la possibilité d'obtenir. du feu par cc procédé. Il résulte
d'une.lettre pulliée d,ans Lenlutuement gëooraphk|rc du 6 avril {gg0 quô ià
procédé est réellement praticable : c Dans Ie disfrict d'lrenge, j'ai vu, pour
la première fois, produire du feu par re lnottement de .letrx morieiux tle Èois.
Le bois. est léger, très sec, et le frottement pr.oduit un feu qui ,*e
communique à^très
une espèce d'amatlou. n (Licutenlnt DlHxrs. )
pÉnIoDE DEs rnups PRÉHIsIoRI0uES ET pRoToHIsroRI0uES l9
d'algile et de cailloux roulés (l). Àinsi se creusent peu à peu les
vallées. Certains fleuves atteignent des proportions énortttes. Ltt
Meuse, pour citer un exemple, avait, au dire du géologue Dupont,
douze kilomètres de largeur à Dinant et plusieurs lieues à sort
embottchure. D'o[t le norn cle périorle flu,uio-glacinire donné pirr
quelques savants à l'époquc tnoustérienne. L'éléphant primordial ou
mamnrouth, Successeur cle l'éléphant antique, protégé contrc le
froicl par unc longue et épaisse toisotl, apparaît alors d:rus notre
pays ell cornpagnie dtt bæuf, tlu chevrl et de I'irne (9). D'aillcurs, les
grirnds tauves de l'époque précédente continuetit u vivre ert Bcl-
gique. L'ltotume rttoustérien, toujours proguathe et dolichocépliale,
se lapploche, dans ses tlaits généraux, du type lapon. Il est petit,
trapu; sa taille ne dépassc pas l^,/n}. Ses jambes, courtes c[
ployées à I'irrticulation du genou, I'obligent à ntlrchet' dans h
position accroupic. C'est à lui qu'otl a parfois clouné le nolil
d'homme de Furfooz. Quant à Ia vcgétation de nos gontl'ées aux
ternps moustériens, c'était la végétation actuelle de la Scandinavie,
cle la Sibérie et des liautes montagites (3). Toutefois, lleaucoup plus
abonclante et plus développée, pttistlu'elle detait sttflire à I'alimen'
tation de gigantesques ruminants.
Par suite de l'abaissenrent de la tentpératut'e, I'houtne moustérien
ne peut plus vivre saus r'êtetttent ni abt'i. Iin préscnce de, nécessités
jusqu'alors ignorées, il appelle I'industlie r\ son secours.
Pour garantir son col'ps des ligueurs hivertiales, il se cortfec-
tionne tle gfossiers vètemetrts tle peau ; il intagine UII cet'tailt
nomble de ttouvcaux otrtils ell silex Ou en pielres locales très dures
:
(granit otr phtanite) des ltlmes et des scies; rles tacloirs potrr'
nettoyel., en les raclant I I'intérieut', tles peaux, assouplicts ensuite
;
avec de la graisse des pointe.s, potll' les coudre à I'iride de fi1es
lanières, de boyaux tortlus ou de crirts clc cheval. Désorrniris aussi,
llour se souStraile attx intetrtpér'ies rles sirisotrs, il lubite, dans les
pays montagreux, cles grottes ou des iibt'is sous t'oclte. Encorc inex-
périmenté detns I'art de se r:onstruire tles hrl-litations asscz chaudes
ponr. lc cléfenclre eotttre lc froicl, et suffisatitntcnt solitles poul' le pro-

({) Les dépôts forntés à ce m6ment o1t rlté parfois rlésignés sous le tlom de
terrains diluuiens.
(2) Tous à l'état sâuvâge.
(3) Dictionnaire tles scienccs uttthropoloqiques, p, 111.
20 Hrsrornu DES BBLcES rir DE LEUR cIvItrsATIoN

téger contre les attaques des fauves, I'homme disparait de trlesvil


. où n'existen[ ni grottes, ni abris naturels. Au contraire,la race meu-
sienne se mairttient eu ses précédentes stations, car cllc trouve dans
les nombreuscs cavernes de la vallée dc la llleusc des refuges à lir
fois sûrs et relativemettt coufortables.
Les princïpales stations humuines tle I'epoque, découvertes en
Belgique, sont les grottes de Hastièr'c, de Goyet, d'Engis, d'Engi-
houl, de Spy, le Trou du Sureau ct le Trou lltagritte.
La viande de cheval et lcs racines tieunertt une large place dans
I'alimentation dc I'ltomme moustér'ier. Il a un goût prononcé pour
la moelle des os, qu'il fencl longitudinalemcrtt pour en extraire sou
mets favori. Quant aux soins d'hygiène et tle propreté, il n'en
soupçonne pas I'trtilité et, d'orclinaire, il abandouuc les débris de
ses repas sur le sol nrême dc la grotte clont I'atrnosphère s'empeste
d'odeurs infectes. Nul doute que cette uruse rle maladie, jointe à
I'humidité malsaine des caverrtes, n'ait occasionné chez nos ltncêtres
f :',,,,t)art; -' troglodytes de nombreux cas de rachitisrnc.
êÀ' r'{'t\r
Longtemps sans doute, I'llotnme pr'éhistorique fait do I'cau puro
des sources et dcs ruisseirux lintpides sa seule boisson. Au besoin,
il Ia conserve ou la transpolte daus dus pierres creuses, de grands
coquillages, des vessies.
III. Époque solutréenne ou du renne.
- Le massif des Àlpes se sou-
lève au cours de cette époque. Bn nrùme temps s'ouvre (l) le canal
de la lllanche qui désornrais séparera la Granrle-Bretagne du couti-
nent. Du sein des flots surgissent aussi, longtemps noyées, les
plaines de I'Europe centrale; les ten:crs du Brabant, des Flandres,
d'Auvers. du Lirnbourg émergent enfiu cornplètement. ÛIais sans
doute les marécages dont le centrc et lcr nord du pays sont couverts
rendent, ces régiors inhabitables ponr I'homnte, car les seules
sl,ations humaines dc I'Uurope letrouvécs en Belgiquc sout eucore
situées dans la vallée de la llleuse. Â l'époclue solutréenne,, le climat
de notrepays est moins humide qu'à l'époqueprécédente. Lcs sirisorrs
s'ilcoentuent,les hivers devicnuent plus froids, lcs étés plus chauds. Le
sheval et surtout le renne sont palticulièrerncnt répandus .elr nos
contrées, définitivoment ab'lndonnécs par le rliinocéros, rniris oit le
mammotrth se rencontl'c cncol'e.

(1) Crr. Conrrllx, tlans son ouvrâge intitulé Géololie et Pttliontolooie, plaen
ces événements géologiques au quaternaire. FllFulnton, ouvfage cité, les
fait au contlaire remonlel ru nûocène (tertiaire).
pÉRIoDE DES TEIIPs PnITHISTonIQUES ET pRoToHISToRI0LIES 2t
L'homme solutréen cotttitrue d'hibiter les cavernes. Toutefois,
nieux armé que ses ancittres moustérietts, il eirmpe souvent en
plein air'.
Jusqu'ici, 0rl n'a pirs retrouY.é, en Belgique, de squelettes ni
tl'ossemcnts liumains susceptibles d'ètre rapportés au solutréen.
Cependant, le Trou lllagritte a offert aux fouilles de IIl. Dupont,
entle deux niveilux, I'un moustérien, I'autre magdalénien, une
couche renfcrmant des traces solutréenues.
Comrne nous I'avons dit, les instruments caracfuit'istiques de
l'époque sont la pointe en feuille de laurier et la pointe à cran, en
feuille dc sirule. Elles servaient de poignard ou de javelot. Dans les
gisements de l'époque, on retrout'e aussi desperçoirs à pointe aiguë
pour couch'e les peâux; des grnttofrs, qui rcrnplacent le racloir
moustériert; des 1teraileu,rs, faisant office de marteau; ete. En
général, ces instruments se distinguent dc ccux des époques
précédentes pùr unc lllus grande perfectiou dc forme. Au reste, de
tout l'irge quaternaire , l'époque solutrécune est celle qui prodrtit les
plus habiles ouvriers en silex. 0n attribue aussi à I'homme solutréen
I'inverrtiorr du procédé de l'enmtanchement qui dortnc aux armes e[
aux outils une plus grande puissance d'actiou.
Fréqucmment, otl remarquc, sul les outils de l'époque, des
ribauches de gravure, prenières manifestations d'un art à ses débuts.
Àjoutons que l'hotnme solutréen scmble avoir eu le gott de la parure.
De certaines ollsert'ations, on a pu couclure qu'il se livrait à la
pratique du tatouage. IJrt outrc, on û retrout'é, dans les gisemeuts
de l'époquc, dcs vestiges de colliers folmés de dents d'ours, de loup
et d'autres carnassiers.
0n a dit quc I'homrne de Solutré était anthropophage et mÔrne
t1u'il apportait du ralliuemeu[ dans le choix de la chair humaiue
clont il se nourissait : il n'aulait rnangé gue des femmes et des
enfants. Ccla est très coutesté.
IV. Époque magdalénienne ou des os travaillés.
- La tcmpérature
rnoyenrre de cette époque descencl cle plusieurs degrés au-dessous de
ll température actuclle. Mriis cotnme I'air demeure en tout temps
l,rès sec, qu'en étô il r'ègnc utte chirleur torride, les glaciers ({)
leculent inscnsiblement jusque dans les hautes vallées..

({ ) Qui, au surplus, ne clépassèrent jamais les Vosge-s ni.les sources de la


Ileusô, par conséquent n'atteignilent en aucun temps la Belgique.
22 Hrsrornn DEs BELcES ET DE LEUR cIvILISÀTIoN

Sous I'influence d'une température sihérienne, un monde orga-


nique en quelque sorte boréal se dét'eloppe dans la Belgique de
cette époquc : le liehen of le bouleau, aveo l'élan et le rclllle,
rlomincnt au sein d'une flore et d'une faune bien réduites depuis
l'époquc moustérienne.
Illalgré son corps velu, poussé par le froid, I'homme magtlalénien
continue à chercher un refuge dans les grottes ({ ). Mrris, entre
ces clernières, il choisit tle preféroncc celles dont la large ouverture
lirisse pénétrer irbondamment I'air et la lumière.
Les stations rnagdalénieunes découvertcs en notre pays sont
nombrcuses. Parmi les plus importantes, on cite : les Trous Magritte,
du Frontal, dcs Nutons et clu Suleau; les grottes de Goyet(lllozet),
rl'Engis, rle Fulfooz, de Pont-à-Lcssc, tle \\/:rlzin.
Bicn que I'homme magdalénien appartienne encore au type
rlolichocéphale, il offrc des traits plus humaitts que sorl ancêtrc des
époques précédentes. Peu à peu, son frottt fulant se redresse, sir
nrirchoire saillante s'eflhce, sorl pouce tlevieut fortement opposable
lux auttes doigts, ainsi quc I'attesteut de nontbreuses obselvations.
Son intelligence aussi se dér'cloppc.
La force musculaire de I'homme uragdalénien est considérable;
son agilité est si grandc qu'il atteint à la course le cerf, le renue, le
clramois. C'est de ces animaux qu'il flil sa nourriture habituelle.
Toutefois, lorsqu'il a négligé de mettle en réserve quelques pro-
primitif, sem-
visions
- ct cela arrive assez souYent, eât' I'homme
blable à I'enfant, et atr sauvàge, est d'une étonnante imprér'oyattce,
- si le gibiel vient r\ lui tttanquer, il se rejette sur I'herbe, les
rircines, l'écolce des all-ires. Ainsi que le clérnontrent de nombleuses
dcntures fossilcs usc'es d'une façon clractéristiclue, il mâche comme
lcs chèvlcrsr par des ntouvements tt'unsversaux de la mâchoire
inférieure.
D'ailleurs, I'homme magdalénien est nomadc. Il suit, dans ses
pérégrinations, le l'cnlle, son gihier plefér'e qui, eu été, émigre vels

({) C'est particulièrement à I'homme magdalénien-que les géologues ont


tlonné Ie nom de troglodyte (habitant des cavernes). II ya lieu tlelepousset
cette rlésignation comme inexacte en tant qu'appliqtée à la seule race magda-
lénienne I car les grottes ont généralement été habitées par plusieurs races
tlont on retrouve les vesti-Ces superposés. La qualification de mongoloide,
souTent appliquée aussi à I'ensemble des races préhistoriques, est toul attssi
impropre.
PERIODE DUS TEI1PS PRÉ]HISTORIOUES El' PROTOHISTORIOUES 23

le nold ou se rapproche des glaciers, et, I'hiver, s'âvûnce vers le


rnidi ou redescend dans les plaines.
fndu,strie.
- Parmi lcs rtornbreux instrumetrts magdalénicnsr on
tlistingue les ltointes desagaie et de flèche,lespoignards, les hanteçlns,
les lissofrs (en forme dc spatule pour lisser les coutures des vête-
nrents) ; les aigu,illes d'os ti chûs, qui permetteut utr asseml-rlage pltrs
irisé et plus rapide des peâux utilisées pour la confection des vête'
rnents ct dont I'inventiou marque I'uu des grands progrès de
l'époque ; lcs siffiets d'appel en bois de rertne ; enfin les bû,tons de
oonzntandernent, olfiets don[ I'usage n'est pas exactement déterminé,
nrais qu'on supposc uvoir été des insigues d'autorité, artalogues aux
seeptres des rois.
Lcs instrumeuts en silex de l'éyroque magdalénienlle ne son[ plus
aussi bien taillés que ceux de la précédente. 0n dirait les produits
tl'une induStrie en décnclencc. Sans tloute, les ouvriers magdaléniens
tlouvenl plus avantagenx ct plus facile le travail tlcs nouvelles
matières prenrières. Illais le sentimen[ altistique se développe chez
cnx cl'une faç,6n rcmarquablc. Sur un grand nomble d'objets dc
l'époque, on trouve, relal,ivement bien faits, des dessins gravés à
I'aicle de burins en silex. lfèrnc, on possède une gravure sur ivoire
qui représente avec une sulprenante exactitude un comliat de rennes.
Le goût de la toilette s'accentuo cltez notre ancètre magdalénien.
Il se peint le corps, se tatoue. En guise d'olnements, il porte des
breloques, des colliers, des bracelets, r1u'il contpose at'ec des denfs
d'lnimaux, dr,rs t'ettèhres de poissott, des coquillages, des cristaux
cn fluoriuc, etc.

TITRE IV
Péniode néolithique ou de la pienne polie.

D'importantcs moclifications de lernpérature se produisent entre


l'époque magdalénicune et la période néolithique. Au climat sec et, à
sirisons cxtr'êrnes du utagdalénien se substiûue en Belgique une
teurpérature plus doucc, plus uniforme. Ce cliangement de climat
ploduit tlcs tlansftrrmations considérables drrns la faune et dans la
llore dc notre pa.vs, clui deviertncnt pcu à peu cclles d'aujourd'hui.
Chosc inexpliquée encore,I'homme semltle avoir abattdonné nos con'
tr'ôes au comrnenccmeut de l'âge néolithique. Du moins ue retrouve'
t-on pas de trrrccs de sa présence dans les couches géologittrues dc
LlL HlsT0lRD DEs BEtcEs ET DE LEU^ crulrsATr'N

l'âge de la pierre polie. Cette laeune cle la préhistoire, les savants Ia


désignent sous le nom d'àfalus.
Plus tard, une nouyelle race d'hornmes dont, I'origine n'est pas
bien connue prend possession du sol belge. Était-etle aryenne,
sémitique ou de quelclue autrc souche ? Folntait-elle uu rameau
de ce peuple a dolmens ur sujet cluquel or n'il pu faire que de
vagues conjectures ? Étlit-ce un clétachernent avancé du peuple
des lbères que nous voyons à un nonlent donné répandu dans
toute la future Celtique (l)? La lumière n'est pas faite sur cette
question. Quoi qu'il en soit, la nouvelle race, à la peau blanche, aux
yeux et aux cheveux noir$, est franchetnenL bracltyccphale ( I ) ct bien
supérieure par son intelligence ilux précédentes. Non seulemenû
elle a domestiqué le cheval, le bæuf, le porc, le urouton, la chèvre.,
jusque-là sau\rùges, rnais elle r renoncé à la vie nomade et pratique
I'agriculture. C'est elle, peut-ètre, qui élève les monuments ntégali-
thiques (3), ces éclilices sirnples et grossiers, mais de proportions
énormes, qui sernblent construits pour l'étcrnité. L'état de guerre
palait lui avoir été connu, car les gisements néolithiques abondent
erl os brisés, en crâues défoncés. Probablement venus en combat-
tant, du centre de l'Àsie aux conlius cle I'Europe occidentale, les
envahisseurs avaient aiusi coutracté des habitudes belliqueuses
qu'ils inculquèrent aux habitants de notre pays. A raison de ces
mceurs nouvelles, les populations belges de l'époque n'habitent plus
seulement les caverues et les abris sous roche, rnais aussi des
villages bâtis sur des escarpements ou sur des plateaux élevés, dont
la défense esI facile. Noubreuses en Belgique, les stations de
l'époque abondcut particulièrement dans les provinces de Namur
et de Liége. Parmi les plus irnportantes, ol1 cite le gisement de
Spiennes, intéressant entre tous; les grottes de Chauveau, de Pont-à-
Lesseetde Gendron; lestrous du Sureauet du Chêne; lc plateau
du Pout-de-Bonne, dans la vallée du Hoyoux ; ceux d'Herbois et
d'Hastedon; enfin, quelques tourbières cle la Basse-Belgiquc.

( { ) Certains historiens onl, cru reconnailre dans les Ibères une avant-garde
aryenne, chassée sans doute de sa patlie par I'excès de la population et le
manque de pàturages et arrivée par la voie du Danube.
( 2) Dont le front est dnoit et les mâchoires non proêminentes.
(3) ilIégalithique, du gtee ntégat, granrl, el, Iithos, pierre.
Montcntent mëgalithlErc est le terme collectif adopté aujourd'hui pour désigner
lespeuluens et les rnenàil's, les d,almens, les altgnemenfs et les cromleths.
Pointe de flèche dentelée HarDou eu bois de rettne ({/2 srandeur).
en silex ('ll2 granileur). Pointe de llèche eu os ('l13 graudeur).

Harpon en bois de reune.

Couteau ou ciseau en silex avec manche en hois ile cerf.

Aiguilles en os.

a^_

ë
<=P
Hache en bronze. Haclte en bronze.
26 HrsTornE DEs BETGEs ET DE tnun ctuusATI0N

L'homme de Ia piene polie cultive le froment, le seigle, I'orge;


il les moud à la main par le nouvement d'une pierre ronde et mobile
sur nne pierre fixe ou meule; prépare, avec le produit de sa mouture,
une solte de galette qu'il cuit sur des pierres chauffées. A ce fond
tl'alimentation, il ajoute la chair des animaux dornestiques, particu-
lièrementcelle du ehien dont il apprécie surtout la cervelle; le lait
et le beurre la noisette, fruit qu'il estime beaucoup la
; ;
pomme, qu'il mange fraîche ou séehée; la prunelle, la prune et la
ccrise sauyrgc; la fraise, la mûre et la cornouille. llais en cas de
nécessité, il se contente de faines ou môrire de glands. De la franr-
boise, il tire une lroisson fermcntée.
si la station oir il réside est établie dans Ie voisinage de quelque
cours d'eau, le poisson clevient sa nourriture principale. car il sait
se fabriquer d'excellents hameçons en os et même des lïlets à grosses
naillcs, à I'aide desquels il fait d'abondantes pôches.
L'homme néolithiquc cultive une variété de lin. ll en confectionne
du gros fil, des cordcs, tles filcts, même une toile grossièr,e. cornme
son ancêtre quaternaire, il se vèt de peaux; mais il est plus habile à
les façonner, riyiint imaginé des ciseaux de sirex pour les tailler,,
ct, pour les coudre, tlu Iil avec de bonnes aiguilles d'os ou
d'ivoire.
Il ne tire plus son silex de la champagne, mais dcs galeries de
lllesviu ( { ). Au sulplus, cette rnatière est d'un uslge beaueoup moins
I'r'équent qu'aux époques précédentes. Mais'les objets qu'on en faiI
sont d'un travail bien plus achcvé : on polit les fragments emploS'és
en les fi'ottant ar-ec du sable et de I'eau en des rainures ménagées
rlans de grosses pierres de grc\s. 0n a retrouvé, provenant de cette
époque, des pointes de flèche à ailerons; des haches pories de dix à
lingt centinrètrcs de longueur'; des marteaux en diorite avec
manches de bois ou rle corne; dcs casse-tôte, cles poignards, des
javelots, des pointes de lance, etc. Gauchemcnt façonnée eucore,
la poterie d'argile apprraît en abondance ir r'âge néolithiquc.
Trtrvaillée tl'abord ir la nrain, elle était ensuite séchée au soleil ou
cuite au lbu.
sals doute, l'huilc de faine et celre de lin son[ conuues dès cette

(4) Dont le coteau est folmé de craie lllanche. Les aleliers de falirication se
trouvaient non loin de là, à Spiennes, oir I'on a retrouvé. par milliers, rles
pièces de rebut en silex et autres débris.
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l\R,l

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98 rrrsrorRn DES BELcEs ET DE r,EUn crvrlrsATroN

époque. Eu quclques stations, on a retrouvé des godets d'argile ou de


bois de cerf muuis d'nn pel,it appendicc de préhension, et I'on
supposc qu'ils ont servi de hrnpes a nos ancôtres de l'âge de la
pierre polie.
Sans s'aviser cncol'e d'en tailler en pointe les extrémités, I'homme
néolithique pretrd un gros tronc d'arbre, lc creuse à la hache et au
feu, en fait une barque, e[ Ia navigation commence.
Chose étrange : supérieur sous tant de rapports à I'homrne
mngdalénien, I'hornrne de la pierre polie a le sentiment cle I'art
bien moins dér'eloppé : il ne sait plus dessiner.
Les populations léolithiques entenent leurs morts, ce qui sembre
irrcliquer lar croyance à une vie futule. Lougtenrps, cerr,aines cavernes
servcnt de cirnetière à I'exclusiou cle tou[ iiutre usage. A côté des
corps, on dépose des arnlcs, des lrnulel,tes et cl'autres objets.
chaque cérémonie funéraire est suivie d'un grlnd repas qui se
clome près de I'entrée de lir grotte. Au no)'en d'une grosse dalle,
on fcrrne ensuite celle-ci.
Le mode dc sépultrrre cles tlolmens et des tertres dits tunntri, aussi
en usage à cette époque, par'aît n'avoir laissé qu0 peu de traces eu
Belgique.
0rr désigne sous le non dc tJolntens (l ) des rnonuments composés
d'urre ou de plusieurs chtrrnbres. Les murs en sont formés par
rles pierres colossales, dressées verticalentent; le [oit,, par d'autr€s,
également énormes, reposrrnt à pht sur les pr.écédentes. Recouver.t
de terre, ce qui d'aïllc'urs est primitivement, lc crs pour tous, le
dolmen recevra plus tard, à l'époque rorriiine, le nom ratin de
tum,uhls (9). 0n réserve le uom de peu,luens (piliers de pierre) ou
menhirs (pierres longues), ù d'ônorrnes mouoliilres de pierre brute
affcctant vaguemcnt Ia forme de colonnes. un certain nombre dc
peulvens, rangés en avenue, poltent le nom d'alignements; disposés.
en celcles concentriques autour d'un dolmen, ils formeut ce qu'on
appelle dcs cromlecâs ( cercles de pierre ). Élevés par les popula-
tious de l'âge de la pierre polie, ils sont donc for.t, antérieurs au drui-
disme, bien qu'on les ait, Iongternps qualifiés de pierræ druitliqtws.
Les nionuments négalithiques, qui se rencontrent un peu partouI
eu Europe, solt assez rùres 0rl Belgique. ccpendalt, il y a une soixan-

(l) De deux mots bretons ; dol, table, et nren, pielr.e.


(9) Tellre.
pÉnIoDE Dtis rrirrps pnÉIrrslonrQuES E'r pno'toHISToRIQcES 29

taine d'années, on voyait encore à Jambes, près de liamur, un grand


monolithe, appelé h Pierre d,u. Dia.ble. La fameuse Pierre Bru,nehaut,
près de Tournai, est un autre vcstigc de l'époque des dolmens. Se
dressan[ à dix-huit pieds au-dessus du sol, elle s'enfonce en outre cle
cinq pieds sous terle. Elle a treize pieds de largeur et quatre et demi
d'épaisseur. 0n a cru reconnaître aussi I'existencc de dolmens à
lLomsée, Ferrière-Saint-lllartin, Wéris, Solrvas[er, etc. L'authenticitô
de celui de Wéris, pr'ès de Dur'buy, n'est plus discutéc.
Beaucoup plus que la Belgique, la France est riche cn rnortuments
de I'espèce. Les alignements de Calnac, en Brctagne, sont célèbres,
Àu nombre d'euyilon 4.000
fois,
- ils paraissent avoir été {0.000 autre-
ces monuments s'éteudent en onze lignes parallèles sur une
-
longueur d'un kilomètre.
Il se rencontre aussi, parmi les conslructions mégrlithiques, des
pierles branlantes et des pierres sonnantcs, se mouyarrt ou résonrtanl
au moindre contact.

TITRE V

B. TEtrTPS PIIOTOHISTORIOUES
Age du bnonze.

Avec l'âge de la pierre polie sc terminent les temps pr:éhistoriques.


Jusqu'ici, Ia géologie et I'alchéologie à peu près seules nous ont
servi à retrtcer en traits généraux la vie dcs habitant,s plimitifs drr
notre pays. Pour l'ôtude des âges qui vont suivrc, le secours de
I'archéologie uous sera eltcore indispcnsablc, mais lcs documents
historiques proprcment dits devienclrortt clc moins etr tnoins rares.
0n a dormé à ces âgcs, relativemcnt pcu éloignés de nous, le ttom de
ternps pro tohis toriqu,es.
Si I'on en croit certaines hypothèses, des marchands orientirux,
phénicicns ou grecs, auraieut introduit le brortze en Belgiquc yers
lc xne siècle avaul J.-C. Les ternps pendant lcsquels le bronze fut
seul emplolé ont leçu le nom d'rîr1e du bronw (1). 0n les désignc

({) Combinaison de neuf parties de cuivre avec trn'e pattie d'étain, le bronze
fut inventé et nlilisé longlemps avant le fer, plus diflicile à oltenir.
30 HrsloIRE DES DELcEs ET DE rEUR crvrLrsATIoN

aussi parfois sous la dénomination d'ipoque bohemienne, des savants


ayiut émis I'opinion que le bronze aurait, été irnporté en Europe
prr les Tziganes ou Bohémiens. 0n conçtoif qu'il soit difficile de
décider entre cette hypothèse et celle quc nous indiquons plus haut.
L'aspect et le climat de la Belgique, non plus quc sa flore ou sit
faune, n'éprouvent aucunc modilication importante penditnt l'âge du
bronze. La vigne est iutroduite toutefois dans nos contrées et err
nrème temps I'avoine, le millot à grains ronds dont on faisait
d".rbondantes provisiolls,
-
les fèves, les pois e[ les lentilles.
-
Quelles races habitent à cette époque notre pays? 0n est loin
rl'ôtre fixé à cct égard. Probablernent, un mélange de poprrlations
rutochtones et d'Ibères, ces derniers réplndus surtou[ iru midi,
dans Ia vallée de la llleuse.
Quoi qu'il en soit de ces hypothèses, désonnais eu possessiorr
d'armes qui leur permettent dc lutter avcc avantage contlc les plus
dangereux anituaux, nos ancÔtres irbandortncnt clélinitivernent le séjour.
tles grottes pour se construire cn plein rrir des habitations groupées
en villages.
Les traces de I'âge du bronze ne sont pas très abondantes cn
Belgique. Peuhôtre faut-il eu attlibuer palticulièrement la cause ir
ce fait ctrue lcs débris d'objets en bronze, suhs[ance alors très rare,
étaient soigneusement lecueillis par les métallurgistes de l'époque pour.
ètre lefondus ei réemployés. 0n cite néanmoins une cinquantaine de
localités belges où des vestiges de cette époque ont été retrouvés.
La découverte du bronze inaugure pour I'industlie une ère de
plogrès rapides. Avec la nouvelle matière prenière, on fabrique des
hiiches ou celts, des épées, des pointes de flèche ou cle lance cl'un
effet plus sûr et plus rneurtrier; on enfaitdes épingles, des agrafes,
des boutons, des bracelets, cles couteaux, des fancilles, ckts 1"ssai.r,
des ciseaux, des marteâux, etc., dont on a t'elrouvé en Belgique un
certain nombre dc spécirnerts soigneusement recueillis par divet's
musées et principalement par celui de Namur. Quelques-uns cle
ces objets étaient très altistcment travirillés. Fondu rl'irborrl en rleis
noules de lrien'c, le métal était martelé et ciselé.
L'art du potier prend un grand e$sor pendant l':ige rlu bronze.
Après avoir été lavée, I'argile est façonnec i\ la nrain, vernissée
d'un léger enduit, de graphite, puis cuite au four. A h mrlrurrr époquc,
irpparaisserrt les ânses.
L'éclairage'fait d'importants progrès : on ft rctrorrvé, de I'irge
tlu bronze, des lampes en argile dc lu forrnri (l'url rnuf, munies
pÉrRIoDE DES TEltps pRÉHrsroRIOuES ET pRoToHISToRIQuES 3'1

d'un large goulot à la partie supérieurc, et, sur le côté, tl'un petit
bec tloué.
L'art du tissage se perfcctionne égalentent. 0n possèrle, dc
cet âge, des métiers qui sen'aieut à confrlc[ionncr d'assez lins
tissus.
Des perles en verre coloré, découveltes clans lcs stations do
l'époque. pcnnettcnt d'attribuer à ces 'temps lointains li-t couuais'
sance clu verre.
L'art de la navigation n'ost plus une simple ébauche. Peu à peu, on
a perfectionné le canot grossicr de I'irge de la pierre. De grautles
barques bicn construites apparaissent, pourvues de voiles en pcùu
ou ell toilc. D'ailleurs, I'us;rge génerrrl du bronze à cette époquc,
rnême err des lieux oùr n'cxistent ni mincs de cuivre, rti mines cl'étlitr,
permet de conclule à un comrnercc mirritirne assez iictif. La décou-
verte dans notre pays de divers produits rappel'.rnt I'iudustrie des
Étrusques, scmble établir que nous irulions eu dês lelatiorts collulor'-
cialcs avec ce peuple.
Pendant l'àge du bronze, Ia construction tles tumuli se corttinue.
lllais I'usage s'introduit, d'incinérer les morts et I'on ue tlépose plus,
clals les tumuli, que leuls cettdt'es, rettfcrnées en des unles.
Ainsi s'expliquc le pctit rtombre d'ossements hunains de l'époque,
letlouvés jusqu'ici. Cornme aux tentps néolithiques, à côté cles urnes,
on place divers objets qui ortt servi rnx défunts de leur vilant. C'esl,
grâcre à cet usagc surtout que I'induction a pu reconstituel cn prtrtic
les mæurs de poptrlations d'uue antiquité aussi reculée.

TITRE VI
Age du fen.

C'es[ I'irge actuel, compreuàut la fin cles temps protohistoliques et


tous les temps historiques. Cet âge cotnmença le jour olt I'ott réussi[
enlin à isoler le fcr et à I'entplol'cr seul. A cette découverte,
I'hommc tlut ltientôt de grancls progrès.
Selon toutc apparence, rtos ancètles aequirettt la cottnaissitttce clu
fcr' à la suite d'une invitsion d'étrangers oriettt'.rux quc I'ott croit fitre
les Celtæ.
Iort commttu chez eus a l'état, dc tttineriri, tuiris plus clifiicile
32 HrsTotRD DEs BELGES ET DE IEUR crvrlrsA'rroN

à obtenir que le bronze, le fer était jusque-lù demcuré inconnu aux


Belges.
Époque cettique.
- Race brachycéphale, de taille moyenne, aux
cheveux, au teint et aux yeux noirs ou br.uns, les Celtes arrivent
par la vallée du Danube (l)dans les contrées qui formcn[ la France
rctuelle, soumettant ou refoulant vers Ie midi les lbèrcs, Ies
précédents possesseurs du sol. Sans doute, ils formaient Ie second
ban de I'invasion aryenne (2). Pcu à peu, les Celtes se r.épandent sur
tout le territoire compris entre les Alpes, les Pyrénécs, le Rhin et
l'0céan ct, Iui dolnen[ leur nom (Celtique). Aujourd'hui encore,
lcurs descendants constituent, vraisemblablement Ia majorite de la
population du centre de la France.
Époque gauloise. Une invasion postérieure cle peuplades
aryenucs (les Galls ou Gaulois), rrrivées cette fois par Ie nord,
intrcluit dans la Celtique de nouvellcs populations qui, à leur tour,
s'en rendent maitresses (au xe siècle ar'. J.-C.?) et lui imposen[
leur nom. De là celui de Grule, par lequel on désigue longtemps
cctte contrée. Les nouveâux vcnus sont des hommes de haute
stature, aux yeux bleus, aux longs cheveux blonds, quelquefois
rouges, à la carnation molle et blanche ( 3).
Époque germanique.
- Dans la suitc, il se produit toute une série
rl'invasions de peuples sortis dela Germanie (l'Âllemâgne d'aujour-
d'hui ), mais également de rùce aryenne et, distingués sous les norns
de : Kimris, Bolgs, Trér'iriens, Nerviens, Âduatiques, eto. Les Kimris
arrivent d'abord; les Bolgs suivent au rve siècle av. J.-C. La parlie
scptentrionale de ll Gaule comprise erttrc le lthin, l'0céan,
la Seine et l:r l[ame, ou ils snétalllisscnt, prend d'cux Ie nom
de Belgirlue. Les l{etvicrts, les Tr'éviriens ct les Aduatiques, ces
derniers issus des Cimbrcs (4) et des Teutons (5), sun'ierurent

(l) Le Danube a été lagrande voic d'invasion des peuples orientaux depuis
les premières émigrations jusqu'aux Turcs qui ont assiégé Yienne en ttiZg.
(9) Si toutefois les Ibères sont aussi de souche aryenne.
(3) Dictionnaire de,ç sciences anthropohoiques, àn, mot Flance. Nomlre
d'historiens, identi{iant les Caulois et les Celtes, réservent ces caractèr'es aux
Germains. Dans leur opinion, les caractères des Celtes s'appliquent donc
aux Gaulois. Des liistoriens ratlachent d'autre part les Bolg.s à la farnille
gauloise.
(/+) 0r'iginaires du Danemark.
(5 ) Habitants des bords de Ia Baltique. Àujourd'hui les Prussiens.
Les Cimbres et les Teutons avaient été vaincus par les Romains, les Teutons
pÉrRroDE DES TEMps pRÉHrsroRtouEs ET pRoroursronlQuns gg

plus tard ({ ), un peu avant la conquète romaine. Rien d'étonnant


donc à ce que césar ait trouvé les institutions germaniques en
honneur chez les Belges. Les peuplades couquérantes ne chassent ni
n'exterminent les vaincus; elles se contentent de former dans le
pays une sorte d'aristocratie à côté de laquelle subsiste I'ancienne
population, réduite au rôle de peuples clients. Telle es[, pat
€xemple, la situation des Éburons, tributaires des Aduatiques.
Âu temps de la conquète par César, la population de la Belgique
est donc une populaLion allophyle (mëlée ), au sein de laquelle on
Lrouve des représentants des races autochtones, des Ibères, des
0eltes, ces derniers probablement en majorité, enfin des Germains,
en notable proportion. sans doute le celte ou kimri est la langue
parlée alors par le plus grand nombre de nos ancêtres ( g).

f+

Disons, pour tcr.miner, que lcs données archéologiques sur les


premiers ttimps de l'âge du fer en Bclgique sont très rares. Dans
un tumulus situé à Louette-Saint-Pierre, près de Gedinne, on a
cependant dôcouvert des épées en fer et des pièces de monnaie
rapportées à ces ternps primitifs. C'cst à peu près tout ce qui, sous
ce rapport,, mérite d'ètre signalé. La plupart des tumuli de la
Hesbaye et du bassin de la llleuse paraisseut d'ailleurs contem-
porains de l'époque romaine.
A partir de l'âge clu fer, nos ancêtres cessent d'iucinérer leurs
rnorts. Désorurais, ils les enterrent étendus en long, ce qui est I'une
des caractéristiques de l'âge. Quant à leur religion, on y trouve,
tornme nous le verrons plus loin, un mélange du polythéisme ger-
rnanitlue et du druidisme celtique. Les temps historiques s'ouvrent
pour nous avec les Cornmentaires de César.

à Àix en Provence, les Cimbres à Verceil sur le pô, en Ml, et {09 av. J.-C.
Au moment oir ils traversaient notre pays, ils avaient obtenu, de gré ou
de force, d'y laisser, sous la garde de ftuétques guemiers, un grand iombre
ue lemmes et d'enlants avec une partie importante de leurs bagages.
({ ) Voir dans Patria Belgicà te chapitre Ethnogralthie, -pir M. Vlnonn-
I(INDERE.

^ (Z) 0_n
n'est pasd'accord sur la question de savoir qui, des Gaulois ou des
celtes; du peuple vainqueur ou du peuple vaincu, aurait imposé sa langue à
I'autre. aucusuu Tumnnv a avancé que c'étaient les Gauiois qui avîient
ilnposé leurlangue et que le prétendu-rcIte serait du gaulois. pai suite, les
Gaulois et les celtes ne devraienl, être distingués qutau point de vue ethno-
graphique.
V. llirguet. - Histoire des Belges.
34 HISTOTRE DES BELGES ET DE LEUR CIULISÀTION

TEMPS HIS TORIOIJES

CHAPITRE PREMIER

llos Origines.

Ouvnages à consulten:
Wauters. Libert6s communalec. Scheler. -Histoire des langues (Patria
-
Belgica) Schayes. Les Pays-Bas avanl, et pendant Ia domination romaine.
- -
Xlortillet. Dictionnaire des sciences anthropologiques.
- nloke. llfæurs,
usages, fêtes, etc., des Belges. Yan Bt'ttgssel. Histoire du commerceetde
-
Kurth. Les Origines de la civilisation moderne.
la marine. -
Piot,
-
Géograplrie historique ( Patria Belgica ). Yanderkindere, Blhnologie.
(Patria Belgica). Poullet. Histoire politique interne de la Belgique.
- -
Brants. Essai historique sur la condition des classes ruralcs en Belgique
jusqu'à la fin du xyIIIe siècle. Césur, Commentaires. T'acite, Mæurs
- -
Alphonse Le Roy. Histoire des religions (Patria Belgica).
des Germeins.
-
Picot. Histoire rles Celtes. Rontbcrg. Histoire de I'industrie (Patria
-
Lubbock. L'Homme avant I'histoire. De Ylaeminc*. Les Adua-
Belgica).
- -
tiques, les Ménapiens et leurs voisins. l{s117sç1u. Climatologie (Patria
-
Napollon III. \ie de César (publiée avec la collaboratiotr de plu-
Befgica).
-
sieurs savants français ). KarI Griitt. Les Esprits élémentaires.
-
I{os origines.
- Àppartenons-uous à la race celtique, à la race
germallique, ou faut-il rlpporter nos origines à ces cleux souches ?
Question fort disctrtée. En ces derniet's teurps, cles historiens de
grand mérite ont beaucoup algué de ccrtairts rlpports anthropolo-
giques ({) ct philologiques (2) cntre les Wallons et les Celtes pour

({) La forme du crâne et celle de la section des cheveux, par exemple.


(2) tes noms tle pàys ou de peuples, de personnages et de localités belges
ont, assez souvent en ell'et une physionomie celtique, surtout dans leurs
dénominations wallonnes : Condroz, I'amenne (Famenn), Eburon, Ambiolix,
Boduognat, Dinant (Dinan), Ciney (Cinè), Huy (Hu), Seraing (Sèrè), Iiége
(Litche), etc.
1'EMPS HrSToRrouEs. _ CELTES El'GERMATNS 3ti
repousser, voire mettre hors de I'histoire, I'opinion qu'une partie
importante des habitants de la Bergique au temps dc césar auraient
eu des Germains pour ancêtres. cette opinion semble excessive à
raison des nombreux traits germaniques qui caractérisaient les
mæurs et les institutions des anciens Belges. N'osant décider eil une
matière aussi controversée; nous croyons utile de faire connaitre
sommairement I'organisation sociale et politique 'ainsi que les
croyances propres aux peuples des deux races. Il est permis de
supposer, en effet, qu'à I'arrivée des Romains, les institutions et les
coutumes des Belges dérivaicnt à la fois de celles des Germains et
de celles des Celtes.

TITRE I

Les Geltes, dits Gaulois.

caractères moraux des Geltes ({).- D'une grande vivacité naturelle,


les celtes, dits Gaulois, passaient pour courageux, spirituels et
bavards. < Les Gaulois, disait caton I'Ancien, aiment à bien com-
battre et à bien parler. > Ils avaient divinisé r'éroquence, et la
représentaient entraînant par une chaîne d'or qu'elle tenait à la
bouche, les hommes sauvages, vaincus et charmés.
Lcur organisation économique et sociare. 0n connait peu de chose
-
de I'organisation économique des celtes. La propriété, tant foncicre
quc mobilière, paraît ccpendant avoir été chez eux individuelle, non
collective. Leurs institutions politiques sont mieux connues.
Lcs cent peuplades de la Gaule forment, à l'époque de César, une
vaste confédération à liens très relâchés. une ardente et mutuelle
jalousie lcs maintient, les unes à l'égard des autres, dans un ér,at
voisin de I'hostilité. seule, une commune religion les rattache entre
elles. Chaque peuplade comprend plusieurs tribus nommées clani,
sounrises à des chefs héréditaires qui exercent sur elle une autorité
lbrtement établie. Lcs chefs des clans ou brenns s'entourent de
clients, dont la condition offrc beaucoup d'aualogie avec cclle des
compàgnons des chefs gelmirins (9). Il y a toutefois entre ccux-ci e[

des Celtes et des Gelmains ont été donnés


36 HISToIRE DES DELGES ET DE IEUR cIvILlsATIoN

ceuxJà cette différence que le client, après s'être volontairerncut


attaché à un chef, n'est plus libre de s'en séparer. Au cas d'une
guerre nationale, l'élection, réservée aux nobles seuls ({), distribue
les emplois de généraux. Dans les temps ordinaires, le jeu des insti-
tutions reste aux mains des prêtres. Ainsi le gouvernenrent de la
Gaule est une sorte de théotntie fed,ératiue.
Leur refigion. Le drtùd,isnte (9), religion des Gaulois, compor'te la
-
croyance à une sorte de métcmpsycose; il enseigne I'immortalité de
l'âme, la récompen$e des bons, la purrition des méchants. A la tôte
desdivinités druidiques se placent Hæus,le dieu suprême, eL Tett'ta-
fæ, I'ordonnateur
- non I'auteur - du m6llde, le dieu du commercc,
des sciences et des arts. Le chône (3) et le gui (4) du chène, fort rare
sur cet arbre, sont des végétaux Sacrés, objets de la vénération
universelle. Les prôtres du druidisme se nommellt druidæ (5),
Instituteurs du peuple, ils lui enseignent surtout ses devoirs, d'après
les textcs sacrés, le tenan[ d'ailleurs le plus possible dans une
ignorartce propice au maintien de leur autorité. Pour lui imposer
davantage. ils se livreut aux pratiques de la divination et de
la magie. Rendre la justice est ur4 dc leurs plus importarttes attribu'
tions. Tous les ans, ils convoquent de grandes assemblées oir ils
jugent sans appel les causes présentées à legr tribunal. Ils décident
dela guerre; ils la tlirigent. Leur pouvoir est immense. Des femtnes,
vouées comme les druides au service des atttels, portent le nom de
ilrtcid.æses. Généralement, elles vivent retirées au fond des bois, en
des espèces de cloîtres. C'est à elles qu'il faut râttacher nos tradi'
tions et nos légcndes sur les fées et les sylphes.
Seules, la vertu et la science donnent des titres d'trdmissibilité
dans la classe dcs druides.
Les cérémonies religieuses du druidismc se célèbrent e1 dc
grandes clairières, au sein des forêts. 0rdinairemellt, un dolmen y sert
d'aute}. Les sacrifices humâins figurent au nombre des cérémonies
druidiques. lantôt les victirncs sont cruci{iées; tan[ôt ou les perce
de flèches ou de pieux. En certaines circotrstances Solennelles, ott
construit un colOsse d'osier dans lequcl ott eutassc. ptile-nrtilo, dc la

( { ) Mounv. La lltcolution des Pays-Das, ton)e II' p. 27.


ig\ nrufiishc, du celtique drz, chêIte.
i 3i Svmbole de la force.
i+l tmage tle la viequi persiste au sein d'une nature molte.
(ô) Homrnes des chènes.
TEMPS HISTORIOUES. _ CELTES ET GERMAINS 37

paille, du foin, rlu bois et d'autres matières inflammables; des


moutons, des bæufs, parfois des animaux sauvages; des prisonniers
de guerre, des condamnés à mort, des esclaves; souvent même des
victimes volontaires. 0n y met ensuite le feu. Nos ancêtres croyaient
linsi racheter des vies plus précieuses, être agréables à leurs dieux,
apaiser leur colère ou se les rendre favorables.
Le sixième jour de la lune de février, une multitude de lidèles
se rassemblent pour assister à Ia récolte solennelle du gui, ce
parasite vénéré. Les druides procèdent à la cérémonie, vê:tus d'une
robe blanche et armés d'urte faucille d'or. Les propriétés les plus
extraordinaires sont attribuées au gui ainsi récolté, en particulier
celle de guérir toute espèce de maux.
'
Au printemps, pour attirer la bénédiction du ciel sur les produc-
tions de Ia terre, Ics Celtes portent sur des draps blancs, en proces-
sion à travers les campagnes, des images d'êtres surnaturels. La
fète chrétienne des Rogations a transmis jusqu'à nous cct usage.
Les druides pratiquent I'arme terrible de I'excommunication.
Quand un coupable rte se soumet pas à leurs sentences, ils I'excluent
des cérémonies religicnses et, alots, chacun le fuit comme un
impie et uu scélérat,

. TITRE II
Les Genmains.
Leurs caractères moraux.
- Les Germains professent un très vif
amour de I'indépendance indivitluelle. Ils se distinguent par un
sincère respect de la liberté et de la vie d'autrui ({ ). Chez eux,
chacun jouit du droit de faida, c'està-dile du droit de vengeance
personnelle. Ils ne connaissent point I'esclavage, se bornant à
r'éduire les prisonniers à la condition domestique. Quant à la peine
de mort, Ies tribunaux I'infligent rarement : le sang humain parait
trop précieux aux Germains pour être versé ailleurs qu'ett champ
clos ou sur les champs dc bataillc.

) Les Romains, au contraire, n'ont jamais connu ni compris Ia liberté


iduelle. lt{aître de I'univers, le peuple romain était bien le Pe.uple-Roi,
0n I'a nommé, mais les citoyeïs iomains étaient soumis à l'Étât tl'une
absolue, comme I'enfant au père, ou plutôt comme I'esclave au maitre.
38 HrsTorRD DEs BETGDS ET DE LEUR crulrsaTloN

Onganisation économique et sociale des populations


genmanrques.

Chez les Germains, la propriété foncière est collective. La terre,


conquise en commun et par I'effort de tous, appartient à tous.
I,a fédération des tribus, dans une peuplade germanique, forme la
nation. La nation se dontte un roi, élu en assemblée générale par
I'assentimenf et aux acclamations de tous les guerriers, eLtn conseil
lbrmé par les rois de canton. La nation comprend autant d,e ænteniæ
ou tribus qu'elle renferme de fois cent familles. Le territoire occupé
par une centenie s'appelle g&u or canton. La. centenie est l'unité
politiqu,e de la nation. Jouissant d'une autonomie entière, elle
uomme un conseil da anciens et un roi. La mission du roi de canton
et du conseil des anciens est de régler les affaires courantes. Les
tffaires de haute importattce se traitent dans les assemblées can-
tonales auxquelles personne ne pcut se dispenser d'assister. En
erertaines circonstances mèmc, la loi punit de mort le dernier arrivé.
Les cantons sont divisés en nmrchæ, r'éparties par la voie du sor[
cntre divers groupes de familles formés au sein de Ia centenie. La
nrarche constitue, dansle gau, l'ænilé économirlu,e(l). Dans chaque
narche, I'assemblée des habitants est souveraine pour toutes les
ehoses intéressant uniquement la communauté locale (9).
Les chefs de famille de chaque groupe se distribuent à leur tour
le territoire de la marche dont ils font préalablernent deux parts.
L'une, située au centre et destinée à la culture, porte le nom de
boel (cercle). L'aul,re, abandonnée att libre pa,rcours du bétail, sert
tle chanry conr,nnln (d'otr le terme com,nl,unaufi qui leur sera par la

({) Yoir BnÀnts, Essai sur ln conditiott des classes rurales, p. 40.
(9) c Les collectivités qui composaient la marche, le canton, la nation
entière, avaient chacune ses assemblées qui délibéraient souverainement sur
leurs intérêts respectifs... Chacune choisissait librement le chef qui devait
présider au groupe qu'elle représentait... A I'assemblée de la marche de
rlécider quelle partie du territoire on mettrait en exploitation, quelles règles.
seraient suivies dans la répartition des lots, quels châtiments seraient infligl
à ceux qui endommageraient le domaine collectif. L'assemblée cantonale atl
pour mission d'apaiser les conflits entre les personnes et les familles. L'as
blée nationale statuait sur les grands intér.êts contmuns, décidait, des allia
rle la guerre, de Ia paix; complétait, modi{iait, interprétait la coutu
(Kunru, Les Origtnes de la ciuilisafion, tome I, p. 79. )
TE}IIIS fiISTORIQUES. CELTES ET GERTTÀINS 39
-
suite appliqué). Il est interdit sous peine de mort de la défricher.
Deux chemirts, se coupantà angle droit, traversent Ie boel, I'un
dans la directiou du uord au sud, I'autre dans la direction de
I'ouest à I'cÈt. Un autel, gônéralernent un dolmen, s'élèvc au point
de croisement. Tou[ autour, on laisse un grand espace libre. Là se
tienrrerrt, à certaines époques, les ntûIs et les plaids locaux. Des
liabitations envirounent cette espèce de place publique; derrière
chacune d'elles, s'étendent les lots de ten'e à peu près équivalents
des familles de la marche. Ainsi, chaque habitant du boel peut se
rendre sur la place publique sans s'éloigner beaucoup de sa
clemeure(l). Une haie vive et continue entoure le boel. Âu delà,
s'étendeut les termins incultes forêts ou pâûulages sur lesquels
-
tous les troupeaux du boel ont droit de pâture.
-
Quelquefois les terres cultivées le sont er comnum et I'ou répartit
les récoltes entre les habitanl,s de la marchs, à mesure et en plopor-
tiou de leurs besoins. Le plus souvent, clracun cultive le terrain
contigu à son habitation et vit du produit de sa propre culture. Mais,
dans ce cas, on procède chaque année à un nouvcau tirage au sort
des lots.
Compagnonnages et Gildes. Nombreuscs sont les sociétés parti-
-
culières formées par les Germains. Suivant leur but, elles prennent le
nom de contpagnonnq,ge ou de gilde. Le compagnonnage a pour
objet la conquète ou le pillage. Autour d'un guerrier en renom (2),
se gloupent volontiers des jeunes gens hardis ct entreprenants. Ils
s'engagent t\ le suivre dans I'une ou I'autre entreprise qu'il médite.
0n les appelle ses contpûgnons. L'association est temporaire. Une fois
le terme de son engagement expiré, le compagnon, à la différence du
client, peut toujours quitter son chef.
L'association sous forme de gilde ( 3) revêt un caractèr'c plus
moral. Espèce de société de secours mutuels, la gilde a surtout pour
but de venir en aide à ceux de ses membres que I'adversité éprouve.

({) YoirNlorn,Illæurs etusages des Belges, p.{8, Bnanrs, Dcsai, p. {0.


Il arrivait cependant que les habitations étaient-éparses dans la marche
lomque, pour quelque motif,la chose paraissait avantageuse. M. Kunru, tome I,
p. 70 et suivantes, dit même que c'était Ie cas le plus fréquent.
(9) Primitivement, la valeur personnelle conférait seule la noblesse chez
les Germains. Les nobles ne possédaierrt, d'ailleurs aucun privilège, pas même
celui tle transmettre leur noblesse.
. (3) De geld, argenl, parce que les associés s'astreignaient au payement pério-
dique d'une cotisation en argent.
40 HrsroIRE DES BELcES ET DE tEUn ctvrtISATIoN

Elle se donne des statuts, élit ses chefs, organise des fôtes et dcs
banquets annuels.
Religion. Les Germains révèrent surtout les forces de la nal,ure
-
dont la puissance leur inspire une terreur superstitieuse. Ils adorent
le soleil,, la lune, le feu; ils honorent les arbres et les bois, les
rochers et les montagnes, les sources et les fontaines, les rivières et
les fleuves, etc. Les croyant lnintés par tles génies ou esprits, ils leur
adressent des prières et des invocations. Tltor,le premier de leurs
dieux, symbolise la lumière ct la foudre. Le rc,ulement du tonnerre,
c'est Ie bruit de son char, traîné par deux boucs dans les espaces
célestes. Odfrz préside aux batlilles ({'). Son épouse Frq1u, dont la
fête se eélèbre le vendredi (urijrlog), est la déesse de la fécondité. Les
Valkyries, femmes jeunes et belles de I'empyrée germanique, se
chargent tle transportcr au palais des dieux, dans le Walhalla, Ies
guerriers morts en hér'os sur les champs de bataille. De même que
les Gaulois ont leurs druidesses, les Germains possedent leurs
uoyantes. L'une des plus célèbres, l'elléda, dc la nation des Bruc-
tères, vivait à I'époque de Vcspasien. Son influence sur les Bataves
et autres peuplades habitant les bords du llhin, était immense.
Claudius Civilis, chef batave qui vivait au premier siècle de notre
t\re, s'étant révolté contre les Romains, réussit à tenir quelque tcmps
leur autorité en écliec clans le nord de la Gaule. Velléda prit une
part active à cette révoltc qu'ellc inspira.
Les Germains ne se construisent pas de tenrples couverts. Rare-
rnent aussi, ils se taillent des images de leurs dieux : la fameuse
statue d'h'minsul n'était rien de plus qu'un énorme tronc d'arbre.
Il n'existe pab chez eux, comme chez les Gaulois, une classe
sacerdotale se réservaut le monopole des sciences, 'r,ivant en dehors
du peuple et exerçant sur lui une influence plus ou moins despotique.
À I'origine, le père de famille r"emplissait lui-mème I'office de
prôtre. PIus tard, le sacerdoce paraît avoir étô Conlié aux descendants
de celtaines fantilles nobles.

({) En langage germanique, 0din se prononçait Woden, d'oir I'on a fait


u,ocnsdag ( mercretli ).
TEMPS HISTOfiIOUES. _ LES ANCIENS I}ELGES 4l

CHAPITRE II

Temps immédiatement antérieurs à la conquêle romaine.

Lor ntsrontguE : Le tlheloppanent social, Ie


d.éueloppement d'une race, d'une nation, de
I'humanitt. entière est une craissdnce ot'ganique
en analogic auec le déueloppemeut inditiduel,

TII'RE I

Géognaphie histonlque et population de la Belgique


à I'annivée de Gésan.

Parmi les plus importantes peuplades établies, à I'arrivée de


César, dans les limites de la Belgique actuelle, nous citcrons :
{.o Les Neruicns, Au nombre d'environ {90.000, ils habitent la
contrée situôe entre I'Escaut, Ia Meuse et la Dyle, c'est-à-dire la partie
la plus fertile du pays. 9o Les Trwiriens. En nombre à peu près égal
à celui des Nerviens, ils occupent avec d'autres peuplades, leurs
tributaires, la îaste région qui s'étend de la llleuse au Rhin. Au
nord, l'Amblève les sépare des Éburons 0u des Aduatiques. 3o Les
Ad,u,utiquæ, qui forment une population d'environ 60.000 individus.
Leur habitat est fort discuté (l). Récemment arrivés en Belgique, les
Aduatiques, après leur avoir enlevé une partie de leur territoire,
avaient imposé le tribut aux Éburons. 4o Les Eibitrons.Ils sont à
peu près égaux en uombre aux Aduatiques, lcurs vainqueurs et
leurs maîtres. 0n les rencontre surtout dans Ie pa1's situé entre

({) Tandis que les uns le placent entre la ltyle et la rive gauche de Ia Meuse,
de Namur à Maestricht, les autres, parmi lesquels M. Ds Vr,aeurucn, assigncnt
pour cmplacement âu peys des Àduatiques Ia région comprise entre la Yesdre'
I'Amblève, l'Ourthe et le Rhin.
42 Hrsrolnn DES BELGES ET DE LEUR clvtlrsarroN

la IIIeuse, la vesdre ou I'Amblève et le Rhin, mais aussi entle I'Escaut


et la Meuse clans la région correspondant à nos provinces de Lim-
bourg et d'Anvers (en partie). 5o Les Ménapiens. r\s couvrent tout
le littoral de la mer, depuis le nord de la France moderne jusqu'à
ll provinee d'Anvers ({). Énergiques et tenaces, ils disputent à Ia
rner leur territoire. Mais le défaut de ressources naturelles de la
contrèe et la rudesse du climat ne permettent pas à unc population
un peu dense d'y subsister. Aussi le nombrc des lténapiens ne
dépasse't-il pas 30.000. 6o Les Ambiuarite,s. Ils sont beaucoup moins
nombreux encore et vivent dans les parties habitables du nord dc
notre province d'Anvers.
Aiusi, la population totale de la Belgique ancienne, considérée dans
ses lirnites présentes, ne compte vraisemblablement pas, au moment
de I'amivée de césar, plus de quatre à cinq cent mille individus,
c'est-à-dire moins de la douziôrne partie de sa popuration actuclle.

TITRE II
Aspect et climat du pays.

Àujourd'hui, notre pays est I'une des contrôes res mieux cultivées
e[ ]es plus riches du monde. Il n'en était pas ainsi il y a deux
mille ans.
a cette époque, la Belgique offre un aspect sauvage ct misérable.
Les régions du nord-ouest, nos Flandres actueiles, ne sont qu'urt
inmense marais, par suite de I'altitude fort basse du sor. 0r, il
n'existe alors ni dunes, ui digues pour contenir les eaux de la mer.
Aussi, à chaque forte marée, envahissent-elles la terre ferme jusqu'à
une grandc distance du rivage. Les rares habitants du pays cherchent
alors un refuge sur quelques hauteuls, naturelles ou artificielles,
émergeant du sein des eaux. D'autre part, les fleuves et les rivières
sortent aux moindres pluies de leurs Iits peu profonds et encore mal
détermiués, épanchant leurs eaux dans la praine, bientôt tlansformée
en un grand et iufect marécage. Eu r.éalité, Ie sol de la Flaudre ne
consiste guère qu'cn une suite d'îlots cnrbroussaillés.

.la [!Hollande
).D'après M. Qn vr,auuncr,-les ]Iénapiens, à I'époque de césar, habitaient
et la zélande ; re rittorar flàmand auraif été occupé'à la même
époque par les Morins, auxquels les ,'ïIénapiens I'auraient enlevê par la suite.
TEMI'S HISTORIQUES. _ tES ÀNCIENS BELGES 43

Lu nord, de I'Escaut au Rhin, s'étend une vaste surface de terrains


plats, sablonneux, couverts de bruyèr"e : c'cst Ia Campine, immeuse
marais absolument inhabitable, d'ailleurs inhabité, sauf par des
tribus dc passage,
Au ntidi, d'immenses forêts, si touffues, que I'homme tre s'y fraye
un pâssage qu'à grands coups de hache. C'est, de I'Escaut à la
Srmbre, la forê.t Charhonnière; de la Sambre au Rhin, lt, forët dcs
Ardennesr l'une et I'autre peuplées de grands fauves et de tribus
sauvages et servant de rempart à la contrée.
Cependant, la régi.on centrale, les bassins de la Seune et de la
Dyle, semblent avoir partiellernent échappé à ces conditiotts clima'
tologiques défavorables. De grandes plaines, remarquablement
fcrtiles, s'y rencontrent, où une population assez dense, appliquée
aux travaux agricoles, vit dans un bien-être relatif.
Le climat du pays est très froid. Des neiges abondantes, de fortes
et persistantes gclées occasionnent des hivers rigoureux, se prolon-
geant au point de rendre impossible aucune opération militaire avant
le mois de juillet ( t ). L'été, de lourds brouillards quol,idiens, trans'
formés en grosses pluies, rendent la température malsairte. Pendant
les plus beaux jours, à peine le soleil apparait-il trois à quatre
heures (9). Aussi, rle pouvant s'habituer à l'âpreté de son clima[, les
envahisseurs barbares s'empressenhils de. fuir la Belgiquc.
Combien I'avenir réscrvé à un pays si peu favorisé de la nature
doit paraître misérable aux contempot'ains ! Pourtant, s'il est vrai
que I'histoire des'peuples soi[ préjugée dans les caractères du sol
qu'ils habitent, uu observateur réfléchi soupçonnerait déjà que les
destinées de ce coin de terre, en apparence si dépourvu' ne seront
pas aussi humbles qu'on le suppose.
Err effet, il y remarquerait uu sol généralement fertile ou suscep-

({) tes travaux des hommes expliquent suflisamment les causes de la dimi
nution rlu froirl en Belgique. Les grands bois qui dérobaient la terue aux
rayons du soleil ont été détruits. A mesure que I'on a cultivé le sol et
rle-sséché les eaux, le climat est devenu plus doux. (Gmnotr, Histoire de la
décadence de l'entpire rornain, tome II, chapitre 9.) Yoir aussi, à ce propos'
-
Patria Belgicrt, tome I, p. 27 l Climotologie, pat Houznau.
(2) < Strabon dit quC les forôts et les marais du territoire des Morins-y
eniretenaient nne tellê humitlité qu'il y pleuvait continuellement et que lorsqu'il
ne tombait pas de pluie, l'air était teilement o}scurci par-les brouillards qu'à
peine voyait-on ciair pendant trois ou quatre heures du jour. I ($CnlruSt
tome II, p. {51.)
44 HISToInE DES BELGES ET DE LEUR cIYILISATIoN

tible de le devenir par le travail des hommes; un climat dont la


rigueur s'adoucira avec la disparition des forèts et I'amélioration du
régime des eaux, qui deviendra ainsi également favorable à I'activité
musculaire et à celle de I'esprit; d'abondantes richesses minérales,
source et fondement des graûdes industries; une position géogra-
phique admirable pour le commel'ce, au centre-ouest de I'Europe,
sur une mer importanle, dans le voisinage de contrées elles-mômes
appelées à uu brillant avenir et avec lesquelles ses habitants pour-
ront facilement s'ouvrir des voies de commuuicatiou; enfin, I'etnbou'
chure de trois grands fleuves qui, dans une région basse e[ peu
accidentée, roulent à fleur de terre leurs eaux profondes, conditions
propices à la création de nombrcux canâux et favorables à I'essor
du commerce et de la navigation : voilà, se diraihil, plus d'éléments
qu'il n'est nécessaire pour àssurer la prospérité d'une région otr yit
un peuple énergique et travailleur. Et comûle la plupart de ces
avantages n'existent qu'etr puissance, qu'il faudra en quelque sorte
violenter la nature pour les faire apparaître, le caractère des Belges
se trempera dans Ia lutte séculaire contre Ia terre revêche et la
mer envahissante. Elle donnera à nos pères cet esprit d'entreprise,
ce mépris de la diffïculté, cette constance daDs I'effort qui, devenus
les attr.ibuts de la race, leur ont permis de jouer utt rôle si impor-
hnt clans I'histoire de I'humanité et de la civilisation.

TITRE III
La pnopniété fonciène. Les campagnes. Les villes.
- -
La propriét6 loncière. Les campagnss. Il semble que nos ancê-
vécu dans une
-
sorte de conimunisme
-
qu'on a pu qualifier
tres aient
de communauté de village. Tout au moins, chacun d'eux avait-il
la jolissance d'une certaine é[endue de terre, sensiblement la même
pour tous. t< Per$onno, dit César parlant des anciens Belges, ne pos'
sùde en propre une mesurc déterrninée de terrain. Chaquc année, le
magistrat local attribue à chaque famille une part du sol cultivé,
que I'année suivante elle doit abandonner >. La proprieté foncière
individuelle rr'existait donc probablement pas chez nos ancêtres (l ).

( { ) Yoir Moxn, Mæurs et usagei des Belges, p- {? et suivantes,; BnÀuts, Erscd


tæi ia condition des classes ru'ales, p. 8; KUnttt,Les Or[ginesdelu ciaili'
TEITPS IIISTORIQUES. LES ÀI{CIENS BETGES 45
-
t'était là soit une mesure égalitaire, soit une conséquence de l'état
économique peu avancé des Belges, la forme prirnitive de la propriété
foncière paraissarrt avoir été partout la contmunauté, c'es|-à'dire Ia
propriété collective. Peut-être aussi appréhendait-on que le droit à

ia propriété individuellc cle la terre, en attachant davantage les


Belges au sol, lle leur fit perdre leurs mæurs guerrières. C'est I'avis
de Schayes : < 0n craiglait, dit-il ( l ), que le repos et Ia vie séden-
taire nc les rendissent moins belliqueux; que quelqtles-uns d'entre
eux ne cherchasscnt à devenir opulertts et ne profitassent de leur
prépondéranee pour opprimer les pauvres ; que I'avariee ue corrompît
la nation et ne fùt cause rle discordes et, de troubles civilsl ênlin,
qu'une trop grande inégalite dans les fortunes ne détruisit I'union
qui existait entre les tlifférentes classes de citoyens. >
La seule propriété privée chez les anciells Belges paraîtdouc avoir
été la propriété nzobilière. La maison, qui se démoute et s'emporte,
est tenue pour mcuble et elle continue d'ètre ainsi considérée, Iottg-
temps après que la propriété individuclle de la terre s'est substituéc
à la propriété collective.
peu ilnpor-
Les villes.
- Chez nos aucêtres, les agglonrérations un
tantes par le nontbre des habitattts sont très rares. Àussi csl-il peu
probable qu'ils aient possédé des villes. Leurs plus gros villages ne
sODt que de simples bourgades situées darts de vastes prairies,
à proximité des bois. En cas de gucrre, ils se réfugicnt dans leurs
oppiùa (9), dont on a retrguvé des ïestiges à Chessiort, Resteigne,
Poilvache, Soleilmont, Thy-le-Chîtteau, Pont'cle'Bonne' etc.

TITRE IV
Institutions politiques.
Les tribus belges formeut rle petites républiques ou, si I'on
reut, des monarchies démocratiques dont les institutions ont de
grandcs aualogies avec celles cles Germains. La dignité royale

sation, tome I, p. ?0 et suivantes. II. BnuBSt V.rs Elrrvr-Cx, dans un article


publié. par h -
RiLue tle Relgtque du 45 mai {899, dit d'autre part, .p. 54 : r Il est
ireu probanle que les Belges procédaient à des allolements
périodiques entre
iesfimilles, comme les Cermains. r Oir est la vérité?
(4) SCrl,rrS,La llelgiqtrceLtantet penr)ant l& clonzirtutiortt'omnine,tomel,
p. {67.
- (2) Yoir plus loin ; Institutiorts ntilitaires,
48 Hrsrotnn IIES BEl,cEs ET DE LEUR cIYIIISÂTIoN

paraî[ y avoir été d'abord annuelle. Â I'arrivée de César, elle était,


conférée àvie. Parfois une peuplade a deux rois.Il ert est ainsi, par
exemple, chez les Éburons et chez les Trér'iriens. Souvent, il existe
une sorte de dynastie, uno famille noble dans laquelle on choisit
Ies rois. lllais la royauté demeure élective. Les membres de chaque
tribu jouisscnt d'ailleurs de droits politiques importants, témoin les
paroles adressées par Ambiorix à un lieutenant dc César qui
lui reproche une attaque contre la forteresse d'Aduatuca. ( Je n'ai
agi de la sorte que pour obéir à la volortté de Ia cité I telle est
la nature tle mon autorité que je n'ai pas plus de droits sur la rnulti-
tude qu'elle n'en a sur moi ( { ). n
Le pouvoir est, en fait, exercé par le peuple réurti dans ses assem-
blécs générales. Là se font les lois. La paix et la guerre s'y décident;
on y élit les rois, les juges des cantons (ceuteniels) ct des villages;
cnfin, on y juge les mimes dc trahison et les litiges d'une importanec
cxceptionnelle que n'otlt pu trancher Ies tribunaux orclinaires.
Le prineipe général d'administration et de gouvernemettt chez nos
ancôtres, semble donc avoir êLé: Ies affairæ courantes rtghles par læ
chel'set leurs conseils ; lcs décisions imporlante.s réserut;es au, peu,ple,
réuni en assenùlée générnle.
Au surplus, I'organisation sociale est cles plus rudimentaires chcz
les Belgesprimitifs. Nous la verlons évoluer lentcment d'après cette
grande loi de I'histoire formulée par Spencer : Les soaid,ttis se déuelop-
pent en passant par tIæ difiérencintions succes.siues, d'un [ta't contpara'
tiuement hontogène ir, u,n état h(terogt)ne.

TITRE V
Institutlons judiciaines.
Droit des gens.
- 0n donne le nom de droit cles gens ou de tlroi[
international public, aux converttions univelsellenrent arlrtrises pour
régler les rapports des nations civilisées en YLle d'itssut'et' leur esis-
tcrce et lcur tranquillité (2).

(l) Les chefs élus, dit Mtirlnr, avaient plutôt I'autorité qui persuatle rlue
I'autorité qui commande.
(9) te droit des gens dérive du droil naturcl, lequel comprentl les lois
naturelles, lois primordiales qui rlérivent de la natule môme des ôtres et des
choses. x : On doit de lct reconnctiss&nr p{rta' les bienfaits rtçrrs. I'n etre
intelligent qui fait Iemnl m(rite d'éffe puni, Le droit naturel est le droit itléal
vers lequel doivent.tentlre les législations.
TEIIPS HISTORICIUES. LES ANCIENS BALGHS 47
-
Les peuples, comme les individus, sont astreints à ttes devoirs
mutuels; de même. ils ont, r'is-à-vis les uns des autres, des droits
réciproques. Par exemple, il est ér'idernment contraire au droit
international qu'une uation en attaque une autre sans motifs graves,
soudainement et sans préalable déclaration dc guerre. L'existence
et la tranquillité d'une nation faible seraient toujours en danger s'il
cn pouvait être autrement. Iln temps de guerre, c'est aussi violer le
droit des gens que de continuer le feu contre un errnemi qui arbore
le drapeau blanc ou avec lequel on a conclu un almistice. Le droit
des gens impose aux belligérants de respecter les propriétés privécs
et la vie des prisonniers, de soigner. ayec une égale sollicitude les
blessés des deux nations eû guerrc.
. L'objet du droit des gens est de déterminer tous ces droits, tous
ces devoirs. Il repose sur ce principe que les paryles se tloiuent faire
en tentps de pain Ie plu,s de bien, en tentps de gtærre le moins de mal
possible.
Dans I'antiquité, tout étranger était considéré comme un ennemi
et traité comme tel. 0nlui courait sus ; on s'emparait de ses biens, orr
le réduisait en esclavage, on le mettait à mort.
En dépit de leurs mæurs hospitalières, on peut dire que nos
ancêtres n'ont pas connu le droit dcs gens. Il n'existait pas chez eux
de principes régissant les relations dc peuple à peuplc, déterminant,
par exemple, les choses permises ou délendues en temps de guerre.
Des hostilités incessantes et furieuses, telle était la seule forme de
ces relations.
Droit civil. Par droit ciail, il faut entendre I'ensemble des Iois
-
dél,erminant les rapports des citoyens cntre eux. Il y a lieu de Ic
distinguer du droit politiqu,e qui règle Ies rapports entre les gouvcr-
nants et les gouverués.
Le dloit civil des Gcrmains est fort rudimcutaire; il cùnsiste
surtout en coutumes transmises par la tradition orale. La centenie
est, dans la nation, I'unité judiciaire cn môme temps que I'unité
politique. L'assemblée cantonale, présidée par le centenier, forrnc
le tribunal ou plnitl. Lc droi[ de vengeance personnelle
- le r]roit
de faida-existe d'aillcurs partout. Cc droit pour chacuu de se faire
son propre justicier explique I'indulgence excessive des tribunaux
pour certains crimes punis plus tard du dernier s,upplice. Cela
tient à ce que la loi et I'opinion publique considèrent les délits
et les crimes comme des offenses personnelles, non comme des
oiï'enses à la sociétô ou à la loi morale. La justice d'alors abandonue
118 HIsToIRE DEs DELcES ET DE LEUR cIvILISATIoN

aux parents et aux amis de I'offensé le soin de punir un coupable


dans sa personne et dans celle des membres de sa famille. Il est
fort rare que les tribunaux interviennent. spontanément ; et lorsqu'on
a recours à leur intervention, ils se bornent à accorder une indem-
nité ( wehrgeld) eî, à iufliger une amende (fredun). Les peines
corporelles, I'emprisonnement et la mort, par exemple, ne sont
appliquées que dans des cas d'une gravité tout à fait, exceptionuelle.
Lorsque, par extraordinaire, la peine capitale est prononcée,
I'usage veut qu'on pende le coupable. Cependant on noie dans uu
bourbier ou I'on étouffe sous Ia claie, les lirches et ccux qui onl,
commis quelque crime moustrueux. Le cas de trahison est un de
ceux qui peuvent amener la poursuite d'office par le centenier. lin
pareille circonstance, la tribu tout entière va en armes brrller
l'hâbitation du coupable; elle le chasse ensuite, le retranchant ainsi
de la communauté.
Dans lcs cas ordinaires, celui qui a subi quelque dommage est libre
d'exercer son droit de faida ou de réclamcr I'intervention du plaid
et le jugement du centenier.
" Le droit de guerre privée subsistait donc tout entier à cùté des
noyens qui en conjuraicnt I'usage... L'autorité publique assistait
impassible aux débats les plus meurtriers tant qu'elle n'était pas
invoquée. Elle intervenait seulement lorsque Ia partie lésée, hors
d'état de se faire justice, s'adressait à elle pour obtenir une satisfac-
tion autre que celle des armes... Mais le tcmps n'était pas venu
encore ori on la dépouillerait de sou plivilège dans I'intérèt supé-
rieur de la paix publique ( ,.).
"
TITRE VI
Institutions mllitaines.
Le senicc militaire est obligatoire et universel chez ces {,ribus
lrclliqueuses qui vivent dans un état de guerre perutaneni. L'armée
se compose de tous les hommes en ôtat de porter les armes. La
perte d'un æil, du nez, des oleillcs, d'un membre, toutcs peines
d'un caractère infamant, frappent les réfi'actaircs. Ile construction
rudirnentaire, les forteresses de nos lrncôtrcs consistent d'habitude

({ ) Kunrr, Les Origines dc Ia cit'ilisttfrorr, tome I, p. 68 et 89.


TEMPS TTISTORTQUES. LES ANCTENS BELGES 49,
-
cn de simples camps établis sur des plateaux élevés et d'un accr\s
diflicile. Des remparts grossiers, formés de couches alternatives de
pierres et de grosses poutres, autour desluels ils creusent un fossé
profond, complètent ces défenses naturelles. Les Romains donnèrent
aux lieux ainsi fortifiés Ie norn d'opp.ida.
En cas de danger, les oppida servent de refuge aux populations.
En tcmps ordinaire, ils ue sont pas habités, car les ansiens
Belges tiennent les villes en déliance, Ies jugeaut propres r\ amollir
les courages.
0n décerne les commandements militaires par voie élective.
Chaque centaine, chaque dizaine d'hommcs â son chef (centenier ou
doyen).
Armes. Ellcs sont defensives ou offensiyes. Parmi les premières,
-
citons lc bouclier, ordinairement de bois, d'écorce d'arbre ou
d'osier tressé, toujours recouvert de cuir, chez les simples guer-
riers. Celui des chefs est de métal. Souvent, les boucliers sont
assez grands pour protéger lc corps tout entier ;le casqu,e d'airairt,
terminé en forme de gueule ouverte et d'habitude garni de grandes
saillies figurant des cornes d'auirnaux; la, atirasse, à mailles cle
fer.
Au nombre des secondes, 0n trouvc : la, Iance, avec une pointc
de fer très longue et très large; la lmclrc d'fl,r.ntcs, à un ou à deux
tranchants (plus tard la francisque); la framée ou pique; l'arc et les
flàclws, celles-ci à pointes barbelées;le jauelot, à pointe recourbée,
qu'on lance de loin sur I'ennemi.
Nos aucêtres connaissent également I'usage de certains chars de
guen'e au timon drmé d'une longue faux. Les simples guerriers com-
battent généralement à pied; les chefs, montés sur des chars à deux
chevaux. Quclque tôtc cl'auimal peinte ou sculptée termine ordinai-
rement la hampe de leurs étendards. Leurs trompettes de guerrc
font entendre des sons rauques et sauvages.

TITRE YII
Religion.
0n trouve dans la religion des anciens Belges un curier',* mélange
cles croyances des Germains et cle celles des Gaulois. Comrne ces
derniers, ils croient à une sorte de métempsycose et tienuent
en grande r'értération le chône et le gui. D'autro part, à I'exemple
Y. Milguet. - Histoire tles Belges. 4
Lr cueillctle rlu gui,

Druidcsscs dalstttt ult0ur tl'un tttcttltir.


TEIrrps HISTORI0UES. LES ÀNCTENS BELGES 5l
-
dcs Germains, ils déilient volontiers tout ce qui leur apparait avec
urt crractère graudiose et mystérieux. Le vent, le tonncrrc, l'0céan
sont I'objet de leur culte. De plus, ils honorent les nlrn$) cspèces
de divinités secondaires qu'ils placent au sommet de la hiér.arrchie
des esprits et qui sont supposées présider aux naissunces, quelque-
fois à toute une vie; les /dæ, qu'ils s'imaginent animer les bois,
les rochcrs, les fontaines I eufin, les l'ées-sot cièra oa uoyantcs, Ics
dernièrcs druidesses ({ ).
une cliririère dans les profoudeurs dc la forêt leur sert de temple;
une grosse pierre ou queltlue tronc d'arbre à dimensions énormes
leur tient lieu d'autel. Il y a lieu de droire qu'ils avaicut empr.unté
aux Gaulois I'horrible coutume des sacrilices humains.

TITRE VIII
Langue et écnitune.

Les auciens Belges paraissent avoir parlé le kiruri, langue usitéc


aujourd'hui encole chez les paysans bretons.
Ils connaissent l'écriture, soit qu'ils se servent de préférence,
comme on le croit, des caractères phénicieus, soit qu'ils emploient,
'a I'instar des Germains, les caractères rtiniquæ,, combinaisons dc
points et de petits traits, les uns obliques, les irutres verticaux,
disposés au-dessus et au-dessous d'unc ligne horizontalc. Plus
tard, les Belges se setvent des caractères grccs, qu'on trouvc
employés en des inscriptions gravées sur des tombelux et autres
tnortuments de l'époque, découverts dopuis clans nos contr'écs.

-, TITRE IX

Bégime économique.

Agriculture. ,- la suite de la conquête de la Celtitlue prlr les


Galls, les anciens ^habitauts demeurent asservis à leurs vainqneurs.
,Contraints par eux de s'appliquer aux travaux agricoles, ils défri-'
chent peu à peu une grande partie de la Gaule. Une cet'taine aisance

({ ) Voin Lcs Espt'its ëllntentutres, par Klnl Gnux.


52 HISTOIRE DDS BELGES ET DE IEUR CIYILISÀTION

se répand alors au sein des populations, et, dans la société naissante,


une demi-civilisation suecède à une barbarie grossière.
Modes et procédés de cu,Itu,re.
- Les Belges de l'époque de César
ont abandonné la vie nomade ; cependant, ils ne se livrent à
I'agriculture que dans la mesure stricte de leurs besoins alimen.
taires. L'étendue du sol qu'ils cultivent est peu considérable et
probablement bornée aux terres voisittes des habitations. Pasteurs
avant tout, les Belges font particulièrement consister leur richesse
dans un nombreux bétail, motttons et porcs, élevé à peu près en
liberté ct par grands troupeaux, dans les bois ou les pâturages de la
marche.
il n'cxistait pas à cette époque, comme de nos jours, une
économie rurale savaute et raisonnee. L'écoltuage esl le procédé
de culture le plus suivi. Toutefois, les Belges labourent aussi àja
charrue. Ils conuaissent également I'usage des engrais et mêrne
celui de la chaux et de la marnc.
Au nombre de leurs instrumertts aratoires se trouvenL: la hwse,
dont on leur attribue I'inventiort (L ), labîche,la houe,la faucille eL l'a,
fuue. Pafiois ils coupent leurs récoltes au mo)'en de ciseaun et d'uu
peigne.
lls ont aussi imaginé une machiue à moissonner composée d'un
van monté sur deux roues, et de longues faux tranchantes. 0n y
attelle à rebours un cheval qu'on pousse dans le champ à récolter.
Les é1iis fauchés tombent darts le van.
Ne possédant pas de grenier pour conserver les semences et les
grains, d'ailleurs peu abondattts, obtenus par la culture, ils les
déposent en des fosses et lcs recouvreut ensuite de terre. C'est
le procédé désigné aujourd'hui sous le nom d'ensilage.
Ni les moulins à vent, ni les moulins à eau ne sout conllus.
Chaque mérrage moud son grain à I'aide d'un sirnple mortier à pilon
'
ou se borne à le broyer entrc deux pierres.
Plantes aùtiuées.-Les Belges de l'époque connaissent le froment,
mais sarls doute lc cultivent peu (2). Ils préfèrent le seigle,
l'épeautre, I'orge, I'ayoine, le millet, à la culture desquels notre sol

({) 0n leur attribue également celle de laclnrrue araire (avant-train sans


roue).
(9) Yoir Bnaltts, Essai.su' la condition des dusses ntrules, p. {0.
TElrps HIST0Rr0UES,
- LES ÂNCTENS DELOES 53
et notre climat sont plus favorables. Nos ancêtres out dû connaître
aussi le lin, le pavot, la navette et le chanvre ({ ).
Peu nornbreuses sont les espèces dc légumes cultivés à cette
époque : les panais, Ies épinards, les oignons, les navets et, croit-
on, la fève de marais composent tout le potager des anciens Belges.
Le pois et le haricot leur sont inconnus. Ils n'ont point de vergers
plantés de pommiers, de poiriers, de prunicrs, de cerisiers. Ces
arbres ont été importés par Ia suite : les espèces sauvages d'aujour.
d'hui proviennent des jardins. Seule, une pommerla spatlonico, eLla
nterise, fruit d'une espèce de cerisier, paraisseni leur avoir été con-
nues. Illais ni I'une ni I'autre n'avaient encore tout ti fait dépouillé
I'amertume qui caractérise le fruit sauvage.
Essences forcstières,
- Le chêne abonde dans les forêts et aussi le
hêtre, le coudrier ou noisetier, le mélùze, le bouleau et le buis,
celui-ci atl,eignant parfois des proportions énormes (g ). Le platane
se rencontre aussi en abondance dflns les bois, ainsi que le merisier,
le cornouiller, le nêflier, le prunellier, le framboisier, la r.once, I'ai-
lelle-myrtillier, le sorbier, le groseillier épineux, e[c.,,dont les fruits
servent souvent de nourriture à nos ancêtfes.

-Plusieurs espèccs d'animaux, aujourd'hui disparus ou


Fau,ne.
devenus fort rares dans nos contrées, habitent alors nos forêts. Ce
sont le buffle, I'aurochs (espèce de bæuf sauvage), I'ours, I'onagre,
l'élan, le renne, le castor, etc. Quant nu loup, au sanglier, au
daim, au cerf, ils existent alors en nombre bien plus considérable
qu'aujourd'hui.
Comme à présent, les animaux domesticlues sontle cheval,le bæuf,
lemouton, Ia chèvre, le chien. lïIais le chelal et le bæuf sont plus
petits que ceuxld'aujourd'hui et de cbétive apparence, bien que
vigoureux. C'est par troupes nomlireuses qu'on élève les oies. Les
porcs, grands et à demi-sauvages, errent en liberté dans les bois,
une sonnette au cou. 0n les rassemble au son d'une espèce de cor.

( { ) Scufvfs , Les Puys-Bas aunnt et pend,ant la dornînation romaine, tome I,


p. 468 et {69.
D'après Wlurnns (Libertës cornrnumles, p.54), les Belges aunaient fait
connaitre. le froment, [orge et la charrue aux habitants de la Grande-Bretagne,
et c'est_ d'eux que les Romains auraient appris la pratique de l'écobuagei Le
mème historien croit encore que les Belges d'avant César connaissaiént les
semailles de mars et le défoncement des temes. N'est-il pas plus vraisemblable
gue nos ancêtres aient emprunté aux Romains ces procédés culturaux?
( 2 ) 0n en faisait fréquemment de fort belles haies.
$4 HIsTotnE DEs BELcES [T D[ IEUR clvttls.tTloN

Industrie, commerce, navigation. Le fer, Si abondant en notre PâYs,


-
le plorn$ et la pierre à aiguiser, sont exploités dès cette époque.
Avec le fer, les Belges se confectionnent dCs armes, de nombreux
rrstensiles de cuisine et des instruments aratoires.
L'étamage et le laminage des métaux leur sont connus ainsi que la
fabrication du cuir.
lls ont appris à tisser Ie lin({)et la laine, à feutrer, à teindre
leurs tissus de couleurs l'égétales. L'airelle leur donne le pourpre;
la jacinthe, le violet; la garance, Ie rouge; la gaude, le jaune; etc.
Ils savent faire de la ceruoise, nom attcien de la bière, et de
l'ltyd,romel, rnélange de miel fermenté et d'eau; fabriquer plusieurs
espèces de savons, dont ils tirent la meilleure qualité d'un mélange
de cenrlre de hêtre et de suif de ehè't're ; extraire le lietrrre du lait,
mais non en faire du fromage : seul, le lait caillé leur est colntl.
Néanmoins. f industrie reste languissante et rudimentaire chez des
populations très portécs à la guerre et qui abandonnent aux plus
iaibles, aux femmcs, aux eufants, aux vieillards' tous les travaux
manuels.
0n rertcOntre chez noS aneêtrcs d'assez nombreuSes aSsOciatiOnS,
non d'nrtisans, mais de familles adonnées à la culture, Les membres
dc ces associations font le serment d'obsert'er un règlement. L'au-
torité de leurs chefs, nommés par élection, es[ à la fois admi-
nistrative et judiciaire. Ott a souvent voulu voir, tlaus ces gildes
primitives, le germe des corporations et mÔme des communes du
*o1'un âSe (2).
Dès cctte époque, les Belges ont des rapports commerciaux avet
lcs Phéniciens et les Carthaginois. C'est sans doute de ces peuples
qu'ils acquièrent des connaissances assez étenclues dans la construc-
tion navlle. Leurs vaisseaux, formés d'épaisses planches de chêne,
sout construits avec un certain art. IIS calfeutrent avec des étoupes
les interstices laissés entre les plartches. La quille de leurs biltiments
est plate, ce quipermet de les tirer facilement sur la grèveet d'abor-
der sur le sable. Par eontre, la proue et la poupe en sont très élevées,
afiir que le vaisseau offre plus de résistance aux Yagtles. Dcs voiles

({) ce sont nos ancêtres qui apprirent _aux Romainsle tissage du lin et la
fadriéation du savon (8, Vlt'i El-Ewtcx, Lc Commerce et l'Irtdttstrie chez les
-Scn,l,rns,Ia dominetion rontaine, article cité).
Belges pendant
1â; tome t, p. 469. llnAnrs, Esni, p.40. S'AurDns, Liber'
tés crtrnmnnales, p. 54. - -
TEMPS HISTORIQUES. LES ANCIENS DELGES 55
-
de grosse toile, de euir ou de peaux souples et minces, avec des
àncres retenues par de fortes chaînes de fer, complètent le gréement
du navire.
Les marins de Ia Ménapie sont habiles et entreprenants. Mais, à la
différence des peuples de Ia Scandinavie, exclusivement préoccupés
de pillage, ils appliquent au commerce toute leur science et tous
leurs efforts.
Il existe sur divers points du littoral des marchés ot) se fait
l'échange des produits indigènes, salaisons, cuirs, miel, el,c., avec
ceux do l'étranger.
Les Nerviens évitent toute espèce de contact avec leurs voisins
du midi dont ils méprisent, les mæurs cfféminées. Eu vue de rendre
plus difiicile I'accès de leur pays, ils entrelaceut, aux frontières, de
jeunes arbles et des arbustes en buisson de façon à en former une
Iaie impénétrable. Ces défenses naturelles sen'ent surtout à empe-
cher les surprises de la cavalerie ennemie.
Les Belges connaissent les monrlaies d'or, d'argent et de cuivre.
0n a refrouvé des monnaies à I'eftigie de divers chefs indigènes et
en particulier d'Ambiorix. Toutefois, lc commerce est err général un
commerce d'échange, surtout ù I'intérieur. Un bouclier, une lance,
une hache d'armes s'estiment à un ccrtain rtornbre de peaux. 0n
donne deux bæufs en échange d'un cheval; dix sacs de blé pour un
lræuf ; une pièce d'étoffe se paye vingt brebis; etc.
Les voies de communication, tout au moins les voies charretières,
n'existent pas. A peine les villages se relient-ils I'un à I'autre par
quelques sentiers. Les mirrais et les bois dont, Ie pays est couvert
rendeut les relations plus difiiciles ercore. Les transports se font a
dos de cheval, plus rarement par le moyen de lourds et informes
ehariots âux roues de bois massives. 0n utilise aussi, pour le même
objet, des charrettes surmontées d'immenses mannes d'osier
appelées bennes.

TITRE X
Meuns êt coutumes. - Vie pnlvée.
lnstitutions civiles. Chez les Germains,le mari aehetait sa femme.
-
Il faisait, au père de la jeune lille, un cadeau consistant en armes,
bæufs, chevaux, etc. Pour conlirmer Ie marché, Ie fiancé offrait une
bague à sa future, à titre d'arrhes. Chez les Celtes, au contraire, la
56 rrsrornn DES BELcES ET DE LEUR clvlllsÀl'l0N

fcmme apportait uue dot, mais l'époux devait prélever sur ses
propres biens une part équivalente à cette dot et la faire entrer
dans la commuDauûé. Le survivattt héritait des biens ainsi mis ett
communauté. ltlos ancêtres admettaient la polygamie.
L'usage de I'incinération des morts se perpétue longtemps chez
eux. 0u brrile le corps des guerriers avec leur cheval de bataille,
'leur vivant.
lcurs armes et divers objets dont ils se sout servis de
Parfois, leurs femmes et leurs serviteurs se jettent volontairemeut
dans le bûcher. Aprc\s avoir rccueilli les cendres des défunts, on les
depose dans une urne qu'on ensn'elit en des constructiorts fail,es de
grosses pierres brutes, recouvet'tes ertsuite de terre et formant
tumulus. Il existe en Hesbaye url assez grand nontbre de ces tertres
rrrtiliciels qui ont servi de sépulture aux auciens Belges.
Noumiture. Les Belges se rtourrisselt surtout rlu produit de
-
lcur chasse ou de leur pôche; Ceux qui habitent à lroxintité des
l?trôts mangent russi cles faînes et d'autres fruik sauvages,
palticulièrement clcs giands (l) dont, en temps de disette, ils font du
pain. Cepenclant la nourriture des Nerviens est celle des populations
rgricoles. Ils nrangent du pain, des cnufs, du laitage, du miel, etc.
La chair des animaux domestiques est potll' eux une grandc
ressource ; ils montrent, pour la viande de porc, une préférence
marquée. S'ils n'enrploient que rarcment le sel, cela tient à ce que
cette substance cst rare et chère. Ils blutent leur blé au nro.ven de
cribles confectionnés avec du crin de cheval. À la pâte, ils mêlent de
Irr levure de bièrc et ainsi réussissent à faire un pain légcr. Comme
boisson, nos ancritres entploient la bière ouceruoise eL l'hydt"omel;
nrais déjà la bière est leur boisson préférée. Le Gambrinus de la
légende est un Belge. 0n lui irttrib,.re I'idée d'cmployer à la fabrica-
tion de la bière les céréales crues et germées.
Vêtement.
- Les hommes libres portent de longs cheveux aux-
quels ils donnent uttc teilte dorée en les lavant avec de I'eau dc
chaux ou âvec une composition formée de graisse de chèvte et dc
cendre de li(rtre. Ils se vÔtcut de la saie, petll manteau d'écorce, de
peau ou d'étoffe, de forme carrée, sans manches, attachée sur
l'épaule par une agrafe ou une simple épine. Des braics,, sorte de

(l) Les forêts étant très abondantes dans notre pays, nos ancètres se
nourrirent rl'abord beaucoup de glands. De là vient peut-êl,re Ia grande
vénération dans laquelle ils tenaient le chône.
TEtrps HrsToRIouEs. rES ANcrENs BELGES 5T
-
pantalon de mème matière, leur couvrent les ja.mbes. En géuéral,
ils aiment les vêtements à teintes multicololes. Quand ils ne vont pas
les pieds nus, ils les protègent par des semelles de cuir ou de bois
(galoches) ({), attachées à Ia jambe pal tles courroies. Un bonnet
polntu, espèce de bonnet phr.vgien, fait de peau, de laine ou de jonc,

I\llisons ett Iolttte ile rtrt Le ( éliotlue d'Âlrbiolix ).

r:otrrlrlùtc ltrrl toilcttc. Ils rir-'conrnissclt, irr-is I'u-"t5Jtl tlu lingr-l tlt:
r,ori)s. Toutelïris, ir's furrrncs, rlrri rl'rillt:ut's s'lttliillcrrt t pcti 1iItls
(.{,ntltl{i lcs ltrttttntts, So ('on{'ectiOtttiCrnt sortlCtit ciCS vùtcnttrltS dC
to ilc.

(l) Le mot grilotht tlér'ivelait, palait-il, de Gull, habltant tle la Carrle.


58 IIISTOIRE DES BELGES ET DE IEUR CIULISATION

Habitations. Les habitations des Belges consistent généra-


Icment en de simples ltuttes faites de branchages ou de planches,
quelquefois de claies plaquées d'argile, et soutenues par des poteaux
ct par des traverses. Ordirtairement couvertes de roseaux, parfois de
lourdes ardoiscs, chez les plus ricltes, ces huttes, auxquelles à I'oc-
casion un arbre sert de pilier central, affectent d'habitude Ia forme
circulaire et conique (l). Elles sont pourvues d'une entrée. large et
haute, fermée d'une porte qui s'enlève à volonté. Ni fenêtres, ni
cheminée. À leur sommet, une ouverture pour permettrc à la fumée
clc s'échapper. Le plus souvent toutefois, celle-ei sort par la porte.
Dans les demeures du peuple, une seule pièce abrite à Ia
fois les gens et le bétail. Seule, I'habitation du chef comprend
plusieurs compartiments parmi lesquels une pièce spéciale pour les
hommes, une autre pour les femmes. Le bétail occupe les dépcn-
dances.
Mobilier.
Les
- Chez tous, I'ameublement es[ des plus simples.
lits se composent essentiellement de quelques bottes de paille ou
d'un amas de mousse, de roseaux, de feuilles, etc. Des peaux d'ani-
maux servent de couverturcs. Parfois même, nos rudes ancôtres
couchent sur le sol nu. Les riches connaissent cependant les
matelas de laine et de plume. Quelques escabelles et tables de bois,
grossièrement travaillées, complètent I'ameublement de leurs
rustiques palais. Les mets se servent sur des plats tle terre, de
bois, d'osier, où tout le monde puiso à la main, car on nc soupçonne
cncol'e ni la cuiller ni la fourchette. Chez les grands, on trouve
néanmoins des plats d'or, d'argent, de cuivre étamé.

TITRE XI

Vue d'ensemble et considénations génénales.


:.
Telle est, racontéç à grands traits, I'histoire de notre pays dans
les tcmps qui
précèdent I'arrivée de César en Belgique. Toutes les
races humaines, laissées à elles-mèmes, paraissent suivre les lois
du même développement historique. Par suite de I'insuffTsance des

({) Ambiorix habitait une eabane brltie en forme de ruche.


TEMPS HISTORIOUE LES ÀNCIENS BELGES 59

outils dont il dispose, I'homme primitif 1c franchit qu'avec uue len'


teur infiuie les premières étapes de la ciyilisation. C'cst ainsi que
l'époque paléolithique est, de beaucoup, le plus long des âges entre
lesquels on a divisé la vie de I'humanité. Mais à mesure que I'homme
découvre des moyens d'action plus nornbreux et d'un effet plus utilc,
ses progrès deviennent aussi plus importants et plus rapprochés.
Àussi voit-on de nos jours les clécouvertes succéder aux découvertes
avec une rapidité qui tient du prodige
ouelles sont les grandes phascs des progrès accomplis par I'homme
prélristorique? C'est d'abord la ntbstittttion de Ia pointe nnttstérienne
&'tL cltlp cle ytoing chellæn,'puis I'invention, à l'époque solu[réenne,
de I'emmanchan,ent, qui rencl I'effet des arrnes plus dangereux,
I'action des outils plus efficace. C'est, par la suite, à l'époque magda-
lénienne, la substittttion, au silen, de l'os, de la corne, de l'iuoire
et iht, àofs comme matière premièrc des instrumettts et des almes.
Ccttc substitution permet de multiplier le nombre des objets utiles,
conséquemment d'exécuter cl'importauts travaux propres à améliorer
le sort de I'homme en augmentant pour lui les commodités cle I'exis-
tence. c'est encore I'invenl,ion, à l'époque magdalénienne, de
I'aigu,ille èt chas qui permet un assemblage plus aisé et plus rapide
dcs peaux employées dans la confection des vêtements. C'est enlin
l'éveil du sentiment esthétique chez I'homme, comme il est établi
par la déeouverte de dessips tracés sur de nombreux débris des
époques solutréenne et magdalénienne.
Àinsi, la race autochtone progresse d'elle-mème, quoiclue lente-
ment. Possédait-elle en soi le germe d'une évolution intégrale? Il
selait impossible de I'affirmer, car, au commoncement de l'âge
néolithique, I'intronisation d'une race nouvelle vient tout à coup
accélérer la marche naturelle de nos ancêtres dans les Voies de
la civilisation (l ).
Los Ibères font cortnaître à nos ancôtres I'art de I'agriculture

(4) ll semble prouvé que des races inférieures en civilisation' mises


en'c'ontact avec cies laces plus cer'
-En avancées, franchissent brusquement
iaines étapes intermédiaires. général cependaLl,. chaque .plruse historique
est à la fots Iu conse'
a'i,i t,iupit sort lerûentent de celle-qui ta pré1'ède. Elle en
quence ct ltt suite.
' Cette loi de I'histoire montre I'impossibilité d'étudier fructueusement, au
point de vue historique, une époque nouvelle, si I'on n'a préalablement acquis
une connaissance suffisante des époques antérieures.
60 rrrsTorRr DES BELGES ET DE LEUR ctvrLrsalroN

ct la dome,stication des animaux. Le rnélange des populations


autochtones avec les peuples nouveaux a d'ailleurs cles effets
rvantageux poul ces demicrs (l l. Ils puisent dans les unions contrac-
tées avec les anciens habitants du pays les aptitudes physiques
nécessaircs pour résister au rude climat de nos contrées.
Toutefois, les progrès jusqu'ici réalisés par les Belges, bien quc
considérables, ne leur auraient sans doute pas permis de sortir dc
l'état sauvage sans la connaissance cles métaux, dont ils sont rede-
vables, celle du blorue âu commel.ce oriental, celle clu fer aux celtes.
Dès ce jour, les Belges entrent délinitivement dans le grand
mouventent de Ia civilisation occidentalc.

({ ) c.Les peuples ont..lesoin d'expansion. Ils trouvent moyen d'y satisfaire


par ces
{gux voies : par.l'échange paisible des protluits et dei idéei et par la
guerre. c'est ce besoin d'expansion qui crée la éivilisation. un peuple réduit à
ses propres forces progresse peu et très lentement. sa facujté d'évolution
spontanée est fort faible. ses mæurs s'ankylosent en quelque sorte. Il conser.ve
avanttorrt ses contumes, son genre de vie, ses procédés. r (L'Ilomntc et les
noturelles, par q!. Dunoxr, conférence fàile au corps'enseignant de la
{gl'rr:
ville de Bruxelles en {892. )
TE]IIPS HISTONIOUES. _ PÉNIODE RO]IIÀINE 6t

CHAPITRE III

Période romaine.

Ouvnages à consulten:
schayes: Les Pays-Bas avânt et pendant Ia domination romaine. Ktnth.
Les Origines de la civilisation modern e. pottllet. Hjstoire politique - interne
dc la Belgique. -
- Génrd. Histoire poritique du moyen âge (patria Belgica).
Rrants. Essai historique sur la condition des classes rurales en Belgique.
-
seignobos. Histoire de Ia civilisation. -
van Dessel. Topographie des voies
romaines. césar. commentaires.
- Laurent. sur I'histoire de I'hu-
-
manité. ^- Fustel de coulanges. La cité - antique. tritudes
E. Hanoy. Les Éburons
à Limbourg. Le véritable Âduatuca castellum. -I{npoléon rrr, yie de césar.
-

TITRE I

Géognaphie histonique.

sous les Romains, la Belgique est divisée en prouinces, en cités, en pagi.


II existe des pagi de rangs divers z des gremds, des moyens, des pettts.
Gertaines cités forment un serrl pagus, d'autres plusieurs. Les provinces de
la Gaule sont : L'Aquitaine, la Lgottrtuise et la Belgique (chef-lieu Trèves).
Plus tard, on subdivise celle-ci en Belgtrlue prenzière el en Belgtque seconde
( chef-lieu Reims ); en Gertnanîque première ( chef-lieu Mayence et en Gernru-
)
nique eeconde (chef-lieu cologne). Le temitoire actuel de la Belgique appartenait
aux deux premières de ces provinces et à la quatrième, It se répartissait entre
cinq citës, savoir : la cité des Tréuirierrs (Trèves), Iq cité des Tongres, la
cité des Rérnois (Reims), la cité tJ,es cambraistens er en{in la cité des xléna-
ou d,es Tournaisfens (plus tard des Ftamands),
1tr'ens
Localités efistantes.- Dans les limites de la Belgique actuelle, on ne tronve
que deux villes, deux chefsJieux de cité: Tongres et rournai. parmi les
62 InsloIBE DES BELGES ET DE LEUI crvtLrsATIoN

autres localités àxistantes, citons les agglomérations qui s'étaient formécs


autour des forts de Dinant, de Namur, de Huy et dc Liége; autour des relais
tleposte installés sur lesroutes romaines, à Courtrai, à Gembloux, àPerwez, à
Arlon, etc. Un grantl nombre de subsl,ructions de villas romaines (environ
{30) ont d'autre part été retrouvées, notamment il.lrtthée, Bastogne, Chant-
1tion, Itauuillers, Fouron-Ie-Comtc, elc.

TIT RE II
Les faits.

Conquête de la Gaule par les Romaiis.


- Vers le milieu
du siècle qui précéda I'ère chrétienne, les Romaius, voulant
agrandir encore leur immense empire, chargent Jules César,
un de leurs généraux, de faire la conquête de la Gaule. En
moil)s de trois années (59 à 57 av. J.-C.), Côsar, I'un des plus
graud capitaiues et I'un des plus habiles politiques qu'âit
produits I'antiquité, soumet tout le sud et tout le centl'e de
cette vaste contrée. Il s'avarlce ensuite yers la Belgique.
Ennemies et jalouses les unes des autres, les peuplades belges
ignorent la belle devise, tlevenue la nôtre : << L'u,ttion fait
Ia force. l Elles ne s'ententlent pas pour se défendre contre
I'enuemi commun et, malgré leur vaillance, elles succombent
I'une après I'autle dans une lutte oùr elles entrent successive-
rnent.
Défection des Éburons et des Tréviriens. Comrne nous
-
I'avons vu, les Éburons devaient le tribut aux Àtluatiques : ils
voieut tlans les Rornains des libérateurs et refuseut de s'asso-
cier aux efforts des Nen'iens, ligués avec les Atluatiques.
Séduits par les promesses de César et Ie titre tl'alliés des
Romains qu'il leqr offre, les Tréviriens vont plus loin encore :
ils lrri fourlissent, ii titre d'auxiliaires, uu corps de cavalerie.
Défaite des Nerviens.
- Ayaut aiusi divisé et atfaibli ses
adversaires, César vient câmpel' sur la rive droite de la Sambre
TEMPS HTSTONIQUES. FÉRIODE NOMAINE 63
-
en un endrgit demenré inconnu (l). Commandées par Botluo-
gnât, les tloupes net'vienues, fortes d'envirou 35.000 gueruiers,
Iui font face sur I'autre rive. L'armée de César comptait, dit-
on, un nombre double de soldats. Au lieu d'atteudre I'arrivée des
Atluatiques, les Nerviens fralchissent soudainement la Sambre.
Si rapitle est leur attaque, si vigoureux leur effort, qu'ils sont
sur le point de I'emporter. Les troupes de César reculent. Au
désespoir, le général romain se cguvle tl'uu bouclier et s'avance
presque seul jusque daus les ralgs des Nerviens. Alors ses
goldats, honteux d'un moment d'hésitation, s'élancent au
secours de leur chef et le combat leprend avec une nouvelle
ardeur. Mais cette fois les soldats de César obtienneut I'avan-
tage et font des Belges ur massâcre affreux. Boduoguat
demeure parmi les morts (9).
Malheureux sort des Aduatiques. Sans pertlre de ternps,
-
César cour[ assiéger les Aduatiques réfugiés dans oppidum vt
dont on ignore aussi I'emplacement exact (3). Après un sem-
blant de soumission, les assiégés tentent de surplentlre le
câmp romain pendant la nuit; mais leur entreprise échoue
grâce à la vigilance de César. Outré de leur audace, celui-ci,
pour les punir, fait vendre comme esclaves tous ceux des
Aduatiques qui tombent eutre ses mains, au uombre de 53.000
(d'après le général romain), c'est-à-dire la nation à peu près
tout entière.
0piniâtre résistance des Ménapiens. Couvert tle bois et
-
tle marais, le pays des Ménapiens permettait une énergique

( { ) 0n a longtcmps indiqué l'emplacemcnt du village actuel de Presles


corirnie le lieu de la rencontre. Napoléon Ier citait ll[aubeuge comme un empla-
cement plus probable. Le général Renard pattageait cette manière de voir.
Napoléon III-et la commission topographique des Gaules ont opiné en faveur
de Hautmont.
(2) La ville d'Ànvers lui a élevé une statue.
Namur, Fallais, sur la Méhaigne (tl'après Napoléon 1er), le mont Falize
i3)'tle
prds Huy ( d'après la Commission topographique des Gaules.),- lglg..!'
ilmbourg, et'c., onf été tour à tour cités comme emplacement possible d'Àduat.
64 HrsrorRE DEs BELcEs ET DE rEUR crulrsÂTroN

défense : devant I'opiniâtre résistance de ses habitants, César


renonce à les soumettre. Plus tard, il
leur accordera Ie titre
d'alliés libres des Rornains.
Révolte des Tréviriens et des Éburons. Cependant, les
-
Romains, cessaDt de feindre, font peser sur les Éburons et sur
les Tréviriens comme sur le reste des Belges le joug tle leur
lourde domination.
Une insurrection générale éclate bientôt, excitée par.
Ambiorix, roi tles Éburons et par Induciomar, chef des Trévi-
riens.
. Deux lieutenants de César, Sabinus et Cotta, avaient établi
un camp dans le pays des Éburons, en un lieu que I'on croit
aujourJ'hui occupé par la lille tle Tongres. Se proposant d'y
passer I'hiver avec leurs troupes, ils s'y étaient fortement
retranchés par de solides palissades, tles remblais élevés et des
fossés profonds.
Dans l'espoir de les surpreudre, Àmbiorix vient tout â coup
les attaquer. Mais il est repoussé et subit, en hommes tués ou
blessés, des pertes considérables. Ilfait dire alors aux officiers
romains qu'il a grantl regret de les avoir attaqués, coutraire-
ment à la paix jurée, rnais qu'il y :l été contraint par sou
peuple, forcé lui-même cle suivre les autres nations des Gaules
dans leur rér'olte génêrale contre les Romains. Il les assure
qu'il est nérnmoins leur arni et qu'il Ie prouvera en leur per-
mettant de rejointlre Cicéron, autre lieutenant de César, campé
dans le pays des Nerviens. Ambiorix leur promet de ne pas les
inquiéter lorsqu'ils traverseront le pavs ,les Éburons. Toutefois,
il les engage à se hâter, car une formidable almée de Germains
vient de franchir le Rhin et les attaquera avant un jour ou
deux. hnprudemmeut, Sabinus ajoute foi aux âssurarces
d'Arnbiorix et, contre I'avis de Cotta, les Romaius abandonnent
lenr câmp. Au nombre d'environ huit rnille hommes, ils se
rnettent en route pour la Nervie.
TEIIPS IIISTORIOUES. _ PÉftIODE NOMAINE 65

Les Éburons s'étaient crchés tlans les bois couvrant un


défilé par oùr leuls enuetnis devltient nécessairemeut passel'.
Àussitôt que ces derniers y sont engagés, les Éburons
tornbent avec une furieuse impétuosité sur I'avattt-garde
rgmaine, comrnandée pâr Sabinus. Après s'être un motnettt
tléfeudu avec vigueur, tlésespérant de la victoire, celui-ci se
reutl aux Belges à condition qtle ses troupes et lui auront la
vie sauve. Mais à peiue sont-ils tlésarmés que le perfide
Àmbiorix dottne I'Ordre de massacret' tous les prisouuiers, ce
qui est fait avec uu empressement sauvage.
L'arrière-garde, commattdée par Cotta, montre plus tle réso-
lution et se tléfend pendanthuit heures avec un grand courage.
A la fin pourtant, Cotta est tué; ce qui reste tle Ronrains se
tlébaude et s'enfuit dans la tlirection tlu camp. Sentant qu'ils
ne pgurront résister à un eunemi trop supérieur en nombre,
ils s'enlre-tuent. Quelques soltlats ayant r',lussi à s'échapper à
travers les bois, portelt à César la nouvelle tlu désastle.
Ravage de t'Éburgnie. Le génér'al romail jule tle ile
point se couper la barbe qu'il n'ait vengé ses lieutenants.
Après avoir rassernblé tles forces su{ïisantes, il marche coutre
Arnbiorix qui, assailli à I'improviste en sa clemeure, se voit
contraint de cltelcher sou salut drus la fuite. II échappe
à I'artlente poursuite tle ses ettrremis et parvient à gagner le
str asile des forets de la Germanie.
Àbantlon[és paf leur chef, attaqués de trois côtés à la
fois, les Éburons ll'opposent à César qll'ulle faible résistance.
Les soltlats rotnains prornètlent impunéruent le fer et la flarnme
par tout pays, tlétruisant les moissons, bt'ûlant les villages,
le
rnassagaut sans pitié toute la population, les femmes, les
vieillards et les enfants aussi bien que les hommes er état de
porter les armes. César ilit ell
ses Cornntentaires Si : (
quelques ennemis parvinrent à se dérober à la m0[t, les orages
.t tut pluies tl'automne achevèrent l'æuvre de destruction, et
Y. Mirguet. - llistoire tles Belges.
ti6 rrrsrolRu DEs BtsLGES nl' DE LEuR cIvrLISATroN

a fairn et la misère durent bientôt les faire périr dans leurs


retraites. l
Soumission définitive des Belges. l.es deux tiers des
habitants de la Belgique ont péri pendant les guerres de la
conquête : à peiue s'il en reste deux cent millc, cpi, tlispersés
tlans les bois, s'y trouvent satrs abri, sans arnles, sans res-
sources d'aucune sorte. L'au 50 a.vant J.-C., Césal quitte nos
contr'ées tt soumises et pacitiées n, disent un peu ironiquement
les historiens.
La Belgique sous la domination romaine. A partir de ce
-
rnoment, I'existeuce des Belges se confontl avec celle du peuple
romain. Désormais, ils partagent sa bonne et sa mauvaise
fortune, adoptant peu à peu les lois, la religion, les næurs et
jusqu'au langage de leurs vainqueurs.
Décadence de loempire romain. La puissance romaine
-
s'est inserniblement affaiblie, tant par les querelles intestines
que par le désordre de I'administration et par la coruuption de
toutes les classes de la société. Aussi les Barbares ({), si
souveut repoussés des froutièr'es, finisseut-ils par forcel celle
du Rhin, Iongternps réputée infranchissable.
Les Francs. - A I'avant-garde des envahisseurs se trouvent
Ies Francq (2), confédératiou de tlibus germaines formée vers
950. Avec l'autorisation plus ou rnoins volontaire des empe-
I'eul's, une paltie d'entre eux s'établissent sur la rive gauche
du Rhin; de là, leur notn de Frurcs ripuait'es; les autres s'in-
stallent sul les bords de la Sala ou Ysala (Yssel), tl'otr ils
prerrnent le nom de Frurcs sa,liens. A I'exemple tle leurs voisins
et alliês les llénapiens, ces derniers s'exercent â la navigation.
Bientôt ils acquièrent dans cet at't une grantle habileté; maisn

({) On donnait ce nom aux peuples non soumis aux Rolnains et qni pour la
plupart vivaient dans un étal, à demi sauvâge.
(2) Franc signifie ltbre et aussi I'rnt'r, ltclliqueur.
TEMpS HIST0Rr0UES. pÉnr0DE RoMATNE 6?
-
au lieu de se livrer, comme les Ménapiens, au comnrerce
maritime,ils s'adonnent à la piratelie, obéissant ainsi à
I'instinct de pillage et rle rapine propre à leur race. En 287,
aitlés par le Ménapien Carausius, que des légions avaient
proclamé empereur de la Glande-Bretagne, les Francs
conquièrent l'île des Bataves, située entre la lner, le vieux
Rhin, le ril'ahal et la Meuse. Dès lors, leur puissance grandit
rapidernent. Peu après, on les trouve (vers 350) établis dans
la Campine, oil ils attendent Ie moment favorable pour s'empa-
rer du reste de Ia Belgique.
Les invasions du V" siècle. Yers la mème époque, apparaît
-
en Eulope, venu d'Asie, un peuple dont la repoussante lai-
deur n'a d'égale que la férocité. Ce sont les Huns ({). Ils ont
la taille petite, le teint jaune, les yeux obliquement fendus, le
nez éclasé. Sur tout leur passage, ils sèment la destruction et
la mort. Leur irnpitoyable cruauté n'épargne chez leurs ennemis
ni l'âge ni le sexe. Leur aspect effrayant et leur audacieuse
intrépidité épouvantent les peuples de I'Europe orientale. Se
poussaut les uns les autres, ceux-ci envahissent successivement
I'empire rornain, qui s'éæoule, trop affaibli pour résister à tant
de coups.
Les Vandales. - En I'an 406, des bandes nombreuses de
peuples gelmains : Suèues, Alairts, Vanrlales, flanchissent
le Rhin et passent, comme uD torrent furieux, à travers la
Belgique, la Gaule et I'Espagne. Ces hordes barbares pillent
les villes et les villas, les brrllent, tlévastent les campagnes.
Les Yandales surtout laissent de tels souvenirs aux poptt-
lations que leur nom est resté dans toutes les laûgues:
un qualificatif injurieux, s'appliquant à ceux qui détruisent les.
objets d'art et les monumerTts publics.

( a ) De râce mongolique, ils venaient des steppes de Ia lartarie oir leur


nombre de plus en plus considérable ne leur permetlait plus tle vivre.
68 rIIsroInE DES BELGES Er DE LEUR cIvILISÀ'I'IoN

Conquête franque. Fin de la domination romaine. Cette


-
effroyable tempête marqtte Ie terme de la rlomination romaine
e1 Belgique. Il n'existe alors qu'un petit nombre de villes
tlans notre ptys et leur possession âSsure celle tle toute la
contrée. Profitant du clésordre qui suit la tourmente., rl'ailleurs
sontenus par les Belges eux-mêmes, Ies Francs s'emparent
des villes de longres, de Tournai et de Clmbrai, en sorte que
vers 450 leur domittatiort s'étentl sur toute la région comprise
entrela mer, le Rhin et la Somme.
Le gouvernenent tles Romairts en Belgique a tlouc duré
à peu pr'ès 500 ans.

TITRE IIT

Aspect du sol, pnopniété fonciène, villes et campagnes.

 part quelques travaux hydrauliques exécutés darts


-
Aspect du sol.
le nold du pays, où les Mérrapiens commellcent a garantir leurs
terres par dcs digues contre I'invasion de la mer, I'aspect de la
Belgique se modifie peu pendartt la dominirtiou romaine. Au dire de
I'historien Schayes, lcs ltornaitrs auraient laissé notre pays à peu
près dans l'état otr ils I'avaient trouvé. Pays pauvre, au ciel froid,
habité par une population encore barbare, sâlls industric ni
commerce, ayant pour tout noyen de subsistauce la chasse, Ia
pêr:hc et un peu de cultut"e, la Ilelgique ne pouvâit ôtre de grand
rapport pour eux. D'ailleurs, couverte de marêcages, de bois ou de
terres yagues, ayec un climat aussi rigoureux quc I'cst aujourd'hui
celui de la Russie (1), elle devait être un séjour peu agréable. Les
Romains I'abandonnent pour ainsi dire à elle-même.
La propriété loncière. Le iltl6v1ot romain. les Romains, Ia
- -Sous
propriété individuelle se substitue insensiblement chez les Belges à la
propriété collective. Dans le district (9), tous les citoyens possesseuts

( { ) Cette rigueur du climat en Belgique, à l'époque româine, a été contestée


par divers historiens.
(9 ) Toir plus loin, Organiscttiott politique,
TElrps HrsT0nrouEs.
- pÉRr0DE nOMAINU 69

dc 95 arpents ({) dc tcrre fout partie de Ia classe des atriales,


honneur d'abord très recherché. Mais la responsabilité du payement
de I'impôt qui incombc aux curiales du'ient par la suite extrême-
ment lourde. Âfin d'y échapper, beaucoup d'entre eux, parmi Ies
tuoins aisés, abandonnent aux riches la propriété de leurs terres
pour les leur reprendre i\ colonie, c'est-il-dire à ferme, en qualité
<le colons (felmiers ). De leur côté, les patriciens romains possèdent
ordinairement des terres d'une immense éteudue (latifonds ). Lorsque
le nombrc de leurs esclaves cst insuffisant pour les cultiver toutes,
ils offrent des teruains à colonie à des honrmes libres moyennan[ le
payement de redevances (prestations) en nature, c'est-à-dire en
grains, volailles et produits divcrs. Ce mode de locatiou est propre,
par les facilités qu'il leur donne, à engager les colons à se trans-
mettre leurs biens de père en fils. Il en fut souveut ainsi. D'ailleurs,
les colons s'attachent eux-mêmes au sol qui les a vus naitre, qu'ils
ont longtemps arrosé de leurs sueurs.
Toutefois, la redevance à paycr, quoique faible, est encore assez
fréquemment au-dessus des ressources dcs fermiers, parce qu'elle se
grossit de la capitaliorz (voir plus loin, Institu,lions financières).
Alors le propriétaire peut les obliger à continuer lcur culture,
ce qu'il faiI habituellement, unc rétribution infime lui paraissant
préférable a I'abandon complet dc ses terles. Et comme les colons
n'ont aucun intérôt à changer dc maitre, puisque leur condition
ne serait pas moins di{Iicile sous un autr€, ils resteul, indéfiniment
à cultiver la môme terre, de génération cn génération. Bien qu'ils
puissent possédel en propre, contracter librement mariage et servir
dans I'armée, leur situation diffère peu de celle des serfs au moyen
âge. Airtsi la servitude dc la glèbe existe en germe dans Ic colonat
romain. Les temps yenus, ellc passera satls difficulté des tnæurs dans
la loi.
Les campagogs. Les Romains résidant en Belgique et, à leur
-
exemple, les Gallo-Romains, se bfrtissent volontiers des uillas, sortes
de maisons de campague faites de pierres et pourvues des dépen-
dances lécessaires ù la culture ert mème temps qu'à uue vie confor-
table, Des habitations de colons et d'esclaves les entoureut. ll

(/1.) Arpent, ancienne mesure agraire des Gaulois, dont


-i,'arpent la valeur a varié
suivant les temps et les régions. commun valait un demi.hectare
environ.
70 rrrsrolRg DES BELcES ET DE IEUR crvllrsÀTroN

cxista, eu notre pays, principiilement duts le Sud, un assez grand


nomlire de ces riches demeures dont les substructions ont éLê
retrouvées de nos jours. Elles furent saus cloute ablttues ou ittcen-
diées par les Barbares. L'existetrce d'un propriétaire de villrr ne
différait probablement pas beaucoup de cclle d'un riche cult,ivateur
de no[re époque.
Les villas ne sont point fortilïées, car au temps de la puissance de
I'empile aucun danger n'en nieuilce jamais les habitants. Quancl se
produisent Ies invasions, les possesseul's de villas se réfugient dans
les villes protôgées par des remliarts, pour y attendre la lin d'une
tourmenfe qu'ils croient passagèr'e. La plupart ne devaient plus
revoir leurs chères résidences, longtemlrs si paisibles.
L'agriculture avait prosperé pcndirnt les trois prenriers siècles de
la rlomination rornaine. Ellc périclite pendant lcs suivirnts. Sur
la lin de I'empire, les gouvenleurs et les rutrcs fonctionnaires
romirins envoyés dans les provinccs ntcttent en quelque sorte les
câmpagnes au pillage. Écrasées sous le poids dcs impôts, des réqui-
sitions militaires et des exactiorts dc tout gcnre, mal défendues
contre les incursions des Barltares, les populatiorts rurales assistent
avec indifférence, sinon avec joie, à la chute dc I'empire romain.
Les villes.
- Quand on parle de I'influence cxercée par les Romains
sur la Bclgique ou des villes belges de l'époque ronaine, il ne peut
guère être question ni de la Belgiquc réduite à scs limites actuelles,
ni des villes bâties clans ces limites, oir tle sernblaliles aggloméra-
tions furent très rilres. 0n entencl plutôt parler de la Belgique
ancienne, bien plus éteuduc, cu elle comprenait une partie considé-
rable de la France et urème de I'r\llernrgne d'irujourd'hui. Dans
h Belgique actuellc; oll rle rencontrait que deux villes, Tongres et
Tournai ; elles fureut fondées par les Romains. Brrcorc n'cst-il point
prouvé que ccs tleux villes aient é1,é importantes, puisque dans une
carte de I'an 930 découvcrte en Allemagne, Tournai est indiqué
comme un simple relais de postc, au ntème titre que Coultrai,
Gembloux, Perwcz, Tongres, Maestricht et Àrlon. Ccs localités, norr
plus que Dinant, Nautur, Huy ct Liége, oir les Romains avaient
étatili des forts, berceaux de ces villes, n'acquirent d'importance
que beaucoup plus tard. Les gouverneurs romains clc notre pays
fésidaient à Trèr'es, à Reims ou r\ Cologne. 0n cite ccpendant Ie
village de Nassogne, dans lcs Ardennes belges, cotlllne ayant servi
de résidence d'été aux empereurs, quand ils passaient quelque
temps dans ces grandes capitales.
TE}IPS IIISTORIQU!]S. PI]RIODE ITO]IIr\INE 7',
-
Population 0t races. Ort peut supposer la population clairseméc
-
en Belgiquc jusqu'à l'époquc de Charlemagne, puisque Dous voyons
ce prince transporter en Flanclre ct en Brabant plusieurs milliers de
familles sflxollnes. Ccpcuclant, t\ cliverses reprises, les etnpereurs et
Ics gouverneurs romains essryent cle repeupler le pays en y appelant
t
ou eD y introduisanf de force des tribus gcrmaines et des prisonniels
faits sur I'ennemi. La nation des Tongres notatnment sera ainsi cous
tituée par le mélangc cle prisonniers gerrnains avec les débris des
Aduatiques et des Éburorts. D'au[re plrt, Âgrippa, gouverueur cle
Cologne, invite les Ul-riens de la Gerntanie à se tratrsporter sur Ia rive
gauche du Rhin dont il leur con{ie la défense. Par h sttite, les
empereurs autoriseront les Sicanbres, les Chamaves, les lrisons,
les Francs
- autres peuplirdes germaniques - à s'établir clrrns le
Nortl de notre pays. Conrnte la population prirttitive est faible en
cette régiort, l'élémentgernranique finila par y dominer et le flanand
restera la langue cle la contrée. Au contraire, moins d'étratrgers
pénétreront dans le llitli otr lir population allorigène, plus dcnse,,
sera soumise d'une façrs11 plus énergique et plus prolongéo i\
I'influence ronraine. Plus tard, à la r'érité, les Ft'attcs s'at'ânceront
ver's le sud, mais lcur action s'affaiblira en raison cle l'étenclue des
conquôl,es. De là vient que, en Belgique, les populations cles régiotts
hautes, oùr clomine l'êlémertt celtique, prennent ct cottservcnt li'r
langue des Romains, restés leurs maîtres pendant cinq cents uts.

TITRE IV

Institutions politigues.

Rapports politiques entre les Belges et les Romains.


-
Les Romains respectent, sur la plupart des points, les institu-
tions politiques des Belges, se bol'nant à leur réclamer un tribut
et des soldats. Les Nerviens reçoivent le titre d'alliés libres.
D'ailleurs, comme les Tréviriens, ils coutinuettt longtemps
encore à vivre dispersés tlans les bois, fiers de leur origine
$ermanique et pleins de mépris pour les Gaulois complètement
asservis.
Subdivisions administratives. Dansla suite, pour hâter
-
12 rrrs'r'otnn DEs IIELGES ET DE LEUR cIvILISÀTIoN

I'unification de I'empire, vivemettt désir'ée par les césars, on


introduit dans toutes ses parties une organisation uniforme.
Les provinces sont subtlivisées en citrls ov distr"icts. La cité
renferme la rnétropole, résidence du gouverneur et chef-lieu de
t
la cité. Souvent, on donne à I'une le nom de I'autre (1). tes
cités à leur tour sont divisées en pagi ou cantons, et les pagi
er uici oultourgs. Chacune de ces subdivisions reçoit une admi-
nistration spéciale.
Classes sociales. Ort distingue dans I'empire :
-
lo L'entpereu,?", dont le pouvoir est à peu près illimité.
9o I.,0, noblesse, comblée d'honneurs et de privilèges et
notamment exempte dimpôts.
3' Le clergë. Sous Constantin, le clergé chrétien, jusqu'alors
pelsécuté, obtient des immunités nornbreuses : exemption tle
tout selvice public ou privé, de toute taxe et de tout impÔt, à
I'exception Ju I'impôt territolial. Hors le cas rl'accusation
capitale, les clelcs sout jugés, les évêques par leurs pairs, les
sirnples prêtres par les tribunaux ecclésiastiques. On accortle
le tlroit tl'asile aux églises chrétiennes et à leur cimetière :
I'accusé qui réussit à se réfugier dans nne église est jugé par
les tribunanx ecclésiastiques. De plus, Constantin attribue au
clergé d'importantes donations et autorise les fitlèles à lui faire
des legs; aussi le clergé chrétien devient-il bientôt très riche.
Avant Constantin, les prêtres et les évêques étaient élus par
le suffrage universel des fitlèles, et les acclamations de la multi.
tude I'emportaient sout'ent sur les væux du clergé et des
grands. n La hiérarchie se recrutait dans le sein du peuple,
choisissant souvent tles esclaves pour en faire tles évêques et
laissant des plinces dans la foule > (9). Constantin organise

({)0n attribuere, pâr Ia suite, Ie nom tle cité à toute ville consitlérable
par son passé historique 0u per son importance dans le présent.
(9) Kunrn, Les Origirtes de Ia civilisatiort tnodernc, tome I, p. 126,
TE}II)S IIISTORIOUES.
- I)I{RIODB RO}TÀINE 73

plus fortement I'Iïglise. Il institue un évêque pâr cité. Les


évêques ordonnent les simples prêtres ; eux-mêmes ne peuvent
ètre ordonnés que par un atttre évêque.
40 Les llrwiales. La classe tles curiales compt'end tous les
habitauts de la cité possessetlrs d'au moitts 95 arpents de terre'
Les membres dt mwùci1te ou curie, espèce de sénat local
chargé tle I'admilistration cle la cité, se recrutent palmi les
culiales.
to Les artisans. 0n écarte, d'une façon systématique, Ies
artisans de la tlirection tles affaires publiqttes et des fonctiotts
athninistratives. Souvent les ouvriers des villes s'orgauisent er
corporations ayant quelques traits de ressemblance avec les'
métiers tlu mOyen âge. 0rdinairement ces corporations se'
choisissent, flans la noblesse, un patron qtli tlevient lettr
un
cléfenseur'. Elles élisent des chefs, possèdent une bannière,
trésor entretenu par des cotisations périodiques. chaque année,

Ies membres de la corporation se rassemblent en un


graltl ban-
quet. Tous sont exempts de diverses charges, des corvées et

du service militaire.
6o Les affrntch,is. Anciens esclaves à qui leurs maitres ont
accordé la liberté, ils ne jouissent que des tlroits civils.
70 Les colons. 0n donne ce nom à des campagnaflls qui
p. 69).
cultivent à colonie les terres tles grands. (voirplus haut,
80 Les esclaues. Ils sont la propriété absolue tle leurs
mallres qui peuvent à leur gré les vendre, les donner' les
à mort'
châtier, et même, sauf certaines lestrictions, les mettre
La loi les consitlère, non comlne des persortnes, mais
comms
de
tles choses. Les colons et rnêrne les curiules, incapables
satisfaire aux exigences chaque jour plus étendues et plus
esclaves.
impérieuses rlu fisc, sont fréquemrnent vettdus comme
Mais outre cette soutce d'esclaves, il y a les prisonniers de
guerre et les enfants issus d'esclaves'
Telle est I'orgauisation sociale aux temps de la tlomination
74 IIISTOINE DES BELTE$ BT DE IDUR
CIVILISÀÏIO).I

romaine. Peu â peu les classes se transforment er castes.


chacun se voit par Ià condamné à demeurer toute sa vie dans
Ie rang oir le hasard I'a fait naître; I'artisau doit prutiquer le
métier de sou père, le colon est voué à la cultur. .lu. ,hrrpr,
I'ouvrier impér'ial à sa manufacture. comme le légionnaire,
dont, pour empêcher la désertion, on marque le bras ou la main
d'un fer rouge, I'ouvrier est stigmatisé. Aussi chacun accomplit-
il arec répugnance les tlevoirs de sou état ou de sa charge,
et la généralité maudit un régime oir chacun, sous la rnenace
i ..' rle pénalités barbales, est enchaî'é par tles liens de fer.
'4

TITRE V

I nstitutions judiciaines.

Droit civil. Le droit romain semble s'être insensiblement


-
substitué, en notre pays, aux coutumes germanirlues ou gau-
loises (1). Pourtant, il est probalire que chez celles rles peu-
plades belges qui avaient conservé une demi-indépendairce,
la justice continuait à se rendre conformément aux usages
nationaux.
Procédure et pénalités. Le droit criminel romain admet
-
la procédure semète et la torture. souvent les pénalités sont
cruelles. La peine capitale Ia décapitation, la pentlaisou,
-
Ia mort par le btcher, la croix ou Ia roue est fréquemmenr
-
précédée de la flagellation ou tle quelque autre peine seconrlaire.
Quelquefois, on livre le condamné aux bètes et son supplice sert
à I'arnusement du public. comrne peines secondaires ou nême
prélirninaires à la peine tle mort, Ie juge peut décitler que I'ac-
cusé aura les yeux crevés, qu'il sera flageilé, privé tle I'un ou
ou de I'autre membre, marqué d'un fer rouge, envoyé aux

( { ) Yoir Poulr.nr, Ilistoire politique inter.ne de lct Delgirpte.


TE}TI)S IIISTONIOUDS. PÉNIODE NOMAINE 75
-
mines. La confiscation des biens, en atteignant tout entière la
firmille du coupable, aggrave encore ces diverses peines.
Droit d'asile. Sur la fin tle I'empile, le droit d'asile
attribué aux ternples paiens s'étettd, comme il a été dit plus
haut, aux églises chrétiennes.

TITRE VI
Institutions de bienfaisance.
De tout temps ces iustitutions ont exïsté chez les nations civilisées,
la charité étant une vertu uaturellc de l'ftmc humaine. Sous les
Romains, le patrimoine des pauvres provenait, soit d'allocations de
l'État, soit de dons particuliers. Les cités eu avaient I'administrir-
tion. De sou côté, le clergé chrétien, dans les premiers temps dc
l'Église, se chargeait cle distribucr les aumônes considérables et
irtcessantcs des litlèles. Sans enlever aux cités I'administration du
patrirnoiue des pauvres et sans ôter à chacun le clroit cle leur faire
iles legs, Constantin consacre légalement les attril-rutiorts du clergé
chrétien en rnatière de bienfaisancc publique. Lui-nrèrne fortde des
maisons hospitalières, dont il confic I'administratiou aux évèques et
aux prôtres. Il' autolise les citoyens à agir de mÔrne. Par la suite,
quatie parts sont, faites dans lcs fevellus de l'Église : la part dcs
évèques, celle des prètres, la part affectée aux frais du culte et celle
dCs pauvres. < La caisse colnnulle, aliurentéC âu m6yen de cotisa-
tions volontaires, et aclministrée par les diacres sous la haute direc-
tion des évêques, ftlurnissait les ressources nécessaires à I'cntretien
du culte, au soutien des pauvres, à l'éducation des orphelils, aux
funérailles dcs morl,s, au raohat des esclaves, etc. (l)."

TITRE VII
Onganisation financiène.
$ystème d,impôts. L'empereur répaltit entre les provinces
-
I'impôt à prélevcr; les gouverneurs détermineut la quotité imputable
à chaque cité dans les diverses provinces. Dans la cité, on dresse un

({) Kunrrr, Les Origines dc la cirilisatiott tttoderne, tomeI, page {41'


76 IIISTOIRE DES BELGES El' DE LEUn CITILISÂTION

tableau appelé le liare de cens oir I'on insmit Ia somme à payer par
domaine. Chaque paysan mrile adultc rcprésente une tôte; sa fernme.
une deni-tête. De Iù I'impôt dit, dc capitation. [e propriétaire est
responsable vis-à-vis de Ia curie du payemcnt dt par ses colons.
De mème, Ia curie est, pour Ics contribuables dc tous rangs, res-
ponsable vis-a-vis du trësor ou fsc.
Yers la lin de I'empire, les impôts se multiplient à I'excès et la
rnisère des populations devient extrêrnc. << 0n a imposé le sel et le
pain, s'écrie un de nos ancètros; on lève un tribut sur tout ce qui
parait dans nos marchés; on prend le vingtièrne de nos successions
et de nos ven[cs. Si nous ayons vingt-cinq esclares, il y en a un qui
appartient a I'empereur'. ta centième tête de nos troupeaux est due à
ses agents. 0n impose la fumée (l). Nous-mômes sommes taxés:
une femme, un enfant, ne peuyent vivre sans pa1,er la capitation. Ce
qui est plus é[range, c'est que le droit d'avoir un platane dans nos
jardils soit soumis à la taxe. Ainsi nous pflIons jusqu'à la jouissancc
de I'ombre. > Dioclétien doit inter.dirc aux parents Ia vcnte de leurs
enfants; nrais commc cctte défense aurait pour conséquence de fairc
mourir de faim les uns et les autres, Constantin I'abolit. Sous un tel
régime, les villes ct lcs campagnes se dépeuplent rapidement. Par
haine dc I'empire, les habitants de Ia Belgique et de la Gaule en
vicnnent a sc ri{ouir de I'approchc dcs Birrbares.

TITRE VIII

Instltutlons militaines.

L'armée romaine. La légion. Becrutement des soldats. Âvant Con-


stantin, chaque légion formait une unité militaire eomplète. Elle
-
cornprenait de l'infanterie (6.000 hommcs), de la cavalelie ct un corps
d'auxiliaires (archels ou frondeurs pour sen'ir d'éclaireurs) : cn tout,
{9.000 hommes envirou. Elle était pouryue de machines et de toul
lc nécessaire à uue armée en crmpagne. Les légionnaires étaicnt
r'enommés pour leur discipline et leur patienee à supporter les
fatigues. Jamais les armées romaincs ue campaient sans s'être
préalablcncnt lctranchécs derrière un fossé, un remblai, une

( | ) D'oir est venu le mot feu ernployé pour désigner. une famille.
TEIIPS IIIST0nI0L]ES.
- PÉnI0DE nOIIAINE 77

palisstde. Les grartcls propliélaires gallo-ronlaitis foulnissaiertt à


i'arrnée l'onàine ul] ccl'ttrilr Domllre d'honmcs pris pitrnti leurs
colons.
Armement et soldo. tn easque et une cuirasse plotègent lir tètc
ct le
-
buste des solclats rolnùins; urr glaive coul"t et utle pique de
petite climension, suftisaûrnlent légèrc pour ètle laucée en guisc de
javelot, leur sen'ettt tl'at'trres ofl'ettsivCs. Ordinailement, ils mirrchont
lcs jambcs llues. Eu tlos contréos, dont le climrrt est plus froicl que
cclui cle leur pa5a, ils acloptcnt lrr saie et les braics tles Belgtts.
Les soldats romirius touchelt une pàye régulièrc,uùe grùtificatign
de lirr d'irnttée, et, s'il -v a lieu, ull0 part du butin. Plus taltl, colllnc'
rnal payôs ct mal ltoun'is, ils tlésertent eu lnùsse les dliipeirux, oII
lcs marque d'un stigrnate figulirnt uu aigle'ùux ililcs éplo"vées.

TITRE IX

Doctnines Feligieuses.

Anéantissement du druidisme. lie voulant lien l-rrusqucr' les


-
cmpereurs habillcnt cl'aborcl les clicux gaulois ou germâilts r\ la mocle
des dieux de I'empirc. Ilais vo)'irnt les druidcs chcrchsr i\ ruitter
I'influence romaine p'.rr I'orgtlrisirtion de societéS secrètcs' ils fortt
mettrc à mort tous ceux cle ces prètres dont ils peuYon[ s'emparcr.
Âinsi persécutô, lc druidisure disparait bienttrt ({)-
- Lcs progrùs du christianisurc
Apparition du christianisme. ttc
Sont pûs très rapicles eu trotre pays. Nos irncètres n'apprécient pas
irnmédiatement l'élévatiou des nouYellcs tloctrincs ct, fréquemnlent'
ils mettent àmort lesmissionnaires qui s'aventurellt parnli eux dans
le but de les leur faire corulaitl'e. Ccpeldant, de 950 ù 300, nous
ïoyons saint Martiu évangéliser lù Hesbaye. IJn peu plus tard, saint
Piat commence lil conversion des habitalts clu Tournaisis. tsrt 335,
Tongres devient le siège cl'un évôché, dont saint Servais est le
premier titulaire. À la {in clu v" siècle, Tourtlri possède un éYèque.
Vers I'an 400, ott cplllpte ull assez grand nombre de chrétierts dans
lc Surl du pa1's.

({)Àuguste avait déjà interrlit la pratique du cul{e druidique aux Gaulois


devenus citoyens romains.
;8 HISToTnE DEs BELGris Et' DE LEUn ctvttISATI0N

TITRE X

Langues et enseignement.

Langues.
- Les loies militaires établics par lcs Rornains dans
notre pa1's et leurs nombreuses ramilica[ious r'ayonnent surtout au
sud de la grande voic Agrippa qui rrlie Boulogne 'à Cologne en passant
par Tournai, Gomblonx, Tongres et lllles$riclrt. Blles alfermissent
I'influence romaine dans nos contrées. Cepenclant les populations
du Nord cle la Belgique corttinuent à vivre, aprùs Ia conquête,
en clehors de I'influence romaine. Aussi ne modifient-elles guère
lcurs coutumes et leur langlgc. L'icliome germanique s'enracine
môme de plus en plus chez elles, sous I'influence d'une incessante
irnniigration de tribus parlânt la môrne iangue. Àu contrairc, les
Uelges méridionaux ont avec Ies Rornains des rapports très fréquents
ct très inûirnes. Le prestige exercé sur des peuples encore à derni-
sau\'àges ptr une haute civilisatiou est naturellcment cxtr:rordinaire.
0n sait d'ailleurs que de deux lrces qui se môleut, la plus avancéc
nc tarde pas ù imposer ir I'irutresa r:ivilisation. Sous I'actionronaine,
inteuse et prolongée, lcs Belges du Sud changerrt pr'osque totalement
leur rnanière cle vivre et de penscr. Pour exprimer leurs idées nou-
vellcs, uu répcrtoirc de mots nouveaux lcur dcvient indispcnsable.
Ils abandouneut donc, peu à peu, poul'le latiu, Ieur langue à r'ocables
insuftisants et impropres, noll silns coDserver de nonrblcuses locu-
tions ccltiques ou teutoniques qui altùr'ent sensil-rlement cette langue
étrangèrc.ct préparent l'éclosion du rrirllon ou roman.
Instruction publique.
- Des éeoles pour lcs lrautes études existent,
ou I'on enseigrre en latin; Ies urtes établies pirr I'litat, les autres par
lcs cités. Â côté dc ces écoles publiques, plospt\rent bon nombre
c['ér'oles Iibres.
L'enseignement primaire et I'ertseignement secondaire se donnent
cn des écoles municipales, fondées par lcscuries et lessénats locaux.
Ceux-ci nomment les professeuls, tlont ils lixcnt les traitements, et
attrilrueut des bourses aux enfants clc condition libre, mais de
familles peu aisées. Ainsi I'olganisirtion tlc I'instruction publique ne
laisse pas [r'op à désirer sous lcs Romirins.
TErlrps rrrsToRI0uES.
- pÉRr0DE ROlrÀIt{E 7g

TITRE XI
Beaux-Ants.

La graudeur cf, la puissance des Romains s'aftirment surtout aux


yeux des populations gauloises par de grandioses constructions
d'utilité publique. Des cirques immenses, des thermes capables cle
recevoil en même temps toute la populatiol d'une grande ville,
dcs aqueducs admirables de hardiesse et de solidité, en{in mille
nonumeuts supelbes semés. dlns toute l'étendue des Girules, don-

Époque româine.

ttcttt aux popul:rtious de ces coutrécs une haute idée de-la'civilisatlon


romlinc. Bn notrc iia.vs, de tels monuments fulent rares. Cepeudant
les riches villas dout il se couvrit rcnfermaient srns doute de nom-
I llr:eux et renrarquables échantillons cle I'art romain. ltais bien pcu
I de vcstiges en sont parvenus jusqu'ir nous.
Constantin protège lir pcinture. La décoration intérieure dcs
églises fait faire des progrès ir la sculpture et à I'olfèr'rerie. La
sculpture réllise surtout des progrès dans les diptl'ques ({). Quant u

({) Tableaux ou bas-reliefs recouverts par deux volets tlont la surface


intérieure est également peinte ou sculptée.
rEMps HISTORIoUES. pÉnI0DE ROIIAINE 8t
-
la sculpture monumeutale, clle reste à peu près stationnaire. La
gravurç Sur bois et sur mélal demeure inconnue aux Romains. Seule,
la nrusique d'égliSc est en hotiueur chez eux vers la Ii1 de
leur dorniuation : les prentiers essais de plain-chant datent du
Ne ct du v' siècle.

TITRE XII

Bégime économique.

pour nos ancètres' une


Agriculture.
- La pôriode romaittg est,
époque d'apprentissage agricole. Cependant les historiens s'ùccor'
dônt à troul'er qu'ils auraieut pu mieux profiter qu'ils ne I'ont fait
des connaissanccs relativemeut avancées des ROnraittS en agriculture,
Modes et procédés de culture. Nous devons à ces depriers I'asso'
lemerit ltiennal ou airgilien,
-
qui fait succédef les céréales de
printemps aux céréales d'hiver et ne donne de repos au sol qu'après
ôomplet épuisemcnt. Un certain nombre d'aunées de jachère lui sont
alors indispensables pour retrouver sa fccondité. La terre reste en
friche et ne sert plus qu'au pitturagc. Ce motle d'assolemelt se
répand lteaucoup en notre pays au cotll's de la période romaine,
comme aussi I'usage des défoncernents profonds qui rajeunissent
la terre pour une dizaine d'années.
progresse sous les Romains.
lndustrie.
- L'iudustrie des Belges
Toutefois, par suite de I'absence de centres importants, elle demeure
surtout agricole et domestique, c'est-à-dire dispersée dans les
hameaux àt ttt villas, en même tcmps que bornée aux choses de
première nécessité.
Rome et I'Italie reçoivert de Belgique des blés, des
Gommerce.
lailes et des
-
quantités considérables de salaisons. De plus' les
ll[éDapiens leur expédient, chaque anuée, de nombreux troupeaux
d'oies dont la chair est fort esl,irnée à Rome'
tonnaies. L'usage des nronnaies est usuel dans I'entpire, où I'on
-
exploite de uombreuses mines d'or et d'argettt. Les Gaules elles'
*ô*.* cn possède1t plusieurs. Primitivement, on ne monlayait poiut
on
les métaux. Lorsqu'on achetait une dellrée ou une marchandise,
la payait au moyen d'un lingot de nétal dont la valeur s'exprimait
était la liure, qui,
cn poids. L'u1itè des valeurs prilcipatemelt usitée
exactement, pesait 489 grammes 506. 0n distinguait la livre d'or, la
Y. llirguet. - Histoire iles Belges. 6
82 HrsTornn DEs BELcEs ET DE IBUR clvtlrsATroN

livre d'argent et la Iivre dtl euivre, La monntie crcée, 0n


C0l)SefVfl, pat mlogie, le nom de livre à tliverses pièces de monnaie,
bien que leur poids n'atteigni[ pas celui de Ia livre. Ainsi Ia livre d'or
on solidus d'oir dérivc le mot .szu, de Constarrtin pèse la 79u partie
- -
de la livre sculement et vaut environ rreuf francs de notre monnaie.
Voies de communication. Les Romains cr'écnt, cn notre pa_vs, de
-
rrombreuses aoies militaires, dites aurs] clmussées, à cruse de la
grande quantité de mortiel de chaux gfri cntre dans leur construc-
tion. Elles ont pour objet, non de favoriser I'essor du comrnerce,
mais de faciliter le mouvement des troupes et la surveillance des
pays conquis. Mèrnc, il faut ôtre pourvu d'un permis de pirrcours pour
ponvoir s'en servir. Les plus importantes se dirigent vers la
Hollande, vers l'Océan, yers la Grule et vers le llhin.
Ce sont de lielles routes, larges de plus de 95 mètres, ayec
revètement formé de grandes picrres plates. Plus éleves que la
chaussée proprement dite, leurs accotements sont pirrés de larges
dalles. Toul,es, au nombre de g5 à 30, aboutissent à Ronte, à un
rniliaire central, ditnûliaire tlaré.Elles s'étendent d'uu bout i\ I'autre
de I'empire. Une seule d'cntle clles dépirsse parfois eu longueur six
mille kilomètres, c'est-à-dire plus de g0 fois la disttince d'Arlon à
0stende.
Tous les quinze cents pas, elles présentcnt des colonues cle pierre,
ilites colonnes miliaires, parce quc I'unité de marche chez les
Romains est le nr,ille.
Ni avurt les Romains, ni depuis, il ne s'est lencontré irucun peuple
poul' appol'ter autant, de soin à la création de ses grarrdes routes.
Aussi la solidité des chaussées rornaines a-t-ello délié les siècles.
Elles coritaient, il est vrai, lteaucoup plus de [r.avail que les nôtres.
Leur construction nécessitrit I'emploi de masses énormes d'ouvriers
qu'on se pl'ocurait par la voie des réquisitions. Les paysans qui
habitaient dans un ccrtain rayon, à proximité d'une voie en construc-
tion, étaient, forcés de travailler à la chaussée avec lcurs chevaux,
leurs bæufso leurs charrettes. Ht, ils ne recevaient de ce chef aucune
indemnité, pas même la nourriture, ni pour eux, ni pour leurs bôtes.
Sul ces voies rnilitaires, on établit des relais de poste, régulièrc-
ment visiti:s par des couniers chargés du transport des dépèches.
Ainsi se transmettent avec crélérité, d'un bouf à I'autre de I'empire,
les ordres du pouvoir central ct toute espèce cle renseigncments.
Plusieurs des relais de poste établis par les Romains en notre pays
y sont devenus le bcrceau de Ioealités irnportantes.
TEMPS IIISTONIOUES. PÉRIODE RO}ITIINE 83
-

TITRE XIII

Meuns, coutumes, vie Pnivée.

des Romains relativcs


- Les institutions civiles
lnstitutions civites.
aux tnariages ct aux funéririlles ne réussissent guèl'e à s'implattter
chez les Bôlges, qui, sous c0 râpport, col6eryen[ longfernps leurs
antiques coutumes.
Nourriture. A peu de chose près, elle reste ce qu'elle était avattt
-
lir conQuète. 0n c6ntinuc ir ntattger beaucoup de bouillie de farine'
Ilu certaines parties du pays, on fabrique un ptlil de qualite infe-
rieure, dllpatnClnllntnx, fait de farine de scigle, d'orge, d'ât'oitle ou
de millet. Les Romairts introduisent en Belgique I'usage des fours
pour la cuisson du paitt, qni aupayal'ant se faislit dans la cendre du
ioyut. Souveut la chelté du sel empèche d'introduire cet assaisonrle-
ment da1rs la composition cle Ia pirte. De même, I'usage de saler le
bourre est peu répanttu. Eu revanche, I'hal)itude de saler Ie poisson el'
particulièrôment ie hareng cxiste e1 lllénapie. L'elevage du porc, dout
ia chair est fort estimée, se fait sur ulle gratrclc échelle à raisott de
I'abondance des chêncs cl'oir I'on tire le gland, nourriture préférée
dc cet animal. La bière et I'ltyclromel continuent' pendant la période
romaine, à ôtre en Ilelgique I'olijet d'utte grùnde consommation'
llabitations, Les hallihrtions, le mobiliel et le vètement des
-
geus du peuple, en BclgiqLle, ne su}issent pas tle rnodific:rtion bielt
Jensible pendant l'époque rotuaine. Seuls, les Bclges liches se
pierre
construisônt, à I'exeniple cles llomains, cles villas. maisotts cle
ou de b|ique a toits plrts. Comtne les édifices publics, les ïillas sont'
d'abord couvertes cletuiles; plus tard, d'ardoises'
iloms de lamille. - Tous les personnlrges collsidér'al-rles cles Gaules
adoptent I'usage rotnaiu cles uoms de famille et ajoutent ir leur ttom
une terminaison latine. C'est rinsi qug nous reucotltrons, chûs notre
Les
histoire, les nonis de ctau.tl.iu.s cit'ilis ({ ), de curattsitt's et autres.
Germaiils ne connaisscnb pas cet usâge ; chez eux, oll est désigrté
parun nom ildividuel, uon par un noru héréditaire et familial'

({) un Batave qui levr contre Rome l'élbndard de la révolte, en l'an {i8,
84 rrrsrornn DEs BELGEs ET DE r,EUn cIuLIsATIoN

TITRE XIV

Vue d'ensemble et considénations génénafes.

La clomiuation romrine dure près de cinq sièclcs. Elle lransformc.


lcntenrcnt, mais profoudémcnt, lcs institutions, Ies mæurs et jus-
r1u'ûu langage de nos aucùtrcs, tout au moins tle ceux qui lrabitaient
au uridi de la voie Agrippa.
Les idées d'unité et de cen[ralisation, un rif scntiment de Ia
nécessité d'uue hiérarchie sociale, un pr.ofond respcct pour le clref
de I'empire et ses représentants, universellernent répantlus daus
I'empire romain, remplacent insensilllenelt chez les ancicns Belges
Ies plincipes de libclté indivicluellc et d'égrrlité, cl'association ct de
fédération libres clcs individLls ou des groupes, en{in du gouverne-
ment du peuple par le peuple, bases cles institutions germaniques.
0n ne trouvera sans doutc pas iuutile que nous établissions
ici uu rapprochement entre la société romairc ct ra société germa-
nique.
A n'examincr que super{iciellement les choses, le peuple romain
semllle beaucoup supérieur en cililisation présente et en puissance
tl'avônir au nonde germaniclue : ce u'est là qu'une apptrence.
A lir base de la civilisation romainc, se trouvc I'esclavagc. cette
institutiou rend inrpossible I'cssor conplet de toutc société humaiuc
qui I'adopte; elle est même, pourcelle-ci, un principe de dissolution.
D'autle part, nous voyous Rone pousser à I'extrêmc lc respect drr
principe d'autorité, jusqu'ù sacritcr I'iudividu à l'État, jusquâ aban-
donner ses destinécs à la discrétion d'un despote tout-puissant,.
Ie seul homme qui, dans I'empire, reste vér.itablerncnt libre.
A Rome, il y a un maitre unique, dont lc pouvoir arbitraire
et illimité rend incertaius les biens, la libertô, la lie mène des plus.
illustres dc Ia nation. Âutour de lui rayonnent quelques grandes
familles, entre les mains desquelles se concentre toute la fortune,
publique. A la r'ér'itô, il existe bicn, dans les villes, un certain
nombre d'hommes libres; mais leur pauvreté cst absolue; seules,.
les largesses de l'État et, des glands leur permettent tle vivre.
Amollis e[ effëmiués, ils ne poltcnt les armes ni ne travaillent :
toutes les qualités priuritives qui ont fait dans le passé la force et lr
grandeur du pcuplc romain, ils les ont pertlues : ils ne son[ plus
TE}IPS UISTORIOUES.
- PÉRIODE NOMÀINE 85

:ù{}cessibles.à aucun noble sentirnent; aucune légitime anrbition tre les


agite plus : .< du pain jeux > leur suffisent.
et, des
Et, à côté de ces quelques nilliers de citoycns privilégiés, de cette
société linritée, au sein de laquelle la puissance, la richesse, I'oisi-
veté, ont amené une incroyallle corruption de mæurs, on voi[ des
millions d'csclaves accablés de charges, sâlls droits rl'aucune sorte,
sans pempective d'uu avenir meilleur.
Ajoutez aux traits de ce tableau quelques grtves cléfauts de carac-
{,ère du peuple romain : soû peu de respec[ de la rie humaiuc, qui
lui fait multiplicr les supplices etles comliats sanglants; son mépris
de la femrne ct l'éta[ de dépendance servile où il la tient; sa
mauvirise foi proverbiale; sa ntéconnaissance du droit des gens qui
lui fait traiter tous les étraugcrs en enuemis, - et vous aul'ez une
peinture assez cx{rctc de la sociéié rotnaine comme de sa cortsti-
tution morale à la fin de I'empire.
Les pcuples germains sout encore plongés dans une profonde
barbarie. lls ignorent, I'art, de I'architecture; ils n'out pas éler'é ces
merveilleux monunents qui donnaient aux Barbarcs une si haute
idec de la graudeur de Rome. Ils tt'ottt pas la riche littérature des
Latins, ni leur sa'çauto jurisprudencc; les Gerrnains vivent à la clm'
pagne ou au sein des forùts, dans une grossièrc sinplicité.
I[ais quc de principes ils professent tl'instinct, quc de qualités ils
possèdent, éminerunrent plopres à favoriser l'évolution de leur t'ace !
Ils portent le respec[ de la libcrté humaile iusqu'à reconnaitre
ù chacun le dr.oit dc fuïdr ({). Ils pratiquent l'égalité absolue des
droits et des devoirs entre tous les mernbres de la ttatiotr, laissent
en courmun la propriété des tertes, ignorent I'hérédité du pouvoir,
et n'en confient jamais la plus faible partie qu'à des chefs
élus. L'association libre (9) des indivitlus eC la féderation des
groupes autonont€s (3), instilutïons radicalemeut opposées auK
principes d'uttité, cle centralisation et cl'autorité alisolue, bases dc
I'organisation admirtistrative c[ politique des Romains, sont Ie
fondenrent mtime de cette Ol'gtnisation chez les Germaius. Dc

({) Les Romains ne connurent iamais ta liberté individuelle, mais seulement


la liberté politique.
ilj lro,ivec pàr I'institution du cgmpagnonnage et I'eristeuce de nombreuses
eildes.
'' (StÀin.i, sans abdiquer leur autonomie, les ttibus se fétléraient pour former
Ia nation,
86 rrrsrornn DEs BErcEs ET DE LEUR crvrlrsATroN

ruôrne, plusicurs cle leurs principalcs qualités solt tou[ I'opposé


des plus grlnds défauts des Romains. Sauf sul les champs de
bataille, ils ont un tel respect de la vie humaine,, quo rarement ils
infligent lir pciue clc mort mème aux plus grands criminels.
Ils témoigucnt un profond rcspect à la femme, voyant en elle l'égale
.dc I'homme, norr sa servrnte oll son csclrve, comûre la plupartdes
peupltrs de I'rntiquité. La loyauté avcc laquelle ils obserrent leuls
ellgagemeuts prouve leur vif scntimen[ dc I'honneur. llnfin, la pra-
tique d'une large et géuéreuse hospihlité i\ l'égard des étrangers est
univcrselle chez eux.
Nous crololls ell avoil tlit assez pour montrer dans laquelle des
deux sociétés ert pr'ésenee se rencoutre la vitalité la plus puissan[c,
cle quel côté est, I'avenir. Entle l'élément, romain civilisé mais
oorrompu, r'ieilli, inféodé au principc autocratiquc, et l'élément
barbare, violent, désordonrté, mais jeune, plein de sèr'e et de
vigueur, .attaché au gland principe de liberté individuelle, I'issue de
hr lutte ue peut ètre douteuse. Fatalentcnt, I'empire romain cst
contltrmné à disparaître devant la société gcrmauique dont les
sentiments, les institu[ions, les mæurs contiennent en germe les
idées ct les institutiorts sociales que nous retrouverous en dévelop-
pcrucnt aux différentes époques tle notre histoire, et qui sont
irujourd'hui celles de tous les peuples citilisés.
Le clrristianisme surgit au momeût où les deux mondes prennent
coutact. te heurt ne pouvait être que violcnt. Airtsi placé etttre la
lralbatie et la civilisation, le christianisme, puissance conciliatrice
et directrice, a ur beau rôle à jouer. Il ne se montre pas inférieur
ir sa tirchc.
Dès I'allord, il s'cmpare de l'empire. il(ais Ia conversion des
Itomaius au dogme nouveau ne suffit pas ir assurer la régénération
d'une société irr'émissiblcnent corronpue, d'ailleurs tout à fait
démépi[e, malgré lc faux éclat que Iui donne une civilisal,ion
mftiuée. lllôme, cette conversion précipite plutôt la chute de
I'cmpire : le christiarisme agit sur lui à la façon d'un cordial
trop énergique administré à un mourant. Bientôt il succombe
sous I'action des uombrcux vices qui le minent et sous I'effort
répété cle I'invasion cles peuples barbares : les Francs, les mieux
douôs de ces peuples, font Ia conquête cle notre pays au v' siècle.
Alors I'Église, bien inspirée, se tourne vers les Balbares. Que
d'affiuités se révèlcnt aussitôt cntre le christirnisme et la sociûté
geruranirlue ! Le Christ avait, lppoltant au monde Ia bonne nou-
TE}IPS HISTORIOUES. _ PÉRIODE NOIIÀINE 87

velle, proclamé l'égalité et la fraternité des hommes, enfanl,s du


même Dieu ({). Les idées d'égalité, de fraternite et de charité propres
au christiattismc vont trouver un puissaût appui dals les principes
d'égalité, de libcrté et d'humanité si chers aux Germains. E[ dans
la zuite, I'irlliance des Francs barbares ayec l'Église' propagatrice
des plus hautes idées philosophiques et humanitaires, heritière en
même temps cle ce qui mér'ite ci'ètre conservé de la civilisation
romaine ita tegistation de I'empile, son régime municipal et la
centralisatiou cle son gouYerùemeut; la littérature latine, les procé-
tléS agricoles et industliels du petrple rgtnain, ses beaux-arts, la
politesse clc ses mæurs, etc.) engeldrera une Société 1rguvelle mieux
àrganisôe, une civilisation plus solidc et plus brillante qu'irucune
de celles qui I'otrt Précédée.

dans ses lltrrdcr at I'histoh'e de I'htmta'


({) r Le christianisme, dit Llunlrr
que
,ir).'ar.ulne-tondamenfalement toute distinction de raçe en proelàmenl'
nouô sommes tous enfants du mème Dieu. I
88 IITSTOINE DES BELGI]S ET DE IDUN CIVILISAT'ION

CHÀPITRE IV

Période franque (4d0-848)

Ouvnages à consulten :

Gérard. Histoire tles Francs d'Àustr.asie. paullet, Histoire politique


interne de la Belgique. - classes rurales.
Bronts. Dssai sur les
-
de sismondi. Histoire des Français. - sinrcnde
van Brugssel. Histoire clu commerce
- et
rle Ia marine en Belgique. r'iollet-le-Drrc. Histoire del'habitation. schagea.
-
La Belgique avant et pendanl, la domination romaine. -
trIontesquicz : L,Esprit
rles lois. -
Guizot. Histoire de la civilisation en Europe.
-
Introtluction à I'histoire des institutions de la Bergique au- l,and,erkùulere.
moyen âge.
lramkæning et Guard, Histoire des carolingiens. -
Fustel de coulanges,
-
Histoire des institutions politiques de Ia France (périodes romaine, mérovin-
gienne, calolingienne). Très belles antiquités franques au musée de Namur.
-

TITRE I

Géognaphie histonique.
Le gau germanique se confond avec le pagus romain pour former le pagus
mérovingien. Les grands pagi belges sont: .lo La xIënapie, conprenant tes
pagi moyens de Flandre et de Tou,ncti. celui-ci se subrlivise en plusieurs petits
pagi : ceux de Tournai, ûe Courtrai, ùe Gand, de Waes, etc. go Le Brabant,
3o Le Hainaut. 4o La Taxandrie ( Limbourg et Ànvers
). Bo La r/csJ,raye (tiége).
6o Lepagus deLonzme (Namur). ?o Le pagus d.es Ardennes (partie duLuxem.
bourg), dont verdun est le chef-lieu. 8o Le pagus de woiure (arlon, virton,
Neufchâteau ).
a partir de la mcrt de clotaire 1er, fls tle clovis (56{), Ia contrée située
entre I'Escaut et la mer relève de la Neustrie; Ie pays compris entre I'Escaut
et le Rhin appartient à I'Austrasie.
Localités nou,uclles. llerstal, clrièvremonl,, I]Ions, Nâmur, Gantl, Nivelles,
Thuin, etc. sont mentionnés par des documents du vrre siècle.
TE}IPS IIISTORIOUES. PÉRIODE FNANQUE 89
-

TITRE II
Les faits.

Bataille de Châlons-sur-Marne. Fondation de la dynastie


mérovingienne. Poursuivant
-
à travers I'Europe centrale une
-
marche toujours victorieuse, les Huns franchissent le Rhin en
I'an 450 et leur arrivée vaut à notre pays les horreurs d'une
nouvelle dévastation. Cependant Mérovée, roi tles Fratrcs, utti
aux Romains et aux Yisigolhs, attaque leur roi Attila à Châlons-
sur-Marne, en 451 ('t). La bataille fut terrilile. L'antiquité,
dit-on, n'en vit pas de plus affreuse. Les combattants luttaient
corps à corps et se frappaient avec un iucroyable acharnement.
La légende raconte qu'ttu petit ruisseau qui traversait le champ
de bataille, grossi par le sang des blessés et des lnorts, se
changea en un vrai torrent. Vaincus à la fitt, les Huns abau-
donuent aussitôt la Gaule. Ce brillant fait d'armes asseoit
d'une façon définitive la domination franque sur notre pâys.
Mérovée est considéré depuis comme le fontlateur de la pre-
mière tlynastie tles Francs, qui prend de lui le nom de
dy tie m,ér ou itt'g iew rc.
n as

Clovis. Clovis, petit-fïls de Mérovée, monte sur le trÔne


-
tle Tournai en 481, à peine âgé de l5 ans. Cinq ans plus tard,
en 486, il bat syagrius, chef rornain établi à soissols, et
s'empare de ses possessions qui s'él,endaient tle Ia Somme à
la Seine. Il trausfère ensuite à Soissons le siège de son
gouvernement.
A cette époque, une grantle partie de la Gaule appartient
à tles rois ariens (2), ce qui ue peut être agréable aux

({ ) Les critiques pensent que cette bataille fameuse n'eut pas lieu à Chàlons'
majs'à quelques lieu-es de là, entre Troyes et Sens.
(g) Cesfi-Aire p.ofessaiii la Aoctrine religieuse de l'évèque Ârius, lequel
nidit lâ rlivinité du Christ.
90 utsrornn DES rlErGES ET DE LBuR crvrlrsÀTroN

évêques catholiques. 0r, l'épouse de Clovis, Clotilde de


Bourgogne, qui est catholique, ne cesse d'engager son mari
à se fhire chrétien. Clovis hésite à céder aux væux de la reine,
non sans doute par attachement à sa propre religion, mais par
clainte tle mécontenter les Francs, jusqu'alors fidèles à leurs
antiques croyances. Cependant, la veille tl'une grande bataille
qu'il se dispose à livrer aux Alamans, ayant, dit-on, reçu la
visite tle saint Rerni, évêque de Reims, il est mis par ce dernier
en demeule tle choisir entre sa prochaine conversion et la retraite
immétliate des soltlats chrétiens fort nombreux qui combattent
dans son armée. Ainsi pressé, Clovis cède, moins convaincu
peut-être de Ia supériorité du christianisme que soucieux de se
rallier le clergé catholique, très puissant dans la Gaule. Le
tlaité conclu ne tarde pas à protluire les effets que de part et
tl'autre on en'attendait. Clovis, après avoir vaincu Ies Alamans
à Tolbiac (1 ), en 496, reçoit le baptème à Reims, des mains
de saint Rerni (497). Trois mille de ses soldats se convertissent
en même temps et le reste de la nation franque suit peu à peu
leur exemple. L'appui du clergé catholique, dont il confirme
tous les privilèges et toutes les immunités, est dès lors acquis à
Clovis. Grâce à ce précieux coucours, il
ne tarde pas à régner
sur toute la Gaule.
La conquête de la Bourgogne est le prix de sa victoire de
Dijon, en 500. Une autre bataille, gagqée à Vouillé en 507,
sur Alaric, roi des Yisigoths, lui livre la Gaule méridionale.
Ainsi Ie petit-fils de Mér.ovée est le vér'itable fondateur de la
nronarchie française.
Cependant, le baptême n'a pas changé Ie calactère de Clovis.
Ce prince, brave dans les combats, habile dans la conduite
des armées, capable d'inspirer en même temps I'amour et la
crainte à ses compagnons d'armes, joint à ces qualités tous les

({ ) 0u Zulpich, à 33 k. sud-ouest de Cologne.


TEITPS HIST0nI0UES. PÉRI0DË l'ttr\NoUE 9',1'
-
défauts et tons les vices des Barbat'es. Il pousse à s'eutre-tuer
ou fait assassiner plusieurs rois de sa famille a{in de s'emparer
de leurs États. 0n le voit mêrne fbndre de ses propres mains la
tète de I'un d'eux. Il ajoute I'astuce à la cruauté. Un jour, ol]
I'entend s'écrier : < Malheur ! malheur à nroi ! qui suis resté
seul comme un voyageur parmi des étrattgers, sans parents
l
pour me secourir etr cas d'adversité. Or, c'était une ruse
pour s'assurer qu'aucun de ses ploches n'avait échappé à ses
mains meurtrières.
Reconnaissons d'ailleurs que ses contemporains ne valettt
guère mieux : ses vices sont ceux de sort époque.
Clovis meurt en 5{.{., à Paris, tlont il avait fait sa
capitale.
Austrasie et Neustrig. Clovis mort, ses quatre fils se
-
partagent ses états. Plus tard, à la suite de nouvelles cou-
quêtes et de nouveaux partages, on distinguera (à la mort de
Clotaire I",
fils de Clovis, en 56[ ) dans I'empire franc, les
royaumes principaux d'Austrasie (France orientale) et de
Neustrie (France occidentale), dout la ligne de séparation ert
Belgique sera I'Escaut ( I ). Il y aurâ en outre les royaumes de
Bourgogne et d'Aquitaine.
Une violente riialité ne tarde pâs à diviser les Austrasiens
et les Neustriens, à raison de la diftër'ence de leurs mæurs.
Les Austrasierts reprochent aux Neustriens, parnri lesquels se
rencontrent une forte proportiou de Gallo-Romains, de s'effé-
miner au contact de la civilisation romaine. Les Neustriens, de
leur côté, fout un grief' aux Àustrasieus, chez qui l'élément
barbare domine, de leur fidêlité à des coutumes et â des
mæurs qu'ils jugent grossières. Àu fond de cette rivalité, se
trouve non seulement la lutte de la civilisation contre la bar-

(4.) Austntsie signifiait Aesftr riil;e ott toyaume de I'Est ; Neustrie, Ne'oestet
rijke (qui n'esl pas à I'est), royaume de l'Ouest.
99 Hlslotrtn DES BELGES ET DE LEUn ctvtlrsÀ.l.roN

barie, mais celle de la royruté coutre I'aristocratie, de Ia


liberté contre le despotisrne.
Les deux nations se rlisputent la suprématie dans I'empire.
Longtemps, elle serâ exercée par les Neustriens. II
faudra,
pour les en tlépouiller tout à fait, I'avènemeut d'une nouvelle
dynastie, celle des Curolirryiens.
Brunehaut et Frédégonde. D'abord, Ia lutte des deux
-
nations sæurs se personnifie dans les reines Frétlégonde et
Brunehaut, dout I'ambition rnet fréquemment aux prises les
deux peuples. Brunehaut était reine d'Auslrasie. Frédégoude,
concubine du roi tle Neustrie, tlevint seulement Ia femme
légitime de celui-ci après avoir fait assassiuer la reine de
Neustrie, la malheureuse Galsuinthe, sæur de Brunehaut. Les
meurtres, les trahisons, les guerres sanglantes se succèdent
presque sans interruption sous le règne tle ces deux princesses,
,alternant avec les actes du plus cffréné déver:gondage. Fr.édé-
gonde, déjà accusée tlu meurtre de Galsuinthe, fait périr les
ûls de celle-ci, puis son beau-fr'ère Sigebert et peut-être
le fait n'est pas prouvé son mari lui-rnême, Ie roi Chil- -
-
péric, surnommé par saiut Grégoire le l{éron de la lrrance.
Brunehaut, de son côté, fait mourir son petit-fïls Théode-
bert, -roi d'Austrasie, et assassinel saint Didier, évêque de
Vienne, en France. Pendant son long règne de 48 ans, cette
priucesse gouven)e avec unc singulière vigueur. Elle réta-
blit plusieurs institutions impériales tombées erl désuétude
et spécialement la {iscalité et les fornes judiciaires. ce fut la
cause pour laquelle on I'accusa tl'exactions. Cependant elle
consacre ses trésors à la construction de travaux tl'art et
d'architecture d'un remarquable caractère de grantleur. Elle
crée ou répare de uombreuses routes. Il existe encore en
Belgique des chaussées ( I ) dites chau,ssees Brtmelmu,f, tlont

({) Notamment celle de Tongres à Herstal.


gL HrsrornE DBs BELGITs ET DE IEUR avrllstlroN

Ia solidité inébranlalrle et les larges pavés rappellent les voies


lomaines. Elle élève des châteaux, tles églises, bùtit des mo-
nastères qui, à cette époque, sottt aussi des écoles. La légende
entoure d'une véritable aur'éole le souvettir de cette reitie. Par
la suite, tou[ ce que le peuple aperçoit de grandiose, de fort,
de puissant, châteaux, tottts, forteresses, il les lui attlibue,
jusqu'à désiguer de sou notn la pierre rnégalitltique col)rue
sous le nom rJe Ttien'e Brwrclmut. Quant à ses passiotts
et à ses crimes, ils sont, contne ceux de Clovis, les passions
et les crimes tlu siècle.
Brunehaut, depuis longtemps poursuivie par la haine de ses
ennemis, finit par tomlrer entre leurs mains. Bien qu'âgée tle
plus de quatre-vingts ans, elle est coudarnnée à mout'ir d'un
supplice affreux. On I'attache par les cheveux, par un pied et
par uD bras â la queue d'uu cheval sauvage qu'oll met ensuite en
liberté (6{3). Aussitôt la bôte indomptée pârt d'un galop
furieux, brisant ou déchiraut d'uue façon lamentable, aux
aspérités des chernins et des carnpagnes, le colps de la malhep
feuse femme. Frédégonde était morte tlepuis quinze ans.
Après Dagobert I* (622-038) qui réunit encore une fois, eu
631, toutes les parties de I'empire franc, comrrrence la lignée
d.es rois fai,néants.
Rois tainéants el mairgs du palais. La seconde époque
-
des Mérovingiens fut donc,une époque tle mæurs crininelles et
sauvages, mais aussi de rapitle décatlence pour la monarchie
fondée par Clovis. Les rois qui prennent les rênes tltr pouvoir
après la mort de Bruneltaut sont, pour la plupart, des rois
faibles, ignorants, pafesseux, débauchés. Boile, tnanger, rlor-
mir, s'abandonner à des vices ltouteux, c'est tout ce qu'ils savent
faire. Ils ont desfavoris auxquels ils distribuent sans prévoyance
des duchés, tles comtés, des évêchés, des abbayes, en un mo[ ,

toutes leurs terres. Et à la fin, ils tleviennent si pauvres, qu'ils


ne possèdent plus qu'uu petit uomlirc de ferrncs. Aussi leur
TEITPS HTSTORIOUES. _ PIiRTODE FNANOTJE 95

autorité s'affaiblit-elle de jour en jour. L'histoire leur a infligé


l'épitlrète de rois faùteants.
Ànnonce-t-on un charnp de mai, ces ombr.es de souver.ains
s'y rendent encore, mais ce n'est plus à cheval et revêtus tl'une
armure de guerre, cotnme Clovis, leur aïeul : c'est nonchalam-
ment êtentlus sur des coussins, tlans un chariot traîné par des
bæufs. lls portent encore la couronne et la longue chevelule
des rois francs ( I ) ; rnais ils n'ont plus ni activi[é, ni courage,
ni puissance; ils reçoivent encore les ambassadeurs étr.angers,
mais les maires tlu palais leur dictent les discours qu'ils pronolt-
cent. Ils sont véritablement des rois fainéants ( 2;.
Les grands seigneurs ou leudes (3 ) songent bientôt à se
soustraire à une autorité tombde en des mains aussi faibles et
aussi méprisables. D'autre part, sentant leur incapacité, les rois
tainéants abandonnent insensiblernent toute leur autorité aux
mains des maires du, palais. D'abord simples régisseurs des
domaines royaux, ces demiers obtiennent peu à peu le com-
rnandement des armées, la direction du gouvernernent et le
rlroit de nommer les comtes. Les leudes alors imposeut au roi
I'obligation tl'accepter de leurs mains les maires du palais ; ces
ministres sont comme leur.s délégués e[, par le fait, ie pouvoir
royal se trouve abaissé au prolit tles leudes.
Par la suite, les maires du palais réussiront à rentlre leur
charge héréditaire, leur pouvoir s'affermira au point de per-
mettre leur substitution aux rois légitimes. L'événement, tlu

({) tes premiers rois francs sont désignés dans I'histoire sous le nom
de rors cheuelus parce qu'ils portaient la chevelure entièr.e très longue. Les
autres guerriers li'ancs avaient les cheveux coupés par derrière, longs par
devant.
(9) Ces caractères attribués aux rois rJils faittéanls, sont cependan[
contestés, 0n pense généralement aujour.d'hui rlue leurs vices ont été fort
exa$érés.
(3)Sous les rois de la seconde race, le terme leude fnL remplacé par celui
delidèle. Le terme baron oafeudataire(de Jief) servit plus tard à désigner les
vâssaux immédiats du loi.
96 rrrsrorRE DES IIELGES ET DE IEUR crvrlrsÀTloN

rcste, sera peu renrarqué des contemporains; tout au rnoins ne


leur causerat-il aucune surprise ({ ).

- C'est daus la
Famille des Pepins. maison d'un grantl
seignetrr lresbignon, Pepin. cle Lanrlen, que la charge de
rnaire du palais devient lxiréditaire à partir de 695. Son
neveu, Pepiu de Herstal, deveuu maire d'Austrasie, bat, en 691,
les l{eustriens à Testry (2) et cette victoire vaut à I'Austrasie
I'hégémonie de I'empile ft'anc, jusqu'alors exelcée par la
Neustrie.
Charles Martel (117-741). Son fils Charles le rernplace à
-
sa mor't, en qualité de maire du palais et de duc des Francs.
Guerrier intrépide et général heureux, il repousse, en vingt
combats, les attaques sans ce$se renouvelées des peuples
germains. Mais ce qui le rentl surtout célèble, c'est sa victoire
sur. les Musulmans qui, après avoir soutnis I'Espagne, entre-
prenaient la conquête de Ia Gaule avant de tenter celle de
I'Europe tout entière.
Charles ayânt rassemblé une formitlable armée, marche
contre eux, les rencontre à Poitiers (732 Le choc est ).
effr'oyable. Trois cent mille Musulmans, disent les historiens,
mordent la poussière (3). Ce terrible échec des sectateuri de
Mahomet arrête leur marche conquérante tlans le Sud-Ouest
de I'Europe (4). Pour récompenser ses soldats, Charles

({) 0n a dit toutefois que I'histoire étant, muette surce qui avait pu se passerr
ce silence signifïait peut-être que le nouveau roi et ses partisans avaient eu
intérêt à cacher les résistances éprouvées.
(9) Entre Péronne et Saint-Quentin.
(g) Uais ce chiff're doit être bien exagéré.
(4) ùlahomet Au commensement du Ylt" siècle parait en Arabie un homme
qui se prétend envoyé de Dieu pour régénérer I'humanité ; c'est Mahomet.
Tenant dans une main le Coran (l'Evangile musulman), dans I'autre l'épéc, ses
disciples disent aux hommes : q Crois ou meurs. r Les progrès de la nouvelle
religion ont quelque chose de foudroyant. L'hégh'e ou ère tles Musulmans date
de là fuite de llahomet à llédine, en692. Dès 7{'1, ceux-ciontconquis I'est de
I'Àsie, soumis I'Afrique septentrionale, envahi I'Espagne, et ils caressent
l'espoir de conquérir bientôt I'Europe tout entière.-En ?39, une armée musul-
mane d'avant-garde rencontre celle des Francs à Poitiers.
r!ïrps H'rsronrouEs.
- PÉnr0DE FIIAN0I.iE 9T

Martel, qui manque d'at'geut, leur fait, en terres, des dons


considérables. Les dornaines tlont il peut légalernent disposer
pour cet usâge étanb insuffisants, il se croit autorisé à prendre
une partie de ses terres à l'Église des Gaules, .qauvée d'une
rniue imrninente pâr le courage des guerriers fi'ancs.
Mème, il va jusqu'à transfot'rner etl abbés ou en évêques
un certait uombre tle ses officiels. Cette manière tl'lgir ltli
crée tles ennemis puissants dans le seiu tlu clergé ; mais
son pouvoir est trop fortement appuyé sur I'affection et Ia
reconnaissance publiques pour qu'il soit possible de lui nuire
sérieusement.
Pepin le Bref, fondateur de la dynastie caroiingienne.
Charles Martel a poul' successeul son fils Pepirr le Brcf. Ce
dernier rentl à son tour tle si grantls services aux Francs, par
ses victoires et la sâgesse de son administration, que les nobles
austrasiens décident d'en faire leur roi.
Double sacre de Pepin. Pour légitirner aux yeux des
populations le titre qu'il se dispose à prendre, Pepin fait
demauder au pape : r Qui doit être mieux roi, tle celui qui
en porte le uom seulement e[ n'a nul pouvoir dans le royaume,
ou de celui par qui le royaume est gouverné et qui a le soin cle
toutes choses? rr 'Le pape réponciit, : ( Celui-là seul doit être
roi qui en remplit les devoirs. l
Aussitôt ulte asselnblée générale est convoquée à Soissons
(752). Chiltléric ,III, le tlernier des rois fairtéants, y assiste
ainsi que Pepin. Au rnotnent ori la réunion va s'ouvrir, .

les seigneurs francs s'emparent tle Chiltléric et coupeut ses


Iongs cheveux, voulant moutrer par là qu'ils lui enlèvent
I'autorité sOuvet'aine. Mais ils le laissent vivt'e et se contentent
de I'enfermer daus un monastère. Ils mettent ensuite Pepin sur
le trôrte, après I'arcir protnené trois fois autour tlu camp'
tlebout sur Ie bouclicri à la motle germanique. Pepin tlevient
ainsi Ie fontlateur tle la secolde tlvnastie tles Fraucs, dite
V. Mirguet - Histoire des Belges.
98 HrsTornn DEs BELcEs ET DE LEriR crvrlrsAlroN

carolingienne, da nom de son fils Charles, dont I'illustration


dépassera la sienne.
Le même jour, Pepin se fait sacrer roi par saint Boniface,
archevêque de Mayence.
Deux ans plus tard, en 754, le pape Érienne II vient à
Paris solliciter le secours tlu nouveau roi des Francs conlre
les l.,,ombards qui I'avaient attaqué. Pepin met à profit la
circoustance pour prier le souverain pontife de renouveler
I'irnportante cérémonie du sacre. Le pape s'empresse d'y
consentir.
Pepin donc, revêtu des habits royâux et accompagné d'nn
bLilhnt cortège de seigneurs, se renrl en l'église de I'abbaye
Saint-Denis. Le pape I'v attend, vêtu lui-mêmc tle ses habits
ponl,ificaux et entouré des principaux dignitaires du clelgé
française.
L'église est magnifiquement décorée. uue foule irnmense Ia
remplit, accourue de tous les points du pays. Pepin, sa femme
et ses deux {ils s'agenouillent au pied du grautl autel.
S'approchant d'abord de Pepiu, le pape prend avec le pouce
de I'huile consacrée; il en frotte le roi sur le sommet de la tête,
faisant le signe de la croix et disant : rr Je te saore roi, avec
cette huile sanctifiée au nom tlu Père, du Fils et tlu Saiut-
Esprit. r Les assistants répondent &n?en,. Le pape oint'ensuite
l'épouse tle Pepin et ses deux lils. La cérémonie terminée, Ia
foule fait retentir les vottes tle l'êglise de longues et joyeuses
acclamations.
Pepin va alors rétablir le pape sur son trône, le confirme
dans la possession du duché de Rome ou patr.imoine de Saint-
Pielre, et lui donne en outre deux autres provinces qu'il vient tle
conquérir ({). Telle est I'origine du pouaoùr tentporel des
pq)es, qui a seulement pr.is fin de nos jours, en 1870.

( { ) L'Exarchat de Ravenneet la Pentapole.


{OO HISTOIRE DBS BELGES ET DE LEUR cIvIIISATION

Établissement de la dtme.
- La victoire de charles }lartel â, pour
le clergé, des conséquences spéciales. [e plcstige qu'elle doune au
puissant maire du palais explique comment il peut, sans soulever,
au molnent mème, trop de rémiminations, reprenclre au clergé, pour
Ies distlibuer à ses compùgllons d'almcs, cles biens dolt la jouis-
Êar)ce avait été accordée aux évôques erl t-ue du service du culte.
Lorsque Pepin le Bref, successeur de Char.les Martcl, songe à
plentlrc lc titre de roi, il a llesoin dc I'appui du clergé catholique.
Ausitôt celui-ci, qui n'a ccssé cle regretter les biens qu'on lui a
enler'és, jugeant lc moment firvorable, en réclame la restitution.
Itl'osant les enlever' :i ceux qui les ctétiennent et qui sont aussi à
ménagcr, Pepin prend un mo)'en teirne. Il clecidc (concile de leptin-
nes ( { ) eu 743) que les nouyeaux plopriétaires des terres réclamées
paverunt au clergé uue dirne, jugée uécessaire pour le servicc du
culfe et I'en[retien de ses ministrcs.
charlemagne, qui rôr'e de fiiire du clergé un instrumenf dc son
autolité ct qui croit aroir intérèt à lui lssurcr une situation privi-
légiée, étendra à toutes les terres lc service dc la tlime. cette corr-
tribution devicndra ainsi obligatoire pour tous.
[a dîme ne consiste d'aliord quc dans Ie clixièmc dcs fruits de Ia
terre. Blle s'étend plus tarcl au ltétail. sirnplemcnt recommanclée
dans un premier concile, elle est imposée sous peiue d'excommuni
catiorr par un concile postérieLrr. charlemagne Ia rcnd. légalement
obligatoire par Ie capitulaire de llcrstal.
Charlemagne. Pepiu le Brcf avait guerroyé toute sa vie
-
contre les sarrasins, les Bavarois, les saxons, les Frisons et
les Aqnitains en vue d'asseoir solitlement I'empire des Francs
dans les limites qui lui avaient été primitivcment assignées par
clovis. charles, fils tle Pepin, plus tard sumornmé le Grnntl
(charlernagne), est forcé tle continuer les guerres commencées
pâr'sorl père; mais son autorité nrieux établie et sa puissance
plus considérable lui permettent d'étendre eucore ces limites.
Les cinquante expéditions militailes entreprises par Charles
orrt tour à tour pour théâtrela, Gernmnie,l'Espagne et IItulie.

('l) Le village- actuel dcs Estinnes, pr'ès de Binche, oir les carolingiens
avaient une résidcncc.
TErrps HrsToRIouES.
-
pERr0DE FnAr(QUE {0[
Er. Germanie, Ies Bavarois, les Avares, Ies Saxons, les
Danois et, plus à I'est, les Slaves sont successivement obligés
de se courber sous le sceptre du redoutable roi des Francs.
Charlemagne s'efforce de christiauiser tous ces peuples, espé-
raut les amerer ainsi à reconnaître plns volontiers son auto-
rité. lïIais les Saxons ne cessent d'offrir à ses ârmes, comme à
ses efforts pour les convertir, une invincible résistance.
N'ayant pu les dompter, quoiqu'il efrt barbarement ordonné de
décapiter à Yerdeu 4.500 d'entre eux qui étaient ses prison-
niers, il frit trausporter eu Flandre et eu Brabant une partie de
ce peuple énergique. Cette circonstance contribuera sans
doute au rnaintien d'une langue teutonique dans Ie nord de
notre pays.
En Espagrre, Chades plofite des divisions qui règnent entre
les Musulrnans établis dans la contrée pour faire Ia conquête
des territoires cornpris entre l'Èbre et les Pyrénées. Malheu-
lensement, sorl retour est signalé pnr un grand désastre. Son
arrière-garde, commandée par I'un de ses reveux, le pala-
din ({) Roland, est surprise et détruite par les Gascons dans
une gorge tles Pyrénées connue sous Ie nom de défu\é de
Ronceuau,æ.
' En ltalie, Charles secourt le pape Léon III, contraint par
ses enuemis de fuir la Ville éternelle. Il ratifie les donations du
roi Pepin au saint-siège et lui en fait de nouvelles. C'est ell
reconnaissance de ces services que le pape le sacre empereur
dans l'église Saint-Jean de Latlan à Rome, rétablissant ainsi
en Occident, au prolit d'un roi bat'bare, la digrtité impériale
disparue depuis plus de trois siècles (800).
Limites de son empire. Cet ernpire était immense. 0n
croit qu'il s'étendait
- jusqu'à l'0der et la
â I'est Theiss,

({) 0n tlonnait ce nom, ou celui de comte c|u pulais, à des nobles remplissant
à la cour certaines hautes fonctions.
{02 HrsTornu DES BELcEs ET DE mun crvrLrsATIoN

aftTuent du Danube. Àu sud, jusqu'à la Save, l'Àdriatique, le


Garigliano, la Méditerrârrée, l'Èbre, les Pyrénées. A I'est et au
nord, jusqu'à I'Océan, I'Eider et la mer Baltique.
Charlernagne meurt en 814 après avoir, en grantle partie,
réalisé le triple but de sa vie : la fontlation rJ'une puissante
monarchie frauque capable de résister qux entreprises des
Slaves et tles Musuhnans; I'unification et la civilisation de
I'empire; l'établissement de I'unité spirituelle de l'Église à côté
de I'unité sociale de l'État, mais avec subordination de l'Église
à l'État.
L'æuvre de Charlemagne. - Elle a été diversement appré-
ciée. Disons toutefois qu'elle a fait I'admiration du plus grand
nombre deshistoriens. Le but esseutiel poursuivi par Charles est
I'unification et la civilisation de I'empire. Il essaye de I'attein-
dre en partageant le gouvernement du monde chr.étien entre
le pape et lui. L'unité sociale à côté ,Je I'u,rtité spirituelle;
I'empereur, chef de I'unité sociale, le pape, chef de I'unité
spirituelle : tel est son rêve. Un seul souverain temporel, un
seul souverain spirituel; un seul roi, un seul pape : voilà sa
devise. De là vient qu'il fait sacrer. empereur à Rome par le
se
pape, réalisaut ainsi I'unité politique de I'Europe occidentale.
II tient d'ailleurs le couconrs de l'Église pour intlispensable
au succès de son æuvre. L'exemple de I'unité de l'Église lui
semble propre à fairie admettre celle de I'empire. Enfin, enchris-
tianisant les peuples qu'il a vaiucrrs, il espère les retenir plus
facilement sous le jouS, Ies assimiler peu à peLr à la nation
franque. Mais iln'admet pas la suprématie de l'Églse sur
l'État. Il veut l'Ég[se daus l'État, non l'État dans l'Église.
Celle-ci, dans sa pensée, doit êtr.e soumise à celui-là. Il lui
faut la subordinatiou à sa propre autorité de toutes les forces
sociales, tant spirituelles que temporelles. En un mot, iI vise
à un pouvoir absolu
Pareil systène gouvernemental pouvait être établi par un
TE}IPS HISTOIIIOUES. PÉRIODE FRANOUE {03
-
hornme d'un esprit trauscentlant servi par une volonté et une
maiu de fer : il devait tléfaillir le jour oir le pouvoir tombelait
aux mains incapables de ses faibles successeurs ( { ).
Gauses de la chute de I'empire. æuvre ne peut
- Aussi son
durer. Fondée sur la violeuce, elle n'a pas réellement uni
des peuples de râces différeutes, profontlément séparês par
la langue, la leligion, les coutumes, les mæut's. L'absence J
tl'une organisatiort admiuistrative suffisamment forte, I'hlrbi-
tude des rois francs tle pnrtager I'héritage royal comme ulte
succession ordinaire;'la faiblesse des successeurs de Challes;
leurs querelles; la concessiou d'immunités exagérées aux
grands feudataires qui finissent par se rendre entièrernent
indépentlants des lois; la consécration de I'hérétlité des fiefs ;
la barbalie de I'époque; enfïn les invasions tles Normands, ne
permettlont ni I'affermissement du vaste empire de Challe-
mâgne, ni celui des institutions dont il I'avait tloté.
Partage de I'empire de Charlemagne. Traité de Verdun (843).
À la mort de Charlemagne, le sceptre de I'empire passe aux
-
faibles mains tle son fils Louis, surnomméIe Débormaire. Le
règne de ce prince est agité par les incessantes rét'oltes de
ses enfants; et lorsqu'il meurt, en 840, la guerue civile se
tlechaine avec une nouvelle violence, ses trois fils n'ayant
pu s'entendre sur la part tle I'héritage paternel qui revient

({ ) Charlemagne a-t-il été un grand homme ? On lui a contesté ce titre,


malgré ses conquêtes, malgré ses efforts pour donner une bonne orgmisation
à ses Elats, en rlépit même de tout ce qu'il a fait pour le relèvement de I'ins-
truction et des lettres dans I'empire. A quelles causes faudrait-il alors attribuer
l'éclat dont brilla son nom aux yeux de-ses contemporains et de la postérité?
C'est que pendant son long règne, en mème temps qu'il accroit I'empire dans
des pioportions extraordiiraires, il mrintient, à I'intérieur de ses Btats, un
ordre, une paix, un hien-ètre relatifs. Au contraire, après lui, tout tombe dans
la confusiofi, I'anarchie, le chaos. C'est la guerre civile avec son cortège de
misères. Ce sont les invasions des Normantls qui apportent le pillage, I'iucen-
die, la r.uine, la rnort. Le contraste'impressionne vivement les esprits. Itille
légendes se forment sur le vieil empereur, perpétuées, propagées, entbeliies par
de"poétiques traditions. Charlema$ne devienf ainsi la grande {igure épique du
moyen âge,
1.04 rrrsrolRn DES BELGES ET DE LEUR crvrlrsÀTroN

à chacun d'eux. Leur querelle dure trois arls. Bnfin, Ie


traité de Verdun (843), leul distribue I'empire de la façon
snivante : Charles, dit le Chatrve, obtient la majeure partie de
la France actuelle, c'est-à-tlire les contrées cornpri'ses eutre
l'Océan, les Pyrénées, l'Èbre, la Méditer.rauée, le Rhône, la
Saône, la Meuse et I'Escaut. A Louis échoit la Germanie, ce
qui lui vaut le nom de Germanique. Lothaire, I'alné, reçoit le
titre d'ernpereur et le reste de I'ernpile, y compris les deux
capitales : Aixla-Chapelle et Rone ({).
Le traité de Yerdun anéantit le fruit des travaux de Char'les
et les effets de son sacre. II brisc rléfinitivement I'unité de
I'empire, principal objet des efforts <lu graud homme. La
féodalité s'établit, affinnant Ie triornphe des aspirations clécen-
tralisatlices des grantls sur les lendances centralisatrices
des rois.
TITRE III
Aspect du sol, climat, pnopniété fonciène, Gampagnes,
monastènes, villes.
Aspeet du sol. Climat. \'ers lc comntencement du ve siècle, Ie sol
-
de nos côtcs s'abaisse et, la nrcr, Submergeant lc littoral clesFlandles,

({) Voici les raisons de la dèlirnitation assez bizarre de ta part de Lothaire.


Les trois princes, Lothair.e, Louis, Challes, se réservent respeclivement,
comme plincipal fond.s d'hér'itage, I'Ilalic, I'Aquitaine et la tsavière. La répar-
lition des aulres terres de I'entpire esl alors eonfiée aux soins de trois cônts
commissaires choisis parmi les nembres de la plus haute noblesse. pour
ér,iter des contestations ultérieures et ptrtant de nouvelles guerres, les
commissaires tienneut à la fois comptc, dans leur lravail, dc l'étendue et cle la
richesse lclativc des proviuces. c'est ainsi qu'ils sont amenés à se rallicr aux
limiûes qui viennent d'êtr.e rapportées et qui ne furent pâs en réalité aussipré-
cises que nons les indiquons pour facilitel I'effort de la mémoile, D'ailleurs,
I'cnpirc r.le Lothairc, par h façon dont il est délimilé, empêche lc contact
tlirect de deuxmces rivales. Gràce à cet auangemenl anssi,l'empereur Lolhaire,
très anrbitieux, conser\:e les dcux capitales de I'empire, Aix-la-Ohapelle et
Rome ; il espère se trouver de la sorle en situalion de naintenir sa suprématie
sur ses deux frèrcs. llais cet espoir chimérique ne se réalise point à ràison tle
la fragilité rlc l'édilice conslluit : landis que les ét.ats de Louis et cle Chartes
sont destinés à se fortilier, celui de Lothaire ne tarde pas à s'émietter et à
rl isparaitre.
TEUPS HrSTonrOuES.
- priRrODE FnANOUE {'05
pénètle à I'intéricur des tcrres par dcs golfes profonds. C'est,ce qui
explique comment des villes telles que Saint-Omer, Bergues-Saint-
Winoc, Furnes, Bruges, qui n'existaicnt point alors et dont I'empla-
cenrent avait jusqucJà appartenu à lai terre ferme, ont pu ôtre eréées,
pal lir suite, comme ports.
A cette époque, Ie Hondt, n'est pas forrné et la terre de Cadzand est
cneol'e rattachée àl'île dc Walchcren (l). La Flandre reste un palS,
--r
marér'agcux, humide ct froid. Eumènc, un éclivain de l'époque, cn
parle ainsi : < Cctte t,crre, s'il est permis de le dire, n'est point, de la
terre; elle est tellement imbibéc et trenrpéedes eaux que non seule-
I
ntcnt h\ oir ellc est véritablement marécageuse elle fléchit sous lc
piecl qui la pressc, mais que là môme oir cllc paraît le plus ferme,
ellc trcmllle et chancelle sous lcs pas, et I'agitation qui se commu-
niquc au loin prouye qu'une lêgère ct mince écorce sunlagc sur des
anta-c d'eau. ,)
Cependant I'aspcct de la Belgique entière sc modilie d'une façon
settsil-rle lolsque, après Ia fondiition clcs rnonastèrcs, Ics colons et les
scrfs de ces établissements profiteut clcs immunités et des privilèges
reconnus aux nroirtes.
Dans lc Nord, de uombreux villrrges (9) surgissent cn des lieux
autlefois couverts de bois ou de marécages. En Hesba"vc, on llâtit de
grandes fermcs ou villas dont quclques-unes delicnnent lcs rési-
dcnces princières de Lanclen, Jupille, Ilerstal, etc.
Le climat lui-méme s'atloucit, Ies grandcs forêts et l'étendue des
eaux stagnantcs a.v*ant diminué. D'ailleuls, la populiitiort augmentc
par suite des in'vasions une partie des envahisseuls s'établissant
dans Ie pa,rs
-
et aussi par I'effet d'une certainc prospér'ité génér'ale,
-
fruit cl'une paix intérieure prolongée.
Propriété foncière. Leur conquôte assutée, les Francs se parta-
-
gcnt les tcrres abandonnées par lcs vaincus. Lc lot de chacr,rn prend

( I ) Yoil Y.lu Bnulssr4 Élistoire du conrnterce et de Ia marine en Belgigue,


lonre I, page 44.
(9) Il ne laudrait pas s'exagérer loutefois I'importance des progrès réalisés.
c Ce superbe pays de Waes, dit ScnÀtrs, dans La Itelgique aùant et pendant
la dontinatiort rontaine, tome II, page 4{8, ce modèle de culture, ce jardin de
la llelgique, qui ne cesse d'ôtre I'objet de l'étude et de I'admiration des agro-
nomes étrangels, qu'était-il au rtlte siècle et plusieurs siècles encore plus
lald, si ee n'est une terre déserte, couverte de bois et de bruyères, exposée
aux irruptions fréquentes de la nter et de I'Escaut? Le pays de Waes est une
conquète des quatre derniers siôcles. >
106 HrsrorRc DES rlELcES E'r DE LEUR crvrlrsÀTroN

le nom d'alleu, (l). il est naturellement en rappor[ avec limportance


des services rendus au cours dc la conquètc. celui du roi cst irnmense.
Ainsi prennent naissance les alleux, grands et petits, dits terres
saliqu,es ( 2)
Les alleux.
- Les propriétaires d'alleux doivent au roi le service
militaire, mais ils sout exemptscle tout, impôt et, de toute autrccharge;
ils rendent eux-mômes la justicc sur leurs terres. comne ils le
disent lièrement, ils ne relèvent que de Dicu, du soreir et de leur
épée.
Ainsi les alleutiers possèdent leurs terre s en tou,te propriélri. L'alleu
sera, chez les Francs, la première forme de la propriété foncier.re
individuelle. c'est à partir de ce moment que la propriété forrcière
cesse d'être collectiue cliez eux, pour devenir incltuitlu,elle et qu'ils
montrent, une tendance à se fïxer. cette modilication clans leurs con-
ditions d'existence entraîne immédiatement ure consérluence pol!
tique et sociale d'une portée considérablc. Désornrais, la pottuoir
reste attaché ù Ia proprieti. D'où I'adage féodal : pas de terre sans
seigneu,r"rpas tle seigneu,r sans tet're.
Les terres tributaires.
- Les terrcs occupécs par les aneiens habi-
tarits orr Gallo-Rornains doivent pa-vcr w tribut. De h\ leur nom tle
terreE triltu,tairæ. Elles sont également possédécs t\ titre individuel
et personnel.
Les bénéfices ou fiefs.
- L'argent étant rarc, rcs souverains et ]es
g'riinds scigneuls font souvent dcs dons en terres ir ccnx clont ils
veulent s'assurer les services ou rÉcompenser la liclélité. Dans lcs
dél-ruts, ces terres sont toujours octroyées à titre personnel, tenrpo-
ririre ou virgcr. 0n leur donue donc le nom de bénefiees (B) ou
ftefs (41. sans devenir réellernent la propriété dcs détenteurs, elles
les ustreignent non seulemcnt au service rnilitaire, mais au serment

(4.) IIot qui signilie propr.iété entière (aI rotr), on entendait exprimer par son
emploi que I'alleutier avait I'entière propriété de sa terre. ^
(g) ryg pouvant satisfaire..à I'obligation tru ser.vice militaire auquel est
astreint le possesseur d'un alleu, les I'ernmes sont inaptes à en hériter,. Elles
n'ort.droit qu'à une part dans la fortune mobilièrede lôurs parents,
suliens, de la rivicre sn/c, aujourd'hui I'I/ssel, ou de I'aricien haut-allernand
sala, demeur.e, maison,
(3) Béné/ice, rle bienfait,
.,{4.) Ficf' du germain .feod, en flamand toetr, noùrriture, Ia nourriture
étant, en Germanie, dans les temps reculés, le salaire accordé par. un chef à
ses compagnons d'almes
TEMI'S HISTONIOUES.
- PÉNIODE FNANOUE IO7

de fidelité, à la subordination judiciaire, à certaines redevances et à


plusieurs autres obligations.
Les colonies ou tenurss.
- D'autre part, les propriétaires d'alleux
et les détenteurs de fiefs fout, dans leurs terres, des lots plus ou
moins étendus qu'ils donnent à ferrnc, soit à des hommes libles qui,
par suite, se trouvent transfonnés en colons, soit à des serls dont h
condilion ressemble à celle des esclaves de I'antiquité. 0n doltne ii
ces lots, dont I'unitéparaîtavoir été laman.çe ({), étendue de {9 à'lti
hcctat'es, le norn de colonies ou tenures (2). Les exploitants tles
tenures sont astreints à certaines lirestations ou redevanees ennuttue,
c'esftà-dile en grains, en produits dcs étables et de la basse-cour, 0n
jourilges et en mains-d'æuvre (con'ées), etc. (3).
Dispalition des petits alleux. Pr6carie et recommandation.-Plus tlrd,
un grand.uonrbre de petitsalleutiers, incupables cle se protéger eux-
mêmes ct peu défendus par le pouvoil central, se voient r'éduits à
faire I'abandol de leur propriété à quelque voisin puissanl, roi,
Église ou grantlgeigneur laTque, se recommantlant à lcur proteclion
spéciale (A). Ils \ reprennent ensuite, tuttôt à titre héréditttire,
tantôt à titre précûfe, c'est-à-dile leur vie durant. Cettc conventiolt
porte le nom de reconunantlation dans le premicr cas, de prcutrité
dans I'autre. L'Église préfèrc la précarité. Au reste, les petits alleu'
tiers e[ les autr'cs hommes libres, triursformés eu colotrs, descenclent
insensiblement au rang des serfs, à rucsure quc s'affaiblit ohez leut's
patrons le souvenir dc I'origine conmulle ct, des conventiotls ittter
Terlues. Aiusi la grande propriété foucièr'e se maintient seule, ri I'ex'
clusion presque conrplète tlc la petite, la plupart des colons finissatrt
par se confondre avec les serfs, c'est-à-dire par ètre, commc cux,
attachés à la glèbe, acquis ou vendus avec elle.

({) C'est du terme ntanse que parait ôtrc venu leniot nr.zisort.
(2) Du radical tenir. Tewe relevant du domaine d'un seigneur. Le mot s'ap'
pliquait aussi parfois aux fiefs.
(3) Voir Poutr,Et, pp. 53 et 54.
(rn) o 1"" conmtenclàizts se remettait, corps et biens, à la merci de son sei-
gnàui, si cequi lui appartenait était peuconsidérablel sinon, il stipulait qu'il
Iurait, au moins sa viè-durant, et parfois hérédilairement, la jouissance tle ses
terres, moyennant redevance, Les premiers devenaient scl'ls, les seconds coknts.
L'abandon-d€s terres avait pout'côndition I'obligation, poun le propriétaire, de
nourrir et de loger ses serfi, de prolégel ses tenanciers. Le mouvement social
eut pour conséquence d'abaisser la condition des ltommes libres. Les petits
profriétaires rt'élaient guère à leur place dans le monde économique du tne et
du vgrt siècle. r Bnlnr-s, Essai stu'Iet classes rurules, p.95 et 9T.
'108 ursrornn DEs BELGEs ET.DE LEUR crvllrsÀTroN

Les campagnes. < La villa, dit Victor Brants, était, dans le


monde franc,
-
ct fut,
pcndant tout le haut moyen âge, la principale
unité agricole. > Les tenanciers dcs manses groupent ordinairemeut
lcurs demeures en rillas ou r,illages. Quclquefois la villa forme une
exploitation nnique sous la tlircction du propriétaire lui-rnêrne. Plus
étendu que les tenures de I'crritourage, lc domaine particulier du
maîtrc occupe ordinaircment le ccntre de Ia villa. Les birtirncnts qui
la desserlent se composen[ de la .ça/a ou corps dc logis, et, de
nombrcuses dépcrrdirnces : étalllcs, grauges, monlins, fours, br.as.
selies, pressoirs, etc., ltr plupart utilisées par. tous lcs cultivateurs
ct ouvricrs du ciomainc.
Le maitre exploil,e ses propres terres au mo.\'etl de corr'ées. A cette
ôpoque, la culturc étant extensir,e et en partic pastorale, il ne
narique ni tcnips ni bras et lc mirître d'une villir peut, sans tyrannie
ni craction, utiliser les loisirs dcs serfs qui viveut sur sorr domaine.
D'irilleurs, c[ant donné le rnodc cle culture r.udimentairo dc
l'époque, lcs colous et les serfs ne struraicnt r.ivre sur leurs manses
sus jouir dcs communaux de la scigneulie. C'cst clonc par I'associa-
tion seule qu'on parricnt à occuper tous lcs bras ct i\ cultiver une
quantité sufïisantc de tcrrain. itlalgré tout, celle-ci ne dépasse
presquc jamais, chns unc vilh, le tiers dcs tcrrcs cultivables, les
plus feltiles ôtirnt scules miscs crr culture. aussi les réeoltes sont-
clles le plus souvent bonnes ({).
Monastères. Les monastères sont cl'allorcl dcs ccntres de propa-
-
gancle et des lieux de rcfuge pour les apôtres du cliristianismc. Mais
lcs moines ( 9 ) en font bientût des felmes,node\les. Voici commerrt les
choses se passent orclinairement. Quelques moincs s'enfoncent au
sein dcs solit,ucles, en des lieux .saur,[rges, mais choisis avec rliscemc-
ment au point, de vue cle la distribution dcs eirux et de la fcrtilité du
sol. Ils y plantcnt d'ahold unc graudc croix de bois, puis, s'aidant
de Ia hache et du feu, ils dégagent un lrrge espacc otr ils élèvent
une petite église ct quelques cabanes. C'est là lc lterceau d'un futur
monrstrire, parfois celui d'urre localité importante (Andenne,
Ni'r'elles, lllons, etc. ).
D'ordinaire, les chefs du voisinage rcspcctent les nouveùux venus,

({ ) Voir BnAnts, [ssai, p. 30 et suivantes.


(9) tes moines bënétlictitts, ainsi nommés tle saint Benoit, le fondateur de
I'ordre,
TElrps rrrsT0nrouEs.
-
pÉuoDE FRÀN0UE 109
soit qu'ils les trouvent inoffensifs, soit que l'ins[ruction plus grancle
dcs noines leur inspire unc cr"ainte superstitieuse. Le domaine cle
I'abbaye ne tarde pas à s'augmenter de dons et rlc legs. Puis, nomble
de gens, désireux de vivr,e en paix, sollicitcnt la protection des
moines et plantent une croix sur leur champ, en signe qu'ils
acceptent Ie patronagc du monastère et s'en recomaissent les Ltles
ou les serp.
Parrni les moines,les uns sont jardiniers, agriculteurs, vignerons,
architectes, maçolis, tisserands, mcnuisiers, charpentiers, cordon-
niers, trilleurs, boulangers, forgerons ou simples mal)æuvrcs.
Lcs aul,res euseignent car tout monastèrc possède ulle école,
-
écrivcnt des mémoires, copicnt des manuscrits. Sans eux, beaucoup -
tlc procédés iudustr'iels ou agricolcs, de bons livres et de chcfs-
d'tluvre altistiques eusscnt été perdus pour lolgtemps, car le plus
gland désordle régna en Gaule aprt)s le départ des Romains.
. C'est surtout grirce à la fondation des mouastôre$ que l'Ér,angile

est enfin accepté par les ancicns Belges. La bellc conduife dcs moines
qui manient, de leurs proples mains la cognée et la chalruc ou
diligent ar"ec intclligence le travail de leurs colons ( I ), qui ensuite
distlibuent aux néccssiteux le fruit, de leurs peines, touche les
cæurs cles plus farouches. Spoltanément, Ies habitants de la contrée
abanrlonnent leurs forèts et, leur tie eruante pour se joindre aux
moines. Àprès avoir reçu Ie baptêmc, ils se lrirtissent des huttes
dans le voisiuage des monastères et, sous I'liallle direction des
pieux solitaires, s'appliquent aux travaux de I'agriculture et dcs
diverses industries.
Les moines réussissent ainsi à desséchcr ds vastes marais, à crécr
de riches poldels, à défricher des bois immenses, enlin à changer
inselsiblemeut les marais fangcux des Flanclrcs en belles prairies ct
quantité tle temes boisées du pays cu lronnes terres arables (9).
Une grande partie de I'Europe a été défrichée de la mêmc façorr
pirl les rnoiues bénétlic{,ins. 0n peul dile quc I'influence de l'Églisc

(.1) Àppliquant, par exemple, au sol belge les procérlés agricoles apportés
d'Italie par certains d'entre eux.
(9) ll ne faudrait pas eroire cependant que les moines seuls aient travaillé
.au défrichernent des terres incultes daus nos contrées. Ils trouvrient dcs
jmitateurs chez les grands propriétaires fonciers. C'est ainsi qu'on cite un
seigueur flarnand du temps de Charlemagne, nommé Engelrame, comme aSant
converti en terres alables une immense élendue de Lois et élevé dans les
lerrains défi'ichds quantilé de rillages et de bourgs.
{{0 ursrorRu DEs BELGES BT DE IEUR crvILISATroN

s'exerça à ce nroment dans le sens le plus utilc au progrès. Peut-être


n'a-l,-ellc jamais accompli d'æuvre plus méritoire; peut-rùtre son
action nc s'est-elle jamais affirntée sous ullc forme plus glolieuse
pour elle-même, plus avantageuse poul' I'humanité.
Les monastères étaient singulièrement propres à remplir le rôle
important qu'ils ont joué en agriculture. Transformer des for'êts en
bonnes terres arables et dcs marais cn prairies, c'est là une æuvre
de longue haleinc, qui récessitc, avec dc fortes avâDces, lc concours
de plusieurs générations de travailleurs agricoles. 0r, les moines qui
ont peu de hesoins, qui travaillcnt surtout par dcvoir', non erl vue
d'un profit imnrédiat, sont tout à fait en siturtion de conduire à bien
ccttc æuvre considérable. Aussi les terres des conmuuautés reli-
gieuscs s'améliorent-elles d'une façon invariablement progressive et
stre ( I ).
r.EcruRD.
- Une abbaye au rxe siècle. - Dans Ia ville de Saint-
Riquier t2), propriété des moines, il y avait, au rxe siècle, deux
mille cinq ccnts manses de séculiers; chaque mfln$e payait douze
dcnier's, trois setiers cle froment, d'avoine et de fèvcs, quatre
poulets et trente æufs. Quatre moulins devaient six cents muids
de pain mèlé, huit polcs et douze vaches. Le marché, chaque
semrine, foulnissait quarante sous d'or. Treize fours produi-
saieut chrrcun, prr" âtr , dix sous d'or, trois certts pains et
trente gâteaux dans lc temps dcs litauies. La cure de Saiut-
Itlichcl donnait, un reyenu de cinq cents sous d'or, distribués en
aumônes par les frèr'es de I'abbaye. Le casuel des enterremeuts des
pauvres ct des étrangers était évalué, année courante, à cent sous
cl'or, égalcrnent distliburis en aumôues. L'ablié partageait chaque
jour aux mendiants cinq sous d'or, il nounissait trois cents pauvrcsr
cenI cinquante veuves et soixante clercs. Les mariages rapportaient
urnuellement vingt livres d'argerrl pesant, et le jugemcnt des procès
soixante-huit livres. La rue des Marchands devait à I'abbayc,
-
chaque aruée, une pièce de tapisserie de la valeur de cent sous d'or,
c[ la rue cles 0uvriers-en-Fer, tout le femcment ttécessaire à I'abba-ve;

(,t) r Les fermes des monastères, dit PoULLET, p. 35, administrées par
des rnaitres qui avaient l'avenir devant eux et qui ne songeaient jamais à
sul'nener le présent, restèrent jusqu'à la fin rle I'ancien régime de véritables
fermes modèles et des écoles permanentes d'agriculture perfectionnée. r
(9) Aujourd'hui bourg de { .500 h., à 40 kil. N.-[. d'Abbeville, dépaltement
de la Somme.
TEMpS HIST0nI0U8S.
- PÉRIODE T.RANoUE 1,'l,l

l'.r rue des Fabricants-cle-tsoucliers était chargée de fournir les couver,-


tures de livres; elle reliait ces livres et les cousait, ce qu'ou estimait
à trentc sous d'or. La rue des selliers procurait des selles à I'abbé
et aux frèrcs; la rue des Boulangers délivrait cent pirins hebdoma-
daircs; la rue des cordonniers rnunissait de souliers les vrlets et les
cuisiniers de I'alibal'e ; la rue des Bouchcrs ét;rit taxée, chaque
anrtée, t\ quinze seticrs de graisse; Ia rue cles Foulons confectionnait
les sommiers tle laine pour les moines, la rue cles pelletiers les
peâux qui leur él,aient uécessaires ; et la rue des Vignerons donnai[
par semaine seize setiers dc vin et un d'hnile; la ruc cles cabaretiers
trente setiers de ccrvoise ( bière ) plr jour ; la rue dcs cent-Dix-cheva-
liers devait, entretcnir pour chacun d'eux un chcval, un bouclier,
une épée, une laucc et les autres armes. Lil chapelle des nobles
-
octroyait chaque année douze livr.es d'encens et, de parfum les ;
rluatre chapclles du comnun peuple payaient trois cents livres de
circ et trois d'enceus. Les oblations pr'ésentécs au sépulcre de sailr,-
Riquier valaient, par semaine, deux cents mrrrcs ou trois ceuts livles
rl'argent. L'état des bicns de I'abbayc mcntionne ensuite lc borde.
-
reiru des rases d'or et d'argent dcs trois églises de Slint-Riquicr, e[
lo catalogue des livres de la bibliothèque. Puis r.ient la liste clcs
villages de Saint-Ricluier, au nombre dc vingt. Dans ces villages se
trouvaicnt quelques vâssûux de Sainf.Riquiel qui possérlaicnt des
temes à titre de benéliccs rnilitaircs. 0n voil de plus trcizc autres
villages sans rnélange de ticfs; et ces villages, clit la uotice, sont
tnoins des villages que des villes e[ rlcs citcis.
- Le dénombrement
clcs villes, dcs villages et terres dépentiant cle slint-Riquier présentg
les noms cle cent chevaliers attachés au monastère, lesquels cheva-
licls composcrrt à I'abbé, aux fètcs de Nolil, de Pirques et cle hr
Pcntecôte , une coul. pl'esque royale. En résnrné, le monastère possé-
tlait la ville de Sairrt-Riquier, treizc autles villcs, trente villirges, un
nornble infini de métairies, ce qui produisait un revenu im-
mense({).
Les villes.
- Les premic\res fondations rcligieuses ne sont guère
tlue des fermes de défrichement créées par des rnoines étrangers au
pays. Mais on voit plus tard un grand nombre de Francs de race
loyale ou de haute uoblesse, pris d'une ferveur extraordinaire de foi
ct de prosélytisme, consacrer leur fortune tout entiùre à l'édilication

{ ) Crlrr.l,uBRrÀND.
LL9 IIISTOIRE DES BELGES DT DE IEUR CIVILISATION

de fastueux monastères ({). Saint Amand fonde à Gand les abbr_res


de Saint-Pierre e[ de Saiut-Bilvou. Sainte Waudru crée I'abba)e qui
porte $oll nom à IIIons; sainl,e Gcrtrude, celle de Nivclles; saiute
Begge, celle d'Ândenne. Saint Yinccnt biitit un mouastère à Soignies;
saint \\randelin en élève un à Lobbes. Saint Rernacle, patrou tles
r\r'dennes, fonde ceux cle Stat'elot et de X[almédy; saint Feuillan,
celui de ce nom à Fosses. Citous cllcore les abbayes fondées par
saint Ghislain, sairtt Trond, stint llubcrt, ete. Tous ces per-
sonuâgcs appartiennelit aux familles les plus illustres de la nation.
Bientôl lcs opprinrés viennent ert foule sc lixor dans lc voisinage
dcs cloîtrcs ou ils trouvent aidc et protection dans les immuuités
ecclésiastiques. Des colons libles se joignent à eux, et tous, s'i1don-
rrant aux industries naissltttes, atlilent le commerce daus lcs foires
e[ les marchés établis près des motrastères. Airtsi naissent de uotn-
breuses villcs.
D'autres localités, situécs à proximité d'un siège épiscopal, d'un
camp, d'un chirteau fort ou de tout atrtre lieu ou se tienuertt cles
marchés, grandissen[ aussi eu intportauce. Ce sont entre autt'cs
Garrd, Anvers, Louvrin, etc. Ettfiu, urt plus grand nombre pretttteu[
nirissiuice sur la tner, au fotttl cl'utte baie ou aux con{luents
des rivières, en des lieux dottt lir situation est particulièrentent
favorablc âu commcrce, par exernplc Bruges, que baignent alols
les eaux de la met'.
Population et races. Âu momcttt, de la conquète flauque, la
-
populatiou de la Belgiquc doit ôtre bierr faible par suite des invasiotts
récentes et de la misère génériile qui err est résultée. Brt levauclte,
des temps de la conquète à ceux cle I'invasion not'mande, il s'écoule
plusieuls siècles de paix penclrttrt lcsquels la population actluielt
ccrtainemcnt dc I'irnpottartce. ll scrait toutefois irnpossible ct'et,il-
luer, rnôme lpproximativentent, lc chifli'e qu'elle atteint alols.
Dans lcs seigrtenries rurales iniportantos, d'ordinaire situétrs iru
sud de la loie i\grippa, les serfs et lcs colous sonl, le plus sourettt
rles Belgcs; les nraitres appalticnncnt à la race couquérlnte. ll sc
procluit cl'ubold peu cl'uniorrs cntre ics uns et les autres, ii raisort

(l) c Jeunesse, beauté, richesse, puissartce, rien ne prévalait tontre I'rttlait


de l'ascèse chrétienne. Des rois renonçaient à leur trône, à leur {iancée, à leur
patlie pour rller cacher, sous la livrée de lir servitutle monastique, une calrière
qui s'ouvrait plcine rie gloire et tle plospér'ité. r (liunttr, Les Origittcs rle In
cit'iliscttiort ntodcrne, lome I, p. {63.)
TErrrPS HrSTonrouES.
- PÉnIoDE FRAI{0UE {{3
du mépris dans lequel les Francs tiennent les vaincus.,Plus tard,
cette antipathie s'affaiblit ; les races se mélangcnt et le tupe
bru,n l.iend à dominer dans la partie méridionale de notre pays' Au
contraire, lc typeblond se maintient au nord de la voie Agrippa, où
Ia population tudesque est iucessamment renforcée par des immigra'
tions franques et anglo-saxonnes.

TITRE IV
Institutions politlques'

Subdivisions territoriales. Les subdivisions aùninistra-


-
tives établies par les Romains subissent peu de changements
apr.ès la chute tle I'empire. Les Flancs retrouvent le gau ger-
manique rlans la cité 0u tlistrict româin, devenu le pagus. Il y
a tle grantls, de moyens et de petits PaSi, souYent indépeudants
les utrs des autres. Le graaf ott' clr,ef du, gau, devient, dans le
pagus, ltt cornte fi'anc. @ -à.-l-lêW"$le-cl19.---*
lingienne, est le conûd. Les pagi folment parfois utt seul comté,
-
parfOts ptiisiiliri. i:gt g-o-glt-qË i,9U-t*.F-Ub"4]-::E gp"*pt .-csnteui,fs,
cgJJes:ci*-gL "nlÆcl;es"*tr9ruitoires ruraux qui, par la suite,
formeront les villages. A la tête tle ces circonscriptions diverses
se trouvent des co.mtes (1 ), del ce{eli9-tl' dep diz{nie{g.
Dans la suite, plus d'une centenie s'élèvera au rang de comté
lorsque sa population aura sufiisarnment augmenté.
Gouvernement central. Il est elelce.Ær-lq lgl-:alec.le
-
cq!lç-9y{q dg ses Jegdes ou fidèles et dql mjsli $q+$Lqi et sous
le contrôle des assemblées qati-o,nales dites dmmps de mars ou .-
chatiirps d,e nmi.
rous les ans, se tiennent, en deux
tgfglqru:.gf$!. -
sessioni, de grandes assemblées nationales ou champs de mai,

( { ) Ils portent le nom de ntar.Quis tlans.les matches ou provinces


frontières
destinées à servir de reÀpart au reste de I'empire, celui de drrc dans certaines
provinces très étendues.
Y. Mirguet. - Histoiredes Belges.
' l,l4 rrrsrotRE DEs BELcEs ET DE LEUR crvrltsATroN

I'une en automne, I'autre au pt'internps. La réunion tl'autonne,


d'habitude la moins uotnbreuse, sert à préparer celle du priu-
temps. Le roi soumet à ces assernblées les_p1.ojets.flq_lgl..omtne
-iiô;
le fo't afrôtiid'hui ùffi;*i,ir .ouJitutionnels liarll'inter-
médiaire de leurs ministres. Ordinairement, les laTcs et les
ecclésiastiques y tlelibèrent à palt. Les unsî--ies àùtres
forment, si I'ou veut, ure prelnière et uue seconde Chanble,
constituées par deux des oldres qui, plus tard, cornposerout
les états généraux
-
Mais, à l'époque de Char.lenâgne, I'approbation des hommes
libres assemblés eu champ de mai n'est plus indispensable
pOur que I'empereur puisse promulguer ses capitulaires :
il désire bien conrtaître leur opinion, il ne s'astreilt pas iî
s'y soumettre. La devise gonlenlementale, en notre pays de
régime parlementaire, est : Ie roi règne et ne gouuer'ile ltûs. La
devise de Charlemague est tout autre,cat il r'ègne et iI gotnerne.
Les missi dominici. La cour fournit à charlemâgne
les ministres qui I'aident dans sa tâche et, avec lui, coustituent
le gouvernement central. lltais il a bpsoin d'interrnédiailes pour.
c^"'*'*: '1r! '".ùggttistler aux con{eq-1ftsoltlréf-uitt., lois nouvelles. ce
"q"i
so,rilesl,r issi clonutt rcl, res èiii;o.veî du maitre, rernpiissent
cet ofûce : deux fois par an, ils passent dans les provinces pour
s'39s,t1ry1{ue le.s coq.1tg-s
1-tt-pj$ptren! "ar:ec. irrtégrité çJ.*gqlrfor-
mément
195, gapitulaires. D'oltlinaire, ils voyagent à deux : un
éîdEudît un abbé eir compagnie cl'un haut diguitaile laique.
A la suite de leurs inspections, its présentent uu rappo.t
au roi. L'existence des routes, des chemins de fer, des télé-
graphes et I'institution des postes régulières out, tlepuis lols,
rentlu de tels agents inutiles. Peut-être, cependant, ponr.rious-
nous les reconttaître dans ces clnnnissaires spéciauæ, envovés
quelquefois par les ministl'es anx administrations comrnunales
récalcitrantes.
Gouvernement provincial À la tête des corntés, le
TEMFS HISTONIOUES. _ PÉNIODE }'RÀNQUE 'T
,l
5

souver'âir pl:rce tles g*o*rrygleg5 qgi"slp-pe[çnt "çomtes, tlucs


-0g-.Ilal:q$i$ et qui, ;getiË âirects tlu gouveruenent
cerîrl"l,
président, coillme nos gouYefneurs actuels, à I'atlministratiorl
des intér'êts plovinciaux. Ils ont pour attributions de maintenir
I'or'dre, de rendle ou de faire rendre la justice, de presi-
der les mâls et les plaids provinciaux, de percevoit' les
taxes.
Les mâls ou plaids provinciaux. Dals chaque cornté, les
-
pouvoirs tlu comte sont limités par tes qg.!-e-9"1b!ées-deË hg.rlnlngs _ ,ir.
Iibres, dites rnrils ot plaids, qui se tieunettt au mâlberg (l).*t* i
Ôl'îaite, en ces réunious, togt^"..-c9-.$9i, au poitrt de vue
;Ariilrtrîtif et jutliciaire, intéresse la généralité des habitants
du comté. L.4gry-gottp-llç-q,-qdqpfffi fâi1sîôî cham-pI Iè f.li:
son! _Ç.QJrJlugsrqlr-Éss" _tu "Eqplg.pg_l-eq_l9]nlg-s' d** ln l*
proviDclaux.
" et letlz_Uiiers
Àïministration locale.
- Les centenie"rs
sont nommés paq les conrtes. Ils o4.{,..ladrninistration -dep
c.q-l!"elli9t qll *49!,l4ar9heg et pr'ésidgnt les plaids lo-cau.1, car
ctraquô divisiou ou subdivision adrniuistrative possède son
chef et ses plaids.
LBs pr,rtns LotÀux. tou! c-9qçi.a.tlnlt
- QqgÏ--9c9g.fe-.-dg
loq-qgx. 0n-y.-lçtt4 qusl!-$ jgs1i9e. Ainsi, tlans
aut"i111.e$!5
chaque cointé, dans chaque tlistr.ict, dans chaque malche
mêrne, se ticttuent des assemblées secontlaires, présitlées par
Ies comtes ou les centeniels, et dans lesquelles se discutent les
intérêts provinciaux ou locaux. Ici encore, il est facile dc
rettOuVer, ett rudimettt, ttOS ColtsCils qn'oUittciaur ot clttlttnl'
tltrrrfr. Seulement, llous cotlstatous que la règle suivie pâr llos
ancêtres en tnatière aelministrative et gouvet'uementale, restc
longternps la participation tlirecte tlu peuple âu gouYerttement
local, pt'ovincial ou central. Les assernblées publiques seront

({) Ainsi nommé de mtil, assemblée, eL de berg, montagne ou lieu de tléfense.


ti,l,6 uIsTorRE DËs BELGEs ET DE LEUn cIVILIsATToN

longtemps constituées, non par tles délégués des hommeslibres,


mais par les hommes libres eux-nrêmes.
Lns nrcrrrrrBouncs 0u scABrNr.
- Les plaids, provinciaux ou
locaux, se tiennent à des époqucs régulières et aussi souvent
qu'il palait utile de lcs convoquel'. Des amendes sont pronon-
cées contre les absents. En vue d'augmenter le nombre tles
ameudes, qui sont à leur profit, Ies comtes et les centcniers
multiplient les plaids. -Pour mettre un telme à ces abus,
Charlemagne, reconnaissant d'ailleur"s la difiiculté de réunir en
assemblée générale tous les homrncs libres d'une r'égion parfois
fort étentlue, décide que, dans chaque centenie, il ser.a élu un
@_3.^1lg,Iqç,. .lllgll!1grs nornmés rachem-
bom'gs (l), {!r Lt11,qnt, sous la présidence des_gglules ou des
ce_ntgnigls, I'atl.miuislration locale et le r.èglement des procès.
-plo*
taltl, comure-èei'-,Iôiôgué's u* ro,rirànt' fâi no,rlto*
betucoup d'empressement à accepter leur rnandat ou â en
rernplir les obligations, Charlernagne est arnené à les désigner
lui-nrême, afin de rle laisser en souffr'auce ni les services
publics ni surtout I'atlministration de la justice. IIs prennent
<lès lors le uom de scabini (9). Telle fut l'origine du tribunal
des échevins ct de uos atlmiuistrations communales.

- l"lggi. -
Classes sociales. Les rois mérovingiens sont
choisis par le peuple dans certaines farnilles illustres par
I'aucieuneté tle leur uoblesse et par la haute réputrtion de leurs
grrerriers. te soltlat élu en qualité ,Je clrc,f ou tle r.oi, est porté
sur le pavois (espècc de grand bouclier)et promené trois fois
autour du camp aux acclamations tle Ia multitutle.
Plus tartl, la ro"vauté étaut d'ailleurs devenue hérétlitaire,
Clovis et ses successeurs r.eçoivent en outr.e le sûct e ou
ottctiott royale. Cette cérémonie donne à l'élection et à I'autorite

(1.) De reeht (droit) ei biirgu (bourgeois) : homme du drojt.


(?) Terne bas-latin signiliant juge ù{erieur.
,'1]r
{ T8 IIISTOIRE DES BELGES El DE LEUR CIVILISATION

sonveraine la consée.ration religieuse, fort irnportantg à cette


irpotlue où I'influence du clergé sur les populations est illimitée.
Au nombre des attributions essentielles tle la royauté, citotts :
le tlroit alisolu de faire la paix ou la guerte, de notnmer les
comtes, de les juger, de les révoquer, de lever tles taxes. Le
pouvoir royal est donc le pouvoir monarchique pur, à peine
tenpéré par les champs de mai.
2' Lp clereâ. Les évêqnes sont nommés par Ie peuple ct
-
par le clergé, mais ils doivent ê!çe agréés par le roi. Une
oldonnance tle Clotaire II, parlle vers 6{4, garantit au peuple
le dloit d'éiire ses évêques e[ intertlit de désigner, de leur'
vivtrnt, leurs successeurs.
Clurlernagne attribue en don, à toutes les paroisses, des
terles fonnant au moins uu lnanse ({). Certaines abbayes
acqnic:rent le droit d'établil' des foires. Les biens fonciers du
clelgé, tl'ailleurs exempts tle taxes, ne peuvent être aliénés; ses
tlroits sur eux sont irnpresmiptibles. lls peuvent toujours
s'accroître; dimimter, jamais. Telle est I'origine des biens
cle mninmorte. La personrte des prêtres est inviolable; leurs
propriétés sont placées sons la protection des lois : des peines
particulièrement sévères punissent les délits et les crirnes dont
ils sorrt I'objet. Les églises, les monastères et les deneures des
prêtres jouissent du droit d'asile en faveur des homicitles, des
selfs, des esclaves en fuite, etc. De sernblables privilèges ne pou-
vaic'nt nlanquer de donner une grande influence aux ecclésias-
tiques. Néanmoins, sous Charlernagnc,le pouvoir spilituel tombe
sous la clépentlance du ponvoir civil. Mais la faiblesse de ses
successeurs ne leur pennet pas tle maintenir cette situation
et le clergé, bientôt redevenu indépenclant de I'autorité sécu-
lièr'e, la domine.

({) lllesure de lerre estimée nécessaire pour nourrir un homme et sa famille.


Le nranse ne dépassait pas l5 hectares , l)e nanse, dérive sans doute maison.
TEITPS HISTORIOUES. PÉRIODE FRANOUE ']'I9
-
La puissance et les richesses de Ia classe sacerdotale entraî-
neut sa corruptiott. Divers conciles tenus au vltlu siècle ont
poul objet de réformer les abus qui se sont introduits dans l'Église
et parmi lesquels on peut sigualer la sinonie, le cumul des fonc'
tions ecclésiastiques,le trafic des immunités et des privilèges des
clercs, etc. rr 0n vendait aux ficlèles les bénéfices, les dignités,
les ordres avec les pouvoirs qu'ils conféraient, les indulgences,
l
les sacrements, les prières, les tnesses, etc. On voit des
prélats posséder trois et quatre évêchés, autant d'abbayes et les
rerenus d'un grand nombt'e de paroisses. Ils vivent en
seigueurs laiques, et les conciles sont obligés de leur interdile
la chasse, pour laquelle ils tiennent des chiens, des éperviers et
des faucons.
3o La noblessq. Elle n'est plus attachée au mér:ite per-
sonuel, mais à la
-
possession del'alleuou du bénéfice important.
Cepentlant, outre les nobles alleutiers et bénéficiaires, il existe
atrssi des nobles dits anh'ustions (de treu, fiilèle). Ces nobles,
attachés au service spécial du roi, vivent à la cour. Enfirt, il y a
encore les nobles gallo-romains qui, d'abord tenus à I'écart, ne
tar.dent pas à jouir des privilèges attribués à la noblesse
franque. '
Le terme leude, d'abord appliqué à tous les compagnons du
loi, semble être deveuu, par Ia suite, une appellation honori.
fique. Ce fut lorsque, parmi les nobles d'origine franque, le
degré tle uoblesse parut se régler d'après la fortune, les uus
s'étant enrichis, Ies autres appauvris.
Les nobles, alleutiers, bénéfïciaires ou atttrustions, jouis-
sent d'une fotùe d'immunités et notamtnent du droit de rendre la
justice sur leurs temes. On désigne les principaux d'entre eux
sous le norn générique de barons. Pentlant l'époque carolin-
gienne, les comtes, les ducs, les marquis sont choisis parmi les
barons.
40 Les hommes libres. Les simples hommes libres
120 HrsrorRE DES BELcEs ET DE LEUR crvrlrsÀTroN

appartiennent, pour la plupart, à la race conquéranle et se


rencontrent principalement panni les petits alleutiers.
Leurs privilèges sout presque égaux à ceux des grands
alleutiers. Dans les assemblées, leur voix a une valeur égale à
celle des plus grands seigneurs. outre cette catégorie
d'hommes libres,il y a encore les petits bénéficiaires des rois et
des grands seigneurs ecclésiastiques ou laiques. Ils prennent
part aux mâls. Le nombre des simples honmes libres tlécroit
rapidement. Au xu siècle, on n'en rencontr.e presque plus.
5" tÊffpl-o!$.3!. !çS.Sgf!g,
- Ceux-ci sont presque roujours
d'oligine gallo-romaine. En général, ils cultivent la ter.re au
profit de leurs vainqueurs ou remplissent auprès r.l'eux tles
offices serviles.

TITRE Y
Institutions judiciaines.

Droit des gens. ne voyons pas qu'à l'époclue fra'que


- -Nous
le droit tles gens ait fait des plogrès sensibles sur la barbarie
pure. Les mæurs restent trop dures pour que les relations
internationales, même en temps de paix, ne soient pas fré-
quemment troublées pal d'inexcusables violences. Charlemagne
ordonuant de décapiter les prisonniers saxons, méconnait
d'uue façon otlieuse Ie droit tles gens.
Droit civil. l[ s'en faut tle peu que l'usage tlu tlroit romain
-
ne disparaisse tle la Gaule sous I'action tle ra rrarbarie. pendant
quelque temps, il ne se maintient que dans les villes. partout
ailleurs, ilest remplacé par les lois nationales des différents
:
peuples envahisseurs Ioi saliqu,e des Fmncs saliens /oa
;
ripuaire des Francs Ripuaires; loi burgonde des Bourguiguous,
etc., dites pour cette raison lois barbares. La loi salique
dornine tlans la plus grande partie de la Belgique actuelle,
TEltps rIlsrORI0uES. PÉRIoDE !'nANQUE {21
-
sauf dans les territoires correspontlant à la provirtce de Liége,
oùr I'on suit la loi ripuaire.

Peu à peu, ces lois cessent d'ètre en rappot[ irvec les nouvelles
contlitions de Ia vie chez les conquêt'ants tle la Gaule et tombent
eu tlésuétutle. Les coltitttluires, reclleil de lois édictées sous les
Carolingiens, ont I'eçu ce nom parce qu'ils pr'ésentent les lois
classées et clmpttres. on y trouve réunies des lois pol-itl_qyq.q:
civiles, tles lois por.algs, rellgieuses, voit'e tles règles
pé1gl_e_s;
Elles étaient pioposOes, discutées et formulées dans
@ofriq:ls.
tes itmi*ps de mai.
Amentlée par les capitulaires, la lof ripu,aire Sel'â collllue' par
la suite, tlans le pays de Liége, sous le nom de lor,Charlenl'agne.
Lt toi er:cltisiastiqt6 06. droit ca,n7n, (ùe canon, règle) est le
droit de I'liglise, qui eu a puisé le fontl dans le droit t'omain,
rnotlifié cl'après les principes du christiauisme. Les décisions
des couciles sur les matières ayant rapport à la foi et à'la
tliscipline ecclésiastique, ont {ixé peu à peu la jurisprudence
canonique.
Droit de faida.et iustice publique. Principes judiciaires. -
Les institutions jutliciaires de nos ancètres se transforment
insensiblemeut, comme il arrive de toute institution humaine'
Le tlroit absolu de faida, ce droit terrible qui tlonne à chacuu
le tlroit de tuer sou euueni, ne se conçoit que chez tles
hommes vivaut à ]'état tle lature . Ule coutume, celle de h
contpositiott 1técuttiuire ot ueln'geld, âppgrtée de Gerrnanie par
les l'raucs, avait iutroduit rtn premier ternpérament dans
I'exercice de ce tlroit excessif. L:r satisfacl,ion par la composi-
tion pécuniaire repgse sur ulr plincipe supérieur à celui qui
sert,tle base au tlroit tle faitla. Elle suppose, en effe[, la pour-
suite tlevant le phid, c'est-à-tlire la lecherche du dloit par
une voie légale et pacifïque. Cependaut, les délits et les uimes
sOnt toujours consitlérÔs comme des offenses personnelles, non
conrme des offenses à la sotiété ou à la loi morale. En cortsé-
192 rrrsrotnE DEs BELGES ET DE LEUR crvrLrsATroN

quelice, la poursuite d'office devant les tribunaux n'existe pas.


Tout le monde reste libre, soit de se faire justice de ses propres
uains, en invoquaut au besoin I'aide de sa famille, soit de
reconrir à la justice publique. En cas d'appel arir tribunaux,
chrcun est jugé par les tribunaux et par les lois de la nation, de
I;t classe sociale, de la professiou ou du métier auxquels il
aplrartient. Des Francs jtrgent les Francs, d'après la loi
ripunire ou la lot salique; les Gallo-Romains sont jugés par
des juges gallo-romains, que nomme Ie roi et d'après les
cotles romaint,' les ecclésiastiques le sout d'apÈs le rlroit
cnnonique et par les tribunaux ecclésiastiques. Tout homme de
gllerre est jugé par des soldats. Le noble I'est par des nobles,
le vilain par des vilains. Clmcun est jttgë lt&r se:s puirs (l).
De rnême, la sévérité des peines se détermine par le rang
social et la nationalité du coupable. Le serf est frappé plus
tlulemett que I'homme libre; le simple homme libre, plus
s(rr'èrement que le noble. Lr loi traite le Gallo-Romain avec
rnoins d'indulgence que le lrranc (2). La justice est d,onc Tter-
sonnelle.
Le christianisme est encore seul à affïrmer en matière
répressive ces principes véritablement supérieurs : que
les tléIits et les u'intes sont des offetrces à la société, ù. Ia
mornle, tt Ia diainitë; que I'erpiation, eil 'une ranoaation,
cor" elle su,pplse I'anrcntlement du, coultnble, ltar su,ite s&
t'ticorrciliation a,uec Dieu et auec Ia sociéte. Aussi I'Eglise
inlroduit très tôt la poursuite d'office dans ses tribunaux.
Comrne certains délits échappent nécessairement à I'action
répressive ordinaire, elle les rapporte à sa propre juridiction.

. .({) Nous-evons aussi nos jurys, nos conseils de guerre et de discipline, nos
tribunaux de commerce, elc.
(2) a si, tlit le code, quelque homme libre a tué un Franc ou un Barbare
vivant sous Ia loi salique, il serajugé coupatrle au taus de deur cenrs sous. si
un Romain a été tué, celui qui sera convaincu de I'ar.oir tué sera jugé coupable
à ce?f sous.
ÎEIIPS fiISTONIQUES. : PËRIODE TNANOUE {93

Elle a ainsi sa justice, son code (le droit canotr) et elle réclarne
Ie tlroit rl'appliquer môme des peines ternporelles.
fuStiCe publique. TntnuxAux DES cgrtrES Er DES SENTENIERS.
-
Les comtes rentlent la jnstice dans les chefs-lieux de leurs
-
comtés. I.,estribunaux qu'ils présitlent ijugent toutes les causes
pouvaut eutraîtrer la confisCation des biens, I'emprisonnement
et la peine de mort. Les centeniers jugent en des tribunaux
dout le ressort cornprentl ordinairernent plusieurs marches ou
villages. Ils conrtaissent des canses d'importance secondaire
et, cl'habitude, cherchent à réconcilier les palties en les déci-
tlant à tles concessions réciproques. IIs jouent ainsi le rÔle de
nos juges de paix.
Coun DU Rot. de Charlemagne, il y a aussi la
A partir
-
cout, chr, roi, tribunal composé de grands seigneurs laïques ({)
et tl'évêques, présidé par le roi lui-même. La cour du roi
connaît des crirnes politiques, émeutes, révoltes, troubles
divers, e[ ne juge que des perso1nages appartenant à la haute
noblesse. ll u'y a âucune hiérarchie entre les divers tribunaux.
En général, tous jugent sans appel. Quelquefois, mais ral'e-
ment, la cour du roi sert de tribunal d'appel des sentences
rendLres par les tribunaux des centeniers et des comtes.
Justice privée. Indépendamment des tribuDaux publics,
-
il existe des tribu,nl&Im, priutis, seigneut'iatm ou ecclésiastiques.
Ces tribunallx l'elldent la justice en des domaines jouissant de
I'irnmunité, c'est-à-dire non soumis à la juridiction ordinaire.
Ces domaines appartiennent soit aux grands alleutiers et aux
grands bénéficiers, soit aux grands dignitaires ecclésiastiques,
évêqrres ou abbés. Les nafssa domùûci tlartchent les conflits
qui s'élèvent elltre la justice publique et la justice privée.

(t) Désignés sous I'appellation tle comtes du palais .ou. palatins, d'oir sans
Ooiri'e te titme palad^irr,'ôrdinairement employé pour clésigner les lidèles de
Charlemagne.
124 HrsrorRp DES BELGES ET DE LEUn crultsATroN

Procédure L'accusé tratluit devant les tribunaux est


tl'abortl astreint au serment, puis sournis aux épreuves jutli-
ciair"es oa jugentent de Dieu,, c'est-à-dire au conrbat en charnp
clos s'il est de naissance libre, aux ordalies ({) s'il est de basse
condition. L'institutiou des épreuves judiciaires est basée sul
Ia croyance à I'intelvention de la Divinité en faveur tlu droit et
de la justice. La Divinité est supposée donner son avis par le
résultat tle l'épreuve. De là vient qu'on tlésigne les épreuves
judiciaires sous le nom générique ùe jugement d,e Dieu,.
rt Nos ancêtres prenaient I'issue du combat pour un arrêt de
la Provitlence, toujours attentive à punir. les coupables. l
C'est là évitlemment une conception bien enfantine tlu rôle tle
la Divinité et certainement I'institution des épleuves était des
plus illogitlues. a Elles fournissaient des preuyes qui ne prou-
vaient point, qui n'étaient liées ni avec I'innocence ni avec, le
crime. Néanmoins, dans les circonstances de ternps oir la
prerrve par le combat et par les ordalies fut en usâge, il y
eut un tel accoltl de ces lois avec les mæurs, qu'elles protlui-
silent moins d'injustices qu'elles ne furent injustes, qu'elles
furent plus déraisonnables que tyranuiques. D (Mourespure u,
Esprit des lois.)
Lr snnurNr. Primitivement, on s'était borné à irnposer
-
le serment à I'accusé. celui qui affi.mait, par serment, son
innocence était renvoyé absous. Des abus s'étant pr.otlnits,
les juges réclament, outre le serment des parties, celui tles
membres de Ia famille de I'accusé, tle ses amis et tle ses
voisins, au nombre de douxe aa moins. ceux-ci sont des
mruju'ratetn's. L'accusateur en produit autant. chacuu jure,
norl pas sur Ie fait, mais snr le tlegré de confiance que
rnéritent les dénégations de I'accusé ou les afiirmatious de
I'accusateur.

(f ) Jugement de Dieu sans combat. Du bas-ratin ardalitnn,jugement.


TD]IpS ÏrST0RrQUES. PÉRIODE ]'I{AN0UE {2S
-
Lu nunl JUDICTAInE Les abus ne font qu'augmenter.
a disparu : les parjures se ntultiplient.
L,'honnêteté primitive
On irnagirrcle contbat en chantp clos el les epreuues jruliciaires'
au ordalies.
Le combat judiciaire et les ortlalies sont url essai de
rernède apporté à I'abus des serments, cat' I'institution tle lois
nourelles est toujours provorluée par un mal présertt. Gonde-
llaud, roi de Bourgogne, encourage le combat : rr C'est afitt,
dit-il, que mes sujets ue fassent plus de serments sur tles
faits obscurs et ne se parjurent plus sur des faits certains. n
tr Ne vaut-il pas mieux, tlit Char"lemagne, permettre de
recourir au bâton en charnp clos qtte tle laisser accomplir
'secrètement un parjure? r

0n espère tl'ailleurs diminuer par là le nombre des querèlles.


rr Réduire le droit de faida aux limites d'un combat à deux est
un progrès. Les combats se iilent par I'ortlre et sous les yeux
du magistrat, ce qui était préférable à une licence générale de
'
se nuire. r (MonlnsgulEu.)Àu surplus, eu adoptant le combat
judiciaire, les Francs ne font que suivre le gênie de la nation.
Le duel jutliciaire a lieu entt'e l'accusal,eur et I'accusé daus
urle lice préparée à cet effet. 0n maintient les spectateurs
à distance par une corde ou par une barrièr'e. Les deux
charnpions sout accompagnés de leurs parrains (l ). Il est
fait aux deux adversaires un partage égal du terrain, du vent
et du soleil. Puis I'accusateur lance sott gant à I'accusé, eu
signe de provocation. Celui-ci le rânrasse, indiquant par là qu'il
accepte le défi. Le rnaréchal tlu camp, I'un des juges du
cornliat, pfol)once alors les paroles sacramentelles : < Laissez
ailer les bons combattants n et le duel comnlence.
Le duel judiciaire, imposé d'abor.d rjans les cas grave$
seulement et réset'r'é aux nobles, est peu à peu étendu à toute

({) Plus tartl, ceux-ci tlescendront eux-nnèmes tlans I'arène'


126 HrsTorRE DES BBLGEs ET DE LEUR crvrlrs.{r'r0N

espèce tl'offense et à toutes les classes sociales, aux sirnples


hommes libres, aux serfs, allx femmes, aux enfants, ânx
vieillards, nème aux infirmes. Ces quatre dernières categolies
peuvent se faire remplacer par uu tlélégué oLrprlcu,r'ezi'; tle là.
I'expressioll : sg ltttttre par lirlcrnI'eu,r.
Les combats judiciaires entrent dans les mæurs au poiiit
d'être r'églés par les lois. Témoin le capitulaire suivant de
Dagobert : rr Si deux voisins sont en tlispute sur les bornes de
Ieurs possessions, qu'on lève un morceau de gazon tlans I'endloit
contesté; que le juge le porte tlans le mâl; que les deux partics
le touchent de la pointe tle leurs épées eu prenant Dieu à
térnoin tle la justice de leurs prétentions; qu'ils conbattent
apr'ès, et que la victoire décitle du bon droit. r
Le noble, appelé au cornbat par uu vilain, peui refhser.
satisfaction à ce demier; mais s'il accepte, il doit combrttre eu
chemise et avec le bâton.
Pénalités, D'apr'ès le dloit franc, quiconque a été offensé
-
se trouve en état ùe faida, c'est-à-dire en droit tle poursuivre
lui-mêrne sâ \rerlgeânce. Mais il peut aussi recourir aux tribu-
r)aux et consentir à une transaction ou cornposition. Dans ce
cas, la pénalité appliquée par le juge comporte toujour.s deux
élérnents : Ie welu'gekl (L) ou contpositiott Tticuniuire, espèce
de donrmages-intérèts payés à I'individu lésé, et le fi,edunt (2)
ou amende, peine infligée pour atteiute à la paix pulllirpe, au
profit du fisc ou du juge.
En matière Ttolitirlue, les coupables sont peuelus 0u. noyés.
Ponr les crimes ordinaires, la peine de ncrt tr'existe pas. Les
plus grands crimes, le meurtle, I'empoisotluerrellt, les ofïenses
les plus graves ne sont punis par la loi que de peines pécu-
niaires : au lieu de venger la mort, de son pèr'c, uu fils peut se

(4,) Wehrgeld, argent dela gueme.


(9) de urede,paix. Frcdunt, argent de la paix.
TEr{ps Hrsr0RrouEs.
- r'ÉRlODE FnÀ)i0uE I27
coDtenter tl'une indernnité déterminée par le tribunal, et la
justice, cromlne lui, se déclare satisfaite. 0n considère, Ie
meurtre comme uu sirnple tnalheur, mais toute la famille du
meultrier est tenue poLlr responsable et contribue au payement
du rvehrgeld. De même, la famille de la victime partage entt'e
ses memlires le rnontant de celui-ci.
Les ordalies. II existe ulle tr'ès nombreuse vlliété
d'ortlalies. Nous nous bornerons à faire cottuaître : l'épreuve
par le feu,,I'épreu\e pM' Ie fer urden't, et I'épreuve pû,r l'eau,,
froide oa bou,illunte,
L'ordalie par Ie feu consiste dans I'obligation, poul' I'accusé,
de traverser un brtcher en flammes. S'il Ie fait sârs se brrller,
il est réputé innocent. 0n soumettra plus tarcl à cette épreuve
les livres soupçonnés d'hérésie.
Dans I'ordalie par le fer ardent, on oblige I'accusé à rnettrc
'au
un gantelet de fer rougi feu ou à marcher sur des socs tle
charlue chauffés au rouge. En certaines églises, il existe tttre
barre de fer bénite, du poitls de trois livres. Elle est louée, à
I'occasion de chaque épreuve, âu bénéfice du clergé local.
0n la fait plus ou moins rougir au feu suivant la gravité des
cas : I'accusé doit la soulever à trois leprises diffételtes et h
transporter chaque fois à quelques pas tle distance.
Dans I'ortlalie par I'eau froide, on lie ensemble le ltlrts
gauche et la jarnbe droite de I'accusé, ou Ia jambe gauche et le
bras droit ; on plouge ensuite le patient dans un bassin de
trois à quatre mètres de profondeur, de six à sept mètres dc
diamètle et rempli d'eau bénite jusqu'aux bords. Sa chule au
fond du bassin établit son innocence : Dieu, ne le trouvant pas
coupable, donrte à I'eau Ia faculté de le retenir. S'il remonte à
la surface du liquide, I'eau bénitc paraît le repousser : Diert le
juge coupable.
L'ordalie pâr I'eau bouillaute cousiste, par exemple, à
placer au fond d'une cure d'eau bouillante un anneau ou tottt
{98 HrsT0tnE DES BSLGES Er DE LEUR crvrLISATroN

autre objet : pour' établir son innocence, I'accusé doit plonger


le bras dans la cuve et en retirer I'anneau. 0n enveloppe
ensuite dans uu sac le membre qui a subi l'épreuve. Si, après
trois jours, il ne présente pas de traces de brtlure, I'accusé est
tctlu pour innocent.
Indépendamment de ces ordalies, il
en existe beaucoup
d'autres eucore, parmi lesquelles l'épreuae de la croin. L'accu-
sateur et I'accusé tiennent chacun une croix en main â bras
tendu. Celui qui le premier abaisse le bras est réputé avoir tort
et il est condanrué.
Quel que soit le geDre d'épreuve adopté, I'accusé jerTne trois
jours et trois nuits au pain et à I'eau; il ententl la messe.
cornmunie, atteste de nouveau son innocence pâr serment. Orr
I'asperge ensuite avec de I'eau bénite ou bien en boit. il
L'épreuve commence alors seulement.

TITRE VI

Institutions de bienfaisance.

Généralement, ies donations des particuliers au clergé sont


faites err rue de lbndations charitablcs. Âussi, dès les premiers
jours du chlistianismc, t'Égl$g_*(A.gne-t-elle gratuitemeJr_! aqx
p+l-qd_eÊ, dans dcs installations spéciales avoisinairt les églises et les
monastères, tous les soins en râpport avec les conuaissances
médicalcs de l'époque : de là Ie nom d'{ô[ejS"{ie_q donné à ces
refuges, parfois iustallés dans le po_rche des cathédrales. Il existe
également, à proxirnité des érlifices religieux, uu certain nombre de
lgl_r;qseliglpu Iadrcries, établissencnts irtstitués en vue de protéger
lrr santé publique contre les maladies de la pcau, éminemment
contagieuses. 0n y fraite celles-ci par lir méthode hydrothérapique,
enpruntée aux Hébreux. D'autre part, on ouvrc, dans le voisinage
dcs cloîtres, des asiles pour lcs voyageurs, Ies pauvlep et lgs
infirmes. En arrivaul, chaque solliciteur reçoit un pain, un pot de
bière, parfois ulr m{)rceau de viande. De grosses sommes d'argent,
tlues à la générosité rlc personnes cltaritablcs, surtout de femmes
lEiltps HISTonI0uES. pÉ:nIont: FnÀNouE 1'2ç)
-
pieuses, sout aussi consacrées au rachat des captifs, si ttotnbreux'.\
l'époque tles invasiolls normalldes.0n cite sainte Radegonde, épouse
de Clotaire Ie", comme ayalt fondé q! hÔpilalà Àthies ( I ). Bathilde,
femme de Clovis I[, crée une foule d'étab]issep_qlll g_9lli9n!{ganq_9,
destinés à recevoir les infirmes, les malades ou lcs pèlerins. Etilin,
sous les Carolingiens, envll0 de facilitcl les relatiolls comlllerciales,
on établit, le long des routes, des irtstallations olr les \:o]'.lgeurs
trouvent gratuitement urt gite et lcs soins nécessaires.

TITRE VII
I nstitutions financiènes.
Système d'impôts. A propremetlt parler, il n'existe pirs rl'itttpÔts
sous lcs Francs,
-
du moins d'irnpôts directs. Cependan[ i\ l'époquc
cle la graucle puissance des rois mérovingiens, on prélève sur
les sujets nou privilégiés dc la monarchie, sur les Gallo-Romilins,
I'irnpôt tlit de capitatiott, et I'impôt sur la cilEe, ntqnse ov nmisort
(irnpôt foncinr ou cerzs). MiiiS I'impôt, cn générirl, est extrêmetnent
inrpopulaire chez les Francs, e[ ces dernières retlevauces elles'
mèmes, si naturelles et si légitimcs, disparaissent à leur tour.
Aussi les finances de I'cmpire sortt-elles nulles. D'ailleurs, en tetttps
ordinaile, l'État u'etitretient ni soldrrts, ni généraux, ni fouctiotr'
naircs, ni arsenirux, ni forteresses. Les rois, comme les scigtlettt's,
vivent du revenu de leuls domaiues, oti ils prélèvent uue ditnc sur
les produits dc la culture. r\u besoitt, chaqtrc localité impose à ses
habitants les charges nécessaires à la création ou à I'entretien clcs
choses à I'usage de tous. Ordirtairemettt, ces charges consistettt ett
péagcs de barrièrcs, clc ponts, de portes de villcs, ctc...

TITRE VIII
Institutions militaiFes.
' Recrutement ds I'armée. Il n'existe poirtt, chez les FrAttcs, cl'ar'
-
méc pennanente : en cils cle guerre, tous les ltommes libres doivenÛ
le selvice rnilitirile e[ se riingcnt ù ]a suite du comte et du roi.

( { ) Près de Mons, en Belgique.


Y. Milguet. - Histoire des Belges.
{30 HrsrornE DES BELcES ET Du LEUn clvrlrsÀTroN

A paltil de Clrarlemagne, Ics alleutiers et les bénefTciaires ont à


fonrnir, équipcr et entretenir un rtombre dételrnine d'hommos
d'irlilres
- un plr quatre manses. Les hommes libles possédant
chireun moins cle quatre manses sc réunissent pour fournir des
solclats, ir cortcurr'rnce d'utt homtne par cette étendue de culture. 0n
prenrl à lir r'égion ()ccupée ou lrlversée Ies approt'isiounements et,
Ics liçr'es nécessrrit'es. Le pillage tient lieu de solde. Après la
victoire, le butir trst, distribué.entre tous, par la voie du sort. Ainsi
lcs guerles sout inséparables dcs rapines et clu pillage.
jauelot, la francisque oLr
Armes.
- Les ar'mes dcs Frtttcs sortt le
lraclir: i\ clouble tt'ancltant, ltt, frnnée ou lattce, ertlin le lmng, espèce
de pique a clochets recourbés, qui leur sert i\ saisir et i\ attircr à cux
le boLrcliel de lerrr ettnemi poLtl le frapper à décotrvcrt. Lcs chefs
portênt, comme :rrmes défensivcs, le bouclier eI lt ctr,irasse. I'a
caliilelie est d'abord peu nombreuse chez les Fraucs.
Attaque et délense des places. Les Francs ne cottttirisseut ni I'alt
-
des sièges ni celui d'élever des fortilications. Leurs rois résitlent ert
cle sirnplcs villagcs et ne se préoccupent pas de fortifier les villtrs.
Les rencontres erl rùse oàlnpagtle, dans lesquelles les soldats se
prennent corps à corps, sont leur rnode prél'éré clc cornbitttre. Là
ils savt'nt déplo"ver toute leur bmvoure, supérieure ti leur'
seukrrnent,
tactique militaire. Partout ailleurs, ils combirttent avec infériorité
(i Roncevaux, par cxemple).

TITRE IX

Sciences. Philosophie et monale. Gnoyancos


- neligieuses.
-

Sciences. L'ctucie des scieuces cn général est fort rtegligéc


-
sous les frrancs. Lcs idées les plus erronées ont, cours sur lir consti-
tution de I'urtiver s, sur les forces de la natut'e, sur I'auatomic
hurnirine, sur les qualités et les propriétés des ètres. Pour lcs
savan(s de l'époque, les éponges, les huîtles, lcs ct'ocorliles, les
hippopotames sonl des poissous. Ils croient à I'existettce cl'anittt;iux
inraginlir'es, tels rlue le griffon, clont ils fottt utt quadlupède ailÔ
uyant le (:orps d'ul liou et la tètc cl'utt oiseru. La plupart dc leurs
lutres rronnaissant'es scientifiques sout de même valeut'.
Philosothie et morale. Théoliquernent, la gcnéralitc des Francs
-
1T'ITPS IIISI'ORI(JI.JES. * PÉRIODE FN.II{QUE T3 T

professe, dc\s le vnr. sièelc, Ies principes cle la philosophio et de la


lnolale chrétiennes.ltais ccs principes ne sout, pas. t\ beaucoup près,
entrés dans les mæul's. Les assassinats, Ia répudiirtion, la polygamic
et les faits les plus immoraux sont comlnults chez les populittiotts
belges et n'excitent irucune surprise.
Croyances religieuses. Tous lcs sujets de Clovis ne suivent pas
-
immédiatement I'exemple de sa conversion. Les Bclges du nord ne
oornmencent à ernbrasser le christiartisme quc sous les successeurs
rle ce prince et, l\ la fin du vu* siècle, la Belgique méridionale est à
peine chrétienne. Les nandemelts dc saint Éloi et lcs canons du
concile de Leptinnes (743) plouvent avcc quelle lcnteur extrême le
christianisme se propage dans notre pays. Au u'sièclc, on aclorait
encole à lvoy-Carignrur uue statue colossale cle Diane (la déeqsc des
-,\rdennes). Cette statue a1'ant été renversée par la suite, les Austrr-
siens lir réclament longtemps : elle leur alirit, disent-ils, toujours
porté bonheur. Au reste, dans les premiers temps cle la conquête,
les cnvahisseurs s'étaient montrés értergiquemcnt hostiles aux
tlogrnes chrétiens.
$uperstitions populaires.
- Toujours plus acccssibles aux iclécs
nouvelles et progressives, les habitants dcs villcs cliangent les
premiers de rcligiou. Les campagnards demeurcnt beaucoup plus
longtemps pa'iens ( terne clérivé du mot lzttin pugan as, qui signilie
papan). Et lorsqu'ils se convertissent. ils ne savent trop clérncler
d'aborcl cntrc leurs anciennes clivinités et les saiuts nouveaux. Les
lées, les lutins, etc., dont ils consert'ent la ctoyance, ce sont leurs
tticux prêcédents. Les superstitious actuelles sont proltablenicnt'
les clerniers vestiges tle la primitivc religion dcs Belges. Ainsi,
I'lrabitude rle placer pr'ès des sources et des fotititittcs, sitttc-
tuaires naturels dc celtaiucs divinités chrmpètres, cles ex-voto
(sirnulacres de pieds, cle maius, cle cæurs ) e[ des luminaires, existe
rtéjù chez nos ancêtres païens. Ils portent processionncllemenl ]euls
irloles daus les champs pour obtenir de belles moissotts. D'ilutres
usilges erlcore, combattus ou tolérés par I'Église, se sont également
transmis jusqu'à nous : lcs dartses, les travestisscntettts du cat'lat'll,
lcs grirnds feux, les girteaux ou les pains tl'épice à Nolil et au nouvcl
,\n, etc.
D'irilleurs, dans les débLrts, les nissiortnlires, en vtle de mérllger
les iclées des néophytes, sebornent, sottvcut u attribuer ttu synllolismc
luouveâu ir certriris usirges religieux dont ils eS[iutertt impruclent cle
r écliintcr I'aburdon irnnédiat.
139 Hrsrornn DES BELcES ET DE LEUR cIvILISATIoN

Les missionnaires chrétiens. L'une des caractéristiqucs, et non


la moins intéressartte, de
-
la religion nouvello est I'ardent esprit, dc
prosélytisrne de ses adeptes. Les rnissiounaires chr'étiens sont lesprc-
mièrs hommes de leur espèce dans le monde antique, géléralement
très tolérant, en matière religieuse. La foi des missionnaires et leur
ardeur de propagande sont extrêmes. Ils supportent, avec uile
abuégation et un courage surhumains, les plivations, les mauvais
traitements, lcs supplices, Ia mort. De quel prestige ne doit pas
jouir, aux yeux de populations toutes primitives, unc religion dont
les apôtres montrent une telle énergie de conviction ! Puis, la
menace des châtinrents effr'oyables de I'enfcr impressionne fort un
peuple très pénétrt, de la cl'oyulce à I'irnmortalite de l'irme. En outr.e,
lcs missionnaires s'appuient sur les ordres et au besoin sttr les
soldats des rois mirovingiens. IIIais cet appui lui-môme ne suflit pas
ir assurer le suécès de lcurs efforts. Seule, la fondation des mouas-
tères, accorlpagnée ou suivie du défrichement d'uue partie du pays,
agit avcc efticacité.

TITRE X
Lettnes.

Lettres. avaicnt trour,éleslettres en honneur dans lcs


-LesFrlrncs
Gaules; ils en négligent complùternent l'étude, qui ne leur paruît
convenir qu'à des hommcs efférninés. Aussi, i\ l'époque de Dlgobert,
I'ignoranee est-elle si généralc et, si absolue, môme au sein du clergé
<t qu'il u'existait [)as, au dire de Cuvier, dans tout l'0ccident, un
moine capable d'écrire d'uue façon supportable le récit clcs événc-
ments >. Heureusement, Charlcrnagne sur.r,ient, qui préside à unc
cer'taine rénovation des lettres.
Langues.
- Dès I'origine, le latin est, en Belgique, Ia langue clc
l'Église et de la scir)nce. Les Francs parlent leteuton ou I'allemanrl.
Lorsclu'ils ont embr assé lc ehristianisme, leur.s rois, clout les precep-
teuls sont des nioirres, âpprcnncnt et parlent le latin. Lcs lcucles les
imitent, suivis a\ leur tour par Ie peuple, mais lentemcnt.
Écriture.
- Avant Charlernrgne, on eniplol,ait lcs lettres capitales
ronraines comme caractères d'écriture ; niais les traits clc cette
écriture s'étant peu à peu altérés, Charlemagne ordonne à ses
scr'ibes d'en revenir à I'cmploi dcs pel,its caractères rornlins clont
il règle ofïiciellcment la for.rne. Ce fut l'écriture cqroline.
. TE}IPS HISTORIOUES. PÉRIODE FRANOUE I33
-
Manuscrits. Les plus anciens manuscrits parvenus jusqu'à nous
-
drtent du vru' siècle. Un grand nornbre de ceux qui existaieut
àl'époque de Charlemagne étaient de mauvaises copies. Alcuin les
corrige et les fait recopier avec soin sous ses yeux. La copie des
manuscrits devient une source importaute de profTts, parfois l'origirte
d'urte brillante fortune. Dc cette époque datent les premières
cnluminures et miniatures dont on prend, par la suite, I'habitude
rl'enrichir les manuscrits.

TITRE XI

Enseignement.

Instruction publique. Ilrte décision du concile de Vezon, teuu en


-
519 ( { ), ordonne auxcurésde reccvoir au presbytère, sans distiuction
cle liclies ou de pauvres, tous les enfants désireux de s'instruire, et
dc leur apprenclre au moius la lecture. Ce sonl là les commence-
nierrts cles écoles dites, plus tard, icoles paroi,ssiales.
Dès le vrre siècle, il existe trois autrcs catégor'iesd'écolesecclésias-
tiqnes : 1o les catécltèses, où I'on commente surtout le catéchisme;
tles maîtres instruits -v combattenl, lcs doctrines du paganisme;
9o les séntinaires, oir I'on prépare à la prêtrise de jeunes lévites
ordinairernent pris dans la classe populaile; 3o les écoles ëpiscopalæ,
généralcrnent annexées aux séminailcs, oir des jeunes gens de
toutes les classes sociales reçoivent non seulement I'enseignement
religicux, mais encore I'enseignemcnt scientifïque et littérairc.
0n 1 apprend plusieurs langues, Ia glirmmirire, I'aritlimétiquc, la
géométrie, la dirrlectique, Ia rhélorique et même Ia poésie.
L'education cles jeunes filles uobles se frit en des cloitres de
religieuses ou I'on enseigne l'écriture, la lecture, la couture, la
pcinture, le tissage des broderies d'or et I'art de sertir les pierres
pr'écieuses sur les étoffes de soie.
Cependant, les Flancs n'estimcnt en général que I'adresse dans
le maniement des arnes, lei chasse et la guerre, Apprendre à lire et
à émire pirraît indigne de leur raug aux plus considérables d'entt'e
eux, et ils rougiraient de Ie savoir faire. Les moines et les prÔtres

(4 ) Yezon, à dcux lieues de Tournai, prol'ince de Hainaut.


1,34 rrrsrornE DES BELGES ET DE LEUR crvrlrsÀTroN

cux-mêrnes peuveût à peine lire leur messe et la plupart nc eompren-


nent pas ce qu'ils lisent, leurs livres étant écrits cn latin, langue
qu'ils ignorent ou r1u'ils possèdent très imparfaitement.
Appréci:rnt toute I'impot'tartce de I'irtstluction, Charlemagnc:
vouclrait la répandre parmi les peuples soumis à son autorité. lllais
c'est li\ une entreprise difticile par suite de I'excessive rareté des
hommes instluits. Lui-mtlme, qui est uu des ltommes les plus érudits
de son siècle, llc sr'rllta jarnrris bien écrire. Il a plus de quarante ans
lorsqu'il comtireùee i\ s'y exercet', et il est trop vieux alors pour 1'
pouvoir réussir. Slt lirngue maternelle est I'allemand; il parle lc
htin avec facilité eI il contprend urt pcu le grec.
Il veut, cLéel des écolos, mais il lui faut des mirîtres. Pour s'en
procLll'er, il attire i\ sir cour les savants ét,rangels. lllalheureusement,
rlous yellons cle le dile, à cette époque, Ies hommes instruits sont
rales partout, et il n'en trouve guère que deus: un prètre anglais,
nommé Âlcuin, et lc moine irlandais Clément.
Il net ce dernicr à Ia tètedel'école qu'il organise dans son propre
p'.rliris et qui, pour cette raison, reçoit le nom d'ccolc palnline. ll y
place les lils de scs généraux et des grands dignitrrires de son
empire. Il y envoie aussi des jeunes gens tlc condition moins élovée
ou mr-rmc de conclitiorr tout à fait modcste. Àu letour cle ses expédi-
tions militaircs, il aiure i\ la visiter. Il cncoulagc Ies élèvcs studieux
par la promesse dc sir faveur ct menace de son ressentinient les
élèr'es peu appliqués.
C'est siins doute à raison de ces faits que Charlemagne, mis plus
tard par l'Église au nonbre des saints, est do'enu, ell France, lc
patron des écoliers.

TITRE XII
Beaux-Ants.

Architecture.
- Â la suite des invasions du v. siècle, il fallut
rclever de lcurs ruines un grand nombre de monuments anciens. 0rr
en édilia.aussi de nouveaux. Ce fut I'occasion d'une rénovation de
I'architec[urc religieuse et en même ternps de la sculptule.
Nous posséclons, dans la'Belgique orientale, quelques églises
susceptiblcs cl'èf,re rapportées au style romarto-b1'zantin, qui est celui
de l'époque franque. Le vérritable type des églises de ce st1,le affecte
TEIIPS HISTONIOUES. _ PÉRIODE FNANOUE 135

la forme cle la croix grecque ( i\ quatre branches d'égale longueur ).


L'église byzantine est couronllée d'utt dôme central' parfois de
dômes secondaires. Les églises de forrne octogontle ou circulirit'e,
surmontées d'un dôme, apparticnnent au style romano-llyzttntin.
Tellc est, à Liégc, l'église eu forme cle rotoude de Saint-Jean l'Évan-
géliste, construite d'ailleurs Ycrs 980.
les églises bâl,ies à cel,te époque sont ordinairernent couvertes tlc'
tuiles. Elles ne possèdent point cle tours; otl suspeud les cloches à
I'intérieur d'un assettrblage de charpentc Séparé de l'église. ( Il
est probable, dit un historien, que la prernière installation des touls
cl'église fut u1e mesure défettsiye, notiYée par leg frequents pil-
lages auxcluels les églises restèrettt exp6sées jusqu'au xru sièÔle > ('l).
Peinture. La pein[u1e architectoniqu.e, décorntiue ou nut'ralc (2)
-
semble avoir été i\ pcu près la seule en honneur ù l'époque des
Frarrcs. Elle avait pour objet la clécolation intérieure et, extérietlre (3)
cles églises. 0n pcignait leurs lnurs, soi[ à h détrentpe, en appliquant
i\ cru les couleurs préalablem eùL dé.trenq)dcs dans de I'eau de chaux ;
soit i\ fresçrc (4), les couleurs délayées par Ie même procédé étult
ensuite emplo)'ées sul un moltier composé de chaux et dc sillile
flaichemen[ posés sur ]e mur.
01 possède toutefois aux bililiothèques de Paris et de Tr"èves,
quclques manuscrits fraucs ornés de belles miniatures darts le-style
lonarl imprégne cle byzantisme (5).
Des auteur.s ont faiI r'emonter à l'époque de Louis le Dôbonnait'c
I'invention cle la peintule Sur verre. Cependant' oll ne possècle pa^s
dc vitraux antérieurs au xlle siècle.
sculplure. La sculpture sur pierre de l'époque mortre que les
-
ùItistes ignoraient les lois les plus élémerrtaires du dessin. En outre,
les attitudes des personnages sont génér'alement gatlches e[ compas-
et d'orfèvrerie que de
sées. 0n s'occupe d'ailleurs plus de ciselure
sculpture pfoprement dite. Les lois francs eucburagent surtout
ces deux brartches secoDdaires de la sculpture.

(,1) Les clochers de Celles (Dinant) et de Ciney, par exemple, sont de vt'ais
tloirjons, percés de meurtrières.
(2) peinture qui est l'auxiliaire del'architecture.
i5i - Cu cenre de décoration, dit Yiollet-le-Duc, fut pratiqué dens les Gaules,
juùû'au mfiment otr Charlemagne {it venir des artistes d'ltalie el, d'$rient. I
" (+) l"a peinture à fresrlue est de toutes la plus durable.
(Si Car'actOte de la peinture byzantine : recherche des coloris éclatants ct
empioi tles fonds d'or destinés à rehausser les teintes.
{30 nrsrornr DEs BELGES ET DE rEUn ctvrlrsÀTloN

lflusique. La seule musique ull peu cultivéc à I'époque franque


-
cst le plitiu-chant, à l'étude duquel Charlemagne rpplauclit. Les
prenrières ol'gues colutues en France furent envoyécs, en T4T, à
Pepin le Bref, par Constanl,in Copronyme, enlpereur de Constanti-
nople.

TITRE XIII
Féglme économique.
Agriculture.
- L'agriculture rérlise de très grands progrès en
Ilelgiquç pendant les prcmiers sièclcs de la période franque et aussi
sous Charlemagne. Au point de vue de I'histoire de I'agriculture, le
sieclc oir vécut ce prince est même considéré comme I'un des plus
irnportants. < La civilisation romriue était industrielle ct, urbaine ({);
hr société gerrnanique, patriarcale ct rgricole. La conquôte par les
Iiralcs eut donc pour résultat de restaurer I'orclre rural qui alliiit
rcstel pendant des siècles la base de toute l'éconornie socialc. >
Modes et procédés de culture.
- Les progrès réalisés en agriculture
sons lcs prcmiers lltérovingiens De sc continuent pas sous les maires
du prliris. Ceux-ci, trop absolbés par lcurs entreprises guerrières,
se préocctrpent peu d'encouriiger les travaux agricoles. ll en est
autrcmeut sous Charlcmagnc. Lc règne de ce grand prince a sur-
tout ôté caractérisé, sous le rappolt agricole, par I'intloduction
cri notre pirys de l'assolenrcttt tricnntl (2). Cc système de cLrlturc
consiste en ce que toute tcrre qui, une première année, a porté
urrc cérôalc cl'automrte, rcçoit, I'anrtée suir'ânte, une cérôlle cle prin-
tenrps, puis reste jachère, c'est-i\-dire se repose la troisième année.
en
II lirisse douc crt friche, cltaque année, le tiers cles tcrrcs arables.
Cct assolement sera enplolé r\ peu près seul en Belgique pendant
tout le mo.ven âge.
L'introdnction par Charlemagne, cn Flandrc ct en Brabant, d'un
grancl nombre cle familles saxonnes accroît nou sculement lir popu-
lation, mais accélôre I'assèchement des urarais et le cleflicheurent
rles bois. Chaque anrtée, la hrche et la houc des essartculs réduiscnt
l'étendue des terres irtcultes.
Les instruments aratoires employés à cette époque diffèrent peu

({) Y. Bnlnrs, .Essai sur les classes rm'dles, page 20.


(9) \. KuBuI, tome II, page 984.
TEIIPS IIIST0RIoUES. PIIRI0DE FRAI{0UE 'l'37
-
cle ceux de l'époquc précédente. lllais on counaît le moulin à eau'
avec écluses et rouagcs de fer, apporté par les Francs ({).
grande culture
Produits agricoles.
- Le uombre des plantes de
rinsi que des légumes cultivés dans les jardins, se multiplie; de plus,
les unes et les autres gagnent en qualité. Il est question, dirns la loi
salique, de blé, cle lin, de fèves, de pois, de leltilles, de navets' 0n
y parlc égalernent de jarclils et cle vergcrs qui produiscnt des poires
ct des lrommes.
Commc les indigènes, les Francs font corrsister leurs richesses en
troupcaux cle porcs, cle bôtes à cornes et de b€:tes à laine. Ainsi que
par Ie passé, le cheval reste un animal cotteux et peu cotnmun dont'
le plix dépassc celui d'un esclaYe (2).
L'ôtlucation des abeilles coutinue à se faire sur une échelle impor'
tante. L'outs ct I'auroch se retircnt définitivement de nos bois.
illèrne le nombrc des loups et des sangliers dimiuue sensiblement, ett
présencc d'une population cle chasseurs chrque jour grandissante.
période franquc, I'inclustrie
Induslrie.
- Penclaut tout le cours cle la
tlenteure presque exclusiycmelrt domestique. ChaquC ménage de
scrfs satisfait à peu pr'ès i\ tous ses bcsoins. Dans les châtcaux, vil-
hs Ct rnonastères, des ouvriers spécriitux confectïonnent les vête-
merltS et les dir,ers olijets indisperts:rbles à la vie ordirtairc dans Ia
cornmunauté.
0n possècle Ie texte d'utte lettre de Charlemaglle qui donne à cef
égar.d les clétirils les plus intércssan[s et les plus précis : < Nous
ronlons, dit-il, que I'on attaChe à chacun de nos châteaux des
ouvr.icrs en fcr ; cles orfèvres ou dcs argentiels; des tailleurs et des
tourneurs, .des charpentiers, des armuriers, Cles CiSeleurs, des
sàyolitliels, cles brassours qui sat:hent faire la cervoise, le cidre et le
poiré et toute autre liqueur bonne à boire ; des boulangers qui aient
lppris
-
à confectionller la semoule pour notre usage, etc. D
01 connut, tlùs le règne cl'Auguste, la fabricatiou des carreaux de
vitre, maiS I'uSâge n'en clevint populaire qu'itu Xvle siècle. Longtemps
ils ne sorrt ernplo),és que clans les égliscs. L'usage des clocltes
conlmence au ue siècle. L'art cle ln cérantiqtle, por'té à un haut degr:e
cle pcrfection petldant la pôriode l'ollaille' tombe en plcine décadence

('l) tsnlllrs, page 22"1.


lù) ni.*, hr;'r7r's 4es Belges, page
.551 Kunrtt, tome II, page 55' Certains
hisioriens disent, au ctjntraiie,'q,i'oî élèvé plus cle cltevaux que de bæufs à
raison des habitudes de chasse et de guerre des Francs.
,138 [rslornu DBS BDLcES ET DE I,EUR crïrlrsÀTroN

sous les Francs. Jusqu'iru xre siècle et au xuc, la poteric fabliquéc


reste grossière.
Lt ta,pisseric de laine et celle tle soie demeurent en honneur, mais
elles ont surtout pour objet d'orner. les basiliques. 0n sooccupe
particLrlièrement de cette industrie dans les nraisons religieuses.
La fabrication de la mosa'ique de marbrc et de la mosa,ique en uerre
tle couleur est encouragée par Charlernagne.
Par plusieurs capituhiles., ce prince prend,' ell vuc cle combirt[rc
Ia surabondance des artisirns, des mesures qui perrnettent de
supposer une organisatiou cles ouvriers d'inrlustrie. Les peupli.icles
tl'origine germanique avirient d'ailleurs conscrvé lc souvenir cles
gildes. Elles les reconstituent en vue cle se protéger nrutuellement
contreles attaques par injulcs ou voies dc feri[, contre les risclues
d'iucendie ou de naufrage, ct nrème contre les poursuites légales en
cas de dclits ou de climcs commis par leurs rncmbres. Ces associir-
tions, rlites gilda, consptratians, cottju,rntions, ont clcs statuts et cles
règlements. Des irnnuités régulièrcs alirnentent, leurs caisses. Lc.ur
esprit d'indépendancc cotttrirrie si vivement lcs vucs centralisatrices
dcs Carolingiens que Challcm{gne et, Louis Ic Débounaire porteut
des décrets pour les intcrdir'e.
<< fforls uoulonE, dit uu etrliitulaire de Char.lernrgne, qu,e les prètra,;

et les officinrs iht. comtc ltrcscriuent au,r uilains de nc Ttoint faire cettc
allinnce qu'ils appellent gildes, coutre ceux qui clirobent. Qu,qnt aut:
conjurations de serfs quù .sc lbnt en, Flantlre, dans Ie pays ménapien et
les qatres pays maritimes, nou"s t'lrillns qnc ?tls entoyés ordontrcnt it
lettrs seigneu,rs delcs empècher. >,
IIIais ces associafions r'ésistent à tous les efforts faits pour les
détruire et plus tard elles eontribuent a I'institution des ronununes.
commerce et monnaie. En t'ue de favoriser I'cssor du commerce,
-
charlemagne reduit le nombre et, I'importance des périges établis sur
les grands chemins ou sut les rïvières par les plopriétaires rivc-
rains. Il s'attache en outre à rétablir la sécuritc des routes et des
:rutres loies de communicirtion. sous peine cle confiscation, il
défend d'exporter les grains en ternps de clisette. Des étirpes ct
postes de soldats, établis Ie Iong des frontières, protègent re corn-
merce cles marchands ayec les peuples lnr,blres ou cnlemis.
Les mines d'or et d'argent ccs Gaules (l) ne sonI pas errcolc épui-

({) 0n a contesté I'existence de ces mines.


TE}IPS HISTONIOUES. _ PERIODE FRAI{OUE 139

sées sous les rois des premières dynasties françaises ; le numéraire or


et argent Cst dOrtc assez conlnull au ternpS de ceS princes,mais notl
le numéraire monna,vé. Le plus souvent, les tnarchandises sout
payées cn lingots et le sota d'or, et\ quolque sorte I'znité ntonétaire,
consiste en une simple masse de métal d'tur poirls détermintl.
Lorsclue les négociants de nationalité franque se reudent dans lc
Levant, ils échangent les ntétauæ préci.eu,n en lingotsrles fers,les uirls
et les hu,ilæ rlc leur pays contreles paltynls, Ies perlarlesépicesrles
toitæ fines et autres rnarchandises rares de provenance orientale'
L'état cle I'industrie et I'abscnce d'argenl, monuayé nc leur permet-
tent pas d'employer d'autres instruments d'échange. 0n ne frappc
plus guère tle moluririe, sauf à I'OcCasiou d'ér'énements cOnSide'
r.ables, tels qu'une glande viCtoire, Ie narizrge clu t'oi, la ttaissancc
d'un priuce, e|t:, Àussi les mottnaies de l'époque mérovingienne
sont-elles ex[rêmement rares. Leur forrno reste celle de l'époque
romaine. Seulement, I'image de l'Ange por'tant la Croin se substitue
à celle dela Renommée.
Comme unite monétairc, Charlemagne adoptc la livre. Cette livre,
dite sou, d'or, vaut ettviron {2 francs de notre monuaic. Il y tt

également des l[ures ou so?r.t d'argent, des liuræ ou sotrs de aûurc.


Vingt sous de cuivre font ztne livre d'argent. Quant au sott tlc
cuivre, il vaut dozrze deniers ou qu,atre liards, dits aussi dottbles. Ces
conventions demeureront Ia base du slrstème monétaire en Belgique
ct en France jusqu'à la lTn du siècle dernier.

TITRE XIY
Meuns et coutumês. - Vle Pnivée.
Institutions civiles. Après la conversïon des Belges au christia-
-
nisme, on adopte les rites chrétiens dans les cérémonies relirtives
aux naissances, aux mariages et aux fuUéraillcs. Charlemagne
interdit sous peine de mort I'inciuéral,ion des cadavres. Par contte,
la tradition se maintient des repas funéraires, le jour de I'etrtert'e-
meut. De plus, ils se renouvellent le 7' jour et le 30'. Voulant douner
une couleur religieuse à des réunions qui trop souvent clégénùr'cnt
er orgies, Charlcmagne 6rdgnne que ces repas soiellf précétlés de
messes pour I'irme des défunts. De là,les messes dites aujourcl'hui de
trentaine eL de qu'nrantaine.
Ère chrétienns. Sous les rois de la deuxième dynastie, on cessc
-
\4T HISTOIRE DES BELGES ET DE LBUR CIVILISÀTION

cle conrpter les années par celles du prince régnant pour adopter l'ère
chrétiennc.
Nourriture et, ustensiles de cuisine. 0n continue à rnanger beau-
-
coup de gibier, mais la consonlmation de viande de porc, de Ïrrebis
et dc bæuf augrncnte. La volaille est fort recherchee : I'abondance
plus ou moins grande de pigeons, de tourl,erelles, de paous, de fai-
sans, de perdrix, dc cailles, ctc., dans un domaitte, en règle la valeur.
Les ustcnsiles de cuisine et la vaisselle de table sont en bois,
terre cuite, fer ou euivre,quelquefois en rerre, cristal, or ou argent,
suivant l'état de foltune de ceux qui les emploient. A I'occasion
des banqucts, on utilise ulle broche mécanique à dimeusiorts
ôuormes qui permet de rôl,ir i\ la fois un mouton entier avec
quantité de pièccs de gibier, cle volaille et de grosse viande. En ces
circonstirnces, une grande jarre de terre, placée au ceutre de lrr table
ct cians laquelle chrrcun puise à sa soif, contient la boissorr clestinée
iru l'epas. Le hunap,large calice à pied élancé, est fort cn honneur
chns les fcstins. [n temps ordirtairc, une corne de taureau sert de
velre à boire ct de coupe. Lir boisson se transportc souvent, dans des
outres de peau enduites de poix. 0n les suspend à la ceinture ou olr
les fait porter par dcs bêtes de somme.
0n mange la viande à la mail et en y mordaut à pleines dents ({).
L'usage de mangcl couché, introduit en Gaule dans les classes
liches par les Romains, disparait sous les rois francs. 0n mange
alors assis sur des bancs ou des escabeaux; I'emploi des bancs étant
toutefois réservé aux jours de fcstin. De là, I'expression banrptet et
banqueter.
Vêtement. À l'époque des Franes, Ics Belges portent, d'abord des
-
brries llottantes serrées à la chevillc, unetu,niqu,e ù manches, une
saie de forme quadrangulaire, nouée i\ la hauteur de l'épaule, de
grossiers sou,Iiers et un chapeau, conique. Plus tard, Ieur costume se
compose de la, cotte, ell peau oLl en étoffe de liiine, serrée à la
ceinture; de la .rilrcltte', manteiru de môme matière, tomllant dcs
ôpaules jusqu'i rni-jamlles et de chousses de laine, espèce dc panta-
lons forts courts. Des houseazr ( grosses bottes ), des semclles de
cuil ou de bois (9), retenues par des bandes croisées, cl'étoffe ou de

(l) Llcnox, Les Arts, page l!t. La cuiller fut connue très tôt, non la four-
chette.
(9) Llcnox, trIættrs et Coutunrcs clu nzoyen dge ( Le l.ëtanent). Les véritables
souliers n'apparaîtront qu'au xre siècle.
TEITIPS HIST0nI0UES. pÉnIODE FRÂNoUE '1,41
-
cuil, aux couleurs bariolées, complètent I'habillement. Bicn entendu,
il s'agit ici du costume portô par les gens aisés : le costume des gens
du peuple se récluit le plus souvent t\ I'indispensable : uue blouse '"\
courtes mattches, seruée à la taille et munie d'un capuchon, voilà
tout leur habillement. L'hiver, les pauvles se r'êtent de fourlures de
chèvre, de blebis, de lapin, etc. Bn cas dc grands froids, ils cachent
leurs mains ell de grosscs mouflcs dc lairre Ou de peau de mguton,
comme c'es[ encore aujottrd'hui I'usage à la campagne. Les liches
pol.tent des fourrures cl'hermine. Hommes et fcrnnes s'irabillent de
mème façon, ntais les vètentents fémipins sout plus amples et
plus longs que les vètemeuts cl'hotlltnes. Tous affectionnent lcs
couleurs vives et croisécs, dites aujourd'hui icossaises.
Les habitatigns.
- Les Belges, mème riches, u'ont pas le scntirnent,
du confortable et leurs demeures sont généralcment misérables.
du serf ou vilain ({) eom'
Lrs Heslr.aTIoNS DU PEUPLE.
-La dencule
prend trois divisiorts : Ia partie du birtirnent oi.r il engrange scs
récoltes ; celle ou it
loge sou bétail; son habitation proprement
dite, formée d'une seule pièce.
Un grand foyer oir brtle un clair feu de bois; une marmite et un croc
pour en retirel'la viande; ulle htlche, esltèce de coffre de boïspour
pétrir le pain que I'ott y gardc avcc les autres victuailles; uùe table,
un baltc ou des escalleaux de bois; tln mortiel pour pilcr le grairt ou
urr moulin à blrs (9); un grand lit, un seul, destiné à recevoir tous
les mcmbres de la famillc et au besoin l'étrauger, tels sont la dispo'
sition et I'aneulllement primitifs de la cabane du self, gértérale-
ment coul'efte de châume.
Des échelles, une coglléc, tlll lllarteau et des clous, avec dcs
ustensiles de pèche, complètent I'ameublement des plus fzivorisés dc
la forturre. La maisott, comme l'étable adjacente, est couvel'te dc
I
chaume. Un petit jardin contigu I'habitation fournit quelqucs
légumes.
Cette habitation et son ameubletttent ne se modifieront pas d'ttttc
firçou sensillle dans les calllpagllcs jusqu'à la Rér'olutiort françl:iisc.
Lns HlsttrrloNs Das GRANDS. Daus les temps imrnédiaterncnt
-
(4) Ilabitant de la t'illa.
(2) L'un des premie's procédés de mouture fut la trituration à la roue
nraniretle. On a irouvé, nous I'avons dit plus haut, des l,r'aces de moulitts à
bras dans les fouilles ârchéqlogitlues de n9s pl'ovinces. Lcs Francs a;rportèrenl,
I'usage des moulins à eau.
149 Hrsrornn DES DELGris El DE LEUn crvtlrsÀTroN

postérieurs à la conquête, les Francs s'iustallent de préférence à la


cantpagne, souvent darts les t'illas abandonnées pal' les Romains.
Lorsque les villas leur rnanquent, ils se construisent des maisons
en bois (l ) formées d'une pièce unique, munie d'une cheminée de
pierre. Chez les principaux seignours, il existe parfois, à côté de la
salle principale, uue ou deux chambres. Seules, les demeures des
rois contiennent jusqu'à trois chambres. A proxirnité segroupent les
dépendances : écuries, grtllgcs, birtiments divers servaut a loger le
cuisinier, le boulanger, le forgeron, lc charpentier, lc tisserand, le
trnnelrr, etc., attachés à la maisort. Le tout est entouré d'urre forte
Iraie ou mème d'un remblai ou rernpart eu dehors duquel règne un
lbssé. 0n ne peut pénétrer dans I'intérieur du logis, ni même dans la
oour, salls passer d'abord pùr ulle solide et unique porte d'entrée
située en face du pont jeté sur le fossé. Autour de cette premièr'c
cncreinte, s'é[endent des jardins, des prâiries, des étangs, etc.,
enfermés à leur tour dans une seconde enceintc de fortcs haies.
Iinfiu, au delà, s'étendent les terres du seigneur, cultivées par les
colons et lcs serfs; là aussi paît son bétail. 0rdinirircment, de grands
bois, otr les serfs pr'éposés à ce service cortduisent d'immellscs
troupeaux de porcs, bornent le domaine.
Lrs cna.rnlux DE Bors.
- Quand la sécurité publique, sous les
suqccsseurs de Charlemagne, deviertt tout à fait précaire, les
scigneurs francs se construisertt, gértéralement sur des élér'ations
ruaturelles, des chirteaux de bois défendus par des palissades et des
fossés. Lorsqu'ils les établissent en plaine, ils commencent par créer
ut tertre ou motte en relevant les terres d'un large et profond fossé
cleusô tou[ autour de I'emphcement choisi. Sur cetl,e hauteur arti-
{ieicllc, s'édifie le chirteau. Uu pont de bois, aisé à clétruire, donnu
seLrl accès dans I'enceinte. La porte d'entrée, fort élevéc au-dessus
clu sol, n'est accessible que par un escalier de bois d'un enlè-
\-cmcnt ficile. Âu sommct de la demeure du seigneur, appelé le

({) Il est naturel que I'homme, pour' étlilier une habitation, pour confec-
tiouncl ses vôtements, pour fabriquer les produits divers de son industrie,
enrploic d'alrord les rnatériaux qui abondent tlans Ie pays, qu'il a sous la main,
qui sont de l'apprôt le plus facile. Aussi le hois fut-il d'abord à peu près seul
ernpioyé pour la conslruction des habitations en notre pays. Plus tartl, lorsqu'on
birtila en pierre, la maçonnerie consistera souvent en simples nioellonages
qui tlonnerorrt aux constructious un aspect fort grossier. Les toits, ptimilive-
nient couvelts de tuiles, {irent assez vite place à des toits couvelts d'ar,doises,
tl:uis nn pa1's oùr l'on trouvait cetle pielle en abondance.
TE]IIPS IIISTONIOUES. PÉNIODE }'RANCIUE I43
-
.donjon, sc trouve lt gu,ette, d'oùr I'ou sutveille les euvirons. Entre lc
donjou c[ le fosse, s'élèvent les dcmeures des compagnons du chcf
ct dc scs serviteurs, puis diverses dépendances, telles que les
écuries, les grurges, les magasins et les remises. En outre, uu
ccltain esprce au deli\ du fossé est enceint de palissades.
Si le chirteau estassis sur une montagne, la distribution génér.alo
t'este la môme : lc clonjon occupe toujours le centre du domainc,
situation d'ailleurs vicieuse, pal'ce c1u'elle rend impossible toutc
sot'tie des assiégés, toute attaque des revcrs de I'ennemi. lorsquc
la première enceinte est envahie. Aussi, rprès les invasions des
)iormands, mais sultout à partir. du xrusiècle, verrons-nous le donjou
occuper,, dans les coustructions nouvclles, I'un des angles du
r-ectangle formé par I'cusernble.
Lns nlnrrarroNs RoyÀlns. Les rois francs viven[ de préférence i\ la
-
campagne. Ils n'ont clorrc pas, z\ proprement parler, de capitalcs li
dc pahis. Leurs clcmcures sont des espèccs de métairies entourées
d'étangs, de vergcrs, de chanps, tle bois ({ ). Cc sont parfois des
villas âssez somptueuses pour l'époque, rniris que nos plus nrodcstes
I'elnticrs d'aujould'hui trouver.aieut i\ pcirre habitables. Ils vivcnt,
ttou du produil des impôts, {ui u'existent gut)re, mais dc leurs
l)l'opres revenus, r'oyagearrt d'une de leurs propriétés 'i I'autr'e, afiu
(l'ert consommcr les produits sur placc. Lorsqu'ils se renclcnt de
I'utte à I'autre, ils sont hébergés dans lcs villages, les abbayes et les
r:liâteaux situés sur leur passage. Àu clépart, leurs hôtcs leur offrent
cn outre quelquc pt'éscnt.
lf,æurs. - Lr con'uption des mæurs est cxtrômc pendant toute lit
lroriode frlnquc. Les grands, tmbiticux, crucls, libertins, n'imposcnt
iluclnl frein à leuls passions. L'hist,oire de cctte époque lle rapportc
qu'assassirta[s, divorces, actes déshonnôtes. I]oire dcvient un vicc
général.

TITRE XV
Gonditions génénales et vue d'ensemble.
L'crnpire rontain rnarchait cle lLri-mr:me z\ la dissolution : clcs
ilvitsions répétées, uous I'avons dit,, hirtcnt sa cliute. Aidés en cettc
(Fuvre par les Belges que lcs exigences du fisc irnpôrial ont ruirtés

({)Toir dans Yiollct-le-Duc, Histltrc de I'ltubitritiol, le plan do la tlemeure


d'un roi niérovingien.
t lLL Htsrolnli DES BELGES ET DE LEUR cIvILIsÀTloN

e[ exaspér'és, lcs F'rancs chassent les Rornains de la Belgique.


Itérovéô, un de leurs rois, se cléc des titres à la reconnaissance des
pcuples du nord tle la Gaule ell les délivlant des lluns (45{). La
défaite des Huns Inarque la fin des invasions qui avaielt signalé le
declin de I'empire. Ces llarbarcs avaicnt été la cause origittclle ct essen'
tielle des invasiotts: cux tlisparus, elles cessent définitiverneut. Les
incursions et les pillages dcs Normands qui se produirortt par
la suite auront d'autres oauses et prendront utle autre forme.'
Dans Ia tourmettte, la société antique s'est effondrée. Une société
nouvclle tente aussitôt de s'édi{ier sur les ruines dC I'aticienue.
Le clergé sent daus la race fi'artquc une sève, une vitalité, tout un
ensemble de qualités et de tendanccs propres à favoriser l'æuvrc
1écessaile de la rrigénération sociale. Il juge qu'ett elle est I'avenir.
L'histoire a prouvé la justesse dc ses p}ér'isions. Actif, énergique,
avide clc savoir, lc peuple fruttc dcvait bicntÔt manifestcr toutes lcs
vertus qui font les grandes nations.
De bonne heurc, le clergc s'att'ache r prendre sur les rois barbares
un ascendant irulispertsable à la conservation de son influence
,rcligieuse et sociale. Il y Léussit sans trop de peitte, grârce à sott
instruction supér'ieure, gritce aussi à I'habileté consommée de sa
politique : tantôt il rnénage leur arnbition ct leurs passious, tantÔt il
y résistc à propos.
Au surplus, les principes d'humirnité, d'égalité et de liberté iutli-
vicluclle, chers aux populatious gelmaniques, s'accordent admila-
blcmeut, rlous l'ùt'orts établi, avec ceux du cltt'istianisme; une
ententc féconde et dumltle eutre lcs Francs c[ l'Église est dortc
possible : clle sc produiû.
Lc plenrier pas dans cette voie est I'alliance de Clovis et de sain[
.Remi, consacrée par lc baptrine cle Clovis et cle ses compagnons
d'rrmes. Cctte llliance a des suites irnnécliaûes tr'ès irnportantes,
des suites éloignées d'uue portée incalculable.
Gr'âcc à I'rppui prête aux Francs par le clergô catliolique, lir
Gaule tout entii'r'e tombe erttre leurs utaius; Dais, du rnôme coup,
l'Église ressaisit, toutc I'autolité qu'elle lvait perdue strr les popu-
lations du ccutr,; ct du niicli dc la Gaule depuis leur soumissiou aux
Burgondes et aux Visigoths, scctatettrs de I'i.rrianisme. Par la suite,
elle use de la gr ande influence c1u'elle exelce sur lcs chefs frtucs,
poul'sauler de la destruction dc nonibr:eux trésors liftéraires ou
altistiques. L'Église réussit aussi à maintcnir, au moins clans les
rilles du centro et du mitii de h Gaule, lcs lois ct l'admiuistration
TE}IPS HISTONIOUES. _ PÉRIODH !'N,\NQUU '148

ronairles, l'autorité ayant été naturellement abanclortrtée aux évèc1 ues


enbeaucoup d'endroits, après h chute clu pouvoir impérial romain.
Cependartt les grands principes chrétiens dc reloucemcnt et
d'austéritén de mansuétude et dc pardon, ne péuètreut qu'avec
beaucoup de lenteur dans I'esprit des Barbares. Les premiers irges
de la société nouvelle paraissent même inaugurer une ùre de mæurs
violentes, cruelles et inpures. Longtemps l'Église iloit faire aux
Francs les concessious que réclament la r'udcsse de leurs cotttumes
et h grossièreté cle leurs goûts. C'est qu'on ne tmnsforme pas en un
instant,, d'une façon pour ainsi dire radicale, Ie calactèrc et les
habitudes d'un peuple. Le temps seul, joint i\ uue action incessrute,
peut accomplir une telle æuvre.
L'astion de l'Église sur les idées des rois francs a des effets plus
prornpts clans I'ordrc politique que dirns I'ordre moral. Àu sout'enir
du pouvoir saus limite exerce par les césars, CIovis ef, ses successgurs
rêr'ent de rétablir à leur prolit le despol,isme intpérial.
0r, le clergé avait emprunté à I'empire sa hiérarcliie admirtistt'ltivel
il s'était rallié sans peine, disorts à\'ec enrpressemeut, au principe
rt'autorité absolue qui, de tradition claus I'empire, est aussi clans les
doctrines de l'Église.
Pour fortilier sa propre autolité et pour combattre efficacemeut
I'arianisme, Ie clergé a besoin clu secours du bras séculier et, il est
important pour lui de s'appuyer sur un pouvoir fort. Àussi encou'
rage-t-il dans lcurs aspirations autocratiques les rois francs, dort[ Ie
pouvoir se réduisait, ct'allord au commandemenl de I'armée. Ainsi,
I'entente de la royauté avec le clergé tcnd à favoriscr le déve'
loppement du pouvoir royal.
De leur côté, les nobles gallo-r'ornaitts ont été éler'és datts un
profond respect de I'autorite souvcraine. Traités avcc ruclesse et
mépris par les seigneurs frattcs, ils sortl heuteux, pour sc ntainteuir
sur le piecl d'égalité avec eux, dc se scrrer autout'dtt t'oi, dont la
cour, sous leur influence, se civilise.
La uoblesse gallo-romaine cottcourt donc. de concet't avec Ie
clergé, à étendre les prérogatives de la royauté.
Bientût, Ie système de l'électiou des rois est abalctonné; celui de
I'herédité pure et sirnple Ic remplace. La ro1'auté, en quelque sorle
démocratique Cle$ Francs, tencl même à se tlansformer, dans la
Neustrie, oûr les ilstitutiols romaines sont denreurées populaires,
0n une royauté autoritairc et absolue.
l0
V. trlirsuet - Histoire des Belses.
L46 rrrsrornp DES BELGES Er DE LEUn cIvtLISÀTtoN

Illais les grands d'origirc barbare, particulièrement nombreux en


Àustrasie, r'efuscnt de céder aux tendances nouvelles de leurs rois et
d'abdiquer, au proli[ ci'un souverain autocrate, la situation à peu près
indépendante que leur garantissent les traclitions germaniques. In
violent antlgonismc éclate entre les Austrasiens, défenseurs clu
plincipe aristocralique, lequel se confond, erl l'occurrence, avec celui
de la liberté indivicluelle, et les Neustriens, QUi soutiennertt le
pr"incipe 'nronarchique e[ t'evendiqueut pour leurs rois urte rtutorité
allsolue.
Cette rivalité slrnvenime par d'autres causes non moins gnves.
Les Aus[r'asiens reprochent non seuleuteut lux Neustrierts cle se
laisser domiuer par Ieurs rois, mais de s'effémiller au cortttcl de Ia
civilisation gallo-romaiue.
De leur côté, les Neustriens font un grief aux Àustrasieus de leuls
mæul's grossières et de leurs habitudes de sauvage iudépertdance
qu'ils tieurrent porrr opposécs à I'affermissernent de I'ordre social.
Sous ce rapport, la lutte de Ia Neustrie contre I'Austrasie peut passer'
pour eelle de la civilisation corttre la barbalie.
Ala faveur des querelles qui déchirent la famille royale et rfiiri-
blissent la rnonarclrie, les grartds seigneuls austrasiens I'emportcnt
enfin. Aussitôt,, ils s'ernpressel[ d'irnposer âux rois des maires élus,
qui exercent le pour oir au non de ces derniers.
La brillaute victoire reurportée par Charles lllartel à Poitiers, oir se
mesurent rleux races, deux philosophies, deux civilisatiorts, grlrtclit
I'autorité des mailes du palais de toute l'étendue de Ia reconnais.qance
des nations chrétienne,s.
L'avènement au tr'ône de son fils Pepin le Dref, qui substitue sir
propre autolité, plus forte, à I'autolité affailllie et méprisée des rois
ntérovingiens, peut douc ètre considéré conrme un llouvsau triomplre
tle l'Âustrasie sur la.Neustric, de I'alistocratie sur la monarchie et,
cn un certirin sens, dr, la liberté sul le despotisme, puisque les grands
vont vivre drisorniais daus une indépendance presque complète cle lir
royaLrté.
Comme on I'a dit, f irvènement de la dynastie nouvelle fut conrrne
une socolicle conquôte des Gaules par les Fmucs. C'est l'élértrcnt
gerrnain et balbale qrri I'ernpolte à nouveau slrf l'élémelt ronurin e[
civilisé. A la r'érité, la lutte eutre Ie principe de liberté et le plincipc
d'absolu[isme renait bientôt sous les rois de la cl5,nastie calolin-
gienne. Charlcmagne relève I'empir:e d'0ccident (S00) et cherche i
établir, par Ie despotisnrc, I'ordrc ct I'unitc dans ses Étirts. Il lcrrt
TEIIPS HIST0nIQUES.
- PÉRIODE l.ttÀN0UE l4-'
I'unité sociale à côté dc I'unité spilituelle, mais l'Église drns l'État,
uon l'État dans l'Église.
Cependant, les leudes, cn laissant renverser la dynastie mérovin-
gienne et cn contribuant à grandir les maires du paliris, avaient
surtout voulu se garantir une plus grande somme d'intlépertdance
vis-à-vis de la royauté. Ceux d'entre eux qui détertaient dcs oflices
ou des liefs s'rrutorisent de I'cxemple des uraires du paliris pour
transmettr'e héréditair"enent leurs fonctions et lcurs terrcs à lcurs
Iils. Et les maires du palais devenus rois, Cliarlemagrte comrlle
Pepin Ie Bref sont Ic plus souvent obligés de fermer les yeux sllr c€s
transmissions illégales, toléran[ ainsi ce qu'ils tt'osent empècher.
Semblable tolérance, sans consamer ellcol'e un droit, introrluit peu
à peu dans I'empire le principe de I'hérédité des fiefs et cles ofiiccs.
lllle prépare le capitulaire de Kiersy-sur-0isc (877) qui,, pt'oclirtnaut
I'inamovibilité des comtes et des autres agents du pouvoil cetttral
dilns les provinces e[ le droit des enfants :\ hériter des chiirges de
leurs pères, oonsacrela définitivement ce principe et ouvlila ofliciel-
lement l'ère de Ia féodalité.
Ainsi la disparition de I'empir:e de Charlemaglletnarque le trioruphe
définitif clu pouvoir alistocratique sur lc pouvoir tuouarcliique, du
priucipe cle lillcrté sur celui cle clespotisme, clu s1'stènre clc décentlrr-
lisation sur celui d'unité.
r48 IIIS1OINB DES BELGES ET DIi LEUN CIÏILISAI'ION

CHAPITRE V

Période féodale (843-{106).

Ouvnages à consulten:
lltarnkoenig : Histoire de la Flandre et tle ses institulions. Ketyn tle
Lettenhouc : Ilistoire de f'landre. - Hénaut : Hisloire du pays- de Liége. -
llrarnkoenig, tr.aduction tle Stanfslns Bormffits: Histoire deLiége. De Rei.[-
-
fenlterg : Histoire du Hainaut. - Borgnet : Histoire du comté de Namur. -
Ernst : Histoire du Limbourg. Bcctmi : Histoire de Ia villc d'Anvers.
- -
Henne et lYuuters : Histoire de la ville de Bruxelles. Stccher : Histoire tle
-
Pott'ïn: Nos Premiers Siècles litté-
Ia littéral,ure néerlandaise en Belgique.
raires.
-
Edmond Pimrd: Le Droit et la Race. l,ç1v1ll1svslle : Le Bon Yieux
Temlts.
- -

TITRE I
Géognaphie histonique.
De Charles le Chauve à Clnrles-Quint, la partie de la Belgique actuellc
située à gauche de I'Escaut relèvera de la Flance (sous le nom de Plandre).
Le reste, tprès avoir appartenu à Lothaire Ie. et à Lothaire II, lils et petit-tils de
Louis le Débonnaire, continuera, jusqu'en 9{9, à faire partie du royaume indé-
pendant de Lotharingie dont voici les limites approximatives : mer du Nord,
Escaut, Meuse supérieure, Saône, Rhône supérieur, Rhin. Tlansformé à cette
époque en duché, le royaume dc Lotharingie restera quelques années sous Ie
sceptr.e des rois de France. Ramené ensuite sous la suzeraineté de I'Allemagne
(925), le duché de Lotharingie sera subtlivisé (959) en Haute-Lotharingie ou
Lorraine et en Basse.Lotharing'ie ou Lothier, séparées par le Chiers et par la
l[oselle. Peu à peu se constitueront, dans la partie septentrionale tlu duché,
les principautés d'Anvers, de Braburt, de Limlrourg, tle Liége, de Hainaut, de
Luxemboulg, etc. Dn 4'106n Ia dignité ducale passera dans la maison de Lou-
vain; et en ,1155, le duclté de Lothier disparaissant, le titre de duc sera partagé
entre les comtes tle Louvain et de Limboulg. ( Yoir plus loin, en tête de
I'histoire de chaque principauté, un historique géographiclue plus détaillé.)
1'I]}IPS IIISTORIQUES. PI'RIODE FEODALE 't 49
-

TITRE II
Les faits.

Rois de France contemporains Em pereurs d'Al lemagne e0ntem p0rains

Caroltngiens Carolingiens

Charles lc Cliauvc -i 877 Louis le Germanique....... t 876


ll
Louis le tsègue t 87e Charles le Chauvc. ... t 877
Louis III t 8se Carloman. ....t 880
Louis de Saxe.. . ... . -i
Carlonran t B81r
Charles Ie Glos
882
0harles le Cros, déposé en. . . 887 t S87
Eudes . t 8e8 Aruould de Carinthie, .... , . -i 899
Charles le Sirnple, dépossétlé en 922 Louisl'Enfant.... ... -i 9.11

liobert. -i e23 Conrad 1cr, de franconie. . . . -i 919


Raoul . t 036 Ilaisort d,e Sare,
Louis d'0utremer.. . t 954
l'Oiseleur....,.., -i 93G
Lothaire t-i e86 Henli lcr,
Qltonlet,leGrand ...t 973
Louis le Fainéant. e87
Otton II. . . . .. -i 983
Olton III .. ... -f .t002
Cupltiens. l{enri II. ..... r ...., -i- 409rt

Hugues Capet. -i ee6


Xlutson de Franænte,

Roberl,le Sage -i {03{ Conratl II, Ie Salique ....... -1,1039


Henri I* -i{060 Henli III. .. .. t 4056
PhilippeIer.... T Henri IV ..... -i

- Aqui tlevait plus tard forrner la


0rigine de la féodalité. la suite du traité de Yerdun,
la partie du terlitoire belge
Flantlre appartint à Charles le Chauve et désormais dépentlit
de la Frauce. I,e reste tle la Belgique revint à Lothaire et fit
paftie du territoire c1ui, du norn de ce prince, prit plus tard
celui de Lotharingie ( I ).
Ponr se créer des paltisans, les successeurs de Charlemagne,

(l) n frmand, Lothuit'-rijck (r'oyauue de Lothaire); en latin, Lotlmrii


rctJnuut, rl'oir I'on a faiL Lothrtringie,
{50 HIsroInE DES BELGES ET DE LEUn cIYILISÀTIoN

constamrnent eu guerle entre eux, distribuent petit à petit en


béuéfices, sans réflexion et sans mesure, une graude partie
des tlomaines r6yaux. D'abord, ces bénéfices sont consentis
ù titre ltersynnel et tottt au plus uiager; mais, insensiblement,
les bénéficiers plennent I'habitude de transmettre leurs temes
à leurs enfrrnts. Par crainte de s'aliéner des sympathies dont ils
ont grlnd besoin, les princes carolingiens I'erment les yeux
rlr.rr I'irrégularité de ces faits et I'on en vient peu à peu à
considérer comlne un droit ce qui, en réalité, n'est qu'une
sirnple tolérance. De lenr côté, les comtes et les ducs, autrefois
sirnples gouverneurs des provinces, filissettt par considérer
celles-ci comme leur propriété et, eux aussi, s'arrogent le droit
tle transmettre leurs charges à leurs fils. L'autorité du Sgure-
rain péiriclite ainsi peu à peu dans totrte I'étendue de ses
États.
D'autre part, sous Lor-ris le Débonnaire et ses successellrs,
les assemblées nationales changent de caractère. Les glands
seigneurs setùs y participent etlcore et ils ùe s'y préoccupettt
que tle leurs intér'êts. Datts une de ces assemblées, tenue à
Kiers.v-sur-0ise, en 8?7, ils irnposent à Charles le Chauve le
capitulaile fameux qui légitime I'hérédité des ftefs eI des offi.ces
(charges et emplois). Ainsi des actes illégaux se trout'ent ett
quelque sor'te cottsacrés par le temps et par les mæurs ; ainsi
s'établit la féodalité.
Les Normands. Venus clu nord tle I'Europe, ainsi que
I'intlique leur nom, ces nouveaux Barbares sortent du Dane-
rnarck et tle la presqu'Île scandittave, d'oit les chassent le
nrarlque de lessources et I'appât du pillage. 0rr les voit, sur de
légèr'es embarcations, remonter le cours des fleuves de I'Eulope
occiùentale. Àprès avoir fait choix d'ttn lieu tle débarquement
favorable, ils tirent leurs barques sur la rive, puis les
disposent, en guise de rempart, autour de leur camp. Répaudus
ensuite aux alentouls, ils y promènent I'incendie et h
mort,
TEltps [rsrORrQUES. r)ÉnIoDE FÉODALE 151
-
après s'être approprié Ies objets de valeur susceptibles d'être
ernportés. Yilles, villages, fermes, tout est mis à sac et brtllé.
Puis, sans considération d'âge ni de sexe, ils égorgettt, noieut,
pendent tous les habitants du pâys qu'une prompte fuite ne
soustrait pas à leur furenr. Ils ne respectent que la rie des
plus riches, dont ils espèrent tirer une grosse rarlçon. Chargés
de butin, ils s'éloigneut alors pour rentrer dans leur patrie
oir ils étaleut, aux -veux de leurs cornpatriotes ébloriis, les
richesses dont ils se sout emparés. Aussi ne tartle-t-il pas à
se former tle nouvelles bautles, plus farouches, plus avicles,
s'il est possible, que leurs devancières.
Quatre-vingts atnées duraut, ces expéclitions redoutées se
reuonvellent sans trêve. Elles cessent par la force rnêtne des
choses, lorsque les Normands ne trouvent plus rien à r'avager
jusqu'â treirte ou quaraltte lieues des côtes.
I.,es Nonnands ne constituaient poilt une grande nation en
ilrmes rassernblée pout' envahir nos contrées. Ils formaient au
contraire des corps relativement peu nombreux combattant
prcsque toujours à piecl et à tlemi-nus, aYec des artnes dont
la trempe était inférieure à celle des Frattcs.
Quelles causes expliquent donc les trop faciles succès de
ces Sauvages envahisseurs ? D'abord, I'inclifférellce ou I'impré-
voyance de souverains égoÏstes qui, appelant presque tous les .
hommes valides à soutenit' leurs mesquines querelles, Iaissent
sans défense la plus grande partie du pa,vs. Aucune force at'mée
n'est préposée à la garde des cÔtes de I'empire. Naturellement,
I'audace et la rapacité des Normands croissent à raison tl'une
persistante impunité. Ensuite, considérés par leurs maitres
cOmme un lil bétâil, les habitants des campagnes nanquent
tl'entrain pour défeudle un sol et des lichesses dout ils n'out
ni la propriété ni la jouissance. D'ailleurs, ils ont désappris
I'usage tles armes rlont, par prudence, on leur a intertlit le
polt. Le peuple des rilles, traité arec aussi pett d'égards,
4,52 TIISToTRE DES BELGES ET DE LEUR clvrlrsAtroN

égaleneut tlépourvu d'armes, n'est pas mieux disposé. Tous, du


reste, ont perdu, avec leurs habitudes gLrerrièr'es, le courage
indispensable pour affronter le péril des combats. A la moindre
alerte, tont le monde se sâuye ou se cache : l'épouvante est
univelselle.
Les Normands trouvent dans I'ernpire d'0ccident, non tles
ennemis à vaincre, mais des victirnes r'ésignées au sacr:ifice.
Aucun danger lle lnetlace, auculle craiute n'anête les cnva-
hisseuls. Après le pillage de I'une ou I'autre localité, loiu
de se presset' pour rnettre leur butin hors de poursuite, il leur
arrive de se dispersel pour aller isolément chasser ell tles
canpagnes et des bois rernplis de fuyards : jarnais cenx-ci ne
songent à profiter, pour s'en défaire, de I'imprudeuce de leurs
térnérailes eunemis.
Les Normands rencontrent enfin un sérieux adversaire dans
la persollne d'Aruould, r'oi de Gerrnanie, dont les Belges
éperdus avaient sollicité le secours. Attaqués avec vigucur par
ce prince daus leur camp letranché de Louvain, les Barbares
éprouvent une sanglante défaite (892). Ils abandounent alors
sans retour le sol belge, au grantl soulagement des populations.
Mais telle avait été l'épouvante générale, que, plusieurs siècles
après, 0u répétait ercore cette prièr'e, intercalée dans les
litarries : Dela ru,ge des I{orntands, déIiurex-nou,s, Seigneu,r !

SECTION I

Gomté de Flandne (843-{{lt).

- La Flanrlre ou
Géographie historiquo, pa1Js dcs Flurnands comprenait
antrefois le I'Iempisque et la cité des Tournaisiens, c'est-à-rlire toute la tsel-
gique à gauche de l'[scaut. A partir rle Baudouin Bras de Fer, la Flandle
s'étendit jusqu'à la canche, petite rivièr.e du Pas-de-calais. La Flandre impé.
riale fut acquise en {007, en môme temps que Yalencicnnes, échangée au
xII. siècle contle le comté d'Eenham. L'annexion du pays tl'alost date de'1056.
TEIIPS HISTORIQUES. PI'RIODE FÉODÀLE {53
-
Cramntont fut b:itie en 1068, Ninove en {'19i. Termonde n'appartint au cornté
de Flandre.qu'en'1355,
RorALtr. [lle comprenait : {o Les
Divisions administratives.
- Fr,lnnnn
clttitellaùes de Gand, Bluges, Courtrai, Audenarde, Furnes, Ypres, Warne-
tou. go Lcs z,a.ges (circonscriptions administrées par des baillis polleurs
ti'une
- verge hlanche, s.vmbole de la justice) dc Del'nze, lllenin, Thielt, Harle-
beke et des treize villagcs. 3o La généralité tles futit paroisses, dépendante
-et située entre Tpres et Poperinghe'
de I'abbaye rle Saint-tsertin
Fl.,r,lionn upÉnrllu. Elle comprenait : {o Les pays de wacs, d'Àlost, de
- 9o Les ntétiers, au nombre dc quatre (ntétier ou
Terrnonde et tle ]lornhem.
-
oflicc ; en flamand, untbuclû) d'Axel, Hulst, Bouchoute et Assenede.
FltUtnn ALL6DIÀLE. Les terriloires de Grammont, de Bornltem, tle Ter-
- plr la Suite, poltèrent le nOm rJe Flantlre ullodiale
rrrOnde et de Ninove, acquis
prlrce que les comles de Flandre les possêdaient en frauc alleu'
0rr tlistingtrait aussi la llandre en Flandre fiatningante, oir I'on pallait le
pays de
flanrand et en Flandre çlalltcane (chàtellelies de Lille, Douai, Qrchies),
langue française.

origine du comté. Le traité de verdun (843) avait


-
attlibué :i Ch:rrles le Chauve la partie de la Belgique située à
I'ouest d'une limite lnat'quée par le cours de I'Escaut jusqn'à
Gancl et plolongée de là suivant la direction tle I'ancien lit du
ileuve({), où la fosse ottouienue (2) etle caual de Terneuzen ollt
été creusés depuis. cette région reçul le notn de Flaudre (3).
Baudouin BraS de Fer. - Le prerniel comte de Flandrefut un
gendre tlu roi Charles le Chruve, Ir6mmé Baudouin et surrommé
Brus cle Fer à cause cle la vigneur avec laquelle il comliattit les
lior.mands. II reçut de sou beau-père' avec le titre de cotnte,
le gouveruement de toute la cgntrée Située entre I'Escaut,
l'Qcéan et Ia Canche. Ce pays prit alors e[ conserva depuis le
nOln de Fianclre. Baudouin Bras de Fet' mourut en 878.

({) Dcs historiens admeltent que I'une des branches de I'Escaut inférieur
suivâit autrefoi's la tlirection du canal de Terneuzen'
(2) Ainsi nommée en mômoire tle l'empereur 0tton, qui.la fit, cretlser.
banni.
i3i fr;'T"ffi:i-i-'/l,;;;t;rài,, au saxin .fieatnilg gu't.signifie fuuitir,
L-'ii.iir;;i;i;.;;;i;;*e. doni'. le ré'tuge dei firsitifs .par.qe. qu'un grand
il;;;; tle Saxons, bannis cle leur pays, étraient venus s'y étrblir'
L54 irrsrornn DES BELGEs ET DE LEUn crvrlrsÀTroN

Arnould 1". Le petit-fils de Baudouin Bras de Fer,


Àrnoultl I", ose se mesurer avec I'empereur Otton le Grand,
qui, pour retenir sous son autolité le pays de waes et les îles
tle la Zélande, convoités par Arnould, bâtit un châreau fort en
fhee de Gand. À la nrême époque, le souverain allemand fait
cfeuser la fosse ottonienne. II veut pal là déterminer d'une
tirçon bien nette la ligne de sépalation des terres impériales de
celles d'Arnould.
Flandre royale et Flandre impériale.
- Cependanr, Ies vues
tles comtes tle Flandre sur les contrées situées à droite de
I'Escaut finissent par se réaliser. L'un des successeurs
tl'Arnoulcl, Baudouin IV, le Barbu, élaut iutervenu dans uue
lntte engagée entre divers préteudants à la dignité ducale, err
Lotharingie, occupe le château de Gand, le pavs de Waes, Ies
Quatre-Métiers, les îles de la Zélande (1) et la ville de yalen-
cieunes. En 1007, il les obtient définitivement de I'empereur
Henli lI, à titre de fief de I'Allemagne. cette acquisition est
ratifiée en 1057 par I'emperenr Henri IY, qui ajoute encore le
pays d'Alost aux territoires dont vient de s'agrandir le cornté de
Flandre. Les nouvelles possessions de Baudouin IV reçoivent
Ie nom de Flnnclre irnpériala ou tle Flanclre sous l'etnpire, pour
les distinguel de ses autres possessions connues depuis sous le
nom de Flanù,e royale ou de -Flandre sous la c0u1.0nne.
Première réunion de la Flandre et du Hainaut ({.067-10T{).

- une prernière réunion du Hainaut à la Flantlre se produit à


la suite du rnariage de Baudouin de Mons, petit-fits de Bau-
tlouiir le Barbu, avec Richilde, comtesse de Hainaut. Mais cette
rénnion, simple juxtaposition des deux plincipautés, n'aura
qu'une faible durée.
Charte de Grammont (,106S). à Baudoui' del[ons
-C'esr

. jl) ,!" Zélande passera plus tard à la maison t|avesnes, mais demeurera
inféodée à la Flandre.
TEIIPS HIS'TORIQUHS. _ PÉRIODE TÉODALE {55

(Bautlouin VI en Flandre, Bantlouin I" ett Hainaut) que la ville


de Grarnmont doit sa fondatiolr et sa célèbre charte.
Désileux de peupler certaittes terres de I'est de la Flanclre,
lestées jusqtr'alors tlésertes et iucultes, Baudouil de Mons,
<tornte tle Flandre et tle Haiuaut, achète tl'un seignetlr' nommê
Gérartl, la villa tlite de Gérardmont, située sttr I'emplacement
actuel de Grarnmont. Il I'entoure d'utte vaste ettceinte fortifiée
et, afïn de procurer cles habitants à la ville nouvelle, il lui tlonne
une charte dorit voici les plincipales dispositions :

{o La libelté intlivitluelle et le droit de propriété sont garantis


atrx habitants de Gt'amrront. lo Ils ont le droit d'achetet',
tle vendre, tl'hériter et de tester. 3" Ils sont iugés par un
tribunal des échevius, cottformérnent aux statuts Iocaux. 4o 0n
ne peut_les soumettre contre lenr gré aux épreuves judiciaires.
Ë" IIs ont la propriêté d'une forêt et la jouissance de prairies et
tle pâtures pour leur bétail.
I.,'octroi spontané de cette charte à une localité en formatiou
pfouïe Ia possession antérieure de privilèges analogues par les
habitants de localités plus ancienttes et plus importantes.
Baudouin VI réussit à organiser daus ses dellx comtés tule
police si active et si sévère, qu'au dire des-historiens on y put,
pendanl son règne, v6yager SanS armes et laisser ouvertes,
ia nuit, les portes des rnaisons sal)s crainclre rl'être dévalisé ou
rnaltraité. Malheureusement, son règne fut trèS court. Une
rnaladie de langueur I'emporta en {070, trois ans à peine après
la mort de son père.
Robert lu' le FrisOn. Sa veuve Richilile lui succède.
ùIais elle fait peser sur les Flamands un tel régime de cruau-
Îés et tl'exactions qu'ils appellent à leur secours Robert le
Flison, frêre de Baudouin cle Mons, Robert, ayant battu
Richiltle en plusieurs rencontres, la force à lui abandonner le
gorveruement de la Flantlre. En dépit de plusieurs tentatives à
main armée entreprises dans la strite par Baudouin, fils de
{ 56 [rslorng DEs BBLcES BT Dn LEUR crvtlrs.{t'r0N

Richilde, pour r'écupérer I'héritage entiel de son père, ce priuce


ne réussit point à rentrer en possession tle la Flandre, qui se
voit tle rlouveau, et pour plus d'uu siècle, séparée du Hainaut.
Robert ll, dit de férusalem ({093-{1{ l ), petit-fils de
Bautlouin Y la première cloisade, où il
de l-,,ille, prcnd palt à
se distingrre par ses exploits : on lui offre même la royauté
avanl cle la proposer à Godefroitl de Bouillon. Seul des
principaux chefs belges de I'expédition, il ramèrre ses compfl-
gnous d'armes dans leurs foyers. Les croisés bruxellois qui
I'accompagnent, arrivent à I'irnproviste le tg jauvicr t{00.
Leur vue iuopinée cause une joie facile li concevoir et, à cette
occasion, on institue une fôte annuelle, la Veillùe des Dames.
qui s'est perpétuée jusqu'à nos jours (1 ).

Tounnai.

Tournai, I'uue des deux seules villes qui existassent à


l'époque des Rornains dans les limites de la Belgique actuelle,
fut quelque temps la capitale des llraucs Saliens, sous Childéric,
père cle Clovis, et sous cc dernier jusqu'en 486. A ce titre,
orl â pu la considérer oomlne le berceau de la monarchie
française. Plus tard, elle fit paltie du royaume de\Childéric,
époux de Frédégonde. Ce prince, vaincu par son frère Sigeber.t,
y chercha rnéme un refuge nomentané. Tournai étâit alors le
sirnple chef-lieu du pagus moven de ce uom, subdivision dtr
grand pâgus de Ménrpie. Par la suite, elle par.aît avoir
rppartenu peudant quelque temps, tantôt à Ia Flandre, tnrtôt au
Hainaut qui se la disputaient.

(4) a Tousles ans, Ie{9 janvier, à dix heures du soir, Ia cloche de Saiute-
Gudule rappelle aux habitants lz l'ctllëe des Dames (Vrouwekensavoncl). Ce
soir.là, les femmes sont maitresses au )ogis; et jusqu'en ,tZ8{, le conseil de
justice du tsralrant prit vacance peudant l'après-dînée de ce jour. r ( Hru.rNs,
Ilistoire populaire de Ia Delgiçte, p. 93.)
TElrps HrsTORlQt'Es. PEITToDE l'it0D,\LE {57
-
, SBCTION II

Histoine de la Lothaningie (843-'1't55).

Royaume de Lotharingie (843-9{2). - A la suite de la


bataille tle Louvain, la Lothalingie forme quelque temps utt
royaume autonome sous le sceptre de Zrveutibold, fils naturel
d'Amoultl. Mais le règne de ce prince est agité par les fréquentes
révoltes des grantls, dont I'humeur fi'ondeuse ne supporte
qu'avec impatience le pouvoir royal. Espérant vivre plus libles
sous nrl souveraiu éloigné du pays, ils offr'ent la courottue de
Lotharingie au frère tle Zwentibold, à Louis I'Enfant, roi de
Germanie. Le malheureux Zrventibold essave de défendt'e ses
tlroits, mais il tforve la mort tlans un combat livré près de la
Meuse, en 900.
Duché de Lotharingie (912-959). Cependant Louis nreurt
-
peu après, en gll, sâns laisser cle postérité. Inspirés par
Régnier au Long Col, comte de Hainaut, le plus consitlérable
d'entre eux, les seigneurs lotharingiens passent voloutairemeut
sous la domination de la France. Youlant récompenser les
services de Régnier', Charles le Sirnple, roi de ce pays, le crée'
clttc ltértéfi,ciaire de Lotharingie (912 ).
Giselbert, fils du nouveau tlttc, lui succètle en 916. Tr'ès
iudépentlant tle caractère, il se révolte contre Charles Ie
Sirnple e[ r'eplace la Lotiraringie sous la suzet'aineté de I'Alle-
magne (925).
Duché de Basse-Lotharingie ou Lothier (959-{{55). En
-
I'au 959, uu tles Successeurs tle Giselbelt, saint Bt'un6n, arghe-
vêque de Cologle, voulalt faciliter I'adrninistratiol du pays,
partage la Lotharingie en tleux parties : la Haute et la Basse-
Lothalingie séparées Fâl'la Moselle. La Hrute-Lotharingie fut
constituée parles contrées qui devaient fot'mer plus tard I'Alsace
et la Lolraine (nom défïgnr'é tle Lotharingie). La Basse-Lolha-
{ 58 HrsrolRr DBS DELGES ET DE LEUIT ctvtLISAT[oN

ringie, plus counue sous le nom rle Lothier', comprit la Hollautle


tl'aujourd'hui, la province rhénane et toute Ia Belgique actuelle,
moius la Flandre à gauche de I'Escaut.
Bruxelles capitale du duché de Lothier. A la rnolt de
saint Brunon, Lothaire, roi de Ftatrce, tlispute à I'ernpereur
d'Allemagne Otton II ({ ) la possession de la Lotharirgie. Après
quelclues années de guerle, un accortl intervietit qui, laissant
Ia suzeraineté tle Ia Basse-Lotharingie à l'Àllemaglle, en attribue
le gouvernement à Charles tle France, ft'ère tlu roi. Ce priuce
fixe, le premier parmi les princes lotharingiens, sa résideuce ii
Bruxelles ( 976 ). Àussi est-ce de cette époque que tlal,e i'irnpor'-
tance prise par cette ville dont le rôle avait été jusqu'alorÀ assez
effacé. Charles s'y frit bâtir un palais dans un entlroit situé
entre les deux bras de la Senne.
({089-{{00).
Godefroid de Bouillon
seurs de Challes de France, il - Parrni les succes-
importe de signaler Ie célèbre
Gotleti'oid de Bouillou, héros de la première croisatle.
Neveu de Godefroid le Bossu, duc de Lothier, Godefroid tle
Bouillon n'avait prs hérité de tous les domaines de celui-ci,
rnais seulement des seigneuries de Bouillon et d'Anvers. Greice
à sa blavoure, il ne tarde pas à étendre les limites rle son
modeste patrirnoine. Dans la'çterelle cles Inuestitures (2), il
prend, contre le pape, le parti tle I'empereur, tue de sa propre
nain, à la bataille de Yolksheirn (1080), le cornpétiteur suscité
à Henri IV par le souverairt poutife, et, dans I'assant donné

( .l ) Bn 962, Otton 1er, roi de Germanie, s'étânt rentlu à Rome, s'y fait
couronner empereur. Cet exemple sela imité par ses successeurs penrlant cinq
cents âns(le dernier sacre auralieu en 4,&32). Mais même après et jusqu'a
Napoléon 1et', les rois de Germanie continueront à prendr.e le titr.e d'empereul
rlu ( saint-empile romain germanique r et leur hénitier. présomptif à r'ecevoir
celui de r roides Rontains >. Le lils de Napoléon Ier fut, encore roi tle Ilonrc.
(9) L'empereur Henri IY et le pape Grégoire VII voulaient également, attri-
huel les llefs ecclésiastiques (évôchés et abbayes) au spirituel et au tenporel.
0es prétentions inconciliables ftuent I'occasion d'une guerle rlui reçut lc nonr
tle querelle des Inuestitures,
TE}IPS HISTORIOUES. PERIODE TÉODÀLE 'I5O
-
par les troupes impériales à la ville de Rome, parvient le
premier sul les murs tle cette I'ille (1084). En récornpense de
ses services, I'empereur lui confère la dignité de duc de Lothier
(1089 ).
Dans son gouvernement, Godefroid déploie toutes les qualités
d'un ferme et sage administrateur. Mais liientôt la plernièr'e
croisade I'enlève à la Belgique.
Les croisa{gg. La race sémitique et la race aryenne, se
-
disputant I'empire du monde, avaient une pletnièr:e fois mesut'ér
leurs forces â Poitiers (l ). Les mahométans avaient été vaincus
par Charles-Martel et l'islamisme arrêté dans sa marclte ellva-
hissante. Par la suite, des querelles intestines, reiigieuses et
politiques, forcent les musultnans d'Asie à suspentlre leurs
attaques contre'I'ernpire romaiu tle Constantinople.
Les Arabes musulmans de la Terre saiute, dont la civili-
sation est fort avancée, tr:aitent d'ailleurs avec tolÔt'ance et
douceur les chrétiens d'Occideut, veuus en pèlerinage à Jeru-
salem. II en sera autrement Iorsque les Turcs seldjoucides, l'ace
farouche et fanatique, d'origine tartat'e, auront pris Jérusalem
et enlevé aux Arabes I'hégérnonie du monde musulmatt. A
partir de ce momeut, les pèlerins tl'Burope sont exposés, eu
Palestine, à toute espèce rl'affrouts et tle rexatiotts. D'un :tutrtr
côté, les Turcs reprennent la lutte coutre I'empire d'Orient avec
I'espoir de s'emparer bientôt de Constantinople. Plessés p:u'
le danger, les empereurs gl'ecs appellent à leul secoul's les
souverains d'Occident.
L'idée tle reconquérir sur les musulmaus la vilie sainte et le
tombeau du Christ fait tout à coup de graucls progr'ès etl

({) ta race sémitique comprend les peuples parlant ou dont lcs :tttcêtrcs ottt
parlé L'hëI,reu, l'et'abe,le phétticien, le chaltléen, le babylonictt eL l'étltiopiut ;
i'esprit de propagande de cette râce Se manifeste généralement sotrs la formc
du prophétisnte.La race arlJenna comprend lp,s peuples parlant ou lyant ltarlé
Ie scnscrrt, lepersort,legrec, le latin, l'ullentand, lc slot'e el le t'eltitluc. (Voir
Eo,ltotu PtcÀnl, le Droit et la liuce.)
{60 rrrsrornE DES nELGF,s ET DE LEUR cIyILIs.{'rI0N

0ccident. L,,es prétlications enflammees tle Pierre I'Ermite


achèvent de convainue les peuples chrétiens tle la nécessité tle
s'armer en vlre tl'atteintlre ce but. Dans le cours tl'un pèlelinage
aux saints lieux, Pierre I'Ermite, né, dit-ou, à Huy ({) ou à
Arnay, près tle Huy, avait été térnoin des mauvais traiternents
infligés aux chrétiens par les infidèles. À sou retour', il fait au
pape Urbain II unrécit pathétique tle ce qu'il a vu. Proforr-
dément impressionné, le souverain pontife convoque un coucile
à Clermont en Auvergne (1095). Dans uu disconrs émouvant,
il exholte ses auditeurs à prendre les armes pour chasser les
ntusulmans de Ia Teme saiute et les empècher tl'envahir
bieutôt I'Europe. Touchés pâr sa parole éloquente, les assistants
s'éc;r'ient d'[ne voix nnanime : rr Dieu le veut ! Dieu le veut ! l
et, sur-le-champ, promettent de partir pour les lieux saints. Par
la suite, comme signe tle leur engagement, ils adoptent une
croix d'étoffe cousue sur l'épaule ou sur la poitrine. De là le
norn de croistis qn'ou leur donne et celui rJe u'oisacles par lequel
on désigue les expéditions entreprises pour la délivrance du
saint sépulcre.
Dans I'entre-temps, Pierre I'Brmite parcourt I'Italie,la France,
laBelgique,l'Allernagne, engageant les seigneurs et Ie peuple à se
lendre err Teme sainte pour y châtier I'iusolence des Turcs et
leur reprendre Jérusalem. Monté sur un rnulet, Pierre voyage
d'une contrée àl'autre, snivi tl'une imrnense foule de peuple.
Les bras et les pieds nus, vêtu d'une simple tunique cle laiue,
un long mantelu jeté par-tlessus, il va, se noun'issant à peine
d'un peu cle poisson et tle viu. Le peuple le considère coï]nre
un saint. 0l I'eul,onre tl'tttte telle véuération qu'on se tlispute
pour toucher ses vêtements et qu'on arlache les poils de sQn
rnulet pour les faire selvir de reliques.

(A) 0n n'est pas d'accord sur le Ueu de naissance de Pierre I'Br.mite.


L'opinion des historierls ls.s plus sérieru semble toulefois pencher en faveur
d'Amiens.
TBlrps Hrsr0RrouEs.
-
pÉnr0DE F'ÉoDALE 1,81

Part prise par les Belges aux croisades. - Ses prédications


obtierurent uu incroyable succès. Répontlant à son appel, plus
rl'un rnillion de personnes, dont un grand nombre de femmes,
<l'enfants, de vieillards, quittent I'Eulope pour se reudre en
Àsie. Oul,re Godefroitl de Bouillon, principal chef de I'expédi-
tion, les comtes de Flandre (Ro}ert II, dit de Jérusalem) et de
Hrrinaut (Baudouin II ), la Belgique seule fournit à la première
croisade plus de cent mille soldats.
Causes des croi$ades Il faut voir, dans les croisades,
une manifestation en quelque sorte spontanée de I'esprit de
l'époque, :i la fois guelrier et fanatique, barbare et profonde-
ment religieux. Anacher le tombeau du Christ aux infidèles
n'est d'ailleurs pas le seul mobile qui inspire ces expéditions.
Les esprits éclairés veulent prévenir les desseins des Turcs en
portant chez enx la guerre qu'ils rnéditent contre I'Europe.
D'autre palt, la foi vive des peuples; la promesse, faite par le
pape, tl'accorder la liberté aux serfs et le pardon de leut's
péchés à tous les ooisés; I'esplit aventureux de la uoblesse,
séduite par I'idée de se créer au loin de riches et puissantes
principautés; la misère des populations rurales, muellement
opprimées par leurs seigueurs, et I'espoir de trouver sous
d'autres cieux une vie plus douce; enfiu, les intérêts com-
merciau:r des répul.rliques italiennes, Venise, Gênes, Pise et
autres, en quête de débouchés nouveaux pour les produits de
l'Occident: tels sont les principaux motifs de I'enthousiasme
avec lequel sont entreprises les premières croisades.
Prise de Jérusalem. Rassemblée au delà du Bosphore,
-
I'armée tles chrétiens compte environ 100.000 cavaliers et
600.000 fantassins. Elle met à peu près trois ans à franchir la
distance qui la sépare encore de Jérusalem et n'y parvient qu'au
prix tlc privations sans nombre, de mille fatigues et des plus
grands dangers. A ce moment, elle se trouve réduite au chiffre
total tle 50.000 hommes à peine.
Y. Itlirguet. - Histoire iles Belges. {l
162 HISToInE DES BETGES ET DE IEUR ctutlsÀTloN

Cependant, les moisés ne sont pas découragés. IIs entrepren-


nent aussitôt le siège de la ville sainte et I'enserreut si étroite-
ment qu'ils interrompent toute communication des habitants
avec le dehors. Longtemps, les Turcs résistent avec ult grantl
courage. Mais ayant fait construire une haute tour roulante à
plusieurs étages, Godefroid de Bouillon ordonne de la conduire
tout pr'ès des remparts et de la rernplir tle soldats. Ceux de
l'étage supérieur mettent alors Ie feu à des matelas de foin, ce
qui produit une fumée aveuglante. Poussée par le vent du côté
de Jérusalem, cette fumée oblige les mahométans d'abandonner
une partie des murailies, car ils ne peuvent plus ouvrir les yeux
ni respirer au rnilieu des noirs tourbillons qui les enveloppent.
Aussitôt, Ie duc fait abaisser $ur les remparts le pont-levis de la
tour et les croisés réussisseut ainsi à pénétrer dans Ia ville.
Les soldats chrétiens se répandeut alors tlans les rues,
massacr?nt tous ceux des habitants qu'ils peuvent atteiudre,
sans se préoccuper du sexe, de l'âge, ni même de la religion de
leurs victirnes. Àussi un grancl nombre de chrétiens de Jéru-
salern périssent-ils en cette terrible journée.
Chacun'des vainqueurs, entrant de force dans la maison qui
Iui convient, en passe au fil de l'épée les habitants : Ie père, la
mère, les enfants, les serviteurs; après quoi, il suspend
au-dessus de la porte d'entr'ée son bouclier ou toute autre de
ses armes, en signe que la maison est déjâ la propriété d'un
croisé. Un grand nombre de ces tlemeures étaient remplies d'or
et d'argent, de pierreries, de tneubles et de vêtements précieux,
de grains, de vins, tl'huile et de provisions tle toute espèce, en
sorte que ceux qui s'en étaieut emparés vécurent désormais dans
I'abondance.
Cependant, le duc Godefroid ne souille pas sa victoire de
telles cruautés. Déposant les armes aussitôt que la prise de la
ville lui parait bien assurée, il change de vêtements; puis, pieds
nus, il se rend à l'église du Saint-Sépulcre ({5 juillet l0gg).
?Enps HrsToRrouEs.
-
pÉRroDE FÉoDALE 163

Le royaume de férusalem. Peu après, Godefroid de


-
Bouillon, proclamé souverain de la Terre sainte, prend, non lc
titre de roi tle Jérusalem, mais celui d'auoué et défenseu,r dtt
saint sépulcre, rr Il
ne veut pas, dit-il, porter une couronne
tl'or dans ces lieux où le Sauveur des hommes en a porté une
d'épines.
I s'occupe ensuite d'organiser féodalement ses Etats.
L'ensemble des lois et règlements qu'il donne à son peuple est
connu dans I'histoire sous le nom d'Assises de Jë'rusalent'.
Godefroid de Bouillon est I'un des plus grands hommes dont
la Belgiqùe s'honore. Ce fut un prince juste, clément, affable.
Modéré dans les combats, jamais on lte le vit dêshonorer une
'victoire
pal le carnagede ses ennemis ou par le pillage de leurs
biens({). Le peuple et les soldats I'aimaient; les chevaliers
voyaient en lui leur modèle. Son désintéressement, sa prudettce,
sa parole éloquente lui donnaient une grande influence dans les
conseils. D'une intelligence politique remarquable, sut il
organiser solidement ses États de Jérusalem, lorsqu'il eut été
nommé souverain de la Palestine.
Origine des grands fiefs de la Belgique. Àpres la mort de
-
Godefroid de Bouillon, arrivée en {100, le duché de Lothier
fut donué par I'empereur llenri IV à Henri Iu", comte de
Limboulg. Le fïls de I'etnpereur s'étant révoltê contre son
père, le duc, Henri prend la défeuse de son bienfaiteur.
Malheureusement, le sort des armes est défavorable à ce der-
nier et Henli voit le nouvel empereur attribuer son tluché à
Gotlefroid le Barbrr, comte de LouvaiD, ell 1106. Une longue
lutte éclate alors entre les deux princes et se contiuue etitre
leurs successeurs. A la fin, après plus d'un demi-siècle de
guerres, un accortl intervient qui réconcilie les deux farnilles

(l) Guillaume rle Tyr ne lui attribue pas, cependant, lors de la prise de
Jéruialern, un rôle différent de celui des autres croisés.
L64 HrsrorRn DEs BELGES ET DE IEUR cruLIsÀTIoN

rivales. Gotlefroid III, petit-fïls de Godefroid le Barbu, d'une part,


Henri II de Limbourg de I'autre, conviennent de conserver Ie
titre de duc chacuu dans ses États persounels et de se parta-
ger les droits afférents à ce titre sur les diverses principautés
qui se sont peu à peu formées dans le duché de Lothier
(1r55 ).
Cet arrangement consomme la ruine du grand fief qui avait
longtemps tenu réunies, sous uu mème grand feudataire, les
populations de la Belgique orientale. Ainsi disparaît le titre de
duc de Lothier (1155)..
Mais le titrede duc n'ajoute rien à I'autorité iles deux
dynastes. Les prétentions qu'ils font valoir sur les parties
méridionales de I'ancien duché sont repoussées avec énergie
par Henri I'Aveugle, comte de Namur et tle Luxembourg, et
par Bautlouin le Courageux, comte tle Hainaut. Gotlefroid III
est battu à Carnières, eu '1.1,70, et Henri de Limbourg perd, en
l'/.,7'1,, la bataille d'Arlon. Le territoire lothalingien se réduit
donc, à partir de ce momenl, aux quatre quartiels de Louvain,
de Bruxelles, d'Anvers et de Bois-le-Duc, c'est-à-dire aa duclrc
de Brabant, nom qu'il prend tlésormais.
Passons rapidement en levue la formatiou des tlivers autres
grancls Iiefs krtharinglens. (Yoir aussi plus loin fnstitutiorts
politiques.)

Liste chronologique des rois, puie des ducs de Lotharingie


et des ducs de Lothler.

Roh de Lotharingie. Ducs bénéficiairet de Lotharîngie.

Lothaire ler.... t 855 Regnier au Long Col ....... t 9r6


Lothaire II .... t 86e Giselbert. ....t 939
Louis le Germanique f 876 Ottorf. ...... -f g4{
et Charles le Chauve ..... t 877 Conrad de Franconie... . ... f 955
Louis de Saxe. . f 88s $aint Brunon .... . .. t 963
TEIIPS HISTORIOUES. PÉnroDE FÉoDALE {65
Rois de Lothafingte (Suite). Ducs de Lothier.

Charles le Gros -i-


I 888 Godefroidlor.... .... f 946
I
Zwentibold I 900 GodefroidII.... ....t 911
Louisl'Enfant... I 9rl Charles de France :.... .... t {00{
tharles le Simple. I 929 Otton de France .. . . t .1005
Godefroidd'[enham. . t,t023
Gothelon le Grand ... t .1044
Godefroid IY, dépouillé en. . . ,1048
Frédéric de Luxembourg. .. . t {065
Godefroid IY revient . t ,1070
GodefroidleBossu. .. +,t0?6
Conrad II, dépouillé en .. ... {089
Godefroid de Bouillon ,1t00
Henri Ier de Limbourg, dé-
pouillé en {{06 en faveur
de Godefroid le Barbu, comte
de Louvain.

Gomté de Llmboung.
Géographie historique. Les bornes de I'ancienne principauté de Limbourg
-
élaient: au nord, la seigneurie de Rolduc (aujourd'hui teiritoire prussien);
à I'est, le duché de Juliers (id.); au sud, les principautés de Liége et de
Luxembourg ; à I'ouest, celle de Liége.
Le comté, puis duché de Limbourg, compreneit deur villes, deux pays et
quarante-trois villages répartis en des territoires nommés àans ou seigncuries.
l'illes : Limbourg et Herve. Pays r Hodimont et Eupen. Bans.. Baeten,
- -
Walhorn, Montzen, Herve et quartier (ban) wallon,-Setgncrn,ies: Sprimont,
Esneux, Baugnée, la Rimière, La Chapelle, Taviers, Villers-aux-Tours.
Les ducs de Limbourg possédaient en outre, à titre personnel, le comté de
Daelhem et Ies seigneuries de .lflontjoie, Rolduc et Fauquemont. Le comté de
Daelhem renfermait les bans de Cheratte et d'Aubel.
0n voit que presque tout le terril,oire de I'ancien duché de Limbourg était
compris dans celui de la province de Liége actuelle.

0rigine et premiers comtes.


- Le comté de Limbourg -
duché à partir de l{55 -- fut ainsi appelé du château de ce
nom bâti, vers le milieu du xr" siècle, sur la rive gauche de la
Yesdre, pil un certain 'Waleran, gendre de Frédéric de
Luxembourg, duc de Basse-Lotharingie. Celui-ci donna en
166 HrsroIRE DEs BELcES ET DE LEUR cIvILISATIoN

fief, au mari de sa fille, le pays environnant. Ce fut le comté tle


Limbourg. Henri I", Iils de Waleran, cotttribue avec Henri de
Verdun, évêque de Liége, à I'institution du Tribunal de Paix.
En {,{00, I'empereur Henri IY le désigne pour remplacer Gode-
froid de Bouillou en qualité de duc de Lothariugie. Plus tard,
Henri soutient son suzeraiu dans la lutte de celui-ci contre son
{ils, et à cette occasiou, pertl son duché ({{06) qui est donné
à Godefroid le Barbu, comte de Louvain. Nous ayons vu
comment s'apaisa, eu l{55, la querelle née, pour ce motif,
entre les deux prittces rivaux et contiuuée entre leurs suc-
cesseurs.

Gomté de Halnaut ( ? -'l,l,t 4l.

Géographle hlslorique. * Bot'nes du Hahtaut ancien.'au nord, le Brabant


et,la Flandrel à I'ouest, la Flandre; âu sud, laFrance; à I'estr le Luxembourg,
le Namurois et la principauté de Liége.
llainaut comprenait: a) le Hainaut proprement dit (Itons,
RÉcroxs.
- Le
Binche, Bavai, Iïfaubeuge); û) le Cambrésis; c) la Fagne, âyec Àresnes;
d) le pays de Sambre.
Drvmous ÀDùtINIsrRÀTrvBs. 0n distinguait en Hainaut des prévôtés, des
-
bailliages et des chàtellenies. Les prévôtés étaient celles de Mons, Binche,
Beaumont et Chimay dont le telritoire est encore actuellement belge avec
- -
celles du Quesnoy, d'Àvesnes, de ntaubeuge, qui nous furent depuis enlevées
par les rois de France.
- Les bailliages avaient pour chefs-lieux : Enghien,
Lessines et Ræulx. Il y avait quatre châtellenies, celles tle Yalenciennes,
-
Àth, Braine-le-Comte et Bouchain. La chàtellenie rle Bouchain comprenait le
château de Douai (non la ville) et Denain.
Hal, enclavé dans le Brabant, était une propriété allodiale des comtes de
Hainaut.

0rigine.
- Ce comté tira son nom de celui d'une petite
rivière, affluent de I'Escaut, appelée la Haine. Sou premier
comte, Régnier au Long Col, créé duc de Lotharingie par Charles
le Simple en g/1,2, s'illustre par le courage avec leqrlel il
combat le célèbre Rollon, chef d'une tr.oupe de Normands. Fait
prisonnier au cours de cette lutte, il est racheté par les soins
TEMPS HrST0nrQUES. pÉRr0DE FÉoDALE t67
-
de sa femme Albrade. L,a rançon à payer s'élève à uue somme
énorme. Pour la réunir, cette généreu$e épouse sacrifie jusqu'à
ses bijoux.
Première réunion du Hainaut à la Flandre. première
- Uue
fois, le Hainaut est réuni à la Flandre, de 1067 à {071, $ons
Baudouin de Mous, comte de Flandre, époux de la comtesse
Richilde de Hainaut; mais âucune vue politique ne préside à
cette alliauce dont le seul mobile est I'ambition des contractants.
D'ailleurs, la réunion u'a pâs de lendemain, Ia séparation
s'étant faite aussitôt après la mort de Baudouin de iVfons,
eu {071.
Baudouin II, fils de Baudouin de Mons et de Richiltle, I'un
tles trois princes belges qui prennent part à la prernière
croisade, périt obscurément en Telre sainte ({098).
0n doit à Baudouin III, successeur tle Baudouin de Jéru-
salem, la célèbre charte connue sous le nom de pa'iu de Valen-
ciennes, qui était à la fois un cotle civil, un cotle crirninel et
un code de procédure (1 1,1,4). Il sela reparlé de cette charte
à Ia période commuuale.

Comté de Namun (908-{139).

Gdographle historique. Bomes.' au nord, le Brabant; à I'ouest, le llainaut


-
et la principauté deLiége; au sud et à I'est, Ia principauté de Liége.
Dn'rsrolrs aDnrNrsrnÀTrvns.
-Le comté se subdivisaif en: {o deux mairies:
Namur et Feix; 2o six bailliages : lVasseiges, Samson, Bouvignes, Montaigle,
Fleurus et Vieutille ; 3o une prévôté : Poilvache. Les mairies, bailliages et
prévôtés comprenaient chacun un certain nombre de villages. Le plus grand
district était cetui de Bouvignes avec 64 villages ; le plus petit, celui de
Illontaigle dont relevaient seulement six villages. Andenne faisait aussi partie
du comté de Namur. La seigneurie de Walcourt fut acquise en {363. Mariem-
bourg, bàti en {5t9 par Charles-Quint, sur un terrain vendu par I'abbaye de
Floleffe; Charleroi, auparavant Charnoi, acquis de l'évêque de Liége en
4,186 et fortilié par Charles II; lVaulsolt, enfin Philippeville, précédemment
Colbigny, également bâti en teme liégeoise vers 1550, par Charles-Quint,
appartinrent aussi au comté de Namur.
{68 ursrornn DES BELcES ET DE LEUR clvrlrsÀTroN

0rigine. Le comté de Namur, primitivement appelé le


-
pagus ou comté de Lornme, pertl ce nom à la fin du rx'siècle.
L'histoire de la principauté ne relate, en sa première période
surtout, aucun fait palticulièrement remarquable. Disons
seulement que le comte Albert III contribue, avec Henri de
Verdun, à I'institution du Tribunal de Paix, en 1089. (Yoir
principauté de Liége.)

Comté de Luxemboung (? - 1136 ).

Géographie hlelorique,
- Boïnes: les bornes du Luxembourg ancien élaient:
âu nord, les principautés de Liége et, de Limbourg; à I'ouest, celle. de Liége ;
à I'est, I'électorat de Trèves; eu sud, Ia France.
RÉctoris. Le Luxembourg ancien se subdivisait en quatre régions princi-
-
pales: 4o l'At'dewte; localités principales: Luxembour.g et Àrlon. go lr
Mosellane; localités principales : Thionville et Remich.
-
30 le pays de tfloi-
rrre ,' localilés principales : Longrvy et Montmédy.
-
40 le pays de Biedltou'g ;
localités principales : Echternach et 0rval.
-
Cette principauté était, comme on le voit, beaucoup plus étendue que la pro-
vince actuelle du même nom.
Drvrsrons ADilINIsrRArrvEs. Les subdivisions administratives de Ia princi-
-
pauté étaient les suivantes. Conttës ; Àgimont, Rochefort, La Tour, Salm.
Prëuôtés.' Arlon, Bastogne, Durbuy, Etalle, La Roche, IlIarche, 0rchimont,
-
Saint-ùlarc, Yirton. Seigneu'ics.. Houffalize, Neufchâteau, etc. Îsyyss
- -
Jranches.' Bertrix, Masbourg, Nassogne, etc. possession de Saint-llubert
- La
était disputée au Luxembourg par le Brabant, les princes-évèques de Liége et Ia
France. Quant à la ville, elle se prétendait indépendante.

0rigine de la principauté.
- Yers 963, Sigefroid, seigneur
d'une glantle partie tlu pays correspotldant au Luxembourg
âctuel, âcheta, de I'abbaye Saint-Maximiu à Trèves; un château
fort bâti sur I'Alzette, le restâura, I'agrantlit. Dans le voisinage,
s'élevèrent bientôt des habitations nombreuses : ce fut la ville
de Luxembourg, qui donna son nom aux possessions de
Sigefroid.
De même que les comtes de Namur, les comtes de Luxem-
bourg ne jouent qu'rll rôle sans importance jusqu'au règue de
Henri I'Aveugle.
TErrps HrsToRIouES. pÉRroDE FÉODALE {69
-
Pninclpauté de Llége (698-{09{).

- Bornes.' au nord, le Brabant et la Gueldre; à


Géographie historique.
I'est, la Gueldre, Ie Limbourg, le duché de Juliers et le Luxembourg I au sud,
le Luxembourget la France; à I'ouest, le Hainaut, le Namuroiset le Brabant.

- l.a principauté comprenair diæ quartiere, dont


Drvtsrolts ÀDlrrNrsrnÀTtvEs.
voici les plus connus : {o La llesbaye. Yitles principales : Liége, Tongres,
Saint-Trond, Waremme, Huy (en partie). Condroz. Yilles principales :
Dinant, Huy (en parl,ie), Rochefort, Ciney.
- 20 Le Le conûe de f,ooz (Limbourg
So
-
actuel). Localités principales : Hasselt, Maeseyck, Bilsen, Beeringen, Looz,
Hornes, Brée, Peer, Maestricht (ouest).
- 40 Le
nrcu'quisat de Franchinrcnt.
Localités principales : Verviers, Franchimont, Spa, Theux, Visé, Robermont

- 50 I-]Erttre-Satnbre-et-i[euse. Localités principales : Couvin"


(abbaye).
Fosses, Fumay, Thuin, Florennes et Revin; Lobbes et Àulne (abbayes).
En outre, les évèques de liége élevaient des prétentions sur Malines, sur
Gembloux et sur les abbayes de Saint-Hubert et de }Ialonne.
Suvnlor-lU.Lr,uÉnr forma jusqu'à la tn du siècle dernier une principauté
ecclésiastique indépendante.

0rigine et premiers développements.


rien Hénaux, la ville de
- Àu dire de l'histo-
L,iége tirerait son origine d'un fort.
construit pâr les Romains près tle la Meuse, à proximité d'une
bourgade alors déjà assez importante et peuplée d'indigènes.
Un pont, jeté sur le fleuve, mettait en communication les deux
rives.
L'an l4 de l'ère chrétienne, une colonie romaine serait venue
s'établil en cette bourgade : peu âprès, 0ll aurait enceint de
murs la ville naissante et on I'aurait dotée d'une organisation
muDicipale.
Saint Monulphe(l), passant par Liége vers 560, en trouve le
séjour agréable et y
bâtit une chapelle. Saint Lambert, évêque
de Tongres, y est assassiné en 698; et son successeur, saint
Hubert, truusformant en basilique I'oratoile où I'assassinat a eu
lieu, transfêreà Liége (9) le siège de l'évêché.

({) Né à Dinant; I'un des apôtres de la Hesbaye.


(9) tes évêques de longres résidaient auparavant à Maestricltt, qui était
une ville forte,
170 nrsrorRn DEs BELcEs ET DE LEUR clvrllsarloN

Challernagne fait de Liége une ville libre, en 795. A cette


occasion, il
donne au tribunal des échevins de la cité un éten-
dard rouge, signe de haute justice. C'est ce drapeau qu'on
nomma depuis l'étentlard de Saint-Lambert, parce qu'ou le
gardait en l'église cathédrale de ce nom. Au rxu siècle, la ville
est dévastée par les Normands et, de longtemps, ne se relève
pas de ce désastre.
Notger (972-1008). 0n considère ce prince énelgique
-
comme le véritable fondateur de la principauté de Liége.
Après avoir tlétruit le bligandage qui sévissait en ses États, il y
introduit le règne des lois et celui de la justice.
La ville de Liége commence alors à jouir d'une certaine
prospérité. Notger en rebâtit les muls et fait reconstruire sur
un plus vaste plan l'église de Saiut-Lambert, détruite par les
Normands. On lui doit aussi l'étlification des églises de Sainte-
Croix et de Saint-Denis. De plus, Notger, lui-même rempli de
savoil et célèbre par son éloquence, protège les lettres et les
sciences. Sous son administration, les écoles de Liége devien-
nent célèbres.
D'un tempérament dominateur, Notger ue se montre point,
semble-t-il, plus scrupuleux que ses contemporains dtus le
choix des procédés par lesquels il fortifie son autorité. Il
parait que des diplôrnes impériaux I'avaient nommé justicier
tlans les villes de Maestriclrt, Yisé, Hoy, Dinant, Thuin,
Fosses, Gernbloux, Tongres, Maliues, etc. avec mission d'en
commandel les milices et d'v percevoir les droits fiscaux. Mais
la même autolité ne lui avait pas été attribuée sur Liége, oùr elle
était exercée par un comte qui habitait le château de Chèvre-
rnont et pâr un vicomte établi à Liége. Yels g8T, Notger
pénètre dans cette ville à la tête d'uue troupe de gens armés,
bat les hommes d'armes du vicomte et met le feu à sa demeure,
qur I'ernplacement de laquelle il bâtit le monastère de sainte-
Croix.
TEMpS rilSToRr0UES. pÉRrODE FÉODÂLE l7l'
-
Vodant de même se débarrasser du comte â qui appartient
le commandement militaire du territoire de Liége, il se sert
tl'une ruse pour introduire dans la place de Chèvremont, or) ce
seigneur réside, une nombreuse troupe de soldats. Idriel
c'était Ie nom du comte, - persounage de haute extractiou,
avait demandé à l'évêque de venir baptiser un fils qui lui était
né. Notger y consent, et, au jour fixé, se dirige vers Chèvre-
mont âccompâgné d'un long cortège de gens d'église. Sa suite
compt'end plus de six cents personnes dont les capuchons, les
surplis, les chasubles, cachent des casques et descuirasses, des
haches d'armes et des épées.
À peine entrés dans la place, les prétendus clercs, stlr un
signe de Notger, jettent leurs flambeaux à la tête d'Idriel et de
ses hommes d'armes, puis ils les chargent avec impétuosité.
Surpris pal cette attaque soutlaine, Idriel et ses compagnons
se tléfendent mal. En moius d'uue heure, ils sont exterminés
jusqu'an dernier. Le château est rasé et, sur sou emplacement,
,.rn bâtit une église (l).
Administration de la principauté,
Dans les premiers
-
temps, le chapitre des chanoines de I'église cathédrale de Saint-
Lambert jouissait tl'utte grande autorité. Il élisait l'évêque,
atlministrait la principauté en son absence et en cas d'inter-
règne.
Plusieurs grands vassaux, portant le titre d'artoués, étaient
chargés de défendre les droits du prince-évêque. Tous les ans,le
chapitr:e et les avoués se réunissaient en synode sous la prési-
! dence de I'évêque, pour aviser aux mesures à prentlre dans
: I'intêrêt général. L'élection du prince par le chapih'e était
l

soumise à la ratification tle I'empereur et à I'approbatiott du chef


t
I
suprême de l'Église. L'évêque devait à I'empereur I'hommage et

({) ce stratagème aurait êlé attribué erronément à Nolger par une


légende inventée trois siècles après sa mort.
I72 HISToTnE DEs BELGES ET DE LEUn crvrlrsATroN

le service militaire. Il reconnaissait sa juridiction. Un lieu féodal


I'unissait douc à I'ernpire comme iI était lui-même lié avec les
bonues villes (l).
Organisation des bonnes villes. A côté du chapitre, il
-
existe à Liège, de ternps immémorial, un tribmml des echeuins,
dont les membres, au nombre de 4,4, se recrutent eux-mêmes
parmi les premiers citai,ns, c'est-à-dire, panni les bourgeois les
plus importants. Ce collège administre la cité et rend la justice.
Pour présitler le tribunal des échevins, le prince délègue un
représentaut, Ie ntaîeu,r (2).
L'organisation intérieure des autres bonnes ui,lles est à peu
près la mème que celle de Liége.
Gharte de Huy. Vers 1060, le prince-évêque Théoduin,
-
occupé à reconstruire l'église Notre-Dame à Huy, se trouve
manquer d'argent pour continuer les travaux. Moyennant
I'octroi d'une charte, Ies Hutois consentent à lui pl'ocurer
l'argent nécessaire pour termitter son entreprise, donnant
d'abortl le tiers, puis la moitié tle leur avoir mobilier.
Voici quelques articles de cette charte, la plus ancienne de
celles dont, eu Belgique, le texte soit parvenu jusqu'à nous :
{o Les Hutois sont jugés par le tlibunal du lieu oir ont été
commis les délits dont ils sont accusés. 2o lls n'entrent en caln-
pâgne, poul le service de I'évêc1ue, que huit jours après les
Liegeois. 3o Ils peuvent ernployer Jeurs revenus à assurer
leur sécurité. 4" IIs gardent eux-mêmes leur citatlelle en cas de
vacance du siège épiscopal. 5o L'évêque qui enfreint leur
charte est déchu de ses droits sur la ville.
Tribunal de Paix. Yet's {080, l'évèque Henri de Yerdun,
-
de coucert avec les seigneurs laïques et ecclésiastiques de Ia
Basse-Lotharingie, proclame la trêve tle Dieu (3) dans toute

(4) Bonne, synonyme de lmpaftonte; aussi de rcspectable, noble.


(2) Du latin major, supérieur.
(3) Yoir plus loin z Instîttttions iudiciaires,
TEtrfps HrsroRlouEs. pÉ1nr0DD r.'rlODALE l7g
-
l'étentlue de ce grand fief. Pour la faile respecter, il institue à
Liége une cour de justice, dite Triltruml de Pair, composée des
principaux seigueurs lotharingiens. Cette cour a pour mission de
juger les tlifférends qui s'élèvent entre les seigneurs féodaux du
diocèse. 0n espère diminuer ainsi le nombre et I'horreur des
guen'es civiles, si nuisibles à la prospérité publique. L'institu-
tion, en principe excellente, ploduit malheureusement peu de
fluits.
TITRE III
Aspect de la contnée, pnopniété fonciène,
campagnes, villes.
Aspect de la contr6e. Après la mort de tharlcmagne, Ics guerres
-
civiles et les invasions prolongées des fiormands décimcnt et ruinent,
les populations. Par suite, l'étendue des terres cultivées se réduit
considérablement. D'autre part, les travaux de ciéfrichement,
entrepris ayec un zèle si louable par les monastères à l'époque
mérovingienne, avaient depuis lougtemps cessé d'ètre poursuivis
avec la même activité. Tirndis quc les moines, devcnus riches,
s'amollissent dans I'abonrlance facile et tranquille des cloitres,
leurs serfs, abandonnés à eux-mÊrmes et exposés aux attaques
continuelles des Normands, ne se livrent plus qu'avec indolence et
sans méthode aux travaux agricoles. Aussi les marais et les bois
reparaisscnt-ils bientô[ surtous les points du pa.r's. G\
Toutefois, Iorsque les populations furale$ cessettt d'ôtre inquié- 24u"ltaXtax<n't
tées, elles se remettent courageusement à travailler la terre et peu
ù peu une étendue importante de bois et de terrains vrgues fait dc
nouveau place à des champs d'une rcmarquable fécondité ( { ).
Propriété foncière. Au commertcement du x' siècle, les petits
à peu près
-disparu. Impuissants à se défendre contre.d"t
tl&gx.on! i:n:r#:tP,f
'' 'r
attaqucs de sources diverses, leurs propriétaires se sont vus obligés
de les céder, par voie de qrtl_c_arie ou de recommattdatiott, aux
abbayes ou aux grands alleutiers, dans I'espoir de trouver en eux
des protecteurs. Il n'existe plus guère que de grandes proprié,\és
allodialas, des bénéfices e[ des tenu,res.

({) Scttltes, La l]elgique auent et pendant la dontination romaine,


tome II, page 417.
1,14 ursrornn DES BELcES BT DE LEUR crvltrsÀTloN

En général, les grandes terres allodiales se divisent : {.o en terres


dt domaine ot nmnoir, occupées par le seigneur lui-même; 9o en
terres def,efs oulténéft.cæ, détenues par des nobles de second rang,
vassauxdes grands alleutiers; 3o en simples tenures, terres cultivées
parles colons ou les serfs, et, dihes colonies ou censiues(l.). Toute
terre est alleu, fief ou censiae (2 )suivant la qualité de sou détenteur.
Toutes sont héréditaires, mais seule la terue d'alleu peut se partager
entre les enfants de I'alleu[ier; la censive et le fief sont indivisibles,
au moins vis-à-vis du propriétaire de I'alleu dont ils font partie.
Personne, toutefois, n'est le maître absolu d'une terre, ni Ie
suzerain ni le vassal, ni I'alleutier ni le serf : Ie droit de propriété
se partage cntre tous. Les droits du serf sur la terre qu'il occupe et
exploite sont à coup sûr fort restreirtts, mais ils existent.
Remarquons encore qu'en cas de vente ou de cession d'une terre
allodiale, féodale ou censive, le principal propriéfaire n'aban-
- -
donne pas seulement la propriété du fonds, comme c'était I'usage à
epoque gallo-romainc et comme on fait aujourd'hui, mais aussi
tout ce qu'elle porte et nourrit, les bèteset les gens, Ies villes, les
villages et les camPagnes.
L'uue des conséquences des croisades sera de réduire considéra-
blement l'éterrdue des terres possédées par Ies barons féodaux.
Pour se procurer I'argent nécessaire à leur entreprise, un grand
nombre vendent ou engagent, souvent à vil prix, celles qu'ils pos-
sèdent aux bourgeois des villes, mais surtout aux abbayes et au
clergé, dont les richesses s'accroissent par cette voie d'une façon
prodigieuse (3).
Les campagnes. tonditions d'exploitation des lerrsr. A la suite
-
des invasions normandes, les populations ruraleg descendent à urr
degré d'inexprimable misère. Un certain nombre de grands seigneurs
s'efforcent de porter remède a cette triste situation; ils offrent des
terues, moyennant une légère redevance, à quiconque en vcut culti-
ver, promettant à leurs fermiers cle les protéger contre toute attaque
éventtrelle. Les clauses d'uu tel contrat étaient just,es et raison-

(4) Alleu, fie.f, tenw'e ou ceflstl,e exprimeient les titres différents des
alleutiers, des possesseurs de simples fiefs, dæ colorrs ou des selfs, sur la
propriété foncière.
(9 ) À raison de la redevance due par le détenteur de la tenure. De là le
Ierme censter (fermier ) et ccnse (ferme), encore usités.
(3) Bn.urs, Essai sur les clusæs rurales, page 67.
TEMPS HISTORIOUES. _ PÉRIODE FÉODÂLE 17S

nables. Àussi les campaguards aecueillent-ils avec joie ces avances.


Mais comme I'argent est fort rare i\ cette époque, on convient que
les fermiers s'acquitteront de leur redevance en abandonnant à leurs
mrîtres une partie des produits de leur culture et en s'astreignant
à quelques services personnels ou con'ées ( | ). Grâce à ces condi-
tions nouvelles faites aux lrabitants des campagnes, I'agriculture
replend vigueut el, réalise promptement de nouYeaux et sensibles
progrès.
Un autre mode de convention intervient quelquefois entre les
cultivateurs libres et les grands propriétaires. Les domaines de
ceux-ci renfermaient généralemeut beaueoup de terres vagues. Les
seigneurs concèdent des palties plus ou moins étertdues de ces
dcrnières, à perpétuité et sous forme d'ucensernent, c'es|-à'dire à
charge de cens, à des censiers ou cen,sitaires. Ceux-ci acquièrent ainsi la
jouissance absolue et héréditaire en vertu du droit féodal d'abord,
de I'usage ensuite
-
du domaine utile de leur censive.
-
Ils peuvent I'exploiter à leur gré, la transformer s'ils le jugent
'même
utile. Ild ont le droit de la veudre; mais, tlans ce cas, I'acheteur
s'engage à payer au propriétaire primitif de la terre le cens auquel
le vendeur lui-mêmc était astreint.
Parfois encore, les seigneurs concèdent des terres à des hommes
libres, en échange de certains services réguliers. 0n voit alors la
terre passer cles pères aux lils sous la condition pour les uns et les
aulr.es de servir le seigneur en qualité de charretiers, de bou,uiers, de
lterg ers, de porchers, de charpentiers,, de lbr g erons, etc.
Les villes au moyen âge. __ Les villes et les bourgs continuent à se
former surtout dans le voisinage des chftteaux, des monastères, des
confluents de cours d'eau, des bords de la mer, etc., partout où
I'existence de foires, de marchés, ulle situation commerciale avan'
tageuse amènent de fréqlentes réunions de producteurs et de con-
sommatcurs.
De hautes murailles flanquées de tours défendent la ville du
xle siècle. Un château fort la donrine. De distance en distance' une
porte à pontJevis donne accès dans la cité. Çà et là, à I'intérieur, on
renarqus un sleen, constructiort en pierre à deux étages, percée de
portes basses, avec tles fenôtres le plus souvent ogivales. Des fossés
plofonds entourent cette espèce de forteresse, habitation de quelque

({) L'époqueféotlale est Ia période des tenures soumises à la corvée,


178 rrrsrornp DEs BELcES ET DE LEUR crvrllsÀTroN

puissant personnage. Son toit est muni de créneaux, scs angles sout
forti{iés de tourelles. A I'intérieur, une grande salle la seule qui
possède une cheminée
-
et, tout autour, de petits appartements. tes
-
fenètres manquent de vitres : on lcs ferme de rideaux d'étoft'e et de
volcts de bois.
Bn certains quartiers, les artisans d'un même méticr dominent :
ils donnent leur nom à la rue dans laquelle ils exercent leur pro-
fession. C'est la rue des brassetn"s, celle des tfl,nnetff.s, celle des
tisssrands ou des fou.lons, etc. D'habitude, chaque marchand vend lcs
produits de sa propre industrie. Installant son atelier au rez-de-
chaussée, il travrille sous les yeux du public. Sa famille demeure à
I'ctage quin d'ordinaire, s'avallcc cn dchors sur le rez-de-chaussée,
rétrécissant, ainsi la rue. Au-dessus cle la porte d'eutrée, unc enseigne
parlante, soutenue pâr ulre barre de fer, renseigne les passants sur
Ja nature de son commerce et de son métier.
Non loiu de ces quartiers, ou merne tout. à côté, des maisons en
bois ou en torclris, couvertes de chaume, parfois précédées d'une
cour, pourvues de jardins etde velgers, folrnent, au cæur de la ville,
de vér'itablcs fermes. La plupart n'ont ni caves ni grenicrs; aucurrc
ne possùde de vitlcs ni de cheminées.
Dans la rue ou dans Ia cour, s'ébattent en pleine liberté, sur les
tas de fumicr ou dans les trous à purin, des poules, dcs oies, des
canards, des porcs, etc. Tout Ie monde se sert de la rue à son aise :
le boucher y tue ses bêtes, Ie voiturier y abandonne sa eharrette; les
artisans y déposent leurs iustruments de travail : on la croirait faite,
rlon pour le public en géuéral, n"ulis pour I'usage exclusif de ses
habitants. Toutes les rues sont ilrégulières, larges ici, étroites plus
Ioin, sinueuses toujours; I'alignement des maisons est une chose à
laquelle on tre songc point. 0n ignore lussi I'usage dcs numéros.
Rarement on pave les rues; jamris on ne lcs entretient : Ies égouts
,v courent'à découvert. Dn temps de pluie, de grandes flaques d'eau
'les coupent à chaque pas dans toute lcur largeur. Parfois, la boue
abonde au point de rendre la circulation impossible. Alors, pour
permettre I'usage de la voie publique, on étcnd dc la paille devant
,les portes. Se prépare-t-on à recevoir le prince ou quelque grand
persorutage, le magistrat est obligé de prendre des mesures sévères
pour assurer I'enlèvement des tas de fumier et le nettoyage des
rues; parfois, il cloit firire décrocher les corps des pentlus, oubliés
aux fourclres patibulaires.
0n ne connaît pas l'éclairage artiliciel. Par les nuits srns lune, la
TEIIpS HrSTORrQUES. rrtiRr0DE FÉODALE 177
plongée dans une profonde obscurité.
'ille.rcste arors, res rues un
peu écartees deviennent de vraig coup€-gorge,
oir les voreurs et les
assassins trou'ent un champ }ibre pour
reurs exploits. Il y a bicn le
guet, chargé de fair"e des rondes de
mais on ne Ie redoute
guère. Rosser le gu,et est même u'fitre'uit,
de gloire pour les étudialts
et pour les nobles.
Bref, les villes du moyen âge, fort pittoresques
d'ailreurs, n,ont
rien soupçonné des choses ntcessaires pour assurer
une bon'e
hygiène pulllique, Ie confort dcs particuriers
et ra sécurité des
citoyens.

TITRE IV

Institutions poliilques et sociales.

.t ,l 'g i
- deII Flaudre,
Exposé du système féodaf. n'y a tl'abortl e'Belgique ll , ,/l' '{, '(
que deux grantls fiefs : le comté qui tlépend ae ta
France, le
tluché tle Lotharingie qui relève de l,Allemagne.
Plus tartl, la Lothari,gie se divise, comme nous I'avons
vu, et
I'on y distingue six fiefs pr.incipaux : le tluché tle Brabant,
qui
comprend le marq'isat tl'Anvers, le tluché tle Limbourg,
les
comtés de Hai'aut, de i\anrur et tle Luxembourg et l'évêché
tle Liége. Quant aux fiefs de seco'd, tle troisième et même tle
quatrième ordre, ils se multiplient à I'i'fi.i. Le tluché
de
Lothalingie, par exemple, {ief direct tle I'errrpire, se subdivise
en principautés secondaires; celles-ci en comtés tle deuxième
ou tle troisième ordre; les comtés en simples seigneuries Ies
;
seigueuries en terres nobles, ces dernières enfin, en colonies
et
en terres de serfs ou terres roturières ( I ).

. (l) cependant, à cette lendance vers une décentralisation excessive, ne


tarde pas à s'opposer, sous l'effort de causes murtiples, un sérieui
mouvement
en sens contraire. un grand nombre de
.petits dynàste! l cners ieooaux) ài;p;:
qoi!.nar fait de gglquere, par un ,inonreÀent
iiiî::.lt_ryy
re leur parr, 1ney, 9o!
a une indépendance diflicile à défendre.
sp'onlaire,

..
sentant leur faiblesse, ils préfèrent s'inféoder à des dynastes plus puissan{,s,
ainsi avaient fait autrefois les simples hommes libres eri avournt leur terre à
Y. ilIirguet.
- Histoire des Belges. t2
178 HIsToIRE DEs BELGES ET DE IEUR cIuLIsÀTIoN

Les seigneurs vassaux tlirects du loi, poltent le nom géné-


rique de barons; les autres, s'appellent simplement clrcualiers ov
si,res. T6us, d'ailleurs, prettnent les noms de leurs terres et les
font pr'écéder des titres ùe contte, du,c, mnrquis, baron., attachés
à ces temes. Bientôt chaclue alleu, chatlue fief, constitue un petit
état dont le chef exerce un pottvoir à peu près absolu. Partout
se manifeste I'union intime de la propriété et del'autolite Pat .
de terre sans seigtleu;,', pas de seigneur s&n'l terre, tlevient un
axiome de droit social. fre système politique qui morcela notre
pays en une infinité de petits terlitoires gouvernés arbitrairement
pas des seigneurs relevant tl'autres seigneurs plus considérables
ou du souverain, porte lenom de féodalité' Idomiuaen Europe
dn nu au xrvu siècle; mais son existence se prôtongeà, Pâr
certains usages légaux, jusqu'à la graude révolutionde {789({).
Le contrat féodal. Les membres du corps social vivent, à
-
l'époque de.la féodalité, dans un rapport mutuel de supériorité
et de dépendance. t'est I'utl des caractères essentiels du
système. Aussi a-t-on parfois détini la fêodalité n un état poli-
tique dans lequel toute terre dépeud d'une autre terre, tout
homme tl'un autre homme. r Le serf dépend de son seigneur,
celui-ci, de quelque autre seigneur plus puissant, lequel relève
à son tour d'un comte ou d'uu duc, lui-même dépendant rlu
roi ou de I'empereur. Le seigneur qui relève d'un autre est le
uassal de celui.ci, qui est le surerairr du premier.
Le vassal et son suzerain contractent, I'un à l'égard de

quelque seigneur. Bon nombre de fiefs ecclésiastiques se voient aussi retenus


par de grands seigneurs laîcs qui en sont les avoués. Dnlïn, au temps des
croisades disparait mainte petite seigneurie, vendue par son possesseur pour se
procurer I'argent qui lui menque. C'est ainsi que Godefroitl de Bouillon cède
le duché de ce nom à l'6vêque de Liége, qui acquiert en rnême temps, du comte
dellainaut, la seigneurie de Couvin. Àussi voyons-nous les cent dynastes qui, à
la fin du xre siècle, relevaient directemenl, des rois deFranceoudes empereurs
d'Allemagne, réduits à une quinzaine à la Iin du xure.
({)Â Gand, il y avait encore, en4.793n dans la juridiction deSaint-Pierre,
deshommes non bourgeois soumis au droit de meilleur catel (\YAnntonNIc,
t. II, p. 937).
TEMPS HISTORIOUES. PÈRIODE FÉOD.4.LE {79
-
I'autre, des obligations réciproques. Le vassal est astreint i"" à
quivre son suzerain à la guerre; 2'à lui payer certaines aitles ( L
),
palmi lesquelles l'aide de rançon (sa part dans Ia rançon du
seigneur fait prisonnier) ; l'aide de mariage(somme â payer
par le vassal lorsque son suzetain marie I'une de ses filles);
l'aide de cheualerie. (à payer par le vassal quand le suzerain
arme chevalier son fils aîné) ; 3o â reconnaître la juridiction de
son suzerain. c'est-à-dire le droit, pour celui-ci, de le faire
juger, le cas échéant, par sa cour dejustice; 4" à prendre rang,
lorsqu'il en est requis, parmi les juges de cette cour de justice.
Ce sont lâ des aides drtes légale.r, parce qu'elles sont obliga-
toires. Mais il y a aussi Tes aides gracieusesr pâr. lesquelles on
entend des dons plus ou moins libres et spontanés, comme
celui de la, couronne d'01'offerte par le vassal à son suzerain le
jour de I'iuvestiture, ou Ie présent qu'il lui fait lors de I'hom-
mage annuel.
L'aùde de relief est une autre aide prétendrlment gracieuse.
Elle consiste, soit en une somme à payer par les vassaux à la
mort de leur suzerain en vue d'aider leur ltouveau seigneur à
maintenir ou à relever Ie prestige de son titr.e héréditaire, soit
dans Ie versement, entre ses mains, d'une année du reveuu de
Ieur fief. D'autre part, si le suzerain perd son cheval à Ia
bataille, le vassal est tenu de lui offrir le sien; il tloit se porter
à sa défeuse, s'il le voit en grand danger; le cas echéant, se
présenter pour lui servir d'otage ou le remplacen en eaptivité;
garder son secret; défendre son honneur; etc.
De son côté, le suzer"ain doit à son vassal, lrtt otection, eT
justice. Àinsi, il y a engagement nutuel, ayec reconnaissance
de droits et de devoirs réciproques. Chacune des deux parties
eonh'actanfes s'engage à respecter les uns, à s'astreindre aux

({) Par aides, on entendait toute espèce d'impôts.


180 urst'olnu DEs BELGES ET DE IEUR cIvILISATIoN

autres. Mais il y a ante sanction à ce double engagement,


Si le vassal manque à ses devoirs, il peut être déclarê félon'
(coupable de ftilonie) et puui par la confiscation de son fief.
Si le suzerain manque au sieu, sou vassal se trouve délié dtt
serrnent de fidétité qu'il lui a prêté. Lui-même peut être déclar'é
délogal ou coupable de clcloyautd, ce qui entraîne sa déchëance,
c'est-à-dire la perte rJe ses droits tle suzeraineté sur le fief de
son vassal.
TeI est le contrut féodal
Hommage et investiture d'un fief.
- Avant d'entrer en
possession de son fief, le vassal tloit se soumettre à Ia cèrémonie
de I'hommage. Tête nue et sans armes, il se présente devant
son suzerairr, plie le genou devant lui, se déclare sotr, hontme et
lui engage safoi, c'est-à-dire prête eutre ses maius le serment
de fidélité. Le prince lui accorde alors l'inuestitnre ùa fief ; en
tl'autres tennes, il Iui reconnalt le droit tl'exercer sur ce fief
I'autorité féoilale. Comme signe de cette autorité, après lui
avoir donné l'accolatle, il lui remet tatttôt un sceptre ou ulle
épée, tantôt urte pierre, une branche d'arbre ou une motte de
gazon.
Parfois, il
existe, entre le suzerain et son iassal, un enche-
vêtrcment de droits et d'obligations de nature à engendrer la
plus étrange confusion des rappolts sociaux. Ainsi, il peut sé
faire que le duc de Brabant, vassal tle l'évêque de Liége pour
une seigneurie située dans l'évêché, se trouve son suzerair
pour telle autre possédée par I'évêque dans le duché de
Brabant. Souvent le suzerain et cela arrive aux rois eux-
nêmes
-
est le vassal de son propre vassal et doit à celui-ci
-
I'hommage pour I'une ou I'autre terre située dans le fief de ce
vassal. En sernblable occurrence, il
ne prend pas une palt
personnelle à la cérémouie tle I'hommage; il s'y fait leprésenter
par un délégué.
Remarquons que la suzeraineté et la vassalité ne sont pas
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t82 HISToInE DEs BELGES ET DE tEUn clrILISATloN

rÉservées aux personnes seules, mais que les villes, les bourgs,
Ies villages I'exercent ou la subissent également.
Variété des fiefs. L'une des caractéristiques de la féodalité
-
est de transformer toute terre, toute propriété, toute chatge ou
fonction (tout office), en un mot tout dtoit quelconque, ell ul]
fief héréditaire ({ ). Àinsi, ou détient en fief une seigneurie, un
château, un immeuble quelconque; un office (2)de judicature,
(une place de juge ou d'avoué par exemple); un office adrni-
nistratif (une charge tl'intendant, la garde d'un château); un
office domestique (une charge de maître tl'hôtel, de chambellan);
certains droits (le droit de chasse ou de pêche, celui de perce-
voir un péage sur une rivière, un pont, uue route, etc. ); une
rente sur le trésor public (les grands paient leurs serviteurs eu
Ieur donnant à fief I'un ou I'autre revenu). Le poste même de
bouffon du prince peut être donné à {ief (de là I'expressiort, fott'
fueff\; etc.
Gouvernement central. Le souverain, r'oi de France ou
-
empereur d'Allemagne, exerce I'autorité dans les grands fiefs
belges parl'intermédiaire d'un duc, d'ttn comte, d'un évêque, etc.,
qui lui doivent le service militaire et les autres obligations
r'ésultant du vasselage. Il
reçoit I'hommage de ses Yassarlx
directs, garantit les lois et les chartes données par les ducs et
les comtes, au besoin fait respecter la paix publique.
Lorsque la Lotharingie passe définitivement sous la suzeraineté
de I'Allemagne, les obligations des seigneurs lotharingiens
vis-ri-vis de I'ernpereur deviennent â peu près nulles. n'eu Il

({) n Les éléments mêmes les plus étrangers à ce système, Ies communes,
la royauté, furent contraints de s'y accommoder; les églises devinrent suzeraines
et vassales, les villes eurent des seigneurs et des vassaux, la royauté se caclta
sous la suzeraineté. Toutes choses furent données en lïef; non seulement les
terres, rnais cerlains droils, le droit de coupe dans les forêts, le droit cle pêche;
les é6lises donnèrent en lief leur casuel, lcs revenu.s des baptêmes, les
relevailles des femmes en couches. 0n donna en {ief tle I'eau, de I'argent. u
Gulzol, Ilisto[re de la ClL,ilisution.
(9) De là I'expression, hérëclité tlcsJiefs et des ofices.
F<

q)
a)
,,84 Hrsrolnn DEs BELcEs ET DE LEUR ctvrLISATroN

est pas tout à fait de mêrne des charges de la Flandre à I'egarrl


de la France. Baudouin Ie Courageux devra même s'astreindre
àl'hommage-lige (l)
et, jusqu':i Philippe le Bon, la Flandre
restela soumise, vis-à-vis de la Flance, au service militaire, à
la julidiction de Paris et à I'interdit ecclésiastique. Bien plus,
les Flamands ne pourront élever aucune forteresse sans I'assen-
tirnent de leur snzerain.
Gouvernement provincial. Les grandes divisions telri-
-
toriales ou provinces tle I'empire d'Allemague et du royaume de
France portent généralement le nom de duché ou de comté. Il
n'existe d'abord, dans les limites de la Belgique actuelle que
deux de ces grandes divisions : la Flandre, qui relève de la
France, la Lotharingie dépendante de I'Allemagrre. Mais
diverses principautés ne tardent pas à se former, comlne llous
I'avons vu ci-dessus, au sein de celle-ci.
Droits et devoirs des ducs et des comtes. Les ducs, les
-
comtes, les évêques, chefs des grands fiefs, ont le droit d'accorder.
des chartes, de décréter des lois, de battre monnaie, d'exiger
le service militaire, d'imposer des tailles (2), des corvées (B),
des prestations en ar"gent ou en nature, de percevoir les
banalités (4), etc., dans l'étendue des terues dont I'ad.rninistra-
tion leur est confiée. IIs doivent aide, justice et protection
aux habitants de celles-ci.
Peu à peu aussi se forment, en Flandre et dans les diverses
principautés que nous avons citées plus haut, des subdivisious
territoriales appelées, suivaut les lieux, bailliages, prëuôtes,
cltâ,tellenies , auoueries, mAiries, qu,artiers, bans, FaUs, mdtiers,
aerges, génfualitës, selon que le magistrat chargé d'y repré-
senter le prince porte le nom de bailli, préu6t, chdtelain,, auoui,

({) voir-plliodeféodo-comTnunale. Ltge se disait du vassal lié à son seigneur


par des obligations particulièrement étroites. Le vassal lige devrit servir son
Êeigneur env€rs et contre tous, excepté contre son père.
(9) Yoir ci-après. (3) ld. (4) Id., page {64 et suivantes.
TnMps Hrsronr0uEs. pÉnr0DE FÉoDÀLE 185
-
ntflire, etc. Cet ofticier, chargé de représenter le duc ou le
cornte, administre et rend la justice au ilom de ce derniel dans
le district qui forme son ressort.
0n distingue, dans les subtlivisions territoriales dont nous
venons de parler, les uilles, ordinairement dotées d'un régirne
privilégié (t), et le plut puAs oa paus rurûI. Celui-ci, à son
tour, comprend deux parties: le plat pays domanial ou princier,
soumis à I'administration et à Ia justice directes du prince, et le
plat pays seigneurial, qui dépend de ses vassaux laÏcs.ou
ecclésiastiques.
L'administration et la justice sont distinctes dans lcs deux
pays. Inutile de dire que souvent les droits tlu prince et ceux
des seigneurs s'enchevêtrent de la façon la plus préjudiciable
, pour les pauvres campagnards.
- Il existe parfois, dans la
Communautés rurales. partie du
bailliage, de Ia prévôté, de la châtellelie, etc., qui relève
direCtement du prince, un certain nombre de comntunautés
rurales complenant d'ordinaire plusieurs villages. Le rnaîeur
ou annnûn, et les sepl écftevins, qui les atlministrent, tous
nommés par Ie prince, out, dans leurs attributions, les pouloirS
administratif, jurJiciaire et exécutif. De temps en temps, ils
convoquent des plaids auxquels assistent tous les chefs de
famille et où il est délibéré sur les intér'êts de Ia communauté.
Les femmes n'en sont pas exclues (2). Le Franc de Bruges (3)
formait l'une des plus importaptes parmi ce$ cpmmunautés.
ClaSSeS SOCialeS. L,1 noy,turÉ. L'autorité tles rois,
-
arbitraire et absolue dals les liryites de leur énergie et rle
leur puissance personnelles, demeure;le plus souvent nominale
dans les grands fiefs. Les grands qui vivelt dans I'entourage

f{) Déià les villes possètlent un tribunal des êchevins chargé de gérer les
*--igi-poutLET, et de rônilre la justice aux habitants'
afàiies tôcales
Histoire politiqircintenrc dela Belgitlu-e, page {7'
t5i ù;il;né au disirict qui s'étendait autour de Bruges'
186 HrsrorRn DES BErcEs ET DE LEUn crvnrsATroN

du souverain sont d'ordinaire ses conseillers et ses ministres.


Rarement le roi tient sa cour dans la capitale. En dehors des
circonstances extraordinaires et des jours de grande fête oir il y
rentre momentanément, il séjourne de préférence, pendant
I'année, dans I'une ou I'autre tle ses terres.
Le clergé.
-a lui seul appartient I'administr.ation de la
bienfaisance publique. Il
possède le monopole de I'enseigne-
ment; ses biens sont exempts de tailles et de redevances
quelconques; il perçoit la dîme sur, tous les produits de I'agri-
culture, snr la laine des moutons, sul' le rniel et la cire tles
abeilles, sur les produits de la pêche et de toutes les intlustries.
Il jorrit également du privilège du fot ou de l'irnmunité ({ ),
c'est-à-dire du droit, pour les prôtres et les religieux, tl'être
jugés par les tribunaux ecclésiasticlues.
Présidant au mariage des fidèles, I'Egrise s'attribue le droit
de juger les faits litigleux relatifs à cet acte de la vie civile.
Elle retient de mème les contestations auxquelles les testa-
ments tlonnent lieu. ol ne peut tester sâns s'être préalable-
merrt confessé. u Inconfes, ùûestat D. Aucun testarnent n'a
de valeur si un prêtre n'assiste à sa rétlactiou.
c'est une obligation tle faire en moufant un legs à I'Eglise.
A ceux qui s'y refusent, on n'accorde ni l'absolution ni le
viatique. comme les suicidés, ils sont privés de sépulture (p).
Le droit d'asile demeure un des privilèges du clergé. L'église
et le cimetière, avec rrne trentaine tle pas tle pourtour, sont des
lieux tl'asile.
Au rnoyen âge, surtout pendant la période féodo-communale,
Ies richesses et le pouvoir du clergé sont immenses. c'est â

(1).?roprement, I'irnmunité est une exemption de charges. En terme de


-.
féodalité, c_'est te p.i:,]:,qq qn.urlly.rr.quei tes domainei-àccresiasiiquei
étaient absolument exernpts de la juridiction royale, ge sorte qu auiun magistrat
civil ne po-uvait y entrer pour y faire un actè queiconqoei;aotàrité.
LÀnoussr, G rutd Dictionn aire. -voir
(2) Pan.ia Belgtca, tome III, p. BB.
TÉMPs IIISToRI0uES. PÉ'RIoDE FÉoDALE 187
-
peine si, de temps en temps, son influence subit tle légères
dépressions. Un peu contenue pal Charlemagne' cette influence
replentl tout son empire tlès le milieu du txu siècle. À cette
Qpoque, le clergé vit dans I'abondance et Ie
luxe règne dans
les cloitt'es. Aussi les monastères forment-ils habituellement
le principal objectif des Normands. A Ia suite des inva-
sions tle ces Barbares, au cours desquelles le clergé, pas plus
que les souverains, ne parAît s'être moltré à la hauteur des
circonstances, sou pl.estige diminue de nouveau, mais pour
renaître bientôt. Et, vers la fin du xo siècle, tandis que le roi
de l'rance se voit rêduit à la possession de quelques villes,
le clelgé possètle au moins la cinquième partie du teruitoire
tle I'ancienne Gaule. Ses biens et sa puissance colltilluerollt à
s'aôcroître au xlu siècle, au xttu et même âu xtltt. La querelle
tles investitures, les croisades contre les musUlmans' les païens
et les hérétiques, ett:., achèverolt tle colsacrer Son omni-
potence. '

Les grandes richesses du clergé et les privilèges excep-


fionnels dont il jouit, engendrent de graves abus. Le désordle
et même la licence s'introtluisent dans son sein. Attirées par
les tÏantages qu'offr.e l'étât ecclésiastique, beaucoup de per-
Sollltes, auxquelles manque une t'éelle vOcation, entreut dlns
les r.angs tlu clergé. Ainsi les abbayes et les évèchés sont
fréquernment donnés en apanage ({ ) aux catlets des grandes
maisons dans le domaine desquelles ils se trouvent enclavés'
ces jeunes prélats, parfois à peine sortis de I'enfance, n'ont pas
toujours un sentiment très vif tlu caractèt'e sacerdotal dont ils
sorit revêtus. Naturellement, leur manque de réserve exelce ulle
influence tàcheuse sur la partie du clergé séculier et sur les
rnoines soumis à leur âutglité. Puis, cês deruiers sont, elt

par lo cha'
(4 ) Conlrairemett au principe de l'élection par les moines ou
pitre.
{88 nrsrornp DES BELGES ET DE LEUR ctvILIsÀt'IoN

.rnajorité, de rudes campaguards dont une instruction som-


:naire n'a pu faire des lettrés. tes circonstances expliquent com-
ment la conduite et la science d'une partie du clergé orit pu, à
certaines époques du moyen âge, malgré les efforts des chefs
de l'Église pour réduire ou supprimer lcs abus, donner lieu à
.de justes et sévères critiques.

L'excommunication et I'interdit au moyen âge. - Contre


.celui qui s'obstine à lui désobéir, I'Egilise fulmine l'euconunurti,-
.cution, c'est-à-dire qu'elle le chasse de la conmuuion des {idèles.
Voici en quels termes cette pcine est prononcée : ( Nous
rejetons uu tel de la sainte nère Eglise...; qu'il soit maudit
,dans Ia ville, mautlit dans les cltamps, rnaudit daus $a
maison...
r Qu'aucun chrétien ne lui parle ou re rnange ]avec]lui;
qu'aucuu prêtre ne lui dise la messe e[ ne lui doune la com-
mrrnion ; qu'il ait la sépulture de l'âne...
l Et de même que ces torches jetées de nos maius vout
,s'étcindre, que de même sa vie s'éteigne... l
Tout le monde alors fuit I'excommunié : ses vassaux et ses
serviteurs, sa femme et ses enfauts. Souvent un cercueil est
déposé devant la porte de sa derneure par une foule surexcitée
qui lui lance I'insulte.
Il arrive cependant, clue des seigneurs bravemt I'excomrnu-
nication. Alors I'Eglise jettel'interdit sar leurs domaines. Tous
les habiiants de la seigneulie sont frappés en même temps que
leur seigneur. Les cloches cessent de sonner. 0n ne célëbre
plus les offices ni les mariages; Ies morts attendent sans
sépulture à la porte des églises. Chacun, en signe de deuil,
laisse pousser ses cheveux et sa barbe.
0rganisation ecclésiastique du pays. Il existe, rlans le
-
territoire des anciens Pays-Bas, six diocèses : ceux de
Cambrai, de Thérouane, d'Arras, de Tournai, d'Utrecht et de
L,,iége. Les évêques et les abbés tles monastères unisseut Ie
TELTPS HIST0nI0UES.
- PÉnI0DE }'É0DALE 189
pouyoir temporel au pouvoir spirituel. Le chapitre ({ ) cathéilra}
élit les évèques qui reçoiveut ensuite du pape I'investitttre
spiritublle, du roi ou tle I'empereur, I'investiture temporelle.
L,es chapitres des abbayes choisissertt tle même leurs abbés;
mais les élus doivent également fait'e ratifier leur élection par le
pape et par le roi ou I'empet'eur. Les évêques et les abbés ont
une conr de justice et souveut possèdent un atelier oùr ils font
battre monnaie.
Comme à l'époque franque, I'existence d'un abbé ou d'urr
évêque de I'époque féodale diffère peu tle celle des seigueurs
laics. Il va à la chasse, tient des chiens et des faucons, officie
seulement aux fêtes solennelles, quelquefois l'épée au côté, les
éperons aux talons, la cuirasse et l'épée tléposées sur I'antel.
Au besoin, il fait la guerre. Le plus souvent toutefois, il cortfic
sa tléfense et le commantlement tle ses troupes à un seigneur
appelé auouti ot aidame.
NoBLESSE. Depuis longtemps, toute tlistinction ft
L.q.
disparu entre les nobles tl'origine gallo-romaine et ceux
d'origine franque. Mais dans les plemiers ternps de la féothlité,
il se fOrrne ulle nouvelle catégorie d'hommes libres, les ministe-
riu,les, qui devienuent la souche d'utle nouvelle noblesse.
Lesministériales avaient d'abord exercé, chez le roiet chez les
gr.antls; des offices domestiques. IIs ne tardent pas à grandir
en importance et, ilselsiblemcttt, à acquérir une gralde
influence dans I'Etat ou les principautés.
Le-séttdcltal (maitre tl'hÔtel), autrefois simple chef des set'fs,
tlevient plus tard le ministre tle la justice. Le connétaDle (comte
tle l'étable), dont la charge consistait d'abord â surveiller les
étables du roi, cgmnande par la suite la cavalerie rgyale, puis
parvient au commandement général des armées. Le ntarecltal
avait, au tlébut, la mission de veiller sur les chevaux tlu roi ;

(l) Réunion des chanoines attachés à un évêché.


{90 Hrsrornn DEs BELcEs ET DE LquR crvrLrsATroN

plus tard, il tlevient général des armées, en second, après le


corrnétable. Primitivement, le chambellan présidait simplemeut
au service intérieur de Ia chambre à coucher du roi ; par la
suite, on lui confie la garde du trésor et de I'administration des
Iïnances.
Tous ces fonctionnaires, âux commencements si modestes,
appartiennent à la classe des ntirtistériules.
Droits des nobles. Les droits des nobles sur leurs serfs le
-
disputent, en arbitraire, au nombre et à la variété. Il y en a peu
d'équitables; beaucoup sont fort lourds à supporter; en il
existe d'odieux; la singularitê forme le principal caractère de
plusieurs.
Citons-en quelques-uus :
Lo Les banalités. (Voir plus loin : Le peuple des cant-
pagnes.)
20 Le droit de cltampart, c'est-à-dire le droit pour le
seigneur de percevoir la troisième, Ia quatrième, la cinquième
ou Ia septième gerùe surla récolte du serf.
3o Le droitd'aubairæou d'aubennage (L), prélevé sur les biens
de tout étranger, homme libre ou serf, mor.t dans les limites de
la seigneulie. S'il u'a pas d'héritier, tout I'héritage revient au
seigneur.
Le droit d'aubaine subsistera, plus ou moins atlouci,
jusqu'à la Révolution française. A Anvers notamment, bn
percevait encore, au siècle tlernier, sur les successions d'étrau-
gers, des rlroits s'élevant jusqu'à {0 p. 'Â
4' Le droit dn tutelle à l'égard des miueurs, qui consiste tlans
I'administration et la perception, par le seigueur et à son

. ({) Dg aubain-, é.tranger. Le serf aubain devenait le serf d'un seigneur sur les
terres duquel il arait séjourné pendant un an et un jour. iubahte por;t
le seigneur, car il y avait avantage à posséder un granâ nombre tle sàrfs.
aujourd'hui, on dit encore, pour- signilier une cÈose avantageuse : c'est
une bonne aubaine.
TEMPS HTSTONIOUES. PÉRIODE I"ÉODÀIE I9'T
-
profit, tles revenus de son pupille. A ce droit s'ajoute celui de
mariuge. Le suzerain peut présenter à I'orpheline, helitière 6l'un
fief, tleux ou plusieurs prètendants entre lesquels elle dOit
choisir. Toutefois, il est ordirrairement loisible à Ia jeune
Iille de raclteter cette charge, que justifie I'obligatiou du service
militaire dt par le vassal.
5o Le clroit enclusif de cltasse et de ytêche. Le droit tle
chasse, dont les nobles sont particulièrement jaloux, cause
le plus grantl tort aux campâgnes. Souvent les moissons se
voient piétinées comme à plaisir par les chasseurs et leurs
meutes, ou dévastées prr Ie gibier avant leur maturité.
6o Le d,roit ile garentte. Il permet aux seigneurs d'approplier
une certaine étendue de terle ou de forêt pour y élever du
gibier et particulièrement des lapius.
7o Le d,roit de colomltier. Les nobles pertvent, êlever à pro-
ximité du c,hâteau, une tour destinée à servir de refuge à leurs
pigeons.
Pigeols et lapils vivent aux tlépe1s des récoltes, consé-
quemment sans frais pour le châtelain, mais au grând dommage
des pauvres serfs, obligés rJ'assister impuissants au raYage de
leurs denrées encore sur Pied.
La chevalerie. Après Charlemagne, les hotnmes d'armes
-
seuls demeurent véritablement libres. Quiconque ne veut pas
servir daus I'armée ou ne possède pas les moyens de s'équiper,
ne tarde pas à tomber en servitude. Or, les hommes d'armes
combattent invariablement à cheval : tl'otr le nom de clrcaaliers
donné à ceux d'entre eux qui I'ont mérité, soit pal de hauts faits
d'armes accomplis sur les champs cle bataille, sgit par un
certain temps de loyal sel'vice en qualité de valet ou écuyer ({')
chez quelque baron ami tle leul père et chevalier lui-mêrne.

({) Il êtait ainsi appelé parce qu'il portait, ortlinairement I'dcu ou bouclier du
chevalier son maitre.
TEITPS rrrsTonr0ulis. pÉnr0DE !.ÉoDÂLE ,t93
-
La cérérnonie d'initiation est d':rbold très simple. Le parrairr
dc I'aspirant-chevalier remet à celui-ci tles armes, lui assène
ensuite sur la nuque un vigourellx coup de poirrg et les rites se
trouvent accomplis. Le nouveau chevalier saute alors eu selle,
puis, après avoir fourni un ternps tle galop, montre son habileté
ri I'exercice de la quintaine (i).
Plns tard, au ..irrru siècle, des cérérnonies syrnboliques et
religieuses remplacent les cérémonies sommaires des premiers
ternps de la chevalerie. L'aspirant-chevalier doit, en outre,
s'engaser par un serment solennel à protéger la veuve et
I'orpheliu et à ne jamais rieu rlire ni rien faire d'opposé aux
principes de la religion chrétienne. Au xv" siècle, on entourera
de plus de solennité encore la cérémonie d'initiation. souvent
clle sera l'occasiou de fêtes pompeuses.
Des serfs peuvent être annés chevaliers, mais, chose
curieuse, ils le perdent poiut pour cela lcur clualité de
serfs (9)
Lorsqu'un chevalier a dit ou fait des choses coutraires ii
I'honrreur, il peut être déclaré, ftilort, par. ses pairs..Dans les cas
tfès graves, il est publiquernent dégradé. Après l'avoir. fait
rnonter sul' nlr échafaud, cln brise ses armes et on en foule aux
pietls lcs déblis. son écu est noilci, rttaché à la queue d'une
jurnenl et traîné dans la boue. En rnême temps tles hérauts,
I'lccablaut d'anathèmes, proclament à haute voix son crirne et
son infamie. 0n lui lave eusuite la tête à l'eau chaude comme
pour en effacer le car.aclère samé de I'initittion. Enfin, Ie
,croupable est traîné sul la claie jusqu'à l'église oir I'on récite
sur lui la prière des mor.ts.
I-,ongtemps, les chevaliers demeulent ignorants, grossiers,

('l) Voir plus loin, au titre : Institutiotts nzilitaites,


(9) Témoin I'affaire du châtelain de Bruges, sous Charles Ic Bon, donI il sera
parlé dans la période suivante.
V. ûIirgueti
- Histoire rles Belges. ,lB
l,g4 HrsToInE DEs DELGES ET DE LEUR cIvILIsÀTIoN

muels (l). Leur existence s'êcoule tlans l'oisiveté la plus com-


plète : tout leur temps se passe à manger, à boire, à tlormir, à
chasser, à chercher des aventures, parfois à rançonner les
voyageurc ou :i dépouiller les rnarchands. C'est settlement au
leurs mæurs s'adoucissettt.
xvn siècle que
Le peuple des campagnes. Aujourd'hui, les habitants des
-
camprgnes, comme ceux des villes, sont libies d'aller et de
venir, d'acheter, de vendre, d'hériter, de tester et de se marier,
etc. Tous, indistinctement, jouissent de la liberte inrliuitluelle
et du droit de Ttropriété. Les uns et les autt'es consentent
Iibrement à payer les impôts, parce que des.tlélégués choisis
par eux les ont votés, les estimaut justes et véritablement
utiles pour tous. Il n'en a pas toujours été de ntême. Dans le
haut rnoyen âge, la condition de la plupart des habitants des
câmpagnes des roturiers (9) comrne on les appelle, est extrè-
-
mement dure. On distingue parmi eux les hotttmes liÔr'es non
nobles, et les æt'fs, ntanu,tlts ou uilaùw.
{.' Les hommes li,bres, ingenus, ou frarcs lmntmes (In
bou,rgeoisie/. Après Charlemaglle, les hommes libres nor
nobles deviennent peu à peu fort rares. Trop faibles souveut

(l) Les meilleurs ne connaissaient pas Ia pitié et parfois se montraient


féroces. Richard Cæur de Lion, I'un des plus célèbres cltevaliers du moyen âg'e,
fait un jour massacrer 9.500 prisonniers satrasins. Peu après, dans unegueme
avec Philippe-Àuguste, il lui renvoie, après leur avoir fait crever les yeux, quinze
chevaliers, ses prisonniers, laissant toutefois un æil à I'un d'eur, pour qu'il
pùt servir de guide aux autres. Le roi de France, un autre modèle du parfait
chevalier, lui adresse aussitôt, sous la conduite d'une femme, quinze chevaliers
anglais, prisonniers en Frânce, auxquels il a ittfligé Ie ntùme traitement bar-
bare.
(9) Le terme ïoture, d,e ruptarius (qui pulvérise les mottes tle terre) servit
primitivcnrent à désigner un chrnnp déJi'iché; plus tard, il signifia, par
extension, petite arlture. Le roturier était donc Ie cultivateur à la têle d'une
petite culture,l'ilatn vientde rlillu el désignait le manant attaché à laterre.
0n a fait dc ces mols t'illaqe. Xlanant signiliait d'abord lrultitant et désignait
un homnre aisé possédant un aranoir', une nztntnderie, mais tenu à habiter
dans lcs limites d'une seigneurie. Ce terme, sous I'influence des préjugés
d'une caste'orgueilleuse, est devenu I'un des mols les plus méprisants de
la lang'ue française.
TBnps Hrs'roRrouEs. pÉnr0DE }-ÉIODALE . {95
-
pour suffire à leur défense pelsonnelle, ils se placent sous
la protectiou d'un seigneur, auou,ent ({) leur domaine, et, le
plus souvent, tombent en servage. Néanmoius ils subsistent en
Brabant, dans le Namurois et le Luxembourg. Soumis â I'impôt
de capitation, à certains devoirs personnels et à la juridiction
de I'un ou de I'autre seigneur, les hommes lillres ne le
demeurent que sous la conditton de rernplir leurs engâ:
gernents. De là leur nom de conditionnes ou gens de cln-
dition.
Les francs hommes forment la llourgeoisie rurale. C'est
parrni ellx qu'oll choisit les éclrcuins, ntaieu,rs, bottrgmestt'es
et autres fonctionnaires atlministratifs des comrnunautés
lurales.
2" Les serfs. La condition du serf du latin serl)us,
esclave
- -
varie suivant .les temps et les lieux. Comme on I'a
-
dit, il y eut oo *oyen âge bien rles degrés tlans la servitude
comme dans la liberté. .

En fait, la situation du serf tlépentl du caprice tle son sei-


gneur. Cela rend fort rnultiples les catégories de selfs. Nous
en signalerons trois seulement :
a) Lns sERFs sArNcrEURS. Les serfs d'église, dits satnctem's
-
(qui appartiennent aux saiuts), placés sous la dépendance d'une
abbaye ou d'un évêque, bénéficient d'une partie des exemptiorls
et privilèges reconuus à leurs maîtres. Aussi les serfs des
seigneurs voisins d'une abbaye se réfugient-ils volontiers sur
les terres de I'abbaye dont ils deviennent les homnes-liges
aussitôt qu'ils se sont rnis autour du cou la corcle de la cloche
abbatiale. En général, le sort cles selfs saincteut's est le

(4) Àttouer son domaine, c'est, pour un alleutier, homme frttnc et libre,
redréttre sa lerre entre les mains d'utt seigneur. L'hOmme srns a.reu cst celui
qui n'apasde seigneur. ll n'est pas seulement hors la loi, mais hors de la
société.
{96 Itrsrornn DES BELcES Et DE IEUR crvrLISATroN

moins dur. Mais ils devienneut les plus rnallleureux tle tous
lolsqu'ils dépeudcnt à la fois de leur église et rl'un seigueur
laïc. Eu effet, dans ce cas, ils doivent satisfaire de deux côtés
aux corvées et aux taxes (l).
D) Lus srnr.'s DE conps, les noinslibles de tous. Ils sont
attachés à la personne du seigneul auquel ils appartiennent
cor'ps et biens. Leur rnaître peut en tlisposer' à sa volonté, non
pourtant les tuer ni les vendre. IIs doivcnt tout leul tenps et
tout leur travail li leul seigneur qrri, de son côté est ceusé
pourvoir â tous leuls besoins (9).
c) l.,ns sERFS .,r. l,r clunn. Les serfs à la glèbe sont la
propriété, la chose du seigneLu' suf la telre duquel ils ont vu le
jour, oir ils vivent, oir ils doivent rnourir. L'arbre ne tient pas
plrrs au sol dans lcquel il plonge ses racinesqu'un serf ne tient
à la telre de son rnaître. D'où vient qu'on le dit attnché ù Iu
glèbe (3). Eu cas dc partage ou de vente de la terre, ou ell
distribue, ou en ventl les serfs aussi bien que les arbres des
vergers ou des for'èts.
Les serfs sont sournis aux droits de potrrsu,ite, de mariage,
ùe [ornmriage.; iis sont ntainnnrtables, coruéable.s, taillsbles.
Lorsqrre le serf, ne pouvaut supporter sa misèr.e, s'enfuit du
tlomaine de son seigneur', celui-ci a le droit ùe pou'su,ife, c'est-à-
dile qu'il peut lc poursuivle et le forcer à r.evenir habiter sa
terre.
Le serf ne peut se marier sans I'autorisation tle son seigneur.
Poul I'obtenir, il tloit pâyer un tlroit rJe ntariage, augmenté du
rlroit tle formuriage, si la sert'e qu'il épouse est étrangère à la
scigneurie

({) _Yoir Poulr,nr, page 326, Ilistoire hùeme de to Eclg'ique.


(9) Les serfs de corps,portaient souvent au cou un ôoiier sur lequel élait
gravele_nom de leur maitre. Les afti'anchissait-on, ils enlevaient ce signe de
servitude: ils devenaient ainsi francs clu collier,
(3) Glèbe, so/.
TEMPS HISTOnI0UES.
-
pÉftt0DE t'É00ÀrE 'l,g'I

A la mort de son serf, le seigneur: hérite de tous ses biens : le


misérable n'est-il pas mainnzortultle? (l ).
Le tlroit de mainmorte devieut celui de meilleur cû-
tel ( I ) lorsqu'il se réduit pour le seigneur au droit tle
s'approprier le meilleur des rneubles laissés pâr le serr
défunt, par exemple, la meilleure charrue, le plus beau bæuf
de l'étable, quelquefois I'unique vache dont vit toute la
famille.
Les serfs sont corvëaltles : leurs maîtres peuvent disposer, à
leur profit et sans rémunération aucune, de leur temps et de
leur travail (3). S'agit-il de bâtir, de restaurer le château tlu
seigneur ou ses dépendances, de construire ou d'entretenir
les chemins nécessaires pour y arriver, tle cultiver les terres
seigneuriales, d'en récolter les denrées, etc., sur-le-champ,
le serf doit se mettre à la disposition tle son maîtle, aban-
donner ses travaux les plus pressauts, parfois laisser périr ses
grains ou ses foins. Si, dans tles chemins impraticables, il
crève sou cheval ou son bæuf, il en est pour ses frais : le
seigneur ne lui doit, pour la cause, ni rétribution ni
indemnité
Les serfs sout lofllables (4), c'est-à-dire qu'il est permis à

(4,) Lëgende, Lorsqu'un serf est mort, on lui coupe la main droite, on Ia
porte au seigneur. Dès ce moment, comme elle ne peut plus rien tenir, ni la
terre ni les autres biens dont le serf a joui dc son vivant., comme elle est une
tnain nnrte, tous les biens du serf tléfunt devienncnt I'héritage tlu sei-
gneur.
(ù) Catet de cheptel, terme de jurisprudence ancienne pour désigner un effet
mobilier considéré lictivement comme tel. 0n raconte qu'Adalbéron, évèque
de Liége, entendit un jour une pauvre femme, dont le mari venait de mourir,
se lamenler parce qu'on avait etrlevé sa charrue. L'évôque aurait alors sup-
primê le droit de main morte dans tout le pays de Liége \1124), titre rJe
gloire qui lui est contesté toutefois (Yoir WourERs, Lirertés communules,
page 394, tome I).
(3) Ce travail gratuit du serf portait, le nom de coruée.
(a) La laille é[ait ainsi nommée parce qu'on n'en donnait pas de reçu. mais
quten certains cas, le pelcepteur faisait, ilmême hauteur, une entaille sup deux
morceaux de boir dont il remettait I'un au serf et conservait l'autre.
"{98 HrsToInE DEs nELcEs ET DE LEUn cIvILIsarIoN

leur seigneur d'établir sur eux plus ou rnoins d'impôts qui se


paient, soit en argent, soit, le plus souvent, err nature. Lorsque
le seigneul peut imposer à ses serfs autattt de corvées et de
tailles qu'il veut, ort dit que les serfs sout coraéables et tail-
lables à merci.
Ce qui constitue la taxe du servage, c'est le triple droit de
poursuite, de mariage, de mainmorte, exercé par le seigneur sut'
le serf. Mais ce sont les corvées, les tailles et, parmi celles-ci,
les banalili,s, qui rendent la situation du serf particulièrement
insupportable.
Sur le peu de blé que lui laisse la voracité des lapins
et des pigeons du seigneur, ilrloit abandonner à celui-ci la
septième gerlie (droit de charnpart), au curé, la di*ième
:
(dîme) tlouble prélèvement liien onéreux déjà. Toutefois,
combien il se tlouve loin decompte! Peut-il manger son blé en
gerbe ? Force Iui est donc bien tl'emprunter, pour le batre, la
grange seigneuriale, la, seule d'ailleurs qu'il lui soit permis
d'employer. Avec quel amer regret, le pauvre ! il voit tle ce chef
diminuer encore sa maigre part! Iln'en a cependant pas fini,
car que faire pour échapper au nr,oulitt, clu seigneu,r? Satrs
moudre son grain, cornment en tirer la fariue? De là nouvelle
redevance e[ réduction uouvelle. Enfin, le four seigneurial
reçoit la pâte pétrie par la fernme du rnalheureux : celui-ci err
retire quelques pains. Mais jusqu'au bont le maître irnpitoyable
guette sa proie et d'uue maiu avide enlève au misérable son
seie,iènrc pain.
Cet usage forcé et dispentlieux de la grange, du moulin,
du four à une foule d'autres objets
seigneuriaux s'étentl
appartenant au châtelain.Nul ne peut fabriquer du vin ou de
,la bière sans se servir de son pressoir, sârls emplover sa
brasserie; nul ne peut acheter ou vendre ce qui doit être
mesuré ou pesé sans se servir de ses mesur.es ou de ses poids.
Et toujours, il y a une reclevance à payer pour I'usage de la
TEIIPS IIISTORIOUES. PÉITIODE FÉODÀLE ,99
-
chose empruutée ({ ). La grânge, le moulin, le four, le pressoir,
la brasserie, les poids et les mesures du seigneur, se trouvant
à la disposition de tous, sont dits banals, et les redevances à
payef par lc serf à I'occasiou de leur usage s'appellent des
banatités (2).
Combien faut plaindre nos pauvres ancêtres et nous félici-
il
ter de vivre à ure époque oir de pareilles iniquités sont
impossibles !

Certaines obligations tles serfs sont, toutefois, plus humiliantes


ou plus singulières que pénibles. Telles, paf exemple, suivant les
localités, I'obligation de battre I'eau des fossés afin d'empêcher
les grenouilles de troubler le sommeil du seigneur; celle d'aller
faire la moue uile fois I'ân Sul Ia terrasse tlu château, Ie visage
tourné vers celui-ci; celle de mottter au château à cloche-pied
et tle baiser le loqnet tle la porte; celle de se présenter ar
seigneur à des époques périodiques pour recevoir des souftIets
ou pour se faire tirer le nez et les oreilles.
Chose étrange, les serfs de Ia prernière périotle du moye[ âge
paraissent avoir vécu de la vie végétative des bêtes de somme,
souffrant les iujustices les plus révoltatttes sans même songer à
se plaindre, iticottscients sans doute de leur profond abaisse-
rnent et de leur extrême misère.

({) Sur {00 boisseauxdeblé, le serf devait peyer !


,to la dîme ecclésiastique, boisseaux .t0
2o la dime inféodée (le't/{0 de 90) I
3o le droit de champart (le {/5 de 8l) {6
4o le cens ({/{5) 6
5o le surceùs ou intOrOt tles intérêts ( {/5 ou {/4 tlu cens) I
60 Ie droit de meSurage ({/10 du t'este) 3 ue,
70 le droit de vente idem 5u2
2
80 les banalités
Totel environ 60 boisseaux.
Reste au serf à peu près 40 lrcisseaux.
( Dictionnairefëodal par Coltttt or Plrnct. )
(2)De là vient qu'aujourrl'hui, voulant, parler de choses que tout le monde
-répète, on dit que ce sont ùes ltanulités
900 ltrsrornn DES DELcES ET DB IEUR crvrlrsÂTroN

Le peuple des villes. Dans les villes, la co'tlition du


-
peuple est beaucoup moins dure que tlans les campagnes.
D'ordinaire, chacun y jouit au moins des droits civils. presque
toujours, on y distingue quatre principales classes tl'habitants;
1" les clercs; 2o les propriétair.es ruraux, hommes libres,
nobles ou non, mais habitant la ville; Bo les cornmerçants ;
40 les artisans, de métiers divers, tisserantls, ar.mur.iers,
la plupart issus tle serfs échappés des cam-
orfèvres, etc.,
pagnes.
Toutes Ies villes jouissent tle I'institution de l'échevinat due
:i charlemagne. Des murailles les protègent. Elles possêdent un
beffr'oi, au sommet duquel un guetteur veille jour et nuit poul
dorrner I'alarme en cas tl'incerdie ou avertir de )'approche de
I'ennemi. line cloche, installée dans re beffroi, appelle aux
réunions publiques. Pal son échevinâge, chaque ville a sur ses
habitants th'oit de haute, basse et moyenne justice. Àussi pos-
sèdet-elle son pilori, son gibet, son bourreau. En germe,
c'est déjà la commune, dont le nom toutefois apparaît seulemeut
au xtu siècle.

TITRE V
Institutions judiciaines.
Droit des gens. Au rnoyen âge, les progrès tlu droit
-
international ne sontguère plusapparents qu'à l'époque franque.
Le nom d'étranger n'a pas cessé d'être synonyme tl'ennemi.
C'est au poi't que le droit d'épave, c'est-à-dire le droit de
s'approprier les débris d'un navire naufr.agé reste toujours pour
un grantl nombre de seigneurs du littoral, une imporlante
source de reveuus. a J'ai Ià, disait I'un d'eux, parlant d'urr
rocher où souvent des navires venaient se briser, une pierre.
plus précieuse qu'aucune tle celles qui ornent la couronne des
rois. l
La guerre, à cette époque, ne se fait pas seulement aux
TE}IPS HISTONIOUES. PÉRIODE FÉODALE 9OT
-
soltlats, colnme aujourd'hui, mais â la population tout entière,
aux fernrnes colnme aux hommes, aux eufants et aux vieillartls-
Lorsqu'on prentl une ville, 0n la pille d'abord et 0n en
mâssâcre tous les habitants ; ou Ia brtle ensuite. Aucune
propriété n'est respectée. On iucendie les habitations ; ol]
détluit les semerlces; on brûle les récoltes ; on coupe les
arbles; 0n empoisoune les sources, les puits, les livières.
Si I'ou ne peut emmener tout le bétail, or er abat utte pârtie
sur place. Presque invariablement,.les guerres se termirtent
par la ruine et I'extermination des vaincus.
Les effets désastreux de I'absence d'une législation sut' le
tlroit des gens sout rendus plus sensibles encole par la multi-
plicité des guerres privées, si nombreuses au moyen âge,
Fehtes 0u guerres privées.
- Dans les temps de désortlre
et tle confttsion, lorsqu'il n'existe rti gouvernement recottuu, ni
justice publique, le tlroit de vettgeance personnelle et les
guerues pr.ivées constitttent une solte de justice. Quancl auculle
autorité u'est capable tle faile respecter le droit, force est bien
à chacun de preutlre les mesures utiles pour sa défense. 0r, à
l'époque de la féodalité, il
n'existe pns de justice sociale
régulière :
le tlouble et I'anarchie règuent partout. Àussi ce
temps est-il, par excellence, l'époque tles guerres privées, de
toules les plus terribles et les plus atroces, car, tlaus les
grandes guel'res de peuple à peuple, les adversaires tléfendant
des intérèts moins immétliats, appoltent tlans la lutte bien
moiris de haine et tle passion.
Une guerre privée. Guerre cle Ia Vache (1272-'1274).
- -en,
Reportons-Ilgtls, par Ia pettsée, à six siècles en art'ière,
I'an {2?2 (l ).

({) on le voit, eette date est postérieure à l'époque féodale pure.


Comme
Illa'is ir la Yache est un lype si parfaitement caractérisé de gu.erre
guerre de
privée [u'on voudra bien n6us e:(cuser-de l'âl'oir rapportée ici, à titre
d'exemple,
202 HrsTorRE DES DETGEs BT DE LEUR ctvrlrsATroN

Le comte Gui de Namur voulant donner un tournoi, les pay-


sans du voisinage amènent à Andenne, lieu de la fête, des
provisions de toute espèce, et aussi du bétail. 0r, ou avait,
quatre jours aupâravant, pris la vache d'un habitaut de Ciney.
Dans I'espoir de retrouver sa bête, celui-ci se rend à Andenne,
et réellement, arrivé sur la place, il I'aperçoit, exposée ell
vente par ur habitaut de Jallet. Il signale Ie voleur au juge du
Contlroz; mais comme ce magistrat n'a de juridictiou ni à
Andenne, ni sur Jallet, il promet au voleur de lui pardonner
son méfait, si ce dernier lui rarnène la vache volée.
Le voleur aloute foi. â cette
prolnesse, fait ce qu'oll lui
demaude. Mais le juge du Condroz, manquant à sa parole,
condamne le coupable au gibet, après avoir obtenu I'aveu de
sa faute.
c'étâit lâ porter atteiute aux droits de justice tlu seigneur
de Jallet, qui se venge en pillant les villages des euvirons de
ciney. Les cinaciens aussitôt courent, par représailles, rnettre
le feu au village de Jallet. De leur côté, les seigneurs tle Beau-
fort et de Fallais, frères du seigneur de Jallet, prennent son
parti et viennent â leur tour dévaster le Condroz. Alors les
Hutois et les Liégeois, compatriotes des Contlrusiens, s'appr'êtent
à les soutenir. Les premiers assiègent le château de Beaufort,
d'oir ils sont repoussés; les seconds bloquent celui de Fallais,
qui se trouve bientôt réduit à la dernière extrémité. En ce
péril, le sire de Fallais met sous la protection de Jean I"',
se
tluc de Brabant, taudis que les seigneurs de Jallet et de
Beaufort se placent sons celle du comte Gui de Namur. Ainsi
Ia querelle s'éteudait rapidement d'une seigneurie et d'une
principauté à I'autre.
s'étaut joints aux Namurois, les Brabançons entrent dans
l'évêché de Liége et en ravagent plusieurs cantons. A leur
tour, les Liégeois, unis aux Hutois, pénètrent dans le comté
de l{arnur oùr ils mettent tout à feu et à sarrg.
TEMPS HTSTOnI0UE pÉRIODE FII0DALE 203

Mal secondé par le duc tle Brabant et trop faible pour


I'emporter avec ses seules forces cotttre les Liégeois et les
Hutois réuuis, Gui de Namur demande et obtient le secours
de sa mère Marguerite, comtesse de Flandre et de Hainaut, en
même temps que celui du comte Henri de Lttxembourg. La
querelle embrasait peu à peu tout le pays. Cette alliance effraie
les Liégeois qui, en{oute hâte, aliandonnent le siège de Fallais.
Le comte de Namur peut ainsi tout à son aise dévaster le pays
de'Warnant ({ ), pillant cette localité et la livrant aux flammes.
De son côté, le comte de Luxembourg s'empare de Ciney, dont
il passe les fuabitattts au fil tle l'épée, al]ant jusqulà mettre Ie
feu â I'église oùr s'étaieut réfugiés les demiers tléfenseurs de
la ville.
Furieux de ces excès, les Liégeois euvahissent à leur tour
le Luxembourg et saccagent, dans le catlton de Raudache,
plus de trente villages. Entre-temps, les Dinantais, sujets de
l'évêque de Liége, pillent toute la contrée située au sud de
Namur. Cette guel're sauvage dura deux ans. Si elle avait
continué quelque temps encore, la Belgique tout entière eût
été ruinée. Au point oir l'on en élait, elle avait dêjà corité Ia
vie à qr-rinze mille personlles; plus de cent villages avaient été
livrés aux flammes et leurs champs dévastés : tout cela pour
une vache. Heureusement qu'on s'arrêta enfin à I'idée d'un
arbitrage qui termina cette guerre furieuse et stupide.
Un momeut, les guelles privées s'étaient multipliées au point
qu'on avait pu craindre de voir s'arrêter la vie sociale. t Eucote
un siècle de guerres privées, dit Hallam, et c'en était. fait de
I'Europe. l L'excès mème du mal provoque une réaction
salutaire. Soutenus par I'opinion publique, les pouvoirs civils
et religieux s'uttissent pour combattre cette funeste et balbare
coutume.

( { ) Warnant-Dreye, sur la }téhaigne, à {0 hilomètres deHuy.


204 Hrsrotnr DES BELGEs ET DE LEUn cIVrLrsATroN

Proclamation de la paix publique et universelle. Déjà


en 988, les évèques tle Flance, assemblés en concile au
-
rnonastère de Charroux (en Poitou ), avaient lancé I'analhèrne
contre quiconque, en temps de guerue, s'attaquerait aux
ecclésiastiques, aux pauvres, aux agriculteurs, à leurs biens.
En 1039, un édit de Conratl II, empereur d'Allemagne,
proclame la paix urfvelselle et tlécrète la peine de mort contre
quiconque troublera tlésorrnais I'ordre public. Mais cette
ordonnance, quoique renouvelée qualre ans plus tartl par
I'empereur Henri III, demeure sans effet. Elre dépasse le but.
Du reste, Ies mæuls sont souvent plrrs fortes que les meilleules
lois.
Trêve de Dieu.
- sentant I'impossibilité clarriver à une
supplession ratlicale des guerres privées, Ies souveiains et
I'Eglise composent avec I'esprit tlu ternps. Les mesures qu'ils
plennent n'ont plus pour objet tle réaliser la paix universelle,
mais de réduire le nombre et I'horreur des guerres privées en les
circonscrivant à certaines personnes et à certains objets, à
certaines périotles de temps et à cer.tains lieux. 0n donna le
nom rJe trêue de Dieu à I'ensemble des lois édictées dans ce
but (l ). aux termes tle Ia rrêve, on tloit cousidérer. comrne
étant en paix perpétuelle les gens d'église pr.êtres o.'
religieux -
- les marchands, Ies laboureurs,
enfants. Elle impose en outre aux
les femmes et les
belligérants, le respect tles
églises et des monastères, des moulins, des terres ensernencées,
des instruments de labour ainsi que tle tous les animaux
domestiques à I'exception des chevaux, consitlérés comme
partictilièrement utiles pour la guerre.
Elle stipule une suspension d'armes obligatoire : ,lo du

(a). Ne pas confondre donc la tréae de Dieu avec la pafu deDæ2. celle_ci
antérieure â celle-là qui subsista plus longtemps et frit u,, iulnpïrrment est
de la
seconde.
TEITPS IIISTORIOUES. PÉRIODE FÉODÀLE 205
-
vendredi de chaque scmaine au dirnanche inclLrsivemenf ; go du
premier dimanche tle I'Avent (période destinée à se prôparer.
. aux fètes de Noël e[ comprenaut les quatre dimrnches antérieuls

à cette fète) à I'octave de I'Epiphanic (fète des rois), lc 6 ianvier ;


3o De la septuagésirne (3' dimanche précédant le Ln'' tlirnanche
de carêrne) à I'octave tle Pâques; 4o tles Rogations (les trois
jours précétlant I'Ascension) ri I'octave de la Pentecôte.
Quarantaines. La trêve tle Dieu êtablit I'usage des
-
cluarautaines, qui défendent tle tirer ïengeance cl'riue offlense
reçue avant un tlélai tle qurrante jours. D'ordinairc, au cour.s de
ce long délai, l'offensé se calme et, à la fin, il se nton(re en
général mieux disposé à un accomrnodcrnent;
une sorte d'alrnistice s'impose aussi quand un chevalier est
tuô tlans une rencontre. Mais, Ioiu rl'êtle employée ri anrener
rune réconciliation des partis, cette suspension d'armes a surtout
pour objet de permettre aux parents et aux amis du mor.t de
tlécider quel carnp ils suivront désormais. souvent un seigneur,
jusqu'alors attaché à un parti, I'abandonne pour suivre le carnp
opposé, dans lequel un cle ses parents vient tl'être tué on blessé.
Parfois encore, des seigneurs de partis opposés profïtent dc
I'ouverture d'une quarantaine pour se réunir et se tenir bonne
comptgnie en vue de termiuer quelque autre afaire. La quaran-
taine finie, ils repreluleut leur querelle au point oir ils I'ont
laissée et redeviennent d'ardents atlversaires.
'lnviolabilité
du domicile et des lieux d'asile.- Bu dépir du
tlespotisrne des seigneurs, uue hrbitude intéressaute s'introduit
:
peu à peu dans les mænrs du temps celle de considérm
comme inviolable la demeure d'un intlividu quelconque.
Les églises possédaient, tle temps immêmolial, le privi-
lègc tl'ôtre, pour les accusés, un lieu d'asile. La trr\vc dc Dieu
éteutl ce privilège à cer.tains lieux publics, foires, urarchés,
tavefnes, mâls, et même à des villcs entières. Il irnporte que
I'accusé, innocent ou coupable, soit garanti, jusqu'iru rnoment
906 HrsTorRE DEs BELGES ET DE rEUR crvrlrsÀTroN

tle sa comparution devant un tribunal régulier, contre un


premier emportement du seigneur ou du peuple : une aclion
précipitée de I'un ou de I'autre exposerait, en effet, à frapper un
innocent ou â infliger au coupable une peine mal proportionnée
à sa faute.
Pour faire respecter la trêve de Dieu ({), on institne, en
Lotharingie, sous les auspices de l'évêque de Liége, Henri de
Yerdun, le Tribmal de la Pain. Tout seigneur qui viole la
trêve est passible tl'une double peine : de l'excommunication et
de la perte de son fief.
Malheureusement, les sentences de ce tribunal ne sont pas
toujours respectées. Aussi, malgré I'institution de la trêr'e de
Dieu, on peut dire que les principes du droit international ne
s'affirment encore que timidement dans le haut moyen âge.
D'ailleurs, c'est de nos jours seulement que ces prineipes ont
reçu une application satisfaisante.
judiciaires
- Les codes
Droit public. sont nombreux au
moyen âge : des couturnes (9), géuéralement locales, règlent
tous les litiges. Dans l'éteudue de I'ancienne Gaule, il existe
jusqu'à 60 coutumes générales et 300 coutumes locales, dont
l'ensemble forme le droit cotctuntier. L'usage du droit rontain
se maintient particulièrement daus le rnidi de la Frauce; le
nord suit surtout le droit coutumier. Quant aux lois nationales
des Barbares, les lois salique et ripuaire uotamment, elles sont
depuis longtemps tombées en désuétude, ayant cessé de répondre
aux besoins de la vie sociale et aux mæurs de nos ancêtres.
Par contre, Ie droit canzn, est très en faveur et son esprit tend
à s'irnplanter dans les mæurs qu'il adoucit. Car non seulemen[
le dloit canon considère les délits comme tles offenses faites à
Dieu, par suite à Ia morale, mais il recommande de propor-

(1) Appelée en Flandre, la Pai.r du. Comtel en Brabant, la Puir du Duc.


(2) Coutunte: usage ancien et général ayant folce de loi. Par extension,
recueil des coutumes d'une contr'ée.
TBMPS HISToRIQUES. pERIODE }'ÉODÀLE 207
-
tionner la sévêrité des peines au degré de malice dans I'intention
et de poursuivre, par la persuasion et la douceur, I'amendement
tles coupables.
Justice publique. La ju,stice pyur les pri,nces et les nobles.
-
Cottrs allodiales et féodales. Les cours de justice tlu souve-
rain, celles des seigneurs et
-les tribunaux des échevins rem-
placent insensiblement les plaids de rangs divers.
Les cours de iu,stice du sottverain sont constituées par les
plus grands vassaux, pairs entre eux. Lorsqu'elles Se comPosent
d'alleutiers, elles prennent le nom de c1urs allodiales. 0n
letrr donne le nom de cottrs féodales quand elles sont formées .

par de simples bénéficiers. Ces collrs tle justice jugent les grands
seigneurs et les carses relatives aux biens allodiaux ou
féodaux. Mais leur autorité n'est pas toujours respectée; et
il arrive que les plus puissants d'entre les barons, refusent
de se soumettle aux sentetlces défavorables à leurs préten-
tions.
Les cours de justice des comtes et celles des grands feuda-
taires qui se sont arrogé les attributions des cgmtes, sont
organisées sur le plan de celles du roi. Ils appellent à y siéger '

leurs vâssaux de même rang, parmi les plus considérables.


Ceux-ci remplisseut, daus les triburraux ainsi formés, les
forrctions de juges oa de çonseillers,' au besoin, ils veilleut à
I'exécution des setttences en prêtant main-forte à leur seigneur,
le haut justicier. Nul d'entre eux ne peut se soustraire à I'obliga-
tion de répondre à la conuocatiott,, sommatiort' orr 8en1'01rce,
c'est-à-dire à l'invitation de venir siéger lorsqu'elle lui est
atlressée pâr Son suzeraiu. A I'occasion, la cour de
justice d'un
suzerain forme tribmnl cl'appel ,Jes sentences des cours de
justice de ses Yassaux.
Justice à t'égard des bourgegis. Dans les villes, la justice
-
est rendue aux bourgeois pay le tribulal des écfuevins, collège
formé d.'un lombre {ixe de membres llommés à temps ott
908 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUn cIvILISATION

ri vie. Les échevins son[ ordinairement pris dans uu petit


nomllre de grandes famillcs, tont au moins dans les classes
ôlevôes de la société. Ils sont présidés par uu agent du pr.ince :
1tréuôt, ntaïe.ut', builli,, etc.
Justice privée. Tribunaux ecclésiastiques. officialitë,
- -L'
c'est-li-dire I'ensemble des tribuuaux ecclésiastiques, a seule le
clroil de juger les procès tlans lesquels sont impliqués des
intérôts religieux ou simplement ecclésiastiques. C'est ce qu'ou
appclle le privilège du for' (1). Lcs tribunaux ecclésiasriques
iugcnt aussi les accusés de toute classe et de tout rang, en
rnatière cl'hérésie, de næurs, de dîme, de sorcellerie, de rnagie,
de blasphème, de sacrilège, de ptrjnre, de violation tlu repos
dominical, etc. Eufin, ils jLrgeut toutes les contestations relatives
anx testamenls, aux ruariages et âux intérêts résultant dc'
mariage. Le sacrement de pénitence accorde le pardon des
fautes confessées, mais inflige des peines souvent publiques,
telles que les pèlerinagcs, le port d'un habit de pénitent, la
relégation dans nn monastèr'e, l'exclusion solennelle de I'Eglise,
etc. f)'autre part, ces peines consistent fr,équemment en dous à
faire â I'Eglise.
lustice seigneuriale (ti l'égard des uilains ).
la suite des ihvasions cles Normands les rares - Depuis qu'à
écoles qui
existaient ont été détruites, I'iguorance est devenue nuiverselle.
Presque persorttte ne sachant lire, on ne consulte plus, lorsqu'orr
rend h justice, ni le droit r'omain, ni môme les cotles barbares.
La coutume règne cn maîtresse. Quelles gar.anties de justice
restc-t-il au peuple en pr'ésence du pouvoir absolu et sans
contrôle dont disposent ses rnaît,res ? Aucune assurément et la
justice à I'égard des selfs est souvent arbitraire autaut que
cruelle et expéditive.
on distingue pourtant, tlans I'adrninistration de ra justice à

({) Yoir pr'écédemment : classes socittles : clergé.


TElrps Hrsï0nrouEs. FÉODÀIE 209
pÉnr0DE
-
l'égartl des vilains, lrois degrés de juridiction : la ôasse, la
mlae?me et \a lmute justice. La basse justice coruespoud plus ou
moins à celle qui se rentl aujourd'hui dans nos justices de paix
et tribunaux de simple police; la movenne justice, à celle de
nos tribunaux de première instance et tribunaux correctionnels.
La haute justice seigneuriale est la justice de nos cours d'as-
sises. Le cas échéant, les seigneurs hauts-justiciers revisent
en appel les sentences des justiciers infér.ieurs.
Le droit de haute justice d'un seigneur s'affirme par deux
embièmes : un pilori e[ un gibet élevés quelque part dans ses
donraines, le plus souvent près de la grande porte tl'entrée cle
son château (l ).
Pour juger les contestations relatives aux terres tenues â cens,
il existe en outre, tlans les plus petites seigneuries, une cour
censale.
Aujourtl'hui, la justice est gratuite. Celle rl'autrefois était
payée. Les justiciables rapportaient comme les corvéables :
<r Les prévôts et les baillis, institués pâr les seigneurs,
n'étaient point des magistrats, mais des hommes qui exer-
çaient tles fonctions industr.ielles dont de misérables serfs
tlevaient procurer les horribles bénéfices r (2). Le produit des
amendes et de la vente tles biens confisqués r.evient anx
seigneurs et à leurs ofliciers. Quand le coupable ne possède
rien ou peu de chose, 0n ue s'empl.esse guère de le poursuivre.
S'il est riche, il achète facilement le juge.
La procédure. La procédure à l'égard des vilains est
rarement compliquëe. D'ordinaire,
- le crime ou le délit sont
suivis d'une répression sommaire. L'expressiorr u sitrit pris, sitôt
ytendu, r, peint avecautaut de force que de vérité les façons jutli-
ciaires particulièrement expétlitives tle certains barons. Trop

({) tes seigneurs hauts-jusficiers furent peu nombreux en Belgique oir les
grands dynastes se réservèrent presque toujours I'exercice de la haute justice.
(9) DEFACQz, Ancien droit Belgique. Tome {er, p. 43.
V. Mirguet, - Histoire des Belges. l4
2{0 HrsroIRE DEs BBLGES Er DE LEUR cIvlLISÀr'IoN

souvent, le caprice du seigneur r'ègle seul le mode et la rigueur


de la répressiott, et parfois il imagiue mille procédés de torture
pour assouvir une colère alrsolument injuste. Il n'existe tttcune
loi, aucune autorité crpables tle rnotlérer I'attleur de vengeance
.tlont ilpeut être animé. Iln serf a-t-il le malheur de lui
-déplaire, il le fait battre et rouer de coups, ordonne de lui
couper le poing, I'enferne thns un cachot infect et glacé, etc.
En procédure régulière, le vilain comparait devant une cour
de justice composée de sept de ses pails et présidée, soit par le
seigneur, soit par le bailli chargé tle le représenter. Genu'ale-
meut, les causes irnportantes sottt jugées par le seigneur lui-
mème, sous le dais de la glande salle du château, parfois sous
l'lr"nte ou Ie chêne qui ombrage la cour ( 1).
Si te tribunal le dôclare non cutpaDle, I'accusé est reuvoyé
absous.
Dans les simples cotttestations civiles, on réunit les
plus
anciens du village; on fait appel â leurs souvenirs pour
savoir comment 0n a agi tlans les cas analogues. 0n décide
ensuite, tl'après la. cotttttnr,e. Chaque village ou peu s'ett fiut
possède ainsi sa coututne. Pour les délits nouveaux, les
juges de langs divcrs disposent tl'uu pouvoir à peu près discré-
tionnaire. Leurs décisions forment précédents et cotlstituent
les éléments d'utr article nouYeâu de la coutume.
. Les épreuves.
-L'usage de certaines épreuves j udiciaires
et particulièr'emeut du combat eD champ clos se naintien[
longtemps. Chacun, offenseur ou offettsé, peut toujours ell
appeler des décisions de la justice au jugement de Dieu sur le
Pré-l'Euêqu,e, à l'épée pour les nobles, âtl couteau sous
la protection d'un bouclier, ou simplemettt au bâton pour les

(.1) De là I'expression attendre sous I'orrnc qui signilie : attentlre plcitt


tle'ionliance en la juttice de sa cattse et Ntsgi attendre uainentent, comme
faisaient autrefois les parties qui, sùres de leur droit, devançaient sous I'orme
leurs adversaires et parfojs vainement les y attendaient.
TEMPS HISTORIOUES. PÉRIODE FÉODALE gIL
-
vilains. Souvent le combat judiciaire entre vilains est provoqué
dans le but de procurer aux nobles un spectacle risible, propre
ti les amuser.

ôé

Duel jutlicirirc (coutl.,at, en charnp clos).

TITRE VI

tnstitutionb de bienfaisance.

Hôpitaux et hospices. Les ilrilsions cltt vo sièclc et cellcs tlLt tx'


-
,a\,rient jeté lc plus profonrl désarroi dittts I'trdntinistlution dcs r-illcs
et clcs commullilutés rulalcs. Cette circotlstancc a poul' effel r]e firirc
passer aux ttiaitts de I'llglise, à l'époque féodale, I'aclministrttion des
t ien* des prulres. ,\vec les revenus qu'il tire de cetle sourcc, le
clergé folde un grartd nombre d'hospices, d'asiles et d'liôpitaux
qui sont''pour la sociéte un inestirnalile bienfait. Des rois, des
212 irIsTorRE DEs TIELGES ET DE LEUR clvrlrsATroN

grands seigneurs, mème de simples particuliers rivalisent à qui


rnettra à la disposition de I'Eglise, le plus de ressources pour les
r:réer.
Sur les routes de l'époque, 0n ne trouve pas d'auberges, les voyr-
geurs él,ant rares, par suite du peu de sécurité des voies de commu-
nication et de I'absence de commerce. Mais I'hospitalité est de règlc
dirns toutes les abbayes. Eu chaque couvent, il y a une maison rles
hùtes oir le voyâgeur, lc pèlerin, le pauvre soDt gratuitement
hébergés pendant un temps dont les règlements déterminent, Ia
tlurée. De mème, ou aménage, aux abolds des villes, dcs hospices
ouverts aux voyageurs. Ceux-ci peuvent y loger une nuit. Ils y
tlouvent du feu et un lit, avec un frugrl soupcr dc légumes ct de
pain. Lorsque le voyageur arrive blessé, malade ou très fatigué, on
I'autorise volontiers à prolougcr son séjour.
llalheureusement, les maisons des hôtes sont, surtout fréquentécs
pirr les mendiants et les vagabonds. Il est d'irilleurs bien di{Iicile
d'attribuer toujours, sans erreur', -aux seuls et véritables mal-
heureux, les rcssources de la bienfaisance publique. Aussi lcs
secours distribués au moyen âge ont-ils trop souvent pour effet,
non de réduirc la mist)re, mais d'cncoul'agcr la paresse et la men-
dicité.

TITRE VII .

Institutions financlènes.

Dans les domaines qul ne sont pas cles fiofs directs de la couronne,
il n'existcpas, âu moyen iige, d'impôts proprenent dits, perçus par
les souverains. llais si, dans les dornaines féodaux, Ies serl's nc
paient pas I'inipôt à I'Btat, leur. sort n'en c.et pas plus heureux.
N'ont-ils pas à payer la dîrne au clergé, le droit de champart et cerui
dc meillcur oatel, sinon de morte-main, aux seigneurs? Ne sont-irs pas
soumis ù uue multitude de tailles et de corvées? Écrasé sous ces
charges innombraltles autant c1n'itrbitraires, le peuplc est, aur
temps féodaux, plus miscrable qu'i\ aucune autre époquc dc I'his.
Ioire.
TElrrps HISTORIoUES. pÉnIoDE FÉI0DÂLE 9t3
-
TITRE VIII
lnstltutions mllltaiFes.
Becrutement des soldats.
- Il n'y a point d'armées pcrmanentcs
ir l'époque du hau[ mo.Yen âgc; I'obligatiou générale du servico
:lilitaire personnel potlr un temps et dans un l'ayon déterminés est
I'uue tlcs caractéristiques dc I'orgartisation féodale. En cas de guerre,
chaque prince, chaquc Seigneur, aclrCsse ull appel aux armes ut ban
Ct.tl'arrière-ltan, de ses Yassilux, c'est-à-dire à ses Vassilux directs et
à ses arrière-vassaux : a Arrivgz ou vous brtlerai >, fait aluloncel'
lC seigneur par crf pu,ltlic, clans lcs rues, les carrefours et les cam-
pagnes. Une seconde somtnation a lieu au Son du cor. Chacun est
tenu de répondre a cet appel. Quicorlque y mirllque est, déclaré félon.
De bourte hcure, cependûllt, les ltorttmes libres de la cantpagne .s(l
soumettent à payer un cens ou des prestations pour éviter le service
militaire (l).
- 01 ne prévoit riel
Approvisionnement des armées. pour I'appro-
visiOnnement des armées; chacun s'équipe, s'ârme, s'cntretient ir
ses frais. Les troupes en campagne rivent du pillage des contrées
qu'ellcs occupent : aussi la gucre a-t-elle toujotrrs pour collséquenc(t
là ruine, sinon I'anéantissemen[ des populations. C'est surtout fautc
cl'intendance e[ d'ttmbulrrttce que IeS croisades échouent. En proie
à la famine, atteiuts par les fièvres éruptives, la peste, la lèpre, les
croiséS malades ou blessés, privés cle soins, périsscnt par milliers'
Le château féodal. Pour forcer à I'obéissarrce le peuple des cam'
pagnes et pour se
-cléfendre contre leurs enncmis, les barons se
tririissent des châteaux construits cle façon à en rendre I'attaque et
Ia prise dilliciles. 0D appela ces cltirteaux des châ'teaun forts.
ie seigneur chgisit nflturellcilrcnt, pour bâtir son chitteau, un lieu
propicc à l. déftn*u. C'est, tl'ordinaire, un rocher escarpé' couronllant
une-moutagne. Dàns le fold de la vallée, coule presque toujours utt
ruisSeau ou ulle rivière. Souvent, I'un des revers de la montagne est
à pic. Le long de I'autle r'ègne url fossé profond que remplit I'earr
de la rivière.
Grâce aux avantages d'unc tcllc situation, le seigneur
peutr à

(l) Yur nrn KNoEnn , Le slècle dec Arteuelde, page 249'


214 HrsTorRE DEs nELcRS ET DE LEUI crvrlrsÀTloN

I'occasion, suivle avec facilité les mouvements de l'enuemi, aper-


cevoir de plus loin les voyageurs à rançonncr et faire surveiller
plus aisément les travaux des serfs dans les câmpagnes.
Le château fort n'a-pas I'extérieur riant et agréable des châteaux
modernes : sa masse, imposante mais sombre, inspire I'effroi. Il ne
possède pas de fenêtres; ses murs sont percés de mtrurtrières qui en
tiennent lieu, mais à travers lesquelles passent le vent et la pluie.
Le plus sour,ent, on est obligé de les fcrmer avec des volets clebois :
toutes sont défendues par de solides barreaux de fer. Des vorltcs de
pierre séparent les divers étages de l'édilice.
Les appartements du château, pavés de grandes dalles, sont vastes
et froids. 0n est obligé d'y approprier de larges foyers, oùr, à la
saison mauvaise, on brtle à la fois un arbre tout-eutier. L'hiver, orr
tapisse le pavement d'une couche de paille; l'été, on le recouvre de
verdure et de plantes odorantes.
Deux cours se remarquent dans tous les chirtcaux forts : I'une,
plus grande, otr se trouvent la clrapclle et les contmu.ns,, c,est-à-dire
les lrabitations des serfs, dû conunun, commc on dit, et lcs autres
dépendances du chirteau : écuries, magasins, nroulin, boulanger.ie,
four, etc.; I'autre, plus petitc, renfcrine le donjon, dont il seraparlé'
tout à I'heure.
Les murs extérieurs du château ot courtines sont très élevés, épais
parfois de deux à trois mètres et trôs soliclement maçonnés, afin de
pouvoir braver les efforts du tenrps et ceux de I'ennemi. Leur
sommet est percé d'ouvertures nomméès créneaun. Les espaces
remplis entre les créneaux s'appellent nterlons.Derrière les créneaux,
on ménage, les murailles étant très larges, un chemin qui contourne
I'enceinte, e[ que, pour cc rhotif, on dôsigne sous le nont de chenûn
tle ronde. Des hommes d'armes, inspectés et relevés à dcs heures
régulières par la rontle, y font jour ct nuit sentinoile. Dans les
merlons et dans les courtines sont pratiquées des fentes verticales,
très étroites à I'extér'ieur, mais s'élargissant vers I'intérieur de façon
à permettre à un archer de s'y installer commodément avec sorr arc
ou son arbalète. A raison de leur usage, elles reçoivent le nom
d'archères. Les cr'éneaux et les archères ne sont pas res seuls
moyens de défense des murs. A la base intérieure des'rnerlons, se
remarquent d'autres ouvertures, appelées mâclùcou,Iis. Elles débou-
chent à I'extérieur et servent à jeter, sur les assaillants, tou[e espr\cc
de projectiles : des pierres (parfois travaillées en forme de boulets)
ou dcs liquides brtlants (de I'huile, de I'eau, etc. ). La base extérieure
TEDIps HIsronIouES. r'ÉonALE 2{5
PÉRIoDE
-
des courtines forme une sorte de plan incliné : cette disposition
empôche les assiégeants de s'approchef asgez des murailles pour
liouvoir lancer des traits par I'ouvet"ture inférieure des mâchicoulis;
ôn outre, èlle imprime aux projectiles lancés par ccs ouvertures la
lronneclirectiorretulreforcetleprojec[iorrnouvellc.
Àux rnglcs de la place et aux endroits les plus faibles, son[
placées les tours du château, dont elles renforccnt la défense. Elles
I'avancent, à mi-corps,.il I'extérieur des murailles, parfois disposées
en encor|ellement, de façon à pcrmettre aux assiégés de tirer sur
I'ennemi occupé à saper, i\ battre ou à escalader leS courtines.
À proximité des tours, sonI crertsés, très souvent dans le roc, les
puits du châte:ru. 0n peut encore en voir utr ouver[ datts ces con-
ditions à Moha (plc\s de HuY).
Très élevées, Souvent à quatre ou cinq étages, elles sont en outre
pourvues de moyens de défcnse analogues il ceux des murailles et
rles tours : merlons, créneaux, archères, mirchicoulis.
Au-dessous du rez-de-chaussée, oir Se tienrtCrtt, les hommes
d'âr.mes, oll trouve une cave, à peine éclairée par d'étroits soupiraux.
Sous cette cave! utl caclnt sans lumière. Plrfois encofe' dans le
cachot, un trou proforttl, utte sorte de puits, nommé ou,ltliette,
tecouver[ d'uDe trappe mobile. Veut-il se débarrasser sans bruit d'uu
ennemi tombé entre ses metins, le seigneur le fait descendre dans
lc cachot et conduire sur la trappe. Celle'ci bascule et le malheureux
clisparait dans les profondeurs du puits à jamais ou,blié de tous (l).
Deux tours protègent souvent la porte d'entrée. A ces tours est
suspenclu, au moyen d'énormcs chaî1es de fer, u1 pont-levis par
lequel enl,relt et sortent les gens du château. Tous les soirs, et
chaque fois qU'on veut empêcher I'rccès du château' on relè!-s le
poni.levis, qui vient s'appliquer exactemcnt sur la pol'te. Une fois
iermée, cellc-ci se trouve donc protégéc, à I'avant, par- le pont'levis ;
i\ I'arrière, quand la chose devielt utile, une profonde rainure'
rnénagée dans l'épaisseur cle la vorlte, livre passage à une puissante
gr.ille de fer, appelée lærse, qu'un s-vstème de clraines et' de poulies
rbaisse ou relève t\ volonté.
En outre, des archères sout ouvertes i\ dloite et à gauche dans
le porche formé'par lcs mut's rlcs tours. Eufin, des trous de mâchi-
,oulit, mé1agéeJ d'ans la votte, perrnettent d'écraser los assaillants

({) 0n a contesté I'existence de ces oublietles.


21.6 HrsrorRu DEs BtsLcEs ET DE tEuR crvrlrsaTroN

sous une grôle àe traits et de projectiles. a côté de la grande porte


s'cn trouve d'ordinaire une plus petite oû plterne, qui per*et dc
sortir du château sans abaisser Ie ponhlevis ({).
Devant la grande entrée du château se trouve un pilori pour la
flagellation ou I'exposition. une potence, supportée par deux,-quatre
ou six piliers, selon l'étendue des droits de justice du seigneur, sert
aux cxécutions capitales.
Le donjon. Le donjon forme un petit château fort dans Ic grand.
-
c'est, presque toujours une grosse tour carrce, située à l'ù des
angles du manoir et,, comme le château, défendue par uu fossé. une
chemise de pierres de taille, destinée à en renclre Ia sape ou I'escaladc
plus diflicile, la r.evêt jusqu'à la moitié de sa hauteur.
construil ayec uû soin extraordinaire, Ie donjon cst le point le
plus important de la place oir il joue Ie rôle rempli, hier encore, par
la ci[adelle dans nos villes modernes. Aucun étranger n'y cst iritro_
duit, par prudence. Aussi, eD cas de surprise du château,l'ennemi se
dirige-t-il malaisémcnt à trarer's des couloirs entremrilés à dessein.
Tout au somme[ du donjon, on remarque une petite loge carrée
- la gu,eile - munie de quatre ouvertures, par oir une sentinclle
intenoge I'horizon à chaquc instant du jour. et de la nuit. A la
moindre âpparence de danger, le guetteur clonne I'nlarme soit err
sonnant une cloche, soit en se servant du cor ou d'un porte-voix.
Ordinairement, Ia porte d'entrée du donjon est assez élevée au-
dessus du sol. 0n y arrive en s'aidant d'une échelle ou en suivant
Ie chemin de ronde qu'un pont mobire, susceptible d'ôtre placé ou
retiré à volonté, relie au donjon. située à I'un des angles de la
tour, une tourelle oir I'on a ménagé un escalier, permet I'accès cles
divers étages du donjon. construction d'aspect particulièrement
sombre e[ triste, celui-ci n'es[ jamais habité qu'en cas de siège. En
d'autres temps,, le seigneur en fait un magasin pour ses provisions
de guerre. Il y serre aussi ses archives et ses trésors,
une suprêmc ressource reste au seigneur après la prise rlu
château et du donjon. un couloir souterrain, qui me[ ce dernier
en
communication avec I'extérieur, peut le conduire dans la campagne
avec sa famille et ses derniers hommes d,armes.
Yie du selgneur dans le château fort. La vie esf bien monotone et
-
( I ) ta visile du château de Fallais (près d.e IIuy), très
bien restauré it y a
quelgues années, permettra de vérilier i;exactitudeïê ces
detailJ.
TEUPS HISTORI0UES.
- PÉRI0DE nÉOn]tln 217

bien triste, à I'intérieur des sombres habitations quc nous venons de


décrire. Sauf pendant quelques mois d'été, il faut constammenttertir
fermés les volets du château si I'on ne veu[ y être exposé aux
quatre vents du ciel. Pour dissiper I'obscurité qui règne alors dans
les appartcments, on fait flamber, dans la vaste cheminée de la
grande salle, d'énormes brassées de sarments.
Les j<lurs de grancle cérémonie, de festin, pâr exemple, afin de
soutenir la lumièr'e incertaine du feu flambant darts l'â[re, on allume
des torches portées par des valets rangés tout autour de la salle.
Pour occuper leurs intcrminablcs loisirs, Ics dames s'appliquent à
lrr confection d'immenscs tapisserics dout quelques spécimens,
parvenus jusqu'à nous, témoignent d'une grande haltileté.
trlais lcs hommes ne peuvcnt lortgtcmps supporter h mornc
solitude du chirteau. Incapables dc distraire lettr cnnui par la
lccture, car ils sont ignorants au point de ne pas savoir lile et
assez bornés pour s'en glorifier ({), ils passent au dehors la plus
grande partic de leur existettcc.
Ce sont, en [out tcmps, de grandes chasses auxque]les ils couvo-
quent, l'été, d'autres seigneurs leurs voisins. De nornbreux servi'
teurs les accompagnent, rabattant le gibier ou dirigeant la bruyante
meute des chiens. Parfois les darnes les suiveut, portant sur le
poing u1 faucon apprivoisé et dressé pour la chassc d'tutres
oiseaux. Àlors, op peut voir la brillante troupe des chasseurs,
poursuivant quelque cerf ou quelque sanglier aux abois, passer
comme un tourbillon à travers les campagnes couvertes de
moissonS : Ctl ull motnettt, la récolte du pauvrg laboureur, son espoir'
de toute I'année, se trouve anéantie.
Les jeunes seigncurs s'exercettt aussi volontier's au tnaniement
dcs armes, soit dans une salle du chirteau spécialement réselvée à cct
usage, soit dans la grande couroirils selivrcnt à divers
jeux et dc
préiérence à celui de la quintaine. Co jeu a pour but de familia-
riserles futurs chevaliers avcc le tnaniement de la lance. Il consiste
à courir,Ia lance en aruêt, sur un mannequitt de llois qui, montô
sur un pivot mobile, a le brrs armé tl'une gaule solide ou d'un tas
tle terrà. Touché en dehors de sa ligne médiaue, le mannequin
tourne vivement sur lui-même, et tant pis pour Ie joueur maladroit
s'il n'est pas agsez prompt pouf parer ou esquiver le coup que lui
porte I'impitoyable mécanique.

({) les livres leur manquent d'ailleurs.


g{8 Hrsrornn DES BELGES Elt DE LEUR ctyllrsÀTtoN

À certains jours, le seigneur', assis sous un gros tilleul, un orme ou


un vieux chêne planté sur la terrasse du château, rend la justice aux
habitants de la seigneurie; justice d'ailleurs souvent capricieuse et
toujours expéditive. Le pilori ou le gibet, dlessés tout auprès, lui
perrnettent soit d'itfliger sùns retard un chirtiment mérité, soit au
besoin de satisfaire cllns I'instant mème sâ vetrgeance. Car il n'existe
aucune loi, aucurre autorité capables de nrodérer la colère parfois
injuste qui I'anime contle I'un ou I'autre de ses justiciables.
De tenips en temps, I'existence frrstidieuse des habitants du
chirteau est ôgayée pal l'arrivée inattendue d'une troupe de joyeux
m,ineslrels. Les uns, pleins de souplesse et d'hal_rileté, exécutent
tl'étorrrrants tours de force : ce sont les jongleur"s. Les autres, poètes
ou musiciens, intéressent leurs auditeurs par le récit captivant des
faits de guerre les plus célèbres, ou chantent, cn s'accompagnant de
ll harpe, les exploits légendaires des Charlernag'ne, dcs Rolaud et
autres guerriers illustres.
Art des sièges et défense des places. Au moyen irge , I'art des
-
sie\ges et celui de défendre les places, inconnu à Clrarlemagne et à
scs contemporains, font des progrès importants. Conme les
chiiteaux féodaux, les villes sont entourées de fossés profonds, de
solidcs murailles flanquées de tours, Ies unes e[ los autres munies
d'archères, de créneaux, de mirchicoulis. 0n sème les fossés tle pietrx
err bois ou de pointes de fer appelées cluur,ssc-trappes.
Les rssiégeants lancent à I'intér'ieur des placcs, des flèches garnies
cl'étnupes enflamnrées pr'èalablemeul saupoudr'ées de soufre. Âu
trio)'err de fagots ou de fascines, ils comblent les fossés, puis à
I'aide d'échelles ils montent à I'assaut. Pendant ce teurps, abrités
sur les bords du fossé par de grands pavois, des archer.s ou des
arbiilé[r'iers criblent de traits les assiegés qui sc montrent aux
créneaux. 0u construit des tours en bois à deux ou trois étages,
montées sur un système de roues. La nuit, on les amène jusqu'au
bord des fossés. L'étage supérieur de ces tours cst muni d'un pont-
levis propre à ôtre rabattu sur les rcmpalts ct ù permettle ainsi
I'accès de la place investie. 0n rempli[ la tour d'archers et de
frondeurs. ces machines géantes dont lir hauteur atteint parfois
cinquante mètres, peuvent souvent contenir jusqu'à S00 hommes
cl'armes. Des ouvriers, destinés à diriger les mouvements de la
tour, se tiennent dans ses partics lmsses.
Pour I'opération de la sape, des mineurs descendent, dans les
fossés, s'y mettent à I'abri des traits des assiégés au moyeD d'un toit
TEIITPS HIS1IORIOUE

incliné, puis, à travet's les murs, percent une gâlerie par laquellc
les assiégeants pénètrent dans la place.
Lt mine est une galerie souterrairte ouverte, à une grande dis-
tance cles murailles, dans le cantp des assiégeants, Ignorée des
assiégés, elle conduit sous leurs foltifications. Lorsqu'on a
irvancé la girleric jusque sous les remparts, on l'ôlargit rapidement,
on l'étanq:onne au mo.ven de madriers, puis, après .avoir entouré les
(ltais de fagots et d'autres matièr:es inflammables,. on y met le feu.
Bientôt les défcnses cle la ville ou du chfrteau s'éctoulent avec fracas.
L'assiégeant entre alors dans la place par la brèche.
Le trtvail des mineurs estr seconflé pat I'action de macliines pro'
pres à opérer, les unes de près, les autres de loin.
Parmi les machirtes agissant de près, signalons les béliers.Ils se
composent d'utlc grosso et lourde poutre terminée pflr ulte tète dc
llélier., en fcr. Frappant à cogps redoublés le môme poiut d'une tour'
ou drune muraille, ils {inissent par l'ébranler (l). te bélier est
protégé par une chalpente de bois recouverte de peaux et cle terre
humide, quelquefois par une tour à étages. Il est ma1æuvré à bras
d'hommes ou monté sur loues.
Les appareils ma1æuvrant'de loin ont pour type la catapu,Ite, sol'tg
de frontle gigantesque à lfaide de laquelle.on lance des masses de
fer rougies au feu, cles quartiers de roche ou des }oulets de pierre
pesant jusqu'à 30 kilogramrnes. Comme le bélier, la oataptrlte de
eampagne est sourent montée sur des roues.
Il cxiste également cl'autres machirtes-frondes destinées à lancer
à 'la fois un grand uombredeballes demétal.
Les balistes sont dcs arcs d'une puissanee énorme. Elles lancenf
des tlaits aigus. cle dimensions extraordinaires, ayec assez de force
pour tr'.inspercer plusieurs hommes rangés en file.
Natulcllement, les assiégés.rendent I'approche de leur ville ou de
leur fortelesse le plus difficile possible. Ils minertt ou iuotrdent les
lieux par oir doivent passer les tours roulantes, nécessairement fort
lourtles. Lorsqtre les assaillartts sont à portée, les défenseurs d'utte
place vet'sent Sul' eux du plomb fondu, de I'huile ou de I'eau bouil-
iante, leur lanccnt d'énornres picrres pirr les mschicoulis ou les
accablent cle traits pâr les créucaux ct les arcltèreS de leut's mul'S.
Le feu grégeois (9), fort employé dalls les cotnbats au moycu âge,

(,1) Toir LlcnoIx, art militaire, page T4.


(Z) Oont.la composition n?est plus bien connue.
220 HrsrorRn DEs BELGES BT DE rEUR crHLrsATroN

était, au dire des historiens de l'époque, un élément ter rible. Loin de


I'éteindre, le contact de I'eau activait son action. La puissance du
feu grégeois a été, sans doute, fort exagérée et la pyrotechnie
contemporaine est en possession d'explosifs et de moyens destruc-
tcurs auprès desquels le fcu grégeois des anciens paraitrait, selon
toutc probabilité, un élément prcsque inoffensif.
Armes de combat. 0n lcs distingue en armes offensives et en
ârmes défensives.
-
Armes ofiensives. Les serfs c[ les paysans s'arment ùe gros bdtons,
-
noueux et ferrés ; de massuæ en bois munies de têtes dc clous ou de
pointes de fer; de fou,rches (bisaiguës) ; de fléau,æ ou fouets d'u,rnr&s,
armes très meurtrières, forrnées d'un gros birton auquel est attaohéc
une chaînette terminée par unc boule de fer galnie de pointes de
rnême métal ; de frondes, à I'aide desquelles o.n lance des pierres et
parfois des balles de fer rougics au feu. A cerl,ain moment, on ne
se sert plus de la fronde qu'à la chasse. L'usage de I'arc, long-
temps abandonné, reparaît à l'époque des Normands. Le serf s'arme
aussi, à I'occasion, de haches et de javelots. L'épée et la lance sont
réservées aux nobles et aux hommes librcs.
L'invcntion de I'arbalète, espèce d'arc muni d'un fùt ou arbrier,
date vraisemblablement du xrr' siècle. L'arbalète est d'abord utilisée
pour la chasse. Blle lance le trait avec plus de sûreté, avec plus de
force et à de plus longues distances. Considéréc comme une arme
cxcessivement meurtrière, son emploi est condanrné par le conbile
de Latran et, plus tard, par le pape Innocent II.
Le poignard, dit miséricordei prrce qu'il sert ordinairement
à achever les vaincus, se porte à la eeinture.
Armes ddfensives. Généralement de forme triangulaire et
convexe, le bouclinr s'attache au bras gauche par une courrole. 0n le
qualilie d'écu ({) en terme de blason. Le ousEæ protège la tête;
il prend le nom de nasal lorsrluc la visière s'avance très fort cn vue
de préserver le nez. La cot le d'srntes est une tunique de toile ou cre
cuir sur laquelle se coud une sorte clc tricot à mailles de fer ou
'd'acier', relativement souple et kiger. Parfois, elle consiste en une
simple dalmatique de toile, de drap ou d'étoffe qui se porte par
dessus I'armure. En usage chez les Arabes au temps des croisades,
ccs vêtements protectcurs leur sont empruutés par les Occidentaux

({ ) Figure en forme de bouclier, servant de champ aux armoiries.


TEMI'S IIISTORIOUES.
- PÉNIODE FÉODALE 22T.

à la suite de ces expéclitions.Ils étaient surtout utiles dans les pays


clrauds pour ernpôcher le métal des armures de s'échauffer au brrllant.
soleil d'Orient. Le lmu,bert, cotte de nuilles à manches, emltrisontte
les bras jusqu'aux doigts. Ceux-ci sont renfermés dans une sorte dc
moufle à mailles, d'oir sc dégage un sac plus petit poui loger lc
pouce. Lt cuirasse, composée du plastron et dc la pansière, géné*
ralement bombée, protègc la poitLine. Bnlitt, il existe aussi des
cttissards, des genou,illirzs, des janùièras, des àrassards, des cotrdiiræ
et des gantelets de fer, dont les noms disent suffisamment la desti-
nation. Le chevalier et son cheval n'olfrent qu'une surfrce tle fer.

1'ITRE IX
Sciences.
- Philosophie a monale. - Gnoyances
religieuses. Supenstitions populaines.
-
lf,athématiquss. Ver's le xto siècle, I'arithmétique des Arabesn
-
c'cst-à-clire leur système de numération, basé sur i'emploi du zéro'
succède aux précédents modcs de représcntation des nombres. Les
anciennes méthodes de calcul eu sont totalernertt bouleversées-
Auparavant, il fallait suivre, pour effectucr lcs calculs, des procétlÔs.
très longs que I'usage dcs chiffr'es rotnains compliquait encot'e-
L'cmploi du zéro (de I'arabe cifTon, vide, nul), jusque'là inconnu
rend des services dont I'importauce est facile à coucet'oir.
Sciences naturelles. Le noyen igc professe, en cettc matière.,
-
les idées les plus invraisemblables, les plus absurdes. Le lion,
rrflirment les savants, dort les yeux ouverts. AIin d'échapper aû
chasseur, il efface de sa queue la trace de ses pas. Poursuivi, le
porc-épic lauce ses piquants avec I'habileté d'un archcr. 0u croit à
I'existertce tl'animaux fantaStiques au uombre desquels on cite : la
Iicorne t1u'une jeune fille scule pcut apprivoiser; là, macreusc, 'oiseau
aquatiqnc, née de ccrtain fruit tonrbé à I'eau ; I'oiseuu'-serre' '.tvx
proportions énormes: I'agitation de I'itir produite par le mouvemcut
cle ses ailes peut arrêter un navire.
Les abeillæ, 'les fourtnfs, les aruignécs, les yapau,r./s, etc., sonf-
rartgés parmi les ucrs.
Tout aussi fantaisistes sont lcs notions scientiliques sur le$
propriétés cles plantes et cles mittôrattx. Le crktal est de I'eâu
solidilice sous I'action rles siècles. I'e saphir guér'it les u,Icères;
222 ursr'ornE DES BELGES ET IIE LEUR ctvILISÀTroN

l'énteraude, le mal cadu,c; le jaspe, la fi,èure, etc., etc. Une infu-


sion de racine de nmndragore proctJre I'amour des dames ; l'aloès
arrète la chute des cheveux, etc.
Sciences appliqu6es.
- L'alchimie est, en grand honneur au molen
âge. Elle rechcrche Ia panacée u,niuerselle (remède pour guérir toutes
'les maladies), l'éIirir rle longue uie, Ia pierre philosophalc (art de
transformer ell or un métal quelconque). Sans aboutir dans ces
diverses rechercltes, I'alchinie frrit faire d'utiles découvertcs qui
préparcnt les voies à la chimie moderne ( | ).
.Médecine.
- La médecine de nos ancêtres est généralement baséc
sur des idées fausses ou des préjugés populailes. Comrne d'ailleurs
celle de tous les autres peuples aux premiers âges de leur existence,
elle consiste longtemps en pratiques superstitieuses e[ en prescrip-
tious hygiéniques, la seule chose cffTcirce de leur thérapeutique.
Après les croisades, la méclccinc occidentale, par suite de ses
emprunts à la médecine grecque, fait quelques progrès, srus
sortir toutefois du domaine de I'empirisme. L'infériorité de la mé-
decine du moyen :ige esf attestée par lii fréquence des pestes
à cette époque. Ignorant et superstitieux, le peuple regarde cornnle
un chirtiment céleste des épidénies dont la cause remonte unique-
ment à une insuffisantc observation cles lois de I'hygièle. Au
surplus, les counaissanccs en anatomie et cn physiologie des
praticiens les plus réputés sont nulles ou a pcu près, l'[glise frappllt,
d'exeommunication quiconque dissèque un cadavre.
Les remèdes employés
- remèdes dits ù,ebonne fenutæou de sorcier
se distinguent surtout par leur bizarrerie. Pour se guérir de la
-gale, il faut se rouler dans un champ d'avoine; cl.acher dans Ja
bouche d'une grenouille calme Ia toux; on arrêteune hémon,agieen
saignant sur deux fétus de paille disposés en croix, en se plaçant
une clef dans le dos. En matière de chirurgie, I'art du rebou,teun f.ait
loi. 0n considère le bou,neat comme le rcbouteux par excellcnce :
un homme si habile à rompre les membrcs de ses semblables
doit aussi posséder I'ar[ de guérir ces derniers lorsqu'il leur arrive
quelque accident.
l,æ barbiers, chevaliers du rasoir, curnulent dlordinaire leur
éttrt principal avec la pr.ofession de chirurgiens. A I'occasion, Ies

(.{ ) c'est ainsi-que cherchant ltélixir de longue vie, on trouva Yulcoor clui
_^
d'abord est appelé eau-de-uie.
TEIIIPS HISTORIOUES. PÉRIODE }-IIODILE 923
-
prètres exorcisent les épileptiqucs, qu'on croiI possédés du
tlémon.
Hygiène.
- 0rl méconnaî[ les règles lcs plus élémentaires de
I'hygiène. Rarement nettoyées, les rues des villes s'empuatttissent
cl'odeurs insupportables. A la carnpagne, les clerneures des serfs, oir
d'habitude bôtes et gens habitent pêle.môle, forment, d'igrtoblcs et
malsirins taudis. Aussi les nraladies les plus terribles, aujourd'liui
disparues ou devertues anodines, clépeupleut alors ptiriodiquentcnt
des contrées entières.
Philosophie. Le mouvement intellectuel est très faible en Europe
-
avirnt le temps de la grande prospérité des communes. Jusqu'au
xrre siècle, la plrilosophie se réduit ù < un peti[ nombre d'aphorisntes
mal délinis > ('l ) et à d'aridcs spéculations. Bu Belgique, les étucles
abstraites se réfugient dans les écoles dcs cathédralcs et des monas-
tères, olr il ne se forme du reste aucun esprit véritablemettt supé-
lieur.
Morale.
- Les peuples sont profondément religieux au moyen irge;
mais leur moralité reste à un niveau très bas. C'es[ l'époque prr
excellence de la tyrannie de I'homme par I'homrne; l'époque oir
celui-ci se montre particulièrement cruel envers son semblable, où
les passions les plus violentes éclatent sans retenue et sans presque
produile de scandale.
0n rencontre, clans certains recueils de l'époque, des proverbes
dtls uttlgau,n eL nrcraaæ, déjil transmis sans doute par les siècles
antérieurs aux siècles d'alors, co.mmo ceux-ci nous les ont à leur
tour légués. Ils peuvent contribuel uéanmoins à donner une idée rle
l'état moral des populations au moyen irge. Citons-en quelques-ults :
Lo Ki donne tost, il donne deux fois.
- Ki 20plus
Itlieux vaut un tiens que deux tu I'auras.
a plus convoite.
-
Oignez villain, il vous
poindra; poignez villain, il vous oirtdra.
- Yillain affamé, demy
enragé. -
Villain enrichy, ne connaît pâs d'amis. (. Villain,
synonyme de poltron, lâche, curieux, badautl ). - 3" llesoin fait
vieille trotter. est roy entre aveugles. Ce n'est ltas
- Borgne
ortout ce qui luit. Dertouveau, tout est beau.
-Diligence passe
science.
- -
La plus méchante roue du char crie toujours. Tout
-
vrai n'est pas bon à dire.
-
travail est sain, disait la béguine. ïIais
êlle nc I'aimait pas.
-QuiLe donc était noble qurnd Adam bêchait
-
({) Llcnon, Scienca et lettres au moqen dge, Page &6.
224 Hrsrornp DEs BELcEs ET DE LEUR crvrlrsATroN

et qu'Ève lilait?
- Il n'est pas bon de manger des cerises avec les
seigneurs. Est, ouest; mieux vaut le logis.
-
Vins vieux, amis vieux et or vieux
. Sont aimés cn tous lieux.
< Nul doute, dit Lacroix, que le proverbe ne ftlt autrefois I'accom-
pagnement iudispensable du langage usucl, qui lui devait ainsi une
allure plus familière e[ un tour plus original. Le proverbe, qui
repr'ésentait I'opinion commune et en quelque sorte universelle,
revenai[ à chaque instant, comme un rcfrain, animer le discours,
en uccentuant d'une manière tout imprér'ue la pensée personnelle de
I'interlocuteur. La plupart des proverbes étaicnt sortis, originaire-
rnent, de la bouche tlu peuple, mais on les rctrouvait dans celle des
nobles et des bourgeois. >
Croyances religieuses.
- La t'eligion chrétiennc catholique est, au
rno)'cu âge, la seule pratiquée en Belgique où I'autorité de I'Eglise
est incontestée.
Le culte des saiuts, celui de la Vierge lllarie surtout, sont en grand
honneur au mol'erl ûge. Les restcs de siiints ou reliques ( ossements,
vètements et autres objets leur ayant appartenu ) sonI précieusement
recueillis. De nombreux miracles leur sont attribués.
Superstitions populaires.
- Ort peut rapporter à cinq catégolies les
croyances et les superstitiorts populaires qui ont cours dans ces
siècles de ténèbres ttésignés sous lc nonf de féodalité.
'croyance
{o La aux esprits. Les religions anciennes avaient légué,
-
aux générations du mo)'en irge, la croyance à des ôtres suruaturels
divers, souvenirs des divinités abandonnées. Aussi, à cette époc1ue,
la croyance aux esprits, ftes, ondines eL sylphes, gnanes et, lu,lins,
lbtlets eL reuenwtts es[ gelérale. Les fées, esplits généralement l;ons,
présidentauxévénements impoltants cle la vie. Des pirlais mervcillcux,
trillés dans le saphir et le diamant, sont leur résideuce orrlinaire. Li-r
séduisantc beauté de,s ondines leur attire des ndorateurs en grand
nombre. Âprès lcs avoir séduits, elles les précipitent perlidernent dans
les eirux de quelque lac ou de quelque rivière. Les sylplr,es se distin-
guent par leur douceur et leurs goûts cltampôtrcs. Âu contraire, les
gnomes sont méchants et cruels; ils habitent l'intérieur de la ten'e odr
ils gardent ayec un soin jaloux les mines d'argent, d'or et de diamant.
Les lu,tins, petits esprits légers, malicicux et taquins, se plaisent
ù faire des nicltes. Les esprits follets s'al,tachent aux membres d'une
famille pour leur être utiles ou pour les ipersécuter. Les feuæ-follets
TE]IPS HISTORIOUES. _ PIIRIODE FÉODÀLE 225
sont des lumièrcs guidant des âmes en peine. Si un voJageur égaré
a I'imprudence de les suivre, il va iuévitablement se perdre dans un
marais.
Les reuenanls sont les âmes de personnes défuntes. Elles revien-
nertt sur la terre pour troubler le sommeil de certains coupables,
ou poul accomplir quelque autre mission réparatrice.
2u La moyance aux sorciers. -- il
est généralement admis que Ie
diable entretient commerce avec certains hommcs. Pour conquérir
des âmes, il fait, dit-on, des pactes avec eux. ll
bâtit des châteaux
en des lieux inaccessibles ou jette des ponts sur des abîmes. De
là, les Ponts-du,-Diable qtli existent en de nombreux endroits. Par-
fois le Malin est dupé, dans ses marchés, par I'un ou I'autre saint
ou par quelque madré compère, et il se trouve ne recueillir, comme
fruit de ses artilices, que l'âme d'un chien ou d'un animal immonde.
Les sorci,ers, renient leur baptême, vendent leur âme au Maudit.
En échange, ils reçoivent le pouvoir d'évoquer les.morts ou Satan
lui-même et celui de provoquer toute espèce de calamités, particu-
lières ou publiques. 0n leur attribue le pouvoir de jeter des sorts aux
ger$, aux bètes, aux denrées. Un enfant vient-il à mourir, on accuse
un tel, sorcier dans le pays, de lui avoir jeté uu mauvais sort. C'est
par suite d'un sort aussi qu'une génisse esl morte, qu'un cheval est
malade, que la récolte d'un champ a manqué.
A volonté, les sorciers peuvent prendre une forme quelconque.
Par exemple, les loups-garou,s sont des solciers transformés en
loups : sous cette forme, ils dévorent les enfauts, et, la nuit, font, à
travers les campagnes, des courses fantastiques.
Les deuins, autre espèce de sorciers, prédisent I'avenir, découvrent
les coupables, trouvent les sources cachées, les trésors et les objets
égarés. Pour y réussir, ils se servent de cartes ou d'une baguette de
coudrier. Celle-ci, une pousse de I'année, coupée le premier
mercredi de la lune, entre onze heures et minuit, doit avoir été
bénite et conjurée sous des paroles rnagiques. Pour s'en servir
utilement, on la fait, tourner, posée sur les deux index, en rappro
chant et en éloignant tour à tour ces doigts. Par la direction prise,
elle indique le côté vers lequel il faut diriger les recherches. Ties
devins expliquent aussi les songes. Se voir eu rêve, la chevelure
aborrdante et bien frisée, signifie ntccès et riclrcsse; se Ia voir
en désordre, annonce'l'issue défavorable d'une entreprise.
Pour découvrir des choses cachées ou 'mystérieuses, lës sorciers

rs
Y. Mirzuet. - Histoire des Belges,
926 HISToIRE DEs BELGnS ET DE LEUR cIvILISATIoN

néromanciens s'emparertt, dit-on, d'un enfant, le décapitent, recueil-


lent son sang dans un plat, y plongent la tête de I'innocente victime,
puis entourent le tout de cielges de cire noire allumés. A I'heure
fatidique de miuuit, la bouche de I'enfant s'ouvre pour faire les
révélations désirées.
Sans être des sorciers, certaines personnes possèdent, croit-on, le
pouvoir fatal du mauuais æil. lllalheur à vous si elles regardcnt attert-
:
tivement votre habitation bientôt celle-ci brtlera avec tout ce
qu'elle contient. Si, quand vous ètes occupé à couvrir votre toit,
elles jettent les yeux sur rous, vous tombez. Si vous les rettcontrez
seulement, toute votre jourrtée est mauvaise : un chien hirrgneux
vous saute aux mollets ; on vous paie avec de la fausse ntonnaie ;
vous prenant pour un au[t'e, les exempts (|') vous arrêtent, etc.
Suivant la croyance générale, les sorciers, les jours dc sabbat, se
réunissent en des lieux écartés et sauvages, traversant I'air pour
s'y rendre, à cheval sur un bouc ou sur un manche à balai. Là,
ils se livreut à des danses échevelées, se tournant le dos pour ne pas
se découvrir I'un à I'autre. Lorsque sonne minuit, tous, rapides
comme l'éclair, disparaissent dans I'obscurité (9).
Chose étrange ! llalgré la fausseté évidente de leur aveu et le
danger demort, auquel il les expose, de prétendus sorciers confessent
des pactes avec le diable, soit que sous I'itifluence d'une maladie
nerveuse, ils sc croient réelletnettt sorciers, soit que la torture leur
arrache I'aveu d'un crime imaginaire.
D'ailleurs, un certain nombre de sorciers exploitent la crédulité
publique. L'une de lcurs plus ordinaires pratiques consiste dans
l'muoû,tenænf. Représentant la personne ù ensorceler par'une ligurine
de cire, le sorcier prononce sur elle certaines paroles cabalistiques,
enfonce une épingle dans le côté gauche de la statuette : la personne
Iigurée doit mourir dans I'année.
3o La croyance à I'influence des objets extérieurs.
- 0n a foi dans
I'influence des constellulions et des planètæ (astrologie). Le gouver-
uement de telle ou telle partie du corps, de tel homme ou de tel état
est attribué aux astres. Ainsi Satut'ne préside à la vie et aux sciences;
Jupiter, aux honneurs et aux richesses. La guerre, I'arnitié et

({) Espèce de gendarmes.


(9) Ces contes durent probablementleur origine à des conciliabules nocturnes
dont I'objet étail, de fomenter ou d'entrelenir I'esprit de révolte contre le
despotisme.
rElrps HrsTORrouES. pÉRroDE FÉ0DALE 297
-
les mariages sont sous I'influenee de lllars; I'amour, sous celle de
Vénus.
Les populations ignorantes se plaisent à tirer des présages bons
ou mauvais, mais toujours absurcles, de I'aspect des comètes, du vol
des oiseaux, d'une rencontre inattendue, etc. Se trouve-t-on treize à
table, I'un des convives doit mourir dans l'anuée. La vue d'une
araignée a uDe signification favor.able ou défavorable suivant le
moment du jour otr on I'aperçoit,. 0n s'effraie d'une salière rcn-
versée (|'), d'un pain couché sur Ie dos, de couteaux en croix, du mi
de la chouette, des aboiements d'un chien, de la rencontre d'un chat
gris ou noir qui traverse la rue au moment oir I'on pâsser eLc. (9).
0n interroge la Bible en I'ouvrant au hasard. 0n doit craindre un
sorf fâchcux si les yeux tombeut sur un passùge dont le sens paraît
contraire aux désirs qu'on avait formés.
Les saints aussi sont consulfés. A l'époque franque, on avait vu Ie
loi Chilpéric déposer une feuille blanche sur le tombeau de. sirint
Illartin, dans l'espoir que celui-ci lui ferait connaître le nom
de I'assassin d'un membre de sa famille. Ces errements ne sont pas
abandonnés.
Les amu,Iettes eL les talisnta,ns portent bonheur, préservent des
dangels, possèdent des propriétés diverses. 0rdiuairement, ils consis-
tent en des pierres ou des morceaux de métal sur lesquels se
remarquent des dessins fantastiques avec des inscriptions ar.abes ou
persanesr le tout affectant des formes étranges et des apparences
ntystérieuses. L'anneau,, dit de Salomorc, le plus recherché de
ces talismans,, jouit de la précieuse faculté de rendre invisible son
propriétaire e[ de celle, non moins rare, de le transporter sans fatigue,
en un instant, aux distances les plus éloignées.
llais on apprécie beaucoup aussi : le miroir magiqu,e, olr I'on voit
se refléter des scènes de I'avenir ; la monnaie uolante, qui revient
toujoursdans la poche de son heureux propriétaire ; la baguette
ntngiqu.e, du bout de laquelle il suffit de toucher un ètre ou un objet
quelconque pour le transformer aussitôt conformément au désir du
magicien; eilin, certains colliers ou, bra,celetsrde si,ntples pierres, un
ntlrcea,u de corde de pendu, sont considérés comme des porte-bonheur.
Pour amener un orage, il suffit de brriler w foie de caméléon. La

(l) Âutrefois, le sel était l'emblème de I'amitié.


(2) Bon nombre de ces superstitions existent encore dens nos campâgncs.
298 HrsroIRB DEs BELGES BT DE LEUR cIvILISÀTIoN

recette pour faire apparaître une bande de démons est un peu plus
compliquée. Elle réclame un mélange de coriandre, de persil et de
ciguë, arrosé d'un liquide dans lequel on fait dissoudre des extraits
depauotnoir,dejusquiante et de quelques autres plantes vénéneuses.
0n brrile ce mélange, et la bande infernale ne tarde pas à paraître.
Les philtres inspirent, suivartt les cas, la haine ou I'amour. Dans
leur composition, il entre un mélange d'aimant, de rognures
d'ongles, de sang humaitt, d'un peu de poudre de cantharide, de
belladone, de stramoine ou de jusquiame. Souvent, ces philtres
produisent des effets réels, occasionnant des rêves insensés ou des
hallucinations. Le sorcier n'assista jamais au sabbat qu'en songe,
après avoir absorbé I'une ou I'autre substance propre à procurer le
rève.
4o La foi aux légendes. Parmi les légendes du moyen âge, on cite
surtout celles d'Ahasuérts ou du Jtr;i,f-Enant, du Prêtre Jean,
du Dragon, la croyance à la fin du monde pour I'an mi,lle, etc.
Le Juif Ahasaé,ru,s vivait à l'époque du Christ. Au moment oir ce
dernier marchait au supplice, il
lui avait défendu de se reposer
devant sa porte; il I'avait même frappé bien fort, lui disant : << Va
donc plus vite ! Pourquoi t'arrêtes-tu ? > 0r Jésus, le regardant,
lui avait reparti : < Je vais; mais toi, tu attendlas que je revienne ! >
Sans jamais s'arrêter depuis lors, Ahasvérus marche, la poche
toujours garnie de cinq sous, jamais plus, jamais moins; revenant à
l'âge de 30 ans aussitôt après avoir atteint sa centième année, obligé
d'attendre le retour du Christ jusqu'à la consommation des siècles.
La légende du, Dragon est fort répandue. 0n se représente cc
monstre fabuleux sous la forme d'un reptile ailé, armé de griffes aiguës,
le dos hérissé de pointes et vomissant des flammes ou des odeurs
empestées. I-ln ange, un saint, un glorieux chevalier engagent avec
lui un combat dont ils sortent vainqueurs ( {. ).
Dans le pays dcs Indes, oir règne le roi Jean, on voit les choses
l'cs plus étranges et les plus extraordinaires : des chevaux verts
avecdes colnes,des arbres qui parlent ou qui versent des larmes,etc.
Yers I'an ntille, la croyance à la prochaine lin du monde jette une
profonde perturbation dans le monde chrétien. 0n voit des Anté-
christs partout. 8t Jnn avait écrit dans I'Apocalypse : << Au bout de
mille ans, Satln sortira de sa prison et réduira les peuples qui sont

({) ta chevalerie prit le Dragon pour le symllole de I'obstacle à vaincre.


TE}IPS HISTONIOUES. _ PÉRIODE }'ÉODALE 229

aux quatre angles de la terre. r L'accomplissement des temps avaif


rlonc été lixé à l'rnmille par nombre de théologiens.Al'approchede
la date fatale, on voit les fidèles, épouvantés, faire en masse à
I'Eglise I'abandon de biens dont ils n'espèrent plus proliter long-
temps. La veille du jour solennel, tout le moude s'entasse dans les
temples pour prier et atteudre le cataclysme arlnoncé. La terreur de
chacun est inexprimable. 0n peut juger tle Ia joie de tous ces
pauvres gens lorsque, le matin, ils voient le soleil se lever et toutes
choses se passer comme à I'ordinaire (l ).
5o La croyance aux dits populaires.Engénéral,les dictons expriment
des opinions absolument opposées à I'exactitude ou à la vraisem-
blance des faits. Nous n'en citerons que quelqucs-uns dont I'autorité
tt'est pas encore entièrement déûruite aujourd'hui. ,<L'enfant atteint
de conwtkions ne le sera qræ cette fois, si I'on jette immédintenwnt
son bonnet au feu,. Qu,iconque nxange des Ttommæ la ueille de Noiil
-
sern, atteint de fu,roncles.
- It ne fau,t ni releuer u,n cnddure ni
dëcrocher u,npendu, aaant l'arriuée du, juge. Un silen suspendu, dans
-
u,ne étable préserue les animnun de Ia foudre et de l'actiondes ntéchants
esprits,- La chemise confectionnée le uendredi attire Iæ poun.- MaI-
heureu,æ qui chau,sse Ie pied droit le premier.
- Un cou,teau, donné
coupe I'antitié, Un tintcntent d'oreille annonce qun nls ennemis
parlent de nou,s.
- Une chantlelle qu,ù petille a,nnlnce I'aniuée d'une
compagnie,
-
On peut s'altendre ir, receuoir de I'argent si l'on sent un
-
chatou,illement dans la patune de Ia ntain, etc,

TITRE X
Lettnes.
Langues. Le nord et le sud du pays conservent chacun leur
-
langage. Dans le nord, on continue à parler la langue germanique,
Ie wallon restan[ la langue dominante dans le sud. Toutefois, Ies
deux régions entretiennent de bons rapports et la question des
langues ne paraît pas les avoir jamais divisées. Du moins, ott
n'aperçoit dans I'histoire du duché brabançon, ni dans celle de la
principauté de Liége, composés pourtant I'un et I'autre d'uttc

({) Il semble toutefois résulter de récentes recherches historiques que cettc


prétentlue terreur de I'an mille n'aurait pas existé. Les historiens contentpo-
rains n'en parlent pas.
230 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR cIvILISATION

région rvallone et d'une région flamanrle, aucurre trace de difficultés


suscitées par des antipathies de race ou des différences de langage.
Dans les premiers temps de la féodalité,le latin demeure la langue
des légistes et du clcrgé; I'ullemand, celle des rois, des nobles et de
I'armée. Dès Ie xuc siècle pouùant, on compose des ouvrages ell
lirngue romane 1{). I}Iais c'est surtout à partir de I'apparition, au
xru siècle, des trlul)adours et des trou,uères, que Ies progrès de cettc
lirngue sont rapides (9).
l,'époque qui suit immédiatement le règne rlc Charlemagne produit,
quelqucs écrivains remarquables parmi lesquels nous citerons :
Eginharù (3tet Nithard, biographesde Louis le Débonnaîre; Réginon,
dont il nous est parvenu une intéressante chronique ; Alpert et
Ansel,me de Liége, auteurs de récits légendaires ou d'annales monas-
tiques, etc.
Par contre, le x* siècle et le xre assistent à une disparition à peu
près complète de la culture des lettres. Ces temps de violence, ou les
ccntres intellectuels font défaut, oir les câmpagnes dominen[ les
villes, oir cellcs-ci sont peu nombreuses et sans importance, les
bibliothèques l'ares et pauvres, ne peuvent être favorables aux
Icttres. L'ignorance devient tellement profonde, tellement universelle,
que les plus grarrds seigneurscessenl d'apprendre à lire et àécrire.
 la vérité, les monastères conservent quelque gott des études,
mais uon celui des sciences ou dcs lettres. < A cette époque, dit
Cousin, la pensée est au service de la foi et la théologie restc
I'objet principal, sirron exclusif des études. >

TITRE XI
Instnuction publique.
L'enseignement populaire es[ très négligé ou n'existe pas du rxo au
xure siècle. Longtemps, les enfants du peuple se destinarrt au sacer-

--({) 0n_ donne l-e nom de langues romaneE oa néo-Iatincs, aux langues
tlérivées du latin. Ce sont : le français, le prouençal, I'italien, l,espagnol-el le
ltortugais..ces langues ne sontguère que du latin défiguré par àes pronon.
ciations différentes.
(2) te midi d-e la France a produit les premiers ; le nord tle ce pays et la
partie wallone de Ia BelgicJue, les seconds I les minnesangers sont pâr[iculiers
à Ia région néerlandaise.
. (3).Eginhard, élève d'alcuin, tlevint Ie secrétaire de charremag:ne dont il
écrivit aussi la vie. Né en 771, il mourut en 844.
TE}IPS HISTONIOUES. _ PÉNIODE TÉODAIE 23{
doce sont les seuls à reeevoir quelque instruction. Jusqu'au
commencement du xtve siècle, Bruxelles ne possédera que deux
écoles primaires. Pour en obtenir davantage, il faudra presque une
émeute cle la populatiou. Cd fait nous révèle combien était peu
répandue I'instruction populalre en Belgique, au moyen âge.
L'enseignement secondaire n'est pas non plus très brillant.
Cependant l'école épiscopale de Tourrtai jouit, au xe siècle, de
quelque réputation. Eracle, le prédécesseur de Notger, crée à Liége
plusieurs êcoles publiques. Voulant suppléer au petit nombre des
maît,res, il cliarge, dans chaque école, les élèvcs les plus avancés
d'enseigner aux autres. C'est, dès ce temps reculô, I'application du
mode mutuel dont la vogue sera un moment si grande en ^tngleterre
et en France, au commencement du xtx' siècle. Sous Nofger' les
écoles de la principautê acquièrent quelque valeur e[ prennent de
I'importance. Celles des monastères de Stavelot, de Saint-Hubert, de
Saint-Trond, de Gembloux, mais surtout celles de Liége, onl une
bonne réputltiou, même à l'ôtranger. Aussi le règnc de Notger
rnér'ite-t-il d'ètre appelé l'âge d'or de notre pays.
Une distinction est établie par ce sage prilce'entre le programme
des écoles destinées à recevoir les clercs ct celui des écoles ou
I'enseignement est donné aux laïcs. Désormais, ces derniers regoi'
yent uD enseigllemett en rapport avec leur âge, leur conditiou et leur
futur état dans le monrle.
Sous le règne de 'fVason, les écoles cle la ville attirent à Liége'
des jeunes gens de tous les pays et la cité de Notger est surnommée
par les étrangers l'Athènes dtt' Nord, tandis que I'Eglise de Liége
reçoit le surnom glorieux de nourrice dæ Beau'*'Arts.
Toutefois il n'existe point en uotre pays, à cctte époque, d'école
spéciale pour les hautes études.

TITRE XII
Beaux-ants.

Dans le haut moyen âge, les beaux-arts ne Sgnt guère en honneur.


L'art ne peut venir du peuple qui est misérable et grossiel', ni des
grands qui sont igrtorants, batailleurs et aussi barbares que leurs
serfs. Il n'y a quelque insiruction, quelque gott, avec du loisir, que
dans les cloîtres : aussi est'ce là seulement que I'art trouve asile et
232 Hrsrornn DEs BELGES ET DE LEUR crvrrrsATroN

protection. Et, conséquence naturelle, les æuvres artistiques de


l'époque revêtent un caractère éminemment religieux : les construc-
tions qui s'élèvent sont surtout des eglises; en général, les peintures
et lcs sculptures représentent tles ' sujets mystiques; la seule
rnusique en honneur est la musique d'église.
Architecture religieuse. Les églises. Le style des éditces
exprime presque invariablement le caractère même, l'état d'âme, la
pensée intime des peuples qui les bâtissent. Les églises du haut
moyen.âge sont Iourdes, manquent d'élégance: monuments durables,
dont la solidité résulle de I'entassement des matériaux; massifs et
obscurs, ori le jour pénètre seulern'ent par quelques baies étroites.
L'époque féodale est sornbrc, le peuple triste et malheureux : l'église
romane est olle-même luguble et ténébreuse.
D'ordinaire, Ies églises du xre siècle sont pourvucs de trois nefs
d'inégale grandeurdéterminées par deux rangs parallèles de colonnes
de forme prismatique-rectangulaire. Plus tard. les chapiteaux des
piliers recevront souvent une décora tion iconograp hiqu,e, c'est-à-dire
imagée. Les éléments en serontempruntés soit à la fable, à la légende,
à la Bible, à I'histoire; soit au règne animal ou au règne végétal. Le
nom de chapiteau historié.est réservé à ceux dont les motifs de déco-
ration sont tirés de la légende ou de la Bible. La cathérlrale de
Tournai (xre siècle), qui offre, en plusieurs de ses parties, les plus
remarquables caractères de I'architecture romane cn Belgique, est
fort riche en semblables chapiteaux ({.).
Architecture romano. Le s[yle roman domine dans les édifices, du
xe au xrne siècle. Il se caractérise essentiellement par Ia forme plein
cintre de Ia partie supérieure des portes et des fenètres. L'église
romane est généralement bâtie sur le plan d'une croix latine ( dont
I'une des branches est plus grande que chacune des trois autres).
Elle se compose d'oln uaissearu (nef centrale) rectangu,lair,s teruliné
par un hem,icycle ou abside destiné à devenir le ,;hæu.r, et d'urr
transept tléterminaut la croix. Une légère elévation du chæur

({) Il faut pricipalement chercher dans la forme des pilicrs ou colonnes, des
portes et des fenètres, les earactères architecturaux des monuments.
Les colonnes peuvent généralement se rapporler à trois ordres princi-
paux : l'ordre dorique, le plus simple de tous, qui se distingue surtout par le
boun'elet de son chaltiteau; I'ordre ionique, remarquable pâr sa uolute, el,
l'ordre corlnthien, reconnaissable à la disposition de son chapiteau en corbeille
defeuilles d'acanthe. Un quatrième ordre, l'ord,rc composite, résulte de la combi-
naison des deux derniers.
rEtrps Hrsr0nrouEs.
-
pÉnr0DE }'ÉODÀLE 933

au-dessus du reste de l'église permct la construction de tllptes,


espèces cle chapelles souterraines qui parfois s'étendent, sous l'édilice
tout entier.
Les tours et clochers. des églises demeurent peu nombreux
jusqu'au xr" siècle. llême à partir de cette époque, ils continuent à
rester rares. D'ordinairo, ils forment uue grosse masse carrée à qual,rc
pans I tour de l'église de Cincy). Au xe siècle, on couvre en ardoisc
les édilices religieux de Belgique.
0n trouve un assez grand nombre d'églises romane$ en notre
pays.0utre la cathédrale dc Tournai, on cite Saint-Vincent, à Soignies
(x.siècle); Saint-Denis et Saint-Barthélemy, à Liége (xr. siècle); Sainte-
Gertrude, ù Nivelles (id); la chapelle de Saint-Macaire, dans l'église
de Saint-Bavon à Gand (id);etc.
Architecture monacale. Les cloitres apparaissent au xe siècle ({).
-
Ce sont des couvents annexés aux églises des villes ou des mona-
stères et généralement formés-d'une cour de forme carrée entourée
de bâtiments oir vivent les moines. Il y a donc des cloîtres d'église
et des cloitres d'abbaye. Quelquefois le cloitre possède deux cours,
I'une située à I'orient, I'autre à I'occident. La sacristie, le chauffoir,
le réfectoire, la salle capitulaire destinée aux délibérations, la
prison et les dortoirs, sans doute situés à l'étage. règnertt tou[
autour de la première. Le cloître de I'abbé, des dignitaires et des
copistes, contourne la cour orientale avec la bibliothèque et l'école.
A quelque distance du cloitre s'élèvent les habitations des
chanoines, I'in{irmerie, le cimetière et l'hôtellelie oir I'on reçoit lcs
pèlerins et les voyageurs. L'ensemble, souvertt enceint de murailles
et de tours crénelées, avec portes et pont-levis (2), se perd dans les
jardins d'une étendue ordinairement considérable. Tout à I'entour
s'étendentdes métairies, des enclos, des granges, des moulins et des
pressoirs, des vignobles, des prairies et des terres, etc. Les abbayes,
avec leurs dépendances, forment toujours des villages plus ou
moins importants.
Architecture civile. Il n'existe plus guère, en Belgique, de con-
-
({) Le cloître de Tongres et celui de Nivelles, qui existent encore, remon--
tent au xte siècle.
(9) À la suite des invasions normandes, les moines, qui ne se ju-g'ent' plus,
dans leurs cloitres, suiÏisamment à I'abri des agressions, en renforcent, les
murs par divers moyens de défense. $utre ses remparts, chaque monastère a
une garnison commandée par un avouê. ott uidame.
2314 Hrsrorng DEs BELcES ET DE LEUR crvrlrsÂTroN

structions civiles antérieures au xue siècle. 0n cite néanmoins,


comme pouYant être rapportées à cette époque, la lialle aux grains
de Gand et deux maisons à Tournai, toutes trois en style roman.
Peinture. La peinture architectouique continue à dominer
pendant toute l'époque artistique, dite rom.q,ne) r:'est-à-dire pendant,
les rxe, xe et xre siècles. Le style des sujets traités est hiératique (l),
sévère, un pcu solennel, souvent symbolique (g). Bn génôral, les
lois de la perspective échappent aux peintres de l'époque : ils
peignent tous les objets comme s'ils les voyaient sur le mêmc plan.
l-'expression donnée aux représentations des ètres vivants dans les
compositions picturales de cette époqne, es[ généralcment naive;
Ies attitudes et les gestes sont gauclres, lcs formes raides, grêles.
difformes même, à I'exception de la tête d'ordinaire pleine de vie et
d'expression. Les Iigures, posécs sur fond bleu, sont souvent
maigres, allongées. Tels sont les principaux caractères de la peinhtre
diLe gothiqu,e.
A partir du xu siècle, Ies miniatures des manuscrits apparaissen t
cle plus en plus nombreuses, représentanf des scènes de la vie
politique ou de la vie privée, de la vie guerrière ou de Ia vie reli-
gieuse. Nous y voyons figurer des intérieurs d'appartement, des
sièges de villes et de places fortes, des groupes de serfs ou de
bourgeois, de seigneurs ou de soldats. Grâce à ces peintures primi-
tives, nous pouvons nous faire une idée du vêtement, du mobilier,
des mæurs de nos ancêtres. Nous avons vu que des auteurs font
remonter la r:onnaissance de la peinture $ur verre au rxe siècle.
D'autres Ia reportent au xre siècle. Le fait est que nous ne possédons
aucun vestige de verrières remontant à ccs époques.
Sculpture.
- Au xe'et au xe siècles, la sculpture produit des
statues souvent hideuses, presque toujours laides et grotesques.
De préférence, les artistes de l'époque sculptent des figures démo-
niaques ou des bêtes à cornes et à griffes, aux formes étranges. 0n
explique ce gorit par l'époque de superstition oir ils vivent. 0n
rpproche de I'an mille, et tout le monde croit, à la prochaine lin du
monde. En cette obsédante crainte de I'enfer dont chacun est tour-

.la ({).99i. appartient à ta religion, qui vient


religion impose à I'artiste
d'elle. c'est le style sous lequel
des formes traditionne[es et ôonvenues.
(2) tes animaux jouent un rôle considérable dans la symbolique de l'époque
Igmary r I',agneau sans tache représente J.-c. : la colombe,le Saint.Esprit ; te
Ilon Pastetu. porte sur ses épaules une brebis.
TEtrfPS HISTORIOUES. _ PÉRIODE FÉ]ODALE 935

rnenté, des rôves cffrayants hantent les imaginations. Les composi-


tiorrs sculpturales des artistes se font inconsciemment l'écho de cette
perpétuelle tereur ({).
La sculpture sur bois firit dcs progrès. Toutefois, un petit nombre
seulement de spécimens de cette sculpture sont parvenus jusqu'à
nous.
Par contre, nous possédons d'assez nombreux produits de I'orfè-
vrerie de cette époque où I'on fiibrique surtout des objets destinés '
aux églises: ciboires, calices, tlbernacles, et fontsJiaptismaux, etc.
Comme la peinture, la sculpture se meut dans un cercle prcsque
exclusivement religieux. C'est par exception que I'ltistoire lui
fournit tlcs sujets.
lllusique. Dans le haut moyon âge, on ne fait guère de musique
-
en dehors rles eglises. Aussi le plain-chant est-il à peu près la seule
musique cultivee. Pourtant, il court, dans le peuple, des complaintes
et des chants de guerre, en langue romane ou en langue néerlan-
daise, composés par les trouvères et les minnesangers. Pour dire
le.urs cbants, ceux-ci s'accomprgnent d'instruments à cordes, dont
I'usage est pei'du. Le pretnier, en Belgirlue, Hu,cbald (840-930)moine
de I'abl-raye de Saint-Amand, écrit un traité d'liarmonie ou de chant.

TITRE XIII
Bégime économique.

Agricutture. Modes de culhue.


- L'assolemen[ triennal se géné-
ralise. 0n cultive Ie blé à, mars et, ù, uersntne (2). Généralement, des
terres arables, oir la jachère alterne avec la culture, on fait deux
parts: I'une, cultivée, les terres de labourl I'autre, les terres de
pâture, incultes ou en jachère.
Les plairies artificielles sont encore à peu près inconlluss.
Au moyen âge, I'idée est généralenrertt reçue que I'air, I'eau,
I'herùe, les bois, dons de la nature, appartiennent à tous, que chacun
l droit à leur jouissance gratuite. Le môme plincipe avait servi de

({) Qui n'a peut-ôtre pas réellement existé, ainsi que nous I'avons dit déjà.
(i) Le est le semage qui se fait en mars' particulièrement de
?narsa.ge
I'ai.oine et des petites graines pour fourrages. 0n donne le nom de aersaine
aux terres laissées en friche une ou plusieurs années.
936 Hrsrornr DEs BELGEs ET DE tEUn cIvttrsATIoN

base à la marcltegermanique. En conséquence, dans toute concessiorr


agricole, on garantit aux colons, outre l'usage cles terres à cultiver,
celui d'une certaine étendue de terres vagues, de prés, de bois,
etc. (l ).
La prairie, à l'époque féodale, est I'un des éléments essentiels de
I'industrie agricole. Aussi les communaux ont-ils une glande impor-
tance durant cette époque et Ia suivante. Le droit de pâture prencl
même alors une extension abusive, susceptible d'entraver le progrès
agricole.
Ainsi les habitants des villages peuvent {o faire paître leurs trou-
peaux sur les terrains dits communaux; 2o tirer des bois tout ce
qui leur est nécessaire tant pour se chauffer et se coustruire dcs
habitations quc pour confectionner, entretenir. ou reuouveler leur
mobilier ou leur matériel d'exploitation.
En privant I'agriculture de bras dont, eile avait besoin, les croi-
sades-lui causent d'abord un grand tort. D'un autre côté, les seigneuls,
pour se procurer les ressources nécessaires à leur entrée en carn-
pagne, pressurent leurs serfs, allant jusqu'à piller les villages tle
leurs seigneuries pourse mettre plus promptement en état dc partir.
Mais les croisés rapportent, par la suite, d'Or'ien[, des plantos et cles
procédés de culture qui font réaliser cle grancls progrès à l,industrie
agricole.
Faune et flore. Animaux domestiques et pranles cultivées. peu rle
-
différences séparent la faune et la flore d'alors de celles d'aujourd'hui.
Néanmoins, Ies animaux domestiques sont généralement de plus
petite taille, les fruits des jardins moins délicats et moins sayou-
reux.
La glandée permet toujours l'élevage de grands troupeaux de
porcs.
Le blé noir ou sarrazin est importé d'Orient à l'époque des croi-
sades en même temps que le café, le û2, Ie cotonn le poivre, Ie
mûrier, la came à sucre, I'abricotier, I'indigo, etc.
au xru et au xrre siècle, on constate l'existence d'importanls
vignobles à Louvain.
D'aucuns prétendent que Ie moulin à vent nous est venu d'Âsie
à I'époque des croisades. Nous avons vu que schayes attribue cette
importatior rux Romains.

({ ) Yoir le texte de la charte de Grammont.


TEMPS HISTORIOUES. _ PÉRIODE FÉODALE 237

Industris el commerce. Au xe siècle et au xt", I'industrie et le


-
commerce sont nuls dans les villes; aussi la misère du peuple y est-
elle lamentable. Les châteaux et les monastères font fabriquer, par
leurs serfs, tous les objets ne demandant ni intelligence exception-
nelle, ni capitaux considérables, mais seulement dc la matière
première e[ un peu d'habileté. Sans dbute, les produits de cetto
industrie domestique sont raremcnt de facture bien achevée, mais
ils suflisent, tels quels, aux modestes besoins et aux goilts grossiers
del'époque(l).
Quant au commerce, il se réduit au colportage : le peu de streté
des chemins, les droits si nombreux et si arbitraires prélevés sur les
marchandises ne sont pas de nature à encourager le commerce. Les
rnarchands n'osent même emporter avec eux, en se transportant d'un
château, d'un monastère à I'autre, que de faibles quantités de mar-
chanrlises dans la crainte trop justiliée d'en être dépouillés. D'autre
part, la grande variété des monnaies, des mesures de contenance ou
de poids, demeure longtemps une source de fraude e[ une entrave
au développement du commerce.
L'institution des trêves de Dieu et des quarantaines, mais particu-
lièrement les croisades, qui font naitre des gorlts et partant des
besoins nouveaux, rendent, à partirdu xuc siècle, quelque vigueur à
I'industrie et au commerce. A I'occasion des jours de fôtes et de
certaines cérémonies religieuses, les marchés et les foires se multi-
plient daus le voisinage des abbayes et des monastères. Gand,
Druges el, toutle nord de laBelgique, unissant I'activité de I'industrie
à celle du commerce, s'appliquent à la fabrication des draps et, peu
à peu, I'on voit se développer, darts toute la contrée, une prospérité
qui, deux siècles plus tard, devait atteindre le plus brillant apogée.

(4 ) c L'industrie, pendant les premiers siècles du moyen âge, n'avait été


qutui accessoire de la production agricole. Àvec une vie simple et des besoins
rtstreints, les petites gens se suflisaient, à eux-mèmes, fabriquaient de leurs
propres mains, leurs meubles et lgurs vêtements : le bois était abondant dans
ies lorêts et chacun avait appris à tisser la laine de son maigre troupeau'
Dans les seigneuries foncières, les serfs ou les vilains, placés sous la direc-
tion des clrefsâemétier ov antmons, fournissaient toutce qui était nécessaire
au château : étoffes, mobilier, instruments de guerre, de travail, de plaisir.
Farfois, on appelait des hommes libres qui avaient acquis une habileté parti'
culière dans i'un ou I'autre art; mais la production était toujours limil,ée et
proportionnelle à la consommation immédiate. Pour qui travailler dans les villes
tuairO les besoins locaux étaient satisfaits? I VANInnKINDEIE. (Le Siècle des
Arteueltle, p. '103. )
238 HrsrorRn DES BELGES ET DE rEUR rrvrlrsAlroN

lf,onnaies.
- L'usage commercial des lingots d'or et d'argent se
maintient pendant toute l'époque féodale. 0n les donne au poids en
échange des marchandises; I'argent monnayé est réservé au com-
merce de détail. Charlemagne s'était réservé le privilège de la fabri-
cation des monnaies. Par la suite, ce privilège devient celui de tous
les grands seigneurs,'des évèques et des abbés.
Généralement on désigne les monnaies par des uoms tirés de leurs
empreintes. Le sou d'or marqué d'une couroune, s'appelle commu-
nément clurlnne d'or. Sur I'une des faces de la pièce de monnaie
connue sous le \om d'éctt, se trouvs la ligure cl'un écu, ou bou,clier,
Des raisons lnalogucs expliqucnt les noms de ulie.ger ou uolant, de
mouton, ange, Iion ou griffon, lottis, carolu,.s, ridder, etc. donnés à
d'autres pièces de monnaie. De nos jours, ne dit-on pâs encore, dans
Ies campagnes, un napolcon et, dans certaine société. un loais, pour
signilier une pièce de vingt francs?
Voies de communicalion.
- Les routes sont un puissant facteur du
progrès, un des instruments les plus assurés de civilisation. En
permettant I'usage des voitures, elles réduisent cousidérablement la
somme de travail nécessaire àl'homme poureffectuer lestransports.
Dans la civilisation actuelle, elles joueui encore un rôle essentiel.
Nous nous imaginons difiicilemen[ une contrée sans routes.
Néanmoins, cette situation est encore celle de ll plus grande partie
du globe. Longtemps les villages, et même des localités plus
importantes, ne furent reliés que pâr de simplcs sentiers ou par de
mauvais chemins. Même jusqu'à l'époque des comrnunes, les routes
véritablement dignes de ce nom demeurent tr'ès rares en Bel-
gique.
Sans doute, dès I'origine de I'humanité, les cours d'eau navigables
ou flottables furent utilises pour les transports. Ce sont, suivant le
mot de Pascal, des chemirzs rltti marchent. lllalheureusement, ils
suivent toujours la même direction et exigent plus d'efforts au
retour qu'à l'aller. Sujets à geler, en certains pays, ils présentent
ailleurs des chutes de nature à interrompre la navigation. A certains
moments, ils sont à sec: en d'autres temps, ils debordent. Ils nc sont
donc pas la voie idéale de communication. Au point de vue de
I'utilité, les canaux leur sont supérieurs. Le cours de ces dernier.s
est uniforme; même, ils peuvent, par un système d'écluses, utùr
des bassins séparés par des montagnes. Très nombreux en Belgique,
les cours d'eau navigables suppléent longternps',r I'absence de routes.
Quant aux premiers canaux consfruits en notre pays, ils ne remontent
TEMPS HTST0RIoUES. PÉnIODE I'É0DALE 939
-
prs au delà du xre siècle. 0n ne devait pas tarder à en ueuser un
grand nombre dans les Flandres et le Brabant.
Postes.
- Parfois les pèlerins se chargent dc transporter des
lettres. Quelques nressagers portent aussi la cot'responrlance des
étudiauts : à cela se réduit toutc la poste de l'époque.

TITRE XIV
:
Vlg domestique, coutumes, meuFs.
siècle dernier, le
Actes de l'Êtat civit.
- Inhumations. - Jusqu'au
clergé aura la mission de tenir les registres de l'état-civil. Aucun
contrôle n'est exercé sur ce scrvice qui, par suite, n'offre pas, à
beaucoup près, toutes les garauties d'exactitude nécessaires.
Le cimetière entoure l'église, comme c'est encot'e la coutume dans
certains villages. Quclquefois, les inhumations se font à I'intérieur
même de l'édifice. Divers.conciles condamnèt'ent cet usage. Plus
tard, les gr.ands et les mcmbres du clergé seront seuls enterrés dans
l'église.
Les procédés d'inhumation varièrent beaucoup dans la suite des
âges. 0n ensevelit Charlemagne dans la position assise, Pepin lc
Bref et Hugues Capet furent déposés dans leurs tombeaux couchés
la face contre terre. Habituellement, on place, à cÔté du mort, ses
armes et des lioles à parfums. Souvent, on joint à ces objets une
pièce de monnaie, vestige sans doute d'un usage païen, I'obole à
Caron. Au xtu siècle, on pose, sur la poitrine du mort, utte croix de
bois, de plomb ou d'argent, dite .crzi,E d'absohtlion' parce que la
formule d'absolution y est inscrite. En ouvrant, en 1873,le tombeau
de Théodouin, aucicn évêque dc Liége, enterré à Huy en 1070, on y
trouva Une croix de I'espèce. L'oraison donùnicale eL la safutation
anEéIiçte y é[aient gravées à cÔté de la formule d'absolution-
Primitivement, les cercueils étaient de pierre. Au-dessus de la
tête, on plaçait une grosse dalle. Plus tard, les bières seront faitês de
plomb pour les riches, de bois pour lcs pauYres.
l{ourriture. Rarement le peuple mange de la viande; le plus
-
Souvent, il se nourrit de légumes. Sur le bord de la mer ou dans le
voisinage d'un cours d'eau, il yit de poisson. La bouillie au millet ou
au froment est fort gotitée et longtemps forme unc partie importante
de I'alimentatiou des campagnards; on Ia mange avec des cuillers.
240 HrsrorRE DES BULcES ET DE LEUR crvrlrsATroN

Pour manger la viande, on continue, faute de fourchettes, à Ia


prendre avcc la main et à y mordre à pleines dents.
Habillement.
- Le vêtemen[ du peuple varie peu pendant le moyen
îrge. Au xre siècle, il consiste en une espèce de longue tunique à
capuchon, faite de drap épais ou d'étoffe de laine grossière, au corps
étroit, aux manches larges. Les personues riches ou d'un rang élevé
portent un manteau s'agrafant sur I'épaule droite. Elles relèvent leur
tunique au moyen d'une ceinture servant dc bourse, que seuls, les
banqueroutiers ne peuyent porter. Plus tard, la tunique, de laine
brune, devient courte et serrée. L'habillement se complète de braies
et de chausscs, aussi d'étoffe de laine, parfois de peau tannée. A Ia
ceinture se porte généralement un couteau.
Habitations.
- Ordinairement, la cabane du serf se compose d'une
scule pièce, dans laquelle bêtes et, gens logent pêle-mêle. Les murs
en sont formés de claies plaquées d'un torchis en terre. Là seule-
meut ou la pierre abonde, apparaissent des maisons plus solides,
faites de pieres unies par ulr grossier ciment. 0n couvre les habita-
tions de chaume, de jonc et parfois, dans les pays schisteux, d'épaisses
feuilles d'ardoise. Mème dans les villes, uotamment à Liége, sous
Notger, les maisons ne comprennent d'habitude qu'une seule pièce.
Hn général, elles sont faites, celles des bourgcois aisés et des nobles
comme les autres, de palissades d'osier plaquées d'argile durcie.
Seules, les habitations des personnages les plus importants sont de
pierre ou de brique.
0n doune ù toutes la forme ronde; les toits se termincn[ en pointe
de ruche. D'étroites ouvertures, fermées par des volets blanchis ({ ),
servent de fenètres. Au-dessus de la porte d'entrée, une corde de
cuir pend, munie d'un maillet de bois, qui sert au visiteur pour
s'annoncer (2 ). tes étages, lorsqu'ils existent, surplombent presque
toujours la partie inférieure de la façade.
Ameublemenl.
- Dans l'unique pièce de I'habitation, on rencontre,
chez les nroins pâuyres, un poêle en briques, une longue table. Un
grand coffr'e, o[r I'on range la vaisselle et les objets de valeur, sert
de siègc au besoiu. Chez les plus riches, quelques escabeaux, un
certain nombre d'ustensiles dc cuisine ou d'instruments de travail,

-Ia ({) Plus tard les fenôtres seront


corne.
fermées par du papier blanc huilé ou par de

(9) Yoir dans -Les douze conuiues du chunoine d,e Totrrs, par Colr.rn or plAmcr,
la description de la maison de Henri de Marlagne à Liége, sous Notger
rBMps }rrsr0nr0uEs. pÉnr0DE FÉODÀLE 241
-
dcs armes appendues aux nurs, complètent un ameulirenent, tout
sommrire. Fautc d'cil conilaitle I'usirge, on sc passc dc chemindre.
Longtcmps, les lits demeulent comûrulls, mc\me chez res lobles,
a toute la fanrille. 0n les couvre de pièces dc drap : d'oir le termc
drap tle lit qui s':rpplique aujourd'hui aux pièces de toile ou de
coton dont se garnit, un lit, rnoll,é.
Éclairage domestique.
- Pour éclairer I'iutér,ieur cle leurs habitl-
tions, les homures u'on[, d'irborcl que Ia lunière du fol'er. veulent.ils
distinguer autour d'cux avec plus de netteté, ils preunent une
brasséc de fascines, h jcil,eut sur le feu; t)our un instant, une
lurnière plus vivc écliiire tous lcs objcts environnants. Ils utilisent
ettsuitc des branches ti'arbres résineux, comne le pin etlesapin.La
graisse dc certains ilninrilu.x, figéc en un moule autour d'une rnèchc
faitc tlcs lill'es cntrelacées de certaines plautes ligneuses, tionne
naissartce u la chandelle. L'éclairage à lzr clrandelle demeureril,
jusqu'au siècle dernier à pcu prt)s, le seul employé par le peuple ct
mûme par Ia bour"geoisie. L'emploi quoticlien des torches ou cles
flambeaux decire était trop cotteux pour se répanclre. ces derniers,
donl I'usirge est à peu prùs cxclusivemcut réservé aux égliscs, reçoi.
verrt le nom de ci,erges.
chez les gens les plus riches, à I'occrsiou des festins ct autres
circonstunces cl'irpparlt, des torchcs portécs par cles valets éclairent
les appartcneuts. Irroissard dit, parlant du luxe déployé par lc
comte de Foix : < Quirntl il venait pour solrper en la salle, il avait
tlevant lui douze torches, tenues clevant sa table, qui donnaient une
grattde clarté. l

TITRE XV
Considénations génénales & vue d'ensemble.
L'édit de Kiersy-sur-Oise (877), qualifié par cutains histolicns trc
gt'aude charte dc Ia féodali[é, avait ploclrrmé liinamovibilité dcs
délégués du roi dans lcs provinces et, Ic droit, dcs enfants à I'tréréclitû
cles licfs, des charges ct des fonctions occupés par leurs pères. rlais
les grauds bénéliciailcs ne tùrdent pas à s'arroger en outre les
pouvoils militaires, jutliciaires et financier.s rlcs comtes. Bientôt Ir
détention cle la propliété cntraîne la jouissance cle I'autorité. r\insi,
la décentralisatiort du pouvoir ct cle I'adnrinistration coneluit d'cllc-
mrlme à I'organisation féodale.
Y. lUirsuet. - Histoire tles Belses.
242 lrISTomE DEs BBLGES E'I DB LEUR ctvILIsAt'loN

Lcs invrsions des Nolrnattds poltent le der'nier coup aux institu-


tiOnS de Challgrn'.rgne : lorsque ces Barllargs ltalaisSent, I'attarcltie
de la société est, complcte ct celle'ci tt'est nullemcnt préparéc à la
r'ésistauce.
Tanclis que lcs rois et les barons sortt occupés à r'ider lcurs
querellcs persortnelles, lc peuple., opprimé ct rlisérable, assiste avcc
indifférence aux pilhges des Norntands, tout au ntoins moutrc peu
d'emplessement à leur disputer des richesscs dont prolitcnt seuls les
gruntls, ses oppresseLll's. La société coult clonc le plus gtrnd clirnger'.
Ce qui Ia Siluve, c'cst le r'éveil, sous lir pressiort dc ll détlesse ullivcr'
selle, tlu scntinicnt cle la solidalité litrrnairle, qui atrtlefois s'était
manifcsté avec ulle si vivc intensité cliez les peuplcs dc race ger-
mlnitlue, pil' les gildes c[ le cotnpilgl]ollllllgtt.
Ïolontairement, les ciimpagttards so groupent iitttout' cl'ltontues
fl'lrmes qui p t'enuent I'engagetttent de les dôferldre col)tle toutc
:rg'r.essiort. Pour protéger cell)i qui lcur confient le soirt tl'assurcr leur
sécgrité, lcs scigneuls sc btitissent cles chittetux folts. Le plys se
r)oLlyre dc forteresses. Ptlu rr pCu lil tmnquillité ct 1i-t conliaucC
renaisscrtt.
Âinsi, la féodalité ir cl'lllorcl scs effcts utiles : elle clonne la séculité
aux populations, utrc olg'rtttisiitiott et tttte hiér'nlchie à la société.
Elle cléfruit cettc opiniort de I'anticluité que I'individu est sans
rlr.oits, que I'Btirt les a tous. Ll fiodalité tfïlt'ttte le prirtcipe gcl11a-
nirlue dc la liberté inclividuclle cu la lecorutaissant aux ttobles. Slrts
rloutc, le chritclain se lnontre souvellt orgueilleux, ittsolent, tyran-
nique ; mais c'es[ qu'il sc setlt rér'itablement libre, qu'il a acqttis une
coufilrnce en soi, utt sctitittent cle sa dignité, une cléCision de carac-
ti:rc, folt, rares chez les ancietis, par clui h lillcrté inclividuelle n'a
pas été réelletnent collrlue.
Dlle jette les plenriers fonderuents d'uu droit public par I'institu-
tion tles tlrives de Dieu, des quantttrittcs, de I'inviolabilité du domi-
cilc. ctc.
Dlle acloucit dans unc cotitirte mestll'c lcs mættrs ptrbliques, pitl
I'iristitution de l'ù chevalcric qui développe chez les rtol-iles le senti-
ment dc la dignité pcrsollnelle, le respect cle la fcnme ct de lrt
parole donnée.
Iiufin, elle transforme en sel'Tage I'esclavage antique. et, ce pl'o-
grès rnér'ite d'ètre apprécié.
D'unc façon générale pout'taut, on peut dire que la féodalité a été
aussi incompatible avec l0s principcs de liberté et de justice qu'avec
ilnIPS I{IST0Iil0UES. PÉnIODE IÉODALE 243
-
lcs droits naturels de I'autorité. Si I'autorité dcs souverains, lois de
Francc et empereuls d'Allernagne, csf nLrlle d:rns les fiefs cle tout
orclre, I'immcrsc majorité clc lir populution n'en vit pas moins
âsselric, ct uitime I'on peut tlire quc l'état de corttraiute oir la dépcn'
dance réciplotlue des suzerrirrs et des vassitux tnaintient tous lcs
nobles, n'es[ qtt'urte forme atténutic de ]ir servitude. Aittsi, cilntrc
toutc attertte, dans lir sociéte nout'clle, le nrélange de l'élément
rornain, de l'élément chrétien et dc l'élément germirin semble
aboutir, en dernière analyse, à la serritude univet'sclle.
I)'i\utle 1rart, les chirtcaux forts, liirtis pour donuer la sécurité aux
faiblcs, ne tardcnt pas ù devettir un ittstrumctlt par excellencc
de deslrotismc et d'oppressiott.
Lcs scigtteurs féodaux, inégattx ctr puissattcc, tuontrenf tous lir
môme fureur de t.vlalnie et d'albitr':rire. Le clroit u'l plus d'autre
garantie que la force. A chrque instatit, ou iuvoque celle-ci. Telle est
lu cituso clCs nontbreuscs guefl'cs privéeS de l'époquc. [n vrin les
empel'culs proclament, sous pcine de mot't, la prix univelselle : cettc
ntgsul'e, tr.op radicale, r'este sltts efl'et. Ilu taitt, I'Eglise chelche ir
imposcr pirrtout la trêve cle Dieu ; ell Yail], des tribunrux : le Tribunal
de Pirix eu Lothat'ingie, la Pirix du Comte (t) en Flirndre, sont
institués pour lir faire respecter, l'ùtiilrchie contirttte. Il n'cxiste plus
tle séculité pour persottne: tti polll lc laboureur, ni pour I'inclustriel,
rui pour le marcltrrnd, ni pour le r-o5ageur.
Lc régirne féoclal produit, uu autre r'ésultat. celui de maintenir lcs
cùmpagnes, au grancl détrirnent cle la cililisaliolt, ell possessiol dc
la préponclérance politique. Les rtoblcs ril'ent cxclusivement dalls
lcurs tcrrcs. Ils rte yiennent à ll lille cltlc pi-lf ltccidcnt. lllèrne les
r,apports entle eux sont assez rares, leurs chitteaux étant bittis en des
licux isolés, épars sur de v'astes étcrltlues de terre, circonstaucc peu
firvololile au cléreloppcnent cle h sociabilité. Aussi I'intérêt dc cltacuu
I'entpor:tc-t-il de beattcoup, ir ieurs yeux, sur I'intérêt public, folt
négligé i\ cett'e époque, sitlott tout à fait irtconnu et aban{lonné. La
léodalité màrque donc le triomphe clu particularisnte get maitr, Iron seu'
lcment sur la centr.irlisrtion, mais russi sur lrr civilisatiolt ronraines.
Cct isolcment dans lequel viveut les barons ftiodilux, leur existence
(luasi sauvage, lcurs gotts salls délicatessc, lettr pcrtchanl poul la

({) Instituée en4.14l par le cotnte de Flandre Bautlouin YII, dità la Hache.
Voir pcriotle suivante.
244 HISToTRB DEs nELcES ET DE LEUn crvrlrsATroN

rapine, rendent fort lents Ies plogrès dc I'industrie et, du commercc.


L'industrie domestique dcs ntonastères et des châteirux se borne à
produire les choses indispensables à une vie grossière et le com-
mercr ne peut se dér'clopper, faute de sécurité e[ de besoins à satis-
faire. D'ailleurs, le pito-vable tlénuement du peuple est eucore accru
par le briganclage des nobles, dont lcs exactiotrs ou les voleries
rendent presque impossillles la culture, I'intlustrie et le com-
merce.
Bref, les temps de la féodalité sont, entre tous, unc époque dc
vioiencé et d'arbitraire,' oir la force ph1'sique, les passions brutales
et I'ignorance règnent en maitresses ; où la libcrté individuelle
n'existe que chcz quelquos indivirlus appartenant à des clirsses pri-
vilégiécs; otr les garanties de bonne iuhninistration et de justice
disparaissenl, pour le peuple; ori la misère cle celui-ci est extrt)me.
C'est un r'éritable temps d'arrêt pour la civilisation. ,lussi le tcrrne
de fcodalite est-il synon.vrne de tyrannic et rJ'insfuu,t'ité, d'anaralùe cL
de ntisère. Bt I'on s'expliquc qu'aucun s.vslèmc social n'tit jarnais
inspiré à I'humanité un sentiment plus vif, plus géneral de liainc ct,
de réprobatiou.

Lc despotisme féotlirl
- le plus pesrnt dc tous les despotismes
parcc qu'il s'exercc dc trop près n'était, plus supportablc. La
société retoumail à l'état sauvage.
-
Commc après les invasions llormilndes, le scntiment dc soliclalité,
si vivace clans lcs races gcrnartiques, r'ient unc fois eucore fournir
le remède aux maux du présent. Le souvenir des gilcles d'rutrefois
inspire I'idée d'associations entre marchlrtds, entle artis:urs, entrc
ouvriers campagnarcls, entre serfs mr)ne, groupelnents tlolt I'oltjet
est de s'entr'aidcr', au bcsoin de se défendre. Partout il se r:rée des
fraternités, des frairies, cles anùtiës, qui sont lcs gernres des futur.es
corporations, peut-êtrc le noyau des communes.
Les croisades survientcnt. Bn clébmrirssant I'liurope dc la paltic la
plus turbulente et la plus insociable de sa popirlation, sultout en
favorisant I'essor dcs oommutles, ocs expédil,ions portent un l,clriblc
coup rux institutions féodales.
Tanclis que beaucoup de seigneurs féoclrrux rle secoud rang s'affai-
blissent, se ruincnt ou clisparaisscnt aux crois:rdes, les cottlrltur]es
TEIII)S HISTORIQUES. PÉ1I9DE FÉSDALE 245
-
l)ilisscut, s0 multiplient, grandisscnt, étendant aux bourgeois la
jouissance dc la liberté inclividuelle, jusqu'ici
réserr.éc aux seuls
seigneurs féodirux. La féodaIté ébranlée est enfin contrainte
à
eédcl le pas a I'instiltt,liotz contmunale, sl,non,vme, aux
l,eux des
populations, de libert(. et de séurité, d'nrdt"c eL de pros|térité
maté-
rielle, partant rle ciuilisation,
246 IIISTOINE DES DELGES ET DE IEUR CIVILISATION

CHÀPITRE VI

Période féodo-communale ('t 106-1 382)

Ouvnages à consulten:

wattters ; Libertés communales , - Poullst : Hisloire interne de la


Belgique. Iltnau,r.; Histoire du pays de Liége. Iiutth : La Loi de Beau-
- : Le $iècle
-des artevelde. Ilenne et
mont en Belgique. l'anderkhdere -
-
l|'auters.' Histoire de la ville de Bruxelles. - Ilrandts.' Bssai sur les classes
rurales. Kerulln de Lettutltotte; Histoire de Flandle. J. Botgnct cl Stanislas
- -
Bormçns.. Histoire de la commune tle Namur. - J. Borynct .' Histoire du
Cgmté de Namur. Bruyssel: Histoire tlu COmmerce et de la marine.
- l.'1111 -
Faider :
Stanislas Borntans: Le bon métier des tanneurs dans la cité de Liége ,
Paul Fredeticq.' Essai sur
-
Ie rôle poli-
Dtudes suf les constitutions nationales.
- Gachard : Docunents inédits.
tique et socialdes tlucs tle tsourgogne. -
-
Histoire du règne tle Charles-Quint etr Belgique. - Van Ptaet z Bssai sur
I'lristoire politique des derniers siècles. Diuers.' Patria Belgica. Lonchay :
- -
L'Inquisition au peys tle Liége. Lonchay .' De I'attitude des souverains des
- ftaepsaet : $Duvres
Pays-tsas à I'égartl du Pays dc Liége au xvlc siècle.
-
complètes. Stëctrcr; Histoire de la litl,érature néerlandaise en Belgique. -
-
.lncoù (lribliophile) : Recueil de farces, soties et rnoralités. lxxv6i.x ;
-
Mtnurs, coulumes et usages âu moyen âge et à l'époque de la Renaisslnce. -
J. Borgnet .' Pronienades dans Namur.

TITRE I
Géognaphie histonique.

La partie tle la Belgique située à I'ouest de I'Escaut cgnlinue à rcleverqlela


Francel la partie à I'est, de I'Allenragne. Pour le détail, Yoir' le câs (tchéânt'
en tète de I'histoire particulière de chaqueprincipauté.
'TEIIPS IIIST0nI0UES. PËRIODE rÉ0Do-c0lntul(ÀLE 247
-
TITRE II
Les faits.

Nous assisterons, pentlant cette période historique, att


dôveloppement tles institutiotts commullales, nées sous le régime
précétlent, mais demeui:ées jusqu'ici à l'état rudimentaire.
Nous vert'Olts, au temps de Jacques Va1 Àrtevelde, les com-
munes alteintlre I'apogéc de leur puissance et de leur prospéritir,
ct ngus les laisserolts âu m6lnent où, avec la mort de Philippe
Van Artevelde et l'avènement de la rnaison de Bourgogne' elles
entrent dans leur période de décadence.

SBCTION I

Gomté de Flandre (ntite).

Baudouin Vll à ta Hache (/l,LtL-l,tl9). Pentlant I'absertce de


Rober.t II, I'insolertce e[ la tyrannie tles seigneurs léot]aux
devienneut insupportables. Il ne se passe pas de jour orl I'ort
ne signâle tles actes de violence otl de lrigaudage cotnmis par
eux. Mais Bautlouil VII, dit a la Huclr.e, se lngntre à legr
égard d'uue sévérité tert'ible, tl'ailleurs lécessaire.
Pair lvlatth'e, dite aussi Puin d'Ypres et encore Pnic:'
cle
rJ'Aryas ( I ). A peile moutti snr le trôue, e1 { I l'/i,, il renou-
velle, sotrs le
-nom tle Pair cl'Ypres, en la renforçant tle dispo-
sitions nouvelles, un règlernent tle justice et d'ordre iutérieul
très rigoureux, I'aucieune Puin tle Flandre, partiellement
torrrbée err tlésu+itutle. La lectul'e de ce tlocuntent dollne une
idée assez exa(]te de l'état des esprits et des IIæ'Jrs t:tl lrlandrc
au moment oùr il fut prornulgué.

({) Parce qu'elle fut promulguée à Àrras, en présence des prirrcipaux


chàtelains cle Flandre.
948 rrrsr'ornu DBS IIELGES ET DE LE[rn crulrsÀTloN

En loici lcs articles principaux : '1o Lc vol, Ia menace icl'in-


ccndie, la violirtion nocturuc du clomicilc sont punis dc,mort.
9o Le nrcurtle crt lcs blessures 'r'olontrires sont punis de la peir:e
rlu talion : tt\tc pour tête, ntentble poul' memltt'c. 3o Défense de porter
les armcs est firite à rluiconque n'est ni brilli, ni ehittclaiu, niloflicicr
du prince. 4o L'ricquittement d'un rceusé sera prononcé si douzc
de scs pairs le déclirrentlloll coul)lble. S'il s'agii d'utt vil:titt, le
tribunal doit t)tre présidé par Ie scigrtcur cte cc vilain. 5' I.cs
officiers du comte. coupables d'uu clélit, sont, ptssiltlcs d'une ,pcirte
double de cellc qui fmppe lcs justiciallles ordinaires.
Baudouin irpplique ce r'ègleurent rvec une impitoyable rigucur.
Dcs chcvaliers avaient tlélroussô un miu'chancl qui traversait la
forèt pour sc rcndre '.r la foire de Thoulout. Bautlouin se saisit de
leurs personnes et les fait pendle I'utt par I'autre. Lorsqu'il n'en
rcste plus qu'uu, il comnirndc de I'attlclier par le picd a utte poutrc
ct renverse lui-môrne un échafaudrge sur lcquel on avait forcé lc
malheureux dc monter. Celui-ci rcstc ainsi suspenclu da'rs le vide.
Lorsque les parents des suppliciés, ignorant ce qtti s'étail passé,
rnais justcmcnl inquiets du sort r"ése rvé aux coupables, se présentent,
poul iltercécler en leur firveur, Biiudouiu Jeur montre le licu otr se
trouvent les cirtlavres ct, leur dit : < lintrez-là, rous les trouverez.
\rous pour-ez les emrnencr, rnais prévenez-lcs que persoltne rte peut
voler sur les domairtes du comte de Flanch'e. >
Une autre fois, un jeune chcvirlier', lils d'un noble ct puissant
seigueur, s'était ernpar'é de cleux bæufs qui appartenaicnt, à urte
pauvlc scrve. Birudouil ordonne d'arrètel lc loleur et de le cortduire
à Bruges. Lir farnillc tlu jeune homme supplie lc prince qu'il ne soit
ni aveuglé ni pendu. Baudouin promet qu'il nc sera ni I'un ni J'autre.
llais, par ses ordres, une cliaudière ci'eiru bouillante est disposée au
rnilieu du nirre'lté, et cn préscnce d'une grrrndc foulc, il y fait jeter
virant et tout almé Ie cher,alier coupable. Ces terrillles exemples
iunènent la prompte cessatiou ctes méfirits des uolrles duns le comté
dc Flandrc.
Charles le Bon (l,lrl,9-1,197).-Bautiouin à la Hzrche a poursuecesseur
Charles, dit lc Bon,qui,lui aussi, paraît avoir réprimé avec énergic
lcs exactions des barons. lllais peut-otre son propre gouvernement
rre fut-il pirs excmpt d'arbitraire. Darts une graude famine, après
irvoir ltri-mème fait d'abondantes aumôues en vivtes et eu vètements,
il s'elnpare des réservcs de grains emmagasinées par quelques
nrarclrands et les distribue gratuilemenl au peuple. Cette facile
G

a
950 nrsl'olnu DES nELGF,s rir Dll Lllin crvrlrsÀ't'roN

gtlnérosité Iui vaut, aycc les sympathies populaires, le surnom


<lc Bon.
Sa cotduite enycrs Ia faniille du chfitelain cle Brugcs ne
semltle pas non plus avoir été heureusement inspir.ée. Q'roique
d'origine serve, cette famille était I'une des plus puissantes de
Flirndre. Bertulphe, le frère du chirtehin, était prevôt (,t ) de l'église
Sirint-Donatien et chancelier de Ilrndrc (garrlc du scelu). [e
chitclarin avait malié ses fillcs à des chcvlliers cle naissrncc lillrc.
Un de ses geudres ayant provoqué un autre chcvalier, se voi[ refuser
le combat, parce que, ùux telmes du droit fôodlrl, irprès un an et un
jour de marirge aycc une scrve., un chevalier perd son rang ct
devient serf lui-nirime. L'affront étrit gravc, clr si le chevalier appclé
en chanrp elos avait raison, tous les mernbres de la farnillc rlu
châtelain étaient égalernent serfs et clcvaient ètre cxclus cles plaids.
Appelé t\ sc prononcer sur la question cn li[ige, Ic comte décide
contre lc chirtelaiu et Ie r"evendique mêrne comme sa propriété ainsi
que sa farnille. Qu'on juge dc leur colère !
Un celtain Burcliard, noveu du chirtelain et du prévôt, s'offlc ir tuer
le comte. Un jour, Chrrles faisait sa prière, agenouillé sur les
mirrches d'trn autcl, rhrns l'église Srrint-Donrtien. Au moment oir il
s'apprôtait à frire l':rumône t\ unc pàuvre fenrrne, llurchalcl
s'approche cle lui par clerrière et lui fend la tète cl'un grantl coup
d'épée (t,t27).
Réfugiés dans le bourg ou cliirteau fort rle Ia tille, puis tlans
l'église Saint-Donal,ien, ltirtie à I'intérieur du Bourg, I'asslssin ct ses
oomplices y soutienncnt un Iong siège. Â lir longuc,, pressés par. h
fairn. ils se rendent et sont successivcrnent pr'écipités du haut tlc la
tour o[r ils s'étaient retir'és en dernier ]icu.

Philippe d'Alsace (1168-1191). Plusieurs cornpérireurs se


-
tlisputent l'héritage tle Charles Ie Bon. L'un d'eux, Thierrv
tl'Alsace, finit par I'emporter. Il a pour fils et srccesseur philippe
tl'Alsace.
Le conte Philippe tl'Alsace fut nn des princes L:s prus dis-
tingués de la Flandle. Régent du comtrl en I'alrsence de son

( { ) c'est-à-dire chcf du chapitre. anx foncl,ions de prévôt était attachée la


dignité de chancelier de Flandre.
TE}tpSHISToRIQUES.-?liRI0DEFÉ000-co}t}tUNÀI,E95l
Philippe s'occupe
père, qui fit quatre voyâges eu Terre sainte'
la procédure judi-
de cor]itrer les coutu*rt ao PâYs, tle réformer
des setitences'
ciaire et tle déterminer Ie mode d't xécutiOn
la sorte, est irnposée à toute
L,observatio' tle la loi, motlifiée de
et de
la Flanrlre. Ainsi des règles équitables tl'admiDistration
justice, qui jusqu'alors n'avaient été eu vigneur qu'en certaitrs
jusque dans les cantotts les
entlroits, sont introduites partout',
plus reculés.
administratifs et
Entre autres défeDses, les nottveaux strtuts
judiciaires portent : a) que s'il est permis aux baillis
rl'assister

à l,élection d.es notablÉs chargés de la


répartition des impôts, il
aux ellquêtes et
leur est interdit d'assister à cette répartition,
le pouvoir d'amèter
aux jugements; dr) que les baillis, s'ils ont
êchevins.
ri' accusé, ,r. p.i,nà't le juger sans Ie concours des le tit'e de
Les réformes tle PhilippJ ,l'Àltn.. lui mérite't
premier législatem' de Ia Flandrc'
En vue d'encourager I'agricultnre et tl'acctlléret'
I'assèche-
il
des terres, accorde
ment tles marais ai*siq,re te aetictremetlt
tl'exemptions de tailles
aux habitants des campagnes une tbule
exemption tle l'espècc
et tle servitudes. c'est à la suite r]'uue
qu,esttlesséché,défi.ichéerpeupléttllvasteter.ritoireirrculte
depuis sous le nom
situé eltre Ypres et Poperinghe et conllu
ùe Géndralita d,et tnût Ttaroislcs. Le comte
y fait en outre bâtir
tles églises.
Philippefavoriseaussil'essortlel'industrieenconcédant,
auxcommurresetarrxgildes({)desprivilègescorrsidérables
et er assurallt' par des mesures sévères' la séculité des
tlu
en concluaut
comrnerce (2). It protège encore celui-ci
en augtnentattt
tlaitôs avartageu* nn*t les princes étrailgers'

sur ces corporations'


({ ) Voir plus loin tles rlétails étenrlus villes de son comté par
(g ) La pluparl ,r*. *tnËiîtî*nion** à"nnèt tuï
prrïiÉpt d',ltiace sontïôt huuttt ou des lois criminelles'
g5E rrrsT'rn' DEs BBLcEs E' DE rEUR crvrtrsATt'N

le nonbre des foires et des mlrchés, eu creusant cles cauanx


et des ports, en améliorant Ie conrs tles voies navigables, etc.
De plus, il encourage les lettres et palticulièrement l'étude
tle I'histoire. un littérateur de l'époque, chrestieu de Tloves,
se qualifie volontiers tle trouvère (t) du comte de Flandre.
Guere avec la France. Revenu dans ses états, après une expédition
en Pirlestine, Philippe -d'Àlsace fait épouser ù philippe-Auguste, roi
de l'rance, dont il avait été re tutcur, Isabelle dc Hainzruc,
sa niùce, à
laquclle il donne pour dot re comté d'Artois. Mais, par la
suiie,
ryanû cessé de s'entendre avec le prince fr,anç:ais, il nihésite pr*
lui déclarer la guerre. Réunissant toutes les milices dc Flandre, aont
i
il forrne une armée de plus cle {00.000 hornmes on peut par Ià se
faire une idée de la puissance de Ia principauté à- cette époque
r'éussit, ayant I'ouverture des hostilités, à imposer au roi - il
une transac-
l,ion alantageuse pour la Fhudre et la guerre se trouve
heurcusement
conjur"ée.
Troisième croisade. avec philippe-Auguste, philippe
- etRéconeilié
d'Alsrce aide ce prince Richarcl cæur de Lion, roi à'Ângleteryô, e
organiser la troisième croisade. [Irris, tandis que les croisés
anglais
adoptent Ia a"oix blanahe ct res Français la eroin rouge, philippe
il'Alsace fait porter à ses guerriers la croir uerte, a{Iiïmant
ainsi
I'indépendauce de la FIanch'e.
seconde réunion de la Flandre au Hainaut (ltgl-1246).
Philippe meurt au siège de ptolérnaÏs, eu ll lg{l sans laisser -
tl'enfant et ses états passeut à sou neyeu, Baudouin le
courageux, conite de Hainaut. Ainsi se protluit la rleuriènte
reuûon de la Flandre et du Hainaut (l,lgl
).
Baudouin vlll te courageux (llgl.ttgs). Bauclouin VIII n'entre pas
-
srins quelque difficulté ell posscssion r]e I'héritage de philippe
d'Alsace. Outre I'obligation cre I'lnnmtage-Iige poù te cornté
de
Flandre, Philippe-Âuguste rui impose Ia cession de I'Artois. De leur
côté, ses nouveaux sujets exigent de lui Iu concession d'importants
privilèges.
Plusieurs articles d'une charte qu'il accortle aux Gantois méritent

({ ) Nom donné aux poètes du nord de la Fralce au moyen âge.


TElrps rilsT0RrQUES. pÉftr0DE FÉODO-cOiluut{ALE :!53
-
d'être signalés. Les voici : ,Io Lcs Gantois sont tenus d'ôtre lidèles à
leur prince plus qu'à tous les princes du morrcle, mais pour iiutanl
seulemen[ qu'il les traite d'unc façon justc et raisonnallle. 2o Les
Gantois peuvenfi fortifier leur ville et leurs maisons. 3o lls ne doiven[
le service militrire que jusqu'à lir distance otr, en artal d'Anvers, on
peut aller en trois marées ({.8 lieues ) ({ ).

Baudouin lX de Constantinople (1195-1204). À la mort-


de ses parents, le {ils tle Baudouin le CourageLr.x, Baudouin dc
Constantinople, hérite du comté de Flandre (11,94), ,lo conté
tle Hainaut et du marquisat de Narnur ({195).
Baudouin de Coustantinople fut un prince gônéreux et
éclair'é. Youlanl améliorer daus ses états le sort des classes
inférieures, il abolit certains impôts dont le poids est particu-
lièrement lourtl pour le peuple. Tel, par exemple, le dloit
tlu prince et de ses officiers de ne payer en tout temps que trois
deniers Ie lot de vin exposé au marché. Il
règle la perception
ùes tonlieu,n (2), en formulant les tarifs d'après lesquels ils
doivent être prélevés, él,ablit des foiles à Bruges (3)et accorde
deux chartes, au Hainaut. Par I'une, il donne, au régime
féotlal des brses régulières qui, notarnment, consacrent le droit
d'aînesse; par .l'autre, il organise Ia procédure climiuelle et
règle les pénalités. En outre, il encourage les lettres que sa
femme Marie de Champagne et lui cultivent avec succès.
I fait écrire les Histoires buudou,i.nes, chrouiques coute-
naut la généalogie de ses aucêtres et les principau)i faits tle
leur vie.
Quatrième croisade ( 1202-1204). - Baudouin IX pleud
part à la quatrième croisade, que tliverses circonstances fout
dévier de son but essentiel. Rassemblés sous les rnurs tle
Constantinople et mécontents des Grecs, les chrétiens s'empr-

(t)W.lurnns, Libertés comnumales, p. 663, tome II.


( 2) Droit qui se paye pour les places d'un rnarché oir I'on élale.
(3) Lire à-ce propos les trIutinées tle Xtarie de Clmrnpctgne, dans Les Douze
cottt)iues du chanoine de 'I'ourc, par Coltx DE pLANcy.
g

û
(J

i .,,iili,r
TETIIPS ilrSTOlllQUES. I)ÉRI0DE FÉ0DO-COrthltlNALE 255
-
reilt de cette grande ville, la reine de l'0rient ({904). Les
mêmes ltort'eurs qui avaient signalé la prise de Jérusalenr se
renouvellettt alors. Comtne la ville saittte, Constantinople est
pillée et saccagée pâf les uoisés. Mille cltefs-d'æuvre d'alchi-
teCture, de sCulpture, de peitttule Sont, ell eette circottstattce,
anéantis ou mutilés par ces rlotlveaux barbarcs ( '1 ).
Youlant s'âSSureI les fruits de leur vic1oire, les croistls
fbndent à Constantirtople urt empit'e latin auquel ils tlonuettt
Baudouin pour ernpereur. Malheureusemelit, le r'ègne de ce
prince si tlistingné tlevait être tt'ris court. ÀVant livré aux
Bulgar.es la bataille d'Àndrinople, il la perd et clisparaît (1205)
saùs que I'ott sltche avec certitucle qucl a été son sort.
lnlluence et résuttats des croisades. IILrit croisades sont succcssi'
-
veurent entreprises de '1090 ) 1970. De ces expôciitiols, lil première
et Ia cluatrième sont celles atrxquclles la Bclgique prend la part la
plus importante. Ce son[ aussi celles qui procluisent les eflbts
politiques Ies plus considérables.
Âprt)s saint Louis, I'enthousiasne pouf ces expéditions loitrtaincs
s'étcint tout à fitit et les chr'étiens abirndonnettt délirlitilement la
Terrc saittte aux Turcs.
01 a pu dire, avec vér'ité, clcs croisadcs : atlcune n'l t'éussi,
toutes ont réussi. C'es[ qu'etl eil'et leurs résultats durab]es ne
sont pts Ceux qu'ott poursqivait d'abo1d, puisque le tombeau
du tlirisb, mornentirnérnent délivré, retrrmbe bientÔt ef pour
toujours au pouvoir des rnusulttians et que lir chute de Constatt-
tinople u'es[ que retaldée.l\Iais les suites ttou lit'évues de ces expé'
ditious clépassent beaucoup en irnportance cclles qu'Otl ett at'ait
attendues. En voici les principales :

I. AU POINT DE VUE RELIGTEUX ET IIORAL.


-
a) Si ellcs rte parviennent pas à enlever aux musulmans la ville de
Jérusalem, clles gruntlissent I'infltænce de l'Eglisc. Les temps des

(4 ) te rlragon en cuivre iloré qui sert de girouetle au bcffroi de la ville de


Cand'aurait, îit-on, été rapporté ile Constanfinople par les croisés de la vilte
rle Bruges à laquelle il fut plis dans une guerre par les Gantois.
9ô6 Hrsrotnts DEs BELGES ET DE LEUn crvILrsATroN

croisades marquent, I'apogée de I'influence dc celle-ci sur res rois,


de sa puissance sur les peuples.
lt) EIIes affaiblissent Ia foi des lteu,ples et In moralit[ pubtirlua. par
suite de contacts et cle ralrports fr"équents, la haine mutucile des
chrétiens et, des musulmans s'affaibliû. Peu r\ peu, lcs honnûrtes
gens dc I'une ct I'auùre croyance apprennent à s'estimcr. D'un autrc
crité, l'opinion est répandue, ptrmi lcs populations chrétiennes, quo
prench'e par't à la croisade effacc les fautes commiscs. La pensée qu'il
est possible par ce mo)'cll de se procurer le pardon des plus grancls
climes, cncourage à lcs commcttre des hommes presquc barbar.es.
Enfin, hrlritués d'.us leurs r,ixpéditions, à ne iespecter ni res 1rer-
sorlnes ni les choses, ils revicnnent rarcmcnt meilleurs au lieu nal,al.
c) Etles tettdent ù lransforntet' le christianisme en tmc religiotr,
milituire et intolérante. Ltec les croisacies, naît en Occicleut, le génie
ntuvais de la pelsécution. L'intolérânce dcvient, chez un grand
nonrbr e clc chrétiens, cruclle et farouche. De uouvclles croisades sont
organisées contrc lcs Albigeois, contre lcs païcns de Liilruanie, ctc.
on poursuit d'une mêmc hrine sectaire toute espèce d'infirières : les
musulmans, lcs juifs, lcs païens, les hérétiques, et les actes lcs plus
oclieux deviennent rnér'itoires dès qu'ils ont pour but Ia ruine ou la
rnort, de ceux qui ne profcsscut pas la vlaic foi.

II. AU pOrNT DE VUE SoCTAL ET POLITTQL:E.


-
a) Ellas amènent Ia dùnintttion iles gucrrcs priuées. Les croisarles
purgent I'Europe d'un grand nombre de seigneurs féodaux, querel-
leurs eù pillrrds, qui sont tués aux croisades ou en reviennent fati-
gués et, ruinés.
b) Ellcs fauori"sent l'esslr dæ.cottttttu,nes. Il faut aux seigneurs
Ireaucoup cl'argent pour subvenir aux dépenses occasionnies par res
croisades; un grand nonbre en mâuquellt. Pour s'en procurer, ils
concèdcnt, aux habitants de certaines localités, des clrartes pal.
iesquelles ils leur accordcnt, ou leur confirrneut, la jouissance de
privililgcs plus ou moins importants. Les serfs et les l-iour.geois
n'liésitent pas à sacrilier leurs fnibles économies, péniblerncnt
.anassées, pour acquérir quclques libertés. Par la mùme occasion,
unc partie des terrcs nobles passe I dcs boulgcois qui les achètent
aux seigncurs croisés ( ,l ).

( { ) Le plus souvent néanmoins, les barons engagent tout ou parlie tle leurs
.temes aux évÔques ou aux abbês, Ainsi font Godefroirl de Bouilloir, qui
ventl sa
Tnrrps rilsTorrrot.l.ls. _ pËnr0Ds l-ÉcD0_c0ï.\IUr-.{LU 257

c) Elles adoucissent indirectement lesort dæ serfs. Les privilèges


tccortlés aux villes par lcs seigneurs croisés cn vue de se procurer
clc I'argent 1 attirent, en gland lombre, les serfs e[ Ies artisans
lilires dcs campagnes. Pour enrpêcher la complète désertion de leurs
domaines, tous lcs seigneurs indistinctemeut se voicnt obligés
de traiter lcurs serfs ayec moins de rigueur et de lcur accorder aussi
des pri'ilèges, quelquefois des chartes (dites chartes rurares).
cl) Elles cueillent I'æprit nationnl. chez lcs diverses nations de
I'Europe, la féodalité avait exagéré Ia décentralisatiou.Les croisades
font scntir irux hubitants d'unc mùme corrtrée le besoin de se
grouper autour d'un drapeau et d'un chef communs alin d'aug-
ntenter leurs forces. Àinsi les croisades fortilient la royauté, tout au
moins sont firvorables à I'idée centralisatrice et gouvernementale.
e) Elles rupprochent læ peuples de l'Europe. Réunis et coufondus
perdirnt deux siècles dans un but comrlun, lcs peuples européens
iipprerment à se connaitr.e el, :\ s'apprécicr. Dcs préjugés séculaires
et de violentes autipathics de racc animaient les uns contre Ies
rutres des peuples voisins; ces préjugés et ces antipathies dispa-
raissent ou s'adoucisselt.

ttt, - Àu porNT DE vuu DD LA crvtt,tsATloN ux cÉnÉn.Lr,.

Les croisudæ font sortir I'Europe tle ra barbaræ. Elles meil,ent err
contacl deux rnondes jusque-li\ etrangcrs I'unà I'lutre. 0r,le mélange
tles peuples a souvent des effets avanr,ageux pour ra civilisirtion. Les
chemins de l'0rient deviennent famillers à un grand nombre dont,
luparavant, I'horizon se bornait aux limites de la seigneurie, sinon
mème du rillage oùr ils étaient, nés, et, ce fait si nouveau provoque
tlans les esprits un ébranlement des plus utiles au progrès.
 la suite des croisades, les pcuples de I'Europe occidentare
ircquièrent des connrissances importantes en philosophie et en
rnatlténtatiques (I ), en géographie, en médecine, en chirurgie et en

terre de Bouillon à l'évêque de Liége, el le comte Baudouin de Hainaut, qui cède


aumême princela ville de co-uvin-etses dépendances. À cet égard, ie clergé
surtout tire pro{it des eloisades. q Les bourgeois, dit Brandts (-ctaJses ,.uraies
p. s8)' avaient encore peu d'argent. L'Eglise- seule en avait. Les offres
de terres étaient si nombreuses quà leur prii s'avilit. Les trésors des églises
et des abbayes furent employés à-l'acquisilion de ces terres. Ainsi les richîsses
tlu clergé s'accrurent dans des propoftions extraordinaires. r
('l ) 0n a souvent attritrué aux Àrabes I'invention tres crriffres ditl arabes,
V. Mirguet.
-
Histoire desBelges. t7
258 rttslotnp DEs BELGnS ET DE LEUn cIvILISATIoN

pharmacologie , enliu, datts I'art dc la navigation et dus celui tlc ltt


guen'e. Lcs croisés i:lpplellnellt des Oricrttatrx à construit'c cles ports
et tles digues; des tOurs, des ctetteàlux, des rnichieoulis. L'rrt cle
crouser tles mines et celui de cortstruile clcs ntilcltittes tlc g'uelre,
leurontent') l'a mêrtte époque.
Âprès les croisades, la littératule firit des progr'ès retlrirrquablcs :
les troubadours, les tr'ouvèrcs el, Ies tuittuesâllgers ( t ), $httachent
r.r chanter, dans un langrge poétiquc, les exploits des eloisés. I')rtfin,
de leurs pêrégrilations à travcrs le moudc, les ltarorts rapportettt
des goûrts affinés. Aussi chelchent-ils par la suite à donner à letu's
demeures plus d'éleglnce et de confortalllc, u leur mobilict'tuoius dcr
glossièreté. La salle spéciale cle r'éceptiott qu'ils font aménager dans
leur chirteau. toute dc ntarbrc parfois, est sottvcttt pavéc de beaux
cirrrelages. Les ferrôtres tollnieuceut cltcz les plus richcs à se clorc
de verres, ordinttirement multicolores (9), formant dcs ilcssirts et
soutenus par des rrrittures de plonb.

rY. Àu PoINT DE vuE ûcotcoltteun


-
Glice aux croisacles, les peuples occidentrux cotturisseltt plus
d'un nouveau produit vôgétal utile : le café, Ie riz, I'irtdigct, lc str-
razin, le coton, lc poivre, le ntùricr, làr cùnne it sucte, I'abr'icotier'
ou prunier de Damas, ctc. Souvertt les croisés jettent au foud tlc
leur hirvle-sac quelques ltoignées dc graines iuconnues en Europc
et, les rapporient dans lculs paSs tl'originc oir ellcs ne tarclent pus
à -"e rcpandre.
En conséquence des gotits et des llesoirts nouvelletnent nés, dcs
connaissances récemment acquises et dc I'ouvelture tle ilouveaux
tlébouchés, I'industrie se dér'eloppe. Encorc à deni-batbares ir l'époque
iles prcnièr'es croisades, les 0cciclcntaux sc familiuriseut peu à peu

celle de h nurnérrtion actuelle, ainsi que celles de I'algèbre et tle Ia trigonomé-


trie. 0n sait aujourd'hui qu'ils ont beaucoup emprunté eux-mêures aux
Hindous, et I'on croit, tlcpuis que I'on connait nrieux le tsas-Empire, que
les Arabes se sont bornés à vulgaliser plusieurs scicnces donI on leur a long-
ternps attribué I'invention., nrais qui étaient connues des Grecs. 0n nc peut du
reste nier I'e.sprit scientifique et. chercheur des Arabes dont un provelbe dil :
( Dieu facilitc la voie du paradis à quiconque fait un yi'yâge pour' la science. r
( | ) )I in n es an g er, lilléralemen t, c ha n t eu r d' rnnou r .
(2) tes velrièpes restent rares toutefois jusqu'au XIYe siècle. ( Yoir époque
suivante. )
1'EIIpSrIISTOltI0uES. triloDo-cOxlILNitLE 959
-pÉnIODE
i.lyec les procédés industricls cles peuples rlc l'Or.ient, bicn plus avan-
cés en civilisat,ion. Un grand nombre d'industries, clont les plcmiers
ne soupçonnaient nème pas I'existence, conme Ia plupart dcs indus-
tries de luxe : celle de h soie et du velours; I'art de br.oder
d'or et cl'rrgent les étoffes de laine et cle soic; Iir fubricltion tles
rtousselincs (cle lllossoul), tlu linge clanrassé (de Damas), etc., nous
viennent, à cette époque, dc l'0rient.
Le commer"ce pr.end dc mr\me une grande importance.
Les rnrrrchands suivent les croisés; miiis tandis qu'un trop gmnrt
nottible de ceux-ci volcnt ct pillent eonunc de vulgaires mrlfaiteurs,
les marchands s'enrichissent par lir voie équitable et pacirïque cles
échanges. [,e marclrand est estimô et connu cn ]rieu tles lieux orr res
croisés n'ont prs pénétré 0u n'ont lirissé que de mauvais souvenirs.
Souyent mème, en ces pa1's Ioiltlins, le prcmier tler-ienI le
protecteur du secoud.
 raisou des souvcrains qu'elle fournit aux deux grands états
foudés en Orient par les croisés, la Belgique profite peut-êtrc plus
11u'aucurt autre pays de I'Dulope cles cffets lvlntagcux dcs crois:rrles.

***
Bataille de Bouvines (1214). Apr'ès Ia mor.[ tle Bautlouin
-
de Constantinople, llr couronue tle Flantlre passe à Jeanne, sa
fille aînée. Livrée :i Philippe-Auguste par son oncle et tuteur',
Philippe le Noble, marquis dc l{amur, Jelnne épouse Fer.rantl
tle Portugal que lui propose le loi de France. Celui-ci avait
espéré trouver en Ferrand uu vassal sounis. Mais vc,yan[ ses
sujets hostiles à I'influence fr.ançaisc, le nouveâu conrte tle
Flandre refuse I'hornmage au roi tle Flance et contracte allilnce
avecle duc de Brabaut, le roi tl'Angleterre et I'enperellf tl'Alle-
nagne. Malgré Ia supériorité tles for.ces des allics, qui avaient
réuni plus tle 150.000hornmes (l), Philippe-Augusre les vainc

(4) Dans la ligue étaicut entrés tous les grands barons féodaux tles lt:rys-Bas
qui redoutaient tle voir Philippe-Auguste tenter la reconstitution de I'empire
de Charlemagne. ltareil projet ne pouvlit sourire aux princes lotharingiens
qui vivaient à peu près indércndanl.s sous le sceptre dcs empereurs rllemands.
Qlant à Ferrand, il aspirait à jouir d'une semblablc indépendrnce et rnême
d'agrandir son comté aux dépens dc la Fr.ance
960 HISToInE DES IIELGES ET DE LEUR clvILIsATIoN

à la celèbre bataille de Bouvines, eu 1214. Cette victoire satlve


tle Ia rnine la monarchie française et marque le triomphe de h
royauté sur la grantle féodalité. Désormais, les rapports tle.
dépendance qui lient la Flantlre ir la Ït'attce seront des plus
étroits. Non seulement la prernière ressortit'a au parlement de
Paris sous le rappolt jutliciaire, mais sou seigneur tlevra
I'hommage lige au roi de France. Désot'rnais aussi, les corntes
tle Flandre lle serottt plus en état de lutter seuls contre les
rois de FranCe. Par Contre, les cpmmunes flanandes ne tartle-
ront pas à devenil pour ces tlerniers de recloutables adversâires,
en substituant, dans la politique extérieure, au potlvoir affaibli
du prince, leur puissance plus jeune, plus forte, plus vérita-
blement nrtionale.

Les comtesses Jeanne (1204'1244) et Marguerite (1244-1279). -


Ferrand, fait prisonnier it la bataille de Bouvirtcs et cortduit à Paris,
n'est relâché qu'cn t227.Il signrrle I'anttée qui suit, sa mise en
lillerté par une réorgrnisation des collèges échevinaux à Gaud,
Bruges, Ypres et Douai, alors les plus importantes yillcs cle la
Flantlre. À la suite du capitulaire de Kiersy, lcs fonctions d'écheviu,
d.'abord conférées it temps. puis à vic pirr lcs souverains, étricnt
devcnues héréditaires en Flartdrc claus quelques familles de grrnds
bourgeois, dits poorters ( {. ), chacunc d'elles fournissant un échevin.
Ce mode de recrutement des magistrats comlnunaux, assurément
défectueux, linit par engcndrer des abus de toutc cspèce; il donne
lieu, notamment, à une dilapidatiou scandaleuse des reYenus publics.
En vue de porter remède à cette situ:rtion, Iterrand établit un collùgc
ùe trente-neu,f echeuins, nommés à ric, mais autorisôs a désigner'
eux-mèmes les successeurs de leurs collègues défunts. Les XXXIX
complenrlent: {3 éclwuins, dits tlc ll lteure, L3 conseillers eI tl,}
aflgu,es ( ou oisifs ). Ces magistrats se remplacent successivement
diaprès un s.vste)me dc roulement qui, chaque annéc, substitue lcs
vilgues aux cottscillCrs, les conseillcrs aux échcvins et eeux-ci aux

(l\ Poortt, en Flandre, était synonyme de bou'geois et opposé àhontme de


mliiei', Les poorters formaient, en Flantlre, l'élément aristocratirlue .
TBtrps llrsToRrouEs. pÉtu0Dt] r.ÉOD0-c0MtruNALE 26L
-
l'aguos. Comme or le voi[, Ia réfonnc de Fcrrand n'à rien de rlémo-
cratiquc.
l\Iarguerite, sæLtr clc Jclnnc, qui lui succède en Flanilre et en
Ilairrriut (1244), rffr'anchit les selfs cle scs tlomaines môyehnant, unc
ledevrnce lixe e[ riunuelle cle trots tlentcrs pour les hommcs et
r.l'at ilenier poul'les femmes. En outre, au lieu dc la moitié des
meublcs, qui auparavut lui rcvenait ii la mort d'un serf, elle se
contentc de perccvoir lc neilleur catel.
Règnede Gui de Oampierre (1279.1305).- Du vivant dc }lrrgneritc
cn '1946, la Itlandre cst dc nouveau séparée du Ihinaut. Cctte prin-
ccssc avirit tlcsenflrtts cle cleux mariagcs successivement contractés
lrar elle, ct, pr'éfér'lnt lcs eufants du sccoud lit à ceux'du premier,
clle rurait voulu lcur lirissel Ia totirlité de son héritirge.
Sirint Louis, pris comme arbitrc, décida que les .d'Avesnes, nés
rlu premier éporrx clc }larguerite, ltériteririertt tlu Hriuriul et quc
lcs Dampierrc, issus de son second m'lriirge, conserveraient la
Itltindre.

Lutte des Gommunes flamandes contre la France au


XlV" siècle. Efforts des artisans pour arriverà la conquête de
leurs droits politiques.
- .i\u conlmeucement du xvt'siècle,
un grautl nombre tle communes belges sollt devertues liches et
populeuses, grâce âu tléveloppernen[ de leur intluslrie et de
leul cornmerce. Gând, Bruges, Tpres, Bruxelles, Louvain et
Liége cornptent plus de J0.000 habitants ({), la plupart
honrmes de métier. Néannroins, ces villes n'ont que des chartes
aristocratiques et le pouvoir y est exercé par les classes riches
à l'exclusiou des ârtistns. 0t', les grands abusent tle leur
situation privilégiée ponr éoraser les petits sous poids le
d'irnpôts arbitraires et excessifs. Les cltoses eD vieunent âu
point que des syrnptômes tl'uue r'ér'olution prochaine se tnani-
I'estent au seir tles classes populaires.
Les leliaarts et les clauwaarts. Malgré la réforme de
-
(| ) Certains histor.iens leur ont mème attribué une population beaucoup
plus considerable : cent cinquante et môme deux cent mille habitants. llais
ces chill'res sont cerlainemenl, exagérés.
269 rrrslornu r)ES IIELGES E.r DE LuuR trvrLrsAtroN

Ferrand, de gruves abus s'étaient reproduits à l'époque de Gui


tlc Dampielre, fils tle llarguerite, darrs I'athniuistration tle
l'échelinage gantois. Lc peuple, jusqu'alors tenu â l'écart tles
affaires, commence à élever tles revendications trop justifiées
par les malversations des grands, nobles ou riches br-rurgeois.
se seltaut souteuu par lcs gens des métiers, Gui astr.eint les
échevins à rentlre annuellement compte de leur gestion en
présence tlu peuple et d'un tlélégué du cornte. Ce n'est pas
que Gui éprouve pour les artislns une sincère svrnpathie, mais
il tlésire affaiblir à son pro{it l'autorité des grands.
Au conr.s tle la quer.elle, qui est longue, les dchevins en
appellent à diverses repriscs aux rois de France, dont les
tlécisions leur sont le plus souvent favorables, ce qui a pour
conséquence prévue d'annihiler I'aulorité de Gui. Il se forrne
ainsi deux partis en Flandr.e : le parti des grauds, hostile au
comte, et celui du peuple, clui soutient Gui.
Les grantls, qui s'appuient sur la France et, par là, semblent
préférel le drapeau français, serné de lis, au drapeau national,
reçoivent le nom de leliaarls (gens du lis). t.
peuple et cenx
qLri sorrtiennent sa cause adoptent le nonr de clutnuaarls ( gens
tles gliffes ) pm allusion aux griffes du lion représenté snr le
tlrapeau de la Flandre. si d'ailleurs, les claurvaalts défentlent
Ieur comte, ce n'est point par affection pour lui, tlont ils
pénètrent les vues intéressôes, rnais afiu de sauvegârder
I'indépendance nationale, mcnacée par. la France.
Gui de Dampierre, mécontcnt tle I'attitude plise p:u le roi de
Flance dans les démôlés survenus entre lui et une partie de ses
sujets, songe, pour raffermir son autorité affaiblie, à s'appuyer
sur I'Angleterre. lin projet rte rnuiage entrc une {ille tle Gui et
le {ils du roi d'Àngleterrc causc au roi de France un vif rnécon-
tentement. Une guerre ouverte ne tartle pas à éclater entre Gui
tle Darnpierre et son suzerain, pcndant laquelle le comte de
Flandre ue trouve d'appui que tlans le parti tlémocratique. Ce
TI']IPS IIISTORIOUIIS. PÉRIODT TÉODO'COMITUNÀLE 263
-
der.nier, tout en réclanant I'extension des libertés populaires,
rou)ait, conne il vient d'être dit, maintenir I'indépentlance du
pays vis-à-vis de la France. Le conttc de Flandre ayant été
battu, se rentl à Paris avec soll fils aîné et cinquante des priu-
à la clémence du
cipaux seigneurs flarrtantls pottr faire appel
loi: mais celui-ci les retient prisonniers et, à la tête d'une
nornbreuse atnée, elvahit la Flandre oit il est acclamé par les
Ieliaar'[s.
Sous prétexte de pnnir Gui tlu crimc tle felonie dont il
I'accuse, il cOnfisque h Flandle ('1301). Réunir ce fief
à leur cort'otlne était, un r'êve depuis longternps caressé par les
rois de F'r.ance : il se trouve ainsi rêalisé, mais tton poul'
longtemps
Breydel et de Coninck. M,l'rtrns IIRUGEoISEs. Lt
dornination tles Frirnçais paraît bientÔt plus insupportable au
peuple qr.re celle des leliaarts. Nort seulemeut ses uouveaux
lnaitles établissent de lourdes taxes sut' les dettrées, mais ils
vout jusqu'à retenir attx ouvriet's le quart tle leur salaire
jounulier. Poussés à bout, les Flarnands se dortnent deux
r:hefs, Pierle tle Coninck, tloyen destisserattds, et Jean Breydel,
tloyen des bouchers qui fonnent le projet de délivler leur pays
de la domination étrangère' Ln peu avattt la pointe du jour, le
,I8 mai ,l302, ces deux fuornmes, suivis de 7.000 colnpagnons,
pénètrent dans la ville de Bruges, où uu grand nombfe de
claurraarts, Secrètement avet'tis, les atteudertt en armes. Tout à
coup retentit ri travers la cité le cli ùe Flnndre uIL Liott ! et en
un instant les conjurés remplissent toutes les rues de Bruges.
Surpris rlans leur sgnlmeil, les Français cherchent en vain à se
lallier et à se tléfentlre : tous ceux qui lle peuYent prononcer
les mots sclùld, eil uriend, ({ ) sont mis à mor[. L'horrible

( { ) Yoir. Pierre de Qonincl; et Jcan Breyttet, pâr' }Isc A. J. Namèche. BibliO'


thèque nationale.
264 Hrsrornt DEs BELcES BT DE tEulr crvtlrsATroN

tuerie, comrnencée avant I'aurore, dure jusqu'au soir, et cotte


la vie à plus de 3.000 étrangers. L'histoire a douné :i cette
sanglante affaire le nom de Jlutines brugeoises.
C'est aiusi que Bruges retlevient libre et avec elle toute la
Flandle.
Bataille de Gourtrai (1302).
- Le peuple flamand croyair
pouvoir désormais vivre et tr.availlel. en paix. Mais il comptait
sans le ressentiment dn roi tle France. Apprenant ce qui s'était
passé, Philippe le Bel entre tlans une violente colère et jure de
tirer rlu peuple flamand une rengeauce éclatante. Il rassemble
une formidable armée,en grancle partie cornposée ùe clrcualicrs,
qu'il met sous les ordres de Robert d'Artois.
sans s'effra.ver de ces préparatifs menaçants, lcs Framancls se
réunissent aussi err grand nombre, résolus à sacrifier leurs biens et
Ieur vie pour le salut du pa1's. Il{ais leur armée, quoique forte
d'environ 90.000 hornmcs, n'étirit guère composée rlue d'ouvriers
peu habitués à porter les armes, simplerpent armés de lances ou clc
goedendags ('l ), dépourvus de boucliers ct de casques et combat[an[
à pied, cn costume de travail, Ia poitrine nue et les manches
retroussées. 0n pouvai[ craiudre que les innombrables chevaliers
enuemis n'en lissent aisément un affreux mrssacre.
cependani I'armée de Philippe lc Bel, forte de plus de 60.000 hornmes,
s'avançait, brLilant sur son passflge les chriteaux, les villages et, les
églises, outrageant et tuant les femmes, les enfan[s et les vieillards.
La ruine, la molt et la désoliition régnaient seures dans les lieux
qu'elle avait traversés. Bntn, les deux armées se trouvent en prti.
sence dans la granrle plaine de Græninglie, près de courtrai, et le
{t juillet !3a2, les apprôts de la bataille commencent de grancl
matin. Les Flarnands se disposent à la lutte en se confessant et en
communiant,. Tous ensuite s'étant agenouillés, portent à leur bouche
un peu rle cette tcrre de Flandre pour laquelle un grand nombre
tl'enfre eux vont mourir. Puis leur chef, Gui de Namur, prenant la
parole, leur dit d'une voix énergitiue : < Bonnes gens, voici bientôt
I'heure. Les rangs toujours serrés et I'æil devant soi, frappons de

( { ) c'eshà.dfte bonjou's. Espèces de massues hérissées de pointes de fer.


TETIPS HISTORIOUES. _ PÉRIODE I.'ÉODO-COIIIIUNALE 965
gr"ands coups ! Pirs de prisonniers, pas cle butin : c'est notre pays
qu'ilfaut reconquérir; ce sont nos fo1-ers, nos fcmmes, nos enfants
qu'il faut sauver. Il ne s'agit pas de souger ir autre chose. ces gens-
li\. mes lions amis, vont nous attaquercommc des loups : cléfendons-
rlous comme des loups. Âllons, couragc, r'ous tous ! Bt n'oublions
' pns le noble cri de nos aïcux : Fl&nclre au, lion! > Iit le cri cle
îkmdre au' liott,l sor[ comme un scul cri de ringt mille poitrines,
donnant courage et conliance rux plus timides.
- Toujours présomptueux, lcs I'rançais croyaient avoir facilement
raison dc geus si mal rrmés et si mll instruits dans les choses de la
guerre. Ils nc tardent pas à reconuaitre leur errcur. Leur pesante
cavalerie, s'avançant au galop et sans ordre pour écr.lser un adver-
saire en apparence si peu rcdoutable, s'embourbe dans les marais
dont, le champ de ltataille est, couvert à plusieurs endroits. Aussitôt
Ies hommes des rnétiers se jet,tent avcc furie sur les chcvaliers fran-
q:ais, brisant lcs plus foltes armurcs t\ grands coups de goedendrg
et, faisant de leurs ennemis un effro,vrble carnage. Alors, le désordre
et la terreur se répandent, dans I'armée française. Ccssant bieutôt rle
disputer la victoilc aux F'lamurds, elle ne songe plus qu'à écliapper
par ulle prompte fuite à leur vcngeaucc. Blle laissa sur le champ de
bataille environ 97.000 morts sur lesquels on r.ecueillit plus de sept
' eents éperons dorés ({. ; qu'on suspendit aux votites de l'église àe'
Notre-Dame à Courtrai. De là vient qu'on donne souvent à la bataille
de Courtrai Ie norn de bataille des Eperorzs d'or.

Tels furent les grands événements gui rendirent I'indépeu-


dance à la Flandre et assurèrent à se.s ariisans de nombreux
privilèges.
Réformes démocratiques en Flandre.
- Se voyant enliu les
maîl,res à leur tour, les claurvaarts s'empressent tle renverser
les adntinistrations communales anciennes otr ne siégeaient que
des leliaarts. Toutes les communes reçoivent une organisation
tlémocratique. Bluges, notamment, se donne une keure qui,
ratifiée en 1304 par Gui de Dampierre, porte par la suite le
norn de Grande clmrte. En voici les principâux articles :

({ ) Signes de chevalerie. Les chevaliers seuls pouvaient porter dcs éperons


dorés.
966 rrrs'l'olRr DEs BELGES ET DE Ltsult clYILIsÀTtoN

{n Quiconque habite la Franchise ( I ) depuis url an et un


jour, est bourgeois tle Bruges. 2o La représentation communale
est fonnée de L3 échevins(2)et tle 13 conseillers, tlont neuf
sont choisis par les artisans et quatre par les bourgeois ott
poorters. 3o Le cotnte et les forrct,ionnaires prêtent set'tneut à la
charte.
A Gantl, il est tlécidé que tlésormais des treize échevins tle Ia
ville, crnq seront nommés par les tisserands, qu,atre par les
foulons et quatre par les autres métiers, au uombre tle til. Les
tisselands, les foulous et les pe[its rnétiers constituent par la
suite les lrois mernbres de la ville.
Pentlant quelque temps, les poorters dispalaissent à Gand
comrne corps politique. Pour pouvoir arliver aux fonctiotls
cornmunales,ils sont obligés de s'affilier aun ntétiers.
Grandretentissement de la bataille de Courtrai. I.,'impres-
-
sion causée par la grande victoire des artisans sul' la chevalerie
est immeuse et le bénéfice s'ett étentl à la classe ouvrière de
toute I'Europe. Plusieurs grantles villes frauçaises, parmi
lesquelles Toulouse et Bortlelux, chassent les officiels tle
Philippe le Bel. De mêure en Italie et en Suisse, les communes
s'agitent et prenttettt des mestlres pour augmenter lettrs
libertés ou ell âssurer le maintien.
En Belgique, le triomphe tles métiers flamantls produit un
cnthousiasme indescriptible. Partout, à Liége, eu Brabant, en
Hainaut, Ie peuple réclame des droits politiques, que, dans
leul frayeur, les princes et les classes privilégiées s'empressent
tl'accorder (3 ).

(t) 0n donnait le nom de Franc de Bruges I,L9 certaine étendue de


ter.iitoiresituéautourdetsruges. LeFranc,uni àleville,rendaitllrtrgestrès
puissante. La Franchise comprenait tsruges et le territoire du Frlnc.
' (9) Il n'y eut jarnais de bourgmestre à Gand. Le premier échevin en avait
les attributions.
( 3) C'est. peu après ({312) que Jean II accorde aux Brabançons la charte tle
Ooitenberg fque les Liégeois arrachent à leur prince la paix d'Angleur ({313)
et celle de Fexhe ('l 3l C).
'l'!lnPs HISTOnlotES. PIïnIODE rÉODO-COilIIUNALE 967
-
tt
féodalité pâlit rlevant I'astre grandis-
Désorrna.is, l'étoile tle
sant des conlnulles. Chaque jour, la démocratie s'aftirme pâr
des r.eventlications plns énergiclttes et plus étentlues. Elle
demande que le mot cnnttnrcne, ce cri de ralliement antique et
glorieux, devienue enfin une r'éalité. Elle réclame pour tors
l'égalité des droits aussi bien que l'égalité des charges : des
charges égales impliquant, à son avis, tles droits égaux.

- Entrc-temps, la
Traité de Paris (.1390). guepe continue avec la
France e[ les l,'lamands essuicrtt à leur tour dc grâ\,es échecs. Tou'
tcfois, lcur énergie nc fiiblit pas ct arraclie à leurs adversaires eux-
rurùmcs des paroles d'admiration. Les voyant arriver plus nomlreux
ei plus cléciclôs que jlmais tu secoul's de leurs compatriotes, assie-
giés cfuns Lille ('t), Philippe le Ilel s'écrie : a Hst'ce douc qu'il e1
plcr"rt, des Flarnands? >
, Le tlaité de Palis conclu en 1320, sous le règne de Robert de
llcthune(1305-1392), successeur dc Gui cle Dampierfe,laisse aux rois
de Fraltce les villes de Lille, Douiri ct Orchies, mais g:rrautit aux
Itlamands leur indépendance et leurs privilèges.
Les comtes de Flandre abandonnent la cause populaire. -
Jnsqu'alors, les contes de Flantlre étaient demeurés étroitement
unis de cæur et d'ârne avec leur peuple, dans la résistance à la
ùomination étrangère. lllais une fois I'iutlépendance de la Flan-
tlrc hors tle pér'il, en présence du développement chaque jour
plns cousitlérable des libertés communales et tles restrictions
de plus en plus importtntes apportées à lenr pouvoir par les
magistlatures démocratiques, les princes flarnands cherchent etr.
Frauce uu appui contre les exigertces populaires- Leurs
tentatives pour iutroduire eu Flanch'e le régime tle I'arbitraire
et leurs dépenses excessives indisposerlt contre ettx les popula-
tions. tsientôt lenr autorité et leur prestige ont à subir des
épreuves pénibles. Leur courolllle même Iinit par être en danger.

({) D'après Louis de Yeltltem, ils étaient'190,000. Ni dans -lee villes' ni


rlans tes câmpagnes, aucun homme valide n'était resté. Les femmes seules
gardaient les villes.
.968 Hrsrotnn DES TIBLGES ET DE Luun crvrlrsÂTroN

Nicolas Zannekin. lourdes taxes établies par Louis dc


De
-
I{evels ({329-1346), dit plus tar,tl Louis tle Crécy, prince
failile, dépensier et plus t'rançais que flamand; I'arbitmire et
I'injnstice aurquels sont soumis les gens des calnpasues,
dont la misère et le dénriment contrastent avec I'opulence des
classes supérieures et de la bourgeoisic, pr.ovoquent, vers 1390,
une insurrection du plat pays ('l ),
Ce mouvernent politique ne tartle 'pas à revêtir tous les
caractères d'une révolution sociale et communiste. Pleins de
fureur et de tlésespoir à la pensée de leurs souffr.ances, les
paysâns se jettent sur les châteaux, les pillelt, les abattent, les
livrent aux flammes. rr Il n'est pas bon, disent-ils, que les
uobles cousel'vent au rnilieu des villages des demeures fortitées
rlui leur permettront plus tard de tirer vengeauce tlu peuple l.
Leur lraine s'étentl aux bourgeois et aux ecclésiastiques comme
ïlu souvcrain et à la noblesse. A un liche bourgeois, ils crient :
rt Toi, tu es plus polté pour les seigneur.s que pour. les petites
geus : tu vas mourir. l Les menaces qu'ils profèrent à I'adresse
des prêtres levètent une forme plus violente encore. r Je
voudrais, s'exclarne un tle leurs chefs, qu'il n'y ett plus au
monde qu'uu seul prêtre et qu'il fût strspentlu en I'air, au bout
d'uue corde. rr Tous ces propos haineux caractérisent I'esprit
du rnouvement, vér.itable jaquer.ie. Commandés par Nicolas
Zannekin, de Fumes, les méconteuts se trouvent bientôt en
possession de toute la Flandre occidentale oir ils déchaîneut
I'anarchie.
Impuissant à réprimer leurs désordres, le comte Louis est
obligé rle solliciter contre eux le secours tlu roi de France qui,
ri la tête d'une nombreuse armée, envahit la Flandre. Les
iusurgés lui offrent la bataille non loin de Cassel ({BgS).

({) te plal pays, Ia cantpagnc, par opposition aur lieu,r furtifilr.r..


TEIIpS rrrsl'0nIQUES. I'i;fttoDE Fit0DO-COrIlItiNÀLE 969
-
Malgré des protliges de valeur, ils subisseltt une défaite
complète : Zannekin ct {2.000 de ses compagnons pét'issent
sous les eoups tles l'rauçais. Pendant quelques attnées, la
tranquillité règne tle nouveau eu Flantlre .
Jacques Van Artevelde.
- \'crs I'an '1337, Ddoulrd III, roi d'Ângle'
tcrre, préteudit, avoir des rlroits au trône de Irance, occupé par
Philippe de Valois, et chacuu tlcs deux rivaux, en prévisiott d'une
guel're prochaine, reclterclta I'alliance du pcuplc des Flirndres, alors
I'un des plus richcs et des plus puissants du tnottde. I'ort ernbar-
lassés prr les sollicitrtions tlont ils étaient I'objet, Ies Flirmands rtc'
savaient '.\ quellc décision s'alrêtcr. S'ils n'aitnaient pas à faire l:l
guel're à Phitippe de Valois, Ieur suzerain, ils étaient moins portésr
cncore ir s'armcr contre I'Angletcrre d'oit ils tiraient la plus grandc'.
partie des laines nécessaires à la fabrication du drap, leur priucipalc
industrie. Pour les fo.rcer a plcndre sort prrti, Edouard III interdit
I'expoltation des laines anglaises pour la Flandre. Aussitôt I'ouvrage
manque i\ h plupart des tisserands {lamands et presque tous se
trouvent sans pain ni lessourccs d'aucune sorte. Une misère affreusc,
ne tarde pas à régner dans le pa1's.
 cettc époque, vivait à Gand un homme riche et, dc noble nais-
sance, connu pour sa prudencc et sa sagesse. ll s'appelait Jacqucs.
Van ,\rtevelde. Le peuple I'avait suntomné le sage ltom,nte. Quoique.
appartenant à la poorterij, il s'était fait inscrire au métier des'
brasseurs (l)etil enavait été élu doycn. Les Gantois étant allés lui'
demander conscil, son avis fut qu'ils devaien[ rcster ncutres et ne.
prendre parti ni pour la lrrance ni pour I'Anglcterre. Ce conseil plut.
uu peuple qui nomma Van Àrtevclde ehef des forces communales.
La résolution des Flamands irrita le roi de Franoe. Par son ordre,
l'interdit est jeté sur la t'li'rndre. Aussitôt, I'exercice du culte et
I'administra{,ion des sacrements sont suspendus dans toute l'étendue"
du comté. Seuls, lc brptôme et la pénitence continuent à être admi-
nistrés aux nouveaux nés et aux malades en danger tle mort. Les'
cloches cessent d'annonccr les ofïices, qui ne sont pltrs célébrés que
par lcs moines, I voix basse et, portes fermées. Les I'lamands sont
constelnés, mais ilsnc cèdenl pas. D'ailleurs, Jacqucs Yan Artcvelde

({) Des hisloriens rlisent à celui tles tisserrnds.


970 Hrsr'ornr DES BILGES ET Dtr LEtm crvrlrsÀTroN

nc talde pas à obtenir des lrclligéranls la rccorrnaissrnce dc ll


ncutlalité de la I,'landre et lcs arrivagcs cle laincs iurglirises l.ccom-
mencent irnnrédiatement. Bicntôt I'indus[r'ie leprcnd r,igucur dans
lc pays.

Traité d'alliance et de commerce de 1339. En vue de


- les mesures
favoriser leur cornrnerce et tle se défendre contre
arbitraires de leurs princes, les cornmunes tle Ia Flantlre
concluent avec celles du Brabant un tr.aité qui stipule :
a) Une alliance offensive et défensive entre les deux pays;
ù) I'interdiction à leurs princes tle se faile la guel'r.e sans
I'assentiment des bonnes villes ; c) la liber.té du commerce
errtre les deux états ; d) Ia création d'une monnaie commuue;
c.) I'institution d'une sorte tle parlernent composé de délégués
tles deux pays et légiférant en leur nom ; f ) celle d'un tr.ibunal
chargé de r'églel tous les différends.
Le Hainaut, la Hollande, la Zélande et même I'Angleter.re
adhèrent peu après à cette couvention.
' Traité de Gand (1340). Cependant les Français nc
respectent pas, comne ils s'y étaient errgagés, Ia neutr.alité tles
Flanrands. Tous les jours, les garuisons tle leurs places fron-
tières font des irruptions en Flandre, ravageant les campagnes,
pillant ou rânçonuânt les petites villes, les bourgs et les
villages. ces attaques déloyales décitlent van Àr'teveltle à
prendre ouverternent le parti de I'Angleterle.
Pour vaincr'e les scrupules des Flarnantls, soucieux de ne pas
tlahir la fitlélité qu'ils doivent au roi de Fr.ance, leur suzerain,
lc tribun engage Etlouartl III à prentlre Ie titre qu'il reven-
le roi d'Angleterre. une alliance offensive et
tlique. Ainsi fait
tlefensive est ensuite conclue entre la Flanth.e
et I'Angleterre.
En échange de leul concolrrs, Edouald III promet tre rendr.c
lrnx Fiamauds Lille, Donai et orchies, cétlées ti la Frauce en
'1390, par le traité de Paris. Il leur rait de plus toute espèce
d'avantages comnerciaux, établissant à Br.uges r'étape des
'l'lilllls lllsÎOlllouBs. l'ÉnI0DB ltlî0D0'c0lllltjli,\LE 27ri,
-
Iaines anglaises et autorisattt la libre circulation tles draps
flamands dans toute I'Angleterue. Bufin, il atlhère tu traité
de {339 et accepte la cgmlnullauté tles mouttaies avec la
Flandre, le Brabant et le Hainaut.
Quant à Louis tle Nevers, il avait abautloulé le pays pottt'
aller vivre à la colr du roi de Fmttce. Peudant son absence'
Van Arteveltle prentl le titre de ?"ttu'uttrt, c'est-à-dire tle
gardien ou régent du pays.
Bataille de I'Ecluse et siège de Tournai (1340). - Les
effets de I'alliauce artglo-flarnande ne tardent pas à se firire
sentir. La flotte des alliés détruit celle des Français à la
bataille tle I'Ecluse (1340). IJne artnée composée de soltlats
flamauds, brabançous el, alglais ya ensuite mettre le siège
devant Tournai où Philippe de Valois it cottcentré des folces
consitlérables. Mais, iuquiet tle la tout'uurc prise par les
affaires, le roi tle France propose uue trêve qui est consentic à
des conditions honorables pour les collllnulles flrmandes.
Réformes de Van Artevelde. Voulant donner à la Flanth'e
-
la cohésion nécessaire pour lui perrnettre d'affirmel Son indé-
pendancè vis-à-vis tle l'étrangel', Yln Àrteveltle reltoue et rend
plus for.te Ia fétlératiorr. des trois ancieus tlistricts de la
Flandre, à Ia têle tlesquels il place les grantles communes de
Bruges, Gand, Ypres, chacune exerçant I'autorité rnilitaire et
judiciaire tlans le tlisfict dont elle est le chef-lieu (1 ).
Tandis cJu'il se réserve le gouleruetnent tle la commnlre et
du tlistrict de Gand, il prépose de ses partisans à I'atlministra-
tion tle Bruges et tl'Ypres. Sous son inspirat,ion, il est corventt
aussi que cllacllne tles trois chefs-villes désignera trois délégués
dont Ia réuniou pefmallente fot'tuera ulle assembléer chargée dc

(,1,) Bruges exerçait son autorité sur le Fr.anc tle Br.uges; Gantl, sur les
euàtie-Ilét"iers, les Pays de \\aes et, d'Alosl, Ternonde, Âutlenaerde et Cour.
trai; Tpres, sut la Flattdre méritlionale jusqu'à la Lys.
212 rrrsrornF: DES TIELGES ET DE Lriun cIvTLISATIoN

surveiller la marche tles affaires dans le pays. cetts âssem-


blée (l) fut désignée clepuis sous le norn des Trois Mentbres de
Ivlmdre (1343).
Ainsi le systèrne tl'organisation politique établi par van
Artevelde scmble avoir été une fédération des commmes tle la
I'landre, la direction des petites âppâl'tenant aux grandes.
Quant anx réformes qu'il introduit dans I'administration inté-
lieure des communes, on peut supposer qu'il s'attache à
combiner les droits des tliverses classes sociales tle façon que
leurs intérêts soient équitablernent représentés dans l'échevinage
et les conseils des cornmunes.
c'est du moins ce qu'il est, permis d'inférer de la charte accordée
crr {3i9 aux Yprois, qui réclarnaient lcs institutions comme au tent.ps rle
van Arteuelde, F'rt vertu de cette charte, Ia rcpréscntation commu-
nale d'Ypres se composait : ln Du magistrat, corlprcnanl uingt-sept
:
nremfrres, savoir treite éclrcvins, trei;e conseillers e0 I'avoué
(r'eprésentant du eomte), président. 2o De uingt-sept bourgeois,
choisis parmi les propriétaires et les notables. Ils avaient seulement
voix consultative. 3o Dc trente délégués des marchands et dcs
méticrs, répartis en quatre collèges.
L'ensemble de ces divers mandataires constituait le grand conseil
de la commulle ou la Grsnde elnnnunûu,/i d'Yprcs.

Jacques Van Arteveltle remanie aussi les institutions de Ia


ville tle Gand. Il fait de nouveau uu mernbre des grands
bourgeois ou poorters; les tisserands forment le secontl
membre et le reste tles métiers le troisième. Il rétablit ainsi la
poorterij comme corps politique, ce qui n'existait plus aupara- .

vant puisque lui-mêrne, étant noble, avait drl, pour pouvoir


exercer ses tlroits tle citoyen, s'aftilier à un métier.
0n croit encore que Yan Artevelde iristitua ou réorganisa à
Gantl la col,lnce, collège fonné des échevins sortis de char.ge et
de 49 bourgeois choisis pal les échevins et le bailli. La mission

('t) Germe peut-ùtre des ëteûs de Flcrndre.


TEIIPS HIS'TORIQUES. _ PIIRIODE }'IIODO.COUiUUNALIT 973
de la collace étail d'éc]ailer de ses avis res magistr.lts err
charge ( I ).
Rivalités industrielles en Flandre. h Flanclre n'avtrit atteint
- Jarnaisauquel
le degré de splendeur et de prospérité cile arr.ive sous re
gouvernement ferme e[ cependant libre de van Artcvelde. cettc
extraordinairc prospérité du prrys lui devient fatale. Les lrlamantls,
si puissants par I'union aux jours de darrger, se divisent rorsque
ceux-ci sont, passés. Une ardente rivalité industriellc et commerciirle
existe entre les grandes comnlunes et oceasionne entr.e elles tlc
fréquents conflits. La jalousie qu'elles nourrissent les unes pour
Ies autrcs s'étcnd aux petites dont elles voudraient restreindre
I'activité à I'industr"ie :rgricole, pour se réserver toute industric
dépassrnt les limites des besoins donesl,iques. ces plotentions
provoqûent la révolte des cirnpâgnes e[ des commlllles clc secorttl
' ordre. necloo et Tennoucle s'irtsurgent contre I'irutorifé de ll ville de
Gand. De mème, les hirllitants de Poperinghe refusent dc sc
soumettre auxinjonctions des Yprois, qui prétendent,leur interdire hr
frbrication des clraps. h'r'ités de leur résistauce, les métiers cl'yprcs
courent, erl armes, srccagel' Poperinghe. Les corpoftrtions cllcs-
rnômes s'élèr'ent, les unes contre les autres. Â Gand, on voil lcs
tisserands (2) et les foulons en veuir aux rnains sur lir plirce du
Ycndredi, parce que ceux-ci ont vainement, réclarné des premiers unc
augmentation de salirirc pour chaque pièce de drap qu'ils tenninent.
Pendant une journée cuùière, les hommes des cleux métier.s'se
battent avec un incrol'able acharnement ct ne se sépar.cnt qu'cn
laissant 1500morts sur Ic charnp dc bataille ({34s). Tr.iste journéc,
corulue dans I'histoire sous le nom de trfuu,uaLs Ltmdi (Kn'adcn
Itlaandlg).
Mort de lacques Van Artevelde. Van Àrteveltle sévit, avec
-
une irnpitoyable rigueur contre les factieux quels qu'ils soient.
C'est ainsi qu'à Becloo, il poignartle lui-même, sur. la polte dc
sâ pl'opre maison, I'un des principaux bourgeois de la ville qui

( {)VllonnxrNûERE, le Siècle d,es Arteuelde, p. 755.


(9) une violente rivalité avait de tout, temps èxisté entre ces colporations au
,sujet de la proportion de salaire qui revenait aux artisans de chacune. Les
tisserands formaientà Gand I'aristocratie ouvrière; les foulons élaient rangés
dans le bas peuple.
Y. Mirguet. - Histoire des Belges.
Dntrcrue de Ji'cque-s van Altercltle et d,f.doulrtt ltI.
TE}II}S HISTORIOUES. PÉRIODE }'ÉODO.COIU^\IUNTILE 275
-
fornentait I'insubordination. Cependant, rnalgré l'énelgie c1u'il
déploie, sa situation devient chaque jour plus difficile. Sentant
la nécessité de rendre à la Flandre un chef de haute naissance,
il entre en négociation avec .Etlouartl II[, à qui il propose tle
placer le prince tle Galles sur le trône de Flandre. Infornté
et effr'ayé de ce projet, le palti français s'atlache li exciter contre
le trilrun les tléfiances populaires. Les calomuies les plus
otlieuses sont répandues cotttre lui. 0n va jusqu'ii I'accuser tle
s'ôtre approprié le trésor de la Flandre. BientÔt sa popularité
s'affaiblit et I'attitutle tlu peuple à son égtrtl tlevient tlrettaçante.
Un soir, ulc troupe de tissemnds, cotttluite pat' Gérard Denis,
I'ertuemi le plus rcliarue de Jacques, r,iotlt assaillir sa dencure. Hu
vrin celui-ci aclresse 'a lii foule tut tliscours ltabilc ct tOuchattt pour
lui rlppeler ses serriccs ct lui motttrer les suitcs funcstcs que -qà
mort entrairteriiit pour Ie pl.vs. Àu ttromcltt oir Jacques, poitr
échapper à ses enttctnis, quittC sa mttison pâr ullc poltc tle tlcrriùre,
(lérard Dertis s'élituce strl lui et lui fcntl li-r [etc rl'ul cotrp tle
haclto ( I ).
Le rurvaart, ntot'tCllenient blessé, s'tltat sur Ie seuil dc st nraisou.
Quelques prroles inintelligiblcs : ,. Peuple !... Gnrul... I"landt'e !.,. >,
s'échappent avec peinc cle scs lèt,res ct prouverlt clue sa dernièr'e
pensée est encore pour scs ingrats cottcitoyerts I I'ittslant tl'après,
r:clui qtri lit la Itl:ruclrc si prosptire ct si gnndc, tt'cst plus qu'utt
caclavre inelte (1345).
L'innocence tle Jacqnes Van Artevelde est aujourtl'htti bien
prouvée. Les Gautois eux-nrêmes ne tartlèrent pas à le recon-
naître. Ils tlécidèren[ qu'une larupe expiatoirc serli[ eutreteutte
aux flais de Ia ville cu I'église Notre-Dame dc la Biloke. Elle y
brrilait encore trente rns plus tartl.
Louis de l{evers périt I'auuôe suivante :i la bataille de Crécy,
livrée par les I'rançais aux Anglais et peldtle pflr les pt'emict's.
L'histoire lui a donué depuis le notn de l,ouis dc Crécv.

( { ) 0n a contesté cette intervention, si pr'éponrlérante au dire tlc Froissart'


rle Gér'ard Denis dans l'assassinat de Jtcques Yan Artevekle.
276 Hrsrornn DES BELcES Et'DE LEUR cruLISATroN

Louis de Maele (1346-1385). Avènement de là maison de


Bourgogne en Belgique. Louis de Maele avait épousé une
-
fille de Jean III, duc de Brabant, Comme 'Wenceslasl succes.
seur de Jean III, retuse de lui payer la pension assignée en dot
à sa femne par le défunt duc, Louis s'emplre des villes
d'Ànvers et de Malines qu'il réunit à son cornté de Flandr.e,
(t357, rrairé tl'Ath).
Quelques années plus tard, il obtient tle la France la reslitu-
tion des villes de Lille, Douai et 0rchies ( autrefois enlevées à la
Flandre par le roi Philippe le Bel ), sous la condition que
Mar$uerite, sa fTlle unique et sa seule héritière, épousera
Philippe le Hardi, fr'ère tlu roi et duc de Bourgogne(1369).
Au moment de sa conclusion, ce mariage put êtr.e considéré
de part et tl'autre comme avautageux. II eut cepentlant les
conséquences les plus nuisibles pour la Flance et pour nous.
En effet, les Belges tornbèrent bientôt, pat' suite tle cette
alliance, sous Ia tlomination. de princes qui se montrèrent
toujours les implacables enuemis de leurs libeltés et dont les
agissements devaient enrayer l'évolution naturelle de leur
nationalité. De son côté, la France eut, plus tartl, beaucoup de
peiue à contenir I'ambition tl'un vassal dont elle avait impru-
demment augmenté la puissance.

L'audience le Comte. En 1370, Louis de nlaele irtsl,itue, sous le


-
rlom d'Audience Ic Comte, un tribunal chargé d'instruire les plaintes
qui se produisent contre ses ofticiers et de réformer en appel lcs
sentences des tribunrux dcs échevins. Les grandes commulles
repoussent cette juridiction supérieule ; les petites la rcconnaissent.
lille est le germe du conseil de jwtice de la Flandre.
Philippe Van Artevelde. Bataille de Boosebeke (1382).
-
-- Les Flamands n'auraient pas eu trop à se plaindre de Louis
de Maele, si ses dépeuses exccssives et inconsidérées ue I'avaieit
constamment amené à leur réclamer d'énormes subsides.
D'ailleurs, les communes auraient pu facilement se soustraire à
TEMPS HrS1'0RIQUES. * pÉRroDE l'ÉoDo-coylruNAlE 277
la nécessité tle payer ceux-ci, si elles s'étaient ententlues pour
résister aux tlemandes du prince. Leurs rivalités et leur
égoïsrne ordinaires ne permirent pas cette entente. Alors que Ia
ville de Gantl repoussrit énergiquement une nouvelle allocatiou
sollicitée par le comte, les Brugeois lui consentirent une aide
importante, sous la coutlition qu'il leur permettrait tle creuser
un canal de dérivation pour conduile de Deynze à Bruges une
paltie tles eaux tle la Lys. La construction tle ce canal pouvait
nuire au comrnerce tle Gand. aussitôt.il se forme en cette ville
un parti nornbreux, rlit des Chaperons ltlancs, qui va brrïler les
châteaux du comte et les tlemeures tle ses parlisans. Soutenu
par les Brugeois, L,onis de Maele marche contre la ville de Gand
et la tient bloquée, en sorte que les vivres venaut à nanquer,
ses habitants sont liientôt rétluits à Ia tlernièr'e extrémité.
Dans cette penilile situation, les Gantois choisisseut pour
chef Philippe Yan Artevelde, fils de Jacques. Philippe prend de
si heureuses mesures, il agit avec tant de promptitutle et
tl'énergie, que le comte se voit fbrcé de chercher un refuge en
F'rance, oir il sollicite contre ses suiets le secours du loi
Chu'les VI. Toute Ia Flantlre alors, y compris les villes
tle Bruges et d'Ypres, s'unil aux Gantois. sentant cette fois la
solidarité qui les lie, toutes les grandes communes berges
térnoigneut aux Gantois les plus vives sympathies. Les Liégeois
leur envoient mêrne de nornbreux chariots de vivres.
Cependant une armée française ne tar.de pas à pénétrer en
Flantlre. A la tête de 40.000 hommes, Philippe van Artevelde
rnarche à sa rencontre. La défectiou de Ia ville d'ypres, qui se
lentl saus résistance, intligne Van Àrtevelde sans le décourager.
Il présente la bataille aux Français à Roosebeke, en 1382.
Toutefois, malgré leur courage et leur intrépidité, les Flamands
éprouvent urle sanglante défaite. Philippe Yan Artevelde et
?0.000 de ses compagnons trouvent la mort dans la mêlée.
Toute la Flandre se soumet, à I'exception des Gantois qui,
278 nrsrotnE DES BELcES u'l'DE LEUR clvILISÀTtoN

suivant leur habitutle, se moutrettt intraitables. ÀprC, la


retraite tles Français, Frans Ackerntartru, qu'ils out pris pour
chef, va faire le siège tle la ville d'Ypres, poul' la punir tle sa
trahison. ll ne peut t1u'en incendiet les faubourgs ( 1383),
exclusivernent habités par la population ouvriÔre. 0r, Philippe
le Haldi, désireux de voir cette population se dissérniner dans les
villages voisins, ayant interdit de les rebâtir, les artisans
émigrent à l'étranger. Ypi'es Ire se relèvera jarnais de ce coup.
En 1384, Louis tle Maele étaut tnort, Philippe le Hartli,
son successeul', fait aux Gantois des concessions importantes et
la paix se rétablit en Flandre.

SECTION II

Duché de Bnabant. Géognaphie histonique.


-
Dornes : eu nord, la trIeuse 1à I'ouestr la Flattdre; au srtd, le llaiuaut et le
Namruoisl àl'est,la principauté de Liége, le Limbourg etla Gueldre.
Le marquisa[ d'Anvers étaiFune dépendance dirccte des t]ucs de Lothier". A
ce titre, ilappartint, après'1106, à la maison rle Louvain.
Le duché de Blabant se composait, dc quatre parties : 7.o Le qu.artier tle
Louuain. Yilles et localités principales: Louvaitt, Tirlemont, Diest, Aerschot,
Siclrem, Léau et Landett. 2o Le quartier de Brurelles. lillcs et localilés
principales : Bruxelles et Vilvorde (pays flamand), Nivellcs, Jorloigne, \Yavre,
Genappe, Perrvez et llannut (pays rvallon). 3o Lc qtu'ticr cI'Ânuers. Villes et
localités principales : Auvers, Turttltout, Lict're, Hérenthals, Gheel, Hoog-
straeten, Bréda, Berg-op'zoom. 4o I'e qunrtier cle Bois-Ie'Dtrc. Yilles et
localités principales : Bois-le-Duc, Ravettstein, Cuyck, Tilbourg, Helmont,
Eindhoven.
Malines appartint tantôt à la principauté de Liége, tantôt au Brabant.
Bn dernier lieu, elle passa à la Flanrlre.

Les trois Hsnri.


- Plusieuls gucl'res qu'il soutient contre scs
voisins valent a Henri 1e' ({{90-{935) le surnom de Guerroyeur.
Itais il a de meilleurs titres à la célébrité. Bspérant augmenter la
trop fiilile populrrtion-de c:ertaines parties tle son duché, il en
émancipe les serfs et remplace par des taxes lixes les redevances
1E}II)S IIISTONIOUES. PIiNIODE I'ÉODO-COU}IIjNÀLE 279
-
serviles (l) auxcluclles ils étaient auparavaut assujcttis. Telle fut
I'origine tl'I[éreutlttls, de Turnhout et d'Hoogstraeten.
Il exernpte aussi les Bruxellois de lt confiscation dcs bieus (2 )
ct, en 1933, garantit la sùreté individuellc à tous les habitants
de la principauté. 0n lrri doit encore I'institutiort, du reste uon
prévue par lui, rles lignngcs. tin 4235, I'année de sa mort, il clécide
quc désofmais les échevins sortattts des magistratttres communales
serOnt autorisés à choisir leurs successeurs. Le pltrs souvelt, ces
ôchevins désignent, pour les rentplaccr, des mcntbt'cs cle leurs
firmillcs. Ainsi nait I'oligirrcltie des lignagæ. Il y cut sept lignages à
Bruxellcs, sept à Louvitin, autant à Anvers et daus les plus irnpor-
tautes comlnunes.
Henri II(1235-1948) tléfcitd aux baillis de lcnch'e la justice cn
I'absence cles échevins et, au droit de rnortemairt, substitrre celui de
moilleur catel. A partir: clc cc trtomellt, los serfs Jll'abaliçolls pettveut
disposer de lcurs biens.
Dans la mème voic tlc progrès, Henri III
(l'2/8-1961) r'r plrrs loin
encol'e. Par son tcstrtmettt, il supprime etttièrenlent le scl'vilge el,
excll)pte tout habitalt de lit terre brallançonne des tailles ou chargcs
extraordiuaires. Psrsouue tl'Cst plus rstreint désorrntlis tltt'ru paie-
lnent dcs trois aicles légztlcs, de clrevalerie, tttariage et rançloll.
Cltacurt, ett outt'e, tloit ôtlc jugé pirr droit ct scutence. (F,ttorn.)

Réunion du Limbourg au Brabant. - Jean I-' ({96{-L294),


successeLrr de Henri III, est surnommé le trrtctorieun âprès la
victoire qu'il rernporte à Woelingen ({288) sur diYers princes
auxquels il dispute la possession du duché de Lirnbourg.
Depuis lors, cette principauté est r'ôurtie au Brabant.
Pour récompeuser ses sujets tles grantls sacrifices qu'ils sû
sont volontait'emeut imposés pentlant la guerre, Jeatr {.u'lettr

('l ) < L'intérêt des seigneurs était tl'ém:rnciper leurs serfs qui, maltraités'
s'eirfriyaient de la seigneurie. D'ailleurs, les serfs de corps étaient souvent
paress-eux. LOgéS, nouiris et entreteltus, ils ne prenaient nullement à cæur
i'intér'êt, du pi.opriétaire et lorsque la population serve venait à s'accroitre
sensi|lement, comme l'cxploitation ne protluisait pas beaucoup plus, la
situation du seigneur devenait mauvaise eb son intérêt était l'émancipation de
ses serfs. r ( Bnaunrs, p. 40. )
(2 ) c Un homicirle doit peidre la vie, mais ce qu'il possèrle reviertt à ses
héritiers natulels, n
980 rrrsrornE DES DELcEs ET DE LEUR crvtlrsAt'toN

accortle de nouveaux et
importants plivilèges, en particulier
celui de ne pouvoir être taxés sans leur consentement exprès.
Ces keures les autorisent à refuser I'impôt et leur recon-
naissent le tlroit d'insurrection tlans le cas oir le prince en
violerait I'uu 0u I'autre article. Remarquons que les pr.ivilèges
politiques accordés pal les keures tle Jean Io' et tle ses prétlé-
cesseul.s f:rvorisent surtout les bourgeois, non les afiisans.
Cepe.ndant, en affirmant Ie principe tle l'égalité judiciaire,
elles ratifïeut et complètent l'érnarrcipation civile des ser.fs dans
les domaines pmticuliers du duc de Brabant, progrès considé-
rable pour le temps, et qrri'ne se rÉaliser.a que beaucotrp plus
tard dans le reste de la Belgique. Ainsi, en Brabant, le déve-
loppement cles libertés rurales suit nne narche parallèle à celle
tles Iibertés urbaines
0utle les libertés qu'elles galantissent, lcs keures tle
Jean I'" renferment quautité de prescriptions ou ce défenses qui
en font uue sorte de code pénll, expression tlu droit criminel
brabançon au xluu siècle.
Uue rigueut' excessive, nécessaile d'ailleurs â cette époque
tle violence et de barbnrie, caractérise les peines édictées
contre les coupables.
Yoici quclques-unes des pénrlilés comuritrées ptr ces keules :
{o Quicouque violeru unc trèr'e sertr coupé en quatre quartiers qui
seront cloués i\ des poteaux plantés rrux quatr'e coins de la seigneur.ie
ou le délit aura été comnris. 9o Quiconque volera au-dessous de
cinq sotts scl'ù rnarqué d'uu fel louge. Quiconquc volera au-dessus.
peldra ln moilie dc ses biens ou sera lrrs ù ntort. 3o Quiconque
injuliera ou donnera un clémenti scla puni d'une amende dc ciru1
sorr. L'ànende serl de cent sous si I'injure est adressée à un che-
valier prf un vilain. 4o Quiconque frappcra du birton sera passible
d'une aneutlc de uingt sozs;si lc sang coulc ou si un nrenrbr.e est
brisé, I'amende sera de quarantc .rous ( I ). pour des blcssures plus

( { ) Il s'agit probablement ici de sous rl'or.


TEilPS rrrsTonrouEs. PH|uODE rÉOD0-COillIUNAtE 98f
-
gr'à\:es, I'amende sera de cent sou,s.5o Si unvilain frappc, de la main
ttu tlu pied, un chcvalier, il perdra la mrrin ou le pied qui aura porte
le coup.
Comme son père Henri III, Jean Io' protège et cultive les
lettres. Ses poésies figurent honorablement dans le rccueil des
compositions littéraires flamandes du xltt" siècle. Il meurt ert
1294, des suites d'une lùessure l'eçue à Bar tlans uu tournoi.
lean tl le Pacifique (1294-1312).- La victoire démocratique de
Courtrai a un grand retentisscmeut eu Brrrbant. Des révoltes éclatent
i\ Bruxclles, à Louvain, à llalines et à Àtrvers. Â Bruxelles, sans
détruire I'antiquc institution de l'échclinat dont les membres étaiertt.
ru nombre rle sept un par lignage Ics artisans décitlent la
-
-
r:réation cl'urt cortseil de 13 jurés élus par eux. lln outre, ils se
r'éscrvcrrt la nomination de de,ux maitres ù tetn'ps ou bourgmestre s
plis dans \es nations, c'est-à-dirc dans les métiers, I'uu présidant le
cortseil des jurés, I'auttc Ie tribunal cles échevins. Malgré la modé-
ration avec laquclle le penple usc tle sa victoire, il ne consel've que
peu de temps les droits qrr'il s'était attribués. Les artisans brabançons
luttrirerrt presque toujours sans succtrrs durable cotttre les liguirges :
jamiris ils ne jouirent longtemps dc lcurs conquètcs politiques.
Loi et Assemblée de Cortenberg. En vue d'éviter le
-
retour de semblables troubles, Jean II institue par sa loi ou
charte de {3{9, uue sorte tle représentation nationale qui
prentl le nom rJ'assemblée de Cortenlte,'t, pârce qu'elle se réunit
en ce lieu, situê à .listance à peu près égale rle Bruxelles et de
I.,ouvain. Elle se compose tle seize clèputés (1), savôir : quatre
chevaliers, délégués de la noblcsse et douze bourgeois,
tlélégnés tles bonrtes gens de Brnxelles, Louvain, Atrvers,
Tillernont, Léau, Bois-le-Duc et Nivelles, cltacune tle ces villes
nommant un, tleux ou trois députés, suivant son irnportance.
Telle est I'origine des états tlu Brabant.
La cltarte ou loi de Cortcnberg stipule les points suivattts : {n Au-
cuue contt'ibutiort ne pcut Ôtre imposôe si ce tt'cst trlour cltevalerie,

({) Elle ne comprend d'abord que {/+ délégués. C'est Jean III qui en porle le
nombre à 16.
982 Hrsl'orRtr DES nELGES u'r' DE Luuu crvrlrs.,\'rr0N

nrariage, ran(oD. 2o Les Brabançons sont jugôs d'aprt\s lcs chaltes,


par loi et scntenco. 3o L'assernblée cle Cor.tcnberg déliliôre sur
toute question intéressant le bien du pays. /1o Les Brabançons
seront déliés de lcur scrment de ficlélité si le prince nc rcspccte pas
les décisions dc cette assernblée.

Cette charte, par laquelle le prince recounaissait la souve-


raineté d'un grand conseil national et qui favorisait le pays
tout entier, fut la prernière coustitution des Brabançons. Il
irnpoÉe de remarquer d'ailleurs que les privilèges garantis par
la chalte tle Cortenbelg, favorisent surtout les nobles et les

0lrrrte de OortenLerg.

liches liourgcois, ltoll lcs sirnplcs artisans ou les scr.i's : c'est


rrrre clrarte uristocratiquc.
Charte flamande et charte wallonne.
- Jcirrr III (l3l;i-lSiiii) ctuit
ctlct)l'c trùs jeune r.r lrr ttrolt tlc sort pèr'c. Iintriur'é tlc uuur,lis cnu-
seillcls, il lit, dans la plodigirlite ct s'cntlcttc au poinI rluc s(rs
cté'lucict's i l'étlalger font ln'ritcr kls nrirlclrirnds ltllbanr.ons rlc
pllssflgc chez eux. Âlin de slruveglrclcr I'honncur, du plincc ct
TEIIpS HTSTORTQUES. pDnr0Drl FÉOD0-C0I}IUNÀLE 983
-
pa-r'er pour
I'intérôt cle leul Colnûterce, les bonues villes consettteut à
lui unc somne de 40.00c livres cle gros, ce qui fc|ait aujourd'hui
cnviron 4.0c0.001 cle francs. Bn tcconnaissruce cle te service,
Jcal III colctide aux Brabirl(lolls dcux ttouvelles ch'artes connqes
parce qu'cllos
sous lg non de cltarte llamande eL ùe chatle ua|lonne'
ses sujets rr-allotls'
s,ldressen[, ]'une à scs sujcts flirntands, I'ttutre t\
I)'ailleurs, elles nediffùrenteltre clles sur'.lucull point intpoltant'
Elles siipulelt en substance : Lo Le cJloit des bourgeois tle
survciller liiidninistration des {ïuiruces e[ I'obligation pour les
per-

cepteurs cle t'eudre publiquemelt leul's comptes. 90 L'interdictiou


au
lc consentemertt des villes. 3o Llt
1,rinr* 4e birttre rnonnlià sarts
itnpor-
irécessité rlc cc conseuteutelt pour I'expéditiou des affiiir:es
princc
trrntcs. tro La responsabilité et li'r rér'ocabilité cles officiers clu
qui, nommés pir le conseil, peuycnt ôt'e destitùés quc pùr'

lrri ({314).
'e
La Bulls d'orbrabantine. En {349, Jern III obtint cle I'empereur
- autre chrrt'e
Chrrles IV, en faveur cles Braban(:olls, la concession d'une
importante , dlte Bu,IIe d,'or brubantine, qtti soustlait Ies hrllitants du

ouànO Lr la juri4ic:tion des tri5pnirux impériirux, môure


pour les
causes daus lesrluelles ils peulent èt1c impliqués en Allcntagtte'
La loyeuse-Entrée (1356). Jeau III, qui meul'[ le
5 tlécembre 1355, ne laisse pas de fils pour lui succédel.
Ses états passelt à Jeanle, sa fille aîuée, épouse de Wertceslas,
<Iuc de Luxemboutg, eD faveur de qui sou frère' I'etDpeteur
Charles IV, érige le comté de Luxembourg en tluché ({354)'
Illais les Brabançotls ll'âccueillent \YenceslâS en qualité de
sOrlverain qu'après lui avoir fait prôter serment à une sorte
de

constitution ilàtionale nolnmée Joyeuse-Entr'ée ), ( 1 oit se

lrouveut explicitement mentiontés et cottlirmés tous les privi-


'wenceslas,
lèges qui leur avâient été successivement accordés.
prince étranger, dont les titres pouvâient être contestés, accepta
plus facilement que ne I'ett sans doute fait un prince indigène'
la nouvelle constitution du pays.

(l) Àcause des fètes auxquelles donna lieu l'entrée du nouveau duc dans les
à Loovain, le
prinôipales villes du pays. L'inauguration cle Wenceslas eut lieu
I
3 janvier {356.
I

I
I
\,
984 r{rslotRn DEs BELGEs ET DE LEUR clvrlrsÀTroN

Voici les clauses esscntielles tle cette charte célèbre : .lo Nulle
décision importantc ne peut ôtre prise, nulle obligation nouvellc
établie ou contracûée, nul trailé d'alliance conclu sans le oonsentc-
ment des villes. 9o Le prince ne peut faire la guerre saus en avoir
ûuparavantdélibéré avec les états (assemblée de Cortenlrerg). 3o Les
administrations tles villes son[ renouvelées annuellement. Chaque
année, les'magistrats communaux rendent compte cle leur gestiou,
dont ils sont responsables. 4o Nul ne peut ôtre admis aux fonctions
pullliques s'il n'es[ né et domicilié en Bra]rant. {00 Les Brabançons
sont déliés de leur serment d'obéissance au prince, si celui-ci viole
les libel'tés cousamées par la elrarte. ûo Les états de Brabant sont
régulièremcnt convoqués deux fois I'an. 7o Hors le ternps des
sessions, une commission permanente les remplace. 8o L'inclépen-
dance tles députés et la liberté de leuls votes sont garanties. go Tous
les fonctionnaires et lc prince lui-mèmc prètent serment à Ia Joyeuse-
}]rrtrée. {0,'Lc pays est indivisilrle
Comme on le voit, la Joyeuse-Entrée assure dès le nrilieu du
xrrc siècle, aLrx bourgeois des comrnulles, sinon à tous les
habitants rle la principauté, un grand nombre des libertés et
des droits insmits tlepuis tlans la'constitution belge tle {830.
Anvers ville libre impériale.- De tcrnps immémorial, la ville libre
d';\nvsls relùr'e clu duc de llrirbant, mùis eu même temps porte lc
titrc de utllelibre intpLtriale. L'adrninistrafion y est exercéc par quatre
ntentltres: {o Le ntagistrnt, fornré de ,18 échevins ({), conscillers
conrmunaux a l:r maison cor)lmunale, jugcs tt uiersclmar'r2).Il choisit
dcux hourgmestles dans son seirr et, se renouyelle par moitié tous
Ics ans. Il esi irssisté de deux âvoczlts, dits pensionnairas. 9o Le
conseil rJæ anûens, formé des ancicns bourgmestres et échevius.
3o La bourgeoisie, représentée par les dcux mpitaines tle chacune
rles treizc sections militailes de lavillc et par les qu,ntre prelbts
ou clrcfsJnmnes. En tout 30 mernbres. 4n Les artisans, représentés
par les deux do.vcus dc chacuu cles g4 métiers pr.inciplux :
48 menrble.q.
Dans lcs affirires dc haul,e importance, Ies quatre membr.cs se
réunissent pour folmcr le hrge conseil. Lc duc est représentô, rlans

('t) Choisis sans doute par les gens des lignages.


(2) l'ierxlmar', tribunal, cour de justice.
rEMps Hrsronr0uBs. PÉRI0DE r'ÈoD0-c0ililuNAlE 985
-
I'examen des affaires criminelles, Ftr l'icou,tt)te; daus celui des
affaires civiles, trtar I'antnwn ({).
Bn {,357, le traité d'Ath attribue Anvers à la Flandre, sous Wen-
ceslas.(Voirà ce propos I'histoire du comtéde Flanclre). Elle sera
rendue au Brabant lorsque Antoine de Bourgogne ltéritera rle sa
tante Jeanne de Brabant, qui exige cette restitution de Philippe le
Hardi.
La seigneurie de Malinss. IIIalines dépend longtemps de l'évèclté de
-
Liége. Les Berthoud (9) qui s'intil,ulent seigneuls de Malines, rte sont,
en réalité, dans Ia ville, que des avoués du princeévèc1ue. lllais ce[[e
possession, enclrr'ée dans le Brabant, est peu estimée r\ Liége où I'ott
n'attend qu'uue occasion de s'eu défirire. En {333, l'évèque Adolphc
de la llllrck la vend à Louis de Cr'écy, com[e de Flandrc, qui ne tardc
pas à céder ses droitssurcette ville à Jean IlI, duc de Brabant ({337).
IïIalines fera parl,ie du Brabant jusqu'au traité d'Atlr ({3i7) qui
l'atl,ribuera à la Itlandre.
A I'avènement, d'Antr-rine de Bourgogne, elle revient définit ivemeut
au Braban[.
Décadencs de Louvain. Au xrv* siècle, Ia draperie de Louvain
jouissait, dans le moudc -entier, d'une réputation justernent méritée
et cette ville se trouvait dans un état si florissant qu'otl ér'aluait sit
population à plus de {00.000 âmes ( 3 ).
Cette brillante prospérité fut détruite par la faute de Wenceslas,
prince à le fois faible etincapable. Vers {300, les artisarts de Louvain
prétendeut enlever aux grandes familles la tlirection exclusive des
affaires communales. Dans leurs revendications, ils sont ouvertemcnt
appuyés par le mai'eur Pierre Coutereel, qui, bien que de naissartcc
patricienne, se range au parti du peuple.
Werteeslas lui-mème passe pour ôtre favorable au mouvemertt
populaire. Sans cloute, il espère, en réduisant les privilègcs des
grands, angmenter sù propre autorité. 0n le soupçoune aussi de tirer
des révoltés des sommes irnportantcs.
Ala fin (cn 1365), une transaction intervicnt cntre les partis. Elle
étublit : fo Un corps de sept échcviru, tlorl quatrz choisis par les

(l) Anuers, métropole du comnwce et des arts, par Beetmé, tome I, pages 70
et suivantes.
(2) Famille puissante de Malines qui fut fréquemment en guerre avec ler
ducs de Brabant.
(3) Chitrre d'ailleuls sensiblement exagérd.
286 rusrotnE DES BELcES Et'DE LEUII ctvtLISATloN

lignages, rae pal'les frères de In gtùle (l-rourgeois tt'exet'çant auctln


nrétier., rnirrChancls e[ autres ) unis ilux brzsseu)"E ; tt)t pirr lcs /rï.se-

'#/#hir,,

J,,

l)icrre Coutereel.

t"rtruls elu uz pitr lcs bottclws, altclùaut irvcc les forgerans. go un


c0r'ps tlc uirtgt-tleu,n ju"és ou.conseillers pris, moittc iliins les ligurgçcs,
noilié, dans lcs rrutres classes d'habitants (frèrcs de ll g'ilcle ct
nrétiels). Les onxe jurés des lignages son[ élus par les nrétiers, res
orrie jur'és des métiers, pùr les lignages, snr une liste de trente-trois
rlorrs pr'ésentée par les méliers. 3o Deun ntaîtres it tetn.ps. Lcs
lign:rgcs clioisissent le m:ritrc des méticr.s I ceux-ci, le rnirît,re des
liguages.
Voulant débarrasser le pays clesbandes de maraudeurs qui I'infes-
tent, \\renceslas marche contle le duc de Juliers qui les protège. lllais
TEIIPS IIISTORIoUES. pÉnI0DE l'É0D0-c0illttiN,\LE 287
-
il est brttu et fait pl'isor)nier ( {3?{ ). Sa rançon s'élève '"\

900.000 moutons d'or ({).


Comme les lignages at'aient be:rucoup eonflibué, prr le vote des
subsicles nécessaires, au paiement de cette somtue éttorme,, le duc
veut les remettre dans la possession exclusivc clc l'écltevinat.
Ce ficheux ploje[ occltsiottne de nout'eaux troullles à Louvaitr.
Franchement rrllié cettc fois àr la noblessc, le duc mct le siègc
devant la ville, qui se soumet. Le peuple se voit obligé de demancler
1l:rlclon e[ cle pa,ver une nouvc]le somme de 44.000 moutons d'or.
Iln outre, r'ingt ct un tlc ses chefs sont exilés. Le tliomphe de I'aris-
toclatie est contplet f1383). Mais ir partir de ce jour la population
ouvrir\r'c cle Louvain émigre en Anglctcrrc et c'etl est fait de ler pros-
périté dc la ville, qui déchoit rapidcnent.
\Venceslas meurt I'tuttée suivantc. Sa veuve, Jelntle, cltoisit pottt'
hér'iticr SolI ncïeu, Autoiue de Bourgogne, fils de Pltilippe lc Harcli,
r1ui, i\ cette occitsion, restittte au Brabant llhlines et Anvels. L'iu'.rtt-
gLrratkrn clu jcune priuce, cn qualité cle turvaat't (9), a lieu et 140/+.
C'est ainsi que le Blabaut, entre dans I'olllitc de la mrisort tle Bour
gogne.
SIiCTION III
Gomté, puis duché de Limboung (suite).
A prttir du moment oir Henli II consent i\ partrget', eu ll55'
â\'ec Godcfroid III, cotnte de Lou't'aiu et dc Brabartt, le titre
clc tluc, I'histoile dc la principauté dc Lirnbourg It'offt'e plus
ilucun faiI digne de retenir I'altention. Ses plinces, avetttureux ct
batailleuls commc tous les ltarons de I'époque, se mêleut à la
plupar.t cles querclles clont la llelgiquc est lc théâtre pendant ll
péniblc époque du moyen frge. Comrne notls I'iiYotts vu précédcnt-
ment, le Linibourg est réuni au Brabant par Jeau le', lc Ïicto-
ricux, à la suite de la bataillc de lVocringen, en {988.
SIICTION III
Comté de Hainaut (stt'ile).
Paix de Valenciennes (ll!4). Pour soutenir plusieurs gucrres qu'il
-
(.1) Ainsi nommés parcequ'ils portaient sur une de leurs faces I'image d'utt
lfinis Def. Lemoutoti d'or l'alait-environ I francs de notre monnaie.
(2) Jeanne ne mout'ttt qu'en '1406.
988 Hrsr'orRr DES BELcES E'f DE LEUn crvlr,tsATroN

.avait entreprises, Baudouin III, comte de Hainaut, avait été obligé


d'engager les rentes de son domainc. 0r, la ville de Valenciennes sc
lrouvait alors la plus puissante et h plus riche du Hainaut don[ elle
'ctait d'ailleurs Ia capitale. Elle propose au cornte Baudouin tle
lacheter ses rentes en échange de I'octroi d'une charte. Il y consent
et voici les clauses principales da cet irnportant document, connu
.eous le nom dc pai:v tle I'alenciennes :
{o Valenciennes est un lieu d'asile. Quiconque s'y réfugie et crie :
franchise J est sous la protecl,ion de la paix. 9o Tout scrf cst libre qui
habite Valenciennes depuis ulr an ct un jour. 3'Il cxiste à Valen-
ciennes des échevins et des jurés de la pai^r, au nombre de trente
{représentation communale), un chancelicr ou greffier ( secr.é[aire),
desconnétables (pour commander les milices;, etc. 4o Tout bour-
'geois est justiciable dcs échevins dc la pai*. 5o Les tleux prévôts
{ ofiiciers du comte) sont nornrnés par le prince, d'accord avec les
jurés. En cas de coutestation, ils sont choisis par les jurés seuls.
6o Si le comte refuse de payer le donrmage qu'il a causé à un homme
delapaiæ, il est, pr'élevé, sur sa part dcs amendes, une indemnité en
faveur de I'oft'ensé. 7o Si un chevalier maltraite un bourgeois ou
I'insulte, il est saisi et livré à I'offensé jusqu'à cc qu'il lui ait aceordé
satisfaction. 8o Tous lcs hrbitants de Yalencicnnes sont sous la
protection de Ia prufr, i laquelle ils rloivent pr,ôter sernrent dès I'iigc
.de 15 ans.
Ainsi privilégiée, la ville de Valenciennes ne tar.de pas à devenir
une vér"itable puissance contre le r'æu de laquelle les comtes de Hai-
naut n'osent plus ricn entrepreudle d'important. ses lois et eoutumcs
,se répanden[ peu à peu ditus une grande par[ie de lrr principauté.
Toutes les chartcs accordées par la suite sont modelées sur la par.r
de Valerrcicnnes. Cepeudant, en 1/,,1.94, on ne compte encore, err
Ilainaut,, que huit villcs, y compris Yalenciennes, dotées d'uD0 chartc.
Ce sont : trlons, Soignies, Biuche, Chièvres, Pérurvelz, Landrecies
et Le Quesnoy. Au mo!'en tge, lc Hainaut reste longtemps la terre
classique de ll cltevalerie et de la féodalitc. Les institutions féodales
s'y perpétueront jusqtre dans les temps modernes.
< Les dornaines des abbayes et des seigneuries étaient, si nom-
breux dans ce pa1's, qu'il conserva toujours un caracl,ère féodal.
Les comtes s'e{Ibrcèrent de gar.der les droits de mor.temain, désap-
prouvèrent les efforts faits par cles chevaliers pour sortir du servage,
lestèrent en un mot les défenseuls des coutumes ancierures ct du
joug que le tenrps avait rerrclu si lourd pour la masse de la popula-
1'Eltps HISTORI0I.iES. pÉru0DE FliODO-c0lI:lIU](ALts 989
-
tior > (l ). Le peu de densité de sa population cxclusivenrent, agricole,
y serâ longtemps aussi un obstacle ûux progrès de Ia démocraiie.
Âucune espc\ee d'industrie n'y devient particulièrement florissante ;
cclle du drirp n'y prend un peu d'extension c1u'à par.tir du xuro siùcle.
Scs richesses minérales ne sout poiut encore soupçonnécs.

Deuxième réunion du Hainaut à la Flandre. LTne


deuxième réunion du Hainaut à la Flantlre se produit sous le
comte Baudouitt V, le Courageu,n, qui hérite de la Flantlre, à
la mort de son oncle, Pltilippe d'Alsace. cette nouvelle réunion
est un peu moins éphémère que la préeédente : elle dure de
{{91 à L94$, sous les conrtes Baudouin Y et Btudouin YI
(Baudouin IX en Flantlre), et sous les comtesses Jeanne et
Marguerite.

fUfaison d'Avesnes.
- Il,farguerite, pe|ite-Iille de Baudouin le Cou-
rageuxet lille de Baudouin de Constantinople, épouse successivement
Jcan d'avesnes et Gui de Dampicrre. Ellc partage ses étirts entre ses
enfants des deux lits, donnant, en vertu d'uu accord intervenu
cn 1246,la Flandre aux Darnpicrre et aur d'Avesnes, le Hainaut.
illons, capitale du Hainaut.
- Sous Jean II, d'Avesnes, des difficultés
s'élèverrt cntre Yalencicnncs et Ie prince au sujct des attributions
échevinales cle cette ville, jugées trop éfenclues par Jean II. Ce
dernier transfère ù l[ons le siège du comté ( {gg5 ). vorrlant donner
plus d'imporhnce à sa nou.r'elle capitale et y attircr la population,
il cn agranclit I'enceinte, exempte ses habitlnts dc la mainmorte,
exernption jusque-là presgue ignorée en Hrinaut, et remplace ce
droit prr une redevance lixe r\ pa.ver en deux fois, aux fètes de Saint:
Jean et de la Noôl. En outre, pour embellir la villc, il engage les
principaux seigneurs du comté ù s';* faire bfrtir des hôtels.

Réunion au Hainaut, de la Hollande, de fa Zélande et de ia


Frise.- En {.29f}, Jean I[ r.éunit, à son comté tle Hainaut,
ceux de Hollande et de Zélantle avec Iû seigneurie de Frise,
qui lui ôchoient en héritage.

(4 ) Wluruns, Ltbertés corttntunales, page 5{2.


Y. Mirguet. Histoile des Belges.
-
990 Hrsr'olltn DDs tELcEs ET IIE LËuR ctvlltsÂI'toN

Maison de Bavière.
- À h mrisort d'Avesttes, succède ( {356 ), en
Iluinitut, la mrtisou de Bavière, dottt I'administrltion est souvcttt
ruirlheureuse. Vers '1398, un double ttraliage unit lcs tttirisotts de
Bourgognc ct cle Davière, urt tls et une lille du comte tle lrlattdre,
Philippe le lhrdin rtytttt tipousé dcs enfants de Gruillnu,me III, tle
Haiuaut: cc ntariage préparc Ia r'éuniort défiuiti'r'e du llairtaut à la
Flandre .

Troisième réunion du Hainaut à la Flandre. Jacqu'eline


- morte
de Bauièt'e, fille unique tle Gu,illaunte IV, étaut sans
postérité, en 143{i, ses ét{lts, qui comprennettl le Hairtautn la
Hollande, la Zélande et la Frise, échoient à sotr cottsitt,
Phililtpe Ie Ron, duc rle Bou,r'gogrte et cotnte de lvlaùre.

Tounnal-Tournaisis.

Géographie historique. Bolnes : Hainaut et Dlanrlre.


' Tournai, ville libre.
-
Àprès avoir d'abord nominalement appaltenu à la
-
Flandre, les Tournaisiens, sans doute fatigués de la doutrle autorité exercée
sur eux par le chàtelain et par l'évêque, ouvtent leurs poltes à Philippe-
Auguste, roi de France ('l{87).
Jusgu'alors, Touruai n'avait occupé que la rive gattche de I'Bscaut :
Philippe-Augusle, en lui octroyant la charte de l2l'1, réunit à la ville le bourg
tle Saint-Brice et son église.
À partir de ce{te époque jusque Cltarles-Quiut, Tournai demeure utte ville
inrlépendanl.e et libre, sous la protection rle la France.
Bn {59{, Charles-Quirtt s'en empate ct le traité des Dames, ( l}19), I'itt-
corpore délinitivement aux Pays-Bas.
La seigneurie r)u Tournaisis, distincte de la l'ille de Tournai, contprenâit,
outre Ia ville cl'Antoing, 70 villages ct de nombreux ltâtneaux.

plus remat'quablcs de h charte


Charte de 12ll.
-Voici les articles les
très libérale accoltlée lux Tourrtaisiens par Pltilippe-'\ugusle.
{. Tout homnre lillre, de quclque région qu'il soit, peut s'établirdans
Il -v jouirir clc tous les clroil,s ct privilùgcs attaehés au title de
la cite.
bourgeois tournaisien, pourvu qu'il obser'vc les Iois et la coul,urnc
de Ia cité (Semblirllle facilité n'cxistait nullO part, qu'à Toulnai.
Partout aillcurs, le droit de bourgeoisie étrtit refusé aurx ôtrartgers).
9. Si quelqtt'nrt escaladc la maison tl'un bourgcois, eclui-ci, s'il Ic
-
'IElIl)S IIISTOIII0UES. l'ÉltI0I)t rÉgDg-C6ltltuN.\LE 991
-
tue, tt'ertcourt auculte pénalité. (Gamntic de I'inviolabilité du
domicileT. 3. Chirque uurée, il est procedé iru I'enou\rellement
-
tles échevins, dcs jurés ct des pr.évôts. 4. Il .v ir, daus la cité,
-
h"uûe iurés qui élisent deux pr'ér'ôts {.1) Ils forment le conseil tlc la citc.

- 5. Les àlournaisiens
jtrdiciailes,
son[ exempts clu duel et des épreuvcs
I'exception de cellc dc I'ernt, froitlc.
ct I'uvoué (représentant, dc l'évôque) sont justiciables - 6. Le tlu
chirtelain
grand
1rrévôt. .l,e ch'oit d'lsilc n'es[ prs rcconnu aux égliscs de Toumai.
-7
8. Les taxes sont consenties par le conseil des jurés et réparties
-entre les bourgeois par une commission spéciale élue par Ie peuple.
9. La cornmune possède uu licffr'oi et unc cloche.
-privilèges - {0. Les
des Tonmaisiens leur sont rccolrnus à eondition cle
fournir au roi de Francc 300 homrnes hien irrmés chaquc fois qu'il
Ies en requel'ra.

SIiCTION Y

Gomté, puis manquisat de Namun (suite).

Si elle n'a pas connu les violentes commotions qui agitèrent


les plincipautés de Flandre et tle Liége, le comté, plus tartl
malquisat de Namur, lle paraît pas a\'oir joui tle libertés
moius étendues.
Dès le xlr' siècle, une foule de localités tle ce pays sont affran-
clries. La charte accordée en Ll,2l aux habitants de Floreft'e,
leur garantit la liberté inilivitluelle, I'inviolabilité du dornicile,
le vote libre tles irnpôts e[ I'exernption de la mairirnorte. Narnnr
devait lol)gtemps auplravant, jouir de semblables libertés,
et, s'il ne nous est parvenu âucune charte particulièr'e de oette
ville, du moins ou en counaît une, âussi libérale que celle
d'Albert tle Cuvck, qui, accortlée en ll54 ri la conrmune de

(l) Prëuït (tle préposé) était, en Hainarrl, synonynle de ntaitre, à Liége.


Telme emprunté à I'organisation ecclésiastique. La plupart dc.s monastères et
des grandes églises avaient à leur -tirte un prévôt : tel le préi.ôt dc l'églisc
Saint-lfonatien, à Bruges, sous Charles le lfon.
999 Hts'lolltn DES BELGES ET DE LEUR clvltlsÀTloN

Brogne, reproduisait les lilLertés inscrites dans celle tle Namur.


Le comte de Flantlre, Gui de Dampielre, en mênte temps
rnarquis tle Namur, songe plus tartl à restreindre les privilèges
des Namurois. Mais les échevins lui résistent, soutettaut que la
connaissauce de tous les crimes appartient à eux seuls, et que
les milices rtamuroises ne sont point tenues tle suivre le prince
sans solde à plus d'une journée de marche de la ville.
Il y a à Namur seize corps de ruôtiers. Cliacun cl'eux nomme qu,alre
maitres annuels qui les lepréserttent au conseil de la commune.
Les comptes de la ville doivent ètre retldus en présencc des gens cles
rtrétiers. Ceux-ci palticipcnt à I'ilectiort clcs magistt'itts, llzs ou botn"g'
ntrtres, et plus tlrtl, leurs mattres constituerottt, avec ccs magis-
trats, le tiers état de la ville.
Le cornté de Narnur avait étéérigé en marquisât, vers {884,
pal l'empereur Frédéric Barberousse en fiveur de Baudouin le
Coulageux. Tantôt administré par tlcs princes nationaux, t:rntÔt
réuni à d'aulres principautés belges, il est enfin achetéàJean III
'Wynendaele,
tle en 1.491, pâl' Philippe le Bott, au pt'ix tle
'132.000 couronnes d'or (l ), et réuni I,âr celui-ci à ses atttres
états, en 1,429, à la mort de Jean IIl.

SIITTIOI{ YI

Comté, puis duché de Luxemboung.

Nulle part. si ce n'est peut-ètre etl Hainaut et pour les


mêmes cause$ (2 ), la féodalité ne jette tl'aussi protbndes racines
qu'en ce pays de Luxembourg dont les souverains ne sottt, le'
plus souvent, que des coureurs d'avetttrtres.

(.1) Environ uu million et demi de francs.


( 9 ) tes richesses minérales de ces provinces ne sont pas encore soupçon-
néès ; aucune induslrie n'y prend d'exten.sion. Le peu de densité d'une popula-
tion exclusivement agricole y est longtemps un obstacle aux pt'ogrès de la
démocratie.
TElrps lllsÏ0lu0ulls. PÉRI0DE Fl0DO-cOMlIUliALE 993
-
Le plus célèbre sous ce rapport est Jean de Dohôme (13l'9-l'346)'
ainsi nontmé parce que, ayaut épousé uue fille du roi de Boltêrne, il
r'éussit, à conquéril'en ce pays url tr'ône dont la possessiou lui est
clisputtie. Il joint ensuite ses fotcres a celles de Louis de Iltrvière qui,
griice à ce secouls, pallient, à I'cmpire. Âprùs celit, s'etzilt retrdu elt
Prusse, puis cn Pologne, Jean y cornbat les llarbares ellcore paÏens des
borcls dc la tlaltiquc. Bn cctte cirmplgrle, il perd la vue. lllais cette
circonstucc llc I'ernpôclte pits cle cotrrir à de nouveaux dirngers.
Dans la gucr'l'c de cent ans,il embrassc le parti de Philippe dc Valois
contrc lcs Ànglais, et, lc jour tlc lrr ltirtaille cle Créc-v. il accourt sc
rùngcr sous lir birrtnièrc ft'rttçrise. Accotnplgné de tleux de ses
honimes d'ilrnres, aux ntontut'cs tlesqucllcs il lie la siennc, il pénètre
jusqu'au plus épais de I'irlmée enttenie. Le lendcmain, ou retrout'a,
percés cle coups. les cadavres des tlois chevaliers, ttort loin de
lcurs chevaux demeutés attachés I'un I I'irulre.
C'est son fils aîné qui, devenu emperetlr sous le nom de
Charles IV, fait un duclté tlu cornté tle Luxemboulg (131i4) en
favenl de son fr'ère lYenceslas, à I'occasiort du tnariage tle
celui-ci avec lâ princesse Jeanne, fille de Jean III, duc de
Blabant.
Chose curieuse, en ce[te terre essentiellenel]t'féodaie du
Luxernbourg, la plupart des localités, même les plus petites,
possètlent de bonne heut'e des chaltes qui concèdellt aux habi-
tauts tles campagnes, sinort tous les droits dont ils jouissent
aujourd'hui, tlu moius de précieux avantages. Le type tle ces
chartes rulales est la loi de Betntnt'ortt (l) encore en vigueur
à la {in du siècle rlernier dans plus tle 500 localités des
Ardenrres et du Luxembourg.
El voici les principaux art,icles :

lo L'admirristration de la comnrune est corlfiée à quelques bour


gcois élus par les notablcs. 9o Totts lcs habitarlts leçoivent la
pLopriété de ten'ains suftisantmcnt él,cndus pour lcur pclmcttre d'en

('l ) Elle fut octroyée en 44.89 à la vitle de Beaumont, en AÏgonne(France),


parl'ôvêque de Reims, Guillaume de Cfiampagne, dit ctun blanclrcs mains.a
raison de sagrande réputation d'équité.
994 rrrsrornn DEs rlErGES ET DE LEUR crrrlrsAtroN

tirer dequoi vivt'e, eux et leur famille. 3o Ils ont I'usage des caux et
des bois rrommuuaux. 4o Des mesures sont prises pour assurer la
loyauté du commerce, surtout pour crnpêcher les fraudes des
meuniers, tles boulangers et dcs bouchers. lio Les bourgeois sou[
c.xempts du service militirire. Le seigneur liourloit à la défense
ordinaire de la conlmune moyerurant un dloit dit de sauuentent, clui
consistc, pal'exemple, en deux mesures d'avoine, une poule et un
rlenier: tournois pour chaque bourgeois. Cependant, au cas oir lc
territoire serait subitemen[ attrqué, on peut requérir les bourgeois,
ntais pour 94 heures seulerncnt.

Réunion du duché à la Flandre ( l45l ).


- Elisabeth tle
Gorlitz, la dernièr'e souveraine tlu Luxembourg, cède ses
tlroits sur la plincipauté à Philippe le Bon noyennant nne
pension de 8000 florins (1441). En 1431, ce prince entre en
possession clu duché et plend le titre de tluc de Luxembourg.

SIjCTIOI VI.

Pnincipauté de Liége.

Charte ri'Albert de Cuyck. Au xno siècle, la population


de Liége se répartit en trois-classes : lo Les geus d'eglise,
comprenant le clergé et tous ceur qui lui sont attachés à un
titre quelcouque. Dans le clergé pl'oprement dit, on distingue le
clergé prinmire ou clmpitre catlÉdral, conrposé de 60 cha-
noines, ùits trl.fonciers, etle clerge secondnire, formé de toutes
les autres personnes des deux sexes vouées â Dieu, tant prêtres
que religieux. tes cituirts,lrcmntes libres, otr granclt bourgeois.
Eux seuls ont le droit tle parvenir aux fonctions échevinales.
3o Les serfs ou, petits bou,r,geois. Ce[te classe cornplend les
artisans de tout genre. Ses mernbres jouissent de la plupart des
tlroits civils.
Citains et serfs se distribuent en six quer,rtie?'s ou uittdaes.
En {{98, un conflit éclate enme les citains et le clergé. Il
s'agissait d'une taxe, destinée à relcver les fortifications et les
l'EtrPS UrSïOnIouES. pÉRIODE FÉODO-COillItjliÀLE 995
-
ecclésiastiques refusaient de palticipel au paiement. Des
trou-
bles s'en suivettt et I'on Sgupçolllle l'évêque Albert de Cuyck

d'avoir Secrètelnent encouragé les exigences des citains' Une


transaction se produit. Les bourgeois pronrettent de ne plus
iurposer arbitrairenrent le clergé; mais l'ét'êque, par ulle charte
célèbre, consacre la légalité tle certains âroits qui jusqu'alots
n'Avaieut pas été reconnus aux Liégeois d'une façort écrite et
fbrmelle.
Iiu voici lcs plincipales clauses : {.o [,e clomit'ile d'un Liégeois est
inviolable. Lorsqu'ili notifient les assignations et ajournernent's. les
ofticiers de lustice ne peuverlt flanchir le seuil des maisons'
,! Liége, p(nn?.e hotttme en sû ntaisott est roi. 2o L'entrée des
jtrdiciaires, es[
tirvernes e[ des églises, pour exécution tle tous actes
égalemeut, interdite atrx ofliciers de justiee. 3o L'héritirge des
serfs
r-1i,i, ,1. leut' vivant, habitaient la cité, apparticrtt it leurs enfants'
i,, La cité possède un tlibunal des échevins, dont lcs membres exet-
cclt à la fois les folctions d'administrateur et, de juge. 5o Les
Liégeois ue sout justiciables que du tribunal des ôchevins' 6o Nul ne
puut êttt arrèté que par déeision de ce tri}urtal. 7' Les Liégeois sont
judiciaires'
rtdmis ù la preuve testimonialc e[ exempts des épreuves
8n La cort{iscatiorr des biens des cortdamnés est interdite' 9o Les
l,iégeois ne doivent ni taille ui redcvancc extraordinaire quelcon-
que-. lls nc sont astreints au service militaire que si l'évêque ir
ri'abord telu seul la campagle depuis quïnze jours. {00 Les biens
luraux des Liégeois sotr[ exempts de tailles et cle clrrrges militaires
(ceci alin d'étertclre I'ittfluettcc clc la cité dans lir baulieue, ctr enga-
gc.ant les campagnards librcs à solliciter le titre dc citain de Liége)'

É.tablissement de la commune à Liége (1229). - Ori'gine


dtr,

curlts des jtu,tis et des maitles ù, tetttlts. - Les échevins de


Liége, au nombre de 4'4, se recrutent eux-mêmes palmi les
citains (.1). Rarement ils vivent ett boune intelligence aYec

( { ) Il arrivait pourtant que les membres tle ce collège fussent nommés


p-ar

le\,Ëd,iË.'^eràiqiJriiJ *..ï--ii" etaient élus directement par les


citains' Le
que les échevins'
mode tle nomination variait avec les circonslances, selod
l'évôque ou les citains l'emportaient en inlluence'
996 Hrst'ornE DES BELGEs Bl DE LBuR crvllrsAlroN
l'évêque. Pour réduire I'autorité de ce demier, ils décitlent,
d'accord avec les citains, de revendiquer I'indépentlance tle la
ville vis-à-vis tlu prince, et d'établir à Liége la conmrutrc. Eu
conséquence, il est convenu que chaque anuée, les citains seront
appelés à élile douze tlélégués chargés de participer' à I'atlrni-
nistr"ation cornmunale. Bt, comme ces délégués jut'ent publi-
quemeut fidélité aux iustitutions tle la ciré, on les appelle le
conseil des jrlris. Les échevins se réservent le droit tle tlésigner.
deux rnaîtres à ternps (l) pour présitler re conseil tles jurés.
Les autres villes de la principauté imitent la cité tle Liégc,
puis se confétlèrent avec celle-ci. ces changements tlans
I'organisation intérieure tle la principauté sont ratifiés le
24 novembre {934 par Henri VII, roi des Romains.
Progrès rapides des libertés pubtiques à Liége. L'admi_
nistration des échevins laissait souvent à désirer. -Les citains
r'éclament le droit tle désigner eux-mêrnes, dilecternent, les
maîtres :i temps.
cette légitirne revendication triomphe sous l'évêque Heriri
de Gueldre. Les deux uouveaux maîtres pour {2ô8, Henli de
I)inant et Jean le Germeau, sont choisis par les citains.
Ils s'emplessent de rétablir les antiques assemblées tlu
peuple (des grantls bourgeois ou citains). chacuu des six
vinâves élit alors vingt tlélégués, dont la réunion for.me le
cnttut?,u,?t conseil de la clntntu,ne.

cette révolution fait passer le pouvoir des mains des


échevins, c'est-à-dire des mains de quelques familles tle citains
rr les plus notables parmi les lignages r jusque-là privilégiées,
en celles de la généralité des citains, grands bourgeois ou
sirnples lrommes libres. c'est une rôvolution bon,geoise, non
encole une révolution populaire.
. f)'ailleurs,l'organisation nouvelle ne s'établit pas sans peine :

( { ) Qui, au xrvs siècle, prendront le nom de bourgnrcstres.


TEr{ps rrtsr0nrouEs. pÉRr0DE !'É0D0-c0}r}ruNALE 897
-
I tles troubles agitent longlernps Ia cité. Par Ia suite, Henri tle
Dinant sera même exilé.
Loi Muée 1287. C'est sous l'évêque Jean tl'Errghien
qu'éclate, en 1272, la malheureuse guerre de la Yache dont Ie
récit a été fait dans la période féodale.
Sous l'évêque Jean de Flandre, en {287, pour empêcher le
renouvellement de semblables luttes et âssurer la sécurité
publique, on revise la loi pénale contlue sous le nom de loi
Charlenmgrre. Derneurée cn vigueur tlepuis l'époclue des Caro-
lingiens, elle avait vieilli en plusieurs tle ses parties. La loi
revisée reçoit le nom tlc /oi Mtd,e. Elle supprime le droit de
reugeânce personnelle et proclame qlle désormais chacun devra
recourir aux tribunrux pour obtenir justice. Les riches comme
Ies pauvres, les grands comme les petits, tout le uronde doit se
sournettre à la loi. Malheureusement la loi Muée ne sera réel-
lement observée et appliquée que dans les villes. .
Guerre des Awans et des Waroux. Les progrès du droit e[ des
libcrtdrs pu)rliques sont constauts dans
- h pr.incipauté. Néanmoinsl
rlans les cirmpagnes, la condition r"clll,ive des seigneur.s et du peuple
ne se modifie guère. Jamris lc scrf u'est vtiritablerncnt propliétaire
tle ce qu'il pos;èdc. IIème il peut s'enriclrir" saus cesser d'ôtre ln
propriété personnelle du seigneur ({ ).
D'autre part, malgré Ia revision dout nous ryons parlé tout à
I'heure,la loi Charlemagne, tlui reconnaissai[ aux hommes libres ]e
dloit d'en appeler à la force pour résoudre leurs querellcs, demeure
lortgternps encore en vigueur clans Ie plat pays.
En igg2, un seigneur de ll principauté, le sire de Wirroux, a1'ant
épousé une serve du vi[age d'Awâns, Ic seigneur d'Àlvans réclamc,
cornme étant sa propriété, d'aprt)s I'usage féoclal, lcs biens mcubles

( I ) 0n raconte à ce propos qu'un puissant seigneur, aussi généreux que


riche, fut un jour accosté par ulr seigneur pauvre qui sollicita de Iui une'dot
pour ses filles. Lc trésorier du grand seigneur, fort. riche lui-môme, quoique
serf, prévint la répo.nse de son maitre en disant : a Mon seigneur a tout donné,
il ne lui resle plusrien r. u Tu lc trompes, dit alors le grand seigneur, carje
te possède encore et je le donne à lui. r Bt pour se dégager, le serf trésorier
eut à payer une forle sonme d'argent au seigneur pauvrc.
998 llts'l'otRu DEs BELGtss ET DE LEUR clvILIsATIoN

cn dot par Ia jeule femnte u son mali. Le seigtreur


:rppor.tés
de-\Varoux lefuse d'accédcr ir cette exigenCe et Ia guerre éclate
cntre les deux maisons. Les Arvans assiègent le chitteau cle
\\rlroux e[, ne pOuvant s'ett emparer autrement, ils y mettent le fett,
s'rttribuant ainsi Ie d,roit tl'arsin ({ ) r'éservé à l'évôque et d'ailleur:s
irlrsolument interdit dans les guerr'es privécs. Pour purtir le sire
tl'Àwrns cle ceite infraction aux cou[umes, l'évêque de Liége le
rléchre déchu de toute autolité dans ses fiefs et met le siège devattt
son château. Le seigneur d'Arvans ne peut obtenir sOn pardon qtt'en
sc sogmettant à la peine humiliantc du hnrnisear (9 ). Lui'môrne et.
douze cherlliers de son parti sont condamtlés à parcotrrir pieds nus,
vùtus d'nne simple câmisole e[ por[an[ sur , leur tète découverte tttle
selle de clteval, tout I'espace compris entte l'église Saint-llartin
et l'église Saittt-Lantllert, oir ils déposent leurs selle$ aux pieds
tlu prélat.
Le ressent,iment des Arvans s'ûccroit encore à la suite de cette
lrumiliation, ct la guerre reprend avec tln caractèr'e de violeuce et
d'atrocité plus Prouoncé.
À quelqpe temps de là, le chef des Arvatts périt sous les coups des
Wnroux. La quarantirine ordinairo écoulée, le sire tle W'aremme,
pirrelt dCs Arvirus, ss rallge ii lettr parti et dans une rencontre
irlut** le sire de Hermalle. Jusqu'alors attachée au camp des Arvans,
la.farnille de ce dernier embrâSse la cause des'Waroux, dotlt le sire
tlc llermalle clevient le chef. Warcmrne cst pris, pillé' détrui[, et sa
r,uinc appelle de nouvelles verlgeances. La désolation e[ la nisère
rùgnenf tlans toute l'étendue cle la plincipautô. Toutes les familles
rtollles sottt etr deuil.
Entreternps, la sanglirnte affaire dc la nml'e Saint'Mnrtin (voir
plus loil prge 300), affaiblib encore lir noblesse, déjà décimée par
àefie interminable qucrelle des Arvans et des \Yaroux. Les partis,
comme le pa"vs, son[ épuisés. Douze seigneurs' délégués par chtcul
des tleux partis, se réuttissettt, tlans I'ablla"re de Sain[-Laurent eL
tlécident tle u'en pas sortir avani d'ervoir couclu la paix. Tou[ Ie
rnonde jure de s'incliuer devart[ ce qu'ils décideront. Profitant
des 5ounes {ispositions générales, les atbitres abolissen[ délinitive-
meùt, miirne dans le plat, pa1's, I'irutique droit de faida (pnin

(.1) Peine judiciaile qui consistait rlans I'incendie de I'ltabitation d'un


coridânné. Du latin ûrno'e, brùler.
(2) De hamischrharnais, eischaqrt travlil, corvée.
1 ,}IOS HISTONIOUES. PÉNIODE FÉODO.COU]IUN,\LE 999
-
des Dou,:e, {335). Cette décision sera, pilr lir suite, à peu près
rcspectée et lc pays se yerra enlin soustrait aux horreurs dcs gtrerres
pnYees.
0rganisation des métiers en vingt confréries (1993).
Certains abus s'étant produits à Liége dans la gestiou tles
finances communales, qui restait à peu près sans contrôle, le
monde des artisans s'ilrite de n'avoir aucune part au gouver-
ruement de la citô.
Jusclue-là, les ouvriers s'étaient groupês par professions, en
clouz,emétiers, et ces associations restaient tle simples associa-
lions intlustrielles. Résolus à se constituel plus fortement, les
artisans se forment en uingt confréries ou rnétiers (1293).
Ainsi organisés et préparés à Ia lutte, ils n'attendent qu'une
occasion favorable pour aflirmer lenrs légitimes revendicatious.
Elle ne tartle prs à se présenter.
Lettre de Saint-Barthélemy (1303). Pentlant I'inter-
règne qui, en 1302, suit la mort de l'évêque Adolphe de
'\Yaldeck vers l'époque otr les métiers flamanrls remportaient
-
la victoire de Courtrai Ies citains, salls consulter le peuple,
-
établissent une taxe sur les denrées alimentaires. Les gens tles
métiels, sur qui allait peser lourdement le nouvel impôt, se
refhsent énergiquement à I'acquitter. IJn collecteur, qui veut en
exiger le paiement d'un boucher', se heurte à un refus catégo-
rique. Plein de colère, il avance la main pour saisir I'argent
tléjà réuni sur l'étal I mais, d'un coup de hache, le boucher lui
abat le poignet. Aussitôt s'engage un combat meurtrier dans
lequel les grantls ont le tlessotts.
Leur tléfaite les oblige à faire au peuple d'importantes con-
cessions dont voici les principales. L'administration communale
sera partagée entre les citains et les métiers. Les premiers
nomrnerortlurr, maître et ain{lt jurés; les métiers en tlésigne-
ront uu nombre égal (t). Les échevins devrotrt justifier annuel-
({ ) Hrûrtlux, page 902, tomeI.
300 HISToTRE DES BBLGES ET DE LEUn cIvtLISATIoI{

lement I'ernploi des revenus publics. Bnfin, aucull nourel impôt


le pourra être établi, aucune levée de milice faite, sans le
consentement préalable du conseil tles jurés.
L'acte qui stipulail ces conventions reçut le nom r]e lettre cle

Saint-Bat'théIenry, pat'ce qu'elle fut signée ell 1'ltglise du


même llom.
A partir tle ce jour, les mêtiels qualifient tle bons métiers,
se
.afiirmant par là leur uoblesse, Dota étant alors svnonvrle de res-
pectaltle, noble. Pour montrer c1u'ils formeut ttne urtité poli-
tique, chacun d'eux se tloutte une banttière attx emblèmes tlu
rnôtier et aux almoiries tle la cité. Toutes ces bannières portent
un 1téron, d'ot' sur champ rougc.
Quelques années plus tartl, en 1307, le nombt'e tles rnét,iers
serr porté à 95. Il devait ôtre, trettte illls apr'ès, tlé{initivemeut
élevé à 32.
La male ({) Saint-Martin (1319). Bn {319, l'évêquc
Thibaut tle Bar étartt nort inopinémettt, tttt irttet'règrte se pro-
tluit. Deux gentilshommes, Arnoultl tle Blankenheim, soutentt
par les petits, et le cornte tle Looz, appuyé par les grands, se
dislrutent la dignité tJ,emuntbour(2). Pour assurer le triomphe
de leur caudidat, les grands tléciclent de se rettdre maîtres de.
la ville de [,iége. Une nuit donc, ils se réunissent sans bruit,
en gland notnllte, sur la place tlu Marché. Leur dessein'était
de s'emparer d'abord tle I'hôtel de ville pâr sul'prise et d'occu-
per ensuite les points les plus irnportants de la cité. Mais
Anrould de Blankenheim, informé du cornplot, avait plis ses
rlesures pour le déjouei'. A I'appel tle la cloche d'alltrtne qu'il
fait sonner', lcs gens des métiers s'armettt en htite. se précipi-

(4) Ilale,enwallonliégeois signifie nuuraise.D'âucunsécrilent lalflalSaint-


lllartin et la llale Saint-luartin. Hénaux dit le nrnl St-llarlin, dans Ie setts
franç.ais ordinaire.
(2) nkunhotzr' .' celui qui, pendant la vacattce du siège épiscopal, est
chargé de I'administration du pays.
TEIIPS rilST0RrQr-Ës. r,|jRr0DE ]'ti0D0-c0tflrIUNALFl 30{
-
tent vers I'hôtel der ville dont les grands vienrrent tle prendre.
possession et les y attaquent avec une intrêpitlité qui tlécourage
prompternent leurs atlversaires. Les nobles fuient, cherchent un
lefuge en l'église Sainfllartin et s'apprôtent à y soutenir un
combat suprême. Après avoir vaiuelnent essayé tl'en enfoncer.
la porte, le peuple assernble autour tle l'édi{ice une graude.
quantité de paille et tle fagots enduits de gotitlron, puis il y
metle feu. Bientôt l'église s'écroule avec utr fracas épouvan-
table et tous ceux qu'elle renf'erme, étouffés, blrllés ou écrasés
sous les tlécornbres, périssent au nornbre tle plus tle denx
eents. On tlouua à cette terrible affaire le nom de male Saint-
Martin.
Paix d'Angleur (1313). Conclue I'anncie sniraute, la paix
tl'Àngleul ploclame une amnistie générale, nrais consacre lc
triomphe du peupie. '
L'athninistration de la commnne est, par suite, confiée, :
{o aux deux maîtres â tcmps qui exercent le pouvoir exôcutif ;
2o au collège des 40 jurés, élus par les métiers; 3o aux con-
seil des 50 gouventenrs des 95 ltans métiers; 4o aux 95 àonc
métiers eubnr.inxes désignés sous le nom ùe connntututttt! ou
ù'uriuersité. (l)
A partir de ce mometlt, la constitution liégeoise est netterneut
dérnocratique, car le pouvoii. administratif est exelcé par les
maîtres et les jurés seuls et nul ne 1teu,t titre nmitt e ni ju.é s'i|
n'est afftlié à, I'tut, des 95 bons metiers. Toutefois, il
est permis.
de faire partir d'un métier sans êtr.e soi-même ar.tisan.
Ainsi les rnétiers ne sont plus seulement des corporations
(des unités') intlustlielles ou rnilitaires, mais aussi descollèges,
tles unitës pôIitiques.
Paix de Fexhe (1316).
- Tr.ois âns plus tard, la pain de
Fenlte confinhe les métiers dans la possession des droits et

({) Hnslux, p. 3'19, tome I.


309 rrrsrolnu DEs rlELGns E'r DE LDUn crvrlrsr'troN

franchises qu'ils avaient conquis. Cette charte nouvelle, Iir


première constitution liégeoise, s'éteutl à toutes les conmuues
et à tous les habitants du pays (l).
En voici les articles principaux :
{o Les ancicns usages et flanchises cies bonncs villes ct dc tout
le pays sont maintcnus et seront eonsen'és stns conteste. 9o L'évêquc
cst Ie chefjusticiel tlu pa1's. Il a rnission de poursuivre les coupables,
de rechcrchcr' les crirninels ( I ). 3" Nul ne peut êtrc arrtlté, sauf lc
cas de flagrant délit, que sur orçlonnflnce échevinale. /lo Cltacun doit
ôtre jugé selon la loi et par serrtencc du tribunrl rles échevins. 5o La
couliscatiou des biens est, interdite. 6n L'évêque à son avènement,
les rnaîtres, les échevins, Ies jurés, les gouvenreurs dcs méticrs, les
baillis, châtelairts, mâyeurs, prévôts e[, d'une manière générale, tous
les fonctiounaires tloiveuf, ir lcur entrée cn fortctions, prêter
serment ù lrr Paix. 70 Tous les fonctionnaires sont lesponsaliles.
8n Lc sens tlu Pays (3 ) fait scul les lois ; l'évôgue n'y collabore point,
il ne les sanctionne poiut : il les homologue seulenent. 9o Les
assernblées du sens tlu, Puy.s sont périodiques et se tiennent r liége.
Les états ont le droit cle se réunil spontartémcnt. {00 L'évèque n'cst
que le chef du pouvoir exécutif; s'il eseèdc ses pouvoils, chacurt pcuI
lui refuser obéissance (4), ll" Les lois et coutunes ne peuvent fitre
nrodi{iées rluc par le sens du Pays.
Ainsi Ia paiæ tle Feæ\rc réserve forrnellerneut au pays la
souverâineté et tous les pouvoirs. L'évôque et le serrs du, Pays
lui-même ne les exerceut que par délégation . La paiu rle Ferha
fait de la principauté un véritable état coustitutionnel.
Lettre de Saint-facques (1343). Les 25 bons métiers
portés à 92, I{ous âvons yu qu'aux terrnes de la paix
-
({) C'est,, non plus une c,harte locnlt, et u'istocrutiquq, mais une charte
géntrnle et démocratique.
(2) Au nom du peuple et rle la société. Les tlélits et les crinr?s ne sont plns
considérés comme des où'enses personnelles, mais corllme rles offenses à la
société entière et à la loi norale.
(3) Lesezs du. Pays, c'est, le sentiment, la volonté du pays *rprirnée dans un
parlement national formé pal les délégués ùe trcis rndres dc personnes : le
clet'gé,lanoblesse etles ltourgcrrr's de Ia cité e[ tles bonnes villes (en d'autres
termes pâr l'ëtat prinmire,l'tttat noltle el,,le tiers ëtot).
(A) La révolte alors devient légitime.
TEIIIS rilSTOnrQUr]S. PÉRI0DE FÉ0D0-C0]$rU\ALE 303
-
tl'Angleur les 95 bons rnétiers forment des collèges politiques
ruxguels il est nécessaire tl'être allilié pour pouvoir aspirel' âux
tbnctions publiques. Cette conquête de la dérnocatie ne tarde
pas à è[re battue en brèche par les granrls qui parviennent
nrême à ressaisir une partie rle leurs anciens privilèges . Lt leth'c
tle Saùtt-Jacques les reconnaît tle nouveau comrne classe poli-
ticlue et les subtlivise d'après leurs six vinâves. Elle porte ri
trente-tleur le nombre des métiers. Enfin, elle fait aux tleux
grandes classes politiques une part ri peu pres égale dans
I'atlministration des affaires publiques.
Tribunal des XXll (1343). En l3&1., lc prince-évêquc
avant réclamé aux bourgeois
-
tle Huy un arriéré d'impôts quc
ccux-ci estirnaient ne poirrt tlevoir', une révolution éclate dans
Ia bonne ville, qui veut se donner à Jean III, duc de Brabant.
Saisie de cette glave affaile, I'assemblée des états tlonne t"aisou
aux geus de Huy. En mtlrme temps, pour évitel le retour de
semblables conflits, elle tlécitle I'institutiort tl'rrn conseil de
vingl-deux membres chargé de poursuivre désormais ceux tles
officiels du prince qui se rendraient coupables de prévarication.
Les Liégeois virent depuis en ce trihuual, qui lcs garantis-
snit contre tout abns tl'autorité du prince, Ie TtallacJitmt de
lenrs libertés.
Disparition de la classe politique des grands (1384).
Oependant les petits supportent impatiernment la
situation
-
réduite que leur fait la lettre rle Snint-Jacques. tes métiels ne
tardent pas à réclamer de nouveau I'adrninistration exclusive de
la cité. Après avoir cn vain essayé de cornbattre les aspirations
populaires et d'enrayer un mouvement qui avait pris des
trllures inquiétantes pour eux, les grands renoncent d'eux-
mômes :i leurs privilèges lignagers et déclarenl se rauger. à la
loi commune. A partir tle cc mornent, il faut tlonc de nouveau
ôtre affilié à I'un des 39 llons métiers ponr pouvoir être nommé
aux fonctions publiqlles. r\insi tlisparaisseut les denx grands
304 rrrslolrE DES nELGES ET Dn LauR clvtllsÀTloN

partis politiques qui tlepuis longtemps divisaient les Liégeois.


Désolnais, la cité est administrée par deux maîtres â ternps
que choisit nn conseil tle 64 jurés élus par les 39 bons métiers.
Un autre corps, formé par les 64 gouverneurs des dits
39 métiers, sert de conseil de surveillance au premier. La
même organisation communale est introduite dans les bonnes
villes de la principautô.
Quant aux états, ils se composent, comme il a été dit plus
haut, de délégués du clergé, tle la noblesse et tln peuple. La
députation du tiers état est formée pal les maîtres et les jurés
tle la cité et des {6 bonnes villes du pays.
Malheureusement, tle trop uomlueuses réactions succèderont
ercore à Liége à de non moins fréquentes révolutions. Lorsque
l'évêque et les grantls ont le dessus, ils s'empressent d'exclnle
Ies petits rle I'adrninistration ou ils ne les y
adrnettcnt qu'en
pârtage, snivaut l'étendue de leur victoire ; par contre, chaque
lbis que le peuple I'emporte, il
se hâte de faire revivre Ia
constitutiou dérnomatiqrre tlc la
paix tle Fexhe. Ainsi se
rérifie, rlaus la principauté litigeoise, cette loi historique qui
tlit qne r/ans Ia uie politique d'u,n peuple tout est action et
réaction,.
Mutation de la loi nouvelle (1385). En {385, les échevins,
accusés
-
et convaincus tle concussion, sont dépouillés de Ieurs
charges. On profite tle la circonstarrce pour réorganiser les
institutions judiciaires du pays.

Lcs grancls pcrtlent leur antique privilège Ie demier qui leur


rcstirt
-
dc fournir seuls des juges r\ la cité. Désormais, le prince cst
-
tenu cle nommer aux fonctions d'écltelin ceux des petits dout lrr
réputation de capacité et d'intégrité est le mieux établie. L'échevi-
nage de la cité sert de triltunal d'rppel rrux échevinages des bonnqs
villcs. ll cst intcrdit rux communes cle se fiirc cncorejusticeelles-
mêmes en arnrant leurs milices. Après ert avoir d'abord appelé au
prince, elles doivenl, recourir, si bcsoin est, au sens du Pays, qui
statue souvcrainement.
TE}IPS IIISTONIQUIIS. _ PÉRIODE FÉODO.(]O}IIIUNALE 305

Cette derniôre réforme tnilrque le triomphe tléfinitif clu droit


public sur I'arbitraire tle la justice personnelle. Elle serl de
digne couronnement à la conquêle, par les Liégeois, de la
Iiberté civile et de l'égalité politique.
0n codi{ie les coutumes jutliciaires tlu pays, ainsi nodiliées.
Le trouveau code reçoit le norn ùe Mu,tntion de Ia loi nouuelle.

Influence civilisatrics des communes.


- Les cornnrtules
glandc influence sur ll civilisation occideutale :
etùeroent une

Lo Elles renclent, aux populations des t'illes, arec l'.r liherté,


le sentiment de la dignité personnelle de I'hornme.
9n L'institu[ion des cornmuncs urbaines détcnnine les seigneurs
féodaux il traiter leurs scrfs avec plus dcTouceur et tl'équité, parfois
à leur concéder les clrartes tlihes clwrtes rm'ales.
3" Elles font sentir ir chitcun les avantages qui r'ésultent poul tous
de I'observation des lois; elles aruirneut ainsi I'orglnisirtion d'uue
bonne police.
4o L'lles conl,r:ibuent à la chute du régime odieux de la fr)oclalité et
donnent naissance au tiers-éta[.
5o Elles sauvent, I'indépendance du pays. En effet, les journées de
Courtrai, de Cassel et, de Roosebeke, par exemplc, font complendre
a ll France I'inutilité de ses efforts pour s'anuexer notre p:r1's.
6n lllles fransformeli, dans un esprit de justice et tle civilisation, le
droit civil et la procédule judiciaire (dispalition du clroit de
vcngeauce privée ; apparition de la poulsuite d'oflice; procédule
orale et publique; preu\re testirnoniale).
To Elles font l'éducation politique du peuple belge et, par h\,
préparenf les voics i\ son émancipation définitiyc en {830. < Les
institutions des communes, dit de Tocqueville, sont à lir lilierté des
peuples ce que lcs écoles prirnaircs sout i h scicnee. Ellcs la
mettent à la portee clu peuple et lui err fonl goriter I'usage paisible et,
I'habitude de s'en servir r.
8o Les privilôges dont jouissent lcs comnunes, airrsi que la
protection et les franchises accordées aux marchands étrangerg,
perrnettent un dér'eloppement considérable de I'irulustrie et du
commel'ce.
9oLa rir-:hcsse des conununes et I'aisance de leuls habitanls prépa-
reu[ le blillartt c$sor des lettres et rles arts qui se produira dans
lcs périodes suivantos. ll faut avoir le nécessirire avant do songer au
V. Mirsuet. - Histoire des Belges.
306 rrrsr'ornr DES BELcEs ET DE LEUR cIvILrsÀTIoN

luxe ct au superflu, qui sonl, la soulcc clc la littératule ct cles beaux-


ill'[s.
{.0o La douceur etla politesse s'inlroduisent dans les mæuls. Âvcc
le sentiment de la solidarité se développe I'esprit de charité. D'ofr lir
fondatic-rn de nombreuses irtstitutiotis de bieufaisùuce : hôpi{,aux,
hospices, refuges, etc.
{{o Sur le terrain éconontiquc, elles fiivorisent des tendanccs
centlalisatrices utilcs au développemertI tiu coutn]cl'cc ( traités
rle {339i.
l9o Enliu, le grantl honneur des communes, Ic grand fai0 motal
qui domine leur histoire, c'est qu'ellcs r'éhabilitent le travail. Bn
cfTbt, au monreut oir les comlnul)cs pirrviertnent à I'apogée de leur
graudcur, le travail est la seule loie paroir les cito.veus arrivent i\ la
richesse et aux fonctions pultliques. Pour pouvoir aspirer erux
charges comnunalcs, Ies nohlcs eux-mômes doivent préalal-rlertrent
obtenir leur adrnissiort, au ruoins i titlc houolaire, dans I'un ou
I'autrc corps de méticr.

TITRE III
Aspect du sol ct cllmat.
- La pnopniété fonclène:
seg tnansfonmations et s€s conditions d'exploitation.
Âspect du sol.- Jusqu'au xtve sièclc, les marais et les bois couvreut
ulc paltic importante des l'lirudres. lllôme u cette ôpoque, ol]
cst encore obligé d'accorder des prirttcs pour la destluctiondes loups,
lbrt nornbleux cn Brabant et jusqu'aux alentours de Bruges. ilal
construites, mal entretenues e[ ntitl galdécs,lcs digues sont souvent
lenversées par les eaux tle lù tner, dont les'inondations ont liour
cflbt cl'applofondir les ports ltolland;ris et de combler quelques-uns
des nôtrcs.
Aussi, au xrne siècle, nos cùtes éplouvent-clles de nouveaux et
importants changements. ll sc produit, cn f291, t930 ct {242 des
irtondations terribles, dout I'uue cutre antres a poul' conséqucncc la
lbmration du Zuiderzec. Tout urt cautou, situé près d'Ostende, est
submcrgé pal les eaux, en 1334. Une autre irtondation, due au cléllor-
dencnt de I'liscaut occitlentrl, a lieu le {ti novembrc {3?T : elle
eilsevelit, plusieurs villages, sut' I'ernplacement dcsquels se forme
une baie, au grand dontmage du polt, de Dirmme, d'oir les eaux se
rctircnt clt\s lors peu ir peu. C'cst ir l'a suite d'unc inonclirtion quc le
TEtrII)S IIIS'I'ORIOUES. PÉNIOI-}E FÉO.DO-COM}ILNÂLE 3OT
-
Ilondt, jusque là sans largcur, devien[ une solte de blas dc ner.
Cependaut le dcsséchcment des marais, le déflichetucnt des bois
et la mise cn cultule des tcrres sortt encouragés d'une façon très
intelligeute par plusieurs priuces. Âr'ant Thierry ct Philippe d'Alsace,
lc laste sspùce compris entre Ypres et Poperinghe et connu depuis
sous lc uom de territaire dæ lwit ytroisses, ne for'rnait qu'une
immense plaine inculte et doserte. Ccs clcux princes, par un édil, du
{0 aotit l.'16'1, zrccordent glatuitement des terres sur ce ten'itoire à
tluiconriue serait disposé à s'y établir. De plus, ils exemptent les
tcrtancicls de toute taille, de toutc exactiou (l)ct tnêmc du service
rnilitaire stuf le cas ou il s'agirail, de la déiense du pays ct' -
-
s'engageut à y bâtir des égliscs (2 ).
llenri II de Brabant fait mettre crt culture de grandes étendues dc
tcrres yirgues tlui lui appartiennent.
Jeanne de Constantinople distribue les siemes à quicotique les
reu[ cultiver. Les villes d'Eecloo et dc Roulcrs sont foritlécs sous son
règne er des lieux iucultes (3).
Peu à peu, grâce à tous ces efforts et à I'actit'ité persévérante
d'une population énergiclue, un sol profond et fertile remplace les
bois et les marécages. 0n draine les terres hurnides, orr élève le long
de la ner et des cours d'eau des digues plus solides et nieux amé-
nagées. Le iit des lleuves est approfondi, et, sur leurs rives mieux
uialrluées, apparaissent de noureaux polders. Les gras pâturages,
oir paisscnt de nombreux troupeaux de bæufs et tlc blebis, se multi-
plient rapidement. Enlin, se montt'ent cle niagnifirlucs charnps de
oéréirlcs ct delin (4)et le pays dcs Flartdrcs, areo tout lc centre ile
ll Bclgique, deviertt insensiblernent I'uue des plus bellcs et cles plus
riches corrtrées de I'Durope. En mêrne tcmps, le clirnat s'adoucit, Ies
lourds brouillarcls des époques précédentes dcvietuient moins fr'é-
rlucnts, les pluies moius persistautes, les hivers moius rigoureux.
La propriété foncière, ses translormalions, sos conditions d'exploita'
tion.
- Pendartt la période féodo-communale, il exisl,e trois cratégo'
lics dc propriétailes terriens : Lo Ic clergci, tant séculier que réguliet';

(tl,) E.raction est ici pr"is clans son sens propre ( action d'exiger ce qui est dft ).
(2 ) Voir W.Lurnns, Libcrtés contmun&les,, page 56.
( 3 ) Yoir \Yrutnns, page 726.
(4) L'élève tles brcbis et la culture tlu lin devaicnt tlonner plus tard nais-
saice aux deux intlustries principales des Flandres, la fabrication du drap et
celle dc la toile,
308 HISToIRE DES BELGtss ET DE LEtiR cIvlLIsÀ'IIoN

1o lesnobles; 3o un certain tombre d'hommes libres des villes ayant


réussi à conserver leurs terres, et quelques bourgeois enrichis qui
ont racheté aux Juifs les domaines engrgés à ces dernicrs par cles
-'#iJi:rïilfàiJi;",irres,
ra propriéré des rerres se mainrienr par
I'effet du droit d'aînesse. L'ainé n'hérite cependant pas tle tout le
domaine, mais seulemen[ du titreel" du manotr ({) paternels.
Les propriétaires des terres acensées, après s'ôtre lougtemps con-
tentés de réclarner de leurs colotts le payernent, d'un faiblc cens,
exigent ûrL surcenE des terues lcs plus feltiles. C,e surcens, lorsqu'il
est payé en naturrc, et c'es[ le mode de payemcnt Ic plus oldinaile,
forme le champarf, qui peut consister dans la 9e ger'be, la 3e, Iù 40,
la 7c, etc., récoltée sur un champ. Lorsque semblable obligation
existe, le censicr ne peut se dispenser de cultiver sr ferne, car alors
le propriétaire serait déçu et trornpé.
Longtemps, dans les concessions de terres faites r des hommes
libres par les glands propriétaires, le contrat rcsle mùlatéral; loul
exploitant d'une terle coucédée par acensement ou ôr, chantporf peut
I'abandonner du jour au lendemain. Mais peu à peu, 'i côté de I'accn-
sement et du charnpart, s'iutt'oduit le bail it, t'aûe oû arrenlenient,
contrat bilntërsl qui engage à la fois lc propliétaire et le fcrmicr'.
L'arrentement cst une r-éritable vente de propliété dont Ie prix est
stipulé sous forme de lente perpétuelle ou viagùre (9). Drrns sa
pauvreté, le paysan n'a pas d'autle mo.l-eu d'lcquérir la tcn'e. Le
bourgeois cnrichi, qui achètc à tout prix Ies terres à vendle, en
rend I'acquisition impossible au oampagnalcl. Il n'cxiste, pour le
paysan, qu'un seul moyen d'arriver à la possession du sol : c'cst qne
le propriétaire répartisse le paiement du plix d'achat sur un trôs
grand nonl-rre d'années. D'un autte côté, le bail à rente, qui corn-
porte pour le premier I'engagement de pâyer au bailleur une rente
perpétuelle, héréditaire et irrachetable, fournit iru propriétailc un
nroyen licite, le seul cxistant à cette époque (3) de retirer un intér.ôt
de son capital foncier. Le paysan peut rinsi posséder la terre. l[..ris
lolsqu'il la vend à son tour, elle demeure grevée de la premie\r.e
rente, ce clui cn réduit néccssrirement la valeur. Plus tard, à la suitc

( a ) k manoit , c'est le châleau et les terres du dotraine principal.


(2 ) tsn.tnlrs, Essai sw' les ofasses rurales, p. t43.
(3 ) L'intérô t était alors synonyme d'usure.
r'ilIps Hrsl'0lllCI{r'Es. piiRIODE FÉ0D0-c0u}ruNÀLE 309
-
dc r-entes successives, Ics terres sc trouveront grct'ées de telles
lentes que personne ne les voudra plus aclieter. Au xvre siècle,
clésireux d'obvier i\ une situation plcine d'inconr'énients, Charlcs-
Qrrint les déclarera rachctables aa denier trente et I'irrrentement
disparaîtrr (ordonnance de Charles-Quint dc {598).
Indépenclamment des petites parcelles exploitées par les serfs,
il existe dcs étendues dc terle plus considérirbles, dépendant des
:rbba1'cs, ilos cliâteaux ou môme des citaclins riches, ainsi que nous
I'irvons dit plLrs haut. Ellcs sont exploitécs par des fermicrs, tantôt à
nri-fruits, c'est-àr-dire moyennant I'obligation de remeûl,rc au proprié-
triire lii ntoitié de Ia récolte (bail i\ métairie);tantirt moyennant un
cclts &tr;nrel, en argent ou en nature'. Lc cens en nature doit êtrc porté
dirns la grange du propriétaire. Il consiste en unc gcrbe sur six, sur
clix, sur onze, etc., (bail à champart, au (errage, i\ la gerbe). 0n
dortrtc parfois t\ ces terres le non defiefs tl'arlisans, mais plus souvent
cclui dc ænses.
Le prix dc la terre à cettc époque est asscz di{Iicile à évaluer. 0n
srit cepcnrlant qu'en Fltindre, au xrne siècle, le bonniel de terre
rlablc valait din marcs ({ ) et lc bonnier de pr'é trois fois autant.
Dlns lcs villes, la population, qui grandit rapidenent, s'établit le
plus souvent dans la scconde enceinte.
D'ltabitude, I'ouvrigl irchète au propriétaire la jouissauce per-
pétuclle d'un tcrraiu oir il se birtit une maison. trlais pour obtenir
cctte faculté, il s'cngage aussi au paiement d'une redevance ou cens
qni consistc soit en une somrle d'argent, soit en objets de la[ure :
Iteurre, æufs, poules, grairts, ctc. Ainsi I'ouvrier clevient propriétaire
de sir maison, qu'il peut au bcsoin démonter.et emporter, car elle est
presilue toujours consfruite en bois.
0n acertse de h mème mauière une charnbre isolée, un grenier,
urle cavc, un étal, un banc au marché, etc.

TITRE IV
Institutions politiques.
Ce serait une erreur de croire que le système feodal ait brus-
quement dispar:u devaut,'l'institution communale. Au contraire,

( { ) te nrarc d'argent valait environ cinquante francs de notre monnaie.


310 Hrsrornu DES BELGES ET DE LEUR crrrlrsÀTroN

les deux régimes subsistèrent parallèlenent durant de lorrgs


siècles. De rnême que l'origine des comrnunes se pertl rlans la
nuit féotlale (voir c:i-après), d. même la féodalité se plolonge
par certains vestiges jusqu'à I'anrore des temps contemporains.
C'est tlonc à juste titre que la qtériode contmmtula est souveut
désignée sous le nom de periode filodo-contnttmale.
Gouvernement central. Peutlant I'époque cornmunale,
-
le pouvoir central n'existe plus qu'à I'état de mvthe nuageux et
lointain. En fait, I'autolité des rois tle France et des empel'eurs
d'Allemagne sur les plincipautés belges n'est plus que nomi-
uale.
Gouvernement provincial, A l'époque féodale, les
-tle I'ernpire
anciennes provinces politiques de Challernagne,
comtés, duchés, rnarquisats, se sont insensiblement tlansformées
en principautés à peu pr'ès intlépendantes tlans lesquelles les
cottttesr les dircs, Ies ntarqtafs, lcs ë,uëques, etc,, exercent une
autorité eu cluelqne solte souveraiue. A l'époque communale,
I'autor:ité de ces princes s'cfface à son tour plesque complè-
tement tlevant le pouvoir des communes.
Gouvernement local. Nous allons étudier ici, avec
quelque développemeut, une iustitution clui s'est snrtout aftïrmée
à partir dn rrro sièclc, rnais qui existait dans la plrtique de la
vie sociale Jrien avant l'époque où son noln appalaî[ tlans
I'histoire. rt{ous voulons parler de la clnu?nune.
Beaucoup cl'historiens crnieut que dès la chute tle I'ernpirr.
carolingieu, donc aux débuts de la féodrrlité elle-nrêrne, il
existait tlc véritables contntr.nrcs, c'est-à-dire des associations
d'hornmes libres régies par tles keu,res (voil plus loin).
Ce qui parait confirmer leur opinion, c'est qu'on voit, dans
la secontle rnoitié du xr" siècle, plusieurs localités tl'intpor.tancc
secondaire (Hoy, Grammont, Brogue, etc.)' ell possession de
ohartes d'affranchissement. 0u peut justernent inférer tle là que
certaines localités voisines, bien plus considérables, devaient
PÉnI0DB FliOD0-COltMtiNALE 3l{
l'H]tps ITTSTORI0UES.
-
êtrc depuis longternps en possessiou des libeltés inscrites en
ces chartes.
La commune.
- l{otis avons vu naitre sous Clrallellague I'iltstitution
du tlibunal des échevins, chargri, aux cléltuts, de I'administration et
de la jnstice locales. Lorsque, par h suite, des seigneurs orgueilleux
méconnaissertt les clroits clu peuple c[ excrceut sur lui toute espèce
tl'exactiorts, ort voit souvent le corps des échevitts, soutenu par un
celttiu nomlire rl'ltommes libles, opposer une résistitnce heureuse ù
l':rutorité despotiquc tlcs bnrotis et intetnr'euir at'ec énergie pour
crnpêcher ou punir I'injustice.
D'autrc part, depuis le txe siècle, tout commerce est en quelque
solte tlevenu impossible, nou sculemertt par I'abscnce dcs voies de
comniunication ou Ie mauv:tis état tle celles qtri existettt, mais
surtout par leur rnarlquc cle sécurité. Las d'ètre rançottnés, Yolés,
rrraltraités par Ies seigneuls, douù uu grand nombre sont de t'éril,ablcs
r-oleurs cle grantls chemins, lcs marchands se coustituent ert sociétés
appelées giltles clon[ les metnbles s'ettgirgent à se prÔter, le cas
échézrut, uue mutuelle assistance et palticulièr'ement, à se déferrdre
contre les violelces et h lrprcité cles seigneurs.
De leul côté,, lcs at'tisans, c'est-i\-dile les hommes cle métier, comne
lcs menuisiers, les boulangers, les bouchers, lcs tissertutds, les
mertuisiers, s'trssocicnt dlns le mùrne but et formenl cles groupes
nornnrés corps tle métiers ou simplcmenl nrétia's.
En{in les serfs eux-mêntes, afirt tle s'entr'iriclel et, au bcsoin, dc se
tléfendrc contrc toute spoliation, se réunissent ett sociétés, ordinai-
rerrrertt rppelées conspirutiotts ouconjuratiotts.Assez souvent toutefois,
les associations d'altisans et, cle selfs prettttenû les quali{ications
ù'anitiris, charités, puir,, frairies, ctc., termes trompeurs sotls
Icsrluels les associés cucltcnt lcur r'érititble but, qui est la résistancc
à la tyrannie seigneuliale.
Les personnes ainsi associécs mcltartt cn clnumt'n leur vie et lcurs
rcssources, ou dit c1u'elles font ou c1u'elles forment cltttltnlne' 0r, ce
mol, conllrr,ne expt'iure si claireutent el, avec hnt d'éner"gie Ie but
iruqucl on tentl, qu'il est un motlent adoiité pour désigtrer toute
cspèce d'associatiort.
il
Lorsqu'utt corntnrutter se [rouvc ett clattger, lui sufiit de crier:
(:lnumt?lel pour sevoir i\ I'irtstrut secouru par torrs les autles ltportée
rlc l'entertdre, le tlevoir tle cltacuu étrrnt de courir à la clôfense cle
I'autrc.
319 nlsronrn DES RELcES E1' DE LEUn crvtlrsÂt'roN

Par la suitc, il irrrile quc totrs les groupcs rssociôs d'une môrne
loealité, lcs gildes dc nrlrchands, les corpolations il'artisans et les
conjurat,ions rie serfs s'unissent, se fédèrcnt ( l ) avec lc tlibunal des
échcvins pour forrncf Lll)o sculc ct glirrrde associrtion d'autant lrlus
puissante que les e'roupes dont clle se compose sont plus nombreux
ct, plus iurpoltiurts. Ccttc. association dc sociétis corrstitue la comrnune
propremcut ditc, clciut le non llc talde prs à s'aplrliquel au lieu mèrne
oir ellc s'rtst constituée. (2t
Caractères généraux des keures. Lcs comrnunes ainsi
-'
folmées se hâtent cle se dortner des Àeales ( 3 ), c'est-à-tlire un
ensemble tle statuts d'aprùs lesquels se rentl la juslice et se
règlent lcs affaires intér'ieures de h localité. Ces keures assnrcnt
génér'alernent aux uretnbres de la col]llnulle:
i." La liltertti incliuidu,elle . Ainsi tout cornmunier cesse d'être
attachô li la glèlic. Entièr'ement libre cle sa pelsonne, il lui est
permis d'aller" et de yenir cznlme ltou lu,i, sentble; il n'est plus
soumis at droit tle potu'suite.. Il peut se marier sans êtle astreiut
àen obtenir tl'al-rord I'autorisation rl'un seigneur capricieux, sans

(l) ft.ftdu'ei', s'allier, s'unir. Se dit d'états ou tlc socié(és. La fétlér'atir,'n


consiste à faire une grande société de plusieurs autres, sans détruire l'olgani-
s:rtion des sociétés participantes.
(9 ) Ilconr,ient rle remarqucr que chacune de ees qualre catégories d'associés
n'est pas uécessaireueut entrée datts l:r coustitution dc toutes les conrmunes
lirimitives. Il a sulll le plus souvent qu'un de ces éléments se donnât une keure
ou reçùt une chartc pour qu'uue nouvells comrnune existàt. Les premières
communes ont rrtrlle, en général, successivement rcvètu divers caracteres.
Iilles onl, é,1é m'istoct'tttiques a l'époquc de la toute-puissance du tribunal cles
elclrevins, bourrleois<'s lorsrlue les gildes de marchanrls se font représenter au
sein tf e I'administralion communale par le corps des jurés. IJnfrn démou'rttklues
et nrôme il(nmgoeirlues, lolsque les colporations d'ar'lisans ont conslilué le
commun cortseil de leurs délégués ou sc sont emparées de toutc I'atlministration
cn excluant de cellc-ci quicouque n'élait pas afïilié à un metier.
Au congrès arcltéologique de ,t891, 1lI. \'anderkiurlere, tlans un rapport sur
les origines des iristilutions comnunales, s'est lallié à la thèse nouvellc qui
consiste à donner cornme point dc départ à la constilution de Ia commune Ia
concession tl'ttn nrurt'hé pct')n(ilent. Le seigneur faisait, planter sur. la place unc
croix qui tlonnait au nrarrrhé le caraclilre d'une propriélé royale ct Iui octrovait
droil, d'asile. Dcs corpolations de marchands se formaient aulour de ce nrarché
(xte siùcle). Les marchartds se ttouvaient ainsi souslraits au tribunal franc tle
la centenie, et peu à peu se folmaient pour eux le droit public et les coutumes.
(3) Du flantaud heus, t'ltoi.t,
'I'EIIpS HrS'I'0RIQUDS. I)DltrODn Fti0D0-C0trùtuNÀLE 3t3
-
ôtre terru de lui payer de ce chef un, droit de, nwiage ou tlc
litrmariage.
2o Le ù'oit de proprietti. Les comrnuniers cesseut d'ètre
rttuitmtortables. Ils peuvent accluérir des biens et ceux-ci leur
appartienuent en toute propliété. Ils penvent hériter, tester.,
t'ertdle, cornmercef.
30 L'prtmlrtion tles charges seruiles et Ia dëterminat'ion bien
eracte des redeuances umqu,elles ils sont astreints. Les commu-
rriers ne sont clonc plus soumis, ni aux clw,ntparts, ni aur
bnnulités,' ils ue sont plus tuillables ni coruéables à merci.
Acquitter les taxes locales, Iibrentent titublics par les magistrats
comrnunaux, et sur lesquelles se prélève le montant tle la rede-
vance fixe due au seignenr, à ccla seulernent se boment désor.-
rnais leurs obligations pécuniaires.
4o I-,â frarclûse (Iibertti) atlnùnistrutiue. L€s conlmultes
tlésignent elles-mêmes les rnagistrats chargés tl'administrer les
biens et les reveltus colllnunallx, cl'établir les taxes, de les
r'épartir, cl'en r'égler le motle de perception, etc. Elles ont une
csisse pour consel'vel' les foncls commurlaux; un sce(nt ({)pour
Iégaliser les actes passés en lcur nom ; tn lteffr'oi pour les garder'
et pour recevoir les ar;lLiues; enfin, daus le licffi'oi, uns lrarrc-
loryrc ov clorlrc de ban poul. sonncr les appels aux arnes et aux
assernblées puliliques.
:.io La {ranchise jucltciaire. Toute commnne possètle sol}
lrillunal tlcs échevins. Chaque habitant est uniquement justiciablc
de ce tribunal et uon plus de juges quclconques désignés par Ia
firntaisie cln seigneur. Chacun est jngé par loi et sentence,
fjn L'inuiolabilitti dn domicile. Pauvre homme en sa maison
est roi. Ni le bailli du seigneur, ni le seigueur lLri-rnêrne n'en
peuvent franchir le seuil sans uu mantlat des êchevins, mêtne

( I ) Le sceau apposé sur un acte, engage toute la commune c'est comme si


I
tous les bourgeois I'avaient signé.
3|,,4 IIIsToIRE DES BELGES Bt'DE LEUR cIvILISrtl'loN

pour procétler à I'arlestation tl'un coupable qui s'y serait réfugié,


car il irnporte d'éviter tout acte albitraire.
7' L'eren4ttion des epreuues jutliciaires. Cette institution dcs
siècles ct'igrtorance et de barbarie, le ternps et le simple bon
sens en tlérnontrent I'ineflicacité, I'absurtlité. Les comntuniers
éplouvent pour elle nne inviucib'le répulsion. Dès qu'ils s'étnatt-
cipent, I'un tle leurs plemiers soins est d'eu proclarner la
suppression. Parlout, ils la rernplacent par la pr:euue testinrc-
niale.
Iintitutiott du seruice militaireàla tléfense tlu tenitoirr,
8o Lu,
à un temps et à une distalce dételminés. Les communiers ne
tiennent pas :i lisquer leur vie pour tles intér'êts etrangers, sinon
opposés aux leurs. Ils refusent tle prendle part à tles expéditions
lointaines qui les forceut ri négliger leurs affaires sans leur'
l'apporter aucun îvantage.
À ces plincipaux privilèges, inscrits clirns lcs premitircs keures, se
joinrlrortt bientôt, p'ar voic de conséquence. tlcs at'arttages sociaux
cortsiriérables, tels que l'égrilité eivilc à peu pr'ès cornplùle cle I'hornme
ct de I:r feirime, I'égalité des enfants devnul, la loi, I'acccssillilité cte
i
tous la propt'iété ten'itorialc, etc. Pour en assurcr le respect, les
communcs organisent des ntilices, entourent leul ville rlc hlrutes
rnuraillcs et dc fossés profoncls, lir protègcnt prr tt bourg (,1) ou
chirte';ru fort. Dt cc ne sont point li\ rlcs précautions iuutilcs, car les
liber"tés inscrites dans les lieulcs sont souvcnt contestées aux
lioulgcois. ;\lors, la lutte éclate entle lir colllll)une et, le prince. Si
celui-ci triourlilre, la conmunc est détruite, du moins momentané-
ment.
Âu contrlirc, si la comnune I'emporte, elle ne sc contentc plus
d'unc lieulc tacitement ou verbalement eotrsentie; ellc exige de son
seigucur I'octroi d'une charle, c'est-à-tlire tl'un ircte écr.it, ofïiciel et
authentiquc, revôtu de la signature et clu sce..'ru du prince, qui recon-
ruaît folmcllerncnt les privilèges déjà inscrits tlans la lieurc. Âinsi lir
chrltc tlonnc I'existencc légrle clc Ia conrnune (9).

(4 ) D'oir vient le nom tlc bou,rgeois donné aux habitants des communes.
(2 ) Y a-t-il véritablement lieu rle rlistingrrer entre la keure et Ia charte ? ces
TE}IPS TIISTORIQUES. _ PÉNIODE }-ÉODO-CO}I}IU|{ALE 3{5
Parfois cles seignerlrs, erl pressant licsoin d'argent, r'endent à Ieuls
lujets dcs privilèges que ceux-ci fon[ consigner dans une charte
(chlrrte de IIuy). ltiris il irrrive ilussi quc des chartes sont spontané-
uellt irccol'dées, môme àr titre gratuit, par des seigneurs qui voient
lvirntage a le faire, Ie cléveloppemeut de la liberté leur paraissant
propre à favoriser la prospérité du piiys et particulièrcment I'essor
de I'agricLrltule, de I'indush'ie et du commerce, chosc lvlntagcuso
pour eux (charte de Gramnont).
Traits généraux de I'organisation intérieure de la com-
mune. (1)
- Les conrmunes belges du xrv. siècle sont de
véritables républiques autonomes. A de faibles restrictions
près, elles jouissent tl'une entièr.e indépendutce politiqtre, adm,i-
nistratiue et ju,diciaire; elles forment ùes persoturcs tnl?.ttles et
leuls bourgeois sont des citogens liltres duns Ia cummune ùùé-
pendante.
L'indiltendance politique des communes est caractérisée pâr
Ieur droit de se fétlér'er entre elles, tle conclure des traités tle
paix et de commelce, tle battre rnonnaie à frais communs; par
celui de faire la guerre aux autres communes, souvent leurs
rivales, et aux seigneurs féotlaux qui, après avoir violé leurs
flanchises, refusent tle se soumettre au jugement de leurs
échevins.
L'intlépendrtnce ndmitûstrrttiue rJes comlnunes s'aflirme par
les institutions suivantes, que I'on trouve chez la plupar.t d'entre
elles.
l. Un nr,agish'nt (2) composé :

termes ne sont-ils pas des expressions di{l'érentes d'une seule et même chose
ou Iakeure est-elle plutôt spéciale eu pals flanrand, Ia charte eu pal's wallon?
( I ) Bn réalilé, I'organisation intérieure des communes belges a varié non
seulement de principauté à principauté et tl'une localité à I'autre dans une
môme principauté, mais encore de siècle en siècle et presque d'année en
Il est donc très diflicile de piotluire un lype
annee dans certaines d'enl.re elles.
de constitution communale interne auquel on puisse rapporter toutes les
autles, même en des lignes générales.
(2) 0n tlonnait alors le nom de nzaelistrat à l'ensemble des magistrats
c_hargés de rendre la justice. Le magistrat était donc composé des échevins ct
du bailli.
i
3t6 Hrsrornn DEs BELGES Er DE LEUR crvrlrsA'l'roN
I
Lo D'un bnilLi, (tr??,rltutt,
nttûetrl', écotttete, etc., reprOsentar[
et exerçant auprès tle la conmune une mission ,\
::,iffiirin
Le bailli a pour attributions : a) tle poursuir.re les coupables
en matière judiciaire, tle procéder à leur arrestation et de faire \

exécuter au nom du prince les sentences portées contre eux par


le magistlat; à) de présider, en rnatière jucliciaire, le tribunal'
des échevins, saus avoir cependant voix déliliérative dans les
sentences prononcées : il se borue à poursuivre et à requérir,
remplissant en qrrelque 'sorte I'office de rninistère public; c) de
commander, dans les guerres cntreprises par le prince, le con-
tingent des milices colnmruales, qu'il ne peut jamais level
d'ailleurs saus I'autorisation du conseil de la commune.
2' Du clrlts ou, tribnnul cles t;,clm'ins, clont le nornlire varie,
suivrnt les villes, tle cluatre à quatorzi et môme à trente-neuf.
(Gand ).
Prirnitivement, c'était une institution aristocratique. Les éche-
vins fureut successivernent : a) nommés à vie par le prince;
D) héréditaires dans certaines farnilles ; c) enfin, renouvelés
lrnnuellernent par un collège d'électeurs. Bn certaines villes, ils
lre furent plus r'ééligibles, lenr rnandat expiré, qu'après
nn intervulle d'un an. Toutefois, rnêrne au\ tenrps les plus démo-
clatiques, Ie tlibunal des échcvins reste surtout cornposé tle
menbres appartenant à la noblesse ou à la haute bourgeoisie.
Le peuple abandonue volontiers âux grands le privilège de
rendre la justice. C'est que I'oflïce de juge exige une certaine
cultnre intellectuelle, des connaissances juritliques étendues et
une suffisante indépendance de position, conditions qui se ren-
contrent malaisérnent dans les classes inférieures de la société.
tr)'ailleurs, le peuple possètle ses tribunaux pl.opires, Ies conseils
dc jurés des métiers.
Le tribunal des échevins avait commencé par concentrer
cntle ses mains tous les ponvoirs : législatif, atlministratif et
TEIIpS HrSTORr0UES. r,ÉRr0DE pÉoD0-c0]rlrr.NÀLE 317
-
ftliciaire. A nesure que se rnultiplient les cbnquêtes de la
démocratie, il
voit réduir.e ses attributions. Elles se bornent
finalernent à I'exercice de la just'ice ciuile. Cepentlant les éche-
vins continnent à recevoir, comme font aujourd'hui les notaires,
les actes de vente et tle rnlriage ainsi que les testlments.
3o D'u,n ntu'itre à tenryts. Dans un grantl nombre tle loca-
lités, il existe deux magistrats élus dont les fonctions, généra-
lement annuelles, col'respondent à celles de nos bourgrnestres.
0n les appelle rJes ntaitres ù, tentps (l).
LorsqLre les échevins ont à traiter tles questions politiques,
atlministratives ou fiuancières, ils sont présidés par I'un des
tnrîtres à ternps. L'autre présitle le conseil des jurcs dont nous
allons parler. Les maîtres à temps commândent en outle les
milices comnunales levées pour une cause exclusiverneut com-
munale.
II. Un, corps de contetllers, ju,t'és ()tL clnsaufr
L,e nombre tles jurés varie de quatre â trente et plus. Ils sont
choisis, le plus souvent, par les échevins ou les grands bour-
geois, parmi les habitants les plus ,considérables de la com-
rnune : le conseil des jurés est donc une institution bourgeoise.
Il a tlans ses attributions le Ttouaoir tegistutif (en partage avec
le prince, le triliunal tles échevins et le commuu conseil \,\'uclnù-
nittratiort, Ttublique et la justice criminelle.
III. Un catnnunt conseil ou, Iarge conseil,
c'est une institution démocrrtique, comprenrnt tl'ordinaire
un certain nombre de tlélégués des corpor.ations ouvrières.
A Liége, jusqu'en 1684, les gouverneurs et les jurés de chaque
rnétier feront de droit partie tle ce conseil dont les rnembres
sont, à certaiues époques et en certains lieux, au nornbre de
plus de cent.

({) Ils portaient àGand Ie nom de prctnier ëcheuinrà Tournai celui de grand.
préuôt,
3{B IIISToIRE DEs BELGES ET DE LDUn clvlltsÀl'IoN

Le commuu conseil r, lu dans ses attrilrutions et au


Ttolice
le Ttouaoit' Iégislatif, en partage avec le conseil des jurés, I
tribunal des échevins et le prince. Son influence varie nécessai-
rement avec les vicissitudes éprouvées par I'itlée démoclatique.
IY, Le grand conseil tle Ia czntnutne.
Le prince ne peut rnodifier les lois ni les chartes sans le
consentement du grand conseil de la commune, formé par la
réunion des trois corps précédeuts (types: Ypres et Anvers).
Il ne peut les rioler sans s'exPoser à voir aussitÔt éclater ulle
insunection légale, tout au ntoins, par Ie refus des subsitles
et de divers services, une résistance passive souvent plus tlan-
gereuse encore.
L'inclépenilunce judiciaire des grantles communes se tuani-
feste par le droit que possèdent leurs tribunaux tle juger
souverainement, c'est-à-dire en tlernier ressort, les causes qui
Iui sont soumises. C'est utt droit dont elles sont fort jalouses,
urais clue les ducs tle Bourgogne s'attacherottt de bonne hettre
ii tlétruire
.Lo contm.wle, pe|'9Tnne morale. I'a commllue, reconnue par
les chartes, est colnme un individu, comme une persollpe
jouissant de ses dloits civils. Elle est également, lis-ii-vis du
pr.ince, comme uu vassal relevant d'un Suzerairr et rernplit, à
son égard, les devoirs ordinaires do la vassalité. Elle-même
peut avoir des sertb et des vassatlx qui sottt, soit tl'autres
communes, soit même des seignettrs à I'égartl de qui elle exerce
les droits d'un Suzerain quelconque sur une autre personne, sa
vassale. D'où I'expression : Ia comnutne, pel'llnne morale-
En sa qualité tle vassale du prince, la commune lui doit aitle,
conseil et service militaile. Elle peut pertlre ses privilèges si
elle viole, dans ses rapports avec lui, le contrat féodal, repré-
senté par la charte. Pour le surplus, elle est libre tle s'adminis-
tr.er à Sa guise, tle tlaiter ses YaSSaux et ses serfs, tlans les limites
tles pactes féodaux, comme elle est elle-même traitée par le
TEDTpS trrsr0RrouES. pÉnroDE FÉ0DO-cOrrlruNALu 319
-
princc, son suzerain. n C'étaient autant d'ôtres vivants, donnant
i'investiture, reclamlnt I'ltommage, s'iuclinant devant leur
seigneur, Iuttant avec leurs égaux et écrasaut leurs serfs sous
leurs pietls , ({).
Les bou,rgeoi,s des crn?,mrnrcs sont det citoyens libru dans la
cltnnlune indépendante. En résumË, la commune tlu xtr'' siècle
jouit de I'indépendance politique et administrative et de la fran-
chise judiciaire. Ses bourgeois possèdent laliberté intlividuelle,
le droit rle propriêté, I'exemption des charges serviles, le droit
tle n'être jugés que par les tribunaux des écltevins, I'inviolabi-
lité tlu dornicile, I'exemption des épreuves judiciaires, enfiu des
droits politiques. Le bout"geois est donc Ie citoyen, liltre cl'tme
co trLnLuI ùe i n tl e4t e nd ant e,

La commune rurale.
- L'a condition des serfs des carnpagnes cst
très dure, nous I'irvon$ vu. Dans I'ospoir d'améliortr leur sort, utt
grand nombre d'entre eux s'enfuient et vont s'ôtablir soit dans lcs
rilles, soitdals la frartchise de cclles-ci, et après un tn et un jour de
résidËnce. ils sont énrancipés, le droit de poursuite s'ôteignant, après
ce laps cle temps. 0r, les communes ut'baines, en rue d'augrnenfer
lcur populatiou, aident rolontiers les serfs à se cacher. Pour empê
cher la clépopulation clc lculs seigneuries, Ics barons sc voient
obligés cl'accorder à leurs selfs des chartes, analogucs ir celles dcs
villcs.Ce sout les chartes ruralæ.
Parfois, les chartes accordées favorisent tout urt catitou. C'est une
tellc charte que Baudouiu IX concède, ell I'an {900, au Flanc de
llruges. c'est-I-dire à une communautô folrnée de quatre-vingt:dix
lraroisscs, réparties cr uII plus grand nombre de villages. Dès lors,
lc Flanc a soll tribunal des échevitts, dottt deux boulgmestres. La
comtcssc Jeattne accorde des chartes semblables, vel's /,94û,, au pa)'s
i
de \\'aes, la châtellenie de Fulnes e[ tru territoire des fJuatre'
$létiers. Les territoiles auxquels cle telles chirrtes sont consenties
folment lcs communæ ruralns.
Iin Arclenne, c'est-à-dire clans lc sud du Luxcrnl)ourg et du l\amu-
rois, la pluprrrt cles villages suivent lt, loi de Beawnont qui, sans leur

({ ) Morr,nr, La Rëuofution dans les Pags-Bat, tomo I, p. 64.


390 ursTornp DES BELcEs ET DE LEUR crrrLrsATIoN

conférer de privilèges polil,iques,.leur assure de nombrellx ayùn-


tages matériels. Ces villages, ainsi privilégiés, cortstil,uent égalerncrrt
rJes conmntnes ru,ra les.
Cf asses sociales. Lo Le souuerain et les grantls dynasles. Dans
-
les comrnunes et dans les terlitoires qui ne sout point domaniaux,
leur pouvoir est plus uominal.que récl.
2o Le clergé. Le clerge continue r\ jouir de Ia plupar't des immu-
uités qui lui ont été assurées dans le haut moyen âge. Norr seulc-
ment il exerce la justice sur ses terres, rnais il relendique une juli-
diction à la fois ternporclle et spirituelle sur toutc Ia société, qu'il
aspire à diliger seul. Rarement, il s'asl,reinf à paycr les impôts. L'in-
terdit constitue pour lui un droit rcdoutable. Rortsard, dans ,4gruls
tle Méranie, acte tl.. scène &,le caractérise airtsi :
Connais-lu, I'interdtt? Sais-tu quels résultats arrùtcront la vie iru
cæur dc tes états?

Les évôques sun toi que ce malheur relombe !


-
Fermeront aux vivants l'église, aux morts Ia tombe.
Plus d'oflice divin, plus d'absolulion;
Plus rieu, sauf le baptême et I'extrême-onction.
. Le travail chômera. Le père de famille
Ne pourra francer ni marier sa fille;
Les enfants garrleront chez eux leurs pères morts,
- Dont le terrain sacré rejettera les corps.

Extrômemcnt nombreux, les.ordrcs monrstiques des deux sexes,


bénùJictirzs, bernardins, prémontrés, norbertins,, croi^siers, francisca,ins,
dontinicains, etc., possèdent des bicns tellement considérables quc
les plinces les plus orthodoxes se voiertf amenés ù prendre des
mesurcs pour ernpècher ce qui leste de propriétés laïqucs de passer
errtre leurs mains.
C'es[ ainsi que Jean II interdil, aux ordrcs meudiants le séjour dc
Bluxelles. Pour la mùme cause, les communes se montlent souvcnt
défiantes t\ l'égard du clergé et s'attachcnt à réduire scs plivilèges
en ma[ièrc d'impôts, de justice c[ d'enscignement. Bn plusieurs
lieux, on voif les échevirts déclarer nuls les legs faits au clergé. La
.charte accordée à Louvain en {306,'défendait à tout ordre religieux
de possédel plus d'urt couvent dans la ville. Vers la mêmc époque h
commune de Bruges déclare les religicux inaptes à hériter.
La conduite d'une partie du clelgé o{l're beaucoup à reclire. Il y :r
sur ce point unirnimité d'opinions et lcs historiens ecclésiastiques
TEIIPS HISTORIOUI'S. PÉRIODE FÉODO.COUIILNALE 39{'
-
rr'ont pas fourni à ce sujct les appr'éciations les moius sér'ères.
Yan lïIaarlandt, qui avait reç:u les orclres mineurs, aflirme < qu'il 1'a
guerre pcrpétuelle entre le clergé et,le peuple ct que le deuil de I'un
fait la joie de I'autre > Jean Boendaole, un clcrc comme Yan lTlaar-
lartdt, est plus rude encore dans son Het boek aan der urahen.
3n La noblæse. Peu à peu, les granrls clynastes réussissent à briser
I'irutorité des barons féodaux, dont I'indépendance disparait. Cepen-
dant ceux-ci continuertt ir jouir, comme le clergé, d'uue foulc d'exemp-
tions et de privilèges : ils ne paieut pas I'impôt; ils sont soumis à
une jtrstiee spéciale; ils sont exempts du logement des gens de
guen'e, etc. Illais chaque jour les progrès du régime commuual battent
en brèche leurs droits sur le peuple. Les tailles et les corvées cessent
d'être arbitraires pour devenir lixes et déterminées. Partout, lc droit
tle main morte sc réduit à celui de rneilleur catel.
Ccpendant les actcs dc liolenee et d'albitraire sont encore fré-
qucrtt,s au xrrre siècle. En ses æuvrcs, Yan lllaarlandt fait aussi une
sanglante satile dc la noblesse (( hommes de ploie qui dévorent le
peuple >. < Semblalilcs à des fourmis-lions, écrit-il, ces noblds ne
produisent rien, rnlis s'eurparent salrs scrupule de ce que le peuple
a épalgrté >.
4o La bourgeoisie des uilles, comprenant les grands et les petits. Géné-
lalcment, nous I'avons dit,les prcmières keures sont aristocratiques.
Illles réseryent aux grands tous les droits politiques, sc boruant à
garantir au menu peuple ses droil,s civils. Souvent mÔme les chartes,
en émancipant les villes, y nraintienuent les diverses classes sociales
tlaus leur situation rcspective. 0n est ainsi amené à distinguer dans
les communes deux classes principales d'habitants, celle des grands
ct celle des petits, subdivisées elles-mèmcs en plusieurs caté-
gories.
Læ grunds. La prernière classe, celle dcs grands, se compose des
hommes libres vivalt sur un alleu enclar'é darts I'euccinte de la ville
ou sur une propriété soumise, vis-à-vis du prince, à la redevance clu
cens. Ordinaircment ils se bâtissent, sur un terrain dont ils sont pro-
pliétaires, ces solities maisous de pielre connues eû Flandre sous le
nom de steenen, véritables forteresses, parfois cntourées de fossés à
ponts-levis et nrunies de tours crénelées. 0n rernarque, parmi ces
hommes libres, des noblcs, de sirnplcs chevalicrs, des indust,riels,
dcs birnquiers, des commerçants cn gros. Ccs trois dernièrcs caté-
gories dc personrles se réunissent souvent pour folurer unc classe
spéciale appeléc la gilde (à Louvain, par exernple).
V. ùlirguet Histoire dcs Belges. 2l
-
329 IIIST'OIIIE I}ES BELGËS ET' DE I,EL'N CIVILIS,TT'ION

Ltrs glrrnds s'appcllent aussi pocri'lers en Fliindre, dc Ttoort (poLt),


l.elrne rltri s'applique i) toute localité contntcrr"rartte. l";r poorterii est
rlonc la courmunàuté des grancls boulgeois ({). En l}rabaut, Lrs
firnrilles patricienucs formcut ce t1u'ou appellc les lignages. A Liége ,
clles sorrt associées pttr uuisina4es, d'oti lc nom ùe uiniiue, applirlué
aux divers quartiers de la ville.
Lcs petits. La seconde classe se colnpose : n,) tl'hommes lil-rrcs
rlirpourvus dc propriétés; D) dc serfs irll'ranchis pirl lcLrls maitres ou
iryiint rrcheté lcur liberté.
- Parfois, nu set'f a5lnl cles éconortticrs
lchète uu :iutre serf e[ ]e subsl,itue à srr pcrsonnc chez le seignour
rlont il dépentl. Alors il se rend diuts une comnrune dc son choix, ot,
lrprès y irvoir hrrbité un ûll et uu jour, il y acquicrt lc droit de bour-
gcoisie
-i a) de serfs relevant du eoutte ou d'un liomme dc naissancc'
lible; rl) cle serfs sainctenrs; e) de scrfs de calupilgnc, rrutorisés par'
lcurs seignernls ir s'établir dans lii ville et eontirtuant à relevel rlt'
ceux-ci; ,r) ilc serfs échappés r\ leurs scigrtcurs ct irut,orisés, prr lrr
trillunirl des échevils, i\ liabiter Ia ville.
(les dilerses cltégories d'habitants sc confondcrtt perr à peu ell nrre
clirsse unique, forrttée de détaillants et cl'ouvriers en posse.ssiort rlr:s
sculs droits civils. Cc sont les pelits.
tsntre les grands et les petits ne tirrdc pas ir cclutcr une hostilit(,
clui lernplit de longues et sanglirntes luttes tout lc xrrr et tout lt,
nve siècle et qui ITnit, par Ic triontphe de la conlmune Ttoltttluit"e slirr
h commtrn e aris tocralitlu'e.
5o Les habitants des campagnts. Les carupitgttlrrrls continuent ir
-
r)tlc soumis au paiemcnt des diures, tlcs trillcs (ccns, champlrts,
h'anitlités, etc.), des corvées et des aicles oldiuaircs et extraortlinaires.
Cependant lcs chartes rurales et en particulier cclles de Bauclouin l\
Irrr Frirnc de Bluges et la loi de Beluruont, clrrns lc Luxeuiboulg,
(r(lulnc aussi les chartes brabançonnes clc JL'ln I.' ( '1999 ) et ilc Jcan ll
(13'19), régulalisen[ pou à pou ces chirlges. Lc solt du caurpirgnr'rrrl
dcrient rlors tolérirble tant que le scigncur cst tlisposé à respcctcr
lcs chirrtes. IlIais celles-ci girrantissenl pcLr lcs tlroits dLr pauvre rlis
que le seignenr est ntartv:ris : < L'hourme rlont lc seigneul est tlur',
tlit lc Spiegel tler Sorulcre, dc Jrtn de Woclt, rr'est, âssLrr'é ni dc sorr

( t ) Pour tlésigner une commune et son ternitoire, il anive qu'on dit :


de poort en tle urijlteid(la ville et la fi'anr:hise), prtu't ou villc pour tlésigncr
Ia partie emmurrillée, vijlrcfd ol -li'ant:hlse, poul signifier le territoire hors
tles murs.
printoru l'ti0D0-c0lItTIU\\t,ll 393
TE}IPS HIS'TORIQUES.
-
corps ni de son bictt; s'il trc donne p:.rs tout cc t1u'il posst)tle, il cst
roué tlc eoups. ))

TITRE Y
Institutions judiciaires.

plogresse lenternent. À la lin clu *'uu siicrlc,


Le droitdesgens.
- Illcul crortège habituel d'ltot'rcttrs sottt eltcorc
les gucrres prîvées ct
fréquerttes. La longue fclrtc ({ ) dcs Atlaus ct dcs Wtu'otlx, iru prys rle
Liége, en témoigne sufiisitrntnent. Â lit louguc, totrtcfois, lcs trèvcs
cle Dieu, les plix, lcs qualantainos,lcs lieures, les clilrtcs procltrisettt
un efl.et bienfrisant. Non seulemeut crlles réduisent lc uotttlire dcs
glel'res privécs, tnlis aussi celui des ilctes de violettcc. Otr cotnmeucc
à achnettre le lespccl, tlcs neutres (lc traitc de'1338 cntle le roi
d'Angletelre ct Jacqucs Yirtr ,{rtcvelcle stipulo lir neutritliLé tle lrt
Irlrrndre penclirut la guerre de cent ans). L'usagc tlu th'iipeatt blant',
signe de plix, s'introduit, i.iiitsi qgc celui des hér'luts, dont lir pcr-
sol)llc est tenue pout' slcréci,
tl'uslges locrux trallsmis pitt'
Droit public.
- De la con}ittaisOrt
la traclition avec lcs cotlcs Ôclits attciens (2) s'dltricnt lententend
for,ntées les cou,tttrncs. Dtt xtte Sièclc aU xIYc, elies acquièrent urr
ccl'titin cat'tctère de pr:ôcisiol] c[ dc stabilité : ol] colllll)ellce à les
recueillir. Les Pau,eillmrs, r'ccueil des setttetrccs lendtles par lcs
éclievins clc Liége, dateut cle la lin du xute siècle et cltt xtvc. Il existtr
au nroins uue ccutr,tille de cottl,untes dilterentcs usi[éers darts ]es
limites cle lrr Bclgiquc actuelle. La Belgique est cionc essentiellentettl
un pals de droit cotttumier. Cepetldant, jarnais I'usirgc cltt ch'oit
ronrain ne s'y perd tout à frrit. D'un autre côté, le droit canon, suiri
par les justices ecclésiast,iques, s'itnpose, même aux jLrgcs séculiels,
en un gt'irntl ttontlrre dc cilcottstatices. Dirtls les scigrteuries ott lcs
couttrmcs ollreut mtrtière i\ litige, on jtrge d'après le droit feodal.l.ts
paix proclamôes plr lcs prilces ; lcs lieures et les cirartes, Iocalcs ott

(4 ) Nom donnê aux guel'res privées en Belgique au.rnoyen âge.


(fj nroit romain; l,ois saliilue et ripuaire; capitulaires demeurés ett
viqueur; Iois 4écrétéêS au xte ct âu X11e siècle par les empereurs; principes de
rtr:oit feodal 0u de th'oit ctnon et mÔme textes bibliques de I'Ancien
Testanent.
324 ilrsrorRu DES BDLGES ET DE tEUn crvllrs.{TroN

générales ({ ) atccordées par ccs princes aux villes, aux colillttunautés


rulales et aux principautés; enfin, les ordonnances locales faites sur
dir-crses natières par les adntinistrations comntunalcs, complètent le
droit public dcs Ilelgcs au xlrc siùcle, au xluo et au xtve.
lustice publique. Lfl justice publique se rend, dans lcs r-illages
-
tlu plat pays cornmc dans lcs villes, par lcs tribunaux des ôchcvins.
Orclinairement les grantles t'illes sont lcs clrcfs de sens dcs villes
lrlus petites et des rillages qui suivent la rnôrne coutunie I eu d'autres
ternres, les tribunaur cles grandes I'illcs jugent en appel les sctttences
lcndues par les tribunaux inférieurs.
C'est ainsi qu'en Draltitnt, r'ers l3Ul, tous lcs échevinages des
petitcs localités, présidés par des maires, rcssortisscnt aux éche-
rinages de l'une des selrt villcs chefs cle sens, présidés par tut
officier du sénéchal (9). Cct officier siège :\ Bruxelles sous Ie nom
t|'annnan, à Louvait et i\ Tirlemout sous celui de nnire; il s'irppclle
baillià liivelles et à Jodoigne; écott'tète à Alvers, à Bruges et IBois-
le-Duc. 0n porte devant le tlibuual du sénéchal les appels dc ces
tribuiraux. llnfin, au somttct de la hiérarchie, se trouve le conseil
de Brabant {ancienne cour fôodrle du duc).
A Liége, les divers tribunaux ressortissent au trillunal des XXII.
Dans les grandes lilles, Irr juridiction des échcvitls, qui ne peuvent
connaître de toutcs les causes, se sul-iclivisc (3). Des tribunaux infé-
rieurs cxistent dont les juges s'appellent uintler"s (Lt Ganct ), eleehnannen,
(à Bruges), besanters (à Yprcs), peisntakus (à Ânr,crs), ctc., ct rcm-
plissent Ie rôle de nos juges de paix.
Dn Flandre, un tribuual spécial, ln nur des éclrcuins de I'lanrlre
constituée par les dôlégués des échevins de Gitttcl, Bt'ugcs, Ypres,
Lille et Douai (les cinq villcs prirtcipales), jugent les contestttions
judiciaires qui s'élèr'ent entre les communes 0u erttre le comte et

({) Les ltiis, les pai.r', les l;eures comme_ les première.s .chartcs, sont
souvent de réritables codes. Témoin la keure de Jean ler. Plusieurs édictent
des peines qui témoignent d'une transformation considérable dans lcs idées et
rlans les nLeurs. Les délits et les crimes sont de plus en plus consitléré.s
comne des attentats à I'ordre public. Ilaudouin YII, comle de Flandre, prend
au sérieux et remplit ett conscience, bielt qu'un peu arbilrairement, son rôle
de ministère public et de justicier.
(2) Le sénéchal de Brabant était le grand justit:iet rfit Brabant, délégué
immédiat du duc.
( 3 ) Rappelons que le conseil des jurés avait dans ses attributions la justice
criminelle.
TEltps IIISlORroriBS. I [tRr0DB FB0D0-00]IMUN,\LE :125
-
les comnunes. Les tribunaux flarnurtls ressorl,issent, en outre, att
parlement de Paris.
Justice privée. Trlbunaux seigneuriaux. Comnte dans la période
- -
précédente, il cxiste des tribunaux seigneuliaux cle /route,de moyenrce
ct de l,osse ju.sticc. r\u surplus les seigneurs peuvent, i\ leur volonté,
instituer cles échevirlûges ct lcs présidcr ou les ftrire présider par
lculs baillis et rnaieurs.
Trihunaux ecclésiastiques. Ils portent le nom de cours spiri'
-
trtclles or ù'officialités. Lc seul juge r'éel du tribunal esl l'ofi,cial,
ecclésiastique délégué par I'évirquc. L'ttffïcial a droib de hautc,bassc
et moyenne justice sul les terrcs clu clergé. Il juge, en outre, toute
contestatiou clans laquelle est intércssé un justiciable cle celui-ei.
Son'r'ent, darrs lcs causcs jrrgées prr les officialités, le clergé se trouve
à la fois juge et partic, ce rlui entraine cle graves abus contre lesquels
les communes luttent énergiquement.
Procédure. Longternps lprès avoir disparu tles villes oir les
-
chartes intcrdisent d'y sountettrc les bourgeois. les épreuves et lc
combat judiciaires sc rnairttieuuent eucore clans le plat pays.
Quant au clroit dc vengeance pcrsonnellc, il
commence à ôtre
conclamné par les nlænrs mêmc dans les campflgnes, vers le nilieu
clurrycsîèclc, rrprès la prix des Douze ({33i) qui termine la guere
des Àrvans et clcs Waroux. Dès ce rnoment, la justicc des tribunaux
est la scule légalcment reconnue. llais, sauf le cas de Ilagrant délitt
les offTciers clc justice lte peurent procéder à I'irrrestatiou d'uu
accusé sans un tnanclirt du tribunal des échelius. Lrr dLrrée de la prison
prér'enl,ive clle-mômc est prér'ue et déterminée.
Sous les communes , la procédule ù pout' cttractère la publi.cité ; elle
esl orale, accusatoire ({ ) et adm.et la preuuepar sennent eL par ténnins.
Cette procéclure a pour olljet de galantir à I'itccuse une justicc équi-
tal,rle et impirrtiale. Cependrnt, après avoir quelque temps clominé, la
procédure orale e[ accusatoire f:rit insensiblemenl place, tnêute dans
triburraux des communes, à I'a procéfutre inqu,isitoriale.
Voici commcni cette ér'olution s'rccomplit. Des plaids artnuels
continuaient i\ se tenir dans les cirmpagnes. Lc clergé y établit
I'lrabitudc de recherchcr; par des voics secrètes, les auteurs
derncurés ineonrtus de certaines infractions aux lois. 0n appelait

({) Se tlit de l'acte écrit par lequcl Ie ministère public motive une accu-
sation.
396 nrs'r'orRn DBS BELcBS ET DB LEUR cIyu,ISÀTIoli

ocs plairls <les stille uaarlwden ot coies uëritës. Les coupablcs dccorr-
verts, Ia just,ice les frappait sans leur laissel la libcrté de se défendre
clcr vivc vois ct, publiqtrement. Âinsi la procécltue ccsse, rlans le plat
prr1.s, d'ùt,re u.ccu,satoire, prtbliquc et orule, pour clct"enir sccrèlc eL
i,nçr,isttu-[a/c. Inscnsi]rlentettt, cettc procôclurc s'introduit cltrns lcs
rrsages jrrtliciaircs cles villes.
I)'autlc prlt, des juriseonsulte,s clc ntéticr sc substitucnt peu à
peu, dirns los tribunrrux, ilux jug'es-cito1'ens cle la prernir)rc époquc
comrnunrle, Lcs juges nolttelrux, forntés par l'étutlc clu clloiI romaiu,
;rppliqucnt lolonticls cc droit qui 1trécouisc lr plocéCurc sccrètc. Au
cours rlc lir périodc commuttale , sous Gui dc l)iirnpien'e, Ia torture
elie-rnème pénr)trc en Flanclre. illention cu cst faitc aussi clans l;r
Jo1'eusc-lintr'éc tlu Brabattt.
Le priucripe de7'a pourstùte d'offtce ({) ne pénôtre que difricilenrcnt
eû assez tartl cllns les rucnurs, du moirts cn ce qui coucelnc les
nollles runlux et lcs graucls bourgeois clcs r,illes. Avec les pâ)rsar)s, olr
se gèrre pcrr ct d'habituclc les scigncurs ou lcs l;aillis rg'issent d'auto-
rite. Longtcnrps, c'est r\ lir partic oll'euséc sculc qu'il appartienl,
d'aecusci' ct d'établir en justice lc lticrt fouclé d'unc plirinl,e.
Aussi, llcirucoup cle délits et dc erincs restcnt néccssairenient
impunis, Ics petits rt'osant pas toujours introduire en justicc dcs
:rctiorts contre les griinds. D'autrc pitt't, rinsi qu'il I'a été dit pr'écé-
rlernment, lrr jrrsticc n'est ltas gratuite colrmc rujourtl'ltui : les
justiciables iloii'ent la payer. 0n eomprctrtl clue clans ccs conditions
un grand nonrl-rlc clc gcns peu fortunés, inccrtains cl'ètle jugés avcc
tirluité, crlignent clc lecourir aux trilturutttx.
Pénalités.
- r\vcc la disparition du ch'oit tle rcrlgeurce pelsonnellc,
lir coustiltition d'une justicc ull peu régrrliùr'c ct I'introcluction dirns
lcs mæurs rlu plincipe dc h portrsuite d'ofïicc, lii clouceur cxcessivc
cles lois pénalcs clisparaît, 0n tonrbc alors dans I'excès eontraile :
lir répression rh:s clôlits et des crintcs prcncl un caractr\re vérita-
blenient férocc. Dans I'espril, du tcmps, les pcincs corporellcs ont
pour but non sculement h punitiott, tulis utrssi I'exentple. Àussi
s''.rttrrcho-t-ou i les rcndrc rigoureuses alit d'imprimer dans Ies
imcs unc ônouvantc salulaire ct à les ontoulcl tl'urt cérdrrnolill

( { ) La poursuite d'o{lice est le droit en lcrtu duquel un officier de justice,


agissant conune délégué du pouvoir social, poursuit, spontanéntottr sdrrs
attentlre la plnintc tlc la prrtic lt'sée, I'attteur d'un délit 0u d'un crime.
.I'EIII)SIIISTORIQUES. _ PIiRIODI' FÉODO-CO}I}ITINII,II 397

inrlrosant afin dc flappcr vivement, les intagiuir[ions. Ort puni[ lcs


injures, Ies coups, lcs simples infractions, lloll senlcntent dc,
I'irmcrirle, rnais dc châtinicnts corporels douloulcux : lc fouet, la
llrrg'ellltiort, la btstourtadc. Si le ccintlirmué est incapable de pa!'cl'
l';rrncnrle inpostic, il pout êtrc balni ou jetéctt plison. rllais, d'ordi-
rurire, on lui appliclue le plincipe : Qui ne tr)nlJc de sa bourse paye de
su peau.0n lui pcfce la urain, ort la lui rnutilc par I'abliitiott d'ttne
lllialirnge; on lui clèr'e les 1'cux, etc.
Emprisonnement. -- IIn génér'al, les pt'isons du ntol'en âge sont
floitles, humiclcs, nralsaiues. Lc plus souvcnt, Ies plisottuiers portcnt
iur coLr, aux bLris, à la ceirtturc et aux pieds d'énorntes cltaÎttc,s de fer.
l'longés darts I'olrscurité, rongés de velntine, parfois attaqués pal les
lirts, ils ne tu'dctit pits, si leur réclusion se pt'olonge, t\ niourir dc
plivations et clc nrisùr'c.
Dans lcs chirtcrux cxistcnt cles cachots plofoutls et tlcs oubliettes,
llroprcs à flile disparirit,rc les prisottuiers dont le scigncur rettt se
rliibirrrasser silns bluit. Disons touteiois que des alcltéologues
énriuents,\Iiollet-Lcduc entre autrcs, ont r"évoqué en cloutc I'existence
dcs oubliettes.
Il -v a aussi des prisons druts les couvents. Palfois ort cufelttte des
rcligieux coupirblcs tlc cet'trines fiiutes gravcs ett des câgcs mltçortttôes
rlrpclées uade in ltnce (allcz cn paix) ou tout sirtiplement in ytce.
Peine de mort. La pcinc tle molt est rtppliqtréc pour" lcs nttlindles
rltilits.
-
0n est pertdu pour avoir volé un mouton commc pour aroir commis
rrn liomicide préuréclité. De plus, I'applicatiou de la peine caJritalc cst
généralcrnent prôccclee cle peines supplémentaires a-vant pour ohiet
rlc renclre plus tcrriblc lrr pénrlité ilfligée. 0n coupe att concl;tmtté le
lloing, la languc, le rtcz, lcs oreillcs; otr le traÎuc s'lr une claie
jusclu'ru licu patibulirire, ctcr. Enfil, poul arraclrer a un lcc'usé qui
rric, parfois avec t'aisoti, I'avcu du clelit ou du crinte qu'ott lLri intpute,
ort irnagine la qtrcstiotr, ou tctt'lure.
lille consiste en dcs supplices spéciaux dcstinés i\ at'raclter au
p;rl,icnt la confessiori d'unc faute r'éelle 0u supposÔc.

TITRE YI
Institutions de bienfaisance.
À partir clu xrrc siticlc, la sécurité des r,oies dc eontmunicttion
rrugmcnte peu i\ peu. llieutôt lc nornbre clcs vo"vagcul's se mull,iplie.
328 Hrsrornn DES BELcES ET DE LEUR crvrlrs.{TroN

Comme, i\ cctte époquc, les auberges manquent, on est amené à


établir, sur les routes importantes, des maisons d'asile destinées r\
héberger les voyageurs.
D'autre palt, la popuhtion des villes et surtout Ie noutbre des
artisans s'accroissent au xrrre siècle dans des proportions considé-
rables. Des tablæ tlu, Eaint-Esprit
nos bureaux de bienfaisance
- insl,itutions laiques à I'instar de
s'organisent clius ohaque paroisse,
- Elles ont pour objet
jusque dans les plus petits villages. la clistribu-
tion à domicile cle vivres et de vùtcments aux nécessiteux. Des pcr-
sonnes charitables les alirneutent par leurs dons et, leurs legs.
Daus lcs abba.ves, la bienfaisanc:e continue à s'exer.cer sous Ia
forme orclinaire. lin une seule journée, I'abbaye d'Âr'clbocle distr.ibue
parfois de la bière et du pain à douze ccnts pauvr.es. 0n cite de nrêuc
I'abbaye de Postel, en campine, conrnc faisant toutes les sernlines
I'aumône à plus de rnille nécessiteux.
Loin de diminuer le nornbre des pauvres, ces abonduntcs tlistribu-
tions de secoul's ont pour effet de lcs multiplicr, car nous ïoyons
la rnendicité s'accroitre au xrve siècle au point cle cleyeuir une
calamité publique. Les efforts tcntés, à cliver.ses repr.ises,pour la
combatt,re réussissent peu; I'habitude de tenrire la main se
perpétue dans un grand nombre de familles. Aujourc|hui encore, on
pourrait retrouver, dans beaucoup de localités, irdonnées aux mêmes
habitudes de neudicité et dc paressc et encornlllant de pr'éférence
certains endroits (les ponts, les places publique.s, les aborcls cles
églises), les descendants de plusieurs famiilcs dcjà pauvl'es pal.
profession au moyen âge ({ ).
Parfois aussi, les institutions de char.ité ernploient un trop nour-
breux personnel dout I'cntretien et la retlibution absor.ben[ une
grande part clu reyenu des pauvles. Les achninistrations civiles des
communes s'élèvelt, coul,re ces abus et réclament la direction cles
services de lâ bienfaisance. Longtemps, on rcpousse leur inten ention.
a la 1in, un arrangement attribue I'inspection clc ces seryiccs et cle
leurs comptes aux communes, mais on en laisse la tlirection moralc
au clergé (2).

n 0n lrouve déjà àBruges, a-u Kvesiècle, au pont des carmes, arec


^({) mæurs
mêmes
les
et les mômes habitudes, les paresseux que nous y trouvons au
xlxs siècle. r chanoine clRrori t De I'etut ancien àe Ia nrcnàicité darrc la
I'londre Occidentale, p. 238.
(2) L Ia suite du concile de Yienne, tenu en l3l{, le pape
clément v
. TE}II'S IIISTONIOIIES. _ PIiRIODE FÉOI)O-COTIUI.INÀLB 399

Les r:r'oisades furent I'oceasiott d'un graucl développement des


institutions charitables. Ort avtit en grand,e ptrtie attribué le peu cle
r'ésulta[ platiquc de ces expéditions au tléfiut cl'organisation clcs
soins nécessaires aux rnalactes et aux blcssés : clifférctlts ordt'es
rcligieux se fondettt tlirns Ie but de supplécr à cette lacurte. 0n
clistingue :
Lo Lcs hosltitulinrs tle Saint-Jean, tle Jéru'sulem, de Rhotles ou, ile
Ifalrc. Cet ordre est, le pretuier ordre militaire et rcligicux dt aux
croisacles. Sa fondal,iou remonte à I'an '1048. Aux Yæux ordinaires,
lcs chevaliers de Srint-Jeirn joignent. le r'æu tle soigner lcs pèlcrirts r:t
cle comhattre les inlidèles. Ils occupent successivemetlt les îles de
Rhocles ct de llaltc I c'est pourquoi ott lcs appelle aussi chevalicls clc
Rhocles et clievaliers de lllulte
2o L'ordt"e lnspttalier de Saint-L&.:ua?'e ou, tles La.tarisles. Ordre
égalcrnent mixte, fondé à Jérusalem, par les croisés, au colnmence'
nrent clu xrre sit\cle. Il
a pour missiou principale de soigner ]es
lépreux, et son Grand-llaitre clet'ait, dirns le principe, frtle lui-mùme
urt Iépreux.
3o L'ordre de Ia nferci, insl,itué pour le lachat clcs captifs,
vers {900.
4o L'ortlre des cheualiers du Tenr.ltle. Ordre également mixte, dont
les commanderies sont à la fois des cout'ettts, dcs liospices et dcs
forteresses.Il es[ fondé en Terre sainte, vers 'll18. Tour à tour moincs
et sollats, les templiers se distinguertt par lcur dévouemeut dans les
hôpitaux ou brillent, par leurs exploits sur les champs de bataille.
Nôanmoins, cet ordre est plus exclusivement militairc que les autres.
Aux deliuts de sa fondation, il se char"ge particulièremeut de veillet'
à la protection des pèlerins. Scs richesses devienncnt colossales : il
possédait, rlit-ort, ueuf cenl,s manoirs.
5o Les clrcualius de l'or"dre tattoniqu'e. Autre ordre mixtc. En {{98'
un allemand très riche forrtle à Jérusalem un hôpital à I'usage des
pèlerils d'Àllemirgne. Pendalt le siège de Ptolémaïs, en 1190, les
rcligieux qui le dcsserveut sout coustitués en un ordrc n'rilitaire par
Frédéric Batùerousse et, cxclusivemen[ recluté parmi lcs membres
de la noblesse allernande. Leur costume consiste en un lltilll-
teiru, blanc ot'tté d'uue croix uoire. Apr:èS la chute rle Jérusalent, les

ordonna lui-même t rle confîer I'administration des aumôneries et des hôpitaux


à des laïcs soigneux et capables. r
330 urs'rornn DES nclcF.s nr DE LEuR crytt,rsA'rroN

r:heyalicrs clc I'ordle teutoniquc von[ couquérir la pr.ussc encol,e


pdienne.
congrégations charitables diverses. Il cxistc encore bicn cl'autr,cs
-
r:rrngi'égations hospitalières. Chacune sc consiicre d'ordinairc au trai-
teriient (l'nne nraladie spécialc, ou de certaincs catégories dc mala6es,
dc ceux, par cxemplc, qtri applrtiennelt i\ un mônie corps de métier,
ou ir une mi:ne confrérie. Quelques maisoils rcçoiYeDt SeUlement dcs
homnres; plnsicurs ne s'ouvrent qu'aux femmes. certaincs cle ces
insti[utions ont pour objet exclusif les soins à douner. aux pe\lcrins et
ilux Yovttgcurs.
Hôpitaux et hospices.
- Les hôpitriux sont assez nombreux, mais
peu inrportants. ll existe surtout un grand nonibrc de léproser,ics.
L'usilge clu linge est peu rcrprrnclu au mo,verl âge : le contact direct
des étoffss clc laine avec le corps, joint nu défaut presqrle général clc
ploprcté, engcnrlre de fréqucntes nraladies dc la peau et crée un
rnilicu spécialcrncnt favorable au microbe cle la lèpre. Géuéralemcnt,
lss léproseries sont insl,allées en cles lieux situés hors de Ia villc
ct, isolôs pal cles hries ou des fossés. Des libaucls (gens de mrru-
vlrisc lie), scr'vcnt d'iutcmrédiaircs cnl,rc los habitan[s cle la lépro-
sclie ct ccux clc h ville.
Dôs cettc éiroquc, il existc aussi ries hospices pour les vieilhrrls,
rles refugcs llour Ics pauvres et des nirisons dc 1illes repenties. ITlais
on iguore et I'on ignorera lolgtemps encoro les asiles pour lcs per-
sonnes al,teintes dc nuhdies cérébralcs.
D'oldiuaire, Ies aclministlations rlcs lillcs placent à ra campagnc
lcs olphcrlins et les enfanLs trouvés dont ils out la charge.
lhfirr, Iir bicnfaisance s'exerce eueol'o pin Ia prévo1'ance des
golporatious iutlustriellcs, qui vieunent en ride à leurs membres
llrins lc hesoin, parfois se construiseut ries liôpil,aux ct rlcs hospiccs.

TITRE VII
I nstitutions fi nanciènes.
Finances de I'Etat.- Pendant la périoclc conrurunale, aus.si bien rluc
rlrns lc's cleux précédentes, les linanccs de I'Fltat se confonclcnt avcc
cclles du princc qui tire, cl'ailleurs, de ses immcnscs clomaines lir
prrtic Ia plus impoltantc tle ses ressourccs. Toutefois, ses l.e!,enus
s'irugmr]lrtent par I'usa$e dc ccrtaines pr'érogatives, tclles que lc
riloit dc buttrc nronnaic, de vcndrc, avant tout aul,re, le produit tlc
Tulrlrs lrrsl.0trl{Juts. IrE0D0-C0}IIIUN,\LË 33t
-r'ÉltIODE
sos I'drcoltes, de sc faile clélivlcr à bls prix, clirns lcs locrlilés oir il
r.csitle, les olljcts ct lcs tlcnrées nôcessailes à I'etltret'ien de sa
m:risott. Ils sc gt'ossisscrtt encorc Pilr les dons plus ou moius volon-
1,irir,ts clu clergdt otl de la noblessc; p1r lc produit dcs con'ées
et dos
t,aillcs;par la r:cclcvi1tlcc annuelle et Ies subsiiles qui, au xwc Sièclct,

s0 substituent rlélinitivcmcnt aux taillcs clans les rillcs.


Lc plr,r'ement cles subsides 1l'est pas collsidéré comme obligatoire'
Ar','rf cl;ôtre exigillles, ils tloi'eut ri'altortl aloir' été sollicités par lc
sorrverain et r,otéS pâr lcs rualldâtaircs tlu pCtrple. Le \n'irrcenepettt
ltett:euoit" r1trcfles intpr)ts librcntent
consenlis, csl un plincipe i151:rit
dirns lit plupirrt cles citat'tcs.
Iin oltre, lc rotc des sulisicles est torrjours accompagné clc h déli-
vr iurce. pat: le pl'iucc, cle lel,tres tle non 1tr(iulice , c'est-à-dit'e
tl'uu
grûce
;rr,tc (rt.r'it fecolllli'ligs'rnt qlle I'iiide a été cOusCntio piu' ptn^e et

rrilrntlé, SanS qle lc prinCe dans I'aVettir, ittt'oqucl'Cc pl'gcé-


ltuisse,
rlr,nt comme constitlltif ti'un clroit en sa favcur.
['n nutre principe, fort pcu justilié celuiJLr, t égalemcnt cout's, ett
,u.11e!re cl'irDpô[s, t\ l'épOclrre comtnnnûle. LotiS'temps, 0n cct"htilts
Iriilir,rtrxr il lestc entenclll (ltlC ( le'pettple contribu,e tle sa lna"sc ûtl;t)
besr,ins rle l'Itrtnt; lunoltlesse, tle son sang; Ic clergé, tJe ses
prirlt"e's >r cilr
telu pOuI onércux' mùis
lc plrl'emc1t clc I'inipôt cst llOn Setllelnent
Àussi lc clelgé et lir noblesse sont-ils génér'ttle-
poirr rléshonoratit.
urrtut excmpts tlc tous lcs clroits fiscaux et en particul'rer rlcs taxes
txtrrordinaires ct ctr logement dcs gens dc guort'e. À peinc sont-ils
si)ltiltis i\ tluelqLrcs aiites peu lourcles tlont ils s'acrluittent cl'ailleurs
siuis domrnage porr etlx Cll attgtnentant les tailles dC leurs Sel'fs'
.l,a perceptiol ct I'aclministr;rt,ion des rcrellus dr-r prince sont
confiéôs, criFlandle, it lrt) corps diL clmmbre des renenThes' IIn
Bra-
li.;uit, juiqu'r-r l'éporlue d';\ntoinc tlc Bourgogrle, cctte double tirclic
cst rcntplie pilr h cott'r'ft;otlulc.
bOurgeois cles villcs tte sout sotttllis
FinanCes des communes.
1i unx
- Lestlc tollieu ('t), ni t\ la rnainmorte, ui
clroits
Iri itux llanalités,
iru droit de rireilleur cltcl. Lcs seules charges qui leur incottrbent
soltt les taxcs régulièrcrncnt étrblies par le r:ouseil de la commutte'
}lllcs constituent un s-vstùmc cl'impÔts tlont lc produit est directe'

({ ) Sorte d'irnPôt que I'on prélcvait, au moyeD âge,.sur les narchandises


une autle
transportécs Par terre ou Par mcr. Noris arons remontré, plus h:tttt,
acception de ce terme.
332 luslolnE DES BBTcES ET DE LEUR crvrlrsÂTroN

ment velsé par les habitants i\ Ia caisse cornuunille ct sur lesqLrcls


on pr'élùve la redevance collective i\ p:ryer. au plince.par la conr-
lllune.
Lcs rccettes des commulies consistcnt surtout dans lc prodtril, des
rentes; dans les droits pel'çus à I'occasion de l'usage dcs halles,
marchés, boueheries, ctc. ; en{in, tlans les clroits d'accise sur le blé,
le virt, les liières, etc.
Le systène de pelception de I'impôt, est d'ordiuairc l'nfibrtnage. Si
la cornruunc a bcsoin d'algcnt, elle vcncl des rentcs : c'est alols lc
mode d'emprunt usité pour les administrations publiclues.
Les dépenses cornmunales courpoltcnt : 'lo la rcclevaucc anrruellc
due au prince ct les subsides qui lui sont consentis ou offcr.ts ; 2n lc
budget de la police; 30 les clépeuses lelativcs rrux travaux pubrirs ct
à Ia défcuse de Ia commune ; 4o le pa)rcnient des intérôts de lir clcttc
publique;5o les flais d'administration et d'habillement des magistrats
ct fonetionnaires colrllnunaux ( .1 ).
Primitiventent, la rcsponsabilité Iinancière des échevins u'existrtit
pas, et Ie fiit s'cxplique par cette circonstancc qu'on acquittait, gclné-
ralemenl les taxes courmunales au mo.Ten dc corr'ées ou pnr dcs
payements en naturc, ce qui rertdait lcs nralvclsirtious difficiles ct lir
tenue régulière des conrptcs salls grande utilité.
Quand la population et, Ia lichesse publique s'accroissent, qu'oll
élève cle somptueux édi{ices oomnmrlaux, qu'il existe des serrices
publics irnportants et un nomlxeux personnel de fonctiounaircs
rétribués, les choses charrgcnt. 0n satisfait, llors ù I'irnpôt, pirr dcs
verseùreuts en argent. Les actes de concussion sont à craindrc : on
juge prtrclent tle nonrner des recercurs ot trét;orier'.r responsiihles,
dont les comptes sonf pér'iodiquement r'érifiés. Vers {3J0, or} clt
compte quatre pour la seule I'illc de Gancl.

TIÏRE VIII
lnstitutions militaires.
Les forces militailes d'utre principauté colnprennent : {o Lcs
lmntrnes d'annes noblcs ou manants tirfu tlu, tlomaine purticulier
-
tlu' Ttrince. 2o Les seigncu,rs, ses aasiaun,
- suivis cles honrmes d'illrrrr_.s
lcr'és dans leurs seigneuries. 3n Les nilices rcntmtmures. Elles nc

({ ) Tous étaient vêtus aux frais de la comurune.


TEtrps urs't'0RrQuris. pÉRroDB FÉ0D0-0Ou[IUNALE 333'
-
rloivcnt le service militaire que pour la défense du terriioire' pour
un tcmps et dans un ra)'oD clételrninés. ûrgiinisées par corporations,-
elles rnarchent au combat cornmandées pat'Ieuls do.vens et sous lcttt'
propre bannière. Clraquc métier a sou costurtrc clistiuctif. A Gud, les
lioulangerssovêternt cle blanc; les bouchet's, de rouge et clc blett;
les poissonniers, de rouge ct clc blzrnc. Les nrilitres comtnunales
comprennent de I'infantelie
- les métiers - et cle IaeLcavalerie,
formée par les bourgeois les plus riches lignages
qui s'équipent à leurs fiais, clteval compris.- ltoorrerii
L'organisatiou
-nrilitaire des communcs rrrie cl'ailleurs d'une localitô à I'autr'e.
A Liége, les solclats citol.ens .co groupcnt par vinirvos; ir Druxelles
et à Louvain, par lignages. Ils se réunissent à Gand par qtrartiers
ou par paroisses (Jacques Yan Artevelde était clpitirine cle Ia
paroissc de Saint-Jean). En cas dc gueue pour unc cause c-rxclusi-
vement communale, leS milices sont plaCécs Sous le COmmandCnlerlt
en chef d'urt ntaître à ternps (r\ Liége) ou d'tttt capitaine général
(à Gand ). En d'autres circonstances, le cotnmandement en chef
reviertt arr llailli. 4, Les serntaxts ou confréries nilitaifes. Ce sont dcs
compagnics d'ôlite au sein dc I'organisirtion militaire assez primitive
rles comntuncs. Leut's niernbres, pris dans tous les métiers salls
distinction, jouissent d'une grandc réputation dc bravoure et
rl'habileté. Ils s'exercerrt, régulièrement au mattiement des al'ilres
et font effort pour clemeurer à la hauteur des progrès réalisés dans
I'alt militaire. Lorsque leurs catlres sont complets, il sc forne, iI
côté, de petites confréries clans lesquelles lcs griiudes se t'ccrutcnt.
Le but dc ces corporations, exclusivement militaires, est de cléfenclre,
uou les intérûts cle tclle otr tle telle corporatiou, triris les franchises'
de la commune tout cntièrc. Âu besoin, elles aident i\ maintenir
I'ordre intérieur, font le guet, montent la garcle aux portes de la
lille, assistent aux exécutiorts capitales, etc. 0n les appclle serntents
à causc clu serment prùté par leurs tnentbres aux statuts tle li:r
cotfrérie. Chaque serment a ses statuts, sa banrtiùre, soll héraut'
son local, son tir, sr chapclle particulière, etc, La pltrpart obticrtnettt
tles privilègcs reconnus par dcs charl,cs écritcs. Au nombre des
plus célèbres furent les arbalétriers de Saint Georges et les arclrcrt
de fiaint-Sébastien, qui existèrent dans urt grand ttonibre de com-
mulles. Plus tard, au xve siècle, il se formcra aussi des serments
ù'arqu,ebusriers dont les membres seront armês tlc I'irrquebuse, et de
c.anlnniers, chargés de faire le service cle lir grosse artillerie. Dans-
les sernrents, les capitaines élus portent le nom ùe sou,ueratns ou de'
334 lrrs'r'onul DES titiL(;l:s E't Dlt LELiR ctvtlls,\1'l0N

rois. Tous lcs ans, ordinliretneuf le jour rle l'éleclion, lcs selutctrts
célèblent, alec grâlt(le ponrpc, tlcs fùles qtti, lc ltltts souveut,, str
trunsformcnt en r é,iouissltnces publiques.
À partir cle la bataille tle Courtrai, où Ies niliccs communalcs
llattent ln clter.alcrie frauçaisc,le r'ôlc de I'infirnterie clevient préport-
dér'ant. La chevalerie tend dès lors a dispirrtitre. Placée crttle les
princes ct ics griutdcs comlilune$, lir noltlesse llc peut nanqucr
rt'titre écraséc.
gens des niétiers lorsqtt'ils
Solde.
- Une sokle cst rttribuée aux
sont sous les arrnes. 0n la douLrle les jours oir ils plenrtcnt palt ir urr
assrut.

1'ITRB IX
Philosophie a monale. Gnoyânces neligieuses. -
Supenstitions populaiFes.
Sciences.
- Pcrsonrre ne possticle des cortnaissallces réelleurcnt
scienti{iqucs. Dutts les ltautes écttlcs, lcs plus savantcs cliscussiotrs
ne sont quc clcs disputes dc mots ct le.q scienccs rtatur.ellcs restctr[
r.russi i gnot'iies que I'ltistoire.
Lcs scicurrcs exactes clles-urt)utes, lc ciilcul, la géonétlic,
I'ulgùl-ue, lir statiquc et I'optitlue, qui, iiu mo.veu itge, avticttt attcint
un degle d'ù\'ancernent dont témoignertt les nagniliques cathéch'irlcs
rolnillles on gotlriclues de l'éporluc < ét,aietit uroius I'objet ti'un
cnscignemcuf spécial et public que d'utte étucle irtdividuelle ct
isolée, soit u I'ombte des cloitres, soit dirus lcs cortfrét'ies d'lrtisatts
tlui r:ouselvuieut rcligicusement les tlaclitions dc lcurs pr'étlc-
cesseurs. Lliins les centrcs univelsitail'cs, on négligeitit, généralentent
lir science platiqrrc poul' tle s'occultcr quc tlc la scietice spétula-
tive. > ('1 ).
Philosophie.
- Cependaut ls nlourelltellt ltltilosopliique qui sc lif(F
duit en Europc du xue Llu \tv(' siùcle tt'est pas situs produile quelques
homnies lerriarquables. C'est alot's que se r'éve\lent les tiotns célùlircs
à divcrs titres de saint, Tltomls (9), de Duns Scot (3), clc lliryntotttl

({ ) L,lcnoIx , Sciences et letttcs utt, tttotlen r?rlc, p. 88.


(9) Le plus grand théologientle l'Eglise d'OccidettI et le plus gt'and ltltilo-
sophe tlu mol'en âge. Religieux dominicain, né daus le royaume tle Naples
(.t225-l9Ti). (3) Ànglais né vers '1974, mort I'crs '1308; pltilosophe et
-
I'EIIPSIIIST0nI0UES, PTiRIODEFË,0D0-C0HlIt,\.\Lr.r 335
-
Iulle (4J, tlc lToger Biicon (i ), cle Guillaume Occam (6 ), de Tauler (7),
dc ltuysbroecli (8), de Jeirn Gersou (9), etc. Toutefois, sous le rirpport
philosophique, l'époque comn)unale fut surtout, comlnc le dit Lcib-
nitz, une époque cle trirnsition, uue époquc de long et incertain
tirtouncntcnL. r\u surplus, il ne se répercute en Ilelgirlue qu'un éclto
très affaibli des luttes intellcc[uelles sou]er'ées pal les pcnsculs clont
uous ilvolls cité lcs llorns glolicux.
Morale. Tltéoliquement, la molalc chr'étiennc domine iru cours
-
dc ce{,te périocle dans toutc I'liurope, mais ellc est fort pcu mise crr
pratitluc. Lcs mæurs sonI univelsellement rcliichées. Lcs souvcrains,
lcs glirncls, ule partie clu clergé donnent le plus dôtestuble exenplc.
Daus toutes les classcs de lii société, le libertinagc est fréi1uent. <Le
moyen irgc rnanquc dc pucleur et de délicatesse n ({0).
Croyances et pratiques religieuses. 0u est profontléntent croyant;
-
ou assistc tous les jours à la mcsse et au scrmor); oll obsclr'c, r-irr
sanctifie stlicternent les fètes ct ilimanchcs. Pcrsonnc, uou plus,
rtc tlavlille le samedi aprt)s-nricli, spéeialcrncnt voué ru cultc rle la
llèr'e de Dieu. Les oil'randcs u la Yicrge et aux saints sout abon-
dirntes, les pèlelirtages norni)l'eux. Pour ptrnil les infractions aux
constitutions locales, les communes condamnent à de lorigs voyirgcs
à Saint-Jacques erl Galice, en Terre saiute.
À clc certaines élioques dc I'annéc, le clergé olganise dc,s proccs-
cessions bt'illantes auxquclles tout le urondc est fier d':rssistcr : lcs
rnagistrats commul'ri1nr, les seLmcuts, lcs confr'ér'ies, lcs milicrs, crr
corps et, dans leurs costuncs officiels.
L'irttolérzrnce est extlt':me et unilcrselle. Vln lllalu'l:rndf lrri-mêrnc
émit que quiconque ue croit pas a lir Slintc-Tlinité nrérite lc I
birr:her.
Il se passe pcu d'annécs oùr I'r.irl
ne signale rluclque mrissacre ilcs
b religion ou aux choses corlsir
.luifs. 0n lcur impute clcs outlagcs à
crées; on les âccuse d'cmpoisonrtcl les soul'ccs, ('drgorger ics

théologien, surnommé le rlocteur subtil. (4) Philosophe et alchimiste espa-


gnol({935-.13{5). anglais,- né en,l9[4, mort rers .199/+. Sur-
nommé le tlocteur -(5)Itoine
admirable. Suivant tle Humbold, la plus grande apparition
,du noyen âge. ( 6 ) lUoine anglais, théologien, philosophe, mort en 4347.
-
(7) lloine dominicaiu; théologien célèbre, né et rnort à Slrasboutg ({2$0- -
,1361). (8) Moine flamand qui rnourut abbé de Gloenendacle (129a-Ê81).
-
(0) Célèbre théologien né à Rethel (France) en .1343. r\[ort cn 14,29,
-(10) VlNlunKtNDERE, Lcsiètlc des Arterelde, g.!t01. -
336 lrrs't'ourE DES BELGES ÈT DE LEUrr crvrllsruoN

Il faut d'ailleurs le reeonnaîtrc : les Juifs appirraissaicnt,


enfiurts, el,c.
trop souvent dans les temps dc détresse pour pressuref lc peuplc
par I'usure.
Quelqucs lrérésies se produisent en Belgique, du xrre au xrvc
siùclc.
C'est d'abord celle cle Tanchelin. Cc sectaire, éloqucnt ct instruit,
se fait un grand uombre cle sectateurs en attlquant les sacrenents,
cn soutenant quc les prôtres n'ont aucune autoritô sur les fïtlèles et
snltout, paraît-il, eu autorisant une grande licence cle rnæurs. II
irvance ( que les sacrements, inventés par I'l)glise, lr'ollt auLrun
> rapport avec les Bvangilcs : que pour c0 rnotif, on ne peut y attr-
> cher aucunprix; que la papautéù'estqu'une insfitution hurnairre;
>r Que nul n'est tenn clc pa]'er la clirne au clcrgé ; que les églises et
> les convents sonf des lieux d'idolirtrie et de débauclie, quc I'e{Iicir-
,r cité cle la plière dépcnd de la rnoralité du prètre; gue ccrtains
)) âctes de Ia vie hunraine sont en eux-nrômes indiffér'euts au point
,r de vue du salut. l
Les Flagellants apparaissent à la suite d'une peste, au xrrre sir\clc.
Leur ferveur tient du délire. Chaque jour, en mémoire des trente.trois
années vécurrs par le Christ, ils se donnent trente-trois coups d'unc
lrrnière à pointes de fer : de là; leur non. Eux aussi contestent toute
valeur aux sacrements.
Dans les prcmières années du xrv. siècle. la secte des Beggards ou
Lollards qui se répand en Brab'.rnt, â pour clref la célèbre Bloemardine,
émivain remnrquable. Cette hér'ésie prétend justifier lcs actes
d'imrnoralité les plus graves cn aftirmant la possibilité pour
l'ltommc d'arriver à un tel degré de pcrfection qu'il ne pèchc
plus.
Jean Ruysbroeck combat, ces doetrines, mais les siennes paraissent
elles-mêmes entachécs de panthéisrne. Il l'es[ d'ail]eurs pas le seul
éclivain do l'époque qui témoigne de Éernblables tendances. 0n
entcnd alors cléfendle des principes tcls que lcs suivants : < Dicu esl
,, partout, dans la pierrc, dans lcs membres de I'hommc, dans
'> l'enfercomlne dans le sacrencnt de la Sainte-Cène. Il y a autaub
> de divinité dans I'insecte le plus vil quo dans I'homme. Les actes
o de Ia vie ne peuvent entraîner ni mérite, ni démérite. >
Superstitions populaires.- Tout s'explique, môme les faits les plus
sirnples, par I'action d'agents ou de forccs sur'natnrels. Lcs contcs
les plus inr,raisemblables trouvent uéance.
TEI{PS HTSTORIOUES. PÉRIODE IIIiODO-CO]I}IUN,ILE 337
-

TITRE X
r LettFes.

À l'époque où commcnccut les croisades, r'ignor.irnce est aussi


profonde que générale. Loiu dc r.ougir de cct aveu, les nobles
déclalent ne srvoir éclire, attendu, Ietr rlu,alité de gentitslnnuncs !
considérant une telle connaissance conlmc indigne tl'un ehevalier.
Yillehardouin, histolien oculairc de la quatlièrne croisade, ne srvait
pas écrire et dictaiI ses souvenirs à son sccr.étlire. après avoir été
longtemps les grilrliens vigilants des tresors scicntifiques c[
littéraires clu passé, lcs moines eux-nrf:mcs les négligenf et ii Ia fin
leur ignorance égale celle des serfs au milieu desclucls ils vir.eut.
Âiusi, I'abbé dc Felrières nc sai[ pas I'existence de ]r ville de
Tournai ct les moines dc Tournai se trouvent fort cmblnassés pour.
décou'r'rir la situltion rle I'abbii1,'e de Ferrières. << Les deux moniis-
tùrcs, dit l'lbbé Lebeuf, eurent, beaucoup de pcine à se déterrer. I'urr
I'uutre ({ ) u.
Des érudits dc l'époque affirmcn[ avec une piirflite assurance,
connaitre I'emplilccment du plr.adis terrest,re, situé, clisent-ils, en
Afrique, ilu sommct d'une hauteur atteignant uu nronde luraire. Il
rloit :\ cettc circonstance d'avoir écbappé lors du cliluge, à la sub-
rncrsion universelle. Sans plus d'hrisit:rtion, Joinr,ille, I'histor.ierr
dcs croisades de saint Louis, place lcs sources clu Nil dans cc
paladis africaiu.
Premier essor des langues vulgaires.
Longtemps j usqu'à l'époq ue
rlemocratirluc cles communes -
les lois,les décretsdesplinccs et les
-
-
sentences des juges sont r'édigés cu htin.'Il cesse d'en être ainsi
lolsquc lc peuple pan'ienl, à I'administr.ation rlcs affaires comnu-
rtales. Pour' ôtlc compris des gcls cles nrétiels, ou est alors obligé
de t'édigcr eil lirnguc vulgrirc les char.tcs, res iiruètés et les re\glemcnts
.oommunilux, lcs procès-velbaux et lcs tlécisions judiciaires, ete, }]rr
pays lvallon, Ies cllaltes et les paixsont tr.ès tr)û fornulécs en I'r.an-
'çris. La keur"e accoldéc à lJruxelles ({g?g) p.rr Henri le Guerr,oycur
'est éclite en fllmand. Il en est rle nrômc de la loi cle cortcnberget
.cle la Joyeusc-liûtrée. Àinsi l'ave\nerrrent clcs conimuncs exorcc unc

({) Citê par Lrnou dans son llistolre dc l'enseignaneent polrtlur).e, pagc ,tBg,
Y.Itlirguet. - Ilisroire des Belges. 92
338 HtsrotRu IIHS TIELGUS E'r'DE LEUn ctvrlrsÀ'l'loN

influence avantageuse sur h lil,térirture clcs laugucs populaircs.


Toutefois I'influence de princcs flanrantls d'oligine françraise cst peu
favorable à I'idiorne néerlanclais. Gui dc Danpieme, Louis de l{evers
ct, Louis de llaele témoignent une préfcirence nrarquée pour Ie
lïançais : presquc toujours leurs chartes comnle leurs actes officiels
sont publiés en français.
Littérature française.
-La vogue la plus grande est douc au français
ou plutôt au roman qui sclt de langue comrnunc aux croises, tout au
moinsa leurschefs.Aussi lcs seigneuls flamands ortt-ils soin de faire
appreutlre le français à leuls cttfants. t'cst airtsi que Florent V,
conrte de llollirnde, apprertd rualsch en tlietsclt,. Cet engouemeut
s'étend des seigneurs aux ltourgeois et, au xlye siècle tléjà, nul
Flarnand ne peut pré[endre aloir reçu une éducation distinguée s'il
ne parle la langue des trour'èrcs, le français ou rolrilll.
Le roman du Benard. La tladitiou ot'ale et populaire clu roman du
Renard aurai[ été, croit-ott, trattsct'itc en littitt, vers {'190, par un
rnoine de l'abbaye de Sitint-I'iet're, à Girnd. Plus tirrd, il parut à Lille
une traduction française dc cc romiill, I'uttc dcs meilleures et des
plus complètes.
Le i'oman du Renard
- ell flamud Reinaert tle I-os - présente,
dirns une sorte d'épopéc rrllégoriquc et burlesque, uuc satire hardie
des næurs des souvcrains, dc la uoblesse ct du clergé. C'est la
r'épudiation du priucipe féodal qui, ayant fait son teutps, commencc
àr perdre son pou\'oir et 'a tontber dttns le rnépris du peuple
et tlc lu Lrourgeoisie. S-uribolisé par lc reuard, on .v voit Ie scrf du
moyelr âge entleprertdre contre ses maî[res, rois, noliles, clercs,
grauds lrourgeois, ulle lollgue et sourde Iuttc clans laquelle il liuit
par triompher. Le lion,r figule la loyauté,le loup,la uoblesscl I'ours
repr'ésente urt couseiller du roi ; le chat, un légiste rusé; I'itne, utt
archiprôtre, orateur de la cour; le nrilan ct le corbeau, les confes-
seurs du roi ; Ie cerf, un magistrat, bavard, et le coq, un cout'tisau,
tr'olnpettc dc I'arméc, etc. Le renarcl u'épargne aucun maulris tour
à ses enncmis, et chaque fois qu'il triomphe d'eux, c'es[ ert exploitant,
I'ul ou I'autre de Icurs vices. Ilar exenple, I'ours airtte le triel avec
passion. Le lenarcl lLri pcrsuade qu'il s'en trouve en grande quantité
rlans un trlrre où une large fente, uruluagée par un charpenticr, est
maintenuc ouverte âu rno-ren de dcux gros coins. A peine I'ours y
a-t-il enfoncé sa tète et ses pattes de devirnf , quc le rcnard enlève utr
dés coins; I'ours sc trouve pris comnte dans un étau et exposé aux
€oups clu charpentiet'. Le chat préft\r'e Ia souris à tout autre gibier.
TEiltPS rilSToRICIUES. PÉnl0DE l'li0Do-c0ltlluliÀLE 330
-
Lc renard lui signale une grange où il trouvira, tlit-il, plus dc sottris
11u'une voiture Dt saurait cn emporter. 0r le renard s'est, Ia veille,
rcndu drns cette grange oùr il a pris ul poulet, et, depuis, le proprié-
taire a fuit plaecl un næucl-coulant pr'ès cle I'ouvcrtttre par laquelle
il cst entr'é. Le cliat veut pénétret' dans la grange; il est pris. Ses
mirrulemcuts attirent les gens de la rnaison qui I'rssomment.
Par une ruse sulrrôme, le rcnard assul'e son triomphe délinitif. Le
loi est gravetnent ritalade. Le rcnard lui promct une prompte
guérisort s'il t'€ut s'enveloppcr la tète d'tttte pcau de chat, le corps
d'une peau dc loup et les pieds d'uttc peau d'ours. Le roi s'eûlpressc
tlc suivrc cc couseil, mais il mcut't lui-même après avoir fait périr
tor-rs les ennemis du renard. Le poèmc est, en outt'e, rernpli d'allu'
sions piquantes aux puissants du jour et aux abus dc l'époque.
Parlarrt des lois, le poète dit : ,

a Leur règne linira


Sitôt que Ie peuple voudra. r

Chansons de gestes. 0n rapporte généralement les chansotts do


-
gestes a qurrtrc c1'cles : le cycle carolingien,, le cycle annorica'i,n,le
cycle de Troie et le qlcle bott'rgeois.
Dans le premiel se rangent dcs poèmcs rehtifs à l'époque caro-
lingienne, mais qui sont composés beaucoup plus tald (à l'époquc
des coisades).. Ces poèmes chantent sttrtout lt ltrtte des chrétiens
contre los musuhnans. Le plus famcux est la clmnson de Eoland, qui
cléplore lir perte tlu palacliu Roltnd, rtrort i\ Roncevrttx. La chanson
cl'Antiochc, épopéc dc la prernière eroisadc, appartient aussi à cc
r;ycle, ar.ec les enfimces tle Godefr"oll, oÙr sont chantés les premiet's
exploits cle Godefloid cle Bouillou. Leur caractère cst essenticllement
rcligieux. Ils sont en outre utre exrcte et srisissante peintut'e des
mcnurs féoclales dont on se rendra palfriternent compte en lislrnt lc
poùnre des Loherurrrs ({ ).
Le deuxièrne cy'cle ou c.vcle armolicritt, dit aussi cyclc tI'Arllnn ot

(1) Yoici le thènie de ce poème. Le _tluc de Brabant est mort ne laissant


d'aifrc héritier que sa filie unique, Elsa. Un vassal de la princesse, aussi
ambiticux que puissant, convoite-Ses immenses domaines et veut la lbrcer'à
iepou.ut. lrriv'e le Loherain dans une nacelle remolquée pâr' un c,vgne- (d.'oir
son no* de r:hetttrlier nu Cynne) qui la délivre de I'imporlun prétendmt et
i'êpouse, sous Ia contlition"de'nè lui jarnais demander son nom. llalgré
r*'p-tet.., Elsa se montre indiscrirte, e[ lc chev-alier s'éloigne dans la nacelle
aubygne et disparaît poul toujours. [lsa meurt de chagrin.
340 HrsTorRE DEs BELGES E'r DE LEUn crvr[tsATroN

dela Tableronde (milieu et fin du xrre sièclc), comporte des épopées


où I'on célèbre I'institution de h chevalerie. Les plus connus de ces
poèrnes, dits de l'a Tuble rontle, ont pour base des légendes gal-
liques : ce sont ceux de Lancclot tlu, Lac, de.fuIerlin l'Enchanteur, du,
cheualier Tristan, etc. 0n y cliante les dames ct les amours, les
brilliints tournois et les grirnds faits d'armes du nrol.en âge.
Le troisir:me cycle, dit cycle de Troic
(comnrcncement du
xur" siècle'), comprend des poùmes et, dcs l.omatls lcmplis d'anâ-
chronisrnes. 0n y rnet cn scène les hér,os de I'altiquité, Ul,vsse,
Médée, Âlexanclre, etc., en leur rttrilluant le hngrge et lcs ntæul.s
du moyen âgc. Tels sont le rlmat de Tltaltes, It guene de Troie,
l' A lenundri.atle, etc.
Cycle bourgeois.
- Iucliffêrents à ces pr,ocluctions donl, les næurs
ancielues et patlicienues font tous les friris, les bourgeois accorclcn[
plutôt leur favcur à des poètes dont les {ictious, Ies tableirux, les
contes sont urieux cn lapport, avec les idées et lcs aspilations llou-
vellcs. C'est l'époque des conrpositiotts satirtques, drunatirlues et
autres.
Poètes trançais.
est, anonS'me.
- Généralenrent le cycle dcs chansons dc gestes
0n attribue poultirn{, la c/rarrson d'Antioclrc à Graindor
de Douai ; le cheualier at, Cygne, à Renard de Saint-Trond. Bertlte ûu&
grands picds est le chef-d'æuvre d'Âdenès Ie Roi. Parmi les poètes
célèbrcs ile la lin du xrr. siècle, citons encoru Chrestien de Troyes,
rué en Hainaut, ct llarie de Clianrpagne, épouse de Baudouin de Cons-
tantinople.
Littérature flamande.-Lir laugue fl'rmirnde possède aussi son épopée
drr Renrrrd attribuée à Ia plunre de\\tilhem Utenhove, prêtre d'Ardcn-
bourg, qui l'éclit'it probal,rlement sous le r.ègne de Baudouin IX.
Lt velsion fllmande de Reinaert de Vos < la plus belle et la plus
complète,, dit nl. Pelgameni ({ ) cst bicn supérieule au roman franç.ais
clont elle diffère sensiblerncut drus la forme sinon clans le fond.
.. C'ost, dit Vln Hasselt, une æuvre essenticllement flirrnirnde. >
Urre autre production satirique de l'époque est I'Uylenspiegel,
expressiorr caractéristique du gcnie flirmand. IJ1'lenspiegel est le norn
d'un pelsonnagc imaginaire, qui joue lc rôle principal dals la pièce.
La légelde lui prète des discouls bouffons et des dictons frrcétieux
pnr lesquels il met à nu les rices et dénorrce les abus.

(l) Ilistoire dc Ia littéruture fruttr.'eùse (,1889).


i\lllir tte lJrlhaut ct le trourùre Àrlcuùs.
342 Hrsrornn DES BELcES ET DE LEUI crvrlrs.{TroN

Né vers {940, soit à Damme, soit à Maarland[, pr'ès dc Blarrken-


bcrghe, Van Maarlandt produisit des æuvres, où respire un sentiment
très vif de la liberté, entre autrcs de Spbgel historiaeU le Miroir histo-
lique) et de Waptene llfarûjn (llélas! llartin)n son chef-d'æuvre. Lui
rrussi appelle de ses væux la réalisation dc principes sociaux égali-
l,irires. Il y a en ce monde, fait-il dire à I'un des personnrges du
"
lVapene llartijn, dcux mots, le mien et le tien. Si on parvenait à lcs
hannir, la tranquillité et la paix scraicnt assurées sur. la temc.
Tout serait en commull, hornmes aussi bien que femrnes; en
commun le blé e[ le vin, et par deli\ l'0céan colnûle sur Ie Rhin, on
rte vcrrait plus d'honticides. > L'æuyre de ÏIaarlandt offre un tel
rnôrite qu'on a été jusqu'à rapprochel l'ôcrivain fliuand du Dante,
Ic grand poète italien.
Jean Boendaele, né à Tervueren en 1985, avait reçu les ordres
nrincurs. Il se montre plus ltardi encore que Vln Maarliindt. Dans sou
Jan't Testeye (L'opinion de Jean), il expriure avec violence sûlr
opirrion sur les prélats mondaius, les ntoirtes mcndiuts et les intri-
gucs des hypocrites. Il écrivit les Brabantsclrc Yeaten (Histoire clu
Brabant). Son chcf-d'æuvrc est le ll'firoir des la'iques otr il traec les
devoils du citoyen et du peuple.
,Iean Ru,ysbroeck,tté ù Ruysbroeck,près de Hal, cn lgg/r, reste prieur
du couvent dc Groenendael, qui lui doi[ sir fondation, jusqu'en {381.
Il cornpose de rtombreux scrnlons ct divels éclits ascétiques aux
titres bizarues: /,aç Sept degrés de l'Antotn'spirituel,[e.s Dou,zeT'crlu$,
les Qu,atre Ten,tations,l'Ornenrcnt cles Noces spiritwllcs. Sa critique
des nræurs du clergé dépasse souven[ en vivacité celle dc Boendaele
Iui-nrtlme. 0n le conside\re cornrne lc vrai fondateur de la prose fla-
maude.
Citons eucore les Doms suivants cle quelques éclivirins néerlandais
de nrér'ite vivant à cette époqug : Jean deTVecrt,né i\ Ypres,vers {350,
un disciple dc Boendaele, qui comppse le Àrouwau Docli'inae| ou
Miroir des péchés, mélange clc tltéologie et de eritique sociale ; I/an
I{ælen, né à Heelel, prùs de Léau, auquel on doit le poèine de la
Batailk, tk Woetingen; Vûn.l'eltltent,ltistorien qui raconte les temps
tle Courtrai et continue, de 1,248 ù 13{6, le Epiegel h,istoriael de Van
lllaarlandt.
En général, ces écrivains peignent bien leur époque, nrais ils man-
queut de vues élevées et restent dans le terle à terre des faits. Un
autre défaut les caractérise, qui est de manquer trop souvent de gott.
Dans leurs æuyres, on lit des passages comme le suivant, mis par
ïrirr }liulhuiit.
344 insrornE DES llEr.cES ET DE LEUR ctîrlrsATroN

van Ruysbroecli, lc nreillcur cl'entrcerrx, dans ra bouche cl'une


femnte <<Jcnrs cst rm tlotm cunul cl'oit, rlécottle roùe joie: je
liris auec
lui mon estsminet. rl est pour moi urrc tlouce noi*. ceur qui ne ln
crofænt pas slltt : la gloire en est I'amanrlc.
de.s sots >>

D'allure vive ct gaic, les cornpositions drrmltitlucs flamancles ont,


Ia plaisantclie loulcle et souvent mrlproprc. << Le lhmand, rlit van-
derkindcre, doscend tlerns I'ordul.e sans s'an.ôtcr i\ I'obscénité. >
Bref, les écrivains flirmiinds sont plofondémcn[ r.ôalistes; l'école
zoliste cn peut donuel aujourcl'hui quelquc iclée avee, chez le maitre
motlernc, des hauteurs et cles éclairs où n'irtteignit lucun tles écr.i-
lairts flamands clont nous \-cnons de parlel..
Litlérature dramatique. clergé aurait, voulu proscr,ile absolument
-!c qui ne se distinguirient pas toujours
les représcntations tiréûtralcs,
par un grand respect pour: les mæurs. Ne pouÏant étouffer le gofrt
tles populations pourr ce diycrtissement, il essaye cle Ie rliligcr vers
des sujets leligieux. sons scs auspices, on nrct donc en dialogue cles
firits mcrveilleux enipruntés aux livres sacrés. aux actcs tles martyls,
ttux yics des s:riuts, aux chloniques dcs monastùrcs, etc. Telle est
I'originc cles pidrces drarnaticlucs connucs sous le nonr tle nûrucles, de
trtystères, dc morulilés, de lat cæ, de
fubliaun, etc.
Les miracles. récits'dialoguôs irpperés rniracles consistent lc
plus souveut, dlns-Lcsdes histoircs dc miracles ; de là leur norn. lïlais
plrfois irussi, ils rlcontent dcs lics tle sairts : ln uie dc lrottsieur
.snint Jennr pllr exc'mple, cle trfadanrc su,inle Burbe,, dc rfarlante
Genet'ièue.0n lcs joue les jours des fùtcs patronales. ccs dialo-
gucs sout menés clc façon ir anruser lc peuple. parfois môme, les
autcurs se montrent fort irr'ér,ércncieux poul. Ic clergé et pour les
saints. c'est ainsi que dans ll r,ie cle saintc Bar.be, on fait lire à cettc
srinte les contes de Boccace.
Mysières.-D'lrabitudc Ics nrystèr'cs rcpréscntcnt ccrtaincs scèncs'cle
I'Ancien ou du l{ouveau Tcslamelt, rle pr éférence la yie et, lir passiorr
du christ. 0n -v introduit volontiers rles allusions satiriques ct souvent
des bouffonnelies très dcpllccies. voici, par exemplet un pi.lssirge tirô
(l'une eomposition dc I'espr\ce. Le chlist vient de mourir. un arrgc
court en porter la uouvelle au Père Htcrncl. Le dialogue suivrnt
s'cngerge: L'unge. \'ous aYez tort et dcvr.iez avoir vergogne. Votle
fils bien-aimé est nlort,.et vcius dormez comme un ivrogne. Dieu,
le Pre; II est mort ? Diable emporte qui n'en sait rien ! -
La replésentation d'un mystère dure parfois lrois jours et davan-
trgc. Tel grand nr,rstère peut comprendre plus dc cent actes et exigcr
. T'E}II)S IIISI'OIIIQUES, PÉIIIODE }'ÉODO.COIIMUI{ALE 34Û
-
I'intervention dc plusieurs cetttaines d'acteurs. Les niystères sonl, en
nos colltrees, la birsc de la tr':rgédie, comnle lt moralitérla lhrce eE
I
lir sdtrs son[ cellc de la cornédic.
, lUloralités. - Drns le principe, lcs moralitcis sont, des poèmcs pieux
rlort[ ICs strjcts sottt etnpruntés Aux Actes des ntartyrs ou âux Cl;to-
niques mtnmculcs. Dr:venues pur ln suite des allégolies ayant tln bub
tnoralisateur, elles liscnt à conrbattt'e I'in{ltrence exercée par lcs
procluctions satiliqucs dcs trour'èr'cs. Plus tat'tl, elles se tt'ansfoluretti
cncore, et,, couttne lcs m1'stùr'cs et les tniracles. se composctlt tlc
dirilogues tlcstinôs à ritrc joués cn public. Les travcl'S et les vices rles
hontrrtes, att lieu rl't\tt'C niis à la scènCl par lc mo-Ten dC perSCrttttagCs
lugissatt comtnc rhns la I'ic rclelle, -v sr-rnt lrcrsotinifiés.
Vtrici, rr titre ti'escnrplg, le thù1rc d'urtc mor"irli[é intifu]éc ; << Pai,t
ct Guure >. lille cotnpte sept persortnilgcs : ôbtl/as (plaisir), un icunc
noble ; Desir, son pilgc 1 Pni;r, uuc dtitnc trionrphante et magnilique;
Ennrr,yeuse détruation, une vieillc . [iflcuse z Guure, solrht almé;
Pitl,nge,un getttlitlntcl Bon cottscil, un ltontme glos ct tranquille.
I)fuir eL Puitc s'ellbrcctit de ntontrct' à .Solllns qu'Otl ne peut ôtte
hCur.eux que pirr: h Pnit. ÂIais Z'r'rirrLyetse dtitrar:tirtn repfoche à
Soul(rs sa faiblessc et I'englge à sc fitire ttu noln glorieux par lil
Guerre, Soru/a.s l'écoute. Bicntùt Gubrrc eI Pilktgc rtl,rquent Sott'lus
et Désir. Bon Cottscil,, Pai;r Cf" Désir prcnttent la fLritc. ,Soa/os, resté
seul, cst battu c.f dépouillé. Latncutrtions dc Srnr,las qui dernandc
I'aitle de Ilon cottscil auprùs rJe Pui,r. Cclle'ci parclontie l\ S'orllns, lui
tlonne l'lrabit de T'oule abontlance Ct le chapCaLl de Tou'te asslmance.
Puis, tgus lcs pcrsontlt.lgcs, chantattt lcs bienfaits tle I:r p:rix, répètcut :
Où Pain ri:gne, Sotilas ultonde (Ilessuger des scienccs historirptes,
{8ff{, 4' livle).
lt farce étrit ôclite dans un langage moitié
Farces.
- Primitivemcnt,
liif,irt, moitié flanqiris: cle là, Soti tlont tle flurce. L1 farce de l'auocnt
Ptttelin dont, cles citations figurent clans lir pluprrt des ant,hologies
cst l'une des plus cor)Dltcs.
.SOties OU sottes Chansons. Datts SCS colnmgncetngnts, la sotie ott
-
sotte chunsonÔtrit un pctit pot':tne lylique; lui lussi {init par sc trans-
former en ulte satils allégoriqlc et dirloguôe. Lcs sociétés, s'cxer-
çûnt à la représetltiltion tlcs sotics, Se dOllll0rlt un chcf
qui s'intitule
le prince des sots, d'où le tcrme solie. Peu respectueux pgur l'[glisc,
les rnembrcs de ces sociétés I'appellen[, chns leurs productions, la
Mère sotle.
Ioici le canevas d'une sotie. Un personnage représentant l'ancien
3'16 HrsrorRn DBS BELcES ET DE LEUI cIuLrsÂTIoN

Montle, paraî[ sur Ia scùnc. < Tou[ va mal, r dit-il et il s'en plaint
avcc amerf,ume. Un autre personnagc rl'Altu,s,lui persuade de ne plus
- s'inquiéter dc quoi que cc soit, : <r Il se ehnrge, dit il, de merrer
désormais tout à biett. u L'ancien Montle, [rop cortfiant, s'endort.
Alors irrterviennent de nouvctux pel"sonnagcs : lc ^Sbt glorieu,*, t,i:ltt
en lromme d'armes ; le Sot dissolu,, hrrbillé en clcrc, le ^Sol lriqtttn,
grimé en homme de loi. Cltacun d'eux débite des maximes propres ù
peindre son caractùre. Ainsi, le ,Sot glorieu"r chante le couplel,
suivanf :
À I'assaut! àl'assaut,! àchcval! 1

Sus en point, sus en armes !


Je ferai pleurer maintes larmes
 ces gros vilains du villagc.

Puis., tous errsemble, ils dépouillent le << aieu& Ifonde r. Âussitôt


rpparaît le nouaenu, Morzrle.lllais il rte vlu[ pas mieux quel'anciut
et ne tartle pas à disparaitre lui-n-rèrne .
Fabliaux.
- Le fabliau est, aussi uD gel)re dcs plus cultivés '.ru
moyen âgc. D'al.rord, il consisle en un cortte ltatlin, parfois molal,
souvenl satiriquc. Dirus Ia suite, il tourne ég;rlcmertt au dialogue e t
nranifcste, sotts cette fortue nouvclle, fort peu de respec[ pour la
Yierge, les saints ct I'Eglise. Il montre volontiers les hirbitants
du p:rrrtlis et, surtout sirinl Picrre, occupés à joucr de bons fours
au Diable.
Voici lo résumé d'un dc ccs fabliaux. Au ttrotnent dr' pattir pour
quelque expédition, Lucifcr cotttnet I'itnprudence tl'abiudonner it
un ilouveau yellu, inconigiblc joueur, la glrcle tlc I'enfer. Ce que
vo1'ant, saint Pierre s'en vient, niuni dc dÔs pipés, proposer une
partie à son confrère et lui gagllet' successivcurcttt uue itttre, puis
tlix, puis vingt, enlin la ntoitié des .hahitants de I'cnfer. Excité itrr'
ces pertes, le grrdien des dantttés veuf alors jouel quitte ou
double avec lc portier du paradis. ltais celui-ci tliontplie encore et
emmène avec lui toute la populatiorr de I'enfcr.
Processions et ommegangon.
- Lc génie satirique de rtos ancêtres
s'exerce ertcore avcc ulte irtcroyable liberté dans les lm)negangen,
(en pays wallon, processions).-Il y a dc tout dans les eortèges orgt-
nisôs à I'occasion des ornmegàllgen. Les sujets profiues et mytholo-
giques s'y rnêlent abondammeut aux motifs rcligieux. Sur ccrtaius
chars se joue I'une ou I'autre pièce satirique, quelqucfois un spec-
taclc d'acteurs muets (mimes) : c'est ce qu'on appelle le wugenspel,
TEIIpS HIS'['0nIQUIiS. PÉnI0DE FÉODO-coultuNrLE 347
-
c'est-ir-tlile le jeu cht clmriot ou encore le gexellenspel ou le ieu des
il)ntpugnons. ({ )
théitrales
0rigine des chambres de rhétorique.
- Les représentations
échappenb peu Lr peu à la directio[ du clerge. Leur pt'ogramlne
rlors comprencl surtout des sujets pl'of{lnes. Habituellernent,' il se
compose d'une farce, d'une sotie et cl'utte nnralité. Bn général, les
ilcteurs tle ces piùees Sollt (lcs bourgeois amateurs. 0rgatlisés Cn
confréIies, ils forment par la suite, clirtts ttotre pa)'S' lcs chanbres
rltétorirltæ. .
tle
autre geure, I'histoire, prend naissaucc au tentps
Histoire.
- Un
dcs cornmunes et se clévcloppc irvec clles.
D'alrord, la, chanson de gestes ilYûit été Seule à oonselvet I'histoire
intinc du peuple ell recueillin[ avcc soin ses naït'es légendes.
LeS corurttunes veulent naturellernettÛ pgrpétuer le souvCnir des
efforts tcntés pottr al'river a la conquôte de leurs libertés : a l'époqttc
comrlrurlale, les chroniqtm l'enlplacellt les chansons clC gestcs.
Longtemps, I'histoire est écrite ett latin, Ir6n en fran(rais ni cn
llanrand. La raison ep est quc pl"esque tous les historiens dc l'époque
Sont des clel'cs. Cc n'cst qu'avgc I'apparition cles grantlcs colll'
illunes belges, lorsque lc ticrs état et le peuple sont appelés à
prendl.e part i\ la vic politique, que I'on collllllence tl écrire ctl
Lrugue vulgaire.
Philippe lllousliès., évôque de Tournai, mort er {989' pafait aYolr
eité le premicr historien belge qui, dans ses æuvres, ait fzrit Llsâgc de
[i fungue française. Mais il continue à rimer ses chroniques' eâI.'
irutre trait oulieux, c'est, en vcrs qu'otl écrit i'histoirC. 0n ne sC risquera
pas à l'éclire en prose avau[ la fin du llloyen {ige et, môurC irlors, lc
at1,tu Or. cSroniqueurs trahila plus tl'une fois cllcore I'inccltitude
naturelle à tout début dans I'crnploi d'un tlrodc nouvcau'
0n cloit égalemelt uue chronique fralçaisc ell vefs à GileÉ li
Ituisis, abbé àe Saint-lltzrrtin tt Tournai ({300't359)- Nous avons dit
que Vrn Vclthem-racotlte en flamand les tcmps de Courtrai et qu'ou
liossèdo, de Jean Boendaele, une histoire
du Briibant. L'urte dcs
chroniqucs de l'époque les plus estimées, la Graule Chroniqu'e rltt
ghanoine liégeois Jean Lebel, cgtttmetlcée ell 1361, sera plus tard
eontinuée pàr Fl'ois$tr[ jusqu'en 1,400.
Les manuscrits. Nos'plus ancierls rnal)uscrits datent dtr rlllc sièclc.
-
({) Toit' plus loin' Ilættrs et cottttunes-
l"roisslrt.
TEltps HIST0nl0uEs. PÉRI0DE FÉ0D0-COI]IUNÀLE 349
-
De la môrne époque, il existe aussi des palintpsestæ (textcs émits sur
d'autres textcs, grattés ou effâcés ). tln peu plus tard, apparaisscnt,
des chartes dont quelques-unes SOntpùrvenuesiusqu'it l)ous. A partir
du xre siècle, la copie clcs manuscrits dans les monastères devient
une occupation régulière ct obligatoirc des moiues. Un oldrc reli'
gieux, celui cles frères lûéronyntitaç e1 frit mème sa profession, et
scs menrbres méritent aitlsi le nom de I'rères de [a, Ttlunte ( fratrcs de
pcnna ).
Les rnauuscrits sortt folt, recherchés et Se vendent à dcs prix
incroyablement élgvés. En ôchange.d'un manuscrit, on donne sou-
TeDt uue forêt, un vignoble éterrclu, un domtille considér'able. Vu
lcur nireté et, uaiute de vol, on tient enchainés a des pupitres lcs
manuscrits nécessaires aux nlagistrats et aux autorités. Au rcste, le
nombrc dcs manuscrits dont se composent lcs pltts importirntcs
bibliothèqucs est très peu é16'é. Les plus t'iches nc renfernlent
souvcnt pas au delà de deux à trois cents volumcs.
D'autrc part, les moines s'occupctt[ à peu près exclusivement de lrt
copie de biblcs, tl'ouvrages de théologie ou de liturgie chrétiettnc et
dc vies de saints. Aussi lti Horacc, ni Yirgile, ni $r'ide, ni tartt clc
clrefs-d'æuvre dc I'antiquité ne seraient-ils probablernent poirtt at'riv'is
jusqu'à llous, si des lriltliothèques avec copistes n'ù\'iticnt égtlcmettt
existé chez certains grands seiglleurs ct cltez lcs sourerains.llfalheu-
I'euselnert, un grand noutbre des mattuscrits de ces l-ribliotltèques
liriques n'ont pu nous ptl'ïcl)it, ayant élé dispersés par suitc de par-
tages et cle dons. C'est là un dlnger auquel échappaient les biblio-
thèques cles mouastères, privilégiés par lcur droit de nlainmorte.

TITRE XT

Instnuction publique.

IIIènre à l'époclue dc la plus grande prospéritÉ des commuttes, Ics


Bclges ne songent point à fondet' d'écoles pour les hautes études.
Les jeunes gens de notre pa)'s désireux de recev0ir ure instruction
supérieure , Suivont les cours des uniyersités étrangùr'es. Yers 12i0,
lir Flandre lisez les Piiys-Bas, eomprenant la Hollantle et la llel-
-
gique actuelles .- forme I'une des dix-huit nations (corporatiorts
d'étudiants ) transalpines de I'université de Bologne .
Des Belges émirtents rlcviennent parfois professcurs dans les uni-
350 HrsrolRn IIES IIHLGES ET DB LEUrt ûIyILlsÀTIoN

versités étraugères. En {960, nous \'oyons un certain .solticr dc


Cour[rai doycn de la Sorbonne ù Paris. Peu irprès, ]lenri de Dinant
cnscigne aussi r\ la mÛnte école.
Dans les écoles publiques du pays, I'euscigncmen[ demeut'e lo
privilège clu clergé. Voici les éeoles qui existent en Ilelgique au
xrne sic'cle et au xtve :
Lo Lcs ëcoles catlûchules, espèces de séminaires ou l'on forme lcs
jeuncis prôtres. L'enseignentertt, comprcnant la lecture, la grarn-
nrilircr, la rhétorique, la dialectique et lcs mathématiques, lir ph-v-
siquc, la musique, la philosophie et lc droit, Ia théologie et lir
liturgie,-v est fait ert latirt; 9o les ëc.oles clmpitroles ou grandes écoles,
souvent adjointcs aux écoles cathédrales olt aux abbal'es et tlestinécs
a recevoir les enfants dc la noblesse et de la haute bourgeoisie des
lilles (poorters ct mernbres dcs lignages). 0n 1' enseigle, mais ett
langue vulgaire, les mèmes branches quc dans les écoles précédentes,
irvec h théologie et la lit,urgie en tnoins. Le chef de ccs écoles
porte le rrorn d'ecold,tre,'3o les pelites écoles ot icoles riæ ltau,ures,
tlestinées aux eirfants cles artisans. Ces dernières sottt rarcs. Ort -v
cnseigne la lecture, l'écriture, la langue rnrternelle e[ le calcul ;
4o les presbytériales ou pnroissialas, dans les carnpagnes. Les
écoles
enfirnts y reçoivent uuiquemeut I'enseignemerrt du catécltisme; si
toutefois un elùve rér'èle dcs aptitudes spéciales, ott lc prépare pour
l'école cathédrale et I'on cn fait urt prêtre.
Rarement un homme du peuple sait lit'e. Beaucoup de pères de
f:rrnille nc connaissent ni leur iige ni celui dc leut's enfants. D'ailleurs,
la différencc d'instruction cles pauvres aux riches est peu sensible.
C'est ce qui explique commeut le pouvoir politique peut se trouver u
eette époque aux mains des classes populaires. A proprcment parler,
il n'y a pas alors cle classe dirigeante parcc qu'il tt'y a, en réalité,
d'instructisn chez rucune. La prédominanec politiclue des classes
inférieures de la société disparaît dès qtrc I'instructiorl se propage au
scin des classes supérieures et devietrt leur monopole. L'élémen[
dénomatique ne scra jamais en état de rnaintcnil sa suprématie tartt
11u'il ue possédcra pt$ ulle moyenne d'ilstruction élevée. L'ignorancc
rles masses populaires, à l'époquc cottnnunale, tloiI donc fatalemettt,
amener leur dcfaitc dirns la lutte c1u'elles entrept'cttticnt contre lcs
clirsses supôr'ieures plus instruites. et liguées contre clle.
A un certain ltombre dc couvents cle femmes, son[ aussi atttrexées
dcs ôcoles oir les jeunes persollrles de firmille noble c[ riche pcu-
ycnl rr.cevoir quelque instructiotl. L0 programme de ces écoles se
I'EIIPS IIIS'I'OIiIOUBS. _ PÉRIODE }:ÉODO-COUIIUI{ALE 357

l.cstl'Cfint ir l'écr"iture, à la lecturo, fltlx élérncnts de la lrngue ct du


cllcul, .i un peu clc littérittul'e et au\ (tlllrilgcs de mains, llrodcrie c[
tapisselie.
0u constatc, dès cette époque, I'ittttotluctiou des travaux manllels
drns les llroglarnmes d'études. En 1300, il existirit ù Gand une sorte
rl'école professiounclle pryante ou eent cinquante jetrncs getts
environ s'exerçaient à la pratique clcs clivcrs méi,iers.
Compren:rnt I'importatlce, pour up [rbitant des Pays'B1s, de con-
naitre les deux langucs du pa1,s, les parents licbes des régiorts
u'irlloncs et Iliintandes, échattgertt lolontiels leurs enfirnts.
Yers le milieu (lu xtYu siècle, les cotnurunes essaicnt d'établir des
écoles hiques. Ellcs -v réussissent peu, I'Eglise s'opposant à I'insti-
tution dc tellcs écoles.
illatériet des écoles. Comne }iett on pcllsc, le matériel dcs écoles
-
est, ert gônéral, fort ludirncntaire dirtts les écoles du mo-vett âgc.
Sur de graudes peùux, tendues cn guise de tableaux, on l'cprésente
lir matièr'c à crtseigner (histoirc et généalogies clisposées sous fornte
cl'arbres) ({). Pour ôcrire, oll se sert d'écoree, dc feuilles de
papl'ruË, d'éclitoircs ou dc tablettes erduitgs de cire et sur lesquellcs
on écrit les brouillorts et lcs calculs tu' mo.Ten d'ulte poirrte do fcrr
ou slyle.
Le gayou à la mine de plomb est collntl depuis le xte sièclc.
Lofsqu'on écrit sur lc parchenlin (m1tière fort rare ct si chÔre qu'ott
la fait ptrfois sert'ir d'instt"utuclt tl'échrnge) où enploie des plunies
d'oic et de I'encre uoire ou rougc. M:ris le prrchemiu (9), plus
leclrelché que I'OI C[ I'argent, est tl'grdinairc rÔsen'é pottr les écrits
d'inrportance.

'f ITRE XII


Beaux-Ants.

Architecture. style de transition. -- L'ogiïe ou arc brisé (3) fut


-
sal)s tloute rapportéc tl'Orient par les croisés' 0u l'enrploie d'aborrl
Comtrre simple motif d'orttetnent eucaclraut utt alc plein-ciltre. Sir

({) Voir les dessins relatifs à cet olrjet donrtés par Llcnon, dans Suiettccs
et lettïes uu no11en age.
(9) Fait tle peau de mouton ou tl'attintaux sâuvâges'
ie) Arcatte for'rée par deux a'cs de cercle croisés de môme raygn.
3ri9 llrst'olnE Dns D.ELGES ET DE LEUn ct\.rLIs,u'I0N

place et son rûlc sont donc quelquc tcrnps trùs effircés. peu à
lcu, on lrr voit s'afiinnel d'unc façron plus rcsolue, sc faisirnt
encadrer pùr des trcs romatrs ct, a son tOur, occuplrnt Ia plltce
.d'honneur. L'ér'olutiou prend tout un siùclc; aussi qualific-t-on
ordi-
lairement de style dc transition Ie st.vle des édifices du xrr. siècle.
Au cours du xrrro siècle, des rnot,ifs d'éconornie, dc gorrt ou cle
scntimcnt font, peu à peu abandonncr le plein-cintle. L'arc et les
vorites plein-cintre exercent une très forte pr.cssion sur les piliers et
lcs murs qui lcs souticnncnt; ils gxigcnt de glos piriers et, dcs ururs
épiris, rppuyés de puissrnts contr'eforts, pirr.snite, unc grandc quùrr-
tité dc mrtériaux et une grosse dépense . ALr rur* siùcle, les vclies do
cornmurricirtion sont r'tlcs et cn nuuviris é[iit, lo tt.iulsport, des rnaté-
liaux pénible, long, coriteux. Néanrnoins, pcnclant ce sièclc s'élèvent
'do nombreuses constluctions dc tout gerrrc lécessitées ou justifiées
p:rl I'accroissemcnt rle la populirtiou clonnéc à la
cull,ure arvant fuit naître un graud nourbre- I'extension
clc lillirgcs ct tle bourgs
piir lii cr'éation de nouveaux ordres religieur, plr lcs granclcs
-richesses du clcrgé, enfin plr la pr'ospér'ité dcs conuuullcs, qui
J-rirtissent des beffr,ois, dcs halles, des lrùtcls dc ,r,ille, ctc.
lin préserrcc de cctte ficvre de bfltisse, les lirchitcctes, pour écono-
nrisel des rnatérirux cli{licilcs à se proLrurer, chcrchent a rériuire la
rtlsse dcs nroilurnents. 0r, lir poussée cxcrcée pitr. I'ogive .sur les
rlurs ct sur lcs piliers qui la soutiennelt cst vcrticlle plutùt
c1u'horizontlle, partant, plus firible que eelle du plein-ciutro. L'cm-
ploi de I'alc blisé et des voûtes ogillles peruret, de diminuer Ic
l'olume des pilicrs, l'épaisseur ct I'eilcnduer des nrurs. Bientôt, lcs
pilicrs sc tlansfornicnt en colonnes t.S lindriques cû lcs fenôrl,res
s'elargisscnt, jusqu':.r prcntlre toute la pliice qui sépar-e lcs contreforts.
Telle parait ètre lir raison technique de I'abirnclon du plein-cintre.
nlais on a aussi expliqué, par des motifs esilrétiques, la substi{,utio1
de I'architecture ogivalc i\ l':rrchitcctule r.omirue. Le style roruiru
donnlit aux églises, avec une irpparence lourclc. ct nnrssive, ur carilc-
{,cre grave, rustùre, sornbrc mùmc, qui s'hiirurorrisirit avec l'éta[
uentirl des populirtions du haut nroycn irge, coull-rées sous le joug de
fcl de la féodrilité. Â l'époque eonlniunale, ce ne solt, prus, couuuc
au ternps dc I'ar'L rornan, des rnoines qui élèr'ent les constructions
nouvellcs, mnis des arclritectes llïcs. A leur insu sirns cloute, I'csprit
cl'émancipation qui tr:availlc le nonde, l'éurotion jo_rcusc qu'il
éprouve i\ se scntir lil;re, se traduiseut dans lcs pr.oduclions irrchi-
tecturrles des nouveaux artistes et le.q pousscnt ir clonncr ûu\ rnouu-
TBMPS [rS'r'0RrQUES. PÉRIODE rÉ0D0-C0]tUUlç,\LE 353
-
mcnts plus de harrlicssc et de lumière, plus d'élégance et dc lichesse.
Grfrce à I'emploi de I'ogirc, Iir rtef cetttrale s'élèr'e ct setnblc, sut'
ses colonrtes élancées, se projeter r-ers le ciel.
llais, pour tssurer, contre toute ér'etttuitlité, la solidité de l'édifice,
on appuie de solides contrcforts la paltie dcs muls qr,ri fiit fuce aux
colonnes intcrieurcs et, tlLr somtuet de ces contrcforts, on tctld par
dessus les toits des petites ncfs tles rrcsJloutiruts qui, après a't'oir
déclit ule coullie hat'die, viennent s'attaclier tur lnurs de la grarldc
ncf aux endloits convenrblss ({ ).
Dès lors, le vaisseau central cst susceptible de rccevoir le jour prr
le haut. Bn mÔme temps. lCs l1r'ges fcnùtres dcs ltefs htcirales iuon-
dent de lumièr'c tout I'intérieur, Pout' conserYer aux églises cettc
rlerni.teinte mystérieuse qui semblc inviter ittt recueillcment et à ltr
prièr'e, on est obligé tle garnil de vitraux les vastcs fenètres des nefs
et des trnnsepts ainsi que lcs intmcttscs rosilces du portail (9).
L'architecture'romane avait surtout visé à h soliditû, à la majesté.
L'arcliitccture ogivale tend'dat'arttrge à l'élégance, ù la grffce. Ellc
réduit les murs à leur plus ludimentaire cxprcssion et dès lors dispa'
raissent les peintures murales
Le style ogival domine en Belgique du xltto siècle au xYle ct mèntc
ilu x\rrre. ltais il a trois époques principales qui, approximativemettt,
colrespondent au xrtte, au xrve et auxYe sièclc.
Ces trois époques sont les suivantes :
4.o L'époqu,e printu,ire ott du, gotlûque pu,r, catactér'isée par I'ogive a
lancctte (chæur de Sainte-Gutlule à Bruxelles, églises primaires
d'Ypres et de Tougres, cathédrale Saint-Paul t\ Liége, e[c. ) : tr'ès
pcu d'églises belges appartiennent intégralcment au style ogival
primaire; 9o l'(poquc secondaire <ltt dtt gotlûçt'e rnyonnant (style
d'ailleurs rnal détennine) pcndant laquellc les ogives des portes et
cles fentitres sont ortlinait'ement lernplies clc ligurcs rayonllantes de
trèfles et de quatr"e-fcuilles (église Notre-Damc, a Huy; Sainte'Croix,
à Liége ; églisc paroissiirlc d'Audenaarde; extérietrr de l{otre-Dame, rr
Hal ). Àu clire de Schayes, l'église prirnaire de Huy est la plus belle
église de Betgique en style ogival secorrdaire ;3o l'cpoque lertùr'ire ou'
dtr, style gothiqu,e flanùoyant, rJit fleuri,pendlnt hquelle les architectcs

(l) L'existence de ces arcs-boutants sst I'utte des caractéristiques du sl.ylc


ogivai. Le style ogival est d'ailleurs éminernmenl' rationnel, car ses ornements
eùx-mômes réponitent à des nécessités de la eonstructlon.
V. Mirguet. - llistoire des Belses. 33
4.--S;-';'*
t llthér-ir';ilc d'Juvcrs.
TEr{ps HrsrORrQuE pÉRrODE FÉOD0-COMMUNATE 355

contournent les pétales des tre!fles e[ des quatle-feuilles cn fot'me dc


lignes flammes, tle façon à frrirc lesscrnbler ces omenents à des
cæurs allongés (Notre-Danre, ù Auvers; Saint-Pierle, ù Louvain).
Il faut remarquer qu'en architectule les epoques cle décadcnce
se cùractérisent irtvariablemen[ par ul]e ol'nementation excessive.
L'époque du gothique tertiaire est, pour I'rrchitecture ogivale, cettc
époque de décadence.
Architecture religieuse. Généralement, les cr1'ptes disparlisscnl
-
dans les églises gothiques. Comme les églises l'olnartes, ces dct'rtières
affecteut la forme d'une croix latine dont un transept figure la tra-
verse. Le chæur occupe le tiels de la longueur [otalc dc l'édifice; le
reste est occupé par lc grand vaisscau du milieu. Une haute tour,
carrée à la liase, octogonale du centrc tu soilrmet et tet'miuée en
flèche, surruonte I'erttrée de l'église.
'Architecture civile. Les monuments cl'architecture civile n'appa-
-
raissent un peu nombreux qu'à partir de la fin du xrtte siècle. Ils sont
de quatre espèces : les beffrois, les lmlles,les lûtels de uitle et les
ntaisons tles gililns,,des métiers et dris set"ntents ol conliéries nûtitaircs.
Beftrois. Les beffrois et les hrlles sonf les premiers tnonutnents
-
civils qui tlécorent nos cités. Espèces dc dortjons cornlnunaux birlis
sur le rnodèle dcs donjorts féod:iux, lcs beffr'ois précèdent Ies hôtcls
de ville et longtemps ell tiennent lieu. C'cst pourquoi I'on en
rcncorttre encore quelques-uns, parmi les plus vieux, qui sont
isolés dc toute autre constructiort. Il en est ainsi., par exemple, de
ceux de Tournai eL ùe Gattd, dolt la cotrstruction remonte au
xrue siècle e[ qui sont consitlérés comnic les plus anciens.
En r'ègle générale pourtaut, les beffrois parvenus jusqu'à nous
sont adjoints à d'autres étlilices ou cr) font partie. Les befft'ois de
Bruges et cl'Ypres surnrontenlles halles. Le beffroi de Bluxclles, qui
s'écroula ur siècle deruier, éttrit cons[ruit en tète de l'église Saittt-
Nicolas. Les beffrois llirtis depuis le xvtc siècle sont d'habitude con-
tigus aux hôtels de 'r'ille don[ ils fortttent le rnotif central e[ le prin-
cipal ornement.
Lcs beffrois les plus remalquallles sont de style ogival : Gand.
Bruges, Ypres, Tourttai, Lierre, Motts, ctc., ont conscrvé leurs beffrois,
<1ui clatent du xrrr. et du xrvc siècle. Ceux de Nieuport et d'Âlost,
daten[ de Ia fiu du xvu.
Le beffrsi de Bruges cst I'un des plus telttrrquables dc toutc la
Belgique. Il se conrpose tl'uue ltaute tour cat'rt'e s'olevnttt, tnassivc
ct irnposirute, au-clessus dc la hnllc, vtste cortstructiort qtti lui sert
356 rrrsrortg DES BELcES B'f rln LEUR crvrLrsATlol(

colune de base et d'appui. 0n signirlc surtou[ aux visitcurs dc cc


nronumerrt rlrratre parties remarquables : la clmmbre du, trhot", l..t
cloclrc,l'horloge el" le carillon.
La chaubre dn tr'ésol rcnferrnai[ autr.efois le trésor et lcs
archivcs dela comnrune. 0n y voit encore, en des nichcs profotrclcs,
rnénagées dans le rnur et ferntôes par des portcs doubles en fer tra-
vaillé, les énormes coffres rle chène, plaqués cl'épaisses llmcs de fcr,
oir I'on déposait le trésor et les archives. Chacun des coflics ne por.tc
pas moins tle dix sel"l'ures. Pour les]ouvr,ir, il fallait urrc autor.isation
écritc des chefs de h commune ct la plisencc de dix lrourgeois au
noins, clioisis ptrmi les plus considérables.
La tour du bcffroi de Bruges est, calltie jusrlu'aux trr_ris qulr.ts dcr sa

Beffroi de Bruges.

hautcur, octogonale dans .sa p:rrtie h plus élo'ée. L'liolloge et lu


earillon sont placés dans Ia plrtie octogon:ile cle l'étlifice. D'irumenses
cadrirus extér'ieurs, faisant firce à la lille dans quatre directions
opposées deux à deux, permettent de lilc I'heure de loin ct de tous
lcs cûtés à la fois.
ïiups rils'LOnrQUES. pERt0DE FÉODo-COlnrutiALE 357
-
Dans la piirtie carrée de ll tour, en son point, le plus éler'é, se
dlouve une énorrne cloche (le bourdon), I'une des plus grosses du
urronde entier. Elle pr.ise 9,00c kilogrammes. Le befl'r.oi de Bluges date
.du milieu du xrrre siècle.
Les beffrois cûcore existants n'ont plus rujourcl'hui d'affcctation
bien spéciale. Il n'en était pas de mr)me il .v a cinq ou six ccnts ans.
Gtlnéralenrent, lcs pièces du rez-de-chaussée servent cle rnagasins
d'ùnnes et dc plison. A l'él,age, s'étentl la grancle salle clc réunion
des conseillers et des chefs de la commune (l). t'ne pièce contiguô
rcnfermc les arclrives coiltnrullales et lc trésor de la cité.
Le beffr'oi est ordinairenrent surmonté tl'un comble en clrlrpentc
oir I'on placc la clochc. Lc eornlrlc lui-niênre est couronné par une
pctite tour car.rée munie de quatle fenêtres. O'est la guette ou
dcmeure du guetteur, hornnre d'armes chargé de veiller sur la r.ille
,ct sur la campague cnvironnantc.
La cloche du beffr'oi sollne le commenccment et h fin du travail.
Elle annonce également I'hcure du couvre.feu, c'est-à.dire le
rnoment où chacun tloit rentrer chez soi et toutes lcs lumières
s'éteindre dans la ville.
Bn cas tl'incendie, le guetteur donnc I'alarme par un battement
précipité de la cloche i9). Il convoquc aux flsselnblées, annonce
I'rrpploche dc I'ennemi ct, cn cas dc tlanger public, appelle scs con-
cito.vens aux ârnres par une sonnerie à toute volee (3).
Les bourgeois attachent un grand prix rr h possession cle leur
beffr'oi. Quand les habitants d'uue localité obtienncnt lc droit de
fonder une commune, un de leurs premiers soins est d'éler,er un
bcffroi ct de Ie munir d'uno cloche. De leur côté, les princes et les
scigneurs s'empressent d'irbattre ce monument lorsqu'ils sortent
vainqueurs d'une guerrc contre la commune. Tous considèrent le
bcffr'oi e[ sa cloche commc les signes visilllcs rle I'indépendance
communale et de la liberté des bourgeois.
Les halles.
- lllonuments élcvés à I'industrie et au commercc, les
hllles forment d'immenses entrcpôts eouverts otr se tient le marché
lc plus important de la ville. Tous les artisans de la cité vienncnt v

( l ) Il en fut ainsi tant qu'il n'exista pas d'hôtel de ville proprement dit.
-
(2)tacloche étaitalors le l.ocsin d'alarme (le toque selng), c'est-à-dire la
cloche quifrappe le signal.
(3) En ce^s circonstances, on appelait la cloche la bancloque (la cloche du
ban ) : c'était la cloehe appelant les bourgeois aux ârmes.
358 xrs'rotnu DES BELctss ET Du Lutitt ctvILISAl'loN

étaler leurs produits et lcs négociants étrangsrs lle peuvent t'ettdre


leurs marchandises cn nul autle endroit de Ia ville. Ordinairemcnt,
les-lrallcs sont des halles auæ tlrups, ntris il existe aussi des halles it,
lu aiande et des halles au pain, construetions d'ailleurs moins impor-
tantes. L'intérieur de ces tnonuments, divisé en grandes salles ou
en vastes hangrrs, n'offre ricn de remarquablc.
Les lialles lcs plus remarquables, etttre celles qtti existent encore,
sont eelles de Glnd, d'Ypres, dc Bruges et de Louvain. Les halles
d'Ypres, édilice du st1'le gothique prinuire, furent construites atr
xruu siècle. Celles de Bruges, coûlmencées au xlttc ef seulement
terminécs au xlve, appartiennettt au môme style. Les halles de
Lourùin, de Mirlines et de Diest, toutes du st1'le gothique, sont du
xrvu sièclc.

- Les hôtcls dc villc sont élevés pour servir dc


H0tels de ville.
lieu dc réunion aux magistrats contmullaux lorsque les eommuttes

.e
z.'2."i1;'4

llùtel dc rille de Bluxelles.

prclucrit clc I'inipoltlrtce cl cluc leurs clroits ccsscut d'rjtrc contestés.


[,es hùtcls t]e ville reutplaccnt donc lcs bcfl'r'ois. 0r', de mùnrc quc
ceur-ci irvitient étô bitis sur lo moclùle cles donjorts, lcs ltÔtels de
ville le sont sur lc plirn dcs stecnen, les rni.risons léodirles cles villes
llanancle's. En géncnl, ils formeut cies qurclrihrtèr'es d'étendue plus
ou moius considôr'able, crrntonnés irux irttgles de tourelles saillantcs.
Trirups HIST0RI0UES. I,ÉHIODE FEODO-COMMUNÀLE 359
-
Les premiers hôtels de ville datcnt cle la tn du xtve siècle seule-
mcnt. 0rr citc pourtant celui d'Àlost comme ayant été bâti au xllle;
mais il n'est pas certaitt qu'il ait été primitivcment destiné à servir
rl'hôtel de ville. Il apparticnt partiellemeut au gothique primaire.
L'hÔtei de rille cle Bruges date de h {in du xtve sièclo. La premitirc

Hôtel tle vilie tlc lJluges,

lriclrc fuI posée crr {377. C'est le scul motiutnent tcmarqurrble tlu
ert
ait transrnis le xrve siricle.
-gcru'e r{uc rlous
0rr leniarrlue ordinairement, clans lcs hôtels cle villc ancicns, se
tlétachrnt et s'avanç:ilnt sur la fiçacle, une sorte de loge
-la lrretèquc
oir le magistrat venait lire le texte des lois, ordonnances, procla-
-nrations et condamnations,
tlaisons des gildes, des métiers et dss confréries militaires.
- La
plupart des eorporations de marchauds ( gildes ) et d'artisans (rnéticrs )
possèdcnt des maisons olr elles conservent leurs archiyes, tiennent
lcurs réunions, donnent leurs btntluets. Les eonfréries militaires
irppropricrtt en outt'e leuls locaux de tclle sorte que leurs membres
peulcnt s'y excrcer au maniement des armes et spécialcment au tir
i I'arc ou u I'trbalète. De celles de ces construc[ions élevées itvant le
360 HISTOIRE DES OELGES ET DE LIII.JR CIVILISÀTION

xue siècle, il ne rcste que I'ancicn loeal clcs senncnts et eelui des
chambres de rhétorique à Louvrin. Encore esiste-t-il des doutes sur
le degré d'antiquitc de ce ntortument,
ffiaisons privées.
- Los uraisons prir'ées construites cn pierre
demeurent très rares, mùme dans les villes, jusqu'au xve, voire
jusqu'au xvr. siècle.
Seules, les maisons de quelques firmilles puissantes sont birties en
pierre. Yéritables fortcresscs d'aillcurs, elles afl'ectent, ordinairement
la forme d'un quadlilatère aux murs trr)s épais, avec revêtenrent
estérieur de pieres de taille. Leur rez-de-cbaussée le présenl,e qu'un
petit nombre d'étroites fcnfitres. Aux étages, les fenètrcs sont plus
nombreuses et plus larges, dc forme carrée ou ogivale. Une plnte-
forme, munie de créncaux sur ses bolds, oouronne généralernent ces
rnaisons. Âux angles, on remitrque des tourelles disposécs en encor-
bellement et percées de meurtrières.
Peinture et sculpture.
- En peinture et en sculpture, Ies productions
du bas mo-ven âge sont encore! pour la plupart, d'ordre mystique et
leur composition révèle toute I'ardentc foi religieuse qui est l'un des
carrctères du tcmps.
Dans leurs créations, les artistes s'attachent surtout à exprimer le
bonheur qu'ils espèrent gottcr dans l'ételnité. Aussi, les ligures dcs
personnages représentés ont-elles des Iignes souples, elancées. Blles
scmblent suivre I'cssor de I'irme vers lc ciel. 0n rcmarque aussi
tlans les tètes quelque chose de féminin, d'enfantin nrème, jusque
drns lcs figures d'hommes. A presque toutes, manque la vitalité.
L'enlurninure et la miniature sorrt particulièrernent, en honneur à
l'époque gothique et acquièrent dès lors un caractèr'e véritablement
rrtistique. Les couvertrrres et lcs pages des manuscrits s'ornen[
d'arabesques ({ ) ; on pcint et on cnjolive de dcssins coloriés les
premières lettres des chapit,r'es. Ces tlavaux sont cxécutés, tantôt par
des moines pour leur couvent, tantôt par des copistcs attitrés
ruprès des grands seigneurs.
À la peinture murale se substitue la peinture sur vcrre qui prend
une extension rernarquable. 0n peint aussi sur bois (diptyques et

(l ) Une tradition inlerdit aux musulmans la repnésentation des ètres animés.


Leurs architccles, leurs peinlrcs et leurs sculpleurs onl imaginé les araùesques.
Ce sont des ornements formés de feuillages, de fleurs et de fruits, de drapàries
et de rubans contrastés, groupés ou entrelacés avec art et de manitlre à produire
un effet agréable.
TElrps rrrs'lonl0uEs. pËnIODE FÉODO-C0)IIIUNALE 36{
-
tliptyques) ( l ), sur statues, probablement à l'encattst[t1ue (9). Ort
peint sur étoffes (bannières et blasons). Quant à la grande peinturc
sur toile, clle demeure dans I'enfance jusqu'au ternps des frères
Van Uyck. 0n n'a pas consené de tableaux proprement dits auté-
rieurs au xrve siècle.
Les progrès de la sculpture pendant l'époque communale sont plus
remarcluables que ceux de la peinture. Ce qui le prouvc, c'est Ie
grlnd nornbre de chefs-d'æuvre sculptut'aux tle eette époque par-
venus jusqu'à nous : fonts baptismtux ell cuivre, tabernacles,
tombes et rnausolées ; portails en fer, en marbre ou ell bronze pour
beffrois, halles, égliscs, etc. Les sculptules sur bois conserr'ées sont
beaur:oup plus rares.
Musique. Lcs trouvères disent leurs cltants d'amour en s'accom-
-
pagnant d'instrumetrts à cordc. Les rnystères comportent de la
musique. Ce sont en quelque sorte des opérrs. Au plain-chant
s'ajoute le declmnt ou d,itrphonie, chant à deux parties, mais fort
sirnple encore. Le contre-point, musique plus savante, à deux ou a
plusieurs partics, apparaît à la fin de cette époque avec Dufal'. Ce
musicien, lé i\ Clrirnai, en 13i0, fut appelé à diriger la chapellc ponti-
ficale. 0n I'a surnommé l'étoile durnatin' de l'école cle musique belge.

TITRE XIII
Bégime économique.

Agriculture. Conrme engrais, on tle connaît encore que le fumier


-
de ferme. Le seul anrendement. employé est toujours la ntw'ne. La
jachèr'c, tl'aillcurs, dispense de fumer tous les ans. L'étendue des
prairies artificielles est toujours pcu cortsidérable.
Plantes atltiuéæ. 0n cultive plus de seigle que de ft'oment, en
-
Brabant et en Flandre ; plus d'épeautre au pays de Liége et de Namur;
partout plus d'avoine que d'orge. Presque toujours, ct en totts lieux,
c'est, dans les assolernents, l'{tvoine qui alterne avec lc seigle ou
avec l'épeautre.

(l) Diptvque.' tableau ou bas-reliel composé de deux pânneaux peints ou


sc,itpies iui ia face intérieure et dont I'un, mobile, forme volet. Si le sujet est
couvert de deur volets, on I'appelle triptyquc.
( 2 ) Procédé qui consiste à employer des couleurs mêlées à de la cire en
tus'iori et à les appliquer à chaud sur un fond de bois.
369 rrrslornu DEs TIELGES EI DE Lrun crvllls..tll0N

Les monastères flamrnds, ainsi que les fermiers des comtes dc


Iiliudre, cultivent beaucoup la vignc. Au frvu sièele, Bruxelles fait un
grand commerce de vin du paÏ$, très estimé par les tlucs tle
Blabant.
Du xre au xl're siècle, on cultile Ia vigne en Campine, autour de
Liége, Huv, Louvain, Tournai. Yers 1300, la vallée clc la Meuse, cle
Huy a lllirastricht, ne forme r1u'uu immense vignoble. Dans les aunées
ordinaircs, le litrc de vin du pays se r,end onæ ccntimes.
Toutefois, le raisin mririssant mal, le vin qu'on en tire, toujours
lude, devient prornptement aigrelet. Les propriêtair'ôs, pliuces,
rtobles, prêtres, religieux, riches bourgcois n'en boivent que lc meil
leur qu'ils nrélangent volonticrs d'fpiccs. Le rrrste, ils I'abanflonnelt,
à lcurs scrfs.
Lir culturc du houblon commencc r\ se répandr.e au xrrre siècle.
Dans les potagcrs, on cultive I'arroche, I'oignon, I'ail, la mou-
trltle, Ie panais, lc: chou, la crrotte, le pois, mais surtout la fèvc et, le
haricot, éléments csscnticls de lir nourritule des gens du pcuple. 0n
r)e soDge pas encorc Èr faire pour I'hiver dcs réserves cle plantes-
llcines.
Anùnaut domestiques.
- L'élevrgc du mouton a lieu slrr une
échelle irnportante en notrc p:rys, mais srns réussir très bien.
Thomas rlc savoic, second mari de Jeanne de constantinopre, ayanI
fait lcuir cles chevaux rle Pouille, et de savoie, des taureaux aveo
des vaches de grande taille, les rirces chevaline et bovine s'irmé-
liorcnt, en Flandre.
lnduslrie et commerce. Les gildes de marchands. Reportons-
- -
nous en pcrnsée au temps où viïait Charlemirgne e[ arux deux siècles
rpri ont suivi cettc époque éloignée.
Dans la Belgique d'alors, nous ne rencontrons qu'un très petit
nonrbre de lilles clont aucune n'l d'importance, sous le lapport de
la population, de I'iudustr.ie ou du commercc.
lious n'y trouvons point, commo aujourd'hui, de grandes manu-
frrctures capables tle firbriquel' assez de drap, dc toire, de tissus de
coton ou de soic pour satisfaire aux besoins de dix villes cû de cent
lilluges. En chaque château ou monastère, dans toute locarité, un
setrl moulin, four, brasserie, pressoir, tanuerie, etc., ser.t à I'usage
tlc tous. L'hi'r'er,les femmes filent le chanvre et la laine dont deux ou
tlois habitants, instruits dans I'art de tisser, feront la toile et les
étoffes nécessaires à la commuuiruté. presque tous les vètements
sont confectionnés par des fsnmcs; ol attachc tr.op peu d'impor-
TE}II)S IIIS'I'OIIIOUES. _}I,iITIODE FÉODO.COII$IUNÀLE 363

tance.i la coupc des habits pour employel des hommes au métier de


tzrilleur.
Quelques at'tislns, charpettticrs, meuttisiers, maçons, forge-
lorls, et,c., vivent égalenrent à demeure clans clraque centre de popu-
lation. Ils s'1' oecupcnt a construire les habitations peu éléeantes et
peu confortables de l'époquc ou à fabriquer les rneubles, ustensiles
ct al,tirails divers, tle facture généralemcnt grossière, dont se con-
tcntent nos rudes ancètrcs.
Nulle grantle inclustrie nc pcut donc exister dans les villes, puisque
I'industrie privée su{lit à tous les besoins essentiels. Quant âu com'
merce, il n'it pas plus de raison d'ùtre, car cÏtacun peut se procurcr'
Sàns presque sortir dc chcz soi, toutes les cltoses indispensables a
une lie simplc, dont personue tr'éprouve le désir de chattger.
Poultant, dans lcs chirteaux et les motllstères, on voit pal'fois
llriver, à piecl et,ll bnlle au dos, un mlrchand ambulant, polteur de
rluelques rnarchandises rares tirécs de l'Qrient et d'rutres lointains
pil-\'s: des étoffes de soie, dcs toiles et cles draps fins, dcs épices,
des armes à trernpe littc, des cuirs d'Espilgne, des perles, des pierres
précieuses, etc. Par dc mruvais chemins, toujours peu stirs, ou Par
des senticrs ir peine fra.rés, il va d'un chitteau, d'unvillagei\ I'autre,
ér'itaut le plus possible les lieux oir il se sait exposé aux irtsultes et
lux exactiorts.
Il rte s'rtpproche
pas sirns inquiétucle du sombre chirteau qui,
{lontme un rticl de vautour, courot)ne ccs rochers à pic. 0uand
il franchit la porte à pont-levis qui donne accès dans cet|e
dcmeure, le cæur lui bat bien fort. Peut-êtrc, cn effet, est-elle
habitéc prtr I'un'clc cos barons violents et [rutaux qui ne respectent
d'autre droit cltre cclui du plus fort. Déjt\ il a dt acheter très eher le
pirssâge sur lcs tcrres {e plusieurs attl,rcs seigncurs. Quel gaiu lui
restera-t-il pout' contpenser tlrtt de frais n tle fatigues et de périls ? Àussi
se tlemanclc-t-il avec angoisstl comment il scra accueilli ici. Les hommes
puissants de l'époque paient si 'r'olonticrst au prix qui leur convient,
la urarchandise tlu pauvle colporteur ! Parfois mfime, ils le maltraitent
et le dépouillent entièrement, quand ils ne ront pas jusqu'à le retenir
et lui irnposer ullg grossc rançoll. E[ alors, c'est la ruine et la misèrc
pour lui e[ sa famille.
Las d'Ôtrc ainsi I'objet d'avauies et tle rapillcs coutirtuelles, les
lnrrchands s'unissellt; pour s'entr'aicler et se cléfendre, ils forment
rles associations qu'ils nomment gitdes.Ils se donnent un règlcment
r1u'ils jurent tl'obserr,er sous peille d'amendes collvenues. lls s'etlga'
384 rrrsromn DES BELcES ET DE Ltlun crvrlrsaT'roN

gent a vcrser annuellenrent drns ttne cirisse comnlune, une certaine


somme d'irrgcnt qui s'augmente du chiffr'e des amencles ct du droit
d'entrée i\ payer par lcs noureaux nrembres. Âvec les ressources que
lui procule cel,tc cirisse,l:l gilde indemlise en paltie, des per[es qu'ils
ont subies, les narcliands clépouillés; elle acrlorde des secours i\ ceux
qui tombent dans lc clénuenent; cllc fait des pensions aux veuves et
aux orphelins des plus pauvres.
Les membres de In giltle choisissent, pour tenir leurs comptes, un
rcnlier' 0u receveul'; pour rédiger les comptes rendus cle leurs séances,
ils nornmcnt un grellier ou secrétaire; pour régler leurs désaccords
commcrcilux, ils désignent quelques-uns d'entre eux, parmi les plus
compétents et les plus sages, qui formen| le conseil (tribunal) dcs
ju,rés; enlirr, ils se donnent cles r:hefs, les doyens o\ gotLuertreur.ç,
cirargés d':rdministrer les intérêls de la gilde c[, lc cas échéant, de
porter ld parole en son nom.
Dès lors, ils ne voyrgent plus que par groupes et bien armés.
Devenus plus hardis, ils défendent énergiquement lcur bien lorsqu'on
vcut le leur ravir. Pour gagner les bonnes grirces des ducs et tles
comtes, qui sont cles priuces i\ peu près souverains cn notre pays, ils
lcur pa1'ent de fortes somnes tl'argeut, tirécs de la bourse commune,
ou lcur offrent;. en présent, une partie de leurs plus belles
marchandises. Dèsormiris, ces puissrnts seigneurs les protègent, leur
fournissent des escortes ou chirtient sévèrement les plus rapaces
cntre les barons de lcur principauté. Pcu à peu, la sécurité renrit
pour le commerce, qui prend unc irnportance dc plus err plus consi-
dérable.
Dans lcs localités situées au bord de lzr mer, dcs marins entrepre,
nants se risqucnt à allcr trafiqucr sur les côtes de France. d'Algle-
terre et dc Germanie. Eux aussi s'associent en giltles et leurs associa-
tions ne tardent pas à porter les mêrnes fruits heureux.
La puissance, la richesse et I'inlluence du peuple des marchands
grandissant, tous les jours, les gildes se font bâtir des maisons
superbes où elles serrent leurs arelrives: où leurs membrcs font cn
comrnun de gais repas, proprcs à resssrrcr les liens cle la fr.aternitô
qui les unissent. Ils y tienneht également des séances plus gmves otr
ils discutent leurs intérèts tant politiques que commerciaux. car ils
ont acquis des privilèges nombreux garantis par des chartes; ils
ont une bannière, le droit, de s'assembler sur la place publique,
celui dc. participcr à l'administration de la commune. de ne
pûyer que certaines taxes, clc faire seuls tel ou tcl commerce, clc
TDtfl,S UrS'r0RrQ[ES. I)ERIODU Hi0D0-C0]r]tuNALE 365
-
collstruire dcs halles oir ils exposent leul's marchancliscs en vente, etc.
llais, avcc la lichessc, I'orgueil lcur cst vclrlr; ils méprisent lcs
at'tisirns, c'est-à-rlilc lcs gens qui exercent clcs niétiers manuels. Ils,
lcs estirnent de condition inferieure r\ celle rlcs niarchands, e[ ils les
ruecueillent diflicilenrcnt parmi cux. pour. c[re aclmis tlans leurs gildes,
I'lrtisun doit pl.ver un ch'oit d'entrée forl, éler'é et a.r,oir ccssé cle
travailler de ses mrins clepuis un iln el un jour: lcs gcns arx ongles
blans et sont hautaiuement rcpoussés.
.La hanse flamande. Vers I'an 1940, il se forme en l,)urope, sou$
lc ttont dc hanse, une -gildc ou ligue commer,ciirle intcrn:rtionale dont
lcs gildes belges constituent I'clémcrrt lc plus nombreux. c'es[
poulquoi ou lui clorme le noni cle lmnse flanantle .
Lc roi et les villes d'lngleterre lui concèdent trcs privirègcs si
étendus que le monopolc du conrrnercc cn co p.r)-s tombe r'ér.italllc-
tnertt erttle scs mains. L'association, d'rrutre part, iixe à Londres le
siège plincipal dc ses opérations; pour ccsurotifs, ellc prend parfois
le nom de lmnse de Londres
Lt hanse de Londres a une organisation analogue r\ cellc de nos
gildes n'.rtionales: des statuts, rlcs chefs et, uu [r'ésor entrctcnu par
cles dr:oits d'entréc, des cotisations et des amencles. Les simpres
membr'es de cettc puisslnte corpolirtion sc qualifient clc seigneurs
de Ia hanse. son doyen, crhoisi palmi ceux des giklcs brugeoises,.
s'attribue le titre de cornte de h, hansc; les giltles d'yprcs nommerrt
Ie lientcnant du cornte, qui polte le nom d'éntyer. conrme on le voit,
cette association affccte des allules aristocratiques. Les petits
détrillants et les fabricauts qui travirillcnt de leurs mains n'1'peuvent
ètre admis. Le droit d'entr'éc à payer cst cle clix malcs sterling. Dix-
sept, puis vingt-quaùr'e'r'illes du continenI cn font, pirrtie, entre autles,
Bruges, Gand, Ypr.es, Huy, Lille, \'alcnciennes, Cambrai, Reims, etc.
Notre pays occupe une cxcellente position geographique et com-
merciale; son sol est fertile, st-ur lgliculturc avancée, ses richesses
minérales abondantes: grtice à cc concouls cle circonstanees favo-
rables, le commerce y atteint rapidcment un degré dc prospérité
inoui'e. Bruges devient eu tluelclue solte I'cutrcpôt universel du com-
merce. Trente-quatrc uations eul,r'etienncnt alec ellc ctcs relations
suivies. Des canaux uombreux, cte belles et larges routes sillonnent
la contrée, frcilitant le transport des marclrandises.
Foires etmarchés. foires célèbres, espèces d'expositions pério-
-Des
tliques, entre lcsquelles se clistinguen[ celles de Thourout, attirent
cu Flandre, tle toutes les parties du moncle, une foule prodigieuse.
366 HrsTornts DDs TJELGES ET DE LEUR cIvrLISATroN

Dans ces foires, qui se tieunent aux halles, on série les ventes.
Àujourd'hui, on vend lcs dlaps et riert d'irutre I tlemirin, les toiles ; le
jour suivaut, les grains, ctc. A l'époquc de lir foire, il est
défendu, paltout ailleuls dans le pays, de vendre elt gros cles produits
semblables à ceux exposés sur le champ cle foire. C'est ir la fois
forcer les murchands li s'y rendre avcc leurs marcltiinrlises et assurer
le débit cle celles-ci. Pcndant toute la durée de la foire, lcs ntalcltands
sont exempts des droits de tonlieu, d'étalagc, d'accise, ctc. l,n
tribunal, siégeant en permallence, tlit cles écheuins de fu foire, rJont
les membres sont, choisis par les narchands, en a la surveillirrrce et
jugc souverainement tous les litiges qui s'élèt'ent eltre les vcndeurs
et les acheteurs.
0roit d'étape.
- L'un des privilèges les plus recherclrés par les
eommuncs au nroyen irge cst le droit cl'ôtape sur les denrées e[ sur
les marchandises. La ville qui possède le droit tl'[ta.pe sur une
rnarchandise a le privilège de pouvoir faire lrrèt,er et urcttre en rentc
clrez elle (rl'oir le terrne, droit tl'éktpe) tout ou partie d'un transport
de cettc marcliartrlise, de passilge dans h loealité. Conférer à unc
ville le droit cl'étape sul' une marchirnclise, c'est en soninre lui attli-
liucr le pri$legc cl'cn firire Lr distribution iru rcstc du piil''s. C'est donr,
lui procurer uue impoltante source de bcnéIiccs. t'cs[ ainsi
qu'i\nvers dispute longternps à lhliues lc droit d'étrprt clc I'lvoincr,
rlu sel et clu poisson. Plus d'une fois, dc sunglanls conflits éclatctrt
cntre les deux villcs r ririson rle lir livalité qu'excitc l'cxcrt:ice ile ee
droit par I'unc ou par I'lutre cl'entre elles. (iancl possirde,ln flandle
le dloit d'étapc sur les l-rlés. Lc seizièrne tles gr':rius lcrnontiurt
I'Escaut, et lc qualt de ceux qui le desccntlcrrt, ,v duiveut ùtre
cxposés en vente.
Changes et banques. D'rrllord, les gros marcltarrds ne s'embilr-
-
rassent pas d'argent monnryé. Ils trarnportclt avec eux clcs lingots
dc métrl qu'ils fonû monna)'er àux lieux odr ils se lcnrlent. l[ais ccla
est peu pratique et folt gènirnt à cause de la multiplicité rles rnonnaics.
0n recourt alors aux cltangeurs. 0n porte a ccux-ci I'argent mon-
rra.vé dont ort désire se rléfailc; ils cn fixen[ la valeul ct, riroyennant
une certaine commission, dorurent d'autre monnaie en rir-.hluge. Des
tableaux indiqucnt le rapport des monuaies. l,ln certiiines localités,
les changeurs constituent uu méticl puissant. Plus tirrd, ils prcnnent,
lc rrortr de bunqtûels prlrce r1u'ils étalent leur lrgent sur un banc.lIs
prètent âussi, moyennant intérôt. Illiris l'Iiglise, r:ousirlér'lint, à
cette époque coltlne usure toute cspîrcc d'intér'rit, lcs .luifs sont
TEMPS HIST0nrQUES. pÉRr0DE Fti0D0-C0rn[jNÀLE 367
-
d'abold à peu près les seuls à exercer.la profession de brrnquier.
Vers eette époque uaît, la lettre de change. Elle a pour objet
d'éviter les enrtuis et, lcs risqucs du trirnsport du uurnéraire par des
voies souvent peu stres. 0n lir conuaît en Itlandre clès Ie xur" sièclc.
Halles ou march6s.
- Les halles sout des marchcs couverts oir., ir
certains jours de la semaine,, I'on exposc en vente, une ou plusieurs
espèces de marchandises. Chaque nrétier irnportant a sa halle. 0n
connait à Liégc : la halle des drapiels, la hallc des tanueur'.c, lû halle
des bouchers, I:r halle des vignerons.
Lcs jours dc malché, lcs halles sont ouyerl,es au public clès six
heures du rnatin. Les doyens ou les rervards font alols I'inspection
des rnarchandiscs exposées pour s'irssurer que toutes sont, pourvues
tles malques r'églementiriles. Les malchanclises de bonne qualité
clui rte les possèdent pas en sonI inrnédiatement revctues. euaut aux
erutres, elles sont conlisquécs ct leurs propriétaircs punis d'une
rmertde. 0l ne peut vendrc r\ la halle avant le passage des rervtrds ;
dc urème il est, sévèrement interdit de veudre uuc rnarchanclise qui
a été apportée uprès leur inspection.
Bourses au Xllle siècle. Pour traiter leurs aflhires, les ncgociants
-
dc la ville dc Bruges avaicrrt I'habitude de se r'éunif sur une certaine
place publique. Là, s'élevirit un hôtel dont lc propriétair.c avirit fait
gravcf, tu-dessus de la grandc porte d'entrée, troi.s bourses en éatsson.
0rr Iinit' plr donncr le noru cle bou,rse lux rôuliols quotirlier)ncs
tenues en ce lieu. Plus tiird le tcrme bourse s'étcnclra au locrl dans
lequel lcs malchrrlds se mettent. rr couvert 0lI cas de mauviris tcmps.
La premièr'e bourse ser.ir birtic a Ânvers en {SB?.
ilarine.
- À l'époque des croisades, les nlvires preullen[ dcs
diurensious considérables; ou en construit qui sont capables de
porter jusqu'à nrille soldats ct, cent chevtlux. Généralement, ils sont
i) plusieurs l'âng's superposés de rnmcurs. Dans l'ordre de grlndeur,,
trn les allpelle : galion, galèt'e, dronton, l,lc.
corporations d'artisans ou de métiers. Leur origine et leurs premiers
développements. Yoyons d'abor.d-leur or.igine. L'habil,Lrde de
chùcun, chcz nos irncùtres, de construire, de fabliqucr ou dc
confectionner soi-même tou[ ce qui cst inclispelsable ir lir vic simple
ct frugale de l'époque, empêche longtcmps I'industric de se clér'e-
lopper dans lcs villes ({). Lor"squc, par la suite, le comnrcr-ce a pris

('l ) L'indus-trie, pendant les premiers sièclcs dn moyen iige, n'est. r1n'un
accessoire de la produclion agricole. Pour qui travailler dans lésïiues, qiantl
368 rrrsrolnE DËs BELGES Et' DE LÈuIt ctvlLISÀl'IoN

cluelque extension, Ies artisans continuent à habiter de préféqence la


camprgne oLr ils trouvent plus de facilités pour se procut'er lir
matière première de leurs industries et la plupart des choses néces-
saires à la vie.
Pour réunil les marchandises dont ils fonù le comtnerce, les mar'-
chands parcourent le pays, achctant aux chirteaux, aux monastères,
irux cultivateurs et aux artisans libres, leur supet'flu de grains, dc
toiles, d'étoffcs de laine, dc cuir, etc, Palfois, ils foumisscnt cux-
mrl,mes à ces derniers la matière prcmiùre de leur industlic. Lcs
nrarchands tle cette époque sont donc de véritables industriels.
lllais, insensiblement, oll reeol)naît qu'il scrait avrtntageux, potlt'
tun grand rtontbre d'industrics, de rasscrnblcr clans lcs centlc,s lcs
plus populcux les matières premières dont ellcs ont besoin, ct cle lcs
-v
faile mettre en æuvre par les ouvricrs de la lociilité. Aussi voit-ott
lcs artisans se multiplier subitement daus les villes, ou les marchantls
habitaicnt jusqu'rlors a côté clu clergé, d'utt certain nombre cle
moiues, de quclques noblcs, de leuls set'fs, et d'utl trùs petit nombr'e
d'artisans Iibres.
A I'imitrtion des marchands, lcs artisaus se rciuttissent bientÔt en
associatiorts clonf le but ôst de s'etitr'irider, cle cottsert'er le monopokt
des a tours de rttaiu r>, au besoin de se défendre cotltre les exigences
des marchands et les exactions cles seigueurs.
L'emploi des mèmes instrttments de trirtitil conduit aussi plus
cl'une fois a I'lssociation certaines catégories d'artisans. Un scul four
pouvant sufiile à I'usirge de plusieurs boulanget.s,les boulangers d'uu
môrne endroit se réunissetrt yolorttiers pour ett coltstruire un et
I'entretenir à frais communs. De mùme, les tuneurs d'une localité
s'entendent ordinirirement pour faire llâtir un mouliu i\ ôcorce tlestiné
'.r I'usage de tous. L'irssociittion dcs artisans en corps de nétiers est,
donc d'abord favorable au progrès de I'indusl,rie.
Les artisans, ainsi associés, donnertf it leurs eonimunautés lcs
noms d'anùtiés, de clmrités, de frairies, de fraternités, de conliéries,
mais plus sourent celui de nrétiers.Ils fonnent dùs lorii des unit[s
indu,strielles.
A dater de ce jour, les artisans s'attachent, avec urte infatigirblc
ténacité, à arracher aux grands quclques-uns cles uontbreux privi'

fes besoins locaux sont satisfaits? (YnilrnKINDERE, Lc sitcle tles Atterelde,


p. 103.)
TEMPS IIISTONIOUES. PÉRIODE FÉODO.COMITUNALE 369
-
lèges que ces derniers s'étaient si longtemps réservés. chose remar-
quable, les sour-erains voient naître, sans trop de déplaisir, ces
associations d'altisirns; parfois mème, ils les encouragent. c'est
qu'elles se forment piutôt contre les riches bourgeois que contre
eux-mêmes.
chaque corps de métier a donc son incliviclualité liropre : ses
chartes, qrli lui attribuent le monopole cle quelque irxlustrie; ses
statuts ct ses règlernents, rlui sont, peu t\ peu recoulus ou ripprour,és
par Ia conlmune et par le prince. A I'instar cle lir commune elle-même,
il constitue une personne morale, c'est-à-clire une incliviclualité civile
qui, à I'occasion, forme aussi une unité militaire ou une unité poli-
tique. Il pcut acquérir et posséder; prelldrc part t\ I'adniuistration
de la commune; en temps cle guerre, marcher au combat sous srr
proplc liannière.
D'abord restreint, lc nombre tlcs métiers se multiplie à mesure que
s'étcnd la division du travail prr suite du perfectionnernent dcs
méthodes industlielles. Au milieu du xrve sièclc, oll crl compte de
cinquante à soixante à Girnd, Bruges, Bruxelles. Il n,.v en aura jarnais
au delà de 39 t\ Liége; mlis plusieurs se subdivisent en sections
qu'on appelle les utentbnes du métier. Tel est le cas, pirr exemple,
pour les ouvriers préparant ou travaillaut Ie cuir, tous rangés claus
le gland rnétier des tanneurs, et se répiirtissant en dix ou douze
srrbdivisions: les tanneurs proprenzent dils, les corrolJetffs,Ies sellters,
les bou,rrclferr, les relieurs, les chantotseurc, les mrtroqtùniers, les
nûgis siers, les par clrcntininr s, Ies
Ttettetie?.,e, etc.
0n distingue aussi les métiers en grands et en Ttetits métiers sui-
virnt le nombre plus ou moins élevé dc leurs mcmbres. A Bruges, les
grands méticrs sont les tisseranils (fabr.icants de drap otr de toile);
les fotr,lons,,les bottclrcrs et les poissonniers

Onganisation du métien des tanneuns à Liége.

Nous faisons connaître ci-après, daus scs lignes essentielles,,


I'organisation du métier des tanneurs à Liége (l). 0n pourra aisé-
ment rapporter i\ ce type I'organisation des autres métiers.
Admission.-A Liége, pour être admis drns re métier des tanneurs, il

ces notes ont été spécialement puisées dans I'excellent livre tle
-_(!)
M. suxtsre,s Bonual{s i Le boi métier des îenmew.s deIa cité tte Lié(te.
Y. trlirguet.
- Histoireiles Belges. 91
3i0 IIIST0IRE Dl'lS IIELGES ET DB LEUR CMLISrlt'I0N

faut, d'abord Ôtre né de milriagc légitime et jouir cl'uttc llonne tépu'


tation. Les fils de compagnotl ou dc nuitre qui sittisfont à ces
conditions préalables sont, de droit, mcmllres du métier. I{érn-
moins, pour pouvoir en fréquenter les assernblées et pratiquer lcur
état, ils doivertt pii)'cr, outre li.r cotisatiou ortlinuile, uttc tlxe spéciale
applée droit tlcrclicl' (ou d'hér'itage), peu élevée cl'irillcurs, puis-
qu'elle ne dépasse pas ull llorin d'or.
Pal con{,re, Ies bourgeois ou fils de boulgeois notl tiltttieurs, et lcs
ouvriers étlangers, tloivettt, pour ètre admis claus le Incitier, payer
un droit considérable qui, a certaines époques. dépassir cenl, florins
d'or.
Les étlangers, ainsi aclmis, peuvcnt être autorisôs it ttsel le métier,
i
c'est-à-dir'e ù l'erercu, le Ttratirltler : jamais ils ue peuvcltt le ltanter,
c'est-à-dirc en fréquenler les nssemblôcs, prendre ltlt'[ itux votes
émis, être investis de chrrges, etc.
En général, pour ètre accueilli dans urt métier ou llour contirtuer à
en faire par'tie, il faut de la tenue et de la conduitc. Qtriconque ne so
vôt pas correctentent ne peut êJre admis dans lr corporation; qui-
conque est convaincu de vol cn est chassé. A llruges, pour avoir
appelé menteur un cle ses crmfi'ère.s, ull ntenbre du rnétier des tan-
neurs est suspenclu pour quinze jours. LCs membres tltti se querellertt
sont suspendus pour trois ntois; ceux qui ne pryent pils lettrs dettes
sont exclus dcs réurtions.
Diverses catégories de membres du métier.
- Le ntéticr tles tanneut's,
et en général tous lcs ntôticrs, contprcnd plusicurs catégories dc
membres : lcs uarlefs, les apprentis,les compagnons ou simples
ouvriers, les mattrcs eLlcs patrons,
Les varlets.
- Les uar"lets sont des domestiques ott mtnrcuvres
cmployés aux travaux lcs plus grossiers de la tannerie. Ils ptlrtent le
tan et mèuent la brouette. 0n lcs choisit parmi lcs cnfirnts illégitimes
et les pauyres n'appartenant à rucune corporation.
. Les apprentis.
- Pour pouvoir ètre admis à I'apprcntissage, il faut
avoir atteint l'âge cle treize ans, ôtrc enfant légitime e[ lé dc parertts
catholiques. L'apprcntissage dure six illls ilu moins. Un maÎtre rtc
peut accepter plus d'un apprenti; celuici ne reçloit point de salaire.
Souveut mêmc' il paye sa pension, situf dans les dernièrcs rnnées de
I'apprentissage oir la nourriture lui est comptée l\ titre cle sirlaire.
Dans la plupart des métiers, l'apprenti fait en quelque sorte partie
fle Ia famille du patron. ll loge dans sa maison otr il aide non seule'
ment aux tralaux de I'atelier mris encore à ceux clu ménugc. Dans
TEITPS rrrsr'0nrQuEs. pÉnl0DB t'80D0-c0utrrjt(ÂLE 37'l
-
aucun métier,lc patron ne pcut tenir plus cle dcux ou trois apprentis,
afin d'ôtre à môrne de les instruire convenablement et fircilement.
Autant que possible, chaque apprelti cst placé eutre clcux conlpagnons
qui surveillent sou tnvail et le guirlent de lcurs conscils. << L'àp-
prenti aura vingt ans, dit une keure d'llérenthals. Il payera soll
apprerttissage qui s'étenclrl suf plusicurs aunécs, ordinailement six
ans. Il ser'a placé, dans l'iitelie.r, entrc cleux corltl)Llgnous, de telle
solte qu'il lit toujours sous les yeux de bons modùles.
Les compagnons. Lcs ouvriers ou cornpagnons sonf les hommes
-
du métier dont I'apprentis.sage est terntiné, mais qui n'ont pàs cncole
présenté ou réussi leur chel'-d'(ytu)re.0n trorrve cependirnt, parnti les
compagùons, des ouvriers portcurs du titre cle maitre.
Ce sont, soit des lils rle patrous, uon cltcore étabiis à leur proprc
compte, soit des ouvricrs possédant tlop peu de ressources pour
acheter uue tirunerie et ouvril' ulle boutique.0rdinailement, ces der-
uiers remplissent chez lour pittron, oir parfois ils demeurent toute
leur vie, I'office ùe maitre-ou,urier.
Dans tous les méfiers, le patron trtrr''rille i\ côté des compaguons et
Ies traite, non cornme cles inférieurs, niais courme des camarades et
des frères. Souvent, le patron et le cornpagrlon s'occupent au mènre
ctabli; I'habileté plus grande du premier durs le manieneut des
outils et drrns la fabricrtion des produit,s du métier est la seule supé-
riorité à laquelle il attrche de la valcur. Poul empècher I'ouvrier de
tomber diirs la dépcndance de son patron, on lui interdit générale-
ment de loger daus la maison de celui-ci: il u'y peut mème prendre
ses repts.
Le compagnon est libre: l sa volonté, il peut quitter son patron
ou lir ville.
Les maltres.
- Après avoir travaillé penclant plusieuls années eu
qurlité tl'ouvlier ct s'ètre perfec[ionné dans son art, le compirgnou
reçoit le titre cle nmître lorsqu'il a plésenté et fait admet,t,re sot clrcf-
fl'ss11tt"€, c'est-'i-dire un cuir pr'éparé par lui seul avec une perfectiort
suflisante. Pendant tout le ternps qu'il passe à ce travail, le compa-
gnon est I'objet d'une surveillartce rigoureuse. S'il iibandonue
momentanément sa tiiche, le cuir en fabrication est conserrié et gardé
par les rewards.
Dans tous les métiers, le compagnon désirer:x cl'rrcquéril le titre dc
maître doit prouver sa capacité de bicn faire pirr la productiort du
chef-d'æuvre. Cet usage est général. Le tailleul présente une étole de
prètre; le cordonnier, une botte; le scllier, un harttais; le chrpelier,
379 Hrsr'ornE DES nELGRS ET DH LEUR crv[rsATroN

run chapeau de fcutre. Du comprgnon rntçon, on exige un arc de


mirçonnerie; du tailleur de pierre, une console de voûte. Au chirrron,
on demande une roue de remouleur; au tonnelier, une cuvelle; tu
coutelier, un couteau, etc., etc.
Les patrons.
- Genéralement Jes maitres deviennent Ttatrons,c'est-
à-dire qu'ils linissent pal s'établir ejt travailler à leur compte. Mais
auparavant, ils doivent acquérir ullc tannerie, une rnofson otr ils
tiennent boutique, et une échoppe ( établi ) à la halle.
Les maitres tauneurs, établis en qualité de patrous ue peuvent
vcndre que Ies cuirs sortis rle leur tannerie, et, pour éviter toute
fraude sous ce rapport, on exige qllc chltquc cnir soit marrlué des
initiales du fabricant.
Il leur est égalernent interdit d'exploiter plus d'une tannerie et
rnême d'occuper dlns cette tannerie unique au delii de trois ouvriers,
-v compris leurs fils, Ieurs trpprentis ou leuls varlets.
PLir ces nesures, on espère assu,Ter du, tramil n tous les nrcntbres Lle
I'association et emçtôcher les uns tlc tleuenir beau,cou,p plu,s riches que les
autres. On ueu,t aussi protéger Ia Ttetite ind.ustrie et empecher la grantle
de na'itre.
Aucun fils de maitre ne peut s'établir à son compte avant l'llge de
95 ans. Comme tout autre compagnon, il doit iruparavant produile
son chef-d'æuYre.
Il est permis à une veuye ile rnaître de continuer les affirires de son
rnari défunt, d'oecuper des ouvliers et de teuir boutique. Elle conser\re
les mêmes droits si elle so remarie.
Dans la plupart des métiers,les conpagnons munis cle leur cliplôme
de maitre s'établissent en qualité de patrons dès qu'ils ont écono-
nrisé le petit clpital inclispensable i\ leur installation, et qu'ils en ont
acheté le droit iru prince, ii lir cornmuno olr i\ la corporalion, parfois
à tous les trois.
Dans un certain nombre de corporrrl,ions, les patrons seuls sont
électeurs ct éligibles aux offices du métier et aux fonctions publiques.
Propriétés du métier. Le métier des tanneurs possède un moulirr
-
à écorce oir tous les patrons sont astreints, sous peine d'amendes
'iï
sér'ères, faire nroudre les écorces qu'ils emploient. Sur chaquc
meunée, il est imposé une taxe dcstiuée à couvril les frais d'entretien
du bâtintent.
Le métier possède aussi une halle, grand marclié couvert oir, ir
jours fixes, ehaque tanneul expose en veute les produits de sa fabri-
cation.
TErrrls flIST0RrOuES. _ PÉRIoDE FÉoDO_CoMrruI,lAlE 373

_-une
iiutre propriété clu métier des tanneurs est ra maison des
Tunneurs otr se tieunent les assernblées et réunions
des membres du
métier et oir I'on serre une partie des archives (chartes
et diplômes,
règlements et, statuts folmulés par les membres
du métier, et
approuvés tant par.ra commu'e que par re prince;
titres dc pro-
priété, etc.). c'est lù aussi que le métier donne ses
fêtes et ses
banquets.
Les tanneursde Liége possèdent, une clrapelle dédiée
à saint Jean-
Baptis[e, Ieur patron. Le jour de Ia fête du saint, res
compagnoùs,
rprès s'êfre r'éunis au local du métier, se rendônt proccssionnel-
leme't à cette chapelle un cierge r\ la main, re cléposent sur |autel,
assisten[ à une grand'mcsse célébrée par leur chapàlain
et passent en
réjouissances le reste de la journée.
signes distinctifs. Les sig'es cristinctifs tlu métier des tanneurs
-
sorrt au nombre de trois principaux : Ies arnrciries,quiconsistent
en
un aigle à deux tôtes ; une bannière cl'étoffe rouge couïerte
cl'insignes
et d'emblèmes brodés en or; enfin, uù sce(nt,rdont on marque Ics
pièces écrites rédigées au nom de la corporation.
Généralement,les armoiries d'un métier sont cles symboles parlants
qui représentent un ou plusieurs des outils à I'aicle desquels
I'es
compagnons exercent leur industrie. ÀiDsi les tauneurs
cle Huy et de
Ga'd onf pour armoiries u' hachoir et un écrra'roir; ceux d,ypres,
deux échamoirs; ceux de Bruxelles, uu liachoir et une corne
de
bæuf' Seuls peut-êtrc, res tanneu's cre Liége font exception
.etc. à
cetfe règle universelle
Lesuignerons ont pour embrème uùe grappe dcraisins
;
res tonneliers
utr tonne&u et un ntarteau de tonnelicr,. les nrurchund,s de grain
un
selier,les bo*langers une pelte ù, enfou,rner. L'emblème de ia
corpo_
ration des portefar"r est formé d.e detm porteurs q,u se,c, au naturel;
-brique,.
celui des nlaçlns, d'une paletteet cl'une celui d.eâ charpentiers:,
d'une tarùère; celui des taillpurs, d'une paire cle ciseaun. De,r
bottes
d'argent constituent I'emblème cles corclonnter,,r,.un ôæru/l
celui des
bouchers ou nx&ngons.
La bannièr'e des métiers cst le symbole cle leur inclépendance
et de
I'union de leurs membres. lls attirchent le plus haut prix
à sa con-
quête et à sa conservation. Les princes, au
contraire, s'empressent
généralement de la rlétruire auisitôl que I'occasion
de le faire leur
paraît favorable.
De même que tous les métiers ont une ban'ière,
tous possèdent
url sceau. Nous I'avons vu plus haut : les métiers forment
des per-
314 HISTOIRE DES I}IILGES ET DE LEUIT CIVILISATION

sonnes morales, légalernent recOnnues. Ils peuvettt acquérir


des

propriétés, les vendre, soutenir des actioDs en justice, etc. De là,


pour chirque corporzrt,iotl, la nécessité d'un sceau'
Tous les rnétiers rte sc font pas cortstruire une maisotl commtlne :
les moirrs richcs se contentenl dc loucr of tl'approprier,
pottr lettrs
cltarnllre, à l'étage d'ung
r,éunious, unc seule salle Ou une sirnple
lictt de bittir une chapcllc rlécliée à leur patron,
tm,erne. De mômc, au
ils se botuent orclinairerttcnl, à lui élever un atrtel dans I'une ou
I'autre église.
Tellet cst I'originC cles nombrgux autels r1u'0n relllarqug en cer-
par
taiues églises ancierlnes : la pluprlt ont été édiliés au mol'eù âge
lc soirt des gilcles et rles corps de métiers'
Assistance entre compagnons. *Le méticl des tanneurs a sa caisse
alimentée par les droits d'entrée des membres nouveaux, les colt'
par
sations périotliques de tous et le protluit des antendes encoulues
qlelquôs-uns. A I'occasion, des secours sont attribuirs, sur cette
caisse, âux compagnons ntalades ott ittfirmes, à ceur dont les affaires
yeuves
n'ont pas réussi ou qui ont été éprour'és prr I'incendie, aux
dont les ressources sont insuffisantes, etc'
'0uant
aux orphelins, la corporation les adopte, se chargeant de
leur entretien et de leur éducation.
La même caissc existe clans tous les métiers. Certaines corpora-
tions très riehes ont leur hôpital ou lcur hospice comme elles ont
Ieur maison et leul chaPellc.
principaux otfices dans le métier des tanneurs.
la - Il dcs
plupart
-v a dans
autres
lc rnétier des tannettrs, et cle môme dans
métiers, six catégor.ies principales d'ofliciels ou employés: les
gotLLtern'etlrs) les turd*, les rewattls, les grcfr'ers,le rentiet
et' le
unrlet,
les doyens cles métisfs dans
- LeS gt,uverneurs -
Les gouverneurs.
tes pafs de langue flamande - sont au nombre de deux' Ils veillettt
aux'intér{rts du métier, le représentent au couseil de la cotnmune,
le cornmandent e1 temps tlg guelrC, C6llv6quent ses membres aux
rcuniorts, etc.
Les do.venS ou gouverneurs ont encore po1r missi6n de fait'e res'
pccter les règleureuts du métier et de sun'eiller la conduitc des
memblcs de la colPoration.
Pendant u1 ccrtain tcmps, ils sont choîsis par le tribunal des écltc-
vins sur une listc de quatre n0l11s de ttraîtres-tantteurs pr'ésentes
par lcs cglttpagtlgns. Ils pr'ôtcut serment ctttre les mains des éclte-
TElrps trrsTORrQUES. pÉRr0DE FlïoDO-c0M}rUNArE 375
-
vins ({). Plus lrrcl (9), Ies compagnous choisissent eux-mèmcs leurs
gouvernculs; clu moins le sort désigne cinq compagnons chargés
de les élile. Âlors les gouvemeurs prôtent sermeut entre les mains
tles maîtres i.\ temps. La charge de gouverneur du nétier esfannuel]e.
Plusicurs fois par semaiuc, ils contrôlent les marcliandises expo-
sées en venle à la lralle, poinçonnent ou rnarquent les produits de
bonne qualité. Parfois, ils font à I'improviste des visites à domicile
pour s'assurcr r1u'on ne soustrait pas à leur inspection des marchan-
dises de maur-aise qualité.
Dans plcsclue tous les méticrs, I'annalité des charges et emplois cst
la règle. Pu'fois, cependant, les fonctions de doyen sont bisannuelles.
Quant au moclc d'électiou, il cst rarernent direct. Ainsi, à Gand, dans
le méticr des chalpcnticrs, six compagnons, tirés au sort, choisis-
sent six jurés qui nomnenf Ie do,ven.
La corpolation ne preud pas toujours son doyen panni ses mem-
bres. Ello lc clierche yolonticrs cn dchors de la corporation, lors-
qu'elle vcut s'assurer la protection de quclque puissant personnage.
Les jurés.
- Lcs jurés - également au nombre de deux rendent
la justice aux mcmbrcs du môticr ct rcprésentent celui-ci -devant lcs
autres tribunaux. Ils sont élus et renouvelés unuellement par le
môme s),stc\me que les gou\reruleurs (3).
Chaque métier a son corrseil de jurés dont, les membles sont ordi-
ruairement choisis parmi les maîtres. Ce conseil tranchc lcs différ'onds
qui surgissent entre ouvriers et patrons; cn cris de dcslccord, il
statne erttre lc.s fabricalts du rnétier et leurs clients; enfiu, dans les
causcs rlui échappent i\ sir cornpétence , il rcprésente Ie métier devant
le tribuutl cles échevins.
Le conseil des jur'és peut condamner lcs menibres du métier qui
enfreignent les statuts et règlements à des pciues variables : u
I'amendc; i I'intcrcliction ternporaile du nrétier; à des 1tèlerinages
plus ou moins longs
- pour offenses cnvers le métier, Ia corporation
tles nialchands cle chandellcs de Bruges condanrne un dc ses mem-
bres à ul pùlcliruge à Slint-Jarques en Gllice
tive et mème à I'exil.
- i) I'cxclusion défini-
Le mcrnbre d'une corporiition qui r.cfuse de se soumettre à la

({ ) Paix de Seneffe, {331.


(9) Après {343.
(3) Ils disparurent en {681.
376 lnsrorRE DEs BELcES ET DE LEUR crvrlrs.,\Tr0N

sentence de ses pairs est exclu à jamais du métier. Pcine terrible,


qui I'oblige ordinairement i\ quitter le pa,vs par irnpossibilité d'y
tlouver encore clu travail.
Les rewards.
- Les reuartls ou utardeus, au uomble de cinq, par-
tagent avec les gouverneurs la mission d'inspectel lcs cuirs mis en
vente. Ils ont deux niarclues, I'une pour les bons, I'autre pour les
mauvais cuirs, et il cst interdit. sous peinc d'une aurende élevée,
d'acheter ou de vendre un cuir non marqué. A la halle, nul ne peut
acheter ou veudre avant la visite des rervards. C'est sous les yeux de
ces derniels que les compagnons travaillent à leur clief-cl'æuvre.
Le rentier.
- Le rerttier ou reccveur du rnétier perç'oit ou paie les
rentes, touclie les cot,isations dcs menbres, les dloits d'entrée et
d'applentissage, les amendes, pa,ve les entployés, notarnment le gar-
çron mcunier, chargé de diriger le moulin aux écorces et I'ouvrier
chargé de mesurer aux tanueurs le tan dont ils ont besoiu.
Le greffier.
- Le greffier ou secrétaire est ôlu i\ vie. -\ I'ouverturc
des séanccs, il fait I'appel des niembres afin que le rentier connaisse
les absents, qui doivent palcr I'ameutle. Il réclige cn outre les
procès-r'erbaux des séances et tiertt, de toutes les entrees dans la
corporation, une liste qu'il comtnunique au tcrntier, en temps
opportull.
Le varlet.
- Eulin, le varlet - en d'autres termes, l'httissier - est
un dornestique mis à la disposition des gouverrleurs pour porter à
domicilc les convocations aux séances. Lorsque aprùs 1603, tous
les Liégeois fcrout obligatoirement partie d'urr métier, le varlet serit
aidé dans scs foncticlns par des crieurs publics.
Les jouls de r'éulion, le vallet est charge dc faire le service de la
salle où sont assemblés les membres de la corporation.
Réunions et assemblées
- Les réunions tenues par les niembres du
métier des tanneurs sont de différents genres.
Il -v a d'irbord, dc temps à autre, des réuniors familières et des
bauquets ou I'ou fait alterner, avec les plaisirs de la table, los gais
propos et les lefrains joyeux.
Ilnsuite, il y a les réuuions particulièrcs oir sc discutent les affaires
relatives à I'aclministration intéricure du méticr. C'est daus ccs réu-
nions que I'on nonme aux différents offices de la corporation.
Les tanueurs participent aussi à certaines assemblées générales
tenues par tous les métiers de la ville de Liége. Ces assemblées se
renouvellent tous les ans aux mêmes drtes. Nous en faisons con-
uaitre ci-après quelques-unes.
TEtrrPS HIST0R|QUE$. pÉnI0DE }'ÉOD0'C0IIMUNALE 37i
-
Le 6 janvier jour des Rois les trente.deux rnétiers se réunis'
-
sent pour élire les maÎtres des pauvres.
-
Ils assistent, en leurs locaux respectifs, I Ia rcddition des comptes
de leur receveur, le jour de la fète de sainte llarie-Madeleine
( e2 juillet ).
Le 95 juillet, jour cle Ia fète cle sailt Jacques, chasun des métiers,
réuni dans son lircal, désigne un ccrtain nombre de délégués ti
l'irssemblée générale chargée cl'élire les magistrats commullaux.
Ces clélégués choisissent les bourgmestres e[ les membres dLr conseil
des jurés.
Le {3 décembre, jour de la sainte Lucie, les trente-deux métiers
élisent les membres du triburtal des XXII.
lflode de travait et procddés de tabrication. Précautions prises pour
assurer la bonne qualité des produits.
-
Les compagnons
Commerce.
-
-Celle-ci commence
à I'aube pour
tartnsurs travaillcnt à la journée.
Iinir à la nuit tombanle, sauf l'été ori elle se termine à 7 heures. Tou[
travail à la chandelle est interdit. Un varlet sonne une cloche pour
ilDnoncer le commeucement et la fin de la journée.
Le samedi et les veilles des grandes fètes, le travail cst suspendu
ù partir de midi.
est défondu aux tannettrs de faire æuvre d'aucun autre métier
Il
cn vue tl'en commercef ou d'en tirer un bénéfice. Cependiint, la chose
est permise lorsqu'il s'agit, d'uir produit destiné à leur usage per'
sonnel.
Les maitres tanneurs ne peuvent trayailler sur comnrandg: ils
doiveut vendre d'abord les cuirs qu'ils ont en magasin. Ils ne peuvent
1on plus t'endre leurs cuirs à leurs confrères. Par là même, on
rend inpossible le comilterce en gros. Dn vue d'bmpêcher certains
, lanneurs d'étenclr'e leurs affaires, la quantité d'écorce moulue à
employer ('1) ct le uombre de peaux à préparer par chactln' sont
strictenent déterminés ( 9 ).

({) une ordonnance ùe 1434 Iire la quantité d'écorce que chaque tanneur
peùt îaire moutlre en une année c afin ainÀi que les petits se puissent servir e[
vivle auprès des grands, et l'un auprès de I'autre. I
(g) C'e règlemént et d'autres analogues eurent pour conséquence de fait'e
naùsier d'un"e façon excessive Ie prix d"u cuir. Cette circonstanc-e provoqua -ùe
la part des bourgeois non tanneùrs de vives protestations. et, en {5'19, il fut
aeciAe que chaq"ue tanneur pourrait moudie autant d'écorce que bon lui
semblerait. Le bésoin de sortir des entraves apportées par les corporations à
la liberté de I'intlustrie et du commerce commençail à se faire sentir,
378 IIISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR cIvILISATION

Toute marchandise exposôe en vente, soit dans Ia boul,ique du


tanneur, soit dans son échoppe à la halle, doit portcr. deux marques:
celle du fabricant et cellc des ren'ards.
Il cst défendu de séjourner devant l'étalage d'un marchand, d'y
cracher, d'y tailler ses ongles, d'y rien firire en un mot qui soit de
lature i\ en éloigner les pratiques. De son côté, le marchand ne peut
appelcr le client pour lui rantcl ct lui recommal)der sa marchandise
pour faire I'alticle, comme on dit aujourcl'hui.
- lIôme après que les artisans sc sont transportés dans les villes, Ia
matière première est souvent fournie aux patrons par les soins de la
gildc. Cela arrive surtout lolsque cclle-ci conscrve le rnonopole du
commerce de cettc rnatiôre plemière et des produits qu'on en tire.
Parfois aussi la matière première est acquise par le métier. Ce
sont alors les do1'ens ou gouycnreurs qui la répar.l,issent entre les
patlons, a mesure des besoins.
Dans tous les méticrs, on prctrd pour assurer la bonne qualité des
produits, les mesures les plus minutieuses. La matière première
destinéc à la firbricration est elle-rnêrne sévèr.emcnt inspecl,ée. Ainsi,
pour Ia fiibrication des draps, on rcpousse les laines de qualité trop
inféricure c[ I'on défend tlc mtrler des ]irines de qualités différentes.
0n lixe ensuite jusqu'u uomlrre dc lils à faire entrer dans le produit
dc tclle ou telle qualité.
Des règlemcnts rigoureux déter,minent les conditions à réunir
pirr les objets fabriqués. Parfois le procluiI dôfectueux est détruit, et
I'ouvrier qui I'a girté plr sa faute, puni d'une amende. 0n jauge, on
estampille ou I'on marque toutes les denrées ct mirrchandises desti-
nées au commerce. Aucun produit, même de bonne qualité, ne peut
ôtre exposé en vcnte s'il n'es[ nruni d'un plomb marqué du sceau cle
Ia corpoliition: ce plomb indique la qualité, le poids ou les dimcn-
sions du ploduit. Les pièces dc qualité infér.icule sont marquées
d'un signe particulier'.
Le public a encore unc autre garanl,ie de lii valeur cle la marclian-
dise achel,ée: le prix de cette nrarchandise csl, équitablement, mais
stlictenrent établi à I'n'ance. Il cst ni trop ôlevé ni trop peu ct varie
suivant la finesse du tissu, s;r teiltc et la pcrfection avec laquelle il
est travaillé. Àinsi I'achctcul cst rltsolunient protégô cont,re la
mauvaise foi possible du fablicant.
Les plocédés de fibrical,ion sont eux-mômcs détcnninés. < Aucun
tondcur, dit un rt\glenrcnt du métier des trsseraûds, ne travaillcra
avec plus de trois châssis; il lcs pllcela dans unc chambre donnant
TEIIPS,HISTORIQUES. _ PÉRIODE FÉODO-COITIITUNALE 379

à la rue, afin qu'on puisse surveiller son travail. Défense est faite de
tisscr quattd il gèle. Défcnsc aux foulons dc graisscr autrcment
qu'avec du beurrc. Le lustrrge doit ètre fait sans fr-lu ni graisse, avec
dc I'eau seulement, etc. (l).
De t,cls règlements, utiles i\ une certaine époque de I'histoiro
industlielle, sont de naturc pourtirnt i\ encltlïner I'initiative privée,
par suite à faire obstacle au progrès.
Toutefois on s'attache, clans une certail)e mesure, à prévenir ce
tlanger.Les maîl,res recherchent iucessammenI Ies meilleurs procédés ;
ils vont au devaut des ittnovatiotis, s'informant avec soin des proCédés
employés à l'étranger. <Lcs gouverneurs du métier, initiés à tous
les secrets de la fabricatiotl, intéressés eux-mêmes à ne pas laisser
déchoir lcur renommée, avaielt toujours les .veux out'erts sur les
innovatious à introduire. > (9).
Le priilcipe de la division clu travail est, pcu appliqué au moyen
îrge. Tout, au moins n'est-il pls, à bcaucoup près, étendu et gértéralisé
ràrm. nous le vo-Vons aujourd'ltui. Dans trn grartcl nombre de mé'
tiers, Ic môme ouvrier sait donner à la matière première toutes ses
appropriations successiles, ct I'objet à fabriquer sort complet de ses
tnriinr. Cependaut certaines irldustries, celle de la laine par exemple'
comportettt plusieurs catégories cle méticrs z les toncletws,les tisse'
't'ands,les fau,Ions,les tein,tttt"iet"s, etc. En pareil cas, cltaque produit
préliminaire est inspecté avant il'Ôtre retttis aux mains d'un nouvel
ouvliet'.
Sataire. Prix des choses nécessaires à la vie au XlVe siècle.-0n tr'a pas
cle renscigtremcnts exacts sur le chiffre auquel s'élevait le salaire
des ouvricrs tantreurs. Tout ce quc I'on sait à ce sujet, c'est qu'ils
étaient pal'és :\ la journée . D'ailleurs, ce sirlaire aula nécessairement
varié suivant, les époques.
L'onvr.ier, dtns chtquc cgrpolttion, travaille i\ la journée ou à ses
pièces. l|ais sa tiiche, pour g1 plix et pour un temps donnés, est
rlé[crminée et il doit s'en tenir lI, exactentent, et nc faile ou recevoir
ni plup, ni moïns. consentir r\ travailler dlvantrrge ou pour un
sakiir.e moitrdre, le proposct' sculcment, etttrrîlte une amcnde et
mème des peiles plus sévères allalt, porlr le patLol, jusqu'à la
déchéance de son lang penclalit tul an. Uû tcmps de repos 00nYe-

({ ) VlrinnnKINDEnE, Siècle des lrterelde, page {25.


(l) vlxonnKtNDERE, Id., page {.{0.
380 HrsrorRu DES BELGES DT DE Lltun ctvrllsÀTroN

ruable et régulier est imposé à I'ouvrier. Il


ne travaille ni les
rlimanchcs, ni les jours de fôte, si ce ntest pour réparer les suites
rl'un accident : un vètement déchiré, une voiture brisée sur la voie
publique, etc.
La famille de I'ouvrier peut t,raviriller alec lui et contribuer linsi
au bien-ôtre de tous. Souvent, par exemple, les fenmes et les
eufants des tisserands battent la laine, la peignent, l'épluchent, lir
filent.
Àu reste, le salaire diffère peu du cotnpagnon au patron. Le gain
de celui-ci ne dépasse guèr'e le double du salaire d'un ouvrier.
De cinq livres, pal. exenrple, pr.ix de vente d'un produit, le patron
qui, outre sou travail quotidien, foumit lc local et lc métier, s'cn
réserve au plus tlois. Les tleux autres sout att,ribuées aux ouvriers,
dont le nornble ne déplsse jamais trois ct souvent est réduit r\ urr
seul.
Tenir compte dans Iu ltiérarclûe indu,strielle et tlans lu réparriti.on des
lntits ùt' trauail de la capacité et de l'actiutté indiuitlu,ette,, sans néan-
rrtoitts d,étrzdre I'égalité entt'e les trauailleurs, tel est le grand problème
qu'on s'efforcc de résoudre soLls les cornrnunes, clans les rapports
entre les ouvriers et les patlons. < Le problène de la distr.ibution de
la richesse, le xrvu sièclc prraît l'avoir micux r'ésolu que le xrxe.
L'artisan ri'était pas alors I'instrunent du capital; Ia loi d'airain rhc
sulaire ne rabaissait pas inr'essamment son gain journalier au strict
niveau de ses besoins lcs lllus ulgcnts; il n'était pas, au sortir de
I'enfance, saisi par les englerrages cle la roue qui ne lâche sa
proie que pour la rendre inerte à la terre. La perspective, pour
chacun, de devcnir maitre à son tour, de fonder une famille, d'ac-
quér'ir le peu d'ar"gent nécessaire pour posséder I'inilispeusable,
donnait à sl vie uu but, un développernent, une parcelle cle bonheur;
de là aussi le secret de la grandeur de la commune et clu clévouernent
desesenfants"({).
Le salaire nloyen de I'ouvrier au xrve siècle est, par jour, d'environ
trois sous de cuivre (qui doivent lui ètre payés en argent, non en
nature). C'cst bien peu, semble-t-il, au regard de sa journée d'au-
jourd'liui qui atteint souvent trois francs, c'ert-ù-dire un taux vingt
fois plus elevé. lllais si nous considérons le prix qu'on payait alors
les choses nécessaires à Ia vie, nous nous apercevolls irnniédiatement

({) VmnrnKrNDERE, Le siècle tles Arteuelde.


0r:,r-,.
lon t AL UA4+
lo
AfrA^f4 + A,u Lrn-

TETIII'S HIS',t'OnrOUES. pÉRIonE rEonO-CO]lltUNÀLE 3B{


-
quc cette disproportion n'est qu'apparente et qu'en réiilité l'avantage,
sous ce rapport, reste à I'ouvrier du rnoyen âge. En effet : I'hecto-
litrc de froment se vendait en mo.venne 90 sous au xrye siècle : il se
vcnd {6 francs aujourd'hui. L'hectolitre cle seigle, qui se vend
{9 francs enyiron de nos jouls, se \,endait alors {.6 sous. Un pail}
coûtait 3 deniers; I'ouvriel pouvait donc sc procllrer .19 prius
environ avec le prix d'une de ses journeies. Lir tonne rle bière sc pa-vait
{.9 sous. Un mouton vrllâit I sous; un bæuf, une livre clc glos. 0n
avait 40 æufs ou 50 harengs pour ul) sou; la clouzrine de poulcts sc
payait 8 sous; un chapou se vendtrit 5 lirrds.
Le salaire de I'artisan au moyen âge est donc rrssez éler'é relati-
vement au prix de lii noulritule. La clépense uécessaire pour cet
olrjet ne dépassc pùs le tiers clu salaire totirl. La viande cst particu-
lièrement u bon marché : ccla provient de ce qne I'ou\rrier agricole
cst très mal rémunéré.
Les étoffes, d'autre part, sortt irbondirntes et i\ birs pris; d'ailleurs,
i\ la cantpagnc surtout, chacur.r tisse ct confectionnc soi-mônle scs
vùtemertts.
L'habitation ne cofrte non plus presque rien i\ I'artisr-rn. 0rdinai-
rcrnent elle appartient, dn nioins le sol sur lequel elle est birtie, à
quelque grand plopriétaire forciel qui n'en réclame jamiris qu'un
loyer très nrininte, lo.ver ne dépassirnû pirs cl'hirbitude 8 sous
pilr an.
Il nc faudrait p:rs conclure pourtrrnt cle ce qui précède que I'ouvrier
clu xv. siècle ffit plus heuleux que celui d'aujourd'hui. Qu'une
guerre éclatitt
- ce qui étlit fréquelt - dans les pa-ls d'otr uos
industries tiraient leurs matièr'es premières et le trirvail se tlouv'.rit
brusquement interrornpu. 0r, l'ouvrier est, pâr nature, irnprévo.vant.
D'ailleurs, il r'existirit pas alors, colnne aujourd'hui, c.les caisses
d'épargne, des bauqucs, des iretions cle ville, et cent autres insti-
tutions qui sollicitent I'ouvrier ù se créer une réserve pour les mau-
vais jours. L'argent qu'il pouvlit avoir'éconornisé, il ne trouvait pirs
i le placer de façon à en retirer un intéret; il devait le conserver
dans un coffre ou dans un tiroir d'oùr il le retiririt trop facilement. Il
ne lui lestait dortc le plus souvent que très peu tl'rivances lorsque le
chôrnage éclatait, et si ce chônage étirit de quelquc durée, une
misère plofoude atteignait presque tous les méllages ouvriers.
Ertfin, s'il anivait que la récolte manquât clans le pays, I'trnnéc
deveuait également calamiteuse pour I'artisrn; cùr, en I'nbsence de
voics de sommunicittions rapides avec les contrées ftvorisées par ulc
389 IIISTOIRE DES BELGES ET DE LEUN CI\ILISÀTION

bonne récolte, une famine éclatait qui, pour êtle locale, n'en ilvai[
pas moins des suitcs désastreuses.
La situation de I'ouvrier est donc, à bien des égards, bcaucoult
plus favorable aujourd'hui qu'au l,emps des colpora[ions.
0bligations et'privilèges de la corporation ou de ses membres.
- L'irs$o-
ciation dcs tanneuls en corps dc métier les astreint à de multiples
obligations, à de sér'ieux dcr,oirs; ellc leul procul'e aussi de gmnds
avantrges.
L'association rcnd fr'èles tous les mernbles de la corporatiou :
la concurrence entre les patrons doit donc restet'honlôte. ilinsi, il
leur est interdit cle s'enlever leurs ouvliers. Un patron ne pcut
employer un conlplgnon dortt I'cngagement avec uu autre patron
n'es[ pas expiré depuis iru moius tluinze jours.
En temps de guerre, chaque compagrlon est tenu, aussitôt quc
sonne la cloche du bcffroi, de venir se langcr sous la bannière dc ll
corporation et de reniplir sou devoil de soldat. Quiconque, sans une.
ririson gravey s'exempte de ce dcl'oir patriotique, est passible
d'une amende de 40 florins d'or. Lcs nialades eux-mèntes et lcs
rbsenls sont teuus de ver,ser à lir caisse conrnune une somme déter'-
minôe.
Les membres du rnétier doivertt résider dans un quartier spécial.
Les tanneurs qui abandourtent ce quartier perdeut, ainsi que leur
postérité, tout tlroit d'cxclcer jamais le métier; ils ne peuvcnt mêure
plus le rachetcr a titt'e rl'étrangels.
Les obligations et privilèges, dans lcs rutres corporatious, sont
analogues à ccux cles tanneurs liigeois.
Les membres dcs métiers jouissent de certains avantages, les uns
généraux, les autres personnels.
Les privilèges généraux les plus inrpoltirlts consistcnt : {o dans la
personni{ication civile, c'est-à-dire dans le droit, pour Ia corporafion,
de posséder, d'acheter, de vendre, ctc.l 2o dans celui de choisir,
parmi les membres de I'association; des juges ou jur'és chargés de
décider en première iustarrce sul les coutcstrtions relatives I I'ildus-
trie du rnétier; 3o tianscelui de coacourir à h nominatiorr des admi-
nistrateuls communilux (l ); etc.
Le principal avantage personnel tlont jouissent lcs membres du

( 4 ) A tiége, les gouverneurs et les jurés font de droit partie du conseil de


la cité.
TBMPS HTSToRTQUES. plinIODE !'É000-C0vMLiN:lLE 38S
-
métier est de pouvoir seuls fabriquer et vendre, dttns leur ville, les
produits cle leur industrie. II n'est jarnais cotttrevcnu à cctte règle.
Hors le temps de foire, pour' ètre autorisés I vendre leurs mar-
churclises, les marohands étrangels doivcnt payer cles trtxes très
élevées, et il leur cst toujours intcrdit de vendre aillcurs qu'à la
halle.
Caractères spéciaux de I'industrie et du commerce au moyen âge.
Les principes du protecl,iounisrne lc plus étroit dorninent I'industrie
-
et le commerce au moyen igc. Âinsi, auculle marcltanclise venue du
dehors ne peut, sauf en ternps dc foirc ou cle rnarché, ètre présentée
en vcnte conculremrnent avec cclles fabliquées ilaus la comlnune.
Parfois niême, cette interdiction es[ irbsolue. Le moyell âge ne
conçoit ni Ia liberté industrielle ni la libelté conttttctlciale. Il n'admct
pas la concurrencc. Jamais uu étrangcr n'est adrnis dtus un méticr
s'il n'y a insufiislucc de bras dans la locali{,é. Nou seulenrent per-
sonre ne peut s'étnblir eu qualité de patron saus êtrc affilié à la cor-
poration dc son métier, mlis chacun doil se cântortuer dans sa
spécialité ( I ). Un fripicl ue peut, confectionner ou tendle des habits
neufs; il est interdit ir un savetier dc faire dcs soulicrs.
Mille précautions sont prises, non seulement poul combaftre la
concurrence, mais aussi poul ernpêcher quo quelques-uns ne s'enri-
chissent à côl,é eb au détriment du grartd uombrc. L'associatiou des
capitaux est défendue et, pour les grandes fourniturcs publiques
comme pour I'entt'cprise de trûi'itlrx considérables, il esI interdit aux
adrninistrations communales dc s'adresser à uu seul adjudicataire.
Par là, on s'efforcc d'ernpêcher la féodalité industrielle de s'éta-
blir'à côté de h féodalité politique.
Celui qui dispose de capitaux considéraltles, qui acliète en gros la
matière prernièr'e, qui emploic un grand nombre d'ouvt'iers, tue fata'
lement Ia petite iudustrie. Le permettre, c'est créet' à bref délai,
sinon la misère, du moins la pauvreté du grand notDbre, en face de
l'opulence de quelqucs-ur)s: c'est ce que I'on ne veut pas (9).
Petits capitau,r, peliteindustrie, lutble d[uiston tht, trnuail,protection
ù otttt'ancq garanties emessiues 1tou,r l,'acheteur reltt,liuentent att' priæ

( 'l ) Un règlement de 1603, d ù à I'évèque Ernest de Bavière, iuterdira de la


façon la plus formelle à quicontlue exerce un métier d'en changer pour en
prendre un autre.
(2 ) YmornxNDERE, Siècle des Artct'elde, p. 106.
384 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIvILISÀTION

et it la qualité, des prorhtits, tcls sont clonc les calaetères spéciaux clc
I'industrie ct du commerce i\ l'époque communale.

Bnillant essoF de I'industnie et du commence


à l'époque communale.
L'industrie.
- La fabrication des tissus dc laine prcnd, à l'époquc
communale, urr essor extlaordinaire dans notre pays. Bruges, Gand,
Ypres, Tounrai, Ilons, Bruxelles, Louvain et leurs battlieues occupertt,
à cette intlustlie, uuc immense population. Toute I'Europe achète nos
draps, qui inspirent une grande cottliirncc pal suite des rniuutieuscs
précautions prises poul' âssurer lir supériorité des protluits et
poul ernpêcher la flaude.
Le uerd de Cantbrai, espèce de gros drap fal-rliqué i\ lllous et à
Tournai, est lecherché jusqu'en Asie. Gartd est célùbre par ses /an-
neries.0n connait, clirls le monde elrtier, le cu,it' tlord tle Malines, les
soieries dc Bruxelles, lcs batistes eL linons de liivelles,lcs aciers ct
les urnw.s de Louvain, Ies produ,its mëtallu.rgiqu,es de Liége, Huy,
Uinrrnt, ct pal'ticulièremcnt les dinantleries.
Combicn de Iocalités, aujclurd'ltui tléchues ou dcscendues au rang cle
simples villages, colnme Ardenbourg,0udenl-rourg, Durme ct autres,
sont alors populcuses, font partie de la Hanse et brillent de tout
l'éclat d'une irrcornprrable plospérité ! Dans la I'ille cle lllons, quin'est
pas, de loiu. lir plus importante des villes belges, on est obligé
d'inteldire la circulation des voitures clirns les rues, ilux heures oir
les ouvriers cessent le tlavail. Yers 1350, c'est-à-dire dans un temps
ou I'industrie clrrrpière pùsse pour Ôtre en pleine dccadence, Ypres
emploie encol'e iutnuellement 89,000 plomlls pour marquer ses
utl,lt;orrerce.
L'irnportance comnrerciale des Pays-Bas au
-
moyen irge est également extraordinrire ({ ). lille s'explique :
Lo Par leur situ,ati,an géagraphiqu,e. Voisins de la rner, ils sont
arrosés par plusieurs grandes voies flutiirles, qui coulen[- ir fleur
de terre et lerident facile la constructiort des cànaux. Ils font face
n l'Angleterle, qui leur ouvte de bolne heure un large débouché.
il'uutre part, après les croisacles, les impot't'rntes t'elations uouécs

(4,) r Le caractère tles peuples, dit une loi historique formulée par Hégel, est
priJigu'é dans Ie carttctèt'e tle Ia tene. t
TEITPS HIS'TORIOUES. PÉNIODE I..ÉODO-COil}II.]NÀLE 385
-
entre l'Orienl, et le nord de I'Europe, font sentir au comnerce mari-
time le besoin d'un gt'aucl marché international. 0n décide de
l'établir dans les Pays-Bas : les marins des pays extrê'mes évitent
ainsi une navigation longue ct dartgereuse en des parages mal con-
nus. 9o Par Ia fertilité de leur sol et I'etcellence dæ procédés agricoles
en u,s&ge rtans Ie pays. Toutes les cérriales y viennenl, bien, ainsi que
le lin et le chanvre dont on fait des toiles.t'euommées. 3o Par les
o,bondantes richesses nùné.rules que renferme le sol dans la partie
méridionale du pays. 4o Par I'es1trùt conwrcrciul cles Belga dont ou
t+ouve les comptoirs dans toutes les parties du utonde.
Grirce aU préCiegx Concours de ccS circonstattces fi.rvorables, le
commerce atteint, dans notre pays, ull degré de prospérité incroy'able.
Bruges, notammcnl,, devient I'entrcpôt du commerce uttiversel et
remplit, dans le nord de I'Europe, le rôle joué par Venise dans le sud.
Trente-quatre uations entretienuent des relations régulières avec
notre rnétropole conunerciale. Dans la foule qui, chaque iour' se
coudoiepar les rues, des costumes étrangels s'aperçoivent de toutcs
parts, en mêtne temps que I'on entelld parler les idiomes les plus
àivers. Eu ses halles, à côté des laines anglaises, des foulrures du
Nord, des cuirs d'Écosse et de Norrvège, de l'él,ain de liolième, de
I'or de Hongrie et de I'argent de Pologlc, s'étalertt les cuitrs maro-
cains, les pelleteries de Fez, la basane d'Aragou, le coton d'At'nténie,
les étoffes de soie et d'or de Tartarie, les grains de Casl,ille, les olives
de Séville, les figues de Grenade, les raisins et les vins de France,
du RTrin, d'Espagnc, ile Poltugal et d'Italie, le fiz des iles Ba-
léares, etc., etc.
La pêche aussi deviett une branchc importante du corttmerce
flamand. C'est une école orl se folment tl'excellertts marins. Un grand
nombre d'expéditiolts navâles auxquelles ces dernicrs prennellt pal't
portent au loin uotre renommée ({ ). Des canatlx nombreux, i\ grande
et à petite section, creusés à frais énormes, sillonnent toute lrr région
du nord-ouest. Partout se rencontreut de belles et larges routes qui
servent au transport cles ploduits tlu pays ou cle l'étranger vers Ie
centre de I'Europe.

( { ) En 4,L47 , we flotte flamanrle, réunie à des navires brabanqons et hollan-


dais, aila, souS le cgmmantlement d'un comte d'Àerschot, porler secours au r6i
tle Éortugal et naviguer jusqu'en Syrie. (Cooullts, Les Comnutnes belges,
p. s0.)
Y. Mirguet. - Ilistoire des Belges.
386 rrrsl'ourn DES BELcEs Et DE LEUI crvrlrsÀTroN

TITRE XIY.

Mæuns et coutumes. Vie domestique.


-
Actes de l'état civil.
- Le clcrgé séculier. continuc à tcnir scul les
registres de l'état civil. Il cr) sclir rinsi, ct les inconr'énients cle cet
usage, déjà signales, sulisisteront jusqu'i\ l'époquc de Joseph II.
L'habitude d'inhurner les grands et les ccclésirstiques dans les
églises, d'entourer celles-ci d'un cimetière sc maintielt également.
I{ourriture. Le peuplc des r-illes mangc plus de viande que par
lc passé, car-il reçroit son salaire en argent et le bétair est à bon
compte. D'ailleurs le prir dc tous lcs procluits agricoles est peu élevé;
prr suite, la nourriture de I'artisau est à la fois substantielle ct
abondante. Plr coutre, la nourriture dc I'ouvricr agricole ne s'amé-
liore guère; il continue i\ vivre rnisérablement, de régumes (pois,
fèr'es, haricots, carottes), de llouillie et, cl'un pairr grossier.
vêtement.
- Lcs étoffes conmulles et ir lron rnarché solt abon-
dantes. D':rilleurs, chacun, sans pratiquer le métier, peut tisser I'êtoffe
nécessaire à ses besoins et s'en confec[ionner des vôtements. Au
xrvesiècle, I'usage du linge de corps s'introduit chez Ies grancls. liéau-
moins le luxe de la leine Isabeau de Bar,ière, qui possède en sa gar.cle-
robe jusqu'à deux elremises de toile, scandalise er)colc. Faute de
mouchoir de poche, les plus noblcs seigneurs s'essuient le nez à
leur mirnchc. sur la fin du xrrr" siècle, les souliers se ter.minent en
pointe d'un ou deux pieds de long: on est obligé d'en rattircher les
extrémités aux genoux. À ccs chaupsures clc tlimensions extraordi-
nailes en succèclent d'autres fort courtes, rnais larges cle près d'un
pied. Au reste, Ies souliers a pointe (a la pouraine) ne tardent prs
à reprendre firveur.
La coiffure des femmes richcs n'est pas moins bizar.re. un tlhapeau
(lrcnnin) de forme conique, à plusieuls étages, dont chacun est orné
de dcutclles flottantes, en compose le lourd érJilïcre. par contre, Ies
gens du peuple, hommes et femmes, se contentent longtemps du
bonnet ou tttoùti,er, err laine ou en peau de mouton. Au besoin, ils
ramènent par dessus la tète le capuchon à queue tle leur tunique.
Les femmes des petits boulgeois portent d,es fuiltes, des oloques
(mrnteaux), des hu.vè.tes (petits bonncts).

$
l'ElIpS ilIST0RTQI;ES. 1..É0D0-C0]I}IUN.\LE 387
-PÉRrODE
Habitation et mobilier. La mirison de I'homme du peuplc, au
-
xtv' siècle, est des plus moclestes, D'ordinilire, celle dc I'itrtisatt dcs
villes, faite de bois ou de torchis, est bâtie ltors des murs. En
temps de guerre, elle es[ presque toujours détruite par I'incendie.
QLrant aux habitrrtions des serfs, elles consistcn[ en cle sinrples liuttes
dont les plus belles sont cn torchis ct couvertes de cltaume. Faute dc
cherninée, ll furnée du foyer, dans toutcs les ntaisons, continue à
sortir par la polte. A I'intérieur, règne Ic plus souveut une obscu-
rité quasi cornplète, gar les carreâux de vitle sont une rarel,é, même
chcz les grands. 0n y supplée par de la toile cirée ort du papicr
huilé. Dans lcs comptes des rois de Frirnce, en {554, on rencontre
les denx postes suivants :
< Deux aunes de toile cirée dont a été fait un chlssis rnis en la
chambre de retrait de la dite dame reine au château de Mclun.
> Plus qtratre chirssis debois à tendre lc papiersur les fenêtres dc
la dite chambre et huile pour les oindrc pour Ôtre plus chirs. >
Éclairage.
- La chandelle est rare cncore ct considér'Ôc comme
une matièr'e si précieuse qu'on la résen'e pour I'offrir à la Vierge
dans dc griindes occasions. Combien I'ltivcr doit ôtre triste en la
froide et sornbre demeure de I'artisan, à pcinc éclairéc par la failile
lueur du foyer'!
Cepcndant le rnobilier est devenu plus confortable que par Ie passc.
Plus nombreux, les lits sont ordinairemcnt munis dc clraps de toile,
tle couvel'tures dc laine, de coussins.
Dans le service de la table, les campagrtards et les pctits bourgeois
emploient de la vaisselle d'étain; pour la cuisine, ils se ser"vent de
pots ct dc chauclrons. Dans les villcs, les bourgeois liossèdent des
chandclicrs, des bassins, des lavoirs en mctal, etc. La fourchette
apparirit.-llllc est à deux dents ct, longtemps, tlemeure Lln objet dc
la plus grande rareté. Dn I'an l300,le roi d'i\nglctcrre u'en possédait
ellcore, dit-ort, qu'une seule.
Le phfonnage dcs habitrtions reste iuconnu. Primitivement, cltez
les gralds personntges, on avait dissimulé la nudité des murailles
par des tcntures formées de fourrures d'hermille ou de vair. Darts la
suite, on emploie à cet usage des tapisscr'ies dc laine. Mais pcndant
des sièclcs, I'usage des tapis de pied demeurc ignoré jusque dans
les demeures princièr'es. Des roseaux séchés en. tiennont lieu, épar-
pilles sur le paventertt ou I'aire battue. ,, Le jonclLeu,r de roseaun étail
un personnagc important à la cour', et sou ofTice n'était pas ulle
sinéculc. Lcs convivcs nc se faisaient pas scrupule cle vider leurs
388 lrrsrorRE DES IIELGES ET DE LEUR crvrlrsA'rroN

assiettes et leurs \rcn'es sur le sol, de jeter leurs os à demi rongés


sous la table, de déuotter leurs lourdes et boueuses chaussures sur
la litière, que I'on remuait fréquemment pour recouvrir ces débris et
que I'on rerrouvelait de temps à autre, quand il s'en dégageait des
exhalaisons trop fortes (l )".
Les armoiries, emblèmes, noms de famille, blason. Les premières
-
armées de croisés formaien[ de vraies _cohucs, otï lcs soldats d'un
même'chef ne se reconnaissaient pas toujours entre cux. Pour
introduire un peu d'ordre el ces foules, on imagine lcs crri de guerre :
Lou,uain au, rinhe du,c; Ies deuises .' ôhns reproclrc (devise des Lalaing )
ct les o"rnxes parlantes ov arnzoiries (emblèmes servaut de signe
distinctif à un individu, une famille, une corpomtion), tous signes
de ralliement destinés à suppléer aux unifolmes militaires, encore
inconnus. A h môme époque, les titres des seigneuries devienuent
des noms de fttmille et servent à distinguel les nobles.
L'écttsson, (en forme de bouclier) porte les armes de lrr bourgeoisie
comme celles de la noblesse. L'étcndarci ou la bannière les repro-
duisent. Il y a une science des armoiries, la science h,éraldique ou
blason, du flamand bla.ten, sou,filer ou,sonner de la lrompe, parce que
les hérauts, en certiriues circonstances, sonnent de lrr trompe (9)
avant de conimencer l'énumération des titrcs de leurs maîtres à la
célébrité. Dlle fait connaitrc la généalogie, Ia prrenté ct les àrnles
des principales familles du pays.
Lorsque la bourgeoisie apparait, ellc s'empresse rl'adopter aussi
des noins de famille, ceux-ci étant pour elle un signe cl'affranchisse-
ment et en quelque sorte d'anoblissement, olttenu, uon cette fois par
les violences de Ia guerre, mais par les luttes paciliques du travail.
Tout d'abord les prénonts devieunent des noms cle famille hérédi-
taires : Laurent, Lambert, Grégoire, el,c. En flamand, ils s'augrnentent
d'un suflixesigniliant ftIs de... (Wilhems, Paurvels). Les nr,étiers,proles-
stons et chargæ four'nissent ensuite une catégorie uonbreuse de noms
de famille (De Brouwer, Brasscur; De Backer, Boulanger; De Keyser,
Lempereur; De Koninck, Leroi ). En mème temps, naissent des noms
pris de surroms et résultant d'une particu,larité physfuue ott nrcrale

({ ) C. Du Y.lRlcttt, Reuue des Deur lllondes.


(2)Après avoir sonné de Ia trompe, le héraut expliquait les armes, devise
et cri de guerre de son maitre, racontait ses hauts faits ou ceux de ses
ancètres, afin d'établir ainsi la légitimitê de ses armoiries.
ÏElrps HrsTOnrQUES. pÉRr0DE FÉ0DO-0OMIIUNALE 389
-
(Dc Groote, Legrand; Cortmans, Pctit; De Coene, Le Franc; De
IVilde, Sauvage); des noms yenus d'une sihntion, rl'une parenté (De
Vriendt, Lami; Cosijns, Cousin ) ; portant sur la conleur du cheueur,
dt teint, du aêtentent; em\truntés au,n aninmu.æ, eu tirés d,u, Iieu,
d'ortgine, de résidence ; Lenoir, Lebrun, Gilet, Lcbas, Lelièvre,
Lccerf, Lallernand, Picard, Tournai, Namur; etc.
Ieux et divertissements.
- Le Belge du moyen âge aime à vivre au
.dehors. Yolontiers il assiste aux foires, organise des cavalcades. II
est de l,outes lcs processions. Il a ses tournois pour les nobles, ses
fètes rnilitaires pour les bourgeois, ses divertissements populaires
pour les classes inférieures de la société.
leux et divertissements des nobles. ordinaire, le jeu de
- En temps
la quintaine, parmi Ies jeux de mouvement, et, comme jeux de salon,
les échecs et le trictrac, sont les récréations préférées des nobles.
Quelquefois la vie monotone des chârteaux s'anime par la présence
d'une troutrre ambulante de représentants dela gaie science ({) qui
jouent des comédies, récitent ou chantent des poésies dont ils
emprunfent les sujets aux événements marguants de l'époque. Les
jongleurs de la troupe exécutent des tours d'adrcsse et divers exer-
cices de gymnastique. En récompense de leurs efforts pour amuser
les habitants du château, ils sont hébergês, choyés et parfois, au
départ, reçoivent de riclies présents.
I{ous avols dit au chapit,re précédent les mæurs grossières e[ la
brutalité des chevaliers du moyen âge. A courir le monde, les cheva-
liers acquièrent pourtant quelques vertus, la bravoure, la loyauté, Ia
Iier[é, et un certaiu scntiment d'honneur. D'autre part, princes et
communes s'attachent de bonne heure à mettre un terme au brigan-
dage des baroris féodaux, en punissant, avec une impitoyable rigueur.
leurs rapines et leurs assassinats. Alors la chevalerie clrange
il'allures et se police. L'étiquette et les règles du savoir-vivre naissent,
engendrant la courtoisie.
La science du chevalier ne eonsiste plus seulement à bien se battre,
mais aussi à se vêtir avec élégance, à parler aux damcs en un beau
Iangage, à comppser des poésies en leur honneur. Toutefois, la pas-
sion des exereices violents per.siste Barmi les chevaliers. Elle donnc
naissance aux tournois.
Tournois.
-ce sont des fêtes où la noblesse sc livre à des exercices
({) Poésie des trouhadours et des trouvères.
390 rrrsrornE DES nELGES DT DE LEUn clulrsÂTlot(

militair"es, sinulant des combats. Ils ont pour but, dc récrécr, cl'cxer.-
cer la vigueur du corps e[ cl'entreteuir la p';rssion de Ia guerre. D'or-
dintire, les lournois ortû lieu rLrns des cilcorrstances solcnnelles.
Certains plinccs ntagni{iques crt donnenl tous lcs ans. IIs y invitetrt, les
drmcs les plus illustres. Aussi les succès dans les toumois sont-ils
très appréciés et for[ artt]ril,ionrtés.
Les luttes cles tour"nois nc sont d'ailleurs pirs sùns offr'ir rlu dangcr'.
il nc s'en passe guère, en effet, qui n'occirsionnent rlcs molts
d'honrmes ou des blessurcs grûvcs. Jean Io", duc dc Brirbirnt, nreurt des
srrites d'urte blessurc reçue t\ Dar, dans un tountoi.
Tournois à la foule. Certains touruois ont lieu ert pleine canr-
-
prgne : ils ligulent de r'éritrblcs batailles rangécs. Sous lc cornmau-
dcnicnt de capitairtes et de chefs renomrués, cles cirvalicls et des
fantassins y clonnertt le simulacre appelé irujonrd'hui ltetite guerre
ot grontlcs munftuu?"es. 0n désignc ce gcrtt.e dc tournois sous lc nonr
de trépigneries ou de tournois ù In foule. Lc conbattaul, firi[ prisourrier
doit par,er ur)e rar)çon à sort ildver.sairc.
Tournois ordinaires. Dans ces Oxerciccs, un cet'tain nonhre de
-
chevaliers munis d'lfrnes émoussécs silns poirtte ni tlancliant
-
attaquent en mtnic tentps un uombrc égal d'advcrsâircs, contre les-
-
quels ils rontpcnt tl'abord une lance; ils contiluenû ensuife le combat
avec l'épée ou ltr hachc d'annes. 0n rloit frapper cntrc les quatrc
membres seulement, c'cst-:\-dire sur le plastron; il cst défcndu de
frapper de la pointe, dc blcsscr lcs chevaux, dc se r'éunir'a plusieurs
contre urt selrl, etc. ç

Outre I'armure cle fer qui les protège, lcs clrevrliers portent urt
vôtemen[ rcmbonrré, dcstiué à arnortir les coups. l\lllgt'é ces pré-
cautions, l'arcleur', la ntaladressc ou I'impruclcncc dbs comba[tants
amène prcsque toujours quclquc accident.
Les tournois se donnent, tlans une licc ou cattir\re entourée
d'cstrades lichernertt décor'ées otr sc lrltcent les chev'lliers, les d';rrncs
et les enfants des rtobles. Ordinairentent, clraque chcvrrlicl porte une
enseigne ou faueur aux coulcurs de sit dante. Cette frveur cottsistc,
soit etr un ouvrage tissé do la main de la jeune fcttrme, soi[ eu uu
objet quelconque clétacltô de sort vètemeut : une écharpc ou uu
næud do ruban, par exelrplc. Placée à I'cxtrémité cle leurs huces,
I'enseigne per'met de reconttlitre de loin les contl.iattants. Pour
juger les coups, on répaltit, ert clillércnts eudroits, des jrrges et des
maréchaux de camp.
Joutes ou passes d'armes. Or'dinairement, le tournoi sc tcrmirte
-
TEUPS HrsÏOlrroutts. r'ÉtuoDE r..É0D0-cQMlIUIiÀLE 391
- -

p&r tlts jou,tes ou pcsses d'urnt6 (l ) dans lesquelles on voit Iutter un


seul chevalier contre trn seul, tanclis que dans lc tournoi, plusieurs
combattent contre plusieurs. Ces joutes ont lieu en I'honneur des
rlrtnrcs.
Le tournoi terminé, les juges décerncnt un prix au chevalier vain-
rluenr, à celui qui a été le nûeu,s, faisa.nt de la journée. Quelquefois
les dames sont appelécs à juger cn dernier ressort. Le chevalier
ploclarné vainqueul fait à sa dame I'hommage de son succès. Un
l'epils a lieu cnsuite, diins lequel le vainqucur, préaliiblement rcvètu
par clcs mains férninines d'habillemeuts somptucux, occupe à ttble la
place d'honucur.
Les tournois furent inutilcmerrt intcrdits comme dangeremx par les
papes et par les rois; ils tombèrent d'eux-mèmcs vers {560, lorsque
le roi de France, Henri II, cut été tué dans un tournoi, sous les yeux
dc toutc sa cour. Lcs clrrousels les rcmplacèrent.
Divertissements de la riche bourgeoisie.
- Les nobles refusant de se
meslrrer ayec les personnes de rang inférieur, les riches bourgeois
des villes irtstituent à leur tour des ll,Tes militaires. Celles tlu I,'arestier
tlcs I'landras, à Bruges (9), et du Bois de I'Espinette (3), ii Lille, sont
de véritables tournois. Les fôtes de la Trble ronde (4), à Brugcs, Ypres,
Tournai, Louvain, etc., sont cles tour.nois masclués, tlans lesquels les
participants, travestis sous les dehor.s cles lréros légcndaires, s'en
attribuent, pour un jour', le costume et tous lcs insignes. Àinsi, ltr
hautc bourgeoisie peut donner carrière l\ ses goilts fastueux, auto-
risés tl'ailleurs llar ses grandes richesses. Dans ces fêtes, Ies femmes
et les jeunes-filles revêtent des habits princiers cn rapport ayec cellx
de leurs maris, cle leurs pères ou de leurs frèrcs équipés pour entrer
en lice. C'est, parait-il, en assistant à I'un cle ces tour.nois que lil
reine de France, épouse de Philippe le Bel, prononça les paroles si
corlnues : < Je croyais r':tre seule reine ici, et j'cn découvre des cen-
taines. >
Divertissemenls du peuple dans les villes. Les classes inférieurcs
-

(4,) Pas d'(rrnzes était le terme générique appliqué auxjeux rnililaires.


(9) Organisée par la société dite de I'Ours blanc. Iille avait été instituée à
Bruges par la comtesse Jeanne, vers 4990, et se céléblait le3 mtri. Elle ne
disparut qu'au x1'e siècle.
(3) Ce nom venait rJe la sahfle épine donnée par Ia même comtesse aux domi-
nicains de Lille.
(4) Chaque combattant figurait un chevalier tlc la Iaù'le ronde,
399 Hrsrolnu DES DELcES Et' DE LEUn cIvILISATIoN

des villes remplaçent les tourrtois par les tirs ù I'arc eLà,1'arbalète.
Fréquemment les confreries d'archers et d'albalétriers donncnt des
c0ncours dans lesquels leurs membres paraissent richemeut costumés
de velours et d'écarlate.
Dans les localités traversées par un fleuve ou ure rivière, il y a
aussi les joutes sur I'eau. lllunis d'une ltnce de bois, les combat-
tants, debout sur ut)e planche placée en travcrs d'une barquette,
cherchent à renverser dans I'eau leurs adversaires. Cltaque nacelle
est occupée par six hommes dont un combattant, utr tambour e[
quatre rameurs.
Danse des Machabées et ieu des échasses. Deux jeux populaires,
-
assez originaux, étaient particuliers à la ville de I\amur'. C'é[aient la
danse des Machabees etle conùat des éclmsses. Voici en quoi le premier
consistait. Sept jeunes gens vôtus de blanc, avec des uæuds de
rulian rougc aux jrutbes et aux bras, se murtissent chacun d'utle
épée r\ pointe émoussée. Ils la tiennent, de la main droite et serrent
en mème temps, de la mairt gauche, I'extrémité de l'épée de leur
voisin. Ensuite, ils cléclivent, au son du tatnbour, des figures variées
ou se livrent à des rnouvements divers dout I'exécution exige beau-
coup de vigueur et d'agilité.
Dans le jeu, tles échasses, quirtzc à seize cents ieunes gens, revêtus
de brillants unifornes, montés sur des échrsses et, conduits militai-
rement par des ofiiciers élus, se r'endent sur Ia grande place. Là, ils
se sé;iarent cn deux camps qui, après un défilé de parade, s'avancent
l'uu contre I'autre au solt des trompettes et des timbales, chacutt
jouant des coudes ou des échlsscs en yue de renverser ses advet'-
saires. Tantôt plie uncôté, tantôt I'autre. D'ordinaire, les parerlts des
cornbattlnts se tiennent aupre\s d'eux pour entptlcher lcs chutes trop
dangereuses. Enlin, lorsque I'un des deux partis a forcé l'autre à
reculer, il est proclarné vainqueur. Les inondations fréquentes aux-
quelles la ville de Namur était exposée, avaicut sans doute donné
naissance à ce jeu.
Par la suite, les joutes guelrières firent naitre I'idée des joutes
Iittéraires. Aux exercices des archers ct des arbalétriers, on ajoute
des chants et des récits poétiques. Pcu i\ peu môme, la partie lit-
térairc et théâtrale prend lc dessus. Tclle est I'origine des cottcours
si brillants qui sc produiseut au xyc et au xvre siècle ellùre les cham-
bres de rhétolique. II en a dejr\ été question dnus ce cliapitre ct
il en sera parlé encore au chtpitre suivant.
Diverlissements du peuple des campagnes. Il existe aussi dcs con-
-
TEI}IPS HISTORIQUES. PÉRIODE FÉODO'COMIIUNÀLE 393
-
fréries rurales s'exerçant a1 tir à I'arc et à I'arbalète; mais elle ne
sOnt pas adrnises aux concours clonnés pàf les confréries urbaines.
Lcs pa.vsans se dé{ient à la course, luttelt etltre eux, iouent à la
balle et aux quilles, motttettt au mirt de cocagtte, ctc.
leux des enfants. - Les jeux des euf:rnts de cette épOque ont tra'
vcrsô les âges et, à quclques modilictlions près, sont encore ceux.
des cufants rl'aujourd'hui. Alors déjà, on joue à la balle, aux billes,
à la toupie, aux quatt.e coins; olt cotlnùît égalemelt le jeu de barres,
le saut de mouton, I'escarpolette, la marelle et autres.
Les crrtes à jouer, inventées au xtve siècle, servent d'abord à amu-
ser lcs enfants. Les grancles personnes préfèrent jouer aux dés.
Processioris et ommegangen. LeS processiOns Ommegangen cn
pays {lamand
- -
s'organisettt i\ I'occasion des grandes fètes reli-
-
gieuses. Mais elles n'out pas ttn caractère exclusivement religieux.
Qutre la procession proprement clite, elles comportent ull cortège
historique et une cavalcade a laquelle on s'attache à donner une
physionorhie burlesque. Ltt plus remarrluable de ces processions
e|aiL I'ontntegang de Lou,rtain drns laquelle, outre Ie clergé, les corps
de métiers et les confrér'ies. rnilitlircs, figuraient la magistrature
communale eu grând costume et, le corps universitaire lui'même.
Suivaient cles géants, des ttuimaux de ftrrmes grotesques et des
chars sur lesquels on représentait cles scènes bibliques ou myt'ho-
Iogiques, allégoriques ou simplement bouffonues.
Sur un char de I'omrnggatrg orgalisé à Bruxelles pour rccevoir
Philippe II, eu {51i9, on remarquait un ours irssis devant un clavier.
DeS crordes reliaient aux tottches IeS queues d'une vingtairte de
chats de différents itges, eufermés chrcun i\ part eu des loges étroites,
otr ils rte pouvaient se t'emuer. Clliiquc fois que I'ours appuyait sur
les touclies, lcs chats éclatirient cu miaulements furieux. Philippe II
n'y put tenir et rit.
La procession du Doudott,, à lllons, revêtait une allure analogue à
I'ommegang cle Louvain et, clatls ses pirrties profanes, S'est perpétuée
jusqu'à ttos jours.
Les mæurs. a l'époque comnunale, o1 trouve, dans toutes les
classes de
-
la société, des mæurs très relâchées. La richesse générale
fait naitre gott cles plirisirs et ettgendre le libertiuage. Les souve-
le
rains donnent lc plus détesti-rble exemple. Jean III ne laissa que dcs
lilles,pour lui succéder; mais il avait une quittzaine de lils illégitimes.
À tous les degrés de l'échellc sociirlc, oD mirnque aussi de sobriété
dans le boire et dans le lnaDger. (( ll meurt plus de gens' dit lloen-
394 rrrsrotnr DEs BELGES ur DE LEUtr cIvILrsAt'loN

dacle, de trop nranger ct ltoire que par. Ies nilux cle la faim >. Les
femmes sont à peine pltrs sobrcs et plus riser.t'ées que les homnres.
Dojà, lc Iundi est un jour dc ripaillc. Lcs rictes cle violence sout, fr,é-
quents. Iin résumé, on I'il dit, le lno)'cu lige n'a colinu ni Ia pucleur
lui Ia tlélicatessc.

TITRE XIV

Gonsidénations génénales et vue d'ensemble.


' La situation de la grarrtlc féotlulité clevierrt cxccssivcrnent précaire
après la bataille de Boulines, oir lcs glancls prinrres belges sont
vaincus par la royauté.
Eu Itlandrc, palticuliùr'crnent, le comte se tlébat désormais entre
lcs exigences cl'un suzelirin tout-puisslnt, dont il esil'hommc lige, et
celles d'une dénroclatic granclissante. Il lilit par se. rallier sans
réselve à la royauté fiiiuçaise. nlrris, cli's lor.s, lc pcuple des
communes flailrancles se sul-rstitue à scs priilces et reprencl pour son
proprc compte la résistance séculairc du prys aux prétentions
Itnnexionnistes de lir France. L'avirncntent de la cornmnnc déniocra-
tique far,orise cettc importante évolul,ion.
Les prcmiers progrès cle I'idée tlérnocratiquenefavoriscnt clans les
' commulles que les principaux dc Ia rille : lcs noblcs, les richcs
marchrrrrds. ccux r1u'on appellc les grands à Liége, Ies gens tles
lignagæ en Brubant,lcs ltoortu"s eu Flanclre possùdent d'a5or.cl sculs
les avantages gariintis par les chartcs. Longr.cmps Ie petit
lleuple
artisirns irux onglcs lileus et reventleurs au cletail, serfs des divcrses-
catégorics nc jouit que des rlroits civirs. Les prcrnièr'es clrar.tes
-
sont des chartes aristocrattqtrcs locales.
Néarrnroins, peu à peu, à nesule que I'incrustrie sc cléveloppc dals
Ies 'r'illes, les rrtisans .v glandissent en nornbrc, s'y groupont prrr
rrtétiers et fortttent des colporittious dorrt chacune constitu e ute uniré
industrielle.
conrme lcs grands, dans ]cs luttcs qu'irs soutiennent contr.e leur,s
princes ou conlr'c des communcs voisincs, ont souvcnt bcsoin dLr
peuple, ils pcrrnettent irux rnétiers cle s'ilnncr : r'oili\ ceux-ci fornant
des ttttittts ntilitaires. Dès ce jour', ils sont bien près cle deyerrir des
unités politiques.
La victoire rie coultrli,'ri laquclrc ils prennent une part pr,esquc
TEIIPSIIIS'l'OltlouES. PÉRIODE F'É0D0-c0lIlItjN.\LE 395
-
exclusivc, leur perntet ilc r'éaliscr ce dernier progrès. À la suite de
ce brillant fai[ cl'arrnes otl les métiers saulettt I'indépenclance de la
Flantlre, toutes les contnttnes flatnancles et, peu aprèS lit plupat't des
comnrunes bclges, rcçoivctlt cles chirrtes tlérnorattqu,es locales. qui
étendent aux artisans la jouissance des tlroits politiques.
A lelr'tour, les grands sont fl'appés, eu tant que classe sociale,
d'une sorte de déchéance politique, car les métiet's, après s'être
d'aborcl contentés cle réclamer le paltrge des privilègcs, exigent
bientôt le pouvoir polr eux seuls. Quiconque vgut potlvoir exercer
ses tlroits politiques et les fouctions publiques, doit se faire inscrire
à I'un ou à I'autre lnétier. Grancl hotnmage, au Surplus' rendu au
travail qui se trouve dès lors relevté de la déconsidération oir I'avait
longtemJrs maintenu le préjugé aristoclatique.
Quant i\ I'autorité tlcs seigleurs ruraux, ellc s'affaiblit de
jour ett
jour, tton seulemcllt palce que les communes dénocratiques grau-
clissen[ en puissitnce, mais ellcore pal'ce que, Poul' cmpircher la désCt'-

tion dc leurs serfs, ils sont obligÛs de concécler ir ceux-ci des chartes
rtn"ales, qui leur gâIalltissert dcs trvantlges très étendus. Ainsi lrt
suprérnaticexercée t\ l'époque précédente par les campagncs sur les
villes disparaît et prsse délinitivement à cos dernièrcs.
II irnporte ogpendant de le remarquer : les contmulles et les métiers
rlu rnoyen irge ne jouissent pas de vraîes libertés,, mais seulemeltt de
priuitègas. 0n n'a pas alors ulle collccption juste des droits natu'rels
rle I'homme. Réclamer pour totts une égalité entie\re n'cntre dans la
peusée cle pcrsonrte : c'est que l'égalité de tous devant la loi tt'est
prs, à cettc époquc, regàr'dée comlne un droit, printortliul Les libcrtés
inscritcs dtrns lcs chartes sont tlniversellcmellt tellues pour de
sirnples privilèges, qu'il est legitime ct lionorable d'arracher tl ceux
qui prétendettt s'en réserver le monopole, mais qu'il n'est pâS iDiustc
ct qu'il peut titrc habile rle t'cfuser à ceux qui ne les possèdeltt p'.ts
encore. En cet état cles'espt'its, chaculr sc borno donc à cbtenir du
pouvoir le plus cle privilèges possible, salts se préocctlper de savoir
ii I'on ell Accorde t\ son voisin, heureux môme, le cas échéartt,
d'en jouir seul, pat'fois s'opltosilnt cle force à les laisser attribuer à
d'ltutres. C'eSt, au point que, clans beirugoup de communes' On est
amcllé à prenclre des précrutions nombreuses pour empèch€r cer-
taines col'porâtions d'opprimer les autres. Néanmoins ces précàu'
tions sout vailles.
En Flandre, lcs luttes pour h conquête cles droits civils et poli'
tiques se compliquent des luttes pour le maintien de I'indépendance
396 rrrsrorRr DBs DELGEs ET DE LEUR crvrlrsATroN

nationale.Lesjournées de Courtrai, de Cassel, de Roosebelie sont


des batailles livrées par les classes populaires à la France et au parti
françris; car il sc rencontre en Flandrc un parti, celui des leliaarts,
pour s'unir à l'étranger en haine de la bourgeoisie et du peuple. < La
tyrannie, dit lllontesquieu, ne montre d'abord qu'une main pour
secourir, et opprime ensuite avec une inliuité de bras. > Les nobles
flamands, perdant de vue cette r'éril,é d'expérience, appelleut de leurs
yæux et de leur aide Ie succès des armes royales.
Dans I'ancienne Lotharingie, rien de pareil ne se produi[. Aussi,
les revendications populaires n'y revêtent-elles pas, d'ordinaire, le
même caractère d'exagération et de violence. D'autre par.t, si I'on y
voit le peuple lutter contre les grands et contre ses souverains pour
en obtenir l'égalité politique, on n'y voit pas, comme en Flandre, lcs
grandes commulles combattre à main armée les unes corrtre les
autres et ne s'unir que pour assurer I'asservissement des petites.
Si les progrès de la liberté y sont plus lents, ils y sont aussi plus
généraux, s'y développcnt avec plus de régularité, s'y étendent au
plat pays comme aux villes et presque toujours y sont consentis de
bonne grâce par les souverains
Toutefois, la vie politique, dans la principauté de Liége, est plus
mouvementée que dans le rcste du grand lief irnpérial belge. Le
peuple y parvient, plus tôt que partout ailleurs, à conquérir I'inté-
gralité de ses droits politiques. Cela tient, sans doute, r\ la vitalité
spéciale du peuple liégcois, à la puissance que I'industrie donne de
bonne heure à ses corporations ouvrières, enfin aux compétitions
pour le trône épiscopal, qui amènent lcs nouverux titulaires à con-
sentir chaque fois de nouveaux privilèges.
La feodalité avirit poussé fort loiu la tléceutralisation : le régime
eommunal I'accentue davantage encore. D:.rns le haut moyen âge, les
ducs, comtes, marquis, princes-ér'êques, chefs des grandes princi-
cipautés belges de l'époque, s'étaient arrogé urre autorite à peu près
souveraine, dépouillant ainsi de droits esseutiels leurs suzelains, Ies
rois de France et les empereurs d'Allemagne.
A leur tour, ils voient, dans la seconde rnoitié clu moyen irge, les
communes leur disputer cette autorité et, constituel', âu sein de leurs
principautés, dcs r'épubliques quasi-indépendantes.
Cependant la communauté d'intérêts et de mæurs, née de fréquents
mpports en[re les hallitants d'uuc même principauté, ramène peu
i\ peu les populations à des idées centralisatrices. 0n voit,, comme
manifestation prirtique de cette tendancc, en Flandre, I'institution
TEIIPS IIISTORIQI-jES. PÉRI0DE FÉODO-CO]IIIUNALE 397
-
tles lrois ntembræ de Flandre,' en Brabant e[ dans la plincipauté dc
Liége, la concession de chartes générales :laloidc Cortenberg, la
Joyeu,se-Entrée, la paiæ de Ileæhe., sont de r'éritables cortstitutiolts
nirtionales, car elles ne sont plus relatires à une seule ville, mais
s'applicluent au gouvernement de toute une prirtcipauté, aux petites
communes comme aux grandes, aux calnpagnes comme aux villes.
En vertu de ces chartes, il n'est plus pcrmis aux princes de légiférer
sans la prrlticipation des trois ordres de l'État, à savoir ;leclergérla,
noblesse et les représentatts des communes, désignés sous le nom de
tiers-etat.
Enfin, les nécessités du commerce international conduisent aux
traités de l.339, qui tendent à géuéraliser davantage encore les prirt-
cipes politiques et économiques les plus importants. C'est I'instinct
de solidarité qui se dér,cloppe, s'étend et répudie à Ia fois le parti-
cularisme féodal et le particularisme communal pour y substituet"
lvec le régime constitutionttel, le principe de I'unité et de I'indi-
visibilité de I'Etat.
Le puissant génie de Van Artevelde, dont le gouvernement marque
I'apogée de la puissance et dc h prospérité communales, entrevoit
leS immenses avantages qui résulteraient, pour la nation d'uue unili'
cation basée sur la liberté, la fédératiou des conrmtlnes et I'intérêt
des contractants, plutôt que sur I'effort brutal de la conquète ou du
despotisme. '
lTlais I'heure de la réalisation de cette grande idée n'est pas Yenue.
Les esprits ne sortt pas suffisammettt pr'éparés i\ I'accueillit'. Un
patriotisme étroit et sans clairvoyance domine dans les communes; il
empêche les traités de {339 de porter des fruits durables. Après
avoir déployé toute l'énergie nécessaire à Ia conquête ttes libertés
les plus étendues, les commultes mtnquent de la sagesse indispen-
sable pour les conserver.
L'ignorance des classes populaires et le manque de vues politiques
élevées chez leurs chefs; le défaut d'union et I'isolement otr les com-
munes se complaisertt, leur égoïsme et leurs querelles; I'oppression
des petites villes par les grandes; celle des campagnes par les villes,
rlui veulent restreiudre pour les plemières le droit au travail ; les
conflits entre les diverscs classes sociales; ceux des métiers entre
êux; les revendications exagérées de tous les partis; les excès
commis, telles sont les causes essentielles de la chute des communes
belges. Blles ont d'ailleurs cessé de représenter le droit et la justice
depuis qu'elles se sont mises à opprimer les faibles. Leur rôle civili-
398 rnsl'ornr DES BtsLGES Et' DE LEUR clvrlrsÂtroN

sateul' est biell fiui. L'ave\nemelt en Belgique de la mtiison de


Boulgogne rre fcra que précipiter un clénoucrnent désormais inévi-
tablc.
Péniode communale.
Empereurs dtAllemagne
Rois de France contemporains
contemporains
Philippe Ier.... ..... -i4,108 Henri IY. .... f 4{06
Louis YI, le Gros. .,. -i' 4137 Henri Y .. ... t {{95
Louis VII,le Jeune. . . -i t{80 Lothairetle $axe ....'i-4{38
Plrilippe II,Auguste. . -i 4,923 Conrad III (de Souabe).... . . t {{58
Louis VIII, Cæur de Lion .. . -i- 1226 Frédéric [er, Barberousse . . . 'i ,l{90
Louis IX ($t,-touis) . . -i '1270 Henri\:l .,... t{{9?
Philippe III, IeHarrli . -i {q85 PhilippetleSouabe .. t{90S
Philippo IV, le Bel . . . -'; lîlr+ Othon IV, tle Brunsrvick . . . . 1- {2{8
Louis X, le Hutin . . . 'i '131G Frédéric II.... ..... t'1950
Jeanler. ..... t{346 Conrad IY. .. . -'l l2ô4
Plrilippe Y, le Long. . r; 1322 Guillaume de Hollantle ..... t 4956
Charles VI, le tsel . . . . -i {398 Interrègne jusqu'en. 4,213
Philippe VI, de Valois. .. . . . t '1350 Rodolphe de Habsbourg ... . -i-'t?gl
Jean II, le Bon Adolphe de Nassau. .. r;
t {364 1298
CharlesV, leSage ... t4380 Albert 1er,d'Autriche. . . . . . . f {B0B
Charles VI, I'Lrsensé Henri III,, de Luxembourg . . f {3{3
Louis T, de Bavière. . f l3t+1
Charles IV, de Luxembourg. . f {378
\l'enceslas de Luxembourg . .
Comtes de Flandre.
Baudouin 1ct, llrâs tle fer. .. f 878 Plrilippe d'Alsace .. . r; 7t!.9t
IlaudouinII, Ie0hauve..... f 918 Baudouin YII[, le Courageux
Àrnould Ier, son abdication en 958 (llautlouin V en HainauQ. j- {4.05
BautlouinIII, IeJeune...... t 06.1 Baudouin IX, de Constanti-
ÀrnouldIer... ..... -i g6L nople. .... t t?05
Ârnould II, l'Enfant ... .. .. t 088 Jeanne de Cc'nstantinople. .. t l2+4
tsaudouin IY, le llarbu ..... t {036 I\Iarguerite de Constantinople j- 1279
llaudouin V, de Lille. rr' {06'i
Gui tle Dampierre. .. t {30b
Baurlouin YI, tle llons..... -f {070 Robert III, de Bélhune. .... t 1322
Amoultl IIln le lllalheureuK . ;- ,10T1 Louis de Crécy . .... f f346
Robert Ier, le Frisoll ...... i- {093 Louis de llaele . .... J- 4384
Roberl, II, dc Jérusalem. . . . j- {{{{ Philippe le Hardi, duc de
Baudouin YII, à la ll:rche. . . i- ,l l.l9 Boulgogne
Clrarles Ie", le llon .. f 11.27 Jean sans Peùr........... .i lL4,g
tuillaume Cliton: ... :; 4t2I Plrilippe lc Bon ...., r; 1,467
Thierry d'Àlsace .... j- {{68
TErrrps lrrs'r0RrQUES. pÉRrODE l'ÉOD0-cOrrlruNALE 399
-
Comtes de Louvain et ducs de Brabant.

.....
Lambert [er, le Barbu + .t0l5 Henri III .... t4960
Vieux.
llenri Ier, le . -f .1038 ..... t 499,+
Jean ler, le Victorieux
Lambelt II, Baldéric i 4069 Jean II, le Pacilique. rS 4312
Henri II ..... -f 4076 JeanlII ..... -i 4355
Henrilll .... t.1095 ( t '1383
wenceslas et Jeanne .. , ..
Godcfroid ler, le Barbu, pre- i 'i' 1384
mier duc en 4406 . j- 4140 Antciine tle Bourgogne.... . r; 4,4{,,5
Godefroid II, le Jeune ..... JS Llrti) Jean lY ..... t 1127
Godefroid III, le Courageux. f ,tlg0 PhilippedeStPol ... 1 4430
Henri ler, le Guero-veur. . . . -i {235 Philippe lellon ..... 1' 4,467
Henri lI ... . . r; 4941

Comtes, puis ducs de Limbourg.

\\'aleranler.... ..... i- (?) HenrilY. ....rç4.2tr7


Henri ler. .... rç ll22 Waleran IV ... ... .. t ,1280
\laleran I[, le Paien . t ,l{39 Ermengarde .. t,1283
Henli II ..... -i{.167 Bt Renaud de Gueldre, rlé-
IlenriIII, leYieux ... t,l29l pouillé en {988 4988
\\'aleran III.... ..... -i.{226

Comtes de Hainaut.

RégnielauLong c01........ t 9,16 Jeanne de Constantinople . . . -i' ,tE4r*


RégnierII..... .....-i 939 Ferrand de Portugrl . t l27g
RégnierIII ... ......t }-tl llarguerite de Constantinople -i ,1304
RégriierlV... l-40.13 Jeand'Avesnes... ... -f ,1337
Régnier V..... ..... j- 4036 Guilaunre Ie'', le Bon . f 4345
Richiltle et son époux -i .f 086 Cuillaumell.. .. .... t {356
Baudouirr 1er (Baudouln YI en Uarguerite (épouse de I'em-
Flandre) .. . i- 1070 pereurlouisll) ... t'1389
llaudouinll, de Jérusrlem. . . f 4098 ()uillaunre l'Insensé . . )f 140/+
Baudouin III.... .... J-.1{20 Aibertde Bavière. ... t 4417
tsaudouin IY, le Bâtisseur.. . . -i .1,16t GuillaumelV... .... j- {436
tsaudouin V, le Courageux. . . 11- 4lg5 Jacquelinede Bavière ...... t
Baudouin YI, de Constanti- l'hilippe le Bon ï '1467
nople. ..... f{905
400 HISTOIRE DES I}ELGRS El' DE LEUII CIVILISÀ'TION

Comtes, puis marquis de Namur.

Béranger. .... t 932 Henri II, tle Courtenai ..., . . t 4229


Robert ler.... ...... -i 080 r\larguerite, dépouillé tlu
ÀlbertIer... .-i.1000 comté en. 1237
Robertlt.... . -i l0l7 Baudouin de Courtenai vend
AJbertII.... . -i'1037 le comté en.... 1263
ÀlbertIII.... . -l'1105 Gui deDarnpierre. ... t{305
Godefroid .... -i1'139 Jean ler. .... . t 4Bg0
Henri ler, I'Aveugle . . -i'l'196 Jean II t {336
Baudouin le Courageux, comle Guill. f{336
de Hainaut, premier mar- PhilippeIII.... ..... t {337
quis de Namur, mort avant Guillaume 1er, Ie Richê ..... t,139{
Ilenri ler, l'Âveugle ,l195 GuillaumeII.... .... t 141,8
Philippe 1er, le Noble . -i {ll2 Jean III vend le marquisat en 4421
Yolende; son abdic. en .... {216 Plrilippe leBon... ...-l 1467
Philippe de Courtenai, à la
Lèvre. ..... -i-'1296

Comtes, puis ducs de Luxembourg.

Sigefroid ....t 998 t .r3r3


l'rédéric .... -i 10tg i 4346
Gilbert. ..... t'1057
ConradIer... -l 1086
Henri.Ier .... t .1096 1847
Cuillaume ... t ll98
Conrad II.... -f 1136 t ,1383

HenriII, I'Aveugle .. t'1'196 'r388


Ermesinde. .. -i- 1246 1409
Henri [II, le Blondel I l2Zt+ l44t
Henri IV .... t'1988
Princes-évêques de Liége.

St Monulphe ....... t 597 StThéodart. .......t 651


............ -i
St Gondulphe 604 St Lambert ..... ... t 696
StPerpète. ........t 619 St Hubert ... t 727
St Ebregise ........ t 631 St Floribert . ....... t 746
SiJeanl'Agneau. ... t 63q Fulcaire .....t 169
StÀmand ...t 650 Agilfride ....t 785
StRemacle ........-i 6i3 Gerbalde .... t 809
t'ElrPs HrsT0nrct'Es. pÉRIODD FÉOD0-c0Muu\ALFt 401
-
Princes-évêques de Liége (Suitc).

Valcand .... t 832 Henri de Gueldre. t t27L


Pirard ......-i 840 Jeand'llnghicn... I 1982
llircaire. .... t 85S Jean de Flandre t .rse{;
Francon
Étienne
.... t 903 Hugues de Cltâlons i .r30t
,....t gg0 Adolphe de Waldeck. t .1s03
Ricaire ...,.1g.L8 Thibaut de Bar i {3{3
Ilugucs ... .. t 9.+7 Àdolphe de la }farcli 1L {345
larabert , . .. -l 953 [nglebertde la Marck ..... -f {36 [
Rathère. ....-i 956 Jean d'Arckel .... t 1378
Ba11.iclcr.... ..... -i 9bg Arnould de Hornes t 'r8eo
Bracle ......t g7l Jean de Bavière -l {4{8
Notger. ..... f {007 Jean de Walenrotle. t 4,420
Baltlric II .... . ... . f {0.18 Jean tle Heinsberg trf 445{;
\4albodon ... t4021 Louis de Bourbon 4'Agr+
Durand ... .. t 4025 Jean de Horne iL {500
Réginard. ... t {038 Blard de la llarck. i- ,1538
Nithard ..... t.t04g Corneille de llergues 'i' 45Ltr
Wazon t {0218 Georges d'Autriche. T lDO I
Théoduin Robert tle Bergues i-.rii63
Henri de Vertlun. ... f .10$l
rf ttlg
Gérard de Groesbeck . . . .. . t ,58r
Obert. Brnest de Bavière. Ij- r$12
Frédéric ....-i,tt2g ferdinantl de l]avière. . .. . . 1650
Albér'onIcr... ..... f 4{98 Ilaximilien-IIenri de lJavière j- {688
Alexandre Icr ... ... f .l,lg6 Jean-Louis d'Eltleren t l(t9tt
AlbéronII.... ..... -i {.t4S Josepli-Clément de Bilçiere . )' 472t1
HenrideLeyen. .... t 4{6li Georges-Louis de Bergues . . r; 1.7 Ltt
Alexandrell .... ... t.1168 Jean-Théodore de Bavière . . -i 1?63
Rodulphe. .... ..... f llgl Charles-Nicolas-Âlexantlre
Àlbert tle Loulain. .. t .ll9$ d'Oullremont. . . . . t Li72
AlbertdeCuyck .... 1L lg00 lrançois-Charles de Velbruck -i.r78.'É
Hugues de Pierrepont .. . . . j- .1950 César' -Con stantin-Franç,o is tle
Jeantl'Aps. .. t4ggg Hoensbroech -f L7s2
Guillaume de Sarcie. t {giO FrançoisAntoine-Ilat'ie Cons-
Robert de Torote ... t tZ47 tantin tle lléan. .

V, IUirguet. Histoire iles Belges. g6


-
402 HISTOINE DES I}EIGES BT DB LEUR CIVILIS/\1'ION

CHAPITRE Y

Période bourguignonne-autrichienne ({ 384- I 555)

Ouvnages à consulten :

Pttul Fr(déncq : Bssai sur le rôle politique et social des ducs de llourgognc.
Il'atûers : Les Libertés communales. ll'auters : Préci.s de l'lristoire
-politique -
de la Belgique pendant Ies quatrc tlerniers sièclcs. Ed. Paullct :
Histoire politique nationale.
-
Ilenne: Histoire de la Belgique sous le règne
de Charles-Quint.
-
d,e Darunte .' Histoile des ducs de tsourgogne.
-
,lules l&'édét'icln : Le Grand conseil ambulatoire des rlucs de llourgogne et,des
-
arclritlucs rl'Autriche (l4t+4-15û4), Dc Leborde : Ilssai sur les lcttres, les
- Ilénaut:
arls et I'intlustr.ie au xyosiècle. Histoire du pays de Liége.
-
lI. Lonchuy : De I'attitude des souverains -
des Pays-llas à I'éganl rlu prays de
Liége au xvle siècle. Ch. Faider : Patria tselgica. Etutles sur les consti-
lutiorrs nationales.
- I'içtsy Brundts : lissai sur les
classes rurales.
-
l'an Dntltssel : Histoire du commerce et de la ntarine.
-
Stéchcr : Histoire de
la littéralure néerlandaise en Belgique.
-
Ale"randre.' Histoire du conseil
privé dans les anciens Pays-tsas.
-
Péniode bounguignonne-autnichienne.
Empereurs d'Allemagne
Bois de France contemporains.
contemporains.
Oharles TI, I'Insensé . t 1422
'lYencesles
de Luxembourg,
CharlesVII... t.t46l déposé en.... .... j- {400
LouisXI ,.... t4483 Robert de Bavièr'e . .. t {410
Charles YIII.. j- {408 Jossedel[oravie .... r; 4.4,1,1
Louis XII .. .. t ,151ts Sigismond de Luxembourg'. . -l {438
François Icr ... ..... -i',1547 Albert II, d'Autriche ... .... -f ,1439
Henri lI tr'rédériclll ... ..... i- 4493
Il[aximilienl"' .., ... tf5l$
Charles-Quintabtliqueen.,.. .t556

TITRE I
Géognaphie historique.
Les dix-sept provinces qui composèrent les llays-Bas au cours de cette
période sont : {o La ltlandre et l'Ârtois, enlrés par nariage dans le domaine de
TEtIpS HIST0RIQUES. PÉRI0DE L|OUttctltlN.-'\UTRICIt. 403
-
lanraison deBourgogne({3S ). 20Laseigrtcttie del}Ialtnes, acquise parhéritage
en {/130. Dllecomprenait troisparties: a) laville; ù) le distlict (cinqvillages à
clochers et six hameaux) ; c) le ressort (les villages de Heyst-op-den'Berg et
de Gestel). 3o Letna,rquisat tle Nutnut', acheté par Philippe le Bon en lt+2|,"1'129,
.4o Le tluctté de lirabant; 5o celui de Linùou'g et 6o le ntanptisat d,'Anrers.

acquis tous trois pâr succession, en 1430. 10 Les comtés de llainuut; 8o d.e
Ilouandc; go de Ztland,e et'l0o laseignetn'ie dc Ftise, acquis lous quatre par
cession (.4.428, concortlat de Delft) et par héritagc ({2136). 'l{o Le duché de
Gueklre, acheté par Charles le Ténréraire, etl /1.472. Cette proVince était formée
par la ville de Ruremonde €t quelques villages environnanls. Dlle avait un
corps d'état et un cOnseil souverain de justice. l2o Le contté de Zutphen, tnnl
à la Cueldre tlepuis {{05 et acheté par Charles le Téméraire en {479, perdu
ensuite avec lâ Gueldre, en[il), tous deux acqui$ tiétinitivement par Charles'
Quint, en {5/+3. 43o T'otuttui et Ia seigneurie de I'ournui et I'ou'narsls, cOnquis
en {59{ par Charles-Quint, qui euleva à Toulnai sa constitution démocra-
lique (l). La seigneurie tle Tournaisis complenait Tii villages. Olle fut annexée
au comté de Flanrlre, dont elte forma un distlict à part appelé la a seigneurie
de Tournai ct, Tournaisis r. Àu point de vue judiciaire, le lribunal des échevins
tlc To'ulnairelevaitdu conseil de Flandre et du grand conseil de Illalines. 4r+o
Les pûttcipautis t|'Iltrecltt et 45o ù'Orer-l'ssel, cédées à Charles-(Juint en {598,
par l'évêque Henri de Bavière. {60 Les pags de Drentlrc et {70 de Groeninghe
(avec les 0mmelanden), acquis en {536,
Toutes ces provinces formâient des états indépendants et séparés n'ayânt
encore aucune appellation collective. 0n les désignait indifféremment sous le
nom de Pays tle par rleçà (par deçà les monts) : Pays de par defti (par delà lc
Rlrin) : Pays d'en àas, de I'land.re, de Brabant' enfin' mais ralement, par
celui de Belgique.

TITRE II
' Les feits.

I. LÀ }'LANDRE ET LES I)RINCIPÀUTÉS I.OTUININGIEI{NES


SOUS LES PRINCES BELGES DE LA ilAISON DE BOURGOGNE.

A. - FLANDRE. -. Philippe le llardi (1384'1404). -


Philippe le Hardi, gendre de Louis tle Maele, Iui succède en

(l) Hrnnn, Ilistoire tte Charles-QL,i,rt, tome I, page 36{.


404 IIISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIYILISÀTION

1384. En 1385, il conclut âvec les Gantois le tlaité dc


il lerrr accordc une amnistie entière et Ie
Tournai, par lequel
maintien de toutes leurs libertés. Sous le règne assez débonnaire
tle ce prince, les Flarnantls vivent à peu près tranquilles. 0n
tloit à Philippe Ie Hardi une première réfor"me judiciaire et
financière. En 1385, il étabiit à Lille tme chuntbre centrale de
jtr,stice et des contptes.
IJn autre fait de son règne, important par les suites qu'il
devait avoir, est le double mariage par lequel la rnaison de
Bourgogne s'unit â celle tle Bavièr'e, réguante en Hainaut. Le
lils et la fille de Philippe épousent des enfants du cornte de
Haiuaut, Guillaume III. Ces mariages prépalent la réunion dc
tliverses principautés be)ges (1399 ).
lean sans Peur (1404-1419).
- Le rlouveâu prince inau-
gure son règne en accordaut aux Flamands le libre emploi de
leur langue dans les actes admiuistratit's et judiciaires et
l'exemption de certains impôts arbitraires conllus sous le nom
de tailles.
Les chambres réunies tle justice et des comptes, établies
par son père, siégeaient â Lille, ce qui nécessitait dcs
déplacements onéreux pour les justiciables et h traduction, à
leurs frais, des pièces flarnandes en fr.ançais : il transfère
:i Audenaerde Ia chambre tle justice qui tlevient plus tard le
conse.il prouincial judiciaire de Flandre.
Il autorise, d'autre palt, le commerce avec les Arrglais. ,Aussi
les villes flamandes ne tardeut-elles pas à recouvrer leur ancienne
prospérité. Dans la seule ville de Gand, on compte 40.000 tis-
serands.
En {408, Jean sans Peul secourt Jeau de Bavière, évôr1ue tle
Liége, contle ses sujets révoltés et remporte sur eux Ia san-
glante victoire d'0thée. (Voir plus loin)
Par la srrite, il rnécontente les Flamands en faisant la guerre
aux Anglais; rnais il réussit à contenir les grandes courrtrunes
TElrpS HISTOnrQUES. pÉRrODE BOUrrGrIGN.-ÀUTRICH. 405
-
en excitânt lerrr mutuelle jalousie. C'est ainsi qu'il promet
aux Gutois d'abandonner le séjour de Bruges pour se Iixer à
Gand. A la faveur tle cette politique astucieuse, il peut irn-
poser aux Brugeois une charte qui restleint leurs privilèges et
leur enlèr'e la suprématie sur le Frarc, dont il fait un quatrième
memble de la Flandre ('l ).0n donna à cette charte le nom dc
kalfuel, parce que le palchemin sur lequel elle fut écrite était
fhit tle peau de Yean.
L,es Yprois sont encore plus durement lraités. Jean sans Peur
supprime toutes leurs franchises et'frrit lacérer leurs chartes.
Cette rnesure accélère la décadence de la ville d'Ypres qui, à
partir cle ce nomeut, cesse tle jouer un rôle dans l'lùstoire tle
la l'lattth'e
Jean sans Peur décitle pourtant les milices communales
à le suivre en France; mais celles-ci avant éprouvé dans
leurs opérations une résistance plts sérieuse qu'elles ne
I'irvaient prévu, abantlonnent le duc près dellontdidier(4.41,1),
malgré ses supplications. De retour tlans lcur ville, les Brugeois
lefuseut de tléposer les annes tant que le kalfvel ne sera pas
aboli, ce qu'on n'osc leur refuser. Estraite de la trésorerie dc
Gand et livrée aux délégués blugeois, I'odieuse charte est
tléchirée et mise en pièces, apr:ès que les échevius de la ville en
ont solennellenrent arraché les sceaux.
En, 1.419, tlans une entrevue avec le dauphin, Jean sans
Peur est assassiné sur le pont cle Moutereau ( Yonne ) par le
cornte Tarineguy Duchâtel, de la factiou des Armagnacs, oppo-
sée en France au parti du tluc dc Boulgogne.

(,t) Àu xffe et au xre siècle, la Flandre est alternativement divisée en ,rois


membres ou en qlrotre, suivant qu'on enlève ou qu'on reconnait à la ville de
Bruges sa suprérnatie sur le Franc. Les qrratre membres t.le la Flandre se com-
posent : C.o de la villc et du lemitoirc de Ilruges; 90 du l'ranc avec les petitcs
villes y comprises ; 3o de la ville et chàtellenie d'Ypres i 40 (Je la ville de Gand,
avec les territoires du Yieux-tsourg, du pays de Waes, des Quatre-l[étiers,
tle la clrâtellenie de Courtrai et tle cellc d'Autlenrerde.
406 IIISToInE DES BELGES ltr DB LEUn ctvILIsÀTloN

Philippe le Bon (1419.1467). Pour Yetrger lc meurtre de


son père, Philippe le Bon conclut une
-alliance (traité de Troyes,
en 1.420) avec I'Augleterre. Puis il aide le roi Henri Yà conquÔ-
ril une grantle partie de la Frauce. Àprès quinze anuées d'tttte
lutte ininterrompue, maignant à la fin tle se dottuer un voisin
trop puissant, il se décitle à faire la paix avec Charles VII, roi
de France. Une couventiou signée entre eux à Àruas, en {43S,
accorde toutes satisfactions et réparations à Philippe pour le
meurtre tle Jean saus Peur. En outre, elle ILri alloue tle grosses
somlnes d'argent et porte la limite méridiouale de son cornté tle
Flandrejusqu'àla Sornme. En{irt, elle le dégage personnellentent
dLr lien de vassalité qui râttâchait la F'lanclre à la Ft'ance.
Ernbrassant bieutôt après le parti tlu roi tle France, Philippe
le Bon déclare la guerre aux Anglais qui vienncttt alot's commettre
de grands dégâts sur les côtes de Flandre. Daus leur ntécon-
tentement, les Flamantls consenteut à envoyer leurs milices au
siège de Calais qui venait tl'ôtre entrepris par Philippe le Bon.
Mais elles ont pertlu I'habitude tles armes. Apr'ès avoir livré à
la place investie cluelques assauts infructttcttx, elles se lassent,
lèvent le camp et rentrent en Flandre malgré les instantes
prières de Philippe qui, réduit à ses seules fot'ces, se voit
contraint rl'abandonnel le siège.
B. BRABANT. Antoine de Bourgogne (1406-1415).
-
- -
Jeanne de Brabant, veuve du tluc'Wenceslas, choisit potlr stlc-
cesseur son pe[it-neveu, Antoine tle Bourgogne, fils de Philippe
le Hartli, à la condition que Malines et Anvers seront rendus
par la Flantlre au Brabant. Le nouveau tluc apporte, dans le
gouvernement tle ses états, les tentlances centralisatrices et
autoritaires de la maison de Bourgogne. Aussi vit-il presque
continnellemertt en mauvaise intelligence avec ses sujets. Il
établit à Bruxelles ure clmntbre tles contptes dont la juritliction
s'étend au Brabaut, au Limbourg et au marquisat d'Àuvet's.
Antoine tle Bourgogne, quipérit à la bataille d'Azincourt (141ii),
TEMPS IIIST0nI0UES. R0l.iRGUIGN.-ÀUTRICII. 407
-PÉnIODE
â poul surlcesseur son fils Jean IY, dont le court règne est très
agité.
Jean lV (1415-1427) et lacqueline de Bavière. Le nouveau
Jacqueline tle Bavière,
-
comtesse tle
tluc avait épousé sa cousine,
Hrinaut, de Hollande, de Zélande et seigneur de Flise, et la
rénrtiort de leurs hér'itages conslituai[ aux jeuues princes uu
vaste et riche patrimoine. Malheureusement, la rnésintelligence
ne tartle pas ti se glisser etttt'e les deux époux. D'tttt caractère à
la fois faible et eutêté, Jcan IV conseut, malgré I'opposition tle
sa fernme, à céder la Hollande, la Zélrntle et la Frise à Jean
sans Pitié, ancien évêque tle Liége (L420). Les états tle Brabant
prennertl parti poul la
tluchesse et Ie peuple tle Bruxelles,
profitant dc ces querelles, réclarne une charte dômocratique que,
vu les circonstartces, olt est contraint tle lui accorclet (1421).
Grande charte bruxelloise.
- Voici les principales tlisposi-
tions tle'cette charte conllue SouS le notu le grancle cltarte
brtmelloi,se, {.o Les métiet's sont rÔpartis en neuf groupes ou
nutùorts. 2" II y a deux maîtres de la commure tJont at' seu,I
patricierr. 3o Le nwgistrnt comprend drr tlélégués des lignages
et neuf des rnétiers. 4n Il est constittté ttrr cllt?,tntut, conseil tJe
Ia commune compreuaut les iurës tles nations, les chefs de la
milice et quelques autres fonctiottuaires.
Création de Ituniversité de Louvain. Jean IV attache son
-
nom à utte ctéatiott tl'une grande irnportance. Il n'existait point
alors en Belgique tl'université et les jeunes Belges qui voulaient
abortler les hautes éturles étaient obligés de suivre les cours
tl'universités étrarrgères. Avec I'autolisation et le Concours du
pape Martin V, Jean IV foude I'uttiversité tle Louvain ({426).
Cette institution, dont la bonne t'enommée ne tartle pas à devenir
uuiverselle, reutlra au pays les plus éminents services. Elle
recevra le nom ,J'Alnta Xfuter, c'est-à-tlire rJe mùre nourricière
des scieuces et tles lettles en Belgique.
lnstitution d'un conseil suprême de iustice. 0n doit
408 Hrsïornu DES BELcBS ET DE LEUR crvrLISATroN

encore à Jean IY l'établissement d'nn grand conseil de justice'


ambulatoire. Ce lrillunal, qui suit le tluc tlans les lieux oir iÏ
lui convient de résider, juge les plaiutes à chargo tlcs oflïr.;iers
tlu prince, et connaît en appel des causes jugées cu première'
instance paf les tribunaux tles échevins.
Phif ippe de Saint-Pol. Jean IV rneurt en 1427 sans his-
-
ser d'enfants, et sou frère Philippe de Saint-Pol lui succètle-
Pentlant le conrt r'ègne de celui-ci, tlcs querelles éclatent entre
les grandes colnmunes tlu Blabant et les colnlnuncs de seconrl
ordre. Philippe avait nommé un Bruxellois échevin tlc la rille
tle L,ien'e. Les Lierrois protestent contre cette noruination.
Philippe la rapporte et rentl un tlémet aux telmes duquel il
laut désolmais êtle né à Lierrc pour y pouvoil arriver aux fonc-
tious d'échevin. Les glandes villes réclament à leur tour et les
états considi)rent comme 1]01] avenu le clécret rentlu par Phi-
lippe. I.es hrbitants de Lierre s'étant, à cettc occasiou, livr'és ri
quelques tlôsoldres, les magistrlts des trois chefs-villes
oldonuent d'arrôter tout Lierrois rencontré dans les linrites cle
leur juritlic[ion. En lin de cornpte, les villes tle Rluxellcs, Lon-
r,tin et Anvels obticnnent gain tle cause et le duc se r-oit
contraint de reconuaîtle ri leuls habitants le tlroit formel tl'ôtle
nonrmés aux fonctious tl'échevin tlans les petites rilles (L429).
Ici apparaît eucore la prétcntiou cles grandes coululuuss belges
ii dominer les petites.
Philippe tle Saiut-Pol meurt en {430. Cornrne il ne laissc pas
tl'héritier tlircct, son héritage échoit l'r son cousin, Philippe lc
Bon, corntc de Flantlre et duc de Bourgogne.
C. lean sans Pitié.
-LIÉGE. - - (1390-1418). - Bataille
d'0thée ( 1408 ). --- Une sanglante défhite infligee an peuplc
liégeois révoltô contre son ér'êque, Jcan tle Bavièr'e, inaugurc
une période tl'an'êt tlans la voie clcs progrès poiitiques et natdr-
riels oir il avait assez régulièrerrrerlt mal"ché jusqtr'alols.
0n élevait parfois au siège épiscopal tlc Liége, dc jcuncs
TE]IPS IIISI'OIIIOUES.-I)ÉNIODE DOUITGUIGN..ÀUTRICH. 409

seigneurs -qui, trop pett âgés poul" l'ecevoil les ortlres, étaient
désignôs sous lc uom tl'iltrs. Ils n'apportaierlt pas toujouls,
dans I'acconrplissement cle leurs fonctions saccrdotales, toute la
convenaltce et toute la sagesse<lésirabies. Jean de Bavière, fr'ère
du courte dc Hainaut et ueveu de Jean sans Peur, comte de
lrlauth'e, fut au nonble des plus mauvais de ces princes.
Ses désortlres, ses exactions et ses abus tl'autorité sont si
criants que le peuple liégeois se t'rjvolte et le contraint de
s'cnfuir' à llaastlicht oir les rnilices comlnunales courent I'assié-
gef. Viverirent pressé pal ses adversaires, qtle ses partisans
tlrralifient ùe lutitlroils, parce qu'ils sont censés ltaïr les clroits
de l'évèquc, il sollicite la paix. I[ais les Liégeois sottt trop
irrités contrc lui pour accueillir ses âYances. Un pâquet, disposé
eu lbntre de lettle, scellé de sept cachets de bouse de vache, et
contennit un sirnple mgrcgau tl'écorcc, est toute leur t'éponse.
Irut'ieur dc cette iusuhe, l'évôc1ue ot'donue le massacre des
principaux prisonniers liégeois et rertvoie les autres après leur
avoil fait crevcr les reux. Toutefois, il laisse l'æil gauclte à
I'un tl'enx chargé de t'econduire ses tnallteureux compagnons
au caurp tlu parti populaile.
Désespérant tl'auiver :i utt accortl avcc ses sujets, l'évèque
sollicite le sec:ours de ses parcuts, les comtes tle Hainaut et de
Ill:iuth'e. Ceux-ei aruiveut bientôt :i la tÔte tl'utte arrnée de
98,000 hommes, presrlue entièrement corlposée de chevalicls.
Eu applenant I'arrivée de ces forces redoutables, le seigneur
de Pelrrez, marnbour cle Lîôge, fait publicr au Péron (t ) et
tlans hbanlieue,l'invitatiol aux ltomtnes valides de se rassem-
lllel en arrnes quaud ils entendrottt le sou de la grosse cloche

({) Péron (pin rontl), rle la pomme de pin surnrontée d'une ct'oix qui termine
à Liege la coloune à laquellc on a donné ce nom. Cetle colontte s'appuie sur un
l'ùt ert forme ri'anneau aurluel on .lrrive par quelques degrés, à droite et à
gauche desquels lcposeut tles lions. Lc péron, d'après I'historierl Htixlux'
rlaterait d'Àrnbioris.
410 urslornp Drs BELGRS ET DE LEUn crvrlrsÀTroN

du ban. Le moment venu, seize millc Liégois répondent à


I'appel du marnbour et vont camper à Othée, eutre Tongres et
Liége (1408). Dans I'action qui s'cngirge, les milices comlnu-
nales se montrent admirables de courâge et de ténacité. Janmis,
écrit Jean sus Peur après la bataille , 0n. ne uit gens se bath'e
si bien, et sa longtentps. Malheureusement, h justice tl'une
cause ne suflib pas touiours â en assurer le triomphe. Les Lié-
geois sont vaincus e[ {9,000 tl'entre eux pnvent de la vie leur
{lmouf de la liberté.
Le mambour et ses deux fils demeurent au nombre tles rnor.ts.

L'ôr'ôquc arrilc aussitôt de }ltiastliclrt. comrne don clc riienvenue,


on lui offr'c, au bou[ d'une piquc, la tôte du seigneur de perlez. llais
cc spectaclc ne lui suffit, piis. Âssoiffë dc l'cngcirnce, il se rend sur
le charnp de bataillc pour repaitlc ses 1,eux clcs caclirvres cle ses
cnnemis. A.rant' découvelt, clchés en rlivers crrh.oits, quelques
connurticrs échrrppés du car'nrge , il lcs firit, pench'c, ir I'instaut, à
dcs gibets irnprovisés.
Le lendemain, les yainqueurs miirchent, sur Liége. une tléputrtion
de douze habitants vicut clemauder ll paix. 0n exige lir soumission
rbsoluc des rnéticrs. Lcs rnembrcs du clelgô attachés au parti du
peuple, lcs hommes vrrlides échappés au désastre, les r,ieilrar.ds, res
fcnrmcs ct lcs enfants sont contraints tle se rcndre, en une longuc
plocc.ssion, tôte et pieds nus, un fllmbeau allumé daus lir nain, au
clcvant de I'année clc Jeln sans Peur. a Ia tète du liinrcntable cortègc,
marchaicnt les seigneurs de Rochefort et dc ser.riug. L'évriquc lour
fait inrmédiatenrert tralcher. la [ôte, linsi qu'à cent lingt bourgeois
soupçronués d'avoir inspiré lir révoltc. Rcmpli de tcr.reur, le peuplc
alors, crie ù dillilrcntes lepriscs : << rrisct'icorde! trrisartcortle ! >
illais I'irnplacrblc Prélat leste sour.d à ccs supplications. pentl:rnt
plusieuls jours, c'est, dans la ville de Liége, une r'éritablc chasse ù
I'liomme : les prêtrcs, colllnlc lcs laics, res hommcs, lcs femmes, Ics
vieillards, les cnfants, convaincus ou seulenrent soupçonnés cl'avoir
tenu le pi'u'l,i des Ilaïdroits, son[ nolcrs, roués ou lcndus par les
solda{,s de l'évêque e[ lcurs bicns conllsqués. un gnnd nombre,
par'rni lesquels la vcuvc du nrambour, sont précipités clu haut tlu
pont' des Arches, liés deux a dcux et dos à dos. clals la ueuse don[
chaque flot roule un ctdavrc.
TEltps HIS].0RI0UES. pEIII0DE B0tiltGUIÈN.-ÀUTlllcll. Ltl'l'
-
Dals toul,le pays cle Liége, surgit u1e vérihrl-rle forôt de potetices'
Plusieurs jouli durant, lLs éntissaires du tcrrible prince-ér'èquc
ville, torturcrtt ct' mett'cttt
1l,,r.ourrni lss ervirons tlc lir rnallicureuse
I mort les gels cles earnpagllgs, sals rlistiuction dc sexe ni d'ige'
plince
Enfin pour" pién.nir tles représaillcs possil)les, cet exécralile
crnutène avcc lui ciuq ccrtts Otilges pris diins les familles les plus
considér'a|les rle la prilcipauté. Quut i la citÔ ct itux llonues villes,
elles dc toutes leuls lillcltés ct' cottdamuées ir payer
solt clôpouilléôs
Jean de Baviùre D'eSt plus connu dùs lors
quo
dcs arlcldes éttot'nres.
sous le nom de Jenn sarm Pitié-
ltalgré son triomphe, I'existence finit par lui paraitrc. intolérablc
dans ù priucipauté et, ep l4{8, il résigne scs fonct,iops épiscopales'
Iean de wallenrode (1418-1419). Il est lelnplacé par Jeân
- les libres
tle wallenrode, prélat instruit et affable, qui rétablit
institutions des Liégeois et leur pcrmet de reconstituel leurs
a peu
tr"ente-deux métiel's. Malheureusemellt, Son administration
tle durée : il meurt I'anuée suivânte'
Iean de Heinsberg (1419.1456). - Jeau tle Heinsbelg
suc-

cètle I'an[ée suivante à Jean tle \Yallenrode' Sous le r'ègne du

D0uvel évêque, les rappor.ts tles L,iégeois avec la


maison de
le, territoire tle
Bourgogne ievie''eut de plus en plus difficiles,
la principauté étant de toutes parts enveloppé par les domaiues
tle cette maison. Humilié à diverses replises par Philippe le
Bourbon,
BoD, I'êvÔque finit par alrdiquer en faveur de Louis tle
n'avait
neyeu tlu ,luc rJe Bourgoglle (1456). Ce jeune prince
que dix-huit alls.
Louis de Bourbon (1456-1482). Bataille de Montenaehen
-
(1465). Peu soucieux des devoir.s de sa charge, il ne songe
-
qu'l satisfaire sa soif tle I'or et ties plaisirs. f)e plus, il pré-
tend agir en souverain absolLr. Les Liégeois le tléposent
et

i'voquànt la protectio' tlu roi tle Frattce, Louis XI. Celui-ci

leur promet son aPPui.


CependantledttctleBourgogneellvoiedattslaprirrcipauté
un corps tle troupes irnposaut qui rerrcontre les milicesliég*i::t
(1465)'
à Montenaeken. celles-ci sont mises en pleine tléroute
t*12 IIIS'TOIRE DES BELGBS ET' DE LEUN CIYITISÂTION

Qrrant au roi de France, il


abandonne â eux-mêmes ses trop
crctlules alliés, aurquels il se bome à consciller la réconcilia-
' tion avec Philippe.
Par la Piteu,se Pair, signée à saint-Trontl, les Liégeois
reconnaissent aux ducs tle Bourgogue la qualité tle marnbonr
perpétuel de la principauté et s'engagent à leur payer anuuel-
lement la sornr'e de 9,000 florins d'or. De plus, ils lui comp-
te't immédiaterneut la somrne de 840,000 florins d'or.

- Il )'etaplus
Destruction de Dinant (1466). quatre siùcles, Ia ville de
I)i'ant éhit beaucoup plus im|orl,urte peuplée qu'elle ne I'est,
rujourd'hui. Iille s'étenclirit, rlor.s sur. les deux
ii,,., oc ia llcuse et sa
populirtion dépassai[ 90,000 hiir-riti-rnts. Naturcl]cnrcnt protégéc
par
lcs hautes collines qui l'environrlcnt, elle étrit cn outle àorr,ùu, p..
iie liu-gcs rnuls très éler,és, flirnrltrés d'énolmes tour.s. Aussi n'iivait_
clle janrais été prise, quoiqu'eile efrt subi clix-sept sièges.
Situéc sut' Ia llleusc et, cliuts unc contrée clont cllc était la seule villc
i'portante, elle jouissait d'u'e position comnierci:rle des plus ava.-
tugeuscs : tous les plocluits tlu couclroz passirient par ses foiles
et
-scs tnarchés. Ses llabitants se lirraicrtt aussi à uuc inclustrie spéciale,
la firbricltiol d'objcts crr cuivr,c (.1), plrticuliùremcrrt cl,objcts cle
ehaudro''eric eI d'irsrcnsiles dc ninage (plirts, \:âses di'ers, Ilmpes,
cltandeliers, potiles (9), etc.), counue dans Ie mond.e entier sou, l*
rronr de dinanderte.
Lcs Di'antais a'aie't, ai'si lcquis dc gra'des richesses dont
ténroignaient lcs *raguitques irclifices taut religieux clue civils
e; lcs
iutmcnses halles dont lcur. r'ille étrrit r.cmplie (B).
ll
Toutefois, Diniint, alirit, unc rivirle dans fabrication cle Ia clinln_
deric. c'était Bouvignes, localité située sur la live gruche de la
Ileuse, en aval et ù une dcmi-lieue i\ pcine de Dinant.
0r, à cet[e époque, Dinant, faislit partie de lir principauté de Liégc,

('f ) D'oir seraitvenu aux Dinantais le surnom rle copèrts,


du flamand kooper,
cuiure rru du lalin cupt'utn.
(g)-les ouvriers dinantais confectionnaient. au.ssi des objets d,art du
. goût le
plus rlélicat, cornme les fonts baptismaux rle l'é€.lise sai,rt-iiartrroiemy,
à Liége
('t't09) ei ta sratue de cha.temagne, d.essée sur Ë pJace,r;lii_r._'Ci"p.irà
Tou-s ces produits étaient obtenus par ra fonte ou le marterâse. -
-- (lbs:il.
(13) La ville de Dinant, ce qui
l.râr'quc bien.I'inrporl.nce qfi;ar.aient prise son
jndust'ie et sou commerce, faisait partie tle la ligue r,*nié*iiqucl
-
Tnrrrps HrsTonrouus.
-pÉRroDE
DouRcurGN._Àurnrcn. ll3
tanclis quc Bouvignes appartenai[ au comté de l{amur. La jalousic
qui s'était élevée entre les tleux localités à I'occasion de leur industrie,
avait été plus d'une fois la cause de conflits sanglants entre Ies pa1-s
de Liége et de l{amur et chaque fois les Dinantais avaient contluit la
guerre a\:ec ulle très grande violerrce (,1).
A la suite de la bataille de Montenaelien, un cer,tain nombre.clcs
plus exaltés parmi les Liégeois éehappés au tlésastle se jettent dans
la ville cte Dinant et décident les bourgeois de cette ville à coutinuer
la guerre.
Excités par leur haine contre Ies Bouvignois, Ies Dinantais com-
mencent les hostilités avec une sorte de rage, pillant et ravageant
Ies enlirons de Bouvignes et tout le pays cle Namur, qui appartieut
au duc Philippe.
En outre, ils se répanden[ en propos outrageants à I'aclresse dc
celui-ci et des princes de sa famille.
Le bruit avant couru que Ic fïls de phirippe, cliarres, comte rle
charolais, avait, éte lrattu et fait prisonnier par re roi cle France, les
Dinantais, tout jol'eux de cctte nouvelle, rer'êterrt un mannequin
d'uu manteau aux armes clu jcunc prince et Ie pendcnt i\ unc potence
plirntée, en frcc de Bouvignes. Au-dcssus, irs mettent cctte inscrip-
tion : < voili\ le vilain et méchant tr..ritre que le roi de France a fait,
ou fera penclre. >
Ils s'amusent ensuite à cliblcr Ie mannequin de flrjches cn I'accir-
blant d'outrages z\ Iladresse de cliarles et de sa nùre, la tluchcsse de
Bourgogne
Instruits de ces insultes, les princcs bourguignor)s crl ressentent
une si violente irritation qu'ils julcnt cle détruire Dinant, rie plsscr
la charrue sur ses ruines et d'y scrner clu fcr ct du sel.
Réunissant une armée forrniclal-rle, ils vienrrent, mettrc Ie sit)ge
devaut la cite. Quoique rnalade et infirmc, le vieus duc veut assisl,cr

(1) aussi les Dinantâis et, les Bouvignols ne contractaient-its jamais de


mariage entre-eux,-quoiçr'ils fussentsi proches voisins. un vieux tlicion, qui a
cours encore dans le pays de Namur, a Conservé le sourenir tle cette excessive
animosité :
Ki veigne, ki vcigne,
S'il est d'Boveigne;
S'il est d'Dinant,
No I'ritchesserant.
. (Qu'il vienne, qu'il vienne, s'il est de tsouvignes I s'il est ce Dinant, nous le
chasserons.)
4L4 lltstolltE DES llELcES B'I DD LEUR cIYILIsÀTIoN

erl persglllte au chirtitttcttt de lir lille coupable : polté datis uue


Iitière, il acconpilgrle scs troupcs. Cepcndant lcs Dinantais ottt
une entière conliance dans les tnurs qui protùgetrt leur rille ct ils
ne s'inrluiùtent pas trop de lir colère cles princes bourguigùolls.
lltèure ils cotttinuent à lcs insultcr de la faç:on h plus offensaltc.
Pfuça1t au somutct d'une tour, ett facc de I'arntée bourguignollne,
unc statuette qui repl'éscntait une femntc occupée ir lilcr, ils écrivent,
ru-dessous, crt lcttres éuormcs :
Quand cettc femnte de liler cessera,
Le duc Philippe la ville aura.

Ils r:ortfeCtiOnttetit ettsuite ull nouvcau urtllltequin et lc mettgnt à


chCval Sur url lcitu cltt'ils placcnt, eI) unc fosse pleine d'eau sale et de
crapauds : < Voilit, chrneut.ils aux BourguigttOns, Yotrc grattd crii-
llaLrd tlc Charolais. >
Du hal[ dc lcurs lnurs,. ils leur cricllt, parlant du vicux cluc :
< Quelle sotte idée a ce vieux moinart de venir mout'ir dcvalt not,re
ville? >r Puis, s'adressaut à sort fils: < Allez-vous-etl, méchant bec
jirune cle Charlotel, si vous tte t'oulez pêrir ici ou que ttos botts amis
Ies Liégcois nL) Yous délogent liorrteusement ({). >
Les pr,inces ayirnt telrniné les apprets du siège font canonuer la
lille de trois côtés ù la fois. Les Bourguignous at'aicnt la plus puis-
sirnte altillcrie qtri ftlt alors. lin vain lcs Diuantais accornplissent, cu
plusicur.s sor.ties vigoureUses, des prcdiges de courage : ils sont
repoussés et peldent urr graud uomllro cles plus braves d'entre eux.
Si violente d'aillcttrs est la canotrnatle que pcrsontte dans lir ville ne
sait bientôt plus otr se cacher. Les boulets tombent sarts relirche sur
les mur.s clont une étendue de plus de 90 mètles s'effoudrc tout à
coup, sur lcs liabitations ct sut' les édifices publics dortt quelques-
u1s S'éLrfoulellt il1'ec un fracas terri|le. tspouvaltés, lcs habitauts
ellvoient rers Philippe uno députation pour lui offr'ir de lui rertdre
la I'ille moyennallt cle cottsct'vef leurs bierts et lcul Tie. Suf lc bt'uit

(A) 0n sait que crupautl en wallon namurois, signifie icune garçon.


b'étrit autrefois I'tiabitutle, en temps de guerre, tl'adresser à I'ennemi des
insultes tle I'espèce, et sans ôoute les Bourguignon!.ne T.l'aisaient pas fautc
de fournir la rôplique aux malveillants propos des Dinantais si. eux'mômes ne
commençaient. itaÈ la plupart tles historiens qui ont écrit.l'histoire du duc
lrhilippe"étaient à ses gages et ils se sont attachés à excuser I'odieuse conduite
des princes bourguignôni à l'égard dc la malheureuse Ville de Dinant. Leurs
récits tloivent ôtre tenus en dé{iance.
TEnIps HIS'ront0uES. BounGUIGN.-Âtjrnlcu. ltlï
-pÉRIoDa
cluc les Liégeois arrivent au secoul's des Dinarttais, Philippe accolde
à ceux-ci ce qu'ils clemanclertt
Scs troupes entrent dlns Diurnt, cnseigrtcs déplo"vées, les trom-
pcttes sonnant, rlon par la br'èclte, rnais par les portes larges outertes.
0onliants en la palole du duc, qui leur avait promis de t'especter
leurs propriétés et leurs lies, lcs mrlheureux Dirtantiris accucillent
folt bien les soldats bourguiguons, Cependant, dès le soir mèrne, les
uriuqueurs commcncent a dévaliser lcs rnaisons oir ils sortt logés,
torturant leuls lir)tes pour leur lrlircher tout I'argent et tous les objcts
précieux qu'ils possèdent, les égolgeant ensuite ({). Cc ne fut, pen-
dtnt guatre jours entiers, qu'un pilltrge et uue tuelie hollil.rles. Lés
lbnmes sout maltraitées et outragées, les homnes tués ou loyés.
Huit cents des principaux bourgeois a1'ant été saisis, on tn firit des
groupesdcdeux,de dix, de vingt, ct on les précipitc darts lir lllense,
. du haut du p,ont. Bouvignes avuit, dernlndé qu'on lui accordirt cctte
satisfacl,ion (9).
0n rassemble ensuite les femmcs, lcs enfants, les vieillards, les
prêtres : malgré leurs lalmes et leurs supplications, on les chusse
avec la dernièr'e brutalité r,ers Ie chemiu qui cortduit à Liége.
Alols, du sein de cette foule cle malheureux, oir chacurt réclame
raiuement un pùr'e, un mali, un fils, otr il le leste a personne ni
argertt, ni pain, ni lcssources d'aucune sorte, il s'élève trois larnen-
tablcs cris de deÈespoir et de malédicl,iou : c'étirit lc dernier adieu
tles infortunés Dinan[ais à leur malheureuse patrie.
Cependaut le pillage continue. 0n nc voit sur lrr llleuse que liarques.
ct bateaux chalgés de clépouilles; lcs rues de la ville ainsi que les.
chernins rvoisinants sont cneombr'és de charrettes ct, de chariots qui
ernportent le butin (3). Lcs soldirts sout occupés avec tant d'ardeur
à leur æuyre de rapine et cle meurtre que le duc rte palvient pas à
les rassernbler. Le ciuquièmc jour, voulirnt en linir, il firit mettrc le
feu, dùs quatrelteures du matin,àlii villeetauxfauboulgs. Uuglaucl

({) Dans un conseil tenu à Bouvignes, il avait êté tlécirJê. que Ia ville serait
rl'ahord pillée et ses habilants chassés, ensuite qu'elle serait détruite par le feu
(HÉnlux, Ilistuire tlu pay\ de Liége, page 195, lome Ie").
( 2 ) L'exactitude de ce détail légendaire n'est pas prouvée.
(3) Dinant renfermait tles riclresses immenses. 0n y avait rduni, disait-on,
des vivres pour tenir lrois âns. [Jn grantl nombre d'habitants des campagnes
environnantes, craignant d'être piltés et maltraités, s'élaient ,réfugiés, avec
lout ce qu'ils avaient pu emportcr de leurs biens, dans cette ville r'éputée
inexpugnable,
4lB ursToIRE Dns BELGES BT DB LEtiH crvrlrsrrroN
nombre dc Bourguignons et d'habitants périssen[ encore en ccttc
circonshnce, brûrlés vifs ou ensevelis sorrs lcs clécombres tlcs
rnaisons dont I'inccndie arnène la chute.
Le duc invite ensuite lcs habitants des princripautés voisines il r'cnir
consommcr la dcstruction de hr ville.
Pendanf sept mois, une centaine tl'ouvriers furent occupés, moyen-
nant un gros salaire, à cet,tc tr.iste besogne : murailles, tours, ponts,
édifices publics. naisous d'hal-ritat,ion, tout est nbattu et r.asé (l).
,0n veud ensuite lc terrain pour ètre cultivé. Lcs méchants princes
boulguignons voulaient 11u'on en frit réduit plus t,ar.d l sc denrander.':
Oir donc fut Dinaut? Iit, en cll'et, des fugitifs, rcvcllusparlnsuite, rtr_r
retlouvèr'ent même pls I'ernplircemcnt oir s'élcvaicnt autrelois leuls
habitatiorts.

Ir. tA BELGToUE SoUS tES UÂIS0NS DE l)0unG0GNE DT lr'AurRrctrn.


-
Luttes de Philippe le Bon contre les. grandes communes
belges. Les deux prerniers princes belges de la maison tle
-
Bourgogne se rnêlèrent très activemeut à la politique française.
Par suite, Ie temps comme aussi les rnoyeus leur manquèrent
poul porter de graves atteintes âux libertes communales. Ils
s'attachèrent donc :i dissimuler le tempérament tlespotique qui
était le forrtl naturel tle tcus les priuces de cel,te maison.
Philippe le Bon laisse percel' davantage ses sentiments r.ciels.
L'acquisilion tle principautés importântes, par. voie tl'achat ou
tl'héritage, le met en possession de la plus granrle partie de
la Belgique : il profite de l'énorrne pouvoir concentré entre ses
mains pour saper la puissance tles communes belges. Aussi la
décadence de ces tlernières date-t-elle surtout tle son règne.
Béunion des principautés belges sous le sceptre de Phitippe
le Bon. De son père Jean sans Peur, Philippe le Bon hcrite,
en 11.4L9,-.de la Bou,rgagne, tJe la Flandte
et ù,e I'Ar.tois.

(1 ) 0n retira des tlécornbres une énorme quanlité de mé(al fontlu que Ie rluc
- tsourgogne
.de lit vendre à son profit.
p[rirODE B0URGUTGN.-ÀuTRtcrr. 41,7
TElrpS rrrsToRrtJuES.
-
En 1,421, le jeune prince acquiert de Jean III, ruiné par les
prodigalités tle sou père, le marEtisut de Nantu,r, au prix de
139,000 couronnes d'or (envilon {,500,000 flancs).
Par le concordal de Delft, en '1498, J3cqqeliueùe Bavièrurh;:;*,
sa consine germaine, lui abanclorne I'atlministration <h Hai-i't>"'Âa*z-
naut, de la Hollande, de Ia Zélunde et de Ia lrrise.
La tnort ({430) du duc de Blabant, Philippe de Saint-Pol,
qui ne laisse pas d'héritim plus proche que Philippe le Bon,
varrt :i celui-ci le Brabuttt, lc Linùtourg ei Ant'et's.
Enfin, Elisabeth de Gollitz, duchesse rJe Lurentbourg,lui cètle,
en 1,441, son duché moyennant une pension de 8,000 florins.
Philippe le Bon u'entre tléfinitivement erl possession des
tlomaines tle Jean III, tle Jacqueline de Bavière et d'Elisabeth
tle Gorlitz qu'en 1,429, 1436 et {451, dates de la mort de ces
a
pnnces.
Airni, vers {4S0, la plupart des principautôs dont se com-
posent la Belgique et la Hollande actuelles, se trouverrt réunies
entre les rnains d'un seul prince.
Lutte contre la commune de Bruges.
- De retoul tlans leur
ville après I'abandon du siège de Calais, les Brugeois en ârmes
réclament la confirmation de leurs privilèges, ce que Philippe
cst contraint de leur accortler (octobre 1436).
Mais I'année suivante, se sentant mieux en situation d'im-
poser sa volonté, il abolit de nouveau la suprérnatie de Bruges
sur le F'ranc qui, derechef, forme \e quatriùne membre de
Flundre. L'érneute gronde aussitôt dans la ville et I'un des
magistrats, partisau du duc, est tué.
Plein de ressentiment, Philippe, ell ce rnoment à Arras,
s'occupe aussitôt de rassembler des troupes sous le prétexte
d'aller occuper la Hollande. Ayant réuni des forces suffisautes,
il s'avance vers Bruges, prolnettant aux magistrats inquiets de
n'entrer dans la ville qu'avec une faible escorte. Mais, informé
que ses soldats viennent d'emportel' une porte, il s'écrie,
Y. Dtirguet - Histoire des Belges.
4I8 HISToIRB DEs BELcES ET DE LBUR cIVILISATIoN

tlésignant la cité : ( VoilàHollande que je vcux sou-


la
mettre. r Indignés de cette conduite déloyale, les Bltrgeois
courent aux ârmes et massacrent I'escorte tle Philippe. Lui-
même va tomber entre les mains tl'une population furieuse,
lorsque le bourgmestre, aidé tle tleux capitaittes, réussit à lui
ouvrir une porte de Ia ville, par laquelle il s'enfirit. lllalheu-
reusemeut, au lieu tle prendre le parti de Bruges, les autres
communes de la Flantlre, séduites par les fallacieuses pro-
messes du duc, abandonnent les Brugeois à leurs seules
ressources. Bientôt ces derniers se voient obligés d'implorer le
pardon tle Philippe, qui les punit avec la plus grantle sévérité.
Les magistrats sont condamnôs à se rendle an-devant de lui,
nu-tête, nu-pieds, jusqu'à une lieue de la ville, pour luir oier
nterci et lui remettre les clefs de la cité.
0n mure Ia pcnte par laquelle Philippe s'est enfui. Quaqante-
deux pelsonnes sout mises à rnort. La commune peld tle
uouveau son autorité sur le Franc. Enfin, elle tloit payer à sou
vainqueur la somme de deux cent mille philippes tl'or (1438).
Lutte avec Gand. Bataille de Gavre, 1453.-Bruges aliattue,
Philippe songe à réduire la puissante commune de Gattd. L'utt
tles principaux privilèges des Belges obligeait le priuce qui
voulait créer uu uouvel impôt d'en solliciter tl'abord le vote par
les commnnes appelées à le payer. Philippe, sâns se préoccuper
de ce plivilège, frappe tl'une taxe élevée le sel et la mouture
des grains, ce qui devait avoir pour effet d'augrnenter beaucoup
le prix du sel et du pain, deux choses cependant de première
nécessité pour le penple.
Cette fois encore, I'uniou fait tléfaut entre les grandes com-
munes. Bruges et Ypres acceptent la double taxe, taudis que
Gand la repousse.
Et 4,449, le duc prétend letirer aux métiers le droit tl'être
représentés dans l'échevinage et, peu après, viole les privilèges
judiciaires des Flamantls en condamnant lui-mêrne à I'exil
TEIIPS }IIST0nI0UES. pÉnlODE BOuRGUIG\.-ÀUTRICH. 4l,g
-
tlenx échevins gantois qui auraient drl être jugés par les éche-
vins des autres membres de Flandre.
Eu résurné, Philippe le Bon veut interveuir dans la norni-
nation des échevins de Gartd, inslituer en Flantlre un conseil
provincial tle justice qui soit la haute cour judiciaire tle la
Flandre, à I'exclusion de la cour échevilale tle Gand; enfin,
faire reconnaître son tlroi[ de lever tels impÛts qui lui paraÎ-
tront utiles.
A la ûn (1452), ulle guerl'e ottverte éclate entre le prince et
les Gantois. Par uu manifeste, Philippe les met au ban tle ses
états. Gand ayant sollicité le secours des autres comtnuues de
Flandre, toutes le lui refusent, à I'exception de Ninove. Bien
plus, dans I'espoir tl'hériter du cgmmerce de Gantl, lcs villes
brabançonues, Bruxelles, Malines et Anvet's, fournissent au duc
d'impOrtants subsides et lui euvoiert[ tles vivres, tles troupes et
tle I'artillerie. Liége et Tournai cepentlant, atlresseut aux
Gantois des lettres tle syrnpathie. C'élait peu de chose.
La gucrre s'ou\,rc clonc et, de part c[ d'autre, on la cortduit en
véritables sauvagcs. 0n clévastc les clrantps, Ou pille, puis on brùle
Ies petites villcs ct les chittcaux, les fertnes et les villages. Ert peu
de temps, le pa.r's sc trottve ruiné.
0n ne garcle paS les prisotlicrs : ou les tot'lure, on lcs pcud, <ln lcs
noie, on leur tranchc lrr tè[e. [l n'y a pas d'atrocité qu'ott u0 cotll-
mel,te.
Désireux d'eu linit', le duc réunif une forle armée rvcc lirt]uclle il
met le siège rlevan[ Gavrc, qui appultenait, rux Gtrutois. D'irbord, lcs
drifenseurs de lir placc repousseut avcc vigueur lcs lttaques de Phi-
lippe.lllais une ttuit, gagné par I'or du Boulguignon, le commandaut
cle la place court à Gand, fliL croire à ses cotlcitoyerts c1tte, les tt'oupes
bourguignonlles, ne recevâllt pirs lcur paic, abaudonnent le duc, qu'il
n'y â pas, dzrns lc litomcnl,, plps de quatre mille ennemis devant
Gavre. 0n pcut donc fncilemen[ llrtttrc Philippe et mûrnc s'emparcr
rle sa pet'sollne. Lc triritre ajoute qu'ott peut lui coupèI la tête s'il nc
tlit pirs la vérité. Pour leur tnalhcur, les Gantois se laissenb tromper.
Ils s'asseurblenl à lrr hite et, qtrittent la rille au uombre cl'cu-
viron 31i,000. Iin tnoins de tlois he ures, ils arrivent près de Gavre olt
420 iltslornu DBS TJELGES El DE LEUft ctrrlrsÀ'noN
ils sont bicn surpris et bien effra;-és dc voir qu'on les a leurrés,
que Ie duc lcs iittcnd avcc toutcs ses forccs. Ce pendirnt, comme il ne
Ieur est pas possible de leculer, ils engagent Ia bataille et d'abord,
refoulent lii cavalcrie dc Philippe. l\liris tout ù coup une effr'o.vablc
dûtonation retentit : un énorne chariot, qui por.tait uno partie des
provisiols cie pouch'e des Gantois, r'ient de sauter, coutruut le sol
de molts et de blessés. Aussitôt, Ie plus gr:rnd désordrc se net dans.
les langs cle I'armec populaire. La caialerie eunemic pr.ofite de
cette confusion pour opér'er unc nouvclle clilrge. Àlors une terreul.
panique s'cmparc des Gnrntois. Srrns plus songer. i\ sc cléfendrc,
ils s'enfuienl, dans lir directiou de Glrld, rivcmetrt poursuivis par. les
Boulguignons qui en font uuc horrible bouchelie.
Deux actes d'adrnirable devouement rctardèrcnt la marche dc.
Philippe sur cettc rille ct, en permettant à sa colère dc se crlmcr.,
empôchèrent sans doute la destruction de Ir r:itc cle Yan Artelelcle-
Retirés clans une prairic bordie de trois côtés par l'llscrut ct
tléfendue en avaut plr dcs haics, ùn fosse et de grands ar,bt,es, deux
mille des principaux Gantois soutiennent contrc I'armée bour.gui-
gnonnc un long combiit. Le duc, monté sul' un furt cheval allemand
qui reç:ut neuf coups dc pique, contluisait I'attaquc en personne-
Trois fois il est rcpoussé, trois fois il revient ir la chlrge. À la lin,
accablés par le nornbre, les Grûtois voieu[ leur position envahie de
tous côtés; rnlris, Irér'oiQues jusqu'au bout, ils refusent de deman-
der grtce ct meurent sans qu'il s'en échlppe un seul.
Espéraut s'cmparcr de Gand le jour même, Philippe demande un
guide poulle conduire vers cette ville. Un honune se présente qui lui
fait suivre uu chemin long et firtigant, puis, tout à coup, clisparaît.
L'institnt d'après, Philippe dricouvre les tours de Gavre et s'ztperçoit
que son guide I'a rameué à son point de départ. Il lui fallut bien alors
l'erloncer a I'exécution de son dessein et Ia ville de Gand fut sauvée.
Cependant 90,000 Gantois avaient péri devant Gavre ; 39,000 ayaicnI
élé tués depuis Ie commencement cle la guerle. Il n',v lvait pas clans
Ia cité une seule famille oir I'on ne pleurirt un pèr'e, un nrilri, un {ils,
un frère. Le lendemain de sa lictoire, Philippe sc rendi[ sur.le ehamp
de brtaille. Il vit partout des cadavrcs couchés dans la plaine ou flot-
tant sur I'liscaut et des femmes en pleurs qui cherr:haient, les corps
de ceux qu'elles ariiicnt pcrdus. Philippe défcndit d'inquiéter ccs
fernmcs ct parut éprouver quelque regret de la mort d'un si grautl
nombre de braves gens : < Je ne sais, dit-il, qui est vainqueur en
cette guelre. Pourmoi, j'1-perds bien des sujets. ,,
TELPS rrrsToRrouEs. pÉRrODE B0URrturcN.-AUTRIcH. 421
-
Quelques jours plus tartl, on put voir un triste cortège sortir
de la grantle ville. Le clergé, en habits sacertlotaux, ouvlait la
marche. Le corps tles échevins ct les doyens des métiers le sui-
vaient nu-pietls, nu-tête, en chemise, âvec des caleçons de toile.
Venaient eusuite tleux rnille bourgeois également nu-tète et
revêtus d'une robe noire sans ceinture. Une profonde tristessè
se lisait sur tous les visages. Le tluc atteudait les Gantois à nne
derni-lieue tle la villc : ils s'agenouillèrent tlevant lui et I'abbé
de Saint-Bavon, prenant la parole en leur nom, tlit au tluc :
rr l[iséricorde aux gens de Gaud. r Le duc répondit : rr Puis-
qu'ott nre demande rniséricortle, on la trouvera en moi. A ceux
,c1ui seront bons sr.rjets, je ser.ai bon prince et jarnais tie lne sou-

viendrai tles irrjures reçues. D


I{éanmoins, il est interclit aux échcvins tle Gand de porter
désormais aucutl démet sans I'approbation du bailli; ils n'exa-
mineront plus en appel les causes jugées en premier ressort
dans les pays de Waes, tles Quatre-Métiers et d'Alost, ni dans
lcs châtellenies tle Courtrai et d'Autlenaerde qui, auparavant,
ressortissaient à leur tribunrl.
Les baunièr:es des métiers seront livrées ru duc. Entin les
Gantois sont condamnés à lui payer la somrne tle deux cent
cinquante mille lidders cl'or.
Lutte contre les Liégeois. Bataille de Montenaeken (1465).-
Nous avr)us vu ci-dessus, page 4{{, les circonstances dans
lesquelles Philippe le Bon prit les arnles coutre les Liégeois
qu'il battit à Montenaeken, eu {46ii.
Destruction de Dinant (1466). Le récit de cet événement
a été fhit, page 419.
-
Mesures centralisatrices de Philippe le Bon. A nlesure
-
que Philippe le Bon étend les liurites tle ses états, il fait entrer
ses nouvelles possessions dans la juridiction de la charnbre tles
comptes tle Bruxelles. Il
créc en outre, dans ses diverses princi-
pautés, ùes conseils prouittciaur, de jtcstice auxquels il subor-
422 rlrsrornr DEs llELcES ET DE LEUII ctyILIsATIoN

donne les tribunaux des échevins. Enfin, voulant t'ompre tout


rapfort judiciaire eutre la Flandre et la France, il institue,
par son oldonnance de {446, une sorte de conseil supr'ême
de justice qui a pour attribution essentielle de juger les appels
des sentences des conseils provinciaux. Ce tribunal reçoit le
nom de grand conseil et aussi celui de conseil collutù'ul, parce
qu'il siège à côté du prince, dans tous les lieux oùr plaît à il
celui-ci tle résider'.
Origine des états généraux. - On doit aux ducs tle Bour-
gogne une excellente institutiou, celle des états généraux, colt-
voqués poul la prernièr'e fois en {465. Hàtons-nous dc le tlire :
ils ue la croyaieut pas appelée à jouer le rôle irnportant qu'elle
remplira un siècle plus tard.
Jusqu'alors, ilu'y avait dans le pays que des représenta-
tions palticulières tle chaque plincipauté. 0r, tlans les dernières
années tle son t'egne, Philippe le Bon, dont les forces physiques et
I'intelligence étaient affaiblies pal l'âge, avait laissé la puissante
farnille dcs de Cloy prendre un grand ascendant sur soll esprit.
sétluits par les présents de Louis XI, les tle Croy engagent le vieux
duc à abandonrter au roi de Frattce, moyelurant une certaiue sotnme
tl'argeut, quelques villes fortes, situêes sur la Somme, qui lui
avaient été :rttribuées pal le tlaité de Tloyes. D'autt'e part, cette
famille ue manque aucune occasiort d'attribuer à la conduite dc
Charles le Térnéraire un caractère d'hostilité envers sott père, et
elle s'attache à intlisposel' chaque jour davarltage Philippe contre
le jeune prince. tharles veut rendt'e le pays juge tle la situation.
Il invite les états tles diverses principitutés à déléguer à Attvers
tles députés, chargés de teuter une t'écottciliation etttre son père
ct lui (l4ti4).
Apr'ès avoir ententln les doléances de Cltarles, les tlélégués se
trausportelt à Bruges, auprès tle Philippe, pour essaver de
I'anrener à une enteute. D'abord, Philippe se montre très irrité
de cette démarche, parce qu'elle a lieu sans son assentimellt et
TEMIIS HISTORIOUES. PÉNIODE BOURGUIGN.'AUTRICH' 423
-
à la tlemantle de Challes. Il pardonne néanmoins aux députés
et les couvgque lui-mêrne l'anuée suivante ('1465) à Bruxelles
pour lcur antloncet le rétablissemelrt tlu bon accortl entre lui et
ion fils et le tlésir tle le voir recotlnaître, de sorl vivant, comme

?:n

I',duuion tlcs Iittts gtiuérlux.

sou sllcccsscur et son héritiet'. I,il réttniott dc ces cldégués cott-


stitue les prentict's états géttcrlttx.
Les états géntrraux tle {46J sottt, en BelgiqLrc, le prcrnicl
essai dc reprôsentation nationalc. Lcur institution lnarqtte ell
Somme utt llouYealr pl'ogl'èS tle notre organisation politiqrie.
Gritce à cette création, rnalgrÔ tatlt de tléfaites subies pal les
cgmmulles, 01 peut ellcore espérer Ygil' Iégner ell ngtrc pays
I'heuleuse alliance de I'ortlre et tle la liberté.
424 HISTOIITE DES DELGES ET DE LEUR cIvILISATION

Plrilippe Ie Bon rneurt en 1467,I'année qui suit le sac rle


Dinant.
Gharles le Téméraire (1467.1477).
- Ce prince, de mæur.s
irréprochables, d'un carnctère loval et fr,anc, d'un coulage :i
toute épreuve (l ), est en urême temps orgueillenx et irr.éfléchi,
colère et entêté, parfois brutal et grossier; erl tout cas peu fait
pour cOmprendre les aspiratioDs ct r.especter les d|oits du
peuple. ll I'est moins erlcore pour lutter avec le cauteleux
Louis XI, son implacable adversair.e.
Luttes des communes befges contre charres le"Téméraire.
sédition à Gand.
-pour - Le nouveau duc s'étaut rendu à Ganct
s'y faire inaugurer, le peuple ameuté réclame I'abolition
tlu traité de Gavre. La nécessité contraint Charles à cétler aux
exigeuces populaires. Mais il se promet lrien de se yenger un
jour de la violence qui lui
est faite.
Des troubles éclatent également à lïIalines et à Arlvers, nrais
ils sont réprimés sans trop tle peine.
Bataille de Brustheim (1467).- Jtrgeant l'occasion favo-
rable pour reconquérir leurs libertés, Ies Liégeois se révoltent
de nouvcau contre leur prince Louis de Bourbon. charles le
Téméraire embrasse le parti de l'ér'êque, s'avauce contre Liége,
et, après avoir battu les milices populaires à Brustheim, r.eu-
yerse les murs de la cité, :rbolit, ses derniers privilèges et h
condarnne ri unc uouvelle amende de 190,000 pièces d'or. Le
fameux pérott,, consitléré par les'Liégeois comme le symbole de
leurs libertés, est transporté à Bruges.
Entrevue de Péronne. Nouvelle révotte des Liégeois.
cependant les Liégcois -sout résolus à ne plus supporter -
I'odieux gouvefuement tle Louis tle Bourbon. Moins d'un an
après leur défaite de Brustheim, ils sc soulèvent une troisième
fois contre lui, s'emparent de sa personne et le tiennent prison-

( 4 ) AIlant pa*fois jusqu'à la témérité, tl'oû son surnom de Ténzëraire.


TE}IT}S HISTORIOUES. _ PÉNTODE BOI.;RGUIGT..AUTITICII. 425

nier. Ils conptaieut sur le secours tlu roi de France, qui les
avait secrètement encouragôs tlarts leur sétlition. Combien ne
sont-ils pas surplis d'apprentlre que l'eul allié, loin tle leur
prêter lssislance comme il s'y êtait engagé, s'avance cotttre eux
avec Charles le Téméraire !
Yoici ce qui s'était passé. Pour
mieux tlissimuler ses desseius, le perfide Louis XI avait
dernandé à rencontrer le duc à Péroune, sous prétexte d'v
négocier un traité d'alliance et de paix. hiformé tle ce qui
était arrivé,à Liége, le Térnéraire avait forcé son délovrl suze-
rain à I'accornpagner, Ie menaçant de mort s'il s'y refrrsait.
Les tleux princes viurertt carnper aux euvirons de Liége avec
une armée de 40,000 soltlats aguerris. Or, les Liégeois sor-
taient à peine de tleux gllerres contre les ducs tle Bourgogne
qui leur avaieut infligé deux terribles tléfaites. Un grand nom-
bre des plus vaillattts d'entre eux avaient été tués pentlant ces
guerres; d'autres s'étaient eufuis ou avaieut été ôhassés du pavs;
quant à ceux qui avaiettt survécu et cotttiuuaient d'habiter la
principautti, ils s'étaient l'us coutraiuts de livrer toutes leurs
ârmes : mèrne, il ne Ieur était plus perrnis de posséder qu'un
couteau sarts pointe, pour couper le pain. La ville n'avait plus
ni tours, ni rernparts, ni câllolls. Une sirnple palissade rempla-
çait bien insuffisamrnerlt, les auciens murs abattus I'anuée
précédente. Aussi, à I'approche de Challes, une grantle partie
de Ia populatiou, prévoyaut le piltage et la destruction de la
cité, s'enpressa-t-elle de I'abandonner, elt solte que seuls les
plus pauvres de ses habitants y tlemeurèrent.
Dévouement des six cents Franchimontois.-Il ne restait dans la villc,
de valides et de bien ûrmés, que six cents liommcs ïcnus du pl.vs de
Franchimont, clont les habitants passaicnt poul les plus bt'aves e[ Ics
plus résolus rle lir plincipauté. La veille du jour oir les assiégeants
deraicnt livrcr I'assau[ à lir yille, Josse de Strrrilhe, comnandant dcs
Flanchimoltois, réuuit ses compùgnons ct leur parla ainsi :.
< Votts sayez que nous ne sommes llas crt éta[ cle vainclc nos
cnncmis, ni rnônie dc lcur résister lcingtemps. Dcmairt, la ville de
426 rrrs'fonru DBS IIELGES tsT DE LEUR ctvtlrsÀTroN

Liége sera plise et tous, peut-être, llous âurons cessé de livre. f,n
seul mo.veil nous reste de sauvel le pays et nous-môrles : c'est de
pénétrcr pendan[ la nuit prochaine dans le camp des Boulguignons,
dc nous rpprocher en silence des logis du duc de Bourgogne et du
roi cle l'r'ance et d'essaycr de tuer ces princes ou de les faire prisou-
liers. Si nous réussissons drns notre entreprise, nous sâuveroDs
rrofle patrie d'une ruirre certairte. Si nous pér'issons, du moins notle
mort sera uoble et glorieuse. >
Les blu'es Frauchimontois connaissaicnt leur devoir; aucun d'eux
ne connaisslit h crainte : tous font à I'instant le saclilice dc leur vie
ct approuvent, l:t proposition du capitaine.
Vers clix heures du soir, sortant sans bruit cle la ville, ils se
dirigent avec précaution et par des chernins détoulnés vers le logis
des pririces. Deux guides sùrs lcs précèdent, : ce sont les ploprié-
taires rnùmcs des maisons ocoupées par Louis XI et par Churles le
Téméraile. AIin d'ùtle llien dispos pour I'assaut du leudcmain,
ceux-ci s'étaient mis au lit plus tôt, quc d'habitude. Leurs soldats lcs
avaient imités, en sor'te que tout, le monde, dans le camp bourgui-
gnon, était plongé dlns un somnteil profoud.
Les six ccnts ltlanclrimontois arrivent sans encombrc à proximité
du logernent clcs prirtces. L'espoir du succùs fait b:rttrc leurs cæurs.
Tout à coup, quelques-utts d'eutt'e eux attaquent rnll à propos le
logis du dr-rc d',\lençon, situé den'ière celui de Cltalles, ct unc grange
oùr étirient logôs trois certts lrontmcs de la garcle du Témér'aire. Cetle
implurlence siluva les princes qui, réveillés prr le bruit et par les
clis d'ululnre. s'lrabilleut eu glrnde hârte ct se clisposent à la défense.
Concluits pal lc ntaitre clc Ia niaison, rluelques Flanchimontois péuè-
trent enfin dans Ie vestilrule du logis de Charles, rniris leur guide,
entlé le preruier, reçoit artssitôt, un coup ntoltcl e[ ceux de ses com-
pagnons qui I'ont suivi sont, repoussés ou mis hors de cornbat,.
L'autre guide tornlre égllerncnt I'un dcs prerniels. Cependant,
I'inquiétucle est grande au canlp boulguignoll, car, dans I'obscurité,
on rlc peut se r"ertdle compte du pctit uonrllle des rssaillants. llliris,
clc minute err minute, de rtouveaux renfolts arlivaut aux plirtces, les
Franchinrontois sc voien[ accablés par le nombre. Aucuu d'eux poul"-
tant ne songe à rcculer ou u fuir. Âu coutraire, le désespoir décu-
plant leurs forces, ils accomplisscnt, des prodiges cle valeur et tueut
rrn nombre incloyable d'cnnemis. Le corps cuuvert d'affr'euscs bles-
sul'es' on les voi[ se relever ellcorc, tout cliancelants, et rlsscrnbler
leurs forces épuisées pour porter urt delnier eoup. Aucun ne veut,
TEITPS ITISTONIQUIIS. _ PÉNIODE BOURGUIGN.-i\UTRICII. 427

sufvivre à la tléfaite, tlésorntais inévitable. Enfiu, la bataille linit:


tous sont tontbés, morts 0u nlortellemeilt blessés. Leut serment de
vailtcl'C Ou tlc ntoutir, ils I'ont lO.valernont tenu : It'ir1'ant 1iu vi.riucrc,
ils ont su ltlourir.
Houneur et gloile i\ ces héros ! La plupar't étaicnt de ruodestes ot
paisibles ouvliets, rniris leur nol)le et adnirable dévouenrent à la
patrie les a nris irtl râl)g des homntes les plus illustres l)ùrmi cctlx
dont la l3clgique est fière.
Sac el destruction de Li6ge. leldcmail de l:r mort héro'tque
tlcs Liraves !'ranchiutoutois
-Le
êtrit un climauche. Lcs Liégcois croyaient
que pour cette raison I'asslttt, ltc sorait pas d011lté ce jour'là. Yers
midi-cependirttt, tandis que l:r plupart tl'ctttre eux étaient, à prendle
leur repirs, ott eutetrd tout à coup rctelltir lcs tronrpettcs bottr'
guignonnes : I'arnée cles princes pérrétrait d:rns la ville, au pas,
àrrp.ru* flottants. L'entrée cle Ia cité n'est défeudue que par des
femnrcs et cles errfants, c[ scttlcntettt sur quclques poirtts. Tout ce
tlui clemeul'e cle lir population, prùtres et petit peuplc' ietumes, vieil'
lrrrcls, enfauts, ell pl'oic à Ia plus légitimc épouvantc, se réfugie à
I'instlut claus les églises, ou Se cache au plus profond clc scs
rlcmcules. Suivis cle leurs 40,000 soltlitts, qui alhielt se trartsformcr
cn autitttt cle bourreaux, Chrrlcs le Térnéraire et lc roi de Frattcc
iul.ivert sur lù pllcc cle I'lrôtcl clo ville. Lu, levant leurs épées et les
agitant au-dessus dc lettt's tùtes, ils cricnt : Yive Bourgogne ! C'était
le signal conrenu clu pillagc et de ltr tuelie.
Atissitût, les solclats se répirrtdent dùlIS les rucs, envahissent les
tllrisol)S et les mcttent i sac. Ils en tolturent les hirbitauts pour lcs
forccr, ..r lcur tcmcttre tout, I'argcut ct tous les objets dc valeur qu'ils
possètlont. Dcs nlillicrs dc personnes Soùt, assollttneies, pgl'cées dc
àoupa, pelldues aux poutres des ntaisons, aux moutauts des fenÔtles,
aux arllrcs des promettades publiques. Qtt massacle iu$([ue dans les
Cgs lieux d'asilc totrjours respectés la foule qui s'y cst
églises
- -
tuer détail, les Bour-
r.éfugiéc cl, agcnouillôe. A la fin, fatigués de en
guigirons font dcs gloupes rle tlix, quinze ou virrgt persollllos et les
diins la llleuse clu haut tles ponts. 50,000 liégeois, dont
lirrtissent
gg,OOO ltontmcs ct 19,000 fetuntcs pér'irent dans cette affl'eusc jout'ttée
et cclles qui suivirettt.
Tout, ce qui peut ùtr.e cmpor.tc cst pris paf lcs vainquetlrs. Non
seulement ils se saisissent de l'or, clc I'lrgcrtt, des bijoux, dcs
vè[ements, cles rrtnes qu'ils découl'rent, mais ils s'entparcllt de$
narluscrits cles bibliothÔques; ils errlèr'etlt les tablelux et lcs rcli-
498 rnsrotnu DES DELGEs ET DE LEUn crvrlrsAt.roN

qrrailes des églises; ils brisent, les ûalrcrlaclcs pour s'irppropricr les
l'ases sacrés.
Le mercredi, après quatre jours de pillage et, de meurtrc, le rluc
dcmanda à Louis xI cc qu'il clevrit faire de sa conquùte. L'infirnie roi
dc France dont lcs pernicicux conseils avaicnt provoqué la rér'olte
rlcs Liôgcois ne rougit prs dc racontcr à chlrles I'irpologue suivant :
r< Dcs oiscaux aviiient biti leur nid sur un lrbre planté sous les
fcnôtres de la chambrc à coucher dc mon pôre ct ccs oiseanx, par
lcurs cris, troublaicnt souvcnt son sorlrmeil au nroment otr il avait le
plus bcsoin de repos. Trois fois, il orclonne cre détr.uilc lcur nitl; trois
fois, ces oiseirux tcnaces Ie rcconstruisent. Â la fin, mon pùr,e prcnd
lc parti de firirc coupcl' I'lrbrc qui lcs abrite : alor.s sculcnelt il pept
dormir en paix. Le plus srlr movcn dc sc clébarrasser cl'oisetrux
importuns, c'est d'abattre I'ar,bre otr ils font, lcur nid. >
Le fôroce duc de Bourgogne s'cmpressc tre suivre I'oclieux conseil
qu'on lui donnc. Il appellc à Liégc trois à qurtre mille honrrnes tlu
piiys de Linibourg et lcs charge de clét,r,uile la ville et cle ll brûlcr.
Peudlnt sept semaines, le maltciru et llpioche cles démolisseurs
poursuivent leur cnuvrc cle clestruction. 0n irchr'rvc dc renvcrser ce
qui reste dcs remparts; tous les ponl,s ct toLrs lcs éctilices sont
lbattus. Seules, les d,glises sont prrlscr\'ées, avcc trois cclts mirisons
rlc prôtres. Quelques demeures de bourgeois, adossécs aux églises,
,échappent au.ssi à la destruction.
Dôs lc jeudi, le duc ar,ait clonné I'orch'c dc mcttre rc fcu aux quatre
,coins de la ville. Les rnrisons de Liége étaient, pour Ia plupart, con-
struites cn bois ct cn torchis; scs rues étlient étroitcs: aussi.l'in-
,ccndie sc clér'eloppc-t-il à I'instant ù\-cc une violenee inouie. Les
flùmnres, s'éler,lnt jusrlu'au ciel, rougisscnt l'horizon dix lieucs ir Ia
ronde. D'Aix-la-chapellc, orr cr) aper,çoit, lcs lueur.s. L'inccndic dure
quatorze jours; on lc rallume ct on I'active tous lcs rrutins, ct chiiquc
fois qu'il parait pr.ès de s'étcindr.e.
Entle-temps, le duc irtait parti pour re pa}'s cle Flanchirnont où
sont aujould'hni Yerviels, Ensival, Fr.anchinont, sPa, Theux, etc.
Au lieu d'adtnirer le noblc clévouemclt dcs six ccnts Flrnchimrtntois,
ce prince srrns génér'osité r'cut [rssoulir,, sur lcur pa,vs tout cnticr,
la soif de ïengcallce quc leul itudacicusc tentirtir-c lui irvlit, insgrirée.
Il étrblit le centre tle ses opérations au villagc de pollcur.oir il
demeura cinq ou six jours. Pirrtagcant son ulrnéc cn tlcux corps qui
s'éprrpillent sur toute la contr'éc, il semblc vouloir rcuouvclcr les
tlistes exploits de cesrr coutrc lcs Ébur.ons. Il br'ùlc lcs naisons,
TETIPS IIISTOIIIQUI'S. BOURGUIGN.-ÀUTRICII. 429
-PIIRIODE
détruit les forges de fer, la principalc ressource du pays, allat les
rnoulins c[ massacle indistinctemcnt lcs hotnmcs, Ies femmes, les'
cufi.rnfs et les vicillards. Lcs derniels Francltimontois se I'oiettt pour-
suivis jusqu'iru sein cles forôts et dcs fagncs oir cluelques-utts s'étaiettt
réfugiés. La plupart solt attciuts et tués. Quant, à ceux dont lir
retlrite u'est pas dôcouvelte, ils ne t'.rrdent pas à pér'ir dc faim, dc
froid et dc misôre. Des histolicns ét'irluent a cent niille envirotr Ic
nornbre clcs pcrsonncs qui I'hiver suiva[t, tnoururettt dc ]-resoin dans.
le pa"vs de Liege.
qu'il alail, tir'ée des infortunés Liégeois parut
La cruelle vengeauee
à peine satisfaile le rcssentimcrtt, du vindicatif cluc dc Bout'gogne'
Ilhis son nom sera à jamais maudit pirr lcs génér'ations.

- En :rpprcnant les ér'éttements


Soumission des Gantois. de'
Liége, les Gantois prennent pettr e[ euvoieut des députés ti
Charles pour solliciter sa clémence. Car le terrible duc pallait
de traiter Gand comme il avait fhit tle Liége. lntroduits auprès-
tle Charles, après avoir attentlu le tnoment de I'audience, peu-
tlant une heule et tlernie en plein air et dans Ia neige, les
députés gantois se prosternent à ses pietls, Iui remettellt l€tlrs
chartes ainsi que les liannières tle la ville et des métiers et lui
crient : Inerci ! Charles consent, l)0ll sâl)s peine d'ailleurs, à
leur pardonner, mais il fait lacérer, en sà présence, le grand
privilège tle 130'1 , accortlé aux Gautois par Philippe le Bel, qui
donnait aux métiers le droit de participer à la nomination des
échevins ({460). .
Cette humilirtion fut infligée aux Gatttois en présence des
ambassadeurs tle dix-sept ttatiotts titrangères.
Mesures centralisatrices de Charles le Téméraire' Institu-
tion du partement de Malines. Réuuissant aux chambres'
-
tles contptes de Lille et tle Bruxerlles le conseil latéral de justice,
ilen forme, SouS le nom ,Je grancl purlentent, lllle institution
uniqun tlont il fixe le siège à Malines. tr Et ce faisant, il avait
snrtout poul but tle charger de la justice souveraiue une cour
speciale, pareille au parlenent de Paris , (l ).

({ ) FnÉrrÉuctts, Gland conseil trntbulutobe, p. 30.


/t30 rrrsrolRlt DES BEr,GEs E'r DB LEUtr ctyllrsÂTrot{

Projets de Charles le Téméraire.


- Les Etats de Charles le
Tômôraire lbrrnaient tleux groupes tlistincts, I'un, adossé an
Jnra, I'autre, confinant à la mer. I,'Alsace et la Lorraine les
séparaieut. D'autre part, la Gueltlre isolait du Rhin une par.tie
de ses domaines.
0r', Charles pensait à former de l'ensemble de ses princi-
pautés un royaume intlépendant. A cette fin, il cherche à
acquérir les provinces qui lui mauquent pour rattacher ses
principautés les uues aux autres e[ en faire un tout compact.
En 1468, il achète I'Alsace; en 1472 (t), la Gueltlre et
le Zutphen (réunis depuis 110ô). Cette réunion une fois
accomplie, il sollicite, en 1.473, de I'empereur Frédéric IV,
le titre de roi, lui prornettant pour sou fils Maximilien la main
de lllarie, unique héritière du futur royaurne, qui devait portel.
le trom de royaume rJe Guule Belgiqu,e.
D'après I'espèce de pacte proposé en cette occasion, Charles
aurait succédé à Fr'étléric qui I'associait imrnétliatement à I'en-
pire, en lui conférant, tlans les provinces situées sur la rive
gauche du Rhin, le titre de vicaire général. Cette combinaison
palaissait également avantageuse pour les deux parties contrac-
tantes, car nul prince en Europe n'était plus que Char.les Ic
Téméraire eu situation de défendre l'empire contre les agres-
sious dgs Turcs. Comme on le voit, les vues tle Charles ne
nanquaient tl'élévation ni tle grantleur. Leur r.ealisation
ni
aurait constitué un Etat réunissant toutes les conditions d'une
existence longue et prospère et plopre à empêcher. le contact
hostile des deux grands peuples du centre oues[ de I'Europe
contineutale,
Les intrigues tle Louis X[ font échouer. ces négociations.
Entrevue de Trèves. Le courolutement clu llou\:eau roi der.irit sc
-
(l i Bl {4'75, il s'emparera de Ia Lomaine qui, rlans une guerre rJe Clrarles
avec Louis XI, avait pris contre lui le parti de ce dernier..
TEIII)S HISTOIIIOUES. _ I)ÉRIODE BOUNGUIGN.-ÀUTRICII. 43/I'

faile rr Trèr,es Oir l'empereur et Challcs se retrdcul, ett novctnbre {473.


Quel reviremcnt se produit, toul, à coup dans I'esprit indécis de
Frédéric IV ? Le faste ctéployé par le duc de Boulgogne e[ sâ cotrl le
lllesse-t-il dans sort ttll6ur-propre ? La crainte dc se donnel'en la pef-
sonne de Clrarles un maitre plutÔt r1u'utt coadjuteur surgi[-clle tout
à coup datts sott esprit ? Toujours est'il quc la veillc du jour lixé
pour la cérémonie, il tlispar:rit, subitement de Trèr'es, ruiuau[ ptr ce
coup cle théâtre les lrrillants projets du Témérairc. Tout étai[ réglé
pour le couronnetnent. Le sceptre, la couronne, la llanuière et le
manteru clu nouveiru roi étaient déjà prô[s, le tr'Ône dt'essé dirns
l'église de Saint-Ml.rximin, à cÔté de celui dc I'entpercur, lot'sque
Irrédér'ic IV soltit cn secret de Trèt'es pendûnt la nuit c[ descendit en
bateau la llloselle jusqu'') tolognc, sfllls nùllrc atoir pris congo tlc
Charlcs. Ul ccrtriu mystère planera toujours sur cette cutt'eruc
parco que lc Secret avait etttouré toutes les négociations. Il cst cepen-
clant certain que Louis XI ue resla prs étrartger à ces intrigues ('t ).
Quelles eusseul, été pour I'Europe et pour: llous, les conséqucnccs
dc la création, a cctte époque, eutre ll Frruco et l'Àllcnttglle'
Autrichc, d'un état assez fort pour fairc rcspectel son inclépetrdiittce
plr I'une et pâr I'autrc, en sit,uatiolt, pal'son importilnce ct, sr posi-
tion geogrrphique, de prévenir les conllits ou d'antorlir les contircts
entl'c ces deux puissancest toujouls jalouses I'une clc I'ittttre et
ambil,ieuses d'exercer la pLépondérance politique elr Europc ? Srns
doute, elle eùt éprrgné à celle-ci et à rtous bien des guel'rcs désas'
treuses. Probablemeut aussi uous turiohs continué it goùter cettc
prospérité, colollairc rtaturel dc la plix, tlont nos ancÔtles jouis-
saicnt alors. lllais peut-ôtt'e ttos lilicll,és locales aurrient'elles été dc
beaucoup plus réduites ettcore, sinon complètenent anéatlties par
un prince irtcapable de conlpt'endre les aspiral,ions et lcs Ltcsoins
populaires.

Mort dramatique de Charles le Téméraire (1+77).


N'ayant pu parvenir à ses fins par des rnoyens tliplornatiques,
Charles essaie d'y arriver par la voie des arlnes. Mais le succès
ne favorise longternps auculle dc ses entrepfises et finit par il
être battu partout : en Allcrnagne, en Alsacc et ett Suisse.

({) P. FnÉnÉnrco, IJssar'sta' Ies d,ucs tlc l}ourgogne, p. 49.


439 rrrsl'onn DEs rlELcEs ET DB rEUR crrrlrsÀTroli

Attaqué par les Suisses que Louis XI :rvait excités à lui faire
la guerre, il perd coutre eux les sanglantes batailles tle Granson
et tlei[orat, en 1476. Il est tellernent détesté que ses propres
sujets sc réjouissent tle ses revers. Instruits de ses défaites, les
Flamands s'elnparent tle sa fille et la retiennent en otage, tantlis
{lne, sur le bruit tle sa rnort, les Hollandais chassent ses I'ece-
veurs.
Voyant son autorité et sa réputation comprornises, le tlésespoir
le prend et le fait agir comne un insensé. Avec 4,000 soldats
qui lui restent et dont {,900 à peine sont en état de combattre,
il va, en plein hiver, rnettre le siôge tlevant lfancy, capitale tle
la Lorraine (l ), et livre à cette ville plusieurs assâuts qui sont
vaillarnment repoussés. Le froitl était tellement rigoureux que
400 de ses homrnes meurent gelés. Beaucoup tl'autres perdent
les pieds et les mains par la mème cruse. Uue partie tles
chevaux périssent aussi et la plupart de ceux qui survivent sont
si faibles, qu'ri peiue ils peuvent porter leurs caraliers.
Tout ù coup, la nouvelle se r'épud que le duc René de Lorrainc
alrire au secours de lir ville assiégée alcc une alrnée tlo 20,000
hommes. 0n conseille à Charles de se retirer : il s'y refuse. Il sent
qu'il en est an'ivé au point où, ir son tour, il devra implorer le par'-
don de ses sujets. 0r, il les a toujours si duremeu[ traités, qu'il
préfère la mort à cette hurniliation et, il se décide à livrer brtaillc.
Au moment où il nettait soll oa$'lue pour rnarcher à I'ennemi, le lion
tloré (cinier') qui le surntorttait tomba de lui-même. Charles voulut
voir dans ce fait insignifiant urt présage clu solt qui I'attertdirit et il
dit, tristement: Ceci est le signe de Dieu.
Résolu à mourir, il donne bientôt Ie sigrtal du combat, puis s'ôlance
avec intrépidité au-devant des enncmis dont il tue plusieuls de sa
main. Eff<lrts inutiles ! Tourrtant la tète, il rper'çoit des tourbillons cle
llamrncs qui s'élùvelt dc son cùmp : dans une sortic, les rrssiégés y
onf mis le feu pour enlever à leur aclversairc tout, mol'en de retraite.

(l) Pendant que Charles él,ait occupé en $uisse, le duc René avait repris
possession de ses étrts.
TE}IT'S IIISTORIOUES. PÉIIIOD!] IJOURGUIGN.-AUTIIICII. 433
-
ll
A vue de ce désastre, en proie à la plus grande panique, son
almée se déllande. Lui-même, tout couvert de lilessures, esf, cntraîné
par ses soldats. Il anive au Lrord de l'ôtang Saint-Jean et veut le tra-
verser à cheval. La glace cède sous son poids. Un cavalier le pour-
suivait; le duc lui crie : < Sauve le duc de Bourgogne ! > Le soldat
erttcnd mirl, comprend : < Vivc le duc clc Bourgogne > et le tue d'un
coup de pique sans se douter qu'il vicnt d'abattre un si grand per-
sonnage.
Le lendemain, comme on étaït sans nouyelles du duc, on lit des
recherches sur le champ de bttaille pour retrouver soll corps.
Dépouillés dc leurs vôtemenl,s par les pillards, la plupart des
cadavrcs gisaien[ tout nus sur le sol, raidis par la gelée et blanchis
de gir,re. 0n les soulèvc et ou les exanrine tour à tour. EnlTn, un
jeune page clie : < \roici rnon bon seigneur ! > Charles était étendu
sur lc côté, le corps souillé de boue, une joue mangéc par les loups,
I'autre par'tie du visage plisc dans la glace : la chair s'en détacha
Iorsqu'on vouiut dégager le cadavre.
Ainsi périt misérablement le farneux Char.les le Térnéraire, ce
prince violent et ennemi du peuple, dont la mort câusa dans
I'Europe d'alors un soulâgemeltt universel. Son despotisme et
ses cruautés devaient tôt ou tard amener sa ruine, car, presque
toujours, les bonnes et les mauvaises actions des hommes trou-
vent, dans les effets qui les suivent, leur châtirnent ou leur
l'écompense.
Elat des Pays-Bas à la morl de Charles le Téméraire. Cornparons la
-
sil,uation du pays à I'ar'ènement de Philippe le Hardi avec l'él,at oir
il se trouve à Ia morl de Charles le Téméraire, alin de nous faire
unc idée des effcts si différents tluc ploduisent le régime de Ia
liberté et celui du despotisme.
A I'avènemcnt de Philipe le Hardi, la Ilelgique est sans contredit
le pays le plus riche du monde entier. I{on seulement I'agriculture y
est florissarttc, mais I'industrie et le commerce des Flandres dépas-
sent cn prospérité tout ce que I'on avait vu jusqu'alors. Les plus
modestes particulicrs, taut à la villc qu'à la campagne, y vivcnt dans
I'aisance.
A la mort de Charles Ie Témér'aire, le pays tout entier est réduit à
la misère. Lcs grantles villes sont, ou dôtruites et ruinées, ou très
appauvriespar les fortes amendes dont on les a écrasées. L'industr.ie
V. Mirguet. - Histoire tles Belees.
434 rrrsrorRE DES BELGEs ET DE LttuR ctvrLISATIoN

drapière a émigré dans les pays voisins. Les tisserands ont aban-
donné la Flandre constamment désolée par la guerre civile et se
sont surtout réfugiés en Angleterre oti on les attire par lir pl'olnesse
tle toutes sortes d'avantages. Enlin,le contmercc de I}'uges s'est trans-
porté à Ânvers, d'ailleurs plus avantageuscmcht situé.
A la r-érite, les industries de luxe, c'cst-à-dire, celle cles trrpis, des
dentelles, de la tirille du diamant, etc. ont remplacé I'inclustrie dra-
pière; mais elles ne donttent à notre pays qu'une plospérité factice.
La population dcs Pa,vs-Bas est sensiblement diminuée et une si
graude misère règne parnti les classes laborieuses, qu'on est obligé
de polter des règlemertts sévères contre les mendiattts. Voilà ce qu'a
fait d'un pa.vs libre, riche et prospère, un sièclc dc despotisme.

Marie de Bourgogne (1477-1482). Profitant tle la tuort


inopinée tlu Téméraire, les communes belges réclatneut la
restitution tle leurs antiques franchises. Pressée par les circons-
tances, Marie, Iille et héritière de Charles, leur accorde toute
satisfaction par I'octroi d'une charte appelée le graù priuilège
tle Marie de Bou,rgogne (ll fcvlier l'477).
En voici les principaux at'ticles :
{o Annulation dc tous lcs actes dcs deruiers règnes, coutraires
aux plivilèges (r\brogation notantment de la paix de Gavre et sup-
pression du Franc dc Bruges comme quatrièrne menbt'e de Flandre).
9o Suppression du parlement cle lllalines. 3o Institution, auprès de Ia
duchesse, cl'uu grand conseil ambulatoire de 95 mctllbres (pour
'remplacer le gland conseil sédentaile de lllalines, supprimé), com-
I
prenant 16 flarnartds. rvallons ct seulcmertt la moitié de nobles.
4" 0bligation d'instruire les affaires judiciaires clans la langue du
pays où elles doivent êtle plaidécs. 5o Inteldiction aux souvet'ttitts de
déclarer la guerre sans I'autorisation des états généraux. 6o Limita-
tion de I'obligation du ser"t'ice militaire aux guerres ayant pour objet
Ia défense du territoire.To Droit pou,r Iæ etats générau,n et prouinciaur
de se réu,nir sans cottuocatiotz préalable. 8" Nullité tle tout édit, du
prince contraire aux privilèges tlu pays. 9o Droit pour les habitants
des Pays-Bas de refuser obéissance au prince, cll c:ls de violation de
la char'te par celui-ci.
De son côté, Louis XI, à Ia nouvelle de la mort tle Charles
le Téméraire, s'empare du tluché de Bourgogne qui fait définiti-
438 IIISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CTVILISÀTTON

Ternent rctour à h [mnce. [n môme temps, il envrhit l'Àrtois.


Les Belges comprennent I'urgeuce tle donner à leur jeune sou-
veraine un mari capable de défendre I'intégrité de son patri-
moine. Le {9 aotlt {477, elle épouse Maximilien tl'Autriche,
fils de Frédér'ic IY, auquel elle avait été destinée par son père.
Ce mariage, dont les conséquences devaient être plus tard
funestes à notre pays en le rétluisaut à n'être plus qu'un satel-
lite de I'Autriche, a des effets irnmédiats trtis avantâgeux pour
nous. Maximilien remporte sur Louis XI la victoire de Guinegate
(1479) et met ainsi un terme aux eutreprises du roi de France
il
contre les Pays-Bas. D'autre part, rentre en possession de
I'Artois, drr Chalolais et du comté tle Bourgogne ou lrranche-
Comté.
Marie de Bourgogne se montre tlouce et bonue autant que
son père avait été violent et cruel. En tonl,e circonstauce, elle
s'attache à mériter I'estime de ses sujets et à gagner leur
affection. Aussi en est-elle bientôt adorée et I'on espérait pour
elle un règne long et heureux lorsqu'un funeste accident vient
brusquentent I'enlever â la Belgique.
lf,ort de Maris de Bourgogne.
- Il existait, autrefois, un gertre de
chasse auquel se livraient volorttiers les dames nobles. C'etait Ia
chasse au, fhu,con ({), dite aussi chasse au aol ou ù, l'oisaru.
Le dressage des faucorts est d'autant plus long et plus diflicilc
que ceux cle ces oiseaux pris a l'étal, sauvage méritent seuls d'ètle
dressés. Ceux qui naisseut en captivité restent généralemeut heru-
coup moius bons chasscurs.
0n payait jadis fort chcr un flucon dressé. Aussi en punissait-on le
rol de peines sévères. Quiconque était cortvairtcu d'itvoir dérobé un
tle ces oiseaux, devait pa.ver une amende d'urt quart clc sou d'or (9)

(l) Fatu,ott est le nom générique de plusieurs espèces d'oiseaux de proie


qu'on peut dresser pour la chasse. Palmi les oiseaux susceptibles de l'éducation
nécessaire, nous citerons: l'éperrio', l'autotu', Ie ger.fuut,Ie saa'e, etc. Tous
sont des oiseaux en môme lemps très courageux et très voraces et c'est sur
cette circonstance qu'est basé I'emploi qu'on en faisait pour Ia chasse.
(2) Ce qui équivaut à peu près, en poids. à ,195 francs de notre monnaie, mais
représente une valeur actuelle bien srrpérieure.
TElrrls ursTonrQuEs.- r'ÉnrODE B0UnGUIGN.-ÀU'rRrCrI. 437

ou consentir à se laisser dévorer six onces de chair à la poitline par


I'oiseau volé.
Seuls, lcs gens.très riches pouvaient se permettre Ia chasse à
I'oiseau. Âussi le droit de posséder des faucons devint-il un privilège
ct un attribut de la noblesse ({). Châtelains, nobles dames et damoi-
selles, évêques et irutres prélats, s'ils étrieuI de haute origine, ne
paraissaient jamais en public que le faucon sur le poing gauche.
Certains de ceux-ci portaicnt leur faucon jusque dans l'égliss, se
bornant à le poser sur I'iiutel avant d'officier. Au besoin, un écuyer
se chargeait de le gardcr. De crainte que I'oiseau n'enfonçirt ses
griffes dans la main, on la protegeait par un fort gant de cuir.
Sauf en temps de cliasse et lorsqu'une proie était en vue, le faucon
restait coiffé d'un capuchon, ordinairement brodé d'or, parfois garni
de perles et de plumes rl'oiseau de paradis. Àu moment cle le jeter,
c'est-à-dire de faire avcc le poing le rnouvement de le lancer sur le
gibier, ou lui enlevail sa coiffe, qui I'empôchait de voir.. Le gibier
pouvait ètre un lÉron, vn ntilnn, we cigogn€, une gruerrl;tr fuisan,
uue ofe, u\ cqnard sm.uaget un lièure, môme une perdriu ou ulte
simple caille. 0n voyait alors, rapide comne une flèclre, I'oiseau
chasseur monter dans la nue, si haut, qu'à peine on pouvait encore
le distingucr. Seul, le tiuterneut dc deux petites sonnettes aux
armes de son maitre, attachécs à scs pattes, révélaiI I'endroit où il
était parvenu. Puis, tout à coup, prompt commc la foudre, il s'abat-
tait perpendiculairement sur. sa proie surprise et étourdie, dont il
s'attachrit à fendle la tête à coups de bec (9).
La chasse à I'oiseau se faisait à cheval, ce qui Ia rendait particuliè-
rement dangereuso, car obligés de regarder coustamment 0n l'air,
les chasseurs ne pouvaient pas toujours guider leurs montures avec
la sûreté désirable. D'ordiuaire. chasseurs et chasseresses. avec leurs

({) ta chasse au vol fut interdite aux serfs dès l'époque de Charlcmagne.
Les nobles qui manquaient, des revenus nécessaires pour entqetenir des faucons
chassaient à I'aide du hobercqu,, qui est un oiseau de proiê de Ia plus petite
espèce. De là l'épithète de hobereau applirlué aux nobles de peu d'importance.
Le faucon mâle, d'un tiers plus petit que la femelle, était pour cet,te raison
nommê tiercelet. 0n I'employait, surtout à la chasse du petit gibier, lel que
perdrix et cailles,
(9) Il arrivait palfois que certains oiseaux, le héron, par exemple, avaient
conscience de cette manæuvre. Alors, portant tout à coup le bec en haut, ils
lecevaient le faucon sur cetle lance tl'un nouveau genre et le blessaient mortel-
lernent.
438 Htsrotnn DES nELGES ET DB LEUn OIvILISÀTIoN

valets, lancés dans une coursc rapide, allaient droit devant eux, à
travers les plairies et les chantps ertsCmencéS' stns s'inquiéter des
haies ou des fossés qui parfrris barraient leur passage. Par contren
cette chasse à cheval revêtait un cirractère singulièrement poétique.
Blle permettait aux dames qui y prenaient part de cléploycr toutcs
les gr.irces de leur personne et, pour les jeurtes seigneurs, elle était
I'oecasion tle faire assattt de galanterie auprès des nobles châtc-
laines et clemoiselles.
Marie de Bourgogne était passionnèe pour la cltasse au faucott. Se
trouralt à Bruges, au mois de nars 1482, ellc sort un matin avec
une nombreuse suite cle rtoblcs clames, de jeunes pages et de gentils-
hommes pour Se livrer à son plaisir favor'i. Au cours de la chasse, la
prin('esse aperçoit un faisrtt : ellc lui jette son faucon qui le blessc
mortellement et, se rnet aussitôt en devoir de dévorer sa proie. Tou[
Ie monde se précipite poul' lit lui etllever (l).
La cluchesse, les .veux fixôs sur I'oiseau, c6nduit d'ung nlâill un peu
distraite le clteval fougucux qu'ellc monte. Tout I coup' celui-ci butte
contre un tronc d'ittbre l'onversô et la princesse se trouve violemment
projetée pal' tet're. 0n lir relève évanouie avec une plofonde blessure
âu ventre. Sa vie nc parait cependant pas d'abord cn danger (2). Illais
la {iùvre le mal empile peu à peu et trois semaines
I'a.vant saisic,
aprt\s I'accidelt, elle expile au gratld désespoir de son époux, de ses
serriteurs et de toute la nation. Blle n'avait qtto vittgt-cinq ans.
' Jugement sur la maison de Bourgogne. -- Avec elle s'éteint
en Belgique cettc maisou fameuse de Bourgogne qui avait causé
tant tle mal à notre pâys. Sans doute, elle assure uotre indé-
pendauce nationale et jette les bases de notre unité politique et
atlministrative : c'est là ulle æuYre utile. IïIais elle méconuait
constamment nos aspirations uâtionales et Supprime brutale-
nent les privilèges essentiels des conmulles. Les moyens qui
permirent aux. rlucs cle Bourgogne de réaliser leurs projets les

(t) Car leS fauConS é{ant, COmme nous I'açons dit, des oieeaux très voraces'
il fàliait se presser de retirer le gibier topbé entre leurs serres' si I'on ne vou-
Iait qu'ils la tléchi*asserlt à I'instant. D'habitude' pouf les décider à s'en des-
on leur présentait un morceau de chair fraîclte.
saisir,'0n
(9) dit que, par pudeur et pour ne pas etl'rayer s6n mari, elle refusa de se
faiie donner à temps les soins nécessaires.
TEilIPS HISTORIfJUES. BOURGUIGN..AUTRIcII., 439
-pÉRIODE
ont fait ranger à juste titre parmi les princes les plus otlieux
dans la galerie de nos souverains.
Régence de Maximilien. Marie de Bourgogne laissait deux
-
enfants, Philippe et Marguer.ite. Leur tutelle, avec la régence
du pays, échoit à lllaximilien d'Autriche. cependant les états de
Flantlre demantlent à partager I'une et I'autre avec lui. llaximi-
lier, occupé à Ia répression de troubles survenus à Liége, en
Hollande et en Gueldre, est obligé de cétler. Mais, sorti
victorieux de ses embarras, il réclame pour lui seul la tutelle de
son fils et la Flantlre doit se soume[tr.e. Toutefois, les Flamands
couservent un vif ressentiment du procédé de ,Ylaximilien et
celui-ci ayant été vaincu au cours d'une nouvelle lutte avec la
France, c'est en vain qu'il sollicite tles états de Flandre les sub-
sides uécessailes ponr continuer la guerre (décembre l4s7).
Dans la pensée de conjurer la nouvelle révolte qu'il prêvoit, il
se renrl à Bruges. Le bruit se répaud daus la ville qu'il vent la
pillel et la détruire; aussitôt les rnétiers s'ameutent, s'emparent
de la personne de Maximilien et le retiennent prisonnier pen-
tlant trois rnois dans une maison appelée lc cranenburg (clu
{0 février. au 16 mai {488).
Pou' obtenir sa délivr:ance, I'architluc est obligé tle signer
uu traité qui satisfait aux exigences des révoltés. Mais, à
peine sorti de Bruges, il désavoue ses promesses et une nouvelle
guerre civile se déchairle sur le pays. Les villes de Bruxelles et
de Louvain ayant pris fait et cause pour. les états de Flandr.e,
la révolte devient générale. Cependant, après plusieurs années
d'une lutte ruineuse, les comrnunes se voient contraintes à la
soumission.
La paix tle cadza'd ({) proclame une amuistie générale, qui
met un telnre à la guerre $a92). Mais les communes sont con-
damnées au paiement d'amendes formitlables et leurs privilèges

(4) Cadzand, village de Zélande, situé au nord de I'fcluse.


440 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIvILISÀTION

réduits. Cette nouvelle défaite marque la fin du rôle politique


et commercial de la ville de Bluges. Dès 1494, nous trouyolts,
établies à Anvers, les natiorts ({) d'Àngleterre, d'Espagne et tle
Portugal.
Philippe le Beau. Frétléric IV meurt le 4 aofrt {493 et
-
son fils Maximilien est appelé à recueillir sa succession. Le
jeune Philippe, surnommé le Beau, était alors âgé de seize
ans. Maximilien lui abandonne le gouvernement des Pays-Bas.
Philippe est solennellement inauguré dans les principales
villes du pays oùr il prête le sertnent traditionnel de respect
aux privilèges. Toutefbis, il refuse de jurer fidélité à la chalte
de Marie de Bourgogne et, peu de temps après (1504), il
rétablit le grand conseil de justice qu'il fixe déliuitivement à
Malines. Seuls les conseils du Brabant et du Haiuaut ne ressor-
tissent pas à cette cour souveraine. II reconstitue aussi,
en {505, les chambres des comptes de Lille et de Bruxelles et
il en établit une troisième à La Haye. Edlin, à la tète de chaque
province, il place des gouverneurs (2).
0rigine de la maison d'Espagne. En /1,496, les enfants tle
-
Maximilien, Philippe et Marguerite, épousent respectivenlent
Jeanne et tlon Juan d'Espâgne, enfants tle Ferdinantl tl'Aragon
et d'Isabelle de Castille. Une mort prénaturée ayant fait dispa-
raître don Juan, Philippe le Beau tlevient I'héritier présomptif
des royaurnes espaguols.
Les Belges avaieut vu sans inquiétude, avec satisfaction
mème, cette alliance qui pouvait leur procurer uu appui utile
contrc la France et ne setnblait pas devoir les exposer, comme

({) À'ations ; on désignait ainsi autrefois, dans certaines villes maritimesr la


réunion des marchands d'un même pays étranger.
(9) A partir du règne de I'hilippe le Beau le siège du gouvernement sera
presque toujours Bruxelles. Vers la même époque, on commence à désigner les
provinces qui devaient un jour constituer la tselgique et la Hollande sotts le
nom colleclif rJe Pays-Bas.
TEMPS HIS'IORI0IrES.- pÉnI0DB B0UIIGUIGN.-AUTRIC|I. 44L

il était arrivé avec la maisou tl'Àutriche, à I'oppressiou d'uu


allié voisin trop puissant. L'avenir, hélas ! ne tlevait guère
r'épondre à leurs prévisions.
Prospéritd des Pays-Bas, Traité du Grand'Entre'Cours (1502). -La
tranquillité dont jouissent les Pays-Bas pendant, Ie règne de Philippe
le Beau ne tarcle pirs i\ faire renaître une grande prospérité indus-
trielle et commerciale daps le pays. U1 traité célèbre, celui du
Grand,-Entre-Cours, conclu en {502 entre les Pays-Bas et l'Ângle-
teruc, exerce la plus heureusc influence sur le commerce de I'une et
I'autre contrée. Il garantit Ia liberté du commerce ettl,re les deux
pa.vs e[ ses Stipulatious serout, pdr la suite, consi(lôlées comme la
base du droit maritime. Une de ses clauses interdit la conliscation
d'urt navire naufrirgé s'il y restc un è.tle vivant, un homure, uu chiett,
un chat, un coq.

Mort de Philippe le Beau. S'étaut rendu er Espagne pour


-
y recueillir I'héritage tl'Isabelle tle castille, Philippe le Beau
meur[ subitement à Burgos, erl L506, et la Belgique retombe
dans les ernbân'âs d'utte régence. En effet, né à Gantl le
l5 févlier 1500, Challes, le fils aîné tle Philippe, n'est âgé que
de six ans à la mort tle sou père.
Seconde régence de Maximilien d'Autriche. La régence
du pays reviellt une secollde fois à Maximilien, â qui elle est
par les états générattx réunis à Malines, en octobre 1506.
offer.te
Retenu en Allemagne par les affaires de I'empire, lllaximilien
tlésigne pour le t'emplacer sa fille, Marguerite de Savoie, prin-
cesse à la fois énergique et capable. EIle Satlra, en effet, pendant
la minorité tle Charles, conduile avec ulle grande habileté les
destinées du pays.
Chârles.Quint (1506-1555). Les maîtres tlistingués ne
-
manquèrent pas à Charles, mais iI ne palaÎt pas qu'il ait montré
daus son enfance des aptitutles bien spéciales sous aucull
rapport; même son applicatiol à I'étude n'était guèr'e satisfair
sante. a Le latin le rebutait; jamais il 1e parvint à parler
I'allemand; il savait à peine quelques mots d'espaguol lorsqu'il
442 HISTOIRE DES BBLGEs ET DB LEUR cIvILISÀTION

partit pour la Castille; il n'était pas plus fort sur l'italien. Il


apprit le flamand sur I'ortlre de I'empereur, son aïeut ({.). u Tout
au plus se tlistinguait-il par une certaine adresse dans le manie-
ment des armes et du cheval. Rien n'annonce donc dans I'éco-
lier I'homrne remârquable qu'il doit être plns tard.
Vaste étendue des contrées soumises au gouvernement de
Charles-Quint. La fortune se montre généreuse à l'égard de
-
Charles-Quint, ainsi nommé parce qu'il est le cinquième empereur
du nom tle Charles. Aussitôt après son émancipation,le 5 janvier
{5'[5, il eutre el] possession tles Pays-Bas, alors I'une des cou-
trées les plus prospères et les plus riches de I'univers. L'année
suivante, Ferdinand Ie Catholique (son aïeul maternel) étant
tlrort, ii hérite de I'Espagne, du royâume des Deux-Siciles, de
la Sartlaigne et tles pays d'Arnérique récemment découverts.
Trois ans plus tard, en '1519, il est élu ernpereur d'Allemagne.
Il n'avait pas 20 âns et, tlepuis Charlemagne, pelsonne en
Europe u'avait régné sur un plus vaste empire. Aussi pouvait-il
dile, slns exagér'ation : a Le soleil ne se couche jamais sur mes
terres. l
Aspirations politiques de Charles. Charles-Quint s'attache
-
â exercer sur I'Europe une suprématie que sa puissance colos-
sale sernble tlevoil lui rendre facile, mais qui cepeutlant ne
I
cesse de lui être disputée. Pour y parvenir, il cherche à abaisser
la Flance, à faire la conquète de I'Italie, à écraser la réforme,
en{in à abattre l'empire musulrnan
Guerre avec la France, Inquiet et jaloux de la puissance
-
formidable de Charles-Quilt, le roi de Frauce I'accuse tle viser.
à la monarchie universelle et, à plusieurs leprises, sous des pré-
textes quelconques, il lui déclare la guerre. Charles éprouve-t-il
des revels, François I" I'assaille aussitôt, espérant llaccabler.
Àu contraire, I'empereur réussit-il dans quelque entreprise glo-

({ ) Gecu,rnn, Biographie nationale, notice sur Charles-Quint.


TEtIps IIIST'oRI0uES. PËRIoilB noultGUIGN.-AUTnIcH. 44g
-
rieuse, le roi tle Fllrtce I'atiaqne encore aftn de I'empêcher
tl'en tirer parti.
Au cours de la pr.emière guerre entre les deux rivaux, la ville
tle Torrrnai tonbe rux mains de Charles qui en fait, âvec
le ter.ritoire de Tournai-Tournaisis (1. ), I'une des dix-huit pro-
vinces des Pays-Bas ( {52{ ).
Quelques allnées après, en 1525, vaincu et fait prisonnier à
Pavie, Fr:ançois I" est coltluit à Madritl oùr, apr'ès un an de
captirité, il consent à signer le traité ttit de Maclritl (1596 ). Par
ce traitê, le roi de France restitue à Charles-Quint la Bourgogne,
sans réserve d'h6mmage 1i de service militaire. De mème, il
renonce à sa suzeraileté sur la Flaldre, I'Artois, Tournai, le
Tounraisis et les châtellelies de Lille, Douai et 0rchies. Le
tlaité de lV[adr:id u'est pas obselvé par le roi de France et la
guerre recommeltce. Elle prend fin en {529 et le traité des
Dames ou tle Cambrai latifie toutes les clauses du traité de
Madrid, sauf celle qui stiptùait le retour de la Bourgogue à
Charles-Quiut. En compeusatiou, Ft'atlçois I" s'ellgâge à payer
9,000,000 d'écus d'or pour sa rançon.
La guerre reprend plus tard et lorsque le traité de Crespy
en Laonnais (1544) vient de uouvêau y mettt'e uu terme provi-
soire, le roi tle France confirme sa renonciation à tout droit de
suzeraineté sur la Flantlrc et I'Artois. Àinsi la Flantlre et I'Ar-
tois se tt'otrvent irrévocablemeut soustt'lits à la suzeraineté de la
lrrance.
La lntte entre Charles-Quilt et la F'ra1ce se termine sous les
murs de Metz dont Henri II, sucCesselll' de François I'", S'était
empar.é, en 1552. Cetle ville fut vigoureusemeltt défentlue par
le duc de Guise cg1tre I'at'mée impériale, commandée par

( ,l ) Charles-Quint acquiert en outre : en_{598, Ia principauté d-utrecht


et Ie
pr|'r â'gue.-fsiit; e1 483G, les pays denrenlhe et de Groninghe; enfin, en
,tS+3, le duché de Gueldre et le comté de Zutphen.
444 rrrsTorRu DES BELGES El' DE rEUn crvrlrsÀt'roN

Charles-Quint en persollne. Obligé de lever le siège, celui-ci


disait mélancoliquement : rr La fortune est femme : elle tlélaisse
les vieillaltls pour suivre les jeunes gens ). Une trêve de cinq
ans fut couclue à vaucelles (près de Cambrai) entre les belligé-
rants (5 février i556, n. s. ) (1).
Lutte contre les protestants. Charles-Quint n'est pas plus
-
heureux dans sa lutte contr.e les protestants d'Allemâgne.
L,uther', moine augustin, s'élevant contre certains abus qui
s'étaient iutroduits tlaus la discipline ecclésiastique prétend les
rcfornter. Bientôt il s'en prend ri la doctrine même de I'Eglise.
orr donrre le norn ùè réfornte:i Ia révolution religieuse dont il a
éié Ie promoteur.
< Challes-Quint, assez indifférent en matière de religion, sembla
d'abord plus disposé à se servir de Luther qu'a le proscrire. Ir lui
importait alors de calesser I'opiuion publique favorable au réforma-
teur, de ne pas anètel une doctline inquiétnnt Rome. Reconnaiss:rnt
quc le pape avait grand peur de cctte doctrine, il s'en voulut faire un
flcin pour lc tenir. si la diète de wolms avait su conquérir ses sym-
pal,hies, le catholicisme eùt été frappé à mort; de sanglantcs r.évolu-
tioris pr'ér'enues, Ia flcc du monde changie. (Hnnru, charres-eu,int,
tomc II, p. {55.)
Mais toutes réflexions fai[es, il paraît, à Char,les-Quint que I'unité
rcligicuse est seule crpable de garautir. I'unité politique de son
empire. lledoutant I'esprit de discussion dont lcs peuples rle l'ép,rqus
sont animés, il craint qu'ils n'étendent peu à peu leurs critiques de
I'oldre religieux à I'ordre politique, et qu'ils n'en viennent à cliscuter
aussi son autorité. En conséc1uence, charles porte, contre les réformés,
des édits rigoureux, au nombre de douze, auxquels ils refuseut de se
soumettre. une longue et sanglante guerre éclate alors entre les pro-
testants et Iui. Après avoir passé, dans cette lutte, par des altema-
tives de succès et de revers, charles est contraint tl'accorder aux
luthér'iens d'.,lllemagne le librc exercice de leur culte (paix d'Àugs-
bourg, l5S5).

_ ({) N. S. (Nouveau style). Manière de dater depuis {525, époque oir


Requesens ordonna de commencer l'année le premier janvier, dans-les
pays-
tsas. À-uparavant, elle commençait, selon le9 lieux, à la Noel, à pàques, le
vendredi-saint ou le lermars. A Gand, elle commençait le {B août.
TErrps ursroRr0uEs. pÉRroDE B0uncurcN.-AuTnrcrr. 445
-
Guerres avec les Turcs. _- Depuis la chute de Constan-
tinople (1453), les Turcs avaient fait en Europe des progr'ès
inquiétants. Successivement, ils avaient pris Belglade en {591,
Bude en {596, assiégé Vienne en 1599. Quoique victorieuse-
ment repoussés de cette dernière ville, ils restaient menaçants.
Youlant leur porter nn grand coup et débarrasser la Médi-
teruanée des pirates qui I'infestent, Charles-Quint organise une
expédition contre Tunis, alors au pouvoir du sultan de Constan-
tinople. Cette ville est prise en '1535. 20,000 chrétiens s'y
trouvaient reteilus captifs : ils sont aussitôt remis en liberté.
Mais une seconde entreprise de Charles, dirigée contre Alger,
est contrariée par cle violentes tempêtes; sa flotte périt presque
tout entière et il est trop heureux de pouvoir rcgagner saiu et
sauf la côte d'Espagne (1541). Si, peu de temps après, il
réussit à tenir en échec les forces tle Soliman II dont les almées
menacent de nouveau I'Autriche, c'est salls pal'venir à ébranler
sérieusement la puissance des Turcs. Il est même obligé de
reconrtaître la suzeraineté du sultan sur la Hongrie. Ainsi,
ù'aucun côté, Charles-Quint ue remporte sur ses adversaires de
victoire décisive.
Révolte des Gantois (1540). Vers le milieu du xvru siècle,
-
la ville de Gand était I'une tles plus considérables du monde
chrétien. Àucuue ne l'égalait en étentlue : ses murailles avaient
environ { 3 kilomètres tle circuit. C'était plutôt un pavs qu'une
ville et I'on rapporte ce mot tle Charles-Quint rr qu'il pounait
mettre Paris dans son Gaud r. Sa population dépassait ceut
.rnille habitauts. Elle possédait ô4 métiers d'artisans et, dans
la seule corporation des tisserands, 32 membl'es ou subdivisions
du métier. Avec sa banlieue, elle pouvait réunir' 80,000 com-
battants.
La capitale des Flandres n'était pas moins importante par les
libertés étendues dont elle jouissait, par la richesse et par Ie
degrô de civilisation de ses habitants" Située dans uue vaste
446 rrrsrolRn DES BELGES ET DE LEUR ctvILISÀ'rtoN

plaine adrnirablement cultivée, elle possédait de belles et largcs


rues, tle vastes phces et de magnifiques monumettts, partni
lesquels on citnit I'ancien château des comtes, les églises de
Saint-Bavon et dc Saiut-Jean, I'hôtel de ville et le beffroi, où se
tr:ouvait la fameuse cloche Roland.
Cependant Ies guelres incessantes entreprises pâr Charles-
Quint et ses prétlécesseurs avaient consitlérablemeut ralenti
I'industrie et le commerce de tout Ie pays, tlont la prospérité
diminuait insensiblement. Aussi la detnande tl'utt nouveau
subsitle de {,900,000 florins d'or, faite aux Belgcs par la gou-
vernante au noln de Charles-Quiut, ell 1538, est-elle rnal
accueillie, surtout en Flandle. Les Gantois refusettt même de
payer leur palt tlu subside, soutenant que leurs plivilèges les
exemptent d'un impôt prélevé en vue de soutenir des guerues
étrangères, nuisililes même aux intérêts du pays. Au surplus,
ils offrent tle foumir et d'entt'etettir à leurs frais utt certain con-
tingent tl'hommes tl'armes. Cette proposition est repoussée, car
on a délinitivernent reuoncé à se servir des milices communales
tlepuis les actes d'insubortlination qu'elles ottt commis à Mont-
didier et devant talais. L'affaire est portée devant le grand
conseil de Maliues qui tlonue tort aux Gantois. La bourgeoisie
veut se soumettre, mais la classe ouvrière et particulièrement les
tisserands, s'y refusent. Les chefs qui tlortnent des conseils do
prudence et de modération sont mis à molt; on chasse les offi-
ciers tle I'enpereur e[ I'ou affit'me hautement I'intention de
proclarher ville libre la commune de Gand. Ces excès cattsent
beaucoup de tort aux Gantois, tl'abot'd soutenus par tlne grande
partie de la Flanclre. IIs commetteut une autre faute en sollici-
tant I'appui du roi de Frartce auquel ils offrent nrême tle se
donner. Mais, loin de prendre parti pour eux, François I'" fait
connaître leur dérnarche à Charles, alors en Espagne, lui
promettânt libre passage à travers h Frauce s'il veut se rentlre
en Belgique.
448 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIVILISÀTION

Charles-Quint profite âYec empresselnent des lronnes disposi-


tions du prince flançais.
Parti de Madritl le L0 novembre '1539, il fait son entrée à
Gand le 1,4 février {540. Cette entrée est irnposante. L'empe-
reur s'avance eutouré de la reine Marie de Hongrie' gouventante
des Pays-Bas, de plusieurs autres princesses, de toutes les
dames de la cour et de toute la noblesse du pays; des amllas-
sadeurs du pape et de ceux tle dix autles souverains; tl'un
grnnd nombre d'évêques et de prélats trnt dtt pays que de
l'étranger, etc. Son escorte se compose de 5,000 cavaliet's
armôs de lances, de 1,000 arclters et tle 5,000 ntousquetaires à
cheval, saus compter nn formidable tt'aiu tle canotls. Les jours
suivauts, de nouvelles troupes continuettt d'arriver, si bien
qu'on ér'alue le nombre des étrangers hébergés tlans Ia ville à
60,000 personnes, auxquelles il faut joindre leurs {5,000
chevaux. Et cependant, telles sont les ressources et l'étendue
de Gantl que tout ce monde trouve aisérnettt â se loger et à
se nourrir dans la ville même.
Dure est la sentence portée par Challes-Qrrint coutre sa ville
natale. Elle lui enlève les plus irnportants des droits et des pri-
vilèges qui lui avaient jusqu'alors été reconttus, cottfisque toutes
les propriétés publiques, bdtintents, tenes, rentes et auh'es
,rev)enus,ainsi que les maison s des gildes el des metiers, et tottt
ce que les corporations possèdent ell commun. Non seulement
elle impose aux Gantois le payement irnrnédiat de leur part dans
l'impôt des {,900,000 pièces d'or, mais elle exige encore d'eux
celui d'une autre somme de {50,000 carolus d'orpour la con-
struction d'une citatlelle destinée à les maintenir désorrnais
dans I'obéissance. Enfin, elle les condamne à la perte de leurs
murailles et à payer à I'empereul', en sus de ces subsides ordi-
naires, uue rente annuelle de six mille pièces d'or.
Cette sévère punition aurait pu paraître excessive : Charles ne
la juge pas suffisante. Seize des chefs de la sédition sont déca-
TEIrIps rrrsronrQuns. RounGUIcN.-ÀTTIIICII. /t/+9
-rÉRIoDE
pités après avoir été tor'[urés ( { ), et leurs biens coufisquôs, I.ju
grantl nomLrre d'autres sont alrètés, jetés en prison, foucttês tle
verges, bannis ou condamnés it de pénibles pèlerinagcs ct à tle
tbrtes amentles.
Pour corlronner sa ycrlgeance, Charlcs impose aux princi-
paùx Gantois une tlénrrche des plus humiliutes.
Les chefs tle la cornurulle, accompagnés tle leurs sccrôtaires
et tle leurs commis; treute bonrgeois notaliles ; r;inquante
Itonmes tlu rnétier tlcs tisserands et six de chacutr cles autres,
tous vôtus de la robe noile des pénitcnts, satts ceinture et tôte
nue; enfin, cinquante tle ccux qui pendant les tl'oublcs s'étaieu[
le plus signalés par leurs vioiences, ces derniers en chemise,
tète et pieds nus, ayant :ur cou rurc corde qu'y avait passée le
boumean, sont obligés dc sc rentlre cn cortège à la derneule de
Charles-Quint. Un trrine alrit éte drcssé dans la cour de sou
hôtel et chacun y pouvlit cntrer', car I'empereur désirait que
be:rucoup de rnonde ftt ténroin tle I'ltumililtion des Gantois
afin que I'effet tle I'exemplc fùt plus grantl. Une garde l)onl-
breusc veillait à ce que lieu nc vînt troubler la cérérnonie
expiatoire tantlis que d'antres troupes parcottraieut eu armes
toutes les rues de la ville. Charles paraît, accompagtré tl'une
suite rle princes, tle princesses, tlc pr'élats et tl'nn grand nombre
de harits persouDagcs, tous richement habillés. Enlros tlans la
cour, les Gantois s'agenouillent eI tletneureut ett cette attitude
pentlant qu'e[ lenr non le sccrétaire rle la ville lit un ôcrit oti
ils leconnaissent leurs torts et sollicitent leur partlon. Plusieurs
rl'entre eux pleurent de honte et cle colère à Ia pensée de_la
rlémarche oùr la nécessitri les reduit. Ils rre voient qu'une
cométlie tlans la tlemaude de partlon ldressée er ce monent à
Challes plr la reine gouverrlante, c[ Il plupart se retirent en

('t ) Des cxécutions analogues eurent lieu dans toute la Flandre oir r'égnaicttI
l'eflroi et la terreur.
Y. Itlirguet. - Hirtoire des Belges.
4i0 TTISToIRE DEs DuLGIts E'f Dn LEUR cryllrsÀTlori

emportaut tlans leur crËrlr un vif ressentinent ile Ia façon cr.uellc


0t outrageaute dont les avait traités leur irnpitoytble concitoyen.
La puissance de Gaud se tronvn dès lors ané:rntie et janiais
plus ccttc rille, jadis si fiôre, rl'0sa se r'ér'olter contle ses
souvelains.
Peuf t)trc cepcrtdiutt firLrt-il voir', clrtrts Iir sér,'éritô ai'ec Iaquello
Chiu'le.s-Quint traite ttlor-s l:r tr'landle. rutre chose qu'une rnes(uinc
lr-'ngeùuce clc i'atfeinte portric à son autoriti. Sirns doutc, il songc'.rit
h
irlutôt à ertlcver définitit'enrcut ir lirrlnce tout pr'étcxtc cl'intelven-
lion cn Flandrc : il csptirait 1' r'éussir cn tlétluisirnt les actes qui
(rtablissaieut la suzeliriue[é tlc celle-li\ sur ccllc-ci et en colliscluant
Ics privilèges tlc lit conllnune eantoise qui iir,aient longtemps donné
ir crette lille et pouvaient encorc lui donner recours contre scs princes
;ruprès des lois de Frartcc ct du prtt'lcmeut cle Paris.

Goncession caroline (1540 ). Pour remplacer ses


lnciennes chartes ablogées, Charles-Quint donne :i Gand une
constitution nouvelle qui reçoit le nom rle Corrccssion curoline.
En voici les articles essentiels :
{o Le gratrd bailli est nomnté pal le prince sans itterventiou de Ia
(iorrlmurle. Il prête serntertt au souverain, non à la commune; 90 les
tir:hevins ne sont plus élus pal le peuple, ntais nommés pirr le plirice;
interdiction lcur cst firitc d'établir des taxes ou dc pul-rliel cles ordon-
rli.urecs stns I'itntorisirt,iott dc celui-ci; 3" clésolmris lcs trois mcmbres
tlc lii corunlulle soùt r'éunis cn un seul Lrorps ct conmunaul,é;
4n I'aircienne arrtolité et juridictiort de Girnd sur les chirtcllcnies ct
lcs rilles environnantes est rbolip; lio les 53 mcitiers sont réduits à
9l colporations dont les doyens sont rtontmés par lc grand brrilli ot
lrris parrni les boulgcois non firisant ruéticr; 6n toute r'éuniou popu-
hirc est, interdite: quiconquc la p'ovoque cst puni de nrort; 7o la
collace cst supprimée. L'assernblée qui la remplace se compose dcs
rlr:hevins et clc /t2 notablcs, six par paloisse, clésignés par le grirntl
blilli et, les échcr-ins. Elle ne se réunit que sur l'l convocfltion du
grantl bailli et du ntagistriit.

Vues particulières de Chanles-Quint sur les Pays-Bas.


La mône année (1540), Char:les-Quint thit faile au r.oi
-de
Flance tles propositions qui méritent d'êtle connues. Son impi-
'r'rjurls IIIST0Tu QUtis.
-
pri lrl ODE B0-1,-il G ul r;)-. -lu]'H I [rI. 45',L

toyable tlnreté à l'ég:rrd des tantois lui avait entièrcnteut aliéné


Ics svmpathies tlcs Belges. Aussi semble-t-il s'être tlouvé par
ia suite rr rnal li I'aise r el notre plys et avoir voulu s'eu débat'-
l'asscr au prolit tl'un de ses enfants. Dans cette pensée, il
offr'e sa fille aînée au tluc d'Odéans, fils de Frauçois I"',
plomettant cle lui attribner en clot les Pays-Bas, auxquels lc
roi tle Francc aurait joint la Bom'gogne et le Chrrolais. D'autre
part, il propose tl'exanriner s'il ne convientlrait pas d'ériger
ces pays en royaLllnc. Les hésitations tle Ia France, qui ne peut
croire à la sincérité tl'une semblable proposition, et h mort tln
tluc cl'0rléaus empêchent h réaiisation tl'un plau clui paraissait
devoir ètre fort avantageux pour nous.
Un antle projet, clui reçut un conmencement d'exécution, ne
put clavantage aboutir. Philippe, fils de Oharles-Qnint, ayant,
épousé (1554) la reirrc d'Angleten'e, Marie Tudor, on conlint,
clue s'il naissait un fils cle ce mariage, il hériterait de I'Arrgle-
terre et, des Pavs-Bas, tantlis que tlon Carlos, issu d'uu premier.
mariage de Philippe, obtientlrait I'Espagne et I'Ilalie. Mais la
rcine llarie mourut après quelques années de mariage sans
laisser de postérité.
Les Pays-Bas forment le cercle de Bourgogne.
- La grande
pragmatique.
- Youlant, dans Ia mesurc. tlu possible, réaliser
cette unific'alion du pays qtri lui tient tant à cæur, Charles-Quint
forne, lors de la transaction tl'Augsbourg {{548), avec les
diverses principautés tles Pays-Bas, y compris la Flandre, une
province dtr saint-ernpire ( { ), qrr'il nomme cercle intperial de
Bou,rgogtte. Le uouveau cercle est mis à perpétuité sous la
protection mmée de I'ernpire qui tloit le défentlre comme les
autres rnembres tlu corps germanique. De leur côté, Ies Pays-
Bas s'engagenl à intervenir pour une part, soit en hommes, soit
\

({)Sarnt-errrpile d'Occident, nom donné ù I'empire de Cltarlerqagne el, ptr


la suite, li l'cnipire d'Allenagne qu'on prétcndait une continuation tlu premier'.
l*ii? rlrsrolRp DES BELGUs ET DE LEUR cIvILISÀTIoN

en argent, dans les dépenses de I'entpile. Pour le surplus, le


ccrcle de Bourgogne est recollnu indépentlant et libre.
Déjà par sa bulle irnpér'iale du 1" juillet {530, Challes-
Quint avait abrogé les tlroits de I'Allernagne suf I'ancieuue totht-
ringie. Ptrr un acte appelé la. grantle Ttragnwttque (1549), il
consacre encol'e, au point de vue tle l'hérétlité, I'unité ct
I'intlivisibilité des ploviuces lielges, voulant, dit-il, consel'rer
les Pays-Bâs en unc lnasso indivisiblemettt unie et imparta-
geable. Toutefois, cettc unité hér'ôditaire de notre pavs n'en fait
pâs une véritable unité politique. Jusqu'à la fin de la domination
autrichierule, en '1794, nos provirtces demeut'erottt dcs princi-
pautés tlistinctes. Les Pays-Bas constituetttn noll pas mème un
état fédéral à I'image dc la Suisse actuelle, mais tttie simple
juxtaposition d'états, intlépendants les urts des autres, presque
sans lien entrc eux, dont cltacun, quoiqne soumis au même
souverain, conserve ses chartes et, sou atlministmtiort plopres.
Aussi les Pays-Bas restèrent'ils toujouls la terre classique tlu
particularisrne,
Abdication de Charles-Quint (1555). Les soucis d'un
vaste gouvernelnent, les fatigues de
-
guerres incessatttes, son
intempérance dans le boire et le rnanger, jointe à tl'autres excès,
ruinent tle bonne heure la robuste constitution de Charles-Quint.
il
A peine âgé de cinquante-cinq ans, se sent vieux et brisé.
D'ailleurs, malgré toute sa puissance, il tt'est part'enu à rÔaliser
aucurl des glands desseins qu'il a poursuivis pentlant sa vic: les
protestants ont trionrphô de ses persécutions et il a dLi leur
accorder le libre exercice tle leur culte; les Turcs occupettt
toujours les coutrées qui forrnent la 'lLrrcluie et la Grècc
actuelles et menaceut le restc de I'Europe. II vient d'ôtre t'aiucu
par les Flançais devant Xletz; eti{in sou fils, prince aussi
ambitieux que tlissirmtlé, chcrclte, par tles voies soutet'rlines,
à tlétruire I'autorité patelnelie pour y
substituer la sicnne.
Fatigué et tlécouragé, Charles se décidc à ablndonnel' lc pou-
TR}II)S IIISMNIOUES. PIJRIODE I}OURGUIGN..AIJIIIICH. 453
-
voir, ri quittel la froide et humitle Belgique pour aller résider au
pays d'Espagne, qui possède un climat plus doux.
Avaul son départ, il s'apprète à renoncer solennellemertt, en
favenr deson fils Philippe, au gouyemement des Pays-Bas.
Pour théritle rJe cette importante cér'émonie, connue dans
I'histoire sous le nom rl'AJ'cltcatiott de Charles-Quint, il choisit
la ville de Bruxelles.

' Uilc cut licu le 95 octobrc {ir$S, dans la grande salle d'lronueur du
palais, I'uuc dc,s plus vastcs de cellcs qtri cxistaient alors daus lc
monde cnticr. 0n voyait, lu fold clc I'appirrtemeut, une longue
cstrade rccouvelte d'un magnilique trpis, sur laquclle on arrir'ûit par
un csc:tlicr de six ou sept rnarcltes.0n yavait préparô uu dais riclte-
rnent tlécoré irux anlies tlc Bourgogne. Sous ce dais, trois fauteuils,
disposés cn tri'lngle et, destinôs, I'un à I'empcreur, les clcux autres
I la gouvcrnante des I'lr,s-Dùs et à Philippc. A droite et à gauche, de
nombrcux siègcs réselr'és lux glauds seigncurs de ltr cour et aux
chcvrliers tle I'oldle de la Toisou d'or'(1)dortt Charles-(JLtitit était
le glurd rniiîtle. I}ilin, au pied dc I'cstlatle, urt certain uontbt'e de
bancs dcvirient ôtr:e occupés par les représcntants des dix-scpt pro-
linces.
A 3 hcules, I'cnpeLeur prririt: perclus des ntiritts et des jambes,
il avaucc péniblcment, appul,é dc la maiu droite sur ur)e béquille et
de lii giruche sur l'épaule du princc d'Or'ange, Guilhume de
l{'assau, alors a peinc iigé cte vingt-deux ans. Sa barlie et scs cltet'eux
blalcliis senblent encorc, pal le désordre dans lequel il les laisse,
irugmentel sn r'éelle catlucité. L'cmpereur s'assied pour écouter lc
rliscours dc I'un dc scs minis[res. Il met alors ses lunct,tes, non sùns
peine, se lève et, s'aitlant cle queltlues notes éclites : < Je viens, dit-il
ù I'iissembléc, prendre congé de vous. Yous lc s[rrez, mou règne a
éié long ct tlifiicile. L'intér'êt de rnes étirts et cclui de la religion
crtholiqLrc m'ont imposé d'incessants tr"âl'aux, cle fréqucnts et péni-
bles voyages. Je rrte suis rcrtdu ncuf fois cn Âllemagtte, six fois ert
Ilspagnc, sept en Itirlie, dix aux Pirys-Bas; quatre fois en Francc,
tant en prix qu'en gucrre; deux fois cn Angletcrrc, deux cq Àfi'iquc ;
cn tout tluarante voyiigcs saDS compter mcs nourbreuses visites ert

({) Toir plus loin, Classes socictles, sous la rubrique l(oltleste.


t\.,
+û+ IIIS'IOIRU DI]S ]}ELGI]S E'I' DI] I,IiIJR CIVILISÂTION

lnc)s irutl'e,s ro)'aulllos,pl),s e[ îles. 0nze fois, j'iri dt'ï pretrrlrc Ia nrcr'.
Ces grandes fatigucs ont usé nrorr corps. :\ussi ai-jc cru utile rru hicrr
rlc tous cle lemplacel'un vicillu'rl décr'épit, qui a dtlja ul picrl rl:rns
ki tornlie, I)'ùr' un prince jeune ef rigourcux, biclr fornré ilu gou\:crnc-
nrent. J'ai I'espoir 11u'il reprcrtdla t)lon û,u\:re d'nne ntirin fcr.rnc ct
rrec plus de srrccès rluc uroi.
< Je lui recommùlrcle surl,ou[ dc s'irttaclrcr à faile rôgner'cn tous
lieux lrr justice, lcs lois ct Iti leligion cirtholique. Surtout, ljouta-t.il.
cn sc [ournurt vcrs son !ls, nc pcnrrcttcz pi]s aux lrér'ésies de pénô-
tlcl tlans ces contr'écs. S'il s'y clt tfour-c, qu'ellcs soicnt extir.pécs.
lit maintcnant, jc vous dis adicu. J'li cu à soutcnir bien dcs Suorres,
nrais je ne lcs ai cntreplises que 161'-cr1uc j'y ai étr: forcé et à rcgr,ct.
Je sris que j'ai commis de griurtlcs frutes, talt plr mon jeune iig'r:.
rrutrefois, quc depuis pur ignolancc, négligcnce ct :nrtrcnrerrt,. Je n'iri
cependlurt janr:ris fait tort ou injusticc r-olontairernlnt cl, si ceh cst
alrir'é, j'cn ai r:cgret,et j'en dcnande peudon >.
Iin ent,endant paller tic la sorte un si puissant nlorlirruuc, 1n
graltl nornbrc d'assistirnts éclatort cn sanglots. Quunt à I'lim1ter.cur.,
épuisé par I'ellbrt qu'il I'ient dc firile, il retombe du{'rrilliurt sLll sotr
fautcuil et lui-môrnc fortcl eu l'armes.
Philippe rient irlors s'irgenoniller. der.lnt son pèrc eI Chirrles,
posant les rnrrirrs sur sa tirte,lni dit : <llon fils, je votrs bénis, lu nonl
de la Sailte-Tlinité. "
Philippe sc rclèr'c cnsuitc et, plcnant u son tour. lr piu.olc porrr.
remelcier son pèrc, il s'cxcusc tlo nc pouvoir s'crprinrcr ni err
flarnand ui en frlnr:ais (.1). L'ér'èque cl'Ârr"as se clral.gc tilors clc rlilr,
en sou nonr à I'assomlrléc qu'il prerrd I'clg'agernenl, dc travlillcr, :rrr
bonheur du pcuple ct rr"r triomphc tle lir leligion cirlholiqtrc.
L'llmpelcur et, les princcs quiûtcnt ensuitc la s..rllc. l,cs irssistlnts
se retilent à lcur tour', profoutlénrenI inryrressioutrés par. ccttc
émouvunte cér'émonic.
fflort de Charles (1558). L'annéc suivaute, Cirarles-Quint
se retirc en Espagne, dans
-
la province tle I'Bstrernadur.e, cn nn
château contigu au tnonastère tle Ynste, oil il vit encol.e
tleux ans 12).

({) Il ne parlait bien que I'espagnol.


(9) On lui servait une pension annuclle évaluéc en monnaie rlu .iour li
{,500,000 francs.
TIi.lII'S IIIS'TORIQI,IiS. TIiITIODI] ROIITGUIGN.*AUTIIICH. 455
-
Sentant sa tin approcher, il veut, avaut tlc tnourir, assister
ri ses 1.,rop,;r* funérrilles (t). {Jn somptueux catafalqtre est
th.essc dans unc gfànde chapellc et la cérénonie ftrrtèbrtr
a lieu en prcsence dc toutes les personlles de Sa lnaisoll, vêtues
tle cleuil. Oette cér'érnonie I'irnpt'essiollne teliemellt clue la fièvre
lc saisit au soltit' tle lit chapelle et qu'il lneurt tleux jours plus
t:rrd ({it58).

- -\ I'rigc rtc iiS lttrs, Cliat'lcs-Quint


Portrait de Charles-Quint. est
un hornnto tlC taille lito)elllte. urais tl'lpparellco ligottt'cuse. Il :r
le fr.ont fur,ge, lc nez uquilil ct légùremelt rlc [fi11grrS. Sr-:s tau*
blc.uS exliritUertt ll tlouCeur et llr liienveillattce; leur lit'iicité
iuulollcc l'énelgie. ll a lc teint pile, lil llalllc blonde et fi'iséc;
SeS Clx,.t'CUx itliotttliittts, Un pCU l't)tlx, SOtlt, cOtrpéS derliùr'C, rt lir
nroLle dcs entllet'eurs l'On)itius. Le birs du risrge se tet'tltittti en ull
rncrtton Iiilge et tliffonle. < Lorsqtt'il ferruait lt lrttuche, il 16r lioulai[
ioinrtrc les tlents d'ctt lias atec cellcs tl'ctt lt;tttt e[ il restait etttre
clles un espace tle la g'rosscut' d'utlc tlen[. Cela I'cutpÔchirit souvent
rl'r:xplimct' tl'utle frçort clistirtctc la demièrc partio rlc sa phrase . Dans
sil vicillesso, r peirtc s'il poul'lib eucore p:rrler cf tutttger >.
C!rarles esL clor-ui d'tuto irtcro-vlrlile actir,ité; toutefois, tt'tlrs
pr.udcut, il nc plcnd un pirrti c1u'apr'ès de lorlgtres réflexions ; trutis
rlors il crécutc, alec ullc plomptittl(le ct urle vigueul cxtlirordi-
nltires, cc qr-r'il r résoltt. Ilalrilo i\ tlistingirer le rnér'ite cltcz lcs
honrmCs 11u'il cntlrloie, il siiiI cortstatlucttI s'etltout'ct' dc bous
ruinistrcs et d'cxccllelts génôraux. ll nt'luifcstc (luelqucs-rlngs dcs
rlLnlités tl'uu sagc législateur, ct il cst fticltcux que son règtte u'itit
pas été plus P:rc:ilique.
Qapaltle tlc firire lu guertc, il
s'v tnotltre d'unc bravoure à toutc
éltreute. Plus tl'uue foiS, otr le vit chirrgcr I'etrttetni en pCt'sontte, :\ la
tr)te clc sil clvalerie. I)'lilleurs infiitig;tble: il pcut rcster ir cheval
n1 jour.c[ lnte uuit. Tlr,rs intelligent tlirns lir conduitc des ir{faires
pulllirlues, il cst pctt scrupttle tts tlittts le clir-rix tles lllovclls
ltroiircs à lC conduire au sttcctis. Cluel aussi, cOmmc en té[Ioigl]ent
ses tcrriltles édits cotttre les protcrstillltS. D'une amltitiort si glande

(,1) Le fait rlè ces sing'ulières funér'aillcs.n'est pas authetttirFremcttt êtabli.


lt.'iachard dit pcurtant à ce sujet qu'il inclile plus 1croire qu'à tlouter.
4i6 rnsrotnn rlES BBLGES ET Dts LEUn cr\:ILIsÀt,r0N

qu'il firit longtcmps pitsser sr ruùr'c pour folle, afiri tlc ne poiut prr,tager
le pouvoil alcc cllc, ct cltt'otr a pu sius invlaiscrriltlancc I'accuscr de
vouloir fondcr h monirrchic ruriverselle .
Sa conduitc prir'ôe liiissc bcaucouir à clésirer,. Il cst, de maur,aises
mcnuls et manquc tout à fait dc soll,iété. 0n le voit par.fois sc
faire sclvir une vingtliuc clc plrts ir urirli ct nliulger. dc tous. Lc soir.,
il soupe clcux fois et rlrosc chaqde I'el)as cl'unc grandc quantité
rle virr ct, clc hitrlc. l\[ômc apr'ès rlurralte rns tlc ce réginrc, qui
naturcllcnrcnt t usô son cstornac, il nc sait pts sc montlcr.plus
nicsuré.
La laçon peu rcspectueusc clont il traitc sour,cnt le plpe firit rloutcr
qu'il soit sincùrement religieux. Les lcprésentltions du clrcf clc lir
catholicité lc touchcnl peu : < si lcs furies de Str s'riltetdr nc ccssent
point, Iui écr"it-il, au n)0nlcnt d'envoyer son irrrni'c i\ I'lssiruI dc
Roruc, llous serons dichargé cnrcrs Dieu ct cnrer,s le nrondc cles
thngcrs qui pourlont s'en suivrc. > Âssurémcnt cc langagc le tômoi-
glle pirs cl'un granrl lespcct porrl lc vieair"c clu Chr,ist. pcu après,
scs r'ég'iurents s'cruparcnt dc h clpitrlc tle I'l chr.éticutû ct la
livreut irLr pilhge. Pour Chlrlcs-QLrint : << La religion était un insl,ru-
mertt, rloll ullc conviction (11 >r.
Cepeudiutt, il ne lrrissc prs dc porter contre les lrroteshrrts clcs
otdonnrrtccs birr'l,rrrcs tlont I'cxécution corltc, dc son yir,l'rnt, lt vic
ir plusieuls rnillicls 11'hallitirnts clcs Pit,vs-I3tls. Dirns sir vicillcsse, il
devieut extrônicmcnt clévôt, jnstilirnt, aiusi Ic plover.bc : jcunc diable,
vicil cnnitc. Il trc se nrontlc cl'aillcurs prs l\ l'égarcl dcs Bclges un
nreillcnr sou\,erâin que l'avaicnt été les plinccs dc lir mirison dc
Ilourgogne, scs aucêtlcs dtltcstés. J'1nais, quoi qu'il cntrcpr.cirnc, le
bonhcur dc ses peuplcs ne lc pr'éoccrups. Lcurs ch'oits, Ie bicn de
lcur industrie ou de leul corliuler'cc, les lcttlcs ct lcs arts lc laissent
indiflcrcnt. Bn toute circonstanco! scs intôrôts sculs et, ccux dc sa
famille guiclent ses '.rctions. Aussi laissc-t-il des éhts et dcs pcuplcs
affaiblis plr lcs sucrilïccs que sc,ir unbition désordonnéc leur a
imposés.
Quirnt ir sa politique génémlc, Clrarlcs-Quint pirnit leltlcnrlrc, au
moins dans scs grandcs lignes, crellc cle Charlcmtgne. Que clc grauclcs
choses cn offct, lic semblc-t-on pas dcr.oir attcndrc de lui, en pos-
sessiorr dc trnt clc mo1'ens dc bicn flirc ! Ccpcndlnt, il consume $a

('l) Httinn, Charles-Quint, tome IY, page {92*.


1'lillps lrrsT0nrQUIts. Plitil0DE ItOuRGUIGI.-I\UTRICII. 4',iT
-
rie it ntiiintenir péniblemcrtt I'integrité de ses élirts, ct iru motucut
d'a);diquer', convilinctr dc I'impossibilité Cl'une fusion duralllc eutre'
tiint rle populations tlir-crses.,. il nc hisse à son lils Plrilippc qu'uilc'
lrtrtic de sorr lréritlgc, rbirndorrnant l son frùrc l"erdittlnd, I'Autricltc
et I'cmpire.
0n a accusé Charlcs-Quint de liser à la rlomiqation ttnivcrsellc.
ll cst cepentlarit possible qu'il tr',y rit jamais sorlgé. Les conditiotls
politiqucs de I'F)urope, tout tutres ilu trvle siùcle r1u'à l'époque de
Charlemlgie, rte perrncttricnt plus de rÔver pour clle I'unité politi-
c1rrc. D'aillcurs, cette puissauce dc Charlcs-Quirlt, qui inrluiète toute
I'F)uloirc, nr:rtltluc cn fait de soliditc; ellc est plus appareute quc
r'éellc. A plcnièrc vllc, la luttc pirqil i1égale eutrc lcs tleux poten'
tirts clui sc clisputent Il suprélnatie cu liurope et mirme toutes les
chanccs semblcnt ûl,re crt fareur dc Ch';rrles-(luint. llais les états clc
cc princc sout clispersis sur divcrs points de l'liurope ou séparôs ]es
rrnS dcrs iiutt'Cs piir h nter. Att contt'riit'e, IrrartçOis I" rùgnc sur
cles plovînccs I'iultâSsées ett un tout compact, oir les at'mécs peuvenl
nisémCnt, SC mouvoir Sàtns rcllcottl,t'Ct d'Cntlemis. LCs tnitlos dU Nott-
velin-Ilortclc soul, Cncol'c lrcn plociuctivcs, ct tandis que FriruçOis Ic'-
exige ir son'.iise dcs taxcs que ses sujets llc sollgcn[ pas it lui mar-
chartder, Charlcs cst SouYeDt récluit rr solliciter dcs strbsides qu'il
obtient t<-rujours clifÏicilcmcut. Les peuples de Charles s'engagent
ir cotrtre-r:rpul tlrtts tlcs crttreprisCs qu'ils jugent porsollnelles i\ lCur
souvcrain : Frangois Iu., iltl cotttrait'C, stit intéreSSCr lil lil'lncC à scs
gueflcs, lcs lui faisant cnt'isager ooltlme nrtiolalcs. Les popu'
lations st-rutuises à Clrtrlcs, fort indépcndautcs de caractùre, lui
occasiolutcut cles enlbat'Ias irtcCsçants. Hn notre pâ)'s' la siluatiotl cst
particLrliirlgmettt tttâuvaise, le gouvet'tlentetlt', par criiinte des cOn-
ltlultcs, rf irtit l'.rissé tomber en ruincs lcs fortilicltiotts tles villcs,
dôpelir lc rnatétiel nrilitaile ct dôsorgiiniscr les miliccs cornmu-
nlles.
Bicn supôr'ieure à notts sous cc rilpport, la Irrance possède ( une
'puissrrtte
et bonne armÔc; ul) gros et merveillcux nomllre d'artil'
lcrie, atcc l'équipagc qu'il y falltit ; toutcs les villes du royaume si
ltien fortifiées qu'il l)c Scrait possible fl'y urieux pottrvoir. > Âittsi, it
ne se point l)orùcr à un gxalllen Supcr'ficiel des choses' oll recon1aî[
(luc lâ puissancc de Charles-Quint, formida|lc eD rppârelrce' cst en
réalité infclieurc à cclle tlc !'rançois Ie'. Dc lu les Yains efforts de
Charles pour triompher dc la France et pour rcaliser lcs au[res buts
plirlciptux dc sa politiquc.
4J8 IIISïOINE DES BELGI'S El' I}E LEtN CIVILISÀTION

Principauté de Liége (1477-lbS0). Mort de Louis de


Bourbon. Après h nrort tle charies le Tânérair.e, Louis
-
Boulbon se hrite tle lestituer leurs privilèges aux Licgeois. I.,e
dc

péron, rcnclu par Brugcs, est solennellemeut reler'é sur.la placc


tlu granrl nrarr:hé, cn '1478. cependant le pr.ince-évèr1ue uc
rcnonce qu'avec peinc à ses h:rbitutlcs tlespotiques. un scigneur.
liégeois, Guillaurne tle la llalck, surnommé le Sanglier rles
Ardennes, fait une énergique opposition ri ses mesures lrbi-
tlaires. Louis de BourJron avant réussi lî persuadcr anr états
que la préscnce de Guillarrme es[ pou.r h plincipnrté unc
cause tle tlésordle, obtient contle lui uue sentence de liaunis-
semenl ('1480). O'est I'occasiou tl'une nouvelle guerre civile au
cours de laquelle le Sanglier tue Louis de Bourbon tle sa pr.opre
main ( {482 ).
Jean de Hornes (1482-1505). Jean de Horncs succède à
ce demier'.
-
En {484, les états liégeois chargent quelques trêputés de
prô.sitler à la répartitiou et rî la levée tles irnpôts. Cette rlélégation
a d'excellents r'ésultats et I'on décicle de la rendle permlnente.
Telle est I'origine, â Licge, de la contnûssiott perntanente.
Le fait principal du r'ègne de Jcan de Hornes est l:r r.econ-
rririssarrce tle la neutralité des Liëgeofs par le traité tle Senlis;
c.onclu entre Maximilien tl'Autriche, Philippe le Beau, Jean dc
Homes et Charles VIII, r'oi de France, en {49J.

L'ir\'ènclnent, de la rnaison rle Boulgogne cn Bcrgiqrrc e[ I'alliauce


de cettc fanrillc itvcc Ia tttirison cle Bi'n'it)rc avaicut conrmencé pour lrr
prineipauté de Liége, une t'.'rc rle tliftieultés et de rnllheur.s politiques.
cette pciriode néthste s'ou.\'re prr I'avèueurcut treJean de Bavière et,
p'.il lir funestc jouméc d'0[hée qui renrplit cl'amelt,ume et, rle r.essenti-
rncnt le cæur dcs patriotes liégeois. Les défrites rlc Montenaeken e[
de Brustheim, lir destruct,ion dc Dinant, Ie sac dc Liége por,{,ent, à son
paroxl'sme leur hairrc contre la maison de Bourgogne. A un ccrtlin
rnorllent, ils et'oient voir dans lcs rois cle ['rancc leurs alliés naturels.
lliris I'inqrraliliallle tléfecrlion de l':.rstucieux Louis xI rru sac de Liége,
ïElrps rrrsT0RrQUt pÉRr0DE tiO{JRGUTGN.-IUTRICII. 4ô9

cn,1468, ainsi quc les promesscs de secoul's incessatnmcnt firitcs par la


Fr.alce ct toujours trlrlrics tlessïllent los 5crtx rlos nroitts cliiirvO.vattts :
les Liégeois coulpl,elluout cufin qrr'ilsltc soltt cntre les tniritls de letrt'
peu sinct)rc alliée t1u'uttc arntc dottt clle se sert potll'cotnh:rftre sa
puissante cttttetttie, lit nrisott de llourgognC. ÂttsSi s'lhstiettnent-ils
ile plcnch'e ouvot'tement, par.li ltonr lc's lrt'attçlais chrts lcs gucrres qtti
spiïcnt la clostluction tle Liége par lc Tômér'aile, ct, etl 1493, ils
ilsistgrt popr f'aire leconuiritle leur ncutralité l)it)'Chill'lcs YIII et p:rt'
\trrximilicn tl'Ântliche. Lcs cleux souverrit"ts rccèrlcnt I'leur désir
comrne il vient cl't\tre ciit.
Err {1198, I'évêché tlc Liégc est lattaclté au Cercle' rlc
IYesQtlmlie, tlistiuct du ccrcie tle Boulgogue dout fhit partie lc
reste de la Belgique. C'cst sans tloute I'une des causes clui
permettrollt à la principauté tl'échapper aux horreurs tle h
révolution du xvt' siÔcle.
Erard de la Marck (1505-1538). L'athninistlation de cc
- rétablit I'ot'tlre tllns lcs
Il
pr.ince ({) est tles plus habilc,s.
tinances tle la cité et il y institue un tribunal supérieur tl'lppel
sous le nolTl de clnsei| orrlinttire du ltrince.
Traité d;alliance avec Charles-Quint (1518). - L'mtleute.
rivalité de Frrnçois I"' et tle Charles-Qnint, jointe li la grarlclc
puissallce tle ce tlerniet', Ierden[ palticulièretnent tléliclte h
situation tlc la principauté. Ollservet'la ueutralité parlît llienlÔt
impossible au prince-évêque. Au surplns, utte uuiou arec les
Pays-Bas Semble natulelle : c'est âvec CeS colttrécrs (lile les
L,iégeois cntrctiennent les l'lpports c0mlncrcixtlx les plus
impoltants; Ieur territoire est partout circouscrit par les états
néerlantltis et les esprits ticlairés prtivoient c1u'tttl jour les villcs
tle h Mettse seront englobées dans les Pays-Bas. l{e vlttt-il pas
mieux tlès lors prévenir ce dangcr el] s'lttachant âux destinécs
de Ia Flautlre et tlu Bralraut (9) ?
C'est ce que pense Erartl de la Marcli. Le pr'élat se tlécide

(.r) Neveu du Sanglier.


(2) L0NOIIAT, Xlttnoirc cottotttté, page 16.
/r60 IIISïOIIIB DES BELGES El' DT] LEUN CIYIIISATION

clonc ti conclure avec Charles-Quint un traité tl'alliance défensive


cpi est sigué à Saint-Trond, le 97 avril {518.
Cettc alliirnce galantit lit flontiùr'c orientirle des états clc Charlcs-
Quint. Elle lui permcl,l,rai[ en oirtle de rcpousser lcs lrr.irnçris si
ccux-ci voulaient cnvtbir lcs Plys-llas par la i'alléc de lrr llcuse. Cc
sont li, pour Clrarles, des lr';tltlgcs d'une tr'ès lrlutc itnpoltirnce,
reldus plus sér'ieux encorc plr le.s somnrcs considéri'rbles que cc
prince, toejours besogneux, obtient cn pr'ùt dc l'er'èt1ue de Liégc.
Qurnt aux Liégeois, lc lraité tle ,1ii,l8 lcnr.plocLne des pr.ivilèges
cornmerciaux ct judicilircs ric tou[ gelll'c, cn rnûnrc tcmps qu'il
rissLlrc la sôcurité cle lcurs voics de communication, jusqu'alor.s
rronstanrnrcn[ infestcle s ptl dcs buucies clc urarirudeuls à qui lcs états
clc Charles ofli'cnt :ru besoin un lofuge plourpt ct facilc. Cc traité"
qui devait ètlc ollserr'é pcudunt, pr'ès dc soixln{,e Lllts, c'cst-i\-dire
jusqu'à l'élloquc dc ll Pacilicatiol clc Gucl, cn 1576, rnodilie, d'une
faç:on cssentiellc, les rapports clc l:r principauté nvec lcs éLlttsvoisins.
La uririson clc Iloulgoguc avlrit constururent rncconrlu ses r'érita
bles intérets dans sa conduitc a l'Égaltl de lLr prilcipar"rté dt: Liége.
< Loin de flrttcr I'amour-plop'e des Liégcois, cle lcur accolcler, à
I'instar dc la ltrance, des aviintirgcrs commclciitux ct dc sc crécrailsi
cles titres clc lccr.rnnrrissauce, les lSoulguignons iniposèrcut, à leurs
voisius dcs évr)ques indigncs, confisquèrcnt leurs autiqucs privilèges
ct ruiuèrent lc comnrcrce d'industricuscs coluntunes.
< Charles-Quint,, lu contr':rile, s'attlclrl à obtenir, par.ll cloueeur et
I'habileté cle ses rncsures, ce qrrc lcs plinccs bourguignons n'avnicnt
jruiais lcussi u iniposcl par la folce. ll ne proposa aux Liégcois que
cles princcs r.eltucux, capal,iles et pludcnts; il combla do fltttcries et
dc fiivcurs les clrcfs de la colnnullc, allitnt jusqu'à les lchcl,er, au
besoirt. Dn préscrtce dc ces bons plocédés, les s}'rullatliies des
Licgeois se tournèrent insensiltlcrucnt lels Cliarlcs ot, ktlsqu'eu .1548,
les Iflançais cugirge\r'cnt les états ir prendr,c lcur p:rrti, ils éprour'èrent
un rcfus folntel ('l). >
Cclieldrnt, nriilgré toute lir soultlesse Cc lir diplomatie de Oharles-
Quint, un parti flançais sc tnr"riuticnt u Liégc, r1ui, en l5g,l, ourdit
uttc conspiratiott daus le l-rut tle phccl la pr"incipautô sous le
plotectolat de Ia lrrance. Lc complot ryant été découvcrt, l'évêque

('t) Loucuer, ouvrage cité, page 85.


rrlips HrS'rgRrqUEs.-pÉntoDg B0U1GUIGN.-ÀUTnICu. 4$L

l)rarcl, fidèlc au traité cle {518, ltutiit iit'ec sér'érité lcs conjur'és clout
tlouze sont écaltelés ou no.vés.
Bien tlue cctte tent'.rtive rrit, été heurcuselnent déjouée, grirce à la
vigiliince clu prince-évôque, Cliarlcs scnt quel dangcr il.v auriiit pour
tui cte yoir sur le trônc episcopal tle Liegc cles hotnrncs hostiles à ser
mlison. ÂuSsi, r\ partir dc ccttc épor1uc, s'ingénie-|,-il à flrirc
acljoindlc, de letrr vit'attt, nux Ôvtl'clucs tituhircs, dcs coatljuteurs
cléi,orrôs àsLr politiqtre. Gt'âcc ir la sirgcsse dc cettc lllcsure
prévcutivc,
les plirtccs-ôvôques qui sc sLrccèclCnt tlésrlrtuais sur lc siège épiscoprl
resicnt rlc trli.les alliés clc Charlcs Qtrint. Son successcul', Philippe II,
cn cclir lliel inspir'é, suivra vis-'i-vis des Liégeois et, de leurs princcs
la trrtlition inaugurtie paf son ptirc ct n'aura qu'à se fôlicifer dcs
réstrltirts de cctte sage lignc dc conduite.
La réforme à Liége. - Erard de h Marck sévit lYec
r.igueur contfe les partisalts des llouvelles doctrines, assez llolll-
breux cn certaines localités du pa.vs de Liége. It fait publicr
rlans h principauté les placards tle Charles-Quint et essaye d'y
introtluire I'inquisitiou. illais lcs etats, comrrre les adminis-
trationS conmunales de la cité et des bonnes villes, s'opposellt
invinciblement à I'action des inquisiteurs. Eux-mêrnes se char-
gent de I'exécutiou des sentences lendues par les tribunaux
ortlinaires, collformémell[ aux éclits sur la matière.
Émeute des Rivageois. L'éntqutc rlcs lùipa.geofs, c'9st-u-dire la
habitants des
- borcls cle h llcuse et particulièremcnt des
révolte cles
commull..lutés cl'r\r't'oi, Irragnéo, SclcsSitl, Tilleur', 0ugrée, Seraing,
Jcmcppe, Flérnalle, ctc., qui se plocluit en tSSl paraît avoir été utt
épisode du mouvcmcrrt réformatcttr occasionnc par lCs agissemcnts
dô I'ofliciril. 0n la réprime dc la façorl la plus rigoureuse : tttt gt'ancl
ruombrc tle rér,oltés sont rnis ir mort et leurs biens confisqués. Iirt
ontre, 900 cl'errtre eur perdent lcur droit de bourgeoisic.
Gérard de Groesbeck (1538-1580). - Cet évôque se 11optre
un adltlinistrateur habile et.iutelligent. Il attache son llom à l{t
réfolnre collnue SouS le nom de rtifot'nr,ation de GroesbCr:À, dOnt
I'objel est de codifier les aucierules coLltumes et de réduire ]es
lenteurs de la procétlure. Très t'espectueLlx des formes judiciaires
et administratives, I'évôque ftrit ert cette circonstallce la clécla-
462 rnsrollru DRS BELGDS RT DB Lnrin crvrllsÀTrotr

ratiorr suivantc : (Jn, Ttrhtce tle Liége ne donne sentenccs que par
ses ju,stices ct ne fuit orclottnoilces qtrc rlu consententeut cles éktts.

Basé sur lcs mæurs et les usages nationaux, le cotle ainsi r'éfonné
tlemenle cn r,igueur dans la principauté jusqu'à la revolutiorr
tle { 789.
Gérartl dc Grocsbcck lloursuit aussi ulcc rigucul lcs heré[iques
rpe Ics sévérités d'Elzird de Il \lirrcli n'ont poinI tlécouragés. Il sc
voit obligé dc ur'rrchcl en pel'soturo contle les villes dc Htsselt,
Stint-Trond, Torrgrcs eI Mitastriclrt oir lcs prt-itcstuts dourinent.
,\_vlnt souuris ces r,illcs, il leul irnpcise cles conditions rrrodérécs.
lliris il en clrassc Ics ministles r'éfomrés.
Neutralité de la principauté.
- Lolsclue la guerre éclate
tlans les Pays-B:rs eutl'e les états généraux et les gouvernenl.s
tle Philippe II, la situation politique de la principauté tlevient
extrômernent tliflïcile. Placé, cl'nnc part, entre ses préférences
naturelles et la lidélité qu'il cloit à I'alliance tle 15{8 e[, tl'autre
part, les sympathies énergicpes tl'nne partie tle ses sujeis pour
les contôtl(rrés, Gérartl de Grocsbeck reste profondément per.-
plexe.
A cenx qui le sollicitent rle prentlre parti, il fait observer rlue
s'allier avcc les ét:rts généraux oLl se rat)ger du côte tles gou-
vcmeul's, c'est également violer les constitutious impériales qui
tléfendent rl'intervenir dans les gr-relres civiles d'un celcle cle
I'empire. llais la véritable causri des hésitations de l'évêr1ue,
c'est qu'il aperçoit clairernent qu'à prentlre parti il expose le
pays à ôtrc tour à tour pillé et ravagé par les tleur belligérauts.
En 1ii76, Gérard etles étlrts de tiége proclanrent donc Ia neu-
tralité dc la principauté, et c'est en vain que Philippe II cherche
par lt suite ù faile rcnouveler le traité tle 1518. tes Liégeois
s'y refuscnt et tlésorunis se renferment tlans une stlicte neu-
tralité.
Ce[tc conduite prudente épargue au pâys de Liége une par.tie des
utalheurs qui accablent llors le leste de la Belgique. Ainsi, la plin-
cipauté liégcoise, toujours entrc I'enclume et le marteau intcr
-
TFllIl's IIIS1'OIIIQLrES. I'Éltl0r)ti lJ0un{}L*I{;s.-Ât:1ntcII. 463
-
sacnt)n et E&r,u,nt, I'cxpression clc I'amllirssaclcur Nigri,
- sui\'ùntniotiifie
rapportée plr lL Lonchirl' en tcmps opportun sit politiclue,
' -
pass'rn[ dc I'ulliancc françiiisc, sous lit mlison dc l]oulgognc, à h
ncutriilité, sous h niaison cl'r\utlichc, dc h neutlalité à I'rlliancc
tléfcnsive ar-cc Charlcs-Qnint 1tr:ritc dc Stirrt-Trolrl {518) pour
rer,enir définitiverlcnt à la neutlrlité, eu {576. Les princes-ér'riques
rlui r'égnèr'cnt au xrr'siùclc et pirrticulièr,eruent dcux d'eutrc eux,
I}'ald dc la Xlarck ct Gcrrrl'd tlc Glocsliecli scrnblcnt, ptl. un gônic
diplomutiquc qui tonail srius rloute Lr lcur éducrtion ecclésiastique,
aloir ntieux sen'i lcs intcilirts politiqucs cle leur's sujcts rluc n'ùuLaient
fait clcrs sotttct'r"ritts luïqucs nroins cxpér'inrcntés ou plus accessibles
anx passions du sièclc. < Dlarcl clc la llarli et Gér'ard de Glocsbcck
portcrtt cles rtonrs qui mér'itcnt, clc prssel'Lr h liostér'itcl. Blarcl rle ll
lkircli fut, sirns contledit, lc lrlus gland princ:e-évùque cle Litige des
tenips modentes, ef c'est, lrec ltison qu'on I'ir suruonnnti le Notger
de h Reniriss'.rncc. >
Mais il irnportc aussi de lendre justicc au peuple liégeois qui, en
ccs tcntps dilliciles, cut le justc sentinrcnt cle ses inlérùts, dc ses
devoirs et dc sir respons'.rbilité. ( Les ntl,ions, a-t-ort rlit, ont, lc sort
qu'ellcs môr'itent. S'il est un peuple qui conrprit sl situltion ru
xvr" sir:r'lc ct se mcintra dignc dc la lilielté, c'est lticn le peuple
liégeois. Instruit pal scs rrnrlheurs et clégoûté prl cettc politique
cl'rvcntules pmtiquéc yllr Ics dém:rgogucs rlu siùcle précédent, il sut
pilrer lurx dangers qui I'assnillirerlt rlc tor-rtes qrarts. Le ticrs-état et
sut'tout lc conseil dc la cité rlonntlrrcnt quclclucfois dcs exemples dc
sagcsse politirluc folt rirlcs a ccttc éporlrre do tloubles (1).
"

TITRI] III
Aspect du pays. Pnopniété fonciène. Villes et campagnes.

Aspect du pays. Lc défriehement cles bois et le desséchemerlt des


-
rrtartis se poursuivent avec ligtreul pcndant lc rr,e et lc xvr. siècle.
À partir de Cliarles-Quint sur{out,, grirce à une plus grarrde irboudance
clc numér'aire, le prix des g'rrins s'ôLlrt'e, par suitc celui des lerros, cc

({) Lcxcuer, ouvrage cité, page 489.

f
484 rrrsrornu DES BBLGES ll' DE LEUn crvrLISATroN

qui active leur mise cu culturc. [,cs gr.andes forùts du midi cle la
Belgique se récluiscnt dc plus en plus. urre bonne partie clu pirys tlc
\Tiics est livrôe i\ lir cultule et ule gr:urdc étendue clc poklcr.s crééc.
Par suitc tle I'existertcc dc tligucs plus solides ct nricus sûr'r'cillécs,
lcs inondations dcr.ienncnt, plus rarcs. licanrnoins, cn .1477, une
.clcrnière gnnde niar'ôe cngloutil, encorc lir partie d'Ostende colllluc
sotts le norn clc uieille uille.
Dcs rnilliers de routes irvee cle très nornbreux callauli sillonncnt nos
contrécs, favorisent I'cssor de I'industric e[ du cornrncrce, et répau-
clent ainsi paltouI la vie et la riclresse.
Le climat esl cntiùremcnt lixé ct ne cliffère plus de celui dont uous
jouissons aujourcl'hui.
Propriété foncière. Longternps, les grandes farnillcs noblcs avlient
-
<létenu, conjointcment avec le clcrgri, uue pirrtie considérrble de lrr
plopriéte l,erritoriale, lcs rînés sculs, cornrtle il a éte clit, héritant clu
manoir et tle la pirrtic la plus importante du clornaine flmilial. Mais,
p'lr suite de I'angncntltion de la liclre.cse publiqLrc, Ic Iuxc et les
l-resoins glrntlissent, ct les lcdg'ances pll'écs aux nolrlcs par lcs
tcnirncicls de leurs terres dcr,iennent insuflisantes pour lcur per-
mettre tle soutenir lcur rang. Ils tornbcnt alols en des emllirrras
ti'argent qui lcs forcent, à r'ccoulil aux usuriers juifs. pour rcutrer en
p'ossession de leurs créirnccs, ccs dernicrs pousserrt leurs débiteurs
à se cléfair'e de leurs tcrrcs en faveur clc boulgcois opulents qui
offrent, de les lchetcr. unc partic de Iir propr.ieté fonciùre plsse ainsi
nux mains de lir richc lloulgeoisie ({) et nombre dc terr.cs nobles
tonbent en lotule (9).
souvent les nobles besogncux commcnceut par vcndr.e leurs
doma.irres sous fornre d'engagère. cette espèce cle leutc cornporte
poul le vcttdcur la faculté de rachctcr sa terre clans uu délai tltiter-
miné. Passé ce temps, I'acquéreur en dcvicnt définitir,emcnt pro-
priéhile, au prix dc ventc.
conditions d'exploitation.
jusque-là suivis - Aux modes tle location des tcrres
liaux rt renûe, champart,, rnéta-vage
lnil it lerme (3), -contrat irux temres duquel le tenaucier - s'ujoutc lc
exploite à

({ ) Yoir Bn.lxlrs, page {33, Iissai uu. Ies classcs nnales.


(2) La r.oturc est I'état tle toute llersonne nou noble.
(3) Il importe cepenrlant de t'emarquer que les tlifl'érentes formes de eontrat
esistèrent un peu à toufes les époques. 0n'renco_ntre Ie méta1-age en Ilelgique
dès le xrre siècle, les baux à fernre tlès le xlue. Le rnél,ayage jr'ivait pas"com-
plètenrent disparu de notre pays ir la tin du siècle derniei.. -
TE]IPS HIS1ORIQUT]S. _PÉRIODE BOURGI.JIGN.-AUTRICH. 467

ses risques et périls, mais err toute indépentlance, les terres d'un
propriétaire pcndant un temps donné et moyennant un prix de
Iocation corlvenu. C'est lc contrrrt usité dans I'iigliculture émancipée.
Le soin apporté à la rédaction des baux à cette époque atteste la
préoccupation chez les propriétaircs d'accroître la valeur de leurs
ten'es. 0n y voit stipuler le nombrc et la valeur des bestiaux à tenir
par le fermier; la quantité de fumier ou de marne à rnettre sur les
terres; les soins i\ donner aux plantations, aux fossés, aux rigoles, aux
cours d'eau I I'obligation de jachères périodiques eI de certtins défri-
chenrents; celle pour le felmier sortant de laisser libre le tiers des
terres de I'exploitation,, en sorte que le nouvol occupant y puisse
faire lcs semailles indispensablos ; d'abandonner a\ son successeur le
tiers de la paille récoltée ct du furnier recueilli, etc. Mais le fermier
sor[ant doit être indemnisé du domrnage que ces stipulations peuvent
lui occlsionner.
Les baux sont ordirtailcmcnt de trois, six, neuf, douze,dix-hui[ ans:
trois, terme de la rotation; neu,l', celui cles grantles fumures; douae,
celui cle I'emploi de la lnrrne en celtaines terres. Parfois, on
rencontrc des birux de trente rns, reuouvelés tous les dix ans.
Il existe aussi des baux empÀytéotiqu.æ, c'esfà-dile r\ très long
terme pouvant atteindle 99 ans. Alors le locataire peut bâtir, plauter,
aménager les terrains et prolitcr de scs travaux.
Il alrive qu'on stipule Ie paiernent à I'avance (r'oorhuur) d'une
partie du fermage dri par le nouveau fermier. C'est' une garantie de
paiement pour le propr'ietrire. Il en trouve une autre dans le droit
qui lui est reconnu de saisir lc mobilier du locrrtaile en retard de
prienrent.
L'ancien clroit féodalgarantissant I'hélédité a disparu, mais I'nsage
maintient ce droit et I'on voit parfois.se succédcr dans la même
ferme de nombreuses génrlratious rl'une même famille.
Outre Ie paiement du ccns (l) ou fermage, le propriétaire d'une
ferme stipule souvent dans le bail diverses redevances ou prestations
en nature (jambons, poules, canarcls, oies, légumes, b.eurre et fro-
rnage); certaines corvées à faire par les attelages du censierl enfirt,
I'usrge d'une ou de plusieurs chambres de maîtres drns lir ferme.
Les villes. Les villes sont nombreuses. De hautes et épaisses
-
murailles, renforcées en cel'tains endroits pal' cles tours, les

({) D'oir esl, venu le terme censier.


Y. llirguet - Histoire des Belses.
460 ilISTOINE DES BELt;tsS ET DR LEUR CITII,ISÀTION

tléfendent. Quelques lourdcs portes à pont-lcris, ordinaircmcnt


placées entre deux tours, donnent rccès daus la ville. Les jouls tlr,
mirrché, uue foule de pa.vsans et de citadins, aux vùtemertts bariolés
de couleurs éclatautes, s'y presse, affairée.
Ici sont les quartiers populrrircs. 0n n'y rertcorttrre que de clrétircs
habitations en bois ou en tor"clris, basses tl'étrrge et couvel'tcs t-lc
chaumc malgré les tléfenses du magis[rat. Àussi les incendics
y sonl,-ils fréquents et terriblt-.s. l[ênte les rnaisons des boulgeois
aisés sont encofe fr'équemmeut couvertes de chaume. Cepenclaut lir
partie inférieure de ces habitations, jusqu'an premicr étrge, est geinc-
lalement de pierre, taudis que lc reste est fait d'un assemblage de
poutres, de traverscs de bois crt, de briques. Presque toutcs sont
tapissées de vignes. Les volcts dc bois sont remplacés par tlcs fetrfr
trcs à petits cal'retux cle teinte opaque,, mainl,euus cntre dcs llncs
dc plornb. Àutre progrès : lir plupalt rles ullisons sont niunies de
cheminées
Il existe certairts quartiels alistocratiques : lir, oll lcmirrque des
demeures tout en pierre et courertes d'ardoises. Iillcs possriclent dcs
ponts-levis et rcsseurblent à des chirteaux-forts. Ce sont les stecnen ir
hauts pignons.
Sur lcs plaees publique.s s'élèvertt leb hùtels de villc âlrli
propor'tions souvenl grandioses et dont les toits ardoisés tranchent
sur les toits de cltautne de la plupalt des naisons voisiucs. La flt.rchc
du beffroi, celle dcs tours et des nombreuscs églises. achèrent rlcr
donnel aux villes du xvu et du xvr" siècle un cachet de r"ariété pitto-
resque. Au moins de loirt, car de prùs, on s'aper1:oit vitc quc les lois
rle la proprcté et dc I'h1'giène sont constanrrneut nréconnues. Lcs
eaux sales courent ou stagncnt u ciel ouvert : les tlétritus de touto
espècc sont simplemertt je,tés ir la r-oilie plr les rnénago'es; et,
pendant la nuit, les porcs qui vitguent en liberté tlans les rues sont
seuls i\ faile lc service public tlu balayage. Eulin, I'exiguiti: dcs
tppartements, c[ la rnalpropreté qui y règne, tranfornrent les inlc-
rieurs ouvligrs en réritables fo,vers de pestilence.
La population de certaines lillcs est eonsidér'ablc, lnucoulr
nroindre toutefois qu'on ne I'a cru longtcmps. Ainsi eelle de la rilk:
tl'Ypres, p'ar exenlple, n'aurrit, jamais clépassé 48,000 inclividus, r'
conpris la population ouvrièr'e, étal"rlic cntre lir prcmir)rc et, lir
seconcle enccintc.
Les campagnes. Bien que les bois, les miimis ct lcs lanclcs stér'ilcs
-
disparaissent de plus cn plus du sol belgc, I'aisi.rr.rcc ct le bieu-ûtrr,r
TIIT{'S IIISTONIQUES. _I'ÉNIODE ÙOUNGUIGN..ÀUTRICII. 487

ne sc répandent pas dans les cantpagilcs au mùmc degré que cliius les
villes. La fréquence et Il violencc des guen"cs cit'ilcs les appauvris-
sent sans cessc ct, à certaiues époques, lcs clépeuplen[ en gt'attde
paltie.
plus de progrùs n
Baces.
- Quant à Ia fusion des mces, elle u'a
faire clcpuis l'ôpoque comruunale. L'illflucncc des Bourguignons et
des Allcmauds en notre ptrys parait avoir été insiguifiante au point
de vuc ctliuoglaphique.

TITRE IV

I nstitutions pqlitiq ues.

Voici I'organisation politique donnée aux Pays-Bas pâr


Char'les-Quint lors de sou départ pour I'Espagrte, en {53{' :
Gouvernement central. Il se compose des fouctionnaircs
-
ou des institutions suivautes :
{.o Lp souvrnÀIN. Son pouvoir est rrstreint et déterrnirté par
les constitntions nationrles qu'à son inauguratiou il jur:e de
respecter. Le gouveruement du pays est dont: ulle mouarchie
r tempérée.
9" Lr: GouvFIRNEUR cÉrcÉn.u.. D'ordinaire, il est choisi parmi
les princes ou les princesses tlu sang et jouit d'attributions
souveraines. Cepentlant il est tenu tle prentlre I'avis des conseils
collatéraux tlirns les circonstances importantes, et même, dans
les cas d'uue grlvité exceptionnelle, d'eu r'éférer à I'eulpereur.
3o Lns coNSEIr,s cot,l,rrÉ:nlus ({.); IVlalgré ses allules autori-
taires, 0harles-Quint respecte jusqtfà uu certain point -- tant
qu'elles ne le gènent pas trop - les instittttions du pays, les
rilargit, les fortifie. C'est ainsi qu'on lui tloit I'iustitution des
conse.ils colluttiratm qui rernplissent à peu près le r'ôle des
ministères dans les pays constitutionnels. Ils sont au uombre dc

(.1) Ainsi nonrmés parce r1u'ils exercent une action parallèle, ou pâr allusion
à leur position auprès du souver:ain. (llrlilrn, II, 209).
408 iilst0tnn DEs BnLcES Et'DE tEUn cluLIsÀTIoN

trois et, avec le gouverneur général, cottstituent I'administration


centrale. tent'S membres, nommés par le souverain, jouissent
tlu privilège de I'inamovibilité. 0n tlistingue :
a) Le conseil d'Etat, compl'enartt les présitlents tles autt'es
conseils, ceux tles cours souveraines de justice, quelques
anciens chefs des fiuances €t, plus tarrJ, I'arcltevêque de
Illalines. Le gouverneur peut en outre y appelet les chevaliers
tlc la Toisou d'or, les membles des atttres conseils et les
évèques, mais à titre consultatif.
Ce conseil traite toutes les grandes affaires intérieures tl'intérêt
général. Les questions tle paix, tle guerre et les relations avec
les puissances lui sont aussi réservées. De plus, a la il
nomination tles hauts dignitaires civils ou ecclésiastiques. Le
couseil d'Btat cofrespontl douc à deux tle nos mittistères : la
grrerre et les afiuires étrumgères, et même, dtt moitts pour une
part, à un troisiè me, l'intcr"ieu,i'.
ô) Le corceilytriaé est particulièrernent conrposé de pelsonnes
appartcnant à la noblesse de robe. Il veille surtout att maitttieu
de I'intégrité tle I'autorité souveraitre. Dans ses attributions se
trouvent la justice, la police, la préparation et I'interprétatiou
des lois. Son chef et président garde le sceau tles Pays-Bas.
Ainsi, le conseil plivé cofrespond au département actuel tle la
jnstice, et, sotts certains rapports, à celui tJe I'irt'tëriew.
c) Lè conseil des finances admi[istre les finances et tlonnc
I'inrpulsioll aux Co'J.rS des cOntptes. C'est nott'e ministt)re tles
fittwrces.
4o Lrs ÉTArs cÉxÉn.lux, formés de délégués tles états provill-
cianx. RéuniS sur collYgcatiol du souvet'ain, ils ne tiennent
pas tles sessions régulières, cgmme le font aujourtl'hui nos
charnbr.es, bien que ce droit ait dté inscrit dans le gtutd Priui'
Ittge de Marie de Borrrgogne ({).

({) Il arriva cependant que les élats généiaux se réunirent de leur propre
iniiiâtive ; mais cô fait fut ôonsidéré comme un acte révolutionnaire.
TEMPS HrST0nroUES. pÉnr0DE B0UnGUIGN.-ÀuTRrCrr. 469
-
Les états généraux sont ordinairement appelés : {.o en cas
tl'avènement au trône ou tl'alldication ; 2o en cas tle déclar.ation
de guerre; 3o lorsqu'il s'agit tl'établir un uouvel irnpôt.
Procédure parlementaire. Après avoir ententlu les propo-
sitions du gouvernement,
-
les membres des états généraux
peuvent exprirner leur avis, rnais il n'y a pas lieu à vote de
leur part.
Avaut d'émettre un vote, ils se retirent pour aller cousultel
leurs commettants. Ils reviennent ensuite avec un madat
intpératif. Chaque province est liée par son vote seulement.
Ainsi elle u'est pas astreinte à payer Ies irnpôts non consentis
par ses rnandataires, lors rnêrrte que toutes les autres provinces
les ont votés. C'est que chaque province reste un état iudépendant.
Les membres des états généraux ne peuvent êl,re iuquiétés à
I'occasion de leurs discours ou tle leurs votes.
Gouvernement provincial. Le gonvernement provincial
comprentl :
-
{o Ln GouvERNEUn. II y a, à la tête tle chaque province, un
Iieutenant drr gouvemeur général qui s'appelle, suivant les
lieux, c apitaine g ti rtû' aI, statll rc uder, I ieutenatû-q aua ern,ew' ou
sirnplenrer'û gouuernetn". ll présitle les états provinciaux et les
conseils provinciaux tle justice, cornmande les milices et jouit
tl'autres pouvoirs étendus ainsi que du privilôge de I'inamovi-
bilité.
2o Lns rlrurs pnovrNcrAux. IIs comprennent généralement
les tlélégués des trois ordres : le clergti ou etat qtr''imaire; Ia
noblesse ot tltut n'obte et la bourgeoisie oa tiers état. Parfois
la noblesse (à Malines ct à Tourn:ri), et le clergé (dans ces cleux
seigireuries et en Gueltlre) sont exclus tles états provinciaux.
Les rnembres tles états ne sont pas élus. La qualité de tléputé
est attachée, lautôt à quelque tlegré de noblesse, tantôl à cer-
taines dignités ecclésiastiques ou civiles. Par exemple, ull
noble, pour faire partie des états, doit prouyer un nombre
410 ursrornr DES BEtcES ET Dn LEUn crvrllsllroN

tletmmilé tle quartiets (l) de noblesse (4, 6, I suivant


lcs lieux), posséder uue telre ri trois justices et des biens
ti'urle certaine étentlue. Les évêques, les abbés de quelques
couvents, certains tlignitaires des chapitles enfont partie tle tlroit.
Lc tiers état est représenté prr les bourgmestres, par tout ou
paltic tles échevins, par tout ou partie du corrseil tles jurés,
rluclquefois par les doyens dcs rnétiers tles chefs-villes ; enfin,
plr les boulgmestles cles petites villes. A Mrlines et à Tournti,
c'cst le magistrat clui formc la représcntation provinciale.
Les états plovinciaux sont assistés tl'un corrseiller pensiort-
nuire, ou greffier', rl'nu receueu,r (fonctionnaire supprirné aujour-
d'hrri) et tl'une comntission Tterntunente.
Comme les états gr:néraur, les états provinciatrx sont
convoqués par le sonvclain; leuts sessions non plus ne sont
pas légalerneut régulières. Il y eu a tantôt une, tantôl deux au
coru's de I'année et chacune tlnre huit ou quiuze jours. Lcrs états
tlélibèr'ent sur les affailes d'intérêt provincial. Toutefois, ils
sont consultés aussi lor:squ'il s'agit d'étalilir des lois cl'intér.êt
général. Ils ont lc droit de pétition et celui tle remontrance,
qr.r'ils appuient an besoin dn refus tle I'irnpôt. Mais leur rôle
cst surtout finmcier. Ils votent les imprits, les répartissent et
les perçoivent. Chacuu tles rnembres dcs états provinciaux jouit
aussi tle I'imrnunité pallementrire, c'est-à-tlire qrie sa persollne
est inviolable clans I'exercice de son mandat.
Procicltu' Chacun tles oldles délibère sôpar'érnent et il
faut le consentement dc tous ies trois pour ernporter le votc. De
lri, la formule : un,ctut, deuæ ctnts, poirtt cl'etut; trois ctats, tut
cfal. Toutefois, en Hainaut, le vole est acquis si la majorité des
membres rôuuis tles différents ordres opine a{lirrnativemart, cc
cpi assule la prépondér'ance au tiers état.

({) 0u généralions. Quartiers, ainsi nommés de la divisiou adoplée sur les


armoiries. Ils comprenneut les ascendants paterncls eI maternels.
Tri]rPS HIS'l'0nIoriES,- PÉRI0IIE B0UnGUIGN.-AUTRICII. 471'

Le clergô ct la noblesse votent tlilectement. Le tiers en réfère


lrr magistlat de sa commune.
3o Lr colulsslor( pRovrNCIÀLE I'llRlIANExrn. Les états provin-
cimx choisissent tlans leur sein une commission permaneute
chalgée tlc I'expétlition joumalière des affait'cs.
Administration locale. Trois pouvoirs se font contre-
-
poids derns les glantles communes, savoir :

Lo LE B.\ILLI, ÉcoutÈrn, r\lI^\I.,\N, u.tïrun, etc., agent du


pouvoir ccntral.
9o tr,u ïnlrluNtL DES Écrtsvttis oùr dornine ortlinairemelt la
hrrrte liourgeoisie : poorte?".t en Flandre, gens d,es lignages en
Brabant, gruntls citnins à L,iége. Les grands n'ont plus le privi-
lùgc exclLrsif de I'échevinat. mais ils continuent à y dominer,
gr:ice :i ]cul instruction, :i leurs lichesses et à ler"rr influence.
Les écherins sont tlélégués aux étrts; ils jugent leurs conci-
lovens en plentière instluce, arr civil et au criminel, et, en
appcl, les justiciables des communes plus petites placées sotts
lcul julidiction. Ils adrninistlent les lirtances tle la ville, répar-
tissent, et font rentrer les impôts. Par suite, ils disposent de
ressourtes considértbles dans lesquelles otr les accuse souveut
tle puiser pour leurs prcpres besoins.
3o Lu lBUpLr. représenté dans les conseils tle la commulle
par les chefs des corporations, doyens ott gouYerneurs et jurés.
L'in{luencc dc ccux-ci reste considérable et s'attache à contt'e'
balancer celle rles éclrevins et du bailli.
Lcs princes rle la tnaisotr de Bourgogne et d'Autriche inter-
vicnnent peu dans I'adrninistration intérieurc des communes.
Cepentlant, ils ne permettent plus I'établissement de nouveaux
irnpôts qommultaux sâlls lettr conseutemeut et ils font inspectel
les conrptes tles commdues pal leuls délégués.

Classes sociales.
- Lo Le souuer"ain,. Nous I'at'ons dit ci-dessus, le
lronvoir des souveraitts. ctt Belgique était cléterminé de far"rou à fait'e
rlc lcur goutcrnement unc nonat'cltie tempér'ée. Lors de son sernen[
&72 HISTOIRE DES BELGES ET Db LEUR cIvILISÀTION

inaugural, Ie souverain jurait < d'ètre bon ct tidèle prince et adririnis-


trateur; de ne faire, ni de permer,tre qu'il fùt fait aux habitants
aucune force ni aucune violence; de les régir selon droit, et justice
l
db-gouverner tous et chacun sujets des viiles, villages, franclrises en
corps et biens, par justice ct sentence, selon lcs s[atuts, coutunes
ct droits du pays; de garder à tous, tux prélal,s, prôtres, nolrlês,
villes, franchiscs, r'illlges et, sujcts, tous leurs clroits, privilèges,
franchises, traités, ordonnances, statuts, coutumes et observallces
dont ils jouissent, en général et en partieulier > (l).
2o La noblesse.
- Réduite à I'impuissûnco par les communes, ellc
se toulne vers les souverains et désormais vit, à leur cour. Ayant,
voulu, sous Philippe le Bon, imitcr le luxe de ce prince, elle se r.uiue.
<, Les dépenses qu'entrainaient lcs fètes ct, les plaisirs rnis
à la mocle
par Ia cour des ducs, entamaieut i) la longuc le pal,rimoine cle la
noblesse. Les toulnois et la chasse surtout étaicnt une crruse de
ruine : dcs armures resplendissantes dc clorures e[ même encbâssées
de pierreries ornaient la grande salle du château; les écuries étaient,
remplies de chevaux de prix; on entendait jrpper dans les basses-
cours des meutes de gros dogues noirs de saint-Hubert,. La dissolution
dont Philippe le Bon donnait I'e.xemple, ébranlait à son tour la for-
tune des noblcs (9). >
Dès lors, la noblessc tombe daus la dépendance du chef dc l'État.
charles le Téméraire, qui Ia nréprise et |accable cl'affronts, en est
abandonné. A partir de ee momerlt, elle se tient, isolée, mécontentc
ct frondeusc. challcs-Quinl, la l,rouvant rrunritiée et amoindrie, ne
voit plus, dans ses mernbres, des vrssaux, nais des courtisans. ceux
qui se'montrent, tels, il les favorisc ct récompcnsc lcrrr scn'ilité en
les nommant à toutes lcs hautes clrarges. Désormais Ia noblesse n'est
plus rien par elle-rnilme; elle tire son importance dcs attributions et
des avantages attachés aux charges qu'elle occupe. Lc régirne féodal
est bien lini.
sous les princes bourguignons et autrichiens, la noblessc ancienne,
dont les titres avaient pout origine la force, s'accroît de r)ouvea_ix
éléments. Philippe le Beau et, charles-Quint confèrent souvent la
noblesse à des négoeiants enrichis. ceux-ci rclrètent alors quelque

(l) Ç". Frmrn. PetriaBelgica, p. SBt, tt.


(9) P.lul FnÉnnnrcq, Esso,i sur le- rôle politiquc et social tlec d.ucs de Bour
gogne dans let Pays-Bas,
TEIIPS NISTORIQUES. PÉNIODE BOURGUIGN..AUI'RICII. 473
-
seigneurie dont le propriél,ailc est ruiné, puis, saus vergognc,
joignent le titrc à la propriétô.
Fréquemmcnt, aussi les souverains des Pirys-Bas accordent des
cliplômcs nobiliaires à dcs mrgistrats. D'lilleurs, lir charge de con-
seiller ou membre dcs conseils provinciaux de justice confère la
noblesse. Âinsi prend naissance la noblesse de rolle. Tous, nobles
anciens, magistrats ou boulgeois anoblis, sont exempts de la plupart
dcs impôts.
L'ordrs de la Toison d'Or. Philippe le Bon foutlc I'ordre de la
-
Tofson d' Or , ainsi nornmé dc la toison cl'or suspertdue au collier dont
chacun des mcmbres de I'ordre est llorteur ( { ). tes chevaliers de ll
Toisou d'0r jouissent de privilèges considérables, parrni lesquels
cclui d'ôtre jugés par le chapitre dc I'ordre. Au nombre de tlente et
un seulement, ils sont choisis clans lti plus haute uoblesse. En général,
on prend parmi eux les gouverncurs des plovirtces, comme les chefs
d'armée. Leur costnme consiste cn url grancl mantetu de couleul
écarlate ct un chapeiru de la môme teintc.
3o f.e clergé.
- Les comnunes rvaient enlevé aux clercs plus d'un
privilègc important et ellcs seurblaient disposécs à continuer daus lu
nômevoie. Dans ces conditions, le clergé voit avantage à se tourner
du côté des souveraius qui, par politique, hli vieunent en aide pour
soutenii ses privilèges contr"e les corttmuncs. C'cst aittsi qu'après le
sirc dc Liége, Charles le Témeraire I'affranchit tles pr'étentions com'
munales sur les biens ccclésiastiques.
D'autre part, les tribunaux des ducs devant,lcsqucls lc clctrgé porte
volontiers ses contestations avec lcs comrnunos, lui donttent aussi
gain de c'ause à pcu 1tr'ès invarialllcnrent. Les ricltesses clu clergé
contiuuent donc à augmenter. Err Flandre seulement, il possède
au-delà de ccnt abbal'es inrmcnsémcnt liches, surtout en bicns-foncls.
lllais en môme tcmps, les abus se multiplient thns son sein. < Et ce
n'est pas seulement dans les cout'ents que règnenû < la diffamatiott
rnluvaise, 'la dlmnée et dissolue vie. Quoique obligé d'ùtrc plus
pur, étant plus en évidcnce, lc clclgé sôculier eède lui-mÔme à ces
entraînemcnts (2). > Lit sirnouic va jusqu't\ la verrte publique des

( { ) Certains hislor.iens ont voulu voir en cel te création tle Pltilippe le symbole
de Ia richesse des Flandres basée sur I'induslrie de la laine. Itais il semble
quo la galanterie n'y soit pas demeurée étrangère.
(2) Heurin, Ilistoire de Chailes-Quittt,lome ll, p. 4&2,
47 4 Hrsrolnc DES IIELcES ET DE LEUn crvtusÀTloN

indulgences. Une réaction étrrit fatale à la longue: Iorsqu'elle sc


lrrodtrit, elle donnc naissance ilr, réforme.
Outre I'irnnrunité de I'irnpôt et du service militaire, le clergé per-
t'oit la clime, et ses biens, réputés appartenir lr Dieu, sont inaliéna-
hlcs. li'étant januis hérités, jantais ils ne payent de droil,s de succes.
siorr. Poul ce motif, on leur clortrtc le nom rle lt'iens de muinntorte.
L'lcccpt,ion cle ce not est doltc ici sertsiblement di{férente dc celle
r1u'il nvirit, t l'époquc de lLr féodtlité, ct il est, irnporttnI de lc con-
sl,irtcr.
Lc clcrgé possède aussi ses tribunrux chargés de juger lcs clercs
c[ nôme les llïcs tlarts les a{faircs tl'hérésie, db mæurs, cle mrriagc
of de tcstamcnt. Hn rnrtiùr'c d'hérésie. ccs tribLuraux jugent surs
irppel.Unlin, I'excommunicatiort et I'iutertlit, restent entre les miiins
rlu clergei une alme tenible coutrc les indivitlus ou les populations
rlui lui résistcnt.
La puissirnce et les richesses du clergé conl,inuent ir inspirer dcs
inquiétudcs aux plinces séculiers. < Hn Belgique, dit l[. Hcnne. dans
son Histoit"c rlc ln Belgique sou,s Charles-Qu.ittl, un rirpport de Margue-
r ite d'.\utrichc Iui attribuait près de la juste moitié du fonds et pro-
pliété dc lir telle. > Des rnesurcs sont prises par clivers ducs de
[]ourg^ogno et ptr Challcs-Quiut pour nlentil I'irccroissemcnt de la
I'or"tunc ccclésiiistique. I)ès {396, Philippe le Hardi rrait fait appli-
rluer I'rntoltissernent aux bicns du clcrgÉ. Hn ,1451, Philippe le Bon
rlclfcnd lux nrainmortcs < de deltors on dedans lc pa1,s, d'ircquér'ir des
lriens immeublcs >. Chrrlcs le Ténrêraire exigc une contribution du
clergé crt échange tlc ses intnrunités en matièrc d'inrpôts. Charles'
{Juint lc forcc clc mirrne plusicurs fois a pa}'er d'importants sLrbsides.
Sou ôdit pelpétuel., pilru elr tJ90, enlèr'eaux mirinmortes lir crpacité
tl'rrcquérir tlesbicns-fonds, à titre glatuit, srus autorisation préllable
tlu gouvcmement. Le mèrne décret ajoute : < Dorénavant, personnc,
qucllc qu'elle soit, ne ponl't'a firire cronstruire, foncler, ériger ni doter
rlc nouvelles églises, clrirpellcs, tle nouvcrux collèges, tloitres ou
cou\:cnts, sr-rus peine de les voir dénrolir, llrisel et mettre a néant. >
L'irctluisilion des bicns pirr voie de successiort rtc peu[ ètle faite par
lcs uririnmortc.s, ntême tycc I'iiutorisiitiou du souvemin. Lcs lliens
irctluis dc lir sortc cloivent être r,endus et lc plix de la vente pcut seul
r)tle lctcnu. Ces utcsures onl, pour pt'incipal mobile, d'crnpêcher la
grosse pirr:tie de la for'trrne publique cl'échappcr a I'impôt.
;Iu surlrlus, Chrrles-Quint, qui cherche à se'faire du clcrgé un
instlumcut cle clomiiration, n'cst nullemeut disposé ir se sounet,trc
I'IJ}IPS HISTORIQUES. PÉRIODE I'OURGTIGIi.-AUTRICH. 4iiJ
-
ir Iui. Lcs évôc1ues belges ne peuvent recevoir I'investiture épiscopalc
qu'lprès avoir été agréés par le gouverrnnent. Àvant cle publier lcs
bullcs du papc ou leurs rnandements, ils sont tenus de lcs soumettle
lu eonsc'il prir'é.
Clialles-Quint ertlève encore au clergé le droit d'asile. II lui con-
teste aussi sa compétence julidiquc ct la réduit. Flnfin llliu'ie dc
Ïlongrio s'irlrète un instant a l'idée tl'enrôler les moincs.
La bourgeoisie et le peuple.
- Dans les carnpirglcs, lir situation clu
pcuplc s'est notammeut anclior'ée; Iir différ'ence entre la r:ondition
tles villagcois et celle cles cito.vens ulbuins tend à s'affaiblir. Satts
tlontc, lc clergé perçoit toujours la tlime sur les campagrrirrds et, les
seigrcurs n'ont point tout, it fait perdu leurs clroits aux tailles et aux
r.on'ées. llais l'étenclue dcs uncs et clcs aulres est exactement déter-
rninée r-.t ne clépend plus de I'arbitlaile. C'cst là un grtnd progrès.
Àu sein des états plovincitrux ct des étirts gdtnéraux, lc ticrrs,
forrné r.le membrcs qui représentent i\ la fois Ia bourgeoisie et lc
peuplc. constituc unc forcc dont les gonlernants ont désormais i\
tenir compte.

TITRT] V

I nstitutions j ud iciaines.

Droit des gens. -. Plus civilisées, mais aussi plus faibles que les
potentlts dltllemagne, cl'AnglctL-n'c, de Franee et d'Espagne, les
répul-rliqucs italicnnes s'attachent les prcmit)rres i\ introduire darns les
lllæurs et :\ fairc acceliter prr I'csprit public quclques-uus tles prirt-
cipes cssenticls du droit dcs gens. Dt)s le xvre siècle, Yenise accrédite
clcs :.rmlrassrdeurs auprès des cours étlangères, cr'éirrtt ainsi la diplo-
mltie, c'cst-à-dire la science rlc triritcr ilu nom des nations. Lcs
prcnicls umbassirdcurs sont des ageuts temporrires ({ ).
An tront du droit des gens, on traque et on cxtcl'mine les piratcs
de la I;risâ et de h Gueklre. C'cst au uom des urômcs principes quc
Clr:rrlcs-(.!uint organisc ulie expérlition contre les corsailes d'Âlger ct
qu'il déclirre uulle toutc convention rrf irnt pour objet la verrtc clcs

('l) De cette époque dale égalcment I'idée d'établir Ie fameux équililtre euro'
ptten rlonl le but est d'empôcher une puissance quelconque de devenir assez
forte lrcur nenacer l'intlépentlance des autres.
476 UIS'I'oIRE DES RELcES ET DE tEUn cIvItIs,\TIoN

épaves. Celles-ci tloivertt être rcnclues i\ leur propriétaire. 0n traite


cn pirate quiconque s'eu enlrare.
Les guerres prir'ées se coutiuuent jusque dans les temps motlet'nes.
Plus d'une fois encore, Charles-Quint, Philippe II e[ même d'autres
princes après eux, sortt contraiuts de rappelcr lcurs sujets à I'obser-
r.arlce des trèr'es. Ccpendartt lc plincipe que uul tte peut se faire
justice, nul rte portvrtrtt être à la fois jugc et partie parce que per-
sonne n'est bon juge en sa propre cause, devient peu à peu un
axiome du droit nouveâu.
0roit pulrlic. L'esprit palticulariste, si profondérncnt enraciné
-
dans nos populations, neutralisa toujours les efforts tentés cn I'ue de
leur donner une législation uniforttte. Ccpendant Cltarles-Quittt
décide que dans tous lcs cas douteux les jugcs recourront au droit
romain sur lequel on base toutes lcs lois nouvelles. Sous son t'ègne
naît le ùoi| édictal, e'est-à-dire un cnsemble de décrets, plaeards.
ordonnances, etc., dont, les prescriptions s'appliquent rr tous les
gcrlres de crinres et de délits et sont obligatoires dans tout le pays.
Placards. Ce sont dcs espc\ees d'afiicltes par lesquellcs les pott'
-
loirs publics portent lcs lois et décrets à h eonnaissarlcc du peuple.
nlais le nom dc placards cst particulièremcut rttribué aux édits
religieux. Lcs placards de Charles-Quint contre les protestattts sont
demeurés célèbres.

Tribunaux publics. Sous les princes des maisons de


Bourgogne et d'Aulriche, il existe trois degr'és dans les tribu-
naux publics.
A. Lns rRrnuNi\ux INFÉRIEURS constitués par les échevinages
tles communes. Il y a lieu de distinguer entre eux les éche-
vinages des grandes et les échevinages des petites localités.
Non seulement les échevins des grandes commuues rcndent
la justice au civil et au criminel dans la ville et sa baulieue,
rnais ils jugent encore en appel les seutcnces des échevins des
petites villes et autres commulles moins inrportrntes tlu tlistrict.
Dans ces tribunaux, le souverain est repr'ésenté par un magis-
trat dont il se r'éserve la nomination. Ce magistrrt, nruieul',
bailli, drossard, écoutète, etc., prend I'initiative des
,û'nlnt&n,
poursuites et exerce auprès du tribunal les fonctions de rninis-
.l,Ellps lilsT0nl0ukls. B0UnGUIGN.-ÀU'I'RICU. 471
-prÛRrODE
tèrre public. Suivant les cas, les tribunaux inférieurs corres-
pondent à nos justices de paix, à nos tribunaux civils ou mêtne
à nos cours d'assises.
Dans les petites villes, Ies échevins cumulent les fonctions
tle juge, tle notaire et tle rnagistrat communal. Souvent,-
ils sont ignorants et vénaux. Pat'fois, sur lerrr lequête, le juge
tl'un tribunal srrpérieur lettt' envoie tles jugernents tout faits-
D'ortlinaire, les jours de séance soltt pour eux des jours tle'
rr r.ipaille l, et Charles-Quint doit leur eljoindre tle tenir leurs
séances avant le diner.
Ces échevinages relèvent de ceux fies cftcp-uilles, tlits c/tefs'
tle sens.
B. Lrs coxsnlls pnovlNclAus DE J1jSTICE (dits aussi de robe
longue). Les légistes arrivés en uotre pays à la suite des
princes bourguignùns étaient imbus tles principes du droit
romain et tlu dloit canonique. Ils conseillent à ces princes tl'ap-
pliquer à I'ordre judiciaire les tendances centralisatrices si
énergiquement affïrmées pal eux sur le lerrain politique. De là
I'institution, en chacune des principautés belges, d'urt conseil'
prouirtcial de justice auquel devaieut ressortir tous les autres'
tribunaux, même les échevinages tles grantles comnrunes, à qui
on n'avait jamais contesté jusque-là leur droit tle juger souve--
rainement, c'est-à-dire en dernier ressort et sans appel'
Les mcnbres des conseils pror,inciaux sont inarnoviblcs et cltoisis
par le Souyeraiu sur' uns liste de présentation triple. Cette liste de
présentation ue peut porter quc des lloms d'hommes de loi choisis'
pirr Ie conseil.
Non seulement les conseils provinciirus jugenb les cas d'appel,
mais ettcore les actes des ofiiciers du priuce ainsi que les ct'imes ct
les clelits politiques gràïes.Ils corresportdent, d'une prrt, à nos coufs
rl'appel, d'autre part, à nos coul,s cl'irssises, avec Ie jury en moins.
Le pLincipc dc la séparirtion des pouvoit's tt'est pùs encore entré
dans lôs esprits. Ainsi, outre leurs attributions ordinaires,lcs conseils
provinciaux de justice possèclent dcs attributions politiques et admi-
iristratives. Ils ont, par exeùlple, la charge dC réformcr cn cas dc
!'78 rnsïouln DEs BELcEs lrr DB LEUn crvrlrsATroN

llesoin lcs règlernents communâur et exercent lc dr,oit de rernon-


trlnee iru prirrce.
l.,n rvocal. {iscal, ulr pfocureur grinér.al et un ou dcus suJrstituts
rcpréscnteut, dans ces conscils, lc pouvoir centrnl.
Les nombreux abus reprochés aux tlibunaux <ies icher-ins favo-
risent l'établissement des couscils plotinciaux de justiec.

c. Ln cn,rsn coNSErL nn lvlurnns ({). celui-ci centralise


-
I'administration de Ia justice en ressort suprême, et, :i certains
égartls, correspontl à notre cour de cassation. Tous les conseils
de justicenon souverains (2): ceux tle Flandr"e, tle Namur,
de Hollande, d'Utrecht, de Tournai, etc., ressortissent ri ce
grand conseil. Il juge aussi les princes du sang et les gouvel,-
lieurs tles provinces.
Toutes ecs réformcs onf pour but ostensiblc : {o d'affr.:ruehir. Ies
tribunaux indigènes de la juridiction étrlngèrc; gn de faire succécler
iru clraos et aux abus occasionnés prr la rnultiplicité des trilrulaux et
des coutumos, ul)e juridiction uniforme, nroins coriteuse et, plus
riquitlble. Raisons a coup siir exccllcntcs, bien qu'en r'éalité les
souverains songeassent plulôt a réduire les libertés puhliqrres ct
I'i'rutonomie dcs grandes communes. Le despotisme sait mrlheureu-
scmeut firusser I'esprit des meilleules institutions et les donner pour
rrppui à ses tlesseins oppresscul's. Pressentant le dirnger, les Belgcs
font rux nouvelles créations judiciaires urre rigoul.eusc ct longue
opposition.
Tribunaux privés.
- La noblesse et le clergè conservenl
leurs tribunaux , les cout s ftiodales et les ollicialitris.
I'es cou,rs fëod.ales sont constituées par les vass{rlrx tln sei-
gneur et présidées par lui-même ou par son reiirésentant, le

-_
(:t) l,e grand Privilège 9e Marie de Bourgogne supprimale parlement de
llalines, créé en 1473 par tharles le Témérairé èt te grâna conèeil arlminis-
tralif rjes ducs de Bourgogne. Il établit un-nouveau [rantl conseil, organisé
sous I'influence des
ltlts générau1.,M_a]s philippe Ieleau r.établit re "g.rariù
rronseil de Malines Ie 22 ianvier {504. (L" ilroid cottseil rutbulatoirc deî ducs
de Bo.ut'gogne et des archiducs tl'Autt'iche, p. /lg, par.l. IrnÉti:nu;1s.)
_ (9) tes conseils de Brabantet de Hainaut lcstent souverains. Le conseil tlc
Lusembourg ne Ie devient qu'en ,lTB2.
TEIIPS IIISÏONIQUES, TÉRTODË BOUIIGUIGN.-ÀUTRICII. 479
-
bailli. Il en existe seize dans le seul comté tle lrlaudre. On peut
égalernent appelel des senlences des cotlts féotlales aux conseils
de justice. Àussi I'institution tlc ces derniers n'est-elle pas mieux
accueillie par les seigueurs (qui auparavirnt jugeaient sollve-
rainement) que par les échevinages.
Les olftcialités ot tribuluut ecclé,siastiques sont instituÛrs
par les évêques. Ils se composellt d'un juge ou olfr,cial, tl'utl
auocat frscal, d'un litorwteu'r (prncureur) et tl'ûelisilers ilpltû-
riteurs.
Ainsi qu'il I'a été dit précédemment, les tribunaux ecclésias-
tiques âccâpârent uue partie des attributiorts des juges civils.
Leur julidiction est à la fois spirituelle et l,emporelle, civile ct
pénale; leur compétertce s'étettd aux affair"es criminelles et
civiles des clercs, aux rnarirges et aux testanents tles laÏcs, aux
faits de sacrilège, tl'hérésie, de lnagie, de mæut's, de blas-
phème, tl'irtobservance du fepos dornilical, etc.
judiciaire qui a pour
L'inquisition.
- L'inquisition est utt sysl,ùme
objet, la recherche ct le chitimcnt dcs hérétiques. L'irtquisition
exerce son o{Iice en Belgique avec une ligueur extrême. Divers ordres
religieux, mais particulièrerneut les Dorninicains sont chargés dc
fournir des ofticiers inquisiteurs. Lorsque ceux-ci t'elèr'ent directe-
nrent rlu saint-siège, I'inquisition est ùi|';c ltu.pnle ou npostoliqu,e.
0rr la qualilie d'c,piscopale lorsque lcs inquisiteurs r"elèvcnt des
évêques. L'inquisition espagnolc, institution à la fois religieusc
et poli[iquc, pùsse pour elû'oyable entrc toutes.
Lcs iuquisiteurs ortt le droit de rcquérir, au besoin, le cottcours
de chacuri, clerc ou laic.
En tout, temps, ils peuvent s'introduire clans I'intimité des farnillcs,
pénétrer rlans les fastueuscs habitations des grands comme dans los
humbles demcures des piruvres. Unc simple dénoncia[ion suffiI pour
amenei" I'arrestatiot) d'utt suspect.
Les inquisiteurs instruisent sotnmairement les proct)s Sans que
I'accusé soit aut,orisé à s'aider d'un conseil. Le témoignage de ses
plus proches parenfs peut êtle irtvoclué coutre lui, et, s'il tt'itYouc
pas, il est soumis aux plus rffrcuses tortures. Les inquisitcurs pro-
noncent, sans appel. Ils commuuiquent leurs sentetlces aux cours
480 rrrsrornn DEs nDr,GES ET DE LEUn ctvrLtsATIoN

provinciales ou échevinales, qui les signifient aux condamnés et les


rendent exécutoires.
Procédure.
- La poursuite d'offïce es[ enlin entrée dans les mæurs
et dans les lois. tt Dès qu'un homicide aura été commis, dit un édit
du {7 aorit 1546, I'ofTicier du lieu instruirr I'affaire. L'ofticier con-
vaincu de négligenco à cet, égard scra révoqué et condanné à unc
ùmendo de {00 carolus d'or. >r
Malheureusement, à cettc époquc, Ia procédule écrite ct inquisi-
toliale des Romains lcmplace la procédure orale et publique quc les
conmunes avirient fait triomphcr. Voulant cornbrttre les hérésies
lvec plus de vigucur ct d'eflicacité, le pafe Innocent VI décide que,
dans les poursuites ccclésiastiques, I'accusé et lcs témoins seront
interrogés secrètement, leurs dépositions recueillies p.1r éuit et
signées. 0n prétend rnettrc ainsi les témoius r\ I'abri de la vengeaucc
possible des accusés ou de leurs farnilles. Lcs juges inquisiteurs for-
nrent, donc lcul opiuion sur des pièces écritcs. L'i'rccusé n'a pas
d'avocaù I il se défend lui-môme. Le plus souvent, les juges statuent
sur les proce\s-r'erblux de I'cnquôte et de I'interrogirtoire; ils n'ap-
pellent I'accusé que pour lui fair'e connaîtrc leur sentence. Dien
plus, celui-ci ignore parfois lcs chargcs reler'ées contle lui.
La torture ou queslion.
- Iln vue d'obtenir un plornpt aveu clcs
coupables, les juges ont d'oldinaire recours à Ia torture, dont les
princes de Ia nraison de Bourgogle encourirgcnt I'usage.
0n di[ h question ord,in&ire ov ertraordinaire suivant sa rigueur
et la durée pendant laquelle I'aecusô y est soumis. DIle s'applique
d'au moins quinze manières différentes : les hommes se son[ [oujours
montrés ingénieux tlans I'invention des tourmeuts à faire subir à
leurs semblablcs. l{ous allons signaler quelqucs-uns des procédés de
torûure les plus fréquemment employés (l ) :
lo Ltt rlu,estron pirr la contprcssion tles mentbres : a ) 0n serre Ie pouce
ou les pouces de I'accusé, àu moyen d'un é[au de fer, jusqu'à Ies
écraser ctà en faire jaillirle sang; à)on chausse I'accusé cle grands
bas en parchemin mouillé; on les laisse ensuite sécher. Bicntôt, ils
se rétrécisselt et occasionnent au patient un malaise irrsupportable.
0n appelle ces brs ln clmu,ssure d'angoisse; c) on fait asseoir I'ilccusé;
oR serre entrc deux planchettes chacune de ses jarnbcs qu'on rap-
proche cnsuitc ct qu'on lie solidement. Àlors on iu{,roduit entre les

({) Voir: Jhrro's et Lisages, Lacnolx, p. 435.


TEMPS HrST0nI0UES. pÉRI0DE B0URGUTCN.-AUTRICH. 481
-
deux planchettes du milieu, soi| quatre coins pour la question orde-
naire, soit huit pour I'entraordinaire.0n frappe sur ces coins à coups
redoublés et bientôt ou voit la peau éclater, le sang et parfois la
moelle elle-même jaillir arec impétuosité.
2o La question par I'eau, I'hu,ile, Ie uinaigre, etc. Elle cortsiste à
soumettre I'accusé à des injections plus ou moins abondantes de ces
substances. 0n couche le patient sur le dos et on I'attache sur une
grande table. 0n lui ferme ensuite le nez, puis on lui verse lente-
ment dans la bouche le contenu de quatre ou de huit coquemars
d'eau, d'huile ou de vinaigre, suivant le degré de la question.
3o La questlon par le feu. Elle donne lieu à des supplices divers :
a) on assied I'accusé sur une chaise de feret petitàpetit on le rap-
prochc d'un brasier ardent; D) on l'étend sur uue table et on I'y
attache solidement. 0n verse ensuite de I'eau bouillante sur ses
jambes ou on lui applique de la poix fondue sur diverses parties du
corps; c) on lui introduit des æufs brùlants sous les aisselles.
4o La queslion par la faim ou par la soif. Ce n'est pas la moins bar-
btre. Pour augmenter la soif, on sert parfois à I'accusé des mets
salés et salpêtrés.
5o La questlon par l'estrapade. L'estrapade est un apparcil essen-
tiellement composé d'une corde passée sur la gorge d'une poulie. 0n
attache l'accusé par les deux mains à I'une des extrémités de cette
corde. A ses pieds, on suspend un poids énorme, parfois de {95 kilo-
gl"mmes. Tenant en main I'autre extrémité de la corde, le bourreau
la tire d'abord à lui, soulève ainsi le patient, puis le lfrche brusque-
ment, ce qui lui disloque les bras et les jambes. En certains cas, on
se borne à le pendre par les mains en lui plaçant aux pieds dcs bou-
lets de fer.
Il existe aussi des supplices'que leur étrangcté ne rend pas moins
insupportables. Ainsi :
a) 0n laisse tombcr cle I'eau, goutte à goutte, d'une grande hau-
teur sur le creux de I'estomac de I'accusé. 0u bien orr arrose ses
pieds d'eau. salée et on les fait lécher par des chèr'res.
à) 0n suspend l'accusé en I'air, par les ertrémités, ditns la position
horizontale, le visage tourné vers le haut, et, précisément au-dessous
du coccyx, on phce un pieu aigu.
0n pousse d'ailleurs la cruauté r des raffinements inuoyables. Il
.existe, par exemple, un principe universellemeut mis en pratique :
cclui d'appliquer la question à la fille en présence de la mère e[ de Ia
V. Ùlirguet. - Histoire dæ Belges. 3t
482 HISToIRE DBS BELcES ET DE LEUR cIvItIsÀTIoN

donner à la femme sous les yeux du niari, avant de les y soumettre


eux-mêmes.0n spéculq ainsi, pour obtenir des aYeux ou des révéla-
tions,sur les sentiments les plus tendres et les plus sacrés. Il dépend
de I'arbitraire du juge de discerner quand il y a des indices suffisauts
pour recourir à la torture.
Il en est de même quant au mode de torture qu'il convient d'in-
Itiger. < La manière de géhenner modérément ou rigoureusement,
> dit le juriscousulte Josse Damhouder, gist du tout en la considéra-
> tion, discrétion et consciencc du iuge." Il est bien vrai que cet
auteur recommaude au juge de remplir son office (( en bon, vrai et
saige juge r, et non pas ( err t1'rant >, mais ce ne sont là que des
conseils que le juge n'est nullement obligé de suivre.
Pénalités. Chd,tintents corporels. Les principaux chlitiments cor-
-
porels infligés sont : Lo le fou'et,Ituerge oale b(iton,' 2o la cluie ; 3o le
pilori,le carcan etla marqtle, trois peines réputées infamatttes; enlil
4o ceux de I'emprisonnement, des galères et de la mort, celle-ci
accompagnée ou non de peines supplémentaires.
lo Le fowt. L'instrument de ce supplice se compose d'un ensemble
de cordes à næuds, attachées au même point du manche. Le fouet
est infligé en public par lâ main du bourreau sur le corps à demi-nu
du condamné. La bastonnade ou ftt'stigati'on par le birton et la
par la verge s'appliquent de
-
la même fagon'
-
flageUation - -
2o La clai"e. Dnétend le coupable condamné à cette peine sur unc
espèce d'échelle et on le traîne ainsi jusqu'au lieu patibulaire. L'ap-
plication de Ia question préparatoire occasionne parfois la mort du
patient; on inflige alors à son cadavre h peinc de la claie' encourue
de son vivant par le couPable.
3o Læ peinæ infamaptæ. Dans la peine du ptlori,le coupable est,
attaché à un poteau ou pilori, le col enserué dans un large collier de
fer ou c&rcan (i),par suite obligé de faire face au public. Souvent
celui-ci insulte le misérable ct lui lance à la tête tou{,e espèce de
projectiles.
La peine de la marqae consiste dans I'application, sur I'une ou
I'autre partie du corps (l'êpaule, le front, les joues), d'unfer rougg
marqué de certairres lettres ou de certaius emblèmes.

( Ie condamné à passer la tête et les mains à travers


{ ) Quelquefois, on force
rleÀouvêrtuies ménagées dans des pièces de bois solidement lixées; ainsi, il
ne peut détourner sa vue du Public.
TEMPS HISTORIQUES. PÉRIODE BOURGUIGN.-AUTRICH. 48S
-
L' entpris onn enten t,.- En dehors de l'em prisonnement préventi f,, on
applique peu la peine de la prison. Tenir les coupables enfermés
coûte trop et n'embarrasse pas moins. 0n punit de mort, tous les
delits un peu graves. au reste, la vie dans res prisons est quelque
chose d'affreux. Les prisonniers de tout, sexe et de tout âge y vivànt
mèlés, ce qui engendre des contagions de rrivers genres. une lièvre
spéciale, diLe fi,)ure des prisons, sévit parmi eux de façon endémique.
Mais les geôliers surtout, ordinairement brutaux et rapaces, sont une
lèpre pour ces établissements. Aussitôt emprisonné, I'accusé ou le
condamné devient leur propriété, leur chose, leur proie. L'or seul a
quelque action sur eux.
Les galères.
- une nouvelle peine s'introduit vers cette époque,
celle des galères, qui consiste à ramer sur res galères de I'Dtat. 0rr
pendmoins de criminels ou davantage, suivant que l'on a unplus ou
moins grand besoin de rameurs.
La peinede m.ort, prodigue la peine de mor[ qu'on fait gélé-
ralement précéder de - la0ntorture et tle la mutilation.
Les modes d'application de la pcine capitale les plus fréquents
sont la hart oupendaisonrla noyade et,larotæ.Ordinairement, on pend
les condamnés au gibet, (potence)communal ou seigneurial ; mais, si
besoin est, le premier arbre venu supplée à cct instrument de sup-
plice.
Connu aussi sous le nom de fou,rches patibulnira, le gibet se
compose le plus souvent de deux grands piliers de pierrc, réunis par
une grosse traverse en bois. une chaine de fer, attachée à cette
traverse, se prolonge en ulle corde solide terminée par un næud.
coulant.
La noyade s'exécute en liant le condamné dans un sac qu'on jette
ensuii,e à I'cau.
L'usage de ces supplices fait appeler gens de sac et ile cord.e les
individus que leur mauvaise conduite semble pré,cestiner à ètre
noyés ou pendus
La ntort par l'écnrtèIentent, rarement appliquée d'ailleurs, soumet
Ie condamné à d'affr'euses souffrances. 0n harnache quatre forts
chevaux eomme le sont, aujourd'hui ceux qui traineut les bateaux.
0n lie chacun des quatre membres du condamné à une corde
soliclement enroulée jusqu'aux genoux ou jusqu'aux coudes; on
attache I'extrémité de la corde au palonnier de I'un des chevaux
Ces apprôts terminés, on excite d'abord légèrement les chevaux:
par suite, Ie patient éprouve des secousses qui lui occasionnent d'in-
484 HISToIRE DEs BELGES ET DE IEUR ctvltlsÀTloN

croyables souffrances. Les excitations continuant plus vives, les


secousses devienrtent de plus en plus violentes et, à Ia fin,les chevaux
s'empor[ent, arrachent les membres du corps et linissent par aban-
donner Sur le sol un tronC pautelanl, OuYert d'horribles blessures.
Lu ynort par Ia rou,e. Le supplice de la toue' le plus ordinaire
peut-ètre, consiste à lier le condamné sur deux morccaux de bois
âisposés en goix de saint André et taillés defaçon que chaque mem-
bre porte sur un espace vide. Le bourreau brisc alols les rnembres
ct lipoitrine du patient à coups dc barres de fer.Il I'attacheensuite'
Ies mèmbres repliés, sur une r0ue de voiture' placée horizontaletnen
au sommet d'un poteau, oir il le laisse agoniser'
Ln mort pur Ie billot (ltrivilège des nobles). Le condamné, à
genoux, le col découver'[, les yeux bandés, les mains ]iées derrière
Ie dos, place sa tète sur un lrillot : oII le décapi[e d'un eoup de hachc
ou d'épée.
Lr molt par le bû,cher est réservée aux hérétiques et aux sorciers.
Après avoir planté un gros poteau surle lieu du supplice'on dispose
aùtour, par couches alternatives, des fagots ({), des btches e[ de la
paille. Un espace vide est laissé eutre le poteau et le combustible.
Un couloir permet cle se rendre de I'extérieur à I'intérieur. Revêtu
d'trne chemise et d'uu bonnet soufrés, costume dit sam benito (9), le
condamné est introduit à I'intérieur et solidemen[attaché au poleau'
par le milieu du corps avec une chaîne de fer, par les pieds et par lc
ôOu t't'et des cordes. Le feu est ensuitc mis au btcher de plusieurs
côtés à Ia fois.
Lorsque le terriblo élément a terminé son æuvre de mort, on
recucille les certdres du supplicié et on les sème au vcn[. 0n inflige
parfois ce supplice à un cadavre, lorsque I'accusé, préalablemelt
soumis à Ia torture, est mort, dans les tourrnertts.
0n applique encore bien d'autres gcnres de mort, tels que |entet'
rentent aif ou supplice de ta fosse; ld, mort par Ia scie, pat I'enu botr,il'
lunle, etc.
Cette procédure inhumâine, ces pénalités barbirres demeurent en
qsâge jusqu'à la veille des temps con[emporains. Il faurlra Ie vigou-

(l) sentir Ie fagot, c'est être soupçonné d'hérésie, d'impiété, par suite avbir
'-tgide redouter le bûchcr.
lieu
O";;int Benoii, parce que ce costume est celui tles religieux de saint
.Benoit.
TErrps Hrsr0nr0uEs. B0URGuIcN.-ÀurRrcH. 485
-pÉRr0DE
reux effort de la Révolution frauçaise pour faire disparaître
ces horribles et monstrueuses prirtiqucs judiciaires.
Pénalit6s appliquées par les tribunaux ecclésiastiquss.
pénalités in{ligées par les tribunrux - Quanf aux
ecclésiastiques, elles sont
d'abord seulement, spirituel les. El les consistent dans I' inlerdtt, l' ea-
tarrl, les juges ecclésias-
cltnrnunf.cation,les pèIerinagæ, etc. Plus
tiques infligent des peines pécuniaires sous forme d'aumônes
imposées, I'emprisonnemeut ct la fusûigation sans effusion de sang,
llEglise étant réputée avoir en horrcur Ie sang répandu. Les affaires
susceptibles d'entraincr une telle peine sont instruites par les tribu-
naux séculiers.
Les placards de Charles-Quint. -- Idcntiliant sa cause avec celle de
I'Eglise romairtc, Charles-Quint prend résolument la défense des
croyances orthodoxes et porte confre les protestants des édits d'une
extrêmc rigueur. Un premier placard général, daté de {599, interdit
les prèches et toute réunion des rôformÉs. Les hommes couvaincus
d'avoir adopté Ie nouveau cultc ou d'avoir seulement assisté aux
prèches, logé des hcrétiques ou cliscuté de religion sont décapités ;
les femmes, enterrées vives. D'autres placards particuliers parais-
sent bientôt excitant à la dénonciation et promettant aux délateurs
une partie des proprietés des personnes dénoncées.
Un édit de {531 enjoint aux juges de faire narquer en forme
de croix, par le moycn d'un fer rouge, les imprimeurs et les libraires
couvaincus d'avoir débité des livres non revètus de I'approbation
ecclésiastique. Les délinquants peuven[, cn outrc ètre condamnés
du même chef à la perte d'un æil ou d'un poing, à la discrétion du
juge. les blasphémateurs aussi sont traités par les placards avec la
plus grande sévérité. A la première faute, on les punit d'une simple
amende. En cas de récidive, on leur perce la langue d'un fer rouge et
on les expose au pilori. lls sont battus de verges et bannis à perpé'
tuité à la seconde rechute. .

qu'otl
Exécution des placards.
- C'est avec une inexorable rigueur
applique, en Belgique, les édits contre les protestants. Les moines
augustins d'Anvers qui ont adopte et répandu les idées de Luther
sont brrilés vifs et leur couvent, rasé.
Accusé tl'hérésie, le curé de llelsen est cousu dans utt sac de cuir
et jeté à I'eau. 0n prend ct on brtile ensuite cclui de Wærden, Jean
Bakker, coupable d'avoir distribué, à Bruxelles, une traduction en
langue vulgaire du Nouveau Testament.
La mêntc année, un moine augtrstin, Hcnri Vlaminck, qui s'est
480 HISToInE DES BEtcES BT DE LEUR cIvILISATIoN

marié, est < brtlé vif à petit feu, touruoyant autout d'une esfache,
alin de lui faire le plus de tor"rrment possible >.
Pour avoir lu la Bible et I'avoir commentée daus une réunion tenue
chez elle. Antoinette van Roosemael de Lout'ain est enterr'ée vit'e
sur la grartde place de cette ville.
En {540, Maastricht assiste à un aula da fe ûe vingt et, u1 réformés.
À Lïmbourg, en ull seul jour, ort conduit au liticher six personncs de
la même frrmille : le père et la mère avec les deux filles et leut's
tnaris. Tous marcheirt au supplice en chartant des psaumes et en
invoquant jusqu'à leul dentier souflle le uom du Christ.
Les chambres de rhétorique (l), les maîtles d'école et les ltommes
les plus illustres, comme I'anatomiste André Vésale et le géographe
Mercator, sont troulllés dans lcurs travaux par lc terlible tribunal.
La délation devient un devoir; s'abstenir de déuoncer un parent' un
ami, une personng quelconquC coupable d'hérésie, c'est s'expOscr à
la mort. À illons, 0ll condamne unc mère au supplice de la fossc pour
r'avoir pas signalé aux inquisiteurs son propre tls, coupable de lire
Ia Bible err langu,e w,lgaite.
Les condamnations sont ordinairemcnt précédées de la torture,
pour laquelle on imagine des rafiinements atroces. LeS plus ittnocents
ir'y résistent pas et avouent, pour en fittir, une fausse culpabilité.
Le premier grand inquisiterrr ou inquisiteur général dcs Pays-
Bas (9), nommé van der Hulst,, mérite d'ètre {létli devan[ la posté-
rité. Cct odieux personnage déploya, dans son ofÏice, une oxtrème
férocitô. A tous égards, c'étail, un méchant et malhonnôte homme.
0n lc révoqua de ses fonctiorts après qu'il cut été convaincu d'avoir
fabriqué des actes faux.
un historien protestant, Grotius, évalue à {00,000 le nombre des
rétormés condâmnés à mort et cxécutés dans rtotre pays' S6us le
règne de Charles-Quint. Si, avec Van Metelen, I'on réduit ce nombre
de moitié, on se trouye etrcore en présence d'tm chiffr'e effrayant de
victimes. En dépit de toutes ces rigueurs. la réforme ne cesse de
faire des progrès en Belgique pendartt tout le règne de I'auteur des
illacards.
Dcs usages singulicrs s'introduisent peu à
Usages iudiciaires.
-
({) Voir Plus loin : Lettres, tilre X.
tt i dvait des inquisiteurs généraux dont le po.uvoi_r s'étendait sur tous
iâi
pâVs-lias, provinciaux dont la juridiction s'arrêtait aux
feJ et des inqïisiteurs
limites d'une province.
TEMPS HISTORIOUES. PÉRIODE BOUNGUIGN..AUTRICH. 487
-
peu dans I'application des peines. Un condamné peut être sauvé du
supplice si une jeune femme consent à l'épouser. A la suite de pil-
lages qui s'étaient produits à Gand pendant les troubles de {531
(( un jeune ouyrier d'une papeterie rilablie à Linkenbeek avait été pris
parmi les pillards et condamné à mort. Conduit au lieu du supplice,
il fut sauvé par une jeune lille qui. lcs cheveux épars et la tète
couronnée d'épis de la nouvelle récolte, vint denrandcr à l'épouser >,
0n fait grâce de la vie à un supplicié par la pendaison, si la corde
qui Ie soutient se rompt avant qu'il ait expiré. L'usage interdit
d'inhumer cn terre sainte le cadavre d'un supplicié. Des pauvres
ou des lépreux procèdent seuls à leur enterrement.
0n punit le suicide avec ignominie. Traîné sur ulle claie jusqu'au
lieu ordinaire des exécutions, le corps du suicidé est pendu à une
fourche. 0n conlisque tout ou partie de ses biens.
Le bigame est mis au pilori, I'homme entre deux qucnouilles, la
femme entre deux bonnets. 0n le bannit ensuite après I'avoir fait
battre de verges.
Le boumeau.
- Comme il est en horreur au peuple, I'autorité
cherche à relever sa condition en lui conférant des titres Sonores
et de haute allure : elle I'appelle, le maî,tre dæ hautes æuuresl
l'officier crintinel,l'appariteur de justice,le hau't iusticier, etc. Il jouit,
cl'ailleurs, d'importants privilèges et ses services sort bien rémunérés.

TITRE YI

lnstitutlons de bienfaisance.

Pendant la présente période, I'administration de la bienfaisance


pâsse des mains du clergé en celles des magistrats communaux.
c< L'administration des revenus des églises et des tables des
pauuræ,
décide un rescrit de Philippe le Bon, en {457, appartient à la loi. >
Voici comment cel,te évolution s'accomplit. La mendicité, on le sait,
avait pris au moyen âge une extensiotl calamiteuse. Elle se développe
encore Sous les prirtces de la maison de Bourgogne-Autriche. 0n
voit alols se multiplier d'ingénieux inlîrmcs et malades qui exploi-
tent sans vergogne la sensibilité publique et, détournent à leur profi t
une grande partie des revenus des pauvres. La plupalt des villes
ont une cour des miraclæ, quartier misérable 0ù se fabriquent
les firux estropiés, les faux aveugles, etc.
488 ttrsrorRg DEs nELcRS ET DE LEUR crvrLISATtoN

Dans son livre, intitulé .De su,bwntione pau,pertnn, I'Espagnol


Louis Vivès ({ ) avait proposé, comme remède à cette situation, I'in-
terdiction absolue de la mendicité et la concentration des services
de la bienfaisance publique entre les mains clu pouvoir civil. La ville
d'Ypres se rallie ù ces idées auxquelles le clergé fait une vive opposi-
tion, les combattant à l'égal d'une hérésie. Il attaque comme illicite,
au point de vue des principes religieux, la répression atlminis
trative de Ia mendicité. Cependant le règlement adopté en cctte occa-
sion est peu après approuvé par la faculté de théologie de h Sor-
bonne. La faculté de Louvain se prononcc dans le mème sens, avec
quelques restrictions toutefois ( 9).
La même année ( {53{ ), Charles-Quint, par une ordonnance du
7 septembre, conlie délirtitivement I'administration des secours pu-
blics aux magistrats communaux.
Les tables du Saint-Esprit, donl I'existence a déjà été signalée, se
multiplient sous les noms de bou,rse cznunu,ne, de clwntbre dæ pau,-
ures,, de su,prême charité, etc.
Les monts-de-piéte apparaissent au xvte siècle. Leur institution a
pour but de reagir contre les mauvais effets des maisons de prêts
sur gages ou lombards, qui pratiquent I'usure d'une façon scanda-
leuse. lls sont placés sous la surveillance du gouvernement.
En aucun pays de l'époque, on ne rencontre autant d'institutions
charitables que dans les Pays-Bas. < Chaque métier avait son hospicc
particulier; à chaque catégorie d'inlirmités humaines, répondait une
catégorie de consolations et de secours. Vieillalds, orphelirts,
aveugles, enfants trouvés, filles repenties, aliénés, toutes ees spécia-
lités de malheureux, que Ia philanthropie moderne setnble avoir
inventées, étaient déjà, à cette époque, I'objet de Ia charité
éclairée de nos ancêtres. r Néanmoins la misèrc, sous I'action
de causes diverses, ,. les guerres qui désæuvraient une foule
d'artisans, I'accroissement de I'impôt, I'oppression à tous les
degrés, etc. r va s'aggravant sans cesse. Et comme la paresse est
lille de la misère, on constate ce singulier phénomètte que la men-
dicité et lc vagabondage augmentent chaque jour, alors que les
campagnes et I'industrie se plaignent de manquer de bras. < Ils nous
rapportent davantage en mendiant > disent les parents qu'on engage

( { ) Savant espagnol qui vécut longtemps en Belgique.


{2) Poutt.ur, p. 577.
TE}rps HrsToRrouEs. pÉRrODE BOURGUIGN.-AUTnICH. 489
-
il faire travailler leurs enfants. Le véritable remède à la mendicité
erlt été Ia suppression d'une charité mal entendue et mal exercée'
L'assistancc, comme l'écrivait Vivès, ne doit être que le pr'ix du tra-
vail pour ceux qui nc peuvent travailler.
Le paupérisnre et l'a, ntentlicild augmentertt au point de devenir un
danger public.
[i nécessité rl'enrayer le mal, fait recourir à d'énergiques mesures'
0n interdit, absolumcnt la meudicité, sauf aux iniirmes et aux vieil-
lards pourvus d'une autorisation. L'autorité impose en outre à ces
derniers I'obligation de porter au cou un signe distinctif : cen kem'pen
snoer, met eenin loùeken ('l) r. 0n poursuit avec rigueur les vagabonds
de toutc sorte, leur infligcant des peines sévères, telles que la mâr-
que,le fouet, le bannissement etmôme la hart, en cas d'excès commis.

TITRE VII

Instltutions finenciènes.

Finances. Les reverlus cle I'Etat cgnsisten[ piincipalement :


Lo Dtrns
-
les revenus des domaines. 9o Dans I'affermage ou la vente
cles charges et cles emplois. Celui qui obtient uno charge à terme
doit
pâyer Oe ce chef trne rente annuelle; celui qui I'achète en fait son
irien patrimonial et le transmet à ses enfants héréditairement'
3o Dans les prolits tlu monnayage' devenu le privilège exclusif
du
souverain. 4o Dans les aides et subsides des provinces. Trndis
que
I'Espagne, avec les fameuses rrrines d'or du Mexique e[ du Pérou' ne
ruppot:tt ânnucllement à Charles.Quint qu'un demi-milliou d'écus
d';;, les pays.Bas lui fournissent un relenu quatre fois' plus
considérable. 5o Dans lcs loteries dont, le gouvernement se réserve le
monopole (il vend des billets dounant le droit de participer au tiragc
d'un gros loQ. 6" Datts les amendes imposées par les souverailts aux
communes révoltées. (En 1435, Philippe le Bo1 réprime une émeute à
Anvers et se fait pâyer 40,000 flori1s d'or; et quand il y fait son
entrée, er l.&40, ii exige encore tle cette ville une somme de
8,000 lorins; e1 1488, ii condamne les Brugeois à une amende
de

(l) Une corde tlechanvre avec un petit plomb.


490 Hrsrolnn DEs BELGES ET DE LEUR cIvILrsATroN

900,000 philippes d'or et à la même occasion, les habitants du Franc


lui paient encore 100,000 philippes. L'amende qu'il impose aux
Gautois après leur défaite de Gavre est de 950,000 ridders d'or. Enfin,
après la bataille de lllontenaken, les Liégeois sont imposés pour une
somme de 340,000 florins d'or). ses successeurs et charles-Quint
lui-même suivent cet exemple.
Les aides et les subsides doivent ôtre demandés par le prince et
consentis par les états. Les Pays-Bas sont dits, pour ce motif, poys
de dentande, Iand aan bde.
Perception de !'imp0t. Les charges, résultant du vote des sub-
-
sides, sont perçues par les communautés, non payées directement
par les contribuables. 0n afferme généralement les autres revenus.
Gomptabilité. 0n ne publie pas les budgets, en sorte que I'usage
-
fait par le souverain des revenus de I'Btat échappe à tout coutrôle.
Il rin est de même des revenus communaux. c'est pour introduire
I'ordre dans la comptabilité et empêchel les dilapidations par une
vérilication régulière des comptes que Philippe le Hardi établit à
Lille, en {385, deux chambres réunies de justice et des comptes dont
la juridiction s'étend sur la Flandre, I'Artois, Auver.s et Malines. En
1404, Antoine de Bourgogne, duc de Brabant ct, frère de Jean sans
Peur, institue une chambre analogue à Bruxclles, pour le Brabant,
Ie Limbourg et le pays d'0utre-l[euse. Sous Pliilippe le Bon, les juri-
dictions de ces chambres s'étendent aux principautés r'écemment
acquises. En même temps, il cn crée une troisième à Dijon.
Charles le Téméraire, allant plus loin dans la même voic centrali_
satrice, réduit les trois chambres précédentes à une seule établie à
llfalines. Le grand Privilège de Marie de Bour.gogne abolit, cette
chambre unique. Mais Philippe le Beau rétablit les trois anciennes
chamlres ct les installe à La Haye, Bruxelles et Lille. philippe II
en instituera uue quatrième en Gueldre r{559). A partir de Charles-
Quint, ces chambres des cornptes seront placées sous la direction du
conseil des finances.

TITRE YIII
I nstltutlons m ilitaines.

Armées permanentes. La défection des milices communales à ,

-
Montdidier sous Jean sans Peur, au siège de Calais sous Philippe le
Ron, fait comprendre aux souverains I'impossibilité de tenter aucune
entreprise impoltante avec le concours de forces'militaires aussi
TE'ITPS HISTORIQUES. PÉNIODE BOURGUIGN..AUI'RICH. 4gI
-
ilconsistantcs. Quant à la noblesse, elle s'exonère volontiers du
service militaire, for[ cotteux pour elle. D'aillettrs, elle est lente à
r.ejoindre I'armée, par suite tlu temps indispensable à ses préparatifs
d'équipemeut et de mobilisation. Aussi le moment, d'agir avec avan-
tage est-il souveut passé lorsque I'armée du prince se troul'e enfin
prête à ouvrir Ia camPagne.
Le prernier des princes belges, Charles le Téméraire songe à se
créer lne armée permaueute par la formation de ses fanreuse$
haniles d,'ordonnance.Il tt'eu recrute pas uniquemenf les chefs dans la
ngblesse indigène, mais aussi dans la ttoblesse étrangère. Souvettt,
clles renferment un grand uombre de soldats écossais ou gélois.
Chaque bande se compose de cent lances fou'rni'es. 0n donne ce
nom à ull groupe de sept à quinze soldats comprctltnt quatre cava-
liers et trois fantassins. Parnti tes quatl'e cavaliers, on trouve un
homme d'armes et trOiS archgt's. L'hommg d'arnes, Ordinairement utr
noble, dit chef de lnnce, entretierlt un coutilier et un page. Parmi les
fantassius, on distingue le couleuvriniet, I'arbalé[rier et le piquier.
Fréquemment aussi, des volorttailes s'adjoignertt à la pctite troupe
clans le but de se formor au métier des armes. Ces volontaires
rgçoivent we solde,d'ou le nom de soklat, par lequel on les désigne.
tine bande d'ordottnat)ce cgillpl'end souvent {.,200 à {,500 hommes,
Charlcs le Ténréraire trouve làles élénents d'une excellente
cavalerie. < Les bandes d'ordonnatrce furent l'école militaire de la
noblesse (Neny) >.
charles possède jusque 300 pièces de canon. En môme temps, il
dispose d'une puissante marine, plus considérable que celle de I'An-
gleterre elle-même. Sauf contre les communcs' Chârles ne parvient
pgurtant à tirer aucun parti de forcesrnilitaires aussi imposantes.
Charles-Quint crée les prenriers régiments d'ittfanterie, à la tête
desquels il place des colortels. Le régiment se compose de huit
enseignes ou conlpegnies, cgmmandees ctlacune par un capitaine. Urte
enseigne renferme cnviron 900 hommes.
lf,ilices communales, féodales et rurales. En prillcipe, tous Ies
le
- militaire. En faii, or ne
citoyens de 90 u 60 ans doivent service
convoque plus les milices communales, féodales et rurales, si ce
u'est dans les circonstances graycs nécessitant la levée en masse.
Encore ne les affecte-t-on alors qu'au service de la police ou à oelui
des garnisotts.
Les villes, dont les milices ne sort plus astreintes au service'
fournissenl au prince et entretiennent un ceftain lombre de soldats
492 Hrsrornn DEs BELcEs ET DE LEUn clvrlrsATroN

équipés. Elles peuvcnt d'ailleurs sc libérer de cette charge à prix


d'argent, ee qui permet au prince cle louer lcs services rle troupes
mercenaires. Toutefois, la plupart des soldats employés en Belgique
à partir de Charles-Quint, sortt recrutés dans le pays mème. Les soldal,s
qui succombent à Rocroy, en 1643, sont tles Wall,ans, non des
EspagnoLs.
Armement.
- D'ordinairc, les troupcs sont équipées et armées par
le gouvernemertt. Les soldats portent, soi[ les couleurs dc leur capi-
taine, soit selles de la ville ou de la province qui les a levés. Ils se
placent err outre sur Ia poitrirtc urte croix rou,ge dite tle saint Antlré,
et une autr'e sur Ie clos. Leurs armes sont Ia cuirasse, le casque,
l'épée, Ia pique, la hallebarde, I'arc ou I'arbalète. A cette épor1ue,
on juge encore souven[ I'arc et I'arbalète préférables aux armes à feu
dou[ on ne peut guère tirer parti en temps dc pluie. Pourtant, urr
certairr nombre de soldats sont armés de canons à main (dits encore
bâtons à feu ou couleuvrines ), espèces de longs cylindrcs de fer, sans
crosse (particularité qui empèchait, de viser), lançant de grosses
balles de plomb ({). Pour déchargerlebâton i\ feu, fort lourd, on le
soutient au moyen d'une fourche. Il fai[, en somme, plus de bruit
que de mal. D'ailleurs les armes à feu rcstent longtemps à devenir
d'un usage véritablement, utile dans la guerre. Ilontaigne écri[ encore
au xyre siècle : < Les armes i\ feu sont rlc si peu d'effet, sauf l'éton-
nement des oreilles, gu'on en quittera I'usage. r> Jusqu'au xvresiècle,
I'arc ct,l'arbalète demcurenf les armes principales des soldats, et I'on
continue à voiro darts les archers, Ie facteur essentiel des armées.
L'arc, au surplus, porte à deux cents mètres, c'cst-à-dire aussi loin
que les bâtorts à feu; il perrnet de viser et lauce drr traits à la
minute. L'arbalète elle-nrème, quoique d'un maniemenf plus difti-
cile, lance deux caneaux à la minute, bcaucoup plus qu'on ne peut
tirer de coups dans le même temps. Les armes r\ feu à main ne ren-
dront des services appréciables dans les armées qu'à partir du xvrc
siècle. De même, I'artillerie deviendra seulement redoutable ù partir
de Ia mème époque. Lcs prenriers carlolls(9) lancent des boulets de

({) Yoir fig.66, Armur,rre, page {04, Lrcnon.


(2 ) lls furènt, paraît-il,
employés d'abord par les Àrabes tl'Espagne. Les
Ànglais s'en servirent à Crécy (1345). Dès ,1325, les Florentins utilisaient des
cânoDs en mélal, lançant rJes boulels de fer. Les premiers affùls ont été
cmployés par Charlesle Téméraire.Il fut aussi le premier à imposerl'exercice
ses soldats en temps de paix.
TEMPS I{ISTORIOUE PÉ]RIODE BOURGUIGN.'ÀUTIIICH. 493

picrre à la portée d'utt arc. Primitivement construits en fer, ils le


Àont, par la suite, ell brgllze. Les gros canons cgurts s'appellent des
bonùarilæ (d'oÛr le terme bontbarilentent); les canous longs, couleu''
urines, comme lcs bâtons à feu. 0n remplace successivement les
bâtons à feu : a) par l'arquebyse(ir, rnèclw, d'invention espàgllolc; d
r1uet, d'origine allemande) qui, très lourde, continue à exiger le
secours d'uue fourche d'appui; D ) par le ntousquet, arquebuse
modifiée de façon à permettr.e la suppression de la fourche. Le
pistolet, réduction du mousquet, apparaÎt vers 1544.
Tactique. Fortificaiions.Siège des places fortes.-0n trrôte I'enuemi en
lui opposant dos placcs fortes au siège dosquelles il consume son temps
et Ses forces. Peu à peu, les murs élevés ct les hautes tours dispa-
raissent, à raisort de leur iuut,ilité, devirnt les progrès de I'artillerie.
Pour permettre le croisement dcs feux, on collstruit des nrurs avec
rlcs saillies nommées bastions.0n cesse d'employer, dans les sièges,
les tours roulantes. 0n s'approche des mut's d'une place en ouvfant
dcs tranchæs. Ltt molleu de ntines, on intt'oduit' sous les murailles,
rl'énormes quantités de poudre et on les fai[ sautet'.
lntendance et service de sant6. Généralement les troupes se nour-
risscnt à leurs frais. Aussi les
-
opérations de guerre sont'elles souvent
arrêtées par la disette ou par les mirladies' parce qu'otl n'a rign
prévu de ce qui est nécessaire pour pourvoir, en temps et lieu, les
lruupes cle subsistances et que le service de santé tt'existe pas. Tout
au plus chaque corps a-t-il sort chilurgiel ou médecin particulier.

TITRE IX

Sclences. Grandes inventions et déaouvêntes'


-
$ciences. tt La Belgique, écriyait Guiccialdili, historien italien
-
du xvr, siècle, dst illustre par la multitude des grands hommes qu'elle
a produits. Les Belges ont inventé la peinture à I'huile et la cuisson
tlci eouleurs dans le verre. Les vents leur doi't'ent leurs noms. 0n leur
altribue I'inventiou de la boussole, des horloges, des cadrans. Ils
ont une aptitude singulière à produire tous lcs instrumeuts propres
à faciliter ou :r abrégcr le.travail. Leurs ustensilcs de cuisiue sont
des chefs-d'æuvre adnrirés et imités de l'étranger. >
Ainsi au xvr. siècle, l'étranger ticnt notre pays pour un foyer de
4g4 Hrsrolnn DEs BETGEs ET DE LEUR ctvrLrsATIoN

lumière et de civilisation. L'invention de I'imprimerie va bientôt


donner un nouvel essor à son renom intellectuel et artistique.
Grandss inventions et découvertes.
- Le xve siècle fut une époque de
grands progrès et de grandes découvertes. Nous signalons ici les
plus importantes.
La boussole.
- 0n attribue aux chinois I'invention de la boussole.
Les premiers, ils découvrent, plus de 9600 avant J.-C., cette pro_
priété de la pierre d'aimant d'attirer le fer et de tourner sa pointc
vers le nord lorsqu'elle est disposée de façon à se mouvoir libre-
ment. Fait curieux, ce peuple met d'abord à protit la propriété
directrice de I'aimant pour s'orienter sur terr,e. Les arabes acquièrent
des chinois la connaissance de la boussole et sans doute en instrui-
sent les peuples riverains de la Méditerranée.
La boussole se compose longtemps d'une simple aiguille aimantée,
posée sur un fétu de paille ou sur un morceaude riège, dans un vase
d'eau. Flavio Gioja, marin né à Amalli, près de Naples, l:r,perfec-
tionnc au xrye siècle. c'est lui, dit-on, qui a I'idée de suspendre
I'aiguille aimantée par son milieu sur un pivot placé au centre drunc
rose des vents et d'un cercle divisé en degrés. Grâcc à ce perfection-
nement de la boussole, Ies marins osent s'aventurel loin des côtes
et traverser les océans : christophe colomb découvre I'Amérique
en/1.492; vasco de Gama double Ie cap de Bonne-Espérance en 1,497
4,498; Magellan fait le tour du monde en {59,1.
La double découverte de I'Amérique et d'une voie maritime pour
se rendre aux Indes change entièrement les couditions du commerce
et de I'industrie. L'océan devient une voie de communication entre
des mondes jusqu'alors étrangers ou inconnus les uns aux autres
;
de plus I'abondance de numéraire qui, indirectement, résulte de ce
grand fait, permet un plus grand nombre de transactions et cl'entre-
prises en fournissant aux bourgeois et même aux simples artisans
Ies ressources nécessaircs pour les hasarcler. Désormais, tous les tra-
vailleurs peuvent aspirer à la richesse et à Ia considération: l'égalité
du, peuple etdes grands s'établit sur le terrnin économiçrc.
La poudre à canon.
- De temps immémorial, les Chinois employaient
la poudre pour en'faire des feux d'artilice. au xru'siècre, Ies alchi-
nristes connaissaient un mélange explosible formé de charbon, de
soufre et de salpêtre. En puriliant le salpêtre, Ies arabes obtiennent
la poudre à canon, susceptible de lancer à grande distance un pro-
jectile introduit au fond d'un tube métallique. Dès 1825, les Floren-
tins fabriquent des eanolls en métal qui lancent, des boulets dc fer.
TEMPS HISTONIOUES. PÉRTODE BOURGUIGN.-AUTRICIT. 495
-
L'invention de la poudre grandit le pouvoir des rois, seuls assez
riches pour posséder et entretenir de I'artillerie ; elle achève lr
ruine de la féodalité. Les cuirasses des barons et, les murs de leurs
châteaux ne suffisent plus à rendre la noblesse invulnérable contre
Ies attaques d'un ennemi pourvu d'armes à feu. Phénomène trou-
blant : chaque grand progrès en civilisation correspond presque
toujours à un progrès dans I'alt de la guerre. Ainsi, à son tour,
l'inuention de la poudre établit I'égnlilti sur Ie lerrain ntilitaire entre
Ies diuerses clnsses sociales.
L'imprimerie.
- 0n doit à Jean Guttenberg de llfayence la décou-
verte de I'imprimerie(vers 1436).
L'essence de r:ette invention consiste dans I'usage des caractères
moulés métalliques détacluis ot ntobiles, par suite, suscEtiblns d'être
enryloyés u,n grand nontbre de fois. Jusqu'alors, Ies livres n'existaient
qu'à l'état rle manuscrits et leur prix était très élevé. En abaissant
dans des proportions extraordinaires le cott des livres, I'imprimerie
permet aux invcntions de se conservcr, aux idées de circuler, à I'ins-
truction de se répandre, aux progrès de se 'réaliser plus rapidement
et de laisser une trace durable. tomplétée par l'inuention du, papicr'
'
elle réulise I'égalité des clusses socinles su,r le terrain sctentifiçte.
Aucune découverte n'a jamais revêtu de caractère plus grandiose
que celle de I'imprimerie. Non seulement elle en a engendré ou hâté
un grand nombre d'autres, mais elle a changé la facg de I'Europe et
du monde. Le mouvement artistique et littéraire connu sous le nom
de Renaissance sera la conséquence directe, inrmédiate de I'inven-
tion de l'imprimerie. < L'imprimerie, a dit Rivarol, est I'artillerie de
la pensée. > Dès le commencement du xvr'siècle, il existe, dans les
Pays-Bas, une douzaine d'imprimeries. Elles ne tardent pas à se
multiplier et, dans la seconde moitié tlu siècle, Christophe Platltiu,
Français établi en Belgique, oir il meurt en 1589, fonde à Anvers ses
célèbres ateliers typographiques. Son gendre llloretus continue son
entreprise. Le fameux Elzevier, mort eu l'617 'à Leyde, ou il avait
fondé une imprimerie, était né à Louvaiu. 0n appelle inamahles les
livres dont I'impression remonte au berceau de I'imprimerie, c'est'à-
dire au xvte siècle.
Le papler. Nous devons aux Arabes I'art de faire du papier avec
-
des chiffons. L'usage du linge de corps étant devenu général, au
xrv. siècle, on put facilement se procurer la matière première indis-
pensable pour cettc fabrication. Depuis lors, il est possible à chacun
d'acquérir à bon marché de cluoi écrire ou imprirner. L'iuvention
496 HTSTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIVILISATION

du papicr, quoique d'importance acceseoire, seconde beaucoup


I'imprimerie dans sort action civilisatrice.
Autres inventions et découvertes.
- 0n intente les montres à Nurem-
herg, dès la iin du xv. siècle. Au xvt', Coperuic établit le véri-
table système du monde en faisant du soleil urte étoile fixe autour
de laquelle gravitent les planètes et en particulicr la terre.
Sous les princes des maisons de Bourgogne et d'Autriche, la
Belgique produit un grand uombre d'hommes célèbres par leur esprit
d'inil,iatit'e, leur savoir ou leur génie.
Thierrl' lllaertens, d'Alost, inl,roduit I'imprimerie en cctte ville,
cn 4,&14.
Louis de Berken, de Bruges, invente en {478, I'ar[ de polir le dia-
mant.
Gérard Mercator, de Rupelmonde (l5t2-ltg4) est un savant géo-
graphe et un grand mathématicien. 0n lui doit le système cartogra-
phique connu sous le nom de projectiort de Mercator, particulièrement
en usage dans les cartes marines. Dans ce système, les surfaces dont
se compose la sphère sont déformées de telle façon que tous les
parallèles deviennent égaux à l'équatcur. Par suite la sphère est
trrrsformée en un cylindre. Si I'on suppose celui-ci déroulé,
on obtient la projec[ion de la surface de la sphèrc d'après le système
de Mercator. Les méridiens y devieuneut, comme los parallèles, des
lignes droites, parallèlcs entre clles.
Jusqu'à Mercator, les rnalins se servaient de cartes planes oir il
n'étai[ point teuu compte de la sphérieité de la terre. Aussi leurs
calculs, ayant pour objet la détennirtatiou des lieux, étaient-ils sou-
vent erronés. Poursuivi par les agents de I'inquisition, Mercator cst
enfermé dans un sombre cachot du château de Rupelmonde.
Àbraham 0rtélius, d'Auvers (1597-{598). autre grand géographe
belge, surnommé le Ptolémée du xvtu siècle, est, avec Mercator,
considéré comme le véritabkj créateur de la gcographic moderue.
0n lui doit le premier atlas.
Àdrien Romain, excellertt mathématicien, est I'auteur d'uue déter-
jusqu'alors
mination
- la plus exacte
renoe à son diamètre.
- du lapport de la circonfé-
Rambert Dodoens, de M;rlines ({5{8-1585 ), Charles de I'Ecluse, né
à Arras (1595-1609) ct De Lobel. de Lille, doivent une haute renom-
mée à leur's lemarquables travaux botaniques. Dodoens perfectionne
la division des plantes eu classes, genres et espèces. Jusqu'à lui, la
botauique avait été tenue pour une simple subdivision de la méde-
TEMPS HISTORr0UES.- pÉnIODE B0uncurcN.-ÀurRrcH. 497

cine. La classification de Dodoens en son cruydeboek (qui fut traduit


cn français, en anglais, en latin et eut lT édilions en moins d'un
siècle) comporte g6 classes basées sur les propriétés et usages des
plantes ; Ia flcur, I'odeur , les propriétés purgatives ou r'éné-
ileuses, etc, sont les caractères observés pour cette classi-
Iication. De I'Ecluse, autre botaniste méthodique, se lnonl,re supé-
ricur au précôdent par I'exacl,il,ude de ses descriptions. Nous lui
devons I'int,r'oduction eu nol,re pays du Jaurier-rose, du marron-
rtier d'Inde, du platane d'Â$ie, etc. Le premier, il fait connaître Ia
pomme de terre, la décr.it et la dit comestible. Malheureusement le
préjugé empêchera une culture vraiment importante dc cette plante
alimentaire en Belgique jusqu'en 17,13, époque où I'usage s'en vulga-
lise. 0n doit, parait-il, i\ De Lobel la méthode de classilication natu-
rclle des r'égétaux.
Mais c'cs[ surtout à la nredeciue que les Belgcs font faire les plus
renrarquables progr'ès. Audré Ycsale (t8{r,4-15641, de Bruxelles, est,
à juste titre, surnornmé le Père de I'anatontie, 0n lui doit, d'avoir
ramené lcs rnédecins et surtout les anatomistcs I I'observation de la
ttature. Jusqu'llors, ou n'étudiait la structurc du corps humain que
sur des animaux et, en particulier sur le singe, I'Eglise interdisant
la dissectiou des cadavres humains. Le premier, Vésale opère lir dis-
section du corps de I'homme. Ses découvertes eu anatomie produi-
sent une rér'olution complète dans I'art de lir chirurgie. Il enseigne
avec l0 plus grard succès dans les universités de Louvain, de Paris,
de Bologne, de Pisc, de Padoue. lllais, quoiqu'il soit successivement
lc médeciu de Challes-Quint et celui de Philippe II, I'inquisition le
pcrsécute pour ses éclits. Espérant lilsi échapper à ses enne-
rnis, il sollicitc du roi d'Espagne I'autorisation de faire le pèlerinage
dc Jérusalem. A son retour de Terre-Sainte, il se reudait à Veuise,
dont le Sénat lui avait ofl'ert une chaire d'auatomie, lorsqu'il fut jeté
l)ar un rraufrage dans I'ile dc Zante, oir I'on dit qu'il mourut de
fatigue et de rnisère.

TITRE X
Philosophie et monale. Gnoyances neligieuses.
-
Philosophie et morale. Après la chute de Constantiuople, les
-
Grecs fugitifs apportent en 0ccident lcs ouvrages dus à Platon et aux
philosophes de l'école d'Alexandrie,que I'on cro"vait perdus. Âccueil-
V. llirguet. - Histoire des Belges. 32
498 rusrotRp DEs BELGES ET DE LEUn cIYIIISATIoN

lis avec enthousiasme, ces 0uvrages deviennent bientÔt I'occasion de


nouvelles disputes.
Le monde des hautes écoles se partage entre Àristote et Platon,
avec plus ou moins d'orthodoxie d'ailleurs, car sous lcs ituspices de
ces deux grands llons, qui ,. innocentaient les tendances de leurs
interprètes > le panthéisme règnc à peu près partout (l).
À cette époque,0n colrstate une tertdance accentuée e[ généralc de
I'esprit humain à s'affranchir du joug de la scolastique ( 2 ) et de la
théàlogie. C'est par I'effort tle lir dialectique, l'un des sept arts libé-
raux enseignés dans les écoles, qu'il y arrive insensiblement. Long-
temps soumise') la théologie, la dialec[ique s'en dé[auhe peu à peu,
reste d'abord son alliée, puis s'eu sépare défirtitit'entent dans les
ternps tnoderncs.
Doctrines et institutions religieuses. La conduite rl'une parl,ie du
-
clergé au moyen âge n'est pas toujours exempte de reproche; les
compositions théâtrales dont nous parlerons plus loin flétrissent,
daus dc vigoureuses satires, certains vices dont quelques-uns de ses
menrbres donuent le scandale .Le roman du Renard, celui de la Rose,
d'innombrables poésies satirigues, les soti'es et autres pièces drama-
tiques (3', en déversant le ridicule sur les idées et les choses de
I'Eglise, prédisposent le peuple en faveur des réformes rôclamées par
le moine Augustin Luther, professeur à I'uttiversité de \Yittcnberg.
La réforme. Les protestants. Eu '1517. da[e où commence l'ère de
-
It réform,e, ce moine célèbre ose contester publiquemenl, I'eflicacité
des indulgences. Excommurtié en 1590, il n'en corttinue pas moins la
propagation de ses idées, altaquant chaque jour de llouYeaux poittts
de la doctrine romaine. La diète tenue à Spire en {599 ayant décidé
de remettre la discussion des dogmes aux soinsd'un concile général,
1es partisans dc Luther protestent viventent contrc cette décision :
d'où leur nom de protestants. Ert 1555, h diète d'Augsbourg l.ccoll-
nait definitivement aux princes réformés la liberté de couscierr ee et,
lc droit de pratiquer lcur culte.

({) Yoir Lacnotx, ScreHces et lettres cut ,nolJen d7e, au chapitre Sciences
philosophtques -
(2) Philosophie enseignée dans les écoles au moyen âge. Elle est moins une
philosophie particulière qu'une métbode d'argumentation syllogistique, sèche
et serrée, sous laquelle on â réduit I'aristotélisme, fourré de cent questions
puériles (Dmnnot).
(3) Jouées en plein air à I'occasion des concours entle les clmnù)ves d'e
rhëtorigue.
PÉRIODE BOURGUIGN..AUTRIC[. 499
TEMPS HISTONIQUES.
-
Causes des progrès rarpides ds la réforme en Belgique.
- A cette
époque, le peuple belge est rela[ivement instruit. Raremcnt ort ren-
contre, même à la campagne, une personne ne sachant pas lire et
écrire. L'imprimerie permet de distribuer à profusiou les écrits de
toute sorte : elle favolise ainsi I'expansiort rapide des uouvelles doc-
trines. D'autre part, notre pals est Ie reudez-vous des négociants du
monde entier; des armées cosmopolites, formées de soldats de tous
pays, V tiennert ganrison. Ces conditions spéciales le désignent tout
naturellement pour devenir'.I'uu des foyers de I'Evaugile nouveau.
Aussi la réforme fait-elle, en Belgique, delgrands et rapides progrès.
Croyancos populaires.
- i\u xve siècle et 3u xvru, les superstitions
populaires des siècles précédents u'out en rien diminué. 0:r corrtinue
d'attribuer les phénomènes les plus simples à des ctuses suruatu-
relles. Les savirnts eux-mêrncs ne hasardent qu'avec précaution d'en
donner une explication raisonnable, lorsqu'ils en corutaissent, cal'
bien des erreurs se sortt ( pour les esprits faibles, transformées envér'i-
tés inaltaquables > et de ces erreurs vivent quantité de. gens qui
exploitent la crédulité publitlue. << L'inventaire des croyalces
absurdcs et mortstrueuses de nos arcêtres, dit Lacroix, serait un triste
monument dc leur ignclrauce, sur laquelle nous aimons mieux jeter
un voile d'indulgence et d'oubli tl). l

TITRE XI ,

Lettres.
Sous les ducs de Bourgogne, un très vif mouvement littéraire se
produit en Belgique. Les princes de cette maison ne reculent devant
aucune dépense pour I'encour:lger. Philippe lc Hardi jette les fonrle-
ments de la célèbre bibliothèque de Bourgogue; ses successeur's
s'attachent, .avec un soil cons[ant, à ]'enrichir. A côté d'un grand
nombre de poèmes de chevalerie, or y voit ligurer de nombreux
ouvrages de morale, de théologie, dlhistoire, etc. Considérée à cette
époque comme I'une des plus riches du monde, elle compte encol'e
aujourd'hui huit à dix mille voluntes. Toutefois, les princes bourgui-
gtrons sont plutôt, inspirés, dans leurs t-rfforts, par le goût du luxe
que.par uu véritable penchaut littéraire. Aussi attachent-ils moins

(4) Sciences etlettres au, moycn dge, au chapitre Ct.oyances populaites.


500 rrrsrorne DES BELGES ET DE LEUn cruLrsATIoN

d'importance à la valeul intlinsèque d'un livre qu'à sa riche reliure


ou à la perfection des rniniatures dont il est orné. a Ils fondaient des
bibliothèques par goiit pour les cltcfs-d'æuvre de h crlligraphie et, de
la miniatule enluminée et se préoccupaicnt assez peu du texte même
de leurs livres, tlc I'irme lenferrnée et, étouffée dans ces corps magni-
Iiqucs par lcs alabesques polychrornes tlu eopiste et les compositions
cornpliquées dc I'enluminure ({). >
Les Yan Byck, ct d'autrcs pcintles illustres, travaillèrent, pnraît-il,
aux peintules qui décorent Lrs manuscrits de la bibliothèquo dc
Bourgogne.
Marguerite d'Autriche, {ille de Philippe le Bcau, se montre une
protectrice plus éclairée dcs lettles. Non seulemclrt elle aecorde à
un grald nombre dc savants tle précicux encoul"agernents, mais cllc-
mèrne s'adonnc à la poésie avec quclque succès. Sous son gouverne-
ureut, les chambres dc rhétolique atl.eigncnt .leur pleinc cfllores-
ccDce.
Littérature française.
- Sous les princes lbourguignons, princes
françris d'origine, elle est en grand honneur au détr.iment de la litté-
rat,ure flamande, tout à fait délaissée. 0n cullive surtout I'histoire.
À. Jean, Lcbel et i tr'rotssart succôdent Clns(elain ({380.{469)
d'Alost, auteur dela Grantle Cln'oniqu,e des du,cs Llc Bou,rqogne; Oliuinr
tle Ia J[urcÀe, historierr courtisan, qui s'attlchc à peindre le luxe de
la cour opulenl,c des ducs de Bourgogne; Jacques de Clcrcq, historien
populaire, qui déuit les misèrcs du peuple; enfin, Philippe de
Conûnes, né en l,&45 au château de Comincs, rnort en 1509. Tour a
tour attaché à Challes Ie Térnéraile clt qualité d'écu,vcr et à Louis XI
a titre de conseiller, il coml)ose, $ul' les règnes de ces priuces, des
tuérnoiles célèbres ou il s'attaclie à dégagel la philosollhic des ér'é.
ncrnetts; par malbeuf, ou .v rencontre,ll justilicatiot de faits d'une
rnoralité tlouteuse : a Tont entier ù l'étude des effets et des cruses,
plein d'aclrniration pour I'iutrigue qui réussit, Cornines donne des
lcçons de politique plutôt quc de veltu ct de monle. C'est un homme
ti'filtat profoncl, un obser'vateur d'ture rar.e clairvo.vance, mais c'est
tvlnf tout un obscrvateur constamment fidèle à cette maximc : < Qui
a le prolit de la guerle, en a I'honneur ,> 1 Jean Le Maire (1473.1576),
poe)te et historien qui vit ù la cour de lllargucrite d'Autliche, en
rrrôme temps qu'un autre poète, Jea,n Molinet, etc. ; Jacqu,es Meyer

({) Peul FÂÉDÉIuco. tscai sar Ie rôIe politique d,es ducs de Dourgogne, p. gl B.
TETTPS HIST0nr0UES.- r'ÉnroDE BoURCUIGN.-ÀUTRriIr. 501

(1491-1559), curé de Blankerrberghe, qui écrit une histoire de la


Flandre depuis les origines jusqu'au xyr* siècle. Son æuvre se ml'àc-
térise par une exlrctitude rernarquable.
Panni lcs écrivains d'un autre genre, nous citerons:
Despautère, né i\ Ninove en {480, rnort ii Comines en {590. Le prc-
mier, il soutient I'opirtiort que I'usage des bons écrivains est la seule
règle en grarnrnair"e. La grlmmaire qu'il composa a étc suivie dans
les écoles jusqu'au commencement de ce siècle.
Annq, Byns, néc à Ânvers ({495-r.575), béguinc e[ maitresse
ti'école, surnomrnéc la ôhpào flanaruk, se distingue par la vivacité et
la hardiesse de son style. Contrairemen[ à la plupart des réthoriciens,
elle consacrc son très récl talen[ à la défense dc h vieille foi.
Littérature flamande. À lir suite de I'avènemettt, en llaittltut, et eu
-
Hollande des Àvesncs ({980-'1345), famille d'originc française, le
flamaud, dortt cctte maisou fait, peu de cas, esL cle plus en plus
négligé en pays nécllandais. La noblcsse e[ la richc bourgeoisie
mettent Ie fr:rnçais à l;r mode cf abandonueut au peuple I'usiigc de li-t
langue nationalc. Quoique {latnand. Chastelain lpprôcie peu sil
langue nuternelle et se moque dcs Flamands, qui, dit'il << n'entcn-
tcndent flartçais rte plus que liestes bru[cs >. Ainsi méprisée, la languc
fltrmancle nc tat'cle pas ù tombel ell ult cornplet cliscr'édit. D'autre pat t,
I'influence de la rnaison de Bavière ('134i-{436) I'infcste de nombreux
germalisrnes. Quant aux prittccs dc la maisou dC BoulgOgue, ils sc
montreut toujours hostiles i\ utre languC qu'ils tienttettt pour utl
idiome étranger et balbare.
Illle a d'ailleurs à leurs yeuK ull tort bicn plus grave, ccltti de pro-
tluirc dcs écrivaius, poùtes ou historictts, qui souveut célèbrent, en
tcrmes enflatttntés, les liienfaits dc I'indépendancc et dc la liberté.
Aussi, clès qu'ils se sentertt assez fOrts pour tt'avoir plus de nténa-
gentcrtts à garder, ces princes ne publient-ils plus qu'en frartçais
leurs décrets et lcurs ordottttances.
Illar,gueritc tl'.,\utricltc frrnriliarisc tliivantage cnc0re la Belgiquc
avec le langrgc e[ les mætl1s de 11 cour de France. Ainsi son
administration contribue ù précipiter la décadence de I'idiome
néerlandais.
Err consérluence de ce flé{ain universcl et du grand nombre de
locutions étrangères qu'elle s'approprie, la langue flamande s'altère
profondément. Les chambres dc rlrétorique la sauvent d'uue immi'
nente décadencc.
Les chambres de rhétorique. Àux confrér'ies bourgcoises, ayant
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rgnps HISToRI0uES. - PÉnlobu sounculcN.-AUTRIcH. 503

pour unique objet de donner des représcntatïons dramatiques, suc-


cèdent les chambres de rhétorique qui, au xYe et au xvte siècle,
existenl rlans toutes lcs localités importantes et parfois jusque dans
les plus pctits villages. Elles se composent d'artisans réunis en
société dans le but de se récréer par cles récitations poétiques,.des
représentations dramatiques, des fètes musicales, des marches en
cortèges, ctc. Ces sociéles Se réunissent en des concours dits land-
jyweelen- littêralemenl, ioyau,t ou prin du, pays quand ils ont lieu
-
entrc les sociétés tles villes , eL haagspel - ieu, des huiæ - quand ils
se produisent entre des sociétés rurales.
À I'occasion de ces coDcours, On 6rganise des processions magni'
lîques qui compOrtent, des tableaux vivants, des chatades, rles panto'
mimes et autres groupes animés personni{iaut dcs sentiments esthé'
tiques Ou moraux. Les sociétés concumentes exécutent des pièces
tliverses, drames et farces, pour I'amusement du public et se disputenI
les prix attribués aux meilleures compositions littéraires. Les sujets
mis âU collcours et propOsés à I'avance sonl, d'ordinaire des sujgts
religieux, tels que : la Prentière Joie de Marie,les ,Sepf Dou,leu,rs de
In Vierge,le Mystère du, Saint-.\acrenlent, etc. Ces æuvres littéraires
mèlent. à l'ôloge,.la Satire des hommes et des choses, Sans épargner
parfois les gouvernânts eux-mèmes.
En général, les æuvres des rhétoriciens sont d'un caractère peu
élevé et d'une facture médiocre; mais, par lc fait mèrne, elles resten[
à la portée du peuple, qui peut ainsi prendre unc part directe et
âctive au mouïemeut littérairc de l'époque.
Les chambres de rhétorique brillent du plus vif éclat darts les
contrées de langue flamande, depuis la lin du xtve siècle jusqu'à
la seconde moitié du xvr". Elles sont aussi nombreuses qu'aujour'
d'hui nos sociétés de musique. Parfois elles adoptent des noms syttz'
bol:it1ttæ, comme Le Liure, de Bruxelles, dout h devise esl z Pou'r
vottloir m.iatn. D'autres fois, elles se donnent des noms poétiqu'æ :
Ia G4irlande tle Maræ, également de Bruxelles, avec la devise : Za
gaieté naî,tde la jettnesse;la Flatr de Genêt, de Gheel' ayant pour
tlevise : Tout auec le tem:ps. Quelquefois aussi, elles choisissent des
titres bou,ffons comme L0, Clnm,bre du, Bottdin.
Leurs devises sont ordinairement représentées par un rdltrs. Une
colombe planant dans les nuages signilie : Ifon @uure est célzste. La
devise des Barbaristæ, de Courtrai : < Godyoedt veel zotten > (Dieu
nûurrit beaucoup de sots) se traduit en peinture par un pied lvoerl|,
nourrit, homonyme de voeù, picd) placê au'dessus d'une oinle (veel',
riaL Hrsr'rn' DES BELcEs ET DE LEUR crvrLrsÀTr,N

beau'cou,p, homonyrnc de veel, uæte) sous laquelle on ligure deux


captrchons ou bonncts de fou (l).
Les chambres de rhétorique possèdent leurs chartes octroyées par
les souverains. Le chef de la chambre porte le nom de roi ou de pritice,
son orateur ou bouffon, celui de fau (2). EIle a aussi son t,résorier
et son porte-étendard. D'ordinaire, les souverains font partie de I'unc
ou I'autre ch:rmbre. Âinsi en est-il, par exemple, de rnilippe le Bcarr.
Les concours ont lieu à des intervalles assez lrpprochés, en I'hon-
neur dc Ia Yierge ou de quelque saint. plus d'unc fois on y voi[
r'éunies et fmternisant des chambrcs rvallonnes et des chambres
{lamandes. ces rencontres cordiales contribuent à cimentcr
I'uniorr
des deux râces eù à constir,uer le caractère uational
{3).
. Le Iuxe déployé par lcs chambres de rhétoriqur'il.n,
ces solcn-
nités dépasse toute vraiseniblaucc. Daus un concours clonné à
Arvers
en {56{, l'a Guirlantle tle Marie,l'une des six chambres de r,hétorique
de Bruxellcs, y conduiL ght sociétaires à cheval. a lls étaient, habillés
tle soie et de velours clrmoisi, avec de Iongues cûsaques à la polo-
naise, bordées de prssements cl'argcnt. Leur chapei était rouge,
leurs pourpoints, bottines et plurnages étaient blirncs. Letrrs cein-
tures multicolores étirient rehaussécs cl'argenû. Le cortr)ge se compo-
sait dc sept grands chars faits à I'antique et rle sept pluJ pctits,
tous
gracieuscment équipés cl clrargés de personnilges qLri représcntaient
les dieux clu paganisme, les alrégories de Bruxàller, tu ntonnrkeu-pis
et d'autres olrjets popuhires; puis, cn1in, soixantc-rlix-huit grands
chariots, avec des torches rllumécs, recouyerfs cle clraps rougcs
bor-
dés de bla'c et conduits par cles charre[iers vtitus rlc manteaux
r.u-
ges. l,es chariots portaient clivers personnâges qui, par
de belles
allégories, donnaient à entendre << clnuncnt 0n s'nssetrilr| en cuttdti,c
pour se stiparer en action > (/1).
La question posée pour ce concours était h suivante : Décidu ce
qu'i IepLu's emite I'lrcnnne auù arrs et aun sciences. Des
orateurs clon-
nèrent en réponse : I'orgueil, re fricot, etc. une elrambre s'eflbrr..a

('l) srÉcxrn, q. 't79. Hîstoire de ra tittérattne nëerlandaise en tergique.


. (g) Ll petite chambre de Lebeke se distinguait des autr;t p** onu particula-
rit-é^curieu.se : elle jouait ses moralités à cheîat
(3) tes Flamands et les \vallons ne semblert pas avoir connu
au moyen âge
aussi aigu |antipathie et la rivalité qu. noos aujourd'hui
l:ll^d^rgle
entre eux. "erffions
voir à ce sujet la préface de Nos poètes Tanandï, par M. stécher.
-
(4) voir Lêgendes sur ïiistotrè de Bergtque, fage eiz, p* Côrlùn oa pl.ÀNcy.
Reprdseutrtion d'uû rnI'stèrc
506 HISToIITE DES DELGRS ET DE LEUR CIvILIsATION

tle prouver, au moyen d'une moralité, que c'él,ait I'honncur et,


I'amour de la louange et de la gloire. Yoici quelques questions
posées à d'autres concours : Qu'est-ce qtù est estinté. et acqu,is auæ le
phts ile peine? Que usu,t-il rni,eu;n, Ia pair ou, Ia gu,erre?
-
est ln plu,s grnnde consolation de l'ltonme mourant ?
-
Qu,clle

Cette dernière question fut posée au concours d':\nvers en {539:


< Très peu de chambrcs répondirent d'une firçon orthodoxe. Presque
toutes les réponses s'en tinrent à la Bible ou à la libre conscience.
En général, elles attaquaient les pardons ct les indulgences. >
En réponse à d'autres qucsûions du concours, (( on flétrit eeux qui
cachent I'Evangile sous des intrigues humaines; les prélats qui éta-
lent trop de luxe, les sots qui ne servent Dieu que pour Ie prolit ou
:t: qui se courbent der,ant des irnages de pierre ou de bois; les coureurs
de pèlerinage; les porteurs de chisses, etc. ({). >
0n entend ici comme le soullle précurseur dc la réforme.
0n conviendra que ces concours éiaient bien supérieurs aux
courses de taureaux qui faisaient alors fureur en Espagne et même
aux festivals actuels de nos sociétés de musiquc. Organisés par de
simples artisans, ils attestaient des gotts relevés chez un peuple
plein de vie et d'exuliérance.
Voici, toujours d'après Collin de Plancl', une liste des prix rccordés
à la suite d'urt concours de chambres de rhétorique : Lo Un prix pour
la chambre fournissant, à la question posée, la solution jugée la
meilleure. 9o Un prix pour la chambre la plus nombreuse. 3o Un prix
pour celle donl I'entr'ée étail, magnifique entre toutes. 4n Un prix
pour celle représentant le mieux, par son cortège, une allégorie
proposée. 5o Un prix pour celle figuranl le plus artistement sa
devise. 6o Un prix pour la cbambre vÊnue du lieu le plus éloigné.
7o Un prix pour la comédie la mieux jouée. 8^ Un prix pour la
chambre dont I'un des membres réussissait le mieux à faire le fou
sans dire d'injules, ni causer de scandale. >
A I'occasion de ces fètes, le magistrat du lieu où elles se donnent
s'ingénie à organiser des réjouissances publiques propres à en
augmenter I'at,traction. Ce sont partout des feux de joie
- à Anvers,
dans un certain concours, on fait flamber à la fois, sur le bord du
Ileuve, cinq mille tonneaux de goudron
- des courses dans les sacs,
des courses de canards sur l'eau, des jeux de bague; etc., etc.

(l) SrÉcuun, Histoire de Ia littérature nëeilandaiæ en Belgique, page {8S.


TEnps HrsToRrouES. pÉRI0DE BOuRGUrcl(.-ÂuTnrcH. 50?
-
TITRE XI

Enseignement.

Enseignoment supérieur. La crértion de I'univcrsité de Louvâiû,


-
sous Jean lV ({496), permet aux jeunes Belges d'abordcr les études
supérieures sans quitter le pays. Par suite, les hautes études devien-
neu{, accessibles à un beaucoup plus grand nombre de personnes et Ie
niveau intellectuel des classcs dirigeantes s'elève de la manière la
plus heureusc. A son tour aussi, I'étmngcr nous envoie des élèves.
Enseignement moyen. De temps immémorial, I'instruction *
moyenne s'était donnée dans les écoles Iatines des chapitres et dans
certaines écoles tles hieron"vmites ({).
Âu xrvs et au xve siècle, des moines augustins, récollets, oratoriens
et autles, établissent en Belgique cle nouveaux collèges. Certaines
municipalités les imitent; des particuliers font demême.
Enseignement primaire. l,'slsgignement primaire est donné, soit
-
par Ie clergé dcs paroisses, soit par des maîtres laïcs. Avant d'ouvrir
une école, ces derniers cloivenl en obtertir I'autorisation de I'autorité
civile et de I'autorité ecclésiastique. Les deux s'accordent dans leurs
efforts, pour satisfaire aux néccssités de I'enseigrtcment inférieur.
Aussi, I'instruction primaire se répand-elle de plus en plus en notre
pays. Mème dans les campagnes, ily â pcu de personnes qui ne
sachent au moins Iire el, écrire tandis qu'à l'étranger beaucoup de
gens de rang élevé ne possèdent pas ces prenriels éléments de toute
cul ture inûellecl,uclle.

TITRE XII

Beaux-ants.
La liberté et ia richcsse publique ont dc tout tenrps engendré le
gott des arts. A peine les communes sont-elles pan'enues à ce haut
degré de prospér'ité qu'elles atteignirent sous les Artevelde que nous

(1.) Ilistoire de I'instruction publirlue, par Euu,r Cnuvsotl. Potria Belgtca,


p. 271, tome II.
/\\
/\>
s.

'-4;{
TEMPS HTSToRIoUES. pÉRI0DE BOURGUTGN.-AUTRrCrr. ô09
-
yoyolls les beaux-arts prendre le plus'vif essor dans notr.c pa.r:s. Les
ducs de Bourgogne les encourageut, toutefois plus par vanité que par
gorif.
Architecture.
- L'époque du gothiclue tertiaire est pour |architec-
tule ogivale une ôpoque de décadence. L'orncmentation des édifices
de cette époque offr'e parfois quelque chose d'excessif, de confus, de
tourmenté, otr le gorit semlile manquer. c'est cependirnt à ce style
qu'appar[icnnent la plupart de uos monumcnts tant civils que reli-
gieux du xv' et du xvr. siècle. Au commencement de ce dernier, et
rnême dès la fiu du pr'écédent, apparaissent I'arc su,rbaissé (en anse
de panier), tantôt simple, tantôt trilobé (bourse d'An\,ers ), et I'arc en
accolade ou en /alon (palais des princes-évêques, àLiége).
Architecture religieuse.
- Les principaux monuments religieux de
l'époque sont : liotre-Dame d'Anvers, le plus vaste et Ie prus rernar-
qulble de tous ceux de cette époque: elle est à sept nefs, chose
extrômement rar'e et possède une tour lilute de {28 mètres; lc
cloître de slint-Prul, à Liégc ( fiu du xv" sie\cle et commencemeu[
du xylu);Ia chapelle du Saint-Sacrcment, àSaintc-Guclule({); Sainf
Gommaire, à Lierre ; Sainte-Catherine, à Hoogstracteu; Saint-Rom_
haut, à Malines; Saint-Pierle, à Louvirin; Sainte-Waudru, à Mons;
saint-Jacques, à Liége, I'un des plus beaux monuments tre |Europc
eu style ogival tertiaire; Saint-Hubert, dans la ville de ce nonr ; de
riches mausolées en diverses églises; les splendides tabenracles
de l'église de Léau e[ de I'abba.ve de Tongelloo, etc.
Architecture civile.
- Hôtels
lille datent du xv'siècle.
de ui.lle.
- Nos plus beirux hôters de
ce sout : I'hôtel dc ville tle Bruxellcs, dont
la firçade est surmontée d'une toul en pierre découpée à jour., haute
de l'14 mètres, adurirable d'ôlégance et de légèreté; celui deLouyain
(première moitie du xvr" siècle) véritable pirlais de deutelles, le prus
parfirit des moluments de I'espèce en Belgique et mème, assure-t-on,
le plus bel édifice civil en stl'le ogival tertilire du nord de I'Europe;
enliu les hôtels dc ville de Gaud et d'audenaerde. La célèbre cheminée
du Franc de Bruges, exécutée el 1599, apputient au nôme st,vle.
.llfaisons des corporutions et des nations (9). 0n cite parrni les
-
({) Eglise très intéressante à étudier. Sa construction, commencée vers
,1920, ayant duré trois siècles, on y rencontre des parties architecturales se
rapportant aux différentes époques du style ogival,
(2) Matsons des Natittns, espèces de consulats oir se rétrnissaient les mem-
bres des associations des négociants d'une môme contrée.
5{0 Hlsrotnn DES tELcEs ET nB LEUR cIvILISATIoN

plus remarquables : la maison des bateliers et des poissonniers à


Gand {xvru siècle); Ie Broodhuis ou Maison du Roi, à Bruxelles,
(ancierme halle au pain), bâtie de l5l4 à 11j30; la maison hanséa-
tique'; celle du serment de SainhGeorges et celle du métier des dra-
piers, à Auvers ; la maison du serment cles arbalétriers, à Bruges;
celle des poissonuiers, a Malines, e[c.
Palais de princæ ct maisons pri'uéæ. Le palais des priuces-
-
évêques àr Liége ({508-{540) est considéré comme le plus beau
palais de souverain, en gothique tertiaire, qui ait existé en Belgique
et mème comme I'un des plus remarqualiles de toute I'Europe. Au
xvr' sièclc, la plupart cles grandes familles belges, les d'Egntont,
les .de Lannoy, les Lalaing, les llansfeld, les Tour et Taxis
se fotl construire à Bruxelles de somp[ueux hÔtels dont plusicurs,
qui subsistent eucore, fottrnissent dc beaux spécimens d'architec-
tur,e. Leur caractér'istique principale est ordinairement I'arc en
accolade.
reli-
Peinture.
- Sans abandonner tout à fiiit la recherche du beau
gieux, les artistes de l'époque bourguignonne-lutrichielne ftlnt
sortir I'art des églises, l'étalentenfacedela nature, dans le plein air
des rues et dcs places publiques, au grand solcil des prairies, des
champs ct des bois. Ils traitent, tautÔt l'histoireet tantÔt le genre(l).
Tour ù tour, ils tirent leurs sujets de la mythologie antique, de I'his-
toire religieuset de I'histoire profane. Très soucieux clu pittoresque'
ils s'attachent d'ailleurs tout d'abord ù produire te réel avec une
stricte exacl,itude.
L'époquc austro-nourguignonne est une phase brillante pour I'his-
toire de la peinture en Belgique" Il serait impossible d'énumérer les
noms de tous les peintres belges er renom qui vivaient au commen'
cement du tvt'siècle. La seule ville dc Malines en comptait plus de
cent cinquante, à raisott sans doute dc la présence de Ia cour en

(4.) Histoire, synonyme rJ'idéal; gen!'e',syn0nyme deréul'ité-. r Lx peinture


rte'ginre comprend les ssènes de Ia vie familière, les paysages, les animaux, les
fbùs,la natrire morts, voire même les porl,raits exécutés d'après des modèles
vivands et les sujets historiques étudiés au point de vue purement archéolo'
sique des costumes et des tYPes. I
"i ntte se dit par opposition à peinture d.'histoire, expression employée.pour
désigner <les co'rnpoSitions qui rendent, d'ule façon idéalen des scènes histo-
riquËsreligieuses àu rte purè fanl,aisie r. 0n fait parfois de la peinture tles
aslects champêtres une peinture à part, h peintute de paysage,
TEITPS HISTOTTIOUES. PÉRIODts BOURGUIGN..ÀT.JTRICII. 5I{.
-
cettc ville, sous Illarguerite d'Autriche. Nous citclons seulement les
noms des principaux.
Hubert Yan Byck ('1,366-1426), né à Maaseyck et mort à Bruges, où
il passe une grande partie de sa vie, se montre en peinture un nova-
teur hardi, non seulement sous le rapport du st.vle, mais encore sous
celui des procédés techuiques. Au point de vue du fond, s'il peint
encore de préférence les sujets religieux, les êtres qui ligurent en
ses tableaux sout représentés, quant aux traits et aux costumes,
d'après ce qui se montre aux yeux.
En ce qui concerne les procédés matériels, chacun sait qu'on lui
attribue I'invention de la peinture q I'huile.
Jusqu'à lqi, dans les peintures sur toile, on avait surtout peint,
avec du blanc d'æuf uni aux couleurs et mélangé de colle, de
gomme et de cire. Ur grossier vernis à Ia resine donnait de la con-
sistance à la peinture. Ces procédés imparfuits donnaieut une séche'
resse excessive aux soulcurs et une insufïisante solidité à la pein-
ture.
< En choisissant I'huile pour lier ses couleurs, il les obtint beau-
coup plus fermes, plus vigoureuses et plus moelleuses; en rempla-
çant le vernis visqueux par lequel on avait jusqu'alors recouvert les
détrenpes, pâr un veruis léger et incolore, il ajouta de la transpa-
rerce et de l'éclat à ses teintes p ({). La peinture à I'huilc était
cependant connue dès Ie xuu. siècle, mais I'ignol'ance du siccatif
récessaire empêchait de s'en serryir aulrement, que sur des panneaux
en bois. Les frères Van Eyck auraient trouvé ce siccatif qui devai[
permettre la peinture sur toile, d'où vient qu'on leur attribue
I'invention de la peinture à I'huile.
Les frères Van Eyck (Ilubert ct Jean, dc Maas-Eyck, c'est-à-dire de
Eyck-sur-Meuse: on ignore leur nom de famille) sont considérés
comme les fondateurs de l'écolc flamande de peinture. Leur æuvre
la plus célèbre est le merveilleux triptyque d9l'Agng,au Diuinqu'ils
composèrent de {4{{ 'à't432, pour l'église do SainhBavon à Gand.
Haus lllcmlinc, autre grand peintre de la même époque, peint
égalcment ses plus belles æuvres a Bruges, oh il meurt, en 1495. 0n
ignore Ie lieu de sa naissance.
Quinten Iflatsys, né à Louvain (?), mort à Anvers (1466-1599) est
d'abord fcrrgeron ou plutôt ciseleur cn fer. Il a laissé eil cette qualité

({ ) Lurxu, Histoh'e de I'Art,lI, p. 997.


Fi\
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, lr-rrll
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N.i
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TElrps HrsTORr0uES. pÉnr0DE tJOuRGUrcN.-AUTlrrcrr. 513
-
des æuvres d'une délicatcsse ct, tl'un lini reurarquables qui auraicnt
sulli à lc reudrc celèble. s'étant mis r manicr le piuccrru, il devient
bientôt I'un dcs plus illuslr'es peintres de sou époque. Avec (Juinteu
llittsys sc termire ll période golhique de I'art, cellc dans lirrluclle les
pciutlcs cxprimeul, ùrec une ruïvc siurpticité les sentiurents rcligieux
ou m,vstiques.
Citons encore, colunre appartcnaut a ll môme ép-oquc : Joseph
viru Cleef, le rneilleur coloriste tlu temps; Bernllcl tln Orlcy, peintre
tl'ltistoire; LanccloI Blondeel, qui r'ôussit surtout dans I'art dc
rcndrc les effets dc lumiere; Pal,teniers, de Dinant: dans le pryslge,
qu'il tlaile eu nini'aturiste, il étuclic lir naturc seule; Jrcqucs clinr-
urer, autrc paysugiste de grand talcnt.
Lir petite peintulc (ntiui:rtur,c e[ cnlurninule) reste toujours .,r lir
ntode. Lcs plus grands peintr.es ne déclaignent pas, sur, lir dcurande
,des princes, d'orncr les manuscrits dc belles minirtures. Plus d'uncr
fois les frères Van H1'ck s'emploient à cc travail (l ).
Ll peintulc sur vel're est en très grand hoùneur au \rve siùcle, iru
rv. ct au xt're. Lcs plinces, lcs ér'ùques, les rnagistr.ats des villcs ct
tes parrticuliers enlichissent de litraux un grand nombr.e d'églises.
Les cinq vit,raux qui décorent lc chæùr de l'église Sailte-Wùudr.u,
à lfons, son[ donnés par ]llximilicn d'Àul,riclre l cette église qui cu
leçoit aussi clu nragistrlrt, tle l'évuque rle Cirmltrai et de tlhilippe dc
illèr'es.
Sculpture el orfèvrerie.
- Ccrtlins sculptcurs ct orfèvrcs belges du
xn'e sièclc, du xve et d[r ]i't'ru sont doués d'uu [alent tout lr fait
supérieur', conlinant par.fois lu génic, si I'on en juge prt l.lll graud
,nonrltre d'rpur'res admir.ablcs produites à cette époque. Lcs jubés, les
tabcntacles, les stalles dc cha-ur, les aigles, lcs chair.cs de t'ér.ité,
les confcssionnùnx, cliters tombeaux élcr'és par' les gnnrls, sout, à
bort droit cités comme des nren'eillcs. Les princes, lcs noblcs ct les .

r'icltes bourgeois possèdeut cles meubles richemenf sculptés, une


vaisselle dél icaternent ci sclôc.
Tapisseries.-La t:rpisscrie, espùce dc peinture en lainc, fut autrc-
J'ois une industrie essenticllc'nrcnt helgc. Itaitcs de fils cle hine aux

.({) gn a cependant contesté le fait ( trutiu l}elgit:a,III, 625, Bur,s), lequel


tt'aurait pas été possible, ce-* peinties n'apparienanr, pas â ra corporafion
'rles arl,istes qui illustraienl, les manuscrits. Néanmoins LLmn allinne positive-
ment, en son tome lI, p. 309, r1u'ils I'ont fail.
V. Mirguet.
- Histoire des Belges. Bl
rJI4 HISI'OIRE DES IJHLGIIS Ii'I' DB LEUR CIVILISÀ'I'IOI{

vivcs coulculs rnéhrtgés de lils d'ot', les tapisselics llantzrtitlcs jouis-


sent dilns lc monile ctttier, au xlvc, iltl r1'e ct ittt xvte siùclc, tl'unc
r'épuhtion rnér'itée. De pr'éfér'cttce, cllcs re[t'rceut dcs scètlcs ltisto-
rirlues ou dcs légcnrlcs elt)pl'tllllér:s aux 1riils scptctttriOttitux ('l).
Auflenlcr.dc sctrlc occupc à ceLto irtdtrstlic {2 a {5,000 ouvriers.
LCS llerSOrtnitgcs pgssesscul'S d'uttc grattclc toltunc offr'Clt souvCttt
1ux égliscs dc nllglifiqucs t:rpisscrics. Ils cn lcrclttièr'cut tlc tuirttte
l)our lcurs hlbil,rtions. I'n certuiu uotttbt'e dc ccs t'lllisscries at'tis-
tiqrrcs sc sottt cottscrvées jusclrr'l ttos jout's.
La tapisscr:ie a précôtle la peiuture sur toilc. lillc ltri a pr'é1tlt'é lcs
voics, on peUt, le dire, car h cottttitisslttlce du tlcssin é[ait, rrér:essailr'l
pt-rnr la luéparùtion des pat,rons ou urcldùles tl'irlit'ùs lcsrlucls ollcoll-
fcctiorutitit lcs taltissclics.
- Il se
Musique. ploduit, cn liulopc, illt xve siirclc ct lttt \\'lc, tttt
lltourelltellt utusicrl tr'ès rctttllqtrablc'"Iuquol lir llclgiquc plcrrd ll
plrrs hlge palt, < Lcs llolges, éclivirit au xvlc sicclo ul) ittttblssil-
dcur deYenise, pirrlissent rtés poul la tttusiqttc crt ils Irossùtlcnt clcs
contpositculs du rnelitc lc lilLts étltittettt. >>

Nt-rtre pl.vs foulnit de nOrnbrettx tttusiciens, exéctttartts otl cott)l)o-


sitcurs, mx cours pliliciùr'os e[ tlLlx égliscs tlc l'Ût,rlngcr'..litle l]clgc
cst, alor.s nnc puissarite recomtrtartdirtion poul les utusicietts ituprès
dcs glauds et du clergé. 0n appellc nos comi)ttliotcs lcs lraitles ct
les restuur.tteurs dc ht tuusiqLlc. (( Ils y sont, si proprcs, tlit Giucciilp
clini, quc lcs honrrncs c[ les fcntrncs cltanteut oûlt)nle d'irtstittct lvr:c
lrlesul'c, avec grâce, ilveo ntélodic. ll tt'y .it I)âs tlc princo chrÛtic1
rlui n'uit, à sl cottt' qtrckluc urusicictr bclge >.
Pu'nri les rtonts des nrusicicns llt-llges tlc cc tcmlts, tlctrtcut'és
célèbres, nous ci[erons: Jeutt Oclieyltcrlr (l4iC? à {513'/), lc pltrs
gqurd des conrpositculs de l'époqrrc, sucL:cssivettrcnt chiipclirin clo
Chrrles YII, cle Louis II ct tle Clrntles Vlll; Âth'icn Willirert, dc
llrugcs (Ur90-{li/lq), ntait,rc de nrtrsiquc crt l'églisc tlc Srint'llarc i
YCnise : ou lui doit, sCrttlrlo-t-il, lit ntttsiqttc a plusiculs cltrt;ttrs;
Ânselrne de Fliuxlrc ou lc..,l"lrulrtuntl, tyve quclqucs-utts cousitlclcrtl,
comltle I'invcnteur cle la gatuutc tttotlcruo ; Jeart Tirtctoris ('143d-'li901,
né, paraît-il, à Popclinghe; rniris Nivelles (cirt cllc lc leventlique
colnn)c I'undc SeS cnfilllts) lui a élcré tttte st;ttue: il forttl; à Nrtplcs

({) 0n rlistingue la taPisserie à hrute et à basse lisse. Ulles nc tlill'ctent


que ptr la disposition ltot'izontale ou verlicale tle Ia lrante.
TEilpS IIISî0lilCIUnS. I)Étrl0Dli B0Lttt,Lt{;N.-Âtr'fRlclr. 5{i
-
la lrrcrnièrc école dc rnusiquc ifalienne; ltoland tle Lirttre (0r'llndo
Litsso ou 0r'lirntlus l,assus, eu ltllie,l, suulorlllltrelc prûue des nusi-
uiens,rté à llons en tli2'1, ureurt, cn {tif}4 nurître tlc cbapclle à nltrnich.
tlénic d'uue extriroldinirilc fôcontlité, ir qui on at[r,illuc 9,400 com-
positions nursicitlcs. llons lLri ii ôlcvc une stittuc.

'I'ITRE XIII

Régime éeonomique.

Agriculture. Procédés de culture. les plltics du pays nort


ravagées
- I)unspr.ospèr,o;
pal la gucl'rc t:ivilc, I'agricultur,c la l'laudre sur-
tout, otr I'iudush'ie rlcs laincs est en pleinc clécadence, sly livr.e avec
arclcur. La Jrclite culturc, si fa,r,olalile :i la fcrtilisatior du sol,
grreùrl, cn cettc coutr'ôe, un I'eliliirqrrable ossol'. L'ar,tistn dcs can.
Jlitgncs laboule lui mr-rntc lc clranrp cl'otr il tile le lin et lc chanvr,c
dcstilés à la fal-rrication dc sa toile ou rlc sir dcntelle, et il apporte a
cc tllvail des soins r1u'il ltc pourrâit doruer. ir une culture plus
considér'able. Aiusi, la terrc s'aruélioi'c incessammeut, ct, clrirque
irruréc, produit clavantago.
Lc systèure de h jachèr'c sc pcr.fcc[ionne ilu xt're siècle, du moins
en ltlanth'e. 0n tln'rillc, on fune l.;r tcrre en jnchère; on lui fait pro-
tluire dcs plantes qui vivcnt moins du sol que dc lt nour.r.itule tirée
do I'air'; telles le t,rèllc, lc 1rois, Iil vcsre, etc. (l ).
La culturc potagèr'e r'éalise égulcnrcnt,clans les Pirys-Ilrrs, cles pro-
gr'ùs considér'ablcs. lios jarcliuicls jouissent dc h Jrlus grande répu-
tatiou e[ l'étlirnger rccrutc lcs sicns chcz nous. tutherine d'Aragon,
t'cirrc d'Ângletcrle, ne pcut olltcuir tlc slrladc a ses repls avunt que
sou rilioux llenri 1'lII nc lui rit procrrré un jiilclinier flamand. Ce
sortI lussi des jardinier's tlc notlc pa1's qui inrportent llr cerise en
Ânglr:telle.
l,'Lrsugc cles commuuauli pel,mct ùux pctits exploitants cl'éntr.e-
tcrtir urt liôtril relativement nourbreuN. Toutefois. le seigueur d'uu

(t ) Voir llnlnots, Clnsscs t'ut'ulc.r, p. 910.


Jt6 rnsrornr DEs DELGES ET DE LEUn ctvtllsÀTloN

tlonitrine continue i se réselvrrl;- ina14c posséder scul un taurcatt


reproducteur.
Àu ily* siècle, le bortnier de tt'ra,À tht à peu près '10 livres, eu
Brabattt, et, sorr t'clcnu est génôrale,'l'lt un niuid de grain, du prix
de 20 SouS ou d'uue livre, ce qui porte le lo"ver de la terle au taux
énolmc dc {0 p. c. de sa vllcur. Au rve siècle, ce rerellu dintirrue et
ne tlépasse plus i p. c.; il desccndla à 4, puis à 3 p. c. au \\'Ie siêcle;
cnliu au )i'f'ne, il tombera même il I lr9. qui est égalencnt celui de nos
jours. Iltalgré les plogrès r'éllisés par I'lgriculture, ttotre pirys t'estc
tributaire de l'é[ranger poul' lcs plotluits nécessaires à I'irlimentrtion.
Il y a tieu cle le rcrn'al'quer d'iiilleurs : lir llelgique, ntalgr'ê la grando
fertilité d'unc partie'impot'tantc tlc sou sol, en dépit, des soins intel-
ligents dont I'rgliculture y fut triujouls I'ohjet, n'a jrtnlis suffi irux
besoins de sa propre collsoilrmation i'l ).
Produits agricoles.
- Les vignohles rcsfertt abondlnts en Delgitluc
jusquc sous Clrarlcs-Quint. Souveut, lcs redo'ances sont payécs en
vins récoltés sur les terres hbourr4es. La vcndlngo, dans lir fritnt:hisc
tle Louvain, produit en 1559, 2,000 rintes (9) tle vil et diryantage
e1 .lifr3. Il 1'a rnûme, dans le pirrc dc Bruxelles, ttn clos de vigne
clont llargucrite d'Àutrichc conlie h culture à un Bourguignonn illitt
qu'il en prépare les procluits à la rnode tle Bourgogue. Bruxelles ct
ses fauhourgs, prrmi lesquels nous citelons Saint-Josse-ten-Noodc,
ont tles vignoblcs lcugnlmés. En :lii39, lc viu est si abondrn[ à Àcr-
schot, que le demi-litle se rend un liartl, c'est-à-dire deux cetttinres
ct denti.
A partir cle Clrarles-Quint, la culture de 11vigne, considérce conmc
trop chanceusc, disparaît : la cultur'e du grain Ia rernplace e[ lù cotl'
sommation de lrr bière se sul-rstitue à celle tlu vin. Cepenclant ull livre
rle Juste-Lipge, inprimô lu commencolnellt drt xvtI" siècle, reufcrtnc
une grûvure Otr I'on voit ettCore les euvirotts de Louvain cottvet'ts tle
vignobles (3 ).
Le rléveloppemelt pris à cctte époque pat les relatioils commcr'
ciales fOuruit le moyen d'enricltir nos jardins de plusieurs espèecs
rle fleurs, de fr'uits et dc légumes. Nous devons notammettt i\ l'Ânté'
lique direrses plantes aiimerttaircs (\'oit Yic priuëe.' nout'riturc). Sous
0har.les-0uint, ou rapporte, des pa.vs chauds, ccrtrincs planlos :rux'

({ ) Yoir BntNDTs, p. 904, Classes rtralcs.


\ù)L'aime contettait {90 à r30 litres.
(e) voirvlxBnurssgr,, p.98,Ilistoit'tducommetce etdelanmrint enBeIgirlue.
TEUpS HISTORI0UES. I'É:RTODE BOUI|GIrGN.-ÀUTnICII. 5{7
-
(luellcs on est o'ltigO clc crécr un climat artiliciel pour leur permetl,re
dc vivre err nos cont,réos. De là I'inventiort des serres.
l{ouÈ der:ons :.r la Chinc et, au Japon le cln"ysantht)nte,la piuoine eI
le lfus, plarrtes rustiques. l,e lil;.ts,le glaiat,l,la tulipe,le ntarronnier
tl'Inrle nous sont aussi t'cnus d'Orient. Charlcs-Quint aurait rapporté
rlc Tunisie la rlnr.bnrbe ct uue variété d'æillets,
Les chcvaux flamands sont grartds, robustes et reclierohés pour la
cavaler'ie militaire ( { ). Lc commerce des chet'aux, si importartt alors
on BelgiqLre, subit, une lortgue crise sous le r'ègne de Cirarles-Quint,
piir suitc des défenses d'exportations reploduites à ctraquc nouvclle
ilpprrcnce de guerre. Les troupeaux dc rnoutons sont notnllrcux ei
tbumissent lrr ruatièrc plemièrc, soit, aux ntétiers dirns les villes, soit
à I'industrie domestique dans les cantprgnes.
L'Anrérique enrichit, nos basscs-cours du diudon, rapporté du
Tcxas l)ar un père jésuile.
L'industrie et le commerce sous les princes bourguignons. Â I'avènc-
ment de la maison de Bourgogne, I'industrie belge est parYenue ù un
-
rlegré iucro.r'able de prospérité. Sous I'action de causcs diverses,
plr[iculièrement de I'adnrinistration et de la politique des ducs dc
Bourgogue, cllc ne tarde pas à décliner. Ilostiles aux tnaditions des
,trteveldc, ces s('ulerains, flurçlis cl'origine et de sentiments,
suivent, pl'esque toujours, lc parti de la France dans h
guerre de
Cent ans. Aussi les côtes belgcs sont-ellcs fr'équemment désolées par
les colsaires rrtglitis, et Ie commerce flirmand est-il fort éprouvé.
lin même tenps, les hines anglaises cessent cl'alimenter les méticrs
belges, et I'industrie nal,iouale sc roi[ souçcnt réduite à se servjr
des seules li-rines espagnoles, inféricures en qualité. Insensiblcment
aussi, clle perd, dans I'Angleterrc môme, I'un de ses principaux
debouehés. D'un autrc côté. en frirpprnt de coups redoublés lcs
plus lmportuttes comnluues du pays; les ducs cle Bourgognc taris-
sent dans leur source I'irtdustrie et le commcrce nationaux. Gand
ne se reme[ que lentemeut de sa terri]-rle défaite de Gavre. Philippc
le llardi défend de rebâtir les lhubourgs tl'Ipres, incendiés par les
Grntois. C'est contraindre à l'érnigr'atiou ltr cltsse ouu'ière de cette
ville, dont, lrr prospôr'ité se trouve ainsi détruite pottr jamais.
Âprès, la guerre faitc par lcs ducs de Bout'gogne aux comnuncs

({ ) Bnmors, Essaf sur les clacses agricolcs, p. 229 et suivantes.


it'[8 rrrst'ortrti ocs BELcES nr DE r.riun crrrlrsÀt'ro\
flitntitrttles, c'cst-à<lire vels '1dli6, Irr \ïcst-Fl:rnrlrc se tr-our.c tgllc-
ment rpprruvrie qu'on porrI lirc dans un ccrit rlc l'élioque ( qllo lcs
plus riches llcrsonltcs tlc lir châtcllenic d'Tlircs n'ont prr irchcter rle
lrlé ni de prin. Plusicurs ont rnentliô lrrl tlloit, rle léccssité et pau-
vlcté. Dc nôme, lcs lrrbourcurs, ccnsiels ct, arr[res,lc pouvirnl prrl'er
dcs selvitetlrs pour l:tltourcr', se sont, en grantl nonrlrrc rnis ù mentlier
pour Dien plutôt que rlc labourcr ,. Dinanl, rrnérntie plr philippc
le Done[ son lils,ne s'est, pits cllcol'c r,cler,éc rlc sa r,uilrc. Égllcnrcnt
lcnverséc rle foncl cn contltlc ct brrlrlée, Liegc nc prrvicnt prs rr
sortir tle ses ccnrllcs : les lrotrillerrrs, rlécinr{rs d:rns les slngllntes
batailles cl'Otluie, dc lloutenâelicn, tle RrLrsllrcrn et rlans le slc dc
Liége, lrrisscni inerploitécs les mincs rle chrrhon. pour les nr)mos
causcs, I'industrie rnctirllLrrgique languil dans tout lc pr1-s. nfoirrs
agité pal lcs rrornmotions populaires rlepuis l;r chrrtc dc Lour':rip,
en {383, le Brlban[ seul cottservc en pirr[ie son ;rnciennc splcrtdcur.
Tclle cst la sitrution mirtér'iclle fait'e rr not,re piils p.rr lcs princcs
bourguignons.
Industries de luxe.
- Ccpentlant, lc luxc quc tléploic lit cour. dcs
ducs cst inrité par la ricirc bourgcoisie corlunc plr hr uohlesso. Il
anrènc lc dér'eloppement dcs alts inrlrrstr;icls, qui occupcnt c[ font
vivre unc partie inrpoltirrrtc de h populir[ion. 0n voit, ainsi {leurir
I'inclustrie rles lnirl.r; celle de la ktilie ilu diunatt ef ccllc tlu porill
tlc tlentclle, clont lrr ticlgiquc tlispute I'invcntiotr à I'ltirlic.
Iln ntètttc tetnlls, lù qr&uu,re,lit saulpttr,r'c,l'a peinture, l;t tttttsiqw,
l'u"chiteclu,rz et, lir littaraltu'e,lronor'écs et, cncourirgcies pitr lcs souvc-
lirins, plerruent urr vif essor. lhis ccttc proslrtirité factiec ne r.éussit
pas longtcmps a fitire illusion sur la r'ér'itahlc silurfion écononriqrrc
tlu p:r1s.
Cependanf I'exemple douné par Ia eour introrluil le goirt du luxc
c[ des fètcs jusquc tlrrns les classes lcs plus irrfiurcs de la sociétô.
Les ducs tlc llourgogue assistent avec sal,isflction ir t:ct,tc æuvrc rlc
eorrulltion. Ils espùrent voit rinsi s'rffaiblil lrr lililité tlu carre[ère
belge ct, à la faveur rlc cettc déprcssion morrlc, r,éaliser, sans
éprouver trop de résistance, leur plan dc ccntlalisation dcspo[iquc.
Décadence de Bruges. Âu xve et âlr xvre sit'rcle, le conrmerce belge
-
tend a se déplacer au plofit cle l,ouvirin, dc Bruxelles ct sultout
d'Anvels. 0n approfondit lir Dendrc, la Setrnc, la Dyle et lcs dcux
Nèthes. tes liviôrcs, I'Bscaut, les nonrl)reux crlnilux rlu Br.alllnt,.
constitnent un rescau impor,tant de loies navigahles, propicc lu
tléveloppernenl rlu coti]lllel'cc. D'uutrc pnr.l,, Phililrpc le llar,rli, ptr
.r'ltps rlrS'6Rl*riES. ptirtloin B'tlR{}UI{}N.-ÀU'I'RICH. 519
-
hirîrrc d,Ypres e[ rlc I'I!c:luse, ot[roic à Àrtvcrs une
charte des plus
t]tt xv'siùcle, ctt pt'tiseuce des
lu|gcs. Âussi, tlùs le colntnellcettrctr[
rg"rîatious populaires conl,inucllcs clont Bruges esI le tlrr-litle ct qtti
nations ({ ) sc décident'-
lr.oulrlerrt lcurs opératiorts comtnercialcs, les
i
gllcs allrntlonuer 11 Veuise dtt NOltl pour Anvers' lllais les rzaltorls
ilc sont pirs sculcs à tlÛltisser' Ûr'uges. Fu-v:rnt lcs luttes ciïilcs rle
t,ott[ cttcrcher err Augleterre uno vie
lcurs 1r.r1s, lcs lrtistns brugcois
1,tus ir.rn,ilitte. ttès lors,
ilslr*its prr les érnigrirs dcs plocéclés

ir i'in4ustr.ic 1lirmuntle, lcs Àughis fa5riquent ctrx-mù1tes le


i,ropru. pouvoit'
it1ap ct lcs ilrtres tissus rio [iine. Dienl,irt ntùttlc, au Iîeu dc
autrefois,lcurs protltrits c1 rlrtgleterre,lcs l'isseraurts
lcrlrlfe, collrme
ltelges ont ir luttcr, sut' Icttt's pl'oprcs narcltés, cortlrc
lir cottcur-
l'irttlustric intligène s'irc'
,r,,r*r, ôtrrngèrc. La llngueul ClOnt SOUflt'e
dc cotte cirùonshancc et clétcrrninc dc llouYeùttx artisans
r',r,0ît cucorc
i rcjoinclrc lcs prcrniers émigr'és.lin pcu tl'irnttéc$, I'intlusÛt'ie Iainit)rc
belgc se l,rouvc mor,tellemeut, attcirttc. 0'cs[ utr tude coup pour la
plospérité de Brugcs.
pcrtne[ dcs vo1'agcs
It'autre part, I'iriveution réeeute de lii lloussolc
rnrritiutcs plus longs et lil . néccssité rl'uu entrcpÔt de coilll)lerce
I'Eui'ope ne sc fai[ plus irutant sent,ir aux pcttltlcs du
tlaps le rrord dc
uidi.
riYùges
D'irillcurs, li-r mer s'éloignc tle plus crr plus dcs aûcieus
cst cnsablé, cclui de I'liclusc et' tout le
bclges. Le por.t dc l)itmrnc
quclquc sorte à vuc tl'mil, e[ lcs mcsutes prises
Zlvin sc comSlc*t e1
polr' cornltrttre lc rnal 1cstcnI satis tésttltat, lrpprécilrble' sous I'in'
trIucûce dc ces caus0s cliverses, llr décadcrlce de
Brugcs s'accélère
lupidcmcnt. Âtn'crs lccr.rcille son lréril'rge'
sous Philippe le Beau
Renaissance du commerce et de la grande industrie
et sous charles.Quint. :
La grirntle iltlustric rcplend tout'efois ligueur
sous Philippc lc Dcau 0harles-Quint, pri[ces cle l'.r rnaison d'Àu-
et
triche; c[ tols sout, les rcssolll'cos natuleltes tlu sol, la situatiott
cornrncrciale iivantirgcuse dtt pitys, le mrirclt)re énergiqtre et' inclus-
trieux des popr.rltrtùns bclgcs; tcls sont lrussi' il fiut'
le recon'
et prrivilôges gtlriltltis itux uratcltfllids étrangcl's
lai[rc, tcs st,r'etés
tle I'hilippe II il n'cxistc
frt O* llis trùs libéraies, quu"r l',rr'ùnclile11

({)Voirp.ii0g,Ârchitet:ttttet'ilile'0trappelaittt.q'tion*lesc^orporationsde
néÀociants établics tlatts une ville et appartenanl à une même ttation' Ce

màî s'est conset'vé à Anvcrs.


.ï90 HISr''rnE DEs llrilcas ur DH LEun trvrlrsATr'N
pas dans le monde entier, dc pa1's plus r.iclre quc
les pays-Bas. 0l1,
rLxnarque 3ii0 r'illcs et, 6,1i00 locnlités de nroindr.e importancc,
dont
rur granrl norubre fort plospùrcs. Miris c'est sur.tout daÙs lc ltidi que
I'iudustrie a p'is ccttc fois un clévelollpernen[ et une rctiyité ext*-.
olrlinnilcs. Di[ic en amphiilréitre, sur, le pencha't cl'une colline a'
picd de larluellc coulc la senne, Irruxcrlles est dclenuc Lrne grandc
u[ bclle ville clc 400,000 hubitants. dont ]'eneeinte dépassc six
liilo-.
rntitrcs. Fcrtile et bien eultir.éc, Ja carnpugne environnintc contribue
:r tlonner au pilnorilrrrl <le lrr caliihrle uu aslrcct r.iant et enchanteur.
L'industrie des rlmcs, cles tlpis et dcs dcntcllcs occul)o une nom-,
I-
lrr'euse popuhtion our'iùre, rôpartie eu cinrlnirnte-cleux girrlcs.
rin
rrnc scule corlnurnde, lc papc l-éon r lui aclrete pour J0,000
eou-.
r'onDe$ d'or de tlpisscrics rlestirrées au vaticau et conrposées
sur les
rlessins du célèbre pcintre italicn Itaphaiil. l,llle renfernrc
lussi un
grirnd nornlllc dc bclux lronuurcnts parnri lesquels lc+s
ét,rangcr.s
;rdmireut I'hôtel cle villc, d'une merveilleuse alcliitecture, ct l'église
slinte-Gudulc, I'nu clcs scpt tcmples clrr'étiens tle h r-ille l.l ).
De son côté, Liégc est, enfin sortic dc scs ruincs. ses fàrges,
dont.
lir re'o'rnécr s'cte.cl rllx lla,\.s les plus lointains, lui ont, ,Jfoit, peu
i peu une lic ct unc lbr.tune noulclles. sir population déprsse
'10c1,000 lubiturts ct I'on répùte paltout
lussi r.c dicton : < Liége .r
du pain meillcur quc rlu p,in (rc pai. cle f'orrrcnt), clu fcr pl.s-rlu'
que du fcr (l'lcier) et du fcu plus arclcnt que clu feu (le
feu tle
cltarbon ) >.
Les lrcmiers hauts-fourncirux font leur lppiir,ition vers {ss0. 0n
cÙ mcntioDnc à t\lmul. eu 1J60, arec des for.ges pour lir tmnsfor_
rnation du fcr en burres.
Err pn'tic reler.ée, Di'iurt crlcorc rvec Bour.ignes drns Iir
'ir.iirise
lirb.ication des ol-rjets de cuivre. seule des villes du ltiitli, Louvain.
ne sort pas dc sa mortellc léthiu'gic.

-un tilnd,
Prospérilé des Flandres. égalcmrut redevcuue prospère,.
(]ompte, renfermée clans cilcuit cle quatr'e lieues de tour,, ulle
populal,ion égalc i\ cclle de Bruxelles et cle Liége. Il occupc
00,000 ouvriers à la firbricirlior des draps, de lir ierg. et dc lir

ce.no.mbre sept était fort en honneur dans la r-iile de Bruxelles.


_ J.l) Non
seuremenl elle possédail sept-églises, mais ellc avait aussi sept grantles,
thmilles (lignages), s-ept.gri'deË places, sep[, portes, etc.0n fit m0me ra.
remargue, le-jour de I'a-bdication dè charles-Quiirt, que sept tôiàs
courounées,
assistaient à la cérémonie.
TEITI)S IIISTORIOI-ES. _ PÉNIODE BOIRGI,IGN.-AUTRICII. 59{
fu[aile. Dans ]e reste de Ia Flandre, une agriculture florissante rern-
lrlace I'industrie drapière, it pcu près anclantie. 0n y cultive le lin.
'lvec succès et le câmpilgni.rrd, I'hiver, lile rru tisse h grosse toile,
l)our son usilgc. Mrris il vencl scs lils les plus {ins clon[ on fabrique,
:r la ville, lii l-ratiste et lrr dentelle. 0n se fait une idée de la ricltesse
prodigicuse du pa-v,s quand on loit une petite ville de secortd ordre'
tcllc que Audenacrde, collsùcrer, el quatre années, uue somme de
700,000 francs a hr coustluction d'un hôl,el cle ville resté I'une des.
pcrles architecturales de la Belgique.
Prospérité extraordinaire d'Anvers.
- Àr'ec son liort ltrofond et sa
magnilique posilion srrr un grand fleuvc, au centre de la côte nord-
ouest, de I'Eulopc continentale, h ville d'Anvers se trout'e tout indi-
r1uée pour rernplacer Brugcs. Aussi son développernent est-it
incroyablemcnt rirpide. Iln quclques annécs, cette ville devient I'en-
trepôt et la bourse du rnonde entier et la cité commerciale la plus.
irnpoltante du globc.
Tous les négociants considérables des pal-s civilisés y établisscnt
dcs comptoirs (l), clont le nombre clépirsse bicntôt un millicr. Anvels
atteint I'apogée de sa prospérité r'crs 1550. Â cette époquc, sa popu-
htiort s'élève, dit-on, à 150,000 ûmes. 0n loit jusqu'à 9,500 uavires
r'éunis ert rnême temps dans son port, ori I'ort constatc à I'entrée
ct à la scirtie un mouycment quotirlicn de 500 bâtirnents. Faute de
trrr-ruvoir arriver anx qulis, ccrt'lins ntvires restcnt en rade pendant
des semaines en[ièrcs. Plus dc 9000 gritnds chrriots chargés de mar-
cliancliscs passent chaque jour pal lcs portes de la ville, se dirigelut
rers la France, la Lorraine et I'AIlcmagne.
Iln un nois, Anrcrs fait plus d'irffaires que Ycnise en deux ans. 0n
irvalue son compte annuel ds vente et d'irchlt i\ 1,669,i00,000 florins.
0n y compte plus tle 500 palais et autant de bourgeois capables de,
prôtcr '.r eux seuls au souvcrain un ou cleux millions de florins,.
sinon de lui cn faire cadeau a I'exeruple du filmcux Jeau Dacns. Ce
lichc négoci;rnt d'Anvers a.vant invité Chirlles-Quin[ ù urt grancl
tliner, allume ru desscrt un punch à I'eau-de-ric avcc ur reçu de tlois
rnillions de florins quc lqi doit I'enrpereut', dislnt : < Sire, je suis
assez payé par I'honneur quc vous me faites. >
Iin 1536, s'élère la bourse d'Ânvers longtemps rcnommée comme

(4) Contptoir', bureau de comrnerce institué par un {iouvernement en pays


étranger.Se dit aujourd'hui detoute espècc de commerce.
J99 ttrsTornu DES RIILGES ET DE l.tttiR crvu,ts,\t't0N

la plus belle de I'llurope (1). 0u y voit, parfois réunis jusrlu'ù 1i000


Inalchancls, courticls, capitaines dc navircs, ete.
Prêts à intérêts. -- Quoiquc tléfcnrlucs prr lc clcrgé, ces o1lérations
sont trop iudispcnsirbles au cornrnclcc pour qu'il soit possible dc les
enrpècher. Les glos risqucs coul'us plr lcs prôteurs poussent lcs
triux d'intér'rits a\ dcs cltiffr'es que nous collsiclérelions lujonlrl'lrui
L.ûrnnle usuraires ct qui souvent tlÉpitsscnt, le tirux légal, Iixc l
|2 l12 o/o. Prcssé pirr les cilconstrnecs, lc gouvcntemcrtt, lui-mûnic,
crnpruuto plus cl'urte fois a 16, {8 ct nrûmc 201t. n/o.
Monnaies. Dans I'intérèt du commcrcc, Chlrrlcs-Quint s'attlchc
I mliutenir la- valcur de I'algcrtt u urt tanx nnif?lrnre. Il rlonne liussi
une valeur fixc ir lir livle, qui uup'.rrrvartt v'.rlirit cl'une provincc u
I'autrc.
jusqu'à I'llscaut; on crcusc le
Canaux.
- Lir llaine esl canirliséc
crnal clc Grncl au Sus; ort coninlence celui de Willebroecli, ctc.
Marine. 0n donue aux rurvires tle plus grartdcs dinensions
-
ilue pitr lc plssé. Les planches u'cn sont ltlus siutplcnertt clouécs les
urlcs sur lrrs autres, rnlis jointcs piu' tles lltinulcs ; des étoupcs
calfcutrent lcs licles. Âiusi les nitvites tleviertnclt plus solicles el, plus
durirblcs. Ert vue tlc protégcr les eiruonniers, on crée les srbords i
tlavers lcsquels on ménirgc dcs embrasrtres pourlcs cr.urolls, lupùrir-
r-irnt, plircés sul le pont.
Influence exercée par la décourierte du Nouveau-Monde sur l'induslrie et
le commerce des Pays-Bas. Lr découvcr[c rle I'Atucritlnc sc fait au
- clont le souvcnirt cs[ r-'n mèmc temlis
profit irnurédirt de l'lispngnc,
le nôtre. Cctte cïrconstancc implirne uuc activité nouvcllc ilu colu-
il)erce et à I'inclustlie du pays. L'abondance rle I'or favorisc lcs tlan-
sirctions, lcs éclianges et lcs eutleprises de toutcs sortes. Les moins
liches peuvent tcntcr des opératious cotnrnercillcs auxquelles il
lcur aurait été impossible de songcr auparavtnt. Aussi voit-ort un
glancl uonrllre dc pelsonnes, issues dcs farnillcs les plus ltunbles,
étlilier en peu de tenps clcs folt,urtcs eolossales. Âinsl,l'égalité soeiale
s'établit sur le territin inclustliel et cotnrncrcial. lllis I'irllondance clir
I'ol crl avilit la vuleur; les protluits du sol c[ rutrcs nrarcharulises
ne peuvent plus s'obtertir qu'à des plix extraordinlircmertt ilugmell-
tés. Au fond, cepcndant, la vuleur lclativc tlc I'or eI dcs tlcnrées sc
maintient. Il n'en saurait, ôtre longteutps uutlcntcnt,.

(l) Elle fut, incendiée ett {8S8.


TElftps lilsroRr0[rES. pÉRIODE BOURGUIGN.-AUTRICII. 523
-
TITRE XIV
Vie privée.
Itlourriiure. Comntc plantcs alimcntaires nouvcllcs, l',\tttérique
-
fournit le maïs ('l), Ie [opinamllottr, la tornate, I'atlanils, lir pomme rle
tcrre longtemps réservéc au bétail et sculemcnt devenue lc ltain tlu
paure au xrxc siècle; le cliocolut, ntéliinge dc cttciro ct de sucrc
iirornirl,isé tle vanille ou cle crntrclle; lc ttrltrc ct lc fébrifuge connu
sorrs le rrout de qu,itulu,ina.Transpllntés aux Antilles,en mènte ternps
quc le coton et I'indigo, lc cirfé et la cautte i\ sucrc du r'ieux monde
y prospèreut iru point d'etitrer dalts ll cotrsclmmal,iou usuelle dcs
nobles ct des riclies boulgeois.
< Les habitants des Pays-llas, dit Giucciartlini, boivent contmuné'
ment la celvoise et, cn cct'tains liettx, bcaucoup de lait. Leur tuanger
oltlinaire esf tlu pain de sciglc, ct, en quelques enclroits, particuliè-
rement cn Hrinirut et en Ârtois, du pain de fromertt. Il y a peu de
rnaisons, aylrtt une ôertrtine aisirttce, ott I'otl nc tue tous lcs tllls un
bæuf ou cleux et autitrtt cle pores. I,lnfirt, ils font, ordinairement provi-
sion de beurt'e et de fromlge, dont ils se nout'rissent au cours de
I'année ,r.
llrrus les tilvenles, on boit lcs lins clu Rhin e[ d'l')spagne, ainsi que
les vins dc cru.0n y trouve aussi des l;ières anglaises ou allemandes.
Vêtement. Le gotit dc la prrure clcvicnt excessif sous Pltilippe le
-
Ron. Les riehes cltargent leur"s vètements cle broderies d'ot ct d'ar-
gcnt, parfois de pierreries. Jusque darts les classes ouvrières., on
s'haliille de velouls et cle soie. L'hirbit long est abarttlonné et retn'
placé par un lrabit très court. Attx longues chevelures uaturelles, se
substitue la perruque, dortt on exagère la hautetlr par I'usage de
liouuets élevés. Vrrincrnent, Chrllcs-Quint porte cles édits sontptuaires
qui iuterrlisent à tout le utonrle, tncute aux prittces, I'usage du drap
el'or et d'irrgettt et tte permettent, le t'elours ct le sirtin 11u'aux plus
hauts fonct,iouuaires, it ceux qui peuvertf entretenir des chevlux. La
pirssion du luxc'est la plus forte.
L'usagc du linge de corps devient uttivcrsel à partir du rve siècle :
avoir beaucoup de beau linge en résctt'e est I'ambition de toute
ménagère.

(I) llrlgré son nom tle ltlé tlc 'l'uryuie.


s94 IIISTOIITI| DES BI]LGES ET DE LEUN CIVII,ISATION

Habitations. Les noblcs abandonnent lculs chirteaux féodaux, ces


-
especes de prisons sans air et sans lumière, plantés sur des pics
irraecessiblcs, inhabitables cn somme, el, d'irilleurs devenus inutiles,
en tirnt que folteresses. Âu picd dc leurs vieux mu)oirs, ils se bâtis-
scnt, sur un phn plus moclerne, des demeures plus glics, plus confor-
tables. Dans les villcs, les mirisons de picrre et, de brique rleviennent
nombrcuscs.
Les tentures de cuir, les l,apisseries de haute-lisse, en hine, soic
ou argent, renrplacent, dans lcs habitations des nobles ct cles richcs
bourgeois, les tentures d'hermine et de vair d'autrefois. Dcs tapis-
series de mc\me sortc scrvcnt commc hrpis dc pied et gar.nit,ures
tlc lit ou dc clrcminée.
Dtns les maisons birties par dcs particulier.s aisés, les pivements
sout de pierre ou de plrnchc. 0n commence à paver non seulement
lcs rnarchcis ct autres phees publiques, m:ris les r.ues et les quais.
Cependant les habitations clcs campa$nards restent le plus sou-
vcnt de simples huttes, nrllproprcs, sordidcs ct mrlsaines. Les plus
belles sont constluites en torchis ct couvertes de chaume. Ilrrrernent
clles sont munies dc fenùtlcs vitrécs ou cle chcminées : la fuméc
continue à sortir par la polte.
tlobilier. Il devient aboncliurt ct confortable chez lcs gens aisés :
-
Dc cette époquc datent les beaux ureubles en chêne sculpté, si
rccherchés aujourd'hui : bahuts, drcssoirs, prie.Dieu, buffefs, etc.
La vaissellc est d'ol ou d'argcnt ciselé chez lcs grtrnds. clrez les plus
moclestes boulgeois, la vaissclle ct les cuillors cl'étain se substituent
i la laisselle ct aux cuillel's de bois. Les fourchcttes sont toujours
pcir employées (1). La céranique ne produit encore que des grès dc
Iircture grossière. Pour la literie, on enrploic gcnéralemenf cles draps

('l) a Les fourchettes, qui n'étaient pas connues des anciens, dir l,hûernû,-
diait'e des clrcrcheurs, furent mises en usage en France sous le règne de
0harles Y, mais elles n'étaient alors qu'un instrument servant à dépe-cer tes
viandes, tlont les morceaux étaient ensuite offbrts aux convives.
sous Henri l[, en {558, l'ondonnance d'un festin comprend q une r,rousse de
cuir doré contenant forches et cousteaux pour servir la fiande r. Les musées el
les collections particulières possèdent des spécimens de ces fourchettes à tleux
branches. Les estampes du moyen âge parvenues jusqu'à nous montrent lons
les convives se servant seulement de couteaux et de cuillers.
a Dans une rlc celles que le biblioplrile Jacob reproduit dans son ouvrage :
Jltr:tu's et toutulnes du nnyen dt1c, vrr instrument qui répond à peu près" au
signalement d'une fourchetle se trouve bien sur la fable, à côté d-'un des per.-
sonnages du banrluel, mais en facc de celui-ci, urr aulre conviye met carrément
TEITPS HIST0nI0r.IES. pÉRI0DE BOUnG[IGN.-AL-TnICII. 52it
-
tlc lit en toile, des cour-crtutes de laine, dcs coussins. À ce[tc époque,
lcs plemières voitules apparaissent, rgtl sirns exciter lc plus rif
ctonnement.
Eclairage.
- Chez les riches bourgcois, cltez les rtobles et tlhez les
princes, on s'éclaire iru moyen de llambeaux portés par des villets.
lUais chez les gens tlu peuple, il tt'y a cncore d'rutre éclairlge quc
celui du foyer. Lcs cliandelles dc suif restent pour eux à uu prix
inallordable. Les chiindelles dc r:ire se moutrcn[ au xvo siècle. Ort
les rrppelle bou.giæ, du uotn tle la ville de Bougie qui fournit berrucoult
dc circ. Iiaturellernent, le prix eu est plus éler'é encorc.
Confort.
- Ainsi le setttirneut du coufort s'évcille et s'irflirnte ltt
xve ct au xvle siècle. Toutefois les at'[isans et le's hlbil,irnts dCs
cilmpàrgncs prolitent des inventiotts ttouvelles beaucoup ntoius quc
les classes liches. Au point dc vue nratéricl, leurs cottditions d'exis-
tence restent,'i pcu de chose de prés, '.russi misérables que par lc
pNssé.
Chasse. Grande es[ la réputation des Belges en I'irrt d'élever dcs
-
faucons et de dresser lcs chiens pour la chasse. Cltarles-Quittt recrute
généralement ses mcutes dans sou pirys natal.
0u cloit, prrait-il, à ttarie de Hongrie I'introduclion en Bclgique du
procédé allemand de la râasse &u'il lotlæ.
A un certain momenl, Charles-Quint prcnd une mesuro crtricuse,
protcctliee de lrr chasse. II enjoint itux paysans ,. tle pcndre lux cols
de leuls mâtius un bastou cle hois cle trois pieds de long sotts peinc
tl'une amende de dix livres (1.) >.
tleurs. En mème temps que le luxe, Ia dépravation des nlæul's
-
s'accroit dans des proportions iniluiétantes sous les princes de lir
maison de Boulgogne : ( Ce sout, dit, Comincs, parlant rles Pays-llas,
les pays de la chrôticnté les plus ldonnés à tous les pliiisirs i\ quoi
I'homme est enclin et aux plus gr'lncles pourpcs ct dépcnscs (9) >r.
La splendeur de la cour de Bourgogrtc dépasse ce que I'imrginirtiou
peut concevoir'. Elle est, d'ailleurs de mauvais gorlt et ruineuse pour

la rnain tlans le plat. tlont il empoigne sans cérémonie une portion tlu conlertu.
r Àucune trace de fourchettes dans Rabelais, à notre connaissauce, non plus.
Le cuisinier du riche Gamache, à défaut rJe cuiller, n'y va pàs par quatre
chemins et plonge un poôlon tlans la marmite, rlont il extrait une poule et un
oison qu'il donne à Sanchc r.
('l) Ilistote de Charlcs-Quint, pac Hesrr:, t. lV, p. 978.
(2) Cité par Prul Fnennnrcq, lissui sur le rolc Ttolitiquc et socinl d,cs rlttu de
Iùturgoyne, p. 421.
TErlIpS UlSl'OrrIoUES. lltRIODn B0LIiGUIGN.-,IUTRICII. 597
-
le peuple qui doit pil"ver tous lcs capricos de ses princcs. Dn {4i4, au
l-rirnquet du l,\dsan.,, clortrté à Lille pltl Philipltc lc Bortaprès lii cltute
dc Cortstautinople, lc tlutr polte sul lui dcs pielrclies pour plus d'un
rnillion. Lc l-iutl'ct, 1rl:uré au fontl dc la salle. serttblc conlme éclasé
SouS lc llt vltissclle cl'or ct tl'argeltt. Au dcsselt.' il palait un
poicls tlc
pirté gigrrn[esquclcnfolmrut uu orclicstre dc 98 tttttsicietts. Dus la sttllc
ntitrnc du bltrquct, on voit trrt lion cnchrillÔ t urte coloune. Peldant
rurt cutlcntets, unc {lattie, symltolislurt I'ligliSC, cst irrtroduite danS la
sallC tlu festitt, lnontée Sur tlll élephant qttc couduit uu ltommc clc
très grantle taille, costuuté ett Turc. Iille se pl'.rint du mllhertt rles
chr,ûtiels cl'Or'ictrt. r\ltlrs prlait 'f'oisott tl'or, le lrérarrlt d'lt'ntes,
por,titrtI sut'lc lroing un lïr,isutr, ortté d'urr collier tle pellcs. Il cngirge
lcS coltvivcs tr julcr StlI'cC firislrn dc prcndre lxrr['"r la trottvelle c'roi-
Sil(lc qui se plé1lale dans lc liut tk: l'clirclldl'e Cortstrntinople aux
T'ur.cs. Tous lcs flsSiStilnts, ct I'hilippe ltti-mtiutc, font k: scrillellt
rlenrarrtlé : CC fLrt le célcbrc l-uu, tltt l"uisrm. lirttle tCurps, sur les
plirccs publiclucs ,, tlcs forttrrirtcs tle vin ct ti'eau de losc finc coulettt
tout le jour', à la disposition clu pcuplc ,.
lin {4i8, pour. fôtcr. sl t'écrtnciliirtion avec lc dLtc <. Gand Iit quatfe
nuits de suite dcs illuminirtions splenclitles et toujours tillrles mises
ûn pleines rues, vitts et viuitlcs clcssus à tous vctiants eomtnc si rien
ne coritassclt ct cltantoiettt ltortturcs ct fennes et faisoient dc la
rtuict Ic jottt'({)1.
Clrirrles le Témér'iril'e n'épilt'glte lieu potlr égâlcr ou Surpasscf SolI
pore elt rnagrtificertcc. l,ors du l.rlnquet donné à I'occasiotr de sott
ruirliàge avec ililI'guet'itC d')ot'li < otl poul'ait voir dans la salle utt
hu{l'ct, tlc dimeusions procligieusos. Des plirts et, des assicttes d'or et
d'argent étiriont, cnt:tssés duts lcs Iâyolls ilfér'ieurs. Sur les r:l,volls
rlu dcssus, olI I'eltlillqurtit cles gobelets en Ol' rcpoussé, émaillés de
picr,r'es précicuses ct d'autlcs oltjcts semblablcs tl'un pl'ix inestimable,.
rlui lbr,rnaicnt, des pylamidcs éblotrissantes. Peuclant le repas, ou vit
ctrtlcr tlans lr sllle uue birleitrc dc 60 pieds cle lotlg escor'[éc de dcux
géants. Sort colps étrrit si gros r1u'utr hontme à cheval aurait pu s'y
tcrtir circlté. Elle ouvrit, la guculc et I'on en viI sortir dcs sirènes qui
r:liirn[èrertt lDerveillousemel)t e[ clouze chevaliers qui clunsùrcnt, puis.
se colnl)atLirent jrrsqù'à ce quc les géants les lis.scrtl, relltlcl' dillls.
lcul baleinc >.

(l) Clroniçrrs dc CuasrELAIN.


528 Hrs't'orRE DES BELGEs ET DE LtstiR clvtlrsÀ'ltoN

Les kerrnesses et les omrnegangcn, les concours d'arc et d'arbalè[,e,


ics luttes littéraires organisées par les charrrl:r'es tle rhétorirlnc sont,
^tle même, I'occasion de dépenses ct de prrades luxucuscs. pirrrant
"d'Anvers, Giucciardini dit ( qu'on y voit i\ toute heure des fcstils,
dcs bals ou d'autrcs passc-tenlps ; on I'sntend à tous les coins dc
'rues que sous d'instruments, clransons ct ltruits de réjouiss1nces. l
La sobriété rlans le boilc et Ic manger. n'a jamais été revendiquée
,comnle une vertu Lrelge. ille ne I'etuit certes pâs iru temps des
princcs de Bourgogne cI d'Autr.iche. rr L€s gcns des Pa;'s-Ras, clit
un contemporain, haussent volon{,iers lc goblet, tienncrrt bonne
tirble et longue. > Ainsi, tandis que I'on es[ obligé dc preildr,c
'des nresures pour conrbattre le paupérisrne toujours griludissant,
la sonrptuosité des fètes, le luxe des vùtemcnts et cclui de la talilc
ne ccsse[[ de croitre. C'est en vain que les souverains et les
magistrats communaux essaient dc courbattre par des édits somp-
tuaires (en {i29, {J31, 1546), ce goùû pour.lcs fùtes et la bombanec.
Bn vue de r'épriurer les << clésordonnées beuveries et ivrogneries >
lors des dédicaces, fùtes et kermcsscs, d'cmpôcher. les ., débats horni-
cides ct autrcs inconvénients en r.ésullani > Charlcs-Quint, sur cc
point le précurseur de Joseph II, frorte un nouvel édit aux termcs
durlucl toutes les kermesses et fêtcs Iocales doivent se célébrer Ic
'même jour, {ixé p:rl le gourernetuent cl'irccorcl avec les conseils pr()-
vinciaux de justicc. ,lucune ne pcut sc prolonger. tu delà d'un jour.
llais toutes ces mesurcs tlerneurent sans graud résultat. L'exemple
vient tle trop haut, à h fois douné par h cour e[ par la uoblessc.

TITRE XIV

Gonsidénations génénales et vuc d'ensemble sun ta


péniode bounguignonne-autnichienne.

La période bourguiguonne-autrichienne forme, clans notre histoirc,


une époquc de transition. 0n _v assiste a la lut,te du principe do
.liberté et d'irutonomie comrnunales contre le principe d'autocrirtic
of dc ccntralisation. Le mol'en iigc avait offer[ lc spcctacle de heurts
violents entre lcs aspiratiorts contraircs dcs diverscs classes sociirles,
jalouscs les unes tles autres. À l'époque boulguignonne-autriehicnne,
le ploblème se simplific: vaincuc pilr lir royiruté, l:r fôodlrlitô sc,
rallie partout à celle-ci ; lc r:lcrgé fait tlc mènrc. Ccln est vrai r n
IEIII'S IIISÏONIOUES, _ PÉRIODE ROURCUIGN.-AUTNIûTI. 599
Belgique comrne cn Irancc. Philippe le Bon, Charles le Téméraire,
Philippe le Beau sont aussi liuissants dans nos contr'ées que des
nlonarques.
Deux arrtirgonistes restent donc seuls en présence: le Tteu,pld et le
sou,aerain, cclui-ci appu_ré sur le clergé eLla noblcsse. Ilntre lcs deux
ldversailcs. lii luttc cst longuc el telrillle. Les graudcs comluunes,
i
rnalgré toute lerrr énelgie, r'oient peu peu diminucr lcur autonomie
et lcur iniportirnce polil,ique, autant par leurs fautes d'ailleurs que
par le clespotisme dcs princes. Fnnestcs à I'intlustrie et, âu commerce,
les eornrnotions populaires qui, tous les rlix lns, r'cnversent, les
cortstitutions existantes,cntrainent apr'ès elles lir misùre cl, lir luine.
Comme ces lutles ne laisscnt ni repos ni trève ir lit bourgcoisie,
i
rtlles la déterminent a se rallier aussi aux princes c[ abdiqucr ses
lilicrtés cntre les rnaius d'uu pouvoir cirpirble clc lui pl'ocurer I'ortile
*t la tlrnquillité.
A cctte époque, sc manisfcstent, égalenrent des aspirations de plus
r--n plus plonoucées vers I'unification politiquc et la cenùrllisation
;rdruirtistralive, jutliciaile et fiuancière du pa1's. Cos aspirations
n'étirient pas mauvtlises cu clles-môrnes et, réalisôes selon les vues
rle.l. Vrin Artct'elde, clles auraient sans doute conduit aux plus heu-
leux résultirts. lll:.tis dirigées et cxploitées pill'des princes a tempé-
rlnent despotique, de semblablcs teudances ne pouvaicnt mflnqller
d'aboutir à I'asservissement de h natiou.
Poul rttcindre le llut qu'ils s0 sont rssigué, il ne suflit pas aux
ducs dc Bourgogne d'avoir réuni toutes lcs principautés liclges sous
leul autorite; ils veulent ellcorc clranger I'csprit énergique c[ les
nl(.rlufs simples des populiitions, en{in dol,el lc p'.rys d'institutions
propres ii irmenel une r'ér'itable fusion des provinces, jusqu'llors
suns Iicn entre elles. D'irborcl, ils s'lttachent à efféminer nos rudes
:rncètrcs en clévelopp;rnt lc goùt du luxe, dcs fètcs ct des plaisirs.
llienl,Crl ils r-oient leurs efforts prr,duire les.fruits attendus: le peuple
s'iuuollit, lcs grartds se corrompent.
Ils s'trppliquent elsuite à fiire perth'c lc goût et I'habitude des
ilr'lDes allx milices flamaudes, Âprès lcs défections de Illontdi-
clier ('141{)et de Calais ç{2136) ori ccs miliccs avaicnt donné un si
firchcux exetrple d'inrlisciplinc, les ducs de Bourgogne tiennelt
leur intcrventiort pour iueflicacc et claugercusc. llécidés n ne plus
lcs enrplol'er, ils sc creent unc armée permanente. chosc flcile avec
lcs ressources considémblcs dont ils disposcnt.
Y. llirguet. - Histoire des Belges. 34
530 lrrs'r'ornn DES IIEI.GES E'l'DFI LÈtitr clvlllsÂ'rroN

lorts de la puissartce que lcur assure cettc rrmée et, de I'appui


des classes supér'icules, les riucs cle Iloulgogne attacluenI successive-
ment, les glanrles colllmunes belges. L'esprit, p'rlt,itrullristc, si clu.u-
ciné tlans nos plovinces, causc à ce momcnt le plus grlnd tor.t a
Ia liberté. Lr nationalité, conrrne les prérogatives rlui cn dépentlcnt,
est provinciale, sinon mr\mc commurrale.
Chaque province, clraquc communc, peut-on rlire, r.r sts garall-
ties, ses droits plrticulicrs, e[ le citoyen rl'unc province ne peut
occuper d'emploi dans une lutre, sauf réciprocité conrerlue ou trt-
ditionnelle
Incapables de fairc'rucun sacrilice à I'rrniou, les pr.incipautés lcs
plus inr.por'tantcs, c0lllne les plus grantlcs comlltulles, sc tr.rtuvent
bientôt à la merci des princes. Âu lieu dc secourir lcur.s sæurs en
dangcr,les eités quc ccs princes laissenI ntomentanénrent tranrluilles
assistent avcc une indifférence égoïste et avetrgle, pirlfois même
.rvec une joie peu dissimulée, ir Li chutc de leurs ririrles.
À la mêrne époque, allivcnt en Ilelgique des légistes lrourguignons
et français qui, plofondénrertt imlius dcs principes du droit romirin,
pousscut lcs ducs tle Bourgogne à eentrrliser I'irclministrirlion de h'r
justice et cclle cles {inances.
Sous leur inspiration, sont étalilisles conseils protinr:iuut dejusticc
e|le grnntl Conseil de lllirlines. Ces rourgcs ltor\,eâux, qui onlèvent
aux grancles communes leur antityuc julidiction sur lcs pr:tites, lcs
affailllissent moralement, plus encore que politirJuenrcnt.
L'institution cles cottrs des conples et mènre celle des ctnts ginérau,.r'
ont une origine et un liut, anrlogues : ellcs contrilruent à for.tificr.
l'æuvre de centralisalion poulsuivie par lcs llrinecs lrrlrlguignons
iivec une singulière ténacité.
Charlcs le Ténrérairc cou[inue cettc politiquc et la pousse jusqu'l
Ia complète destruction tlcs richcs cités qrri lui por'tent omlirirgc.
llais c'est en vlin qu'il clrerchc à folmer un I'or{lumc de ses étrts.
Ses eftbrts échouen[ devant I'opposition dcs grirndcs eomrnunes ct
la jalousie de Louis XI.
Ses violeuces e[ ses cruautés limt)ncnt, une su]rite ct, intensc
réaction contre l'æuvrc séculaire cle la nraison de lloulgogne.
Notre pays doit à cette r'éaction lc çyantl l,rit'ilt)ge ilc Jfnrie de
Bourgogne(l&77), constitution adurirable pour I'ripoqrrc ('l ), oir sc

('l) L'historien llotley tlit, prrlant tle cette constilutiorr : u 0ir ailleurs sur
la tene y avait-il alors la liberté qui s'y trouvait grr.:rnlicl ,r
ïEUPS IIISTOnIQUltS, l'l',:RIODE IIOURGUIGN.-ÂUTRICI{. 53{
-
tronyc stipulé le droit pour lcs Ôhrts gônérirtrx cle se réunit u
ripOrluCS fixes, ttt bcsoirr
cotlvoc:itiou. Ptrrcille clattse, lOyale'
sâùS
nrcnt exécutôe, t'endaiI probablcs à lir lougue lcs plus sérieux
proglès politiqrres.
JlIiriS un llouvcilu rnariage prittcier, tlui uouS tlorlrte des sOuvet'ainS
plUs prtissluts ettcore et transporte a l'ét,rarrger le siègc dtr gou\Icr-
lgrnent, ftneantit ellcore utte fois I'cspér'ancc t1u'On arait, pu llouuil'
tle voir les lihertês publiques se rlévclolil)el' progl'essivcttteut sous
l'égicle dcs institutions natitlttrlcs.
Conscient clu pouvoir énornte quc I'lvettit' lui réserve, Pltilippe le
Iieau rcfuse de pr'ôter sel'msttt tu gt'u,ntl I'riuilège et le principe
rnôme clu réginre plrletnctttirirc displrrît de nos institutions' pOuI'
ll'l' relltrer qu'lprès '1789.

Challes-Quiut, tnouté sur lc trôrtc cll '1S15' rcprend en Rclgiquc


l'æuvre de Charles lc Térnérlire ct tlsg6i[ for'[Cntel[ en nos pro'
viuees I'autorité monarchique.
Le traité de ilfatlriL, (|59ij), colfirmé plr ceux des Dctnes ('tli29;
et de Crespy (là!tt), anÔantiI dÔfinitivernetrt les droits de suzeraineté
<lc lir Prance sLlI lt Irliutdre. ï,t bnllc itnpériule du {" juillet {530
clétr.uit, tl'autre pllt, ceux de I'Allentagtlc sul' les pays dc I'lttcientte
Lothar.ingie. trtais Dour protégcl'les Pays-Bas corttt'e le rér'cil possililc
des prétentions flattçaises, Charles-Qttittt,les laÛtachânf à l'Âllerrragtlc'
en fornre un cercle de I'crnpire ,le cercle tle Ilou'rgogne(1348).
Iirr{in, par la prugnmtique de Lii!*$,iI décl'arc flire dcs PitSs-Birs unc
tllrlsse désorrnrris inclivisillle et, irnplrtageable, consacrant ainsi rto[re
ihdépenclancc et, au point de rue de I'hôr'étlité, I'unité et I'intlivisi-
bi lité nl l,iorli:lles.
llais là lle se bortte pas sa sollicitutlc pourllos provinces. Il don$c
une olgtruisiilioll for{,e et en quelquc solte tlé{initilc I nos insti$t-
tious, au point quc cettc ol'ganisatioll est l'estée, à peu rle chosc pr$s,
cellg dc rlotl'c pays iusqu'en {.789, st rlue celle de l)os iours lr'en $st,
quc lc tléveloppement naturcl. Si, ù ce lllolnent,, nous Avions poSSEtu
ull Souvct'ain r'éritablemetrt natiollâ1, llous ilurions pu ospércl' encrlrc
rle belles destinées. ltrris il cst, toujouls tlangcreur' PouI un prftit
peLlple, cl'r\tte cntl'ainô datls I'ot'bite tl'ttne ration bcaucoup pfus
puissante que lui-mùmO. Nous ne devions point, tarder à l'éprouft'.
J39 IIISTOIRII DES BELGT]S Uî I}I: TETIR CIYILISITION

*'t,i:

l,ir puissanec de Clur:les-Quint ét.oull'e cl rrns Ies Pirys-Bas toute tttrni-


tbstation cle la libcrté. Le tcn'ible chirtiment t1u'il fri[ subir aux
(i1ntois, ctl ,15./10, tlottttc la tncsure dc sou lCspect potll' lcs droits tlc
ses colnpatriotcs. r\r,cc ht chrrtc ck: (iatttl, le principe dc la lilrcrt(r
r:ollllltUualC sucConlbc tlcfinitil'ernCrtt, ltcrcLtltlô sOus ntillg coulls
r,ôpétés, ct,, sut' scs t'uittc's :.llllollcelécs, le tlcspotistttc s'éttblit, triont-
lllnrttt,.
Peut-ôtre, cgpcil(lùDt,, n'étirit-il pas inutilc que le clcspotisme pesirt
(luelque temps sur les clir,erscS cllsses soci:rlCs pour lcs amellcr
r,.1fin à voir', chttsll libcrté ct,l'égrlitÛ, ttort plus tlcs privilùges, mais
rlcs droits nrtul'els et, imprcserliptibh-'s de I'ltttlttr-tnitÉ.
Quoi tlu'il en soit, lrr ruinc des gn"rntles collilllllnes ltclgcs clu
ltroyellirge s'itccontplitsotrs lC r'ègne Ct lrtrt'lit nilitt dC,s princes dc llr
ruurison tle Bourgogne-Autrichc. Leul chtrte ne Dous laissc que I'indti-
llcrtdiruce du pa.vs précéclenrrlellt conquise liu ltlix des plus héroiqtres
sircri{ices pùr lcs {icls ct itttlonrptlllrlcs contmuniet's.

.:'
;i:' +

Les grandes iur,crttions et dticouvertos de l'époquc e\ercellt, ullc


inlluence heureusi sur lc développenlent social.
L'irrvcntion de lir poudre procurc au pcuple 1'|galitc sur Ie terrat,n
militaire; la déeouverte de l'Âmérique et I'exploitatiou cl'rboutlautcs
rrrirics cl'or lUi assurelrt 1'1;galité stn' le terruin ioonotnique; I'iul'entiotr
rte I'irnprimol'ie iui tlottttc l'égalila su,r la lerxtinst:ientifrqu'e.
Cette clernièrc irtr erttioll occtrsiolnc le grltncl mouvelllcnt des idics
rlui prorluit la Rettaissiutte et cngctrtlr'c h réfomle.
Comme Charlenuguc, Chirrles-lJuilt I'cttt I'utlité t'eligicuse à côtc
dc I'unité politique, l)réYol'ilI)t tlue totlt scltisntc, tlllis le domiritte
religieu\, serl frtal à l'unité tlc l'etnpile. C'ost poultluoi il cornbat,
lii réfornre arcc Lulc opinilitlcté ct urtc énet'gie qtti auririctrt sans
rloute obtcnu plus dtr succès, si la force sufiisait t\ comprinter I'ex-
pansion des irlécs. Xhis son dcspotisrne tl'ttne liirt't, dc I'autre scs
édits religieux, applitluris cl'aborci pru' ses proprcs rgcrt{,s avattt der
I'i,tlc pirl ceux dc Philippe II, préparertt lcs voies i I'explosiou rér't-r-
lutionnairc du xvr'sic\cle qui provoqttcrrr lc déchircmertt dc nos pro-
vinces ct, h luine des Pirys'Bas r-rtltolirltres.
'IEUpS rIST0RIQUES, PttnIOnE ESPAGNOLE t;33

CHÀPITRE VI

Période espagnole ( t555-'1 7 13).

Ouvnages à consulten :
,lolm Jlotlcu. La révolution tles Pa1's-Bas au IIIe siècie. Eu11ène llubut.
-
Ilturie sur la condition des lrrotestants en llelgique, dc Charles-(luint à Plti'
lippe II. Discnillcs. Gtrillaurne le Taciturne et lï[arnix de Saintc-Àldegonde.
-
G. Iiectrni. Alvers, rnéttopole du commerce et dcs atts. Ch. Pott'irt.
-Âlbert et Isabelle, fragnlettts Sur leur rirgne. Bentiurtglio.- Histoire des
-
guerres {e la Fltntlre.
- L'tùbt Jrtnssetts. Histoile - I'att
des Pays-I}as.
Ptttct.Iissai sut' I'histoite politiquc tles quatre tlerniers siècles. - Guchatd.
.Correspontlances de Philippe Il et de (luillaume le Taciturtte, ' (;,'oeil uutt
Prirtsttrer. Àr'chives tle la ltaison rl'0rlnge-Nass.ltr. - Cunq)ct,t. Abrégé ltisto'
riquc du règnc d'Albert et d'Isabelle. P. J. ll'outels. Précis de I'histoire
- Pre''rcolt. His-
.polil,ique tle la lielgique peudant les quatre rlcrniels siècles. -
't,oilc tlc Philippe ll. lle Ga'lut:lrc.IIiStoire du ro1'ltutttc tles Pa-rs-Bas.
-
Péniode espegnole.

Empereurs d'Allemagno
Rois de France contemPorains. contemporains.
IlennitI ....._i,t55g Ferdinandltr ... .... -i-,li;64
Françoisll .... ..... -i{560 llaxirnilienll .... ... j-'157{i
.{jharleslX... -i'lô7& Rorf olplre Il . .. . .... t 1612
lHenri III... . . -i '1589 ltathias. .,... -i{6{tt
.HenriIV.... . t 4Gt0 FerdinantlII.... .... i- t637
IouisXIII. .,.r;l$43 Ferdinandllt ... .... -i-'16ô7
Louis XIV... Léopùldler... -i,170'5
Josephl(!r... .tl7ll
Charles VI. . ..
534 Hrs'r'onE DES TIHLGES ET Dr: LEUR clvrlrsÀTroN

TITRE I
Géognaphie histonique.
L'Union tl'Utrecht (1579) enk)ve aux lla,vs-llas la Hollande, Ia Zélantle, la
province d'Utrecht, une partie dc Ia Gueldre, les provinces de Zutphen, d'Over-
Yssel, de Drenthe, de Flise et de Groninglre. le tlaité tle ilunstcr' ({648),
-Par
les Provinces-Unies s'agrandissenl du ll'abartt seplentriortul, de llaaslriclrt, el,
sur la rive gauche de I'Escaut occidenlal, tlc L'Ecluse, Axel et Hulst. Lc
-
traité des Pyrénées ('t6ii9) attlibuc à la France Gmvelines, Bourboulg et
Saint-Venant, eu Flantlre; Àras ct l'Àrtois I Avesnes, Le Quesnoy el, Landre-
cies, en Hainaut; iUontmétly, Datnvillcrs ct Thiont'ille, dans le l,uxembourg.
(Nousnecitons que les villes demcurécs depuis à la ltlance.) tl'Àix-
- Celui paix
ll.Chapelle (4668 ) lui donne llergucs, Alntenlières, l,illc, Douai. dcr
-La
Nimègue rétluit encole les Pa,rs-ltas espagnols des villes dc Térouaue, Saint-
0mer, Cassel, Àire et llailleul, en Flaltdre; tlc Cambrai, llouchairr, Yrlcn.
ciennes, Condé, llavai et llaul.reuge, cn Hainaut.

TITRII II
Les taits.

A. nÉv0LriT'r0\ r)r. xvle slÈcLE ( l J5ii-1648 ).


-
Les temps tle la domination espflgnolc folment salls conlt'edit
l'époque la plus tlouloureuse de I'histoirc des Belges. Lcs pages
qtti retlacellt I'oppl'ession e[ ]es désastlcs clont nos anc:t\tres
souffril'ent alols sont, elltrc torrtes, sauglantcs et somblcs. l)etit
pays traîné à la rcmorquc d'une grarlde puissance, ics Pavs-
Bas voient, pentlant la pirriode espflgnole, lculs intérôls comulc
leuls tlroits les plus esseutiels sacrifiés li ccux d'une llation
étrangèr'e et détestée. Gouvernés de loin ptr des princcs cxo-
tiques avec lc concolrrs d'lgcuts qui ruéconnaissetrt ct violcntcnt
Ie tempérament nrtional, ils ont, pour courble d'inlbrlunc, le
malhenr de rencoutrer panni ccs pl'iuces lc roi Irhilippe II, I'un
tles souverains les plus autoritaires auxquels un peuple lible sc
soit jarnais trouvé assujetti.
TItIlps ilIs'rolilQtiEs. pÉIIIODE ESPÀGI(OLE 535
-
phitippe lt ({ ).
- Petit de trrille , il cst maigre et tle chél,iYe appa-
r.ence. De figure, il resscut|le à Challes-Quint. Comme lui, il a le
front lalge , los .veux bleus, le ncz aquilil, nrais mieux fait. comme
lui aussi, il a lir bouclrc largclncrl[ ouverte,lir lèvre irlférieure éttorme,,
lc meul,on disgrrcieusement projcté eu avirnt. S'.r chevelure estbloudo
ct clrilsernée ; sa barlle, coupée en pointe. Darts la cottvcrsat'iott,
il a I'habiiude tle lle pas ler'er leS Jeux sur sort intcrlocuteur' cc
tlui pri.ait, incliquel un f<.ruti tlc dissiutulati<ln. Avcc les pcrsonttes
,it,r'irugèrcs i son intimitti, il sc tnoutrc réservé atr point tle neréponcL'e
lc plus soutcut qne par clCs ntOnOsyllalies. a l)éfilnt, Sguptionlleux'
prrltlort sur lc chatttp dc batlillc, il prrttt, clit un histolicn, désa-
gr'éalilc aux Italiens, dôtcsl,:rllle aux Belgcs, oclieux aux Âllelnlttds. rr
clur.les-(,luinl, n'il pu lui laisser I'ernpire cl'Âllcmagrte, lnais il lui
l lirit épouscr lllirrie d'Anglcterle, etl sorte quc Philippe II règne sur
les Iles ltrit,rnnitlucs erl mi:tttc tenrps qtle sur ses états héréditaircs,
lcs Pals-Bas, I'Espague, lc t'o,raumc cles Deux-Sicilcs, les posscssions
çspagnoles eu Asie, en Âfrique et cn Antérit1uc. Plus tard, il fcra
r,rncore lir conquôte du I'or'trrgal.
Ses capacités ne parrissent pils au nivelu de sa haute foltune.
Son instruction I cte fort ncglig.c: il tic parlc que I'espagnol.
,\ peine a-t-il quelrtruc teinture de fllnr;ais et, d'it';rlien. Du reste,
gliind tr,alailleur : tous les jours, il tient oonscil ou écriI clans
son cabiue[ penrlant, liuit, à ncuf heures. lllais son espril n]allque
rl'ôtr:nduc.Il sort peu, clurt ltcaucoltp. Sa santé tlélicate I'astreint à la
solrriété. Cepcnihnt, il aitrtc à I'excùs les conlitures et les pirtisselies
ct, colilmc sott 1tèt'c, il'a cle nuut-ùises mcûur-q.
I.a siucéritÔ de son tlét'ottctrtcn[ à la religiort cirtholiqtre et à

I'liglise I'olnâine n'u jautais étc1 rnisc cn dotrte. Toute s1 vie, il s'at-
tar:lrc i\ ruér'iter le titre de roi très cltholique. < Je suis, disait-il' la
cololulc dc l'liglise. At'aut dc sou{fiit' ln nioindre chose qui pÔrtitt
pr,ôjuclicc ù l:r religioll ou au scr'\'icc de Dieu, jc perdrais plutÔt mes
iitrt*, et, je pcrclrais r1èrne celt 1ies, si je les avais, cilr ie ne peux
rui ne veux ètre roi d'hér'étiques >. l{ott SeLllcment il lenouvelle les
tcrribles étlits portés pal'SOll pèl'e contre lcs protestluts, nrïlis il les
{irit appliquet'avec une inllexible rigueur.
Traité de cateau-cambrésis. Proiet d'un massacre géné.
-
Dès l5S7'
ral des rétormés en France etdans les Pays'Bas. -
( { ) Nê à Yalladolid en {52?.
TEilrps rrrsT0trroutss. pÉnroDE ESP^GNOLE 537
-
la guerre reprend avec la France, et Philippe II ne peut sorrger
:i quitter les Pays-Bas avant tle I'avoir terrninée. Deux brillantes
victoires rcrnportées sur les troupes franç:aises, à Saint-Queu-
tin (1557)et ri Gravelines ({S58), par Ie comte d'Egrnout,
permettent à notre jeune souverain de tlicter au roi de France,
Henri I[, les contlitions du traité de Cateau-Cambrésis (3 avril
'1559)qui rernet les choses â peu près au point or) ellesétaient
avant les derrrièr'es gueres.
Après la signaturc de ccttc paix, des otilges, au nombre desquels
sc trouvent,, pour Pliilippe, le duc d'Albe et lc prince d'0range,
sont, échangôs cntre lcs deux princcs réconciliés, Pcndant une chassc
à hquelle assistait lc prirtce d'Or'ringe, Hcnri II, qui le croitdans le
secret, lui conlie inconsidérôment lc projet arr'ôté avec Philitripe II,
par I'intermédiairc du duc cl'Âlbe, d'exécuter, à la prcmière occa-
sion favolable, un massacre généritl cles rôformés dans les dcux
Io):llttntes et d'emplol'er a cet ofïicc les troupes espagnolcs catrtou-
ruées dans les Perys-Bas. Lc pl'incc dissimule I'impression que lui
càLrse cc plan cruel, rniris, paraît-il, forne dès lors le dcssein de tout
tcnter pour erl eurpecher la réalisation.

0rganisation du gouvernement des Pays-Bas. Avant son


-
départ, pour I'Bspague, Philippe veut organiser tl'une rnanièr'e
tblte le gouvernement du pays.
l)'aboltl, il
institue sa sæur, llutcunnrrn ne Plrrun, gorrvcr-
naute générale tles Pays-Bas. Sans être tlouée d'un esplit supé-
rienr, cette princesse possètle quelque capacité et lle nanque ni
tl'énergie, iri de prudence. Mais surtout elle rnontle beaucoup
tl'empresseruent à suivre les instrLrctions de son frèr'e, qualité
fort appréciée tle Philippe II. Dc plus, lrès dissimulée et non
plus encline à la douceur ou à la clérnence que les autre.s
princes tle sa famille.
Il réolgauise ensuite le conseil d'Etat dont voici les plinci-
pâux urembres : Gnlxvnr,lu, évêque d'Arras, plus mrtl arche-
vêque et cardinal tle Malines; Vrcnrs D'ArrrA, présitlent tlu
conseil plivé; le courn un Bnnnrruorir, pr'ésitlent du conseil des
----
I\lirrgrrcritc dc llrrlrrrc.
l'EilII'S IIIST'ORIQIJBS. PÉNIODE ASI}ÀG:\OLT] 539
-
linances; Gt:tl,t,,tt:ur DE Nlss^'ru, prince d'Olange; le c6IITE

rr'Et;uoltt et le coltru ll; HottNns.


Granvelle, né eu Bourgogne, en 1517, ulit à tle vastes con-
ruaissances un esplit souple et pénétrant. Il connaît et parle
courammeut sept langues. Doué tl'ntre âctivité et d'uue aisance
tle travail protligienses, it écrit palfois tle sl propre nain
cinquante lettres ell tlne journée. En même temps, il occupe
six secrétaires auxquels il dicte de nonr'brellses dépêches en des
idiornes tliffér'ents, et qui le quittent pltrs fatigués qu'il ne pat'aÎt
l'ètre lui-mèrne. D'ailleurs éuelgique et tellace; bt'ave aussi, par
conplexion. Ingéniettx à s'itttrotluit't: tlans les bounes grâces tle
ccux qui lui sont supér'ieurs par le rang, il réussit en particulier
ri gagner la faveur tlc Philippe, arrx idées confuses tluquel il
e)icelle ti donner un corps. Il sait alnellel' ce prince, rololl-
tiers louvoyant et souYellt intlécis, à prenth'e tles résolutions
r1u'il lui suggère avec tlne habiletô consornmée.

I,ln voici rleltx exctrtples. Urr jour, il écr"it tu roi c1u'il sait crtrpressé
:r accueillir lgs insirtultiotts, t1u'tul cornploI sc trame cOtttro son
irutolité clans lC plrlais du cornte d'ligurottt, niris il trjoute < c1u'ztpt'ès
tou[, il cortsiclerC tl'ligruolt colnille I'uu des plus hortnù[es cle tOus'
si les aqtput'encrs w. tt"otnltenl poittt. n
Dans utte autre lctlre, il lui tlit, plrllnt, tlu prince cl'$range et du
conrtc tl'Bgntottt : < Ccs deux scigneut's out, été informés que i'ti éclit
ir yotrc llijcstc que vous nc scriez jamris ltaîtrc dirns ces 1it'ovittccs
sarts:rl;irttre au moitts urte clerni'douzaitre de tètes... J'en ai ri comtnc
d'une irtventiort litlicule. > Il lui clemandô ensuite dc dérnentir ctl
bruit et le roi r:clit à Mirlgucrite : << Le cardinal tr'a jlmais couseillé
cl'abattrc unc tlenri-clouzaiue de Ùôtcs, tnuis qteu,t-(tre ne seruit-il pas
.si tnatrtnis tle le lnire,f > pt'ouvanl pal là que lir suggeslion it polté
fruit.
c'est Grlnrclle r1r-ri, plus tard, coneeYrù I'idée du farneux brn
contre lc Plirtce d'0rlrtge.
Toul,es scs lcttros décirlent ltr fourlierie savantc 11's6r Inquellc il
conduit lir politiclue. C'est ilirtsi r1u'r l'époqtre clu rettouvellement
rles placrrcli, il insiste auprt\s rlc Philippe pour qu'ott en fasse dispn-
540 rrrsTornu DEs nELcEs Et'DE LEUn crvrlrsAt,r0-\

laitre le non d'inquisiteur, trouvan[ r, qu'iruprùs du peuple, les nrots


on[ souvent plus d'influence que les choses. >
Enfiu, partisân tlu tlespotisrne ie plus absolun et vénal à
J'excès, tel est l'étranger qui, pendant cinq anuées, va présider
au gouvernement de notre pays.
A ses côtés se rangent en toutes
circonstances, pour
<lét'endre avec lui
les mesures les plus arbitrair.es : Ie co,uru nn
Bnnraruoxr, esprit étroit et intolérant, honnête néanmoins et
habile dans I'atlministration des finances, et Vrclrus, plus
cupide e[ plrrs vénal encol'e que Glauvelle, mais.juriscousulte
savant et relors.
ces trois persollnages folmcrrt lit consulle, c'est-à-clire Ie conseil
secret de la gouvernrntc, rlui, si,ll)s son iu'is, ne peut p|ertdre
ûuculle mesure importante. Elle a d'ailleur.s I'ordr.e erpr.ùs du roi de
ne rien fairu saDs le conscil de Glrnvellc qui, cn correspondance
journalière avec le nonùl'que, possèdc seul son cntiùre confiauce.
.{irtsi les pouvoirs du conseil d'litat,, ceux mèmes de ltirrguclite, aux
ycux du peuple quasi-souvcr'ùine, sont, crr fiit,, ir peu pr.ès nuls.
Mals vis-à-vis tle GranveUe se dresse, dans le conseil d'Etat,
Guillaume d'Orarrge ({ ), esprit profond qui, avec des vues plus
hautes, ne le cède sous Aucuu r.apport à Granvelle. Ambitieux,
mais prudent (91, il possètle, avec un rare talent de per.suasion,
'une parfaite connaissance tles hornnres et une grautle habileté
tlans la contluite tles rffaires publiques
Bien quc crtholique, il veu[ pour tous une lirrge tolérance rcli-
gieuse, tenarrt pour injusûe et cluel dc corrdarnner ù la rnorl dcs
homnrcs uniqucmen[ couprl-rles de croile r.raios des cloctr.ines jugées
lrusses par d'autres. C'cst à tor.t toutefois, seluble-t-il, 11u'on le
i
rcfrrésenterait comme décidô, clcs cette époquc, embrrsser lir
réforme et à poursuivre lc renvcrscnrerrr cle I'lur,orité dc philippe II

- ('t) Né à Dillenbourg,, en Allemagne. Il possédait, dans les pays-Bas, des


domaines importants.
(9) Sa réserve habituelle lui fait donner le surnom de Taeiturne. 0n lui
attribue le mot suivant, : c Si je savais que ma chemise connût ma pensée, je
la brûlerais. r
IE}IPS ttIST0ltIoUES.
-
pl.lRI0DE tsSPACN0LH l;41'
clans les Pa.ts-Bas. Il est plus vraisemblirlile que, Sous I'ittfluetlce
dos ér'cnerrtents, une lcttte cvoh-rtion Sc Seril produite dans son esprit,
ru point tle I'ue politiqLrc colnrtte au poirtt dc vuc rcligieux.
l)ans le conseil, I'opposition du prince cl'Orattge est
tl'ordinaile appuyôe par les cotntes d'Egrnont et tle Hornes. Le
comte d'Egurout cst utt brave et brillant soltlat, à qui ses sllc-
cès rnilitaires ont valu une grantle popularité. Toutefois, itlcoti-
sistau[ :i I'extrème, vattiteux et intlisclet, il est peu fait pour
les luttes tl'intrigncs qui I'atteutlent.
Ron officier tle maritte, le comte tle Horues ne se tlistingtie
pas rion pius prl des facultés ex,ceptionnelles. C'est uu esprit
lî'ontleur et urccouteut, d'ailleuls loyal et sans artifice.
l,hilippe II conlie le goul'ernemcnt, clcs divcrses principautés
-
rrous tlirons clésonrtais prouittccs- ùuK plus cortsidérzrbles prrrni les
griintls scigneuls lrelges. La duchesse tlc Pat'ne se réserve {'adminis-
tration tlu lJrabant. Le pt'ince d'flrange ref,:qit le gouverncmenf dc ltr
HollanrLr, ilc lrr Zéluntlc et d'Ltrech[; lo comte d'EgntonI celui de hr
ttlzrnch.e et dc I'Altois. Lc 0amlrrésis et le }llinaut sont attlilrués au
c.oltto rle Belghes, le Luxeulhourg att couite de nlansfeldt, le comtr:
de lantut, art cotute clc lterllirnottt,. Le comte d'Arentlierg obtient la
lirise et l'0r'er-Issel; le liaron clc Nontigny, Tourllai et le Tottrnaisis;
le courte tle ltlcghcn, la Guelth'c ct le Zutphon. Le comte clc Horues
conscl'\'e lc conrnrtndetneut de la flotte.
Départ de Philippe ll pour I'Espagne (1559)' - Àvrnt tle
cluitter la Belgique pour se rendre en Espagnc, Philippe II,
cgnyoqlle les ctats généraux à Gantl, oùr ils se réunissent le
7 aoùt .15i9. llais leur atlitude le sLrrprentl tlésagréalllement-
Non seLllelnent ils réclament le plompt départ des troupes
étrangères, mais ellcore I'atloucisseurettt des édits contre les
réformés et le rettvoi des fortctionnaires étrangers (cette partie
tle la reqnète visant surtout Granvelle ). Philippe promet de
Ietirer à l-rref tlélai lcs troupes espagngles, mais il déclare ne
pouvoir cn rien atloucir lcs ôtlits religieux, asstll'ant préférer la
perte tle son trôue au tl'iomphe tlc I'hérésie.
0et incident Ie laissc sous une illtpression pénible ct I'allu-
ô42 Hrs't'otnts DEs IIELGES E't DE rnrin ctvrLrsAt'roN

sion aux fonctionnriles étrangels lui cause une particulière


amerlume. rr Bientôt, s'écrie-[-il, on llle traitet'a moi-rnêrne
comme utt étranger l.
Situation matérielle, morale et politique du pays. Pentlant deux
-qiècles
- tlire. en état
e[ demi, les l]elges ir\,âicnt vér:u, pour airrsi
d'insurrection pcrmruentc coutrc lcurs princcs t[ ils avaien[ con-
tllint ceux-ci à leul concédcr clcs dr.oits de plus cn plus étendus.
L'avè'nement, de lir maisou de llour.gogne alait, nrar.quô une prernièr'e
période d'arlrlrt tlans Ie développerncnt dcs libcrtés publiqucs. Par. la
suite, Ie despotisrne dc Clralles-Quiut,laligueul avec laquclle il lvtit
ti'appé ses concitoyens réroltés et ltr sévér.itô tle ses pli'rclrds lui
zn'aient aliéné bien dcs colul's. Toutefois, on avlit pal,icmmcnt sup-
porté le joug, pflrce que le plince, né en Belgique, -r* était rnalgré
{,out longlcrnps demeur'é popullire. D'rilleur.s, sul. ll lin clc son rùgile,
les édits religieux n'lu'ilient plus été quc rnollenreut rppliqués. Mais
i
on ue pouvtit s'tttendre à r'oir les llclges se r.ésigucr subir. snns
résistirnce h domittatiort tl,rannique tl'un tttotul'quC étr;rnger qui,
rprès avoir prêté aux cltrtrtcs nrttiorules un senllent solennel e[ sans
résen'e, eu violait joumellement I'csprit ct Ic texte daus les matièr.es
les plus grl\:es. llùnre, si la question r.eligicusc l]c ft.rt r-cnuc agil,cr
violemmcltt, les eslllits ct, compliquer lir situltion, il cst tlouteux cluc
les Bclges eusseut trlrnquillcmcnt supllorté lc pour'oir dcspotique
que Philippc prcitendait cxerccr sur eus ({). Il cst mùnre possible
tluc hr r'ér'olution du xvrc siècle etiI plus pronrptement et plus conr-
plôtemcnI abouti sans les extrùs et, I'intolérlnce des réirlrnrés qui
alannèrent la conscience cles errl,holirlucs. Cepcndanf, il est iudiscu-
hble que la clucstion religieuse fut dirs le début, ct, rcstir pendan0
toute la dur'ée dtr ri.gne de Philippe II, ll
grosse picrre tl'achoppc-
ment de son gouvel'ncmcnt.
Il etait notôire quc la réformc faisait chrqrre jorrr rlirns uos pl.o-
vinces tle plus gr:rnds plogrès. Philippe II, en celir eouseillé prr.
Grantelle, s'abstient, de poltcr contre les plotestirlts aucun cclit
luouveâu, ceux tle son père étlnt aussi sévôres rlu'il pcut le tlesir.er.;

(,1 ) Comme nous I'avous vu, l'influence du couseil d'Blat et I'autorité de la


gouvernante étaient annulées par la consulte; cclle-ci se résumait en Granvelle
rlui n't'tait que I'exécuteur des ordres du roi. Plrilippe pr'é(endail adnrinistrer
lcs Pays-Bas ru moyen d'une junte (colrmission)siégcant cn llspagnectdont,
presque lous les membres étaient élranger.r à nos provinces.
TErrps HrsrORIouES. pÉftr0DE ESPAGN0LE 543
-
mâis, avant son dépal't, il intirne I'oldre aux conscils de iustice de
veiller à la stlicte cxécution des tlécrets existiruts. Quiconque
s'exprinte:rvec froideur en matièrc clc religion doit ôtre poursuivi,
comme aussi les jugcs qui morttrent, peu de zèle drns la répression
des dôlits.
Cette recrudescertce de persécution réveille les griefs plus ou
moins assoupis de lir niition contlc I'crnpcreur défunt e[ I'animosité
contle Philippe ne tarde pas i\ grartdir cl'uuc façon inquiétante pour
son autolité. Il irnporte de le frrire remarquer : la légalité dcs édits
lcligieux, qui n'irvlicnt pas elté poltôs dans les formes prescrites par
les constitutions nationales pouvait ôtre contestéc. Âppliqués comrue
il le t'lernancle < avcc toute rigueur ct sans égard pour qui que cc
soit > ils méconterttcnt les hornmes les rnoins suspects de s1'mpathic
pour la réforrne. Le peuple belge, tolériur[ prrr nature, réprouve les
procétlés cle I'inquisition ( I ).
Pour appu.rcr I'cxécution des éclits, Philippe II rulait roulu maitt-
tenir dans lcs Ptr.vs-Ilas lcs régiments esptgnols qui y tenaiertt garrti-
son. 0r', ccs troupes se corduisaient dans uos provinces comlne ell
pa)'s conquis. Leurs rapines, leurs violences indisposcrtt les popultt-
tions au point tlue les Zelandais menacent, de ne plus cn[r'ctenir les
tligues ct de laisser le sol dispalaitre sous les flots de l'0cétttt plutÔt
que de continuer rt supporter lcul pr'ésence.
0harles-Quint avait constamment térnoigné une bienvcillrrnce spé-
ciale aux seigneurs bclgcs et, tlttrts l,outes les palties dc sotl ctttpire.
les nommait volonticl's irux ernplois lcs plus considérables. Âu eon-
traire, Philippe II aff'ectionne surtout les Espirgnols ct leur rceot'de de
pr'éfér'ertce les plus hautes fonctions civiles ct militaires. l\[ôrne iI
l'époque de son sojour en Belgique, solt ctttourirge se composait,
pour les neuf dixiùntcs, cle seig'neurs rispirgnols. Prir'ée cles t'es-
sources que pl'ocul'ent, les grands cntltlois,lir noblesse belge, géttét'a'

(l ) Nous prenons ici le terme inquisition dans son acception la plus étendue
oir it signilie la reclwclrc et Iu condamnutiort ù la peine de mort des petsonnes
r1u.i, en matière relirlicuse, ne yn'ctJ'cssent pas lcs 'idées orthodo.rrtt, et nous ne
distinguerons pas entre I'inquisitton espaqnole,I'iruluisition ptrpulc, l'intpisition
épisco4tole et l'ùtquisitiort purcntent cit,ile, Qu'importait que I'inquisition reçùt
I'urt ou I'autre nom, puisque, en tout cas, elle appliquait les édits avec lami'ntc
inflexible sévérilé?Philippellnes'ytronrpait paslorsqu'il s'écriait: n L'inquisi-
tion des Pays-Bas est plus inpitoyable que celle tl'Espagne. r (Lettre à }largue'
rite de Parme. 0orrespondance de Philippe lI, I, 907).
ii44 rrrsrolnr DES BELGns ET DE LEUn crvrlrsAlroN

lcrnent entlcttée ct bcsogncuse, conçoit, un violent dépit contrc


Philippe II.
une autrc gl'irve erreur courmise par plrilippe II est tre prél,endrc
gou\:emcr directement les Belges, bien quc yivant fort, éloigné d'ëux.
ce serrit là chose diftieile en temps ortlinairc, nuis tout à firit impos_
sible aux temps troublés de son rùgne, rrlors que des mesures
inrpoltrntes clcmandcnt souvcnt à ôtr.e résolues et cxéeutées sans
t'ct:tt'rl.
Il n'existait jusqu'alors, dans toutc l'ôtcndue des pays-Birs (com-
plenant Ia Hollarrdc et la Belgique actuellcs, moins la principauté clc
I.iegc ), quc les qu:.rtrc ér'èehés d'LItreclrt, cle Tournai, clc clmlrrai et
d"\r'rils. AIin de facilitcr I'adnrinistrrrtion r.eligieuse du pay.s ct sur-
tout d'assurcr uno exticution plus eflicrcc des plrrcirrds, philippc II
cléeide le pape i\ cr'éer clrrns nos cortrées treize évôchdls nouveaux.
cette nresure imécontentc tout le monrle : lc peupre, qui pr'évoit uu
lerloublc,ment de rigueur clans les lioursuites inquisitoriales ; la
bourgeoisie et la roblesse, dont I'influerlcc au scin dcs étrts et tles
couscils collal,éraux sel'a réduite par Ia 1lrésence de nonvcirux
rncrnbres rr lit ddrvotion du roi ; cnfilr lc haut clcrge lui-mème. car
r.ron sculernent I'on prend les dotirtions dcs nouverux évôqucs sur les
propriél,rrs abbatiales, nrais I'on clinrinue l'étendue des diocùseset
lcs levenus des anc'ierrs til,ulrires- 0r', cornme le dit Glanvelle, qui
rlésapprouvc lc projct cle Philiplre : < llicux virut, ètle u,n dc qtuttre
qLr'un dc tli*sept >r.
' l,nlin, él,riinger à notr.e pt!'s par sa naissrnec, philippe I'est plus
encore pirr l'éducation tout exotique r1u'il a Lc(jue, ru point, de nc
pirller aucune dc nos deux lirngucs nationales. Iin public, il appur,aît
toujours €rlîve, tacitnnre, gllcial. Âussi ses sujcts du Norcl é1rrou-
lent-ils poul lui une r-ér'itrble antîpathie qu'il leur rend, du restc,
il\'ec usufc. s'ils lui rcprochenl sr réscr\e ct sa nrorgue cspagnole,
clont quelque tirnidité el, une cer.taine inclécision rle caractère sont
peut-etre cn partie rcsponsables, leurs allules libr.es et br.ur-lntcs

'':Jî:liï:îiïi:iïi1îTiî1;..",emenr c,'eur rcs esprirs ot r.* p,.-


l)ille irux graves ér'énements d'nn pr.ocrhain ar,cnir..
Départ des troupes espagnoles. Bn dépit de la prornesse
tlu roi,
-
cleux aus après son tlépart, les troupes espagnoles n'out
pas encOre quitté le pays. Lcur présence, ct lcs excès de toute
rEltps Hrsr0nr0uEs. PËnlODE ESPAGI{OLE 545
sorte qn'elles continuent à cornmettre tians leurs cautottucntettts,
entretiennent I'effervescence publique. Eufitt, sur I'avis de
Granvelle, Marguerite tlemantle elle-rnème leur renvoi. L,e roi
finit pal céder aussi et les Dspagnols s'embat'quettt, ett { 56 t .
Animosité générale contre Granvelle. - Son départ (1564).
La rigueur avec laquelle les protestants sout poursuivis
dcpuis la rernise eu vigueur des étlits, sortlève uue viveréprobation
chez la grande rnajorité des habitauts des Pays-Bas : t Le peuple
tlisait hautement, éclit Gacharcl, qu'il y avait tyrannie à r'iolen-
ter les consciences, qr-ril était barbare de punir de mort des
opinions dout Dien seul était juge. r On attlibue à Granvelle
ce redoulilernent tle sévérité : I'opinion publique s'indisposc
particulièrement contre lui.
On lui reproehe tl'ailleurs de ne consulter le conseil tl'Etat
poul' âuculle affaire irnportante et d'exet'cer tll] pottvoir en
quelque sorte dictatorial. Le pt'ince d'Orange, le cotntc
tl'Egmont et le comte de Honies cessettt tnêtne tle paraÎtre aux
seances du conseil. Cependattt Grauvelle ne se préocctlpe pas
trop tles sentiments qu'il inspile. Promu. en {56{, au siège
archiépiscopal tle Malines et investi peu après tle la pourpre
crrdinalice, il
s'attache avec une nalignité qui contraste avec
son carâctère sacerdotal et son très réel mér'ite, à rendre aux
grantls seigueurs belges, sur lesquels ses nouvelles dignités lui
tlonnent la pr'éséance, les huuriliatiotts dortt ils l'ont abreuvé
autlefois ('l). il déploie avec ostetrtation uu faste inaccessible â
h plupart des nobles ruines qui I'etttourent. Bientôt leur jalopsie
coutre lui ne connaît plus de borttes. Iis cherchent à I'accabler
sous le ridicule. Le comte d'Egrnont et la plupart tles atttrcs
grands seigrtéurs donttent à lerils laquais tles livrées rnodelées

('l) A raisonde I'infér'iolité de sa naissance et de son reng, on le disait rle


Xrès modeste origine, petit-fils de forgeron, parait-il. La cltose n'avait en soi
,rien que d'hottorable, mais I'ot'gueil rlu prélat s'accommodait' nial de cel{e
cilconstance.
V. Itlirguet - Histoire des Belges.
546 HIsroInE DEs IIELcES ET DE IEUR ilrlllsAl'lol(

sul' Ie vêtement tlu cartlinal : tles manteaux noirs à larges


manches garnis de capucholts olt tle barettes rottges. En nêttle
temps, de nombreux pamphlets, tles écrits et des images sati-
riques distribués à profusion dans le pays, répandent contre le
prernier ministle le meplis et la haine. La gouveruante craint li
la fin de partager I'impopularité de Glanvelle, rlont les façons
autoritailes lui déplaisent d'ailleuls aussi. Elle engage
Philippe II à le rappeler': le roi y cousettt, lloll sars hésitatiott,
en 1ô64.
Avec de très grantls tnoYens et tles qualités plus grandes ell-
cor.e, Grauvelle n'avait rérrssi qn'à aggraver Ia situatiou troubltie
des P:rys-Bas. Sort extrêtne vanité, sa soif insatiable tles riches-
ses, soll incroyable véualité, sa politique tortueuse achtjveut
tle compronrettre I'autot'ité rovale.
Désordres administratifs. Les prêches. Après Ie
tlépart de Granvelle, I'agitation se calttte un irtstartt. La
noblesse avrit reçu satisfaction par I'éloignenrent tl'uu ministle
impopulaire, et le penple espér'ait qu'lvec lui tlispuaîtrait h
cause principale des abus qui s'étlient prorlLrits en matière de
justice et de gouveruement. Suivi de ses deux amis, les conttes
d'Egrnont et de Hornes, le prince d'Orange reprentl sa place art
conseil tl'Etat, otr désorrnais il exelce une influeuce donrinante.
lllalherrreuscmettt, utte l'étlirlité sczindaleuse corttittue à régner'
jusquc dans les plus hautes régions du llouvoir. 0n coillrllclcc
ouvertement des chirlges publiques; lir jrrstice se vcltcl au pltts
ofli.ant. 0n rtc corutait plus le sccr'étaire de la dtrclresse" un Iispagnol
tlu norn d'i\r'metttel'os -flue sous le nOm d''4rgatleros et lllttrguelite
elle.mtime liasse pOur partager ù\'ec lui lcs profits d'un ltottteux l,ritfirr.
Le 1récorrtcntemcut clu peuple ne ltctrt nlùnquel tle renaitle liicntôt.
Ileste d'ailleurs la grosse question de I'application dcs clécrets. Le
dôpirrt de Granvellc a rcndu les réfolmés plus ltarclis. Plus cl'tttte
fois, on les lrvait vus clélivrer leuls coreligionrtuir'es arr'ète1s otl coll-
dqitsau supplice Jrarlcs agertts du pouvoil'. Peu a pett, ils ert vicnnertt
i\ pratirtruel ouveLtoment leul culte. Les irutolité.s ll'osettt plus sévir' :
il faudrait poursuivre trop de tttonde.
-_
548 HISToInE DE$ IIELcES ET DE tEUn clvlllsÀ'tloN

Le comte d'Egmont en Eepagng. Il tlevient ut'gent tl'aviser


-
et tle prentlre u1 parti. Au seil du copseil d'Etat, les opi'ions
*. pttitg.nt : Viglius et Berlaimont potlssellt à la stricte exéctt-
tion des étlits. Guillaume d'Orange, û'Egmont et de Holtes
penchent pour la tolérance ; la majorité des tuembres tlu
conseil se reud à I'avis de ces derniers.
En présence rle situation tendue oir il voit le PâTS, Ic
la
conseif tlépèche Ie comte tl'Egrnont en Espâgne, afitt d'exposer
au roi l'état réel des choses et tl'en obtenir, sinon la strp-
pression définitive des étlits, tottt au moins leur suspensiou ott
ieur a,Ioocissemeut ( { 56S ). Philippe accueille fort bien I'envoyé
du conseil et s'attache à le sétluire par d'airnables paroles et
des attentions flatteuses. Les présettts tout à fait royaux dont
ille comble et tlont la valeur dépasse, dit-on, cent mille cou-
ronlles, achèvent Ia conquète tlu naif ambass{ldeur. À peirte
sopge-t-il encore à I'objet de sa missiou. Mais tandis que le
langage du monarque reste très évasif sur lâ questiort des étlirs,
les lettrç closes rapporlées par tl'Egmont lui-ruêrtre à lrr gott'
vernaute en recommandent expressément le maintien. Pour
tout adoucissement, le roi recomlnantle d'exécuter désormais les
hérétiques'en semet. De nouvelles lettres royales tlu
'l? et
{u 22 octobre 1565, ortlouttetlt même la destitution tles tnagis-
trats qui motttreront tle la mollesse tlans I'acComplissement de
leur tâche.
La publicatiou de ces diverses dépêches produit utte effer-
vesceuce indescriptible. Les rigueurs de I'inquisitiou t'edou-
blant, 30,000 ouvriers abarttlonnent le PaIs, et volt conlmu-.
niquer à I'étranger, au grand doturnage tle la prospérité natio-
nale, le SeCIet de nos industries. De même, ttn grautl uomlire de
personnes riches s'éloignent avec tout ce qu'elles peuvettt
emporter rJe lcurs biens et leur inhospitalière patlie s'appau-
vrit tl'aul,ant.
O1 suit toutefois, tlitns I'application tles édits,lcs instrttctiorts
TE}IPS HISTORIOUES. PÉRIODE ESPÀGNOLE 649
-
du roi relatives aux exécutions. La noyatle en secret remplace
la mort publique par le brlcher. Les contlamnés, la tête assu-
jettie entre leurs genoux âu moyen de cortles, sottt peu à peu
asphyxiés dans des cuves rernplies d'eau. Philippe veut par là,
non adoucir leur sort, mais éviter la contagion de I'exemple et
la rnanifestation publique tle sentiments favorables âux sup-
pliciés. Il espère aussi leur eulever pâr ce moyen, le courage
que tlonne I'honneur de mor.rrir en public pour la défense tle
sr foi.
Cependant certains gouyerneurs de province, parmi lesquels
Ie rnarquis tle Berghes, le baron de Montigny et Ie comte
de lleghen, se montrent peu disposés à. appliquer les édits rlans
leurs gouvernelnents. Le prince tl'Orange et, le comte d'Egmont
offrent mêne à Philippe Ia tlémission tle leurs charges pour le
cas oir I'on continuerait à exiger d'eux I'exécution des placards:
ils ne veulent pas, tliseut'ils, envoyer au btcher 50,000 de
leurs concitoyens. De leur côté, les quatre villes principales du
Blabant rérligent un acle tle protestation motivé sur ce que les
édits violent divers articles tle la Joyeuse Entrtie, et sur ce fait
notoire que jarnais aucune juridiction ecclésiastique n'a été
atlmise en Brabant, sauf pour des causes rglatives attx rnariages,
lestaments et main-morte.
Gompromis des nobles. D'autre part, la noblosse et la
-
haute bourgeoisie, sentant leur vie et leurs biens à la merci
rles tlélateurs ({), forment Ie projet d'une confédération ayuit
pour but d'assurer, allec leur sécurité, le respect des privilêges
nationaux. En tête du mouvernent, se signalent le comte Henri
de Bréderode, le prince Louis de Nassau et Philippe tle Marnix.
' Le prince d'Orange ne se montre pas enrore, soit qull

(l) 0n conlisquait les biens des hérétiques ou des personnes déclarées telles
pâr un jugement. Une part importante de ces biens était attribuée aux dénon-
ciateurs. Àussi arrivait-il que de bons catholiques se voyaientaccusésd'hérésie
et condamnés. C'est à ces abus que le comprotnis fait allusion.

*c{
TE]IPS UISÏONIOUES' !ÉNIODE ESPÀGNOLE 5S1

hésite ri thire au roi une opposition ouverte, soit qu'il n'approuYe


pas rllle telle opposition. En '1i65, tur acte tl'truion, connu tlans
I'histoir.e sous le notu de comprontis r/es i{obles, est r'édigé par
Nicolas tle Hames, hérant tle Ia Toisorl d'or, peut-être sous
I'inspiration tle Philippe de Mantii, l'ttu cles hortrmes les plus
rerlarquables du xvt' siècle. Ce tlocuntetit est collçtt e1 des tertnes
clue les catholiques et les protestants pettvent également âpprott-
ler. Les signataires alfirment t lettr fidélité au roi et lettr
attlchement à la foi catholiqrte, nrais ils protesteut contre la
tyraunie de cet'tains étrangels qui, datts uu but intéressé, font
paraitre un zèle outré pour les inteirÔts religieux. Ils tlénoucent
i'inquisition comme ulle cllose inique, cotttraire à toutes les lois
tlivitres et hurnaines, ne pouvant ètre rnaintenue qu'au glând
tléshonneur du notn de Dieu et à la totale ruille et désolation
tles Pays-BaS. Par u1 serment solenttel, ils s'engagent à
repousser l'inquisitiort et à tléf'endre qriconque d'entre eux
sera poursuivi à I'occasiou tle l'inolrservânce des étlits ou de sa
l
participation tle Ia préseute ligne. Bientôt le Cornplomis est
rer,ètu tle 4000 signatures ('l), tant tle nobles que tle riches
bourgeois. Répantlu partout, il fait dans le pays une très
graurle intpressiott.
Requête à la gOUvernante. - Auréuttis
llolnbre tl'euvirou trois
à Bruxelles au
cellts, les principaux colitétlérés,
corrrlnencemettt tl'avril '15(i6, Se rendent en cortège, arméS et à
cheval, au palais tle la gouvet'ltante. IIs lui présentettt une
requête tlans laquelle ils la prient tle suspendre les édits reli-
gieux jusqu'à ce que tle rtouvelles ortJorulances' promu)grtées
par le roi, aient été attoptées par les états généraux. tt Car,
lrjoutent-ils, aux termes tles pt'ésentes, il n'V a personne parmi
llous qui ne soit exposé, sul quelqre fausse dénOnciation tlu
ptelnier veuu qui convoiterâ uos biens, à tOmber entre les

({) Drsclrr.r,ts, Guillaunze le Taciturne et trIarnin de ste-Aldegonde, p.40.


iù9 rrrsrornr DES rlELcES BT DE LEUn crvrLISATroN

maius tle I'inquisitenr, à la nerci de qui sont les biens et la lie


tle tout Ie monde. rr
I'audiettce, effrt1'éc d'une manifestation donI
Les Gueux.
I'appareil
- Pendiint
lui parrrit nteuaçirnt. Ia duchesse Marguerite moutre
rluelrlue ilquiétude. La to1'ant tor.tt émuc, un cles ministres prôsents,
lc comtc tle Berlairnont, pour lir Lirssurer', lui dit à demi-voix :
., Et comment, lllaclatlrc, Votrc altcssc'n-t-cllc clainte de ccs
gLlcux? (1) tettc allusiort à lt fortunc cmbiu'r'assôe d'un certain
"
nomlire cles noblcs présents, est entcndue pirr lcs confédérés.
Le soir, ils sc r'éunissent ell un gmnd llirnquet à I'hôtel dc Culcm-
llourg. A la fin du repas, un des convives, Heuri de Bl'éderodc, se rnet,
au[our du cou une besrcc. Il boit cnsuite dus une écuelle rle bois,
à l:r sartté ùes Gueu,æ, et tous les :rssistartts, erttraînés, julent,
par le sel, qnr Ie pain et par la besace (2) de lester fidèles au Com-
promis.
Plus tard, comme siguc de mlliernent, ils rdoptcnt une mêdaille
d'or, de cuivle ou de plomb suspendue au cou. Sur I'une des faecs
on voit I'efligie du roi ; ru clcsst.nrs, ces mots : En, totct, fidèlæ au, roi;
sur I'lutre, cleux mains entrelacées souticnnent une besace, sous
laquelle on lit, : Jusqu,'it, Ia besace, Ert exelgue, Irr devise : Pnr
fiamntæ et par fer.
Succàs extraordinaire dss prêches. L'agitation est à son comlrle
-
dans le pal's. Débordé, le gouvctuement sc sent impuissant à empû-
cher les plriches, de plus en plus nonlbreux. Parfois 90,000
et môme 30,000 auditeurs armés s'y nssemblent, tl:rns une sorte cle
camp improvisé dont ils défendent les abords par des chariots, des
planches ct tle gros :rt'l,rrcs. Penthrtt le selmon, ils se fon[ garder
par des sentinelles ou des postes avaucés. Bientôt, ces réunioùs sc
produistnt en plein jour.
Le marquis de Berghes el le baron de Montigny en Espagne. llhr-
guerite avrit promis aux confédérés d'appuyer leur requÈte auprès
-
du roi. D'rrccord avec le conseil d'lll,r[, elle envoic en Bspagnc le
mlrquis de Berghes et le blrron dc Montigny pour solliciter de

({) Plus tard, le môme comte de tserlaimont regartlant pâsser le cortège tles
eonfédérés, sous les fenûtres de sa maison, aurait ajouté : l'oilà rtos beau.r
yueun ! L'eractitude de ces propos a été contestée.
(2) Par le sel, par le pain, par la besace,
Les Guetrx ne changeront, quoi qu'on se fàche.
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)
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ll,€ \.
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554 rrlsrotnn DEs rlErGEs ET DE LEUtt {lrvILIsÀTroN

Philippe I'abolition de I'inquisition, h moclération des édits e[ une


lrnnistie génôrale. Ces deux scigneurs, que Granvelle, dans ses
Iettres, avait corrstamment clépcints ru roi comlne cles firuteurs dc
tloubles, ne clcvaicn[ jamais revoir Ie sol natal (l).
Le nrsé monarque lcs rccueillil irtec une grtndc affectation de
colclialité, nrais leur lit longtenrps attendrc sa réponse. Bnlïn, par
une lettre du 3.1 juillet t566 à I'irdresse rle llargucr,ite, Philippe fcint
tl'accéder aux dcmtrrtdcs qui lui ont été frrites. I,)n r éalité, il prend lc
tcmps nécessaire pour l'rssonlbler des troupes et mettlc, prtr la force,
tun terme a I'opposition qu'il rencontre. Â peine le courrier ilui
empolte ses lettres I'a-t-il quitté, que, par-devant notaire, il cléclare
nulles, pour ile les lvoir pas libremcnt accordées, les conccssions
r1u'il a faites. Il écrit ensuil,e tu pilpe que Ie ternps lui a manqué
pour cn référ"er à lui, pour ec qui concente les trois points concôdcs ;
toutefois, qu'il < cst préférrble qu'il en soiI ainsi puisque I'incluisi-
tion ne pcut ôtre irbolie sans le consenterrren[ du pontife. llais il firrt
g'rrder sur cc point lc secret lc plLrs profond (2) >.
Les iconoclastes. La lettre tle Philippe arrive tl'ailleurs
-
trop tard. Dans la secontle rnoitié du mois rl'aorlt 1566, des
excès déplorables se prodnisent qui souillent et perdent la cause
tles confédérés, hien que leurs chefs y soient probalilement
tlemeurés étrangels. Des bantles se forment tout à conp, compo-
sées de quelques fanatiques, d'rrne tourbe tle paysans rnisérables
et d'un ramassis de gcns sans aveu, I'écnme de la population
urbaine. Elles se ruent sur les couverrts et les églises et, comme
possédées de la fureur de la destruction, elles y mettent en
pièces les orgues, les statues, les ostensoirs ei les vases consa-
crés, saccageant les æuvres tl'art les plus parfaites. D'adntira-
llles tableaux sont déchiquetés ; tles livres ral'es et des manusmits
précieux, lacérés ou brtlés.
A Anvers, l'église tle Notre-Daure, I'uue tles plus riches de

(l) Le 24 mai ,1507 le nrarquis tle Berghes mourut de Ia fièvre ou peut-être,


comme beaucoup le crurent, empoisonné par les ordres tle Philippe II. Plus
tanl, Ie baron de lllontigny, condamné par le tribunal rJe sang, fut étranglé à
Simâncas, le ,l.d octohre {5?0, après avoir subi une longue ïétention et de
cruelles tortures.
(2) Correspondence de Philippe tî,1,449.
556 ittsrornE DES BELcES ET DE rEUR ctvILIsATroN.

I'univers, qui renfermait d'inestirnables trésors artistiques, oir


I'on pouvait notamment admirer soixante-dix autels merveilleu-
semellt sculptés, un tabernacle considéré comme le plus remâr-
quable tle la chrétienté, de grandes et belles orgues célèbres
dans le monde eutier, est, pentlant plusieurs heures, I'objet de
Ia plus stupitle tlévastation. Huit jours à peine se sont écoulés
depuis que ces désortlres otit commencé et presque tous les
monuments religieux des Pays-Bas se tlouvent ruinés. Telle
tune trombe, nn violent tourbillon, désole en un instant toute
une contrée.
La confédération se dissout. Tous les seigneurs de I'op-
-
position s'empressent de flétrir ces révoltants attentats. Sous
I'impression de l'horrenr que ceux-ci inspirent, les classes
rlloyenues se rallient autour tlu gouvernement, gni, sentant
I'opinion revenir, séyit saus pitié contre les auteurs cles
lui
tlésordres. Tous les gouvet'neufs des provinces, Ie prince
d'Egmont ave(.: uu zèle qui, chez lui, parut excessif, et Guil-
laume tl'0ralge lui-même, plennent les mesures les plus éner-
giques pour cmpêcher le retour des saturnales clont le pays
vient rl'ètre le témoirt cousterné. Yalencieunes, oir les réformés
dominent, est prise par le conte de Noircarmes, gouverneur tlu
Hainaut, qui livre au bourreau tleux ceuts calvinistes tombés
entre ses mains. Sur tous les points du pays, les protestants
sont traités avec la rnême rigueur.
Bientôt même les excès de la réaction dépassent ceux des
réfurmés. Nou seulemeut on abat, on brrlle les temples tles
protestants, mais oll poul'suit et on traite ces demiers comnle
des bêtes fauves. a Il n'y eut si petite ville oir l'on n'en fît
ruoulir cinquante, cent, deux cents et mêrn trois cents, outre'
ceux qui fureut exécutés sur le plat pays pal les baillis qui
prirent et pendireut tous ceux qu'ils trouvèr'ent être suspects (t).
"
({) Ymi MrrrnEn, livre II, page 50.
' TElrps HrsT0RrouES. pÉRrODE ESpAGN0LE 557
-
L'émigration reprend de plus belle : on fuit par grandes
nâsses, au point de rendre nécessaire un nouvel édit a défen-
tlant à tous, étrangers et indigènes, de quittm le pays et tl'en
emporter leurs biens, et à tous bateliers ou voituriers d'aitler à
la fuite de qui que ce fût, sozs ytefue cle ntort >>.
Le prince d'Orange en exil. Cependant, à la suite des
-
tristes exploits commis par les iconoclastes, la confédération
s'est dissoute. La plupart des signataires du Canqtrontis se
hâtent de faire leur soumission. La duchesse exprime alors le
væu qu'un nouveau serment soit prèté au roi par les grands
seigneurs en possession de charges publiques. Un petit nombr.c
seulement s'y refusent et résignent leurs ernplois. Parmi eux,
se trouve le prince rl'Orange : < Quoi dunc, dit le prince, je
m'engagerais par serment à conduire moi-mêrne ma femme au
bûrcher parce qu'elle est luthérienrie ? > Il se retire en Allemagnc
après ayoir vainement engagé le comte d'Egmont â I'accom-
pagner. Le vainqueur tle Saint-Quentin uoyait à la gr.atitude et
:i la géuérosité de Philippe II : Je voudrais me trornper., lui dit
son clairvoyant ami, mais je prévois que vcrus serez le pont que
briseront les Espagnols, tlès qu'ils auront passé rlessus'pour
ertvahir notre pays. ))
Le duc d'Albe. En apprenant les excès des iconoclastes,
-
Philippe II s'était écrié : rc Par l'ârne de mon père, je punirai
ces climinels de lèse-rnajesté divine et humaine. r Et, cornme
insrument de sa veilgeance, il choisit le duc d'Àlbe, général
tl'nue grande réputation militaire, mais cæur froidenrent cruel
ct iuaccessible à tout seutiment de clémence ou d'humanité.
Au service d'une inflexible volonté, le duc peut mettre ,

une santé robuste, capable tle résister aux plus extrêmes


fatigues. Gland de taille, il a le visage maigre et allongé, les
yeux très enfoncés. Un air hautain, expression de son fune
orgueilleuse, achève de lui donncr un aspect terrifiant. Philippe
le nomme capitaine-général des forces rnilitaires en Belgique ct
[,c riuc r[',\lbc.
IEMPS HrS1'ORI0UES. pÉluoDu ESr)ÀGNOLE 559
-
lui donue, outre I'autorité sur Ies conseils collatéraux, le droit
de juger et de punir tous les délits et tous les crimes, celui
d'amnistier et de récompenser. Enfiu, il rnet à sa disposition
une armée de 90,000 vieux soldats.
L'envoi du duc rl'Albe fut une grosse faute.'Le pa.v-s était
rentré dans le cahne : les iconoclastes avaient été punis ; la
confédér:ation n'existait plLrs; la cause tles coufédérés par.aissait
définitivement per.due. La mission du duc tl'Albe était non
seulement inutile, nais dangefeuse pour la cause mouarchiqne :
I'avenir devait le prouver.
A Ia nouvelle de sa prochaine arivée, l'épouvante se répantl
dans tout le pays au point que plns de cent rnille indivitlus
appaltenant aux classes les plus riches, les plus instluites ou les
plus industrieuses abantlonnent le sol natal, transportant avec
elles dans les contrées voisines leurs capitaux, leur science et
lcur activité.
Le duc tl'Àlbe fit sou eutrée à Bruxelles, le gg août {567.
:
Un silence profontl, I'accueillit la consternatiou et I'effroi sc
peignaient sur tous les visages.
Pour arriver plus facilement à
découvrir les persoulle$
compromises dans les troubles de I'année pr'écétlente, il affecte,.
pendant quelqLres jours, de goLlverner avec tlouceur'. III:ris
bientôt il jette le masque.
Conseil des troubles (1567).
- Le duc tl'Àlbe comnrence
par établir, sous le nom de conseil, des Troultles, un tribnnal
chargé de poursuivre les persorrrres qui ont plis pârt aux
rôceuts désortlres. L'institution de cette j uridictiol cxceptiorlDelie
riolait manifestement les chartes nationales, en particulier la
Joyeusc-Entrtie oir il était stipulé qlne ntù ne petû êh.e dish.ait
tle ses juges nuturels. Ellc suffilait à justilier Ia révolution qui
éclate peu après.
Deux menbres seulenent de ce tribunal, deux Espagnols,
tlou Juan de Vargas, président, et un certain Del Rio, on[
560 ttrsrontç DES BELGES ET DB tEUn cIvILISÀI'IoN

voix tlélibérative. Les autres n'0ltt que voix consultative.


D'ailleurs, tous se distinguent par leur basse sor,tmissioi aux
volontés du duc ({).
Néanmoins, malgré tout leur tlévouenent à la cause du roi, la
plupart des nenbres tle ce tribunal ne tartlent pas à se retit'er,
les sentences auxquellcs on leur dernande de souscrire leur
paraissant à eux-mêrnes excessives et de nature à exciter cotttt'e
eux I'indignation et le rnépris de leuls concitoyens. A la fin, le
conseil des tloubles se rétluit :i trois nembres, totts ôtrangers :
le duc d'Albe, Vargas et Del Rio. Bientôt le nombre et la
sévérité de ses arrêts lui valent le nom de triltwml tle Sang.
Des roues et des potences s'élèvent sur tous lcs poirtts du pays.
Partout I'on roit des gens ett pleurs, géntissant sur la ntort tle
parents sacrifiés à la vengeattce du roi. Les cotntes dEgmont
I
et de Hontes sont arrètés le septernbre {ô67 att sot'tir d'uu
conseil auquel ils avaieut assisté, et cet événemeut achève
d'inquiéter tous les esprits. Scntant sotr rÔle tet'mitté, I\Iarguerite
tle Parnre sollicite sa démission, et à la fin de I'année {,ï67,
quitte tléfinitivement le pouvoir.
La terreur règne en Belgique.
- Ces premièrcs mesul.es tre sotlt quc
le prélude d'rutres plus radicales et plus violcntes. Tout, t\ coup ort
rpprend qu'une senteuce du l6 février '1568 érnlnée du s:rirtt-olÏice
cl'Espagne a condirntrté comme hérétiques tous les halliLirttts des
Pirys-Bls, àr quelques exceptions pr'ôs, portant sul des nonts cités.
Dès lors, les an'estatious se fout eIr masse. Darls la seule nuit du
jour des Cendles {i68, cinq cetrts persolues lubitant les tlivelscs
proviuces sout surprises dans leur lit et condui[es en prisort. Les
gibets et les bùchcrs fonctionnent simultanémc.ttt ct sans lelircltc.
Darts les villes commo dans les crllllpagncs, on eottduit u lrt lll(lI't, pal"
troupes, des gens qu'aucutt tril,iunal bolge tl'it cotltlatltttôs, ctrr lcs

(1) Un conseiller flamand, Hessels, dépassa en servilisnre tous ses collègues.


Sguvent, il sommeillait au triliunal, et lorsqu'au momgnt tlu vote on l'éveillait,
il s'écriait, à demi endormi u ad patibulum ! ad patibulttln 1 r (au gibet' au
gibet).
Uu lttlo'lllt; .

\'. llirguct. -. llistoiLc dcs Belges.


562 ulsrolnn DDS BELcEg ET DE LEUR ctvlLls,lrloN

tribuuaux ordinaires se décltrrent incompétents. Huit, ccnts exécLrtions


ont lieu e1 quelques scmaittes, ainsi quc Ie duc d'Albe l'écri[
à Philippe II. Et les instlumeuts de supplice ordinrircs étlnt insulli-
sallts,. on utilise les arbles cles grands chcntitls potll' y pendle les 7
malheureux convaincus oll sculcmcnt soupç:orirtés de Cloit'e iltls
hér.ésies. Leurs cadùt'res, prit'és de sépulture et, lillancés par le vcnt,
infectent au loin I'almosPhère.
< Le pays tout entier étirit, devenu utt cltilrnicr; le ghs funèbre
sonnait d'lieure en heure dans les villages; plls une ftmille cluitl'etib
à plcurer I'un de ses membrcs les plus cher's, tlndis que ceux qui
Survivaient, mOtneS et sanS courâge, pliles ombrcs d'egx'm|rnteS,
erraient sâns but autottr de h:urs foyers detruits il) >.
Sous I'impression de la tcrt'eur gérrérale, l'émigratiou sc trltts-
formc en exode. Pour y couper court, lc duc rl'illbe mellilcg cle Ia
confiscation des biens cl, cle la mot't, tton settlement l'érnigration ct la
tcntativg d'émigratiotl, mttis Cncot'C le seclct grrrdé sttt' totrt pl'01)ù'
ratif {e fuite. Vaius efforts : les villes ct les rilhges sott[ uliantlonûôs
par les populations aflbléc.s. A Gattd, pill' cxenlple' tttte moitié tles
maisons sont vides. Le pays scmble sur le poinl de se chlttger ett
une raste solitude.
Le prince d'0range invité à comparaitre devant le conseil
des Troubteg. Le conseil des Troubles avait somtné le prince
-
d'Orange et les autres grands seigneurs érnigrés de comparaÎtre
devant lui. Guillaume répond à cette sommatiCIn par ull reftts
catégorique et vigoureusemetlt motivé. Dans sa réponse, il dénie
au tluc d'Albe et à un tribunal irrégulier, institué par lui-nrêtlte,
tontc autorité pour le juger. a Conme chevalier de Ia Toison
tl'or, il ne peut être jugé que par
ses pairs I comlne citoyen des
Pays'Bas, les tribunaux ûrdinaires, oit siègent sescompatriotes,
ont seuls compétence pour le poursuivre' s'il y a lieu. rr
Première tentativearméedu prince d'Orange. Àyant etrsttite
-
rassemblé en AllelnâSne des forces imposantes, le pt'ince tl'Orange
les divise en plusieurs corps cluipénètreltt dans les Pays-Bas Lrar
quatre points tlifférents. Le comte Louis, son fiùre, commlndait

({) Mourro t. II, p.262.


TE.\II'S lrrST0RroUES. pERI0DE ESpÀGNOLE 563
-
I'Lur de ces col'ps :il rempolte nn léger avautage sur les Espa-
gnols iHeyligerlée, le 23 rnai lUti8 (t). Youlaut neutraliser
I'elïet moral at'antageux Pour h cause nationale plotluit par cet,
échec de ses troupes, le tluc se décide â frappu utl coup propre
ii augrnenter la terrenr tles espr.its.
juin {568,
Ex6cution des comtes d'Egmont et de Hornes.
- Depuis le 3
le proct\s rles eotntes d'Flgrntint ct ile Hornes était tcrrniné. Àccusés
d'ar-oil plotégé lcs ltér'é[iqucs et eomplotp cl'arrircher lcs Pirys-Bas rr
I'autorité tle Philippe II pour lcs lirltager itvec le princc d'Ortnge el,
tlrrelqrrcs autles seigrteurs, ils sorrt conclauurés à molt pat' le tributu.L
ile Sung.
.ltartt applis le plocliaine cxéculion dc cette terrible sentcrtce, Iit
t'rinrtesse cl'lignont, coult se jeter aux picds clu duc d'Allrc. le sup-
liliirrtt cle lui rccoltler la grirce cle sou nrirri. Le duc écoute froitlement,
ses instlnces, puis âyee ullc ilortie sanglante, qui n'est pas saisie piir'
lit pauvrc fetttnte, il ltri dit : rt ll1gc111"gz-Tolts, llarlamc, dernain rrotre
cpoux selr libre.,r Elle ne clev:iit que trop.tô[ conprendre ]e vét'i-
tirble sens dc ces pirloles lrnbiguiis.
Lcs clcux uobles plisonniers p:rssèrent lcul dernidrrc nuit dans unc
maison située sur la griucle pl:rce cle lh'uxellcs ct appeléc aujourd'hui
Broorlltuis (2) ou < tr[irison du roi. ))
['n peu avut. uinuit, l'évèque d'Yprcs, chargé de préptrer le comto
tl'|..-gniont ir lir rnort.penètre dans sa clrlrnble.L0 condnltné dormait pro-
fonckiment. L'arrivric tle son noctume visiteul le tire clcsrln sonintcil. Il
leçoit slns piilir .i'rflreuse uouvellc, nriris proteste contle I'irtjustice
rle h peine qui le fr:rppc. Il éclit ensuite au roi unc lcttre toucltantc
rliurs laquelle, trprès I'avoiltrssuré de son dér'ortemctrt et dc sott inno-
r-'cnco, il lui recomntrnde sa fcmme ct ses ortze ettfauts quc lir cou-
fiseation cle ses biens vi-r jeter dus lanrisère.Il assiste cnsuite l) urtc
nlesse clite dlns sa chamble pirl l'évr-x1ne, se confcsse et commttnie.
Comme il devait avoir h tôtc tmrrcliôe, il coupe lui-utrime le collet
clc sou pourpoint et cclui de sa clremise atn cle ti'êtle pts souillô

({) En cette rencontre, pér'it Àtlolphe de Nassau, le plus jeune des quatre
fi'ères du prince d'Orange,
(!) Parce qu'on y distribuait autrefois, parait-il, les aumônes des souverains.
De plus, on y niettait cn vente,le ventlredi, jour oit il y avait franc-marché, lcs
pains cuits en dehors rle la ville.
564 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIYILISÀTION

tout à i'heut'e par le corttlrct tlu bout'reau. Puis il attend I'ltt:urc tltt'
supplice, d'.rns la prii'r'e ct la nédilatiotl.
Dans I'erttrctenps, lc comte cle Honles rcç:oit irussi Ia Irouvellg'
impr.ér'uc de sir prochairtc erécution et I'itccttcillc alec uu graud'
cirlmc. Ut prtltrc le plcipale égalentcnt à ll tnort'
Le 5 juin ,1568, aux ltrcrttières luculs tlu jour', 3000 soldrtts cspa-
gnols ,. .,',uge,tt cn birtirillc lutour cle l'échafautl drcrssé sttr lit
proxiurilti de
[raltle place dc l]t'uxelles, en fuce tlc I'1Ûtcl 6o villc ct à
iir Mirison du Roi. Ce jour-là, lcs boutiques t'estent, fcrnities : la rillc
r:ntièr'e prcud le clctril. Totrtc hr joulnée, le glas funèbr:c soltttc datis'
lcs églises.
Sur l'échirfattcl, tCndtt tlc noir, oll apLll'ccvait deux piqucs de fer ct,
unc petite tal,rlc sur laquelle ou avitit trrhcé un cruci{ix cl'argent. Vet's'
oltzg hgurcs, ulle troupc tlc soldats llr chcrchcr le cotnte d'l'lgmottt''
0n veut lui lier les nrains : il s'y refuse avec in(lignirtiott. D'un prs'
fclme, il frarrchit I'espaco qui lc séprlle de l'échafaucl. ,\ ses cÛtés'
l'évùqtre d'Ypres r'écite la pritirC,illi sa"ere nci Dctls. S;rns cloutc I'espoir
d'un pat'clotltt'ù\'itit pirs abatttlonné Son esplit, clr ln'ivé sttr la platc-
forme dC l'échafrrttd,le Comte derurnclc att ntiiitrc cle cantp llomet'o :-
<N'1, a-t-il poipt tlc gr'ficC? > L'officier haussc lcs épi-rulcs ct firit u1
sigle négrtif. U'llgmotlt grirtce d'irltorcl les dCrtts tle colùrc, tttltis
bientôt leprencl son calnle. ll était, vÔttt d'une t'ollc de dlnrs IOrrgr-)
sur laqucllc il irrait jeté un coul't tnltttertu riuir brodé tl'or. Utre toquo
de soie uoire onrée de plurnes blâl)trhes couvritit s:r ttitc. Drtts srt
main. il tertlit ttu nloucltoir. ll défait sOu tnanÙCau, Sii t'OllC, s'ltgC-
nouille sur I'ut) des coussins et, se ntCt ir pricr. Alot'S, I'ér'cque ltri.
pr ésentc le Chlist qu'il etubt'asse. Ilienttrt, se relcvant,, il
jottc sa toqtte'
ôt sot mouchoir, puis s'agenouillant dc nouvcatr et inclirraut hr tcte,
ilS'éCrie d'utte vOix fOt'to ( $sig71g7n', ie renels tttott ùtrttt ettlTe L'1't'
i
mains. > En Ce ltometit, lC l-rOurreau se tlrotttt'e Ct, Cl'ttn Settl COttp
rlc hircltc. lui lbat lir tùtc.
A ce lameltable spcctiltlc, des gérnissetncttts et tlcs sartg{ots'
s'ôchappert[ dc toutes lcs puitrines. nltjure les soldats esprgrtols, r1ui.
estimaient le contte pour sa laillance, uc peLtven[ r'ctenir' ]ettt's
lin'mcs. Caclré tlen'iùre lcs fentjtrcs tl'ttne milison placée crl face tlc
l'échafaud, lc duc tt'Albe tssisttit, prrait-il, à I'cxéctrtioll : 0ll plutcntl
qu'on vit aussi coulcr des l:rlntcs sur ses joucs ('l ).

(l ) Ce qu'on sait rlu caractùre du rluc d'Atbe rend cette aflirntation au moitts.
sujelte à caution.
Ttilrrs Hls'r0ntouEs. PËnr0DE ESpAG){OLE 565
-
0n étertdit un drirp noir sur le corps du comte d'Egmont. Quelques
rinstants après, le comte de Hornes parut. Avec ccttc môme tran-
,quillitc fcrmc rlue d'Bgmont av:rit rnontrée, il tmvclse la placc. Monté
snr l'échafaud, il aperçoit le drlp noir e[ s'infomre si c'est lr\ ]e corps
de d'ligmont. Sul la réponse aftirmative qu'ou lui donne, il plononcc
cn esllagnol cluelques mots que lcs assistants nc comprennent point.
itprùs at'oir dit une Jrir-\r'c, il tend son cou à I'exécuteur qui aussitôt
lui tranelrc la tète.
Alors, rrralgré l;r présence des soldats espaglols, Ie peuple'éclate
eu pleurs ct, en clis de nurlôdiction. For.rlant la ligne des glrrclcs, urr
,grlnd rtonrblc dc pcrsonnes seprécipitentautour de l'échafirud pour
,trempel leuls nrouchoils diins lc sang des martyrs.
Âprùs ûtre demeurés quelque tcmps sur l'échafautl, lcs cadi'rt'r'es
tlos suppliciés sont remis à Icurs farnilles. 0ulnt aux clcux têtes, lc
Itout'rcau les lixe à I'extrémité cles piques dont nous avons pirrlé ; elles
1 restcut pcndirnt, plusicurs heures exposées enlre dcux torcltes
rrdentes aux rcgards de la niultitudc. Dé1losée.s alols dans des coffr'es,
'cllcs fulertt, selon I'ogrinion commuue, euvo1,'écs à Pltilippe II, cu
Espagne.
C'est une cluestion delicate de clécider si Ie comte d'Egmont mérite
'r'écllernent le lion souvenir que lcs Bclges ont eortservé de Iui. Son
;r'rnloul dcs libeltés publiques n'ritzrit pcut-être pas du meilleur aloi.
Jl panit bien que ce fut surl,out sa jalousie contrc Granvelle qui lc
.jcta dans I'opposition. Il ne semble pas qu'au fond il aimirt le peuple,
ct, s'il le flattrit, c'est que sa vanité lui faistit trouret' du plrisir
dans I'rdmirrtion du gros pulllic. 0n peut donc se dcmandcr s'il n'ett
pas fait assez bon marché des aspirations populaires ct des droits
d'lutrui, du momcnt qu'on I'eût laissé lui-môme occupel dans I'Etrt
Ja première placc après le roi.
D'urtc olthodoxie irréplochable cn nratièrc religieuse, il n'ôtait pas
sincèr'ement tolérant; il se proDonça à plusieurs reprises pour I'ap-
plication des placards, et, :rux bcules ile r'érction, il déploya contrc
les réformôs uuc rigueul extrême. a D'Egmont cst, une gr'iutde figure
histolique, mais n'est certes point un grantl homrnc. Il a fallu lc
glaive de I'exéouteul' pour le l,ransfotmcr en unc idolc poltulaire quc
la poésie s'est plu à r"epréserttel conuue le chcvnlcrcsilue cltarnpion
de la lilrcrté ({). l

(1) rllorlur, tome II, page 331.


Les comtes fl'[gmout et de llorues.
'rElIPS HISTORToUU r)Éul0rJu ESP.IGNOLE 567
Lcs s;'mpatlries du comtc de Hornes pour les droits du peuple et
son zr-rle pout la tolérance rcligieusr: n'étaiettt guère tnoins négatifs.
Sa célél-rrité lui vient surtout, clc son rang életé et de son malheureux
solt. Cependant, lors de la réaction qui suivit les excès des icono-
clitstes, il montra plus de douceur que d'Egrnonf, et, à ce titrc, il
nrér'itait peut-ôlre rnieux que cclui-ci Ia pitié et les rcgrets popu'
lirires, qui nérnmoins se poltèrent de préfércncc sur Ëon compagnon
tl'irrfcirtune.
Le duc d'Albe vainqueur du prince d'0range. Àyant ainsi
achevé de terroriser les populations, le duc
-
tl'Àlbe marche
contre le comte Louis rle N;tssau qu'il défait à Gernminghen ({ )
le 2l juillet {ô68. Puis, sans t'isquer un cornbat qui aurait pu
lui ètre défavolable, il réussit à teuir en échec les troupes de
Guillaurne qui avait pénétr'é tlans le Lirnbourg. Le prince
d'0range comptait sur un soulèvement général des Belges, mais
glacé par I'effroi, le peuple n'ose se proltoltcer en sa faveut'.
Tant que le gouveruenr général ne s'en prettd qu'à la liberté,
â la vie et aux biens d'autrui, la plupalt de ceux qu'il laisse
rnornentanément en paix se rertferment en égoïstes dans une
dire, il faudra les irnpôts du duc
frrneste inertie. Chose triste à
d'Albc, qui flapperont tout le monde, ponr détet'minel oppo-
sition ouverte tlu gros de la nation.,
Ne pouvant tlécitler son adversaire à risquer la bataille,
le prince tl'Orange doit, faute d'argettt, licencier ses troupes.
. A la suite de cette heureuse campaslle, le duc se fait ériger
(t'ï69), daus la citadelle d'Anvets, ttnc statue colossale en
bronze. Du geste, cette statue menace la ville ; ses pieds écra-
sent syrnboliqnement la noblesse et le peuple. Une inscription
orgueilleuse lance une suprême insulte au pays vaiucu.
lmpôts itlégalement étabtis par le duc d'Albe. Pressé
-
d'argent, le duc d'Albe, salts en avoir préalablement obtenu
I'autorisation des états, établit le tliple impÔt du centiàme, du

({) tocalité située tlans le nord de la province actuelle de Groningue.


5ti8 Hrsrornn DES rlBLcES ET DE LEUR crvrLrsÀTloN

t'ingtièm,e et du dirième d.enier (l). t'était là une nouvelle et


grosse illégalité. Les états géuéraux, convoqués pour la cir-
constance ({569), ont beau reprêsenter au tluc tout ce que
ces impôts, ceux tlu vingtième et du tlixièrne particulière-
ment, auraient de funeste pour I'industrie et le commerce;
combien surtnut ils seraient attentatoires aux chartes, puisque
leur perpétuité détruilait le plus précieux des privilèges natio-
naux, le droit de refuser les subsitles, le gouverneur prétend
passer outre à leurs remontrances. Mais une formidable opposi-
tion éclate aussitôt. A Bruxelles, les ateliers et les boutiques se
ferment. Les cabaretiers refuseut de donner à boire; les bras-
seurs cessent, de fabriquer la bière, les boulangers de cuire Ie
pain. Bientôt les soldats de Ia garnison ne trouvent plus à se
procurer les choses les plus intlispensables à la vie. Exaspéré
tle cette résis[auce, ]e tluc ortlonne de faire peildre, la nuit, ir
la porte de leurs habitations, dix-huit des principaux marchands
tle Ia ville. Déjà le bourueau prépare ses enrdes et ses échelles,
lorsque la nouvelle de la prise de la Brielle (9) par les gtrcur
d,e ntet' force le gouverneur général à snspentlre ses affreux
desseins ({579).
Les gueur das bois et les gueux de mer. Depuis le banquet de
-
I'hôtel de Culembourg, dans lequcl les confédérés avaient adopté Ie
nom de gueux, on avait compris sous cette dénorninal,ion non seule-
ment les réformés, nais tous les enneuis de la domination esprgnole.
Redoutant la vengeanee du duc d'Àlbe, beaucoup de fugitifs, cachés
dans les bois, s'y organisent en bandos armées. Â certains moments,
ils quittent leurs refuges et courent exercer de sanglantes repr.é-
sailles $ur les partisans du régime espagnol. 0n désigne ceux-là sous
le nom de gu.euu iles bois. lIais il existe aussi des gueu,fr de nter, qui
sont les marins du parti de la révolution. 0n trouvc pllmi eux

({).L'impôt du centième denier prélevait, unefois pour toutes, la {00e pertie


({_ de la valeur de toutes les propriétés. Celui du uingtiènte attribuiit au
fisc"/")lagge partie (5 olo) du prix de toutes les propriétés vendues; celui
iu dixième,la l0e partie ({O o7.; du prix de toutes les marchandises venrlues.
(9) Localité siluée dans I'ile de Yoorne, à 43 kil. sutl-ouestde Rotterdam.
ÏEMpS HrSTonr0uES. pÉRrODE ESPAGN0LE 569
-
des nobles et des malchunds, mêlés à des matelots habiles ct
hardis. llontés sur des embarcations légères, tantôt, ils attaquent les
rtavires espagnols chargés de marchaudiscs, tantôt ils opèrent sur
terre dcs coups de main souvcn[ heurcux, échappant, ell cas de dan-
ger trop pressant, par la vitcssc de lcurs petits navires, à I'atteinte
de I'ennemi. Leur chef principal, Guillaunre de la Illarck, avait juré
de ne se couper ni la barbe ni lcs cheveux, avant d'avoir vengé les
victines du duc d'Albe. Tous, gueux des mers et gueux des bois,
résolus, s'il le firllait,, à mourir en combattant, se refusaient à I'ivre
en esclaves sous uu gouvernemcnt abhorré. Malheur,eusement, les
excès appellent les excès et, dus toute révolution, la lie du peuple,
pousséc par I'iustinct sauvage de la rapine et de la destrucl,iol,
s'abandonne volontiers à des actes répr.our'és par Ies honnêtes gens
'de tous
les partis. Àussi, bien des faits d'odieuse et révoltante
cruauté, commis par les gueux, Ieur ont'été justenent reprochés.
Prise de la Brielle. Pendant quelque temps, Ies gueux
de mer. avaient trouvé
-
un refuge dans les ports anglais. Tout
à coup, sur des plaintes atlressées à Ia reite Elisabeth par un
envoyé du duc d'Àlbe, leur flotte reçoit I'ordre d'évacuer les
eaux britanniques. Forcés de reprendre la mer, ils se dirigent
vers l'île de Voorne, en Zélande, otl ils trouvent à peu près
dépourvu de gaurison le petit port de La Br.ielle. Ils s'eu
empar:ent, et ce modestc: fait d'armes provoque le soulèvemen[
de Ia Hollande et de la Zélande. I)eux vers humoristiques ont
conservé le souvenir de l'événement:
Den eersten dagvan April,
Yerloor Âlva zijn bril ( { ).

Soulèvement de la Hollande et de la Zélande.


prince
Nouvelle
-
tentative armée du d'0range. La prise de La Brielle
-
provoque le soulèvement de la Hollande et de la Zélande. Eu
rnême temps, le prince d'0range péuètre de nouveau dans les
provinces méridionales â la tête de grandes forces et se rend

( { ) ll y a là un jeu de mots intraduisible en français, basé sur ce que Brielle


sc prononce en flamand bril et que àr.tl signifie lwtcttcs en cette langue.
5i0 UISToTRE DES IIELGES ET DE Ltititt ctrILISÀTtoN

maître de plusieurs villes impoltantes. Ruremoude, Malines,


I,ouvain, Diest et Nivelles tornbent successiventent ell s0ll
liouvoir'.
De leur côté, les guetlx des bois, cotnmartdés par Louis de
Nassau, surpfennent la ville de lllotts. C'en était fait de la
domination espagnole thns les Pays-Bas, sâlls le massacre de
lir Saint-Barthélerny, ett Ft'ance (t). Cet ér'énetuent ernpêche
ies Huguenots flançttis r-le se por-ter au secours de lïlons. clui
cst replis pal les tloupes espagnoles.
Vovant le sud tlu pavs dég:rgé. le duc d'Albe envoie le gros
de ses lroupes dans le ttord, d'otr le prince d'Orange se retile.
Apr'ès avoir repris Malines, I'artnéc espaguole pille cette ville
et la saccage, voulattt la punir tl'aloir reçu l'armée du prince
tl'Orange. Frétléric de Tolètle, fils tlu gouverneut', s'empate peu
après tle Zutpheu et eu fait passer tous les habitants au fil tle
l'épée, après I'avoit' abandonrtée à la tlisuétion de soltlats avides
de carnage et de butin. Natltlen éprouve le nrême sort, malgré
les conditions formelles d'une capitulation qui stipulait en faveur
de ses habitants d'ltottorables conditions.
Obligée de se reudre après un siège de sept mois, Harlern
voit également les clauses de la capitulation violées de la façrs1i
la plus déloyale. Mais, en dépit de ses désastres, le parti de
I'intlépendance pet'siste dans sa tléf'erlse héroïqtre. Enfitt, sa
ténacité est t'écornpensée. Alkmaar, la dernière ville irnpor-
târrte restée ùn pouvoir de Philippe II tlans le nord des Pa,vs-
Bas. succombe à soll tour. Yaittement Frédéric de Tolède
multiplie les efforts pour Ia teprendle. À{iu d'obliger I'ennemi
à disparaîtle de la contrée, les habitants de cette ville énelgique
rompent leurs digues et Ies Espagrlols sont trop heureux

( I ) DlaSsacre ordonné par Charles-IX, roi d-e France-, qui poursuivait I'exter-
miàaiion générale des protestants français. Il s'étendit de Paris, otr il avait
commencé] à toute la France et coùta la vie à plus de {5,000 personttes' 0n a
dit 9Ë,000 et même 400,000. lllais ce det'nier cltift'r'e est certainement exagéré.
1't;ttps Hts'r0RIouES. priltl0DE ESPAGN0LU 5T{
-
d'écirapper à une m6rt certaine par la rapidité de leur fuite.
A quelque temps de là, les gueux de mer détruisent entièr'e-
rnent la flotte espagnole dans le Zuitlerzee.
Sentant son impnissance, et redoutant tle voir sombrer Sâ
réputation militaire tlatts cette guerre effroyable, le duc d'Àlbe
rlernande lui-mèrne son l'âppel. Il reconnaÎt ainsi avoir échoué
tlans sa missiott, bien qu'il se fasse un titre tl'hontteur d'avoir,
pentlant son gOuvemernent, envoyé à la mort plus tle t8,000
PeISOlUles.
Requesens ( 15?3 - 1576 Bataille de Nimègue.
).
Requesens contiuue la politique de son prédécesseur ses :
instructiotts sotrt les tuêtues. Quelques succès qui lhvorisent
tl'abord ses al'mes I'ettCOtrragent à persister dans cette voie. Les
comtes Louis et Henri de Nassau, fi'ères du Tacitunre, sont
vaincus et tués à lrr bataille tle Nimègue (lii74). La famille de
Nassau, on le voit, a bien rnérité cle la grantle cause de Ia
liberté et tle I'intlépentlatlce natiotlalcs, puisque des cinq frères
clont elle se composait tlous parlerolls tantÔt de I'assassiuat
tie Guillattrne d'Orallge
-cluatre sont morts en la dét'endant'
-
$iège de Leyde. Le sièg'e cle Le1'clc avait été cotuttteucti par le
cluc d'r\lbe.
-
Itequcscns le poussc avec vigueur. llais les li'rbitants de
lrr ville lui opposeut, utie lréroique et irlvincilllc résistauce. Lcs Estria'
gnols aSant ofl'elt rux irssiégésn pt'essés par'la clisettc, une capitula-
iiott honorlble ( I ), Ic bourgrnestrc Vartdcrdocs leur rrSporld :

< Qurrrcl lss vir,res tlotls nallquct'otrt tout à fait, UOUS ruùÛgerons
rtOtle ltllts gauclte et ttous réscrverorts I'autrc poul défendre rtotrc
libcr.té. > PIus tirrcl, comme ull groulre tl'assiégés, épuisés par lcs
plivrtions, I'engage à r'endre la ville : < Mangcz mol) corps, si vous
loulcz, Ieur dit-il, mais quatrt à reldle la ville, janrais!>BiertÙÔt les
mirlheur'eux habitants de Lclile sc voicttt réduits t\ uue ration qutlti'
tlienne de quatle ollces cle pain et, cle huit onces de vialdc de clieval

({) ta manière dont les Espagnols avaient respecté les p-r-écédentes capi[u-
tations n'étail, pas de nature â engager les habitants tles villes assiégées à en
conclure rl'âutres.
57E Hrsrorng DEs BELcBS El DE LEUR crvrltsÀr'roN

ou de clricn. tTn jour, des gens du menu peuple, abatl,us par Ia


ftrim, sommaient le second bourgmestre Vur der lVerf, ou de
rendlc la place, ou de leul rlistribuer des livres ; le courageux
citoyen découvrc sa poitrine, leur tend son ôpée et leur dil : a Du
pritr, je ù'en ai plrs à vous donnel', mais si moll corps peut lous satis-
frire, prenezJc, coupez-le en mol'ceilux et pirrtagez-le entre \/ous.
Quanl à moi, je scrai fidùle à rnon serment et je défendriri la vi]le
jusqu'à mon demier soupir. >
Enfin les états de Ia pror-ince font rompr.e les digues et inondeut.
le pa,vs sur uue étendue cle vingt lieucs carrées. Les [spagnols
lèvent précipitamment, Je siègc et leur retr.aite s'effectue dans le plus
grand désordle.
C'es[ en récompense tle sl bellc conduite qrre la t.i]le de Lcyde
deviendla pal h suite le siège d'une université ({575).
Convocation des états généraux (t574) Congrès de
Br{da (1575 ). Cet échec et quelques autres éprouvés par la
-
suite décident Requesens à convoquer les états génér.,r*.tlu*
négociations avec les délégués tles provinces septentrionales
s'ouvrent à Br:étla au commencement de 1575. Requescns offre
la suppression du conseil tles Îr'oubles, celle des impôts établis
par le duc d'Albe, Ie rétablissement tles privilèges, Ia restitution
rles biens confisqués, enfiu une arnnistie générale. Néanrnoins,
comme il ne peut accorder la liberté de conscience, il voit ses
propositiolls repoussées et il est obligé de continuer la guerre.
Mort de Requesens. Nouvelle réunion des états généraux.
-
Les nombreux traits d'héroisme dont Recluesens est le
têmoin lui montrent à quel point ses adversailes sont redou-
tables. Aussi se dispose-t-il à redouliler tl'efforts pour les
réduire lorsqu'il est inopinément emporté pâr une lièvre aiguii,
le {5 rnars 1576.
Peu apt'ès, les trouprjs espngnoles s'insurgent, saps soltle
depuis près de deux ans. Le 25 juillet {576, elles s'empnrent
d'Alost qu'elles livrent au pillage. Le lentlemain, le conseil
d'Etat qui, â la mort de Requesens, avait pris la direction tles
affaires, déclare les soltlats espagnols traîtres au r.oi et, âu pays
TElrps rrrsT0RrouEs. pÉRroDE ESpÀGNOLE s73
-
ct autolise chacnn ri leur. coulif sus. Cc décret u'était {rl'une.
grosse irnprudence, les rnoyens d'exécution faisant tléfhut au
couseil. Quelques jours plus trr.d, pressé par les états tlu Bra-
bant, il convoqLre les états géuéraul. L'assemblée se r'éunit tlès"
le mois d'octobre et, pctrtlant ueuf années consécutives, sir:ge,.
tantôt à Brnxelles, tantôt à Anvcrs, trntôt dans clLrelque antre"
ville ({576-'15851. Cette réuuiou, sans I'assentiment du roi,
est, au fontl, un acte révolutionnaile, que justifient seules les.
circoustances critiques traversées par le pavs.
'
Furie espagnote.- Enh'e-tcmps, lcs solclirts espagnols eontînuent ir'
piller toutes lcs locirlitr:s dont ils palvienneut ir se rcndre rnaitles.
Le 4 nolembrc, Ânvers cst saccagée p:rl la ganrison quioccLrpe sr cita-
dclle. En vrin les boulgcois ct lcs tloupcs nrtionales esslicnt tle
1n'otéger la ville contre les bandes pillardcs et sanguinaircs clui
fblnrcnt cette girmison. Les remparts sont promptcmcnt emporttis
pur les assaillant.s. Les cléfeuseurs de lir cité sc rotrancheul clans
I'hôtel cle ville et dans les maisons envilonnurtes : I'ennemi y mct le
fcu. L'ltritel de rille, I'un des plus beaux monumcnts rle I'cipoque,
cf quatle-r'ingts maisons voisines, lcs plus opulentes dc h cité,
toutcs rernplies dc richcs malchanrlises ct cl'objets cl'irr'[, solt rlétluits,
par I'incendie. Lcs bourgeois de plusieurs autres qualtiers s'étlicnt
lurlicaclcs dirns leurs mirisons. Cellcs-ci sont, égnlcnient livrécs f,ux.
llammes et ceux qui s'y étaielt r'éfugiés sc voicnt ohligés tle siruterr
pirr lcs fenètlcs daus lir rue, oûr les soldats les rcçoivent sur lculs
lriques.
llpouvantés, lc lestc des haliihnts chelclrcnt leur salut dans lir
liritc. Un grarul nonrbfe, espérlnt ltttcinch'e ll lile gauclrc rlc I'llscaut,
scr précipitent eu tles eiinuts. llais, trop chru,gécs, la plupart dc ces,
crnbirrci'rtions sont cnglouties.
Pertdant trois jours, la môtlopole commelcirrlc tlcs Plys-Bas esl ls
tltéit,r'e d'une déviistation et d'un cal'niige furieux. Pour arlacher de
I'rlgent aux hribitrnts tombés entle leuls rnùilts, les soldats lcs sou-
rnettent i\ toute cspècc de supplices. Ils pendent lcs fenrmcs par les
r:lievcux; lcs ltonunes son[ accrochés p:rr lcs picds ù clcs gibets
imploviscrs, puis l-rrrilés sous lcs aissellcs. 0n suspcncl de malheureux
vicillards à tlcs poulies par les quatrc nembrcs; on les soulève,
puis on lcs lrrisse rctombcr blusrlucmcnt. À dc pauvrcs vieilles" .
U
ur
a

.-

J
TE}IPS HISTONIOUES. PÉRIODE ESPAGNOLB 575
-
on blrile leutement la plirnte tlcs pieds. 0rr torture les eufauts sotts
lcs yeux de leurs mèrcs. Les malheurcuscs victitnes sottt crtsttite
. rrlm rttlortrtc'es stt r phce, l'oltt pucs I mrrti lées, siitt glatt tes.
Six mille pel"soltnes de tout, âge et de toute condilion périssent
dirus ccs affr'euses journées. Huit ccnts tnzrisons sont bltilées.
0D évirltre t\ qu';trantc tontles rl'ot Iettt'it'orl '190 rnilliorts de frltlcs
rle notre ntonniric ) les sontntes extorcluécs alols ir la populatiott
anvclsoise piu'utlc solrlirtescFre féroce et déclrlînéc. tl ca ttlotrtcnt,
on voit de simplcs solcltrts joucr, sur un coup tle dei, rles somnes rlui
rmr;rient fait la f<rrtune cle tlix firntilles nécessitcuses. Anvers lle se
reldlr,Cra pas cle ce désitstre. In tttoilts cle dix illls, sa ltopulatirll
tlirlirruc tle't00,000 litttcs. L'histoile a dortrté lc tlont ùe ftu'te esltu-
gnolc ir ce tliste csploit clcs soldlts tle Philippe II.
Les ruines occasioullées er nn grutd llonbre tl'atttres loca-
lités dr pâys par les soitlats espagnols De sont guère lnOins
tlésastreuses.
Pacitication de Gand (1576). lln histoire, totr,t ast acttotr
ct riactiotù .' c'est là nne
-
loi coustante. Si Jes dévastations tles
iconoclastes avaietrt rapproche le pays tlu gouvernemeut légal,
les pilleries et les crtlautés exercées par les tloupes étrattgères
ont pout: conséquence de fortifier la révolLrtiou en rapprochant
les catholiques des protestallts. Sons les fluspices tlu prince
tl'Olange, ttn ar;te d'uuion est signé à Garrtl le 8 novembre {576
entre les tlélégués tle toutes les provinces. Il stipule : '1o f,'ett-
gagernertt pris au nom tles pl'ovinces tle s'unir pour chassef les
troupes espagroles et obtelrir le rétablissement des priviltl'ges
tles Pays-Bas. 9o Le pardon et I'oufuli de tous faits relatifs à la
revolution et, pour I'ayenit, utte amitié réciproque et sincère.
3" La restitution des biens des plotestants con{isqués par l'Etat
et tle ceux enlevés au clergé catholiqiie tlalrs les provillces otr
tlomilient les réformés. 4o L'abolition tles érlits contre les her'é-
tiqLres. 5" Provisoiremettt, I'exercice emhwif (l) tlu culte plo-

({) Exclusivisme regrel,table et contraire au plincipe tle liberté religieuse çte


{es réforrtrés i'ont état tle défendre.
TE}IPS IIISTONIOUIIS. _ PÉRIODE ESPÀGNOLE 577
testant en Hollande et'en Zélantle, 6" Le respect des croyauces
rle chacun dirns les autres provinces. Les protestants doivent
s'abstenir tle persécuter les catholiques dans les lieux où.les
réformés doninent, tle les scandaliser, par paroles ou par action,
dans celles oir les catholiques sont en majorité.
D'ailleurs, Ies differentes clauses dc la Pacification de Gantl
relatives à la religion doivent ètre définitivement réglées par les
états généraux lorsqu'ils seront convoqués après la libération
tln tcrritoire.
Parnri les signatailes tle cct ircte intportartt, tlaté clu 8 noventbte
Ii76, figulent l'évôc1r-rc tl'Àn'ûs et I'allbé de Saiut-Gltisl'riu ert Hainaut,
lcs abbés dc Saint-Picrre à (iantl e[ de Saintc-Gertlucle à Tongres.
Les évôques c[ les abllés tles Prys-Bas, ainsi que les ficultés de
théologic et de droit ir I'univcrsité de Louïùin, cléclarcront plus tard
ir don Jurn d'Âutriche que h Plcifieatiort < ttc conten:ri[ rien qui pté-
judiciàt à nostre sainûe fo.v ct à la rcligion eatholiqtre. r Lt Pacifica-
tion de Gaud devancc réellcrnent son siùcle par I'esprit de tolérance
qui I'ilspire. Ellc reconnait, cn sollllne. lc plirtcipe de cette liberté
dcs cultes conslcréc aujourrl'hui ptr notrc constittttiott, mais qui
der':ril ûtre discuté. encore penthnt plus de deux siùcles at'ant
d'cntrer délinitivement dans les mæut's.

Insuccès de ces efforts. A Ia nortvellc tle la Pacification


rle Gantl,
-
croyânt voir se levet: I'aurore
d'une ère nouvelle dc
liberté, tle tolér'ance et de paix, les proscrits lerltretrt en foule
dans leurs foyers déserts. Par malheur, persolllle lle respecte
veritablement le traité. L,es esprits ne sont pas faits eucore ii la
liberté tle conscience. Catholiques et plotestauts veulettt bien Ia
libertê religieuse dans les licux oir ils sont les plus faibles ; ils
la repoussertt tlans ceu-x oir ils se sentent les plus forts. D'uu
côté cornrnc de I'atttre se l'encol)trent tles persécuteurs, et les
rleux partis témoignent d'une égale intolérance.
Don Juan d'Auiriche. Au momen[ mème où se signe lil
la
-
nouvelle parvient aux états qtle tlon Jttart
Pacification,
d'Àutriche arrile à Luxeml)otlfg. Ce jeune prittce, tls nat,urel
Y. ltirguet. - Histoire cles Belgcs. 3i
S78 Hrsrolnn DEs BELcES ET DE LEUIT cIvILIs.{TIoN

rle Charles-Quint, venait remplacer Requesens en qualité de


gouverneur général. 0n lui attribuait tles qualités rnilitaires et
I'lmnneur d'avoir remporté, it 95 ans, la célèbre yictoire navale
tle Lépante (lS7{), qui anéantit la flotte turqtte et avec elle Ia
puissance musulmane. Mais on le savait orgueilleux jusqu':i
I'extravagance, fourbe et cruel ( { ).
ÉOit perpétuel. Avant tle reconnaître ses pouvoirs, Ies
-
états généraux exigent qn'il atlhère à l:r Pacification tle Gand.
Peut-êtr.e le nouveau gouverneur général désirait-il sincèremettt
la paix, mlis c'ètait à des coutlitions inacceptables potrr les par-
tisans sincères de la lillelté et tles institutions nationales.
Après de longues hésitations, il se tlécide à signer, ti Malche
en Famenne (12 févlier lt77 ), sotts le nom ,J'ErIit perpehtel,
une convention qui supprirne de Ia Pacification la clause rela-
tive à la liberté de conscience. Ott ne pouvait s'attettdre à ce tlue
la Hollantle, la Zélantle et les grantles villes de Gartd, Tpres,
Ànvers, Bruxelles, oir dornirtaient les protestants, sortscrivis-
sent à uu semblable accontmotlement qui, par suite, r'esta à pett
près lettre morte. Au surplus, dès Ie début tles nêgociations, le
prinCe d'Or:rngc avait exprimé I'avis qtt'attcrttlle euteute n'était
possible avec Philippe II, parce que ce dernier refuserait tort-
jours la liberté tle conscience'et n'avait nullement I'intention de
tenir sa promesse tlc rétalilir les privilèges. La correspondance
secrète tlu roi a prouvé depuis que le prince rJ'Orange voyirit
exactemcnt les choses. Les provittces méritlionales acceptèrent
donc seules les termes rle I'Edit perpétuel.
Anarchie. Le prince d'0range suscite l,ant tle difficultés à don
-
Jtran que celui*i per"d patience et sortge it s'ltssuret'par Ia forcc une
autorité moins contestéc. Il rappclle irutour de lui les troupcs espa-
grroles qui n'avaiertt pas encore quitté le pays et, par un coup de

( { ) Il avait prouvé sa cruauté en ortlonnant le massacre géneral des habi-


tarrts de Galera, ville naure tlont il n'avait pu s'emparer qu'après un long
siège.
TEMPS HISTORIQUES. PÉRIODE E$PAGNOLE 579
-
surprise, il occupe la citadelle de Narnur. Dans l'émoi causé par cet
ér'énement, Guillaume de Nassau, nbéissant aux plessantes instances
des rltats, accour'l à Bruxelles. Le peuple lui fait une réception si
errthousiaste (93 septembre 1577), que plusieurs membres de la haute
noblesse cn conçoivent une violentc jalousie. Craignant de voir les
états faire du Taciturne le souvcrain du palrs, ee rlui sans doute ftt
arrir'é si le prince d'0range n'avait eu plus de patriotisme que d'ambi-
tion, le cluc d'Âerschot, Ie comte de Lalaing et quelques autres grands
seigncurs offrent le gouvernemen[ des provinces à ]'archiduc Mathias
d'Autriche, ueveu de Philippe II. Ils espéraient que le souverain
espagnol rati{ierait leur choix ct, par la suite, donnerait au jeunc
prince, lir main cle sa fillc.
Le prince llhthias, irgé de 20 ans à peine, ne tarde pas à tomber
sous I'influer)ce de Guillaume d'Orange et bieutôt il n'est plus, entre
ses mains, qu'un instrutuent clocile, à la grande confusion de ceux
tlui avaient voulu lui opposcl un ldversairc.
Entre-temps, ulle r'évolution locale s'était produite à Gand, oir deux
gentilshornmes callinistcs, Francois de la Kéthulle et Jeirn d'Hembyse
irr,aient institué une sorte de république protestante qui terrorisait les
catholiques ( 28 octnbre {577 ).
Par réaction, lcs catholiques du llrinaut et de l'Artois forment,
sous Ie nom de Malcontcnt$, une ligLre dont I'objet principal est le
rnainticn exclusif du culte catlrolique dans ces deux provinces.
Cornme signe distinctif, ils adoptent le chapelet passé ûu cou, en
guise de collier.
Don Juan juge le moment favorable pour fairc reconttaitt'e ses
droits. Quittant Namur, il s'at'ance vers le not'd et brt I'lrmée tles
Étuts à Gembloux, le 3t j:ruvier {578. Cette victoirc ltri vaut la sou-
mission d'une pirrtie du Blabant et du llainarrt. ll y trlite les villes
qui lui r'ésistent aycc non moins de cruauté qu'etl avait montrée le
tluc d'Albe.
Paix d'Anvers, dile Paix de religion.
- La discorde s'acceutuait de
plus el plus du sein du parti nationitl. Dans I'espoil de conjurer ulle
dislocation imminertte du par'li qu'il avait eu tant cle peine à consti-
tuei, le prince d'Orangc fait plochmer à Anvers, cn juillet 1578, au
nom des états généràlux, ul)e paix dite Puir de religion.
L'acte qui tente ce nouvel essai de pacificrtion commence par
déclarel que la religion ne pou\iarlt ètre entretcnue ou imprimée itu
cæul des hornmes par violencc, ceux de la rcligion romaine et de la,
580 HIsToIRE DES BELGES ET DE LEUn ctvILIsÀTIoN

religiou réformée pourrortt demeurer désolmais chacun en h sicuue,


libres et francs. Cette fois, la pratique du culte catholique est auto-
riséo en Hollande et en Zélande aussi llien que partotrt ailleurs. La
Paix de religion permet ensuite formellemcnt I'oxercice public de
I'url ou de I'autre culte, partout ou un groupe de cent mértages eu
fera h, demande. Dans lcs endroits oft cette coutlitiort ne Scrir pùs
rcmplic, nul ne cloit ôtre poursuivi du chef des pratiques rcligieuses
auxquelles il se livre à I'intérieut' de son habitation. D'ailleurs, lcs
I

protestants sont tenus d'observer lcs fètes de la religion catholique


dans les localités oir cette leligion domine. MÔme les boucherics I

tenues cll ces lieux par rles protestants tlevront rester fcrmées les l

jours maigrcs. A quelque religiol r1u'ils appartiennent, tous les ',

ial-ritants tlu pa1:s sont admissibles irtrx fonctions publiques' ilux l

aumônes, aux écoles Publiques, etc.


L'anarchie grandit. Dans le rlésalroi oir les lvait mis la défaitc de
-
Gcmbloux, lcs états géuéraux s'étaient adressés à tous les prirtces
voisins pour en tirer des secouls. Bn offt'ant le titre de Défenseur tlc
Ia liberté des Pays-Bos au duc d'Alençoll plus tard duc d'Ànjou-
-
ils obticnncnt I'irppui de la Frirnce. Peu après, lc duc d'Anjou flirnchit
la frontière à lir tôte cl'uuc armée française (aott {578) et, ocrrttpe
quelques villes du midi. De sou côté, la reine d'Angletene consent
à soudoyer les troupes amenées d'Àllcmagne par lc colttte pillatiu
Jean Casimir. lïIiris jantris ne s'est vue coufusion pareille I celle qui
règne eû ce motnent dans les Pays-tsas. Les ôtats généraux avcc Ie
prilce d'QrangC, I'archiduc llirthiirs, tlon Jurn cl'ÀutriChe, le conlte
Palatin, lcs républicairls cle Garrd, lcs trlalcontcnts et le duc d'Alett-
çon, tous prétcndeht c\crccr une souvcl'aineté r1u'aucun d'eux tl'est
assez fort poul' iulposcr al ptlys.
La fin prômaturée dc tlon Juittt, qtri tnetrrt le le' oclobrc 'li78,
change la facc dcs cltoscs cll poussallt, att lirctnier phn sur la scùtrc
politiquc, un nouYcilu pcl'sollllilgc d'uu nrérite supéricur.
Alexandre Farnèse (1578-1592). - Don Juau est remplacé
par Alexantlre Farnèse, tluc de Pitrtne, Ileveu de Philippe II et
fils tle la tluchesse llarguerite. A de brillantes qualités militaires,
ce général joint I'esprit tlélié tl'Lrn habile tliplornate. Tour à tour
clément et irnpitoyable selon les circortstattces, il parviendra,
après quelques alluées tl'utte lutte tliflicile, ii t'eplacer sous
I'autorité tlu roi d'Bspagne les provinces méridionales des
TErr[]s IITSTORTCIUES. pËRrODB ESPAGN0LE 58t
-
Pays-Bas. Au début tle son gouverrement, il juge avantageux
tle rester dans I'expectative, mais il se tient prêt à saisir la
plernière occasion pour tirer parti de I'anarchie oir se débat le
pays. A ce moment, I'Espagne ne possède plus que trois pro-
vinces : le Namurois, le Limbourg et Ie Luxemboulg.
Confédération d'Arras et Union d'Utrecht (1579). Le
6 janvier1579, Ies délégués du clergé et de la noblesse, réunis
à Arras avec les états du Hainaut, tle l'Artois et de Douai,
signent urre convention aux termes de laquelle tout en conti-
nnant à réclamer le renvoi des troupes espagnoles, le rétablis-
sement des privilèges et une amnistie générale, ils jurent de
travailler au maintien exclusif du culte catholique dans le pays.
La confédération tl'Arras provoque l'Union cl'Utrecht (23 jan-
vier { 579 ), acte par lequel les délégués des prol'inces de Hol-
landc, de Zélande, de Gueltlre, de Zutphen, d'Utrecht, des
graudes villes du Brabaut et des Flandres : Bruxelles, Ànvers,
Gand, Bruges, Ypres, etc., déclarent s'nnir sur le terrain de
la Pacification de Gantl en vue de s'eutr'aider pour repousser
les attaques des puissances étrangères et spécialement celles
tlu roi d'Espagne. La Frise, Groninghe et l'Over-Yssel adhèrent
successivemeut à ce traité. Le défaut d'union entre les provinces
du norcl et celles du sud allait bientôt amener le rétablissement
tle I'autorité de Philippe II dans toute l'étendue des provinces
méridionales.
Progrès de la restauration. Union d'Arras (1579).Peu
après, gagnés par I'or de Philippe II et par la promesse de titres
ou de places, les chefs des Malcontents se soumettent au prince
de Parme, trahiss"rnt de la sorte, pour les mobiles les moins
nobles, la grande cause nationale. La réconciliation a lieu offi-
ciellement le {7 mai {579 par I'Union, d'Amas.
Ainsi se termine la résisl,ance de la noblesse des Pays-Bas au roi
d'Espagrte. Âu fond, les privilèges populaires et la liberté de cons-
cience I'avaient toujours laissée fort indifférente. Sa violente et quasi
589 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIVITISATION

brutale opposition des premiers jours avait prématurément déchaîné


la révolution, sans lui être d'un bien grand secours. Henri de Bréde'
1ode, Guillaume de la Illarck et plusieurs autres grands scigneurs
qui jouent un rô10 importanl, aux débuts de la révolution, sont même
rles personlrages assez peu estimables, dont le Taciturne nc se sert
qu'à'regret. Plus tard, la jalousie d'une fraction de la noblesse eontrc
le prince d'Orange enraie de la frçon la plus fâcheuse Ie développe-
ment normal de la révolution. Eltfin, Ia hfrte avec laquelle les nobles
wallOns s'empresgent d'abandollller le parti national lorsqu'on leur
offre ce qui en réalité a toujours été le principal rnobile de leul oppo-
sition : de I'argent, des chirrges et des [itres, achève de calactériser
le rôle peu honorable joué par urle grartde pùrtie cle la ttoblessc des
Pays-Bas pendant la rér'olution du xvr' siècle.
Prise et destruction de illaastricht (1579).-Depuis quelque tcmps, lc
duc de Parme avait mis le siège devant Maastricht. Ittais cette ville, à
laquelle il livre jusqu'à neuf assauts, lui offre une résistancc opi-
niiitre. Les femmes elles-mômes S'armetrt et déploient uu invinci}le
courage. Partout, on les voit rclever les fortilications ébranlées, com-
battre ou ranimer, par leur exemple, I'ardeur parfois défrillirntc des
assiégés. Plise enlin, la plirce cst, trois jours durant, livrée au pillage
et à la dévastation. A peiue si, de 34,000 habitants, quatt'e cents
échappent au mirssacrc. Pendant lcs années qui suivettl,, les quelques
soldirts de la garnison forrtteut la seule population de la ville. 0n les
voyait errer, solitaires, à tlavers les rues silcncieuscs' ou oecupés à
abattre les maisorts vides pour se procul'er du bois de chauffage
(juin 1579 ).
Vaines tentatives du roi d'Espagne pour rallier le prince d'Orange.
Vers la môrne époquc, on renouvelle auprès du prince d'Orange des
-
efforts déjt\ tentés auparavùnt pour le détacher de son parti. 0n
I'informe qu'on est pr'êt à lui accorder ce qu'il demanderait pour lui
personnellentertt : resti[ution de ses biens conlisqués, mise en
libelté de son fils captif ('l), parfaite irtdépertdance pour lui'même
sous le rapport du culte, payernent, de ses dettes, remboursement
de ses avances, sans compter les autres désirs qu'il pourrait eucore

(f) te roi d'Espagne avait fait enlever, au mépris du droit des gens et des
privilèges de I'université, le jeune comte de Buren, {ils de Guillaume, qui
étudiait à Louvain. Conduit, en Espagne, ce jeune homme y reçut une éduca-
tion bien différente de celle que son père eùt voulu lui voir donner.
TElrps rilsl'0ur0riEs. pÉRlODE ESpÂGNOLE 583
-
fonner, tout lui esl, offert. S'il préfère se retirer en pâys étrauger,
son lils sera mis en possession de ses villes, terues et dignités;
lui-môtne recevrâ une compensirtion en Àllemagrle, ct, plr surcroît,
comme grrrtificalion, un million en argent comptant. L'envoyé de
I'empelcur, le conte de Schwalzenllourg, engilge son honneur et sa
réputation pelsonnels en garrntie du fidùle'aecomplissement des
promcsscs firitcs :ru prirtce ('l). Ces arùnccs sont, dédaigncusement
rcpoussécs.
Publication d'un ban contre le prince d'Orange. Cepen-
dant Philippe II
tient, non sâns raison, le prinee d'0range
-
cornme Ie plus dangereux tle ses adversaires. En prtisence de
I'insuccès de ses teutativcs pour le suborner, et suivant en cela
le conseil du cardinal Granvelle, deveuu ell Espagne son
premier ministre, le roi porte, le 15 rnars {580, contre le
Tacitume, un bau ou édit de proscription.
Le ban commence par itccuser Ie priucc d'Orange de s'ùtrc montré
Itypocrite, ingrat et félon; d'avoir iuslriré le Compromis et la Rcquête,
excité les fureurs des iconoclastes, eucouragé les prôches publics,
proclamô et defendu la liberté dc conscience, combattu le duc d'Albe,
fait échouer les effolts rle don Juan pour an'iver ir la paix, provoqué
I'Uniou d'Utrecht. S'attaquant cnsuil,e à sa vie privéc, il lui reproche
d'avoir épousé une ablrcssecluvivantnêrnedc sa précédente femme.
r< Pour ccs causcs, disait Philippc en terminant, le déclarons traître

et méchan[' enttemi cle nous et du pa1's, elonuons ious ses biens à qui
lcs pourra occupcr. Promettons, en ptrolc de Roi et comme ministre
de Dieu, que s'il se trouve rlrclrtru'un si géuéreux de cæur de le nous
tlélivler, mort ou vif, nous lui faisons donncr, pour lui et scs hoirs,
la somme de 25.000 écus d'or', et s'il a commis quelque delit ou for-
hit, quclque grief qu'il soit,, nous Iui promcttons lui pirrdonncr e[
dès maintenant lui parclonnons; môme, s'il uefùt noblc, I'anoblis-
solls pour sa vrileur. l
Apologie du prince d'0range.
- Le prince d'Orange r'épontl
à cette mesure o<lieuse par la publication de son apologie, le
plus formidable réquisitoire qui ait jarnais été formulé conh'e
un ilrauYaissouverain.

(l) llotlrr, p. 2El, el, p. 2137, t. IY.


J84 rrrsrolnn DES IlELGtss E't'Dti IBUR cIvtLIsATIoN

Itn roici quelques pflssages : < Le princc d'Orange mér'ite mal


l'ôpil,hôtc rl'hypocrite, ctt'ùu tenps ofr il était dans Ies conseils du
roi, il I'a suffisammenl, averti qtre ses persÔcutiotts et abus de pouvoir
le confluiraient à sa ruitte. Depuis. il lui a fait, une guerrc ouverte,
pris ses villes, rltirqué et, chitssé ses soldats. Il n'y a ll nullc
hypocrisie.
Àu reproche de félonie, il répond en faisant remtrqtlcr que
Pfiilippe a per.du scs droits héréditaires par I'incessrntc violatiort de
scs sermellts aux chartes du pa1's. Discutaut ensuite ccs droits,
tiuillaume s'écrie : < 0n nte dira qu'il es[ roil or, je déclalc que ct
titre de roi ltt'est ittcottttu. Qu'il soit roi en Casl,ille, en Àragou, it
l{aplcs, aux hidcs; qu'il soit roi a Jôrusalen, en Asie, cn Àfrirtrue :
trrnbil y a qlle jcne connais en ce pa)s pirs dc roi,mlrisurtducct,utr
comte clont la puissancecst lirnitec par nos privilèges qu'il a juré de
uritiuteuir iuviolaltlement en plenant possession dc ttos provinccs.
Jurais la révol[e d'un peuplc n'a été plus légitime que la préscnte. >
Réfutant les accusirtions dc Pltilippe II contre sa t'ie privée, le
irr.ince demarrdc s'il appaltient à utt t'oi Iibertin et débrruché, assassin
dc son prople Iils, d'oser accuser l'époux légitime tl'une femme
lcrtueuse.
Visant ccrtains actes du c'rrdinal Granvelle, le nrinistre perlide qui
se dissimulc delrière lc roi, il ajoutc : < Qu'ott nre r'éponde par lc
commandemertt de qui le caltlinul Granvelle a empoisonué I'empe-
reur llllximilien dernier, estirnt erlcore roi des Rornains ? Jc sçai cc
qu'il m'cn a dict, et quelle a été depuis sa clainte du roi et tlcs
l')spagnols. D

ll terrnine en ces termes : < Je suis dans la ntain dc Dieu; il en


, fela ce qu'il lui plaira pour sa gloire et pour mon salut... llais tout,
ce qui sela résolu pour lc bien e[ la conservation dc vous tous, jc lc
maintiendrai ({). u
Les états généraux proclament la déchéance de Philippe ll.
Le 96 juillet {58'1, par un acte collltu sous le nom d'acts
-cl'rtbjuratiott,, Ies états généraux, assemblés à La Haye, pro-
noncent la déchéance de Philippe. Les états déclarent, dans
l'ôcrit {ui Ia proclame, que Philippe II, loin de défentlre le pays,

({) Devise tle la rnailort tl'0range, restée en français


- sur les armes
actuelles et sur les monnaies de la Hollande.
-
TEITPS HISI0RIQUFIS. pÉRIODE ESP.,\.GNOLE 58S
-
n'ayant cessé tle I'opprimer, oulrager, priver de ses Jrrivilèges.
et anciennes coutumes et ilyant cherché par tous les moyens à
les rétluire à l'état d'esclaves, ses sujets sont déliés du serment
tle fitlélité qu'ils lui ont prêté. Ils proclament la déchéance du
roi d'Espagne en tant que souverain des Pays-Bas et décident
rlne désormais ils ne reconnaîfont plus ni son titre, ui. soll
autorlté.
La camisade (l) du duc d'Aniou ou furie française (t583). Les états
-
généraux offrent, alors la sôuveraineté du pays ru duc d'Anjou, qui
I'ireccptc. Son inauguration qe fait à Anvers, le 1,7 février {589. 0n
lui irvait imposti plusieurs conditions destinées à sauvegarder I'indé-
penclance des états et à consacrer, à élargir même, les libertés du
prls. Telles étaient, par exbrnplc, I'ollligation de collvoquer annuel-
lement lcs états généraux z\ une époque déterminée; la nécessitô
de leul conseutement préalable pour l'établissernent et la let'ée des
impôts; lc droit de paix, dc guerre et, de présentation aux principaux
cmplois résen'é aux états, etc-
Illais lc duc rl'Alençon, bientôt impatient des entraves appor'tées à
son autorité et désireux de s'arroger le pouvoir absolu, essaie de
s'emparcr des villes occupées par les Français. A Anvcrs, oui
il r'ésidc, ses solclats s'etaient emparés de I'une des portes et déjà
cr.iirient : < Yille gagnêe! Tue!Tue!> lorsque lcs habitauts, t'emis
tlg lgur première surprise, aoCOurent en trmes, chargertt I'ennemi
avec impétuosité et le chassertt honteusemetrt. Ce coup d'état, ntanqué
porte lc rtom de camisade ùt, dttc d'Alençon ou elrcore de furie fran-
grfse (15 janvicr li83).

Le prince d'0range refuse la souveraineté des Pays'Bas.


-
Plusieurs fois tléjà, on avait offert au prince d'Orange la sou-
reraineté du pays, mais il
aYâit toujours décliné cette offre.
A la suite de la tentative avortée du duc d'Anjou, les états
généraux revienneltt à h
charge sans réussir à vaincre les
scrupules du prince. Pour justifier son refus, il expose aux

(l) Camisaite.' attaque brusque faite Ia nuit pour surprendre..l'ennemi. Du


latincarnisa,chemise. Ce mot, vient, dit-on, tle ce qte leS assaillants, pour se
reconnailre, metlaient leur chemise par'dessus leurs vêtemenls.
Le Tacilurne.
TDlrps HtsroRI0uES, pÉRI0DE ESPÀGNoLE 587
-
leur procul'er la pr"ol,ection
états qu'il n'est pas en situation de
tlont ils ont besoin. Àu surplus, il ne veut pâs s'exposer à
ce que ses ennemis puissent dire que sa conduite a été inspirée
par I'intérêt pelsounel.
Nouveaux succès de Farnèse. La déplorable teutative du
-
duc tl'Anjou nuit à la cause de I'indépendance. Plusieurs villes
importantes ne tartlent pas à se soumettre : Diest, Dunkerque,
Nieuport, Dixmude ouvrent leurs portes aux Espagnols, en
{583; Bruges, Ypres, Furnes, Alost, en 1584. Toumai s'était
rendu au lieutentttt de Philippe II dès le 30 novembre {581,
Autlenaerde, en juillet {589 ({). A toutes les villes disposées
à la soumission, le duc de parme accorde des colditiops
firvorables, faisant, en ce qui concelne le maintien des privi-
l6\ges locaux et autt'es, tles promesses gue le roi n'4, tlu teste,
aucune intention de respecter (2). Partout, il impose le réta-
blissement du culte catholique et I'expulsion des réformés.
Mort du prince d'0range (1584). Tentés par I'appât de la
-
riche récompense promise, ull certain nombre d'intlividus,
aventuriers et fanatiques, essayent aussitÔt de la mériter et la
vie du prince cottrt un tlanger ittcessaut. Eu quatle ans, olt
ne découvre pas moins de cinq cornplots coutre lui. Mais coln-
bien d'autres demeurent ignorés !
Il résidait â Delft, en Hollande. Un jour de juillet 1584,
après avoir dîné, il renrontait par un escalier de service dlns
son ca|inet de tr"avail. IJn homme, sorti de dessous une arche
sombre dissirnulée dans la muraille, s'avance tout à cottp

({) Gachard rloute que Christine de Lalaing,'princesse d'Bspinoy, épo"u-59 du


gouuerneo* de Tournïi, ait réellement, comme I'afiirntent heaucoup d'histo-
iicns, dirigé la détense de cette ville. 0n lui a cependant élevé une statue sur
h place publique de Tournai.
-prouvé
(l; Ceia est par la correspondance du duc de Pa1me avec Philippe II,
avânt et après la soumission des ilolcontents. L'avenir rl'ailleurs se chargea
de prouver que le roi d'Espagne avait conserVé toutes ses prételtions à une
autôrité absôtue. Nous verioùs plus loin le tlailemcnt atrquel l]ruxelles fut
soumis sous le règne des archiducs.
588 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUn cIvILISÀTION

et lui décharge rlans la poitrine un énorme pistolet renfer-


mant trois balles empoisonnées. Le prince chancelle et tornbe
dans les bras de son écuyer, disant : a Mon Dieu, ayez pitié
tle mon ârne et de ce pauyre peuple ! > 0n le transporte à I'ins-
tant sur un lit irnprovisé dans Ia salle à manger. Àprès quel-
ques minntes tl'agonie, il
expire, entouré de ses serviteurs,
tle sa sæur et de sa femme. Il n'était âgé que de 5{ ans.
tette mort fut amèrement déplorée par tous les coreligion-
naires de la victime. Quant :i I'assassin, il périt en des supplices
épouvantables qu'aurait certainement désapprouvés le plince
d'0range s'il etit pu revenir à la vie.
lugement sur le prince d'Orange. prince d'Orange est incontesta-
-Le
blerncnt I'une des plus grandes figures des temps modernes. Ce qui
le distingue, c'est, uuc streté et une hauteur de vues êxceptionnelles ;
I'unité et la profonrleur dc ses eombinaisons politiques, I'incroyable
empire qu'il sait prendre sur I'esprit et, le cæur de ceux qui I'appro-
chent; une consttnce inéblanlable au milieu des plus glands relers;
un courflge physique que les dangers les plus graves et lcs plus
imminents ne déconcertertt jarnais; uu patriotisme aussi aldent
qu'éclairé; un large esplit de tolérancc I enfin, un désintéresscment
irdmirable (11, bien qu'il soit pcrmis de supposer qu'il ait parfois
entrg'u la souveraineté des Pays-Bas conrme récompensc linale de
ses cfforts. En lui, se personnilie la rér'olution du xvr. siùcle dans
les Pays-Bas. 0n a pu lui reprochcr d'avoir parfois employé, pour
combattre un adversaire ci'ailleurs lui-mème sans scrupulc et plein
d'artitce, des ruses quc la morale politique actuelle desapprouve.
Mais sauf une certaiuc astuce imputable peut-ôtle aux tcmps oùr il
vécut, il semble que son earactèrc comme sa vic aient étô irrépro-
chables.
Conséquences de la mort de Guillaume.
espagnole dans les Pays-Bas méridionaux.
-ParRestauration
sa profoncle
-
habileté politique, le princed'Orangeavait donné unc base solide
ti la révolution. Sa mort fait malheureusement disparaîtrc I'espoir

(.t) A sa mort, ses héritiers hésitèrent à accepter sa succession, eraignant


qu'elle ne les accablàt de cliarges.
TElrps [rsroRr0uEs. pÉnr0DE EspÀr;NoLE 589

longtemps nourri par les patliotes tle former avec les dix-sept
provinces un seul corps de nation. Philippe II
et Granvelle
voyaient juste lorsqu'ils pensaient que pour empêcher la sépa-
ration complète des Pays-Bas et de I'Espagne, la main tl'un
assassin serait autremen[ efficace que les meilleures almées,
les plus inépuisables trésors, les plus savantes intrigues.
La supériorité tles talents p'olitiques et militailes d'Àlexaudre
Fanrèse complète I'æuvre tle Balthazar Gérard. Un an à peine
après la mort du prince d'Or:rnge, le duc tle Parme, employant
à propos la douceur, la corruption et une sévérité calculée,
avait replacé, sous I'autorité de Philippe II, toutes les villes du
rnidi restées âu ponvoir des confétlérés. Gand capitule le
l7 septembre {584. Ses anciens privilèges lui sont restitués,
une amnistie générale accordée à tous ses habitants. Mais le
rétablissernent tlu culte catholique est imposé par le vainqueur'.
A peine un délai tle tleux ans est-il laissé aux réforrnés portr'
réaliser leurs biens et quitter la ville. Onze mille ouvriers, en
grande parlie des tisserands, I'abantlonnent pour aller s'étalilir
en Angleterre et en Hollantle. Bruxellcs se soumet à des con-
tlitions analogues, le 10 mârs {585; Malines, le 17 juillet. La
chute tl'Anvers se fait plus longtemps attendre.
Siège d'Anvers. Philippe de Marnix Jusqu'alols ,
Anvels, la grande métropole commerciale des Pays-Bas, avait
été en quelque.sorte la capitale et le botùevartl de Ia confétléra-
tion. C'était le centre autour duquel convergeaient tous les
esprits et tons les éyénenents essentiels de la révolution.
Farrtèsrin cclmpret]ânt I'irnportance cle cette place, en avaii
commencé le siège du vivant mêrne du Taciturne. Philippe tle
Mamix, premier bourgnrestre de la vilie, en dirige h tléfensc.

À la fois poètc ct polémiste, pliilosopho ct théologien, orateur c[


diplomate, brave soldat et habilc capihine, llarnix brille en mèrne
temps daus les lettrcs, la politiclueet la guerrc. Ils'estr'éritablement
nroutr'é le Protée cle la révolution r\ laquelle il r rcnclu les plus éclatan(s
Ilirruit tle !iaiute-Aldesonde.
TErrps HrsTonrouEs. pÉruoDE EspAGtioLE 591

services(t). Travailleur infatigable, sa devise était: Repos aillaurs.


ûuillaume d'0tange, qui avait foi en sa constance, en sa lidélité, en
ses talents, I'avait désigné pour commander à Anvers.
Jamais mission importante ne fut conliée à des mains plus aptes,
plus srires, plus fermes.ll n'y a qu'une voix parmi les hommes de
gucrre pour admirer I'art avec lequel il conduisit la défense d'Anvers.
< Le plan de défense de llarnix, dit Lacroix, dans sa I{otioe nw Mur-
nr*, était complet, médité et excellent : il lutta treize nrois, dispo-
sant cependant de peu de troupes, de peu d'argent, sans apparelrce
de secours et d'appui; il lutta non seulemen[ contre I'armée de
Firmèse, mais souvent contre lcs siens qui se plaignaient, qui par-
laient de se rendre, accablés par la famine, à tlemi vaincus par les
cùresses et les promesses du duc de Parme encore plus que par I'effroi
du noml-rre de ses soldats. Il prolongea la résistance jusqu'aux der-
nières lirnites du possible et néanmoins lcs conditions qu'il obl,int,
lorsqu'il fallut enfin rendre Ia ville, furent les meilleures de celles
qui cusseut été fail,es jusqu'iilols aux villes qui s'étaieut soumises ù
Farnèse. ,, <. 0n serait injuste, dit Bayle, si I'on n'avouait quc Ma'tix
a mérité uue belle place parmi les hommes illustres du xvre siècle. >
Lir pureté de la vie de lllarnix, la noblesse de son calactère, la sin-
cétil,é dc ses convictions ct lir supér'iorité de ses talents si divers
ont rallié à cctte appréciation la plupart des historiens.
Anvers tombe le 17 aott 1585; c'en est fait pour longtemps
de son cotnmerce et de sa prospérité qui ne renaîtront plus
avant l'époque de notre arrnexion à la France. Toutefois, la
révolutiou est terminée et tlêfinitivement triornphante, en ce qui
collcenle les provinces dir llord. Farnèse se trouve impuissant à
pousser plus loin ses succès. Après la chute d'Anvers, la reine
d'Angletelre ernblasse ouvertement la cause des provinces du
rtold.
L'armada (1587). II arme une flotte
formitlable
- Vainernent Philippe
I'inuincible armada en vue de tlétruire les
- -
rtralines anglaise et hollarulaise. Cette tlotte est elle-rnêrne

( I ) Son rôle fut néanmoins plus pratique rJue bruyant. C'est ce qui explique
la place un peu eflhcée qu'il occupe dans les manuels d'histoire.
59E IItst'oInE nES BELGBS ET DE LEUR cIvILlsATIoN

anéantie par les tcrnpètes avattt rl'avoir pu riert faire d'utile


pour le roi rl'EsPagne ({587).
Fondation et prospérité des provinces-Unies. - Décadence
des Pays-Bas espagnols. Tranquilles désormais et inatta-
-
quables du côté tle la mer, les provinces insurgées peuvent cotl-
*r.,*r toutes leurs forces à la tléfense de leurs froutièr'es
rnéritlionales. Àussi demettrent-elles, sous le nom de Provinces-
Unies, irrévocablclnent séparÔes tles provirtces du sud, connues
tlepuis sous la désignation de Pays-Bas espagnols. Mais, tantlis
que ceux-ci, comprimés par Ie despotisme vont marcher rapitlc-
ment à la ùécatlence, Ies premièl'es ne tartlerortt pas, sotts I'in-
fluence bienfaisante de la lillerté, :i s'élever au plus haut degré
de puissance politique, de richesse rnatérielle et de civilisation.
Mort de Farnèse (1592). - Farttèse meurt cinq âr)s plus
tard, à Aruas, au retollr d'utte brillante expédition ett Fraucc,
oir il s'était porté au secours des catholiques, ell guerre avec lc
roi Henri IV. Après s:r mort, les arnées espâgnoles srtbissent
revers sur revels.
Albert et lsabelle (1598-1633). - Espérant par lh rarncuef
à I'obéissance les proviuces du nord, Philippe II souge :i tlortrtcr
aux Pays-Bas une apparente irtdépeudance. Datts ce |1t, il
sirnule ulte cession de la sottveraincté de ttos provirtCes à sott
neveu Albert, le futur épottx de sr {ille Isalielle. Mais cet'taittes
t .clauses secrètes de I'acte tlc cession tuaiutienuent eu réalité nolre
pays Sous la dorninatiort espagnole, non seulement dans I'lvettit',
mais encore darts le Présent.
Voici les principales stipulations Trubliqu,es do cet actc : L" Si
les archiducs meureul sans enfants, lcs l)ays-Bas ferOnt retottr li
I'Espagne; 9o s'ils out un heritier, il tlevla épouser uttc princessc
espagnOle; 3o s'ils ont ttne fille, elle ne pourra se rnet'iet' satts
le consentemcut tlu ioi tl'Espagne; 4" tléfense est faite aux
Belges, sous peiue de confiscatiou et mêtne de tnort, tle trafiqucr
:âVeC les Indes ; 5" interdiction lerrr es[ faite égaletneut tl'ctttt'c-
TEITPS HISTONIQUES. PENIODE ESPAGNOLE 593
-
tenir des relations commerciales âvec les Provinces-Unies;
6" Ie catholicisrne est la religion d'Etat; 7o la cession sera nulle
si I'un tles successeurs de I'archiduc abandonne la religion
catholique.
En voici les deux principales clauses secrètes : {o Des gar-
nisons espagnoles seront maintenues en un certain nombre de
places fortes des Pays-Bas; 9o les rois d'Espagne auront la
faculté perpétuelle de r'éunir les Pavs-Bas à le.ur monarchie s'ils
le jugent convenable, même s'il existe des enfants des archiducs.
Le mariage d'Albert et de I'infante Isabelle a lieu à Madrid.
Peu après, les nouveaux époux quittent I'Espagne pour se rendre
tlans nos provinces. Ils se font inaugurer à Bruxelles er sep-
temble 1599 e[ prennent le titre cl'archiducs des Pays-Bas.
Philippe U était mort le 13 scptembre {598 à l'âge de 72 ans.
lugement sur Philippe ll. Peu de souverains ont été jugés
plus diversement et avec plus
-
tle passion que Philippe II. il
semble toutetbis difficile, même en tenant compte des circons-
tances tle temps et de lieux oir il
vécut, d'émettre sur lui, en
toute justice et bonne foi, un iugernent favorable. S'assut'er un
pouvoir absolu sur tous les peuples soumis ti sa souveraineté,
rnôme dans les contrées qui jusqu'alors avaient été les plus
libres de I'univers; maintenir en ses états, à I'exclusiott de toute
autre, la religion catholique romaine, tel est Ie double objectif
tle sa politique. Il y consacre, sans répit ni défaillance, sa vie
tout entière, apportant en la poursuite de ses desseins une opi-
niiitreté invincible qu'il faurlrait adrnirer s'il s'était montré plus
rcspectueux des droits de ses peuples et si ses procédés de
Souvernement avaient été moins cruels.
Malgré sa puissance, en tlépit tle la ténacité qu'il déploie,
toutes ses entreplises échouent et, li sa mort, il laisse, avec une
rnémoire vivement tliscutée, des états ruiués, des peuples mora-
lernent anéantis, un pouloir sans force. rr Philippe II, dit
illignet, lit plus qu'épuiser les richesses matérielles d'un pays
V. Itlirguet. - Ilistoire des Belges.
--=-=x

AllJcrL ct Isilrcllc.
TE}IPS HISTONIQUES. PÉRIODE ESP,\GI{OLE 595
-
dont Charles-Quint avait brisé les ressorts moraux. Il éteignit
Ia royauté comme son père avait éteint la nation et, au moment
de mourir, il pleura sur la monat'chie espagnole l.
Gouvernement des archiducs. Albert, brave soltlat rnais
-
assez mauvais général, se fait battre à Nieuport par les Hollan-
dais, en 1600. Il rnet ensuite trois ans à s'etnparer de Ia ville
tl'Ostentle, au siège de laquelle il perd 70,000 hommes et
dépense tles sommes immettses.
Malgre ses insuccès, il voudrait contiuuer la guerre, car il
craint que la paix n'affermisse I'hérdsie en Hollande; nais la
nation épuisée I'oblige à cortclure avec les provilces tlu nord
ttne trè.ue de Doure otts. L'acte qui stipule cette treve t'econuaît
I'indépentlance des Pt'ovinces-tinies et leur accorde implicite-
ment le drbit, intertlit aux Belges, de commercel' avec les Indes.
D'une intelligence mÔdiocrc, I'archiduc est, excessivemeut orgueil-
leux. Jamais il ne rit, mômc s'il ert a les meillcurs motifs, claignant
de murquer à sa dignité. Dans ses discours rux rclirésetitan[s de la
nation, il s'exprittte toujours eu esprgltol, quoiqu'il parle le françilis
avec beaucoup dc facilité. S'il leur offre un repùs, il tre s'iissied pas
à la table commune : il mangc seul, sous un dais, isole dcs autres
convives. Scs domestiques lc scrvctt[ t\ genottx'
Isabelle est cle beaucoup supérieure à son époux par I'intelligarce
e[ le caractùre. Aussi son eutouttrge et Ic peuple lui-nrème I'aftbc-
tionnent-ils plus qu'Albut dont, lcs façons résen'ées rappellent trop
cellcs de soir ouelc PhilipPe II.
Sous le nom d'ridit TterpéhrcI, les architlut:s publient ull noll-
veau code de iustice tlestiné à être désormais appliqué par les
tribunaux civils. La promulgation tle ce cotle est la trleilleure
des rnesttres prises sous letlr règne.
Mais ces princes tte saveut pas s'astreindre à respecter nos
privilèges nationaux.
De temps imrnémorial, les natiotts de Bruxelles nommaient
'un
tles bourgmestres tle Ia ville : Allrert veut leur enlever ce
tlroit, violaut ainsi une charte qu'il avait jrrr'é de respecter. trt
596 firsToIRE DEs BELGES ET Dn LEUn cIvrLrsATroN

coilme les Bruxellois, justement indignés, retirsent de voter lcs


subsides ortlinaires, il appelle dans Ia capitale deux mille sol-
dats allemantls qui occupent les lernpar.ts et dirigent leurs
canons sur la ville. Un seul cri, une senle imprudence des bour-
geois, et la ville était détruite ({). En même temps, tous les
ctrefs tlu peuple sont jetés en prison ou exilés ({619).
Celtes, si un panégyriste d'Albert a pu tlire que ce prince ne
commit jamais tl'action cruelle, c'est que les Belges ne lui eu
fournirent pas l'occasion.
Tous les hérétiques ont fui, ont rjté bannis ou ont péri dans
les supplices. 0n rallume cependant les btchers afin d'v brriler
tle pauvres gells coutlamné.s pour f:rits de soreellerie. Des cen-
taines tle malheureux, accusés de ce prétentlu cr.ime,. subissent
le supplice du feu, après tvoir été soumis à la tor'tule.
0n leur reproche d'entretenir des rapports avec lc diirllkr, ttc fr é-
quentcr le sabbat, cle renier leur baptèmc, de jcter. des sorts aux gcns
ct aux betes, ctc. C'est un devoir de tlénouccr ceux quc I'on croit
coupables de ces crincs imaginaircs. Aussi, arrive-t-il souvent quc,
}oLlr satisfaire une hliitie personnellc, d'aucurls accusent lcur.s,
ennemis de sorccllerie, certains, sinon dc les enr'o.yer u l:r molt, du
moins de IeB faire torturer.
'lln
nous remettant aux mains de I'archicluc, jusqu'alors archcvêqrrcr
de Tolètlc, crrdinal et grand inquisiteur, Philippe II lc fut-il pas
sul'tout inspiré par le désil de voir son ncyeu continuer cc dcr-
nier office sans trop cxciter h défiancc publique. Qui sait d'lil-
Ieurs si lc mariagc mème d'Albert et cl'Islbelle ne fu[ piis
simulé, conme lir cession de nos provinces? Pendant toute la
duréc dc leur union, les deux époux vivent coûlme s'ils étaient
soumis aux règles sévères de quelquc r.igide congrcgution. Tous
lcs jours, Albcrt assiste publiquement dans sa chapellc à la messe.
aux matines et aux autres offices; tous lcs jours, il dit scs
Ireures, tout au rnoins lc rosairc. Il assiste aux vôpt.es ct aux scr.-

(l) 0n voit ce que valait la promesse du rétablissenent des pril-ileges faitc


au nont tle Philippe II par Àlexandle Farnèse.
TETTPS HISTORIOUES. _ I'ÉRIODE ESPAGNOL!] 59]
mons ainsi qu'aux prièr'es dc quarante heures. Un flambcau à Ia
main, il participc à la procession du Saint-Sacremeut des llliracles, à
moins qu'il ne portc le prvillon môme du Saint-Sacremett. II garde
scrupuleusemeut, tous les jours fôriés, observe le jerine, même s'il
cst, malade, prcnrl prrt à Ia fète de l'Âdoration et nr) manque aucune
dcs cérémonics cle cette fôte.
Tous les ans, il fait une fois lc pèlerinage de Montaigu, cleux fois
cclui rle IIal. Et cliaque fois, il offrc aux égliscs dc ces localités les
rlons lcs plus riches. L'ôglise de trlontaigu, qtt'il britit it ses frais,
lui cofrte 300.000 éeus d'or. Il brode de scs proprcs rnitit)s, pour h
Vicrge de cette église, utte rollc dont le prix s'élèr'e à 34.000 ducats.
A la guen'c, il est toujours lrolteur tlc r'eliqucs et I'image de
Notre-Dame de lhl {igure sur tous }cs tlmpe'.tux tle I'armée. Lorsqu'il
ncurt, il demalde à être erttcrré cn lrnbit dc récollct, tu pied de
I'irutel tlu Saint-Sacrernent tlcs lllinclcs et ordonue qu'ott célèbre
9;,000 mcsses poul Ie repos dc son âme.
L'rrchiduchesse Isabelle ne le cède pas en piété r\ son ntari. À cer-
trrins jours, ellc se retire daus uuc cellulc oit elle passe la nuit cn
prièr'cs. Si elle se couche, c'cst, sur un glabàt folmé drl dcux plan-
r:hes et rl'un rnoreeau de bois cn guise dc clievet. Sa grandc occupa-
tion est, de collectionner tles reliqucs. Â la molt d'Albelt, Isabellc
plend et ne quitte plus I'hirbit rcligieux.
Les rrchiducs bâtisscnt ou relèr'ent trois cents égliscs ct leur plus
grande felicité est, d'assistcr à lir pose de li.r première pierre de ccs
cdilices. D'lutrc palt, ils fondcnt uu nonbre considérirblc de cou-
vents, au point d'en instituer plus en douze ans qu'il n'crt avait été
créé depuis trois siècles. IIs donnertt aux congrégations lcs palais,
les jardins, les terres dorrt lcs possesscurs ont été tués pcndant la
{luerrc ou on[ fui à l'étrlnger. ( Sous son règne, dit un historien,
parlant d'Alllert, unc inlinité rl'ordles religieux totnbés de vétusté
dans I'oubli, n'iryant pour ainsi dire plus d'existence, relèt'ent la
tiltc et rctrouvcnt une nouvclle jeunesse. >r
Les architlucs protègent les beaux-arts; les peintres, les
sculpteurs (en particulier les orfèvres chargés de confectionner
les objets tl'ar[ offerts aux églises par les archiducs et par les
courtisans, à leur exgmple), les musicieus, etc., reçoivertt d'eux
des eucourâgements. Mais la peiuture, la sculpture, la lnusique
sont des arts d'agréneut et de luxe, des arts auxquels on devrait
598 ilrsrontll DEs BELGrls ET DE LEUn ctvtLIS'\TIoN

surtont s'intéresser lorsque le pays est riche et prospère, quand


le peuple a tottt au moius du Pain.
Pnr contre, les architlucs ne favorisent ni les sciettces, ni les
lettres, ni l'étude tle I'histoire. Sous leur t'ègtte, les savants e[
les écrivains belges qui osent montrer quelque indépendance
sont anssitôt inquiétésou flanchement perséctttés. Bt que font-ils
pour relever I'agriculture, I'indttstrie, le commerce? Bien peu
tle chose. Aussi une grartde partie des champs restettt incultes,
fhute de pouvoir être ensemettcés, les cultivateurs, darts leur
extrême misère, n0 pouvattt acheter ni les graines ni les instru-
ments agricoles intlispertsables. De même, la plupalt tles rnétiers
sont rbandonnés, presque totts les magasins ferrnés. La nation
entièr'e, comme épuisée et engottrdie, tlescentl, sotts Ie t'ègne
tlop vanté tle ces princes, att dernier degr'é de I'ignoratlce,
tle l'énervemeut et de la misèr'e : rr Qui a le pays 'm'a attssi rr
est nn dicton flarnand de l'époque. tt Je répète Ia parole tle
celui dont je mange le pain n tlit un autre. Ainsi, non seule-
rnent les Belges cesseut d'avoir ttne volonté, ils renoncent mêtne
à penser.
Popularité des archiducs.
- Comrnertt tlonc expliquer la
popularité dont les archiducs ont joui tle leul vivant et tlont
Ieur urémoire a bénri{icié auprès rJ'uu graud ttombre tl'histo-
liens? Epuisées pâr cluarante années de luttes, d'inqtriétudes
et tle souffrances, les populations des Pays-Bas sentent un
insatiable besoin de repos. Leur fatigue extrême les dispose li
la reconnaissance envers quiconque leur procurera la tran-
quillité dont elles sont tlepuis si longtemps privées. En outt'e,
les souverains a habiles dans I'ar[ si doux tle gagner le crnur
tlu peuple en s'occnpant de s,:s plaisirs r prennettt voloutiers
part aux réjouissances publiques. I)aus ull coltcours tlouné à
Bruxelles par le grand serment des arbalétt'iers, ott voit I'archi-
duchesse Isabelle abattre I'oiseau et rempolter le prix du
tir. Les Belges out torrjours été sensibles à ce genre tle
TE}II)S HISTONIOUES. PÉNIODE ESPT\GNOLE 599
-
démonstrations. Les architlucs furent donc réellement popu-
laires ({).
Traité de Munster 0u de ï{estphalie (1648). - La uève
expire le I avril 162l et malheureusemettt n'est pas renouvelée.
Alber.t rneurt le 13 juillet suivant. La Belgique perd alors
I'ombre d'intlépendauce qu'oll lui avait momentanément con-
sbntie. Bientôt les hostilités reprenneut contre la Hollande,
liguée avec la Frapce. Mais, ni tle I'tut ni tle I'autre côté,
0n n'obtient de sérieux avantages. Enfin, en {.648, rerloutant
la puissattce glantlissrnte des Français, les Provinces-Unies
signcnt avec I'Espagne le traité tltl Munster ou de Westphalie
qui reconuait dé{initivement leur intlépendance.
Ainsi, après soixante-dix âus d'une lutte hÔroïque, les
provinces du nortl jouissent en{in des deux biens si précieux
et I'intlépeudance
[u'elles ont reveudiqués, la liberté tle conscience
riationale. Devenues riches, puissatttes, glorieuses, elles
marchent à tête des nations civilisées.
Mais, oublieuses des antiques liens de fraternité qui les
avâient si longtemps unies aux prnvinces du sud, elles exigent
la fermeture de I'Escaut pour les navires qui viennent d'Ànvers
ou qui s'y rendent. Les Pays-Bas méridionaux perdent ainsi
toutô espérance tle voir renaitre leur commerce et leur industrie'
Nouvelle et désastreuse conséquence de la iupture de I'union
couclue avec les provinces à l'époque de la Pacilication. Nous
ayons refusé de nous assotlier à uos frères du Nord rlans leur
gont noS
lutte contre le tlespotisme, mais combien tlifférentes
tlestiuées !

Guerres de Louis XIV en Belgique. Si encore rlos malheu-


-
reuses provinces étrient délivrées de la guerue ! I}lais Ia paix
signée avec les Provinces-Unies ll'ellgage pas la France. Celle-ci

ft) Peut-ètre, toutefois, les éloges tl'historiens eourtisans ont-ils exagéré


cet'té populariÉ, tlu moins en ce qui concerne Albert'
600 utsr'oltru DEs llELcES Et Dli LEUn crvrLtsÀt,roN

continue ]es hostilités. Quatre fois L,ouis XIV, qui rêve


I'annexion tle notre pays à ses états, envahit la Belgigue sous
les plus futiles prétextes, et chaque fbis'il nons enlève une
nouvelle portion tle te.rritoire.
c'es[ alors quê nous pcrrlons : lo par le tt"aité tlw pyrénées (165g),
Gravelines, Ilourbourg, St-vcnant, err ltllndre ; Ârras et I'Artois;
Avesnes, Le Quesnoy c[ Landrccics, cn Hainaut; lllottmécry, Dirm-
villcrs ct rhionville, dans Ie Luxcrnboul.g. (Nous nc citons que les
villes dcmeur'ées depuis à la Franee) (,1). 9o par h Ttaiæ tt'ais-ta-
chn'pelle ('1668), les villes rle Bergucs, Lille, Douai, Armentières.
3o Par la pain de **intègue (LG?B), Térouane. saint-0mer, c:rssel, Âirc
et Birilleul, en Iilarrdlc; cambrai, Bouchirin, valenciellnos, condé,
Bavai et, Maubeuge, en Hrinaut.
cornment démire la profonde clétresse clcs populations belges
au milieu dcs guencs si.urs cessc rcnaissantcs qui clésolerrû notre
pays depuis lir scconde rnoitié du xr,r. siècle ({i7q, priso cle La
Brielle)jusqu'au comûrenccment tlu xvnrc (,1714, traitc de Rastadt)?
Tour à tour plises et reprises, les villes ont clraque fois de nouvelles
contributions de gucrrc:i pal'cr, de lilus dules réquisitions à subir,
quand on ne les livrc pas rlr pillrrge ou aux flirmmes. De lcur côté,
Ies campagnes sc r,oicnt ineessamment rlvtrgécs par clcs t,roupcs aux-
quelles leurs chefs n'imposcnt aucun frcin. Àussi sont-elles ;ibsolu-
menf ruinées et, a peu prr)s désertes. Tous les champs clemenrcnt err
friclre; on abandonre Ics plus belles fernres; partoul, les bois repa-
raissent spontanément.
La formidablc artilleric franr.aise occasionne des pcrl,es énormes
aux places assiégées. Le llombardemeu[ rle Bruxelles (l6gj) orclonné
par le maréchal de villeroi drrrs le simplc but de détourner I'irtten-
tion de I'ennemi, détruit en deux jour,s quatre miile maisons.
Iln l7{ l, la ville de Huy est l,cllement ruinée par la guerre que son
conseil est obligé d'adresser aux étdts cle Liége, en vuc tl,en obtenir
un subside, ulre requôlc oir il explique lcs nécessités cxtrôrncs sous
Iesquelles la ville succombe e[ signalc les faits suivants :

({) un article du tlaitô tles pyrénées stipule Ie mariage de Louis rIV avec
roi d'Bspagne, I'infante ltarie-Thércse. ë'est à titr.e de tlot à
une des lilles du
la.princesse qu'est faite la cession tles villes belges menlionnées au trail.é.
L'infante reçoit en outre un-e somTe de 500,000 écris d'or, mais renoncc, d'une
façon formelle, à lous ses droits éventuels au trône espagnol.
q)

15
È

-
Èo
d
}J
609 rrrsr'ornn DES BELcES ET DE LEUR crvrlrsATroN

< Pour avoir tué quelques Français en défendant ses rempalts, la


r ille de IIuy
a eu le malheul cl'ôtre pilléc et briilée I'nn 1688.
> Le gland pont sur la lleuse a eté détruit deux fois : I'une par les
Français en 1678, I'autre u l'époque de Son Altesse Jean-Louis et par
ordle du conseil cle guerre alors établi dans le pays. La réparation r
corité aux requér'ants des sonnles immenscs.
> Au temps de la première démolition, la ville a été occupée par:
le gouvemeur de lllaastricht avec trois mille hommes de sa garnison.
Il y resta Lrcize jours à discrétion of il traita les bourgeois d'une
rnaniôr'e si impitoyablc que plusieurs avaient chcz eux jusqu'à cent
soldats.
u Depuis vingt ans à peu près que Ia guerre a duré, la ville a
soullert selrt sièges et jusqu'à dcux en six semaincs. Pendant cc
temps, cllc a clfr logcr de grosses garnisons tant en hiver qu'en été.
> Outre la désolation entièrc néccssairement entrainée par ces
siègcs, tant en ce qui conccrne la lille elle.rnôrne qu'à l'égar.d de
tout lc pa,vs d'alentour qui est pillé, foulé et mangé par lcs armées,
la pauvre villc a été tellenrent surchargée de logements que la plu-
part de ses habil,ants sont r'éduits ir la mendicité et qu'on u'y voit
cllcorc présentement que de vicilles lllasures, dcs places vides et
allirnclonnécs.
r Pour faire face à une paltie de frais si importants, chaque bour-
geois paie sur unmuids del-rraz (?) quinze florins; par tôte debétail,
dix sous un cinquième; par litre d'eru-de.vie et par Iivre de tabac
qui sc consomment dans la r,ille, cinq sous.
> Toutes ces taxes l'atteigncnt pourtant pas à la moitié des
cltirrges et il est impossible de les augmenter ou d'en établir
d'autrcs (L). ,r
Quant aux localités ouvertes, aux bourgs et aux villages, leur sort
est, si possible, plus lamentable encore. A chaque instant, ce sont
tulertes nouvelles. Voici uu corps d'armée etr vue : vite les provisions
en des cachettes habilemcnt dissimulées, rnénagées u dessein. Au
fond tles bois, les bêtes ct les gens. lllais d'ordinaire le ternps manquc
pour se saurcr : une troupe de soldats, un corps d'irréguliers ou de
maraudeurs survient ù I'improviste. Ce sont aussitôt des rafraiehis-
scnrents à servir, de copieux repûs à prôparer, car il s'agit d'éviter
lcs sévices, les pilleries, I'inr.endie, la mort peut-être. A la moindre

({) Durors. Le delnier gouverneur de Huy, page 20.


PIIRIODE ESPAGIi0LE 603
TElIps IIISTORI0UBS. -
hôsitation, les mcnaces e[ Ies coups plcur''ent. Pour une riposte uu
peu li.r,c, une instinctive résistiluce Lr quelque brutalité, la mrison
cst blfrléc, scs habitants massact'és.
Les soudarcls repus s'cnrparettt de ce qui reste de vivres, font
mail lrasse sut'les grains et les fourrrges, emmè1errt tout ott partie
avec
du bétril e[ de la basse'cour. C'est la luine pour maint méuage
h cliscttc en peËpsctive pour I'ltiver.
Cependalt, demain, une auire bande réclantera tlcs tnatelas,'deS
coqvlrtures, dCs draps de lit. Dirns quelques igurs' ull llouveau parti
r'érluisiliolnera, poui quelque clur et loiltlin service, des guicles'
dei ouvriers muni$ de leurs outils, cles voituriels âvec leurs chariots'
Il coupefa les blés verts pour en nourrir les chevaux. Pour approvi-
siorrnôr I'at'méepu simplcment pour empùcher I'adversaire d'etl
tirer
puyti, il rlevastela lcs jardins 0t les chattrps. La semaine suiyante, de
irr,,r.io, r:ontributions de guet're serotlt exigées : telle sollllne d'argent'
à four'1ir dans les cleux on trois jouls' .quelquefois dans
les vitlgt-
qurrtrc hcures. Parfois, pour éviter Ie pire, les notables offr'iront
d'eux-mômes aux chefs de bancle d'i*rportants cfldeaUx.
lans le cours d'une année, un seul vitlage éprouverir quinze Ou
la
vingt secousses de I'espèce, et quantl viendra la saison mauvaise'
famine ct, la maladie auronl beau jeu : dcs famillcs entières mourront
de fuim et dc rnisère, tantlis que le reste de fu populatior
\iégéterù
dans les transes, I'effroi et la désolation.

Guerre de succession et traité de Rastadt (1714), - une


gu'erre de In
tler.nitire guerre tle I'Espagne avec la France, tlite
particu-
Srtccessioit, cl'Espagne., a pour nous des conséquences
lièrernent graves. Par son mariase avec I'infante Malie-Thérèse,
Louis XIY êtait le beau-frère tlu roi Charles II, tlernier descen-
-dant
de Charles-Quint en Espâgne. Sur le poin[ de mourir satts
hér.itiff tlirect, Charles choisit p0ur successeur Philippe, tluc
tl'Àujou, petit-fils de Louis xIV ({700). En moutant sur
le

tronu espagnol, le llonyeau souYelain prend le titre tle

Philippe Y ({ )'

( { ) 0n a prêté à cette occasion une parole célèbre au roi de France ; a II n',y


r fifu,{,ie nyi'enees o aurait dit alors Lo*is XIY. Cetle parole n'a pas été pro'
604 ursrotna DES RELcES ET DE LEUn crvrlrsATrûN

lui tlispute I'héritage tle


Mais I'alchitluc charles d'Autriche
charles II.
Toute I'Europe ayant pris par.ti contre le priuce
français et contre sou aîeul, uue guerre terrible s'onvre, clont
la Belgique est, pentlant dix aus, le principal théritre.
La Belgique passe sous la domination autrichienne (t714).
Errfirr Ie congrès d'[]trecht ({719-17{3) et Ie traita tle Rastadt
(1714) rétrblissent lir paix en Europe. À la suite tles con-
ventions intervenues entre les puissances intéresséeso philippe v
rlemeure en possession de I'Espagne, mais la Belgique est attri-
buée à charles d'Autriche, tleveuu empereur tl'Allemagne sous
le nom de Charles vI. Ces conventions rnaintiennent la fer"me-
ture tle I'Escaut arr profit tles Provinccs-Unies.
Quant à la situation politique tle notre pays, eile clevient plus
humiliante encore si possil-ile que par le passé. sous prétexte
d'y établir une barrièr'e contle les attaques éventuelles tle la
Irrance, les puissances signatailes tle la convention tléci-
dent d'entretenir en Belgique, âux frais de ses habitants, une
année de 35,000 hornmes dont les trois cinquièmes serout
fournis prr I'ernpûI"eu', le reste par les provinces-unies. par
suite tle cet arrangernent, les Holhntlais occupent huit de nos
forteresses. La Belgique est tenue tle leur payer annuellement
un trilrut de {,91i0,000 florins. (Traité de la Baruière ({Tl5).
PRtNctpAUTÉ DE L|ÉGE. Ernest de Bavière (lbsl-tôlz).
-
Ernest tle Bavière succètle à i'évêque Gérartl de Groesbeck,
-
en {s81. ce plince s'efforce tle rétluir.c les privilèges politiques,
trop étendus â son gré, dont jouissent les Liégeois.
un article des chartes l'incommode sultout : celui clui exige
le consenternent tlu sens du pays poul assurer lâ valitlité tl'une
Ioi. ses teutatives r'éactionnaires amènent une rôvolte qui

noncée_. La légende qui la met dans la bouche tlu roi de France vient probalrle-
ment .ce que I'ambassadeur d'Espagne aurait dit, lor.s de I'avènencnt du
-rle
<luc d'Ànjou: n Les Pyrénées sont fondues. r
TEtnps rrrsTonr0uEs. pÉnr0DE ESp,rcÀ*OLE 605
-
I'olilige à concétler à ses sujets le Reglentent de 1603, oir les
th'oits tlu peuple reçoivent nlle uouvelle extension. Désormais,
les liourgmest,res solt nommés par un système d'élection à deux
degrés. Tous les ans, le 9ii juillet, le sort, désigne dans chacun
tles 32 métiers un électeur. Les 39 élccteurs aiusi choisis
nomment les tleux bour,grnestres :i la sirnple majorité des
voix.
Les Ghiroux et les Grignoux.- Le prince.évêque Fertlinand
tle Bavièr'e (16{2-1650) ne recevra jamais les oldres. D'urr
caractère orgueilleux et autoritaire, lui aussi essaie tl'abattre,
tout au moius cle diminuer consitlérablement, le.s libertés des,
Liégeois, mais les bourgmestres Guillaune Beckman et Sébas-
tien Laruelle, chefs airnes du peuple, s'opposent avcc énergie
aux empiètements tle I'autorité épiscopale. l)eux partis se for-
ment rlors dans la cité : celui du peuple et celui du plince,
autour duquel se groupeut la plupart tles grands.
Le parli populaire appelle Chirour les partisans de l'évêque,
parce clue le vêtement tle mode frauçaise, adopté par les jeunes
gens riches leur donne quelque ressemblance avec une espèce
d'hirorrdelles connues à Liége sons Ie uorn tle Clûrou,r. De sou
côté, le parti tles grands baptise de Grignou,r (ot grognards) les,
gens tlu parti populaire. Beckmau nieurt, ernpoisortné, dit-on,
par les oldres du priuce-évêque. llais la rnort de ce tribun ne,
change rien aux dispositions tlu peuple.

Un aventurier, banni des Provinces-Unies et des Pa.vs-Bas pour faits


cle trahison, le comte de'Warfusée, vivirit alorsaLiége oir il afl'ectait
des s.vnrpathies pour le peuple. ll entrefenait mùme des lelations
suivies avec Ic liourgrnestre Laruelle et avec I'anrbassadeul fr.ançais,
I'rl-rbé de Mouzon. Dans I'espoir de rentrel eu grâcc auprès du gou-
vernemcrtt des P:rys-Dirs, il s'offr'e ir firir.c disparritre Laluelle. Ses
ouverfures ayant été acceptées, lc cornte de War.fusée ilvite le
bourgrnestre i\ un repas chez lui et le fait mettr,e à mort prr des sol-
dats au service de I'Espagne, secr'ètencnf introdui[s dlrns sa maison-
llais le peuplc, avelti de cet odieux guct-apcns, s'assemble en
606 HISTOIRE DES DELGES ET DE LEUR CIVILISATION

tumul[e, impirtient de rengcl son clief bieu-aimé ({)et pénètle de


forcc dans la demeure de Warfusée. Celui-ci, son forfait accornpli,
s'ûtrit lirchemcnt caché sous un lit. Il est découvert et traîné à Ût'a-
vcrs les rues de la ville oir il scrt cl'arliord de jouet à une populacc
furicuse. 0n le pend ensuite, puis ort lui coupe la tète e[ les blas,
r1u'on clouc aux portes de la villc, Eu{in, son corps est brûlé et ses
cendles jetées au vent. Dans stt colùt'e, le peuplc ne s'en tient pirs là.
Acctrsés d'avoit, avec les Cltiroux, trcmpé dans lc
complot, les
cilrmes et lcs jésuites se roiellt attaqués, rnaltraitcs, puis chas'
sés (1637).

Bèglement de 1684. L'agitation et les troubles se prolon-


gent ph-rsieurs
-
années encore au grand dommage de h prospé-
rité du pâys.Enfin, Maxirnilien-Henri de Bavière ({650-1688),
successeur de Ferdinaud, r'éussit à prendre d'rusaut la ville tle
Liége et lui impose ulle Douvelle constitution connue sous le
rrom de Ràgletnent de Murinùlien-Henri (/l'684). Sans suppri-
mer les libertés fondamentales inscrites dans la charte d'Albert
de Cuyck, ce règlemelt rétluit ii un minirnum excessif les privi-
lèges qui avaient fait si longtemps la gloire et la graudeul du
pays tle Liége.
Yoici les articles les plus importirrrts de h clrarte nouvelle: 'lo Lc
droit d'élcction aux fortctions publiques est crtlevé aux mritiers; ces
tlclniers cesseut, d'ètre des eorps politiques pour redevenir de sint-
ples corporations d'artisatts ; 9o tous les habitants sans distinctiott
de classes, sont répartis en seiee chanùtres. Chaque charnbre présente,
au.choix du pr"ince, une liste de noms lttrtni lcsquels il en désigne
trente-siæ, doll't uingt appartiennent à Il ttoblesse, drri la classe des
I
commerçants et seæ celle des artisans. Ce sont là les scules pcr-
sonnes qui participent à Ia nomination du conscil de la commlmc;
3o le conseil de ltr cité,composé deuingt membres et les cleux bourg-
mcstres, sont choisis, ntoitié.par le prince, moitié par lcs représen-
tirnts des scize chambres dont tlous venous de parler. Les artisans ne

({) Il semble toutefois résulter de travaux historiques récents que Laruelle,


sourloyé par la France, songeait à lui livrer la principauté. (Yoir lleuue de
Delgirprc du {5 novembre {889, Grigrtou.n et Cldrott,r., par LoxcHer.)
TEIIPS HISTORIOUES. PÉNIODE ESPAGITOLE 607
pcuteut jamris arriver rux fonctions de lroulgmesl,re, ni faire pat'tic
du conseil; 4o les bourgrnestres et les conseillers prêtent scrmettL
:ru prince-évèque, non plus au peuple; 5n lcs états ne peuvent plus
s'assembler que sur convocation du prince.

TITRE III

Institutions politiques.

Les libres institutions tles Belges sonl foulées aux pietls par
les rois tl'Espagne. Malgré I'opposition tlu conseil d'Etat et celle
de plusieurs conseils tle justice, Philippe II fait publier en
Belgique les décrets du concile tle Tt'ente et les rend obliga-
toires. Ainsi la loi de l'Eglise devient la constittttion de I'Etat.
Par Ia srrite, les cpnseils collatéraux voient leurs attributions
essentielles aunulées pâr celles de cornmissiorts spéciales ou
jointes qu'institueut les gouvel'Deurs généraux.
Sous Ie gouverrement tlu tluc d'Albe, lc conseil des Troubles
est non seulement le graud conseil judiciaire, mais eucore Il
principale institution administrative du pays, On invoque la
rafuon,cI'Etat pour expliquer cette situation illégale et arbiraire.
En {5.i6, les états génér'aux se réuuissertt spontattément et,
penthnt neuf années consécutit'es, siègelt ell permallence. Ort
tlevra successivemenl, à tout ou partie des membres de cette
assenrblée, la Paciftcation, tle Gand, I'It3dit perptituel, la
Pair d' Anuers, la Confedér'ation et l' Union d' Arrû8, I' Union
rI'Utt'eclû, etc,
Sous les archiducs, les étal,s génér'aux sout convoqLrés deux
fois par ces plinces qui veulent en obtenir le vote de nouvelles
taxes et le règlemeut de la paix à conclure avec les Proviuces-
Unies.
Plus tard, en 1S98, Philippe II fait des Pays-Bas espagnols
'un état en ûpparence indépendant, dont il choisit lui-rnême les
608 nts'rornn DEs rltstcns ET DE LEUn crvlrrsÀTroN

souverains. La Belgique devait passer à leurs tlescendants daus


I'ordre rle primogéniture, avec privilège tle masculinité.
La tr'êr'e tle Donze ans, conclue avec les Provinces-Unies,
reconnaît, en fait, leur indépendance et consaorc le tlémernbre-
ment tle I'héritage de Philippe le Beau.
Pentlant Ie règne tl'Allrert et d'Isabelle, Ies instructions
secrètes tlu roi et le bon plaisir de ces princes sont également 0u
peu s'en faut les seules r'ègles de gouvernement. Après eux, on
confie la direction des affailes intérieures aux généraux chargés
de commander en chef. Ceux-ci suppriment tle fait les attribn-
tions essentielles tles conseils collatéraux en atlministrunt par
I'intermécliaire dc cornmissions spéciales, le plus souvent com-
posées en majorité d'étrangers. Bref, un dur régime militaile
pèse tl'une façon presque ininterrompue sur notre malheureux
pays pendant la domination espagnole.
0rganisation provinciale. Dans le sein du gouvernement
-
central, la nation n'est plus rien. La vie politique tlouvc nu
refuge dans les états provinciaux qui conservent, du moins sur
les poiuts essentiels, leurs attributions et leur mode de fonction-
nemcnt.
Organisation communale. Quant aux privilèges tles
grandes communes, ils sont rétluits, suspendus ou enticirement
supprimés. 0n soumet les villes à des commissions administra-
tives nommées par le gouyernenlent et les plus puissantes cités
doivent s'incliner, car on réprirne sévèrernent, les mointlres
velléités d'opposition.
Ls souvERArN. Les rois d'lispagne gouvernent
-
Classes sociales.
-
Ies Pa.vs-Bas du fond de Ieur cabinet, en rois absolus. Dc là tant dc
décisious pliscs rnirl à propos, Ie plince, à cette distance, ne voyant
pas toujours liien les choses. Dc là aussi de fréquents et fâchcux
retards dans I'arrivôe des ordres ro.yflux. Car, soit crainte d'un désa-
veu, soit appléhcnsiqrt d'une responsabilite trop lourdc, Ics gouver": '"
neurs généraux s'alistiennen[ souvent de prentlre les mesurcs lcs
plus urgentes.
TElrps ltrsl'0trrQuEs.
- r'ÉRroDE uspAGN0LE 609
Le clergé. D'al.rord tlécoucertrlc prrr le nlouvemcnt réforrnrtcur,
-
I'liglise romaiuc ne taldc pas ir sc lcssaisil ct rnômc à prcndle
I'oll'ensivc cortt'c les idûcs nouycllcs. Sans doute, lit r'éformc t'ôduit
l'étc,rdue de son crnpile spir"ilucl; ccpcndiilt sl puisstnce, rtieux
ccntritlisée clésormais, sort lrlutCrt follifiéc qu'affeiiblie de Ia
luttc. lt'ailleurs, lir rôfolnrc lrrotcstante proloquc urte rôfoltnc
catholiquc, Àu cours dc la pirioclc r'ér'olutionnaire, des défections
rrornbrcuscs se sont procluites clans lc scirt clu clelgé; un grand
Ironrlrrc dc plr':trcs ont pér'i : I'llglisc lcconstitr.rc scs ctdrcs, supprimc
divels '.rbus, s'instruit, ouyl'c dc uomblcuscs icolcs.
D'irutrc palt, clle fait surtout c,ortsister sa supériorité dans
I'unité tlc sa doctrinc, la nragni{iccrtce dc.son cultc ct son indépen-
tlirncc cln pouvoil tcmpolel. En vut) clc fortilier ses mo)'ens d'atttque
ct dc defcilse, olle réolganise I'inquisitiou, cr'ée lir cougrégation dc
I'irtdex {l), inslituc I'oldle dcs jésuitcs (1540), considéré depuis
corilùrc lo. l-roulct'atd de I'llglise militrrute ; rppuie clésolmais de toute
sln influcncc Jcs rois orthodoxcs; urlin réta)rlit, sur dc rtouvclles
l-trscs, lcs congr'égations lncicnnes (les augusliæ.ç ct lcs eanlcs, par
cxcniple) et cn fonde un grand nomblc dc nourclles. Dans rtotre
lrirvs lriirticulièr'erncnt, ou voit s'élcter dcs couvcrtts dc l:ranciscains,
ùc reco[lels, tle cuytttcitts, tl'ot'utot'iuts, de nûnintes, d'ttt'sulines, de
t:ttt'tttélilcs, dc clames de Berlsinrcnt, tle camal,"htles, d'unnlnciutl$,
ùc brigittin es, o[c.
l,a lrlLrpart cl'cntrc cux lle tardcnt pls à acquér'il uue importance
considérablc. Pcu a pcu, l)resquc toute la propliété foncière, lc
tlomainc dc I'l,ltirt ct les tcnes dc quclques grandcs flntillcs exccp-
tics, I)it.qsc âux rnaius du clelgô régulier. l,es jésuites sculs,
possèdcnt lirtgt c[ uu couvents, sAns comptel un plus grand uombre
tle collrlgcs. Dc petil.cs lillcs, dont la population le dopasse ltas
cincl rnille ltal-ritants, cn rcnfenncrtt quinzc ct lingt. Dn même temps,
I'instluction ct la bienfaisancc pul-rliqucs,mo]'ens d'action si puissants
cutrc des mairts habiles, sout cxclusivcrnen[ cortliécs à I'Eglise.
Âussi, ir piu'tir de cette époquc, I'in{lueucc du clcrgé dcvient-elle
1n'ôlroudér'irnte cu llclgique. Lcs bullcs pontilicales cesscu[ même
d'ôtrc sourniscs ru 2lacel (2).

({) Comrnission ccclésiastique fornée de cardinaux ct rlc lhéologiens


clrargés lral le lrape d'cxârninel les livres nouveaux ct tle publiel un catrlogue
tlc ceux dont I'Eglise irterdit la lecture aux litleles.
(9) A I'approbation ro1'ale.
Y. Itlirguet.
- Histoire tles Belges. 39
6'10 ilrslorRn DEs tlELcES ET DE LEUn crvrlrsATroN

[a noblesse.
- La no]tlesse belge n'es[ guère considérée par le
gouvernemertt espagnol. Decimée par la proscription ou par h
guerre, elle se voit en outre enlever le gonveruemen[ des pro-
vinces et les grartds comnaudements militrires, presquc toLrjours
confiés à des étrangers. Sruf aux débuts du règne de Philippe II, lu
noblesse belge uc joue dortc qu'uu rôle très cffacé sous le régime
espagnol.
La bourgeoisie et le peuple. Une grarrde partie de ses privilèges
-
æt enlevée à la bourgeoisie des villes. Quant au peuple, tant dcs
villes que des campagnes, il per:d toute influence polititluc.
Organisation politique de la principautd de Liége. Lcs mouveruents
-
populaires, si fréquents dans i'histoire de Ia principauté, et lcs
incessants rctours offensifs du despot,ismc rcndcnt, fort instables lcs
insl,itutions politiques liégeoises. Cependant, clu xrve sièclc ù la fin
du xvlu, cortsidér'ées dans leur ensemble, ces insti[utions ne subis-
sent pas de rnodi{icatious inrpoltantes. Yoici quelques points esser}.
tiels de la constitution liégeoise en vigueur pendrrnt ccttc longue
période. {o Lc plince'évèque est clroisi pur lc chapitre de la cathédrale
de Saint-Lanllert et daus son sein. Son élcction est coulirmée par le
pape; I'empereur lui tlorue I'investiturc. Le prince-évôque prêtc
serment aux chartes et notlrnment a la paix de Fexhe. Il partirge le
pouvoir législatif avec les trois ordrcs du pays. Ses actes sont cotrtre-
signés par u1r cliancelier, fouctionnaile responsable. S'il se llomne
un coadjutcur, c'est avec le consentement du chapitrc. En cas de
mort tle l'ér'êque, I'intérin est rempli par un mambour. 2o ll s'engage
à vivre et. à s'entretenir sur ses propres rc\renus ct, promet de nc
nommcr quc dcs Liégeois aux ernplois publics. 3o Àu point de vue
politique, il existe, dans la principauté, trois ordres qui se partagent
le pouvoir legislatif t a) I'etat prinmire (clergé), eomposé des cha-
noines de la cathédrale, au nombre de 59; b)l'rtat noble, formé des
nobles ayant {icf; c) l'étot tiers, constitué par les bour'grnestres et
commis des 93 bonnes villes (ll rvallonnes et lg flanrandes)et
présidé par les bourgmestres de Liége. 4o Il faut I'assentiment, du
sens du pays, c'cst-ir-dire Je votc unanime des trois états, pour
rendre une loicxôcutoire. ltais cltacurt des trois corps délibère a palt
et dans des locaux séparés. 5o Lcs états sont convoqués par l'évêque.
Chaque session dure au moins dix jours. 6o Lolsque les états ne
siègent pas, ils sont remplacés par une commission permanente
composée de douze mcmbrcs, quatre par corps d'état, choisis pirr
cux e[ parmi eux. Lcs dék1gués du souvcmin ont sirnplerncnt voix
TE}IPS HIST'ORIQUES. _ PÉRIODE ESPÀGNOLE 6IL
consultrrtive au sein tle Ia comrnission permrnente. Cette commissiou
veille i\ I'exécutiori des lois, répartit I'impôt et ortlonnance lcs
mandats de payements. 70 Il existe uùe cour des comptes eû une
chambre féotlale.
Nous avons vu ce tlue le Rè"glement de 1684 fait des institu-
tions séculaires du pays de Liége. La souveraineté cesse d'êtr.e
exercée par I'universalité des citoyeus, répartis en 39 bons
métiers; désormais, elle pâsse à une minorité tle bourgeois
distribués en seize charnbres ( { ), dont le choix est presque
exclusivement réservé au prince. (Voir.plus haut, page 606.)

TITRE IV
I nstitutions jud icia ires.

Droit des gens. Jusqu'en 1648' date du tr;rité de Westphalie, les


plix -
n'avaient été que des trèves, trop uisémelrt violées par les con-
tractants. Â partir de cette époquc, les peuples laisscnt à la diplo-
matie, plus souvcnt que par le pirssé, le soin de régler leurs litiges.
Au xvure siècle aussi, des ambassadeurs commencent, à s'installer à
demeure auprès des cours, ou souvent, par exenple, ils jouetrt,
comme le dit Wicfort, lc rôle cl'cspions honorables. C'est vers le
milieu du xyu" siècle cncore que pirraif le remarquable ouvrage de
Hugo Grotius, dc Delft, intitulé z Droit tle Iu paiæ et de Ia guerre, pùr
lequel sont enfin détcl'minées les premières règles du droft interna-
tional.
L'antiquité n'avait pu conccvoir lc droit dcs getrs : trop étroite
chez les anciens, I'idée de patric élevait, entre eux et l'étranger une
banière infranchissable (9). Au moyen âge, les croyants, dans lcs
pays de doctrine chrétienne, rejetaient de même les inlidèles et les
hérétiqucs hors du droit et de I'humanité. Grotius s'attaclie à étal-rlir
scientiliquement, la supériorité du droit, sur la force dans les relir-
lions intemationales comme dans les lappor.ts privés.
L'influence de I'idéal tracé par Grotius sera considérable.
Néanmoins, les effels pratiques De s'en aflirmelt pas immédiirte-

({) HÉnr,ux, p. 498, II.


(9)Yoir z Histoiïe de la ciuilisatron, par or CnozÀLs, page 409.
ti l2 IIIST'OIRE DtsS BELG}'S ET DE LEUR CIYILIS,\'TION

lncrl[. Toute placc prise d'assaut, trontinue à être pillée ct slrccagôc


;ral lt:s vrrirrqucurs. Il cst pcrmis c[ lcnu pour ]rabile de dévastcr.
toute uuc contr'ée cn vue d'affanrcr I'ennerni. Toujours lcs soklats
vivent lrux dôpcns du pa-r's occupé I lorsqu'on nc satisfirit pas aussil.ôt
à lcurs exigcnccs, ils nialtrnitent,tortuler[ ou tuent,arec uDe certi-
tude rl'inrpulitû à pou prirs entièr'c, lcs hommcs validcs, les vieil-
lrrcls, les fcnrmcs ct les cnfanls.
l,a gucrlc csl,, l la lottrc, un pilllgc organisé, cn rlêmc temps
{1u'une véritirble ltouchelie rlcs gcns inoffcnsifs ct sans défcnse. Âu
(rorrrs d'nrrscilmpilgno, lcs villagcs rlc la contrôe qui cn cst le théirùr'c
sont lc plus souvcnt détruits, Iculs habitluts dispersés ou massacr'és.
lin temps cle guerlc, les souvclairts accolclelt, flcilcnrcnt ù dcs
rnarirrs détcrurinés rles lctlres tlenrurque pour failc la chiisse (la
c.o&r.se, d'où le terme corsai,re) aux tirisseàux cllllemis. 0n chcrchc
pal la i\ r'uiner le cortttttcrcc ct I'intlLrstric tlc I'adversaire.
Droit public.
- Tribunaux. - L'autoritc de nos inst,itutions jurli-
ciaires esI entièrement nréconnuc 0u leur csplit faussé sous le gouycr-
nelneut des rois d'Bspagne. L'établisscrncnt du Conseil tles Troublcs
ct sa procôdurc aussi cruclle c1u'arbitririlc donucnt unc idéc de ll
flçon dont la justice se rcnclit cn llelgique pendant cette clrllmiteuse
périodc de notrc hisl,oile. De {550 à 1576, I'inquisttion pnpalc [onc.
tionle cn Dclgiquc. Àprr,\s la Pirciflcatiorr dc Gaud, ks inquisiteurs
apostoliqucs disparaisscnt ct lcs placards cesscut rl'ôtrc alipliqués.
linlin I'ZTit perltë,tu,el dc {01{ r'établit quclques règlcs ct cer.taiucs
garirnties dc justicc dans lcs tribnnrux.
Procès de sorcellerie.
- I{orrs at'ons lu naîtrc, sous les alclriclucs,
nouvellc catégolie rle dclits. Un grand rrorrrbr.c de pcrsounes sont
runc
accusées d'cntretenir comnrercc [rycc lc diallle. Dc lir, les procès cn
solcellcric. Sous I'action de la tortul'c ou par I'cffe[ dc r,ôr'cs et
d'hallucirrations, tlucs palfois à I'irbsorption de ccrtlines substances;
tlcs accusis, ôvidentment innoccnts, avouent cles crimcs qu'ils n'ont
pu commcttrc, conrme d'ilr'oir fait, un pactc avec le diirblc, de s'ôtr.e
r'enclus au sirbllat à travcrs les airs, r\ cheval sut ull rnanchc à balai I
0n chrrgc tles experts cn tlémonologic de lecherclicr sur le corps
rlcs suspects, la traee de ll gliffe clénroniaquc. cct[c tlace lccon-
nue (l).la tolturc se chrrgc d'alnchcr aux pr'étenclus sorcicr.s lcs plus

({)
-L'h1'pnotisme, la suggestion mentale expliquent actuellement tous lcs
faits dc sorcellet'ie, y compris les surfaces insônsibles, tenues autr.efois pour
stigmates tlu rJémon.
TEltrps rrrsÏOnrouEs. pÉnr0DlJ ESPAGN0LE 613
-
incroyables aveux. Douter dc la sorrrelleric est tenu pour un grave
intlicc de culpabilité. i\u sulplus, tout, le monde, res gens instr,uits
cor)u)lc les ignorants, fait, profcssion tle cr.oire à lir sorcellcr,ie et,
chacttn, on aime clu moins à lc pcnscr, professe clc.bonnc fcli ccttc
crolancc inepte (,1).

TITRE V

Institutions financiènes.
À l'époque espagnole, Ios principales sonrces tlc rcvcnus clu t,rtisol
pulilic sont: lo le tlontnitrc tle l'Ettt,. 2o lcs su,bsitles rctés; Bo lcs
Ioteries,dont le gouvern€metrt sc rr-rscn'c lc nionopolc (clles clonncrrt
aux porteuls des billets le droit dc pirrticipcr itu tiragc d'un gros
lot);{o le tlon des ollices, ù, fenne, en engagùr.e, ir, tente d(ftnitita;
)o l'a. confïscat'ion rles biens dc;s conclarnnés ou des cxilés (lc gou-
vernemen[ espagnol tirc dc cette source plusieurs centaincs de
millions); 6o lcs tlouanes, c'est-à-clire lcs dloits d'entrée et de sor,tic
sur les marchirntli-qes. Les états de diverses provinces, et en particrr
lier ceux du Brirbant,, s'opposcut avcc opinititrcté an prélèvcrnent
dc ccs droits, qu'ils tlouvent inconsl,itutioturels. L"l edif de 1659 lcs
étrblit tl'urtc firçon pernancntc ct cléûnitivc.
L'institution tl'une chanbre dcs comptes en Gueltlrc prr Philippe II,
crt 1559, polte à quatrc lc nonrbrc clc ccs utiles insti[utions. Les
autres chambres siègent à Lillc, Bruxelles et [,a llaye.
trlais lc gouvomemeut csl)itgnol nc lespectc pas plus lcs insti{,u-
tions fiscales dcs tsclges quc lcurs institutions politiqucs ou jutli-
ciaires. Il les traitc mômc avcc nroins cl'égtrds cllcore, craignant de
les voir devenir un puissant nroyen tlc résistrrnce passive. Aux
subsides librcment et périodiquerncnt votés, le tluc dillbc veut
suhstituer les impôts permanents du t/iriinre et du uingtième dcnier.
C'est transfonner en gouvomcmeut, altsolu le régime cle monar chie
tempéréc pratiqué jusqu'rlors par lcs souverains rJcs Pa.vs-Brs. Hrr
cffet,, le caractère perpétucl tlos nouvcirux irnpôts annule lc droit

(l) La croyance à la sorcellerie est d'ailleurs générale en Europe, à cette


époque, et les protestanls, avec autant de zùle et de couviction que les catho-
liques, torturent les sorciers, letrr. élèvent tles hùchers ou les nrettent à mort
de toute façon.
614 HrsroIRE DES RELGES ET DF: LEun cIvILIsÀTIoN

dcs états au refus dès subsides, le plus importrnt peut-être des


plivilèges inscrits daus les constitutions nationales.
A lrr'véril,é, le gouvelneur prétcrtd vouloir rendre I'impôt plus
équitable en le proportionnaut à h licltesse. Jusqu'à ce moment,
la Flaudre a toujours, à ellc seule, payé le lr.ers du montant total
tles sullsides et lc Brabant, le qu,art, tandis que la Hollandc u'en
p:rie qtr'nn dou,zième,le llainaut ct l'Ârtois tnoins encore. Drt outre,
une l'épartition des plus atùitraires occasionne de fréquentes et
lirgitimcs protestations. Le principe de h nouvellc assiette des
impôts peut donc êtrc défendu. Seulcment, le rluc tl'Albe rgit sans
droit : ce n'cst pls, commc il voudmit le faire croire, utt louablc
scntiment de justice qui I'inspit'e, mais I'espril, du despotisme le
plus autoritaire, et les Belges'tte s'y trompcnt pas.

TITRE VII
Institutions militaines.
Rerulement. Drns les guen'es offensives, les Belges ne doivent
-
pirs le servicc ntilitaire, par contte strictement obligatoire pour tous
drns les guerres défensives. Àu cas d'une gucue offensive, les
enrôlements sont tolonlait'cs, it ltrime, ct généralencttt ù uie.Etr
principe, lcs Bclgcs peut'ent seuls faire part,ie de I'armée natio-
nale. Cependant, sous lc régime espagnol, des armées étrangères
occupent sans interruption les villcs et les places inrportantes de
rrotre pays. Le système de recrutement, employé est l'entbau,chage.
Des employés peu scrupuleux, nornmés ru,coleu,t's, recherchent des
jeunes gens robustes, disposés ou non à s'eurôler. Ils leur vaDtent
les ayantages du rnéticr de soldat, souvent profitent du coup de tète
ou de I'ivresse d'urt jeurtc étourdi pour lui faire accepter des arrhes
sur la prime et signer un engàgcrnent dès lors irrér'ocable.
Les armées ainsi rccrutées constituent un ralnassis d'at'cntut'iers
dont la conduite en temps dc guerre laisse énormément, à désirer et
qui passcnt avec indifférence d'urt selvice i\ I'autre. Elles se llattent
par oliligation, par devoir dc métier, non par convictiou ou ptr
patriotismo. En temps de paix ou de trève, les soldats de deux artlécs
belligérantes sont pleins d'égitrds les uns pour lcs autres.
Grades et uniformes.
- Les grutles s'achèteut. Il faut êtrc de nais-
siulce noble pour devenil officicr.
l,'unilorme date du xvttt siècle.
TElttI)S IIISTORIQUIIS.
-
l'}ÉRIgDE 'ESpAGN6LE 6{5
Art des lortifications et des sièges. Tactique militaire, La grânde
et la longue portéc
-
puissancc cle I'artillcric fortt disparaitre des
fortifications les lrautes tours et les rempalts élevés. Aux angles
tles plaees, lcs bastions sc substituont aLlx tours. 0n adopte lcs
remparts bas, folmés cl'urrc escarpe, (talus au-dessus d'un fossé,
tlu côté rle la place) et d'une contre-esanrpe (descendant cn pente douce
t'eLs la c'lmpagne). Entre les deux, s'ouvrc un fossé profond. Ce sont
les forlificalions rasnnle.s, int'entdcs pal'Vaulttn. Ponr s'emparer d'une
ville assitlgée, on cl'euso, à distance, dcs tranchées se rapprochant
peu à peu tles remparts e0 dans lesquelles s'abritent les soldats.
Quancl I'arméc assiégcante sc croil, à suflisante proximité de la phce,
elle livre I'assaut. Entretemps, la ville esf écrirséc sous une grêlc
tle bombes qui anéantissent les maisons ct lcs édifices. Pour se
garantir des projectiles, les haliitauts se réfugient en cles casentates (l)
pratiquécs sous lcs remparts.
Les guerres s'ouvrent au printcmps, se suspcndenf en automne.
 l'approche de la m.auvaise saison, I'armée construit, pour s'abriter,
rles baraquenerrts oir elle prenrl ses qu,artiers d'lùter'.
Les guerrcs nc sont pas, comme aujourrl'ltui, des campagncs
f inr'âsion, mais des guerres dc sic\ge, lentcs par, suitc : ordinaire-
ment,, elles durertt plusicurs années. Les généraux ont pour grantl
principe laclique dc nc laisscr dcrrière eux aucune place folte, Rarc-
ment lcs batailles sont décisiles.
Armes. Dans I'infirrrterie, beaucoup de soldats sont poun'us d'unc
-
pique de clcux fois et dcmie la liauteur d'un hommQ; d'autres sont
armés de I'arquebuse, à laquelle, vers '1690, succède le rnousquet.
0rr me[ le feu i\ la poudre au mo]'cn d'uue mèche. Les grenadiers
lancent, p la main, au milieu.des mngs ennemis, des csBèces de
bombes allumécs, appelées grenacles. Yers le milieu du xvrr" siècle,
on rcmplace la mèche par la pierre à feu (d'où, cr'oit.on, le terme
fusil ç9,\, et I'on itvente la ba'ionnetle. À la mème époque, les Espa-
gnols irnaginent la. cartou,che et les Suédois la giberne.
Marine. A l'époque espagnole, on voit apparaître sur I'océan des
-
vaisseauxde haut bord, à r'oile carrée, mnnis decanons, 0n distingue
des vaisseaux à deux ct à trois ponts, à deux ct r\ trois rangécs dc
canons, superposées, urle'sul chaque pont.

({}Soulerrains voùtés, à l'épreuve du boulet et de la bombe.


(2) Du latin/ocus, foyer, en passant par I'italien/rrcile, fusil,
616 IIISTOINE DES RELGIiS ET DE LEI.JR CITILISATION

TITRB VII
Institutions de bienfaisance.

L'irrchirluc Albert, clésircux tle firirc disparaitrc les abus cotnnris


par lcs é[ablissements dc prr)ts lentrs par lcs Lontltards, irrtrodrriI
les monts-rle-piétô tlitrts lcs Pitys-Bits. Iln {618, il en étublit i
Bruxelles, r\rlyers, Gtutl, Cout'tt'iti, Totttttrti,llorts, Bruges,Nrrtttttt, ctc.
La mcndicité sér'it plus quc jarnris, étrtnt tlonnés les ntrlheurs rlu
lcmps. Une ordon]rirlcc tlc '1617 obligc cltrrltc eomnunc à cntrctenir
ceux dc ses hrhitrrnts dont lit nrisùr'c es[ notoire.0n instituc unc taxc
tles pauvrcs i\ laqucllc tout lc tuottdc cs[ soumis, chtcutt suivattt scs
luolclls. Du lcste, lcs fondirtions charitlbles nourellcs sont, pcu
nombreuscs pcnrlaut cc[tc pér'iotlc oir Ia fortunc puhliquc se tt'ouvc
si profondément ébmnlclc. Qurnt aux fortthtions cristatttcs, ellcs
passent génémlemcnt aux tulins tlu clcrgé.

TITRE VIII
sciences. - Philosoqïi"ir"ïrale. - Cnoyances

Sciences.
- Grircc à Il ntéthotlc tl'observation qui vient cle rtiiîtrc,
les progrers scicnt,iliques sont rapidcs au xvrc siècle c[ au xvrre. 0n
s'r-rccupc moins d'étudier cc rtru'ortt clit les artcicns, que de trottle r rhr
llouveùu. PaltoLrt, sauf cn Belgiqur:, on voiI sc foudcr dcs sociéLis
pour lir rcclrerclte c[ la propagritiort des conrtrissaltces.
A lir géométrie ôlémentlire, s'ajoutcnt h géoniétlic anrrlS'tirlue c[
lc calcul différentiel, sciences justyu'llols irtconrtues 0u ltoll coor-
dorrnécs. Gnlilfe (1561-{649) troulc ll
loi tle la chutc tles colps c[
corrst,r'uiIlc premim télescopc ('1609). *"ewtott ({642-1797) fixe
Ies lois dc lir pes'.trttcur et dc lir gravitation. 'I'orrtcelli irtvertte lc
brronrètre en {6/r3 cL Cornt;liu,.t t'{tlt Drcbltel, le tltctntontètrc, lit
nèmc annéc. Lc microseopc est imaginô par l'l)cossais Grttgory,en
,1663 (l). nlnriotte (1690-1684) clécouvrc, ert 1680, lir loi qui portc
sorl nonr. IJn plrSsiologic, l',\rtgltis Hurrcy découvrc ct tlicriI lit

('l) D'aucuns rapportent I'honneur dc cette invention à Jmrs.sarr, rJe llidtlel-


bourg.
TEIIPS IIISTONIOUES. I)IIRIODB ESPÀGNOLE 617
-
circulatiorr clu sang, vers 1600 (l). Hn 1650, Otto tle Guëricke, dc
Itrgdebourg, iuvcute h mrcltinc pncunltrtique, le manomètre et' la
pr.cnrir\re machinc électriquc. Vers Ii-t mÔme époquc, Pascal inagine ll
blouette. Les pompes datcnt irussi du xvtte siècle.
I\Iais la part dc ta Belgique thns lc mout'ement scientiliquc dc
I'éporluc cst psu inpoltante. Voici néanntoitts quelques nonts dc
sairnts belges qui ont, bLillé pcncliint l'époquc ospagrlolo'
Irun, Ifeht.onf, mÔclccin célèbre, lppclé lc père tle lru mélecine, voit

Vau Hehnont.

lc jour à Br.uxelles ([577.{644). Daus sr thérapeutique, il recoutt


sutltou[ à I'lr.vgiène. tl admct cepenclant I'ernploi de certaines paroles
cabalistiques, pal"ce qu'il les croît propres il agir efficacctnettt sur
I'intagination, par suito Sur le moral des malades. Certaines tle ses

(,1) Les archiducs, croyant les itlées de'Harvey.sur. la matière entachées


rl'liéiésie, font contester i'exactiturle de cette grande découverte.
6{8 HrsrorRr DES BEI.GEs ET DB LEUn crvrlrsÀTroN

cures sont si merveilleuses qu'on I'accuse de sorcellcrie et qu'on le


jette en prison. 0n lui doit la découver.te des gaz et en particulier
de I'acidc carbonique. Le médecin cour.traisien Palfijn, né vers 1650,
invente le forceps; on lui a récemment éler'é unc stal,ue.
Les jésuites llelges fournissent quclques mal,hématiciens de méritc.
Toutefois, la plupart des savants dc l'époque sont des Iai'cs.
comme, géuéralement, ils sont cn môme temps des amis dc ra liberté,
presque tous se voicnt obligés de prendle Ie chemin de I'exil.
sirnon stéuin, physicien ct, rnathématicien, naît à Bruges cn lJ4B et

Sirnou Stivirr.

meurt à Le1'de, cn llollantle, oir il s'cst exputr,ié. Lc prcnicr, tlit.or.r,


il appliquc I'usrge des flactions décinulcs ù toutcs les opérrtions tlc
I'aritlimétiquc usuelle. En ulgùbrc, il introduit, la notation des liuis-
sances par les exposants. 0n lui doit cncore la ilréorie clcs plirns
inclinés, celle du palallclogramme cles forces et la loi trc pression
des liquitles sur lcs parois des vascs. Enlin, il invente re chariot i\
voiles. Le mathématicien Arnould tle Lens va s'établir à llloscou.
Mercator (r,oir période précédente) s'enfuit à Duisbourg. Le métleein
ct botanis|e De Lobel (id.) cherche un asile cn Angreterre, oi.r il
delient nrétlecin de Jacques lr,. llan dar Spicgel, né à Bruxelles en
Tnrips HrsroRIQUBS. pÉnroDg ESpAGNoLE 619
-
1578, se réfugie à Padoue, oir il devient professeur d'auatomie et de
chirurgie. 0n lui at,tribue la compositiou des premiers lterbiers, qu'il
rppelle c\es jnrdins d'hiuu. DoLloens et de I'Ecluse, également forcés
dc s'cxprtlicr, occupent cles chaires à I'université de Leydc. Philippe
uun Langsberg, astrortome partisan dcs idées de Copernic, doit quifter
'.tussi I'inhospitalière Relgiquc i\ causc de ses tables astronomiques
qui, alirès sa molt, ont é[é en llsugc pendant de longues utttiées.
Philosophie et morale. Lir Rcuaissartce donne lieu i\ tln mouve
-
rncnl, philosophiquc des plus remarqualtles. Avec elle, commcnce
I't)re de la philosoplric expôrimentalc, b:rsée sur l'étude des sciences
et sur I'observatior^. Bocon, le père ile cette plrilosophie, écril,:
< l,'tiornme, serviteur et interprôte de la naturc, n'agit et tte cottr-
prend tlue dans Ia proportion cle scs découvel'l,es expérimerttales et
rationnelles sur les lois clc cette natur"e; ltors dc là, il ne sait et nc
peut, rien. > L'Anglais Hobbcs ({1i88-t680), sou disciple, r'estreint la
philosophie à la connaissance tlcs fail,s qui tontbent sous les sens ct
confine cllns Ia foi celle clc l'ûmc et de Dieu. Locke (l'632'170/t) arrunce
que l'âme doit r\ la sensrtion et à la r'éflcxion toutes ses idées. Le
Ilollanrlais Spinosa crée un s-t'stème paltir:ulicr: de panthéisme.
I)escnrtcs ({5f}6-{650) foncle lc cartésiattistlte, doctrinc idéaliste qui
r:omlral, les précédentes. D'ailleurs, la plupalt clcs penseurs de
l'é1iot1ue ospagnole sortt spiritualistes. Généralemcnt tnôme, les
tliscussions philosopbiqrrcs se cautontteuf sur le terrairt dCs dogntes
religicux, du cultc extériettr. ct de la liturgie.
Croyances religieuses. Après avoir fitit cltrelqucs progrès dans
notrc prys, les
-
tloctrincs protestautes en sottt violemuretrt cxtirpées.
Aussi la période espagnole marque't-elle, en Belgique, l'éltoqttc d'un
triomplic éclatant des doc[rines catholiques rornaines. C'est, à pcine
si, dans les temps qui suivent la restattration, le jansénisne y
jettc quelque trouble dus les espl'its. Ilrtcorc la controvelse reli-
gieuse sur la gr'âce et la prédestirtation, clui prend le nom de jansé'
nisme cle Jansénius({). évèque cl'Y'pres préoccupe-t-elle exclu'
-
,sivemcnt les classes lettrées; le clcrgé est
-
même t\ peu 1rrès le seul
à s'en émouvoir,
En opposition avec les jéstrites, les professeurs dc I'université de
Louvain prertnent une part irnportante à ces disputes théologiques.

({) Jansénius affirmait la doctrine de la prédestinatlon, c'est-à'dire, I'im-


possibilité du salut pour le chrétien si Dieu ne lui accorde la grâce par faveur
spécirle.
620 IIIST'OINE DT]S BELGES ET DE LEUR CIVILISÀ'TION

TITRI.] IX

Lettnes.

L'invcntiou dc I'imprinrer,ic fui, pour le progrès, un levicl cl'unc


incomprrablc puisslnce. Les ténèbues intcllectuclles où lc morrtlc
vivait, s'illumiuent, soutl'.rin; I'csprit, tl'indépcnchncc s'ér'eille, lcs
temps moclernes applllisseut.,lu xvrre sièclc, la lil,térature blillc'. e1
plusieurs contrées, clu plus rif écht. t,e sièclc dc Louis XlV, en
Frartcc, est, irussi le siècle tlcs'Vontlcl, rlc.s llooft, tlcs Ctrts, ctc., rlaus
les Plovinccs-Unies.
ll n'crr ost mlllreureLrsenellt prs dc rntimc chez nous. comnc nos
slvattts, lit pluplrt tle nos dclivitirts sc r,oient contraints de cherchcl
à l'étrirngcr, cn llollirrlrlc, erl ;lllenugne, en France, erl Itirlic, err
i\ngleter're ct jusqu'eu Russic, urte séculité que leur reftrsc la tyr.Lurnie
espagnolc. Tous ceus qui ont quelquc instruc{,ion, les littérateurs, lcs
instituteurs,lcs nrenrl-rres tles clrambres dcrl:étoliquc quittcnt le p'.r5's.
< Lr Hollirndc surtout, (lit i\[. Stéchcr, s'cnrichit, des épavcs de lrr
r'évolution bclgc. I')lle y girgnc rles mirrirrs; des soldats, dcrs ouvr,icrs,
des inrpr'inlelu's, des ar'l,istcs, cles slvrnts, tlcs tlréologiens, tlcs pré-
dicrteurs, tles méclecins, rlcs tliplomltcs, dcs poètcs, des profcs-
seuls. > Pirrnri les énrigrés, 0u citc lcs noms tlc prùs de dcux ccnt,
cirttluante littériiteurs. Ll seulc univcrsitô tlc Leyrlc cornplc virrgt
professculs rl'originc belgc.
Àu nombrc tlcs savlnts et des leLtrés qtri sc résigncnt ù I'exir,
citons : DanieL Heinsiu,s, tlo Gnnd, sumommé lc cyigne gdntois; Jeart
uut Zeuecote, lussi oliginirilc dc Gand (né cn .1596), qualifié do
prince tles poetes flanunLls (il professe a\ I'uuivcrsité d'Harderrvijk);
Altruhant. tle l)echer, tl'Anvers, pèrc tle Jérhnias tlc Dechcr, tr.ès hauI
placé drns le Prlnassc hollanrhris; lui irussi fuit I'intolérancc cspir-
gnole. L'historien illlvcrsois tr'-at lfektzn ({ii86.,16{.2t. qui vit long-
tenrps ir Londrcs, dans I'exil; cnfin I'ontlel, né à Cologuc en.l5BT,
*_ d'une frnrillc tl'unal.up[istes anvcrsois réfugiés cn ceLtc villc.
.ilfurnLa tle Suinte-Altlegontle, r'cçoit lc jour.i Bruxelles, en ,1548,
d'unc fanrille origiuirire dc slvoic (nrort a l.eydc cn lJgB). ll ccriI
ùvec ut)o égalc supér'iot'ité lc llanranrl ct, Ic fr:rnçlis c[ prllc sept
Iangues. son érudition est, immense. c'est l'écliviriu lc plus briilant,
lc penseur lc plus protbntl et lc plus convaincu, le polénristcrc prus
irrcisif tltr parti rér'olutionnrile. 0n I'l irppclé lc rrerlte de Ia Rérctw
TE,.\IIIS }IIS1'ORIQUI']S. I'IIIiIODI' ESPÀGNOLE 69I
-
/ion. Àussi lui a-t-on rttribué, t tolt pcut-être, la rédaction du
Comprotnis tlcs l{obles, crc sclnteut du jeu dc paunio pt-rul lir r'ér'olul,iort
rlu xyro sièclc, colllnc I'a quirlifiô lid. Quinet, ct ccllc dc h Pactf calion
dc Ganrl. Ses æuvrcs littémircs lcs plus lcmalqurblcs sont lc lltjau
l;orf tler Hcilige roonsclrc liul; (Ituchc dc la Saintc Itglisc lomrinc),
sirtirc lilulcutc contlc I'Eglisc, sous fomrc d'upolog^ie, ct, le Ihbleau
tlas tliffcrentls ut rnrtlicrc de raligiott, ouvragc iclculique au précéclcnt,
rnais lcfondu poul lcs lecteuls flauçris. llirrnix de S'.rintc-Âltlcgortde
cst surt,out puissaut par I'irouic. < Illitlrtix, dit l,)clgat'd Quinet, a été
lc 1rLécurseur de Yoltaire. ,r
Qucl éclat cc grrncl nonbre rl'hournrcs lcnarquubles tr'auraicnt-ils
lroint jetô sur leur patrie s'ils uvaicrtl pu continucr à I'habiter !
Juste Lipse (4547:{606), srvrnt philosophc, nô à Isquc, 1très dc
II'uxclles, cst I'uu des rares hontntcs cl'un rt'ai mérite qui iticttt pu
vivlc dirus lcs Pays-tsas tux tentps dc la r'éaction cspagnolc. D'ail-
leurs, il n'ôcrit guèr'e qu'en lrrtin. TrÈ's plécoce, dès l'âge de rteuf
irrrs, il coillpose clcs poèmcs. Au collège d'Âl,h ct pal la suitc cltcz
lcs jcsuitcs de Colognc, il étonue scs ruaîtres pilr sà profonde
intelligencc, son applicatiort tu tmt'ail cl, sa tnen'cilleuse mémoit'c.
D'abord secrétairc de Granvclle, il ilcvicnt plus tard professeur à
I'université tl'Iérta, où il se conyertiI au lul,hér'artisrttc.
, llcntré cn Bclgiquc, il ne talclc pas'.r érnigrcl cn llollande où il
cnscigne i\ I'université r'cifoluée rle Lp1'de. ll s'y fait calviniste.
Ilouze ans rpr'ès, il lcvieut ru cirtholicismc ci lcccptc uue chaire
à I'urtivelsitô de Louvairt. ll 1' obticut un succès ertraordirtaire.
Quirtre urille étudiants suilent scs cours iruxqucls les lrchiducs, qui
le protègent, lui font, uu jour I'ltouucur cl'irssister. 0n cloit déplorer
la profonde lclsatilil.é de son caltrcte\re. < Ilomme double, dit
Potr,in, changcant, ct l'echûnge:lnt dix fois de cultc, dc sccte, cle parti,
:.ru gré cle scs intérèts ct de ses tcrrcurs ct liuissaut prrr Iégitimcr les
pelsécutiorts >.
Challcs-Quint avait persécuié lcs cliambrcs de lhétorique,
Philippe II lcs supprime : << \'ous uc devez plus adrnettrc, cclit'il
a l'ér,êr1uc dc Gantl, cn {593, en façou quclconquc, dùtts rotre dio'
cèse, aucuns cxcrcices cle la tlicte lhéloliquc; aitts tertir la vive
main à ce qu'ils soieul, cnrpêchés. > Iirr cxécution dc cet ordrc, lc
cortscil de llandre publie un plirclrcl qui pt'ouortcc la supplcssiort dc
toutcs lcs chanrbres de rhétoliquc duts lo cornté. Utt nutre Ôdit cst
lancé lc 15 mai {601. contle lcs morillités, les firt'ccs, les roudeaux,
cl,les rrhunsons.
622 HtsrorRn DEs BELGES ET DE LEUrt cIvrLrsATroN

Âprès la restrruration espagnole, aucune production vigoureu*o no


sort plus de la plume des let,trés restés drruÈ le pays. La raison el est
siurple. Le génie d'unc langue suit invariablement les fluctuations de
la liberté et de la liclressc du peuple qui la parle. Ccpendant, ce
besoin d'écrire, qui possède les lettrés de tous les temps, donne
naissance à un nomllre prodigieux de cornpositions fantaisistes :
acros ticlæs, c hronogrun ulres, u,ns gr&fiunes, yers ntono sy llabrqræs, vers
riitrogrades, poésics dont tous les vers commencent par la rnclrnc
lettre, pièces dc vers formant des dessins (rtu,gte difficiles, bag:rtelles
difficiles ), comrnc par exemplc ulte poésie dont les vers sont disposés
de façon à laisser au centre un vidc en forme de calice, ou el)core
des compositions dont les lignes, lues dc droite i\ gauche ou de
gauchc à droite, de bas eu haut, ou de haut err bas constituent des
vers ({). Si à ces productions bizilrres on ajoute les légendes des
Quntre ftls Aynton, cle la fée Aféluine, dc I'loris de Blanche-fleu,r,
de Robert Ie Dtuble, etc., on âura, avec une idée tle Ia littératurc
de l'époque, celle de I'alourdissemcut des esprits.
Acta Sanclorunt,. La publicatiou de cet ouvrage, Ies ilctes
-
des Saints, fu[ crommencée à Anvers, en {.643, par les jésuitcs bollan-
distes, ainsi appelés de Jean Bolland, né à Julémont, dans la pro-
vince de Liége, à qui revient I'idée de I'cntreprise. Il en écrivi,t lcs
trois premiers volumes. Cctte æuvre d'érudition s'est coutinuéo
jusqu'à nos jours; elle reçoit, aujould'hui erlcorc, un subside cou-
sidérable du gouvernement belge. Plus dc 60 volurnes en ont déjà
paru. En s'irttachant à étudier lrr vie des srints d'une façon scieuti-
lique, ies bollandistes ont rendu de grands services i\ Iir chronologie
et à la géographie.
Censure et presse.
- 0n peut rapporter les débuts de la censure à
cet édit de Charles-Quint ( {524 ) par lequel il défend aux imprimeurs
et aux libraires d'imprimer ou de vendre des livres dont les mauus-
crits n'ont pas, au préalable, été approuvés par les autorités ecclé,
siastiques et civiles. Sous les archiducs, il sera nécessaire, avurf dê
s'établir en qualité d'imprimeur ou de librrire, d'obtenir d'abord
I'autorisation de l'évôque.
Le premier des journaux publiés en Europe semble avoir été un
journal belge. Il parait pour la première fois à Anvers, à l'époque

({) R. Cnllox. Àhgæ dificiles, brocbure, ltons, {88&. Punominsrs. f,c


Iive det tingularités, { vol. Dijon, l8!1. -
TEIITPS TIISTORIOUES. _ PÉRIODE ESPAGNOLE 693
des archiducs sous le nom ùe lVieu,we Ti.idingen,, Son fortdateur,
Abraham Verhoeven cn est à la fois le propriétaire et le rédacteur.
Les Nianuc Tijdingen se vendent deux sous. Elles vivront jusqu'en
1827, après avoir changé plusieurs fois de nom, << de sorte, dit
Alphonse Goovaarts, que la première gazette de I'Europe fut peut-être
aussi celle qui vécu[ le plus longtemps : 922 ans. > Elles s'appelaiertt
err dernier liev. Gazette uu,n Antuerpen. Le Cou,rri,er des Pays-Bas,
foudé en 1649, paraîtra à Bruxelles, sous différents noms, jusqu'en
4,794,Le nom de garette est venu de garctta, nom de la pièce dc
monnaie dont ou payait Ie journrl à Venise.

TITRE X
Enseignement.

Enseignement supérieur. En 1559, Philippe II fonde I'université


de Douai, en quelque sorte
- une succursalc de Louvain. Il interdit
ensuite aux Belges de suivre les cours des universités étrangères et
subordonne I'octroi des fonctions publiques à la cotldition d'avoir
fait en Belgique ses études univet'sitaires.
De cette époque date Ia ctéittion des séminaires épiscopaux.
Enseignement moyen. Sous les archiducs, I'enseigtlement moyen
-
est exclusivcment remis aux corporatiorts religieuses, aux augustins,
aux olatoriens, aux récollets et particulièrcment aux jésuites dont
I'ordre est reconnu cn Belgique et déclar'é persoune civile depuis t'584.
Enseignement primaire. Le synode cle lllorts, tenu en 1650, décide
-
l'institutiorr d'écoles dominicales. Ellcs s'ouvrent le dimanchc, après
les vôpres, et sont tenues par les curés des paroisses ou sous leur
clirection. Les parcnts sont astreints à y envoyer Ieurs enfants, et les
maitres, leurs domestiques. Quiconque enfreint ces dispositions
s'expose à ètre chassé de la localité qu'il habite.
Les ordonnanccs relatives à la fréquentation des écoles domini-
cales sortt encore sanctionnées par la plivation de secours pour les
pauyres et par les amendes iufligécs aux personnes non indigentes (l).

(I) Ces amendes, inlligées par I'autorité ecclêsiastique, sont perçUes par le
pouvoir civil.
6È{ Ills'IolRE DES I}ELGES DT DE LEUtt clvlllsÀTloN

L'objet principal des écoles dominicales tt'cst pas d'apprcndrc aux


cnlauts à lirc ou à Ôcrirc, mais de lcul'donncr I'instructiort religieuse.
0n rioit 1'cnscigner atant tout I'olaison clouiuicale, h salutatiott
a1gélique, le s.vrnbole des apôtres, lcs commattdemcttts de llieu ct
tle I'Bglise, cnlin la rnlrtièr'c de se confcsser ct de servir la messe.
Lcs plus glands s'y préparent à la prcniière contmuttion.
Quelques écoles primaires laiclu0s cncore cxistantcs sont soumises
à I'inspection tlcs ftoldlres dans lcs rilles, ou à Ia surYeillilnce des
cl'és dans les liaroisses rurales. Avaut d'ouvrit'une école scmblable,
l;s instituleuls doilcnl, obtcnir l'autorisatiott dc I'autor-ité ecclésirts-
tique ct prôtcr utl sermcllt tle sountission à I'Eglise rontaiue.
L'ignorance devient générale. Les tcnps d'lnarchie tte sout
jirmais favorrbles
-
i\ la prospérité dc I'cttseignement. D'ailleurs, le
sy'stème d'enseignentcnl, introcluit, par les rois d'Espagne, susceptil-rle
s:us tloute tle procurer aux populations une ccrtaine instruction
religieusc, ne pcut ôr'idcmmcut, suftire irux besoitts dc I'instruction
pr'ol)rcmcnt dite. Bierttôt I'igttoraucc devient désolailte cn uotrc
pl1's. Dans les classes inférieules dc ll socicté, particulièremettl,
daus les campagncs, seuls les jcuncs gens qui sc destineut à h
prùtrise appl'cnrlent encot'e à lire ct à écrire. Peu à peu ntème, lcs
populations cu viennent à teuir I'instruction tton sculctneut pour'
inutile, rnais pour dangereuse.

TITRE XI
Beaux-ants.

Architecture.-La période espagnole correspond à peu près,


cr ce qui coricerne I'art alchitectufal, à l'époque de la Renais-
srnce. On sait que I'imitatiou tle l'antique carâctérise surtout
cette époque artistique. On abandonne I'ogive pour reveuir lu
plein cintre, qu'on agr'émente r-l'une profusion d'ornements. Peu
de monuments civils nouveaux s'étlifient en Belgique pentlaut
la pér'iotle esprgnole. Citons pourtaut : le bcffroi de Mons, les
hôtels de ville tl'Ostende et tle l{al et les maisous de corporations
de la grande place, à Bruxelles. Mais il s'élève en notre pays un
grlurl uombre tle béguinages et d'ôglises, celles-ci dues pour la
plupart aux jésuites. Ces leJigieux ont uéc1 un stvle spôcial, tlit

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1.'. )lilguet. IIistoirc tlcs Ilclgcs.


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626 IIISToInE DES BELGES ET DE LEUII ctvlltsAl'toN

style jésuite (l), qui se tlistingue surtout pal Il richesse et


même par la surcharge de I'ornementation. Daus les églises
constluites d'après ce stvle, la tour est souvent placée à côté du
chæur. Quelquefois l'étlifice est surmonté d'uu dôme. Citons,
de ce type, I'église Saint-Loup, à Nrrmut'.
Uu grand nombre de maisons bourgeoises de l'époque, tlans
lesquelles on cornbine le style espagnol avec le style flarnantl,
revêtent, d'autre part, un certaiu cachet tl'originalité, palti-
culièrement en l'landle. Elles se caractérisettt essentiellemen[
pal'ull pignon dentelé servaut tle façrde.
Peinture. Saus doute notre pays est la ten'e plornise tles
-
alts. En effet, avec la plemièr'e alll'ol'e de paix, uue nouvelle
école de peintule surgit en Belgique. D'ailleuls, cornme le tlit
Macaulay, r les consétluences tl'un tnauvais gouvelnement ne
se tbnt sentir qu'apr'ès un certain nornbre d'années. Les talents
et ies vertus qu'engerrdre uue bonrte constituticru peuvent lui
survivre quelque terrps. l 0n voit, du leste, les Jrlus rnauvais
princes aimer les arts qui sont pal' eu:(-lnêrnes très plopres â
charmer leur existence et à tlonner tlu relief à leur règne.
La périotle gothique de la peinture veuait tle fiuir avec
Qu,inten Matsys.l,a renaissauce fllmrtnde commencc yers I550,
a\ec Pierre Coecke tl'Alost (1509-?), :i la fois peiltre, venier,
gràyeur, architecte et littérateul', poLlr firrir' ù sorr toul'vers 1680.
Otto Veniu,s (1558-1620) et Atlanr Vu,n. Noot (1,569-1641)
sont les continuateuls tle Pierrc Coccke et en môrue temps les
rnaîtres de I'incomparable Rubens, le chel'reconnlr de i'école
rrouvelle, dit le Ttrince. dcs peinh'es flumuntls. L'iulluence italienne
se fait vivement sentir thns les æuyres tle ces altistcs, qui,
tlans leur jeunesse, vont volontiels passer queklucs années en
Italie, afin de s'v pcrl'ectionner dans leut' art.

({) Parfois aussi nràc'rrier, a cause dc la part qui revient à Rubens dans sa
création.
TENPS IIISTONIQUES. PÉRIODE ESPT\GNOLD 697
-
Les artistes tle la Renaissance abantlounent les rt)gles tratli-
tionnelles d'une peinture de couventiou pour observer et suivre
de plus près la nature. L'école nouvelle cherche surtout à
obtenir la coruectiou et la vérité tlu dessin; I'expression vr:aie,

*?f

la justessc tlu geste et uu eract modclé des forrnes; la vigueur


du coloris, la graltleul' et la force tles conceptions.
Rultens naît à Àuvers (l)en juin 1577 et, dès 1598, est reçu
ii'anc-rnaîtle dans la giltle de S'-[,,uc,eu cet,te ville. C'est peut-être

('t) ll semble établi aujourtl'hui que le lieu de naissance de Rubens est


réellement Anvers.
628 HISTOIRE DES BELGES ET DE LEUR CIVILISÀI.ION

le peintre le plus extraordinaire qui ait jamais paru. Ses


æuvres sont innombrables. 0n conuaît de lui dix-huit cents
tableaux authentiques. II en aurait peint, tlit-on, plus de trois
mille. Beauconp ont des proportions énormes. PourRubens,l'ali
n'a ni semets ni tlifticultés. Il excelle dans tous les genres. Son
habileté de main est incomparable; son trait, ferme et srlr,
protluit du prernier coup I'effet attendu. Cepentlant il eut des
collabolateurs dans la composition de cette multitutle de tableaux
qu'on lui attribue. Mais ses élèves avaient si bien pris sa manière,
plusieurs travaillaient avec nn tel talent {uê, dans certains
tableaux, les hommes de rnétier ne distinguent pas toujours le
fhire du mallre de I'imitation.
Un chef-d'æuvre tle Rubens ,Ia Descettt;e de Croir,orne l'église
Notre-Dame d'Anvers. La ville natale deI'illustre peintrepossède
nne cincluantaine tle ses tableaux. Les plus grands se trouvent
au musée de Vienne.
Rubens ne se distingue pas seulement dans la peintur.e, mais
rnanifeste des aptitudes pour ainsidileuniverselles. La gr&uu?,e,
la sutlpttn'e,I'urclûtectu,re,le tentent tonr à tour. Très instruit
il parle écrit avec facilité plusieurs langues il s'occupe
-avec succèsetde -
littêrature et d'histoire. Plusieurs souverains
s'houorent de son amitié. A diverses reprises, les archiducs le
chargent tle missions diplomatiques ({ qu'il conduit âvec)
beaucoup tl'lutbileté et de prudence. II meurt le 30 mai {640.
Panni les peintres les plus remarquables de son école, nous
:
citerons Var Dyck ({599-1642), admirablement doué, qui
n'est guère inférieur à Rullens. Dès l'âge de quatorze ans, il
peint sans le conseil d'un maître et Rubens lui-même admire
des panneaux représentant les apôtres, exécutés par Van Dyck
:i l'âge de {.6 ans. 0n I'a surnommé Ie roi, des ltortraitistes.

(l)_tir^e à ce sujet : Histoire politique et diplomatique de p. p. Rubens,


par M. Glculno.
TEMPS HrST0Rr0UES. pÉRr0DE USPÀGN0LE 629
-
Teniers Ie Vieun (1582-{649) représente, avec un rare
honheur,les scèues de la vie flamantle, les intérieurs de cabaret,
les fètes de village, etc.
Teniers le Jeune (16t0-{694) excelle dans le même genre.

Vau D1'ck.

Sa facilité surpâsse même celle de Rubens. 1l lui suftit d'un seul


jour pour terrniner une bonne peinture. PIus d'urt millier de
tableaux restent tle lui, dlns lesqucls tout est de sa rnain. Ses
kerrnesses sont admirables.
François Snyders (1579-1657) réussit surtout dans la
peiuture des animaux. En beaucoup tle chasses de Ruberts, les
personrlages seuls sont du grand peintre : les arrimaux sont de
Snyders.
Jacques Jordaens complète avec Rubens, Van Dyck et Teniers
630 rusrolRE DES BELGES E't DE LEUR cIvILISATIoN

le Jeune, le quatuor des grands maîtres. Son talent ne le cètle


guère non plus à celui de RLrbens et même le dépasse, en

Teuiers (le jeune).

Il a le faire plus simple et plus naturel. Jordaens


certaines toiles.
aussi utilise beaucoup le concours de ses élèves et, comme
Rubens, laisse uu nombt'e prodigieux de tableaux.
Gaspard De Crayet({ 589-1 669), peintle d'histoire et portrai-
tiste, a été parfois compar'é à Van Dyck.
Nous pourrions étentlre longuement cette nomenclature.
'l'E.rrps tilsT0nlQUES. pÉntoDE ESI,ÀGNOLE 63{
Au xvnu siècle, le nombre fut légion tles peintres belges de
glantl nrérite.
Sculpture L'inflnence de Rubeus s'étend jusqu'à la
sculpture. rt Prr ses con'seils, par. ses productions, il imprima
à la statuaire un caractèr'e tout pal.ticulier. : celui de la beauté
pittolesque, c'est-à-tlire tle la fbrce, tle la grautleur, de la
fougue, tle la vie et du brio de la peinture , ({).
Arnould ou Arthu,s Quellin, né à Anver.s, I'un des plus
brillants sculpteur:s de son siècle, était fils du sculpteur liégeois
Erasme Qu,ellûr,. Luc Fuidherbe, de Malines (1617-{697), à
la fois statutire et architecte, fut un felveut disciple tle Ruben3.
François f)uquemort uatprit à Bruxelles en 1594 et mourut à
I.,ivoume en 1642. Il r'éussisslit rnerveilleusement les petits
bas-relief's en marbre, erl bronze et surtout eu ivoire. Les
Verbru,ggeru d'Àuvers, le père et ses deux fils, travaillaient le
bois et la pierre ayec un taleut tout à fait supér.ieur..
-Gravure. C'est ellcore à Ruberrs qu'il tturt attribuer I'appa-
-
rition tl'une uouvclle école tle gravure dflns laquelle brillent
Jordaens, Yan Dyck e[ Paul tlu Pont d'Anvers ({603-{658).
Voulant firire reprotluile ses toiles par la gravure, Rubens
passe, à tles altis[es capables, les tlessins exécutés par lui-
rnême ou sous sa direction, puis revoit avec soin les épreuves.
0n lui tloit quelques eaux-fortes.
Musique.
- Avec Rolantl tle Lattre, ruort en 1,594, cesse
ln primauté exercée par la Belgique dtns I'art musical. (Voir
pôr'iotle précétleute).

TITRE XII
Situation économique
Avant, la r'évolution du xvru siècle, la Belgique était, la contrée
la plus liclie du mondc. Ulle se lrouvc, après, r.uinée et dépcuplée.

(r) BnnruÉ i Atters métropole det arts. Tome I, page {66,


-
639 lrrsrotnn DES BBLcEs lir DE Lnrrn crvrltsÀTroN

Dès {586, il cxisl,e à Ânvers bon nombre de pcrsonnes, lu[rcfois


aisées, qui attcndent lluuit pour tllcr de porte cn poltc solliciter,
I'aurtiôrtc. C'est chose conllnul)e aussi d'y voir lcs pau\'lcs disputer
rux chicns des débris de victuailles ,contenus darrs lcs inrmoucliccs
déposés sur la voie pulllique.
{,ne solitude monre règne clans lcs lieux oir se pressait autrcfois
une foule active et animéc. Mi:me plusieurs unôcs après la trèr'c dc
douze ans, la ville d'Ânvgrs dcrneulc véritlblement déscr.te et stns
vic : 0n n'y rcncontre ni voitures, ni cavaliers. Pas un achcteur ne
franchit le seuil cles boLrtiqucs, ct jamais ving[ personnes r)e so
voient, en même temps, dans les rues les plus fr'équentécs. Itn {ti65,
I'arrir'ée cl'un navire chalgé de vins cause unc profondc scnsation.
C'est rru point que le mrgistrat \'â, en grande solennité, ofl'rir.au
capitaine une glosse r'écompense. A cettc époque, I'ancienne rnélro-
pole cornmerciale des Prys-Iirs ne lcnfemc plus que 54,000 habi-
tants.
La rnème solitude désolée règne claus toutes les aufres lilles cles
Pays-Bas espagnols. Un loytgeur cle l'époque prétend ayoir vu paitre
deux chcvaux dans I'une rles principtlcs lues dc Gand. A Bruxelles,
on olrtient pour4,000florins cles habitations qui se seraicnt autrefois
vendues 50,000.
L'agriculture, I'industlie, lc comlnerce' toutes ccs sourccs do'lir
prospérité d'un peuplc, sont anéanties. La ruine, la désolation, une
misère épouvantable pèsent sur les ctmpagrres. Dix fois elles ont cté
ravagées, la pluput des villagcs sont dépeuplés ou détruits. Les
terres, rcstécs sans culture, sont, à certain moment, offer.tes par
Philippc II à qui les veu[ prendre des cantons entiers, aban-
;
donués, demeurcnt cnfriche et, recèlent des bandcs de loups qui,
poussés par la faim, vont chercher unc proie jusqu'aux portes des
villes. Des troupes de mcndiants assicgent les couvents. et les yoya-
geurs assez hardis pour se risquer sur les routes se ,r'oient aussitôt,
détroussés par les voleurs de grand chemin.
Faute de travail c[ de sécurité,les indusl,riels ct ]cs artisans passenI
à l'étranger, surtout en Angleterre ct en Frallce, oir on leur promet
toutes sortes d'avantages. Âmstertlam offre 200 florins à tout tisse-
rarrd qui consent à s'y établir. Par des moyens analogucs, Colbert
attire à Abbeville les ouvriers belges capables de confectionner les
tapis et le linge damassô. C'est à des ouvricrs {lamands q(re la Francc
doi[ lcs célèbres tapisseries des Gobclins.
Dans les villes hollandaises, à lliclclelbourg, Roltcrdam et Amster-
TE}IPS HISI'ONIOUES. PÉNIODE ESP,IGNOLE 633
-
dani, des ntcs etttières sotlt peuplées de Flamands émigrés. Àussi
fabrique-t-Oll désormais eu Hollande et eu Zelande les draps, les
sôrges, les tupis, les yelours, les broderies d'or ct de soie' etc.'
monopolcs, autrefois, de I'inrlustric llelge. Seules, les dentelles de
Ilruxelles restent les plus rettomtnées ct lcs plus recherchées.
Notre commerce sui[ le même chernin que Dotre industrie.
Amstcrdam lecucille la succession d'Àuvers et, à sott tour, devient
le celtre conr-mercial de I'unit'crs. Les BClgeS u'ayattt plUS tli
grande voie pluviale li déboucltés, se voient réduits à consommer
eux.mèmes les produits de leurs indtrsl,ries et celles-ci tléchoienl
d'urle façon fouclroyrrnte. La situltiou financière du gouvernement
do'icnt ellc-môme absolutneut désastreusc. Un édit du 90 novem-
bre {596 anl}once que I'i1térêt de [i del,te ne sera plus payé. Ce
n'est pi plus ni moills que lù banqueroute du roi Philippe II, autrefois
si ricbe.
Quant aux Provinccs-lrnies, leur prosperitri grandit proportion'
nellement à notre misère. Elles deviennent pour I'Augleterre unc
rirale rcdoutable au point de vue commercial et même militaire. Leur
puissante marine oll ér'altte à 6000 le nornbre de leurs navires -
-
se signale par des découvertes géograplriques impot'tantes.
Les scienccs, les lettres et lcs beaux-ar[s y sort[ encouragés. Les
savallts, les ccrivaitls e[ les artistes nécrlandais inondent le moltde
cle leurs plotluctions. En outrc, la }lollande est tlésormais regardée
conlme Ia terre classique de la liberté. Tous les proscrits du despo-
tisme ou de I'intolérance y trouvent sécurité et protection. Bref les
Proviuges-Unies montent au premier rang des natiotis civilisées.
Ne négligeons pas cependant de frirc remarquer, ell ce qui con-
cerle la Belgique, que, dès le xvr'siècle, I'horticulture commence
à prcnrlre à Gand I'essof qui a fini par dortner i\ cette villc le prenier
rang dans Ie monde entier en ce genre de culture.
C'est aussi sous Ie gou\ærnement espagnol que le catral d'Osl,ende
à Gald est créé (1613-1669). 0n essaie rinsi de remplacer I'Escaut
fcrmé, par ulle sorte de {leuve intérieur artiliciel.
L'industrie drapière prencl de I'extertsiol à Verviers oir elle avait
été introcluitc tlès le xttc siècle. Au commencement du xwle' on
fabrique anuucllcment {7,000 pièces cle clrap dans lc tlistrict, itldus'
triel de cette ville. C'est à h tranquillité relative dont jouit la
principauté dc Liége et aussi à I'ubsence tle corporations et d'impôts
àe couso*mation qu'otl peut rapporter cette prospérité cxception'
llelle.
634 Hrst'otnu Dtss rlELGEs Bl DE LEUI clvltrsATtoN

TITRE XIII
Vie domestique, coutumes, meuFs.

Àucune classe sociale, il est facile de I'imaginer, lle voit augmen-


ter son bien-êtrc au cours dc la période espagnole, si tourmentée ct
si doulourcuse pour nos ancôtres. La nourriture, lc costume, le
mobilier, etc., subissent cepeudant quclques modifications. Mais ces
moditcal,ions sont presque cxclusivement le résultat de I'inlluence
étrangère.
l{ourriture. Le chocolat, le thé, le café sc vulgariseut. Il se fonde
-
des établissements spéciaux, dcs cafés, pour les déLriter, ce qui
excite la jalousie ct la colère des cabarctiers.
Vêtement. Lcs dimanches ct jours fériis, lcs hommes du pcuple
-
revêtent le justaucorlis cspèce d'habit court la culotte, les bas
de coton ou de laine
- -
la soie est r.éserr,ée aux liches les sbu-
- -
liers à boucles et le chapcau en forme de larnpiou. c'cst dans ce
costume qu'ils se rendent, à la mcsse le mul,in c[ qu'ils vont, I'après-
midi, jouer aux quilles ou fnirc lcur paltic de ealtes au cabaret. Lcs
aul,res jours, ils remplacent, le justrrucorps par la blouse de toite
bleue et les souliers à boucles par dcs sabols ou de gros souliers
fcrués. Âux orcilles, ils ont des anneaux d'or'.
Chcz les grands, s'est introduit I'usagc de sc raser la tète et de
substituer la pcrruque à la cherelurc naturcllc. Les nobles portent
Ja moustache et, au mcnton, h barbc coupéc cn pointe, habitude
adoptée par lcs ecclésiastiques cux-mêmes.
Les fcrnmes affectionuent beaucoup un r'êtemcnt cle soie noire, à
bords frangés, dont elles se couvrent la têtc et dans lequel elles se
drapent en disposant les plis avec art et coquctterie. c'es[ la failtc,
d'origine espagnole, qui sert également à la toilette et au négrigé.
Ce vêtemelt, à la fois commode et gracieux, s'est pcrpétué jusque
vers le rnilieu de ce siècle. La vogue aussi r,cste longtemps lidète au
munlelet, espèce de nrarrteau à capuchon, err clrap ou cn vclours
I'hiver, l'été, en toile ou cn coton teints.
Au xvuu siècle, les élégantes se collent sur le visage de peti[es
pièces de taffctas noil appelé es mouches. De vastes parasols, soutenus
par des pages, protègent lcur teint contre lcs ardeurs du soleil, trtais
ces parasols priniiûifs ne $o ferment pas.
Habitation. couverte tle grossc |aillc dc seigre, parfois de genêt,
-
TEmps rrtsr0RrQr;Es. pÉlrIODE tsSPÀGN0LE 635
-
I'liabitation du peuple est toujours fort modeste. Par contre, les
glands se font construire dc magniliques hôtcls err style ogival ter-
tiaire ou cn style renaissftltcc. Il tt',v a pas encore de sonrtctte aux
maisorts. Poul s'attnollcer, on frappo à I'aide d'uu marteau suspendu
ala porte cl'cnh'ée.
Mobilier. Clicz les gtands et clrcz lcs licltcs llourgeois, Ie
mobilier est le plus souvettt de chôrte sctrlpté; la vrissclle, de
métal ciselé. Le mobilier de I'artisûll, comme cclui du camprgnat'cl,
cst plus simple. Daus I'uniquc piÔce clont se colnpose ordinaircment
le rcz-de-cltausséc, on voit urte grande chcninée gantie d'utte
crémaillère, des chenèts et un tu[e dc fcr ou soufllet pour activer
le feu; dcs bancs de l-rojs, soulent fi-rés aux murs; quclquefois
dcs chaises de même mirtièrc; dc grarttles artnoircs cn cltètte; une
huche ou maie à pétrir le pain ; dcs lits tlissimulés cn des alcÔr'es
fernées par tles courtincrs tle serge; un dressoir, sur les rayol)s
duquel on rùttge la vaisselle (de faïcnce ou d'ôtaiu); rles cuillers
rlc bois ou d'étaiu, cles foulchettcs ert fer; utte boîtc i\ sel suspendue
i.ru murl ort{in, ulle quenouille ct, utt touet.

- Pour s'éclaircr, lc peuplc emploie la lampe


Eclairage. à huile
grasse dont la mèehe est faitc d'ctoupc. Les glands commencent, à
sc servir de bougies en cile d'abcille.
L'usrge tlu t'erle Sc I'épilncl. Qrt invcrtte les chitssis de l-rois qui, çà
ct la,, se substituertt aux grilles cle plomb losangées, en usagc jus-
qu'alols. Les gens richcs enrploietit volontiels dcs cat't'erux, grands
tlc six pouces, qui laisscnt nticux ptsscr la lumièr'e. llhis souvclt, la
tr,ansparcuce des vitrcs laisse à désirer. La pluplt't sottt cncore
teintées de vert ou de jaune.
russi l'établis
Postes et moyens de tronsport.
- Cctte époquc r-git
sement de postes régulièr'cs. Longterrrps, cc set'vice avait été fitit ltar
les mcssagers des univelsités qui poltaicttt en provirtcc les lettres
rles étudiants ct cn mÔtnc temps remplisslient I'oflice de cotnmis-
siounaires. C'Ôtait tr'ès insuflisant. Âu xvu' sièclc, orl sollge eufiu à
instituer, sur les grartdes voies cle communicaliotl, des court iers dont
le dépalt et I'alt'ir'éc s'cffcctuent à lieures fixcs diius les localités
importarttes. D'autt'es courriCt's remettertt aux prCmiers lù COI'l'es'
pondance locale i\ clcstination de l'étrangcr ct distribuent crtsuite
à domicile les lcttres qui vienueut d'artiycr ({). Les lourdes

(l) Ilistoire de la Poste aurlettes, par À. rle RothschiLl. Hachette, 1873.


636 ursrourE DES BELcEs ET DE LEuR ctvrLISArroN

diligences fout leur apparition et bientôt aussi les fiacres, lcs chai-
ses à porteurs, les chaises de postc et les carrosses, espèces cl'énor-
mes chars suspeudus, pcints et ornés de ghces.
Usages divers. L'usage de priser s'introduit dans la bonnc
-
société. L'homme du peuple fumc la pipc.

TITRE XIV

Gonsidénations génénales et vue d'ensemble,

La longue paix qui' sous Charles-Quint, r'ègne à I'intéricur de Ia


Belgique, I'exploitation des richcs mirres d'or de I'Amérique, les
immenses déboucliés offerts'.r nos produits par les vastes possessions
de ce prince, I'adnrirable crnphccmcnt géographique du pays et
particulièrcrnent d'Ânvers donnent, dans la première moitié du
xvr. siècle, une impulsion cxtraordinaire à notre industric et à notrc
cornrnerce. Une population cosmopolite nombreuse sc rcucontre ilux
Pays-Bas. Âussi Anvers nc tarde-t-il pas à devenir un foyer d'o[r les
idées des réfomiés se répandent dans tout le pa1's. Le rapide progrès
de ces idées cst d'ailleurs favolisé par les facilités de propagande
que procurc I'imprirnerie dans une contréc oùr tout le monde sait
Iire, même lcs liabitants des campagnes, eb oir il existe une multitude
de chambres dc rhétorique dont Ia plupart accueillent avec empres-
semcnt les doctrines réfolnristes. Tour à tour., les négociants, lcs
artisans, cnfin lleaucoup dc savants et dc lettrés se laisscnt gagnel.
aux idées religieuses nouvellcs.
Dès lors, une révolution politique, conséquence de la révolution
religieuse, devient immincnte. La rigueur avec laquelle Philippe II
applique les placards de Charles-Quint contre les protestants, la pro.
fonde antipal,hie qu'il inspirc aux Belges, ses despotiques procédés
de gouvernemeut et quelques autres causcs secondaires, en déter-
minent I'explosion. Le Contprotnis des Nobles est signé (1565).
Les stupides dévastrtions commises par quelques bandes d'icono-
clastes servent r\ Philippc II de prétexte pour envoyer le duc d'Âlbe
en Belgique. L'admiuistratiou brul,ale de ee demier précipite les
événements et la prise de La Brielle par les grleun donne le signll
d'une révolution depuis Iougtcmps faite dans les esprits (.1579).
TEIIPS HISTORIOUES. PÉRIODE ESPÀGNOLE 63?
-
Deux hommes d'une hautc vlleur, Gu,illau'med'Ornngect' Plûlippe
rle Marnin, se dlessen[ contre Philippc II, I'un, l'ârne et le bras,
I'lr.rh'e, le philosolthe ct l'écrivain de lit révolutiou.
Les efforts clu cluc tl';\lbc et dc Requesens échoucrtt, devant ceux
tlc ces deux ltornmes qui, clarts i'ltorreur univct'selle inspirée par la
t'ulie esplgnole,,réussisscnt i.\ fairc signcr aux Belges h celèbre Pacf,'
ficatiotz Llc Gund ({576), r'cntrlquable mais infructueux cssai cle con-
r:ililtion cntre lcs provinces du nord ct ccilcs du sud, sur le terraiu
de h liberté dc conscience.
Ullc est signée a la fois par dcs rnembres rlu clcrgé, par des nobles
et par des bourgeois. Que lcs clauses sn soietrt loyalcmen[ obser-
vôes et la paix religieuse se tlouvera r'él,ablie diitts le pirys, I'uniou
clcs provirces assutée, Iir dorrinatiou étrangère à jarriiris anéantie.
Les prétentions exagéreles clcs intransigeartts des deux partis
curpôchent tout rapprochemen[ clurablc entre les cleux ft'actions
niltiorulcs. Les tcrnps dc ll tolclt'tnce ne sout pts venus; cliacun
réclarlc pour soi, au point cle vue religieux, ule libcrté qu'il n'est
pas disposé à accorder à autlui.
L'Etlit Tterpttuel, signé à lllarche en Famentte ({577), ne contiettt
plus la clause de h Pacification dc Gand relatire à la liberté de corr-
scieuce. Il jette entre les provinces des Pays-Bits, momentatténtent
rrpprocliées par la Pacification, un fct'ment cle discorde qui permet à
l'étrauger de réaliser I'lissen'issemeu[ politiclue des provinces du
midi.
Ilrr préselce de la défection des Itlalboutents, qui créent h Confé'
tlération d'Arras et déuoncent le principc de Ia liberté religieuse,
les provinces du notd, résolumertt attachées au nouveau culte,
se fédèrent par I'Lrnion d'Utrechf ('1579). Cette fois, la séparation est,
délinitive et bientôt toutes les plovinces qui composcut Ia Belgique
ructuellerentrcttI sous I'obéissallce du roi d'Esprgne.
Mais la dominal,ion espagnolc ne se retalllit que sur des ruines et
des cléserts. La pluptrt des riches négociants et cles artisans, cles
savants e[ des lettrés, eu urr ntot, toutes les forces vives de la
nation, émigrent ert Ânglcterrc, eu llclllande, etl Ftance, en Alle-
nlâgnc. lit tandis c1u'ils lont porter etl ces contrées dc puissants
élémelts de ricltesse, d'activité, tlc pt'ogrt\s, ils ltrissertt Ia Ilclgique
clésemparée, dépeupléc et, misér'able.
Par la suite, les clauscs fatalesdt traité de Mu,nster ({648) et, les
guerres de Lotds XIV consonlment I'anéantissement moral, intellec-
tucl et matériel du pa,vs. Âprès lir guerre dc .succession, nos pro-
638 lrrst'orRn DBs BELcES tr DE LEUR ctltLts,tltoN

vinces, nrutilées et sanglantes, sont clourrées à I'Autriche (truité de


Rastu,rlt, l7ll^).
Cent cinquanfe années de guerre civile ou éûrangère et tlc dictir-
ture militairc ont, plongé la Belgique dirns un état, rle somnolence
voisin de la rnolt. truel châtirnent, dc ses fautes, rrtl"iis grande lcçon
poul les peuples saus prévoyance, qui s'abandollent irux heures
solenrtelles de la vie uationtle.
Les grands faits cle la r'évolution du s'ru sièclenous permetteut, de
vérilier deux irnpoltantes lois histori([ncs, savoir : Lo L'lùstoire n'6t
qtuctiott et réuctiott. 2o Lu nntlérutiott lbrtifte une cuuset lu, ûalence
l,s, perd.
La Iutte entrcprise dans les Pays-llas par Philippe II contre
les libet'tés publitlues (actiorr), provo(lue le Contprontis des Nables
(réaction). La propagandc dcs réforrnés aboutit au virndalisme rles
iconoclastes (action) qui entraînc la ruinc dc lir conféclératiou et
I'envoi tlu cluc d'Âli.re (réaction ). L'atlninistration cruerlle et tyran-
nique de ce gou\rel'neur général pl'oro(lue une rér,olte oulerte dans
les Pays-llas (action ). Lu Pucilicutiart tle Gtntl réagit contrc l.a furie
espagnole. La ligue des Itfulcontents lepotrd à I'cxclusivisnre des calvi-
nistes gantois ; l'Union tl'Utrecht esû Iu cont,re-prr,tic rlc l.a Confe-
déralion d'Arrs,s. L'bistoire dc la rér,olntion clu xl'rc siècle n'est.
comme on le voit, qu,'uction etréuctiott,
La nrodération relative du goLrvcrnement autor,itaile de Charles-
Quint dans les Pays-Bas y mi"rintient ses sujets daus l'<-rbéissance ; le
Compronris des Nobtes etlt Paciftcation de GanLl, coltçus ct rédigés
dans un réritable espri[ dc modération, ernpoltenl ]l comrtunc
adhésiou dcs protestants et des crrtholiques; la douceur. avec
laquellc Fanrèse lr'aite les villes révoltées dolt il s'emprre, décide
les aut,r'es à la sournission. Prl conh,c, les pr,occdés despotiques et
excessils de Philippe IIdans ses états tlu uortl y cléchliuent une san-
glanûe rér'olutiou. Les excès des ieouoclastes déterminent lrr chutc
de la confédération. La litrie s^spngnole lnrèue I'union tles protestants
et des catholirlues par' l'a Pacifi.cutiort, tle Gewl. Lir tyraruric cles
calvinisles gantois explique I'abnudorr dc la cause nationalc pirl les
-trIalcantents. La moderutiott, lbrtilie ut.e cat$e ) kt, r,iolent:e lu
pertl.
Pcu de pclsourrages historirlues out donné lieu à des jugements
plus passionnés et plus contrldictoires quc Philippe II et le priuce
d'Orangc. Beirucoup d'historiens jugcnl Philippe II irr,cc une grandc
sévérité. D'autres ne traiteut pas le plince d'0r.angc alcc plus d'indul-
TEMPS IIISTONIOUES. _ PÉNIODB ESPAIINOLE 639
gence. Âvant de sc prononccr sur ces cleux hommes, il faudra faire
effort pour s'abstnire des temps actuels, pour se degager des pré-
ven[ions cle l'école religieuse ou philosophique r\ laquelle oD appar.
ticnt; on s'attachera ù pénét,rel les idées et, res mæurs tles temps oir
ccs pelsollnages ollt vécu. car le sentiruent public sur. ]es hommes
et les faits historiques veilie selol les époques âyec la civilisation et
lc caractèr'e parficulicr de ces épor1ucs.
640 }IISTOIRE DES BELGES BT DE LEUR CIVILISÀTION

CHAPITRE IX

{ /1,4-1794)
Période autrichienne ( 7

Ouvnages à consulten
ltnn praet..Essai sur I'histoire politique des delniers siècles. - Discailles t
Les Pays-Bas sous ltlarie-Thérèse. - Borgnet: Histoiredes Belgesà la {in du
xvre siècle. Histoire tle la révolution liégeoise. IIénau;r.'Histoire
-Id.: Poullet : Histoire politique iuletne - de la Belgique.
du pays de Liége. -
-
Aletanrlre: Histoire des origines, tlu rléveloppement et du rôle des ofliciers
fiscrux. Il, Hubet't ; Étnde sur la condition des protestants en Belgique, de
-
Clrarles-Quint à Joseplr ll. - Jtûes Frësort: La Justice criminelle dansl'ancien
pays de Liége,

Péniode autFichienne.
Empereurs d'Allemagne
Rois de France conlemPorains. contemporains.
LouisXIV '.'. -i'17{5 Charles VI... t 1140
LouisXY. '... i 4'17tt llarie-Thérèse . . . t {780
Louis XYI Joseph II .... t .r7e0
LéopoldII.... t+ r1e2
FrançoisIL... I

TITRE I
Géognaphie histonique

Sous la dominalion espagnole, le territoire des dix-sept provinces des


Pays-Bas, hériiïge de Philippe [[, est successivement réduit par I'union
d'Utrecht (1579), par le traité de lllunster 0648), par les différents traités que
Louis XIV nous impose, notamment par ceux des Pyrénées (1659) et de
Nimègue 067S). Lorsque, à la suite du congrès d'Utrecht (1713) et de la paix
TEMPS HISTORIQUES. pÉRI0DE ÀUTnICIIIBI{NE 641
-
de Rastadt 0714), les Pays-Bas espagnols passent àla maison d'Àutriche, Ieurs
limites sont à peu près réduites déjà à celles de la Belgique actuelle; ils ne
eomprennent, guilre en plus que les parties du Limbourg et du Luxembourg,
cédées à la Hollande en {839. Les neufprovinces suivantesles composent:
,lo Le duché de Brabant. (le marquisat d'Anvers y complis) ; 20 le duché de
Limboulg;30 Ie rluché de Luxembourg;4o le duché de Gueldre (folmé de
Ruremonde et de quelques villages) ; 50 Ie comté de Flandre ; 60 le conrté de
Hainaul ; 70 le marquisat de Namur ; Éto la ville de Malines el, son district ;
9o Tournai et la seigneurie de Tournai-Tournaisis.
Ces provinces composent un tout indivisible au poirtt de vue de I'hrirédité.
Néanmoins, chacune conserve ses institutions propres et continue à former
lrn état distinct de celui que forment les provinces voisines.

TITRE II
Les faits.

Gharles Vl. Le marquis de Prié. - L'empereur Chrrles VI ({)


con{ie le gouvernement de nos provinces à un général piémott-
tais, le rnarclLris tle Prié (1716-1795). Dans ses ftrnctions,
'f celui-ci tléploie les qualités d'un athninistrateur hlbile, mais
Ses allures cassantes lle tardent pas â indisposer colllre lni le
peuple et une pal'tie de la noblesse. Jaloux à I'extrêrne tle son
autorité, d'ailleurs peu scrupuleux et faisant argent des charges
civiles commc des dignités ecclésiastiques, il rappelle à nos
aieux, pàr Ses procédés rtdministratifs, le gouverllement tlu tlttc
d'Albe. tr II faut, dit-il un jour, en pàrlant des Belges, les
gOuvefner avec ulle volonté de fer et par la peur. D lit, darts
une autre circoust:tttce, il éclit : rt Ce peuple perdra ses pl'ivi-
lèges, ou ses privilèges le pertlront. rr
'[718, des tloubles assez graves, accoilI-
Anneessens.
- En
pagrrés tl'actes de pillage, éclateut à Bluxelles, oil lcs rtations
rlernantlent Ie rétablissernent tles privilèges qui lettl avliel)t étô
accordés par la charte ùe lt+2'/.,. Cittq doyens sont art'ètés,

({) Àrchiduc d'Autriche, roi rle Bohème et de Hongrie, enpereul d'Allemagner


V. llireuet. - Histoire des llelges. 4I
642 HrsrorRp DES rlErcES ET DE Lnutr clvrLIsATroN

panni lesquels François Ànneessens, ardoisier et fabricarrt de


chaises. c'était un homme de 59 ans, stutlieux, iustruit, à la
parole facile, par suite exerçant sur ses concitoyens une grande
iufluence. 0n I'accuse tl'être r le vér'itable chef et principal
fauteur des désordres. )) Anneessens plaide lui-même sa câuse

A uneesseus.

avec une haliileté rcmalqulblc ct la plus grantle élrer.gic. tr


Jc
rue suis pas coupablc, dit-il, ct je ue,ser.ais pas ici, si j'avais
accepté lcs 8,000 llor,ins qu'on m'otl'rait polll.pr.ôtcr uu scrment
contraile ii nos privilèges. l
Le gleffiel ayant lu aux accusés une sentcnce clui coutlarnnc
Auneessens à la molt e[ ses collègues à un exil de gg ar]s :
a Mon Dieu, s'écrie cclui-ci, par.dounez-lcur, ils ne sayerlt
ce
qrr'ils tbnt J r
Blessé de ce langage, un tles membres du tribunal lui dit
tl'un ton in'ité : rr songez que vous êtes devant vos juges. , -
TEMPS HIST0RIQUES. r'tsnroDD AUTRICHIENNE 643

tt Voilà mon jnge, riposte le condantné, motttrant le Christ


suspendu au-dessus du fauteuil du président. Il
sera aussi le
vôtre; je le prie de vous pardonner comme je vous pardoune. u
Suivant I'usage, on veut t1u'il dernande pardon à la justice, tout
au rnoins qu'il signe sa sentence : rr Jatnais ! r s'exclame-t-il.
Bnfin, c'est avec une adrnirable fermeté qu'il subit sou sort
sur la place de I'hôtel de ville tle Bruxelles, en ce même lieu
otr étaient morts ult siècle et demi auparavant les comtes
d'Egmont et de Hornes. D'un pied fenne, il
monte les mat'ches
de l'échafautl, et, puvenu sur la plate-forrne, il se tourne lers
Ia foule qui, rnorne et silencieuse, remplit la graude place :
tr Je meuls, s'écrie-t-il d'uue voix forte, pour avoir soutettu vos'
droits et vos privilèges, jurés et solertnellernent renouvelés par
vos souverains ; je meurs... )) Mais alors, un roulement de
tarnbours couvre la voix clu cortrageux patriote. Ne pouvant
faire entendre son dernier adieu, Anueessens ôte lui-même sa
robe de chambre et sa peruucJue, puis il tend froidement la tête
au bourreau qui la lui tlauche d'uu seul coup de son glaive
(17{9). l,a grande câLlse du peuple comptait uu tnartyr tle
plus (t).
La compagnie générale. Le narquis de Pr"ié, si justcrnent
-
détesté des Belges, crée cepertdant une institution de nature
à relever la prospérité industlielle et commerciale du pays.
Sous son impulsion, une société se fonde à Anvers et 1722
sous le nom tle compngnie qé,nérale. Elle a pour but
tl'ouvlir un comnrerce direct flvec les côtes de I'Afrique, de
I'Amér'ique, dc I'Intle et de la Chirte. Cette entreprise excite uË t*
vif enthousiasrne : en tleux jours, un capital de six millions de ''
florins se trouve r'éuni pour la soutenir'. La noblesse elle-même
prentl part ri la souscription. Drisorrnais, uu certain lombre de *ç

({) 0n a, dcpuis quelques anuécs, ôler'é une stalue à Ànneessens sur l'une
des places putrliques tle Bruxelles.
644 Hrsrornr DEs BErcRs ET DE LEuR crvrLrsAlroN

grands navires parteut annuellement d'Ostende pour se rendle


tlans les contrées citées plus haut et leurs voyâges ont les meil-

- leurs résultats. Les heureux débuts de la compagnie font


concevoil aux Belges les plus riantes espérances, mais ils
inquiètent I'Angleterre et les Provinces-Unies qui for.cent
vI à Ia suspendre, en { 797. sa suppression, consommée
charles
en 1733, est la mort tléfinitivc de uotre cornmerce maritirne.
Bn 176{, les arrivrgcs,pâl' les canaux intérieurs, ne dépassent
pas le chiffr'e de trois ou qnatre navires.
La Pragmltique-sanction.
- charles vI sacrifie en c:ette cir-
constance les intérêts tle Ia Belgique à ses intérêts de famille.
. Il n'avait pas de fils. Très désileux de laisser ses états à sa tillc
Marie-Thérèse, il renrplace I'arrcienne constitu tion inrpériale par
une charte nouvelle qui modifie I'ordre de succession au trône.
Aux tennes de cettc charte, les femmes devienuent aptes ii
gouverller et les eDfants des souverains lenr succèdent désor-
mais tlans I'ortlre de priurogénitule. Cet,acte célôbre, counu
sous le nom de Pragmatique-Sanctiott, reçoit I'acquiescement
des puissances européenues. Il n'en devait pas être plus respecté.
c'est cepentlant le vif désir tl'obtenir I'adhésion de l'Àngleterre
et des Provinces-unies qui tlétermine I'enpereur i supprimer
Ia compagnie générale.
Marie-Thérèse (t740-1780).
- lhlic-Thérôse pussédait les plus rarcs
qualités de I'csplit ct du cæur. c'était en outre. dans sir jeuncsse, unc
persorrllc d'utteglatttle bcriutô. trtais elle s'cfforca d'acquér,ir u1 néritc
plus solide eu s'rppliquant avcc ardeur ir l'c.tude. Bientôt elle eut
'une instruction des plus ôtcnclues. Ses connirissances devilrent sur-
tout remarquablcs cn his[oire, cn géograpliie,en rressin.De plus, ellc
parlail et écliviriI avec froilité, I'lllenrrnd, kr horgr,ois, le lutin, lc
français., I'italien c[ I'ospr.iguol. Dans ses discours, cl]e niontrait,
autant d'esprit que dc pluclence, e[ le char.rne dc sa conver.satjûrr
étaiû encore rugnenté pirr un tirnbre de voix sétjuisant.

Guerre de la succession d'Autriche.


- A peine son père
a-t-il expirû que, rnalgrô I'univer.selle approbltion donnée à Ia

'iF
I

TEITPS rrrsToRrQUES. pÉRr0DE AUTnTCHTENNE 645


-
Pragmatique, la jeune impératrice voit les plus puissants son-
verains de I'Europe s'urrir contre elle pour lui enlever son héri-
tage. Tandis que le roi de Prusse, Frédéric II,
envahit la
Silésie, l'électeur de Bavière pénètre en Bohême et se fait cou-
l'onnel' empereur à Prague. En cette difiicile circonstance,
Marie-Thérèse montre des talents et un courage supérieurs à ce
qu'ou pouvait attendre d'une personne de son serie.
Cependant, elle n'a ni argent ni armée. Dans I'extrémité oir
elle se trouve, elle se rentl à Presbourg, en Hongrie. Lâ, en
présence tl'une imrnense multitude, elle revêt la robe et pose
sur sa tête la courollne tle saint Etienne (l|.). Tirant alors du
fourreau l'épée de ses aïeux, elle I'agite tour à tour, eu signe de
défi à ses ennemis, vers le nortl et le midi, vers I'orient et
I'occident. Puis, s'étant fait contluire à I'assemblée tles députés
de Hongrie, elle prend entre ses bras son fils, à peiue âgé de
six mois : rt Nobles et fidèles chevaliers, dit-elle, abandonuée
tle mes amis, persécutée par mes ennemis, attaquée par mes
plus proches pareuts, je n'ai d'autre refuge que votre courage et
votre fidélité. C'est de vous seuls, désorrnais, que la fille et le
petit-fils tle vos rois attendent leur salut. ))
Vivement érnus par ce touchant appel, les députés se lèvent
comme un seul homme, êt, tirant leurs épées, s'écrient :
< Mourons pour notre roi Marie-Thérèse ! rr
La nation hongroise s'ârme aussitôt tout entière et déploie
tflnt de vaillance sur les champs cle bataille que la plupart tles
provinces enlevées à la jeune et courageuse impératrice ne
tartlent pas â être replacées sous son autorité. .,;
Gonquête de ta Belgique par les Français (1745) et traité

(t) Cette couronne a été depuis près de neuf cents ans considérée comme le
palladium de la nalion hongroise, qui professe pour elle une vénération quasi
superstitieuse. Un Hongrois, llluslre par sa naissance et les services rendus à
sa patrie, disait un jour à ses compatrioles : <r Quand vous verriez la couronne
de Saint-Etienne porlée par un bæuf, vous devriez le reconnailre porr roi et
lui obéir. r

\,
tô46 rnsrolRn DBS BELGES ET DE LEUR cIvILISÀTIoN

traitée en pays tteutre, au


d'Aix.la.Chapelle (1748).
- D'abord
de cette guerre,la Belgique est envahie à son tonr
cgmmel)cement
par les Flançais, en l744.Apr'ès la victoire tle Fontenoi ({745),
ceux-ci occupent tt'ois atts ttotre PaYs, pentlant lesquels ils
I'épuiscnt tle taxes et de réquisitions de toute espèce. Le traité
d'Aixla-Chapelle (1748) nous reutl à I'Autriche et nous dispense
de payer désormais à la Hollantle Ie tribut que llous avait
imposé le traittt de la Barrière. En outre, il nous garantit la
jouissance tle uos anciens dloits et privilèges et supprime la
rente tle 1,250,000 florins à payer à la Hollantle.
Charles de Lorraine. Pour gouverller notre PâYs, ITIarie-
-
Thér.èse tlésigne son beau-frère, Chnrles tle Lorraine. Sans ètre
tloué tl'un esprit supérieur, ce prince avait du bon seus et ttu
grand désir de réparer les mattx tle la guelre. Grâce au secotlrs
tle plusieurs ministres habiles, Kaunitz, Cobenzl, Staltrernberg,
Neny, etc., il réolganise les services publics et bientôt se mani-
festent en Belgique quelques signes d'une prospérité renaissante.
Les Belges s'attachent à leur gouverneur-général dortt ils aiment
le calactèr.e ouvert et loVal. Àussi les vingt-cinq denrières années
de son gouvernement sont-elles considérées par eux comtne les
plus heureuses tlont ils aient joui depuis longternps.
Nos pères reportent sur Ia souvemine elle-nême, sul' Marie-
Thérèse, Ieur affection pour Charles tle Lorraine. C'est justice
d'ailleurs, car elle conseille ou autorise ur grantl nornbre de
réformes utiles aux Belges. Toutefois, elle sacrifierait volontiers
ses possessions tles Pays-Bas à tles intérèts moins éloigués, et,
à diverses reprises, elle plopose le partage tle nos provinces
aux grantles puissances limitrophes en échange tle certaines
compeusâtions territoriales tlont des contrées, plus rapprochées
de ses états principaux, feraient les fr"ais.
Réformes de lflarie-Thérèse. Mort de Marie-Thérèse et du
prince de Lorraine. Marie-Thérèse prend, ett . matière
ecclésiastique, I'initiative de réformes qui semblent préparer
TEIIPS HIS'TORIOUES. _ PÉRIODE AUTRIOHIENNE G41

celles tle son fils. Mais, plus prudeute ou plus habile, elle
s'attache plutôt à élutler, uon à changer formellement certaines
lois qni consâcrent des privilèges qu'elle tient pour abusifs.

Marie-Tlrérèse.

Les lois et les étlits de h


période espagnole coutre les
auteuls, imprimeurs et étliteurs d'ouvrages non approuvés pat'
I'autorité religieuse, n'avaieut pas été abrogés. Mais, tlès les
premiers temps tle la domination autrichienne, urvisible
reliïchement s'était introtluit sous ce râpport tlarts la sévér'ité
tles poursuites. Même les imprimeurs étlitaient souvent, en
seclet, des ouvrages français sur lesqrrels ils faisaient figurer
des noms d'imprimenls ficlifs ou étrangers, et I'autorité fermait
les yeux.
648 Hrsrolnu DEs DELGES ET DE LEUR crvrlrsÀTroN

En 1768, uu édit de Marie-Thérèse, qui avait subi I'influence


tle la philosophie française, pennet a à ceux de la religion
réformée résidant dans les Pays-Bas, de disposer tle leurs
biens par testament. u
L'impératrice rétablit Ia défense tle publier les bulles tlu pape
sans I'rrutorisation du souverain. Une bulledu pape ClémentXIY
avait prononcé la suppression la de compagnie de Jésus : Marie-
Thérèse force les religieux de cet ordre à quitter ses états ;
toutefois, à t'egret, paraît-il.

Blle apporte cles entraves à I'cxtension des biens cle mainmorfe,


prenant dcs mesures propres à diminuer le nombre des rcligicux'et
celui dcs corporalions. Aucun don ou legs ne peut plus ètre fait aux
monas[ères, couvents, églises, hôpitaux sûns I'trutorisation de
I'aul,orité civilc.
Défense est également faite aux noviccs de prononcer leurs væux
avant I'irge de vingt-cinq ans. Enlin, I'impératrice ordonne de con-
sacrer une partic des revenus monastiques à des travaux d'utilité
publique.
Itarie-Thérèse enlève encore au clergé: {o I'immurritô en matière
d'irnpôt ; 2, le droit, jusque-là reconnu aux abbés, de prélet'er, lors
de leur intronisat,ion, une taxe de L0 olo sur les Levenus de leurs
vassrux; 3o celui de taxer lcs pauvres ii I'occasion des baptômes et
tles enterrements; 4o le droit dc tenir seuls les rcgistres de l'état-
civil. Les curés sont astreints à soumettre annuellcment, ces registres
à I'inspection de I'autorité judiciaire, et, en outre, à lcs tenir en
double, d'après certaines règles; 5o le pouvoir d'imposer des péni-
tenccs publiques; 6o le droit d'assister à la rédaction des testa-
meuts ; 70 eufin le droiI d'asile'dans les églises.
Quant à ses efforts pour réformer les institutions judiciaires oir
règnent cepcndant une cortfusion et un désordre inouïs, ils échouent
complètement.
Marie-Thérèse et le prinee de Lorrainc meurent la mème anuée,
tous deux sincèrement regrettés des Belges (t780).
Joseph ll (1780-1790).
- Au siècle dernier, l'état politique, lntel-
lectuel et moral des peuples européens laissait beaucoup à désirer.
Sous I'action des écrivains philosophes et spécialement des ency-
clopédistes français, se manifeste de toutes parts un mouvement
, lEilTPS HISTORIOUES. _ PÉNIODE AUTRICiIIENNE 649
de plus en plus accentué en faveur des réformes nécessaires. Peu à
pcu, lcs îdées nouvelles gagnent les classes éler'ées de la société
ct jusqu'aux souverains eux-mèmes.
Mris une opinion emonée est alors répattdue, i\ savoir que tous

fu:t7

.\
ù-
\

I
Joselir Il.

lcs hotntucs lrcuvent, Ù[t'e l-rlusrluemettt itutcués à pcnscr ct à scntir


tlc lir mônrc rnrniirrc; qu'il est, possililc tlc les sourncttlc a I'ilctiort
cle lois nouvclles sirns les y rvoil progrcssivctiu'ttt pr'éplrr'és ; cn
solrme, t1u'il dtipcnd des gouyernentents dc façonner les pcuplcs it
leur gré, sans tcnir compte cle lcurs ilstitutions, tli de leut's næurs.
Cette opinion fu[ lrr grande el'reur dcs révolutionnaires français.
Il faut y voir I'une dcs ctuses qui devaient bientÔt rne[[,re leur æuvrc
650 [rslorRr DEs BELGES E'r DE IEUR crvrlrsanoN

en péril et retarder si longtemps I'entière réalisrtion de leurs idées


les plus justes, les plus génér'euses. C'est à elle aussi qu'il convient
de fairc remonter la responsabilité de fant de mesuros hâtives, pr,éci.
pitées ou violentes, prises pendant, la Révolution, au mépris d'habi-
tudes et de préjugés séculaires.
De leur côté. les souveraius acquis aux itlées nouvelles prétendent
introduire d'autorité dans leurs états les réformes qu'ils rêven[ (l).
Habitués à voir leurs désirs satisfaits presque aussitôt qu'exprinrés,
ils croient n'avoir qu'à commander pour triursforrner la société.
Les souvcrains philosophes prétendent u,rrach,er leurs peu,Ttles ù, la
barbarie,,faire régncr les luttières, fonder u,n gouuernement ltusé, su,r la
raiton; tel est le langage de l'époque. Dc li\ le norn detlaspotisme
eckt'iré donné r\ la rnéthode gourernementalc acloptée par les princcs
réformateurs.
Joseph II fut Ic représentant le plus qualilié des souverains
philosophes. Son éducation, conliée à des maîtres imbus des prin-
cipes nouveaux, I'avaiI dégagé des idées tradil,ionnelles. Il tenait
de sa mère, d'ailleurs bien plus sage et plus prudentc, un esprit
enl,rcprenant, résolu ct novatenr. C'était donc un hornme de progrès,
au sens ou le mo[ s'entendait cle sou temps. ]Iais c'étai[ aussi un
tempérament ncrveux, impatient, et peut-ôtre avait-il, comme on I'a
dit, plus d'entêtement que de véritable fermeté.
Enfin, venu aux Pays-Bas pour s'y faire inaugurer, Joseph II
n'avait accordé qu'une attention supellicielle aux habitudes e[
aux mæurs de nos ancêtres; aussi ne soupçonnait-il pas leur profond
attachement à de vieux usagc$, tenus pour nuisibles ou ridicules
dans certaines sphères instruites,'ct, parlout, battus en brèche.
Si donc lnon tient compte de l'état intcllecl,ucl et moral des
Belges, on comprendra qu'un obsen'ateur attentif pouvait prévoir,
dès I'avènement de Joseph I[, les échecs politiques qui allaient,
signaler son règne et briser sa vie : l'organisrne social ne procétlant,
contrne ln nature, ni par sau,ts nipar bonLls, Iedéueloppement nornml
des sociétés doit se fairepar uoie d'ètohr,tion lente, non pur uoin, de réuo-
futions (2).
Introtluire I'harmonie clans les institutions politiques ct en faire

. (.t) Les changements politiques inryosés par les souverains prennent Ie nom
de ré:form.es. Ces mômes. changenents, rcfusës par eux eL obtenus de ftvce,
sont qualifiés de réaolution,
(9) toi historique formulée par l'école scienti{ique (Voir appendice).
TEMPS HIST'ORIOUES. PÉRIODE AUTRICHIENNE 651
-
disparaître les privilègcs ; substituer la règle à I'arbitraire, I'ordre
au chaos clans les institutions juricliques; réduile les privilèges du
clergé catholique et mettre sur le pied d'égalité les citoyens des
divcrs cultes; surtout fortilier le pouvoir souverain, tel est le
multiple but de Joseph II. Voyons comment il essaie de I'atteindre.
Joseph II ({780-{790 ) règne tl'abord de façon à gagner les sympa'
thies des Belges. Il déchirc lc traité de Ia Barrit)re en ordonrtant la
démolition rles forteresses occupées par les Hollandais : ainsi cès
derniers sont forcés d'évacuer le pays.
Il réclame ensuite la liberté de I'Bscaut. Un instant, orr peut le
cl'oire déeidé à aller jusqu'au bout pour olitenir satisfac[ion. llalheu'
reusemeut, il abandonne tout à coup ses légitimcs revetrdications
lnoyennaut pne sommC de six millions de florilis, clirns Un moment
où, à I'instar de sa môrre, il songe à trafiquer des Pays'Bas.
Edit de totérance (1780). Le tlaité de.Murrster avait
-
accordé aux protestants le droit tl'habiter les Pays-Bas crtho-
liques sans danger de s'y voir poursuivis pour cause de religion,
à condition de ne doluler aucult scândale. rr Un rescrit de
rr
Marie-Thérèse leur avait même rendu ( t 768 ) leurs d|oits
civils, tout eu maiutenant leur exclusion tles cOrpOl'ations et
fles emplois publics. A peile monté sur le trône, dès 1781,
Joseph II, porte le célèbre Edit de tolér'unce dont voici les
clauses essentielles :

a) Le libre exercice.privé tle leur eulte est permis à tous les sujets
de llempire non catholiquds, protestants,'grecs ou autres. Tous les
dissidents sortt autorisés à élever des temples, à la conditiott
de ne donuer à ces édifices âugulle âpparellce monumentale à
I'extérieur et cle n'y placer ni clochers, ni cloches, ni sonneries
en malière quclconque. |1)Dals h collatiou des emplois' onse
pléoccupera urliquemenl, de recherchel' les plus capables e[ les plus
dignes, sarts égard à la différetlce de rcligiort. Les protestants peu-
vent aspirel aux grades universitaires, faire paltie des corporations
d'industrie, acquérir le droii, de bourgeoisie, etc. c) l'lul ne peut ètre
forcé d'ussister aux cérémonies d'un culte, ni èlre poursuivi pour
eause de religion
un tel édit ne pouvait recevoir I'appr:obatio[ tlu clergé. Il
soulève même les protestdtions de certaines autorités civiles,
659 lrrsTornu DEs BELGES ET DE IEUR crvILrsATroN

en particulier celles du conseil provincial de justice de Ia Flan-


dre. Ce corps f:rit observer â I'empereur ( que partout ori l'on
est le maître de n'atlmettre qu'une religion, surtout la catho-
lique, il ne faut pas en appeler d'autre. l
Edits relatifs aux matières ecclésiastiques.
- D'autres édits
prraissent ensuite qui rangent le mariage parmi les contrats
civils et autolisent les maliag'es rnixtes ainsi que le divorce.
Les registres tle l'état civil sont enlevés au clergé et
confiés aux magistrats communaux. Joseph II renouvelle la
défense de publier les bulles pontificales et les mandements
épiscopaux avant tle les avoir soumis à I'approbation tlu pouvoir
civil. L'empereur supprime ensuite toutes Ies corpgrations reli-
gieuses tl'ordre purement contemplatif. Les seules maisons
conservées sont celles dont les membres se consacrent à I'en-
scignement on se dévouent au soin des malades, des vieillards
pâuvres et tles in{irrnes. Six à sept cents couvents disparais-
sent ainsi. Le produit de la vente de leurs biens est versé dans
nne caisse, dite caisse de religton., destinée à payer les dépenses
nécessaires à I'instruction des enfants pauvres.
Autres réformes dans I'ordre ecclésiastique. Afin, tlit-il,
-
tle maintcnir l'égalité de tous devant la mort, Joseph II ordonne
tle rentlre à tous les défunts les mêmes honneurs funèbres. Il
interdit ensuite les inhumations dans les églises et dans les
cimetières contigus aux églises. Cette mesure, tout hygiénique,
est mal reçue. En plusieurs endroits, le peuple attaque les cor-
tèges conduisaut les défunts aux ùouveaux champs des morts,
Mais le besoin inquiet de changement dont semble tourmenté
le jeune empereur parait finalement tourner à Ia manie. On Ie
voit réglementer le détail des choses de I'Eglise au point de
rrrériter l'épithète de roi sacristaùt que Iui tlonne Frédéric II. il
réforme la liturgie, fait composer ur tlouyeau catéehisme,
tléfend les processions, les pèlerinages, les jubilés, fusionne
toutes les confréries en uue seule qu'il décore tlu titre bizarre.de
TE}TPS HISTORIOUES. I'ÉRIODE ÀUTRICTIIENNA' 653
-
confrér'ie de I'atnlut' actif du ptt'ochain', modifie le costttme
religieux, vâ enfin jusqu'à déterminer le nombre de cierges à
blrller sur I'autel dans les tliverses cérémonies religieuses.
Création d'un séminaire général. -- Espér'ant faire dispa-
raÎtre I'esprit d'opposition qu'il rencoutre dans le clergé,
. Joseph II supprime les sérninaires tliocésains et les remplace
par ur séminaire uniqrie ôtabli à Louvain. La théologie ne peut
plus être enseignée qne dans cet établissement qui leç,oit le
nom de sénùnaire généraL. tt L'enseigttemeut dans les sémi-
nailes, écrit Joseph à ce sujet, manque d'élévation. 0r, il est
II
nécessaire de préparer des prêtres tlont I'instruction solide soit
une gat.antie pour lettrs futures ouailles. l Un pareil motif,
publiquement donné pour justifier la créltion nouvelle, et la
nornination, au séminaire général, de professeurs entièrement
dévoués aux idées du souverain achèvent d'indisposer le clergé
contre lui.
Essai de réformes administratives. L'organisation adrni-
-n'était plus en rapport
nistr.ative instituée par Challes-Quint
avec les besoius de l'époque. Elle était surtout fort cornpliquée.
Joseph II remplace les cottseils collatéraux par un conseil uni-
que dit Conseil général des Pays-Bas. Aux rlivisions historiques
du pays, il substitu e neuf cercles ou proviDces (l ) à la tête des-
quels il place ùes ùttendurtts. Il divise les cercles en tlisficts
admirristrés par des contnûssnires d'intendances. C'est, en
sornme, notre olganisation actuelle.
jutliciaire
Essai de réforme iudiciaire.
- L'organisation
tribunaux et tle lois dans lequel
formait un tlétlale confus de
les légistes eux-même.S ne se rctrouvaient pas. Voulant intro-
duire I'ordre et la clalté au seil) de cette confusion, Joseph II

({) Cercles de Bruxclles, d'Anvers (comprenant IIIalines), de G_and, de Bru-


gei,'de Tournai, de Mons, de Namur, tle Luxembourg et de Limbourg (y
compris la Gueldre).
654 Hrsrolnt DES ûELGES ET DE LEUn ctvILIsAt'IoN

abolit tous les tribunaux particuliers : ecclésiastiques, univer-


sitaires, plovinciaux, colnmuuaux, féodaux et corporatifs.
Une juridiction unique à trois degrés les remplace. Elle
comprend : Ies triblumur de première instu,nce, r'épartis daus
les principales villes des provinces; les tribunau,n d'appel, éla-
blis I'un à Bruxelles, I'autre à Luxembourg; ertlin un conseil
souuarain de reaisiorir, à Bruxeiles. Ici, encore, Joseph II devance
son temps et institue une orgauisation judiciaire peu différente
de la uôtre.
Essai infructueux de modilier certaines coutumes des Belges. Les
-
atteintes portées aux privilèges du clergé ainsi que les r'éformes
administratives e[ judiciaires avaient déjà mécontenté une partie du
pays. L'irritation s'accroît, lorsque le souveraitt a la malencontreuse
idée de rnodilier aussi certains usages locaux qui d'ailleurs occasiou-
ruaient de sér'ieux abus. C'est ainsi que voulan[ faire disparaître une
occasion de désordrcs multiples, il ordonne de célébrer le mênre
jour toutes les kermesses de village, les lixartt au deuxième
dimanche apr'ès Pâqucs. 0n s'empresse d'exploiter contre lui la
mauvaise impression produite sur le populaire par cette nor,rvelle
mesure, dont I'utilité discutable ne colnpense pas lc calactère
vexatoire. lllle contribuc peut-ètre plus à depopulariser le monaiquc
qu'aucun de ses préc.édents édits, dont la portée était, bien autre-
ment considérable.
Opposition au sein des états. - Un redoutable mouvement
d'opposition finit par se produile au sein des divers états.
Cenx tle Brabant et tle Hainaut refLrsent de voter les subsides :
Joseph II les dissout. Pareil acte de colèr'e est une faute uou-
velle, car le peuple belge s'est toujours montré extrêmement
jaloux tle ses privilèges. Les effets fâcheux de cette mesure,
prise, paraît-il, contre le sentipent de Joseph II, se manifestent
aussitôt dans le pays.
Révolution brabançonne. -- Des émeutes, accompagnées de
pillages, éclatent dans plusieurs villes. 0n se distingue en
pah'iotes et en figues (irnpériaux). Arborant la cocarde trico-
lore, les pr:emiers formeut des bataillons de volontaires. En
TEMPS I{ISTORIOUES. _ PÉRIODE AUTRICIIIEI{NE 655
même temps, uu comité d'insurrection se constitue â Bréda
parrni les Belges émigrés. Ce comité rassernble un corps de
troupes de trois à quatre mille hommes, qu'il place sous le
comnraudement tlu général Yan der Meersch, de Menin, vieil
officier intelligent et capable.
Van der Meersch s'avance jusqu'à Tunrhout, et, le 24 octo-
bre , occnpe cette ville. La plupart de ses soldats ne sont armés
que de bâtous, de fourches et tle faux. Cepeutlant tous se sen-
tent pleins de confiance et d'artleur.. Des prêtres et tles moiues
se joignent à eux : le crucifix à la main et le sabre au côté, ils
les encouragent à mourir, s'il le faut, pour la religion et pour
la patrie.
Bataille de Turnhout (1789). Inforrné de ce qui se passe, le
-
gouvel'nement autrichien envoie un nombleux corps d'atmée pour
repousscr les envirhisseul'$. Dépourvu dc canons,Van der Mcersch ne
pouvait songcr à combattrc ses advcrsaires en rase campagne. Il
r'ésolut de se fortifier dans Turnirout et d'y attendre leur attaque.
Tout, aussitôt, il fait construire dcs barlicades sur divers points de la
ville. A I'entrée des rues, on assujettit dc grosses poutres auprès
desquelles ou rcrverse des chariots, des charrettos, des voitures. 0rr
amortcelle sur le tout meublcs, tonneaux, fagots.
L'iittaque du général autrichien a lieu Ie 96 octobre. Il réussit
d'lbord à forcer quelques banicades et à pélétrer jusqu'au ceutr.e de
Ia ville. lllais les soldats de Virn dcr llecrsch, rctranchés dans les
maisons et secondés par les habitants, dirigent sur I'ennemi, par
. les fenêtres, Ies lucarnes, les soupiraux, unc grôle de balles, de
par'és et de projectiles de toutes sortes. Âprès cinq heures d'une
lutte acharnée et, sanglante, Ics Autrichiens sc retirent, abandounant
irux mains des patriotes cinq pièces de canon, d'abondantes rnuni-
tions et un certain nombre de prisonniers ({789). A la nouvelle de
l'important avantage remporté sur les irnpi.rimtn par les volontaires
de Van der trleelsclr, toutes lcs provinces se soulèr'ent et bienttrt les
Àutlichiens sont obligés de se retirer daus le Luxembourg.
'Réunion des
états généraux et proclamation de la république
(1790). Réunis à Bruxelles, en janvier {790, les états géné-
-
l'aux prordarnent I'iudépendance de la Belgique et décident
?

656 ttrsrolnu DEs BELGEs ET DE LEUR cIvILISATIoN

que celle-ci formera désormais la république des Etats-


Belgiques-Unis.
Mort de Joseph ll. II éprouve un si vif chagrin de
- Joseph
ces événemeuts qu'il eu tombe gravement malatle. II meurt peu
après, désespéré d'avoir vu ses bonnes intentiorts si mal appré-
ciées. n C'est votre pays qui m'a tué l disait-il à son lit de mort
au prince tle Ligne, un de nos e,ompatriotes.
loseph ll et la révolution brabançonne. Joseph II était
intelligent, instruit, d'uue honnêteté
-
rigoureuse et tl'une activité
extraordinaire. t Il se levait à cinq lteures, passait aussitôt
dans son cabinet oir il se mettait à dicter à ses secrétaires. Il y
travaillait jusqu'à midi. Après sa promenade, vers deux heures,
il mangeait seul et rapitlemertt, faisait un peu de musique, puis
se remettait au travail jusqu'à sept heures. Il allait au théâtre,
en rentrait vers onze heures, lisait les dépêches, puis se mettait
lu lit. Il ne buvait guère que de I'eau et couchait sur une pail-
Iasse de feuilles de rnaïs ayec uI) traversin en cuir et une pertr
de cerf ,, (1).
Joseph IIn'aimait pas le faste : l'étiquette et les hommages
lui pesaient. Le jour de son inauguration, il défend tl'illuminer'
la ville de Bluxelles et laisse inoccupé à Sainte-Gudule lc
trône préparé pour lui à cette occasion. Une religieuse s'étant
jetée à ses genoux, il la rclève eu lui disant : rr On ne se pros-
terne que devant Dieu l. Quelqu'un veul lui baisel la main :
n Ma main n'est pas une relique dit-il. l,
Les causes de l'échec essuvé par Joseph I[ sont multiples.
D'abord lcs esplits ue sout pas préparés, ett uotre pâys,
aux réfornres qu'il propose ;
ensuite, les abus existartts
profitent à un trop grand nombre de pelsouues influeutes.
Puis Joseph II, au lieu de sériel ses r'éfolmes et tle les
introcluire successivemettt, pr'étentl les loaliser toutes à la

'fl) Srrcnonos, Ilistoire de Ia Ciuilisatiort, tome lI, page ,443.


1'Ellps utsïonlouns. ptittloDn 6sT
- ^aln,.o,Jn.,
fbis. Une telle méthode devait rerttlre sa tâche bien diflicile,
sinou impossible. Mais le tort le plus grave de Joseph Il
est tle vouloir irnposer ses rétbrme$ sâlts I'assentiment préalable
dcs états. Il viole ainsi les constittitions natiottales et, d'avance,
légitime Ia révolution. Enfin, ses procédés tle gouveruement,
souvent inhabilcs, parfois brutaux, intlisposent vivemeut un
peuple très attaché à des coutttmes sôculaires.
Il est juste néaurnoitts tle reconnaître que les intentions tle
Joseph lI furent toujours tlroites, ses vues souvent excelleutes.
La plupart des innovatious qu'il tenta vainenreut ont été'inscrites
depiris tlaus la coustitutiou de tous les peuples civilisés et par'-
tout aujould'hui sont entt'ées tluns les tttættt's.
Mésintelligences entre les Belges. Partni les vainqreurs,
les uus
-
s'ss[ toutefois.le petit notnbre veulent, par cer-
- -
taines t'éfortnes, mettre les institutions du pâys en rapport avec
les itlées et les nécessités modernes. Ceux-là reconnaissent
poul chef I'avocat Vonck et sont désignês sotts le nom tle Vonc-
l;istes.Les autres, qui se raugent ii la suite de I'avocatVan der
Noot et du chanoine Yan Eupen, reulerlt le rnaintien des
ancienues institutiorts. IIs erttetldent mêrne faire disparaîtrc
jusqu'anx modestes réformes de i[arie-Thér'èse. En grande
rnajorité aux états, ils recoireu[ le notu de ,Sraristes.
Les Vonckistes. Leur système politique. Âu ttontbre des Vonckistes
-
se rangent le général Van der llleersch e t la pltrpart do ses ofiiciers;
puis les chcfs tlc quelques lrès grandes familles, tels que les ducs
d'Ursel, de Mrr.ck et d'Aremberg; enliu les hommes de loi et les
ll
comncrçaItts, c'est-à-dire la lioulgeoisie moycnile.
Dans un écrit rédigé au nom.de solt parti ct publié sous le titre dc
ConsirJfuations irnparliales, Yonck fonnulc les principales réformes
qu'il préconise. Il rnainticnt le s1'stème dcs /rols ordres, clans les états
généraUx cgmme dans les états provittciaux. Seulement, il y intro'
duif une plus équitable r'épartition des classes sociales. Lc clergé
sécttlirr concourt, avce le clcrgé régttlier,lr la représentation de l'état
primaire; dc milmc, tou,tela noblcssc prend part à l'élection del'état
nolrle, ct les rillcs rle sccond ordre tvec les uillages, particilp,qt'
V. Mirguet. - Histoire des Belges ,4?.

::{"',
t,
TEnps HrsroRroriEs. pÉRI0DE ÀUTRICHIENNE 659
-
comme les grandes uùllæ, à l'élection du tier"s état. Destirté à repré-
senter I'ordre de beaucoup le plus uombreux, celui-ci doît être
tledou,blé. Ainsi, un juste équilibre s'introrluit entre les trois ordres
dans la représenta[ion nationale.
Commc pouvoir exécutif, Yonck propose un conseil d'Elat de cinq
ntembres, dont rluatre r\ désigner par les leprésentants des trois
ordres, eT le cinquianei choisir parmi lcs membres du grand eonseil
de justice et par eux. Dès lors, le pouvoir législatif apparl,enant aux
états et le pouvoir judiciaire étartl, exclusivement réservé aux tribu-
ûaux, on aboutit à la sépalation des pouvoirs, principe rationnel,
universelleurent admis aujourd'hui.
Comme on le voit, tout en respectant les graudes lignes des insti-
tutions lationales traditionnelles le systèrne de Vonck lenaiI un juste
compte des idées modelnes.
Les Statistes. Leur système politique. Dirns ce par:ti, se rangent le
-
clergé, très influent sur les campagltitrds et sur le menu peuple des
villes, la plupart des nobles et les chefs patriciens des corporations.
Tous sentent leurs privilèges menacés par les voncliistes. Le systèmc
statiste comporte lo tm congrès, formé par les délégués des états ;J

provinciaux, siégerrnt en pel'manence, exeroant le pouvoir exécutif, .i-

décidant la paix ou la guerre, contraictant les alliances, envoyant les


rnrbassldeurs, battant rnonnaie, etc. ; 9o dcs ilols générauæ, se
r'éunissmt ù êpoques variables pour prononcer dans les contesta[ions
entre les proviuces ou dans les cluestions d'intérêt général; 3o des
etats prouincinun, Iégiférant et rdmiuistlant en toute liberl,é, sous
r'éserve de ne poiut porter atteinte aux décisions prises par les états
génêraux.
Querelles intestinos.
- Le clelgé prcnd ouvertement le parti des
Statistes. Dans son ntartdetnent de {79$ I'archevêque de }Ialittes
dénonce les partisans de Vonclt ( corltme les cnnemis de la religion
et de I'Etat. >
Aiusi tlaités en eurerilis publics, les Yonckistes sont obligés
de se cacher ou de fuil le pays. Yan der Meelsch lui-mème,
coupable d'avoir adopté leurs idées, est at'r'êté, jeté en prisou
et remplacé par le général prussien Schænfeld.
Retour des Autrichiens. II, succes-
- Cepeudant, Léopold
seur de Joseph II, offre aux états généraux un arrangement
des plus honorables pour les Belges. lls ne lui répondent même
i

IE}IPS IIIST0nI0UES. -- PÉRIoDE AU'IltlCtIIEliliE 66{


pas. Une forte arrnée autrichiettne envahit alors Ia Belgique et,
quelques semaines plus tard, le pays se retrouve sous la domi-
nation de ses ancieus maîtres (novembre {790).
Conquête de la Belgique par- les Français.
- Tandis
que
ces événements se passaient en Belgiqtle, ulle autre révolution
bouleversait la France, bien tlifférente par ses causes et ses
résultats dc la révolution brabançottne. Tout ce que lcs r'évolu-
tionnaires belges voulaient cotlset'ver, les lrrançais ne sorlgeaient
qu'à Ie détruire. Le renvel'selnettt tl'utre olganisation sociale
vieillie et reudue odieuse par I'existence d'abus séculaires fut
la conséquence de la Révolutiou frartçaise. Redoutant Ia conta-
gion de I'exemple, les lois absolus tlemblent bientÔt sttr leurs
trônes. Bn i ?99, Françrois II, successeur de Léopold II, publie
un manifeste duns lequel il invite tous les sottveraitts rJe I'Europc
à prendre la défense du roi Lotlis XVI tlont la libelté et la vie
rnême sont en péril. Mais le 90 avril '1799,Ia Ft'attce lui tléclare
la guerre.
Les armées républicaines envahissettt aussitÔt la Belgique.
D'abord victorieuses à Jemrnappes, le ti novembre 1799, elles
occupent notre pays le 18 rnars 1793; à leur tour vairtcLres à
Neerrvinden, elles se voient ttomentanétnent obligées de
I'évacuer. Elles en prenttettt tléfinitivement possession après
la bataille de Fleurus (juin l7g4) oùr les Flançais sont de
nouyeau vainqueuls. Un an plus taltl (1795), nos provinces
sont annexées à la France.

La Pnincipauté de Liége.

LIÉGE. Révolution liégeoise de 1789. Ilne révolution


- dans la principauté de
-
L,iége, I'attnée mêmc
éclate également
où se protluisent la Révolution fmrtçaise et la t'évolution bra-
bançonne. Mais il y a beaucoup plus rJ'analogie entre la
révolution liégeoise et la Révolution française qu'entre celle-ci
662 ltrsrolnE DES BELGDs nr DE LriuR cTvILISAI'IoN

et la révolution belge. Les causes de la révolntion belge et de


la révolution liégeoise sont tnême tout opposées : comme les
Français, les Liégeois se révoltent pour obtenir des réformes
uainem,ent t'ëclamées ; les Belges font une révolution pour
empêclrer la réalisation de réformes intposées.
Au siècle tlernier, existait à Spa un vauxhall qui, depuis
longtemps, exerçait le rnonopole de I'exploitatiou des jeux, et
tlont les béné{ices reveuaient pour/un tiers au prince. La fer-
rneture, par les ordles de l'évôque César de Hoenslrroeck, d'une
uouvelle salle de jeu ouverte en concurrence avec la plemière,
lnesure dont Ia légalité est contestée, marque les débuts de la
révolution en tlonnant naissattce à deux partis, celui des
pah"iotes (lcs opposants) et celui des arfsloa'ates (les amis du
prince) ({784). Peu à peu, sous I'action de causes diverses,
les esprits se montent jusqu'à I'effervescence.
Pendant le rigoureux hiver de {788 à 1789, une grande
disette plonge dans une misère affr'euse les classes ouvrières de
la principauté. De vives récrirninations se font jour contre les
immunités d'impôts reconnues au clergé, dont la fortune coln-
prend, dit-on, au moins la moitié de la propriété foncière. Trois
citoyens notables, Bassenge, Fabry et de Chestret, prennent la
direction du mouvement. Intimidé par I'attitude menaçante du
peuple, l'évêque engage lui-rnème son chapitre à renoncer au
privilège clitiqué et convoque les états.
Tout en accueillant avec allégresse Ia nouvelle de ces conces-
sions, le peuple les trouve insufiisantes et réclarne le rétablis-
sement des institutions antérieures au Règlement de {684.
Cornme on ne fait pas immédiatement droit aux exigences
populaires, uu mouvemenl séditieux se produit. Fabry et Ches-
tret sont nommés bourgmestres, d'apr'ès I'ancien système d'élec-
tiou. Néanmoins comme le prince ne se décide pas à des
concessions sérieuses, le peuple s'assemble en tumulte, conrt
Ie chercher à Seraing dont il habite le château et Ie ramène à
TEtrps illsroRlouEs. PÉnloDE ÀUTRICHIEI{!{E 663
-
Liége. Conduit à I'hôtel de ville ei intrnduit dans la salle du
conseil, il s'y voit entouré d'environ deux cents insurgés, l'épee
ri la main. Malgré l'émotion naturelle qu'il ressettt, le prélat
lrésite encore à ratifier l'élection des tleux nouveatlx bourg
rnestres et I'abrogation du Règlement de {684, qu'on exige de
lui. Tout à coup, uue voix mertaçante retentit en dehors de la
salle : a La nation désile savoir s'il a signé. rr Personne tte
répondant, la voix repart : rr Qu'il sc hâte alors, sinou nous
allons monter u. Voyaut toute résistattce iuutile, le prince se
r'ésigue enfin à signer I'acte qtt'ott lui presente.
Fuite de l'évêquê, Rentré à Seraing, le prélat ne tarde
pas à s'enfuir' (nuit
-
du 26 au 9? aorlt) en Àllemagne, oùi il
obtient de la chambre de Wetzlar ({ ) un décret qui impose atlx
Liégeois le relour à l'état de choses antérieur' Ce premier
tlécret n'ayant pâs décidé les insurgés à se soumettt'e, est
bientôt suivi d'utr second, confirmatif du premier.
Loin de tenir compte de ces arrêts les états de Liége formrt-
leut une constitution nouvelle qui proclame: {o l'égalité de tous
les citoyens devant I'impôt ; 2o I'attribution du pouvoir législatif
au du pays; 3" l'élection directe de la représentation
.se,rs
nationale par le peuple ; 4' la liberté du travail et par suite
I'abolition des mêtiers.
Ce demier article scantlalise particulièrement les partisans
de la routine et excite leur vel've sarcastique, ainsi qu'en
témoigne le couplet suivant d'utte chauson composée pour la
circonstance :
On safti qu'fait des solé: Un savetier qui fait des souliers !
Ilinamé cusin, binamé cusin ; Bien-aimé cousin, bien-aimé cousin;
0n so/tr'qu'fait des solé! Un savetier qui fait des souliers!
ltinemé cusin Noié ! Bien-aimé cousin Noé !

({) Alors ville impérialo chef'lieu de cercle, aujourd'hgi chef-lieu de


prdviiice en Prusse.- La chambre impéniale du cercle de Westphalie, dont
faisait prrtie la principauté de Liége, se tenait à Wetzlar.
136/- ru$Tornu DES BBLcES ET DE Luutr uvrlrsÀTroN

Pour défendre leurs droits reconquis, les Liegeois organisent


une petite armée qui marche contre les troupes allernandes
chargées de I'exécution des décrets et les repousse jusque
Maaseyck (mai 1790). Néanmoins, comme le prince-évêque
refuse toute espèce tl'arrangement, les patriotes détruisent
ses armoiries, saisissent ses revellus, le déposent, 0t, Ie
13 septembre, llontmerlt rnambour le prince Ferdinand de
Rohan, membre" du chapitre tle la crlhédrale.
Première restauration.
- Mais 8,000 Autrichieus ayant
envahi le territoire de la principauté, la résistance devient
irnpossible pour les patriotes et, le 19 janvier '1,791,, Ia res-
0auration se trouve nn fait accornpli. La réaction se montle
impitoyable. Des condamnations à mort, de: proscriptions et
des con{iscations de biens sont prononcées contre les citoyens
qui s'étaient activement mèlés au mouvement. D'autre part, le
lainqueur ne laisse rien subsister des libertés populaires recon-
quises, et I'absolutisme tlu prince ne connaît plus tle limites.
Son triomphe ne devait pas durer longtemps.
Première invasion française. L'invasion française y rnet
promptement fin (1799). Les
-
Liégeois accueillent les Français
avec euthousiasne et tout aussitôt proclamant la républiqtre, sc
donueut une constitution des plus libérales qni décide: .lo I'ins-
titution, pour remplacer les états, d'une conuention nationale
composée de 120 membres choisis par 13 arrondissements
élec[oraux, en nombre proportionnel à leur population. (Le sys-
tème tles trois ordres est donc abandonné) ; 2o I'attribution du
droit <le suffrage à tout Liégeois âgé de 1B ans accomplis.
Seconde restauration. Une secontle restauration du
prince-évêque, qui suit la défaite des Français à Neerlvinden,
fait de nouvelles et nombreuses victimes parmi les patriotes
liégeois.
Clmpuis, de Verviers, avait joué un rôle important dans
il est arrê[é, mis en jugement, contlamné
les tlemiers iroubles:
,TEIIPS HISTORIOUES. PÉRIODE ÀUTNICHIENNE 665
-
et exécuté ( { ). C:est le dernier rnartyr tle h gâuse populaire
dans le pays de Liége. Le pouvoir politique tles princes-évèques
allait être à jamais anéanti.
Réunion de la principauté à la France, La victoire tles
-
Français à Fleurus amène I'occupation définitive de la princi-
pauté par les troupes étrangères, qui ne lui épargnent auculle
espèce de vexatiotts. Contraints par la nécessité et potlr
échapper â une situation intolÔrable, Ies l.,iégeois dernandent
Ieur réunion à la France. Elle lcur est accordée le 4."'' octo-
bre {795. La principauté fonne alors }e départernent de
l'0urthe.

TTTRE III

Aspect du sol. La pnopniété fonciène. - Les villes' -


- Les camPagnes.

Aspect du Comrne nous I'avous dit, les bois, les bruyères et lCs
sot.-
marâis rcparaissent en Belgiqurl au cours de la domirral,ion espagnole,
dans les parties du pays jusqu'alors les mieux cull,ivées. Les quatre'
vingts tnnéu* de paix à peu près cortsécutives qui s'écoulent entre le
traité deRastadt etla bataille de Jcmmrppes pÛrmettent heurcusement
à I'agrictrlturc belge de r"éparer une partie dcs désastlcs de l'époque
précéclente et môme d'atteindre un certain clcgr'é de prospér'ité. Â
raison de la situation défa'r'oral-rle faito à nos industlies par Ie traité de
Rastadt. I'industrie agricole est à peu près la sculc qu'il soit possible
de renclre rémunératrice en notre pays et l'Ott S'y livre avec ardcur'
Une grande étenduc de bois, dC terrains lillgucs ou couYerts clc
bruyèies sont, à nouïeau défrichés, rlcs polders ertdigués, des
marais desséchés.
Pendant lcs artnées {785 et 1786, le duc d'Àrcrnberg flit, à lui scul'
dcssécher en Flanclrc plus de 70C bonniers de mat'ais, eutreprisc tlui
lui cofrte plus de 600,0C0 floritts.

(4) 0n lui a élevé une statue en {8I9, sur I'ancienne place deS Récollets'
ditè depuis place du Martyr à Yerviet's.
666 HrsrorRn DES BELGEs ET rln LEUII crvrlrsÀTroN

D'excellentes mesures, plises par le gouvernenent en vue rle proté-


ger I'agriculture, produisent les plus heureux effets. L'impô[ foncicr
cst abaissé et plus équitablement réparti. sauf en tenrps de disette
ct, à part qrrelques très faiblcs l,axcs, on autorise la ribre cxportation
des produits aglicolcs.
Les villes. Les campagnes.
- Pendant cette période,les villcs belges
r'ôgètent; seulcs, Ies campagues jouisserrI d'uue certaine aisauce.
Aussi Ia prépondérance politique est-elle acquise aux grands pro.
priétaires fonciers (c'est-à-dire au clergé et à la noblesse). ces classes
sociales, e.ssentiel I emen t conserva trices, a ppu yécs par une popula tion
ruralc ignorante et stationuairc, opposcront dans la suite une invin-
cible résistance à toute tentative de rénovation.ainsi s'expliquent
cl'abord la rér'olution brabançonne, plus tard lc refus des Belgcs de
consti{,uer ûùe conuentian natiortole, enfin la guerle des paysans ({).

TITRE IY
Institutions politiques.

Les Pays-Bas autrichiens continuent à jouir de reur autono-


rnie. Celle-ci, après leur avoir été promise, à l'époque d,Alexan-
clre Farnèse, par le traité d'Aruas (t57g), Ieur est confirmée et
garantie pal le tr:aité tle Rastatlt, les puissances désirant
restreintlre en des linrites étroites l'autorité tle la maison
d'Autriche sur les Pays-Bas.
Les termes dont le pri'ce d'0range s'était servi pour cârac-
tériser I'autorité de Philippe Il tlans nos contrées restent
applicables au gouvel'nernent autrichien. Tou[ en formant
I'héritage indivisible d'un seul souverain, I'eusemble des pro-
vinces derneurc une r'énnion d'Etats tlistincts conservant leur
intlividualité et leur nationalité propres. Les empereurs, nos
souverains, sont, en Belgique, de simples tlucs et comtes, et nos
ancêlres ont pour gage de leur intlépentlance, le serment solen-

({) Voir période française.


- îE}TPS NISTONIOUBS. PÈNIODË AUTRICIIIRNNE 667
-
luel que tout prince belge dont pÉter à lettrs privilèges à son
avèuement au trône.
L'orgarrisâtion potitique et adrninistrative des provinces belges
sous Ia tlomiuation autrichienne reste, à peu tle chose près, ce
qu'elle était à l'époque de charles-Quint. seuls, Ies gouverneurs
des provinces disParaissent.
A. Gouvernement central. n se compose :
- qui habite Vienne, se réserve
ln Du SouvERÀrN. Celui-ci,
la nomination aux principales fottctions ecclésiastiques et civiles.
lJn gouuerneul. général le représente dans les Pays-Bas. II
existe aussi, à la cour dc Yienne, comme autrefbis à la cour
d'Espagne, un conseil appelé conseil su,prrime des Puys'Bas,
qui, preuilra, à partir de {757, le nom de clmn'cellerie de Cou'r
et cl"&'.tat. ce conseil intervient quand il s'agit de polter quelque
édit nouveau ou tle conférer les dignités et les enplois dont la
collation est réservée au souveraitt. Tel, par exemple, le don
d'un titre de uoblesse ou la nomination à de hautes fonctions
judiciaires, aux évêchés et aux grandes abbayes'
20 DU G0UVERNEUn cÉnÉnlt . Le goLrvernellr général est
nécessairement un prince de sang. Aucune autre persollne ne
peut être nommée à ces fonctions qu'à titre d'int(rrimaire' Le
goouuruuor général promulgue les lois, les édits e[ ortlonnances'
r;eçoit les arnbassadeurs, peut en ellvoyer' Sott pouvoir, très
ôtendu, est limité pourtant pal les instructions du souverain,
par I'obligation de consulter les conseils collatéraux et par celle
à. rurp..ier les droits des provinces. Portr le surplus, il vit
Sur le pietl cl'un monarque, jouissant d'une liste civile' avec des
ambassadeurs accrétlités auprès de lui.
3o Dss TR0IS 00NSETLS coH,lrÉnlux. Etablis par Charles-
- avec le tem-
Qqint, les couseils collatéraux s'harmonisent bien
pérament tlu pays. Ils sont rétablis chaque fois qu'il a été tenté
de les supprimer
a) Le clnseil d'Etat perd peu à peu la plupart de tt:
668 rrrs'rorRE DES BELcES ET DD LEUR crvlllsÀTroN

attributions pour devenir'fiualement un corps sans importance


politique. 0n y adrnet les membres de la uobresse ou de la
magistrature dout le gouvernement veut récompenser les ser-
vices par un sirnple titrc tl'honrleur.
b) Le conseil p"iuti veille au maintien de l'autoi'ite du souve-
raiu et règle les conflits de juridiction suryenus entre les glands
corps de I'Etat. Il a égalemeut la tlilection de Ia justice, tle Ia
police et des cultes; enfin, il juge les grantls tlignitaires et les
rnembres des conseils collatéraux. Iusensiblement, I'atlministra-
tion intérieure tlu pays et la directiou des aflaires étrangères,
qui auparavan[ étaient dans les attributions du couseil d'Etat,
reviennent au conseil prtivê.
c) Le conseil des lutances a, dans ses attributions, r'adminis-
tlation supérieure des finances.
Représentation nationale.
-Le souverain possède re pouvoir
législatif, mais il ue peur rieu changer aux lois du pays ni à
ses institutions judiciailes sans Ie consentement préalable des
états. Il n'est rien innor'é en ce qui conceme Ie mode de forma-
tion et de convocation ou la procétlure parlementaire de ceux-ci
qui, au demeurant, sont rarement convoqués sous la tlorninatiorr
autrichieune.
B.
{o Lrs
- il estceux-ci
Gouvernement provincial.
couvERNEUns DEs pRovrNcES.
formé par :

tlisparuissent
un à un sous le régime autrichien et- leurs attributions sont
exercées par les conseils provinciaux de justice. c'est un graud
pâs dans les voies tle la centlalisation. a I'avènement tle
Joseph II, uu seul gouverneur, celui de l{amur, existe encorc.
et ses fonctions lui sont conservées à titre personnel.
2o Lrs É'^'s pR'vrNcrAux. Les états provi'ciaux ne peu-
-
vent ni s'assembler ni se séparer sans I'autorisation du gouver-
nernent ({). Hors le temps tles sessions, I'assemblée est repré-

({) Leurs attributions étaienl, : lo le droit tlc level les impôts; 20 le droit
ïËMPS HISTORIoUES. t'tsRl0Dli ÀLirltIclIlBNNA 669
-
sentée par une commissigl] permalrente et un
greffier
pensionnaire (notre gleffier ploviilcial). 0rclinairemeut' les états
provinciau:i ont deux sessions par an.
Pour la constittrtion des états provittciaux, ou observe géné'
râlenellt Ie principe de la représentation tles trois ortlres, mais
on I'applique'suivant tles règles fort arbitraires. Le droit élec-
toral et celui d'éligibilité sont exerçés par privilège, rloll par
droit nrturel. Irii les états généraux ni les états provinciaux
n'émauent tlu suffr'age tlilect tles électcurs. Le r.lergé séculier
n'est représenté que pal' les évêqucs. Le clergé régulier I'est
par lc titulaire tle telle abbaye parmi les plus considtirables
({3 sur 40). Pour être mernbre des é[ats, ]es nobles doiverrt
tburnir certaines preuves d'antiquité de noblesse et posséder
tles r.evenus collsidérables. Les représentants tlu ticrs SoDt, soit
le titulaire de tel office de rnagismature civile ou jutliciaire, soit
le tlélégué cle telle corpolation plivilégiéc. Seules, Ies villes
principales llolrrrnent les délégués du tiers état : les villes tle
seoond ordl'e et les campagnes sollt absolument exclues de la
leprésentttiou provinciale et partant des états généraux.
Toutefois, en t7li5, or1 l'end le droit de représentation aux
petites villes et âux chiitellenies. Mais lorsque, grâce à leur
COltCOul.s, le gOuverllemellt aura obtenu des états le vote d'un
subside pct'manettt, il cessera de convoqucr ces tltlrnierS.
En sonlurc, la représentation provilciale, et par suite
Ia tléputation. llatiotlale, re repl'éseutent que les iutérêts de
quelqucs-uns. Ainsi abantlouués aux scius des privilégiés, les
intérêts tln plus grand uombre sout souvelt négligés, parfois
tout à thit sacri{ïés.
C. Administration locale 0u communale. CouuuNas
unr]ÀINES. Il s'était intr:oduit un tlésordre excessif dans I'adminis-'

tl'en a0pli(uer le plotluit, soit directement, soit sous la fornte. de subsides ;


â;i;-['ràii de nomurer. la ctmmission perrnenente; 4o celui de désigner le
conseiller pensionuaire et d'autres fonctionnaires provinciaux.
670 HrsïourE DEs DELGEs ET DE LEUR clvrlrsÀTrori

tration des communes; des prévarications nombreuses et des


actes arbitruirns étaient cornmis journellenrent par des agents
noll surveillés : Ie gouvemernent autrichien se voit forcé de
mcttre en tutelle la plupart des communes: Les abus séculaires
rlont ils souffr'ent disposent les Belges à accueillir comme un
bienfait I'intervention immédiate tlu pouvoir. ceutral tlans leurs
affailes intérieures. Cette mesrre a tliverses conséquences
importantes : {o L,a nomination plescJue exclusive des magis-
trats comrnunaux par le gouvernement; 2o la pr.olongation tle
la durée des fonctions commuuales au delà de I'annalité, qui
était auparavant la règle ; 3o I'intertliction au conscil de la corn-
muue, sous peine de poursuites judiciaires, de se réunir sans
convocation préalable et mème de délibérer sur tout objet non
à I'ordre du jour.
tependant les attributions des échevins demeurent tr.ès impor-
tantes. Non seulernent ils administrent les intér.êts communaux,
mais ils rendent la justice, surveillent les tutelles, évaluent les
successions, procèdeut à Ieur vente ou à leur partage, rédigent
Ies contrats et les testaments, etc.
CouuuNns RURALES. Le conseil des communes rurâles se
-
compose d'un bourgnrestre, de deux ou plusieurs etlrcuins,
,J' officiers conunun&ur (conseillers) renouvelés aunuellement e[

ù'un greffier (secrétaire). Lorsqu'il s'agit d'établir de nouvelles


taxes communales, le conseil s'adjoint tleux propriétaires fon-
ciers et cinq bour.geois notables, désignés pour un aD par. les
habitants.
Le gouvernement uomme, Er outre, utt atnmodiatem'(espèce
tle fermier d'impôts) ou uu ,.eceueu,r, propl'emeut dit qui, tous
les six mois ou tous les ans, rendent leurs comptes en pré-
sence d'ant cotnnûssaire délégué par le gouverneur, tles magis-
h"ats comwr,unau& et des notables de I'endroit.
classes sociales.- Le souverain.- Le pouvoir absolu du souverrin
est tempéré par ce qui reste de privilèges aux provinces et aux
communes.
l'BltPS HIST0RIoUES. pÉRIODE AUTRICTIIENNE 671
-
U1 phénomène singulier se ploduit en Europe dans la seconde
moitié du xvtue siècle. Rougissant de la profonde ignorance cle
leurs sujets, certains souverains - les sottuerains philosophes - les
poussent eux-mèmes dans la voie des réformes. Mais souvent, ils
rencontrent la plus obstinée et la moins raisonnable oppositiort à
leurs efforts chez ceux en firvcur clesquels ils les tertten[. a llles
sujets, disait I'utt d'eux, sont comrne les ettfauts qui crieu[ quand on
veut les uettoyer. >
Relativement au rang distiilgué occupé autrefois par eux, les
Belges du xvrna siècle sont peul,-ôl,re le plus déchu et le plus arriéié
des peuplcs de l'époque. Aussi Marie-Thér'èse et Joscph II échoueu[
complètemer)t daDs leurs tentatives de réfonnes.
La noblesse.'- Utte partie importaute du sol belge trppartient, à la
uolrlesse. Il arrive rarement tlue le cultivrteur libre des camptglles
exploite son propre bien. D'ot'diuaire, il est le simple fermier du
château ou cle I'abbaye. La noblesse possècle ellcorc palfois, au
siècle tlerttier, du moins la haute noblesse, le droi[ de justice sur
ses terres et les ilppels en cour féodale. Quan[ aux tailles et aux
corvées dues par les habitants des carnpagnes, elles sonf grande'
ment réduites et, de plus, exactement déterminécs par la coutume.
Mais elles u'ottt pas cntièremcnt disparu.
grande en
Le clergé,
- L'influence du clergé catholique leste très
Belgique pendant la première moitié rle la periode autrichienne.
La rcligion catholique est la religion de I'Etat. Nul tte peut' occuper
un emploi public, faire parlie tl'utt corps de métier, s'il ne professe
cette religion. Il faut I'autorisation de l'ér'êque du diocèse pour
ouvrir une libraîrie ou une imprimerie. Âvant d'ètre livré à I'im'
pression, tout mattuscrit doit lui ètre soumis. Le clergé seul célèbre
les mariages. ll tient seul les registres de l'état civil. Ertfin, il cou'
serve la jouissance de la dime et lc droit de mainmorte. Ses
richesses sont immenses. D'après un contemporain, le clergé dcs
Pays.Bas au[ricliiens possède au sièclc dernier les trois quarts de la
propriété foncière e[ I'on estime i\ trois cents millions de florins Ia
.valeur cle ces propriétés. Les rcvenus de I'abbaye de Villers
s'élèvent, à plus de cent, rnille llorins. L'abbaye de Saiut'Hubert possède
au deli\ dc quarante villages et, lors de la révolution brabançonne,
I'abbé dc longerloo lève et équipe à ses frais tout un r'égimertt.
La bourgeoisie.
- La situation peu favorable faite en Belgique à
I'industrie et, au commerce maintienl la plupart des'bourgeois
clans un état, voisiu de I'indigence.
612 ursrornr DDS IIELGES ET DE LEUR crvrlrs,\TtoN

Le peuple.
- Ni dans lcs villes ni dans les campagnes, il ne pcs-
sùtle plus de droits politiques. Pauvre et dégradé, il coupit dans
unc ignoriutce et uuc misère extr'èmcs. Grârce à cluelques progrès cic
I'lrgricultule, la conrlition des pa)'sans est, cependant un yreu moins
misérable que celle du peuple des villes. Ilfais, clans I'cusemble
du pays, uralgré les cffolts du gouvelnement, auxqucls il faut
rendre justice, lir situat,ion natériells et moralc ciu brrs pcuple reste
déplorable.

TITRE V

lnstitutions judiciaines,

Droit des gens.


- Àu xvrIr. siècle, la diplonrrtic a firit des progrès :
Ia paix et la guerre, comnle les affailes courantes ertt,re deux pa1.s,
se [raitent sultout pal I'intcrmédiuire d.'ambassadeurs oll de minis-
ftes 1tlénipolanli&it'e,t, airtsi appelés lrarcc que, disposant de pleins
pouvoirs, lcur signafure eugage le gouvernement qui les accrédite.
Au reste, dans ces négorrial,ions, lcs intérèts des pcuples sou[ iuses
samment sacliliés à ceux des souverains. Tr'ès souvent, les mariages
princiers, négociés par les ciiplourates, sout la source dc guerrcs
sanglantes : tel, pâr exenlplc, Ie miiliage de Louis XIV avcc unc
infanl,e espagnole, qui unène les guelles ditcs de déuohtti.on et, tlc
sttctssion d'Bspagne.
Les principes clu tlroit des gens, cultivés au xvru" sièclc par les
jurisconsultes et lcs hommes d'état
- I'ouvragc du juriste suisse
Yattcl, intitulé le Droit des gens, cst dcmeuré cékibr'e
-ne sont
guèrc obsert'és. 0n se rappelle de quelle firçon Ia Pragmatique-
Sanction de Charles VI fut le.spcctéc par lcs souverains qui I'avaient,
signée. L'inviolabili[é des ambassadeurs, le respect des traités, la
déclaration dc guerre précédant I'eutréc en carnpâgne, ccs pr.incipes
élémenl,rires du droit des gcns sout violés snls scrupules. En {.?98
encore, on voit dcs ambassadeuls français asstssinés au sortir clu
Congrès de Rast';rdt. << DrI fait de polit,ique, il n'y a reconnirissance,
rii traité qui tienncnt, écrit en 1741, un ambassadcur à son gouver-
nenent I c'esl, ll force ou I'intérêt qui fait les tlaités I c'es[ la force
ou I'intérôt qui les rompt. >
Tou[ se justilie par la raison d'Etat, qui toujours se confond avec
I'intérôt de la famille régnartte. < Tous lcs moyens son[ bons,
l'ElrPS UISTORIQLES. PtinIODE ÀUTRICHIEN\E Û73
-
polrvu qu'olt réussissc. > Ce principc cle llachiavel est d'une appli-
cation universclle et pet'soutte lle soltgc à s'ctt étottttcr.
Droit iudiciaire. : Lcs lois pénalcs cll usâ90 et lcs tlibunaux
établis à l'époque de Cliar'les-QLrint clemeurcnt en vigueur solls le
régime autrichien.
Au Sr"rrplus, une confuSiOn extrÔlne, utlg pfggédure aux formcs
vieillies, une r'énalité srns plreille., r"ègncnt dans I'irdurirlis[rltiolt
de la iustice. Les juridictions dcs brilliagcs irnpériaux s'eltcltevè'
trent d'une ftrçon inextlicable ilYcc cclles des justices féodales,
ecclésiastiques ou communales.
IJ'rutre pirrt, la justice, qui déploie unc sévér'ité extrênre à l'égltrtl
des gcns tlu peuplc. sc montre souvetlt tl'une faiblesse ott d'utlc
indulgence scattdaleuse vis-i\-vis dcs grands et des riches. Suivan[
un usâge général, les magistrats reçtuivent des plaiclcurs, sous lc
rtom cl'ipfrds, toute espècc cle cadeaux : argellt, vins, gibiers, bijottx
pour leurs femmes. Lés gens tle seryice tle sotlt pas négligés et
reçloivent aussi clcs pfésents. D'ailleurs., les clrar'gcs et fonetions
jucliciirires sortt vênales, héritables et trattsmissilllcs. Tel titulait'o
laisse indifférernrnent son cmploi à sou fils ou Ie transmet i\ son
'geliCre, en guise de dot à sa fille.
Lc droit, de défense existe ù peine ct I'accusé, tl'rllord mis âu
secret, subit ensuite la torture.
La justice ne se préoccupe ttttllemettt d'amender les coupables :
ello lcs torture, les flétrit, lcs tue e[ rend la peine dc mort plus
terlible par I'application dc peines supplémentaires ('l).
C'ost en vain que le gouverncment de Marie'Tliérèse tettte timide-
rnent d'introtluire quelqtres réformes daus I'administmtion de la
justice. La très grande généralité des membres de la ntagistratttre
belge se montre opposée r\ toute proposition de modilier la législa-

(.1) c En certains cas, Ie contlamné, après avoir été fouetté, êtait é-tranglé
puis-décapité. On exposait sa tète, on Ïrrirlait, solt corps, on ell jetait les cen-
ilres au vent. 0n coupait préalablement le poing aux condanlnés au bannisse-
mentet on le clouait, àun poteau.r (Julns F'nÉsou).Le mÔme auteur- savant
jurisconsulte,
-crinùnelle couseiller à lacour d'appel de Liége- dans son Liwe, Lu iustite
au Pttrls tle LiL3qe, raconte, p, {73, qu'en {786, un certain Jacques
Pierlot condamné à ôtre étranglé, fut d'abord trainé sur la claie depuis la
place Saint-Lambert jusqu'au plateau de Saint-Cilles. Chemin Iaisant, on lui
mordit huit fois les chails avec des tcnailles rougies au feu. Ettsuite, on le
rompit et onl'exposa sur la rone I'espace de tleux heures.Bnlin, il fut étlanglé.
Le faux ténoin et son suborneur étaient condamnésà nlort. Les condan-
nations à la prison étaient rares.
V. llireuet. - Ilistoire des llelges.
614 ltISrotRE DEs BELcES ET DE LEUR ctYILIsATIol{

tion criminelle. Le gouvernement échouc dans ses efforts pour


abolir la torture et la mirrque ({). Il n'obtien[ pas davaltage
l'étalrlissement de prisons oir la détention laborieuse aurait I'ern-
placé des peines corporelles inférieures à la peinc de mort.
par I'organe de son président de Fierlant, le grand conseil de
Illalines avait cependant érnis I'opinion qtre a I'expériettce fait assez
corrnaître que ceux qui ont été une fois flétris de la marque, loiu de
se corriger, sc plongerit d'abord dans de [ouleaux crimes et parais-
sent même n'avoil' plus de répugnance i\ lcs commettrc. 01 ne
retient pas par la clainte de I'infamie des gens sans honneuf ; on ne
corrige les dérèglements qui ont leur source dans la paresse et dans
I'oisiveté, ni par l'échafaurl, ni par la fustigation, ui par la mal'que.
C'est en forçant le frinéant au tlavail qu'ott parvieut à le cor-
rigcr. > llais ces idées ne sgnt pas ftvorablement accucillies et,
môme enl792,le conseil privé permet ettcot'e I'applical,ion de I
torture par ul êchevir,age (2).
Deux maisons de force sont toutefois créées, I'une à Yilvot"de,
I'autle à Gand; celle-ci ottverl,e en {775, sous I'inspiration et les
auspices du comte Hippolyte Vilain XIIII. Dlle comprend un quartier
séparé pgur les mendiants valides, un second pour les femmes, utt
tloisième poul ( les ouvriels sans travail qui en dernandent > I enfin.
un quatrième polll les enfants pauvres. La uuit, chaqtte individu
est isolé (3).

Tribunaux. Le tribunal des échevins, dans chaque loca-


- reste chargé tle juger les affaires civiles, les
lité importânte,
délits et les mimes.
Dans la géuéralité des villes et localités irnportantes, oll
trouve un officier tle justice, mayeur, bailli, pr'éuÔt, etc.,
chargé de poursuivre les coupables devant le tribunal compé'
tent, puis de faire exécutrer par les agents sous-ses ordres, les
sentences rendues. Il y a aussi tles officiers fiscaux dont I'insti-
tution remonte à la période bourguignonne et dont les attribu-

(A) ta magistratune jugeait la torture indispensable pour amener I'aveu des


acdu'ses et r tranquilliser la conscience desjuges r.
(9) Poutt,nt, p. 650.
i3) Pauta Belgica,II, P. 658.
TEMPS IIISTORIOUES. PÉRIODE AUTRICHIENNE 675
-
tions s'étenrlent aux matières les plus variées: mainmorte,
incluisition contrc I'hérésie, cersnl'e, liberté de la chaire, droit
d'asile, surleillanee des magislrats, inspection des établisse-
ments publics et des couvents, défense des titres du prince,
répression des mimes et des délits, confiscation, inspection des
prisous, droit tle grâce, etc. L'institution des officiers liscaux
aide beaucoup les souveraius à réaliser leurs vues centlalisa-
trices r parfois à subvertir salls bruit et salts éclat nos
anciennes iustittrtions-r (l).
Quelquefois, les appels des senteuces rendues par le tribunal
des échevins dans les localités peu importantes sont portés
devan[ le magistrat de la ville la pltts cortsidérable du district.
En d'autres circonstauces ou datts certaits lieux, les appels
sont directement portés devant let conseils prouinciaun de
justice, établis dans chaque chef-lieu de province. Trois de ces
,I
couseils plovinciaux de justice (ceux tle Flantlre, de Tournai
et de Namur ressortissent at grand conseil de iustice de
)
Malines, L€E conseils de Brubmû et de Hainaut jugent
souverainement. et saus appel, ainsi que celui de Lurcnt-
Ilou,rg,
COurS féOdales. Parallèlement aux conseils provinciaux,
il existe des cours
-
féodales rle iu,stice. Elles jugent en appel
et aux droits seigneuriaux,
les contestations relatives aux fiefs
portêes en première instance devant les simples justices
seigueuriales.
Daus les dornaines féodaux, les seigneurs llomment aussi des
magistrats chargés de rendre, en leur nom, la justice civile et
climinelle. Mais, souvent, ces juges sont peu capables et
nullement iustruits tle la jurisprtrtlence criminelle.

({) Àrrxlroxu, Histoirc des origines, des déaeloppements et du t'ôle deg


ofrciers Jiscarr"r. 0uvrage couronné.
0i6 IIIS'IOIRE DBS BI'I,GIIS I]'I' DE I,EUR CIYILISÀI'ION

TITRE YI
Bienfaisance.

lllarie-Thérc\sc rétablit le service l;rïc de la bienfirisance publirlue


institué par Cliarles-Quint. Elle défend atlx monastèt'cs, ltttx égliscs,
aux hôpitaux dc rccet'oir des lcgs non autorisés par lc sout'c-
rain ( 1753 ).
Une ordonnauce dc {739 ai'ait interdit la mcndicité et défenclu
I'aurnône, sous peine d'utte antcnde da trois flot'ins, porl,ée à sr.r
ert cas de récirlile. Néunioins , I'incligettcc étant a peu pr'ùs
générale, la mendicité ne diruinue guùr'e iltt cours de l'époque irutri-
chienne. En {779, sur une po;lulation totale de 700,000 habitirrtts,
on compte cn Irlandrc 100.000 irtdigents. A la mÔme ôpoc1ue, on
ér'alue à {4,000
- à peu prùs lr moitié de la population - lc
nombre des pauvre.s assistés dans la ville de Bruges. Il en existc
19,000 à Gand. 9,0J0 àLiége. Sul unc population de 5,000 habitauts,
la ville de IIuy en a cleux mille cirtq cents ittscl'its sur les
tables des pauvles ; elle tre rettferure pas quatr"e-vingts fantillcrs clans
I'lisartce.

TITRE VII
Finances.

Àux sourccs de lcvenus ordinait'es, s'ajoutent, pertdant Ia periode


autrichienne : 'lo I'affermage clu serricc des postes, irtstittrô sous
Philippe V, maintenu et amélioré par le gouventemertt autrichien;
9o la vente des oflices; 3o les taxes payées sous le uom de rations
pour les terres franches, qui longtemps avaient été exeuiptes d'in'
pôts; 4o les méilianols, c'est-à-dire les'sommcs, souvent impor'ûurtes,
payées par les personnes à qui I'ort confère I'uu ou I'autre offTce,
tel par exemple qu'une chalge cle conseiller dans lcs conscils clc
justicc.
lin moment abolis par Joscph II, la dime et les droits féodaux sont
rétablis après lui ct subsistent jusqu'a la couquôte du pa5s plr les
Français.
Le gouvernemcnt autrichien conteste aux états des plovinccs le
droit de refuser lc vote de I'impôt, prétendaut que leur vote ue peut
TE}TPS IIISTONIQUES. PIiRIODE ÀUTRICIIII'NNE 677
p0rtCri qu0 sul'Ia quoti{,é des subsiclcs. Toutefois il
ne parvicttû pas
à failc pr'ér'aloir cettc théoric.
Iiri {735, Char'}es VI él,ablit à Bruxelles unc cliatnbre des comptes
unique, mais i\ dcux llut'eaux, I'uIl pottt' lii lhndt'c, I'autrc pour le
rerstc tlu 1tr-fs. Ellc sulrcille ltl gestion tles fonctioltnailes chargés
de h Pcrception ou cle lrr rnarlipulation tlcs dcniels pul''lics ct vérilic
I'emploi tlcs fonds ainsi qg0 lcs cornptes cles lccettes et dcs
clépenscs. Lc burcau du Bral-ranl Pltil,s *.,'tenb i\ lii Joyeu'sc Enh"ée'

TITRE YIII
lnstitutions militaines.

Deycnu roi d'lispagnc nos provitlces SouS le nOm


et Souverail dc
de Philippc V, le duc d'Ànjou introduit un mornent Il conscription
militirirc eI) nos provirtces. Blle en disparaÎt après lc traité de
Rastrtll,.
Penclant la pér'ioclc autric|iennc, I'arméc lle comprgnd que des
cor.ps cle volotitaires nationaux et des corps allemartds composéS
d'iufiruterie, de cllt'alerie, d'arl,illelie et de soldats du gérlic. Son
général ert clief relèr'e directcmcnt dc la cour de Viennc. Elle a ses
triburtitux spéciaux : Ses co??se ils riginwttaires, pourvtts d'un azt'di-
lelr?', poul juger, au civil e[ iru militaire, lcs o{Ticicrs et les soldats
d'un régirnent ; SeS conseils tle guerre, assistéS tl'u.lt auditettr général,
pour juger les ofliciers d'état-major.
Lc mocle tle recrutement ct d'entretieu cles troupes, I'att des forti-
ficatiolset, la tactique militaire restelt ccux de la période préc6
dcntc. Ule école militaire est fondée à Àrtvcrs.

TITRE VIII
Sciences. Philosophio & morale. - Gnoyances'
- neligieuses.

part des plus failrles au


Sciences.
- La Belgique ue prertd qu'uttc
mouvemcltt scientifique si considérable du xvltte siècle. Une carac-
téristique de ce mouvemcttt est que la plupart des savants de l'époque
sont en mème tcrnps d'admilaltles littérateurs. Personlle, au siècle
delnier, ne peut prétendre au titre de philosophe, s'il n'a fait une
678 Hrsrolnn DDS BELcES ET DE LEUn ctvtllsÀTloN

étude approfondie des sciences. La brillante réputatiort littéraire de


cerlains écrivains a llême souvortt fait tort à leur renommée
seicntilique. lt'Alemllcrt,, Condillac.' Illorttesquieu, Rousseru, Diderot,
Voltaire, etc., sont des savauts daus la plcine acception du rnot ct
possèdcnt unc vaste éruditiort.
Physiquo et m6canique. Lc Suedois Anelré Celsius (1701-1744)
-
invente la thermomètre centigrade en {749. En 1,760, Renjantin
Irranklin, un Américain (1705-1790), construit le prentier partton-
llerre. Vaucanson, rnécanicien et inventeur français, imagine le métier
à tisser en {768. Un autre français Quinquet, perfectioune lii lampe
à I'huilc vers {785.
Scheele (1142-1786)' I'Anglais Priestlcy
Chimie.
(1733-{80{),
- Lelc Porléranien
Franr"ra\s Lnuoisier (1743-1794) fonclent la chimie
moderne. Pricstley découvrc I'oxygène et l774. L'Anglais Rutlterfortl
avait trouvé I'azote en 1772. L'hydogène était connu depuis le xvrre
siècle.
Physlologie et médecine. Lavoisier, sat'ant français, donne
I'explication du phénomèue tle h respiration ({785). La décou-
verte dc Ia vaccine par I'Anglais Jenner date de {776. 0n sait que la
vaccine consiste rlans I'emploi de microbcs pris directement à lir
vache ou biert à la pustule que I'irtoculation fait gernrel sur lir
peau de I'homme; jadis ou se servait du dangereux virus fourni par
lcs valioleux !
Philosophie et morale.
- Par suite dc l'état d'inférioritô intellec-
tuelle de nos populations, le mouvement philosophiquc ne peut être
im;rorteint cn Belgique, à l'époque dc la domination autrichiennc.
La direct,ion du.mouvement des idées à cette époque cst cxercée par
la France. Au xvrnu siècle, le caractère spécial de la philosophic
consiste dans la poursuite tle réformes sociales. 0n peut consi-
dérer Montcsquie u comme le chef cle l'école parlcmertiiirc libérale.
Voltaire fait surtout la guerre à I'Eglisc catholiquc et aux pratiques
inhumaines de la justice (eonliscation des biens, tor"ture, supplices
cruels, etc.). il se mon[rc I'ardcrtt apôtre de Ia tolér'ance religieuse,
mais sans attaquer I'absolutisme. Rousseau s'cn prend aux
souvelains eux-mèmes. < Les gouvernements despotiques ile
sont confornes, dit-il, ni r\ la nrturc ni à la raison. Tout gouverne-
ment légitimc leposc sur uD contrat social. " Dc là son livre, le
Contrat social. Pirrtisan de l'égalité, Rousseau revendique pour le
peuple I'exercice de la souveraineté politique. Drt philosophie, il
TE}ITIS HISTORIOUES. PÉNIODE ÀUTRIOIIIENNE 679
-
crgi[ à I'existence d'utt Etre suprême et préconise la religion
naturelle (1.).
Les encyclopédistes (9) se proclament matérialistes ct athées. Pour
eùx, corr.lu,mes eL religion signilTent préiu,gés eL uryerstition. Seule, la
raison doit servir de guide à I'homne.
Croyances retigieuses. Bicn que les sévères édits de Charles-
qontre les protestants
-
soieut tombés en désuétude, on punit
Quint
cncore parfois les dissidettts, ou les personnos soupçonnées de pro-
fesser des doctrines hérétiques, d'une amende arllitraire et du ban'
nissement. Jusqu'au jour orl parait I'ordonnauce de Marie-Thérèse
(du ti mai {768) qui autorise los réformés à disposer de leurs biens
par testaruent, la religion catholique reste donc la seule autorisée en
Belgique.

. TITRE IX
Lettnes,

Langue française. Le mouvemcnt littéraire aussi est à peu p1ès


-
nul en Belgique pendant les quatre-vilgts années de la période
autlichienne.
u Quu I'on suppose, dit ill. Frédéric Hettnebert, cité par llt. Dis'
cailles dans Lrn Chanoine démoun,te, une nation engouldie dans
une sorte d'hébètement, saus avoir même conscience de son infé'
riorité, étrangète aux prôoccupations clu monde' une Béotie, une
Clrine européenne, et voilà ce qu'était la llelgique ! u
À part le prince de Ligne < I'un des rares étrangers qui ait écrit le
français de façon à être lron ul) imitateur, mais un maitre> on ne pour-
rait citer,de cette époque,âucun auteur belge remarquable.<Â l'époque
tle lir révolutiou brabânçotlne, notts étiorts, écrit [t. Frédéric Henue-
bclt, hommes et idées, cn aruière cle plus de cent ans sur la France.
l{otre abaissement intellectuel éclatait surtout dans les innombrables
panrphle[s qtri ne savaiertt, ni rire ni mordre; dans les joulnaux, dans
les vers dc circonstance. 0n se detnande positit'ement à quel siècle
et tï quclle latitude ces choses appartieuueet. Il faut constater la
raleté, non du style uniquement, mais de Ia grarnmaire et de I'ortho-

({) Yoil Profession de foi du, uîcalre sauouard.


.(2) 0n donnâit ce nom à un groupe de littérateurs et de savants qui publiè'
rcnt un colossal dictionnaire des connaissances humaines, appelé encyclopédie,
680 nrsrorRn DES REL{,lis lt'f DE Lriun clTllrs.\1'r0\

graphe et cela non seulentent chez les pctits e[ clrez lcs nnonJ'mes,
rnrris chcz lcs honrmcs urarqunuts, Ort cst tcntc, ljotrte llcnncliert,
l
tlc s'écrier irvec un contempot'lin : Sirlul ! cnrpilc tle la birti-cc !
ll
Lir lcctur'e tlcs écrits laissris plr lcs clrefs de rér'olution brabln-
conns montle quclle disctte rl'ltonrnres il y eut en rtotlc pa1.s à la fiu
du siècle tlcr"rticr. Citmctùrcs égoistcs et srus dignitcl,csprits é[,r'oits
ef mesquins, lcs rnoirts ittclpablcs scrutclirleuscntent ignolrrnts, tcls
sc rôvèlent la plupart dc ccux qui ont joué les plcmicls r'ôlcs daus le
mouvemell t lclr-olutionnait'e.
Lc chirnoinc do Broux, sccrétairc du général Yiru der'Ilecrsch,
tenninail unc lettre pâr ccs rnots : " Nos cltels compirtliotcs lhusent
de la pennission d'ôtre bctes. > Àilleurs, ;rprès ar,oir qullilié de
malheulcuse c[ clc fatalc, uue rét'olrttion à laquelle il r pourlant
pris une si lalge prrt, il parle tlc < I'inrbôcillité clcs étatS. >
Pour encoul'ûgel' lir culture des sciertces et des lcttles, Clrar'les rle
Lorrtirrc fonde ert 1772, une Acudenie ûnpëriule et rorynle tle.ç seiences
el tles lttllts-teltres. Youlant hortorcrr les membl'es dc ccttte société cle
$avilnts, lc cluc décide quc cltacun d'cltx jouirl rles avantirges attrcliés
à hr nolrlcssc. C'est l'-itcadémie irctuellc clc Bclgiqrrc.
Rcmise en ortlre et enlicltic cl'un grand nonrble de rionveaux
ouvragcs, la biÏtliothèquc de Bourgogne csf ouvertc au public cL
devicnt I'une des plus importrntes dc I'liulope.
lr,n htstoire,les mëmaires tle Neny ont de la valcur.
Langue flamande.
- Les clirsses ricltes abartdonnenI presqtte com-
plùlenent lir lartguc flamartde, eI si lcs classes inféricures ]ui
dcrneurcnt fidèles, elles parlettl, un lrngage abirtardi, sans vigueur,
sans correction et sans clarté.

TITRE X

Enseignement.

L'instructioll et lc gott des études se son[ pudus en Bclgique au


coul's des dcux derniers siècles. I-iue ignorâtrco incroyable lcgne
dûns toutes lcs classes de la société.
Placé entle les mains d'ltommes éclrirés, lc goulernement
impérial songe à inaugurcr, en m'at,ièr'c d'enseignement, unc èrc
de réformes bien nécessaires et biert urgcrttes cllns un liays russi cn
rctald quc lc nôtre. lllais, uralgré toutc h prutlcnce ârec lacluelle itr
]'EIIPS IIISI'ONIQUES. _ PÉRIODE ÀUTRICIIIENNE 68{

irgit, il cst plus tl'une fois arnené à ne prs tenir compte de certains
plivilôgcs invoquôs pour enrit.rcr I'rrpplication dcs réformes lcs plLrs
'indispcnsrblcs. Dc là certaines rccusatiorts de dcspotisme dirigées
contrc llalie-Thért\se par les partisarn dt slalu' qtto.
Vorrlirnt d'abord porter la lumiùre clans I'csltrit dcs clttsses diri'
geantcs, llalic-Thdrrèsc s'occlrpc cn prenrier licu de réorganiser
I'cuscigncrnent supér'ieur c,t I'enseignemeut moyen. C'était,, lui
pu'riiss:rit-il, le ntoyen Ic plus sûr de comliattrc ellicacement la
loutirtc ct les préjugés.
Enseignement supérieur. Une conmissiou royale des études est
-
instituéc à Bruxelles. Yoici quclques-urtes dcs nlesures qu'ellc
antite, tlc concert avec lc goursrnement. L'ctlseignement laissait àt
rlésilcr ir I'université dc Louvain, la scule alors cxistirn[e en Belgi'
qlrc : clésormais lcs plirces de professcul i\ cette école nc sortt plus
lccordées qu'à la suite d'un coltcours. Lcs cottt's cl'histoire et de
littéruturc, qui ont cessé d'ê[r'e faits à ]'uttiversité, sonI rétablis.0n
tlcfcnrl I'emploi des méthotles vicillics. Etr vue d'empt"eindle l'érlu-
crtion des jeunes Belges d'un erractùrc naLiouirl, il ler"rr interdit
rlc faire leurs études i\ l'étranger.
Enseignement moyen.- Le papc CIémcnt XIV a1'ant supprinré I'ordre
cles jésuitcs qui dirigcaient alot's la plupaltdes collèges du pa1's, dcs
collt\ges laïcs rtationaux, dits collèges tltércsiens clu ttom de I'impé-
rritriec
-
sont irrstitués datts lcs localités irnportantes. Les ér'Ôques
-
ct les rnirgistlats en ont I'inspcction. Lcs phces de professeur y sottt'
égalernent, rnises au concottt's. 0n proscrit ccrtains ouvrages
surarrrtés, on en corrige d'uutres, oll etl rédiSe de uouveaux et I'on
oldonnc dc suivre partout lcs mfirnes livres, approur'és par les auto-
rités cornpétentes. Un règlemont d'ordre et cle disciplinc interdit
I'cmploi dcs verges et des ehâtimcnl,s corpot'els, considérés comme
propres à avilir lcs caractères. Un plan d'étudcs plus complet est
tracé. Des exrnrens publics remplacertt les représentations théâtrales
dc fin d'ùurtôe. Pour encourtrger les élèves intclligents et travailleurs,
une médlille d'argeut à I'efligic dc la souveraine, est att,ribuée à
ceux qui occupent le premicr rattg dans leur classe' avec rutorisa-
tion de la portcr en public.
Enseignement primaire. Peu considérés, mal rétrillués. les insl,i-
-
tutcurs crtmulaisttt ordilairement leurs fonctions de ntaitre rl'école
avec crcllcs d'employé i\ la mrisott commuuale, de sacristain, de
fosso-vcur, dc sonneur de cloches, de ménétricr ou violoncux aux
689. Hrsrornn DEs nELGES ET DE LEUR ctvrlrsÀTroN

kermesses et aux ducasses. Les tlimartches et les jours de congé, on


en vol'ait s'offrir, moyeDnânI unc légère rétribution, à faire la l-rarbe
des habi[ants de la localité.
' Voulant relever une profession tomliée si bas,lllarie-Thérèse défend
aux maîtres, sous peine de révocation, de tenir cabaret, de faire de
la musique aux fètes, aux lroces et aux festins. D'aut,re prrrt, elle
leur aceorde le droit de prendre rang, dirns les côrémonies publiques,
après les llourgmestrcs e[ échevins et avant toutcs aul,res personnes.
Lor"squ'il s'agit d'enrplois à conférer, on lcs rlonne de préfér'cnce
aux personnes qui olt cnscigné avec dislinction.
Cependant I'impératrice rencoutrc chez lcs classcs aisées une vive
opposition à ses projets en faveur de I'enseignemenf primaire. Beau-
coup de personnes riches trouvent dangereux d'cnvoyer régulièr'e-
mcnt à l'école, pendant plusieurs années, les enfants du peuple :
clles craignent qu'ils ne contractent des habitudes d'oisiveté.
Srns tenir cornpte cle ces puérilcs appréhensions, I'ordonDal)ce
inrpériale du 6 décembrc 1774 organise I'enseignemenû sur les
l-rases les plus intelligentes et les plus larges. Àujourd'hui encore,
rlous pourrions utilement lui emprunter plusieurs des cxcellents
prirtcipes qu'clle afiirmait.
En voici les plus impoltantes clispositions : ln Il est institué dans
chaque état de la monalchie une contnùssion des écoles chllgée de
veillcr rux intérèl,s de I'en5eignement. go Il cxiste ute écolc nornta,le,
darrs chaque ôtat ; des écoles pùncipales dans les chcfs-lieux de canton
ct des fcolu triuial,es dans les autres villcs ct villages.
Ecoles normales.
-Le progrillnmc tles éeoles normales comprend :
a) La religion. b) la lecture, l'écriture, I'orthographe et son usage.
c) La rédaction française, la langue Litirie, les principes d'éeonomie
et, plincipalerncnt d'économie rurale, I'lristoire des arts et rnétiers,
l'lristoire naturelle, I'lristoir,e ct la gcoglaphie et parliculièrenrent
I'histoire et la géograpliie de la patrie; des notions d'arithntétique
et de mécaniquc, d'arpentage e[ de dessin.
Ecoles principales.
- 0n y cnscigne les rnatières reprises ci-dessus
sous les litt. a et ù et ce qu'il est possible d'enseignel du litt. c.
dans le progralnme précéclent.
Ecoles triviales.
- Le programme de ces éccrles comporl,e : la
religion et la morale, la leclure dcs manuscrifs et des impr.irnés,
l'écriture courantc, les quirt,re r'ègles de I'aril,hmétique, la r.ôgle
de proportion simple et l'économie. Tous les dimanches, il est tenu
TEITPS HISTORIOUES. _ PÉRIONE AUTNICHIENI{E 683

deS ckrsses de rcpétitioz, tl'unc durée de deux heurgs, oit I'on revoit
l'écriture, la lecture, I'arithrnétique ct l'écouomie tanl domestique
que rurirle. Les apprentis ne peuvettt devenir oOmpa$rtons s'ils tt'ont
suivi avec fruit ces classes de répétition. IIs son[ tst,roiuts à les
fréquenter jusqu'à I'irge de virrg[ ans ( ècoles d'aclultes ).
Il est recommândé attx maîtres d'euseigrter et dc faire lire les
élèr'es simultanéntent; de moins s'attachcr à charger la rnémoire
des enflnts qu'i\ cultiver leur espri[ en Icur expliquant, tout avec
clrrl,é eI pr'écisiott.
Les enfants d'irge et de sexe différents, apprenartt les nèmes
matièrcs, SOut réuniS dans Ja rnème classe, mais sur des bancs
séparés. Là oùr il y a plusieurs ésoles, les filles sont instruitcs sépa-
rémcnt. 0utre les rlatiôrcs qui vienneut d'êtle indiquécs, on lettr
appret)d lrr cout,ure, le trico[ et tout ce qui cst convenable à leur
sexe. chrque classe cornpr"end trois divisions : la su,pbieare, la
moy enne, I' infér ieu,re
L'enseignemel)t cgt libre. Toutcfois tiul tie peut cnseigner s'il n'a
subi avec succès les épreuves dc I'exiimett dcvrnt le jury de l'écolc
normale.
Les parents son[ tcrttts d'cnvo1''er lcurs enfauts à l'école depuis
l'âgc de six ans jusqu'à celui de douze ou trcizc. Âu besoin, ils peu-
vent y être colttraints par les magistrats, qui soDt tenus de veillcr
strictement à I'observation dc cettc prescripl,ion. (Instruction obli'
gatoire).
Cct[e ordolnânce ne produit malheureusement pas en Belgique
les mêncs bons résultats qu'ctt Âllernagne, tattt cst grande la
torpeur. intellectuelle du pa5s. Joseph II lui-même fet'a peu de chose
pour I'enseignement primai|e. Le temps lui en matrqucra d'ail-
leurs.
La rénovation de I'cnseiguemeut primaire n'est pas possillle sans
I'institution de bonues écoles uorntales : Josepli II le comprend. Il
décidc la création dc plusieurs de ces établissernents. Det'ettu
inspecteur général des écoles des Pays'Bas, ull ccrtiritt Des Roches,
oliginaire de La Haye, est chargé par I'empereur cle col)tluire :i bieu
cette tâclre importante. Au mois cl'avril 1,797, uûe école norrnalc prin'
cipale est ouverte à Bruxclles et Des Roches Se proposait, d'eu orgù-
niser d'autrcs quand la mor[ le surprit en mai {787. Lcs troullles
politiques grâves qui Survielttcut peu aprùs empèchertt le gouverne-
mcn[ de poursuivre l'æuvre ébauchée.
684 rrrsrûrnn DEs TIELGES ET DE LEUR crvnlsÂT.roN

TITRE XI
Beaux-Ants.

Le vif éclat don[ ]cs berux-alts aviiient autrcfois llrillé cn


Bclgiquc, étril, dcpuis longtemps étcint. Nos pr.inccs font les plus
louables cfforts pour lc rarrinrer'. IIs u'y réussisseut guère. Jusqu'irlols,
on n'avait vu dans les architectcs, lcs 1teint,r,es, les sculpteurs, les
graveurs que dcs oLrYliers ordinaircs. Pour rehausser dtns I'cslrt'it
public les arts qu'ils exerccn[ et en encourager Incssr.l., lc gouveme-
rnent de llliirie-Thér,èse décriclc rlue ccs irrts cesser.ont d'ètre tle sim-
ples métiels eû que Ir noblesse nc clérogcr.a pas en les exerçrul (4).
Architecture.
- L'trchitecture ne prorluit :rLrcune {xuvrc toirL à firit
remlrquable sous Ia domination aut,r'icliicnnc. 0n citc, cepcnclant,
par.ri les const,ructions tle l'époquc, le Prliris ro1'rl a.vcc lc Pilais dc
la l,iation,les églises du Finistère et de SuintJrctlucs sur ûludenberg,
à lJruxelles, et la cathédrale de Saint-r\ullin, a l{arirur. Le Prrc dc
Bruxellcs rlate égalcmcnt de l'époquc lutlichicnnc. D:rus nos c;rnl-
prgnes, de nombrcuscs fermcs flanquées de tours c.lr,rcies ont étû
bîl,ies sous le règne dc lllric-Thérùsc.
Dessin. Peinture. Sculpture.
- Dcs écolcs clc dcssitr, si utilcs à de
nomblcuses catégolies d'our,riers, son[ instit,uées dirns ]es villes
importantcs. 0n fonde également quclques acuclérnics cle peirrtur,e
e[ de sculpture. En outrc, le prince dc Lorrainc envoie rr l'étranger,
pour fortifier leurs connrrissanrcs ou pour sc per"fcctionner dans lcur
rrt, les élùl'es el les jeuucs artistcs qui se distingnent par.leur appli-
crtion ct, un méritc nrrissant. Enfin, des récornpeltses lronorifiqucs
sont attlibuées i\ ceux dont, Ies travaux ont unc valrrur réelle. I\éan-
moius, mrlgré tous les efforts ct tous les sacrifices du gouvernernent,
aucun norn véritablement distingué d'architecte, de peintre ou de
sculpteur de ccttc époque ne réussit à s'imposer a I'attention des
contemporains ni surtout de la postérité.
Musique. tiége produit Grëtry ({741'18{3) dont les æuvrcs
-
rnusicales sont dcmeurées au répertoire. Il
passe en Frauce une

(ll Dérogeancet par lequel on porte atteinte à la dignité de son origine


ou de son rang. Les^cle nohles qui se livraient à I'industlie ou au conmel'ce
dérogeaient, c'est-à-dire qu'ils perdaient la qualité de noblc.
1'Elrps HrsT0nr0uD. pÉRr0DE ÀuTRrcrrrEl(NB 685
-
granile partic de sa vie ct y crée lloférir moderne. 0n cite surtout
clelui Ilichartl eLl'Epreu,te uilkrgeoisc. Glssec,né àYelgnies (Hrinaut),
en {733, molt l\ Passy el ,1899, sera le fonda(eur du conscrti,-rtoire tle
musique dc Pirris.

TITRE XIII

Hégirne économique.

Agriculture.
- Le tlaité de Munster ({648) ayait interdit aux navires
tant belges qu'étrurgers de plrraitre dans les eaux de l'Escaut. Par
suite de ccttc intcldiction, les produits lcs plus importiints de notre
industrie, les draps, Ies toiles, les talris, les rlen[elles, les mé[irux
ouvrés, ctc., cessent de nous ètre achetés par l'étrangeret il fauten
réduire la production aux sculs besoius des habitants du pays.
Âinsi, un grand nombre de bras se trouvcnt inoccupés. Cettc cir-
cortstrlnce, défavolable pour I'inclusl,rie, est au contrairc avantiigeuse
pour I'agricult,ure.
En effet, pendan[ la paix profonde qui règne en Belgiquc sous
I'administration paternelle de Chiir.les rle Lorrline, I'activil,é uationalc
se tounle plincipalement vers I'irgr.iculture, qui fait, de raJrides pro-
grès. Pour en favorisel' I'essor, le gouvemement prend diflërentes
rnesures des plus ctïicaces.
II suppr'ime ou réduit les droits sur la sor.l,ie dcs graius et il dimi-
nue les autres impôts frappant les cultivateurs.
Les ouuiers cles canrpâgllcs sont dispensés du service militairc.
Certaines terles, transformées eu prairies altificielles, c'est-à-dirc
semées de slinfoirt, dc luzernc, de tr'èfle, etc., sont exemptées du
droit de vaiue p.{ture; I'usage d'abandouuer lcs tcrres cultivées i\
une jachère de trois us est déconseillé et mûtre défenclu.
II existait, cll certaines provinces, des fermes d'une étenduc
immense, ce qui réduisait à un pet,it nombre les personnes dirccte-
menû intércssées à une ltonne culture : on fixc l'étendue maximurn
desexploitations rurales à environ 60 bonniers de terres et à l0 dc
prairics ct jardinrges.
Dc lemps irnmémolial,les habitants d'une localité at'aient dr.oit à
la jouissancc des telrains coDlmullaux. Cette jouissance cornpr.etrait
pour'chacul : ln le clroit d'y firire paî[re son liétail, qui por.tait le
nom dc gr&sse pûture pirr opposition à celui de unine pûtu,re, cxercée
686 HISToTRE DEs lELcEs ET DE LEUR clvnrsATroN

sur les prés et les terres des particuliers ; 2o le droit d'y recueillir
les glands pour la nourriture des porcs (glandée) ; 3o le droit de
maisonnage ou droit de prertdre dans les bois de Ia commurte, le
bois rrécessaire à la constructiorr dcs liabitations ; 4o le droit au
bois de chauffage.
A plus d'une époque, les besoins d'une agriculture qui se perfec-
tionnait avaient conduit non seulement à lirniter ces droits, mais
aussi à faire des emprises sur les tenains communilux. 0n tlécide de
réduire encore l'étendue des clroits des particuliers sur ces terrains.
Le droit de pâturage sur les prés commun'ùux est limité aux saisons
mortes. 0n cesse d'y pouvoir faire paitre le bétail avant la prcmière
récolte. Pour les terres arables, ce droit est réduit aux terres en
jachère. La quantité de bétail jouissant du droit de grasse et de vaine
pâture est déterminé par l'étendue dc la culture exploitée.!
Le droit de vaine pâture, mème limité de Ia sorte, nuisait eùcore
à l'agriculture; il ne permettait, ni la seconde récolle des prairies
tant naturelles qu'artificielles, ni la culture des jachères, ni les
cultures dérobées : le droit de clôture le borne davantage. 0n iuter-
dit la vaiue pâture dans tous les champs clôturés.
Sous I'influence de ces excellentes mesures, I'agriculture accom-
plit les plus grands progrès, dans les Flandres, la Ilesbaye et
uue partie du }Iainaut. Les campagnes, er ces différentes régions,
sont si bien cultivées que les étrangers croient y voir non des cam-
pagnes, mais des jardins.
Cependant le numéraire étant rare dans les campagncs, les fcr-
mages se paient souvent en nature, du moins pour une part impor-
tante. Les ouvriers agricolcs reçclivent leurs salaires sous la même
forme. Parfois ils sont logés, nourris et, vètus dans la ferme. Ils ont,
de plus, droit, à unc part des produits agricoles ou des profits
réalisés sur la vente des animaux de I'exploitation. Les ouvriers
chargés de faire la moisson, de la rentrer et de la battt'c, retiennent,
le sixième ou le septième setier du grain fourni par le battage.
Plantes cultivdes. La culture du colza se répand en Belgique, à
-
partir de 1750; celle de la betterave fourragère introduite d'Italie en
France au xyresiècle,date chez nous de l775.La culture dela pomme
de terre se vulgarise vers {780. A la même époque, on commence
aussi à cultiver le tabac sur ulle certaine échelle.
0n attribue aux Romains ou aux croisés I'introduction eu notre
pays du pêcher, de I'ablicotier, de la vigte, du noyer, du châtaignier,
I'ETTPS IIISTORIOUDS. PÉITIODE AUI'IIICHIENNE 687
-
du cognrssier, du cerisier, du prunier,'etc. lllais longtemps après
leur naturalisation, les fruits des arbres que Ilous venons de citer
demeurent maigres et plus ou moins amers. Leur qualité commence
seulemenb à s'améliorer, il y a uu siècle, a\rec la multiplication des
espèces. C'est à un lllontois, I'abbé d'Ilardenpont, qu'est due I'inil,ia-
tive de la multiplication des cspèces par la fécondation arl,ificielle
des rneilleures variétés /{), notamment en ce qui concerne les poires
dont une espèce porte cncoro son nom, lebeu,rré d'Hardenpont.
Animaux domostiques. -. L'élève du bétail progresse e[ se fait sur
une échelle inportante. C'est vers le commencemcnt du xvrttt siècle
que s'introcluisent en Belgique l'épizootie des bêtes à cornes et la
morve des chevaux.
Industrie.
- En dépit des encouragentents du prince-gouverneur,
les industlies belges manquant de débouchés à l'étranger et ne trou'
vant pas dans le pays même des marchés assez intportants, ne recou'
vlent pas leur ancienne prospérité.L'industrie des laines a disparu des
Flandres et du Brabant : en 1752, la corporatiou des drapiers gan-
tois ne comprcnd plus que lutil maîfies (9). Par contre, la culture du
lin ayant pris dans ces proviuces une grande extcnsion, la fabrica'
tion des toiles se substitue à l'industrie tombée (3). La navette
volante,dont on attribue I'iuvention à uu ouvrier flamand,est employée
pour la première fois à Ypres en {740.
L'industrie nouvelle ne tarde pas i\ se développer au point que I'Es-
pagne et le Portugal tirent de notre pays toutes les toiles nécessaires
à leurs besoins et à ceux de leurs colonies.
Tournai conserve des fabliques de tapis renommés.
C'esC au plince Cliarles de Lorraine que I'on doit I'intloduction en
Ilelgique de I'art de fabriquer la porcelaine, dont lc monopole était
jusqu'alors, resté aux mains des Chinois (4).
D'autres industries prennent égalemelt naissance ou se dévelop-
peut à cette époque dans notre pays. 0n y voit naitre, particulière-
meni en Hainaut, des papeteries importantes. Les fabriqucs
bruxelloises d'indiermes, de carrosses, de chapeaux, de caractères

(1) Houznlu, p. 874. Patria Belgica,tome I.


(e) la fabricaiion des draps se transporte au pâys de Liége oir cette intlus-
trieest libre. Yerviers en est le centre.
(3) tes eaux de la Lys passent pour être particulièrement propres au lavage
des toilos.
(4) 0n avait longtemps ignoré I'existence du kaolin en Europe.
688 rrrsr'ornn DES BELcES ET DE LEUIT clvILISATtoN

d'imprimclic, porteul au loin la renomnée dc not,rc capitrlcr. Lrr


coutcllelie tlc Namut', lcs ouvrirgcs eu fotttc et cn fer ouvt'és, actluiè-
rent unc grande céléblité. Ilc rnùmc atrssi les tatutct'ies, les clot"t-
teries et la quincaillct'ie liôgcoises.
Yers 1725,Ânvers occupe à la fa]rrication dc Ia soie 19,000 pcrsoll-
nes et 9,900 métiels. Fiti[ curieux, d'rillcul's fitcilerncnt crplitrallle,
cotte partie cie la populatiOrt, cmignant pour son indtrstric ll ooucur-
l'ence tles produits silnilaires exotiques, combat la cr'éatiort tle la
fameuse compagnie génôrale dont il ii é1.ô piillé plus ltrut. Lil
construction des batcaux plend aussi quelquc iltpoltrttce crt liel-
gique. Nos en[repl'eneurs et nos ouvriers sottt retlotttltés jtrsqu'à
I'ctranger. lldrmc lcs Hollandais leur font cic nombreuses cotnntrtides.
La pèche enfin constitue urte inclustric fructueuse poul lcs Ilelgcs
du liûtoral.
Ainsi, sous I'action d'uttc longue paix, le Pays retrouve quelque
prospér'ittl. 0n en voit des preuves indéniiibles dans I'abondantrt' dc's
capitaux dont I'intérôt ne dépasse plus 3 p. c. ; dans l'élévrtion tlu
prix des terrcs, daus I'accroissemenI dcs revettus publics I tlu{itt,
<laus I'augmentation de la population, qui attcint près de deux ntil-
liOns et demi d'habitants, cn sorte que la Belgiquc motltc, troll)tne
populatiorr relative, au prenrier rattg, des états européens.
Les gildes et les corporations au XVllle siècle.
- i\ lcur oligine, ei
même pendant les deux ou trois sièclcs qui suivent leur inst,ittttiort,
les gildes répondent à un véritable llesoin social. Dlles procttt'ctlt
aux marcltands la sécurité iudispertsableà h prosperitédu colnnlercc,
en nlême tcmps, elles leur permetteuf lir conquéte des plivilirgcs
nécessaires à une époque oit I'on lle conçoiI ni la liberté pour tous
ni le respect de la personne et des biens d'autrui.
Ilais il rien[ u1 ntoment où, ett écartant toute concurtencc, le
monopôle commet'cial cxcrcé p{lr les gilcles cause le plus grartd tolt
aux colsommateut's, c'est-l-dire ir ltr plus grande par'tie de la popu-
lation.
De mène, les corporations de môticrs, sorties des 1écessités du
temps, ont à unc certaine époquc une hrttte utilitc sociirlc. [lles
favolisertt d'abord les progrès dcs arts tuécituiques. cll collccll-
trant dans les locrlités populeuscs des industries jusqu'irlors dissé-
minées dans les villages. Par Ia suite, orgaliisées cn compitgnies
militaires, les nÔmcs corporations conquièt'ent de nombrcux droits
politiques, sivils ou éconOmiques, résistent au clcspotisntc, etilin
maintiennent I'indépendance des commuucs et du pays.
'I'DIII'S HISTOIIIQUES. -_ I'TNIODE AIJT'RICHIEI$E 689
1[rrlhcur'eusemcnt, I'irbsence d'instruction à peu près universelle
chez lcs honmcs de métier, leurs vues étroi[es et, leur égoïsme
excc.ssif en matière d'industric conduiscrrt trop souvent lcs corpo-
latious à manifcster tles exigcnces déraisonnables. Lcs troubles
incessants provoquôs dans Ic pirys plr des rer,endications souvent
intcrnpcstivcs fatiguent les hommes d'ordre et amènent uue réaction
qui f:rit disparaitle les corpolations en tanl, qu'unités militaires et
politiqucs.
Mêrne comme corps d'artisims, les métiers {inissent par enraycr
les progrès dc I'industrie, en repoussant dc parti pris toute innova-
tion dirrts les procédés de firbrication.
Lcs corporations opposent d'lilleurs au progrès un autre obstacle
sérieux : ellcs parqueut lcs ouvrier"s eu dc véritables castes, d'où il
leur cst à peu près impossiblc dc sortir. Âinsi, ellcs empêchent la
manifestation dcs plus lcnralcluables apti[udes et des vocations les
plus décidées.'Enlin, ellcs sont Ia source de frécpentes et intermina-
bles qucrelles enl,re les at'tisans dcs diterscs industries : << Iintrc les
libraires et lcs bouquirtistes, c'cst une lutte perpétuelle sur la ques-
tion de savoil cc qui distingue un bouquin d'un livre; Ies selliers
attaquent les charrons; les taillandicrs se plaignenl, des maréchaux-
ferrants; les cloutiers ne veulcut pas qu'il soit permis aux serruriers
de fabliquer Ies clous dont ceux-r:i ont besoin. Il n'est pas jusqu'aux
clieuls de vieux fers qui n'aient leur jurandc et, pour comble de
dérisiol, dirns un procès qui dure trois siècles entre les fripiers et
les tlilleurs, quatre ou cinq mille jugcments sont irttervellus sans
pour,oir bieu marquer la limite qui séparc un habit neuf d'un vieil
halrit. D
< C'était,, on le voit, dit Louis Blanc, un désordre effro.vablc et Ic
pire des désordres puisqu'il avai[ sa source dans l'égoïsmo et dans
I'orgueil. Qu'étiez-rous delenucs, pieuscs et charitables jurandes dcs
temps jadis?
Phases successives par lesquelles a passé I'organisation des métiers.
des urétiels parcourt à Liége cinq phases principales
-quiL'institution
se rctrouvcnt scrrsiblernent dans les irutres métiers pour toutes
lcs prrtics du plys.
 leurs dôbuts, les corporal,ions sont composées d'artisaus de
merne môtier unis simplement pour s'entr'aider ou sc réunir en des
fètes annuclles. Elles fomrent alors dcs associations puremenl indus-
triclles.
V. Mirguet. - Histoire des Belges.
690 HISTOIRE DES BEI,GES BT DE LEUR CIVILISÀTION

Ce caraclèr'c primitif cle I'institution se maintien[ jusque ver's I'au


1300. llais, :r cel,te époque, les plébéiens dcrut les nréticrs sonb formés
utilisent la for"ce que leur prète I'association pour s'organiser en
cornpagnies milil,aires e[ rrracher aur classes supér'icures des privi-
'plus étenclus. partir
lèges rle plus en A de 1,291, les méticrs dc
Liégc sont reconlius par les princes-évêques comlne unités nrrll-
taires. Dùs lors, I'objet des corporations n'est plus seulement cle
s'entr'aider ou de s'associer en vue d'une rction industriclle com-
mulle, rnais encore de faire respecter Ies privilèges qui leur ont été
concédés, au besoin de défcnrh'c les chartes dc lt comnune on
I'indépertdance du pa,vs.
Àu point de vue politique, les corporal,ions arrivent dc conquôte
en conqurSte à l'égali[é, puis à la suprérnatie politique. Ce r'ésultlrt
Ieur est garauti à Liége par la paix d'Ângleul en 1313.
A partir de ce moment, les métiers forment des collègcs politiques
légalement reconnus, et, pendant, 350 ans enviror), c'est, par I'inter.-
nrédiaire cles métiers, au nombre de 95 d'abord, enfin de 39, que lcs
Liégeois exercent leurs droits de citoyens.
Le Rr\glernent de {684 supprimera les métiers liégeois en tant quc
collèges lrolitiques et conrprgnies militaires ({) ; ils ne seron[ plus
rlésormais que ce qu'ils avaient été primitivement, cles corporations
a.vlnt pour unique objet I'assistance mutuelle et I'exercice des arts
mécrniques.
Enfin, L'r révolution liégeoise de 1789 abolira définitivement une
institution depuis longtemps surannée.
Ainsi, lcs corporations d'artisans, d'aborcl simples u,nités indu,s-
trielles, ajoutent plus tard à ce citractère celui d'u,nités militaires ponr
se constituer, t\ I'époque de la grande puissance communale, en
urrités à la fois indu,strieLles,, nûlitaires et, politiqlrr.s, jouissant des
droits les plus considérables. Après avoir successivement perdu ccs
deux derniers caractères, elles sont définitivement abolies t\ l'époquc
dc la Révolutiou frangaise.
Commerce. La fermeture de I'Bscaut avait nécessairement,
-
anôanli notre commerce maritime. Envue de favoriser les inclustries
nationales ct, Ie commerce intérieur, le gouvememcnt du princc
Charles frappe dc dloits élevés, ù leur entrée en Belgique, les pro-

({)Depuis.longtemps-, ils avaient perduce double caractère tlans'iles autres


communes belg:es, grandes ou petites.
îltmps nrsronl0uns. PËRIoDE ÂurnIcHlENNE 60{
-
riuits anglais, français et hollanclais. Il espère, de cette façon,
activer I'industrie et le cornnlerco nat,ionilux. Personne ne se fùt
qui
avisé, aux siècles passés, de contester ce priDcipc écoùomique,
passait pour un axioms : uù pa)'s. pour pl'ospérer", doit expot'ter
ir plus possible, importer. le moins possible et cxporter plus
qu'imporier. E1 d'autres termes, u1 pâ.vs doit vcndre beaucoup à
l;étranger et lui acheter peu. De là le système à la fois protecteur
et prohibitif des douatres en si grand honneur au siècle dernicr'
ll[ais par dcs mesures diver$es, telles que la Suppressiorr ou I'abais
*.*uut des péagcs et des droits cle barrière, le prince Charles
cncourage le comrncr.ce de ipnsit, c'est-à-dire le transport,, it tt'a-
vers le pays, de rnarchanclises destilées à d'autres. Cc commercc
se dér,eloppe àu point tl'atnener, pendant la seule année 1783,
3000 navires étrangers daus le port rl'Ostende, déclaré port franc
depuis l'i81. 0n crée des cntrepÙts dirns les plincipales villes;
qui
cle rtouvelles routes sont ouvertes; on retnet en bon état celles
existent; toutes sont convenablement elltretenues. 0n régularise lc
service des messager.ies. Le lit cle plusieurs rivières est approfondi
et rendu ainsi.navigable. 0l répare aussi les canaux' et on en créc
de nouvgaux: le grantl-canal de Lolvaitt, entre autres, clestiné à
nettre cette ville en comlllunicirtion avec I'Escaut, date de l'époque
autrichieune.

TITRE XIV

Vie domestique, coutumes, meuns'

Nourriture. Au siècle dcluier, on fait ordinairement trois repùs


le jour : on
-
déjeune i\ sept ou huit heures du matiu, on dine à midi,
0n Soupe yers sept heures du soir. |,e déjeuner consiste en u1e soupe'
maigre ou grasse, qui a loqgtemps mijoté devalt le feu : presque
toutes les classes de la société en font leur principale nouniture au
repas du matin. Le café, le chocolirt, lc thé ne la détrÔncnt quê Ie1-
tement. Les gcns du peuple mangcnt beaucoup de pois, de fèves,
do riz, etc. La pomme de terre est peu utilisée comme aliment de
I'homme.
Vêtement. Les hommes continuent à porter la culotte et â mettre
-
des souliers à boucles. Les grands portent le frac brodé à revers et
à larges pans, l'épée, le chapeau de feutre à trois revers, la perruque
69E ttrsrornn DES BELcES ET DE LEUR crvrlrsATroN

et point clc barbe. Longtemps, la mode des paniers (t ) se perpôtue


chez les darnes.
Lcs jouls ouvrables, le paysan met une simple blouse de toile; les
jours de fête, il se vôt d'un .justaucorps. Des parapluies aux dimen-
sions énolmes âpparaisscnt, qui se transmettent d'une génération à
I'autre : ce sonû, à Ia lettre, des parlpluies de ftrmille.
Voici cornrnent un joumal suisse racontait dernièrement I'appari-
tion dLr premier parapluie, au comlnelrcement de I'lnnée {760 : < Un
blrnehisseur du nom cle Tannel leçut t1'un ami, établi à Paris, un
caderiu melvcilleux. C'était une gigan_tcsc{uc nrachine, nrunie d'un
mécanisme qui le remplissait d'étonncnrent, car jamais on n'avait
vtr à Hérisilu un appareil aussi ingénicux. Qurncl, le tlirnanche, il
faisait < rilain tcmps ,r un domestique de Tanner, cn hallits dc fètc,
était chalgé dc sortir avec le parapluie; torrt d'abord c'était le
landammann (prcmier magistrat du pays) Schiers qu'on allait,
clierchcr pour le conduirc solennellement l\ l'église, en pr'ésence
d'une foulc énien'eillée. Le domestique allait ensuite chcrcher
lc pasteul qui de'r'ail, ollicier; puis c'était, 1e tour du propriétaire
de la niacltine. ))
Habitation.
- A la câmpagne, les habitations du peuple et Ie
mobiliel snnt l\ peu de chose près ceux des époques précéclentes- :
ils se r'éduisent au strict nécessaire. Généralement,, les maisons,
couvertes de cliaume, rcstent basses et sans autrc pavement que h
terre battue. souvent les fcnêtres mùniluent de vitr.cs et continuent
à se fermer avec rles volets de bois. Quand Ies fcnirtrcs à r,itres exis-
[cnt, cllcs sont formées rle petits carreaux d'un r,erre grossier sou-
tenus par Lur treilhge dc plomb. Dirns les villos, les habitltions sont
orclinuirernent couvertes cle tuiles ou tl'rrcloiscs et pourrues dc
fcnr'rtres yitr'ées.
chauffage et éclairage. L'hivcr, un grand feu cle bois, pétillant,
-
diurs I'irlre, chauffc et, en rnômc temps', éclrrile la pièce oir h famille
pilsse la soirée; palfois, chez les moins pâuyr.cs, ule chandelle rle
suif ou une larnpe fumeuse donne, pendant lcs longues veillées
d'hiver, un mauvtis éclairage, quoique luxueux pour l'époque . Les
plus rirrlrcs emploicnt Ia bougie de cire d'abeille, mais avec parcimo-
nie. Lc quinquet sera seulement inventc en {787.
L'éclairage public existc à peine dans les plus grandes rhtes. A

(I ) Jupon garni de baleines, qui soutenait Ia robe.


TEUI'S tilSÏ0ftr0uEs. r,ûRt0DE AU'flrrcHrBNliE 693
-
liége ccpcndanl, ou remplace, dès 4774, I'éclairage des rues à la
chantlellc par la lurnière de 534 rér,erbères à I'huile ({).
.leux et amusements.
- Les carrousels qui avaient été ù la moile
rprès lcs iournois, t,ombeut pcu ir peu en désuétude. pitrmi les
danses en vogue) r-rn cite lapauune, oir I'on figurc en granci costume;
la sarabuntle,la gauotte, e[ surtouLle menu,et.Le rigodon ct la gigu,e
sont les rlanses populaires. D'ol.ig'ine polouaise, l.a. polku, cL lt. ualse
ont sculcrnent pris flveur clrez nous dlns le cours du xrxe siècle.
Les errfarrts jouenl '.r lzt balle, comng précédcrnrnent; aussi t-ttt colin-
ntaillartl, t l'a pattme, au uoluttl. Le lansrluenet,le pharaon, Ie brclart,
lepirlu,et sont les principaux jeux de crrtes.
vue d'ensemble.
- Lcs temps dc Ia dornination autr.ichienne .nc
sont pour les Belgcs qu'un long état de léthar.gie. Tout au plus si
parfois une agitation momentanéc décèle chez cux un reste de vie.
Tels les troubles dont Annecssens est, la victime ct le héros.
lios fleuves sont fcrnrés, notrc intlustrie morte. L'iruéanrissement
de notle comrnerce extérieur est si .cornplet, que lcs Anvcrsois lc
se rappclleni pas avoir vu un niivire. De rnôme notre rie intcllec-
tuelle et artistique est éteinte. La Belgique, qui avirit, jeté uu si vif
éclai au xvru siùcle et au commenccrnent {lu xvue, par le nornble et
par I'illustration dc ses grands hommes,, semblc mainlcnirni frappée
d'impuissance et de stér'ilité. c'est, à pcine si, penclaut toute la duréc
de h domination autrirlhienrlc. orl voit quelqucs homrncs distingués
dans les scienccs ou dans les let,l,res, trancher.sur li.r nullité ou la
mecliocrité unilersolles.
Yainemenlnos souvel'ains, en qùek.1uc sorte confus cle corlmarder
i\ un pctrple aussi arriéré, chcrclient a le révciller cle son rourd
engoLrr:dissemeni. Les Belgcs opposeut la plus invilcible résistirnce
à toutc tentative de régénér,ation.
La défaite des Âutriclriels à Fleurus, en {?94, nous livre ù lit
Irrancc : événcment qu'il cst diflïcile de cleplorcr, malgré cer.tnins
lnaux prrssagers, si I'on tient compte des grands bicnfaits qu'il
nous lrrlut,, parnri lcsqucls il suflit cl'indiquer I'c'galité civile e[ I'abo-
lition de tous les privilègc"s.
-#_
({ ) I}oul se fairo_ une idée des progrès réalisés depuis deux siècles dpns
toutes les choses rclalives :i la vie sociale et domestique, lire lc clrapitre ill,
tomc I, ùel'Ilistoirc d'Angleterre, pat ,llccculny, intiiulé : Ijtat dc'I'Angte-
ten'e en .168ô.
694 HISToIRD DES DELGES ET DE LEUR clvltlsÀTtoN

CHAPITRE X

Période française.

Ouvnage5 à consulten :

Sotel: L'Europe et Ia Révolution française, ilIîchelet: Les soldats de la


-
Révolution. Chalarnel: Histoire de la liberté en France depuis 1780. -
-
Faustin-Iltlie .. Les Constitutions de la France. - D'Hunssonuille : L'Eglise
romaine et le premier empire. du costume en France.
- Quicherar.'Histoire Dttbois .' IIuy sous la
Paul Janet : Histoire de la Révolution française.
- -
de la France contempo-
I'aine.' Les
république et sous I'empire.
- Tocqueuille: Qrigines
L'Lncien régimeet la Révolution.
raine. L'Àncien régime.
- -
TITRE I
Géognaphie histonique.
À dater de {?95, les Pays-Bas autrichiens font parlie intégrante rle Ia France
qui, en {8{0, sous Napoléon ler' compte 130 départements. '
En outre, les royaumes de Westphalie, d'Espagne, d'Italie, de Naples' la
Confétlération suisse et celle du Rhin relèvent de l'empereur des Français qui
s'es[ arrogé à leur égard le titre de nédiateur.
Les Franqais divisent notre pays en neuf départements, savoir; Les dépar-
tements do la Lys, chef-lieu Bruges; de l'Escatrl, chef-lieu Gand; ùe Jem'
ntapes) chef-lieu Xlortt ; de I'drltre-sambre-et-XIeuse, thef-lieu JYantrt',' des
Iior.ëtst clref-lieu Lurembourg; de l'Ourtlre, chef-lieu Ltége; de la Xleuse-
inférieure, chef-lieu nlaastricht; de lu Dyle, chef-lieu Bnmelles; des Deux-
Nètlrcs, clief-lieu Anucrt.

TITRE II
Les faits.
Situation potitique, économique et sociale du peuple en
Europe avant 1789. Dans la plupart des pays européens, la
-
royauté, unie aux classes tlirigeantes- clersé, noblesse, haute
PÉRIODE FNANÇÀISE 695
TEIIIPS IIISTOIIIOUES.
-
bourgeoisie avait, durant de longs âges, exercé sur le
peuple une tlomination souveut très lourtle. Mais, au siècle
tlernier, une multitutle tl'écrits paraissent, qui font à I'ancien
régime une guerre acharnée. Battu en brêche tle toutes parts.,
celui-ci sent à la fin le terrairt se tlérober sous lui. Plusieurs
souver:riils, ainsi qu'un certain nornbre tle nobles et tle prêtres,
encourâgent même Ie mouvement.
Entre les publications qui paraissent alors eu France, le
pamphlet fameux tle I'abbé $ieyès cause ulte irnpression
particulièrement profonde. Il se résume énergiguement dans
ce court dialogue : tt Qu;est-ce que Ie tters état? Tont.
-
A ryrci uspire-t-il?
Qtt'tr,-t-il été ju,sqùù pr'ésent? Rien.
A être yæIqu,e chose. n
- -
Les abus à réformer sont nombreux :

. Abus sociaux et politiques. - Le servage s'est perpéttté


en certains lieux et les arrestations arbitraires sont fréquentes.
Presque partout Ia liberté indiaicluelle manque de garunties.
(Lettres de cachet ({) en France. )
Dans la plupart tles pays, une censure rigoureuse enchal,ne
Ia liberté de penser.
En France, en Belgique et dans plusieurs autres coutrées
de I'Europe, les catholiques peuvent seuls exercer publiquement
leur culte, arriver aux emplois, jouir des tlroits civils (2) ou
politiques (3). L'inverse se protluit en pâys protestants. La
Iiberté rel'igieuse est encore a peu, pr'ès partout inconnue.

({) 0n rlonnait, en France, le nom de lettres rle cachet à des letires signées
par le roi et contre-signées pat un se*étaire d'Etat. 0n les appelait ainsi
irarce qu'on ne pouvait les lire sans briser le cachet dont elles étaient fermées
et par ôpposition à d'âutres lettres, dites leltles petentes. Les lettres tle cachet
servaienl souvent, soit à envoyer quelqu'un en exil, Soit â le faire arrê{er et
conduire dans une prison. C'était donc, sous ce rapport, un instrument de
tyrannie
- ei, d'arbitraire.
(9) Droits qui sont attachés à la qualilé de citoyen et ne se rapportent qu'à
I'intérêt privé.
(S) Droits qui sont attachés à la quatité de citoyen et se rapportent à I'in
térèt généml.
696 ursrornn DES BELGES ET DE LEriR crulrsÂl'roN

Rares sont les peuples en possession tl'une représentation


tle se réunir spontanément,. La
rrationale qui jouisse du droit
libertd politiqu,e n'eniste qtas.
Le dergé a ses triltuuaux particuliers; les justices féodales
se maintiennent en beaucoup d'endroits; partout, la noblesse
possède d'importantes pr'érogatives jutliciaires : 0n ignore
l'egalita d,eaant la loi.
Le clergé et la noblesse forment des classes privilégiées. Ils
ne doivent pas I'impôt proprement dit.
En France, le clergé n'est tenu qu'à tles dons gratuits elont il
lixe lui-même la quotité. La noblesse paie la capitation, plus ce
qu'on appelle l'impôt du viugtièrne. Mais le tiers état paie
ces tleux impôts et de plus, tloit seul la taille, principale
ressoufce du trésor. Dans les campagnes, le peuple, astreint
à la taille, est en outre soumis à la corvér\ (t). On n'atlmel pas
l'tigalité cle tous tleuant l'impôt.
Certaines fonctions tlans Ia magistrature, les finances et
autres services publics sont héréditaires ou vénales.
Il faut appartenir à la noblesse pour devenir officier.
Tou,s les citoyens ne sont pas admissiltles aufr entplois
publics.
Les abus économiques. La plus grande partie de
la terre reste immohilisée eulre les rnains du clergé et tle la
noblesse, tlemeuraut ainsi, au profit tl'uue faible partic de ia
population, en tlehors de I'activité sociale. Les seuls liiens de
mainmorte ont, en France, ur)e valeur estimée à quatre milliards
de francs (9). En Belgique, c'est pis encore. À la vérité, les
paysans peuvent acquérir la terre, mais on comprentl combien
Ia chose leur est tlifficile. D'ailleurs, ils restent, en I'tcquérant,

(f) Plul hxnr. Iltstoire de Iq Rétolutiorr, p. {0.


(9) Yoir V. Brandts, p. {76. Les rlimes ont été allolies en Belgique par
I'arrèt du 44 blumâire, an IV, (3 novembre.l705), publié en exécution du
décret du 9{ août .1789 et de la loi du {7 juillet 1793.
rElrps [rsï0nrQUES. pÉRr0DE I'RANÇ.{ISE 897
-
trop souvent assujettis à la dîrne ({), aux champarts, aux bana-
Iités, à certaines rentes et à diverses autres obligations féodales.
l)onc, lrtoint tle liberté entière de Ia ltropritité.
D'autre part, les corporations et les gildes entravent I'essor
tlu commerce et tle I'industrie. La libe.rté du trauail n'etiste
Pas.
Révoluiion française (2). Convocation des états généraux. Les
-
enrbalras Ilnanciers de la Couronne 131 obligcnl Louis XVI à con-
-
ïoquer les él,ats généraux qui, le 5 mai {?89, se réunissent à
Versailles.
les prernières réunions. le tiers état
L'Assemblée nationate.
e,xige la substitution clu
-voteDèspar tÔte au vote par ordre. Après de
longues et, inutiles légociatiotts, la noblessc et le clergé refusent de
se réunir au tiers rlgi, uottobstant cc rCfus. se déclare assemblite
nationnle. Bspérlnt se di:brrrlsser ainsi dc censeurs gônants, Ie roi
ordonnc cle fermer la salle orclinaire des clélibérations; mais
I'lssenrblée se réunit daus la salle du jeu de paullle où ses membres
jurcnl, solennelletnent de ne se séparer qu'après avoir donné une
constitution à la I'rancc. C'est le fameux sernent dtt. ieu de pnu.nte. Le

({) On sait que la jime avait été primitivement établie pour faire face, dans
les paroisses, âux besoins des personnes et à I'entretien des objets voués au
cultb. Peu à peu rJétournée {e sa destination originelle, elle passe en partie
anx rnains tles chapitres et des corporations religieuses,
0n dislinguail, les gr.osses dinrcs, prélevées sui les grains, les foins, les vins,
le gros lrétail, etC.; lès ditne* rnutuàs 0u dlntes rtettest pel'çues sur les produits
tle"la petite culture : légumes, petits animaux dornestique,s (moulons, chèvres,
porCs, volailles, ctc.) el, sur les plantes inrlustrielles, lirt, chatlvre, etc.; la
àime'rrouule, prélevée sur les terres ttouvellement délrichées, enfïn Ia dinrc dtt
luit, rlu beurre, dtr..fromutle, rlu nziel, rle Ia cire, tlu hurentl, etc.
D'ortlinaire,'on affernte la <Jîrne; elle n'etl devienl, souçent que plus otlieuse à
cause rle f inrpitoyable t'igueul avec laquelle la pcrçoivenL l_eS décintuteurs. Ott
voit ces elnirlol;és pénéirer avcc des chariots tlatts les chanps oir se fait la
lnoisson, fouiani au 6esoin, pout' y ârriver, les récoltes ellcol'e sur pied ; vérifier
le nonibie tles gerbes
"ries
et en-emporler lr dixiùme partie.Cette perception donne
parfois Iieu à conflits r,iolents, à rJes procès, à des ligues agraires, voire
à des révoltes.
(g) 1 serait diflicile de bien saisir I'esprit des institutions belges actuelles
si i'on ne possédait quelques clartés tleÀ grands événemcnts sociaux et poli'
tiques doni la France'l'ut ie théàh'e à la fin îu siècle dernier. Nous ferons donc
ici un historique sommaire de ces événcments.
(3) 0n consialait clraque année un tléticit tlc {,{.0.000.000 de francs dans les
builgets de l'Etat. Ce fut ta cause appârente et occasionttelle rle ll Révolutiott
française.
698 IITSTOIIIE DES BELGES BT DE LEUR CIVILISÀI'ION

93 juin, Ie roi inl,ime à I'assemblée nationale, I'or.dre de se


séparer. Illais Miralieau, parlant au nom du tiels, fait à I'envoyé du
roi, le marquis dc Dreux-Brézé, cette réponse ménorable : < Allez
dire à ceux qui rous envoient (,1) que nous sommes ici par Ia
volonté du peuple et que nous n'en sortirons quc par la force des
baïonnettes. >
La Constituante. L'armée lui refusrnt son appui,
force est bicn
-
à Lorris XVI de s'incliner e[ I'assemblée se transforme en consti-
luante. Le peuple, craignant les résistances de la cour, s'insurge
et, le 14 juillet, s'empare dc la Bastillc, prison d'état considérée
romme le symbole du despotisrnc et dc Ia servitudc. La périodc
violente de la révolution commençrit. À leur tour, excités par lc
souvenir de vingt siècles d'oppression et de misère, les paysans se
soulèvent dans les provirtces et, se pettent à pillcrr, à démolir,
I incendier les abba.ves et les chirterux. De nombrcux assassinats
son[ commis. Pleins tl'étrtouvantc, un grald nombre de nobles e[ dc
rrrcnrbres du haut clergé quittent Iir France. C'est le début de l'émi-
gralion.
Fin de l'Àncien régime.
- Cepcndant, à la séance du 4 aott, vive-
ment impressionnés par I'agitation qui se mauifeste dans le pays ou
entraînés par Ie crourant général, les députés du clergé e[ de la
noblesse abandonnent spontanément tous lcnrs privik\ges : la dime,
les corvées, Ia nrairtmorte, les justices ecclésiastiques et seigneu-
riales, le dloit de chassc, etc., disparaissent. En mème tcmps, ou
proclame I'abolition de la servitude persounelle et de [ous ]es
privilèges particuliers tzrut du clergé et de la noblesse que des
provinces., des villes e[ cles corporations et, I'admissillilité de tous
les citoyens aux enrplois civils e[ militaires. tel,te journée marque la
Iin de l'Ancicn tégilne.
La Déclaration des droits de I'homme et du citoyen. La Coustituartte
-
commence par formulcr une déclaration de principes collrlue sous le
non de Déclaration tles droils del'ltotnne et rfu citoyen. Cctle décla-
ration établit les principes qui doivent présider ù I'organisation des
sociétés. Elle est restée, depuis, la basc de Ia cortstitution cltez tous
les peuples librcs.
Nous en signalerons en temps et lieu les articles les plus impor-
tants.

({) Et non: c à votre maitre r, comme on le lui a souvent fait dire: un


tel refus aurait été trop injurieux pour le roi.
TEIIPS IIISTORIQUES. _ PÈ]RIODD FRAT{ÇÀISE 699
Première constitution française. Une constitution ou loi fonda'
-
mentale, basée sur la Dëclaration et attribuant, aux citoyeus les droits
les plus éteuclus, e$t peu après clonnée r\ la Frartce par h Consti'
tuante.
En voici les principales dispositions ({).
Pouvoir législatit. Il existe une chambre tlllique' tlite assentblée
-
Iégislatiue,élue pour deux atts par le suffrage à deux degrés. Pour
êtrc électeur primaire, il f:rut^ avoir 95 ûns et paycr un cens
équivalent à. trois jou,rnées dc [ritvail (environ 3 francs). Lis électeurs
prinraires Se réunissent ptr cantons pout' nolllmer les électeurs du
ieconù tlegré, à raison ,Je un potn' cent du nombre des électeurs du
prenier AEiA, Les électeurs du seconcl degré sont choisis parmi les
.ito-nens payant un impÔt équivalelt à cent ci'nquante iou'rnées de
travail. lls se réunissent px tlépnrtenrcnls pour nommcr les déptltés.
Pouvoir exécutif.
- Ll constitution attribuc au roi wt droit de
ueto (2) suspensif, pour quatre ans. Le roi ne participe an pouvoir
législatif que par sol droit cle veto ct tre dispose pns du droit de
grâce. Il n'a d'ittitiatile que pgul'la guelre et encole sous h résefYe
ilu consentement de I'assemblée. 0uoique responsables, les ministres
ne pcuveut, faire partie de I'assemblée législative.
le pouvoir iurliciaire est
Pouyoir iudiciaire.
- En matière civile,
conlié à des juges élus pour dix arts par les électeurs clu second
clegre; en rnatière criminelle, à trn jury fogné de dou,z'e citoyens,
tirés au sort et, chargés cle se prononcef sur la question de culpa'
bilité.
partagé
en départe'
- Le tcrritoire est
0rganisation administrative.
nrentl, les départelnellts en rlistricts, les districts en cantons,'les
carrtorts eI cnltnnltnes. Chlque division et subClivision territoriale -
le canton excepté élit un collègc dfadministration ot conseil :
-
chaque commune l sx llumfuipalité; clraque district et cltaque
dépar"temeut son directotre. Aucttn fortctionnaire de I'ordre adrni-
nistratif n'es[ ttommé par le gouYel'nement. Tous procèdent de l'élec'
tion. Lc maire seul a Ie droit de requérir la force publirlue. En fai[,
r:haque commure de Frartce forme une pctite république'

({) La Belgique n'a pas été régie par cette conÈtitution. Néanmoins, il est
utile que tes"éteves en connaissint'les points essentiels s'ils veulent com-
prendre les constitutions postérieures sous lesquelles nous avons vécu'
' igl Refùi que fait le chdf de I'Etat de sanctionner une loi votée
par les
chambres.
f00 Hrs't'ornn DEs BtsLcES rir DE LEUn clvtttsÀTloN

La devise de la nation est : Libuté, Egalité, Fratenzité.


< si les privilégiés et la cour cussent aecepté définitivemcnt, la
situa{,ion, peut-être la conciliation erit-elle pu avoir rieu sarrs effu-
siou de sang D (1,1. L'èrc nouvelle se ftlt ainsi ouverfe prcifiquernent
pour la France e[ pour le monde. lTlais, à nioins de mé,:onnaitre Ia
na{,ure humaine, ol) r)c pouvnit espérer cle voir se soumettle immé-
diatement e[ sans rcgret i\ une loi comrnune ceux qu'on tlépouil-
lait de privilèges irnmémoriaux, ni s'attenclre à ce qu'un peuple,
brusquement appelé à la pr:atique de la lihcrr.é, en fi[ aussitirt un
usage invariablement, juclicicux. La Révolution devrait trlvcrser
bien des phases agitées avrnt de fairc entrer définitivemerrt dans
I'organisrtion soci:rle et drns les mæurs, ces grallds pr.incipes dc
liberté, d'égalité et cle fr'aternité rér'élés ru niolde par Ie chlist
depuis près de deux rnille ans, saus ervoir jamais réellcmcnt pcnétré
clans la conscience tle I'humanité.
L'Assemblée législative.-(l* octollre .lTg.l 20 septemllre {?g9).lln
octobre 1791, la consti[uaute f';rit, placc à - l'*zlssernf'Lée legi,skttiue.
Illais, d'rccord n'cc l'étrangcr, le r"oi et les classes jusque-lit plivilé-
giécs, travaillent i\ cmpèchel I'rffermisscment du uouvcr ordre de
choses. En présence de ces menées, qui coincident avee dc gravcs
défrites subies aux froutièr'es pâl'les arrnées frrncaises, I'assernblée
législltive suspend les pouvoirs du roi et décrr)te la r.éuniou d'uuc
'
t:ortuention nationale (2).
La Convention nationale. Proclamation de la république.
(91 septembre 1792
-26 octobre
réunit, alors et gou\erne
{795). La convention nationiire se
la Fr.ance du Zt septernbre {7gg au
96 octobre 1795. son prernicr acte est la proclamation rlc rir répu-
blique.Âccusé d'avoir cntre{,enu des relirtions sccrtitcs avec les ellle-
mis des insti[utious nouvellcs, Louis xYI, mis ct jugeurent et
condamné à molt, est exécute le 2.1 janr.ier 1T93. Pcu aprùs, la
Conveltiou vote uno coustitution nouvelle 11ni, l;elucou;r plus
démocratiquc que la première, étalllit le sulïr'age uuiversel rlirect.
Avant de devenit obligatoires, les lois doivent ritre ratifiées prrr les
électeurs tlans lcs quurante jours. Âinsi le peuple cst nol seule-
de tous les pouvoils, nais il lcs exerce. L'rssemblée
merrt la source

({) Plur, Jluer. Histoire de Ia Rét,oltttiol, page 33.


(2i Assemblée représentative convoquée extraortlinairement pour nodi{ier
une constitution.
Ttilrps HrsT0ltrouEs. l)ÉlRtODE tnAliÇÀrsE 70f
ttationrlc, r'enouvelée tous les arrs, portc le nom de corps l[gisfutif-
- La Terreur (2 juin lTgg-97 juiltct ligl).
Le comité de salut pubtic.
cette consti[ution ne devrit jamris entler en vigueur. Les con-
-t'cntionnels ne tardcnt pas à reconnaitrc qu'il importe dans la
rcdoutable crise traversee par la France, dc fortifier le gouverne-
ment par I'attribution de pouvoirs extr,aordinaires. Ils suspendent
les dloi[s garantis à tous les citoycns et conlîcnl, h t]ictature à un
contitti di| de salu,t ltu,blic, dont les net$ membres, choisis par la con-
vention. sc Ëenouvcllent tous lcs mois. Au nombre cles mesures
prises par Ie comité de salut pubric, signalons I'cnvoi, aux arrhécs
ct, dans les départements, de iliputes-conntissairss munis de pouvoirs
absolus.
D'rrutrc part, Ia convention vote lo loi tres nts?tects qui pcrmet, au
comité de faire trrÉ,r[s1 s1 rnettre en jugement toute persollne
soupçonnée de nourrir des sentimenl,s lrostiles à Ia république.
llnfin, un tlibunal spécial, lc tribzr,nal réuohttionnuire, es| chargé
de jugcr lcs suspects. A son lour, Ia r"eine lllarie-Antoinette
rnorrte sur I'échiifirud ( Li94). Des milliers d'autres tètes tombent
après Ia sienne, à Paris et sur tous les points de la France.
Bientôt les républieains eux-rnônies se dé{iant les uns des autres,
s'enloicnt mutuellcment à lrr mort. Accusés cle motlélantisme
1-tttr Dantorz eL canûHe Desrnou,li,ns, chefs r)es jacobins (l) libirauæ,
les girondins (9) périssent les premiers. Dantou ct Desrnoulins, ir
leur tour, succombent dans leur luile contre Robespierrc cL gaint-
./zrst, chefs dcs jacobins atttoritaires et ruclicaun, défenseurs tje I'au-
tocratic absolue de I'Etat (5 avril r,794). cette terr.ible époque,
pendant laquelle la guil]otine fonctionnc sans interruption, cst le
règne de Iu Terreur.
Conquête définitive de la Belgique par les Français.
vaincus poui'la secoude fois par les Français â Fleurus, er
llg4, les Autrichiens évacucl[ définitivement la Belgique.

(1) club des Jacobins, société populaire instituée à paris sous Ia Révolution
et rlont les membres se réunissaient dans un ancien couvent de jacobins. BIle
se distinguait par Ie radicalisme de ses idées et la violence avec laquelle elle
produisait ses revendications.
(9) Parti- politique de l'époque révolutionnaire dont les députés de la Gironrle
^
formè,rent Ie-noyau. les g'irondins, en opposition avec les jacobins oa nniltu-
gnards, se distinguèrent par une modéraiion relative,
?09 Hls'l'Olltli DBs BDLGES D'I DE LDUR 0IYILISÀTI0N

Pentlant ulle anttée eutière, nos provinces sout traitées Ûn


pays conquis, c'est-ti-dire livrées à un pillage plus ou nOins
légal.
Contributigns de guerre. Les Ft'ançrais commencent par
-
verser le contenu tle toutes les caisses publiques thns celle tle
leur armée. Ils trappent ensuite le pays d'une lourtle contribu-
tiol tle guepe, qui ne s'élève pas à tnoitts tle 800000,000 tle
frarlcs, payable datts cottt't délai. Puis ils enlèvent, tles
tttl
n}usées et, des bibliothèques, des églises et des cloîtles, pour
les elvoyer en Frauce, tout ce clui s'y trouve de plqs précietix
en argenterie, objets tl'att, livres et manuscrits. En{iu, ils
exigent tlu clergé et de la noblesse le paiement imrnédiat d'uue
couiribution double tle la contribution payée annuellement
par ces deux ordres.
Bruxelles, ville de 65,000 habitants ettvirou (l), se voit
taxée à 5 millions de francs et I'ott enfertne dans une forteresse,
jusqu'à I'entier paiement tle cette solnme' 125 notables, dési-
gnés pour servir tl'otages.
La population rle la ville de Huy De dêpasse pas 5,000 âmes,
dont pr6s de 3,000 inrligents. Son l'erellu atteint à peine
g0,00b francs : on luiirnpose ulle tâxe de 150,000 francs à
folrnir e1 numéraire, dans les cinq jours. Passé ce délai, il
tloit être pris uu otage. Cette contribution est payée par" le
magistrat, les prêtres, les tnaisons religieuses, les privilégiés,
les ricltes propriétaires, fabricauts, 1égocialts et' capitalistes'
peu
Les cultivateurs, Ies ouvriels, les artisans et autres citoyens
aisés en sont exemPtés (2).
Assignats, c6urs forcé et maximum. Cepentlant les Fral-
-
ils se trouveut ettgagés occa-
çais, à qui les diverses guel'Ies oir

(|)Lapopulationr]eBruxelles,en|801,étaitde60,000âmes(Jusre,Ifds-
' ae Belgique,
toù'é tomelll, page l{8)- -. -
e\g}thËririOor, an II'(7"aoùt,1794). Dunots. Huy sotts la r,tltubliqtrc ct
sotis' l' empire, Page 54.
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104 rus'r'olnu DES tlELcES n'r DE LEUR clvtLISAI'loN

sionnenI tl'ênormes tlépenses, prennent tl'autt'es mesufes el]core


qui, d'une façon détoumèe, ôtalrlissent de llouveaux impÔts et
contribuent à appauvrir les populations ('1 ). Srrr ploposition ll
tle Mirabeau, il est créé une sorte tle billets tle banque,
port:rnt irttérêt, auxquels on donne le nom tJ'assignats (9). II
existe des assignats d'tttt, de deux, de cilq, tle dix, tle cent,
de cinq ceuts flancs, etc. Mais personne ne les voulartt accepter
pour leur valeur uominale, le gouverttement est amené à en étalrlir
lecours force. Le cours fbrcé des assignats ayant été introduit
en Belgique, les Belges sont contraints tle les accepter au pair
en acquit tles fourutitrtres qu'ils font aux ar"rtorités françaises.
Par contre, ils sout contraints de payer leurs contributiolts ell
numéraire. Ainsi, c'est pour eux double perte.
0n fixe égalenent un maninunn (3), c'est-à-tlire uu certaitt
prit au-tlessus tluquel olt lle peut vcldre ni le pain, ni la
viande, ni la biôre, ni les autres denrées les plus nécessait'es à
l'alinrentation. Cette lnesul'e, ne soulage guère Ies pauvres,
parce qu'elle doune lieu à de grûves abus et que les
cultivateurs et les mtrchauds cacltent leurs deurées pltrtÔt que

(,1) u Le pays, foulé pendant trois ans par d'innombrables légiors' était
eniiérement-epirise. Aux maux de la guerre, s'élaient joints ceux de I'adminis.
lration françgise, qui avait introduit à sa suite les assignats, le.maximum et
les réquisitioirs. Des municipalités provisoires, httit administrations intermé-
diairei et une administration cenlrale établie à llru.'ielles gouvetnaient la con-
tr'ée en attendant son sort déflnitif. Quatre-vingls nrillions avaient été lrappes
sur le Clergé, les ahbayes, les nobles, les corltorations. LeS aSsignats avaient
été mis en-circulation forcêe : les prix de Lille avlient servi à dédcrminer le
ntarlinurm datts loute la llelgique. Les denrées, lcS marchandises uliles aux
rrmées élaient soumises à la iéquisition. Ces règlements n'avaienl pas lait ces-
ser la disetle. [.es marchattds, les fermiers cachaienl tout cequ'ils possédaient,
et tout manquait, à I'ollicier Comne au soldat r. (TltmnS. Ilistoire tle la
Iiéuolution,frunçaise, livre XXV).
(9) Parcè qu'on assignait en garantie de leur paientent les àietrs nationaun
coritie lesquèls les porteut's pourraient les échanger'. 0n n'arait.pu scnger ^à
fair.e en bfoc la vente des biens nationaux et du mobilierdes églises: c'etlt
été cn avilirla r,âleur. Dansles débrrts,lacréationdesassignatsavaitconstitué
rrn vôrilable emprunt hypothécaire. Mais, bicntôt transfot'més en simple papier
montiaie pry li supprèssion momentanée de I'intérêt, ils perdirent la con-
fiance tlu iullic. La lÀi qui en établit le cours forcé précipita leur dépr'éciation.
(3) Décret du {1 juillet t?91.
TEMPS HISTORI0UES. pÉnroDE FnÀNçArSE 705
-
;
de les vendre aux prix imposés elle occasionne de grandes
pertes aux agriculteurs, aux industriels et rux négociants.
Réquisitions et logements miiitaires. En môme ternps, les
-
réquisitions (l ) et les logements militaires achèvent d'épuiser
les ressources tlu pays. L'armde française ne recevait guère du
gouvernernent républicain que des armes, de la poudre et autres
munitions de guerle. Il fallait bieu cependant nourrir et vêtir le
soldat qui manquait de tout (9). En conséquence, les généraux
se mettent à réquisitiouler tout ce qui peut être utilisé pour les
besoins de I'armée. On s'empare de tous les grains, farines,
bestiaux et fourrages qu'on peut trouver. Les grands seigneurs
et les couvents possédaient d'immenses troupeaux de moutons
et de bêtes à cornes : on prend ccs troupeaux. 0n se saisit,
pour Ia remonte de la cavalerie, de tous les chevaux de
luxe; on réquisitionne, pour le même service, la vingtième
partie des chevaux tle travail et I'on ne se fait pas faute de
s'emparer aussi du reste à I'occasion, ainsi que des tùarrettes,
chariots et autres moyens de transport. En outre, on
use de tout sans méuagement : on excède les attelages, on
maltraite les conducteul's qui souvent s'enfuient, abandonnant
chevaux et voitures, au risque d'être fusillés comme tléserteurs.
0n oblige les marchands et les négociants en étoffes à livrer les
toiles, les draps et autres tissus uécessaires à la confection de
vêtements pour les soldats. Et comme ces derniers manquent

({) Mesurepar laquelle l'aul,orité publique prescrit aux parl.iculiers, en temps


de guerre, de founnir toutes les choses nécessaires à I'entretien de I'armée,
telles que vivres, vêtements, moyens de transport, etc.
(?) r Depuis longtemps, écrit It. Thiers, I'armée française ne campait plus
sous toile; elle bivouaquait sous des branches d'arbre, malgré le commencg-
ment d'un hiver déjà très rigoureux. Beaucoup de soldals, manquan[ de sou-
liers, s'enveloppaient Ies pieds avec des tresses de paille ou se couvraicnt avec
des nattes en place de capotes. Les ofliciers eux-mêmes étaient soumis au
régime du soldat, portant le sac sur le dos, mangeant le pain de murrition et
vivant des hasards de la guerre , t ( Ilistoire de ln lléuohttion française, ouuruJe
citc,)
l. Mirguet.
- Histoire des Belges. 4l;
706 IIIsroIllE DES BELGES ET DE Lntilt cIvItIsÀTIoN

presque tous de souliers, les tanneurs doivent céder leur cuir


pour en faire des chaussttt'es.
Rapines des soldats. Cependant, les soldats detneurent
misérables, cal'le produit
- des rÔquisitions est souvent gaspillé
ou volé. Ils se trouvetlt en pays étrartger : beaucoup s'Y coll-
duisent en véritables brigarltls. Parfois, ils arrivent dans utte
rnaison, isolément ou par groupes, et, SouS pr'étexte clu tlroit
au logement militaile, ils se fortt servil à manger et à boile ce
que Ia maison contient de meilleur: viantles, vitls, liqueurs, etc.
D'auties fois, sous couleur de réquisition, ils s'emparent de
tout ce qui peut êre pris tlans la maison; ils maltlaitellt,
et parfois mettent à rnort ceux qui ne se montrent pâs

assez empressés à livrer leurs tlernières plovisious ou se trott-


vetrt dans I'impossibilité de douner encore quoi que ce soit.
Misère prgfgnde despopulations. Les garroteurs et les chauf'
feurS. La misère occasionnée par ces rnultiples et incessarttes
-
exactious se trouve encore aggravée par la mise sous Séquestre
dcs biens du clergé. Nombre d'industriels et tle comtnerçants,
tlont les maisons religieuses formaient autrefois la clientèle
principale, avec tous les indigents et parasites qui vivaient ti
la charge de ces tnaisons, perdent soudain tout rnoyeu d'exis-
te1ce. Ces derniers, la plupart incapables de s'occuper
utilement ne târdent pas à tlevenir un danger pour la paix
publique. Des bandes de vagabonds se f6rmellt, qui infestent
les carnpagrres sous Ie nom de garrotteu's (l) et rJe clmuffeurs :
garrotteur',s parce qu'ils garlottent leurs victimes afin de p0uYoir
les tlévaliser plus à I'aise ; clmufieurs, parce que pour se pt'ocLlrer
de I'argent ou des vivtes, ils exposent à un feu artlent les gens
qui se refusent à lenr en remettre ou ne le peuvent. Même tlans
les villes, la sécurité disparaÎt : malgré les patrouilles d'habitants
qui se font toutes les uuits, des vols et des meurtres se com-

({) Àu commencement de 4800, on garrottait encore aux portes de Liége.


TErlrps Hrsr0RrCIuEs. prlRroDE FRANÇAISE 707
-
mettent, incessamment dans les localités les plus importantes.
Réunion de la Belgique à la France. Espérant échapper à
-
une situation aussi insupportable, les Belges demandeut leur
réunion à la France ({). Après un semblant d'appel au peuple
fait dans les principales villes de Belgique, la Convention pro-
nonce notre réunion à la France (1" octobre {795). Le traité de
Carnpo-Formio (octobre { 797) ratifie cette annexion, en donnant
pâr compensation la Vénétie à l'Àutriche. Pendant dix-huit
années, la Belgique va fair.e par.tie intégrante de la France.
Comme ce pays, elle sera partagée en départements, distingués
par des dénominations géographiques (2).
Alors, le gouvernement républicain confisque, comme il avait
fait précédemment en Fr.auce, les biens du clergé et de la
noblesse belges, les déclarant biens nutionuur (3). Il abolit
ensuite la noblesse, les ordres religieux, la dîme, les banalités
et tous les autres dr.oits seigneuriaux.
'
Emprunt forcé. Ne trouvant pas, tlans Ie produit de la
-
veute des biens nationaux, toutes les ressources qui lui sont
nécessaires, il recourt à uu emprunt forcé (4) de 600,000,000
tle fi'rncs, auquel la seule province de Liége contribue pollr une
somrne de 40,000,000 de frarrcs.
Conscription militaire et guerre des Paysans. Mais, de
tous les impôts établis par les [rançais, celni qui paraît à nos -
pères le plus lourtl et le plus otlieux, c'est la consu'ilttiorr, qu'ils
appellent I'tmpôt du, sang. Un grand nombre de miliciens,
refusant de servil ur gouyernernent détesté, se réfugient dans
les bois. Ils y organisent tle véritables armées qui entreprennen[

({) Yoir, pour plus de détails, notre l{istoire pittoresque et anecdotique des
Belges, page {98.
(9) Yoir la Notice géographique ci-dessus.
(3) Yoir plus Ioin : Propriété foncière.
(4) lmposition établie sur certaines classes de personnes par un gouverne-
ment qui s'engage à leur en rembourser le montant, après un certain tempsn
avec ou sans intérôts-
;08 HTSToIRE DEs BBLGES ET DE LEITn.cIvILISATIoN

de secouer le joug de l'étranger : c'est la gueme des Paysans


(1798). Leurtentative tte réussit pas : presque tous périssent
en combattant les Français.
Alors, sans s'obstiner davantage dans utte résistance impos-
sible, la Belgique se soumet à ses vainqueurs. Mais il fallait
réellement voir les choses de haut et ne consitlérer que les
grands résultats de la Révolution pour ne pas mautlire un régimc
trop souvent représenté dans notre pays par une foule de gens
sans principes, insolents et rapaces, parfois I'écume tle la nation
française.
Fin de laConvention. - Le 27 juillet 'l'794 (9 thermidor
an III), avait marqué la chute tle Robespierre n la personnifica-
tion du terrible régirne de la Terreur u. La conveutiotl se sépare
le 5 octobre {795, après avoir donné à la France ulle troisièmc
constitution.
Troisième constitution lrançaise (dite dc I'an III). Nous en indi-
-
quons ci-après les grandes lignes.
Pouvoir législatif. Il est exercé par deux charnbres :
-
a) Le conseil des Cinq cents, dont les membres, ilgés {e trente ans
au moins, sont clrargés de l'élaboration des lois.
b) Le conseil des Anciens, composé deccnt cinqu,ante membres, igés
d'au moins Emrante ans, Ce conseil a pour mission d'approuver ou
tlc rejeter les propositions de lois émattécs du conseil des Cirtq
cents.
Lcs élcctions à deux degrés sont rétablies. Tout citoyeu âgé tle
uingt etttn a,ns et payant une contribution directe quelconrpte est élec-
teur primaire. LCs électeurs primaires uomment les ëlectcttrs tltt
secontl degré, les mentbres du. conseil ùntnicipal et les iu'ges de pain.
Pour ètre électeur au second degré, il faut avoir a[teint I'iigc de
uingt-cinq ans eI justi{ier d'uu certaiu rcveuu lixé par la loi. Lcs
électeurs de ce degré nomment les déptttés,les conseillers tles dt;par-
tentents ct les juge; dæ tribu,natut.
Pouvoir exécutif. Le pouvoir exécutif est cxercÔ par un directoitc
-
formé de cinq directculs élus par le conseil des Ârtciensr sur trne liste
de présentation dressée par le couseil des Cinq ceuts. Lc direcl,oirc
se rcnouïclle rnnuellement pu cinrluième,lcs tlettx assemblées par
rBrrps rrrsTonrouEs.
-
pÉnr0DE FRANÇÀISE 709
Iters.Le pouvoir législatif et I'exécutif nc peuvent rien I'un sur
I'autrc. C'est la séparation absolue des pouvoirs.
Pouvoir iudiciaire.
- Le pliucipe de l'élection des juges est main-
tenu. Les juges de paix sont nommés par les électeurs primaires.
Lcs ôlccteurs au second degré nomment les juges des tribunaux.
Organisation administrative. Les conscils de district sont suppri-
-
més. En chaque canton, on institue une seule irdministration muni-
cipirlc pour I'ensemble des localités dont Ia population est infér'ieure à
5,000 habitants. Dans chaquc localité, il y a un agent municipal et
urt adjoint. La réunion des agents municipaux du canton forme le
conseil municipal cantonal. Les localités dont la population dépasse
I.i,000 tmes ont leur municipalité propre.
Difficultés rencontrées par le gouvernement directorial. La constitu-
-
tion de I'an III se maintient du 26 octobre {79i au 9 novembre {799
(18 brumaire, an VIII). Son fonctionncment régulier aurait assuré
aux eitoyens, dans des conditions satisfaisantes., le règne de la
liberté et de I'égalité. Malheulcuscment, I'éducation politique des
Français n'était pas suffisamment faite encore pour un tel régime.
Inquiété pâr des difficultés sans cesse renaissantes et d'ailleurs
dilisc contre lui-même, le dircctoile administre le pays avec fai-
Irlesse, au grand dommage des institutions nouvelles.
Coup d'état du 18 brumaire. Vl" constitution française.
-
Profitant de la lassitude du pays, farigué de discordes civiles,
et du prestige que lui donnent ses exploits militaires, le général
Bonaparte renverse violemmeut lc gouvernement républicain
({0 novembre {799).
En vertu de la IVU constitution, dite de I'an VIII, les direc-
teurs sont remplacés par trois cousuls entre lesquels Bonaparte
occupe le prernier rang. Sous le nom de premier consul., il ne
tarde pas à devenir le véritable souverain tle la France (l).
En 1802, cet ambitieux élimine ses collegues et se fait nom-
tner seul consul, d'abord pour dix ans, ensuite à vie.
L'empire (1804-1814). Dès 1804, son pouvoir se trouve
-
si solidement établi qu'il peut prendre le titre d'empereur des

({) C'est ce qu'on a appelé le coup d'état du {8 brumaire an YI[. Bnrmaire


du nom d'un mois du calendrier républicain. Voir plus loin.
710 rrrslornu DEs BELcES ET DE LEUR cIvILISÀTIoN

Français. Un ltlabiscite (l)


ratifie sa conduite. Le 2 tlécernbre
de Ia mème année, il
est sacr'é par le pape tlans l'église
Notre-Dame â Paris. Ainsi soll pouvoir se trouve légitirné par
le consentement de la natiort et par la sanction de I'Eglise.
La caruière tle Napoléon offre quelque chose de merveilleux.
Ses prodigieuses victoires le rendent maître de I'Eut'ope. Pen-
dant quelques anuées, sa domination s'étentl de HamJrourg à
Rome et à l'Océan. La Belgique, la Hollande, une partie de
I'Allemagne, la Suisse, I'Espagne et I'Italie dépendent de I'em-
pel'eur des Français ou font paltie de son empile.
Travaux exécutés à Anvers par Napoléon 1". Au cours
-
tl'un prernier voyage en Belgique ({803), alors qu'il n'était
eurore que premier consul de la r'épublique, I'admirable posi-
tion maritime d'Anvers avait frappé Napoléou. Devenu empe-
reur, il se promet d'en faire le premier port rnilitaire du montle.
Daus cette pensée, il ordonue tl'y creusel deux grands bassins
pouvant ensemble abriter plus tle cirtquante-deux vaisseaux tle
ligne, qui sont les plus grantls bâtiments de guerre. De petits
canâux intérieurs établissent une facile contmunication rJe I'un
à I'antre. En outre, d'immeuses chantiers tle coustluction sont
installés à quelque distance du fleuve, et, pour relier ces chan-
tiers avec Ies bassins, ol1 abat un grantl nornbre tle maisons sur
I'emplacement desquelles on crée un vaste quai.
Napoléon fait ercore construire à Auvers un arsenal assez
grand pour permet,tre tl'y travailler eu même temps à la cons-
truction de vingt vaisseaux de ligne.
Comme il tlésire faire tl'Àuvers unc place de guerre irnpre-
rrable, il I'entoure en outre de formitlables travaux de défense.
Sont but est tle pouvoir, au besoin, attaquer les Anglais ou se
tléfendre contre eux ell s'appryant sur Àrtvers qu'il veut tenir

(,1) 0n donne le nom de plébiscite à une consultalion du peuple chargé de


répondre par ozi ou par non à laquestion de savoir s'il accepte ou s'il repousse
une proposition qui lui est faite.
'I'EIIPS IIIST0RI0UES. PÉRIODE l"tlANÇAISE 71'L
-
t ainsi qu'utt pistolet chargé rr constamment dirigé vers I'Au-
gleterre.
Mais il tient surtout à en faire une ressource certaine eu cas
de grantls désastres; il veut la rentlre capable de recueillir une
ar.mée entière dans sa tléfaite et de résister à une année de
tranchée ouverte, peudant laquelle la nation aulait le temps tle
venir en masse la délivrer et t'eprendre I'offensive (1).
Les grands plojets de Napoléon sur Anvers ont été en partie
réalisés de nos jours pal' un gouvernemenl national et paci-
fique.
Auvers tlut encore à Napoléort la cr'éation d'utte route pavée
la leliant avec Alnstertlam, et construite au prix de mille difti-
cultés à travers un terrain sablonueux, coupé de marais, de
digues et de fossés.
Abdication de Napoléon. campagne de l8l9 est fatale
-La
au conquérant. Des 500,000 hommes dont se compose la
grantle armée qu'il conduit à la conquête de la Russie et qui
franchissent le Niémen le 25 juin, 24,000 seuleme.nt repassent
ce fleuve le 30 décembre de la même aunée. Le reste a péri
tlans la retraite ou a été fait prisonnier.
Malgré les ressout'ces de sor' génie militaire, Napo-
léorr, attaqué par I'Europe tout eutière soulevée et coalisée
coutre lui, ne peut empêcher I'invasiou de la France ni I'occtt-
pation de Paris (rnars {814). Sentant toute résistance inutile,
pressé d'ailleurs par ses généraux qui, découragés, menacent
rJe I'abandonner, il
abdique le 6 avril et se retire dans l'île
d'Elbe dcint la souveraineté lui ost cédée. En tnême temps, Ies
Bourbons (2) rentrent en France et Louis XVIII prentl possession
du trône de ses ancêtres.
Les Cent-Jours. Ce n'est pas pour longtemps, ll'année
-
({) llémorial tle Sainte-Hélène.
(2) Àncienne famille royale française.
71,9 rusrorun DES BELGES ET'DE LEUR cIvILISATIoN

suivante (t8{5), au mois de lnars, Napoléon débarque à


Canues ({). L'armée se prononce aussitôt pour lui. Le 20 mars,
ii entre à Paris et, le 18 juin, il
engage à Waterloo, en Bra-
bant, une grande bataille contre les troupes alliées. Yaincu, iI
doit rbdiquer de nouveau ({815). Ou donne à la courte période
tle sorr retour, le uom ùe Cent-Jours.
Alors Louis XVIII lemontc délinitivemcnt sur
La Restauration.
-
le trône de France. Le rétablissement de la royauté en France
s'appelle Rcstauration. Napoléon, cette fois, est relégué à I'ile de
Sainte-Hélène, oit il nteurt, en {891.

TITRE III
La pnopniété fonciène.

Propriété foncière. Un art,icle de la Déclaration proclame


solennellemcnt comme uu priucipe de droit naturel I'irtviolabilité
de la propriété qui jusqu'alors n'était pas mieux assurée que
cglle des pelsorlnes '. La proprië,te étunt u.rt. droit inoliénabte et sacré,
nulnepettt en êtrepriué sicen'esl lorsque In nécessilé pttblique,ligale-
nent constatfu, I'exige éuitlenunenl et sotts Ia eondition tl'tute ju,ste et
ytréalable intlennùté (art. 47):
0utre de plus graudes facilités d'rcquérir la propriété foncière,
la Révolution française donne encore àux paysans la complèle libertÉ
tle la tene,jusquc-là soumisc à la dine et, aux rnultiples obligations
féodales, Cette libcrté dc la terre est, comme on I'a dit, la dot de
Ir Révolution à I'habitant cles ctmpa$les.
En l?91, restreignant, pour les palents, le droi[ de tester, la Con-
stituante proclame un atttre principe, celui de l'é,galité dans le Ttartaga
tles biens entt'e les enlants ou héritiers au nttme degré. C'est abolir le
tlroit d'aî1esse (9), les majorats (3) eÛ les rcuonciations irnposées aux
{illes à la suite de leur enl,rée en r'eligion ou dc lcur mariage.
C'est aussi à la Révolution françirise que I'on doit la publicité des

({) Port sur le golfe du Lion.


Ce droit ré"servait, dans les familles, à I'aîné des fils une part plus
igj
importante qu'à ses frères et sæurs.
(f1 tmmeu[les inaliénables attachés à Ia possession d'un titre de noblesse.
TEMPS HISTORIOI,;ES. PÉNIODE TRÀNçÀISE ' 7',3
-
lrypollùqucs (loi tlu 19 brumaile an vrr). 0n sait que le système des
hypotlièques consiste clans le droit dorrt peut, être grevé un immeuble
pour serr,ir i\ I'acquittement d'uns rlette si le propriétaire ne
s'rcquitte autrement dans les délais voulus.
Biens nationaux. Par unc loi du I novembre {789, Ia Consti'
-
tuantc déclare biens nationauæ lcs propriétés ecclésiastiques et les
rnct à ll disposition du gouvernsment sous la condition de pourvoir
d'unc firçro,n convenable aux frais clu culte, à I'entretien de ses
ministres et au soulagement des pauvres. En février L792,I'assemblée
nationale confisque et déclare aussi l-riens nationaux lcs propriétés
dcs nobles érnigrés. 0u vend par lots ces deux catégories de biens-
Ainsi cesse I'irnniobilisation des terrcs jusque là inaliéttables pour Ia
plupart err vertu de la rilainm,orte ou dLt tlroit d'aînæser par suitc sans
raleur pour I'immense majorité de la population. Cetfe Inesure
Ittache, par les liens de I'intér'êt personnel, les nout'eaux pro-
priétriircs fonciers au régime nouveau, dont ils Se montrellt désormais
les plus fert'ents soutiens.
Lc tottcordut de {801 r'atifiera la vente des biens ecclésiastiques.
Lt loi. iJ'indemnili, qui. en 1895, attribuela unnûlliard aux émigrés
et a lcurs ayants-droit, cortsacrera dôfinitivemcnt les titrcs des
acquéreurs de biens nationaux.
Unc partie importante des propriétés communales, généralement
lrès ôtcndues à cette époque, sotttaussi partagées entrelesvillageois.
0n ne réserve guère que les bois. Quant aux droits tlc parcours ct
de virine pilture, ou les rôglemente à nouveau et on les réduit. Une
autre scn,itude, le glanage, disparait, également, du moins en partic,
avec l'aRévolution. Auparavant, aussitôt les gcrbcs mises en tas dans
un champ, cltacun pouvait y glaner.0n considérait lc glanage comme
une cliarité due aux pauvres et I'exploitant d'une terre moissonnée
n'at'ait pas le tlroit d'en faire lui-mème le glanage. Le code rural
tle {79{ lui accolda ce droit.

TITRE IV
In sti tutio ns'' pol itiq ues.

Dans I'ordre politique, la Déclarntiott proclâme les 'prin-


cipes suiYants :
A. L'égnlité et Ia libnté de tou,s les honmtes. Àrt. le". Les hom'
libres et égaux en
-
droits. Le but de toute
mes naissent et demeurent
714 rnsrorRn DEs BELGES ET DE r,EUR crvrLISATIoN

associal,ion politique est la consellation des droits naturels et


impresuiptibles de I'homrne.
Art. 9. Ces droits sont: la liberté, la propriété, la stlreté et la
résistance i\ I'oppression.
L'égalité comporte : {o l'égale admissibilité .aux emplois; 9o l'éga-
Iité des impôts ; 3o l'égalité des peines.
La liberté compreud : lo La libelté personnelle, et, par suite, h
liberte du travail et le droit de propriété;2o la liberté de penséc et
de conscience ; 30 Ia liberté cle réLrnion; 4o la liberté de pctition.
B. La sau,ueraineté du, Tteuple. i\rt. 3. Le principe de la sourc-
-
raiucté réside dans la nation. Nul corps, nul individu ne peuvent
exorccr d'autorité qui n'en émane expressémeut.
r\r't. 5. Toute société dans l:rquelle h garantie des droits n'est
pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterrninée, n'a point de
constitul,ion.
C,. L'égalité ciuile et politirlue des citoyens.
- Al.t. 6. La loi est
I'expression de la volonté générale. Totis les citoyens ont le droit
de concourir personnellement ou pâr leurs représentants, à sa for-
mation. Ule doit ôtre Ia mêrne pour tous, soit qu'elle protège, soit
qu'elle punisse. Tous les cito.r-ens étant drgaux à ses )'eux, sont ega-
lemcnt admissiblcs à toutes dignités, places et emplois public.s,
selon leur eapacité, leurs vcrl,us et leurs talents.
D. La liberté de la Ttarole et dc la presse.
- Art. {1. La libre corn-
munication des pensées et dcs opinious est un des droits les plus
précioux de I'hornme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, impr.i-
mer librement, sauf à r'épondre de I'iibus de cette liberte dans lcs
cas déterminés par la loi.
E. Le droit de tout citoyen de participer au, uote de l'irn,pôt.
Art. 1,4. Tous les citoyens ont le droit de constater par eux-mômcs
-
ou par leurs représentauts la nécessité de la contribution publiquc,
de la conscntir librement, d'en suivre I'ernploi et d'en détermincr lir
qualité, I'assiette, le recouvrernent, et la durée.
F. La responsnbilité dæ agents du,1tou,uoir.
- Ârt. {5. La société a
Ie droit de demandcr compte à tout agent public de son administra-
tion.
Ainsi, aux privilèges distincts du clergé, de la noblesse, tle
Ia bourgeoisie, des provinces, des villes, tles corporations, se
substituent la liberté et I'égalité pour tous, considérées enfin
comme des droits nû,tu,rels, ltrimordiaun, intorescriçttiltles.
TEIIPS IIISTORIQUES. PÈRIODE FRANçAISE 7'I5
-
Partout les citoyens, libres et égaux, obéissent aux tnêmes
lois, aux mêmes règlernents; les états provinciaux sont sup-
prirnés; toutes les provinces et toutes les communes reçoivent
la même organisation athninistrative : toute tlistinction est
supprimée entre les cités, les villes, les bourgs, les villages:
la loi ne recoDuaît plus que tles comlnunes. Toutes Ies assem-
blées politiques sont élues.
On chelche aussi, âvec une attention inquiète, à réaliser le
principe de la séparation tles pouvoirs. 0n a tant souffert de
I'abus du priucipe contraire qu'on pousse d'abord la réactiorr
trop loin, car il est difiicile de séparer absolument les pouvoils.
La premièrc constitution française avait été parliculièremenI baséc
sur les principes développés par Moutesquieu dans l'.&'spri.t dæ lois,
0n lui avait reproché de conficr à unc seule assemblée un pouvoir
dominant et sans contre-poids, puisque I'autorité royale n'avait
aucune action sur elle. Suivant le mot de Mirabeau, la loi constitu-
tionnclle, trop républicaine pour une rnonarcltie, comportait, poul
une république, un roi de trop.
La constitution de I'anI ({793) s'inspire.plus particulièrement clu
Contrat social ({) de Rousseau. Elle avluce cc principe que la souvc-
raineté nationale ne peut se déléguer, qu'elle doi[ s'exercer direc-
tement par les citoyens. Aussi cette constitution, qui annule non seu'
lement le poul'oir exécutif, mais I'assemblée nationale même, est-
elle presque aussitôt suspendue que proclamée.
Deux ans plus tard, en I'an III (1795), la Convention, instluitc par
I'expérience, partage le pouvoir législatif entre deux chambt'es.
C'était un progrès1 mais, par appréhension d'une dictature et pour
rester fidèle au principe de la séparation cles pouvoirs, elle cortfie le
pouvoir exécutif à un conseil directorial plutôi qu'à utt présidett.
Cette mesure devait faire perdre au pouvoir une des conditions
esscnlielles dc son bon fonctionnemertt qui est I'unité de vues dans
I'actiou gouvgl'nementale. D'autre part, le directoire, n'ayant aucune
action sur les assemblées nationales, ni celles-ci sur lui, des conflits

(,t) livre eélètrre oir Rousseau traite: la formation des sociétés et du


10 De
parti social ; 2o de la souveraineté et de ses dloits ; 3o du gourernement;
40 des diverses institutions sociales : hautes magistratures, élections, etc.
7{6 rrrsrornE DES DELcEs ET DE r,EUn crvILISATroN

se produisent faeilement entre le pour,oir législatif et Ie pou-


voir cxôcutif et il ne reste alors d'autre moyen de résoudre ce$
coullits que les coups d'étrrt. Celui du {8 brumaire a pour résultat la
dictature de Bonaparte et prépare les voies à I'empire.
Constitution impériale. Voici daus ses grandes lignes
-
I'organisation politique et administrative donnée par Napoléon
à I'empire. Etle diffère peu de celle qu'avait adoptée la répu-
blique et nons I'avons conservée en plusieurs de ses parties
importantes.
Elle comporte :
A. GouvrnnnlrtNr cnrirnrl. {o lJnclrcf dupouuoir exécutif
-
qui sous le nom ù'entpereul exerce une véritable dictature. Son
pouvoir est héréditaire. 9o IJn sùrut dont les membres et le
président lui-même sout nommés par I'empereur. Sa fonction
essentielle est tle faire respecter la constitution. Lorsque le
souverain veut opérer un changement constitutiounel ou preudre
quelque autre mesure de grantle inrportance, le sénat prépare
des arrêtés-lois, appelés sénahts-cortsultes (décrets tlu sénat),
destinés à suppléer aux lois proprement dites. 30 Un corps
leglslat;S dout les membres sont choisis par le sénat dans une
liste de uotabilités. Il délêgue des orateurs, pris dans son sein,
pow Ttarler Eu,r les projets de loi présentés par le conseil
d'Etat. 4o Un conseil d'Etat, chargé de préparer et de rédiger
les lois.
B. Onclnrs,rrr.oN ADlrrNlsrRATrvr.:. Les divisions et subdivi-
-
sions administratives de la France et des pays aunexés comme
la Belgique sont désormais les départements (nos provinces) ({)
avec un préfet, un eonseil général et un consei,I d,e préfectute
(le gouaerneur,le conseil ltrouincial et la dipu,tation pennanente ,

({) Ces dépari.ements r.eçurent pour Ia plupart des noms empruntés à des
accidents géographiques. Les anciennes divisions et appellations provinciales
furent abandonnées. 0n désirait avant lout tlétruire I'esprit particulariste qui
dominait dans toufes les provinces et empôchait souvent I'application ïe
mesures générales importantes.
TEnps HtsroRr0uEs.
- pÉnroDE l'RANÇÀrsE 7L7

dans la Belgique actuelle); les arrondissemeuts avec ull ,sot s-


prë,fet (ce qui existe aussi chez nous : le sous-préfet y porte le
nom de commissnire d'arron(lissentenl) et uu conseil d'amondis-
sement ( que nous ne possé<lons pas ) ; les cantons; enfin les
commures ayec un mnire, ùes adjoints elun conseil nr,utticiltal
(qui se retrouvent dans uotre bourgmestre, nos écheuùts et uotte
conseil comnrurml).
0n voit ici reparaître les conseils de district ( d arrondisse-
ment ) supprimés par la constitution de I'an III et disparaire
les municipalités cantonales collectives
Un grand désortlre administratif avait existé pendaut
I'époque révolutionnaire. II avait été causé surtout par ce fait
que I'administration avait mauqué de cohésiou, les agents tlu
pouvoir exécutif relevant des électeurs. Napoléon tombe dans
I'excès opposé. Non seulement il se réserve Ie droit de nonrmet'
et tle révoquer à volonté, le préfet, Ie sous-préfet et le maire,
rnais il s'attribue encore celui de désigner les membres tles
conseils, censés représenter les citoyens.
Les institutions impériales constituaieut un idéal d'oltlre et
en même temps tle simplieité. Mais elles donnèrent lieu à I'exa-
gération bureaucratique, aujould'hui eucore la plaie des atlmi-
uistrations françaises.
Presse. La Constituaute avait décrété la liberté de la
presse : Napoléon la supprime absolument.
Etat-civil. La tenuc des actes de l'état-civil, sécularisés
-
par la Constituante et organisés par la Législative, est désormais
confiée aux magistrats commullaux. Depuis lors, il iucombe à
ceux-ci tle tenir, avec exactitude, registre tle tous les mariages,
naissances et décès.
En abolissant lcs différents ordres, Ia Révolu-
Classes sociates.
-
tion fait, disparaître toutes les distinctions sociales. Les citoyens
naissent et denteurent égau,n en tlroits : tel cst lc grand principe
d'égalité procllmé par la D[clarutiort.
TtB nrsrornr DES BELGES lrr DE LEUn crvrlrsÀTroN

Noulussr. La noblesse disparaît donc, en tant que classe sociale


distincte. A lir vérité, Napoléon rél,ablit les anciens titres de noblcsse
ct, en accorde de nouveaux, mais sans y attacher de privilèges. Ses
généraux reçoivent presque tous des titres nobiliaires. Il y a des
princes et, des maréchaux, des ducs et, des comtes, etc., de I'empile.
Dès 1802, Napoléon institue aussi I'ordre de h, Legion d'honneur,
ordle décoratif, à la fois civil ct militaire. Il le destine à récompen-
ser les ssrvices de quelque importance rendus à I'Eta[ sans distinc-
tiou de rang, de fortune ni de culte.
Le titre dc chevalier de la Légion d'honueur est strictement
liersounel; la plupart des autres sont transmissibles.
CrnncÉ. Constittr,tion ciuile du, clergé.
- Au mois d'aoùt {790, l'a
Constituante abrog'e I'ancienne organisation ecclésiasl,ique et sup-
prime les congrégations religieuses à I'exception de celles qui sont
vouées au service de I'enseignement ct des hôpitaux. Il y a un évêque
plr départemettt, un do1'en par caltotr. Les évêques solt élus par
lcs cur'és, ceux-ci par leurs ouailles. 0n mct à la charge de I'Etat
les traitements des ministres des cultes, Les prêtres doivent prêl,er
serment r\ la constitul,iou. D'où la clistinction enhc. prêtres ussermentés
ou constittttionnel,s et prôtres nln a$erntenlés ou réfractaires. Celte
organisation s'appelle la conslitution ciuile du, clergé.
Les ordres religieux sont abolis en Belgique ({796). Les moines
et les religieuses se dispersent et alor's commence, pour la plupart
d'entre eux, uue vie difficile . Tout culte public est supprimé; la
cr"oix même disparait du sommet des édiliccs religieux. Cepentlant,
dès {797, une loi autorise la réouvertnre tles égliscs. I}Iais la
célébration de lil messe demeure irtterdite i\ tou[ prêtre qui n'a pils au
préalablc prêté le serment constitutionnel que voici : < Je jure
haine à la royauté, {idélité et attachement à Ia République et à Ia
constitution de I'an III. >
Le Concordat. Le Concorda, dc {801, signé par le papeet par le
-
général Bonaparte, est un traité dc paix entre I'Eglise catholique et
la Révolution française. Ert voici les principales dispositions : lo Le
cultc catholique est rétabli en Fmnce. 9o Le clergé cst subordonné
à I'Btat. Ses biens, vendus pendant la Révolution, restent la pro-
priété de leurs acquéreurs. Tous les privilèges du clergé sont et
demeurent abolis. 3n Les ministres du culte cirtltoliclue reçoivent de
I'Etat un traitement convcnable. 4o Le bas-clergé est nommé par les
évèques, mais avcc l'approbation du pouvoir civil. 5o Les évêques,
'I'EMPS UrST0RrOUES. pirRIODE FRÀNçAISE 7{g
\ -
ilu nombre de cinquante, et les archevêques, au ttombre de dix, sont
uommés par I'Etat; ils reçoivent du pape I'institution canonique.
Lois organiquos. Dcs dispositions légalcs, basées sur le Concor-
-
dat et corlnuos sous le nom de lois organiques,, règlen[ la police des
cultes. Yoici quelques-uns des articles qu'elles stipulent : o) Aucun
bref du pàpe ne pcut êtle publié, aucun concile ne peut être tcnu en
France sans I'autorisat,ion préalable des pouvoirs publics. à) Les
c:rtôchismes doivent être approuvés pirl le gouvernenent, ainsi que
la rtomination des professeurs dans les séminaires. c) Le mat'iage
civil précèdc lc marirrge religieux. rl ) Il \' ù rtne paroisse au moins et
un ctffé, dit curé-dolJen par canton. Il cst, inantouible. Le service des
sttcmtrsales, forniées daus les paloisscs, est fai[ par des desseruu,nts,
assistés au besoin prrr dcs uicaires. Les desservants et, les vicaires
peuvent êtrc rtivoqués pirr les évèques. Quatre fètes religieLlses,
diLes grundes fêtes, sont seulcs naintenues,
Tout acte d'un membre du clcrgé cortraire au Concordat peut être
cléferé au conseil d'Etat ct puni comme &bu,s. De Ià I'expression
u1tpel conune d'abtts, appliqucc aux poursuites motivées par les viola-
tions du cotrcord:rt.
Tous les cultes sont d'ailleurs mis sur le même picd et leurs
urinistres rétribués par I'Etut ({).
Le Concordat ne rétablit pas les ordres religieux supprimés.
liapoléou autoriseseulement trois congrégations d'hommes : les tttfs-
s[ons étrangères,les laruristes et les frres de la Doctrine chrétienne.

Bourgeoisie, La Révolution avantâge surtout Ie tiers état,


-
c'est-à-dire les classes mlyennes, celles qui ont été depuis tlési-
gnôes sous le nom générique de bou,t'geoisie.
Peuple. Elle donne au peuple
des garauties complètes de
-
Iiberté persuurcIle et d'égalitd ciuile. BIle lui vaut aussi la
liberti du, trauai,l, dont il prétend n'avoir pas recueilli jusqtt'ici
tle bierr grands profits. Quaut à l'egalité politique, il
I'a défi-
nitivement acquise en France, après la révolution de {848.
en Belgique, âprès la revision constitutionnelle de {894.

({) Sauf toutefois les ministles du culte israélite, qui ne seront payés par
I'Btat français qu'en {831, et les musulmans un peu plus tard.
?20 IIISTOIRE DES BELGES EI'DE LEUN CIVILISI'I'ION

TITRE V
I nstitutions j udiciaines.
Oroit des gens. Lir constitution tls 179'1 avait hautemcnt répudié
-
le droit de la force, ce droit violent de jadis, par I'adoption de I'ar-
ticlc suivant : <c La nalion française renlnce ù, entreprendt'e aucarc
gu,erre dans la ate de faire des conqu,êtu et n'emploiera jantais sa force
contre la liberle d'a,ucu,n peu,ple. >>

Et pour reudre plus cliflicile toute rtteinte I cc principe, clle avait


enlcr,é au roi Ie droit de déclarer la guerre.
En 1799, la conventiott va plus loin et déclirre << au nont, de Io
nati.on française qu'elle accortlera ft'aternité et sccou,rs it, tou,s les peu-
ples qu,i uouclront recouurer lcu,r liberté. > En{in la Constitutiou de I'an I
(,1i93) dit encore :, ,< Le peu,ple français est I'allié naturel dæ lteu,plæ
Iibres. r Aussi, dans les premières années de la Révolul,ion, les
peuplcs réunis à lrr France le sont-ils après avoir été consultés e[
ayoir exprirné une adhésion plus ou ntoins volontaire.
Mais il y a loin du préccpte l I'application. Déjà, sous la répu-
blique, les Français abusent des coutriliutions et des réquisitions.
Quant à l{apoleon, non seulemeut il revierrl aux guerres de con-
quêtes, mais il viole ouvertement lc droit des gcns chaque fois
qu'un intérôt de quelque importancc I'y cngage. C'est airtsi qu'ert
{804 il fait, contre tout droit, ertlever lc duc d'Enghien, réfugié sur
Ie territoire du grand-duché de Bade, ct donne ordre de le fusiller' à
\Iincennes.
Ses adversaires n'agissent d'ailleurs pa$ suivant d'autres principes.
À différentes rcprises, les Anglais soudoient des complots cont,re la
vie de Napoléorr, et en pleine paix, ol les voit bombarder deux fois
Copenhague.
Droit public. Quoique isstt pâr' unc lente généalogie du
-
droit romain et du droit couturnier, le code francCIie a scs
caractéristiques propres, parce qu'il est I'expression tlu senti-
ment des temps contemporains sur Ie juste et sur I'inju,tte.
Toutefois, h triple influeuce du droit rornain, du droit cou-
tumier et tlu droit canon sur le code français est manifcste. En
divers points, celui-ci paraît même unc transaction enttc
IE]III)S NISTORIQUES. PÛRTODH FRANÇAISIi 721'
-
Ces tlroits divers. Ainsi, chez les Romains, Ia puissance pater-
nelle et sa tlurée étaient illimitées. Le père disposait à son gré
de la vie, de la liberté et des biens de ses enfants. Chez les
Germains, au contraire, la puissance paternelle, pour ainsi
dire nulle, se réduisait à un tlroit de protection et cessait totale-
ment quantl I'eufaut pouvait se suffire. La loi actuelle a diminué
l'étentlue des droits garantis au père par le droit romain, mais
elle a étendu ceux que lui conférait la cgutume des Francs.
Aux termes du cocle français, Ie père u'a plus d'autorité sur la
vie tle scs enfants, tti, après leur majorité, sur leur travail;
mais il conserve jusqu'à Ia mort certains tlroits Sur cux et Cer-
tains devoirs à leur égard.
A I'ancienne Iégislation romaine sur le mariage, le code
nouyeau a pris le régime tlotal; un tlroit coutumier, la commu-
lauto des biels ; aux lois révolutionnaires, le divorce; à Ia
Iégislation chrétienne, la séparation de corps.
Du reste, le but des législateurs français a moins été de
créer tles lois rtouvelles que d'introtluire la firité ei I'unité, la
moclération, d,es qteùtes et leur proportiott' à Ia fau,te, là oit
régnaierrt I' at'bitr air e, la cortfusion, et la' bar b nrie.
Âux institutions jucliciaircs d'avant Ia Révolution, ott reprochait
surtout :

{.oLa variété des juridictions. 9o La vénalité et I'hérédité des


charges. 3o La vénalité de la justice. 4o Une procédure aux formes
suraunées, imaginéc en tles Siècles de barbarie et consel'vée en un
siècle'de civilisation. 5o L'usage de pênalitês barbares (fouet, carcan'
mal'quc, mutilation, pciue de mort trop fircilemelt appliquée, etc.).
6o La coufusion et le chaos existant dans les lois. Faites à des épo'
qucs et sous I'etnpire de circortstances clifférentes, celles'ci se con'
tredisaient sout'ent, par suite, litissaient trop de rtlarge à I'arbitraire
tlu juge. 70 Le défaut de proportion entre les délits et les peirtes : la
présornption du crime punie comme le crime; des faits.innoceuts ou
des fau[es légères traités cornme de grands crimes ; Ie premicr degré
du nal purri lui-même du derniel supplice.
Yoici les principes forrnulés par la Constituanl,e pour servir de base
Y. Mirguet. - Histoire tles Belges.
722 Hrsrornn DEs BELcEs ET DE LEUtt crvtLrsATIoN

Ils son[ demeul'és ceux du droit pénal moderne.


au nou\/eau code.
La loi n'a droit de del'endre çte les sctæ mûsiblcs ù, Ia socitité.
Lo
2o Nul hotnme ne peut être acarcé, arrêle, détenu, que dans les cu.s
tlé,ternûnés par la lat et selan les lbrmes qtelle a præcrites.lo Lu, Ioi
nepaû établir Eæ des peines stt'ictentcnt et éuidenunent nécessaires.
Nul nepeut ê,tre ptmi qu.'en aertu, d,'une loi établie, promu,lguëe anté-
rieu,renÉnt au délit et légalement appliqu,ée. &o Læ dëlits du, rrtênrc
genre doiuent être ltunis par Ie mêne genre depeines, çtel que soit le
rang du coupables. 6o Les dclits et"les pcinæ sont personttels. 7o Lo
condantnstion d'utt, cou.paltle n'ûnpliqu,c &uatne flctrissu,te plu,r sa
lamille. 8o Ln conft,scation générale tles bicns ne peu,t jamuis titrc pro-
noncée. 9o La justice æt gratuite. Les juges ne lteu,uent rien receuoir
dæ plaideurs.
0n bannit du nour;eau code pénal, publié en octobre l7gl, tout ce
qui est du domaine dc la morale et de la religion : << Vous ne
trouverez plus dans lc projet, tlit le rapporteur, Lepelletier cle
St-Fargeau, ces grands crimcs d'hér,ésie, de lèse-majesté tlivinc, rle
sortilège et de magic, dont la poursuite vraiment sacrilège a si
longtemps offeusé la Divinité et pour lesqucls, au nom du ciel, tant
de saug a souillé la terre. >
Le cotle ciuil et le codc' d'instru,ctiort crintinelle furent promulgués
en 1806;le cotle de conunerce, en 1807. Le code pénal de 18.10 rétablit
les peines du carcan, de la mftrqu,et d,e Ia conftscation gtinérale tles
biens, de la mort ciuile,de I'ablation ùt, poignetpou,r les parricides, etc.,
supprimées par le code de 1791.
0n a donné au nouveau code franç:ais le nom de code Napoléon
parce qu'il a été en grande paltie pulilié sous le règne de ce souve-
lain. Ccpendant il selait plus exact et plus équitable de I'appelcr le -

code ralntltlicatn ou réuolutionnaire,la partie importante du tr.avail


étant terminée quand Napoléon supprima la forrne républicaine du
gouverr)emcr)t.
Tribunaux.
- Napoléon maintient le système, adopté par la
république, d'une justice unique avec Ies trois instances. Mais
le principe de l'élection des juges par les justiciables est à peu
près abandonné. Au surplus, ce priucipe est d'une valeur très
tliscutable, bar on empêchera toujours difficilement Ie juge élu
directemeut par les justiciables tle se rnontrer reconuaissant
envers cerrx qui l'ont fait uornmel'.
TEIIPS HIS'I0RrQUES. pÉ:nr0DE l.'RÀf(ÇÀISE 723
-
La loi du 18 miu's 1.800 étrblit entre les tribunaux la hiérarchie
suivante :

Matière civile. {o Un .tribu,nal


de pai* par canton z le ju,ge de'paiæ
-
s'efforce de prévenir les procès en conciliant, les parties; 2o Un tribn'
nal ci,uil ou de ltremière instanæ dans chaque arrondissement. Le
ministère public ou accusatcur public, défendant l'État, et, la société,
est représenté près de ce tribunal par un proca'e:ur de Ia rtipttbliryæ
qu'assiste un ou plusieurs su,bslituts.
Matière wiminelle.
- lo Un tribunal de stnryIe police dans chaque
canton, jugeant les fautes passibles d'une amende ei quali{iées de
contrnaentibns. 2o Un tribunul correcl,ionnel (L) qui juge lcs fautes pirs-
sibles de la prison et qualiliees délits. C'es[ une section du tribunal
de première instance. 3o Une cou,r d'assises qui juge les fautes quali'
fi,ées crintes et passibles de Ia réclusiort, des travaux forcés ou de lil
mort. Urt ju,ry décide sur le fait de Ia culpabilité de I'accusé ; desiuges
appliquent Ia peine que comporte le aerdbt du jury.
Tribunaux d'appel.
- La mème loi établit en outre, tant en matièr'c
civile qu'en matière crirninelle : lo Des tribunaux oû cottrs d'appel
pour examiner en appel les jugements dcs tributtaux de première
irtstance. Auprès de cette cour,le ministère public est cornposé d'utt
procu,reu,r généraL assisté d'auocnls générau,n et de su,bsliluts. 2o jru
sommel de la hiérarchie, à Plris et pour toute la France, ùDe clur
de cassution dont lir mission est de faire respecter la loi et de juger,
les vioes de forme. Plus tard, elle aura aussi à interpréter la loi ct à
créer la juri"sprudence (2).
ilagistrature.
- 0n distilgue : lo la magistratu.re nssise et,inamo-
uibl,e, qui esl, l'ensemble des juges siégeirnt dans les triburtaux. Nottt-
més à \'ie, ces magistrats peuveut recevoir de I'avaucement, tton
reculer dans la hiérarchie; 9o la, ntogi.stratu're debou't, en d'autres
ternres, le nûnistère public ou pat"qu.et, ertsemble des magistrats qui,
près des tribunaux, représentent I'Etat, et,lir société. La magistrattrrc
debout ne joui[ pas du privilège de I'iuamovibilité. Elle comprend
les proatreurs,, sttbstitu,ts, auditeu,rs, cont,tttissaires depolice, etc.
L'ordre des auocs,ts, alioli en 1790 arec les autres cot'porations,
est I'econstitué par le décret du '14 décembre '18{0. il comporte un
conseil de discipline e[ uu bû,tonnier'ot président.

({) Àinsi appelé parce qu'on lui attribue le pouvoir de corriger.


(9) ta manière dont un tribunal juge habituellement telle ou telle question,
724 Hrsl'ornn DES BELGBS ET DE LBUR cIvILISATIoN

Napoléon n'aimait guèr'c les avocats. Il aulrit voulu que ceux-li\


seuls pussent réclamer des honoraires qui avaient gagné leur cause-
Le rétablissement de l'ortlre des off,ciers ministériels, cotnprenant
les auou,és,les notairæ et les httissiers cst également di] à Napoléon'
Ces fonctionnaires sont autorisés à vendrc leurs cliarges sotts la cou-
dition de faire agréer leurs successeurs par.le gouvertremeut.
Procédure. La loi nouvelle condamne la procédure inqui-
-
sitoriale (1191), et pr'ésume I'accusé itruocent jusqu'à sâ con-
tlamnation. Elie lui donne un tléfcnseur, exige qu'olt lui commu-
nique les pièces du procès, Qu'ott le confrottte avec les témoins,
cn{in que la seutence portée contre lui soit motivée et rentlue
pulrliquement. Tout coudamué a son recours en appel et rnôme
cu cassatiou, s'il invoque un vice tle procétlure, poul faire
casserle jugernent rendu contre lui.
Pénalités. Longtemps les peines sortt exclusivement envi-
-
sagées dans les effets utiles qu'ott en attend au point de vue'
tle la sécurité sociale. 0n voit surtout en elles un châtiment et
un exernple. De lâ, les peines aftlictives et infamantes, telles
que le fou,et, l'erpositiott.,le carcan,la m&?'(frc et la peine de
mort. Àujourd'hui, ou les cottsitlère particulièrement rJans I'effet
moral qu'ott en espère pour I'accusé. Jadis, rien ne pouvait
effacer la flétrissure irnprimée par la mârque ou les atttres
peines infamantes, pas mêtne toute une vie d'honnêteté. 0r,
I'infamie ne touche pas des gens chez qui le sentiment de I'hon-
Deur n'existe plus, tantlis que la réprobatiou sociale, qui pèse.
sur un individu à la suite' tl'utte plemière fattte, peut rendre'
inutile sa bonne volottté de revenir au bien. Quant à la peine'
de mort, elle rentl évitlemment impossible I'amendement du-
coupable. Ces peines doivent donc être supprirnéert cornme
ineflicaces ou immot'ales. Àussi ont-elles à peu près disparu,
aujourtl'hui tle rtos codes.
Mais la Révolution elle-mêrne n'ose pas aller jusque là ott
n'v songe pas. Les tenrps ne sont pas venus d'une réforme"
ladicale en malière cle pénalités. Le code pénal de ti,79t
TEnps Hrsr'0RrQUES. prirrroDrl rRANÇÀrsE 795
-
maintient donc les peines suivantes : I'amende, les dommagqs-
intérêts, I'emprisonnement, la déportation et la mort, déclararrt
toutefois que celle-ci doit cousister tlans la simple privation dc
la vie, sans aggravation d'aucune sorte. Comme mode d'appli-
cation dc la peine capitale, il atlopte la décapitation.
Prisons. Brt [7gl.t Ia Constituante distingue : {o les prisons
-
tl;arrêt (odr les .prér'enus attendent le moncnt dc leur comparutiorr
devanf Ie triburtal qui a mission de les juger); 9o les prisons utmi-
neIIæ (maisons de force et bagnes); 3o lcs prisons comectiannellas
( pout' les délinquartts atlultcs ) ; /ro les ncæorz s tle coneclion (pour les

errfants rle moins de lg ans).


rlu surplus, le régime intérieur des prisons ne change guère. Ll
promiscuité persiste entrc les détenus d'une rnêmc prison. En {80ù
on rccommande encore de ne donner gratuitement la nourriture
qu'aux prisonniers dont I'indigencc est absolue et constatéc. Les
autres rivent a leuls frais et sont souvent exploités par Ies gcôliers.
Lcs pauvres dormcnt sur une paille fréqucurrnent hurnide et infecte.
Ils ne rcçoivent qu'une nourriture insuflTsante et peu saine. A I'inlir-
merie, le même lit est parfois occupé par plusieurs malades.
LrcruRr. :- Le Codeciuiletla Conuentiln,9 rott L793. -:- Si I'on
rne demandait quelle a étô la journée la plus extraordinaire, la plus
irnprévrre dc la Convention, je dirais quc c'est celle du 9 août 1793.
Un seul honme , peu rnôlé aux Iuttes politiques, qui sernblait étrangcr
à ce qui I'entourait, monta ù la tribunc. Combacérès y déposa lc
Code ciuil. La Convention avaif dolné trois mois pour préparer cc
Code, L'æuvre fut faite deux rnois avant le termc fixé. Il y avait
russi de I'héroïsme chez lcs jurisconsultes. Dc quel aveuglement
faudrait-il ètre frappé, p0ur ne pas reconnaitle I'étonrtante grandeur
de ce momen[ ! C'est celui oir s'inaugure Ia Terreur. Tous les Fran-
çais sont mis en réquisition pour courir aux armées. Valencienues.
Condé, Mayence, artnoncent I'approche dc l'ettnemi. 0n le sent déjà
qui a passé Ia frontière. Vous diriez qlte ce pcuple n'a plus qu'utt
moment à vivre. Soudain, tout se mlme comme par enchantemcnt.
On s'arrètc. Les plus furieux oublient leul frénésle. Bt quel usrgc
fait-on de cct instant de répit ? C'est pour rece\roir le monument des
lois civilcs qui domptcnt les consciences comme autant de mathéma-
tiques morales. L'enceinte qui retentissait hier encore de cris, clc
maledictions, de prières, de sanglots repoussés, n'cst plus qug l'écltô
726 HrsroIRE DEs BELcES ET DE IEUR cIvILISATIoN

impassible du droit, conne le siège du préteur, Ce peuple qui n'a


plus, ce semble, qu'un iour à vivre, le passe à se donner des lois qui
régissent aujourd'hui le monde. Tables de Ia loi, rapportées vérita-
ltlement au milieu des éclairs et des foutlres. Si ce n'est pas là le
sublime de I'histoire, oir est-il? Rien att ntonde ne fnit plus d'hon'
-
netn orlfr Français que tl'auoir été capnbles de se donner froidentent,
imytnssiblenent, leur Code ciuil, au, milieu ùt délire nênte de t793.
Il n'est aucuu peuple qui ait fait paraitre cette puissance de raison
cilile dans I'extrême danger de mort, la tê-te sous le couteau. Je ne
vois pas que les Romains aiertt rien fait qui cn approche. 0n parle
cncore de ce champ t1u'ils ont acheté pendant qu'il était occupé par
Ânnibal. Qu'est-ce que cela auprès de cc champ des lois civiles acquis
ct donné au monde pal lcs Flltnçais, pendant que le monde les occu'
pait et les tenait presque sous ses pieds? Dncmn QuINnr.

TITRE VI

Bienfaisance.

Pnrxcrptr trouvn.lu : Les secou,rs pu,blics sont u,ne dette saciée. La sociÉté
doit I& sttbsistance au,æ citoyens malheureu'r, soit en lanr proar,rant dtt
traaail, soit en assurant les moyens d'exister ù, ceu'u qu'i sont lnrs d'état
de trauailler. (Art. 9'l dc la constitution de {793).
D'abord déclarés propriété nationale et destinés à être vettdus, lcs
biens des hospiccs et autres établissements de bienfaisauce sont,
dans la suite, restitués par I'Etat aux adtninistratiorls ptrbliques.
Dans les chefs-lieux d'arrottdissement, parfois clans les chefs-lieux
clecanton, on établit des comrnissions cetttrales de bienfaisrnce. 0n
créc uu grand nombre d'hôpitaux, d'hospices divers, de dépôts de
rnendicité. Alors disparait I'iutert'eutiou du clcrgé à titre d'autorité'
tlans la distribution des secours.
Dcs tours sont institués, par une loi de 18{{, datts tous les hospices
dcstinés à recevoir les enfants trouvés. Ces appareils consistent en
un cylindre de bois convexe d'uu côté, concare de I'autrc, et tour'
nant sur lui-mêrne arec une glande facilité. La partie convexe du
tour fait, face à la rue tandis que I'autre s'ourte à I'intérieur. Auprès
tlu tour, et r\ I'extérieur, on trouve une sonnette. Quicottque veut
exposcr un enfant agite la sonnette. Aussitôt Ie tour, déclivant un
TEMPS HrSroRrouES. pÉRroDE rRANÇArSE 727
-
demi-cercle, présente au dehors son côté concave, reçoit I'enfant,
puis, achevant son évolution, I'apporte à I'intérieur. l,a personne qui
exposc I'ertfaut ne peut être vue.

TITRE YII

Institutions finanoiènes.

. Err matiére de finances aussi, un principe nouveau se fait jour:


l'égalité de tous devanl I'impôt : læ contribu,tions son t égalentent réput'.
lics entre les ciloyens en raison de leu,rs faar,Itës (déclaration, art. l3).
Elles sont liln'ement consenliæ (id., arl. l4). Ceu,æ qu,i let uotent ont
lc clroit d'en nûure l'nnploi,, d'e.n détenniner la quotité, l'nssielte, la
dtirée. d'en su,rttei\ler le recouùrement (art. t4. id.)
Système d'impôts.
- L'irnpôt esl, direct ou indirut. I,'impôt clirect
est celui que le contribuable impose paye directement, à I'agent du
fisc chargé de le percevoir. Les contributions directes sont : {o la
contribu,tion foncière (impôt sur les immeubles, proportionnel à leur
valeur) ; 2o la contribu,lion personnelle et mobilière (calculée sur le
revenu apparent, du contribuable et en particulier sur le loyer de son
Irabitation) ; 3o lespate,nles (qui se prélèr'ent sur les bénélices supposés
réalisés par le commerce ou I'industrie); 4o la. contribu.tiott sur les
Ttorles et fenêtres.
L'impôt, indirect est celui dont I'avance est faite au fisc par les
fabricants, les mat'chands, les voituriers, etc., mais qui est indirec-
tement, payé par les consommateurs. Les impôfs ou contributions
indirectes consistent : Lo dans les dloits douaniers établis aux fron-
tières; 9o dans le monopole de la I'ente tlu tabac et, des cartes à
jouer, réservé au gouvernement (1810). (Le monopole consiste en ce
que I'Etat achète, manufacture et vend les tabacs : il en détient la
régie); 3o dans I'affclmage des messageries dont on met en adjudica.
tion le monopole; 4o dans les clroits d'enregistrement, cle timbre et
tl'hypothèque ({).
La Révolutiorr avait d'abord aboli les aides, les gabelles, Ie mono.

(,t) Au nombre des impôts indirects actuels, citons encore ; les droits d'ac-
cise; les droits de barrière ou de péage sur les routes; les taxes sur les cor-
respondances postales ou télégraphiques; le revenu des chemins de fer, eh.
728 HIsrotRE DES BELcES ET DE IEUR clvILIsATIoN

pole du tabac et autres impôts indirects fort impopulaires. Napoléon


les rétablit sous le nom de droits réu'nis.
Administration et mode de percepti,on.
- Sous Ia République, le
pouvoir législatif répar'tissait le montant de I'impôt, entre les clépar'
tements; les assemblées départementales le distribuaient entre les
districts; les conseils de distlicts entre les communes; enfin, les
conscils municipaux entre les habitants.
Recueillies par les soins des municipalités, les contributions des
communes étaient versées da.ns les caisses de district, puis dans les
caisses départementales, enfin, par celles-ci à Ia caisse de I'Etat.
Un tel système de perccption était des plus délectueux; aussi les
impôts rentraient-ils fort mal.
Pour assurer Ie recout'rement des impÔts, Napoléon crée une admi-
nistration des contribu{,ions directes.Il y a, pourun gr'oupe de com-
munes, ùrpercEleur qui verse les fonds recueillis dans la caisse du
receueur d'arrondissement, lequel, à son tour, les verse dans la caisse
dlreceueur géné.ral du département. Tous les comptables déposent un
cautionncment. Urt contrôleru par arrottdissement, uninspecterur et un
directeur par département, sont chargés de dresser les rôles des con-
tributions, c'est-a-dire de préparer l'état des propriétés et des per-
sonnes, et la part, contributivc de chacun tles habitants.
Budget. année, la législature vote le chiffrc de I'impôt et
-Chaque
dételmine les dépenscs auxquelles il doit ôtre appliqué. Préalable-
ment, le gouverncmeut soumet à I'assemlilée nationale un projet
de budget des recettes et tles dépenses pour I'année suivaute et
le règlement des comptes de I'année précédente.
Les budgets de la République furent oottstamment cn déficit, Lt
situation devint si mauvaise qu'en 1797 le Directoire eut recours Èr
une banqueroute déguiséc sous le ttom d'opération du tiers consoliile.
Cette opération cousistait à réduire la dette nationale dcs deux tiers,
en ne payant plus quc le tius dcs intérÔts.
L'équilibre se rétablit sous Napoléon qui, appliquant Ie principc :
la gunre doit nou,rrir lu gwrre, fit payer aux pays conquis les frais
de ses campagnes
Cour des comptes et banque de France. Sous le nom de cou,r des
-
cotttptes, Napoléon réorganise aussi I'ancienne chamltre des comptg_s,
chargée de rérilÏer les comptes de tous les agents spéciaux.
il
Enfin, crée la banque de tr'rance avec privilège d'émettre des
billets debanqw.
TEIIpS IIIST0RIoUES, PËRIODE F-RÀNçÀlsE 129
-
TITRE VIII

lnstltutions militaines et force publique'


PnrNcrns NoUvEAUx ; Ie seruice militaire est it Ia fois tut, deuoir et
rm droit. I'ou,s les ci.toyens panent être appelës it se ranger sous les
rlrapeaua.
- La ué.nahité des gradæ nûtitaires est interdite. - Tott's
-
les'citoyen.s, s&ns tJistinction de religion ni de rangt pcu,uent
pnruenir
au,æ rl{pérents gradns. Nu,l ne peu,t deuenir ofi,cicr s'il n'û d'abord
ct
-
sotis-offi"cier.et personne ne peu,t être nonuné ù un grade sans
été solàat
auoir pnssé par Ie graile intnt'édiatement infërieur'
Re6utement et organisation de I'armée. - C'es[ par voie d'ertgage-
ments volontaircs et de levées en masse que se constituent les
premières armées de la République. La Révolution organise la garde
nationale, dont tous les citoyens font partie. En '1793, la Co[ventiou
appelle sous les ilflnes, par voic de lequisition, lcs gârdes uationaux
ilè- lS à 95 ans. Le rentrplacernent est autolisé. Ll même année' elle
proclame l,a, letée en nrusse,, qui supprime le remplacement et déclare
ious les Français eu réquisition ltennnnentg pour le service cle
I'armée.
Les oftïciers de tous gratles sont d'abord nommés à l'élection'
Toutefois la colvention et le Direstoire se résel'vent la nomiDation
des généraux.
l,a toi de 1798 établit laconscriptton.Envertu de cette loi, tous les
citoyens de 90 .u 93 ans sont soldats et formcnt, cinq classes de
conitits. Le gorivernement appolle d'abord la classe de vingt' ans et'
successivement, les suitantes, s'il en est besoin. Dn {804, Napoléott
établit le tirage an,lort, auquel pl'erlnent palt tous les ieunes gens
irgés de Aix-huit ans. Ceux qui tirent les numtlros lcs plus faibles
sônl seuls incorporés. Ils peuvent se faire remplilcer'
Napoléon supprimc l'élection aux divers grades daus I'armée et
mêmô dans h gar:cle nationale. Tous les grades, indistinctement, sou[
désormais attribués au clroix ott à I'atlcienueté. Le titre de sotrs-
par
olfi,cier remplace celui de bas-officier. Napoléon groupe les.soldats
æmpagnics et par rtigiments qu'otl distingue au molen tle numéros
d'ordre. \

Armement et uniforme. fusils à pierre, munis d'une baionnel'te,


-Les
I'arme principale dc I'infanterie' Les seuls
demeurcnt longtemps
canon$ coruIus au temps dc la République et de I'Empire sont encore
730 rusrornn DEs BELcEs ET DE LEUn crvrLrsATroN I
t

à ârne llsse et se chargcnt par Ia bouche. c'est avcc ces armes que
Napoléon fait toutes scs mmpâgnes et remporte ses plus lxillantes
victoircs. au tricorne, se sulrstitue le chapeau cylindrique en toile
ciree,
Tactique et forlificalion.
- L'art de Ia str.atégie et la tactique se
transforment complètement à I'époque de Ia Révolution française où
I'on voit de simples soldats parvenir, presque du jour au lendemain,
aux grades les plus élevés de I'armée. Hoche commence une cam-
prgne avec le grade de sergent et la termine âvec celui de général.
Des généraux, ainsi improvisés, ne peuvent s'astreindre aux sayantes
combinaisons de la tactique ancienue. La rapidité de I'attaque et la
ccutralisation de forces considérables sur uu même point, de façon
';\ y ôcrascr I'ennemi, tels sont les cleux principes essentiels
de leun
rnéthode. Elle déconcerte entièrement les vieux généraux allemands
qui sont presque toujours battus par Ieurs jeunes adversaires.
D'autle part,, on n'al,tribue plus Ia même importancc aux places fortes.
0n les néglige même plus ou moirrs dans des guerres devenues avant
tout des guerres d'invasion.

TITRE IX
Sciences. philosophie et illonate.

Gnoyances neligieuses.

$ciences. Les ternps de Ia Répubrique et de I'Bmpire apparaisscnt


-
cn précurseurs du grand siècle scienti{ique où nous vivons. partout,
à cette époque, en Europe et aux Etats-unis d'Àmérique, les sciences
.t -- progressent. cependant, la Belgique ne suit que de très loin ce
rnouvement.
chimie. Guyron-Moruau conttiliuc,en même temps quc priesiley
-
et Lavoisier, à la création de Ia chimie. 0n lui attribue mème I'idéà
d'une nomenclature chimique.
Le premier, Berxéliu,s songe à employer dcs lettres et des chiffres
pour représenter les corps simples e[ la proportion de shacun d'eux
qui entrent dans les corps courposés.
Physique. Pour expliquer la chaleur, I'Amélicain Rtun.ford
-
remplace, en {798, la théorie de la chareur-matière par celle du
mouvemcnt. vcrs {800, I'Anglais wollaslott substitue, elr optique, la
TEMPS HISI'ORIQUES. PÉRIODE FRANçAISE 73I
-
tlréorie des ondu,kr,tions à celle de l'titttission, due à Newton.rDe {793
à {814, I'Américain Fulton applique la vapeur à Ia navigation. En
{808, il construit le premier bateau à vapeur et lui fait dcsccndle

Itulton.

l'[[uclson. [:olla, physicien italien, construit sl pile élcctriquc en


{799. Bu /1,815,
Dnuy, cltiuriste auglais, iuveute la lampe. des mineurs.
Yers la nênte époque, Meunûer, général français, perfectionne les
aérostats.
Botanique. Lau,rent rle Ju,ssieu ('t1z+8-'l836) savant botaniste, et
-
Lamnrch (lU*4-1,829) na[uraliste, deux lrauçais, font faire de grancls
plogrès à la botanique.
Géof ogie et paléontologie. Dcux géologues français, Brongniart
-
el, Cu,uier, donnent la première classilication géologique en terrains
Ttrirnu,iræ, secandu,ires, lertiuires eI qu,aternaires. Cul'ier crée la ltaléon'
tologie et clécouvre la loi de corrélntion des forntæ eu vet'tu de laquelle
un seul organe d'un animal étant connu, une dent, par exemple, il
est, possible de recolstituer I'animal entier. Lannrchr le précurseur
dc Darrt'in, publie, en {806, ses Recherch,es su,r l'organisati.on des
132 rrrsrorRE DES TIELGES ET DE LEUR crulrsÀTroN

corps uiuanfs, dans lesquelles il montrc la gradatiou dcs organes, clcs


animaux inférieurs aux supérieurs.
Notre pays produit le géologte d'Omaliu,s d'HulloU, Qui, en 1808,
frrit paraître une Géologie du, nord de Ia France.
Ânatomis et physiologie.
- Bblmt, illustre médccin français {l77tl,-
1809), qui exécute jusqu'à 600 dissections cn un hir,cr, fait f';rire tlc
grands progrès it l'anatontin. En physinl"ogie, il devient le chef dc
l'école aitaliste et I'adversaire de Cnltanis, médecin et philosophe
français (1757-1808), le chef de l'école ntatérinliste.
Thérapeutique (médccine pratiquc).
- Bichat et Caltuni.s sont, dcux
praticiens célèbres. Rroussnis (autre cclèbre médecin français,
1779-1738) ne leur cède ni en habilcté ni en réputation.
Chirurgie.
- Elle réalise les plus grands progrès au eours des
guerres de I'en;pird. 0n doit au célèbre Larrey la rnéthode d'irrigr-
tion, qui consiste à laisser tombcr un filct d'eau sur une blcssure ct
à err empôcher ainsi I'inflammation. Citons aussi Dttptuytren comnrc
I'un des plus illustres chirurgiens de l'époque.
Psychiâtrie.
- Cette scienee des maladies mentales reste stittion
naire. 0n corrtinue à faire subir lcs plus mauvais traitemcuts aux
malades. 0n les clrarge de chaîncs, on les crrferme dans des prisons,
dans des cachots, dans tles cabanons(t). 0n les y laisse malpro-
pres, sàns nouniture convcnable. Contre toute vraiscrnblance, olt
croit pouvoir dompter, à force dc coups, la surexcitation d'un s"r-s-
tème nerveux désorganisé.
trthdmatiques et astronomis. - Lagrange, La,plnce, fufonge,, Carnot,
réaliserrt de grands progrès en mathématiques. Deux astronomes
français, Méchain eL Delambre sont cbargés, par l'Àcadémie des
sciences, de mesurcr la portion du méridieu comprise enl,re Dun-
kerque et Barcelone. Ils en [irent scientiliquement la longucur du
mètre, base du système mé[rique, établi par la Convention.
D6couyertes géographiquss.
- Cook, Bougninuille eL La Pérou,se
découvrent une grande partie des tenes encore inconnues.
Philosophie.
- En philosophie, les générations de la Républiquc
et de I'Empire altpartiennent généralement à l'écolc sensualiste, dc
Locke et Cottdillac.
Les noms cles principaux philosophes decette époque sont ccux de :
l':rbbé Morellet,qui fait paraître en {796 son Apologie de Ia philosoplûc

({) Cellules destinées aux fous dangereux.


TBDIPS HISIORIQUES. _ Pi]RIODE FNANÇAISE 733

clnt?"e cau,fi qrli I'acnÆent des marm tle ta Réuolution ; De,slutt de


Tru,cy, qui, en {798, publie les trfoyens d'e funtler Ia ntorale; Volney,
ir qrli f'çt tioit les Ruines; Maine de Biran,le baron de Gérnndo eL
le matérialiste Caltanis qui. en 1809, publie ses Rn,pports du physiqu'e
et d,tt, trtoral de I'honnnel entn, Royer-Collard, pl'ofesseur etr Sor-
bonne ir la Faculté des lettres, qui remet I'cnseignernent spiritualiste
en honueur (l).
Iiapoléon aime peu les idéologues, comme il qualifle les philoso-
phes, confondant du reste sous cette dénomiual,ion totrs les hommes
de I'aleur qui montrent quelque indépendance dc pensée. Le dédain
ou la craiute qu'ils lui inspirent, I'amène à supprimer, à I'Institut,lir
classe des sciences ntorales etpolitiqttes,
Morale. Les philosophes et les Iegislateurs formuleut les prin'
-
cipes les plus élevés de la ntorale universelle et ces priDcipes serveut
cle baseaux constitutions et aux"lois. Mais il s'en faut de beaucoutrr
qu'ils erttrent aussi facilement dans les mæurs. 0n sait d'ailleurs que
l'évolution pratique des idées norales tle s'accontplit qu'avec une
grrrnde leuteur.
Croyances et usages religieux.
être inqu,iété pou,r ses
- Principes nouveaux : .llul ne doi't
opinions, môme religieu,ses, poutau qu,e leur
manif'estation ne trouble pas l'ordre établi par Iu loi(declarateon, art'. 10).
Àu siècle dernier, I'iucré,dulité est très à la mode chez les gens
instluits. La plupart des philosophes tiennent les religions positit'es
poul préjugés et superstitions. Sous la Conventiou, en '1793, ou tente
môme d'inaugurer à Paris le culte de la déesse Raisott, qui repose
sur la négation de la Divinité et dont la fète est cÔlébrée à Notre-Dame,
le I novembre. Un décret du 93 novembre suivant ferme tous les
temples, catholiques, protestants et juifs. Àu mois d'avt'il 1794, iL
n'existc pas en France 150 églises oit I'ott dise publiquement la messe.
Cependant, lg 7 rnai {794, la Convcntion, inspirée par Robespierre,
porte une loi qui substitue le culte de l'Etre su'prênte à celui dehi
Raison. Âprès la chute du terrible dictateur, un décret de la Conven-
tion proclame de Douveau la liberté des religions, mais en déclarant
que lcs pouvoirs publics ne fourniront ni locaux pour I'exercice des

({) 0n s'étonnera peut-être de I'abondance des noms français que nous


citàns.Il ne faut pas-perdre de vue qu'à l'époqueôir brillaient ces savants
nous faisions partie intégrante de Ia Francc et que la Belgique proprement
{ite, n'a, en ôe temps, protluit que bien peu d'hommes distingués dans les
sciences, dans la philosophie ou dans les lettres.
734 Hrsrorng DEs BELGES ET DE LEUn cryrlrsATroN

cultes, ni logements ou salaires pout leurs minisfres. Toute sonneric,


toutc cérémonie extérieure, le port de tout costume dis[inctif demcu-
rent interdits.
Sous le Directoire, on cesse de poursuivre les prêl,res réfractaires.
€t, au moment où ce gouvernemen[ disparait, 40,000 é,glises s'étaient
rouvertes eu terlitoire français.
Après la conclusion du concordat, en {801, on constate chez lcs
populations longtemps violentées rlans Ieurs croyauces et dans leur,s
habitudes religieuses un retour d'enthousiasme vels le catholicisme.
Certains ouvrages littéraires de Chnteau,briantl,le Génin du Clùstiu-
nisme notamment, paraissent avoir beaucoup contribué à se renou-
veau chrétien.
Cultes non catholiques,-- 0n rend aux hériticrs des pr.otestants les
biens oonlisqués àleurs pères lors de la r,ér'ocirtiou de l'Édit de
Narrtes. Bn outre, I'Etat reconnait un cer'tain nombr.e ùe consistoires
protestants (groupes d'églises protcstantcs) et de synodes (gr.oupes dc
consistoires). La nomination des pasteurs par les consistoires doit
.être approur,ée par le gouvornement. 0n exige des pasteurs le
même serment qui est imposé aux prêtres catholiques. (Bdit orgil-
nique du 9 avril 1809.)
Les juifs sont d'abord moius favorisés. C'est, seulement à la suite
tlu clécret du 9 mars {807 qu'ils sont cnfil mis, au point de vue
civil et politique, sur le môme pied que les autres Frangais. Dès ce
moment, la loi les astreint ir portcr uu nonr de famille, ce qu'ils
n'avaient point fait jusqu'alols. Cependant, leurs ministres ne seront
rétribués par I'Etat qu'après la révolutiou de 1830. Yoici I'or"ganisa-
tion du culte israélite telle qu'elle est reconnue par Napoléon. ll
existe un consi.stoire central à Paris, des consistoiræ (cercles de_syna-
gogues) ayec un grund raltbin aux cliefs-lieux de province et dcs
sllnagogil,es aveo un simple rabhin en diverses localités. La nomiua.
tion des rabbirts doit ôtle agréée par I'Etat.

TITRE X
Lettres.
- La Rér'olution donne un puissant essor à la pensée, par
suite aux lettres, en proclamant ce priucipe : Lu libre conmutnfuatiott
dæ penséæ et des opinions est urz da droits les 1rthts 1trécieu,e de l'lrcmtne.
Tou,t ai,toyert, peu,t donc parler, éa"ire, inryrimer libretnent sau,f it,
répondre de l'abus de cette libertédans les cas déterninés par ln loi.
(Art. l{ rle l:a Dealara.tiorr,.)
TElrps HrsTORrQUEs. pÉRroDE I.RANçÀrSE 735
-
Des genres nouveaux apparaissent aussitôt z un théâtrc d'une har-
diesse siugulière ct d'une prodigieuse fécondité; une tribu,ne oùr se
fonû souvent entendre des accents d'une grande éloquence iune presse
qui crée pour la rue des centaines de journaux poliiiques.
Parmi les écrivains illusl,res de l'époque révolutionnaire, citons :
La Harpe, qui écrit des tragédies et des drames; Datlorges, Calin,
d,'Harleuille, tr'abre d'Eglantine, Andricu,*, Pi.card, etc., qui com-
poserrt cles comédles; Rou,get de l'Islc, poète lyriquc à qui I'on doit
la Marseillaise; Ecou,chard-Lebrun, autre poète lyrique, auûeur de
I'ode sur le vaisseau Le l'engetar ; les deux frères, Andt"é eL Joseplt
Chénier.' on doit, à Joseph, le Chunt tlu déptart, à André, la. Jemte
Captiue; Bernardin de Saint-Pierre, qui publie, en 1790, lzt Chau-
mière indinnne; Madame de StaëL, qui ecrit Delphine, en 1802,
Corinne ou Yftuhe, en 1807 ; Chatemtbrinnd, I'auteur dt Génie ùt
Christianisnr.e, qui donne successivement, en ,.801., Atalu; en ,1809,
René; en 1.809, les Martyrr (les débuts du roman historique);
Xauier de ll,laistre, à qui I'on doit, en l7g4,,Ie Voyage au,lour de nut,
chambre; en {811, le L(preu,æ de Ia cité d'Aoste;1.a, Jeu,ne Sibérienne
et les Prisonnicrs du Cau,case, tlui lui sont inspirés par ult voyrge en
Russie; Charlet I{odier, I'un des créateuls dela nou,uelle, Le poètc
Lesbroussarl était un Belge. Mais, nous I'irvons déjà dit, notre pays
ue produit guèrc, à cette époquc, d'homrnes éminents eu aucun gerrle.
Les grartds orateurs de Ia Rér'olution sont : Mirabeau,, Vergniaul
et Danton. Deux journalistes de grand tulcll se rét'èlent : le royalistc
Riuarol et I'ardent démocrate Cum,illeI)esmou,l;ins. Le Jou,rnal de
Lidge <late de l1g&.I.Javait été precédé de la,Gazettede Liége, fondéc
parJ. J. Desoer(1761).lllais la libertéabsolue dont ayaientd'aborrl joui
Ia tribune et la plesse le tarde pas à t)tre restreinte par la censure.
Napoléon linit môme par supprimer toute liberté de parler et d'ômire.
Âinsi disparaissent les orateurs et les écrivains politiques. L'époque
napoléonienne est d'ailleurs pour tous les lcttr,és une période dc
mntisme à peu près absolu. Napoléon n'encourage aucun taient
littéraire. chal,eaubriand etM*e destaôl sont ses adversaires déclrrr'és.

TITRE XI
Enseignement.

PRtlctpp NOUvEAU : fl set"a créé u,ne instruclion pttbliqu,e contnurrte it.


tous les citoyens., gratuite ir, I'Qurd, des partics cl'cnseignintent indi,spen-
736 ilIS'IotuE DEs BELGES sr DE LEUR cIvILISÀTIoN

sables pour tous (Constitution de {79[). Jusqu'ilux temps


les lûnrntes
de la Révolution, il ni en France ui eu Belgique,
n'avait existé,
tl'enseignemenI nal,iortal proprcmcnt dit. L'ettseignernent ii scs divers
degrés était presque tout erttier rux mrins du clergé et particulière-
nren[ des corporatiorts religieuses. Sous la République et sous
I'Empire, I'Etat s'enpal'e cle I'ensciguemctit. '
Sous I'ancien régime, ort ne s'était guère pr'éoccupé que de
I'enscignement littér'aire. La caractéristique de I'enseignement
rouveau fut de firire unc place irnportante aux mathématiques et âux
sciences.

- La plupart des
Enseignement cup$rieur. grandes institutions
d'enseignement supérieur ct des établissements scientifirlucs quc
possède actuellemeut lu Flance, sout l'æuvre de la Conyentiorl.
La célèbre assemblée insl,itue de ttombrcuscs éeolcs spéciales :
l'école normale supérieure (pour la formation des professeurs des
lycées et des facultés) ct l'ôcole centrale des travatrx publics, qui
clevint plus tarcl I'Ecole poll'technique; trois écoles de médeciuc : u
Paris, à Uontpellier, à Strasbourg; deux écoles de droit, à Paris; des
écoles tl'artillerie, tle génic militaire, de topographie; des écoles de
navigation et de canoltnage malitime; un conservatoire de nusique
et un conservatoire des métiers (école supérieurc d'intlustrie destinée
à recevoir des moclèles de toutes lcs machincs); urte école dcs rnines
ct une école des ponts et chaussées.
La Colvegtion crée I'Iusti[ut dc France, formé par Ia fusiol dc
toutes les académies anciennes qui prettttettf ]e nottl dc classes dc
I'Institut.
0n y distinguc :
Une classe de littératwe eL de lteutæ-ttrls (iucieuncmeut acadéntie
française et acad.enti.e d'arcltitccture, d,e lteintu,re, de sculptu,'re, etc.)
Urre clirsse des scicncu physirptcs cL mathétrtatî.qu,es, et une cllsse
rJes sciences nnt"ales eLpolitiques (innovirtion duc à la Convention).
Enfi1, elle orgirnisc le muséc du Lotrvre, le ntuséum d'histoire
naturelle, le bureau des longitudes pour les études astronomiques et
h bibliothèque nat ionale.
Itn {798, un conseil de I'irrstruction publiqtte est ittstitué.
Enseignement moyen.
- La Convcntion fonde, Potlr I'enseignement
lno]'en, rlCs éColes centralcs OU secondaires, ttlle par départenettt. Il y
cr ir trois à Paris.
Enseignement primaire. lin matiùr'c d'enseignengnt primaire, la
-
Ttrilps rrrsr'0tuCIrrBs. ptrRrODE FRANçAISE 737
-
Convention formule des Iois, dues surtout ir I'initiative du député
Lakanal, qui al,testent un scntiment élcvé des bcsoins du peuple.
Dans la suite, lc Directoire, conrme lc lui prescrit d'ailleurs la
Constitution de I'an III, prcnd clivcrses ulesures pl'opres à compléter
I'organisation ébauclrée prr la Convenl,ion.
Loi organique.
- Voici, dans scs graudes lignes, la loi organique,
relative à I'enscignemctrt plimirilo, voféc le 30 brumaire an IV
(95octolirc {795).
Ilest établi uue école ;rrimuile dans chaque canton. Un jury,
composé de trois rnembrcs, désignôs plr I'administration départe-
mentale, enam.ine les aspirants ru title cl'instituteur i{). Les réci-
piendaires jugés mpalllcs sont iromurés pirr cette mrime administra-
tion, sur présentation faite prrr' les conscils rnunicipaux. Logés aux
frais dc I'Htat, ct, paycs p:rl leuls eltlrves (9), ils sont soumis à la
sulvoillùrlce tles :rdrniuistr".rl,ions municipalcs. Ils enseignent à leurs
élèves la lectu,re eL l'écritu'e, la cortstillslir,)Ttt la ktngtæ françaùse,le
calutl, llt géagraltlûc, I'lùsloire des actions lu;ro'iquesrles chnnts de
lri,omphe.
Cette loi produif, peu dc rôsultirts, ptr suite de la déplorable indif-
férence des citoycns et (lcs pouloils publics. Pour combattre une
inertie aussi préjudiciable à la clill'usiol dc I'instrucl,ion populaire,
le Direr:toile décitle de rl'accoLdcl les enrplois publics qu'aux
citoyeus qui tint frôrlucntô los écolcs nrrtionalcs ou y envoieut leurs
enfants.
L'Universit6 de France. In 1808, Napoléon confic le monopole
-
rle I'enseignemeut 'a l'(iniuersité de l,'rance, pr'ésidée par un grand
ntattre assisté d'un conseiL uniuer,çituire. L'Univclsité comprend
I'ensemble des insti[utions l1'anl, pour obleb le développement de
I'instructiou a tous Ics tlegr'és. Âncun éttblissement d'instmction ne
peut êûre ouvcrt srus I'i'rutorisation du grand mirître de I'Urtiversité.
Pour errseigner, il
t'aut ôtlc diplômé rlc I'une des academics ott,
faaùta de I'Université. A h tôte de chacune d'elles, se trouye un
rectaff, assisté tl'un conserl d'acatlétnie et d'un ou cle plusieurs inspe*
teurs. Chaque académie comprend une laculté des sci.endar et une
lacu,lté des lettres, des lyæes, ùes collngæ (anciennes écoles secon'
daires), des inslitu,lrons (écolcs tenues par des ntaîtres privés : le

({) C,'est alors qu'apparaït pour la première fois le terme institutew.


(9) Les municipalités pouvaient toutefois exempter, pour câuse d'indigence,
le quart des élèves du paiement de la rétribution scolaire.
T. llirguet. - Histoire des Belges. â7
738 Iltsrolnu DES RDLGES E't' DE LHUR cITILlsATIor

programmc y est moius étendu que drns lcs collègcs), dcs pensiott-
nats (lc pr.ogramme l' cs[ plus rcstrcirtt crtcore) et rles pelftcs
écol,es ou, ûolæ printaircs, dout le progrilmmc comportc ltt leclurc,
l'écri[ure ct des ttotiotts dc cllcul.
Tous ces étal,rlissernents cltpcndent cle l't.niversité et, do I'Etat.
Pour encourtgcr lcs étudcs, Nirpoléon fonde six rnille qrratre ccltts
bourses, représelltant ii :t 6 millions dc francs de tet'eltu.
Deux acatlémics dcsservent la tlelgiquc. L'unc sit'ge à llruxellcs;
I'autre u Lii'ge. Iilles cornprcttnetlt vingt établisserneuts d'iustruc'
tion supét'icure ou mo)'ellne.
ll
Lc nombre dcs écoles prirltair'es oulet'tes à suitc cle cettc
organisatiort est petr considôrable; tle plus, les Itlaitrcs chargés do
les diriger sont génél'fllcment pcu cupables, quaut atr forttl et quant
aux méthodes.
IIn fait, I'enscignetucut primailc cs[ tout, cn[ier ou peu s'eu fiuI
coutiô uux fr'ùres dcs ôcoles chréticrnnes. Lc gouvetttentent, ue le'ut'
allOue d'aillcurs qu'tttt sullsicle àtlnuel absolumertt dérisoirc, rlc
4,950 frartcs. Telle cst la pal't faitc rtr budget palticulier de I'ensci-
gnemcut primirire dltns lc btrdgct gtlrtérll tle I'Empire.

TITRB XII
Bgaux-ants.

L'imitatiol des ancictts, qui cs[ lii milllic de l'épt-rque républicainc


danS I'ordre politiquc, est aussi sa règlc en mlttit\t'e tl'trr[. Attssi lc
dussique dominc-t-il clans totttcs les protluc[iorts artistiqucs de 11
pér'iode lévolutiortnrile e[ nirpoléorticunc. Nous Ile pouvons quc
Àutrir I'cltyaincmcnt génôral. Du reste, ctt notre pays' I)our ce qui
concerne les berux.at'ts, aucune production de l'époque française ne
mér'ite d'ètre signalée.
sont édifiées art
Architecture.
- Pcu de colstructiotls monumentales
temps dc la répu}lique qui dule peu 0t manque de rcssources. Er
fraricc, ngn en Belgique, I'Empire élève quelqucs mollumettts d'unc
Cgltalne importartce, l'olevànt tous du st1'lc classique, citons: l'Ayc
ile trionphe-iht Canousel, celui de l'Iltoile et le Tentple
de Ia Gloire '
peinture. Flançùs Louis Dnuiil ('1748''1895), le peintre illustre
-Lc I'Empire, ptoduit uu grand ilombre de tableaux
de fu République et dc
renrarqtiables, parmi lesquels le Sernent dn, ieu de puwne.Il a pour
T'l.3tf,s lils1'OtilQt;l;s. l,littl0t)l,i l'tt'\tiÇalsll T39
-
crrtulcs I'ru.il'hon ( {i58'{893) : Cnrle ['unet ( t7;.8-l?:Ji)' Iils du
1rir1'srrgistc cI pr)rc tlu peiltre tlc bltirillcs tlc tlttltnc norn; fxùey,
rlui cxccllc strt tout comn'tc portr ail,istc ; (Jtixtrù, stlt notrlné, apr'ùs le
tlÉparl. rlc llirrid pour I'esil, lc;teirttrctk's tois ct lc loi tlcs pcintres;

Cr'étrt'.

ctrfitt Grcrs,le peintrc de bttailles , ç,t, fngres,llols à scs debuts. Totts


sont des Classiqucs, assez peu soucicux dC ll cOuletlr, mais pOUSSilnt
jusqu'ù l'cxtrême la passion d'un dessin corrcct.
Sculpture. La soulpture nouyelle se distingue aussi par I'd
-
740 tlts'rolnn DEs IIELGUS ET I)U LEUI clvlllsÂTloN

science du dessin, une correction un pcu froide et Ia tendance ir


imiter les anciens. Rolantl, fuIitlmllon, Motte sortt les sctrlpteurs cn
titre tle la Républiqte. &rtelier, Espercieuft, Chaudet, Bost',c, etc.
appaltiennenI surtou[ à l'époque napoléoniertrtc.
ifusique. compositcurliégeois, cotttinue à éclire pour
-Grétry,le
la République. Mais il ne parvient pas à s'ilssimiler les principes tlc
l'harmonie plus savante et de I'iustrumentatlon plrrs cornplètc inta-
ginées par Gliick, Méh,u,l (né à Givet) et Chérubini, urt Florentin qui.
Iui aussi, passe en Frauce la plus gntnde part,ic tle sa vie. L'époquc
rle la Rêpublique cst, par oxccllence, l'époque des clrants ttutiouaux.
Les pf us connus sotti : lt 'llarseillaise, de Rottget rle l'lsle; lc
Chant du, Dfiart, paroles tle Joseph Chéniet, musiquc rte ltléhul;
lt Carntngnole eLle Çit, drn, deux chants révolutionnait'cs qui jouis-
scnt longternps d'une voguo ineroyalilc, IlHymne litnèltre écrit prr'
Chérubini i\ I'occitsion des funér'ailles de Hoche (1797), accompagne
pirr le glas des cloches e[ le grondenetlt lointain du canon, revèt utt
gland criractère tra gique.

TITRE XIII

Régime économique.

LaRévolution frattçaisc alïrartchit toutcs les fornres du lravail: trz-


vail agrieole, trauail tndustriel, tyauailcontmercktL, ttauail intellrctuel.
Agriculture.
- La Révolution affranehit I'agriculture en sup'
primant, les corr'ées, les dimes et autres servitudes féotlales qui
pesaient sur Ia terre. D'autre part, la vente rles biens nationaux, ctr
intéressant, à lit lronnc culture un beaucoup plus gr:tnrl ttombrc tlc
persollnes, doune utte vivc impulsion i\ la sciencc agronomiquc.
[ultivéc lxrr le pàysân l\ sotr profit cxclusif, la [crrc, mieux tral'ailléc,
rapporte davantagc. D'autrc part, I'cxltloitation des llois, mieux
réglée, devien[ aussi plus fi'uctueuse qtt'lutlefois. Néiirrtnoitts,, I'rgri'
culture belgc ne fait, pas, pcndirnt la période fruuçaisc, tous lcs
progr'ès qu'o11 ett pu irttcndlc dc ccs mestlres. Trop dc bras ltri sortt
enlevés llar la conscliPtion.
0n doit à Nrpoléon Ia création, en {.808, dc h Soeiété tl'agrir:ulturc
ct rl'horticulture de Gand. Illitis nous sùvons qu'itttparavant déjt\, les
horticultcurs de cettc ville tcnaient, le premier rang drtns lc monclç
cnticr.
TE}IPS IIISTORIOUES. PÉRIOD}; T'RANÇÀISE 741'
-
lndustrie et commerce. - La Révolution affranchit I'irrtlus-
trie et Ie commelce en abolissant Ies corporations (l) et eu
créaut les. ltrevets d'invention. La première de ces mesures
permet à chacun de s'atlonner' à toute espèce d'intlustries; la
scconde garântit aux inventenrs la plopriété rle leurs dér;ouvertes.
La liberté absolue tlu travail, qui expose I'ouvrier à de plus
grands hasartls, lui fournit aussi plus tl'occasions tl'exercer son
intelligence et d'arriver à la fortune. Toutefois, le libre-échange
n'est pas un des principes de la Révolution française, qui laisse
subsister les douanes.
L'ouvelture de I'Escaut est un autre bienfait de la conquête
lrançaise. Ajoutons que notre réunion à la France vaut de larges
débouchés à plusieurs de nos intlustries, plus avancées clue les
industlies françaises sinilaires.
Blocus continental. Le plus tenace et lc plus redoutablê
-
tles eurtemis de Napoléon fut I'Angleterre. Dans I'espoir de la
luiner', Ie gouvenlement français intertlit trux habitants de I'Em-
pile tont commerce avec ce pays. De là le ltloctts continental qui
cnlève aux vaisseaux anglais le droit d'entrer dans les ports du
contincnt. Ce blocus, ruineux pour la Hollande, pays exclusi-
vement commercial, enrichit au coutraire la Belgique, contrée
cssentiellenrent agricole e[ industrie]le. Débanussés de Ia con-
currence anglaise, nos procluits voient s'ouvrir devant eux les
vastcs rnarchés tle I'immense empire napoléonien. La dr.aperie
verviétoise, I'industrie linière des Flandres et du Brabant,
I'industrie cotonniere de Gand et des environs, I'intlustrie
sucrièr'e (9), la fabrication tles dentelles, I'industrie des métaux,

({) ta suppression des corporations s'accomplit en Belgique après la


réunion à la !'rance. (Yoir ci-dessus).
(2) u Plusieuns industries nouveiles se développèrent en Belgique pendant
le blocus. La cochenille et I'indigo venant à manquer pour la tèinture des
tissus, on s'applique à étendre la culture de la garance et du pastel. 0n rem-
plaça la canne à sucre par la betlerave, dont ta production devint de plus en
742 HrsroIRE DES BELcES ET tln LEUR crvrlrsÀTroN

dans Ia province tle Liége, etc., prennent un graud essor. Elles


enrichissent le pavs ct y font renaître I'aisance.
Nous avons tlit page 710 ce que Napoléou fait pour Ànvers.
L'ensemble tles tlavaux matitimes exécutés en cette ville corlte
au lrésor dix-huit nillious tle flanr:s. Quatre millious sont
égalernent affectés à I'améliolatiorr du port d'Ostende. Unc
grantle route pavée, péniblement construite à travers un terrain
sablonueux, coupé de marais, de tligues et de fossés, met en
comnmnication Anvels et Amsterdam. Enfin, le canal de Mons
à Contlé ouvre aux houillères du Hainaut un débouché impor'-
tant vers I'Escaut. Il cortta cinq millions au trésor.
Inventions industrieltes diverses.
- Pcndant l'époque frlnçaise
apparaisserLle uayort. Contf. t|, ntinedeplonù; litscie sans ftn, inventeo
par.4lltert;lcuinaigre de bots, fabriqué pat Mollerat; la pile êlec-
triqu,e, construite pitr tr'olla, en {799 ; la lutnpe ù ntouuentent d'horlo-
gerie, imaginée cn {803 pw Carcel, qui lui donne sor ilom; llbougie
sttfurique inventée par Cheureul, eî {81'l ; I'a hrnlte des nûneurs, duc à
Davy, en {8{5 ; le papin fnbriqué ù In nécanique, inaç1iné par Léger
Did&t ; la maclûne ù protlu.atiotz contintee, doruulrlt le papier sans tn,
inventée ptr un ouvt'icr, Louis Robert; l'a maclùne it. uspeur, appli-
quée à I'indusl,ric pur' ll'att; l'hclice pou.r" Ies bateau,a) ù, unpeu,r,
irrventée ptr Dallct?' 0u 1803; l't machine ù, tissu Ia soie , duc ù
Jacqwrd ({790), qui pcrmet, à un seul clc tisserune étoffe du dessin
le plus cornpliqué eL h. machine it filer, irnaginéc par Arckwright,
rlorrt I'invention a poul conséquence de remplacer la, qu,enou,i,lle, le
rou,et et le nullicr du, lisserand par la machine , l'atelicr par la nurnu-
facture. Désormais, I'ouvrier est entre les mains du capital. Le pro-
létariat industliel prcnd nirissance et, avec lui, la quesl,ion ouvrière.
En 1798, un ouvrier lngluis, John Cockerill, vend à ItlM. Biolley cL
Yerviers, des machines à liler la laine en gros. La nauelte
S'irnonf.s, de
uolante est introduite dans lcs ateliels de Verviers en {803. Bn 1796,

plus abondante. r (Bnxnsr Vlx Bnulssw, Hirtotre ducontmerce et dc I'intlustrie


cn Belgique, p. 3{9, tome III).
Pendant le blocus, le sucre se vendit 6 francs la livre. 0n employa beaucoup
le miel.
TEMPS IIIS'IORIoUES. -_ pÉRIODE IIR.{NÇAIS8 743
le Gautois Lirivin Btrurvens iruporte d'Ângleterre au péril de sa vie Ia
macrhine à lilcr lc cotou.

,/
'tl1

t6,s:

æ
\2-:'.'s

Travail intetlectuel. Iin{in lrr Rtivolut,ion frtnçaise affrarlchit' lc


-supplilnillrt, lt ccllsule ('l) et en reconlltrisstlll[
trirviiil intellectuel en

(l) Suppression t1ui, tnalheurcusrttent, lt'eut pas unc longuc durée'


744 Hrsrornn DES rlriLcus ll' DE Lriult cr\TLISA'I'IoN

le droit de la propriété littér'airc qui jusqu'alors n'avait pu exister


qu'en vertu d'un plivilt)ge accordé aux autcurs ou aux éditeuls.

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.4-.)
..-,1 *:-.
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l,itlr i rr l!:rurverrs.

TITRIi \IV
Vie pnivée, vie domestique, coutumes, m@urs.

Vêtement.
- Sous ll Républitluc, lc costulre des femmes affccte
générirlcrncnt Ia simplicité trrl,iqrre. 0u couuiril, succcssivement Ie
ncglige ù, lu putriotc, kt toiletle ù Iu ctnr,slittr,lion, Ies robes ù, la
uætale, etc,
Chez lcs hommes, c'es[ toute unc seconde r'évolution de voir les
personnes non militailes abandorner l'épée e[ marcher les lrras
TE IPS HISTORIQUES. _ PÉRIODE T'RANÇAISE 745
lrallants ({). Le pantalon se substitue à la atlotte,, d'otl le norn de
sans-culottas donné aux partisuns du régime nouveau' épii,hètc qu'il
rre faudrait pas prendrc à la let,t,re. Les bretella,s se montrent dès
{792. Yers la mème époque, lardingote remplace l'habit el le chapeau'
ùtrois clrnes ctispalirit,. Tous les hommes portetlt lt cocatde tricoloreatt
chapeau; les plus exaltÔs Sc goiffent dtbonnetr7uge eÛ se font con'
fectionner cles vôtements qui rappellent ceux de I'ouvrier. Telle Ia
utnnagnole, espèce de jaquette ou veste à gland collet, Ornée de
plusieurs nulgées de boutons en métal.
Apr'ès tlrermidor (9), se montrent lesnntscadins, les incroyables,les
merueilleu.n, aux Costumes extravagants. Les hommes portent aux
oreilles dc larges tnlleaux, au cou d'énormes crâYates, il la main de
formidables gourclins, dil,s pottuoir eræutif. L'habit est une vaste
redingote à granrl collel dont la nual]cc sert parfois dc signe dc
Irlliement aux factions. Les femmes se vdrtetlt ù, lo grecqu'e, ù, la
romaine.0n grasseye e1r parlalt. 0n dit, par exemple 1 c'est mcoyable,
ltaole d'honnetr'.
- Il n'5 a plus, à Paris du moins, de
Mours républicaines. domes'
tiqueS, mais des ofi.cieu^r, deS f ires seruants. L'appellatiou de
nrcnsieur est remplacée par celle dc citoyen: les armoiries sont enle-
vées des hôtets particuliels et dss monuments publics.
Non seulement on chante la Marseillaise el le Chant du Départ,
mais aussi lt Carmagnole etle Ça ira,
La Curntngnole ç1s| uûe ballilde dansante dont voici un couplet et
le refrain :

lfatlamc Yeto avait promis (ùis) Ilefrain ; Dansons la Carmagnole,


De faire égorger tout Paris (ùt'e) Yive le son, vive le son,
Mais le coup a manqué Dansons la Carmagnolet
Grâce à nos canonniers! Yive le son du canon !

A un moment donné, les assignats perdent toute valetlr. 0r pài6'


,[90 francs la livre de pain,
erl ce[te nonnaie, la livre de viande, ;
60 francs. unc cravate coûte 900 francs; un chapeau, 9,700 fraucs;
une paire de bottes, 3,000 francs.
Après la chute de Robespierre, les carrosses reparaissent, un
instant pfoôcrits de la rue. En {800, on voi[ circuler les premiers

({) TArNg, Htstobe de la litta'ature.


(e) rb[d.
146 rrrsrorRr DEs BEIGES ET DE LEUR cIvtLIsÀTIoN

cabriolets, ainsi nommés à cause des sauts qu'ils font en cout'attt sur
le pavé.
Le cafendrier républicain.
pose la rélornte deci,nmle
- En {793, le représentant Romme pro'
du calendlier, préparée par Lagrange et
Laplace, deux illustres mathémrticiens. L'année républicaine com-
prend 1.9 mois de 30 jours, répartis chacun eu trois décades, eL cinrl
jours supplémentaires, dits sarrs-cttl,ottùIæ. Datts l'ère nouvelle, ott
compte I'an I de la République à partir du g9 septernbrc 1792. I.e
poètc Falrre d'Eglantine se charge de dounet aux tnois nouveaux des
noms poétiques. Ce sont : uentlcnûnire (septembre-octobre), ùru-
-
nmire (octobre-novembre), frintnirc (novembre'décentbrc), niuôse
(déceurbre-janvier), ythtuiôse (janvier'-février), aentôse (fér'rier-mars),
genninal (mars-avrill, floréal (avril-mai), ltra[,riul (utai'juin), nassidor
(juin.juiIIeL), thernriùor (juillet-aotlL), ltruclirlor (aorlt-septentble).
Des noms de légumcs, d'ùnimaux ou tl'instrumeuts utiles, rempla-
cent les noms des srirttsdlns le calendrier. Ledecadt se subsl,ituc au
dùnanche. Lc nonrble dar devicnt Ia brse de toutc espèce de calcul :
les montres elles-mêmes présenlent des divisiotts qui partagcrtt la
journée en dix unités de temps.

TITRE XV
Considénations génénales et vue d'ansemble.
Tandis que certains peuples, parmi les mieux doués, se voient
momeutanémenl arrêtés par lcs ér'énemertl,s dans leur évolution
naturellc; tandis que d'autres sont aba[tus et disparaisscnû de I'his-
toire, I'humanité ne laisse jamais de poursuivle son irrésistible
marbhe en avant.
Chez les âncierts, l'édifice socinl avait gértéralement I'esclavagc
pour basc et pour couronnement Ie despotismc du chef de I'Btrt,
sinon de I'E[at lui-même. Au moyen âge, I'Eglise parvient à substi-
tuer son autorité à celle de I'Etaf et, grirce à son inlluence, I'escla-
vage cst remplacé par le servage.
Pendant plusieurs siècles, les mcmbres du clergé et de la noblesse
jouissent seuls de la libcrté individuclle, primitivemenI I'irpanage do
tous dans Ia société germanique. Miris, à l'époquc des communes, le
principe de liberté reçoiI une application de plus en plus étenduc
par suite de I'établissement et de I'extension du régime communal.
' 'l'lirps IIISÏ0RIQUES. pÉnIoDE FnANÇAISE 1/!7
-
:\u xvrc siècle, Ies esprits nc licuverlt s'lubitucr à I'idéc de la
liberté r'eligieuse : réformés et catholiques se ntontrent égalentent'
intolérants. Cependlnt, lc grartd principe de libel'té de cotlsciencc
esl posé: ù I'avenir de le fiire etltrer dans lcs mæurs'
La Révolution française replend, développe, fortilie, sur Ie terraitr
politirluc, économique et social, t'æuyre ébauchée pat' les com'
mun*r. llans un dôcument fùnteux, la Déclaration des th'oits de
l'ltomtne et du citoyen, ellc proclanre rlroits nalurcLt, inalirnnbla,
impresa.i2ttiblcs, ces privilèges insuits irutrefois dans tlos cltartes,
ntris qui, nrème à l'époque la plus brillante des communes,
n'avaien[ jlmais été cousidérés conme des droits appirrtenattt sans
contcste à tous les hommes.
lt dêclaratiotl
De mittuc, eu iuscrivarlt,la liberté cle conscicnce dùlls
dcs droits, clle aflirme, sur le terrairt philosophique et religieux, le
principe de Iir toléranee, reconnu par toutes les cortstitutiotts
nrodernes.
Après une pÔriode {e troubles et de violelces inséparable du pro-
fond bouleversement social qui vielt dc se produile' la Fraltce
riprouve un ardent désir de rentrer dans le calme et de retrouver la
sôcurité. Napoléon parait. Âu plix de quelques-urlcs des Iibertés
récemmeut conquises, il clonne satisfaction à ce double c[ impôr'ieux
besoin de 11 clérnoclatie française, .l'antour cle I'ordt'e c[ la soif de
l'égalité. Les victoires de ce rucle soldat de la Révolution sur les
rois unis COutre elle ont pout'conséquellce, grâee à une organisation
politique et jurliciaire foltement ccntralisee, d'imposer ù 60'000,000
d'Européens I'uuité des lois et des tribunaux, pat' suite' d'étenrlre à
tous le bienfiriI tle la liberté et, dc I'cgrlité civiles, de la liberté reli
gieuse el, de la liberté du travilil.
Àinsi, les prilcipes essetltiels de la Revolution franqaise sc
répandent ir travers le molldo ltour profrter t\ I'humnnité tout cntière'
Ert cc qui nous concelllc spécialcmcnt, la dominatiott françaiSe
br.ise les traditions féodales luxquellcs la Ilclgique restrlii invinci-
blement attaehéc. Elle rtous taut I'uuil,é ct l'égalité dcs chsses,
la liberté de cOnscience, I'uniforrnite des lois et, des tributtaux, la
supplession de la ntttin mortc. Blle dctruit chez nous cet esprit de
pariicularisme funcste qui ttous avlitvllu tant tlc mllheursdans le
passé. Etle nous rend la liberté de I'Bscatrt ct tle nos ports, ferntés
,u ,o**uce international depuis {648, par suite, la prosperité de
lto1re commerce ct de llotl'c industrie. Dn{in, clle provoque parmi
748 flrsrornn DES TELGEs ET DË rEUn crvlrrsÀTloN

nous le réveil des sciences et des beaux-arts. ces bienfaits com-


pensent amplement les contributions ruineuses et I'administ,ration
brutalc auxquelles nous avons éié soumis pendan[ les premières
artnées de cette dornination, ainsi que certain$ màux passagers qui
résultèrcu[ pour notre pays de Ia faiblesse du gouvernement dircc-
torial et du rlespotisme napoléolliÈn.
T8IIIPS rlrsT0ntouEs. PÉRI0DE IIoLLANDÀISE 749
-

CHÀPITRE XI

Période hollandaise.

Ouvnages à consulten :

Notlnmb .' Essai histonique sur la révoluti on belge.


-
Thonissett : La
Belgique sous Léopold ler. De Gerlaclrc .' Histoire du royaume des Pays-Bas.
Juste.. Histoire rle
-
Belgique. G.Deetené Ànvers, métropole du
-commerce et. des arts. Juste
-
r La Révolution belge de {830. L'abbéJatrs-
- d'Aluielta : Cinquante ans de liberté,
-
sens .' Ilistoire des Pays-Bas.
-Goblet -
Stècher; Histoire de la littérature néerlantlaise en Belgique.

. TITRE I
Géognaphie hlstonique.
Le royaume des Pays-Bas fut composé : {o des anciens Pays-Bas
autrichiens, tels que les avait faits le traité de Rastadt; 9oduterritoire
des anciertnes Provinces-Unies et de leurs colonieS, savoit' : la Gu,yane
holhndaise, plusieurs Anlillps ainsi que les iles de Jaua, Tinw,
Célebes, Ilfolu,qu.es, Borné0, etc.
0n maintint les divisions territoriales, au nombre dc dix-huit,
établios pal la Converttiort, mais en leur attribuant les noms des
provinces ancienrtes correspondantes. Ce furent, en llelgique : les
provinccs actuelles; en Hollande : la llollande; Ia Zélande, le Bra-
bant septentrional, la Gueldre, la province d'Utrccht, l'0r'er-Yssel, la
Drenthe, Ia Frise, la province de Groninghe.

TITRT] II
Les faits.
Le royaume des Pays-Bas. L'armée des alliés était
entrée à Bruxelles en février 1,81,4. Au mois de juin, un traité
signé à Londres par les représentants tles puissarrces coalisées,
750 rtrsr'ornr DEs DIiLGES ET DE LEt It cIvItISAt'IoN

tlécidc d'atljoindre la Belgiqtre à la Hollande sur le pierl tl'uuc


union intime et complète. En conséquertce, les deux p:lys
forment désormais, sous Ia clénomination tle rlllflume drs
Paus-Bus, un seul Etat soumis ii une même constitution.
L'rrticle 2 tle Ia convention stipulait ( qu'une protectiorr
égale serait accortlée à tous les cultes et que tous'les citoyens,
sans tlistinction tle crovance, seraient également admissibles
aux ernplois publics rr.
Apr'ès les Cent-Jouls et la chute défiuitive tle Napoléon, le
Corrgrès de Yienne ({815), r'atifiant Ia décision dc la coufé-
rence tle l.,ondles, arrêta gue dans la loi fontlantentula tlu
nouveilu rovaume, rr il ne serait rieu innové d'essetttiel aux
articles de la constitution néerlandaise.
Cet,te déclalation était d'autant plus opportunc, tlue I'attciert palti
tlc Yan der Noot releluit h trlte cn Belgique ct ne r'éclanrait rien
moins que la destluction cle toutcs les conquùtes politiques et
sociales r'éalisées depuis vingt, arts : Ia suppressiort de la liberté de
conscicnce;lir restitution des biens nationaux et lc rétablissement
des anciens privilègcs. L'évèque dc Gand, prirtce de Broglie, adressa
môme au Congrt\s un tnérnoire, aux termes duquel < il le suppliait
d'introduire dans Ie traité rgui conlTait le gouverttcment dc nos pro-
linces ru prirtce d'Orugc, un articlc accot'datt[ i\ la fantille royale
des Pn-vs-Birs le tlroit tle profcsscr le calvinismc et, d'ctt cxercer le
cultc à I'intérieur de scs palais, nrais lui dffendunt forntellentent
d'ériger lilleurs dcs tcrnplcs protest:rnts, sous quclque pr'étextc que
cc ftlt. Il denrandrit cu outre I'entt'ée des cr'èc1ues au conseil d'Htat,
le rétablissemcnt tle la dirne etle librc rccor.tts ttu Saint-Siirgc.
Le rni Guillaume put dès lors prér'oil I'opposition qn'allait
rencontrer son gourernetnent auprès d'ttIte partie de ses sujets.
Désireux d'enlever â ses adversaires tout motif réel de mécon-
tentement, il confie ti une commission formée tle tlouze protes-
tants et de douze catholiques aYec un israélite pour secrétâire,
le soin de mettre la loi fontlamentale ou grondtuet on appe-
-
lait ainsi la constitution hollandaise en harunonie avec les
-
mæurs politiques des Belges. Une latitude entière fut laissée à
TEMPS IIISTONIQUES. PI'RIODE HOLLÀNDAISE 75I
-
cette commission, CIt, de ses traYaux sortit la constitution
tle t8{ d qui modifiait, en plus d'un poiut important, la consti-
tutiou hollandaise.
La loi fondamentale proposée aux Belges réalisait un progrès
consitlér'able sur les institutions d'avant {789. Consaclant les
libertés fondamentales proclamées par Ia Révolution française,
elle gararrtissait Ia liberté ùtditiduelle et. l'inuioluhilité du
domicilé., l'égalité de tous deaant Ia loi et la libert(. des atltcs,
l'admissibilité inconditionnelle cle taus les citoyens aun
emplois, Ialiberté de lapresse et le droit de pétition, (mais aux
citoyens seulement, llon aux corys constitués).
Elle devait paraître d'autant plus large â nos pères que It
théorie gouvernementale du dloit divin semblait triornpher en
France et en Eulope avec le retour des Bourborts. Quelles que
fussent ses intperfections, elle rtous plaçait iucontestablement,
à cette époque de réaction, dans uue situation privilégiée etttre
toutes, au sein des peuples tle I'Ertrope contirtentale. Avant tle
la promulgucr, Guillaume vonlut Ia souurettre à la rrtification
des notables des tleux pays.
Les évôques belges choisirent ce tnomen[ pouradresser au roi des
représcntations respælu,ansr rekttiuentent au projet d'une nouvelle loi
fondamentale. Dans cc document, ils lui disaienl quc le mairttien des
articles rclatifs à Ia liber'té des cultes mettrait le clergé < dans la
triste nécessité d'opter eutre Ia violation de ses devoirs les plus
sacrés ct unc opposition formelle aus lois de l'l'ltat' ))
Peu après, ils publièrent, cu effet, des maudements dans lesquels
ils défendaiertt <t ùu nom de I'autorité, qu'ils tenaient du Saint'
Esprit, le saint nom de Dicu invoqué, à tous lcs notables cltoisis,
d'adhérer en aucunc matriôrc ct sous aucun prétexte à une constitu-
tion renfermartt des ar[icles dilectement ou indirectement opposés à
Ia religion. l
Et, à l:r vcille clu vote, une nouvsllc adresse de I'archevêque de
Malines disait aux notablcs : (( Il est de notre devoir de tous obli-
ger et nous vous obligeons, par les présentes, dc rejeter ce projet
purement ct simplement r.
782 IIISTOInE DES BELGES ET DE LEUn cIYILISATION

En présence d'aussi instantes adjuratious, la nouvelle loi


fondamentale, atloptée à I'unanimité par les {{0 rnembres des
otats généraux de Hollaude, assemblés en nombre tlouble, se
vit repoussée par 796 norr. contle 527 orul par les notables
belges ({).
Le roi passa outre à ce refus tl'adhésion et, dans un message
au pays, daté tlu 94 aorlt {8{5, tléclara adoptée la norrvelle
loi fontlamentale.
Cependant, vers la lin de l8{5, les évôques publièreut utt jugemaû
doctrinal sur le serment exigé prr la constitution.
Ils y déclaraient que < les catholiques ne pourraient, sans trahir les
intérèts les plus chers de la religion, jrrrer de naintenir et de res-
pecter une constitution : {o qui proclamc la Iilierté des opinions
religieuses et accorde une protection égalc à tous les cultes; 9o qui
rend tous les sujets du roi, de quelclue croyallce religieuse qu'ils
soient, habiles à occuper toutes les dignités et tous les emplois;
3o qui suppose I'Eglisê catholiquc soumise aux lois de I'Etat; 4o qui
attribue à un souverain protestallt, le droit de régler I'instructiou
publique;5o clui abandonne aux Etats provinciaux le soin d'exécuter
les lois relatives à I'instruction publiquq, ir Ia plotection des diffe
rents cultes et à leur exercice extérieur; 6o qui iurpose I'obligatiotr
de respecter toutes les lois eu vigueur et, en particulicr, la loi du
divorcc;70 qui, enlin, accorde h liberté clc la presse(9) u.
Mais cette vive oppositiou n'obtient pas I'appui tlu pays,
car le voyage tl'inauguration de Guillaurue I"' ii travers les
villes belges revêt le caractèr'e tl'une marche triomphale. Cepen-
dant, le clergé catholique tlemeure hostile au roi, et cette hos-

({) Sur {,G93 notables belges convoqués({ par 9,000 habitanls), .1,393 seu.
lement répondirent à I'appel qui leur fut adressé.
(2) [n résumé, le clergé catholique belge réclamait : a) le monopole de la
liberté religieuse; ô) I'exclusion des dissirlents rles emplois publics en rapport
direct ou indirect avecle culte; c) la suppression dela liberté de lapresse;
d) I'entrée du clergé dans les assemblées nationales et provinciates à titre
d'ordre reconnu par I'Etat; e) urre dotation fixe pour I'Eglise;.f) la direction
souveraine de loinstruction publique. )
Dans le domaine des intérêts ecclésiastiques, c'était le retour pur et simple
au régime d'Albert et d'Isabelle.
I
TEMpS Hrs'f0ftrCIritss. r'Énr0DB HOLLÀriDArsE 753
-
tilité sera I'une tles
causes principales, sinon Ia cause esserrtielle
et tlétermiuaute, tle Ia révolution clc {830.
Avantages de la réunion.
- L'idée de réunil la Belgique et
la Hollantle cornme à l'époque de Challes-Quint et de la Pacifi-
cation de Gantl poul' en faire un seul ctat sous le sceptre de
Guillarrnie d'Orange, paraissait de tous points excelleute.
D'abord, il y avait, entre lcs Hollandais et urre partie des
Bclges, communauté tl'origine e[ dc langage. Ensuite, au point
tle vue de la politique gd:nér'ale, Ia r'éunion semblait devoir
assurel' une lougue paix à I'Europe. Dans la pensée des Puis-
sances (l ), Ie louvel lltat tlcvait être pacifique et neutre.
Sans formel' une natioir susceptible tt'inquiéter par son ambi-
tiou les goLrvernements voisins, il devait être suffisamment
fort pour offrir éventuellement une résistauce vigoureuse à toute
nouvelle entleprise conquér'ante tle la France. Nul doute que
celle-ci n'hésitât désormais à attaquer un pays tlont I'arnrée et
la flotte selaient capables de lui résistcl assez longternps pour
perrnettre à I'Europe d'orgauiser ullc alnrôe tle seçours.
A ne cousitlér'er que I'intérôt éconotnique tles deux peuples,
leur union ne paraissait pas moirts convenable. La Belgique,
pays intlustriel, riche en productions miuérales de toute espèce,
avait en outre une agriculture florissalte e[ avaucée. De sou
côtô, la Hollande, ayec un génie tnercartiile athnirable e[ rles
relations conrnerciales solitletrrent établies, possédait d'impor-
tantes colonies susceptibles tle fottt'nir à nos produits tle lalges
débouchés. Ces conditions ftrvoraliles allaient permettre I'entier
tléveloppemeut de toutes les t'essources et tle toutes les activités
naturelles des tleux natious; elles sernlllaient préparer âu nott-
yeâu l'oyaume un brillant avenir. Aussi, en Belgique colnme ell
Hollaurle, I'union intime tles populations, clont les intérêts

(t) 0n désignait ainsi les cinq grandes puissances signataires du traité de


Yienne : la Russie, Ia Prusse, I'Angleterre, l'Àulriche et la France.
V. ![irguet. - Histoire iles Belges. 48
754 rrrsromu DBS IlELGus ET DE LEUn clvlllsÀr'loN

paraissaient en si complète ltarmonie, fut-elle généralement


accueillie avec une grande et sincère satisfaction.
Gauses de mésintelligence entre les Belges et les Hollandais.
Qrrelles causes ceperrdaltt peuvertt empêcher I'uuiou d'être
- le fait depuis 1579, la vie tles tleux
rlulable? D'alrortl, c1ue,
peuples est restée unc véritable antithèse historique. Non seu-
lement professent des religions tlifférentes et parlent, ell
ils
réalitô ou en appâreuce (t), des langues distinctes, mais leurs
intérêts éconorniques ont été longtenrps opposés. Atrssi les
Belges conservent-ils ull amer sottvenir de I'ltostilité avec
laqnclle lr:s Provinces-Unies les ont autrefois traités, Ierrr refu-
sant avec obstiuatiorr la liberté de I'Escaut ainsi que I'accès tle
leurs colonics, et lerrr irnpos:urt I'hunriliant tlaité de la Bar'-
lière.
Voilâ pour le passé.
Pour le pr'ésent, les Belges lle tartlettt pas à reprochel aux
Hollandais leur rnorgrte et le détlain qrr'ils leur térnoignerrt. Les
Holhntlais s'estimerrt bien srrpérieut's aux Belges stlr le tcrraitt
de la civilisation. IIs le laisscnt voir, ils le font sentir. Cette
prétention se justifie tlu reste ell llne cet'taine mesul'e. Svstérna-
tiquement maintenrrs, sous la dontinntion espagnole, darts utte
ignorance profonrle ; ;ryant, depuis, résisté :i tous les eftirrts dtt
gouvernemeut atttt'ichien pour relever letr niveau intellectuel ;
ell outre, demeurés à pcu près indifférents au tnouvctnettt
scienti{ir1ue tle Ia pér'iotle française, les Belges se lrottt'ent, au
point tle vue de I'instruction et de I'ôtlucatiorr politigrre, dans
un état d'infériorité irrcontestaltle vis-à-vis des Hollandais.
Or, le priucipe du loi Guillaume est d'accorder les emplois :i la
seule capacité : arrssi, la mrjoritc des emplois c.ivils et dcs
gratles nilitaires sorrt-ils rtécessairemeut attribués aux Hollan-

({) Le hollanrlais tl'une patt, le français et le flantand d'autre part, eelui-ci


tenu par un grand nombre de I'lamands eux-mrJmes comme entièremeut dis-
tinct du hollandais.
TEMpS HIS'r0Rr0U!lS. ptiRr0Dtr HOLT,ANDATSE 755
-
dais, en général plus instruits qrre les Belges. illais la dispro-
porli0n entre le nombre dcs fonctionnaires hollandais de
naissance et celui des fonctionnaires d'oligine belge est réelle-
I ment excessive, irrjuste et blessante.

I
Sur 28 diplonmtes acr:rédités à l'étranger', oD ne compte
I
I qu'zn cottsul belge. Des 39 lieutenmts-g(nëruun tle I'armée,
I
si;r scnlement sout nés en Belgique; il y a tout au plus zlc
i diztr,itrc de Belges sur les 54 gtinéraun-ntnjors; un cinquième à
peirrc ùes officier'.s d'it{anterie (259 sur | 459) sont belges. Dans
toutes les administratious, Ia rnêrne inrtgalité se constale.
D'autre palt, le siège permanent des grandes institutions drt
pays : Ia chanùre grinérale des comptes, la mur de cassution, Iu
Itarûe cout' de lu.stice ntilitaire; I'inqtrinterie de I'Etat; la
plupart tJes adnu,ttistratiorts cenh"ales, etc., se tlouvent ell
Holl:rnde.
A la vérité, le roi Guillaume prétend justilicr cel,tc installation des
grartds services nationaux cn pays néerlantlais l)Lir des motifs de
haute imlrortance stratégique. D'irprt)s lui, Iir Belgique formc, ltiit'
destination, un calrp retlauché. IJn cas d'irtvtsiott, elle Ite serait pas
un rnilicu suftisarnntcrtt sftr poul' ocs sct'vices. Âu contlaire, la faiblc
rltitudc clu sol holhndlis, et lcs etuboucltut'cs des trois grands
llculcs qtri le sillonncnt, rcntlenI lc pays fircilc a inonder, par suite
proplc à scrvir dc refugc aux griutdcs administrations ccutralcs.
Rernarquolls encore que le tempérarncnt des tleux perrples
s'accortle peu. Le Hollantlais, calnte et mesuré, glace le Belge
pal' sa froidcur; plus implessionuable, plus méridioual, celui-ci
chorlue de son côté, par ses faç)ons expansives, ses flegrnatiqrtes
frères tlu Nord.
Les libôraux belges l'eprochent tl'ailleurs .i la loi fondamen-
tale plrrsierrrs vices graves, ct, cn palticulier,I'absence dc resporr-
',saltilite
ministerielle , Ia tlticcnnalitti clcs trois quarts du ltudget
at l'itrtigulitc tl'wrc reprësentation natiorrale qui accot'tle lulant
tlc tléputôs ri dcux rnillions tle Hollancltis qu'ri trois milliors et
tlerui rlc Bclgcs.
7S6 nIS'foIllE DEs BELGES E'r' Dti LEtrIt cIvILIsAt'IoN

À toutes ccs intportantes causes tle désaccord etttre les deux


nations, s'ajoutent celles qui résultcnt de l'établissement
d'impôts énormes, choisis, tlisent les Belgcs, tle façon à peser
plus lourdenrent sut' eux que sur les provinces tlu Nord; deg
procétlés autoritailes ct du caractèt'e obstiné du roi Guillaume;

Guillauurc l.' d'0nugc.

de ses déclets relatifs ri I'enseiguemeut et à I'emploi des


langues (1) ; de la jalousie dcs grandes farnilles belges contre Ia
farnille d'Orarrge-Nassau, autlefbis leur irgale; mais surtout de
I'opposition résolue faite par le clergé â la constitution et à
diverses lois qu'il ttésapprout'e. I,GS unes et les autres de ces
causes expliqueut I'antipathie prufoude qui ne tarde pâs à
séparer deux peuples si bien faits, sernblait'-il, pour vivre de
la même existeuce politiqrre.
Procédés administratifs du roi Guillaume. 0n a constatê
-

(,1 ) Yoir cirapr'ès.


TEIIpS nIS'rORIoUrS. PÉnIODE rrOLLÀNDÀtSE 757
-
de très grandes analogies de car"actère et tle plocétlés adnrinis-
tratifs entre I'emperenr Joseph II et Ie roi Guillaume I.*. Tous
tleux étaient instruits, actifs, honnêtes, sirnples dans leur vie
privée ou publiqrre. Tous tleux avaient tles vues élevées et
voulaient siucèrement, avec le bien de I'Btat, celui tle leurs
sujets. Mais tous deux aussi nranquèrent de cette souplesse
insinuante qui dispose les peuples â bien accueillir les réformes
et tle cet instinct politique qni pennet dc discerner les agents
capables de contribuer â les frrirc triomphcr..
L'abseuce tle respousabilitô ninistér,ielle priva d'ailleurs
Guillaurne du frein intlispensable à I'exercice du pouvoir sou-
verain. ses arrêtés roy:lux lessenrblaient, trop aux sénatus-
consultes de Napoléon I". Privés tle Ia sanction législative, ils
furent, pour ce tnotif, génér;rlernent tenus en défiarrce par la
nation.
Efforts du roi Guillaume pour développer la connaissance du
néerlandaig. Guilla:rrne soupçonnait les Belges de tendances
-
françaises, ce qui pouvait âmener une situation intérieure défa-
vorable aux tlesseins rle I'Burope srtr la Belgique. D'où la
crainte du roi de voir nos institutions se l.âpprocher trop de
celles de la France et son rlésir tle fair.e dn nécr.landais la langue
ofticielle tlu pays. En 1899, rrn alr'êté roval décide tr qu'il ne
pourra plus être pr.ésentô, pour les places et les emplois
I
puhlics, que les personnes avant Ia conrraissauce nécessaire du
hollandais. ,> ce déclct mécontente les Flamantls eux-mêmes,
qui n'admettent pas I'identité tle leur idiorne et tle la rangue
néerlandaise.
Collège philosophique. Poul les mêmes motifs qui
avaient inspiré à Joseph II I'idée de son séminaire gênéral,
le roi Guillaume ouvre, cn {89S, anprôs tle I'université de
Louvain, ntr collège ltltilosoplûque. Torrs les jeunes gens qui
tI aspirent à Ia prêtrise doivent le fréquenicr. sous peine de ne pou-
voir être admis dans lcs grlnrls sérninaires épiscopaux.
\

\
753 rrsrotnu DES BULGBS ET DE LEUR clvlLISÀTIoN

I1 felme en outre tous les établissements libres, collèges,


écoles latines ou atttres, .destinés à prêparer aux fonctions
ecclésiastiques. Ces Inestll'es irritent profondément les évè-
qnes. Quoique placé sous la haute rlirection tlu métropolitain
tle Malines, le collège philosophique rappelait trop à lcurs yeux
le séminaire général tle Joseph lI ; il firt peu fréquenté. En
prtsence de I'opposition du clergé, ul arrêté du 90 juin 1899
en rend la fréquentatiott facultatile et permet aux évèques de
ronvrir leurs petits séminaires.
Procès de presse. Après la chute de Napoléonn certaius
-
r'êfugiés français, à I'abri tle I'hospitalité qu'ils trouvaient dans
notre pays, avrient violemment {rttaqué le nouveau gouYerne-
ment de Ia Frattce. Les réclarnations cle ce gouvernement
amènent le vote tl'utte loi restreignant la liberté de la
presse ({316).0r, cette loi ne tartle pas ti recevoir tles appli-
cations qu'elle ne comportrit pns tlans I'esplit de ceux qui
I'avaient votée. Pour avoir publié Ie jugement doctrinal,
l'évràque de Gand se voit poursuivi, deux ans après cette publi-
cation, €t, par contumace, contl:tmné â la déportatiop. Sa
condamnation est affichée stlr le rnême échafautl oùr deux
voleurs viennent tle subir la peine de la marque ({8{?). Un
grand nombre tle journalistes et publicistes belges sont
aussi poursuivis pour avoir rpprécié les actes politiques du
roi avec une indépendattce et une sévérité jugées excessives.
L'abbé de FOere, accttsé d'avoir écrit dans le Spectnteur tles
articles n tentlant à susciter etttre lcs halritants tlu t'oyattme, lit
défiance, la désuniort ct les quqrelles )), est contlarnné
(mars 18{6) à deux ans tle prisou. J.-8. Nothomb, Van de
'Weyer, tle Potter, rédacteurs du Com'rier tles Pays-Bas,
ch. Rogier et Paul Dcvaux, rédacteurs da Politiqae, qui font
au pouvoir une vive opposition, sont tratluits devant les tri-
bunaux et condamnés à des peines sévères.
Union des catholiques et des libéraux (1828). En {897'
-

J
ÎEl[ps HrsTonr0uEs. pÉnr0DE rrOLLANDArsE 759
-
sous l'influettce tl'éminents olateurs et publicistes chrétiens,
Lamennais, Montalembert, Lacot"daire, etc., il se produit,
dâns le sein tlu clergé et du parti catholique, un mouvement
des plus iutéressants.
Ces hornmes, d'un esprit véritablement supérieur, recherchent
lcs causes de l'éloignement éprouvé par les classes éclairées de
l'époque pour la religion catholique romaine. IIs croient les
trouver dans une certaine disposition du clergé à tléfendre les
gouvernemerrts absolus mais surtout dans cette altdration que
les principes d'égalité et de fraternité sur lesquels repose le
christianisme subissent dans la pratique.
En conséquence, ils s'efforcent, sans engager I'intégrité des
dogrnes chrétiens, tl'ameuer un rapprochernent enlre I'Eglise et
I'esplit moderne, invinciblement résolu à réclamer I'application
des plincipes de 1789.
Une paltie importante du clergé de la France et dcs
Pays-Bas les suit dans cette évolution et s'imprègne de I'esprit
dérnocratique. Dès lors, trouvant un terrain commun sur
lequel ils peuvent s'entenrJre, les libéraux et les catholiques
belges concluent la célèbre union d'où t'a sortir la révolutiort
de 1830. Cette alliance a depuis été appelée, par des libéraux
et par tles catholiques, Ia grande dqterie de 1830, les uns et
les autres n'ayant pas retiré de l'union, pour le triomphe de
leurs itlées, tous les résultats avantageux attendus.
Yoici les principaux points du progrâmme commun. Les
unionistes réclament : lo la responsabilité ministérielle;
2o I'annalité du budget; 3" la répartition êquitable du nomble
des députés entre toutes les provinces; 4" la liberté de I'ensei-
gnement; 5" la liberté tle la presse, insmite dans la loi fonda-
mentale, mais restreinte par des lois réactionnaires; 60 le
rétablissement du jury; 7o la suppression de divers impôts
vexatoires
Pétitions pour le redressement des griefs. Des pétitions
-
760 rrrsr'ornE DEs BELGES ET DE LEUR cIvtLIsATtoN

ayant pour objet d'obtenir le rerlressetnettt des griefs nntionaux


sont signées datts tout Ie pâys. En même temps, les journalistes
à la ville, la noblesse et le clergé (1) à Ia
campagne,
entretiennent dans les masses ulle irritation et utl esprit I
d'opposition .qui peu â pell se transfot'me en révolte ottverte.
Révolution de 1830. Bierttôt orl tle se borle plus à
des
-
griefs, tnais la sépat'atioluadmi-
reclamer le redressemettt
nistrative. Et comme le roi ne paraît pls tlisposé à etltrer
dals une voie résolument conciliaute, tles troubles éclatelt
simultanément à Liége, à Yerviers, ti Louvain, ù Brrrges et :i
Anvers. Les concessiotts de la dernière hettre - le roi abolit
I'impôt sur la mouture et rentl facultatif l'ernploi tles langtres
sont tenues pour insuffisantes, Gt, sous I'irtflttence des
-événernents survenus en France (9), la révolution éclate aussi
en Belgique.
Débuts de la révolution.
- Il ne semble pas gue per-
sonne, tlans les sphères gouYernenrentales, se soit jarnais
douté qn'une explosion violente du mécontentement des Belges
frlt à la veille de se protluire. L'accueil fait au roi Guillaume,
visitant les provinces méritlionales, âu cours tle I'année 1829,
n'avait été qu'une Iongue ovatiou. Bien plus, le l0 août 1830,
le Roi étaut veuu à Bruxelles visiter une exposition des produits
de I'industrie belge, le peuple avait rottltt s'atteler à sâ
voiture.
Aussi n'avait-on fait aucun pÉpalatif rnilitaire el] vtle d'utte I
compression de troubles éveutuels. La gartrison de Bruxelles
ne comprenait pâs en tout 1,500 homtnes, et, dans cette ville
populeuse, il n'existail, qu'une police fort, mal organisée, tont lï
i
fait insuffisante.
1

({) Sur 307 pétitions. 243 furentobtenues par I'initiativedu clergé I


(2) Au mois de juillet {830, le roi de France, Charles X, fut renversé dtr
I
trône et obligé de quitter la France. (
TE}IPS HISTORIOUES. PÉRIODE HOLLANDAISE 76''
-
Cependant, sous ce calme apparent, le feu de la révolte
couvait.
Le 95 aoiit {830, on représentai[ la Mu,ette de Portiri ('1) au
théâtre de la Monnaie, à Bruxslles. Lc public, très nombreux,
applaudissait les passâges de la pièce qui semblaient s'appliquer à
la situation politique tles Belges. Le chant de la phrase: Leroù des
mers ne l'échnppera pas l oir I'on voit, une allusiou au roi de Hollande,
cst soirligné par de ligoureux bravos. Les applaudissentents se
[ransforment en acctamatiotts lorsque les artistcs chantent le duo
fameux:
Mieux r'âut mourir que rester misérable ! Àmour sacré de la pattie'
Pour un esclave est-il quelque danger'? Rends-nous l'audaee et la fierté.
Tombe le joug qui nous accable A mon pays, je dois la vie:
Et sous nos coups périsse l'étranger ! Il me devra sa liberté !
Àu troisième acte, quand I'acteur Lafeuillade (9) s'écrie : A genou,u,
guerriers, ù, genounl et que les autres artistes chantent, prosternés
sur lâ scène, le chæur de la Prière :
Saint hienheureux dont la divine image,
De nos enfants, protège les berceaux I
Toi qui nous rends Ia force et le courage;
Toi qui soutiens le pauvre en ses travaux I
Tu nous vois tous à tes genoux :
Sois avec nous, Protège'nous !
Fais arrjourd'hui pour nous des miracles nouveaux !

tous les assistants tombent de même à genoux et erttendent, dans


unprofond recueillcment, cette touchante invocation' ffais, au
momcnt où Lafeuillade s'élance au milieu de la scène' brartdissant
sa htche et chantant :

Courons à la vengeance!
Des armes, des flambeaux !
Et que notre vaillanee,
Mette un terme à nos maux !

ug rapide frisson tecoue les auditeurs, qui, repétaut I'appel aux


armes, abandonnent tumultueusement leurs places, escaladent les
banquettes et s'engouffr'ent dans les couloirs pour sc précipiter âu

({) Grand opéra, musique ù'Auber,


(2) Remplissant le rôle de Marr'onîello,
762 rrrsrorRn DES BEr,GEs ET DE LEUtr ctvrrrsATroN

dehors. Sur la place de la Monnaie, une foule immensc se trouyait,


en ce momertt rassemblée. Le cri &u,:t, &rnws J est à l'instarrt lcpro-
duit avcc fuleur par la nrultitudc, qui, mêlant des vociférations à
ses chants pal,riotiqucs, sc porte vcrs les tlcmeures dos pr.incipaux
amis clu gouvenlement ct, les dévrstc. La réyolution commençait.
Lcs désonlres se prolongèrent pendant plusieurs jours. Pour y
mettre {in, le roi Guillaume râssenble ule arméc de 15,000 hommes,
dont il donne le commrnclemcnt z\ son fils llr'édéric, ilvec mission de
ramener la ville de Bruxelles à I'obéissâllcc. Mais cléjà ln tâchc étrrit
devenue difficile, sinon impossil-rle. I)cs émeutes avaient ôchté à
peu près dans toutes les villcs bclges ({); presQue partout, ou avait
r.éussi à cn c:lrasser les galnisons lrollandaises et des détachements
dc voloutaircs 'lrrivaient tle tous lcs point,s du pays au secours de la
capitale.
lournées de septembre.
- Apprenrnt que I'enncrni lpproche, Ies
Bruxellois se prépareut à la résistunce. Toute la nuit du gg au
93 septembre, le tocsirt sonne pour appeler les ci{,o,vens aux âl.mes.
Sur un gland nomble de points dc I;r villc s'élèr'ent, en quelques
heules, clc solides barricades : clc loulds chariots qui trrirsscnt sont
rcnvcrsés à côté d'élégants cquigrages; on y ajoutc dcs meubles
cnlevés aux naisons et de nombrcux tonneaux cxtlirits dcs clves.
0n cntoure le tou[ de nronccrux dc pierres, clc br.iqtres et de
pavés, de façon à établir, en travcrs des rues, des défenses gl'os-
sières, mais trils propres à facilitcr la résistancc. Uu grand nombrc
de citol'cns, arnés de fusils ou dc piques, r'iennent les occuper,
résolus à lenir vigoureusement tète i\ I'enncrni.
Première journée. Jeudi 23 septembre.
- Dcpuis deux heures du
mal,in, on entendai[ résonner ru loin les trompettes hollandaises.
Dès quatre heures, Ics sentinelles signalent, I'arrir,ée de I'ennemi.
Celui-ci sc dispose aussitô[ à attaquer ta villc de plusieurs côtés à
la fois. Â la port.e tle Flandre, les insulgés ne défendent que mollc-
ment leurs barricades et, laissen[ I'enrtemi, qui déjà sc croyait vain-
qucur, s'engagcr assez avtllt dans la rue.
Tout u coup, unc grêle de projectiles meurtriers s'abattenù sur les
Itollandais surpris. trtille fusils sont déchargés sur eux à bout pbr-
tant, par les soupiraux des ca\ies et par les lolets des fenètles;

({) Gand et Anvers, dont les intérêts commerciaux étaient intimement liés à
ceux de la Hollande, conservèrent une attitude expectanle.
TEITPS ITISTORIOUES. _ PÉRIODE I{OLLANDÀISE 763
pa\'és, moubles' ustensiles de cuisine, poutres, torrcnts d'etu
bouillante et, tle lait de chrux leur sont jetés par toules ]es ouver-
tures cles maisons. Un un instartt, la rue est pleiue de molts et tlc
Lrlessés dont, la plupart tombcnt sans môme avoir vu d'oir part le
coup qui lcs atteint. Plis d'unc fraycur soudaine, les soldats hol-
Ianrlrris tournent lcs talons et s'cufuient, à la dêbandade.
Les Belges n'obtcnaient pas lc môme succès sur tous lcs points.
C'est airtsi qu'ils ne réussisscnt pas à empôcher les llollandais de
pénetrcr dans la ville hautc par la nrc de Schaerbceli. Apr'ès avoir
forcé la polte de cc faubourg et, bala5é à coups de crnon la longue
rrre Royale, I'cnnemi occul)e successivement le Jarilin botantquc,
l' Obscrmtoire ,lc Palnis dw Ekr,ts généruux,le Parc e|le Pah.is tlu, Roi,
c'est-à-dire une position tl'oir il dominc toute la ville. Né;rnmoitts,
les Hollandais, entour'és de toutcs parts de quartiers lestés au pou-
voir des Belges, se trouvcnt bientôt eufermés dans urt cct'cle de fer
ct de feu. [,es maisons de la rue Ro1'ale sont remplies de volontaires
ainsi que l'lûtel tle Betle-\lue eLle cu,fé de l'Anûtid. I-lnc folmidable
barricrrde détcnd I'rccès de Ia place Ro1'ale au point oir cllc coûlmu-
nique avec hl placc rlcs Prrlais et un patriote liégeois, le nommé
Clrallier, dit Jambc de bois, s'y instrllc avec une pièce rle canon. ll
en ftit le scrvice ârec uuc hardiesse incroyable pendant les quatre
journircs que dure la bataille, infligeant aux Hollattdais les plus
grandes peltes.
Après avoir prolongé la lul,te jusqu'à six heures du soir, les com-
bal,tants des cleux prrtis la suspendent d'uu accord tacite. Les volou-
taires, harlssés, nc songent môme pas à plaeel' une seule seutihelle :
tous sc retirent à I'intérieul dc la villc. Ileureusemcnt,les Hollartdais
ne se doutèrent pas d'une aussi impardonnable négligence.
Deuxième journ6e. Vendredi 24 septembrc. La ttui[ se ptsse
- -
rlans Ia fièvre. Une partie de la popuhtion la consàcre à renforcer lcs
barricarles et ù préparerdes cartouches pour Ie combiit, tlu lendemain.
L'emotiort dc la bataille qui vient de linir tiertt d'ailleurs tout le
monde éveillé. Le visage noirci de pondre, les volorttaircs s'étendcnt,
sur tlcs lits improvisés, sur des battcs, ou mème sur le sol. llais c'cst
cll vain qu'ils cherchent Ie sommeil, Pour trorrper leur ennui,
q uelq ues-uns fumen I et, boivent silencieuscment.

Le 24, dès 5 heures du matin, lc bourdon de Sainte-Gutlule appelle


tout le monde aux banicades et, la lut,te reprend avec ul)e nouvclle
ardeur. Place Royale, la bataillc est particulièr'ement terrible. En ce
\

764 rrrsrorRn ngs BELcEs ET DE Lnr;t crvrLIsATroN

point., Charlier tlilige contrc le plrc un feu continu. De leur côté, les
canons ennemis foudroient I'hô[el de l]elle-Vue. Â quatre heures de
I'après-midi,, Ies Hollandais comnencent Ie bonrl-rardement dc la
ville. Plusieurs ineendies éclaten[ aussitôt, oeeasionuanL tlc gr'ands
'qui
dégâ[s, ce augmente encorc I'indignirtion des Bruxellois. Ce
jour-là, la luttc ne sc termine qu'à dix heures du soir.
Troisième journ6e. Samedi, 25 septembre. Le 95 septemllre, Ie
-
carron de Jamlte de bois
- près du
fait de llouveau fureur cafë, de
I'Antilié e[ les Belges, grave échec pour les Hollandais, prennent
possession de I'escalier dc la Bibliothèque. Le combat cesse vers
7 heures ll9 rlu soir. En préscnce de I'inutilité de ses efforts pour
péné[rer dans la ville, I'enncmi coûlmence visiblementà se découlager.
Quatrième journÉe, Dim rnche 2ô septombre. La quatrième et
- -
clernière journéc, celle du dimanche 96 septernbre, fut la plus rude.
Chacun pensait bicu ctu'elle seraiI décisivc. L'attaque des llollandais,
commencéc vers I heures du matin, paraît comme furieuse e[ déses-
pérée. Plusicurs fois, ils franchissent I'cspace compris entre la grille
du Parc et la place Royale, mais chaque fois ils se voient repoussés
avec de granrles pertes. Lc fracas de la bataillc est terrible. Le bruit
des trompettes hollandaises, celui de I't, gënërnle et, du tocsin de Ia
ville, les cris des combattants, le pétillement cle lir fusillade et lc
grondement du canon formcnt un cffroyable et assounlissant
concert. Dans la rue Royale, les Belgcs ont crénelé toutes lcs mai-
sons en leur pouvoir ct de là dirigcnt sur Ie pârc un feu nout'ri. En
même temps, un certain nombre d'entre cux pénètrent par dcs voies
soutcrraines dans les cavcs du palais qu'ils essaicnt d'ineentlicr.
L'animation des combattants est, extrême : la birtaille ne {init qu'ir
dcux heures du matin. Lcs Hollandais avaieut subi des pertes
importantes. Comprenant que la place n'es[ lilus teuable, ils évacuent
sileucieusement, la nuit, le Palc et la partie de la villc qu'ils occu-
peut. Le lundi, 27 septemlrre, quand les Bclges, vers cinq heures
du matin, veulent rcprendre la fusillade, ils sont bien étonnés
qu'on ne leur réportde pas. Quelques-uns des plus lrardis s'aventurent
jusque dans le parc, reconnaissent que I'ertnetni I'ir abaudonné.
Tout joyeux, ils reviennent vers leurs camarades, agitanb leurs fusils
et leurs chapeaux, et criaut : Victoire ! Victoire ! L'heurcuse nouvelle
so répand dans toute la ville aree la rrpidité tlc l'éclair. Ilientôt lc
bourdon de Sainte.ûudule sonne à toute volée; dcs drapeaux
nationaux sout arborés sur tous les édifices et lc peuple, rempli
d'une joie délirante, se porte en masse vers le parc.
TEIIPS lilST0liIQUES. l)tiltloDll II0LLANDAISE ?65
-
0rganisation d'un gouvernement provisoire' - Dès le
25 septclrtbre, uu gouverltemertt provisoire avait pris en main la
directiorr tles affaires. Il tlécitle que les citoyens morts au champ
d'honneur seron[ entert'és au milieu de la place Saint-Michel
qui tlepuis est deveuue la place des Maltyrs. On y voit aujour-
d'hui urt superbe morluuleut avec cette irrscliption, cornposée
par le poète Jenneval, I'autettr de la Brabunçonne z

Qui dort sous ce tombeau couvet't, par la vicl.oire,


Des nobles attribrrts de I'immot'talité?
De simples eitoyens dont un mot dit I'histoire :
Morts pour la liberté !

Pentlant cette bataille de qualre jout's, les Belges avaiellt er


environ 600 tués et 1900 blessés. À ce prix, ils at'aient conquis
leur inrlépentlance.

TITRE III
Institutions politiques.

Gouvernement central. Le pouvoir législatif sous le


régime hollandais s'exerce pal le roi et par les états géttéraux.
Ceux-ci s'assemblent au moins une fois I'an. Ils sont tbnnés de
:
rJeux clratnbres la chambre lmute ou prentière cham'bre,
cornposée tle 40 à 60 membres viagers, ttommés par le roi,
et la clmnùre basse ou seconde cltant'bre, composée de
ItO menrbres : 55 pour les provinces du Norcl, autant pour'
celles tlu sud. Par suite de cette parité de représentation, Ia
Belgique n'a qu'un tléputé sur 65,000 habitauts, tanrJis que
Ia Hollantle en compte un pour 40,000. C'est là une grosse
injustice, et, tle plus, une, grande faute politique. 0n parque
ainsi les habitants des Pays-Bas ett deux natiorts distinctes et
I'on attise entre eux Ie feu d'un antagouisme tlangereux.
Les députés à la seconde chambre doivent être âgés de
\
?66 rrrs'r'orRp DES BELGES ET DH LEUR cIvtLISATroN

tlente ans au rnoins. Ils sont élus, pour trois ans, par lcs
états provinciaux. Les membres tles chambres ont le th'oit de
sowneth't au, roi des propositions tle loi. lls tlisuttent, a1ryr'otr-
uent or rejettent lcs projets tle loi et, les butlgets. La libelté tle
la tribune est absolrte.
Mais les tltats géuér,âux ne peuvent ni atnends?'ul) projet tlc
loi, ni en diuiser les alticles. Ce tte disposition cousl,itutiortnellc
amèue purfois les députés à r'cjeter en bloc un projet excellert[
dans certaines tlc ses pat'ties, parce qu'ils ne veulctt[ point
paraître tlonner leur approbation â tl'autres parties qu'ilsirrgr:nt
mauvaises.
Les r:harnbres siègent alternativetneut n I.,a Haye et à
Rruxelles. Leuls séaltces sont publiqucs.
Le ltottuoir c:r.eaûi,f est confié au roi. Àssisté de ninistles
ltlu, resplnsubles (l), le roi exerce directetnenf le porrvoir
exécut,if. Il a le droit de guerue e[ de paix.
Organisation provtnciale. Les dénornirtations rlcs
anciennes proviuces sortI ré[:rlilies, rnais leur tlélirnitatiorr t't'stc
celle tles dépalternerrts frarrçais eot'respolldants et I'ott t'cs-
pecte à peu près I'organisation adrninistrative françaistr. ll y
a des Ttrouinces avec tles gouvet'rtettrs; tles nrcon'dissenrnrts
pollrv[s tle cornmissaires; tles tuttl'orts et tles crnttnil.nût. { )u
rend en partie aux ploviuces e[ atlx oommunes leut'it,t'iltrtte
autonomie. Placées sur ull pietl tl'absolue égalité, elles s';t'irni-
nistrent elles-mêmes, d'après des r'ègles unitblnes. l,t's l,to-
vinces possèdent des ëtttts prouincittttæ oùr I'ott trolllr' ,irls
déltttttls tle Ia noblessc (léptttis cle l'ardre equestre), dcs ti,'1,,riis
tles uilles (cléputës urltuins), et tles cùiputes des canqtutltti',' :)tL
du.Ttlat pags (tlé.pu,tes ru,ratlr). Les étuts provirlciaux tlt'."ii-,t,'t)t
darrs leur sein utte cantnùssion Tternruttente.
0rganisation communale. Il existe deux calôg{rlrr''. rls
-
({)C'est-à-dire negouvernanf pas au nom de la nation, nrais aunonr rïrr l'oi.
TEMpS HISTORI0UBS. pÉftroDE rrOLrANDArSE 767

cornmunes : {o les villes; 9o les villagcs an plat puys.Les


conseils de régence (conseils communaux) des vilies sont
seuls électifs. Encore le roi nomme-t-ll le bou.t'gmestre et les
ticlrcuhts. Quant aux ré.gencet des uillages,les rnembres en sont
choisis par les itnts protittciuttx. Le roi dôsigne le bou,r'g-
ntestre, le gauuernerr?' llomrne les deur éclteuùw.

TITRE IV

Institutions judiciaines.

0roit des gens. A partir de 1814, il se manifestc, en matière de


-
dloit dcs gelts, ull double et louvcau principe. C'est, d'un côté, la
neut,ralisatiou dc ccr[ains états, de I'auûre Ia réunion de diplomates
(cougrès et conférences) pour prévenir les con{lits et régler les
grandes affaires d'intérèl iutcrnational, La neutralisation de'la
Suisse drte de {815, celle de la Belgique, de 1830.
Droit public.
- 0n modific, dans I'esprit des usages juridiques
néerlirndais, Ie code civil frutçais, à la jurisprudence duquel les
Bclgcs sont habifués. et c'est là une autre cruse de mésirtlelligencc
entle les deux peuples.
Tribunaux, Procédure. Pour ce qui concerne les juridic-
-
tions, on conserve, tlans son ensemble, I'organisation française.
Cependant, la cour de c.assation juge à la fois, quant au fontl et
quant â la forme, les causes qui lui sont soumises. Le principe
de I'inamovibilité des juges est également nraintenu, mais le
jury disparaît ainsi que la publicité des audiences au cr.irninel
eI au iorrectionnel. Le pulrlic n'est plus atlmis qu'aux plaitloiries.
Vainernent les Belges réclament le rétablissernent de I'entière
publicité de la proc:étlure judiciaire et I'inamovibilite de la
magistrature, proc'lamée par la constitution. Toujonrs pr.ornise,
I'inamovibilité n'est jamais accortlée ({).

({) Conmr D'ALvIELLA, Qinçtante uns de liberté (Vie politique), p, 40,


768 urstornn DES BELËus ET DE LEUR ctvILtsATIoN

Pénalités.
- 0n doit au tlocteur Ghislain, né à tand,
en {797, mort professeur à I'université de cette ville, en {860,
un régime des prisous plus doux, plus hurnain que le précétlent.
Sous I'influence de ce philanthr:ope, le gouvernement hollandais
introduit dans le svstème pénitenciaire diverses réformes dont
I'objet est surtout tl'amener les contlamnés à rentrer dans la
bonne voie.
Par les arrêtés-lois des I septembre 1814 et 20 jauvier l8{5,
le prince-souverain des Pays-Bas étentl le système tles cit'cons-
tances attérruantes. L'article 463 tlu cotle pénal français
n'admettait les circonstances atténuantes que poul les faits
passibles d'emprisotrttetnent et si le préjutlice causé n'excé-
dait pas 25 francs. Les deux auêtés tlu roi Guillaume petmirent
tl'appliquer le système aux infractions punissables de la réclu-
sioir et même des travattx forcés à temps.
Presse. La presse, libre en principe, voit, sous la
pression tle la France, ses droits rêduits par la loi tlu 28 sep-
tembre l8{6.
TITRE Y
Institutions de bienfaisance.
Par un arrêté clu 7 décenrbre 1899, Ic t'oi Gttillaume institue un
burcau de bienfrisi'Il)cc ell trhaquc comlllutle. Cette mesure fait diS-
prrail,r'c les burenux cantonaux, adminisl,rés pal' des comnrissions
centrales de bienfaistùtc, qui avaient cxisté sous la domination
fr.ançaise. f,s prince établit, aussi tlcs colortics de liicrtfaisauce et
organise les dôpôts de mcnclicité. Il maintiertt lcs tours.

TITRE VI
Institutions financiènes.

- Le budgct cst double t


Budget. dthennal poul les trois quarts,
pour I'autre quart annuel. Lcs tlépenses imprévues et les frais du
ministère de la justice cttt.rett[ seuls datts sil partic aturuelle. Ainsi,
TEIIPS HIS'I'ORIOUES. _ PÉRIODE IIOLLÀNDAISE 769
pondârt dix lns, le budge[ échappe en grande partie au contrôle des
chambres c[ du pays.
Dette hollandaise. Etablissemsnt d'énormes impôts. Accabléc
sous le poirls d'une dctte de quatre milliards tle frattts. la Hollandc
prétend nous cn firire partager les charges (l), ce qui parait' injustc
aux Belges. llais orl ne tieut aucutt compl,c de lcurs réclamal,iorts.
Pour payer les intérèts de ccttc formidable dette, de nombreux
impôts sonI nécessaires. Âprès avoir successiventettt frlppé dc droits
élcvés le sucre, le calt|, la hou,ille, llt tourbe, on Ôtablit encol'e un
droit Ll'altatage. (2 aott 1829) sur les animirus dc boucherie.
Quiconque abat un porc, un moulon, un Yeaur un bæuf tloit en fairc
la déclaration à I'autorité qui, de ce chcf, pcrçoit uue taxe en argent,
calculée sur le poids dc la bôte. Souvent, pour échapper à I'obliga-
tion d'acquitter cetl,e taxer les campilgntl'ds tuenÛ leurs porcs la nuit,
daus lcs caves, puis les grillent sous Ia cheminée. Mais c'est là
s'exposer gravcment, car la dêcouvelte dc la flaude amène Ia con-
liscation dc I'aninirl et I'application d'une amende sévère.
Dans les villcs, outre le droit d'abatage, psrçu ir I'abattoir, on
paie encore, à I'entrée des villes, un droi[ d'oclroi sur les animaux
destinés à la bouclterie. ;lussi, le prix de la viande y dcvient'il fort
élevé.
Le mécon[entemeut s'accroit par l'établissemenI d'un autre impôt,
lc droit de nrculure, très onéreux pour les classes piluvres surtout.
Quiconque fai[ uroudre du grain doi[ payer une, taxe dout I'impor-
tance varis avec la quantité dc grain moulue. Le même droit so
perçoit dans les villes indépendamment du dloit, d'octroi établi sur
les graius et farines. 'résultat
Non seulement l'établisseuren[ de cet impôt a pour
immédiat d'élever d'une façon sensible le prix du pain, mais son
mode de perception le rend particulièr'ement vexatoire. Il doit ètre
payé au moulin : or, un grand nombre de campagnalds qui ont du
grain à moudre ne possèrlent pas toujours, au momcnt voulu, I'argent
monuayé nécessaire pour acquitter I'impôt et il se ploduit saDS cesse
tle vives eontes[ations entre eux et les agents du lisc.
Enfiu, cet, inrpôt irril,e d'autant plus les Belges qu'ils paraissent en
souffr'ir beaucoup plus que les Hollandais. Ces derniers, disait'on, se

(t) ta dette des tselgos ne s'élevail, qu'au chiffre relal,ivcment peu con-
siilèrable de 64,000,000 de francs
V. Uircuet, - Histoire des Belges. {g
\ \

770 ITIS OINË DES BELG}:S EÎ DB LEUN CIVILISÀTTON

nourrissûnt surtout de pommes de terre, consommen[ bcaucogp


moins dc pain que lcs Belges.
Habilenent, cxploitrl colltrc le gouvernemelrt holllndais, lc tif
mécon[ement suscité en Bclgique par ccs divers impÔts ll'a pas été
I'unc dos cituses les ntoirts e{Ticientes de la révolulion.

TITRE VII

lnstitutions militaines.

- Il cxistc trne armée Ttennanenlc


Armée permanente. enl,ièrcnlent
rgcrutée par voic t|'engugcmenls uolonluires oa tl'enrôlcments ù printc
(système anglais).
tlilice nationate. Lâ loi fondantentale ittstitue cn outre une
-
nûlire nationale conposée aus$i de aolontairæ ù, prime, mais com-
plétée au bcsoiil ltar voic de tirage au sort. La milice lou.t cntière esL
COnvOquée anntrcllemenl pendant wt tttois pour S'exelcer à I'uSagC des
armes et aux mourcmellts nlilitaires.

TITRE IX

Sciences. Philosophie et moFale. Cnoyances neligieuses-

L'Académie dcs scicnces, fondôc par Maric-Thérèse ct suppriméc


en 1794, est reconstituée en {816. Bllc active le réveil de I'csprit
scientiliquc dlns lc prry's. 0'cst l'époque oir llrillcnt lc géologuc
Dunzont,, à qui lir ville dc Liége a depuis élet'é une statuc; les
mathématiciens Quetelet et, I)andelin, qui découvrcttt un ccrtaitt
nombre de propositions sur les sections coniques, appelécs depuis
les tltittrèmes belgæ.
 l'étranger,il se fait, au cours dc la période hollrtndaisc, d'im-
pgrtantes découvertes scientifiques immédiatemenI ut.ilisées cn Bcl'
giquc. Tels, l'éclairagc de Paris &u ger par Vritzsor, 0ll {816;
I'invention de la chaun lrydrau,Iique' par Vicat, en {8{7; la dclcou-
verte du principc de li'r téIegraphie éIecttiqu,e, par les savattts français
Antltère et Aruga; e,tc.
Phitosophie et morale. Le mouvement philosophique n'offre, en
-
Belgique, rien de rcniarquable pendant la période hollandaise. 0n
TEMPS HrST0RrCIUES. pÉnroDE HOrLÀNDÀISB T7l
-
cite cepcndant Haumont, Ytn Mcenen et Yan de lVeyer comme ayant
travaillé à le fairc renaitre. l{ous avons dit plus haut un mot de
I'origine du caiholicisme libéral et de son influence sur la révolution
de {830.
Croyances religieuses.
- Les Belges professent généralcment lc
eatholicisme romain, Ies llollandais, lc calvinisme. Une iufime
rninolitô appirrticnt r\ d'autres confessions.
Concordat du l8 juin 1827.
- Dans les dcrnières années du régime
Itollandris, en {897, un cone.ordat intervient cntrc le roi Guillaume
c[ lir r:our tle Rome. Aux termes de ce concoldat, toute nomination
d'ér'tique est faite par lc pal)e, sur une liste rle préscntation drcssée
lial le chapil,r'e, d'accord avcrt le loi. Cct, rlraltgcment perrnct un
instirnt rl'cspér'cr I'lccold du gouvcrnement et du clcrgé. llais celui-
ci accuse bientôt Guillaume dc ne pas appliqucr le conr:ordat dans
un esJrrit d'aptiscrncnt et de sincérité, cl, la guerre entre eux
lcprend une nouvelle inteltsité.

TITRE X
Lettnes.

Littérature françeise.
- Les poètes Lesbroussart, de Stassart et
Rouvcroy, publient, au couls de la période hollandrise, des fables
très appréciôes. Citons aussi, parmi les écrivains dc vrleur qui
se signalent pendant cette périodc, Delvez, historien, et tlc Potter,
lrhilosophe et publiciste, I'ttn des principaux actcurs dc la r ôr'olu'
tion de 1830.
Littérature flamande.
- La Iiltéml,ure llamande de l'ôpoqrre pré'
sente un doulile courant : l'un néerlandui^s,l'autre Ttartictth'risle o\t
flamand. Beaucoup de personnes croient à une différence essen-
tiellc entre le flamand et le hollattdais, erreur propagée à dessein
tlans les masses, afin de neutraliser I'influence hollandaisc. < En Bra'
lrant comme en Flandre, le peuple avait litri par croirc que les dia-
lcctes néerlandais et flanrand formaient cleux langues étrangères
aussi distinctcs I'une de I'autre que I'avaient été les dcux groupes.
C'est ce qui, jusqu'à un certain point, explique comment les Fla-
mrnds ont pu prititionner en {899 contrc la langue néerlandaise ({). ,)

({) SrÉcnnn. Histoiïe de la littérature néerlandaise.


-
719 IIISTOTIID DES BELGES ET DE LEUN TIVILISÀTION

tette clleur est surtout encouragée par les différences d'ortho-


graphe. L'Ànversois Bu,elens, prêtre et rédacr[eur du iournal
flamand
DeAntwerpenaaf |repou$se avec éncrgie I'idée cle I'identitédu
et du fiollandais. ?lrys, lragiographe tles prémontrés de Tonget'loo,
plus tard curé de Wyncghem, pcnse de même. Âu contraire, Jean''
'Fronçois
Willents, poùte cantpinois, tlavaille à réaliser I'ulité de la
langue néerlandaise.

TITRE XI

Enselgnement.

L'instruction, très répandue on Hollande (l), l'était au contraire


fort peu en Belgique. La propager dans les provinces mér'idionales
fle son royaume paraît, au roi lc plus str ntoyen d'amener, au poiut
de vuc fles idées, la fusion de ses doux peuples. Pour arriver plus
prompl,ement à son but, il croit devoir conlier à I'Sta[, d'une façott
ôxcluiive,la direction de I'enseignement à tous les degrés. D'ailleurs
la loi forrdarnentale de {815 portait : < L'instruction publique est
I'otrjet des soins constan[s du gouverncment. L'instructiotr religieuse
n'est pas de la cornpétence cle l'Btat. > Tout Ie système d'enseigne-
rneirt public du roi Guillaume est hl en 3erme.
Euseignement supérieur. It cxistc trois universités de I'Etat darts
Ie rrord : à Leyde,, i -
utrecht, ù Groningue. on eu inst,itue également,
trois en Ilelgique : .t, Gand, i Lau,uain, b Liege. Des pr6fesseurs
étrangers son[ appelés pour cllseigner dans ccs établissements,dont
la plospér,iLé s'aflirmc rapidemellt. Près dc la plupart d'erttre eux,
on etablit, des cours de pérhgogie pottr la formation des pro{'esseurs.
Aucune univclsité lible nc peut, Ôtrc étublie. N'osattt erigcr que les
coul's soien[ faits en néerlandais flâlls lss utriversités, lc roi décide
qu'ils le serotlt en lulitt.
lJn inslilu,t nalional e[ lrazs oltsetuatoires sout, en outre Cr'éés ainsi
cles coufs pttblics et
QU'un tnuséc de* sciences et des letttes ott sC font,
gratuits.

({) fort répartdue.cn.Hollanrle. chalgés,


Depuis longtemps I'lnstrucl,ion était
eniâll,'{e fairà un rapport à I'empereu-r sur l'étal, de I'enseigngment dans
àà pai., Oeox rlélégués irançais, Cuvier et Noë|, n'avaient, pas hésité à qualifier
d'admirebles les résultats qu'ils avaient conslatés.
TEMPS IIISTOnI0UES. pÛnIoDE II0LIANDÀISE 773
-
Ênseignement moyen. - Le gouvefnement fontle aussi, danS leS
principales villes du royaume, des écoles d'enseignement mgyen
ilont les professeurs sont nomrnes par l'[tat. Il réorganise en outre
les anciens collèges et, drtts les provinces où il n'existe pas d'uni'
versitô, gée des athé1ées dont le programme est plus étendu que
celui des collêges. 0n y fait des cours de t< sciences naturclles et
exactes, de philosophie et lettres et même de médecine et, de
théologie >. Àinsi les athénées suppléeltt, iusqu'à un certain point,
dans certaiues viltes importaltes, à I'absettce d'université'
un décret du {4 iuin {895 (voir p. 757) institue le collègc philoso-
phique, auprès de l'université tle Louvain. un autre de la mème date,
àAt*O d'ouvrir désormais âucune Ôcole latine, collège ou athônée'
srns autorisation expresse du département de I'intérieur. )) e[ sou-
met tous Ics établissements tl'irtstruction moyenlle i\ I'inspection de
I'Etat. Comme quautité tlc jeules Belges, dont lcs parents sont
catholiques vont étudier en Suisse., au collège des jésuitcs de
Saint-Âcheul, le roi public, lo {4 aorit {89S, un ilouvel arrùté portant
que les jeunes gens qui étudierolt les humanités hors du royaume
rie pourront désormais être atlmis aux universités tti au collège
pbilosophique, ôtre nommôs à aucun cmploi ou autorisés à exerccr
ùucune fonctioD ecelésias[ique.
pour I'ensei-
Enseignement primaire.
- La sollicitufle de Guillaume
gnemen[ s'él,end aussi . au domaine de I'instruction primaire. Une
école normale pour la formatign d'instituteurs es[ établie à Lierre'
Dans un grand nontbre de villcs belges, on olganisc en lnême temps
des Ôcoles morlètes où il est fait aux institutcurs des lcçons normales
a{in dc les mcttre au cottrant, desméthodes pédagogiques Douvelles'
Des cOmmissions provinciales tl'ittstruction son[ crr outre inSti-
tuées drns les provinccs méridionales. Trois fois par an, elles pro'
cèdcnt à I'cxamen des aspirants-insl,itutcurs du ressort. Les rapports
des inspecteurs leur sottt soumis avattt, d'Ê'tre adressés au ministre
de I'instruction publique.
Elles vcillent à I'observatiol des règles suivantes : 'lo Àucun
établissement d'irtstruction primaire ne peut être instituÔ sans
I'autorisation préalable de I'admirtistratiol communale, I'inspect'eur
primaire et la commission provinciale d'irtstruction entetrdus ; 9o il
cxiste quatre catégories cl'instituteurs, distingués d'après leurs
citpâcitô;; 3o nul n0 peut exercer les folctions d'instituteur s'il n'cs[
portvu d'un brevet de capacité delivré par Ia commission d'instruc'
114 Hrsrolnr DES BELGEs E'l' DE LDun crvrltsAtroN

tion et s'il n'cst officiellement nommé par I'autorité compétente;


4o lcs emplois sont conférés à Ia suite d'un concours; Bo en vue
d'améliorer les mél,hodes d'enseigncment, Ies inspectcurs réunis-
scnt périodiquerncnt les instituteurs de lcurs districrts (ressorts).
Dans ces réuuions, dcs entreticns ont lieu sur des sujel,s déterminés
à I'avance, a{in de recherctrcr lcs principcs généraux et les moyens
d'application susceptibles d'assurer un succès promp[ e[ solide.
Le roi Guillaumc n'aimait pas I'enscignemcrrt donné par les con.
gr'égal,ions rcligieuses. L'un des prenriers arrè|.ôs portés contre elles
stipule la règle suivante : < Nul ne peu[ être admis dans une corpo.
ration religieuse enseignante s'il n'est, pourvu d'un brevet dc capacité
délivré par les agents du pouvoir. >
Un arrèté du 2 février {826 defend aux Frères de Ia Doctr.ine
chrél,ienne d'enseigner en Belgique et enjoint aux Belges apparte-
nant à cette corporatiorr d'cn quitter l'habit.
I)'autres arrêtés interdisent aux étrangers d'enseigner aux pays-
Bas sans I'autolisal,ion du gouvernemcnt, mème en qualité de sous-
instil,uteur.

TITRE XII
Beaux-Ants.
Les beaux-arts sont sérieusemenI encouragés par le roi Guillaume.
0n ne peut pour'[ant dire qu'ils aicnt brillé'cl'uu bien vif éclat sous
son règne. llème après la chute de I'empire, le sceptrc des boaux-
arts demeure aux mainsdes classigu,e,s. De {815 ù {830,I'ar.chitecturc
est donc classique, cornme la peinture et la sculpture.
Architecture.
- L'urchitecte Roelandt termine, en 1826, I'université
de Gand, darrs la construotion de laquelle il s'inspire du ltanthéon
de Paris ct du temple d'Ântonin le Pieux, à Rome. Srys fait alors
ses débuts dans ce style corrcct qu'il allaiC longtemlrs imposer. aux
architectes de l'époque.
Peinture.-Lc peintre Dnuid,le chcf de l'école classique française,
émigré à Bruxelles après 1815, y exerce, en matière de peinture,
une royauté incontest,êe. << David fagonne sa pcinture à I'hér.oïsme
du jour. Il Ia pousse à I'idéal tragique des gens qui meurent pour
une idée ou pour Ia patrie ({). > Scs disciples, à la tèl,e desqucls se

(l) Crnu,u LaroNxrsn. - Ilistoire des Beaau-Ârtt en llelgtque,


I

TEIIT}S IIISTONIOÛES. _ PÉNIODE IIOLLA}ID.\ISE t/û

placent Nauex, Paelinck, Eu'g. Verboecklnuat, l''an' Huffel, Du'cr1)


'van h méthode du maître, poussent l0
Rree, otletaere, cxagérânt
culte de I'cxactitude du dcssin au point de tenir h coulcur pour uno
superfétafion. BicntÔt, ce qui reste de I'irrt flamand disparaît'' Len's
eI'Herreye?ts Sont, à cettc epoque, lcs tlcrnicrs peintres coloristes
de l'écolc de Rubens.
Sculpture et gravure. Les mêmes principes altistiques dominent
-
chez les soulptcurs parmi lesquels nous relevolts lcs n6ms de Gode
charlæ, Kessels, de Puu'w, ehc,
La grauu,re esù drtts le marasme. Aprils la mort tlc Joseplt,de Meu,'
Ienteester, nous n'ûvons plus de gravcurs.
Musique.
- Lc roi Guitlarune éttblit à Bruxcllcs et ù Liége des
écoles loyales rle ntusiqtre. Totrtefois' au moment oir la révolution
éclatc, cCs institutions n'ont pu pl'oduirc cncorc tlC grands fruits Cb
les artistes de valeur quc llous possédons irlors soltent du conserva-
toire dc Paris.

TITRE XIII
Béglme économlque.

Agriculfure, industrio, commerce. Sous plusieurs rapports' le roi


-
âux vues larges et ttovatrices' En
Guilluume était un esprit élevé,
nratière oommercitle, il était libre'échangiste (l)'
un pays merveilleusement doté comme le nôtre et aussi admira-
blemcn[ situé de Ia côte occidentalg
nous possi:cliotts, au cetttre
- pouvâit facile-
I'embouchure de trois grands lleuves
europôennc,
de commerce pour -
le montle
,oent dercnir une sorte d'entrepôt
entier.. Guilfuume I'avaiÛ comptit. Âussi s'attache-t'il à prendre
toutes les mcsut'es e[ à encourager toutes les initiat'ives
qui lui
paraisscnt propres à favoriser I'essor économitlue du pays.
Un fonds spôcial est, voté. le million de Merlin (9), dolt I'objct
es1

d'aider au dér,cloppement rle I'industric nal'ionale cn Iui âccordanl'


des subsidcs ct des plimes. une autre création, h &citité' générale,
s0rte dc grandc tranque au capital de 50,000,000 tlc
florins, fondée

et particulièrement
({) Partisan de la libcrté conrmerciale,entre les nations
mufîo-*ôins forte rérluction des droits douaniers'
de llsupprcrrion, ,f'une
(2) Ainsi nomm6 R;;c; ï{i-f1t-ôonstitue- sur les conseils de ltterlin de

Douai, ancien conventionnel.


I

'77ti uls'rolng DES uuLGEs E'l' DH Luriu clvtlrsATroN

en {899, contriliue surtout i\ implimcr une vive inrpulsion à I'indus-


trie du pa1's.
La Société. commerciule, fontlée à La lla-re en {Bg4 sous les aus
pices-du roi, f:rvorise lrcaur:oup lrrs.ri I'essor,de I'industrie. EIle a
particulirircmcnt cn vue la rcchcrche de délrouchés nouyeaux
pour nos;iroduits et leur trrrrs;rrir,t cxclusif par I'intermédiairc dc
navircs portant le pavillon clcs Pa1's.lias.
Grâce i\ ccs bienfaislrntes mesures, notre pays ne tardc pas à
revoir une agriculture ;n'ospirrc, des mines productives ct intclligem-
menI exploitécs., dcs atcliers nomlrrcux ct bien outillés, enfin un
commercc (l'une merveilleuse irctivité.
En quelqucs années, I'extraction de h houiltc double dans les
lrassins de Liégc et du llainaut,. Des lmuts-l'onrnenuæ it colre apparais-
scu[ à Serring ct i Chrrleloi.
L'iruiu,strie dr:s maclines (dtrblissenrcnts du Plrénix à Gand et dc
Cockelifl a Ser':ring) lrlcntl une grrrntlo cxtcnsion. L'nrmur.erie se
relèvc. Pertdtrrt I'tnntlc 1890, Ics irl.clicr.s liégcois produiscnt près
de 200,00C lrt'lncs à feu. tlne len'elre se fondc iru Val.Saint-l,ambert,
en {896. L'induslrie drupièrc continrre a progrcsser' à verviers e[
dans les crrlirorrs. (lirrrrl et nomllre tl'aut,r'cs villes dc la Flandle
s'cnrichisse nt 1nl lcurs /hûrrrJucs ù.e cotan. L'inrlustr"ie des toites dans
les Fl'.rndrr-'s, ccllc des lnpis et dc la porcelaine à Tournai. r'epren-
nent vigucrrr. Scule, l'inilu,strie tlentelliù,e périclite, par sui[e de
I'invcntiorr rh tulle cn Fnncc.
D'autle part, lc mouvcment clu por.t d'r\rrvcrs vù croissant. Le
nombrc dc navilcs cntrés dans cc port, de ljSii seulcmcnt en {BlB,
monte à 921 en {890. De rnêrnc, lc commercc intér'ieur prend une
extension renrarquablc. t'cst, sous le gout'ernement, hollandais que
sont creusés les cilllaux de Tcrneuzcn, de Clrarleroi et d'Autoing.
Quant au comlnerce a\-ec lcs colonies, il sc dôr'cloppe égalcment
chaque annéc dans dcs proportions impor:tarrlcs.
sous I'inlluenee cle cc progrdrs général de I'indusl,rie et du com-
merue, la population tlu pays s'accroît rapitlcnrcnt. ln 1830, elle est
de plus cle srr nt,illions d'hrbitants dont g,BUr,000 llolhnrlais et
3.92{,000 Belgcs. La population du Bralrant s'ûk\ve de 390.0û0 habi-
tanls cn {816, à 480,000 en 1829; eelle de (ianrl monte au crriffre de
85,000 âmcs, auguentant, ainsi dcpr"ès de gli,000 individus cn treize
ans. I.a population dcs autrcs prorinces ct des rutrcs villes grandit
dans la même propoltion.
TEMPS IIISTORIOUES. PÉRIODE HPLLANDAISE 771.
-
0n pouvait done présager pour notre pays une période de pros-
périté matér'iellc tout à fait extraordinaire, sans les événements d'où
sortit la séparation.

TITRE XIII

Vie domestique, coutumes et mæuns.

Le régime français ayai[ appauvri le pays. Pendant la période hol-


landaise, ou cst obligé dc vivrc avec retenue. L'écotlomic est de
règle dans les rcpas, les plaisirs, la toilette. Comme les construc'
tions publiques, les habitatious plivées sorlt bornées au strict néces'
saire et souyent mâDqucnt, non pas seulemeut de luxe, mais de
rronfort et de gott. Le mobilicr en est souvent grossier.
Les morles françaises jouissent, en notre pays, d'uue vogue crois'
sante. llais, sous I'influeltce des irtvasio1s ct du retgur des émigrés,
la France adopte elle-nrêmc des modes ét,rangères. C'estn pour les
hommcs, la letlingote longuc, le chapeau dl| hau,t de fornte; pour les
fcmmes. lcs étoffes à teintes écossaiscs, lc voile ver[' Ic corsago
sans jupc blorlequins, chaussure dc cuir Sc lâçant
dib spencer, les
sur ler devant. 0n comnence à porter des vôtemeltts en caoutchouc
(1823). Les fourrures sout, à la mode. Les manches des robes, courtes
sous I'Empite, se transformcnt etl manches lalges et gonflées, dites
,d gigot ou for,tement évasécs yers lc pcligrret et appelées m,anchcs
pagodes.0n emploic beauconp les tissus de coton et,, particulière-
mcnt Ia percale ct lc nankin. Le pialo prend la place de Ia harpe
dans les salotts. Les bougies de sttlaritre, tlues à I'illustre Chevrcul,
appalaissent, vers {893.
La presse prerld du dér,eloppement et de I'influence.

TITRE XIV

Gonsldénations génénales et vuo d'ensemble.

Dans la pensée de créer au nord tle Ia France une puissante


ban'ière colltrc toute nouvelle entrcprise conquér'ante de ce pays,
le Congrès de Yienne forme un seul tstat dc la llgllande et de la
Belgique, essayaDt ainsi de renguer, entre les enfants d'une même
patrie, le lien fraternel brisé au cours de la période espagrtole.
778 rusrorRn Dps BELGES ET DE IEUR crvILIsATIoN

D'un autre côté, les vingt années pendant Iesquelles nous étions
restés unis à la France avaicnt à peine suffi pour nous familiariser
avec les grands principes de liberté et d'égalil,é proclamés par la
Révolution. Â Ia chute de Napoléort, le parti Yan der Noot relevait la
tête et annonçait d'insoutenables pr'éterttiorts, tendant à détruirc
toutes les conquô[es sociales ct politiques rôalisécs depuis vingt atts.
D'ailleurs, ni par I'instruction fort rare chez nous, ni pirr l'exercice
des libertés publiqucs, don[ nous n'avions gutire joui sous la domina-
tion françaisc, nous n'étions, en 1815, suffisamment préparés au self-
gouernmen, .'une tutclle nous était ttécessaile. Elle fut, dévolue à la
Hollande.
Mais une incompatibilité d'humeur accenl,uée s'ôl,ait, peu à peu
développée entre les Belges et les Hollandais. Leur histoire, leur'
leligion, leur hrngue, leur instruction, leurs mæuts, trop différentes,
cmpèchcnt, I'alliance d'ètre durable.
Néanmoins, quinze années de vie commune avcc la Hollande nous
initicnt pcu à peu à la pratique du gouvernemcnt repr'ôsental,if.
Lorsque survient la révolution de 1830, qui nous vau[ l'émanci-
pation définil,ive, nous sommes enlin mùrs pour I'exercice d'une
complète autonontie. Nous le prouverons par plus de soixante-cinq.
années d'une existence politique sage et constammen[ prospère.
îEups lusr'. pÉRIoDE DE RoYAurÉ coNsltruuonnnllr 779
-

CHAPITRE XII

Pèriode de royauté constitulionnelle.

Ouvnages à consulten'
'I'honissen: La llelgiqus sous Léopoltl [er. Hgntans .' Histoite de Léo-
-
I'cudcrltittdcre .' lliStOire ContempOrline. Ilynwns: Histoire
lrrrlrl ter. -
-
contemporaittc des Bclges. Adnet .' Ilistoire parlementaire belge.
- -
IIynzarc .. Hisloire parlcmentair.e de la Belgiquc ({831-{880). Goblec d'Âl-
-
llos'çi .' llistoire rlu droit
uiclla : Cinqtrante ans tle liberlé (vie politique).
-
pônal. ,t Dæteur J. Dallemuqne: La. peinc corporclle et Ses bases physiolo'
giques. Iùëdëric Ntilcc : L'Europe diplomatique et mititaire eu xlxe siècle.
-
Ilumbaurl.' Histoire rle la civitisation. Patria Belgica (<livers). Ctozale :
-llistoir.e dc la civilisation. Veron : Les- rssociatiOns ouvrières. - Blanqul :
- -
flistoire tle l'économie politique. E. Cofiignotr .' Les machines.
- -Gteyson:
Lebon : Histoire de I'enseigne'
Cinquante ans de liberté (enseignement).
-
PauI Janct: La philosophie contemporaine. Rlbot :
mcnt poputrire. - de la
- Rapport sur les progrès
La philosophie contemporaine. Ilauaf.rsorl .'
plrilosophie.
-
tr'iguier .' Exposition et histoire des principales découvertes
morfernes et
-
les principales merveilles dc i'inrlustrie. Gardia.' Histoire de
-
Ia métlecine. -. tinquante ans de libenté (les sciences) : (divers). - Baille :

- BuIs : Histoire de I'archilecture.Potuin


Lcs merveilles tle l'étectricité. Camitle
- : t'in'
Lennnnier eI Sumucl; Histoire des Beaux-Arts en Belgique.
-
Stecher.'Nos poètes,fla'
quante arrs de liberté (les Lettres en llelgique).
- et des arts.
- Beetmé; Anvers, métropole commerce
mantls (f 830-tgS0). du
-
Yan Bruysel .' tlistoire de I'industrie eù de la marinc ett Belgirluc. Hippo-
-
lyte Castille: Les hommes et les mæurs sous le règne de Louis'Pltilippe. -
IIymans.' Les coslumes. Attnurile statisl.ique tle Selgiquc ({891).
-
TITRE I
Géognaphle hlstonique.
La telgiqueactucllo comprend neuf provinces' savoir: Ie Brabant' Ànvers'
la Flandre oricnlale, la Flandrc occidcntale' le llainaut, Liége, Namurr le
t uxembourg, le Limbourg.
780 Hrslolnu r)[s BELGES uI'DE LEUn crvrllsÀTroN

Le traité de {839 a enlevé à la Belgique: le Limbourg hollandais avec


Mrestricht, son chef-lieu, et le Grand-Duché de Luxembourg âvec sa capitale
Luxembourg.

TITRE II
Les falts.

Gouvernement provisoire et coùgrès national. Un gou-


yernement provisoire formé pendant les journées de septembre -
avait pris en main la tlirection des affaires. II se composait de
huit membres, dont voici les rtoms : Itogier, rle Potter, Vun.
de Weyer, de Coppin,, Nicolai, Gendebien, J. Vanderlinden.,
JoIIy, d'Hooguorst et Felin de Mérode. La bataille finie, il
décrète I'indépendance des provineres belges et procètle à la
convocation immétliate d'un congrès national, qui se réunit au
mois d'octobre 1830.
Cette assemblée comptait tleux ccnts membrcs, élus directe-
:
ment par ur corps électoral forrné lo de tous les citoyens
payant un cens valiable (15 à 150 florins), suivant I'irnportance
des localités; 9o de tous les juges, avocats, avoués, notaires,
prêtres, métlecins, tlocteurs en sciences ou en philosophie et
lettr.es, enlin de tous les officiers à partir du grade tle capitaine,
Pour être éligible, il suffisait tl'être belge et âgé de 95 aus.
0n le voit, l'élérnent intelligent et instruit fut largement,
représenté tlaus ce corps électoral.
Après avoir décidé (22 novembre) que la folme du gouver-
nement nouveau serait la monarchie constitutionnelle représen-
tative sous un chef héréditaire, le congrès tléclare les membres
de la famille d'0range-Nassau perpétuellement exclus de tout
pouvoir en Belgique et élit roi des Belges le tluc de Nemours,
Iils de Louis-Philippe, roi des Français. Mais celui-ci n'autorise
pas son lils à accepter la couronne qui lui est offerte et les
Belges se voient obligés de recourir à une régeuce. C'est au
TEnps rrrsl. pÉnIoDE DE RoYÀUTÉ coxs'tlturtolltlnlln 781
-
baron Surlet tle Chokier, président tlu congrès, qu'échoit le
redoutable honneur de I'exercer..
Étection de Léopold lcr. Tqutefois le congrès se hâtc de chercher
un n6uveau candidat au
-
trône et le,liuin {831, apt'ès s't)l,re préala-
blcment assuré cette fois cle I'acceptal,ion évcntuelle dc I'intéressé, il'
llomne I'oi dgs Ûelges, par '159 vgix sur {96 votants, lc princc
Léopold de Saxe.Cobourg. Dès lors, la Bclgique entre définitive-
ment dans sa période d'indépendance.
Léopottl [et', {îls du dnc de Saxe-Cobourg, était né à Cobourg le
{6 décem}1.e {?90. Son père lui avait fait donner une solide et brillante
éducation. Entré, cn {808, au service fle Ia Russie, il tloit peu après'
cédaut aux exigences rle I'empereur Naprrléon, résigner ses fonCtions de
général d'état-major. Après la campagne tle't8{9, si désastreuse pour les
Français, il r.eprend son service dans I'armée du Czat'avec legratledegénéral
rle cavalerie. C'est en cette qualité qu'il participe aux campagnes de {8{i},
4.84.4 e1.18{5. Il va ensuite habiter l'Ângleterre où, en
.18{6, il épouse la
princesse Charlotte, héritière prêsomptive du trône. A cctte occasion, il
reçoit, avec lc titre tle duc {e Kendal et une pension rle 50,000 livres
sterling, le rang dc plince du saug. La mort prématurée tle sa jeune épouse'
en {817, c.ltange ses destinées. Toutefois, il continue d'habiter I'Angleterre'
et c'est à Londres que les envoyés du Congrès volrt lui oll'rir Ia couronne
de tselgique. Peu auparavant, il avait refusé le trône de Grèce.

Inauguration du roi. L'inauguration du roi se fait Ie 21 juil-


let 1831.
-
Uue cstr.ade immense, sur laquelle on préparc un trô1e maglli-
fique, est, dressée place Royale.
Vers une heure, le prilcc arrivo â cheval, en costume de général.
i\ccompagné d'une suite brillante d'officier$, il montc les degrés de
I'estrade oir sont rangéS les ministres, les membres du congrès et
plusicurs gcnéraux. Le barort Surlet tle Chokiel', I'emplisstllt, scs
fonctious de régent iusqu'ù I'heure de I'inauguration, se lève alorc
pout,remettre ses pouvoirs cntrc les mains de I'assembléc qui les
lui avait confiés z ,<J'&i ulr, dit'il, I'nu,rore ùt,borzlwur se lercr pour
ilûn p&lJs : j'ai assex uécu,. >>

L'un des secrétaires du congrès, le cotntc Vilain XIIil, lit ensuite


la constil,ution à haute voix, puis le prince Léopold prononcc le ser'
ment, sgivant : << Je jure d'obseruer Ia conslilu,tion et lcs lois dupeuple
belge,rlemaintenir I'indépenilance nationale et I'intégrité dzt' tenitoire. >'t
A ce momcnt, le présiclent du congrès se tournaut vers le roi, lui
w\M#
Wlt"Ufr
Tnups HIST. ptRIoDE DE RoYÀurÉ coxsrlturtomruu 783
-
dit : a Monle.t eu, lt'ône, sire ! >> Debout srtr la première marche du
trône, le roi, entouré dcs miuistres cl, des généraux, atlresse alors
au pùul)le ulr remàrquable discours oir il dit : << Bel11e par uotre
ndoption, je me I'erui usze loi de l'être au'ssi taujouÎs par mn Ttolitiryæ.
Mon cæu,r ne connuitrn tl'sutre antbition que celle ùc uotts uoir
hcureur.
Dcs acclamatiorts prolotlgées tccueillcnt ccs lielles paroles du
nouveâu souverain que la llelgique vien[ de se donncr et qui, pen'
danl, treute.cinq ans, va diriger ses destirtées arec unc habileté ct,
un dévouement iucomparables.

Les Belges battus par les Hollandais. En ce mornent, une


-
cortférence des arnbassâdctlrs des grantles puissanccs se tenait à -i
Londres pour délibérer sur la question lielge' Tandis que la . .:t

tliplomatie européenlte tliscutait les contlitions tlans lesquelles


pourrait s'effectuer la séparation tle la Belgique et de la Hol-
lande, on apprelrd tout à coup que le roi Guillaulne' violant
I'armistice signé etttre les belligérants, vient de flanchir la frou-
tière {{33{), à la têle tl'Lrne grosse armée. Nos gènéraux se
portent imrnétliatemertt au-devant des ertvahisseurs, mais ils
sont battus sur tous les points de leur ligne de défense et nos
soldats reculerrt dans uu grand désortlre devant les troupes
hollandaises. Sans I'intervention tle la France, qui uous envoie
une armée de secours, notre pays retombait au pouvoir du roi
Guillaume. La France ôtait heureuse de voir disparaître le
royaume des Pays-Bas tlont la création avtit été ulle æuvre tlc
défiance à son égard.
Le traité des XXIV articles.
- Les Hollandais
1831. se
-
retirent, escortôs jusqu'à Ia frontière par I'armée française ;
mais, appliquant aux Belges la maxime antique : Mnlheur aun
uahtctts I la confér'ence de Londres leur impose le traité dit des
XX/[ articles, dont les stipulations nous sont des ptus
défavolables. En voici les plincipales clauses : {o la Belgique
perd la rnoitie du Limbourg et du Luxembourg; 9" elle renonce
à tout droit sur los colonies et sur la flotte des Pays'Bas;
784 Hrsrolnp DEs BELcES ET DE tEUIt cIvILtsarIoN

3o elle payera annuellement'aux crêanciers de ce pays, pout,


I'intérêt tle sa part tle Ia dette commune, une rente de
5,000,000 de florins; 4" elle ne conserve la libre navigation sur
I'Escaut que moyenuan[ l'établissement d'un péage (droit de
passage pour les navires) au profit de la Hollande; 5o une per-
pétuelle neutralité, garantie par les puissances, lui est imposée.
Quelqne avantageuses gue soient ccs contlit,ions pour la
Hollande le roi Guillaume refuse longtemps tle le signer.
1832. Prise d'Anvers par les Français. Mais les puls-
- -
sances prssent outre à son atlhésion et prennent les mesures
nécessaires pour assurer I'exécution tlu traité. Les Hollandais
occupaient toujours la citadelle d'Anvers. Sur lcur refus de
l'évacuer, une tlotte britannique bloque les ports tle l.l Hollande,
tandis qu'une nouvelle armée française, entrant en Belgique,
met le siège devant la place en litige, qui se rentl après ulle
courte, mais vigoureuse résistance (1832, 23 décernbre). La
même année, le I aott {832, avait eu lieu à Compiègne
(France), le mariage de Léopold I" avec la fille aînée du roi
des Français, la princesse Louise-Marie d'0rléans.
1832-1833. Création des types monétaires et réorgani-
sation
-
judiciaire. Institution des ordres de Léopold et de la
Croix de fer.
-
La loi du 5 juin 1832, instituant une monnaie
-
nationale, adopte les types français. Le'franc devient I'unité
des mounaies qui, sous les Hollandais, avait été Ie florin. C'est
pour ce rnotif que la constitution de l83l exprimait les cens
électoraux en florins.
La même année voit la réorganisation des institutions judi-
ciaires (loi du 6 juillet).
La proposition d'instituer un ortlre décoratif, à la fois civil et
militaire, est d'abord repoussée à la chambre des représen-
tânts par 38 voix contre 33. Parmi les députés qui votent
contre se trouvent: Vilain XIIII, Liedts, Fleussu, deBrouckèrc.
Dunror'[ier, Leclercq, Gendebien. Ellc est cependant adoptée,
TEtrps lilsr. r'Éftr0DE DE nOyAUTÉ CONsrtr.urtonxrllp 795
-
à la suite d'un second vore, nrais prr deux voix de majorité seu-
Iement (37 contre 35). En cette occasion, le représentant
Gentlebien a des paroles méprisarrtes pour les décor.ations
civiles : rr Jamais, s'éoie-t-il, morceau de ruban ne salira ma
boutorurière r (1). A son avis, un citoyen tloit faire son devoir
parce quc c'est le devoir, non en vue d'un avaDtage ou tl'une
rricolnlrense. D'ailleurs, son opposition visait surtout la tléco-
ration civile.
L'année snivante ('1833), on cr'ée I'ordre de la croix dc fer,
tlont I'r.rlrjet est tle réconrpenser les services militaires rentlus
pendant Ia révolution.
1834-1835
- Création des chemins de fer - C'esr un
Ànglais, le célèbre stephenson, qui invente la locomotive, et
c'es[ à un ministre belge, I'i]lustre tharles Rogier, ancieu
mctnble tln gouvernement provisoire et du Congrès, que revieut
I'ltortneul d'avoir le premier, sul" le continent, proposô une loi
ayant poul objet la créatiou tl'uu réseau de chemins tle fer.
Le {" mai 1834, notl'e chrmbre des représenrants vote Ia
Ioi oldonnant Ia constrnction de quatre grantles lignes par-
tant tle Malines pour aboutir : Lo à lllons, en passant par
Bruxelles; 9o à Ostende, er passant par Termontle, Gar:tr et
Bnrges; 3o à Ànvers et 4o ii Yerviers, en passant par Lonvain
et Liége. r
ou pourrait uoile que cette loi fut accueillie en Bergique
avec un sentiment d'approbation unanime. 0n se tromperait
singulièrement. Tous ceux tlont I'institution tles chemils de
fer va contrarier les intérêts ayec tous cenx qu'effr,aie un progrès
ou une nouveauté quelconque font entenclre aussitôt les plus
bruvantes prctestations.
Les rouliers, les aubergistes, les propriétaires de diligences,

({) Hrxlns, Histoire conlemporaine, pege e74,


Y. llirsuet. - Histoire des Belges. li0
?S6HlsToInEDEsÛl:LGEsETDELEUnCIVILISATION
etc. prételdent qu'01
les bateliers, les constructeurs tle bateaux,
veut leur enlever tout moyen d'existence'
Aux chambres, des orateurs et non les premiels venus
-
projetée. Ils font remar-
s'élèvent rvec force confe la création
-quer qtr'on va enlever à I'agriculture une étentlue considérable
ott' tiepdra compte du
tle bonnes terres. Ils demantlent comment
frix .le tra'sport de ta't tle-voyageurs de fer n'en couYt'irortt
e[ de marchantlises et
ioutiennent que les revenus des chemi's
mème la crainte tle voir
pas les tlépenses. Quelques-uns expriruent
tlosmitles'
in qnrntirc 4e fer i'rlispe.sable épuiser prornpteme't
Urringérrieurlrelgeécri[:alcchemindcfcrestuneabsur.
lc rlpport commercial
dité sous le rapport àe I'art, urre soil,isc sous
ct diplomatique >. La veille de I'inauguration, le cornte dc Thettx,
*inirtr. de i'intéricur, rcçoit h lcttrc suivante : lflonsieur lc "
J'ai I'llotlncur de vous relrvo)'cr lcs deux citrtes
d'ilvita'
trIinistre,
-
tion quc vous avez bien voulu me rernettt'C
poul' assistcr à I'inaugu'
je stris à ne m0 servit' ni de I'une
ration tlu chenin de fcr, dÔcidé quc
ni de l,irutre. Mii conviction sur lc mode viciertx d'exécution des tra-
depuis la loi
nlru* purrrics par le gouvernemcnt u'lyattt, lloint change
protester pùr trbsencc cotltl'c
du l.*'mai l8e4, ie olao* ,u moitrs
Ût011

le gortve.ttentcnt se trouvc cngtlgé' ,'


la fausse voie dans laquelle
Signé: Frison, déPuté de Charleroi'
que tous lcs chevaux
M. nli*r, rcprésenl,ant, tle Charleroi, peusc
que des milliers d'ouvriers seront jetés
vont rcs[cr sans emploi et
de w:r.emme, craint
,u,. I. prrvé. M. tttoi, de Bur:tlinno, reprÔsenhrnt
de voir tr,ansfor.rner en beurre lc
lirit trunsporté par chemin de fer.
que, de leur' cÔte, les æufs
IîI. de Robaux ajout,e, en riatrt d'ailleurs,
tiendront à tt'arriver qu'en ornelette'
des membrcs de la chambre vote contr'e
l'étilblisse'
Bref.lcticrs
ment cles voics ferrées en ttotre pays'
Au surplus, la môtne oppositioll se mrnit'este à I'crt't'nngcr, on
Itrance notamment, oit uu homme d'utlc liaute
valcur politirluct
Arirgo' prol]ot]ceut éner-
Thiers, e[ un ,ro'it illustre, lc célèbre se

giquemcn[ contre la ct'ôatioD des chemins de fer. Thiers, pirrticu-


rement,affirmequecctteirrvctrtiorrestsattsavenir,rlt|clcs
qtrc la Francc tl'ctl
tlrlns-
chemins 6e fer nc sànt que des joujoux, et
truira jamais cinq liilomètres par an !
TEIrrps Hrsr. pÉnIoDE DE RoyAUTÉ consrtrurtoN.'r-Br,Ls 787
-
En Angleten'e, on entend aux chantbres des orateurs exprimcr les
appréhensions lcs plus risibles. 0n va cmpêcher le bétail de paitre
ou l,roubler sa digestion ; les poules ccsscront, de pondrc; la fumée
des loconrotives tuera les oiseaux et empestera les faisandelies: los
étinccllcs ôchappées des cheminées des remorqueurs incendieronû
Ies mirisons e[ les récoltes. Quan[ aux aubcrges, elles seront rttitrées,
[andis que les cxplosions de chaudières mettront les royageurs cn
capilofadc.
L-ne cnquête a lieu pour déterminer les avantages e[ les incouré'
nients dc la nour.elle invontion : << Supposons, demande-t-ou à Stô-
phensort, qu'une tle vos macltines marche à la vifcsse de 4 à 5 lieues
à I'heurc, ct qu'une vache égarée traverse la roic. Ne voycz-r'ous pâs
que cc.serait Ilunc circoustance très cmbanasslnte?- 0h!oui!
répondit, [r'anquillernenl Stéphcnsoû; ce serait, en effe[, très emltar-
rassant pour Ia vache. >
Lorsqu'on tt les é[udes du chemin de fer de Manchester à Livcr''
pool, les ingénieurs chargés d'en dlesser le tracé risquent, plus cl'uuc
fois d'ctre assomrués par lcs paysùltsl qui voieut dans les chemins dc
fer une invention diabolique
Le prpe Grégoire X\rI ue voulu[ jrrmtis conscntir à l'ét'ablisscntcn0
tl'urt chemiu de fer dirns les lifnl,s dc I'Flglise.
Les premièr'cs loiiurcs oll yàgons laissent d'abord beaucoup à
désircr pour Ia corumodité des vo.vrgeurs. Les r{lgons de troisièmc
clirsse nc sont pas collverts e[ portcrtt de simples bancs satts dossiers :
les ro.r,lgeurs s'y trouvcnt exposés i'tu vent et ir la poussièrc, au
soleil cû à hr pluie. Ils arlivent i destinittion tou[ rtoircis par la funteo
{c h locontotivc, avec cles r'ùtetnents chargés d'unc poussière noire,
fine et huilcuse, qui s'culèt'c cliflicilement. llùnte en deuxième
classe, lcs loitures nc sont formées rlue pùr des rideaux de toile, et,
cn cils de mauvais temps,les voyageurs ne s'y trouvent guère mieux
rléfendus contrc la pluie ou lc froid tluc tlurs lcs loiturcs cle troi-
:sième classe.
i
Le tronçon rlcBr'uxellcs ir llllines est inirugurc lc rnai{831i. Urte
foule énontte, curieuse dc voil un sltccti.tcle si nouleiiu,, s'était donné
rcndez-vous aux cnvirons de lir s[irtion de l'-.tlléc Vcrtc' ct s'échclon'
lai[ le long' de la voic jusclu'à uuc grarule tlistancc tle la villc. < Lcs
curieux s'ctrieuù jctés sur toutcs lcs tr-enues. 0n lcs voyli[. amorl-
celés sur lcs albrcs, rrux fcnètrcs, sur les foits; jamais, je crois,
parcillc founnilièrc nc s'ôtril nrisc ett nlollrenlcnt autour ric Bru-
;88 rus't'otnn D[s l]ttlctis E'r DD LEUft clvlllsÂ-lloN

xelft:s (l). l Pitnni lcs spcctutcurs, on rcûlàrque lc roi Léopoltl I".


Unc imnropse acclantal,ion accucille le signal du départ' Au grand
ilmpsçmet][ C]cS Spc'otl{cttrs, ll ltlrts(lLlo SecotlSSC imprimôC AUx
vol'ilgcurs liar I'i'lrrittrlcmcnt. dtr tl'ain lcs botrsculc lcs uns sul' lc$
arrtrr-rs cù cn firif glissel plusicurs Sous lcs lllnqucttes. Lc mÔmc inci'
dcnt, sc lcploduit rl'aillcnrs plrr h suitc, clraque fois que lc lrltiu se
mC[ grr mat'CltC. Attssi,, long^tctllls apt'irs I'irl'.rugurqfiOu tlu chcmin de
fer.. on pouvaii voir lcs cttt'icttx sc rcndre aux dépalts dcs tt'ritls
poln' v a.q$istcr ir cc spcctacle risible.
Lcs r,lroscs sont atrjotrt'tl'hui bicn changées cn Bclgique. Tout ttotrC
prls cs[ couvcrÛ rle voics ferrccs. Les voi[ulcs sont cottfot'tablCs,
àcficrs flc tloisii,rpe cfusse comntc lcs aul,r'c,s; lc. tyartspoyt dos voya-
gcnr s est ru pitlc ct t'at emcut sigrrlrlÉ prr de s accidertts gt'âYcs I cllfin '
pal l'étlrltlisse'
Irctsonllenc Sottgc lrltrs ni u se lrllrindrC tlu tolt, ctusé
ncrrt tles cltcntitrs dc fct', li ir lcrlorrtcl dcs éventualités dont, I'cxpé'
ricuce a l)t'ouvé Ic clllctirtc t'hinrétiqnc.
Créatiort cle I'enseignement supérieur. - Au
1834-1835.
-
tlc nolembrc 'lliii1l, rttte uttivclsitÔ c:rtholique, plus tartl
mois
tl.lrrrsllir'éC ilrarrgtrree à llllrlines. La nlême
li Lottvaitt (lttSti), cst
Altrlce, le rnêrttc lnois, a lieu l'ouvL'rture tle I'ttttiversité libre tle
Bnrlr-.lles, cr'éati<ltr thre â I'iltitiative de Yerhaegcn et à la
gérrtlr'osité tle sousclipteut's libéraux.
'De son côté, le goûvernemellt, présidé par M. tle Theux
(rninistr.e apprrtertanI ii I'opillion catholiquc), f:rit Yoler' ell
septcrrrrbre {835, ulle loi qui réorganise les ulliversités oflicielles
de Glntl et rle Liége.
Les réciliientliaircs doivent subir lenrs exametls devatrt nn
jtry central. ls {1rxtc primitif du projet déposé par Ch;rrles
Rogicr,, membre tlu précctlent nrirtistèt'e, s'appliquait atrx trois
tlegrirs tl'enseigrtelllellt, mais I'orgauisation tles tleux prclllicrs
degr'ûs lïrt intlÉfi nitncnt ajoumÔe"
F 1835.
-
Première réforme postale. autre Ioi de
- une ilstitrrc les
décelrbre | 835 orgalise le service des poStes. Elle

(l) Illen.r.iriul belge du 6 mai {83$.


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790 IItsl'otRE DES BELGES ET Du tuÛn cIvILISÀTIoN

postes rurales et stipule que les lettres tlu poitls de


{0 grammes
*t au-tlessous paieront 90 ceutimes jusqu'à 30 kilornèt'res;
qu'au tlelà, elles paieront à plopoltion de h distance. Quant
aux lettres pesant plus tle {0 grammes, elles paient en pro-
portion de leur poitls et tle la tlistance. Pour une lettre ordi-
,,ai*e, o1paie 30, 40 et jusqrr'à 80 celtimes, selon la distance
tlu point de dopart à celui tl'arrivée. Et, ttriaumoins, quel progrès
ce régimc réalise sur le Plssé !
fgiO. - Loi provinciale et loi communale. - Deux lois,
I'organi-
celles ttu 30 ruars et tlu 30 avril '1836, déterrnineut
sation et I'atlministration dc la province ainsi que
celle de Ia
e[
Commune. Àux termes tle ces lois, les cOnseils communaux
provinciattx ne peuvent être tlissous par le pouvoir central' Ils
I'ont été cepentlant tleux fois depuis : eu 1848 et en 1872,
à

Ia suite tle inodificatiorts apportées :i cette époque aux lois électo-


rales e[ On vertu tle lois qtri ont dÔrogé li cet égartl aux
pres-

criptions tles lois organiques de 1836'


iggg. Loi grganiqne de l'école militaire. - Une armée ue
-
peut avoir de valeut' qn'à la conùition de posséder u1 bon
Ca,lre d'officiers, capalrles itutant que braves- L'éveptualité
tl'une guerre toûjours possible avec la Hollande faisait à la
Belgiqrie un devoir particulièrement irnpérieux tle ne riett
négliger pour assurer le recrutement de jeunes officiers
instruits. Ces cottsitlérations tlécident, en mars {838, le vote
de la loi qui réorganise l'école militaire'
Guillaume se refusait totrjours
Traité de 1839.
- Cepentlant,
tlu traité tles XXIV alticles. Enfin, en 1839, il
à la ratificatiott
conseut li le siguer.
Mais alors se manifeste en Belgique une violente opposition
à la cession, stipulée tlans le tritité, d'une prrtie du Limbourg
et du L,uxembourg. un débat des plus animés a lieu à la
Chambre entre les tléputés qui prétentlent repousser toute
transaCtion sur les bases tl'un abandol de territoire, et
ceux
TEttpS ltIST. pÉRIoDE DE RoYAUTÉ cOtqsrtrurtOnUnlln i91
-
qui, tout en déplorant une nécessité dortloureuse' re Yeulent
pâs assumer la respgnsabilité tl'ttne résolulion dont Ia guerre
serait certaillement Iâ conséquencê. La façon énergique dont
le représentàttt Gendebien émet en cette circonstance son vote
négatif, tloune une idée des susceptibilités qu'éveille tlans le
pays cette mutilation du teruitoire national : u Non, s'écrie-t-il,
-ggg,oo0
fois non, pour les 389,000 Belges que vous sacrifiez
à la peur. l Et, sur I'heure, il dépose soll mandat, abandottnartt
sâns retour la vie politique. Mais le tléputé Lebeau, tle Huy,
dans tt ult (liscours mémorable et qui est resté I'un des chefs-
d'æuvre de l'éloquence parlementaire, supplie les représentânts
tle ne pas se laisser égarer par un sentiment exagéré de I'hon-
neur rlational et dérnontre, avec la plus saine logique, que le
véritable patriotisme consiste à accepter avec dignité ce que la
nécessité itnpose. I Ce tliscours emporte le vote.
Cùtqtmnte-hu,it membres de la chambre contre qunrûnte'
d,eur; trente et an sénateurs Contre quatorxe Yotent I'atloption
du traité.
La chute
1840-1841.
-Pnemier cabinet libéral homogène. -
tlu cabinet d,e Theur, er {840, mafque le terme d'urt système

politique dont les partisâns avaiettt teuu pour réglée la question


des rapports entre I'Etat, et I'Eglise.
Présidé par Lebeau,le nouveau cabinet se compose d'hommes
politiques appârtellant tous à I'opinion libérale : c'est donc un
cabinet hontogène, à la différence des précétletrts qui, renfer-
nanl tles libéraux et des catholiques, étaient quali{iés cabinets
mixtes.
L'existence du premier cabinet libéral est éphémère, le sénat
où dominent les catholiques, ayant en quelque sorte sommé le
roi de s'ell séparer (Àtlresse âu trône, mars 184{ ).
1842. Lois réactionnaires. un cabinet m,iæte présidé
- - d'hommes appartenanl aux
par J.-8. Nothomb et composé
deux partis, est alors constitué. Après avoir refusé aux évêques
7gZ Hrsrornu DES BELGES ET DE rEUR cruLrsÀTroN

la personnification civile pour I'universitô de Louvain (l)


conccssion aux libéraux le rninistère accorde aux calholiclues
-
-
la loi tlu 30 juiu 1842, qui aulorise la lornination tle bourg-
mestres choisis el. dehors des conseils cornrnunaux, sâns coll-
sultation préalable de la députation pelmanente, et nue autre
fractionnant, les collèges éleclolaux tles villes dont la population
est snpér'ieure à 19,000 habitlnts (2). Ces lois soulèvent unc
vive opposition parmi les libéraux qui les qualifient de /ois
reactionnai,res. C'est sous ce nom qu'elles sont tlésignées par
la suite.
Loi de 1842 sur I'enseignement primaire. La loi de sep-
-
tembrc 1842 sur I'enseignernent primaire est nue æuvre tle
conciliation. Votée par la charnbrc à l'unarrimité des membres
présents, moins trois voix ct une absteltion, elle ne rencontre
pas d'opposition au sénat.
Cette loi tlure 37 ans, non sans ploduire tl'utiles résultats.
Cepentlant certains libéraux lui leprocheul d'asservir I'ensei-
gnemen[ au clergé et elle est battue en brèche r]ès les prerniers
temps de son existence.
Dernier ministère mixte 1845-1846. Un demier essai de
-
ministère nrixte est tenté à cette époque par Sylvain Van de
W'eyer, ancien mernbre du gonvernement provisoire, un libéral.
Ce cabinet réorganise I'Acatlômie rovale des lettres, tles sciences
et des arts (tlécembre'l84ti). Mais un projet de loi organique
de I'enseignemenl moyen, proposé par Ie pr,ernier ministre, est
repoussé par les membres catholiques du cabinet. I-,.e ministère
Van de Weyer disparait peu après pour faire place à un
ministèr'e catholique homogèue.

(!) fqs évèques retirèrent eux-mêmes la pétition qui arait donné lieu au
projet. d'ailleurs présenté, non par'le minislre, mais par tleux membres do Ia
majorité. (P. ts, II, p. 487.)
(2) 0n considéra le vote de eette loi comme un acte de déliance des catho-
liques vis-à-vis des grandes communes.
lnllps PHRIoDE DE RoYÀurt'l coxsrtturtonnnlln 793

La chute tlu cabinet Yan de \{eyer marque la fin de la deu-


xièrne époque de trotre histoire parlementaire, celle tle I'utti6n
colnme lc dit alors un
pirr les clbinet,s rnixtcs. tt I.,'uttiott,
rléput,ô émineut, Paul Devaux, n'est pltts des choses de ce
montle; elle est morte, elle est devenue de I'histoire et a dt
tlisparaîtle de la politique pratique. D ,

Premier ministère catholique homogène.


1846-1847.
- -
De Theux préside la nouvelle combinaison ministérielle, mais
Malou eu est l'âme. Elle reçoit de lui le nom de ministère des
siæMalou..En voici la raisou.
Àvant cette époque, or ne croyait pas possible urt cabilet
catholique homogène. Voulant établirle caractère, à son avis
impolitique, tl'une telle combinaison, Malou s'était écrié
lutrcfois thus une séartce de la chambre (session tle 1845-46)
sotts le précédent cabinet (mixte) dont il faisait partie : a S'il y
lvait devant nolls ult ministère tlc six Malou, et s'il m'était
possible de le combattre, je le combat[rais. n Et lorsqu'il
S'était agi tlc donnet' un vote de confiance au premier cabinet
r:atholique homogène, de Decker n'avait pas hésité à tléclarer :
tt qn'un tel cabinet était uu attachronisme, pour ne pas tlire
rtu défi n.
Le prys doit au ministère tle 1846 la loi sur la comptabilité
rle l'état e[ I'organisation de la cour tles comptes. Ce ministère
est vivement attaqué daus les chambres et dans Ie pays par les
libéraux.
1846. congrès libéral. En vue d'organiser leurs forces
- -
et tle tléterminer un programme commun, les libéraux réunis-
sent ert congrès, à Bruxelles, les tlélégués de toutes les associa-
tions libérales. L'assemblée fut présidée par M. Defacqz, pre-
mier présitlen[ de la Conr de cassation et ancien mernbre tlu
Congrès coilstituant.
Le programme formulé à cette occasion comportait la réalisation
des points suivants : lo Ia réforme élec[orale par I'abaissement des
794 [rs'r'ornE Dl,]s BELcES EI DE LEUn crvrlrs.{TroN

oens au minimum constit,utionncl;9n I'intlépenclirncc réelle du pouvoir


civil; I'organisation de I'enseignement public ir tous les dcgrés
3o
sous la direction exclusive de I'au[orité civilc, en donnant à celle-ci
les moyens constltutiortnels de soutenir la concurrcncc contre les
établissements privés ct repoussant I'intervcntion des minisûres des
cultes, à titr"e d'autorité, dans I'enseiguement organisé par Ie
pouvoir civil. 4o Lc rctrait, des lois réactionnaires. liu l,'amélioration
de Ia condil,iort dcs classes ouvrières. 6o L'incompatibilité des
fonctions judiciaircs ct administrativcs avec Ie mandat législatif.
7o L'abolition du tirnbrc dcs journaux et la réfolme postale.

Les effets tle ce congrès ne tartlent pas à se faire sentir. Les


catholiques, alors au pouvoir, sont renversés aux élections
suivantes et url rninistère libéral Rogier-Frère-Orban se cons-
titne.
Catholiques cl libdraux. Jusqu'à la signatule de la paix avee h
-
Hollande ({839), les esprits, cn Belgique, s'étaient surtout préoccupés
du muintien de I'intégrité du territoire et de I'éventualil,é d'unc
guerrc û\'ec nos voisins du Nord. Par suite, une commune pensée de
patriotisme avait cinenté la concorde entre les partis. Il cesso d'en
être ainsi lolsque nos différ'ends avec les Hollantlais sont défini[ive-
ment réglés. La division dcs électeurs en deux granclcs classcs, lcs
catholiques ct les libéraux ne tarde pas à s'accuser.
D'une part, cétlant, à la pente naturelle des idées, le libérulisme
s'était accentué dans un sons hostile aux rcvenrlieations de I'llglisè.
D'autre part, la célèbre encyclique du pûpe Grégoire XVI,
publiée eu 1839, avait formellemcnt condlrnlrô plusieurs principcs
fondamentaux de notre constitution, s:rvoir. ; 1o le principc dc la
souveraineté populaire e[ de la rcpr'ésentirtion nationale ; c)o lt
f ibertô de consciencc, ( cette masinte altsu,rde et erronfu ou
ltlut()t ce
déIire : qu.'il fuu,t garantir ù, qu,i tlu,e ce soit la ltberté dc conscience.
3o la liberté de la parole et de la plume, cette pcrnicieuse erreur. >t
L'lrpparil,ion de ce document célèbre jette drrns un trouble profond
les catholiques unionistes. Néanmoirrs, ceux d'entre eux qui avuient
pris une part, active à la révolution, t:eux surtout qui avaient
collaboré ù l'æuvre conslitutionnelle sc rcfusent d'abord à renier les
principes qui les avaient insllirés. lllais peu à peu, à mesure qu'on
s'éloigne de {830, le souvenir des lu[tes et dcs efforts comrnuns
g'efface e[ les défenseurs de I'enc1'clique se mult,iplient au sein de
TElïrps Hlsr. |,ÉRI0DE DE RoYÀUÏÉ: colisttÎuuoxNnr,LB 795
-
libérlrux
la représentation nationale au point que certains uuionistes
craignent rle voir porter atteintc à plusieuls libertés constitution-
nellôs. De là la rupture délinitive de I'union'
1847-1852. Deuxième ministère libéral homogène. -
-
Réformes de 1848. Les électiorrs suivantes éloignent Ies catho-
- alors
liques tlu pouvoir. un ministère libéral Rogier-Frère est
constitué.
LeLlfévrier {848 éclate en France une nourelle révolutio[
qui ébranle tous les gouvernements de I'Europe et substitue
i*n, .* pays les i'stitutio's républicai'es au régime monar-
tle
chique. Ô'est à cette époque qu'il faut rapporter l'échauffourée
mille
Risiuons-Tout ({). IJne troupe d'insurgés, forte tle deux
pénètre
hommes environ, organisée sur le territoire français,
en Belgique par le hrmeau tle Risquorrs-Tout oir les troupes
belges, envoyées à leur rencotttre, les dispersent. 0n
fait uti
la citatlelle de
ceriain nombre tle prisonniers qu'on intelne tlans

Hoy.
L** .onr.ssions oppo$unes tlu ministère au parti démocra-
permettent
tique, en exécution des décisions du congrès libêral,
à notre pays tl'échapper à la tourrnente'
Parmi ces concessiotts, citols : le retrait tles lois réaction-
naires, I'abaissement', tant pour les villes que pour les
cam-
(à 49 fr'
pagres, tlu cens législatif au minimum constitutionnel
'gg I'abolition tle I'impÔt
.. ), I'orgrnisation tle la gartle-civique,
tlu timbre sul les jourttaux et les é6its périotliques, h tlétermi-
nation tles incompatibilités parlementaires, etc.
Toutes ces
paraissent insuffi-
réformes, votées e,r I'espace tle trois mois,
santes au député tournaisien Castiau, orateur d'une rare élo-
quence et partisan de la forme gouvernementale républicaine'
ie député ffoit tlevoir célébrer à la chambre belge les événe-
rnents politiques qui viennent rle se protluire e1
France eb

({) Près de Mouscron.


796 rrrsr'r^E rlns BELcEs DT DE LEU* crvrlrsAr,r'N

termine en affirmant que les itlées de la Révolution fr.a'çrisc


l'eront le tour tlu monde. Le représentant Delfosse, tle Liége,
se levant, I'interrompt par cette parolc farneuse :( pour faire
le tour du monde, Ia libelté ne tloit plus passer prr. la Bel-
gique r.
De nouvelles élections, rendues nécessair.espar suite
des rnodi-
fications apportées à la loi élector.ale, rarnène't à la charnbre
quatre-viugt-einq libéraux contre vingt-trois catholiq*es.
1849. Nouvelle réforme postare. La loidu g2 avrit lg4g
- -
abaisse le port des lettres et crée les timllres-poste de g0 et tle
{0 centimes. Le port des lettres or.di'aires, li tlesti.atio' tles
localités siluées dans le même ressort tlc perception, est lixé au
taux unifbrme tle t0 centimes; celui tles autres, à g0. Lc
port des journaux, ouvrages pér.iotliq'es, livres, papiers de
musique, prospectus,:lnnonces, etc. cst tl'un centime par feuille.
1849'1850. Loi sur t'enseignement supérieur et loi orga-
-
nique de I'enseignement moyen.
- En jrrille[
tive à I'enseignement supérieur r.emplace
lg4g, une loi r.ela_
par jury le combiné le
jurv central institué par Ia loi de lggu. une loi or.ganique
tle
I'enseigncment moyen, depuis lorrgtemps réclamée par les libé-
l'aux, est enfin décrêtée en 1tluO, apr'ès une tliscussion tles plus
vives. Elle crée tlix athénées royaux et cinquaute écoles
moyenues tle garçons. Mais le clergé fait à cette loi une forte
opposition.
1850. Étaulissement de diverses institutions d'utilité
pubfique.
-La même année voit I'institution tle la Bunqu,e
-
nationale, Ia fondation de la ca.isse géna,ale. tl'épargne et de
retraite avec Ia garantie tle I'Etat et l'établissemeut, par I'Etat,
rJespremières lignes télégraphiques électriques (l).
En {g5g a
lieu, à Anvers, la création d'u' 1n,r/l tut comntercial.

.. ({) llexislait. a_uparavant d'autnes rignes térégraphiques, notammcnt uno


ligne d'Ânvers à Bruxeiles ér,abrie en vô.tu ,t'un Ëoni*at'ïiir,i'là 2g décem-
bre ,1845 evec une compagnie.
TEMPS IIIST. PÉRIODE DE NOYÀUTÉ CONSTTTU'TIONNNIIN 79i
-
L'artrtôe sttivante, I'atlminislratiOn Conmtlnale d'Anvers coll-
clut, aveo I'épiscopat, ttne sorte de pet,it collcordat' colnu Solls
Ic nom ù,e conuen'tion, d'Anaers.
1855-1857. Ministère catholique de Decker'Nothomb. -
-
Diverses circonstattces pol i tiqtles tallt extérieures qrt'i ntérieures
elrtre atttres le Corrp tl'Etat tltt '1" tlécembre {851 ett FlitttCe
- affaiblissent le
minislère. Successivemettt, Rogier et
M. h'rère-or,ban sont obligés de se retirer, et si les libér'aux
coutinuent à gorrverl)er le PaYS, ce D'eSt qu'au plix tles pltrs
grandes tlifticultés. Enfin, elt {855, un nouYeau ministère
catholique prend le pouvoir sotts la présitlence tle de Decker.
L'année 18ô6 voit cÔlébler le 25u attniversaire rJe I'inaugu'
I'ation de Léopoltl I"'.
La Betgique el t'empire français. - E1 t856, le bluit se répald e1
Belgique que le gouvelïeme1t frlnçais, issu du r:oup tl'Etat, du
I décômbrc {85{ ('ll. a inyité le gouycrnemettt l-relgc à reslr'eirtdrc la
liberté rle h pressc. M. Or'ts, tléptrté cle llruxelles, intelpellc à cc
sujct Ie rninistèr'c. Lc comtc VihinXIIII,ministre dcs Âfl'Lrires élran-
gèi.cs, lui fait Il rôponse suivaute : <. I.'ltollolable Ill. Orl,s désire
Javoir si I'un dcs gouvemements représctttés au Congrtis (9) a
demandé au gouvel'ltemeut belge quclqtre modificution à h constitu-
I\I. Qr'ts mc demande si le cabinet,
tiorr...
- Attcu,nel - L'honolable
clans lc cas oit une parcillc demirncle lui ser:rit firite, scritit, disposé à
proposer à lir chamble quclque changemeut, à la constitutioll... -
Jnmais ! >t
fractiorr du parl,i cathO-
Réaction.
- À cc momcttt, uuc certline
liquc, trouyant trop moclér'é le ministère qui lc représcntuit au pou-
.,,oir,-r, meb avec violence, daus quclqucs jottt'ttaux, les
à attlquer
liberltés constitutionnellcs, les dénolçaût contrtrc iucornpatiblcs aïec
le catholicismc. Lc ministlc dc Dccker croit dcvoir plotestcr à la
tribunc coutrg ces al,tarlues. ( Â voil les tcndirnces cle ltr prcsse

(,l) te 9 décemble 185{, le présitlent de.la République. française, neveu-de


nailriteon ler, renverse le gouvernernent établi ; un an n-lus t11d, I,gier décembre
,t882, il se fait. couronner empereur' sous le nom de Napole6n llt'
guerre rle Crimée'
1e1'le Congrès de Paris, tenu à la suite de la
798 rrrst'otnE DEs tlELcEs BT DE LEUR cIVILISÀTIoN

catholique, dit-il, on est autorisé à dire qu'un souffle d'intolérance


r passé sul la llclgique. >
llais lcs mandemeuts des évêques continuant, à condamncr l'en-
seignemeut public à tous lcs degrés, I'opinion s'indispose peu à pcu
contre le parti eatholique.
1857. Loi des couvents.- En {857, un projet de loi sur Ia ctrarité ct
-
la bienfaisancc, déposé par lI. Nothomb, nrembre du ministère catho-
liquc de l'époquc, e[ attrihué auxévêc1ues, excite une vive agil,ation
au scin du parti libéral. < Àux termes de ce projct, un arrôté royal
devait, suffire pour assuter I'existencc légale dc forrdations reli-
gieuses indôpendrrntes des administrations civiles et pour lcur ail,ri-
buer la pcrsonni{ication civile. D'autres alticles du projet accordaient
aux administrtteuls cle ces fondations le droit d'ester en justice, de
possédcr des biens et dcs rentes sur I'Btat, sans limil,e aucune ;
d'acquérir des immeubles, sans autres limites que les besoius chari-
tablcs, chose dillicile à délinir ({). >
Le26 nrai 1857, les dispositions fondamentales cle la loi ayant ôté
votées, une g'rande effervescencc s0 manifes[e aussitôt dans lc pays.
En mèmc temps, des troubles éclatent, ù Ânvers ct il Liége, puis, peu
après, à Brugcs, à Gand, a llons, à Louvain, à Narnur, à Verviers.
A Jemappes, lc 3t mrri, I'lnstitut des frères de lir cl,rctrine chrétiennc
est dévasté dc fond en comble.
À la premiùr'c nouvellc de ces troubles, Léopold Iu", profondémcnt
penétré du rcspect dû au Pallemcnt,, s'étirit ôcrié : < Je monterai à
choval, s'il lc faut, pour protéger Ia lepr'ésentation nationale; je nc
laisserai prs outrager h rnajorité >.
, llais plus tard, lorsque I'agitation, rcvt'rtant cctte fois un crrractèrc
légrl, crrt pris dcs proportions inquiétantes, 11u'il vit les ct>nseils
communaux de Bruxelles, de Liégc, de Gand, d'Arrvers, de Br.uges,
de lllons, de Lou'ruin et d'aulres rilles considérables, voter dcs péti-
tions demandant le retriiit, du projet dc loi, qurrlilié par les libéraux
de loi des couvents, il dit : < Je suis convaincu que la Relgiquc
peut vivre hcurcusc ct respectée en suivan[ lcs voics de la moclén-
tion; mais je suis égalemcnt couvaincu, et je lc dis à tout le monder,
que toutc ulcsut'c qui pcut irtrc interprétée comrtre tondant :\ lixcr
la suprérnatie d'une opinion sur I'autre, qu'une tellc mesure est un
ditttgct'tr.

(l) Ilistoire parlenrcntoire belge, par Aoxrr, p. 908.


TBMpS rrrs'r. PÉRIoDE DE noYAU'fÉ COnSltrUrtOXNnl,Lg T99
-
En présence de ces manifestatiorts, le ministère retire le
des élections commtlnâles suivantes, défavo-
projet et, à la suite
rables, dals leur ensemble, aux catltoliqnes, il tlople
sa démis-

sion. Les libéraux reprennellt le pouvoir'


Ministère libéral Rogier-Frère. Le nouveau
1857.
- -
chattrbres, procède à
ministère, n'aya[t pas la majorité dans les
leur dissolutiou. À la suite des électious uouvelles, les repré-
sentalts libéraux reviettncut au uombre de soixante-dix, les
deputés catholiques au nombre tle treute-huit seulement'
C'est

le commencement d'une longue prépontlérânce pOur le palti


libéral.
Les fortifications d'Anvers. En {859, la lÔgisla-
1859. - -
d'Anvers. Le væu
ture vote le projet de loi sur les fortifications
tlc Napoléon l*
se trouve ainsi réalisé' Mais ici, un intérêt
généralement consitléré comme national se trouve attx
prises

ùvec tles intérêts ou tles préjugés locaux' Une formitlable


oppositiou se déchaîne dans notre métropole commerciale
légis-
cÀirtre l'enùastillentent tle Ia ville d'Attvet's. Aux élections
jusqtr'alors
Iatives suivantes, en {863, la députation anversoise,
libêrale, pâsse âux catholiques tlits nteetirtguistes, entre les
rnlins desquels elle est restée.
1860. Abolition des octrois et institution du fonds com-
munal.
- En /1860, sur la proposition de M. Frère-0rbaD,
-
rlinistre rJes lïnartces, les chambres belges abolissent les
actt'ois cnmmlttta,ur. Ou tlonnait le uOm tl'octroi à uu ensemble

tle taxes prélevées, stll certaines denrées et marchatttlises

renant du dehors, à leur eutrée dans les villes' C'étai[ lii url
irnpôt vexatoire et, entre tous, impopulaire. sur le coutiuent,
I'iriitiafive de I'a5olition de ce tlroit, qui eriste ellc.ore e1 tlivers
pays et notamment en Ï-rance, a été prise prr la Belgique'
En vue de compeDser. pour les commuues à octroi la diminu-
tion {e reveuus résultalt pour ellcs de la suppressiol de cet
inrpôt, IYI. Fr.èr:e établit sous lc uorn de londs conunu,nal we
800 ursrorRc DEs BELGES ET DE LBUR crvILISATIori

caisse dont les revenus sont r'épartis entre les communes


d'après certaines règles. (Yoil aux institutions finalcières).
1861.-Traité de commerce libre-échangiste avec la France.
Estimant, qu'il est de I'intér.êt d'un pays essentiellement
industriel comme le nôtre de voir disparaître les entraves
apportées âu commerce par lcs droits de douanes et de trausit,
Ies chel's du lib(.ralisrne étaicnt devenus partisans tlu sysrèrne
commercial connu sous le nom de libre-échange (voir plus
loin). M. Frère-0rban inaugure le régirne nouveau pa. la con-
clrrsion tl'un traité de cornmerce avec la Fr.ance, le {..' mai
{86t.
1863. Rachat du péage de I'Escaut. Depuis {g39,
-
gouver'nernerrt belgc s'était vu obligé de restituer
- le
aux pl'oJrrié-
tailes navires qui emprnntaient le cours de l'llsclut pour
des
entrer en Belgique, les tlroits qu'ils avaient pryés tle ce chef à
la douane hollandaise. Ces droits étaient pour le romrnerce
étranger, comme pour le nôtre tl'ailleurs, une entrave cotteuse
et tracassière. Les rernboursements effectrrés n'avaicnt pas
corlté au trésor moins de 98,000,000 tle fi'ancs. Des négor:ia-
tions, ouvertes par le gouventemeDt belge avec lcs autres
gouvenlements intéressés, aboutissenl au rachat dé{irritif tlu
1téage de I'Escaut. Une somme rle 3{j,000,000 de francs est
:
payée à cet effet à la Hollande 19,000,000 prr In Belgique
et le reste par les pays tlont les naviles fr'équentent le port
d'Auvers, Ieur quote-part étant calculée au prorata de leur
trafic avec ce port.

Congrès catholique de l[alines (1863). La même rnnôc, au mois


-
d'août,,les catholiqucs s'a.qsemblent à lllalines en un congr,ès s<llenncl
où prévalent les principes du cal,holicisme lilréral.
Les libéraux venaient d'ètre vaincus aux dcruièrcs élcctions
législatives rle juin {863. Le parti catholique (leader M. Dcschamps)
met à I'accaptation du pouvoir la conclition d'ètre autorisé à proposer
{o l'abaisscment du cens provinr:ial et, du cens communal : go la nomi-
TEMPS HIST. PÉRIODE DE NOYÀUTÉ CONSTITI.JTIONNELLE 80I
-
ùation dcs échevins par les conseils communaux. Le loi n'ayant pas
accueilli ce programme, le pa.vs corlsulté rcnvoie aux chatnbres ul)e
majorité libérale, et,le précédcnt ministère sc reconstitue avec lll. Dara
comme ministre de la justice.
1864.
- Loi sur les bourses d'éludes. Le syllabus. - Hn {864, le gou-
vernement fait, voter par les chambres une loi sur Ia fondation des
bourses d'études. En verl,u de cette loi, I'adntinistration des bourses
d'études est désormais placée sous Ie contrôle de I'Etat; les élèves
boursiers peuvcnt, choisir les établissements d'inslruction où ils
désiren[ faire leurs études. Lcs dispositions de la loi, qualifiée par'
les catlroliques de loi. de spolinti,on, avaient un cffet rél,roacl,if. La
même année paraît le syllabus de Pie IX, qui renouvelle contre nos
libertés constitutionnelles les anathèmes de I'encyclique grégo-
rienne. Le syllabus accentue encore la division qui séparait les
catholiques e[ les libéraux.

- En tlécembre {865,
Mort du roi Léopold lu" (1865) le roi
Léopoltl I" desceud au tornbeau et sa mort cause, en Belgique
et au tlehors, de vifs regrets. Il avait su pratiquer, avec une
grande intelligence et une rare sagesse, ses devoirs de roi
constitutionnel.
< Pendant un règne de trente-cinq ans, Léopoltl le' avait
veillé, dans un poste émineut, au salut de Ia patrie, au déve-
loppernent des institutions nationales; iI avait déployé, dans
cette tâche délicate, souvent pénible, une activité infatigable, uu
sens exquis, une sagesse rare. L'Europe avait reconttu en lui
I'idéal du roi d'un peuple libre (l). ,
1865.-Avènement et inauguration de Léopold ll.-
Son lils
Léopoltl, duc de Brabant, lui succèdesousle nom de LéopoldII.
Le gouvernement est alors aux mains du ministère Frère-Bara.
Le nouveau roi, né à Bruxclles le I avril 1.835, avait trente âns seu-
iement, mais il était instruit, intelligent, réfléchi : ses lortgsvoyâges
à l'étranger (dans toute I'Europe, en Egypte, en Syrie, aux Indes, en
Chine), avaient de bonne heure mûri son caractère et forrné son juge-
ment.

(l) Ernnuc, Paffia Belgica, II, p, 60*.


Y. Mirguet. - Histoire ilæ Belges.
802 ttrsrotnn DEs BELcns BT DE tEUIt ctvtLISATloN

Mcmbre du sénat depuis l'âge de dix-huit ans, il avait, en diverses


occasions, prouoncé dans cette assemblée de remarqttables discours
témoignant d'un esprit sérieux, ouvert au progrès et aux idées géné-
reuses.
Le l7 décembre 1865, il fait son entrée solennclle daus la capitale
et, en grand cortège, se rend au palais de la Nation. tà se trouvent
réunis les deux chambres, les ministres et les hauts dignitaires de
I'Etat, la famillc royale, les ambassadcurs tles puissartces étrangèr'es
et un grand nombre de prirtces apparteuant aux diverses familles
régnantes en Europe.
Lorsqu'il cntre dans I'enceitttc, Ie jeune prince est salué par de
longues et bruyantes acclamations. Le silence s'étant peu à peu
établi, il prortonce, d'une voix haute et ferme, le mème serment
constitutiontrel qu'avait jadis prèté son père.
Il adlesse ensuite à I'assemblée un discours des plus rerttarquables
dont voici un court résuné :
a La Belgique a, comme moi, perdu un père. L'hommage si una-
nime que Ia nation rend à sa mémoire répond dignement aux senti'
ments qu'elle lui a voués pendant sa vie. J'en suis aussi touché que
reconnaissanl,.
< Premier roi des Belges à qui Ia Belgique a donné le jour, ie me
suis, depuis morr enfance, associé à toutes les patriotiques émotions
de mon pays. Dlns ma pensée, I'avenil' de la Belgique s'est toujours
confondu avec le mien et toujours, jo I'ai considriré avcc cctte cOn-
fiance qu'inspire le droit d'une ttation libre, honnête et courageuse,
qui veut son indépendance, qui u su la eonquérir et s'en moutrer
digue, qui saura la gardor.
a Messieurs, pendant le,q trente-cinq dentièrcs attnécs, la Belgiquc
a vu s'accomplir de grandes cltoses. trlais l'édifice dortt le cougrès a
jeté le fondement peut s'élever et s'élèveraencore.lTlon sympathique
aoncours ost assuré à tous r:eux qui dévoueront à cctte æuvre leur
intelligence et leur travail. rr
Ce discours, très applaudi, termine la cérémonie.

1866. Création des écoles d'adultes. Suppression du


-
droit de barrière Eur les routes. 1868. Création de l'école
de guerre.
-
Le {.u' septembre {866, paralt un arrêtÔ royal organisant des
écoles d'adultes dans toutes les communes du royâume. Ces écoles
'l'l.lltps lrts'l'.
-
pÉRIoDE DE noyÀurÉ: consrtrtrrtoslitit ln 80S

étant phcées sous le régime de la loi de {842, on devait y


enseigner le catéchisme. De là, entrc les libéraux, de vifs dis-
sentiments qui tléterminent même la retraite, en janvier. {8G8,
de Charles Rogier et tle deux autres ministres. Finalement, on
décitle de laisser aux commuues Ia latitude tl'introduire ou non
I'enseignernent religieux dans les écoles d'adultes.
La loi du {5 novemble 1866 démôte la suppression, sur les
routes de I'Etat, du droit tle bamière, entrave onéreuse au trans.
port des marchandises.
Pour permettre à nos ofticiers de suivre de près les per.fec-
tionnemeuts apportés chaque jour dans I'instruction et la con-
duite des troupes, une loi du 5 avril 1868 institue l'école de
glrcr"re destiuée â former les officiers tl'état-major-
En{in,la loi tlu {3 juin1870 introduit en norr.e législation Ie
principe de Ia rémunération des miliciens, principe d'autaut plus
juste que la plupart tl'enke eux appartiennent à tles familles peu
aisées.
ltlouvelles réformes po$tales. En 1868, une nouvelle
Ioi postale élève à {5 grammes le poids des lettres ordinaires.
Celle du 30 septembre {870 crée la carle-lettre et la carte-cor-
respontlance. La même année voit I'abaissement de la taxe pos-
tale au taux uniforme de dix centimes poul'toutes les distances.
1870. du cabinet Frère.Bara. Les libéraux gou-
-Chute -
vernaient tlepuis environ treize ans. MM. Frère-0rban, Bara et
Pirmez étaient les hommes les plus consitlérables tlu cabinet.
Mais, tlepuis quelque temps, les progrestic/es de l'époque, dits
aussi jewæt libëraun, accusaient d'inertie ces chefs du parti, les
qualifiant de dactrinaires (1,). Cette épithète, ils I'infligeaient

({) Cette 6pithète de doctrinaireétait appliquée par analogie. Sous la Res.


tauration et sous la monarchie issue de Juillet,il avait existé en France une école
politique dont les représentants les plus éminents furent Royer.tollard et
Guizot. Leur doctrine politique n'admettait ni le principe du gouvernemenl de
droit divin, ni la théorie de la souveraineté absolue des masses. Etle n'eccep-
tait les réformes et les progrès c qu'autant qu'ils sont sages devant Ia raison ou
804 rIIs't'olRE DES BHLcES ET DE LEUII ctvtllsarloN

fl'ailleurs à tous les libéraux modérés, soutiens du cabinet,


c'est-à-dire au gros de I'at"mêe libérale.
g La loi sur les bourses d'étutles, I'exéCtttirltt du déqet de

prairial sur les inhumatiotrs,la question flamande,le mouvement


anversois, rallient tlivers éléments d'opposition. L'efret de leur
coalition est Ia défaite du parti libéral aux élections législatives
de {870 ({).
Ministère catholique d'Anethan.facobs. Les
lg70-1871.
- pouvoir. Le rninistère d'Ànethan fait
-
catholiques repl'ennent le
la loi électorale qui abaisse à vingt, frattcs pour la province, à

tlix pour Ia commune, le certs exigé des électeurs provinciaux


et communaux.
Mais la chambre repousse par 73 voix contre 23 et une
abstention, une proposition tle revision constitutionuelle tléposée
par Demeur, tléputé de Bruxelles.
' --
Ministère catholique Malou'Delcour. En
t8?8-1879.
du Limbourg,
-
t8T{, la nornination au poste de gonverneur <le

I'ancien ministre tle Decket', compromis dans les affaires


Langran{-Dumoltceau, proYoque à Bruxelles deS manifestations
populaires. Ces démonstrations tlécident le roi à redemander
leurs portefeuilles à ses ministres. Un ministère Malou prend la
direction des affaires.
1874.- Institution par le roi d'un prix annuel de 25,000 fr.
Depuis que la Belgique a conquis son indépendance, elle
-
a vu naître Sur son sol un grand uombre tle savatrts illustres,

susceptibles tle le devenir >r. On rattacltait, à cette êcole, leS libéraur doctri-
nrirei belges, mais en attribuant au terme dOctrinaire une idée de dénigre'
'
ment.
ilt nanning, Patria Belgica, Tome I[. Il sera parlé plus loin de la question
flainânde. Leîécret de priirial interdit les inhumations en cimetières distincts
d'après la confession religieuse ou philosgphique des défunts...
('?) Lanerand-Dumonce-au, homme d'affaires appartenant à I'opinion catho-
li(ilé. donl les projets séduisirent un grand nombre de renl,iers belges' pctits
et'auires, et doirt ies agissemenl,s, d'une moralité et d'une légalité discutables,
furent sévèrement contlamnés par I'opinion publique. (Yers {868.)
TEIïIpS HIST. pÉnIoDE DE RoYÀLiTil; ColtSrtruttOrcNnlln 80S
-
d'écrivains l'enommês, d'artistes brillants. Leurs efrorts
gnt été
puissamment encouragés par la fbndation, sur les revellus par-
ticuliers dn roi, d'un prix annuel de 95,000 francs à décerner
âu meilleur ouvrâge publié dans l'année sur un suiet belge.
Il faut relldre hommage au sentiment élevé qui inspire à notre
souverain un aussi noble elllploi de sa fortune.
1876. Réunion internationale. (Euvre de I'Afrique centrale.
En
-
mars {876, les présidelts des prilcipales sociétés géo-
-
graptriques de I'Europe et les plus célèbres explorâteurs de
I'Afrique sont réuuis à Bruxelles par les soins du roiLéopold II.
Cette réunion débat pendant quatre jours un projet tle pro-
gramme à la fois scientifique, commercial et humanitaire formulé
pâr le roi. Elle tlécide ensuite la fondation de l'(Eu,ure de

l'Afrique centrale, qui, placée sous le patronage de I'Europe, a


pour objet I'exploration scienti{ique et Ia civilisation du conti-
nent africain ainsi que la répression tle la traite
Loi sur I'enseignement supérieur. Le ministère Malou,
-
apportaut des modifications nouvelles à la loi sur I'enseigne-
ment supér.ieur, supprime le graduat en lettres et accorde aux
universités le droit de collation des grades ({876).
1878-1884. Ministère Frère'Bara'Van llumbeek. - Les
-
élections législatives de {878 rentlertt le pouvoir aux libéraux.
MM. Frère, Bara et Yan Humbeek font partie du nouveau
cabinet.
Depuis 1830, notre
1878.
-Inauguration du barrage de la Gileppe.
-
pays s'est couvgrt de monumerrts magniliqucs et de tt'avaux d'art
admirablcs : écoles, temples, palais de justice, ponts, tunnels, pri'
Sgns, casernes, hôtels tles postcs, bourses, hôtels de ville, théâtres'
conservatoires, uttiversités, etc.
Entre lcs travaux d'art exécutés rlepuis cette époque, I'utl des plus
utiles et des plus digrres cl'ètre visités, à raison de son caractère
grandiose, cst le célèbre barrage de la Gilepçre, donl I'exécution a
àemandé plus de dix années de travaux inintcrrompus et a coûté
au delà de cinq millions de francs.
806 Hrsrornn DEs BETeES ET DE LEUR crvrlrsAtroN

L'asséchement des tmres dans les hautcs fagnes ({)et I'importance


extraordinaire prise par I'industrie des laines à Verviers el, dans les
environs avaient rendu les eaux de la Vesdre insuffisantes pour des
besoins toujours croissants. AIin de procurer en abondance à la
population verviétoise I'eau pure nécessaire à I'alimentation et à
I'industrie, on décide dc créer un immense réservoir où seront
retenues les eaux de la Gileppe, petit affluent de gauchc'de la Vosdrc.
0n barre le torren[ en un endroit resserré dc la valléc par un mur
colossal ayant à la base 89 mètres tle longueur sur 65 d'épaisseur et
au sommet 235 mètres de long sur {5 de large. Ce mur, dont l'éléva-
tion totale est dc 87 mètres peut retenir I'eau dans le rescrvoir dc
façon à y créer un véritable lac de 45 mèùres de profondeur, d'au
moins 85 hectarcs de superlicie et, d'une capaci(é de plus dc
{9,000,000 de mètreq cubes. Un aquetluc rlc g kilomètres de lon-
gueur conduit à Verviels lcs eaux du bassin. Deux déversoirs, prati-
qués sur les côtés, permettent, en cas de surabondance, d'évacuer
le trop-plein des eaux dans Ie lit de la Gileppe. Vers lc milicu du
barrage est assis un gigantesque lion de pierre s'elevant, avec son
piédestal, à une hauteur de 2l mètres S0.
L'inauguration du barrage fut faite lc g8 juillet {878. Le roi y
assistait ainsi que plusieurs ministres, M. Ortmans-Hauzeur, bourg-
mestre de la ville de verviers et une immense multitude de cur.ieux
accourus de tous les points du pays.
1879.
- [tlouvelle loi sur I'enseignement primaire. - En
1878, le gouvernement libéral issu des élections de cette année
mée uu ministèr'e spécial de I'instruction publique. L'année sui-
vante, le parlement vote uue nouvelle loi sur I'enseignement
primaire qui amplilie le programme élaboré en {842.
certaines clauses de la loi mécontentent vivement le parti
catholique. Les instituteurs sortant des écoles normales privées
perdaient, à partir de {88{, le droit d'entrer tlans I'ensei-
gnement officiel. Tout en autorisant le prêtre à donner I'ensei-

- (l) n sans doute ces trevaux, entrepris en t884, avaient eu pour résultat
d'augmenter notablement la valeur du domaine national, mais en'même temps,
ils s-upprimaienl les réserves naturelles qui régularisaient les rlébits rle'la
Yesdre etils soumettaient cetterivièreà tôus leI caprices des saisons. r (Dis-
cours de M. Ortmans.Ilauzeur lors de I'inauguratiori du barrage.
TEMps HIST. pÉnroDn DE noYAut'tl: COuSrtrUrtOXllsLLr 807
-
gnelnent religieux dans l'école, la loi lui en refusait I'entrée à
titre d'autorité. L'enseignement religieux était d'ailleurs rayé du
programme tles écoles normales officielles. Les catholiques font
à cette loi une ardente opposition.
1880. célébration du cinquantenaire de notre indépen-
-a I'approche de I'année {880, les Belges se dispo-
dance. -
sèrent à célébrer le cinquantième anniversaire de I'indépendance
nationale. La prospérité du pays n'avait cessé de grantlir peu-
dant ce demi-siècle : I'instruction s'était répantlue tlans touteS
les classes de la société; la richesse, taut publique que privée,
S'était inCessamment âccrue; en mème temps, au seiu d'une
paix profonde, la population devenait plus dense qu'en âucune
autre pârtie du montle. Il y avaît donc lieu de donner à la
solennité qui se préparait le plus grantl éclat possible et le gou-
vernement prit les mesures nécessaires pour atteindre ce but.
De son côté, tlans un tllscOurs prononcé à Tourrrai, le roi invita
les Belges à oublier un instant leurs querelles pour célébrer
les fètes du cinquantenaire tlans un esprit d'union et de frater-
nité.
te patriotique appel est généralement écouté.
Un crédit de plusieurs millions, tlemandé aux Chambres, est
accordé sâns opposition. Bientôt, sur I'emplacemettt du champ
des mânceuvres, s'élève uu maglifique palais tlans lequel
on ouvre une exposition à la fois agricole, irrdustrielle et artis-
tique des produits belges.
Au mois d'août {880, tles fêtes populaires, des revues de la
gartle civique et de I'armée, un grand cortège historique sont
organisés dans la capitale :
Le l6 aott, une grande fôte patriotique réunit à Bruxelles le roi
et la famille royale, les membres survivants du congrès de {830, les
membl'es cles chambres et des conseils provinciaux, la plupart des
bourgmestres et échevins du pays, Ies gratrds corps judiciaires, les
professeurs cles universitês, des députations de tout'os les légions de
la garde civique et de tous les régiments de I'armée, etc.
808 flrsrornË DEs BELcES ET DE LEUn crvrlrsarlorri

Les anciens membres du congrès son[ d'abord reçus par les chanr.
bres réunies au palais de Ia Nation (I).
Des applaudissements enthousiastes retentissent cre toutes parts
lorsque ces vénérables pères de la patrie paraissent tlans I'enceinte
cle la Chambre. Le président du sénat, M. le baron de Sélys, leur
:
adresse un discours touchant < Les chambres, leur dit-il, sont
heureuses et lières de vous recevoir dans cette salle clu palais de ll
Nation où vous avez élaboré la constitution. Yous êtes les pères de
la patrie; votrc æuvre grandit et ros fils, pénétrés de reconnais-
sance, r'ous bénissent. Honneur au gou\:er'nement provisoire et au
congrès national de {830. >
M. Leclerq, ancien membre du congrès et ancien ministre de ra jus-
tice, lui répond : < Nous I'ous remercions du plus profond du cæur
de votre bienveillanl, accueil. Nous sommes heureux de nous joindre
ù vous, pour célébrer le ciuquantième annivcrsaire de notre exis-
tence nationale indépendante, en acclamant, avec le pays tout enl,ier',
les grands souvenirsqui s'y rattachent,et parmi eux, avant tout, nos
libertés constitutionnelles, sauvcgarde de tous les droits ct de tous
lcs intérêts r.
Tous ensemble, ils se rendent ensuite au local de I'exposition, ou
le roi les attend.
Répondant aux discours qui lui sont, adressés cn cettecirconstalce,
notre souverain terminc le sieu en exprimant le væu cle voir la Bel-
gique continuer ri nrarcher, dans la paix, à I'lccomplisscment de ses
tlestinées.
1883. Réforme électorale. Adjonction des capacités au cens
en matière électorale.- Une loi électorale qui accorde lc droit
de suffrage pour la province et la commune aux citoyens ayant
foumi la preuve d'un minimum d'instluction (système rlit des
capacités) est votée en {883. Cent rnille nouveflux électeurs
anivent ainsi à la vie politique.

{{) M_anquaient : l[M. le Bon Joly, ancien membre du gouvernernent provi-


soire Cartuyvels, de Brouckere, Doreye et Mulle, anciens membres du congrès
;
national, qui s'étaient excusés pour motif de santé.
[taient présents : lIM. Rogier et le baron de Coppin. anciens membres du
gouvernement prorisoire; Barbanson, Berger, de Haerne, baron d'Huart,
marquis d'ïves de Bavay, Ilenri, Jaminé, Jacques, Leclerq. barou Noilromb et
Rosseuw, anciens membres du congrès.
TEMps Hrsr. pÉRIoDE DE RoYÀurÉ coNsrtruttonNnllu 809
-
L'opposition du clergé à la loi scolaire, Ie vote de nouveaux
;
impôts surtout les divisions du parti libéral, ramènent en
1884 les catholiques au pouvoir avec I'une des plus fortes
majorités que le pays ait vues depuis {830.
1884. Ministère Jacobs-Woeste. Loi scolaire de t884.
-
M. Malou revieul âux affaires assislé tle MM. Jacobs et
\{'oeste. Tout aussitôt, les chambres votent une nouvelle loi
scolaire qui consaue, pour les commutres, la liberté d'organiser
à leur gr'é I'euseignemertt primaire, de I'étentlre ou de le réduire
ii certaines limites, indiquées par la loi.
1884. Gabinet Beernaert.-Cette loi occasiorlne, en septembre
4.884, dans les rues rle Bruxelles et autour de I'enceinte légis-
lative, de violentes nranifestations. Les élections communales
du mois d'octobrc suivant ayant donné tles résultats favorables
dans leur ensemble aux libéraux, MM. Woeste et Jacobs quit-
tent le pouvoir. M. Beernaert constitue ur nouveau cabinet.
1895. Reconnaissance de I'Etat indépendant du Congo'
En février 1885, ull congrès international des puissances,
-
assemblé à Berlin, reconnaît l'Etat inde.pendant du Cortgo,
crée par leroi des Belges, et le déclare perpétuellemeut netttre.
Depuis, Léopold II a été autorisé par les chambres belges à
prendre le titre de souuerain, de I'Etat indépen'dant du Congo
dont il est le chef à titre personuel.
1886. Grèves ouvrières. Pillages et incendies. En
mars {886, la question sociale se rappelle brutalernent au sou-
venil des classes dirigeantes. Une premièrc émeute éclate à
Liége, accompagnée d'actes de destruction et de pillage. Elle
est le signal d'excès plus graves dans le bassin du Centre et
dans celui de Charleroi otr d'irnportautes usines, notamment les
verreries Bautloux, sont iucendiées après avoir été pillées.
1887. Les tortifications de la Meuse- Comme à
l'époque de charles-QuiDt et de François {.u" la vallée de la
Meuse reste une voie militaire naturelle pour les années de
810 HrsrornE DEs TIELGES ET DE LEUn crulrsÀTroN

France et d'Allemagne. Néanmoins, jusqu'en ces derniers


temps, on I'avait laissée à peu près ouverte. Vivement pénétrés
de Ia responsabilité que l'état des choses faisait peser sur eux,
les pouvoirs publics ont tenu à fermer I'accès de cette vallée à
toute armée étrangère. En conséquence, ils ont fait élever le
long de Ia Meuse, principalement dans le voisinage de Liége et
de Namur, une série de forts à coupole destinés à permettre
Ia défense de la vallée cortre lout envahisseur.
1891. Grève ouvrière générale. [Jne proposition dc
revision constitutionnelle pr'ésentée aux débuts de la session
parlementaire tle {890-189t pâr M. Janson, député de
Bruxelles, est prise en considération par Ia chambre, à I'una-
nimité de ses membres. Mais en mai {891, impatient de ce
qu'il appelle les lenteurs parlementaires, le parti ouvrier
démète la grève générale. Celle-ci, par laquelle on cherche â
peser sur les décisions de Ia Chambre, occasionne aux malheu-
reux ouvriers de grandes privations, â I'industrie des pertes
énormes.
1892. Nomination d'une constituante. Enfin, en 1899,
-
les chambres décident qu'il y a lieu à revisiou constitutionnelle
et aux élections de juin, le pays élit une constituante. Après de
nouvelles lenteurs, pressées par I'émeute qui grontle et menace
d'ensanglanter la rue, les chambres votent, au mois de
mars 1893, un nouvel alticle 47 qui établit le uote pIu,ral,
c'est-à-rlire le suffr'age univelsel avec attribution de voix
supplémentaires à la propriété et à la capacité.
1894. Betraite de M. Beernaert.
- Le présitlent du conseil,
M. Beernaert, n'iryant pu obtenir tles chambres le vote d'un
projet de loi sur la représentation proportionnelle, abandonue
le pouvoir (mars 1894). M. de Burlet, chargé de la reconsti-
tution du cabinet, présideaux élections générales tl'octobre {894,
qui maintiennent la prépondérance des catholiques, mais intro-
duisent aux chambles unc représentation ouvrière impoltante.
TEMps rrrsr. prinloDn DE ltoyÀurÉ consrtrurtonnBr,ln 8l I
-
1895. Réforme de la loi communale. de la loi
- La réforme
parlementaire,
communale, votée en 1895, âucours rle la session
atlmet la représentation proportionnelle lorsqu'utt nombre suffi-
sant tle canclidats n'ont pas obtenu la majorité des voix. D'après
le système adopté, pour arriver à la répartition des sièges, les
minorités doiveut avoir atteint un certain qurrum, c'est-à-dirc
un minimum de voix tléterminé par la loi.

TITRE III
Aspect du pays. - Glimat.
- Pnopnlété fonclène.
Population.
-
Aspect du pays.
- L'aspect de notre pays a bien changé depuis
dcux mille ans. Pour s'en faire une idd.,'e, il suffiû de rapprocher doux
cartes, I'une représentant la Belgique ancienne, I'autt'e la Belgique
actuellc,celle du dépôt de la guerre, parexcmple. Tandis que la pre-
mière est presque nue, on a dù, pour figurer dans I'autre nos villes.
nombreuses et bien peuplécs, nos villages parfois rapprochés
jusqu'à se confondre, nos beaux fleuves au lit, profond, nos routes,
nos canaux, nos chcmins de fer, etc., mull,iplier les signes,
les points, les noms, les lignes droites ou sittueuses, Iixes, déliées
ou plus grosses : la carte en est presque noire. Et I'on n'a pu
cependaut y représenter ces riches campagnes oit l'on récolte tous
les ans tant de grains divers, Ia betterave, la pomme de terre,le lin
et mille autres produits agricoles.
Le littoral, définitivemen[ Iixé, est solidemenl, protégé sur toute
son étendue, par des dunes (l) et par des digues puissantes, bien
entretenues et bien surveillées. Les dunes forment des collines de
sable otr I'on ne rencontre Ie plus souvent qu'ulte r'égél,atiort spon-
tanée et rabougrie. Le sol y est essentiellenten[ mouvant. Poul lui
donner la stabilité désirable, on y plante le pelplicr, le tremble, le
pin et surtout certaine graminée, le hoyat qui peut servir à Ia fabri-
cation du papier.

(l) ta hauteur des dunes varie de I à {9 mètres. L-eu_r.largeur,_de {00 mètres


enùiion près tle Heyst, atteint deux kilomètres près de Nieuport. Leur superficie
totale esl, d'environ 3800 hectares.
819 HrsrorRu nES $ELGES ET DE LauR crvrlrsÀTroN

Plus au nord, le long de Ia mel et le long de I'Bscaut, on r établi,


pour contenir les eaux de la mer et du lleuve, des digues dont I'en-
tretien se fait par les soins et aux frais des propriétaires liverains,
réunis en société. Le chef de cette société porte le nom d.e dyhgraal
(comte de la digue).
Tou[ le long de la mer du Nold et de I'Escaut, les digues et les
dunes ont permis la conquête de plus de 160,000 hectrres d'excel-
lentes terres qu'on appelle poklus, Elles forment une plaine humide ,
à peine éler'ée d'un mtitre au-dessus tlu niveau de la mcr et généra-
lemell au-dessous du rtiveau des grandes marées. Les Iièvres palu-
décnnes y règnent et fout que la population y demeure clair-semée.
Le sol du restc des Flandres es[ maigre et sablonneux. Déjà les
histoliens anciens le signalent comme sauvage et aride. Les Fla-
mands I'ont amélioré par le défoncement, le mélange du sous-sol et
de la couche arable, I'emploi juclicieux des engrais ct particulière-
ment du fumier. au point de lui faire porter aunuellement, plusieurs
récoltes par la culturc dérobée.
La Carnpine s'élend dans les provinces d'Anrers et de Linbourg.
C'est une immense plairte de bruyère, semée de tourbières et de
rirarais. 0n y rencontre pourtant çà et là de beaux villages entourés
de telres labourables. Au moyen âge, presque toute la contrée était
cultivée. Les troublcs du XYI" siècle en ont fait disparaitre quantité
de villages et d'abbayes avec des ten'es arables el, des bois de haute
futaie, aujourd'hui remplacés par de vastes champs dc bruyère.
Le système des irrigations a créé, le long des calraux, de grasses
prairies. Depuis quelque temps, on a aussi replanté en Campine des
bois d'esserces résineuses otr domiuent le pin sylvcstre et lc pin
maritime.
En Brabant, ainsi que dans le nord du Hainauû et de la province
de Namur, on l'emarque une r,one de terruinsnblo-linoneun C'est ture
vaste plaine onrlulée comprcnânt de fort bonnes terres à froment,
bien cultivées.
De Toumai à llaastlicht, s'étend la xone lintoneuse, renfernant lcs
régions du Bor inagc, du Centre et de la Hesbayc, dont les terrcs sont
livrées à la grande culture. Ccl,te zonc est trùs fertile aussi, surtout
en Hesbaye, région qui a la IIIeuse pour limite au sud-est, de Huy à
Maastricht.
Le plal.eau, de Heruc, entre la Vesdre,la Meusc et la Hollande, com-
prend peu de terlains yagues et peu de bois. Snr. une étendue totulc
rbups IIIST. pÉntoln DË RoïÂLlrÉ coxsrtturroNNnlln 813
-
de plus cle 60.000 hectarcs, à peine cu trouve't-on 5,000 de terrairrs
boisés. 0n n'y voit guère quc des prairies et des vergers.
La rone condnrsienne cout't de la Vestlte à la Sambre. Blle lenferme
dortc I'Entre-Sambre.et-Meuse, otttt'e le Condroz proprenlent' dit. C'est
unc région montagtteuse, triste et floide en plusieurs de scs parties,
oir existent cucore beaucoup de grands bois ('150,000 hectares sur
550,000environ que la zone comporte).L'agriculture y est,, en général,
an,iérée. Qutre les terlains coqt'elts de bois, plus de 40'000 hectares
cle lerres vagues restel)t srnscultule. Cependant, ony cultive le fro'
ment sur divers poilts et I'usage des elgrais chimiques y rend pOS'
siblc, en beaucoup d'endroits, tle belles et allondantes récoltes.
Plus montaglleuse, plus boisée, par sui[e moins fertile el)cgl'e' est
I'Ardenne.Il. s'y [rouve des hauteurs de 500 il 600 mètres. Néanmoins
les terres qui entourellt les villages y sont d'assez bonne qualité.
L'Arflcnne embrasse la partie mériclionrle des'provinces de Liége'de
Hainaut et de Namur avec la plus gralde partie du Luxembourg.
Beaucoup de terres- plus de '100,000 hecl,arcs sur 420,000- y sont
convertcs cle bruyères ct de brtlussailles. LIn tiels clu sol est enherhé
ou occupé par des bois.
Les Fagnes, terres froicles et, hurnides, appartienuettt il l'Ardettne
dorrt elles sout la partie la plus elevée. Otr dortne le ttotu de Ilau'tes'
Fagnes tux cllvirorts de Bastogne c[ de l{eufchirteau.
Situéc au midi de la r'égitln ardenuaisc' le lolg tle la Semois, lit
rone luæenùou,rgcoise forme utlc sorte de plan incliné vers la France.
0n I'a parfois dénommée l'a, petite Prouence, probableuteltl palce que
sort climat plus doux contraste avec celui de I'Artlcnne. Le nrassif
cles Àrdennes la protège contrc les veuts du norcl ; I'hivcr y est plus
tardif, le printemps plus précoce que dùns le rcste du Luxem'
bourg. D'une grande fertilité naturelle, les terres y produisent une
riche et abondante végétation. Les fruits de cetto coutrée sont
particulièrement savoureux. Cependant, le ticrs du sol y est eucot'e
boisé.
Pour la Belgique entière, sur 9,970,000 hectarcs ettviron de terres,
on compte a peu près I inillions d'hectares eu culture, 600.000 hec-
lares de}ois ({) et prèsde 300,000 hectares de terrails
incultes.
Climat.- Le climat actuel dc la Belgique est bien lixé et, contrai'

(1) Ce chiffre s'élève d'année ett année par suite du reboisement qui s0 pra'
tique sur une échelle iurportante.
814 rusrornu DBs BETcES ET DE LEUI crvrLIsATroN

remenl à certaines affirmatiorrs, ne parait pas sc modilier d'une


manière appréeiable.
Le mois le plus froid de I'année es[ janvicr aycc une ternpérature
moycnne de 9n; juillet en est le plus chaud ayec une température
moyenne de l8n. La limite ordinaire des grrncls froids est, dc {5o
-
à Bruxelles, celle des grandcs chaleurs de * 30". 0n évalue à 3o la
différencc moyonne de température entre I'Ardenne (Bastogue et Spa
étant pris commc centres)etle Brabant. La température cle notre pays
esl très variable, presque excessive à certains moments de l'été ou
de I'hiver, ce qui a pour conséquence de trancher bien nettement
ces deux saisons. Par contre,les saisons intermétliirires, le prirrtemps
et I'automne, sortt mal caraclérisées.
Propriété toncière. Transformations et conditions d'exploitation. Ll
-
propriété foncière est aujourd'hui très divisée eu Bctgique. Le nom-
bre de parcelles portées au cadastre atteint Ie chill're appt'oximltif
de 6,500,000 répartis eutre 750,000 plopriétaires environ. C'es[
dans les Flandres, pays de pctite culture, qu0 ce molcellement de
Ia terre est poussé lc plus loil. Il I'est le moins dans Ia proviuce dc
Namur. En {880, il existait,, pour tout le royaume, envirou 910.000
exploitations agricoles donI seulement, 994,000 cn fairc valoir
direct: le reste, en location
L'extrrôme morcellemen[ du sol a ses avantages et, ses inconvé-
nients. D'une part,la propriété dc la terre la fait aimer par celui qui
la cultive et, en retenrnt le campirgnard aux champs, elle empôche
la complètc tlépopulation des campagnes au prolit des villes. Mzris,
tl'autre part, I'excessive division du sol rend onércuse poul le petit
eultivateur I'acquisition des machines et les travaux d'amélioration
un peu importants; prr suite, elle enraie les progrès de I'agriculture
et nous met dùns I'impossibilité de lu[ter, sur lc terrain de I'indus-
trie agricole, avec les pays otr les grandes cxploitations sonf plus
communes.
La propriété fortcière appartient : 89 p. c. aux particuliers;
{,33 p. c. à I'El,at; t0 p. c. aux communes; 9,61 p. c. aux bureaux
de bienfaisance et aux hospices ; 0,79 p. c. aux fabriques d'église;
0,03 p. c. aux congrégations religieuses.
Déjà réglementés et réduits à l'époque tle la Révolution, les
droits de parcours et de vaine pâturc I'ont été de nouveau, il y
a quelques années, par la loi du ? octobre {886. Aux termes de
cette loi, la servitude de commune à commune, connue sous le nom
de parcou,rs, est maintenue lorsqu'elle est fondée sur un titrc ct sur
TEMps Irrsï. pÉRIoDE DE RoyaurÉ coxsrrruTroNNnllli 8tU
-
la possession imnémoriale. Toutefois, chacune dcs communes
grer'écs pcut s'en affranchir moyennant unc juste et préalable
indemnité.
De même, Ie deoit de vaine pâture dans la commune est conservé
pour les lieux otr il est fondé sur un titre ou sur un usage local
immémorial. Mais les propriétaircs de prairies soumiscs au droil de
parcours et de vaine pâture, pcuvent toujours s'en affranchir moyen-
nant unc juste et préalable indemuité. (Loi du 7 octobre {886,
art. 93 e127.)
Aujourd'hui, Ie glanage ct Ie ratelage, dans les lieux otr l'usage
cn est reçu, ne peuvcnt plus être pratiqués qu'entre le lever ct Ie
coucher du soleil, par les vieillards, Ies inlirmes, les femmes, les
enfants âges de nroins de douze ans et seulement sur le tcrritoire
de leur commune , dans les champs non clos, entièrement dépouillés
et vidés de leurs récoltes. (Voir le code rural, art. l'1, Ioi du 7 octo-
bre {886).
Malgré une crise agricolc intense et persistante, Ia population des
ctmprgnes ne cesse dc s'accroitre dans des propoltions impoftantes.
Âujourd'hui encore, la Belgique est, avec I'Augleteme et la Lom-
bardie, celle des contrées de l'fiurope où I'industrie agricole est le
plus atancée. Le rapport de Ia population agricole à la population
totale est actuellement de 99 p. c. environ.
Nombre des cheuaun et dcs bestinun.
- Il exis{,ait en Belgique, en
1880, environ 272,000 chevaux, 1,383,00C bêtes à colnes, 36i,000
moutons, 646,000 porcs.
Population.
- La population totale de la Belgique dépasse aujour-
d'hui 6,300,00C habitants répartis entre 9,600 communes, sur une
superlicie de 29,50C kilomètres carrés, soit uue population rclative
de 915 habitants environ par kilomètre carré. Blle était de 3,99'1,00C
individus en 1830 (132 hatritants environ par kilomètre carré), de
4,898,000 cu 1866, dc 5,520,000, en 1880, de 6,{95,000, en 1892, de
6,349,000 au 3( ttécernbre {894.
La population moyenne du ro,vlunre s'est donc augmentée de près
de 65 p. c. depuis {831.
Les provinces dont la population a le plus augmenté sont : la
province de Liége {07, 64 p. c.; la province d'Anvers 107,53 p. c.;
lc Brabant vient ensuite 109,34 p. c. et lc Hainau[ 73,83 p. c. Ces
provinces se signalent, le Hainaut et Liége, par une active industrie,
Anvers par un commerce important, le Brabant, par un sol riche et
816 rtrsrorltc DEs BELGES ET DE LEUR clvttlsATtoN

bien cultivé (l). Voici la population actuelle des diverses provinces et


celle de leur chef-lieu.
Provincee: Population: Chefs-lieux: Population :

Ànvers: 757,000 h. z
Ânvers 256,000 h.
Brabant l,{?9,000 h. Bruxelles (sans les faubourgs) {88,000 h.
Flandre occidentale : 766,000 h. Bruges : 50,000 h.
n orientale : 981,000 h. Gand: 456,000 h.
z
Hainaut 4,,082,000 h. Mons: 95,000 h.
liége: 798,000 h. Liége : 16|,000 h.
Limbourg : 229,000 h. Hasselt : 14,000 h.
Luxembourg : 2'1,4,000 h. Arlon : 8,000 h.
Namur: 343,000 h. Namur: 39,000 h.

TITRE IV

Institutions politiques.
La constitution belge. Toutes les libertés vainement
r'éclamées du roi Guillaume dals les pétitions pour le redres-
sement des griefs, les constituants belges les insuivent dans
la loi fondameutale de {830, cette (Euvre admirable pour
l'époque. Plus heureux d'ailleurs que les premiers consti-
tuants français dont ils mettent à profit les travaux, les mem-
bles du congrès belge s'adressent à un peuple dont l'éducation
politique s'est faite peu à peu depuis quararile ans et surtout
pendant les quinze années de son union avec la Hollantle. La
première constitution belge a aussi cette bonne fortune d'être
tbrmulée tl'un seul effor[ par uu peuple généreux, tout fier de
son indépendance réc,emment conquise. Aussi, ne contient-elle
pas ces antinomies et ces anachronismes qu'on signale dans les
constitutions de certains pays de liberté, tels que I'Àngleterre
et la Suisse, par exemple.

({) te fait que Bruxelles, chef-lieu du Braban{, est en mème temps la capi-
tale tlu royaume parait ètre la cause essentielle de la place avantageuse occupée
par cette province entre celles dont la po;rulation augmente le plus rapide-
ment, la population de I'agglomération brurelloise étant de 500,000 hrbitants.
Tnrrps Hrsr. * pÉRrôDE DE RoyAUTÉ coxsnrunonrnlln 8{7
La constitution belge plonge ses racines dans nos chartes
primitives, locales ou générales. Mais elle s'inspire surtout de
la Dticlaration de,* droits de I'lrcmnte et du,citol1en,, formulée par
la première constituante française.
Voici quelques-uns tles principes qui lui servent de base,
des tlroits et libertés qn'elle garantit :
A. - Pnrncrpus sun LESouuLs IrEposE LA cot\srITUTIoN.
4,' La rcuueraineté du peuple. Tous les pouvoirs émauent de la
-
nation (art. 25 de la constitution). Celle-ci ne fait que les délé-
guer. Aussi tout mandat public est-il révocable.
20 La separatiott. des pouuoirs. C'est Ià une importante
garantie contre le retour du tlespotisme.
Toutefois, dans la pratique,. la séparatiou absolue des pou-
voirs offr'irait des iuconvénients graves. L'expérielce l'a
démontré (voir période française). Le pouvoir législatif est
exercé collectivement par le roi et par les chambres (art. 26);
le pouvoir exécutif appartient au roi seul (art. 29) ; le pouvoir
jutliciaire, aux cours et tribunaux (art. 30). Les agents des
trois pouvoirs sont donc suffisamment distincts.
3o La respottsubilité des fonctionnaires publics. Tout fbnc-
tionnaire, auteur d'un aete lésant les intérèts d'uu particulier,
peut être poursuivi par ce particulier, stlls âucune autorisation
préalable (art.24). Le roi est le seul fonctionttaire non l'espoll-
sable, mais les rninistres portent la responsabilité de tous ses
actes publics, attentlu que ces actes u'ont ni valeur ni autorité
s'ils ne sont contre-signés pâr un tninistre (art. 64).
4o L'inuiolubilité de Iu propridté. Nul ne pelrt être privé de
sa propriété si ce n'est pour cause d'utilité publique, dans les
cas prévus par la loi et moyennant ttne juste et préalable indem-
nité (art. t{).
8o L'ëgalite des Belges deuant Ia loi (afi. 6). Cette égalité
n'est pas absolue. Tous les Belges, pâr exemple, ne peuvent
être élus sénateurs. Mais le principe de l'égalité suppose qu'au-
Y. Mirsuet. - Histoire tles Belges.
818 tIIsrotRE DEs BELGES ET DE LEUR cIvILISATIoN

cune impossibilité fontlamentale n'empêche un citoyen quel-


conque rl acquérir les conditions requises pour I'exercice de tous
les droits civils et politiques.
B. Dnotrs rr ltnrnrÉs GARANTIS PAR LÀ coNsll't'url0N.
- -
libertti indi.uiduelle. Nrrl ne peut être arrêté que tlans les
La
cas prévus pal la loi et dans les formes qu'elle prescrit (art. 7).
Tout individu arrêté doit être, à bref délai, mis en jugement.
2o La liberté du, trauaiL Chacun est libre d'accot'der ou de
refuser son travail. Les ouvriers ont le droit absolu de se
mettre en grève. Mais toute atteinte à la propriété ou à la
liberté du tlavail tl'autrui leur est interdite.
3o Lq, tiberté de conscience et des uiltes. Chacuu est libre
de professel le culte de son choix, même de n'eu professer
aucrn. Le mariage civil doit toujours précéder la bénétliction
nuptiale.
4o La libertë'il'enseignement. Toute mesure préventive est
interdite (art. {7). 0n peut enseigner sans autorisation prêa-
lable, sans diplôme, sâlls être tenu de se soumettre à I'inspec-
tion officielle.
8o La libertë de la tribwte et tle la presse. La constittttion
garantit à tous les Belges la liberté de manifester leurs opi-
nions en toute matière, sous réserve tle la répression des délits
commis à I'occasion de I'exer'cice de cette liberté (art. t4). I{i Ia
censure (t) ni le droit de cautionnement (9) ne peuvent êlre
rétablis (aû. {8).
60 La tiberté d'associatiaz garantit lc tlroit d'instituer tles
sociétés ayant un but politique, philanthropique, religieux,
commercial, scienti{ique, littéraire, d'agrétnertt, etc.

({) Examen cle livres, journaux, pièqes de théâtre, etc.., prescrit par le gou'
vein-ement avant d'en permeltre la publication ou la reprêsentation.
(2) Somme à déposer par les créateurs d'un journal pout' garantir le paie'
menl des hmendes ou des dommages-intérèts auxquels sa rédaction peut lcs
exp0ser.
TEMps rrrsr. prIRroDE DE RoTAUTÉ coNsrrrurronnerr,u 8{9
-
Le droit de réu,tti,ore dans I'intér.ieur tles habitations et locaux
fermés est assuré. Les réunions en plein air restent soumises
aux lois de police.
7o L'inuiolabilitë, du donticile et des lettres. Aucune visite
domiciliaine ne peut avoir lieu que dans les cas prévus par la
loi et dans les formes qu'elle prescrit (art. {0).
Le secret des lettres est inviolable. un cabinet noir ({) ne
pourrait être êtabli (art. g2).
80 La liberté dcs langues (nt. 2,3). Différ.entes mesures
legislatives, prises en ces dernières années, ont eu pour effet
de placer sur un pied d'égalité de plus en plus complet le
flamand et le français, les deux langues principales usitées en
Belgique.
9o Le droit deqtëtitiore. C'est le droit de formuler, soit indi-
viduellement, soit collectivement, des væui ou des plaiirtes, de
signaler des abus, tle dernander tles réformes aux autorités
publiques. Par des raisons tl'ortlre, il est interdit à tout péti-
tionuaire de présenter en personne sa requête à la chambre.
Il est à remarquer qu'en général la constitution laisse libre
-d'agir,
quitte à autoriser la répression des délits commis tlans
I'exercice de la liberté.
0rganisation politique et administrative de la Belgique
actuelle. Gouvernement central. Le gouvernement cen-
- -
tral se compose du roi, de ses ministres et de deux chambres:
la chambre des représentants et le sénat.
Lss crrnunnrs. Les charnbres sont des assemblées repré-
-

({) Àutrefois, il existait dans chaque capitale, tn cabinet zoil dont l'office
était ile décacheter les lettres suspectes, de prendre connaissance de leul
eontenu et de les recacheter ensuile, avant tle les remetl,re à leur adresse.
Pour échapper à cet espionnage, les gouvernements adressèrent à leurs
ambassadeurs des colrespondances chi!fi'ées tlont on ne tarda pas à trouver
la cleJ'(le chiffre: d'oir I'expression déchiffrer). En vue d'empècher le retour
rle procérlés aussi malhonnêtes, toutcs les constitutions modernes stipulent
I'inviolabilité des lettres.
820 HIS'IoInE DEs IlELcEs DT DE LDUn cIYILISATIoN

sentatiue:s, t)lectiues, dtilibérantes. L'éIectiott de leurs membres


est tlirede (L).
Les Chambres exercent le pouvoir législatif dans toute sa
plénitutle sous téserve de la sanctiort rovale. Tout représentant
on sénateur peut prêsenter un projet de loi : il possèdele droit,
d,'initiutit'e Ttarlementaite. Dans la platigue pourtant, I'initil-
tive plrt le plus souvent des nrinistres qui présentent lettt's
projets au nom du roi. Les chambres adoptent, modifielt ou
rejettent les projets de loi et aussi le projet tle butlget. Le droit
tl'atlopter, d'atnender ou de refusel' le butlget est la grantle
force des charnbres, leur plus puissant moyen d'action.
Aucune r.ésolution ne peut être prise par uDe Chambre si la
rnajorité tles membres présents ne la vote et si la moitié plus
un des membl'es n'est réunie.
Tout projet de loi doit être d'abord voté article par article.
Les mernbres des chambres ont le droit de diviser ou d'amen-
der les articles.
Les séances des chambres sont publiqlles.
Aucun membre des chambres ne peut être poursuivi à I'oc-
casion tles opinions ou des votes émis par lui dans I'exercice
de sou mantlat.
L,es chambres se réunissent sporttartémeut et de plein droit
chaque année, le deuxième rnardi de novembre. Elles demeu-
rertt réunies au moins quaratte jours.

({) Le droit de su{lï'age peut ètle direcf comme en Belgiqrtg ou ri deur dcAtës
coùr*e I'instituait la coinstitution dc I'an [l[ et comme il est encore anlutrlle'
ment pratiqué en Allemqgne el mÔme en France pour.l'élection.des sénateurs.
Ces derniels sont étus dans chaque déparlement par les députés, les conseil'
iers généraux, tes conseillers d'arrondissement et les délégués des conseils
municipaux.
Le droit de suffi.age est dit ttniuusel dans les pays oit tous les ciloyens
I'exercent 1 restreint dans ceux oir il est le privilège de cerlaines catégories;
ceniltuire iorsqu'il est exercé par les seuls ciloyens payant -un cens requis,
déterminé par ùn minimum d'impôts. Lorsquton parle de l'opin.ion du pays, il
]. a lieu, dans les pays à suffrage reslreint, de distinguer enlre le pays
propre-
ment dit el le pa11s legal.
TEMps rrrsr. I.ÉnIoDE DE RoyAUTÉ col,lsrtrutlotwnlln 821
-
Lns urntsrnns. Il existe huit ministères, savoir : intdrieur et
instruction, Ttublique; affaires é.trangères; ftnances agricul- ;
ture, industrie et trauai,l; h'auaun Ttu,blics; chenùns de fer,
poiles et ttilégraphes; justice; guerre. Les milistres sont choisis
par le roi. Seuls, ils répondent de ses actes publics. C'est
pourquoi âucun arrêtê royal n'a de force s'il n'est revêtu du
contre-sein g ministériel.
Pour pouvoir gouverner, les ministres doivent posséder une
majorité dans les chambres. Dans Ie cas où, ne trouvant pas
une majorité pour les âppuyer, ils croiraient avoir raison
contre elles, ils peuvent proposer au roi de tlissoudre, soit la
chambre, soit Ie sénat, soit i'une et I'autre à la fois.
Les ministres assurent I'exécutiort des lois par des cùrcu-
Iaires et des arrêtés. Le titre de mhûstre d'Etat est purement
honorifique.
Ln Ror. [.,0 roi, avec ses ministres, forme le pouuoi,t'
-
ertictttif (on dit aussi Ie gouuernement). Le roi est le chef du
pouvoir exécutif. hr,uiolable et irresponsable, iI règne et ne
glu,uerne. pe,s. Selon la fïction constitutionnelle ({), le rai' ne
1teu,t nral faire (2).
Il exerce une partie du pouvoir législatif.
Dans ses attributions, il a : I'initiative, la sattction, la pro'
mulgation, la publication et I'exécution des lois, arrêtés et
règlements, le droit tle convocation, tl'ajournentent, de disso-
lution des chambres, la nomination aux emplois civils et mili-
taires; le commandement tles forces tle terre et tle mer; le droit
de faire la paix ou la guerre; celui de conclure les traités d'al-
liance et de commerce ; celui de battre tnonnaie; celui de

({) Fiction a ici le sens de conuentiort.


(gj La per-sonne du roi est inviolable : aucun pouvoir politique et judiciaire
n'a iutorité sur lui L'impunité .est assurée à ses actes privés comme à ses
actes politiques. (Pa{ria Belgica, t. II, p. 454).
899 Hrsrornn DEs IIELGES ET DE LEUR ctvlltsÀTloN

remettre ou de rétluire les peines; celui de prendre des arrêtés'


royaux basés sur la constitution et les lois.
A son avènement, le loi prête, en présence des chambres
réunies, le serment tl'observer la constitution et les lois du
peuple belge. Il jouit d'uue liste civile, fixée, pour le présent
règne, à 3,300,000 francs.
Gouvernement provincial. Les provinces et les communes
-
sont des personnes civiles qui s'administrent par I'intermétliaire
de rlélégués élus formant des corps représentatifs. Le gouver-
nement provincial se conlpose d'uu conseil prouincial, tl'une
deputation perm&nente, rJ'tn gluuerneuî', tl'un greffier prouirt-
cial.
Le conseil prouirtt:ial est une assemblée olectiue et delilté-
rante, élue par les électeurs provinciaux. Chaque année, le
conseil provincial se réuuit, spoutanémeut et de plein droit, à
partir du premier mardi de juillet, pendant au moius quinze
jours. iies sessions ne peuvent dépassel qu.atre semaines. Il
délibère et vote sur toutes les affaires d'intérôt provincial.
Daus les cas déterminés par la loi, ses résolutions sout sou-
mises au contrôle du gouvernement qui intervient par des actes
d'approbation, de contrainte ou d'annulation.
Dans les limites étrblies par la loi, les séances tlu conseil
provincial sont publiques. Sont publics également les budgets
et les comptes de la province.
La dë.Ttutation pernwnente est une déIégation de slc membres,
choisie potrr quatre ans par le conseil, tlans son sein, et renou-
velée tous les deun ans. C'est une autorité délibérante chargée
de suppléer le conseil en sou absence. Elle est présidée pal le
gluaerneur. La députation permanente délibère et statue sur
tout ce qui concerne I'admiuistration journalière des intérêts de
la province.
Parmi ses autres attributions, elle a celle de contrôler la
gestion des communes, des bureaux de bienfaisance, des hos-
t_

TEIîIpS IIIST. PÉnIoDE DE ROYAUTÉ COWsrnUrtoNltt':LLS 893


-
pices et rles fabriques d'église. Ses actes sont soumis au double
coutrôle du conseil provincial et du gouvernement'
Le gouuerneur esl nommé et révoqué par le roi. Il est donc
dans la province le délégué, I'agent du pouvoir exécutif. L'exé-
cution Jes décisions du conseil provincial et de la députation
permanente lui est con{iée. Au sein du conseil, il a seulement
voix consr ùtati,ue, mais il préside la députation permanente avec
voix déIibératiue.
Le greffier prouincial rédige les procès-verbaux des séances
du coriseit et de Ia députation, garde les archives. Sa nomina-
tion est faite pour sir ans, par le roi, sur une triple liste de
cantlidats présentée par la députation permanente. II peut
y
avoir rrrt ?'eceaeur Ttrouincial, mais Ortlinairemelt les recettes
provilciales sont effectuées par les receveurs de I'Etat.
chaque province est tlivisée en un certâin nombre d'arron-
clissements admùnistratifs à la tête desquels il y a ul clrnmis-
saire d,'rnrond"itsernen.t, fonctionnaire nommé et révoqué par le
roi et qui le représente. Son rôle consiste essentiellement à
surveiller I'administration tles communes dont la population
n'atteint pas 5,000 habitants. Les arrondissements se subdi-

visent et cantons de iusti,ce de pnin. Aucun corps, aucun fone-


tionnaire, nommé ou élu, n'a I'a{ministration de I'arrondisse-
meut ni du caltton.
Administration lOcale. - La commune tt'est pas, comme le
judi-
Canton et I'arrondissement, une sirnple circonscription
ciaire ou atlministrative: elle possède une individualitê propre
très ptrissante. Son administration se compose: du collëge
des

bourgme$re et éc.heufns, tlu conseil commwtal, du secrëtaire,

dureceueul et du garde. champêtre ou d'utt c1rps de police,


Le conseil communalest uue assemblée élue parles électeurs
communaux. Le nombre de ses membres varie suivant la
population.
- bourg-
Lu conseil c6mmunal se rêunit sur la convocation du
8:24 Htsrorng DES BELcEs ET DE LEUR crvrLrsATroN

mestle ou du tiers de ses membres. Ses tlécisions doivent êlr.e


rendues publiques ; ses séauces le sont tlans tles limites établies
par la loi. Le registrc aux délibérations peut toujours être
consulté. Lc conseil comnlunal règle toul ce qui est tl'intérêt
communal sous le contrôle du roi et de Ia députation perma-
nente, Iequel s'exerce par voie d'approbation, dc contrainte ou
d'annulation. Il a la direction des hospices, bureaux de bien-
faisance, monts-de-piété, etc.
Le secre,taire comnturral rédige les procès-verbaux des séances
et, en général, toutes les autres pièces relatives aux affaires de
la commune.
Le receaeul'cntnntuîtal opère les recettes et paie'les dépenses
tle la commune. Tous deux sont nontmtis, réuoqu,és, tuspendus
par l'administration, cynztnunala, sons réserve de I'approbation
de la tléputatiou permauente.
Le bourgrnestre représente le pouvoir exécutif dans la coJn-
mune. Il est nontnté, suspendu ou rtiuoqud pat le roi. Les
échevins sont élus par le conseil et choisis tluts son, sein.
Le collège dcs bolrrgmestre et éclrcuins tient les registres tle
l'état-civil, publie et fait exécuter les décisions tlu conseil.
Le boulgmestre est seul char.gé de I'exécution des lois et
règlements de police; i[ préside Ie conseil.
Les conmtissaires et agents de Ttolice et let gard,es cltanpétres
sont chargés de veiller àu respect de Ia plopriété et au maintien
de I'ordre; ils tlressent les procès-verbaux qui constatent les
contravcntions.
Les commissaires de police sont nommés et rë,uoqués par Ie
roi, sur une liste préseutée par le conseil comrnirnal et fornée
tle deux noms auxquels le bour"gmestre peut en adjointlre un
troisième.
Lois dlectorales et revision constitutionneile. prévoyant le jour otr
-
leur æuvre ne serait plus en harmonie avec les aspirations du pays,
lcs constituants belges out ouvert et tracé la voie aux revisions
Tnltps IIIST, pÉRIoDE DE RoYAUTÉ; COliSrtruuonnnr,lu 825
-
nécessaires. Itais redoutanf les réformes irréfléchies, ils ont subor'
rlonné toute troclilïcatîon conStitutionnelle aux condit,iorts suivantes :
to Ll cltambre des représentants cléclarera qu'il y a lieu à rcvision.
La simple majorité suflit; 9o Cctte déclaration serâ srrivic d'une
dissolution dc lir chambre et du sénat; 3o Tout, changernent à la
constitution devm ètre voté t\ la majorité cles deux tiers, par I'une et
par I'autre chambre. '
Une seule fois depuis 1830, Ia copstitufion a éte modifiée par une
levision faite en {893. Le nouvel ar|. &7 attribue le droit de vote à
tout citoyen âgé de 95 ans accomplis et donricilié depuis un an au
noins rlans la mème commune. Un vote supplémentaire est attribué :
lo aux citoycns âgés de 35 atts, mâriés ott veufs, avec descendance
Iégitime et payant à I'Etat au moins 5 fralcs d'impÔt du chef de la
contribution personnelle sur les habitations ou bât,iments occupés;
?o aux citoyens àgés de 95 ans accomplis et propliétaires, soit
ri'imureublcs d'une valeur d'au moins 9,000 francs, soit d'une
inscription au grandJivre dc la delte publique ou d'un carnet
de rente belge à la caisse d'épargrte cl'au moins '100 fraucs de rente;
3o aux citoyens àgés de 25 ans accomplis a) porteurs d'un diplôme
d'enseignement supérieur ou d'un certificat hornologué de fréquen-
tation d'uu cours complet d'enseignement moyen du degré Supérieur;
à) occupant ou aylnt occupé une position impliquant la présomp'
tion que le titulaire possède au uroins les connaissances de I'ensei-
gnemcnt nloyen du degré supérieur.
l{ul rte peut crumuler plus de trois votes.
Diverses formaiitôs relatives à la composition des bureaux élec'
toraux, à la présentatiou des candidats, à la formation du bulletin
de vote, il la manièrc de voter et de dépouiller les bulletins sont
requises en vue d'assurer le seuet du vote et la liberté de l'électeur.
Le vote est ollligatoire; il a lieu à la commune.
Les partis politiques et la question sociale en Belgique. Pour bien
-
comprenrlre les tendances des partis qui s'agiten[ actuellemenf ett
nelgique, ilest indispensable de posséder quelqucs notions des
théorics gouvernementales et des systèmes d'orgirnisation sociale Ies
plus en fat'eur ou les plus discutés aujourd'hui.
Nous allons en faire un court exposé.
Ll rnÉonrn DU DRSIT DIVIN. Au Siècle det'uier, toutes les mOnar'
-
rihies sont absolues: orl ne reconnaît au peuple aucune espèce de
droits. Dans I'espril, clu grand llombre, le roi ne tient pas Son pouvoir
du peuple, mais cle Dieu. En conséquence, il gouvgrne selgn Stt
896 HIsToIRE DES BEtcES ET DE LEUn cryn.rsÀTroN

conscience et son bon phisir. Il n'est nullemcut :rstreint à se sou,


mettre aux décisions des assemblées leprésentatives et il ne doit
compte de ses actes à personne. Le pouvoir civil est intimement, uni
au pouvoir religieux. Le premier protège la religion; celle-ci défend
la royauté : c'est I'alliance du trône ct de l'autel. Bn toutes circons-
tances, I'intérêt rlos particuliers, leurs droits, les lois ct les coutumes
s'cffacent devant I'intérêt de l'fltat, toujours confondu avec celui du
roi. Â toul propos, on invoque la ru,ison d'Etat; par elle se justifïent
tous les actes des gouvernants; sous son couvert, prennent naissancc
la plupart des abus de I'ancien régime. Plus tard, sacriliant aux
nécessités clu temps, le roi donnera we charte èt, ses sujets, mais il
repoussera toujours we constitulrcn émanée du pcuple. Celte concep-
tion de I'idée gouyernementale fl reçu le nom de théorie ilu, droit diuin.
Ses partisans forment le parti absohr,tiste, qui se distingue surtout par
sort esprit de unseruation,
La théorie constitutionnelle.
- Le principe de la souveraineté
natiouale est la base de Ia théorie constitutionnelle qui a pour but,
non la conseruation, mais le progrès. Dans un état constitutionnel, le
chef règne par consentement de la nation en verl,u d'un contrat écrit
appelé constitution Il a des ministres responsables. f t rEne et ne
gou,aeTne pa,s.
Dans les pa-vs où triomphe cette théorie, il existe nécessairement
deux ou plusieurs partis :les consert)ateur.r, Ies libéraun, les radi-
t)&ut, qui eux-mêmes s'émiettent indéliniment.
Los conservateurs. Les conscrvateurs se rattachent essentielle-
-
nrent au passé dont ils défendent les idées. Eux-mômes se distinguent,
du moins en Belgique, en ultramontains eL en nt,odérés ott conseruq-
teu,rs constituti.onnels. Les premiers r;eulent la soumission absolue de
I'Etat à I'Eglise. Ils n'admettent ni le principe de la souveraineté
nationale, ni surtout Ia libcrté de conscience et des cultes. LeÈ
seconds composent avec les idées du temps et sépmeut la thise (la
théorie, I'idéal) de I'hypoth.ise (la pratique, ce qui est possible actuel-
lement).
Les libdraux. Le libéraux renient, avec le passé, toute attache
-
qui ne résulte pas de l'évolution naturelle de la société. Ils sou-
tiennent la nécessité, pour les peuples, de s'organiser d'après les
idées et les intérèts du présent.
Il existe diverses nuances de libér'aux qui, d'ailleurs, se distin-
guent moins par la différence de leurs programmes que par I'impa-
Tulrps Htsr. PÉnIoDË DE RoYAUTn coNsrtruttoNntll,lp 897
-
tiencc ou le degré d'énergic avec lequel ils en réclament la
réalisation
Les libérauæ dits doctrinaires forment la partie modérée du parti.
En ces dernières aunées, ort a donné le nOm de libérau,x pr1greE'
sistes aux libéraux qui tlcmandaient la revision immédiate de Ia
constitution, le suffrage universel (l) et le service militaire obliga-
toire pour tous.
Les radicaux.
- Le radinali^çnte comprend deux écolesprincipales:
le raditalisnte libéral eL le rndicalism,e autoritaire.
Les rad,i,cau,rc libérau,n veulent pour les ocitoyens la plus grande
ôtendue de liberté individuelle possible, avec la moïndre somme d0
gouvernement. Pirrtisans d'une forte décentralisation politique et
adminisl,rative, ils voudraient voir réduire à son minimum, en
faveur des poul,oit'slocaux, I'action dupouvoir central. Leur système
â pour principe essentiel la tiberté, Sous le nom d'aulonontistes, ils se
rencontfent un peu dans tous les camps politiques. Poussécs à leurs
denrières conséquences, leurs théories aboutissent ù l'anarchie (9),
la folme idéale d'une organisation sociale décentralisée.
L'anarchie préeonise Ia suppression absolue de toute espèce de
gguvernement et une organisation socialc dans laquelle les hommes
se distribueraient librement en groupes autotlomes, à peu près indé-
pendrnts les uns des autres, lloll seulement sul lc terrain philoso-
phique, politique et administratif, mais aussi sur le terrain industriel
ôt.o**etcial. Féclération économique, sans hiérarchie ni autorité,
telle paraît, êtrc la forme concrète de leur rêve. Leur but est donc la
réalisation de cette prophétie de Fichte, célèbre philosophe alle-
manrl : < Un jour viendra oir les hommes seront assez conscients
pour se passer cle tout internrédiaire gouvernemcntal dans leurs rela-
tions réciproques (9). >
Comme on voit, Ies anarchistes sont des libertairæ absohts.Ils sont
les adversaires ardents des collectivistes ou socialistes au,tori,taires.
Les anarchistes voudraient voir riisparaître toutes les institutiotts
sociales actuellemeut existantes, alin d'édilier ensuite' sur les ruines
universelles, un monde entièrement ttouveau. Pour arriver à ce but,
tous lcs moyens paraissent bons à certains d'entre eux; Ies plus vio-

({) te droit de suffrage est aujourd'hui I'un des plus appréciés et des plus
recÏârchés par les partis avancés qui le considèrent d'ailleurs, non comme un
Jrruf, mais comme vnmoyen.
(â) Auarchie : de c, privatif, n, euphonique, archà, autorité.
898 IIISTOINE DES BELGES ET DE LEUN CIVILISATION

lents sont les meilleurs : I'assassinat. la destluction des monuments


publics ou privés, I'anôuntissement des richesses sociales, etc., tout
est louable. Le romancier russe Tourguenef a donné à ccs tcrribles
sectaires le nom de ntlùlistes (le nihil, rien).
Il y a lieu pourtant tle distinguer le but, idéal qu'ils poursuivent,
bul, d'ailleurs encore assez mal défini, tout au moins pour les non-
initiés, dcs moycns odieux préconisés par une partie d'entle eux
pour I'atteindre. Ces morvens ne son[ en aucune façon inhér'ents i la
doctrine ({).
Les ratlicau,n auloritafres réclament au contraire, une forte ccntra-
lisation polil,ique, administrative et mème économique. Leur sysl,ème
s'inspire surtout du principe d'égalité. Pour eux, l'Etat a char.ge
d'âmes; par suite, I'intervention des pouvoirs publics doit, è[re, en
toute matière, Ia plus considérable possible: l'enseiguement, les tra
vaux publics,, les mines, I'agriculture,l'industrie, le commerce, etc.,
doivent relever de l'Etat. Les radicaux autoritaires demanderlt err
outre au gouvernemenl, dcs mesures protectrices pollr l'enfance, pour
les femmcs, pour les travailleurs. Le radicalisme autoritaire a pro-
duit les diverses nuances du socialisnte. ll
a pour conséquence
extrême le collectiuisnte.
Le collectiuisnte es| surtout une rloctrine éconornique. Il
veut
I'attribution des instruments et des produits du travail à I'Etat, à Ia
collectiuité. En outre, il vise la suppression de toutes les classes et, de
toutes les catégories sociales.
Sans poursuivrc la suppression radicale de Ia proprié|,é prir'ée, du
capital et de I'héritage, il réclame celle de tous les monopoles et de
tous les pririlc\ges; I'att,ribution à I'litat de la propriété et de la
direction exclusive de tous les grands servicus publics: routes ct
canaux, chemins de fer, postes, télégraphes et téléphones,cnseigne-
ment, etc.; la désindividualisation et la socialisation du sol, du
sous-sol et des instruments de production, par suite, pour I'Etat Ie
droit d'oxercer seul toutes les industr.ies et le soin de réparl,ir les

(l) Les dissentiments qui se sont élevés à ce sujet enlre les anarchistes ont
amené leur scission en deux groupes. On distingue aujourd'hui la catégorie
des anarchistes slh'uistes et celle des anarchistes indiuidualittes. Les premiers
sont des rèveurs qui poursuivent un liut, à leur avis humanitaire, par la pro-
pagande onale et écrite. Les autres, partisans de la propagande par Ie fait,
visent à réahser immédialement leurs aspirations au moyen d'une action
généralement violente et impitoyable. Les premiers sont, comme on I'a dit, la
force ntorale du parti I les seconds en sont la force tlgnamique.
TEMPs IIIST. PÉRIODE DE ROYÀUTÉ CONSTITUTTOXTIUIIN 899
-
fruits tlu tnrvail ertre les agents productcurs, à pruportion de la
capacité, tlrr tlavail et dcs besoins de chacun'
classes sociales. Le souverain. Le roi des Belgos est le type
- - dont il
accompli des souverains cotistitutionnels. Les pr'érogatives
jouit, assez cOlsidér'ables en al)pillencc, sottt rcstreitltes darts la pra-
publics par
iiquupar la nécessité dc fairc corrtresigner tous sos actes
les ministles. Ses droits tlc Se ]lolnent pas d'zrilleurs à I'exet'cice
du ;rouvoil exécutif. lls s'étendent à toutes les sphèr'cs : au
tlomaine législ.atif, par le ch'oit ri'initiatit'e, dc sanction
ou dc refus
de salction fles lois et pirr celui fle convocation,{'itjournemctrt
ou de
dissolution dcs cltamb,"rr; tu domainc judiciaile. par I'exér:tltioll des
ct cotnmunal, par le dIoit, dc
acl,cs ct arrêts; au dornnine lllovittcial
e[
sul,vOiller ct d'annuler cet'taius actes des cortscils ltlovinciaux
commulraux.
public sottt
Le clergé.-La libertÔ des cultes et celle dc leur cxercice
tlu
galaÙties par la constitutioil. Le clc|gé est abolumen[ indépertdartt
[ouroir cilil bien que I'l)tat ait i\ sa cha.ge cet'taittes tlépeltses

all'ectcestux ctrltes. lttais I'llta[ tl'intelvient, ni datts la nomination


des milistr.es 4u culte, ni duns leurs lapports avec leur
sulrér'ieurs,
rles faits
Di tlans la publicirtion des actes de ceux-ci' sauf réprcssion
délicl,ueux.
plivilèges
clergé catholique. Le clergé cutholiquc ue possède plus de
politiq-ues ou civils, mais son influeucc mr.rt'ale clemeurc
extrlordi-
uailc en Belgique.
Les prôtrcs tratholïques, comnre aussi ceux des divers cultes
garde
d,ailleurs, sont exempts du set'vice militaire, du service de la
civiqrte et, dcs fottctiorrs ttc jur'és judiciait'es'
L'aclministration du culte catholique est répartie' en Belgique'
entle sr,# diocèses : cirtq éutchés et ttn arclrcuêchë don|
le titulaile est
primat du PaYs (l).
Lcs diocèses sont divisés en doyennis, diligés cltacun par un
slltcur-
iloyen. Les doyennés sont eux-mèmcs subdivisés enparoi'sses,
saiæ chaltellæ. Ccllcs-ci sortt dcsservics par dcs arris,
assistés au

besoin"l, d,e uicaires, par des desseruants ou pal' des clwpelains.


Les

({) L'archevêque est assisté par trois. vicaires-généraux' un secrétaire et


'6l,aque évèque cst:également assislé rle deux
un chapitre de douze ;ùr*i;;
pt irn chapitre de huit chanoines. Il y a' au
vicaires-généraux, uo .e..eitite
siège deihaque évèché, un grand séminaine'
830 HrsrorRu DES BELcES ET DE LEUR crvrllsATroN

oratoiræ, dans les hospices et les maisons de détention, possèclcut


des au,nûniers.
c'est l'évêque qui nomme à toutes les fonctions ecclésiastiques dans
son diocèse. Toute institution de cure, succursale ou chapelle, avec
attribution de traitement,, doit être autorisée par une loi.
L'administration temporelle, en chaque cure 0u succursale, est
confiée ù un collège de
':inq à neu,f membres, comprenant de droit
le bourgmesl,re et Ie curé : c'cst le conseil de fabrtqtæ et bureau, des
marguillers, à qui la loi reconnaît la personnilication civile.
Le clergé cal,holique régu,Iicr se compose de corporations qui ont,
pour caractère d'être enseignantes, charitables ou simplement,
pieuses.
Les corporations catholiques se sont extrêmement multipliées crr
Belgique depuis une cinquantaine d'années (l). cela tient sans doutc
en partie à I'expulsion des congrégations religieuses de l'Allemagne,
de la France et de Ia Suisse.
clergé proteslant et clergd iuif.-Ni Ies protestants ni les juifs ne sont
nombreux en Belgique. Les prètres protestants (anglirans ou éuange
liques) portcnt, le nom de Fas1sl1rt ou de ninistres. Il n'existe point
chez eux de hiérarchie. Les prêtres juifs s'appellent rabbins. Les
traitements des ministres du culte protestant ou du culte juif sont,
comme eeux des prêtres catholiques, pa1,és par I'E[at. parlant des
édifices affectés aux différents cultes, on dit,: les églises catholirlu,æ,
les tenryles pro s, les sy nagogues ju,iues,
l es t an t

La noblesse. La noblesse n'existe plus en Bergique, ni commc


corps politique- ni cornme castc fermée. Les titres clc noblcsse sont
purement honorifiques.
Les grades de chevalier, d'officier, de conmwndeur, de granil_ofi,cier,
de grand-cordon, donnês aux membres de I'ordrc de Léopold, ne
sont pas à proprement parler des titres de noblesse. Ils sont d'iril-
leurs personnels.
La bourgeoisie. La Révolution de l?8g, cn émancipant le peuple,
-
assura particulièrement la prédominancc de la bourgeoisie. En
'Belgique, I'ancienne noblesse, la nouveile et Ia bourgeoisie, consti-
tuaient, récemment eneore, ce qu'on appelait les clossæ d.irigeantes.

({) Au nombre de 119 en .1846, eyec une populalion de {{,849 indivirlus,


elles élaient au nombre de 1643 en 1890, avec une poputation de 80,098 per-
sonnes.
TEMp.s HIST. PÉRIoDE DB R0YAUTÈ co}lsrtrurtoNunr,Ls 831
-
La bourgeoisie dominait, pirr le nombre, les classes dirigeantes.
pas facile de déterminet'exactemenl, ce qui sépare
Il n'est d'ailleurs
la bourgeoisie du peuple. C'est tout autartt I'irtstructiou et l'Ôducation
que la fortunc. ITtais celle-ci procure plus de moyens d'acquérir
celleslà.
Le peuple. Le peuplc ne forme donc pas une mste à part'
-
Aucune classe sociale ne lui est fermée et,l'ou voit tous les jours des
hommes sortis du pcuple se faire, grâce à leur travail et, à leur
mérite, une place distinguée au sein des classes supérieures.
La démocratie. Pirrtout, autrcfois, la société était aristocratique .
À côté du bas
-
peuple, serfs des ctmpagnes ou artisans des villes, il
existait des privilégiés: rois, nobles, prêtres, bourgeois, etc' La
Révolul,ion flançaise a jeté les fondements de Ia'. démocratie par
I'application de sa belle clevise: Iibertë, égalité, fraternite! lllais
cel.tûins partis democratiques trouvent que les principes résumés
dans cette devise tt'out pas jusqu'ici assez profondément pénétré
I'organistne social. Considérant l'égalité comme le premier et le plus
irnportant de ces principes, ellc poursuit nou seulement l'égalité des
classes et celle des rangs, mais elle denrande à voir la situatiort cle
chaeurt rlans la société reposer sur le mérite pefsoDllel' llo[ Sur
les hasards dc la rtaissâncc.
La question eociale. Âu rnoyen âge, il n'existait pas de grande
industrie. Le patron
- occupai[ deux ouvriers, trois au plus, y
compris ses apprentis. Il travaillait avec gux et il n'y avaiÛ pas de
distince sociale bien sertsible entre scs compagnotts de fravail et lui.
D'ailleurs, le plus grand nombrc des ouvriers devenaient eux-mêmes
patrons. lin génér'al, les uus et les autres vivaiertt, à I'irise, sinon dans
I'opulence, à la faveur de règlernents tutélaires qui protégeaien[ les
corporations et Ies industries.
Survient, au siècle dernier, la llér'olutiol française, qui supprime
les colporations et proclame la liberté intlustrielle : la grande
industrie nait aussitô[. Sans doute, depuis, les progrès matériels ont
été rapides; ilais, en tnème tentps, le perfectionnement des procédés
tle fabricatiou et surtout I'inventiort des nrachincs a, de plus en plus,
réduit I'importance industrielle de I'ouvrier. De nos jours, I'ouvrier
tl'est souvent lui-même cltt'utte simple mathine, un autOmate salarié.
Àussi vit-il au jour lc jour, r,ien ne lui garantissant, le travail du
lendemain, car il est trop vite fait rte le remplacer. D'ailleurs, I'impré-
ïoyance naturelle dc I'outrig} I'enrpêche trop sout'ent de se garantir
839 IIISTOIITE DES BELGES DT DE LEUR OIVILISATIOI{

crr ternps utile, par des privations et des écononrics indispensables,


contre les incer'[il,udes de I'at'crtir.
Àu conl,raire, le rôle du patron capitaliste, du directcur cl, dcs
ingénieurs dans les exploitations indust,ricrlles a, comme lcur concli-
tion sociale, pris une imtrtortance de plus en plusgrande et mis entre
eux et I'ouvlier une distance rendue plus sensible encole par lu
supériorité de I'inst,ructiou et de l'éducation. Â la r'érité, I'ouvricr
est générllenent mieux nourri, mieux vètu, mieux logé qu'autre-
fois; mais! comme il est aussi plus inslruit, il sent plus vivement
son infériorité, Ia pr'écarité de ses l'essources ainsi que sa misèrc,
0n donne Ie nom de prolétariat u I'cnscmble des classes
ouvrièrcs. Lc prolétariat compreud donc, outre les ouvriers d'in-
dustrie, Ies arl.isans travaillant à leur compte et, les otrvriers
agricoles.
Les difticultés de la lutte pour I'existcnce ont ameué les prolétaires
I réclamer des réformes qu'ils estiment propres à améliorer leur
s'est, ainsi fornté, dans leur sein, cle nombreuses associations
sort. II
qui font. depuis une trentaine d'années, entendre dc menaçantes
revendications.
Les travailleurs (on désignc ainsi, daus les milieux ouvricrs,
les artisarrs manuels de tout genre) réclament notamment unc
r'épartition plus équitable des fruits du trrvail entre les trois grands
facfeurs de la production et de Ia richesse, le. capital, l'intelligence
et le traaail tnuscu,lnire. Leurs revendications sont-elles légitrmes et,
le cas échéant, dans quelle mesure et sous quellc forme convicnt-il
d'y faire droiû ? Âinsi se pose la question sociale.
'Le sociatisme.
- 0n sait qu'il existe deux grandes écoles d'écono-
mie polil,ique (l). L'uno, dile liberale, orthodoæe ou rJe Manchaster, a
été d'alrord préconisée en cette ville par l'écortomisle lliclmrd
Cabden 191. Elle préconise la liberté absolue du commerce e[ de
I'industrie.

(l) Ne pas confondre l'économic sociale el I'êconomie politiquc. Celle-ci est


une division decelle-là: << L'économie politique, dit J.-ts. Say, est la science
qùi montre comment la richesse se forme, se distribue et se consomme D.
< t'économie sociale est l'ensemble des lois qui régissent la société et ses
intérêts. Présentemeut ,ces lois reposent, par essence, sur le mariage et h
propriété indivirluelle r>.
(2) AdanSmith, un Anglais qui vivait au siècle dernier, avait déjà dêfendu
les mèmes idées.
Tnlrps trrsT. pÉnroDg DE noyAUTÉ cosstrruuomirlln 833
-
Voici un résumé de la doctrine.
Lc progrès industriel nait fatalement de la lultc entr.e I'offr'c et la
demaude, cette lutte est réglée par des lois naturelles. Ne protégez
tti I'industr'ie, ni le commerce : ils seron[ intéressés à mieu.r faire et
à produirc à meillcul rnar'ché. Llissez donc à chacun ct, à tous la
liberlé alrsolue de fabriqucr.et dc yendre. Lnisset faire,, lnisse.t, passer,
telle est la devise de l'école. suivant, elh:, il n'existe pas de rJuestiorr
socialc, mais une série de questions économiques. Aplrliquée à la
polil,itlue ct pousséc à ses dernièr'es consôquences, cettc t,héorie
aboutit, à I'anarchisme (Voir plus haut).
L'arrtlc école, di\c écolc lûstot'trlttc ot rtiuliste, nô croit pas indis-
pensable la ploduction d'une nouvcllc quantité dc richesscs. Une
mcilleurc répartition dcs r'ichcsscs actuellement produites suffirail
à rendre tout lc mondc aussi heurcux qu'il est possible de I'titre au
scin d'urte société hunraine. llliris ellcs sont mal rôpar.tics : de là, la
qucstion sociale qu'il firut, se préplr.cr a résoudrc. Pour y al,river,,
I'interventiort dc l'litat cst ni:ccssairc. Cclui-ci tloit étrblir des lois
réglant, cntre les capillrlistcs ct les travrillcurs,la distribution dcs
fruils tlu tnvail.
Cettc thèsc a trouvé des défenscurs cout,aincus en ccrtains pro-
fesseurs des universités allemartdcs, tl'oir le norn de socialLsme de la
chaira donné à I'ensemblc dcs doclr.ines qui en découleut.
Voyons ce que ces théories ont ltrodui[ dans la pratiquc.
Les parlageux. Ccux-lii demrrndent, le partage pur et simple dcs
-
biets. Seuls, les esprits glossiers et sans culture ont pu admettre
pareillc abelration. Aucun clrcl d'ôcole socialistc nc songe d'ailleurs
rctuellcmcnt à défendre unc rloctrine aussi absurrle. Inul,ile donc dc.
s'a[talder à discuter une théorie inexistante.
Les socialistes français. (Srrints Simouiens et Fouriéristes). Le socia-
lisrne s'aflirme pour la prernière fois, comme doctrinc gouvenlemen-
tale, en Flance, lors dc la révolution de févricr 1848. Âuparavant,
il avait paru dans ce pays deux chefs d'école dont, les dôctrines sont
iltéressantes à connaître. La doctrinc des Saints-simoniens (de leur
chef Saint-Simon) se résunrait dans cette formule : ù, cltqcu,n selon so
capacité, ù, chaqu,e capacité, sttitutttt Ees æuures.
Le fouriérisme(du réformateul Foulier) poussait plus loin encore
le culte de l'égalité et sa formule était : it, clmcu,n nduant ses ôesodns
La base du système de Foullier était I'lrarmouie et le scntiment. Si
I'ort donnait ù chacun, disaibil, une occupation conforme à ses apti-
V. ltirsuet. - Histoire dæ Belses. 5t|
834 HISIoIRE DEs BETGES El' Dll tEUn cIvILISÀTIoN

tudes et à ses gotts, toutc chose se fcrait rnieux. Nos vices ont leur
source clans notre mauvaise organisal,ion sociale. Lorsque celle-ci
sera bonne, le vice disParaitra.
Fourrier préconisait la vie en commun, dans des établissements
nommé phnlansttiræ.
À la même époque, se firit jour la théoric du d,roit au, trnaail. Elle
afiirme, comme un principe hors tle discussiolt, le droit des ouvriers
au travail. En application de ce principe, le gottverment républicain
Ogvre des otcliers nntionnur. L'cssai n'est pas heureux. L'Etat doit
bientôt fermer ses ateliers, après avoir dépcnsé, Sans résull,at appré'
ciable, des sommcs considérables.
Le socialisme, dont nous vençns de parler, tielt peu tle comptc
rles faits et de la naturc humaine; il est particulièrement l-iasé sur le
sentirtrcnt et s'étai[ surtout répaudu en Francc, il y a utte cinquan-
trine d'années.
Les socialistes allemands. Le socialisme allemand prétend
- scientifique
offrirun c;rractère à la fois plus et plus pratique. Il part
de la loi suivante, formulée pnr les écononmistes Âdam Smith et,
Ricrrdo : < Les richesses sont urriquement le produit du trayail;
la valeur des objets vient du travail nécessaire pour les produire. Lc
capil,al est donc eu lui-même sans valeur >. S'empat'ant de cette loi,
Karl Marx, célèbre socialiste allemand, en tire la conclusion ci-après :
< Le capital est du travail mort, qui, pour se vivilier, succ, comme
uu vampire, du travail vivant. Tout le bénélice résultant du travail
eloit rcvenir aux seuls ouvricrs >. Lasalle, autre socialiste allemand,
dénonce, d'autre pari, la loi cl'nirqin du, snlaire, dôjà adrtrise par
les aneiels éconOmistes et formulée notamment par Turgot: << L'ou-
vrier, écrivait cc dertlier, vend son travail à celui qui emploie ses
bras et celui-ci pâye ce travail lc ntoins cher qu'il peut. A raisort du
grand lombre dcs travailleurs, .l'ouvrier est obligé de réduire de
plus e1 plus le prix dc sa peine. Par suite, il arrive inévitablement,
que ron salaire se borne ir ce qui est strictement néccssaire pour lui
âssurer la
subsistance. ))
Ainsi I'ouvrier a beau travailler: daus I'orgarrisatiotr présente, il
peut gagner le strict nécessaire pour ne pas mourir de firim, mais
rien ou delà. Àctuellement, c'est le capital qui absorùe la part
léonine des bénéfices. Telle est la loi d'abnin du salaire. tc 0r, di[
Lasalle, Ce ne sont pas les travailleurs qui devlaient être au service
du capital, c'est celui-ci qui devrait être au service des travailleuls >.
Les coalitions de patrons et les grèves d'ouvriers. - Cette situa-
Tnnps Hrsr. ptsnroDE DE RoyAurË colrsrrturtonnnlln 83ô
-
tion rcspective du capital et du travail ir détermirté entre eux un
arttagonisrne plofond. De là, les grèues des ou,uriers el, les coaliti,ons
dæ patrons. La loi d'airain, r'ésultat tle l'ofii'e et de lo demande de
trauail,, règle le prix des salaires. S'il 1' a tbondance d'ouvriers, les
patrons peulcnt réduire, comme ils veulent, Ie taux des salaires,
surtout s'ils s'entendcnt, c'est-à-dire s'ils fon[ la coaliti,on des palrons.
Ilfais les ouvricrs pcur'ent églemerrt, se rnettre d'accord pour refuser
de travailler r"r urt moment donné ct sc nrettre cn grève, en vue de
forcer les patlons à relcver ce tilux tlcs srrlaires.
Le <lroit tle se mettre en grùvc est recoruru flux ouvriers par la loi.
ll leur es[ natnleilement intelrlit. soit d'attenter a la liberté du tra-
vail de leurs cornprglrons, soit de détruire chez leur patron les
htstrumeul,s de travail.
Les trade's-unions. L'association inlernationale deg travailleurs.-
De temps immérnorial, il existc en Angleterre des associations
d'ouvriers industriels ou agricoles rppartenant à toutes les régions
du pays. Lcur objet, est de prépalcr et cle soutenil les grèves cn vue
d'obteuir', soil unc augmentation de srhire, soit une réduction des
heures ou unc limitation de la journéc du travail. Ces associations,
admirrrblemeflt organisées pour h luttc, inspirèrent sitns doute
I'idéc d,e l'Associntion internrttionale tles lrutoilleurs. fondéc en 1865.
Cette vaste et, redoutable association avait pour objcl d'as-
socier et tle solidariser les ouvriers clu nronde entier. le produit, de
cotisations périodiques devait permettr.e I'orgatisation e[ le soutien
de grèves locales, eu fournissant aux grévistes, soiù des vivres, soit
de I'argettt. Plus tard, l',Irrlernationule propagea les idées collecti-
vis[es en pr'écortisant lar supplessit-rn tle lir propriété iudividuelle fon-
cière. gs1 ohef principal é[ait Iiar I ]Iarx. Cctte assoeiation tomba vers
tt874.
Pour lo moment, les ouvrie rs poulsuivent surtout la réalisation de
ccrtaines réformes politiques, eonsiclérées l)ar eux comme les seuls
noyens prélirninaires capables d'rmencr I'amélioration de leur sort.
C'est ce qui expliquc la ténacité avec laquelle ils ont réclamé le
suffrage universel. Ils demandent aussi. un peu partout, la journée
lI de huit hcures, qui leur permettrait de réaliser cet idéal : huit
heures de repos, ltuit heures de travail, huit heures de plaisir (ce
t1u'ils appellent les troæ huit).
Le l.' mai tend de plus en plus à dcveuir un jour de fête universel
pour les l,ravailleurs,
Emancipation soclale, civilo et politique de la fcmme. La Révo-
-
836 ilrs'r'olltn DES IlELcEs ET DE LEUn clvlLlsÀîIoN

lution françaisea amené partout I'abolition de I'esclavage c[ du ser-


vage. Àujourd'hui,tous les habitants mâles des pays civilisôs jouissen l,
au moins de leurs droits civils.Ils possèdent mêmc généralement, sau f
en quelques cgntrées et à certaittes t'estricl,ions près, leurs droits
potiliqucs. ltais des réclirmations trouvclles Se fon[ entenclre, dont
i'otlje[ est l'émaneipation économiquc, civilc et politique de la'femmc.
Plusieurs professions, telles quc celles de ntûlccitt,, pharntacien,
anptnyé dæ posta, télegraphæ et" telqhones, lui sont dejà accessibles.
I)'aucuns voudraient voir la femme acquérir Ie droit, dc suivre lcs
cours de toutos les écoles publiques, alin de lui permettre d'arrivcr
à toutes les profcssions (égalité sociale ct économique). Ils vou-
draieut lui accordcr, conme tt I'ltomme, la libre disposition tlc
ses bier)s e[ dc sa liberté (egalité eivile) ainsi quc les droit de lote ct
d'éligibité (égalité politique). Dès 1886, lold Salisbury, présideut du
ntinistère anglais ac[uel, exprinait I'intentiort dc sltisfaire, clu
moins partiellement, aux reverldicatiorts des fcntmes anglaises. tl
songeait ntôntc à aceorder l'électora[ à certaines catégolies d'cnl,t'c
elles.
***
Il résulte de I'exposé qui précède que les socétés ltumaines, eu
progressant, ne cessent de se transfot'ner. Plus éclairés ct pltts
sages qu'autrefois, les gouvernements et les peuples s'accordenI
aujourd'hui à recorrnaitre que I'trumanité ne pcut, ui demcurer immg'
bile, ni précipiter par des révolutions brusques et violentes soll
ér'olutîon rtaturelle. Dcs Iois, rigoureuscrnent scien[iliques, mal
déterminées encore, président sans doute à cette marche etr avant
Ters un etat idéal, et ce n'est pas impunémen[ que les peuples
ou leurs chefs les méconnaissertt. Aussi dans les pays de suff'rage
universel, rien ne peut'il excusel' ni utr coup d'Ettt,, ni unc révo-
lution.

TITRE V
Instltutlonr judiclalnes.
Droit des genr.
- Le dloit des gcns tt'cst, etl sonlme que I'applica'
tion du droit nuturel aux relatiorrs des peuples : De pas faire à autrui
ce que ngus ne voudrions pas qu'il nous fit, le traiter à I'occasiou
comme nous youdrions être traités en pareil cas, tels sont les grands
TEllps IIIsT. PÉnloDE DE noyÀuTÉ COXSnrurIolitçsLLu 837
-
principes à suivre dans les rapporl,s dc pcuple il peuple comme
darts lesrappolts d'individu à individu. Lc tlroit des gens a fait do
grands ptogrès depuis cinquante ans. Yoici les règles lcs plus
importantcs qui lc régisscnt aujourd'hui :
l,o En tentps de paùr.
- Principaux devoirs réciproques des
nations : observer les traités; tenir pour inviolable la personne des
ambassadeursl s'abstcnir de tout complot contrc I'existence des
autles goulernemcnts; respectcr leurs dr"apeaux et pavillons; pro-
téger lcs él,mngers; accordcr I'extradition dcs crirninels dc droit
commun ; r'cspectcf lc droit de chaque peuple ù se gouverner comme
il I'entcnd, pourvu l,outefois que cc dloit, ne porte pas atteinte à la
liberté égirlc cles autres nations, etc.
2o En temps Je guerrc. La Conuention de Genèue (1867), admise
-
par toutes lcs nations civilisées, détermine les devoils des belligé-
rants. Elfc prescrit unc dëclaratian dc guer're,, solennelle et préalable;
la protectiort dcs ambassadeuls ; le respect des personnes noll
militaircs et des soltlats désarmés; celui des parlementaires, des
villes ouvertes, des vaisseaux marclrands ; I'intcrdietion de la course;
la limitrtion du droit de blocus aux seules conditions en dehors
dcsquelles il serait inefficacc. Parexcmplc,on ne peut,par le blocus,
empôchcr I'entréc et la sortie dcs navircs portant des voyageurs,
tlcs balqucs dc pôclreurs, ctc.
La Convention impose aussi de respecter le personncl de santé
militaire, les ambulances ou la partic du matériel marqué tle la croix
l'ouge. Tout blcssé recueilli tlans une maison la protège et I'exemptc
des logemcnts militarires. Les blessés des dcux nations sont, I'objet
dcs rnèmes soins. Délensc est, firitc d'cmploS'er les balles explosibles
et les engins cmpoisonnés; cl'cmpoisonncr les fontaines ct les provi-
sions dc bouche. Lcs prisonnicrs dc guerre doivent être bien traités.
Un rcçu dos objcts enlcvés sera rcmis à la suite de tou[e réquisition.
Le plincipc dcs nationalités, qui s'est surtout affirmé à partir de
1848, vcut qu'on nc puissc disposcr d'un peuplc rnalgré lui. Dn vertu
de ce plincipc, une vingtainc cle pcuples sont palvenus, en ce siècle,
à se constituer cn nations librcs. Il a, cn quclquc sorte, changé les
conditions de I'equilibrc européen. Tirntlis que I'Italic et l'Âllemague
monl,aicnt au râllg de glandes puissances, la France descendait, pour
ainsi dirc au secontl rang ({).

({) Elle s'est toutefois merveillousement relevée depuis.


838 Hlsrolnn rlES IIELGES ET DE LEUII cIYILISATIoN

Les cortgrès et les confér'Cnccs, espèces d'ateopages formés par lee


délégués des principalcs puissanees, ont aussi'coutribué, dans une
large mesure, à développer le scntiment du droit des gens; par suitg,
ils ont augmentÔ les chances de paix générale. La conférence de
Londres,en 1867,a ernpèché ll guerre d'éclater à cette époque erttre
la France et I'Allemagne. De mème, une guerre irnmincnte entre la
Russie d'une part, I'Angleterre ct I'Autrichc de I'itutre, a été cort'
jurée par le congrès de Berlin, cn 1878. La conférenee, tcnue à
Bcrlin en 1885, a introduit flc nouveaux principes duns lc droit
colonial.
Le devoir des neutres est de lespecter leur neut,r'alité cn s'abste-
nant eux-mêmes de tou[ actc d'hosti]ité a l'égard dcs autres ttations.
Leurs droits ne sont ntalheureusemen[ pas ellcore bien déterminés.
Cependant, en 1878, lors de la guerre elltre la Russie ct la Turquie,
la neutralité du Danube a étc respectôe. Cclle du canal de Suez, de la
Belgique et dc la Suisse lc scraient-clles au cas d'une guerre géné-
rale? C'cst ce qu'il s6ait difficile de prévoir et léméraire d'affirmer.
Relations internationales. Diplomatie. Chaque Btat entretient,
- -
auprès des gouvernemettt,s étrangers, des envoyés appelés ambassa-
deurs, ministres plônipotentiaires, chargés d'affaires, ctc.' qui ont
pour mission de le reuscigner sur les faits politiques importants par-
venus à leur conttaissance, de vciller à la protecl,ion de leuts com-
patriotes, enfin de traiter, crr soll nom, avec lcs gouvernements
auprès dcsquels ils sont accrédités.
Le rôle de la diplomâtie est, cl'ailleurs moins important aujourd'hui
qu'autrefois.
' Consulats.
-Les gouvernements ollt encore, tlans lir plupart cles
grartdcs villes étrangères, des agettts, nommés consttls, munis de
pouvoirs plus ou moius étendus. La principale obligation des consuls
es[ de protégel., dans l'étendue de leurs juridictions, les nationaux
et les intérê[s du pays par lequel ils sont acmédités.

- Il
Droit public. ll'y a, en Belgique, qu'tttte loi, qtt'un
poids, qu'une ntesut'e. La sournission de tous au mêlne pouvoir
judiciaire est I'un tles caractères fondâmentaux de notre droit
public, déterrniné : {o pâl' la constittttion; 9' par les lois; 3o par
les arr'êtés, règlements, et ordonllances.
Resté eu vigueur en Belgique, le code français a été modifié
dans plusieurs de ses parties par le pouvoil legislatif.
TEIIIpS IIIST. pÉRIoDE DE RoYÂUïÉ consrtrurtoNllulln 839
-
Laurent, Faider, Thonissen, Nypels, Bara, Le Jeune, Edmold
Picartl sont les noms des légistes belges les plus éminents dals
la période contempol'aine.
Tribunaux. 0n distingue en Belgique plusieurs catégories
-
de tli brr nau x . Les tri bun au x or d,in'uir e.s, les tribu n :d:ux rnil itair es,
les tribunaux tle clnmleTce, les cortseils de ltrud'honurees, les
cl,rseils cte d,isciplin'e de la garde ctui,qw, elc.
Tribunaux ordinaines. Les cilconscriptions judiciaires
des tribunaux ordinaires
-
sottt :

{o Le canton d.e justice de ltain avec un tr.i,lttum'I dit de $mple


policeen matière répressive , de iusticc de pain en matière civile.
Il y en a en tout 9t7. Les juges de paix sont inanovibles et
nommés par le roi. En rnatière civile, ils cherchent à conciliel
les parties ef statuent sur les contestationstlepeu d'importance.
En nratière répressive, ils jugent les faits quali{iés contrauen'-
tiorts,c'est-à-dire passibles tle peiues tle police. Ils sont assistés,
quantl its jugent en matière répressive , ùa cornmissaire tle police
ou du ltou.rgmestre de la localité oir ils siègent, faisant office
ùe ministère Ttublic. En toutes matières, ils sont assistés d'un
grelïiel. Enfin, un huissiel est attaché à chaque justice de paix'
2o l,'arrond,issement jucliciaire, avec utt tribunal dit de Ttre'
'm,ière instance. Le tribuual tle premièr:e instattce juge en
prernier ressort la plupart des causes civiles qui lui sort
soumises. Il est juge d'appel pour les affaires tle justice de paix
qrri sorrt appelables. Et mntière pûmlL le tribunal de première
iustance prend le nom de tribunal correctionnel et plononce SUI
les faits qualifiés d,titits, En cette tnême mat'ière, il revise en
âppel, les décisions des tribunartx de police. Il y a 26 de ces
tribunaux en Belgique, dont les iuges, uotnmés par le roi' sont
inamovibles. Egalement illamovibles, leurs présidents et vice-
pr.ésitlents Sgnt aussi nomméS par Ie roi, rnais sur deux
lirtu* doubles dressées pa1 Ia cour d'appel et par le conseil
provincial.
840 irrsl'ornn Dns ûELGEs nr IIE IEUR ctvrLIS,\TroN

Les tribunaux ciulls tle prernière instance sont composés de


trois juges au moins. Quand le personnel d'un trillunal
'comprentl
ser juges, il est divisé en deun chambres ; en trois,
s'il se compose de neuf juges, etc.
Le personnel des tribunaux tle premièr'c insrance cornprend
encorc : a) Ies officiers tlu, ntinistè,re public : le procureu,r tlu
rui et le sultstitruf. Nommés et révoqués par lc roi, ils sont,
chrrgés tle veillcr à I'exécution des lois et jugements, de recher-
cher tl'office les inflactions aux lois pénales e[ tl'en livrer les
arrteuls à la justice; b) Ie juge d'instrtrctiora (rnagistrat chargé
rle lechercher les crimes et les délits, de fhile amêter les pré-
rcnu.s, rle recueillil les preuves relatives à la cause); c) les
officiers ntinistériels : gre1frers, auouës (dont Ia fonction a sur-
tout pour objet la procétlure : leur intervention est exigée pau
Ir loi), lrui,ssiers (particulièrement chargés tln selvice flux
audiences, de signifier les pit'rces et d'exécuter tles jugernents) ;
rl) enfin les q,uocats, qni airlent les parties tlans la tléfensc de
leurs causes, mais dont I'interveution n'est pfls toujours
obligatoire.
3o Ln prouince, fl\'ec une cout' d'assises. La cour tl'assises
cbnrprend : a) le jury qr.j, formé ùe dome citoyens tlésignés
par le sort, se prononce sur le fait et juge si I'accusô est cou-
pable ou llou; b) la clu,r, formée de mlgistrats chargés
rl'appliquer la peine si I'accusé est coupable, tle I'acquittcr s'il
cst innoccnt.
4o Les resslt'ts de caur d'appel, au nombr.e de trois : Gand
(pour les denx Flandres); Brurelfcs (pour Anvers, le Brabant
ct le Hainaut)ec Litige (pour Liége, Namur, le Limbourg et le
Luxembourg). Les juges des cours d'appel, qui portent le nom
ùe canæillels, sont nommés par le roi sur deux listes tloubles
de candidats présentées, I'une par la cour tl'appel elle.rnêne,
I'autre par I'un des conseils provinciaux du ressort. Ils nomment
seuls leurs présidents. Auprès des cours d'appel, il y a encore
ÏI'}IPS.HIST. PÉNIONE DE ITOTAUTÉ COI{STITUTIOI{NTI,LE 84I
-
les Ttroatreurs génél'mm, les nuocnts tténdraun et les su'bstitttts
dtr ltroctn'eu,r génû',ruI, qui composent le ministère public. Les
cotu'$ d'appel revisent, s'il y a lieu, les jugements t'endus par
lcs tlibunaux tle preruière instlnce et, de commerce. Ellcs sta-
tuent aussi, colnme juritliction tl'tppel, en rnatière de milice et
en matiêre électoralc.
5o Ll Belgique toat entièr'e t'essortit à la cou,r de cassution,
trilrunal suprêrne siégeant â Bruxelles. Les membres de la cour
sont nomntés par le roi sur deux listes doubles, présentées
I'une pal la cour', I'aulre par le sénat (t). La cour tle cassation
complentl aussi un procul'eur général et deux avocats génét'aux,
rcprésentant le ministèr'c public. Sauf le cas tlu jugement des
rninistres, elle uc connatt pas tln fontl des affaires elle se :
i
bornc r'ôrifiel si, rlans I'examen de ces affailes par les tribu-
nilnx, lcs folmes irrtliciaires ont étÔ rigoureusement observées,
si les lois n'or:t pas ôté violées.

- Ils conprcnnent sept conseils de


Tribunaux mililaires. guerre
qui siègerrt au eltcf-licu de la provincc oir ils son[ établis eL une cou,r
militnirc siégcaul, u Bruxelles.
Lrr plovinec dc Luxcrnbourg ressortit au conseil dc gucrre de
Nàmur, cellc clc Litnlrourg au cotrseil de guerre de Liége. Lcs cottseils
dc gucn'c jugcnt lcs eontravcutious, délits et crimes commis par des
militaircs jusqu'rtu gradc dc capitaine inclusivement.
Lcs ofticicrs donl, lc gradc est supérieur à cclui de capitaine c[ Ies
appcls rlcs scntcrtecs tles conscils de guerre sont jugés par Ia
cour militarrz. Scpt memltres (y eompris lc présidelrl), assisfés d'un
n1tlitcu,r mililnire ou tlc sort strppléant (représentant le ministère
pubtic) conrposcnt lcs cortseils de gucrre. La cour militaire es[
rssistéc rl'utt nurltilcur gr;niral et d'uu substitut. Ellc sc compose de
rtrultrc ofliciers génÔraux ou supérieurs et d'un consciller à lir cour
d'appel, président.
Tribunaux de commerce ou iustice consulaire. CcS tri}unaux,
-
atr rrombre ùc l&, jugcnt cn première instaltcc lcs contestal,ions

({) 0n voit qu'il reste quelque chose-, mcis peu .{9. c!9ser du principe révo'
lut'ionnaire comportant la nomination des juges à l'éleetion.
8{9 rrrsl'otnn DBS I}EtGEs ET DE LEUn cIvILISA't't0}1

rcrlatives aux irctes réputés eonttuerciaux par la loi. Les appcls de


lcurs sentences sont jugés par lcs cout's d'appel si la valeur tlu litige
dépassc 9'500 francs. Les membrcs dcs tribunaux de commerce,
nommés par' élection, choisis par lcs commerL)ants cl parmi eux,
cxercent leurs fonctions glatuitement'
Conseils de prud'hommes. Leur objet, est de jugcr les contesta-
-
lions qrri s'élèvcnf, cntlc les out'ricrs ct les chefs d'industrie. Ils sont
éius', rnoflii par ceux-ci, rnoitié par ccuxJà, el, renouvelés, également
çtat moitié, tous les lrofu ans.
Corseils de discipline de la garde civique. Ils jugcnt les infrac-
-
tions aux règlcments e[ aux lois sur Ia garde civique. Lcs fortctiorts
de rninistèrc public soltt rernplics prr un ofi'cier rnpporteur.
Procédure. Nous possédons crt Belgique de nombl'euses gill'tn'
-
ties d'uncl)onlle justice.Telles sortt: lo une Trrocérlureorale etpubliqu'e,
sauf dus les débirts de nature i\ troubler I'ordre ou à blesser les
rnæurs, qui ont lieu à àrris clos ; 9o h publicité des audiences;
3o I'obligation de reudre des jugcments publics motivés; 4o I'indé-
pendance du juge assur'ée par I'inamovibilitô;5" I'institution du
ju,ry en matière climiuellc et pour délits politiques et de l'à presse;
6o I'institution de l'appel ou recours r\ un tribunal supérieur (l);
7o I'interdiction d'établir des tribunaux estraordintrires.
Avant de déposer devant les tliburtaux, les témoius son[ soumis
ir la prestation du serment.
Dn nratière de délits gravcs ou de crimcs, Ie ministère public
invite le juge d'instluction, dont le rlevoir cst de recherchel les
faits, en dcmeurartt neutre entre I'lccusation e[ Ia tléfense, à ouvrir
rune instluction préparatoire. Trois juges du tlibunal de prcrnière
instancc, réunis en chmnbre tlu mnseil, rendent une ordotrnlnce de
non-lieu ou renvoieni l'accusé devitrtt le tribunal cornpétent. S'il
s'agit d'un cr'ime, la charnbre clu conscil tlansrnet I'lffaire à une
autorité judiciaire supérieure, la chunbre du ntisas en ûccrtÂalinn
formée dè cinrl c,onseillns iL l0 t:our d'appel, qui se l)rollonco sur ls
rcnvoi de I'aecusé dcvant, la cour tl'assiscs (9).

({) Les cas de conflits entre le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire sont
tranchés par la cour de cassation.
(9) ta chambre du conseil peut toutefois,- cn admettant des circonstances
atténuantes par une ordonnance motivée rentluo à I'trnanimi[é, e,omeclionna-
liser les faits qualiliés crimes, c'est-à-dire les renvoyer devant le lribunal
TEttpS ltIST. pÉRIoDE DE RoYAUTÉ CoNSTITUTIONNIII,LE 8&3
-
L'indépqldance des juges est a}solue, mais pour les empôcher
d'abuser de eette situation, la constitul,ion lcur interdit d'appliquer
tucune pcine qui ne soit conforme à la loi.
Les juges *exécuknl, pas les sentelces qu'ils ont prononcées.
Ce soin est réservô au pouvoir exécutif.
par I'application des pénalités a
- Le but poursuivi
pénalités.
beaucoup tarié, clarts la spite des siècles. Il a été sucecssivemeilt h
,,rngronp iniliviiluetle,la aengeance collectiue ou sociu,le,,le chû'tintent i
infliger ou la sa/fsla ctiott. ir, obtenir pou,r at teinte portée ir' .l'ordre ptblic,
i Ia diuittilé, i Ia morale;l'influ,ence it, enercer pnr I'enanpJe. Aujour-
rl'hui, le but particulièrement't'isé açt de mettre lix nattr't'es uinieusu
dans l'irttpottibitita rle nu,i.re en les ltriunnt de leu,r liberté et de lcs
anænder en occtt'pûnt leu'rs bras et leur asprit.
Il n'existe plus en Belgique que trois modes de pénalité s: l'antende,
les ilommages-inlérêts eL l'a priuation cle libarté. La peine tle mort es|
rbolie dc fait (l).
Peut-être les dommages-intérêts et I'irmettde linilonl,-ils par rgster
la seule pénalité en usûge pour les mat,ières civiles dans lcs pays
civilisés. ces peines, cn elfet, sont à la fois rë,prnmtrices (propres à
servir à I'amendement du coupable) ; ré,primanfes (elles constituent
(susceptibles de servir
. porrr le coupablè un chiltirnent); enentplairæ
d'exernplc) ; enlln, réparatrices (2).
Le droit de punir que s'irttribue la société est justifié par le
devoir cle protéger ses membres contro la violence, la fraude
et autres iljustices. 0n a longtemps pcnsé, mème depuis la
Rér,olution, que c'est Ia nécessité dcs peines qui les rentl légitimes:
Âujourd'hui, le principc fle I'application des peines est la justiee; on
ne eonsiclère plus leur utilité que comme un effet accessoire. L'inti-
midation ou l'exemple est un effe[ utile des peines que le législateur
ne doit, pas poursuivre au détriment de la justice.
Le codc pénal llelge a été de plus en plus adouci. Âctucllement,
toutes les pôines infamantes sont supprimées. Lt marçte a été abolie

c6rrecli6nnel. Dans la pratique, cela sC fait cOnstamme-nt; présentement, tout


.ù piur deux ;tour cent aes faits qualifiés crimes par la loi sont déférés à Ia
cour d'assises.
U) PatiaBeluica, tomell, P.647.
ià1 b|f crimiriatisies, enlne' autrcs, le rlocleur Lontbroso, chef tle l'école
cri[inatiste italienne, restent partisans de la peine de mort pour certaines
calégories d'assassins qu'ils qualifient de criminels-nés.
84& Hrsrornn DFrs rrriLGES ET DE LEUn crvu,lsATroN

par la loi rlu 3l décemblc t849. De môme, la peine de l"eqosilion


(ou du carcan) a disparu de la loi bclge depuis le {S octobrc {867,
lors de la mise en vigueur clu nouvcau code pénal. Dlais elle était
abolie en frri[ depuis une quinzaine d'années dôjà ({).
La tentative de crime et la complicité ont cessé cl'ètre assimilées
au crime et nc sont plus frappées que dc la peine imrnédiatcment
inférieure.
3l mai {883 a introduit drns le code belge la ltbératinn
La foi du
En tertu de cel,tc loi, une première condamnation
cond'itionnelle.
ne peut sorl,ir scs eff'ets qu'cn cas de nouvelle infraction ou dc
nouveau délit tlans un certnin delai.
Prison préventive.:- Lir loi du l0 fér'rier {859 avait restrcint I'ar-
rcstation prér'cntivc à des faits cxeeptionnels; celle du 90 tvril 1874
réduit à trois jours le temps dc la mise au secret,. Tout, mundat
d'arrôt doit, ôtrc eonlirmô par h chlrmbre du conseil dans lcs cinq
jours dc I'arresl,a[ion, ct I'accusé, assisté de son avocflt, pcut prcn-
dre part au débal qui précèdc la décision dc la charnbre.
La loi clu 97 juillct l87l lr supprimô la contririnte par corps pout:
ies domrnages-intér'èts ct frais ne dépassant pas 300 francs, cl, pour
toutcs condamnations prononcées cont,re les fcnrmes, contrc les
mirteurs et contre les vieillards igés dc plus de soixantc-dix ans.
L'emprisonnement et le régime celfulaire.
- Âvirnl, la Révolutiou
ft'ançaisc, lorsqu'on n'cnfermait pas les acr:usés cn des ciir:lrots
infocts, on les cntassait pêle-mèle dans dcs plisotrs oir cette promis-
cuité engendrait une immoralité profondc et d'ou ils sortaicnt
génér'alemcnt plus nraur'àis qu'ils n'y etaicnt cltrés. Souvent aussi,
des maladies affreuses les y décimaient. La loi clu 4 mals 1870 porte
que ( les condamnés à la réclusion seront, porrr lutant que le per-
mettra l'ôtirt des prisons, soumis au rôgimc de la séparation, afin
d'éviter lcs suites dc la pronriscuité ,r.
Aujouid'hui, on clrcrehe sultout à réaliser, par I'emprisonnemcnt,
I'amûlioration molalc des condlnrnés. La plupart, des délits ou dcs
climcs ont leul source dtns la paresse. Il faut donc forcer. les con-
damnés à travaillcr: tel cst Ic pt'incipe sur lequel se fonde lerfuùne
celhtlsire.ll impose nux condamnés Ic travail en cellule ; des livres
sont mjs à leur disposition ct dcs confér'cnccs fréquentcs leur sont

. -({-)
Yoir l'Etude mr Ie Bourt'eaù de Gand, par U. Pnospnn CL^lnrs, pâru en
189tr dans le llessager det sciences historiquet,
lDlIpS ilrsT. pt:lntoDg Dtl ItoYAUTti COnsrtruttOtinnlln 845
-
faites. Le régime cellulaire sépare ett outre les prisonuiers, le jour
comme la nuit. Dtus certaitrs cas portrtaut,, ils son[ Sculemcnt isolés
la uuit, et dans les intcrvalles qui coupent le travail, exécuté en
commull.
Quq vaut l'eùcellulernent? Sur cette qucstion, les avis sont
par'
tagés. Lcs condrmnris à perpétuité nc pcuvenfi ritte soumis à I'enccl-
lulement que peudilnt,lcs dix prenrièr:cs anttécs dc leul réclusion.
< J'ai visité e1 1886, dit, Itt. Léveillé, un ct'iminalistc françtis,
les établissements péniten[iaires belges, pour me rendre comptc
par moi-mômc des résultats qu'avait, dolnés le s-vstème belge. Jc
suis revenu très lrostilc à la cellule tlécennale. Lcs rnalhcureux qtti
out, subi cette dure épreuve m'oli[ paru l)resque totls déséquilibrés
au point dc vue intcllectuel; il m'a semblé qu'ils âvaien[ perdu
toute aptitude i\ lir vie sociale I ils tn'on[ laissé ce[tc imprcssiorl
navrantc qu'ils etaient désormais atl,eittts, à des degrés divers, dc
cette monomarlic que lcs rliénistes appcllcnt le délire dc la pcrsr!'
cution. Aussi me suis.je afi'ermi daus cettc opinion quc' si la cellulc
cou,r'le est ull procedé excellent, ltour le condamné printaire qu'elle
pr'éserve tlu eontact, dangelcux dc co.déterlus quolquefois plus mau-
vaisquelui, la cellule longueest,, au contrairc, ull engin dangereux,
qui nc peu[ ùYoil', en thèse gérrérale, qu'utte influettcc fàcheusc sur-
le cerveau et sur la santé du cottdamrté. >
Le code militaire, autrefois si clracolien qu'il prévoyait plus de
60 cas d'exécutiou câpitale, a égrlemcnt cté réformé et adouci.
[n général., le codenilifaire remplace I'emprisonnement par I'ineor-
Foration dans les,cûBpaguies de puni[iort.
Extradition. L'ætradition cousiste dans lc fait de livrer un
crimincl, réfugié en pays él,ranger, au gouvcrnement qui le réclamc.
Elte ne peut, tvoir licu pour délits politiques ott pour faits cottnexes
à des délits politiques ({).
L'extradition est un puissalt moyetr prét'entif. Elle a 'répandu
I'opinion qu'aucun crimirtel lle peut échapper à la justice, qu'il
u'existe pour lui aucun lieu de refuge odr il ne puisse ôtrc attcint.

(l) D'autre part, jamris un gouvernement n_e peut être contraint de livrer
un'national. Uir Français, qui cbmmettra un délit ou un crime en Belgique et
sO réfugiera en France, ne pourra ètre livré aux autorités belges, mais,_le cas
echéan[, il pourra ètre jugé en France à raison de I'infraction commise en
Belgique.
'
846 IIISTOIIIB DES I}ELGIIS IiT DE I,EUR CIYILISATION

TITRE Vt
Blenfalsance, Institutions de pnévoyencs.

Le paup6risme.
- Lorsque les anciennes corporations d'artisans
perdirent leur existenee légale, les ouvriers qui en avaient fait partie,
mal préparés à la lutte contle Ia misère, se trouvèrent fort désorien-
tés. JusqueJà, les rcssources de la corporzrtion à laquelle ils appartc-
naient les avaient protégés contre les besoins extrêmes, nés d'acci-
dents ou de revers imntérités. Mais, quaud Ia Révolution française
I'eut émancipé de toute tutelle, I'ouvricr dut songer à sc ménager
lui-même nne réserve pour I'avenir : faute d'un salaire sufrisant
parfois, de prévoyance souvertt, il n'y réussit guère. Ce fut pis
encorc rluand la machine a vlpeur, turnt lcs petits métiers, eut
concorrtré la grantlc industrie entle les ntaitts dc grands capitrlistes
ct de sociétés anonymes. Aussi le paupérisme est-il d'un des fléaux
de la société actuelle.
Les réformes.
- Ert présence de la situatiorr rnatériellc parfois si
misérable des classes ouvrières, en présence aussi de leurs tenaces
leveudicatiorts, certailres mesurcs, dues à I'initiative publique
ou privée, ont étô prises afin de diminucr l'étendue du paupérisme.
Des lois ont notamment r'églé le trlvail des eufants et des femmes
dans les mines et lcs manufactures.Ort a créé læ asilæ, Iæ crècltæ,
Les ëcoles enfnntines eL les atcliers de charité oir I'ort veille sur les
enfarrts des ouvriers; les ttcoles pri,ntaires, d'atlultes, ntëna.gères,
industrielLes, ugricoles eL professionnellæ, oti I'ort s'efforce de les
rrmer lral I'instruction en vue cle la lutte pour I'existcnce.
L'assistance publique s'es[ développée : des hopitaur, des lrcspices
pour les enfants abartdonnés, les femmes en couche, les vieillards,
les irrcurables; des orphelinats,des instittrr.s pour les avcugles et les
sourds-muctd, etc., ont, été fondés eu grartd ttombre.
Les administrations des hospices et, des bureaux de bienfaisance
sont nombreuses, bien organisées et généralemenI bien administrées.
Définitivement sécularisées par h Révolution françaisc, elles sont
indépendantes du clergé qui n'a pas d'action sur elles à titre
d'irutorité. Elles jouissent, de li'I personnification civile. La loi du
30 mars ,836 décide que le collège des bourgmestle et échevins
aura la surveillance des hospiees. bureaux dc bienfaisance ct monts-
deliété; que les budgets et comptes des hospiccs et cles bureaux de
TEupS rIrST. pERIoDE DE RoYAUlÉ CoxSrt'lu'Ltosxur.lu 84î
-
bienfaisant)C Seront, Sounis ù I'approbation du collscil conrmutlal'
Il
y a u11 buleltu de bienlrrisance dilns totrl,cs lCs communes et, lorsque
ia populltion dépasse 9,000 habitants, le collège des bourgmcstrc
et échcvirrs étatrlit des comil,és de charité dont les membres ' sont
nomrnés uisitews. Leur mission consiste t\ distribuer aux indigents
des secours etl algellt ou eu nature ct i\ veiller à ce qu'ils observeul'
les lois dc l'hygiène.
La loi cle 1845 sur lo clomicile do secours décide que tout
indigent doit être secouru par la commune oÙr il se trouve au
moment otr I'assistancc dôr,ient néCeSsait'e, SaUf rCCotlrs évCntUel
de cclle-ci contrc la communc cl'origine : la société ne peut lrtisset'
mourir cle faim utt cle ses membres. Les dispositions de cette loi u'ont
pas été nroclifiées cl'une faç:ou essentielle par la loi du 27 novembrc
{891.
Pentions. Les adntiltistrations publiques e[ p'.rrticulièremeut
-
I'Etat ont été les premières ir s'occupcr du sort de leurs employés
âgés ou irrvalides. De lù les pensions ciuiles, ntilitairæ, ecclisiastiqrrcs'
ùs caisses ile pensions ett favcur do leurs veuvcs et de leurs orphelins
orrt été orgallisées en 1844.
Uu arrôtô rolul de {845 a institué une coæse de retraite et de se'cottrs
pour les ou\'r'icrs attachés aux chemius de fer de I'Dtat'
Depuis {839, il existe, pour les ouvriers mineurs, dcs caisses tle
preuoyance ruxquelles la loi de l8{i8 accorde la personnification
.initt. ptr une t'etenue opérée sur le salaire
Elles sont, alimentées
des ouvriers ct par uue somme égale versée prr les patrons. Elles
accorden[ des pensious viagères aux ouvriers mutilés e[ incapables
cle travaille., à leuts veuves et orphclins, ilux vieux parcuts des
ouvrict's ntorts victimcs d'un acciclettt.
Enlin, tme cui;segënétu,le d'épargne et tle retraile pour leS ouvrierS.
prc-
sous lt garantic de l'litat, instituéc en {8Sl et réorganiséc uue
rniôre foit *n {865, a reçu rle ttouvelles uméliomt'ions en 1888'
Yoici lcs articlcs prirrciprux de I'1r'rô1,é orgauique de cette caisse :
T0ute pcrsonDc irgée rle dix-huit ans àu moins est admise à faire
tles verseutents, $git, pouf Son compte, soit au uont de tiers
irgÔs dc

dix ans ou Plus.


Les rentes peuveût ilfte diffctdes ov'intmédiatcs'
Le minimum des vcrsemettts constitutifs dcs retttes différées est
trn fl'anc
corros
Les versements constitutifs de rentes immédiates doivent
pondre u I'acquisition d'une rento de 19 frnncs tu moins.
848 rrrsrornu DEs BELcEs ET DE LEUn crvrlrsAlroN

L'entr'ée en jouissancc de Ia rcute différée est, Iixée entr.c 50 et


6i ans.
Le rninimum des rentes est,,lg francs,le maximum rle 1,900 francs.
Tou[e personre assurée dont I'existence dépend de son trtvail cb
qui, avant I'ige fixé par I'assurance, se trouve incapable de pour.
voir à sa subsistance, peut ôtre admise à jouir immédiatement tlcs
rentes qu'elle a acquises, mais réduites en proportion de son irgc
réel ru rnoment, de I'entrée en jouissance. cette exccllente insr,itution
ue parait, prrs avoir produitjusqu'ici les résultats espéLés.
Fondée à la mènre époque et garantie par I'Etat, h cai"sse tl'(pargnc
a obtenu plus de succès. Les sornmes qu'on y dépose, depuis un lranc
lu uroins jusqu'u 5,000 au plus, produisent 3 p. c. d'intérèt de I à
3,0C0 francs, I p. c. pour les sommes déprssant, ce dernicr chiffre.
Les dépôts faits par des part,iculiers cn {892 se sonl élevés à
{71,01)0,000 de francs. Le solde des dépôts au Bl décembre de la
môme annec étai[ de 378,000,000 de francs.
Les sociétésde sæout's mu.ttæls sont recorurues par la loi à condition
d'obtenir pour leurs sta[uts I'approbation loyalc. Ellcs ont alors le
droii d'ester en justice, sont cxemptes des frais de tirnbre e[ d'enre-
gistremeut et peuvcnt rocevoir des dotations. Leur objct est dc
procurer'i leurs membres des secouls ternporair.cs en cas de lrles-
Eures, malarlies, inlirmi[és, funéraillcs, etû. ç11sr ne peuvent accorder,
de pensions.
La caissræ de sec,ou,rs sont, insti[uées auprès des sociétés intlu-
strielles ou minièrcs. Quoique cn partic llimcntées pirr tles rctenues
opérées sur Ie salaire des ouvriers associés, elles sonl, gérées par lcr
prtrons, à llexclusion dcs ouvriers. Cette exclusion a éte I'occasion
de plaintcs fréquentes
La sociités coopbaliues sont des associations, ildusl,rielles ou
commerciales, fondées en vuo dc plocurer'à leur.s mcmbres cer.taius
avantages. Reconnues aussi par la loi, clles se dislinguent en
plusieurs catégories :
. Lo Læ sociitis coopérattues dc créclit,, coulmc les banqucs popu-
laircs. Outre les versemcnl,s des sociétaires, elles reçoivcnt dcs
dépôl,s alec lesquels elles font des prèts ir leurs nrembrcs.
2o Les sociétcs c,oopératiLtes tle consomnmtian, Elles ont pour olijet
I'achat, en gros de denrées ou de malchandiscs, ct Ia vente de
ccllcs-ci aux mernbles dc la société, au prix coritant. I.louvrier
associé se les pt'ocure donc ir beaucoup meilleur rnarchc que chez
les détaillants ordinaires.
'l'tl.\Ips llt\T. plittroDll Dtt lioyAtru coxsrt'rurtoxxnlln 849
-
30 La soaiétés coopérati.ues tI'alimentation. Leur but est la vente i\
bon malehé d'alinents préparés.
4o Les sociûés coopératiues tle produ,ction ont pour objet I'exploita-
liondirecte, c'cst-à-dire par les travailleurs eux-rnênes, d'une branche
rluelconque dc conmerce ou d'industrie (l). Grâce :\ ces sociétés, les
ouvliers peuveut acquér'ir ou fonder des concessions cle mines, des
titeliers, des usincs, etc.
Trauail des enfrtnts tlms les nrautfucttu"es.
- L'riuvrier ne comprit
pas d'aborcl quc l'ernploicles enfants dans les manufactures avait en
déIïnitive pour conséquencc I'abaissement de son propre salair.e.
L'Etat a dt se substiluer' à lui pour protéger I'enfance. Aujourd'hui,
il est intcrdit par la loi d'employcr lcs enfauts de moins de {g ans.
Le loi peut mêrne interdire I'emploi des enfarlfs de moins de 16 ans
et dcs fenrmes dc moins de gl ans à clcs travaux cxcessifs ou dange-
reux. (Loi du {3 décembre 1889.)
Orpltclinats. L'entrcticn rles enfrnts abanclonnés incombe
aujourd'lrui à la colnmune otr I'cnfint :r été trour'é et à I'Etat.
L'entreticu dcs olplrclins liauvres cst i\ lir chalge cle la commune oir
ils sont nés (2). Lc tour de Gand, le clernier qui subsistât encorc en
tselgique, a été supplimé en .1863.
Mttisotzs tle snnté. Autrefois, les aliônés non dangereux étaient
-
le plus souvent, conservés dans Ies familles. Parfois, mais asscz rare-
urent, on lcs internait dans des maisons spéciales appartenan[, soit
aux ldministrations publiques, soit i\ des particuliers. Depuis un
tcmps inrmémorial, il existe lussi à Gheel une colonie pour les
rnahdcs de I'espèce.
Longtemps, jusquc dans le siècle actuel, lcs coups et les chaînes
furent, ttuns les maisons de santé, les seuls lnoyens thérapeutiques
cmployés pour guérir les personnes al,teintes de maladics côrébrales.
Un illuslrc philanthr"opc gantois, le docteur Guislain (3), s'attacha I'urr
cles premiels à rérgil contre ce déplorable s1'stème. La ville dc
Gand, qui lui a élevé unc statue (.1887)' Iui doit Ia création d'un
remarquallle établissemcnt où son[ réalisés tous les progrès d'unc
science humaine et éclairée.

({) D'oir, par exemple, Ies formules : la mine sun rnineurs, la aetterie oun
t,erïiers, la terrerie antæ ontriers, très en vog'ue arrjourd'hui clrez les travail-
leurs manuels,
(2) toi de novernbre 4.891,.
(3) Mort en {860.
V. ÙIirguet. - Histoire des Belges. s4
850 Hts'tolttli l)HS llEL{;ES El' l)li Llitilt cIvILISÀTIoN

A Glreel, ort trrita toujOtrrs les mtlatles tlvec rlotteettt, et cc pro-


céclé est univelsclkrncnt rccounu aujourd'hui collrll)e étant, lc plus
efiicace. Il y a actuellement à Ghcel 8 à 900 pensionnaircs poul'unc
population cle l9,010 habitants. 0n croit que la vie des aliénés, lilir'e
et tranquille, en société et au graltd air, 0xplique les borls r'ésultats
obtcnus. Une instil,ut,ion de I'cspècc sc lcncontre à Lierlteux, prot'inc0
de Liége.
Monts-tle-piété.. Ce sont des institutions ott I'on prôte sur
melblas, effet.s rl'habillenrcnt, narchnndises dc |oulc esprce, cttr.,
déposés en gitge. Lcurs bénéfices peur,ent êtr'e utilisés en pr'èts faits
aux incligeuts, satts intért)t. L'institution des morlts-de-piété a Ôté
régularisée en '1848. Le prêt sur gfge cst interdi[ rrux p'.rrrticuliels.
L'Etat le fait, pour gil'antir les bcsogtteux contre I'usure.
Bonnc en soi, I'insl,itution donne lieu à certains iibus tlui onù ntis
plus tl'uue fois son existence erl péril.
Dannttons et legs,
- Toutes les institutiorts t'ic i:ha1ité ltettvcnt
acceptcr cles donations et, tles legs, sous l:éserrc dc I'irpprobittion
royale.

TITRE YII
lnstitution s linanciènes.

Reyenus de I'Etat.
- Lir bonne organisltiort de I'lil,iit et dcs scrviccs
publics cliurs un ptys civilisé exige des dépenses ctltsitlér'ables. Lc
gouvernement trouve les t'essources nôcessaires pour y firire face :
{o dans lcs levenus domaniaux dont le ploduit, en Bclgique, est l\
peine cle clcux nrillions par all; 9o clans I'intpÔt, c'erst-ir'clile clans
des prcstations en rrgent, plus ralemeut eu uatut"e ou ell travail,
auxquelles sont assujettis tous les citoyens I 3o dans Ies lcccttes dc
I'enrcgistt'emcttt e[ du tirnbrc, des douiines, des cherriitts clc fer,
postes, [élégriipltes, ctc.
Trois principes président, en Belgiquc, à l'établisscmcnt dcs
inrpôts, sr\'oir : /l"oil n'exisle ltas de ltriuilège en maliire tl'impôts;
2, tottt itttpôt doit êlre ctabli, pûr utw loi; 3o Ia durrc dc cclle lai trc
peut rlépassel' u'n &n.
Eu principe peut-êfr'e lc plus équitable, I'irnpÔt progrcssif sur' ]c
revenu est folt tlifticile r\ établir. 0n a essa.ré en direls licrix et el)
diverses occtrsions rlc le faire, sarts ùrrit'er, semlrlc-t-il, à tlcs r'Ôsultats
tou[ à fait satisfitisarlts.
TEtrTPS }IIST.. *_ PÉRIODE DE ROY.\UTU COTTSIITUTIOI{NEI,T,E 851

Nous sommes lc peuple le tnoins irnposé de l'llurope. L'ettsemblc


des impôts nationtux, provinciaux et cotnruunaux ne dépasse pas
chez ilous, 6 à 6 't12 p. c. du revenu des particulicrs. La Frlrtce paye
{2 p. c. clecc rer'onu. Au deli\ de 12i r/* p. c., I'impôt est consitiére
corune cxcessif et, de naturc i\ rtuire à I'aisattce publique.
Cadastle. L'intpôt foncicl es[ réprrti sur les maisotts et bâti-
-
mcnts, terres, prés, lltlis, eic. Pour étalilir cet impÔt ctr toute
justice, orr rclè\'c, à mesure des rrrodifications, la cotrtettaucc de clta'
cunc tles parcelles ct lcur revenu moycrl pendant quelques années.
Cette opér'iil,ion, comtrte aussi lc lcgislle c1u'on ticnt clc ses résultats,
s'a ppcl le le cu rlas lre.
Perception de I'impôt. L'Etat recouvrc directemertt lcs itnpôts par
-
I'rrlministral,ion des contributiorts directcs, dottattes et accises et pat'
I'lrlnrinisl,r'ation de I'enregistleruent et des clomaincs. Les prorluits
de I'irnptrt solt versés clireclentent clarts les caisses tle la banque
nltionllc par ies rcec\'out's, caissiels de I'Etat.
Budgets, exc6tlents, déficits.
Clraque attnée, le rniuisl,rc (les
lirrances dresse le proje[ des dépertses à effcctuer ct indiqtte les
lecet(es (vr-ries ct mo1'ens) à I'aide desquelles il compte y frirc firce.
C'est le budget. Le chiffre des recettes s'es[ éler'é en l]elgique, pour
{892, à 4'l{,000,000 francs; celui des dépenses à 466,000,000 francs.
Lorsque le l-rudget dcs recettes tlépasse celui rles tlépenses, orl dit
que le budget se solde pal url encéilent.ltt le dit eu déficit dans le cas
contrairc.
Il n'existe pas en Belgique de fonds secrets, c'est-à-dire de fonds
dont les uiirtislr'es pculcnt disposel s'ans devoir en t'ctttlre compte.
Le vote dcs buclgets est anluel: {o parce qu'ott rte pcut prévoir
longtenips à I'itvirttce les lcccttos probtrbles ou les dépertses
nécessrires dans utl état; 9" pùl'ce qu'il est dangercux d'affaiblil les
garanties que la natiou trouve drns lc vote attnuel dc I'intpôt.
Compte des dépenses et des recettes. Cour des comptes. Agents .du
trésor. Les niittistres lle peuvent dépasser les cr'éilits votés, ni
-
opér'el aucuue espèce rJe transytorl (t). Cltaque antléc, ils sont tenus
de pr'éscnte r le comçtte de leurs rece tles ct tle leu.rs dcltaues itvctl pièCes
justilicatit cs.
Là cltr,r des comptes i..l poul mission de contr'Ôler lt eolnptlbilité,

(L) T'ranspor't, actc par lequel on affecte tout ou par'tie d'une sommg portée
au budget à une autre destination que celle pour laquelle elle a été rotée.
,

852 lrrsrolrtti DES BELr,tis ET DE LEUIT clvrLIsÀ'r'roN

c'est-i\-dirc d'examiret et de liquider les r:ornptes des diverses aclmi-


nistrations. Indépendante des pouvoirs publics, cette institution est
formée de délégués clroisis hols de son seirt par la Charnbre des
leprésentants. Aucun nnntlat. deTtaienaù ue pcul ôtre acquitté par la
lranque nationale s'il rte pot'tc Ie urso tlc Ia cour des comples eL
celui de l'ngenl du lrésor.
Finances provinciales et communales. Commc I'Etat. les provinccs
-
ct les communes sorrt astreintes à dcs dépcnses:ruxquelles elles font
face au rrro.yen : {,o de leurs revenus particuliers; 2o tle taxes spéciales
sur les débits de boissons, les voitures, les pianos, Ies balcons,
es portes-cochères, les égouts, les chiens, le port des armes, etc. ;
3o tie centimes ndtlitiannels ({) aux contributions directes.
Les mêmes principcs qui scrvcnt, de base à I'adminis[r'ation {iuan-
ciùr'c tle I'Etat assulent la bonne gestion des linances 1n'ovinciales ct,
cornmurtales.
Les impositions proliuciales et communales sout votées arinuel-
lerncnt, los budgcts et, les cornptes, discutés e[ tpprour,és en séancc
publique.
Les budgets des proviuces cloivent être approur'és par le roi, ceux
des communes pal'la députation permanente.
Crédit public. Emprunts.
- Qurnd eertaincs tlépenses d'utilité pu-
blique et tl'un caractère pressant dépussent, lcs limites indiquées par
lcs recettes du trésor, le gouverncment peut fiiirc un cntprunt, avcc
I'autorisrtiou dcs chaurhres. Lcs provinces ct lcs comnruncs lgissent
de même avec I'autorisation des pouvoirs compétents.
Dette publique. Amortissement. Conversion.
- La dctle ytblù1ue est
l'cnsemble des obligations de I'Etat. Les revcrlns du [r'ésor sont, pour
nnc part importante, consacrés à pa,vcr rnnuellemcnt I'intérôt et
I'amortissement des emprunts. lJ.ne caisse d'annrlis.çement (2) a ét(:
cr'éée en'I847, gr'âcc à laquellc une dotation dc l12 olu, consacrée à
I'amortissement d'urte dctte, suffit i\ l'éteindre en 52 années cnvirou.
Parfois, on conuertit un emprunt : cn d'autres tennes, on attrillue au
crpital nominrl des titres un intérèt iuférieur à I'intérôt initial. Natu- .

rellement, la vlleul réclle de ces titles baisse d'une flçon pl'opor-


tionnellc.

(l) tes centimes additionnels consistent en autant de eentimes perçus au


profit de la province ou de le commune que Ie trésor public perçoit de francs.
(2) Amortiuement, remboursement'partiel.
1'Elrps rusl'. pÉRrot)u DE noyÀti't'É c0lsrnut'roltxgr,ln 8ô3
-
Tousles états civilisés sontgrer'ésd'une dettc plus ou moins élevée.
Darts le cours de ce siècle, les arrnements e[ les guerres ont augmenté
tle plus de quarante millialds la dctte dcs gouvernements européens,
tandis que les chemins de fer ei les téléglaphcs I'ont sculement
augmentée cle rluatorze milliarrls. Bn Belgique, le scrvice de la dette
publiquc s'est élevé, pouf {892, à 101,003,5t4 flrncs ct Ie capital
nrôrne de la dette t,9,1,46,821.,174 flancs.
Monnaie f iduciaire ({). La monnaic métallique nc pouvrint suftirc
-
àux nôcessités des graucls serviccs de l'litat, ct aux besoils des par'l,i-
culicls, crn a imitginé la rronlutie fithtctm rc (papier monnaie ou billets
de banquc). Cel.tc invention peut ôtre.considérôc comllc I'une dcs
plus féconcles du siùclc enbons résultats éconourirlues.
Banque nationale. Il existe 'russi une brnquc natiouale, caissière
-
tlc I'Etat. f'ondéc en 1850 plr lI. F.r"ùr'e-0rban ct rôolgirnisée en 1872
par lllalou, elle cr'ée et garantit h monniiie fiduciaire. Ses billets,
payables r vue, ont un cours légal.
La blnquc na[ionalc jouit rl'un autre plivilège : celui de pouvoir
ernployer, sous certaincs conditions, les fonds dont l'H,rt lui coulie le
dépôt1 mais les placeutcrtts absolumcnt srlrs lui sont seuls perrnis.
Il y a eu, en {893, des billets de birnquc ert circulrrtiort pour une
somme de 419,000,000 dc franr:s.
Encaisse m6tallique et portefeuille. La banquc ttittioultle est tcuue
-
dc consclver toujouls cn clisse suftisamrncrtt de ntél,al nt<lttnayé
(enca isse méta II iqu e) pour ôt re à rnùme de lembourser iurmétliatentent
le ticrs ertviron des billets en circuhtion. Les deux autres tiers dc sou
capital de roulcment peuvertt etlc placos conlmc Dous ycnous dc Ie
dire. Ils constituent alors lcs valeurs en portefcuillc ou sirnplemcnt
le portelhr,ill.e.
La banque natiortale réalise d'importants bénéliccs, cflr I'argent dcs
billets en circulrtion ne lui cotite que le papier et, d'auûre pat't,
pour cles cruses vat'iôes, trn grand ttombre de billets s'égareut ou
sont anéantis.
Cours forcé.
- Drrns les montents di{Iiciles, I'Etitt, pour soutenir ltr
banquc rtal,iortitle, peut établir le réginre clu cours forcé. La banque
alols n'est plus teuue au rcmboursemettt à vue cle scs llillets et les par-
ticuliers sont astreinls à les accepter pour toute cspèce de paiements.

(l) Fiduciah'e, dont la valeur tlépend rJe la fiti, de la confiance inspirée.


854 HISToIRB nlls BELctis E'l' DR I.EUtt ctvlLISATIoN

Caisse des consignalisns (créée en {8{71. - Elle leçoit en dépôt les


cautions des conrptables, entreprencurs et concessiottnait'es de tra-
vuux publics; les fonds des mineurs et des interdits, ceux des faillites
et en genér'al tous les fonds colltestés.
Société générale de crédit communal. EIle a élé instituée pour
-
permettre à touteslesconmunes de firirc les euiprtutts nécressaires lr
lcurs besoins. Ln société ne dernantle aux comlnullcs' poul'I'intérùt
ct I'amortissemeut des sotnmes empruntées, qu'uu intérèt de 5 p. c.
I'an pertdartt 66 ans.
Fonds communal. Iin '[860, trne loi clue à I'initintive de U. Frèr'c'
-
Orban, alols ministre des Iinanees, abolit les octrois colllmunaux. Afiti
tle compcnser poul lgs eommunes à ocl.r'oi la climinution de I'ecettcs
occasionnée par la suppression de ce[ irnpôt, [t. Fr'èr'e étrblit Ie

lbnd,s contrnunal, caisse dont les fevellus sont répartis


en[r'e toutes
les commultes iltl prorata des colltrillutions pir.vées par leurs ltabi-
tlnts. Le fontls communal est constilué par une pn'tic ries droits
fiscaux sur les oafés, les vins, eirttx-de'vie, sucl'cs ct, bières.

TITRE ,v*IlI

lnstitutions m ilita ires.

Heutralité de lr Belgique.
- La Belgique est, un pays neul,r'e, tnais
ce n'est, sem}le-hil, {uo sous la condition cl'Ôtre ell mesure dc
défendre sa ueutralité. Dc là notr'e armée,les fortificirtiotts d'Atrvers,
celles de la Meuse e[ tout notre système militaire qui absorbe chaque
annee une part importante de uos ressotlrces.
De la force publique. Ltr forcO pu|litlue a pour ntissiott, ittt
-
clehors, de défendrc I'indépendattee du pays; au dedrns, de firire
lespecter les institutions et les lois.
Divers élements la COmpOsent, saYoir :|'arntee,lt garde ciuirpte,lit
1end.nrmerie, la police, la dou,nne. L'armée belge compte envirott
{30,000 hotnmes dont le mode de rcclutemcut cst déterntirté par lû
loi.
Le contingent nùlitaire, c'est-a-dire le nombre de soldats à fournir
par le pays, est voté annuellcnrent. ll s'élève à 13,300 ltommes
effectifs. Aucune troupe étrangère ne peut être admise au selrice de
I'litat, occuper ott traverser Ie territoire, si ce n'est eu vertu d'ttttc loi.
TEIIpS tlIST. l'tittloDn DE RoT.rUIÉ COXSTITUïIoNNELLE 855
-
Mode de recrutsment. Il comportc : {o la cu6ffipti0n (tirage au
sorb pàr cantons cle
-
milice) crtre les jeurres gens ârges de '19 ans
ilcconlplis avùl][ 1s 1er janvier de I'attnée ou a lieu le tilage au S0r$..
Quicontlue ne se fait pas illscrirc ell temps et lieu est réputé
réfrac--
tairc ct iucorporé pour /ù?ti, âns, duréc légitle du scn'icc; 2o les enga-'
gernenls rclonlaires pour un lernte Ytri'able : trois, cinq ou htt'it ans,
Suivallt les circOrtstanccs; 3o le I'eInplûcemcn[ (engagemellt avec
prirne). Tout inclivittu clésigne pour filire partic de I'arméc I Ia suitc
rlu tirrgc au sorl peut se fairc r"emp]acet'.
Rémunération des miliciens,
- Le miliciel reçoiI trne indemnité
tle 10 frrrncs par mois verséi lt seS pareuts, '.t Ses ascCndants, à sa
femmc ou i lù crisse d'épargnc. Tout soldtit touche' en outre, utlQ'
solde de 't fi'. Oii ptrr cillq jours.
Lt. gendartnerie, prïncipalerneDt préposéc atl service de I'ordre'
pul-rlic, sc recrtrtc par voie rl'ertgagencnts volon[ait'es. Elle comporte
Lule force d'eut'irotl 9,000 hommes.
Ltr ltolice, force conrmuràle représerttée par un simple garde
chrmpèl,rc ou par un corps dc policc, se recrute de la mème façon-
La, gurde ciuiqr,e, organisée ptr colnmune, est active ou noll ilctive.
Ite 9'L i\ 50 ans, tout Belge fait partie de la gardc oiviquc. EIle cont-
prcnd dcux bans : les gardes de 9l à 35 ans, ceux de 35 à S0. Les
ti[ulaires, jusqu';tu grade dc capitaine, son[ uommés par les gardes.
La mobilisrtion dc la galcle civique lle peut avoir lieu qu'en rertu
d'une loi.
Llt tlouune est une forcc arrnéc qui veille ilu paiemenl, des droits
cl'entréc et clq sortie Âur les denrées et les marcltandises. 0n n'est
ldmis dans la drtuane qu'après un exaûton.
Armement.
- ll
Lc sabre, lattce, le revolçet', le fusil Mauser, à
magasin cle cirrtouches, se chargerrtt par'la culasse et armé d'un
sabreùirionne(te. Ie canon rayé à cltargel aussi par la culasse, telles
sont les principrles flrmes en usflge dans notre armée. Le fusil à
r'ôpétition Lebel, dont sont arntés lcs soldats françai.s, parait être
irctuellernent, le dernier mol du progrès t?) en cette matièr'e. llitis la
Irrance cn cache soigneuselnen[ le tnécanisme. C'est un fusil tres
légcr qui sc charge automrtiquement, la crosse du fusil servant'de
rnagasin. Les cartouehes sout faites de lialles nickelees et, d'une
poudre tr'ès puissante qui détonne -qans futnée.
Les ftrsils à poudre sans fumép ont lait nterueille devant Valparaiso
"(guerre civilc ehilienne, lin aott 1894).
856 rrrsr'orRu IIES Btlt,ctls Er Dts LEUR ctulrs.\uoN

Il existe aussi des canons-revolvers qui ont rernplacé les mitrail-


leuses, délaissées à Ia suite de Ia guerre franco-allemande, pendant
laquelle elles n'ont pas donné les résultats attendus.
Enseignement militaire. Il complend une. fuol,c nûIitaire irtstituée
-
cn 1838 pour la formation des ofliciers; une école degunrrq fondéc
en 1869 pour le recrutement des officiels d'état-nrrjor; des éeoles
r'éginrcntaires qui out pour ohjet l'instruc[ion des soldrts ct des sous-
ofticiers ; u:ne école des enfants tle Uoupc, établie à Alost, depuis {841:
clle reçoit les orphelins se destinant à la mrrir\r'e dcs rrmes ct dont
le père appaltient ou a appârtenu à I'armée; une ér.ale des pupilles ir
l{amur, dont le but est à peu près le mème ; ullc écale de anuuleric
iiour le perfeclionnemeut, des ofïicicls dans I'art cle l'équittrtion; ullc
écolespfuialepour les sou,s-olftciers;une école depyroteclurfe i\ Ânvcrs;
vne tcole de lir ri Brnssclmel ; enlin, le camp d"e Beuerlao, qui occupc
une étcndue de 4,000 hectares.
La hiérarchie militairc compor'l,e : le soldat,le capornl ou le llrfgn-
dier (crvaletie), le sergent ou le tttordrhal des logis ; le sous-Iieut.enant ;
le li,eutenunt, le capitaine,le ma.ior, le lieu,Iennnt-colonel,le colonel, le
général+wjor, le lieu.tunant-gé.nbal, le commandant en clwf , le roi.
Tactique militaire.
- L'exti'r\me précision dcs arnes nouvellcs,
leurs cffets si meurtriel's ont ameré des modifications impor"trntes
dans la tactique militaire. L'cmploi tle I'armc blartcltc, prrticulièr'e-
ment dans les charges à la baïonne[[e. est devenu plus rtre. 0n préfrire
aujourd'hui, à la clisposition en colonrtes, qui oft'r'e trop de plisc au
feu de I'adversaire, I'ortlre dispersé qui éparpille lcs soldirts cn
tirailleurs. Pour la mème raison, la erosse cavalerie a moirts cl'irn-
portance qu'autrcfois. Âu contrlilc, la cavaleric légère, drcsséc à
I'office d'éclaireurs, en a davantage. Son emploi facilite de nom-
breuscs et rapides reconnaissances. En nratière de fortilicatiort, le
sysl,ème des forts détachés a rcrnplncé celui qui eonsistait à cr.rtourer
de murs les villcs milil,aircs. 0es forts, pourvus dc coupolcs métal-
liques tournantes, sont oldinairement très éloignés des villcs qu'ils
protègent.Ils ont poul objet d'en empùcher le bornbartlerncnt par une
ar[illerie à longue portce. La gucrre sc fait aujourd'hui sciculiliquc-
ment et les batailles sont sur[out, des combats d'artillerie.
ilarine. ne possédons pas, en llelgique, de mariue militairc.
-Nous
Les navires de guene actuels sont dc puissants cuirassés à vapeur'.
armés de canorts énormes susceptibles de tourner dans toutes les
directions et protégés par des tourelles en fer. Les blindages nétal-
' r'Ertps Illsr. pËRlotlu DE ttoYAUîÉ coxsltlrrtoxxtlt t u 857
-
lirlucs dcs cuirasses ont, jusqu'ù 5C ccrrtimt)tres d'épaisseur. Les
cuirassés trouvent darts le torpilleu,r utr ldvcrslirc crltallle de tteu-
trlliser lcUr actiort et ntênte tlc lcrs fairc sautcr. Le torpillcul l:rttcc
tlcs torpilles, liombcs sous-marittes a dimcnsiotls colossirIes.
tnlendance. 0n dotttro IC nom tl'inlentlunce à I'irthnirtistlal,iOtt
-
milit';rirc. C'cst, tutc sorte de cout' tlcs contptcs qui vcille ctt mèntc
temps à I'lpprovisiottttemertt des artnées, à I'habillcrncnt, iru loge-
menl, of ru trattsltort des sokluts, à la dircction c[ à I'rdntinistt'atiotr
clcs anrbulances, à la trlnsmission dcs:rctes tlc décès, ctc.
Ambulances. /1 1tt'ctrtlt'C le tot'me tl:rtts son ircception é[ontluC,
-
l'anùu,lancs est ull hÔpital qui suit les tlm(lcs cn cilrrrpirgttc ct r1u'ott
installo u quelqLrc clistancc clcs cltamps tlc bal,uille porrl pottt'oit',
salts tt,o1l tlC pcirlc, .r- l,r'arrsportcl ct soigttcr lcs lllessés. ll cxiste
;russi tlCs tnnbu,lunccs tolunlec dolrt, lc ;ttrrsonnol sC rettd Sur lCs
champs clc bltaillC petttlunt la ltrl,tc, au urilicu mùtnc clu fcu, -v
rck)ve lcs ltlcssés ct lcs rntt)ttc à I'antbulance.
Il n'y a guèrc qu'u1 sièclc et, tlcrni que lcs arnrécs possèdent dcs
arnbu Ia rt ccs cottveualllemen t, o rgarli sées.

TITRE IX
sciences, philosophle et monale. Gnoyances neligieuseg.
Supenstitions et croyances populalres.

Sciences. Lcs progrès réalisés dals le domaine dcs sciertcss


-
tlepuis soixattl,e ltts sottt, cxtrirordinaires : ils ont, à la Ict.tre, tranS'
formé la firce du globc. Âinsi quc nous le moutrerous tout, lr I'heure,
la Bclgirtrue a pris une part honorable aux découvcrles scientilirlues
moderncs.
lnstilutions scientifiques. 0utle ttOtre u.cutltlmic royu'le tlcs sr)ences,,
-
des lettres ettles beul#-(rts, rcorgtnisée en
,l845, trous possétlotls en
Belgique un obseruatoire, utte acadimie royal,e tle mùlecinc Ttultliqu'e,
<lc ttom breuses sociitis tl' uT chfu logie cL tl' I t'Ls totrc, el,e,, ctc.
Chimie. Bn cltimie, lt théorin uùtuire a lentplilcé le sysltme dtut-
-
tistiqu,e dc Lavoisier'. La tluior"ie de l'ntomit,itt el celle tles ttlttiuulenls
ont donne unc explication ùaturelle des réactiurts chimiques.
Une des applications les plus remarqualiles de la chinrie est, la
découverte de Ia photographie. Inventée vels t830 par Ni.epce de
Snint-Victor, associé i Dnguerre, la pfiotographie pofte d'âbord le
858 Hrsr'onrr.r DEs BuLGns El Du Luun crvrlrsÂr'roN

nom de daguerriotype. Depuis, cette science a fait de tels progrès


qu'aujourd'hui hphotographic, dite inslwttant'e, saisit ert un cinq
centièmc tle seconde un oiscau qui vole oll un cheval lancé au galop.
Yers 1839, les nllunettes ù liiclion rentplacenl les briquels ù anrutlott.
0n doit à la chimic la mélinite,litpanclastite cL la robut"ite,poudrcs
rrouvcllcs dont la pnissance égale /ir fois cellc tlc I'a, dynnnùte et
ccnl fois celle de lzt ytottdre u,rrciennc. Depuis quelquc tcnrps, on a
aussi déconvclt une poudrc dont, noLrs ùvorls plrlé ci-tlessus, clui ne
produit pas de fnnrée en détonuant.
Physique. I'lrcrnto-ùynuntirprc. 0n rlonne ce noln rt la tliéorie qui
-
alTilme I'unila tles lbrces Tthysiçrcs, c'est-i\-dire qui consiclère l'atlrac-
tion ttttiuerselle, la clmleu', la, lutniùrc, l'électrici"té, le ntagnétisne,
comme des trzuisformations d'urte force unique, prinrordiale, aussi
indcstructible que lir rnal,ière. Itlcntiqucrs tlans leur essence, ces
forces seraienl, susccptibles dc se résoutlre lcs urtes clrrts les autres.
Hn 4881, un sùr'ant ph.vsicien [r'ançais, 1]I. Deprcz, r'eussit, à trals-
porl,er au loin, âLl moyell du lil électriquc, la forcc molricc cl'unc
chute d'eau. 0n est pûrvenu depuis à firire un semblable usage dela
folce motrice cl'urtc rnrchine ù vapenr, d'unc machine électlique, etc.
Lcs Hhts-Unis ont songé à applirluer cette découvcrtc en r'épandaut,
sur toute l:r surfaccr cle la république la force rrotricc clc lt chute clu
l{iagara.
La découverte e[ les applicrtions de la trpeur ou de l'électricité
ont opéré, dans lc monde, une rér'olution égale ..\ celle procluitc
autlefois par I'invcrttiort de I'imprimcrie et de la poudre a canon.
Ll vapeur est employéc darrs un très grantl nombrc cle rnachines
industliclles e[ tlans les locomotives, sur terre et sur eau.
Depuis Fulton (voir période frauçaisc), les progrès aecomplis en
matière de rtirvigation ortt été tles plus rapides. En 1838, lrr substi-
tution del'lt(lice ùux roues,thns les navires et bateaux n vapeur, a
rnarqué uu nouvearr ct important progrès dans I'art, de la navigit-
tion ('l). Aujourd'hui, de puissants sleanlers font, en moins de sept
jours, Ia tlavelsée de l'Àtlarttiquc du Havre a Nerv-York. De leur côté,
les eæltress parcourent jusqu'r cent qrlutre-uingts kilomètres à I'heule
et même clavantage (2).

(l) 0n attribuc I'invention rle I'hélice appliquée à la navigation, à Sauvage"


de Boulogne-sur'-ller ( { 79S-l 8ô7).
(2) Clest vers {830 que Steplrenson parvint à appliquer la vapeur aur.
chemins de fer.
,fl.[Il's Ilts.t'. PÉRIoDE DE R0YAUIII coxsrtrurtoxsrt,r,u 859
-
Ilri agriculture, les machines à vapeur font marcher des charrues.
r)es ftt"uclwuses, des nr,oissonneuses, des battanses, tles uanE,
etc.
etc' ;
un influs[rie, elles actionnent des tours et des sciesmécaliques,
elles inrprimelt le mouvemellt aux marteaux gélDts ttommés
rnarteaui-7tilons, qui forgent des pièces d'acier du poids dc
95,000 kilograrnntes. (Voir plus loin : Indus[rie')
i,e téIt:griphe éIectriqu,e fui inventé en {838 par I'Aurériatin Morse'
Les sigrrcs prirnitivement employés cortsistaient dirus ttne combi-
nlisonle points et, de ligles, fracés par I'appareil su1 une bande de
papier. D'ingénicux déve.loppements ont été apportés depuis à cette
iiclmir.irblc invention. l,n {845, Brégttet, iDgénieur ft'ançris, substitul
aux lioilts les letlres de I'alphaltet, qtt'otl pouvait lire sur
un cadran'
systèmes imprimenI ett caractères typographiqrres les
Les nouvcaux
lettres trtemes des déPéches.
Dcs cûlilcs sous-marius onl, été cléÔs à partir de {85{
: celui dc
Bn 1856' la pose cl'un premier
Douvres à calrris drrte dccetteépocrue.
clible trrntsutlu.nliyte, di aux efforts pcrsévérants de l'Àméricairt
cyrtts lriekt({), r mis ell eornmunication I'Elrrope et'l'Amérique'
des
Aituellcmcnt,, des câbles élcctriqucs sous-maritrs établissent'
communicittions en q'lelquc solte instantanécs ctttrc toutes les
partics du monde.
la. Itunière éltctriqu,e ({84't-18?8) tend aujourd'hui à remplacer
pnrtout le gax, to**t celle-ci a detrôné le 1tétrole, qui lui'mème
avait fait ibandonne t L'hu1le gr&sse. Les phares électriqu'es éclairent
à près de uingt lianes de rlistance.
L'analyse ôni*ique utilise la chaleur de I'arc voltaïque (4,000").
natu-
Le ritiphone, inventé en 18T6 pat Grahanr, BeII, un Anglais
ralisé Américain, permet les communications orales aux grattdes
dishrnccs. En ls8't, un premiertéléphonc a relié Paris ariecllruxelles
et le service ell a été inauguré pal'un échange de politesses enlre

({'l c$us-w. Field, le célèbre Américain à qui I'Europe doit .d'être reliée
àe. ôaUfu, transatlantiqu-es,est mort en '1899.
'-ifir- fi;t,t, qoip..emii
,u\irui.rïù.irOr
àà-naissance humble ei obscure, avait été employé
er n'avait pas tardéà la
à ili;...ni-,r1"à r* r,rîq* si'*||1; de New-Iork,fgrtune dans cette indus-
;"',tt;; ;.ils?iabtir ihùr'icant de pâpiers. Il fit, sa
d'un càble
i';;;;i'nôr* leS+, ,téË;-.Ëiùt Ëoûci particulier,enconçut.l'idée
état de communiquer'
iraîr"ttrntique qui mittrait le continent àméricain
jà"ï"p* joùr, lieure pr,i hrutu,- avec le.Yieux-Monde' L'itlée pareil'
loute
iî*fË *"i*.d'hui. nttà etait ausii neuve et destinée à proyoquer rJans le sys-
ffiË'Ë'il*uoitttion. universelles une révolution àussi complète que le
percement de I'isthme de Suez.
860 [ts't'ornr: DES BuLcES ]i'f r]E LEUn clvrLtsÀîtoN

M. carnot, président de la république fiançaiseo e[ Ic roi des Belgcs.


Le phonogtuplw, inventé en {877 pat Etrison, conser.ïe et repro-
duit la parole humaine. Il suftit de tourner une mauivcllc pour que
I'appareil onregistre ce qu'il entcnd ou rende ce qu'il a enregisl.rc.
Lemicropltonc, imagiué par Ie professeut Hug,\eq permef de per
cevoir des sons extr'èmernent faiblcs en lcs renforçaut,.
citons encore, parmi les apprreils électriques récernrneut inycltés :
le pantélégraphe, grâcc auqucl il cst possible clc trlusmeltrc ]cs des-
sins ir distancc ; lc telau,t,lgrap!rc. appareir qui possètlc lir curieusc
propliété tle rcproduirc l'éui[ure à distance; lc sténotilégraplrc rqui
transnret, en l'écrivalt,la palole avec lrr vitosse de sa prolonciatioir;
ert{irr, le téleopte, qui pcr.met clc r-oir à distancc.
Nous rl'assistnrrs sans doutc 11u'aux débuts de ces inverttiorts
cx traordinaircs.

- vcrs
tScanique.
qui révolutionne
1810, Tltimonicr irrvente lzt tttu,clti,ne ir, cotulte
I'lrt, dc la couture ({).
l,e scaplm,ndre, imaginé dès tTgT prl l',illcnrand Àlinger, mais
cousidér'ablernent pcrfectionné de puis, pernret tle clcscend r.c j u squ'ir u
fond de la mor e[ d'y rester assez Iongt,emps pour. y firire tics obser.
vatlons.
Biologie. Théorie de l'évolution. L'él,udc dc I'etnbrl,ologic a donné
-
naissance à I'hypothèsc dc I'unité originelle de l,oul,es les espèccs
organiques. Dn lcurs plemiers rudimen[s, tous les embr-yons se res-
scmblent : I'iufluence des nrilieux, lr sércction naturelle, h luttc
pour la vie ont, par cles dilférencirtions successives et inscnsibles,
produit, toutes lcs espèces organiques rctuelles. Lcs ôtrcs organisris
sont une irssociirtion, une fédér'atio,r dc gr.oupcs cft: cellulcs. L'en-
semble de ces hypothèscs, ducs à Darrviu, a ret:u lc nom r)e tlrfurie de
l'é,uolution.
L'hypot,hèse rJcl'étolutionet celrc de Iunité cles forecs physiques ont
pclnris dc llttachcr lcs uncs aux rutres toutes lcs scierrce È:llt géologie
etla paléontologie (dont les plogrès ont cr'éé la scicncc pr.ehistoriquô);
lt physinlogic géntrale (uiuiseAion) ct l,/rrtsto logtc (éLut)e au rnicros.
cope) ;'la chimir organirlu,e (qui pernrel de constituer, plr la s.vnilrèsc,
des corps olgrniclucs) ltclùnin u.gri,cotr. (r1ui révolutionnc en ce

(4) 0n attlibue aussi I'invention de cette machine, tlevenuo indispensablc


- à
plusieurs.indusl,ries, à un tailleur tyrolien, Joseph ifadersperger. t"empireur
François lui en aurait, accordé te brdvet, il y a quàtre-vingti ani.
urlps lns'r. - PÉRIoDl.t DE ttoYAUTt! co,lsrlrurlotçltnlln 861
moment toutes les nréthodcs culturales); l'uslronomia (hypothèse
de Laplace), eic.
Médecine et chirurgie. Elles font l,outes deux de glands progrès.
-
Etttttétlecine,t on'à ccssé d'affamer les malades par la diète; ou leur
rlonne en pet,ite quantité des aliments, clu vitt, de I'alcool. En chi-
rurgie, nux anasffirtsiquæ qui, comrnelc chlorolbrme (l), rendent inseu'
siblcs ir la douleur, se sclttt ajoutés les unlisepliçtes (iodolbrme, eauæ
phéniquées, alcoolisées, clùoruries), qui ont pour objet d'empècher h
pourri[ulc des plities.
Ort ir aussi tlouvé das anestlt$iqu,es locaun (cocaine eI chlonn'e de
métyle) rlui inseusihilisent sculement I'organe a opérer.
De mène, l'hygiènc ou méclecirte préventive est eu voie d'accomplir
d'imporl,irnts progrc\s. r\ussi, la molenrte de la vie humaine
s'accroil-clle tous lles jouls. De 23 ans au xvttt* siècle, elle s'élèvc
rujould'hui à 38, déprssant mômc un peu cc chi{Ïi'e.
Pusteur, illustre srtvutt, frattçais, ntort eu t895, il I'cconltu que les
malirclics t:orttagicuses sont produits pal les bncléries ov ntiC-robes (2).
Lc mèrrtc savartt a Cncoro trouvô Ie uacctn du, clmrbon tles hommes et
des anitnutLr, celui tl:u dnleru des poules et celui de l:r roge.
Quels horizotts Inct'veilleux lcs récentes découlertes de h scienee
ncnous ouvlenf,'clles pas! En vérité, Ie progrès se précipite avec
unc rapidité dont, on reste ir la fois émerveillé et confortdu. Le
sièclc pr'ésent pcut tlortc, à bon droit, Ôtrc appelé le siècle de la
scient'e.

- Qu,etelef a observé et étuclié les étoiles


Savants betges. filtrntes,
c[, le premicr, a signalé Ieuls chutes périodiques du mois d]aott. Les
or.lvlagcs tle feu Ifou,zeau,, son successeur, sur la ph,v-sique, I'ilstro-
nomic et h ntétéorologie du globe ont placé notre pays au premier
lang pirnni lcs nirtious ou ces sciences sont, en honneut'. Le Liégeois
Gramnte et l'Ânversois ['un Rysselberghe (3), étaient des physiciens-
électriciens du plus grand nrér'ite. Chacun connaît,les belles reoher-
clres tle \1. Platequ (4) sut I'optiquc. ItlM. Stas, Mekens, Swurb,
T:T/. Slrrinq, Dc lIliltle, sont des notns de chimistes belges très hono-

({) te chloroforme a été rlécouvert en 483{ par &tubegrun,


(21 Organismes microscopiques dont la nature, animale ou végélalc,n'est pas
bien déteiminée, lls se déveioflpent avec une rapitlité prodigieuse dans un grand
nombre de fermentations et de maladies.
(31 Mort au mois de février {893.
(4) $es études lui ont coùté la vue.
869 rnsl'onr!: DES nnt,ctts nr Dn LELltt clvlllSÀl'loN

ralilement collllus duns le ntottde savant. Lcs l'nn Benetlcn, père et


fils, figurent égalcrneut au ttomble dcs zoologistes de grand l'erlolll.
lln lrotnniquc, citous les Itotns tle : Creltin, Dunorlier, Jlforren, pèrc
et lils. trlrrern et I'abbé Carnoy. Bu nrathématiques, ceux de Lingre,
Catulan eL Lecomtc.
Parmi les rnédecins tlistirtgués dortt lcs ttotus illns[rent ttotre pays,
rromnrorls Craenincltn, Gu,isktitt, Spring eL Schruann (l), ttrIiclutttæ,
Seutirt, Crocq, Higu,et, eLc.
Philosophie et morale. A cùté cle h.t pltilosophic spiritttalistc tra-
-
ditionnelle, on distinguc aujourd'hui, cn plrilosopliie pure, deux
grandes écoles : l'école allemandeeL l'école nnghise.
Lcs philosophes de l'école allemande irttiigittent des s.vstèrncs ou
formulent des h,vpothèses cosmogortiqucs; ils s'efforcent cnsuite clc
baser, sur leurs théories,, I'explicittion des plrénomèrtcs pltS'siqucs
0u moraux (9). Les philosopltcs de l'école anglaise palten[ de I'obscr-
vation des faits; ils les chssettt ct les géuéralisettt; en{in, ils en
clérluiscnt les prineipcs (3).
Âujourd'hui, la philosopltic n'atlmet ltlus cotnnre possible une
brusque [rrnsformation de la socriété : cllc croit à une évolution lcnle
ct scierrtifique des fot'mes socialcs.
Les théories sur la ntorale suivertt rtaturellcment les phases par les-
quclles ptsse la philosophie.
Croyances religieuses. La leligion c:rtholique rotttaine cst, profes-
-
(t) Spring et Schwann, professeurs à I'univtrsitê de Liége, étaient,allemands
de naissance. 0n doit à Schwanu la théorie de la cellule.
(9) L'école allemande contemporaine a pour représetttants principaur
llerbart, Fechner, Delbæuf (tle tiége) et \\'uttdt. c Ils partettt de principes
posés à titre tl'hypothèses probablcs : ils eI) tléduisent des cottsé-
quences à I'aidetlu raisonnement et du calcul, el ils contparent les résultats
avec lcs tlounées de I'expérietrce. r liibot, La philosophie allemantle contempo-
laine, page X\|.
(3) r 0n peut regarder Buirt comme le lepr'ésentant prirtcipal de Ia psycho-
logie anglaise, patce que sa méthotle , entièrement descriptive, libre de toute
lrypothèse, évolutiouniste ou autre, reste dans I'orrlre des faits positifs et exclut
tout ce qui peut donner lieu à la critique. Chaque gnoupe de phénornènes est
minutieusement étutlié et les lois induites, lois d'association et lois secon-
tlailes -
ne sont données que conme I'expression dc rapports constrnts et
-
généraux. r td. pageXVlll.
- La philosophie anglaise contemporaine et sous ces dénominations : psycho-
logie anglaise, psychologie allemande, il- faut comprendre toutes les rloctrines
conçues dans Ie même esprit, quelle que soit la contrée ou elles se produisent
spiritualiste, ni panthéiste, ni matérialiste; elle ne nic Dieu ni nc
-I'affirme:nielle
n'est
I'ignore. C'est pour elle l'ittconnaissaltle, l'incogttoscil,le, pour
enrployer le terme consacré.
,t'tiiltps nts't'. t,tlllttoDll DE RoYÂUTÉ COWSttruTloNNtsLLE 863
-
sée pnr lt trôs gmrldc générllité flcs Belgcs. Les juifs et lcs protes-
hntà sont en pctit noml)re tlrrts notlc pâ-rs; par cgntl'g, lcs seep'
tiques et les intlifférents 1' sont assez notnllreux.
Supenstitions et croyances populaires. Blles ont el) grandg plltie
rlisparu dcvartt les progrès cle I'ittstrttetiou
- e[ partieu]ièl'cment
tlevant celui tlcs sciences tlattlrelles.

TITRE X

Lettres.

le degier receù-
Les langues parlées en Betgique.
- Voici, d'après
sement fait el {890, la sil,ual,ion compflratiye des dettx principales
langues usitécs en Belgique : 2,485,000 habitants ne parlent que le
français; 3,744,000, le flirmatxl, 32,000, I'alletnaud. 70{'000' prrlel}t
le français et le fl'rrnancl; 59,0Û0 le frarlçais ct I'allemand; 7,0001'itl-
lomrntl et le flttnanrl. 36,0C0 connaissellt lcs trois lartgues. 5,000
habitartts ne parlertt âucune cies tlois lirngues ttirl,iottales (datts cc
nr-rmbre sont compris les sourds-mucts).
La ligne fle clémarca[io1 eltrc lcs terriloiles ou se parleut lcs
différentes langues tle s'cst pas scrlsiblenent déplacée tlepuis dcs
siècles.
Langue française.- En gônéral, les Belgcs pûIlcnt et éorivent, assez
mal le frauçais; leur phrase est trop Souvent lourde, embarrassée'
obscure. 0n peut citer potrrtan[ dans la période contolllporaille un
uomb.'c lclativcrnett élevé d'oratcurs et d'écrivains rentilrquables.
flnernuRs : Gazdebicn, Lelteau, Ilorgut'r, J.'8, Nothomb, Dtlntorttet,
Dellntryne,, Custiau, Iirère-Orltan, Eu,rlot'e Pirmni'., I)eclmntlts, Buru,
,Iucobs, 'trtfoeste, Beu'nacrl, Jans1n, Grau,t,, ctc. Htsrotttnxs : rle Ger'-
laclrc, (i achartl, P ou,llet, I{arn èc\rc, \l/au t crs, Tl nnissctz, [-nn Pro el,
Polain, Jtrste, Borgnet, Htnauæ, AIcn. Henne, Kertyn tle Lcttathoue,
T'undet'kintlere, Ku'tlt, Pau'l l,'retlcricq, Lonchty, ctc. Punt-tcISTES,
c1rrreugs, Écoxoutsrns : Lou'is tlc Fré., Emite rle Laueleue, tt- Leroy,
G. I7rétlh"in, Slér:her, Goblct d'Aluielln, Edlrtond Picttt"ù, M. IiulJb'
ratlr,,, Geuacrt eIc. Jounxtr,tstrs : Tliclor Hallaut, Renson, Gem'ges
Trau,tlûer, Tnrtliett, Léon Domntarlin, de l)nrùleuille, Dennrtemt,
[lercpeyen, lI*u Popp, ctc. Roltlxcmns, Nou\iELl,IsrES, coNTDUns :
Octaue Pirntet: surtout cgmnc rnoralistc délicat (I{cules dc philo-
soplrie\, CamiIIe Lemonnier (Uu coin de village, Lcs eharniers, Utr
864 Hrst'otRn IIES BELGES E'l' DE LEUn clvrlts,\Ttoti

mâle , Lc mort, etc. ; et tout réccmment La Belgiquc, ouyt"c dcscr.iptivc


relnarquablc), G. Eeckhoud ([ees Doorili, Les kelrne sscs, [,ù nouvelle
0arthage). Man lIlaller (l,a vie bôte, Le baiscr), C. Demblon (contes
nrélancoliques), G. Rodenbath (Bruges la Morte?), Cnrolinc Gxnière,
Clontans, hu,y.smans, Emile Greyson, Hennu,n Pcrç1unenni, fufnr-
gu,erite I'an de Wiele, En,ile Leclcrcrl, Reillbnberg, Eu.gène Gens, etc.
PoÈrns : de,S/assart., Van Hasselt, Antoine Clesse (le chansonnier),
Iù-ucken, Potuin, Matlûeu,, G. Kiirth, G. Rotlenborh (Lcs tristesses,
Lû mer élégante, L'hiver mondain, etc.), Th. Hannon, Albert Git'au,d
(Pierrot lurraire; sonnets), Enùl"e Tlerhneren (Nos Flarnandes), ï'on
Arenbergh (sonnets), Van Herberglre (ccs six derniers, comme
C. Lemonni,er, G. Eeckhoud, I[an Wallcr, C. Demblon, Maelerlinck,
appartiennent à la nouvelle école ditc : Jeune Bclgique), Félit
Irrenay, etc. AurEUIrs DnÀMÀrrQUES : Le vaudevilliste Hennqu,itt,
(notammerrt les Trois chapeaux), Ju,Ies Gu,ilknnne, Du,bosclt,, Stott-
rtton, trIaelerlinck (La princesse lllaleine, l'lntruse, Pelléas et IlIéli-
sandre), etc. Huruonrsrns : Grandgagnage (Yoyrges et Aveutures
rl'Alfred Nicolas), Man Teydt, Keiffer, K. Griin, etc.
Langue wallone. La littératurc rvallone a de même fourni
-
Dcfrfcheu.r, cc poète si délicat, Delarge, Antlré Delclæf (Pu vi, pu sot,
Li galant dô I' siervanle),Joseph Dentoulin (Ji vou, ji n'pou, 0n pèchon
d'avrî), Rentouclmnrps (Tâti I'perriquî, Les amours d'â Gcrâ), Hock
eL Thiry (cleux poètes), Letellicr, curé de Bernissart, llermer (doc-
tetrr cn médecine à Reauraing, fabuliste), E. Brahy (Li bouquet),
Peclers (l,i conseib dè I' mltantc), G. Thiriart (Inc rivinche di
galrrnt), Iloul (Li grandiveuse), H. Sinton (Sôclie i bèche, [i bleu
lrixhe, Li ncure pofe), D. Salme (Ine cîse èmon Jacques Bouchtay),
}I'illem et Baauens (Li galant.d'a Fi{ine).
Langue flamande.
- Le Mouuement littéraire flnmand, Après lit
révolution do I830, il se produit en Belgique une réaction, parfois
plus vivc en pays flamand qu'en pays rvallon, contre tout ce qui
rappelle le régime hollandais. 0n s'en prend surtout à la langue
néerlandaise. Cela dure quelqucs aunées. Cependant, dès {834, com-
mencent à sc manifester les symptôrnes d'une renaissance flamande.
il
 cette époque, se forme à Gand et ir Ânvers des sociétés dont
I'objet est d'encourager la culture de la langue flamande. Leurs
principaux promoteuls sont Ph,. Bl,ommaert, Will,ents (dit,le père du
mouvernent flamand et rlont le WillentsBrlrls a pris lc nom), Reus, de
!'os, ehc. De ces sociétés font paltie,àGand : Bli.eck,,Ledeganck, Van
Tglrps rrrsr. *- r'ÉRroDE DE noyAulti coxsttturtonxtilt u 86ô

Duyse, Senure, ytte pelnaghe ; i Âuvers'z Conscience, Delact, Van


Rysu,yck, Mitlûels, Van der Voort, el"c.
L'æuvte de Hcuri Conscience contribuc surtou[ à donner uu corps
au tnouvcmeu| z f,c Lion cle l,'lrnulre , Vu.n Arteuelùe, la Guerre tlcs
Paysnns,Cannrcnt on deuient peintre, Ce qu'unc mère peut sottffrir, Le
Consa'it,ctc., fottt au romancicr flamand une réputation européeutte.
L'implcssion produitc par les poôsies de Ledeganch eL de Th. tr'an
Rysu,yck cst égalcmeut, des plus cousidér'irbles.
Iin 1836, le roi Léopoltl I, fondc uu pt'ix destiné à récornpenser h
mcilleure disseltation su.r'l'unité orthographiquc de la langue néer-
Itrndaise. Un rappor[ déposé en {841 sut' lcs méntoires réportdartt à li-t
qucstiorr, proposc de nombreuses rlutlificatiotts ir I'ort,ttographc
flarnande. Lc gouvcrnetneut sc rallic tux conclusiotts du rappot't.
llais aussitôt, lcs p;rr'ticulalistes flamingirrtts protestcttt : << Jatttais,
s'écliurt-ils, lc flamrnd catholitlue ltc rer'ètira h livrée liérétiquc tles
calvinisl"es ! > L'itbltô tlc Foere porte ccs réclamatiorts à la cltantllt'e.
CeJlentlirnt,, deux congrès de linguistique nécrlandaisc tenus, I'ttn it
Gantl, I'autrc i\ ,lttïcrs, dortncnt succcssivcmcrtt lettr atlltésiort à
I'ortlrograltlie nécrltrrtdaise 0t, cr) {864, le gouvcrltclllcnt ldtttet
définitivenent celle-ci cornme or{,hoglirphc ofliciclle ; les dettx cc
remplacent la voyelle longue composée uc; les deux tlru, zrc ; y est
relnplilcé par 17, etc.
Iin {B/r0, unc pétition i.rux cltantltt'cs, r'rldigéc par lT'illetlls el, cou'
vcltc tlc 't00,000 signatut'cs, rÔclauc la création d'utle acldérnie
llirmandc e[ I'emploi clu rtéerlartdris r]ans lcs arhniuistratiotts Ioc'.tles,
provinciales ct ceDtrtlc, les univcrsité*q, lcs atliénées c[ les atttr.es
écoles publiques de tous ticgrés.
Iiu 1.873, sous lc ministùre lïhlou-Dc,lcoul, ulle loi du 17 août
dôcidc cJue, dàns.lgs quatrg provinces Ilantatidcs e[ darts I'lrt'otttlis'
sement tlc Louvaiu, Ia procôclut'c sct'it poulsuivie et les selttCllces
rCndues en flamand, à tttoitts quc I'irtculpé ne réclame I'ellploi du
'

I'rançris. Les avor:ats peulcrtil cmplol'cr la langue de leur choix,


nais cn sc cottfot'tttallt, au r(nu dc I'accusé.
Le lYillems-Ironrls, fondri cn {85t, csst,ve cle ccntraliser Ics cffolts
teltirs su vuc de faile sert'ir la lang'uc llamancle à l'énrlncipation
intelleciuelle et politique clu pcuple. Dirns toutes les localités un peu
irnportantcrs du pays {latnatttl, ccttc sociôté instituc cles bibliotllùques, .

organisc tles lcctures. tlcs conférellcgs, des leçons, etc. À tous


égrlds, elle a l'en(lu dc glaucls servicres. Le Dauitls-I"onds poulsttit,
6cpuis'1877, un but an'alogue, ptlll lc's mûmes moyens.
Y. Itlirguet. - Histoire des Belges.
866 Hrsronru DEs ûEtcns ET DE I,EUR crvrlrsATroN

En ces dernières années, satisfaction à peu près complète a été


accordée aux griefs légitimes des l'lamands. Ils ont successivement
obtenu : Ies actes administratifs redigës en flantand (Ioi du22 iinai 186S);
Ia justtye rendue en flamand ({8?3) ; I'enseignement fu,it en flumnnd (loi
du l5 juin 1883); enlin, I'institution d'une acadénûe flamandeit,Gsnd
(loi rlu 8 juillet {886).
L'éducation dcs' Belges pourrait devenir bi-latérale, suivant
l'expression de trt. Sl,éeher, si les enfants flamands et lvallorls appre-
naient, simultancment le français et le néerlandais. 0utre que cc der-
nier est, erl somme, la prcmièr'e langue nationale, puisqu'il est
parlé par Ia majorité des Belges, il donnerait auxWallons la clcf tles
langues germaniques 0t de I'anglais. Malheureuscment, le ton rlu
jour parait tou[ autre, nèrne en pays flamand, car au congri's Iin
guistique néerlandais tenù à Gand ({89[), on a voté la supplessiorr
de I'enseignement du frarrçais tlans lcs écoles primaires en pays
flamand.
Une tendance, qui colnmellce nrssi i\ s'afiirmer, s'effolce de ratta-
cher le mouvcmsrlt littéraire réerlaudais à un mouvelnent plus
général, le mcluvement, pan-germauique ou allcrnand. Bn 1841', urt
écrivairr flamand de méri[e, Delcouf t, recornmandait déjà ccrtairrs
changements d'orthographc proples à permettre au néerlandais de
devenir la langue de toutes lcs populations répanducs entre
Dunkerque et hæuigsberg, c'est-i\-dir'e à vingt et un millions d'Buro.
péens. Depuis, III. Hlrtsert, bibliothécaire de la ville d'Ânvcrs, I'a
suivi en cettc voie et, pùr des écrits divers, a prÉconisé lu fusion
tlu flamurd, clu néerlandais et du bas-allemand. Âinsi la langue
néerlandaise elle-môme serai[ destinée à devcnir'un simple dialecte
allemand.
Lc mouvemcnt flamaud a produit une v(tritable légion d'écrivains
de mérite, tanl en vcrs qu'en prose. Le plus populaire d'cntre eux
est llenri Conscience dont les æuvres sorrt traduites non seulement
cu frarrçais, mais dans la plupart des langues de l'Iiurope.
Parmi les autres romanciers eû renoll, citons : Zetternanl, de son
;
vrai nom Dirichsens I/an Kerklnuerz; De Coster; Ilfne Cou,rtmans,
née Berchntums; Ies frères Sniedcrs, qui ont placé leurs récits dans
la Campiue; Willenw eL DauùL, les fondateurs des sociétés qui
portcnt leurs noms; Tony Bergman, auteut ù'Ernest o'/oas, livre
plein d'humour et témoignant d'un vif esprit d'observation; Emeuisse,
romancier et historien; Slæckr, romancier r.éaliste, qui sai[ mettle
la note comique en ses descliptions des næurs populaires; les deux
't'EMps Htsr. pËRrODE DE R0YAUTÉ colisrrrurroNNslln 86?
-
sæurs Loueling, qui, dans leur.s romans, peignent aussi la vie du
pculrlc; Geiregat, Lotds Gerrits, l'at, der Cr.u,yssen, le baron cle
Sl-Gcnois, etc.
Palrni les poètes,llomlnons: Letleganclc, poète lyrique i Vnn Beers,
le plus populaire des poètes belges eu néerlanttais ; Ies quatre
litn Rystuyck (Tlæodor, Jan, Lunbrecht, Eùward); HieI, poète
lyritlue ; Dastonberg ; Va.n Duijse ; Mtte '[/nn Ackere (Xf,,,e Doolaghe);
Louisa stappaerts ; lltylsteke; le curé Duuillers (Frausquiilonade);
de Gcijter (T'rois hlntmaç du bercear ir, la tumbe,épopée humoristique);
.F'rnn.s De Cort (chausonnier); Clueys ; Anthetnûs ; pot rle ,fufoil, etc.
Poètu drantotiqu,es : Ondereet (Gallomanie, vaudev ille) ; l,an peene
(Churles-Quint eL Ie paysan de BercJnm); Rosseels (l'Amu,tetrr cle
pigeons); van Kerkhoaen (joulnaliste, chansonlier el clranraturge)
;
Geiregat (le Jou.eu,r de boule), a écrit, en prose et en verc Sleeckn
(Grétry, drame) ; Roelants (Le Capitaine Tntllemans); Van Driessche
(Le lTkr.ntingant),' colonel Ir"az Ge.ert (Les Guetm d"es bois); Vantle
Sande (la CinquiùDte rlue ùt, chariot); Delncroin (Phit'ippine ile lrlan-
dre); Gittens {Jane Slnuc) ; Julius Hoste (le lileine Potriot et, de
dc Bru,sselsche Straatxanger joués un grand nombre tle fois avec
succès à I'Alhambra et au Thétitre flantand) (l); Dattanberg (la
Rerolu,lion electoralc); I'an der Cruyssen (Jean Hyoens eI I'hierry
d'Alsoce); Emile |rnn Goethent (Het TViegje eL ïlictor's t{ichte) ; eïc.
cornme on le voit, le mouvement littéraire cn néerlandais est chez
nous des plus intenses et, bien autrement colsidérablc que le mouve-
mcnt littéraire en français.
La presse.
- La presse est absolument libre eu llelgique. La
censulc a été délinitiverneut, sLrlpriméc par lir constitution de 1830.
L'impôt sur lc timble, aboli en {848, enlevait, aux propriétaires des
journaux 9B olo du produil, dcs allonncmeuts. Actuellcment, la presse
jouit en Delgique de véritables privilègcs. Los rlclits comnis par la
voie dc la presse sont déférés au jury; les mèmes délits cornmis par
toute autre voie ressortisscnt aux tribunaux correcliolnels. L'impli-
meur, l'éditeur et le distributeur, si I'auteur est connu et domicilié
en Bclgirlue, ne sont pas soumis aux règles du droit contmlln sur la
complicité.
Depuis 1830, la presse s'est complètement transformée. Aujour.
d'liui, clle nc s'adresse plus seulemcnt à I'hornmc politique, mais aux

({) Superbe édilice construit par la ville de Bruxelles dans Ia rue de Laeken.
868 IIISToIRE DES BELGES ET DE Ltlun clvILISÀ'lIoN

personnes dc tout sexe, de tout ilge., dc l,oute condil,iou. Voulant se


rendre de plus en plus irrtéressutc, elle publie des fcuillel,ons, dcs
articles scicntifïques, historiques, gÔographiques; les cours des
bourses et cles marcltôs. D'itutt'c part, en insérant des auttottces, elle
réduit ses frais généraux et, de la sorte, augmente ses bénéfices.
Dcs r.evues pôriodiques paraisscn[ aussi, de plus en plus rtotn'
hreuses.
Il existait, en Belgique, à Ia fin de {899, {050 journâux et, écrits
périodiques contre 641 en {883.

TITRE XT

Enteignement.

Enseignemelt. Bn son ârt. 17, lit cottst,itution bclge porte:


-
L'enseignentent at libre; loulc rttc,sttre préuentil,c $l intertlile; lu
réltression rles délits n'est regléc quc pttr hr, loi ll).
L'errseigrtenrent pcut se rlpportcr à tlois dcgl'és : l'enseignemen't
su,p érieur,, l' ctts tt ig n e nrcn I nny en, l' ens eig n cn t c n I p r i m ni r e.

Il y a licu aussi tlc clislinguer cntrc I'cnseignetnent pultlic ct l'cnsei'


gnenrcnt Ttriuti. L'cnscignemcnt pu)llic cst celui qui est orgruisô par
l'État, les prot'ittcos ou lcs cournlttncs. 0tt clonuc lC tlour d'Cusgigne-
ment,privé à cclui qui est faitpal dcs particuliers ou pirr lc clergé.
L'errseignentetrt prir'é dirige par ic clcrgé catholiquc a seul de
I'importance en Ilelgique. Ce clcrgc possècle, à [otrs les dcgrés, uu
enseignement comPIet.
Enseignement supérieur. Il est foi'tcrnent organisé en Bclgiqrre oûr
-
({) Toici les principaux arguments poul' et contre la liherté d'enseignement:
Poru' : {o La libre conculrence à pour résullat le progr'ès de I'enseignement.
2o Seuls, les pères de famille doivcnt ôtre juges du gerrre d'ittstruction et tl'ôdu-
cltion utile I'Iltat était seul chal'gé de I'enseignetnent,
pour. Ieurs enfants. 3o Si
il poutrait diriger l'éducation dcs futurs citol'ens dans des voies ltostiles à
certaines croyâDces philosopltiqucs ou religieuses.
Contre,' {.0 Une sérieuse organisation rlc I'enseignernent public n'est pas
possible sarrs I'intervention dirècte dc I'litat. 9o Il est vrai que les pcres dc
lhmille ont chargc d'âme cn ce qui concerne l'étlucation de leurs cnfants.
II{ais la très grande rnajolité tles pères dc fantille est, présetttement, incap.able
de compcendre l'étendue et I'inportance dc ses tlevoirs sous ce lapport. L'Etat,
qui représente I'ensernble des pères de flmille, a I'obligation, au ntoins actuel-
lement, de se suhstitue': aux cito-Tens, en génÉral indifférents ou inaptes à
remplir leur devoil d'éducateurs
TE}TPS IIIST. _ I}ÉRIODE DE ROYÀUTTI COXSTTTUTIONNELLE 869

il se drrnne rlatts ctnq miuet'sftrx, dortt deux univcrsités de l'État,


établics a Gand et à Liége, ct trois univcrsités librcs (dcux ir Bruxelles
ct urre à Louvain). Il colnporte en oulrc l'instilut agrict,Ie de Gem-
Irloux, l'école uclériruirc tie Cureghem, I'iæslf/tLt clmmerclal d'Anvers,
l'icolc iles m.ines de Mons.
La loi de 1835 sul I'enseignemettt supéricur at'ilit instituti I'cxamen
urtivcrsitrile, remplacé en 1855 par'le gtu,chm; en lettres. Celle de
{876 abolit le graduùt ct attlillue aux universités le droit, de
colla{ion dcs grldes. La loi dc {890 subordonne I'admissioll aux
univcrsités à un examcn d'elth'éc ou à lit posscssiott d'utt celti{icat
honrologué d'étutles moyonlles complètcs ott t\ tltt ccrtifÏcat d'études
prépara[oires déclarart[ le récipicndairc admissible à uu examcn.
Enseignement moyen.
- L'ertseigncmcllt moyen de I'EtaI a eté orga'
nisé prr les lois de {850 et tle 1880.
La loi de {850 ayait créé dfr athénées et c'ï,nqu,anle écoles moycnnes
de glrr.çons. Dans la suite, I'S[at cncourâgea, ptr I'octroi de subsides,
la fondntiou d'écoles moyernes et de collègcs comlnun:]ux.
Un article tle la loi de {850 portait, :
< L'ins[ruCtion mOyeune compt'eutl I'cttseignement religieux. LeS
ministlesdes cultcs scront iuvités ù donuer ou à surveiller cet cnsei-
gnenrcnt. Ils seront aussi invités à commuttiqucr au conseil de
perfectionncmeut leurs observirtiotts concernant I'cnseignement
religicux. )) Cet, article ne satis{it pas le clergé, qui combattit
Yigoureusemen[ Ia loi.
La convention d'Anvsrs. Cerlaincs Communes réussirent cepcn'
-
dant à traiter avec I'autoritÔ religieuse sur Ie picd rle la conuention
d'Anuers (1s53). Par eet,te transactiol eutre le pouvoir civil et
I'Eglisc, le clergé conscntait, à douner I'enseignement religieux dans
les éta bl i ssemen ts d' ens eignern en I m oy en. (l)
Le rtombre tles établissements rl'ettseignemettt moyen pour gfrçons
fut cousidérablement xugmenté sous le minis[èrc Van ]lumbeeck.
L'Etat cr"éa un ceùtain ttombre d'écoles moycnnes pour lilles. llais,

({) Yoici I'origine de cette transaction :


ii bureao atlministratif de I'athénée royal d'Anvers avait introduit, dans le
règlement d'orrlre intérieur, un chapitre relatif à I'enseignement religieux. Le
goive.ne*ent te prit pour base d'un arrangement et convint de certains
Ëoints avec le chef'rliocésain, Cette conventioti, approuvée par anrêlé royal du
b avrit {854, fut la conuention d'Anuet's, (Voir oryanr'satiort dc-I'inctruction
Dlblique en ilelgiçæ, par Emile Greyson et I'Enseigne,ncnt en Belgiquc, pat lo
inOme;. Cette convenlion est peu à peu tombée en désuétudo.
8?0 IIIs'roIRE DEs Ilnt,GEs ET DE r,Eurt ctuLISÀTIoN

en 1884, Ies catholiques réduisircnt à vingt, le chiffre maximum des


al,hénées. Plusieurs athénées et un certain nombr.e d'Écolcs movent)Ês
furent supprimés alors ou depuis. Ilcxisl,e ac[uellement ({899)
35 étrrblissements d'enscignement mo1'en du degré supérieur :
90 athénecs rovùux, B collèges communaux et 7 collègcs pttronnés.
Enseignement primaire. La constit,ution avait, proclamé la liberté
-
absoluc de I'cnseigncnent. Cetl,e lilierté es[ cl'irbord fatale I I'ensei-
gnenrent, public. L'Btat supprime l'école normale de Lierrc, ainsi quc
les autres cours normaux. De lcur côté, administrées par des pcr-
sonnes ignorantes, bon nornbre de eommunes lenvoien[ lcurs insti-
tuteurs. Bn outre, mais combien mauvaises, s'ouvrent un grand nom-
hre d'écoles privées. Quiconque saiI un peu lire et écrire, n'a rien ;)
faire et se voit, dénuô de ressources, s'imptovise maître d'école. Après
avoir enseigné l'hiver', le maitre sc trouve sarts occupation l'été :
parfois, alors, il se donne commc fonction supplémentaire celle de
pâtre de hr commune. Dans certaines localités, on ne fait pas de trai-
tement, à I'inslituteur : il \,ù successivement manger, uns semaine
durant, dans la fanrille de chlcun de ses élèr'cs.
La plupart du temps, les écoles mauqucnt du matériel indispen-
sable. Les classcs se tiennen[ dans un lieu quelconque, souvcnt, dans
une chambre nue, au besoin dans une qrange. Enttrssés diins uno
place généralement insuftisantc, Ies lilles mèlécs aux garçons, les
élèves brillent surtou[ par leur indiscipline, et la verge ou le fouet
foncl,ionne sans relâctre. Quelqucfois, les plus grands se révoltent,
rendcnû coup pour coup ; alors la classc devient le theâtre dc scùnes
inclescriptibles. Découragés, les bons instit uteurs eherchent tl'autres
positions et il l'existe bicntôU plus en Belgique d'euseignelnen[
primaire digne de ce nom.
Pcndatrt, plusieurs années, lc service annuel de I'enscignement
primairc ne cottera a I'Etat que 900,000 francs.
Loi de 1842 sur I'enseignement primaire. Ce triste etat de choscs
-
dure douze âns. La nécessité d'une loi organislnt I'cnseignemcut
primaire est à la lin si pressanten si unanimement, réclantée, qu'un
projet déposé par les ministrés en l8&2 est voté à peu prt)s sirns
opposition par la chambrc e[ le sénat. En voiei .les articles les plus
importants : |'o Il y r, dans chaquc conmune, au moins unc écolc
primaire installée dlrtts un local convenable. 9o Lorsque, dans une
localitén il est suffisamment pourvu aux besoins de I'euseignemen[
primaire par les ôcoles privécs, la comrnune peut être dispensée de
I'obligation d'établir elle.mème une école. 3o Le programme porte
TEIIPS IIIST. _ PERIODE DE ROYTIT]I'É CONSTTTUTIONNELLE 87I
sur Ics mal,ières suivantes : religion et morale, lecture, écriture, sys-
tème légul des poids et mesures, calcul, Iangue française, flamande
ou allemanrle. 4o L'enseignement cle la religion est donné sous Ia
direction des ministres clu culte professé par la rnajorité des élèves.
5o Les livrcs destinés à I'enseignement primaire sont approuvés
par le gouvernement, les livres relatifs à I'enseignement religieux
exceptés. Les livres de lecture doivent être approur'és par I'autorité
religieuse. 6o L'inspection est douLrle (civile et ecclésiastique).
7o Lcs inspecteurs cliocésains et les inspecteurs cautonaux ecclé-
siastiques peuvent assister aux conférences des insl,ituteurs : ils
dirigcnt rres réunions sous le rapport dc I'instruction morale et rcli-
gieuse. 8n Il existe une commission centrale chargée d'examiner
les livres, et, le ms échéant, rie provoquer des réformes. L'autorité
ecclésirstique peut se faire représenter, auprès cle cette commis-
sion, par un délégué dont la voix cst seulement consultative.
Fondation de la Ligue de I'enseignement.
groupe d'hommes instruits (à la tôte desquels - Bnsedécembre 1864, un
trouvait M. Buls,
actuellernent bourgmestre de Ia ville de Bruxelles), fonde la Ligue
de I'enseignement, société dont, lc but est d'encourager I'enseigne-
ment liric libre et de provoquer des réformes rationnellcs. Par la
suite, une école rnodèle est créée à Bruxelles en vue d'appliqucr les
nréthodes nouvelles et de les expérimenter (l).
Crôation d'écoles d'adultes (1886). Voir., chapitre ll, Les faits.
Loi de 1879 sur I'enseignèment primaire.
- En {878, le gouvernement
-
libéral, issu des éleetions de cette année, crée un ministère spécial
del'instruction publique. Le titulaire, Pierre van Humbeeck, revise
et, amplifie le prograrnrne d'enseignemen[ primaire élaboré en 1.8&2,
aidé dans cctte tirche importante par lTI. Gcrmain, directeur général
dc I'enseignement prirnaire.
I{ous avons dit le vif mécontcntemcnt ctrusé au clergé par cer-
taines cliruscs politiques de la loi et la lutte scolaire qui s'ensuivit.
Lois scolaires de 1884 et de 1895. De retour au pouvoir en ,1884,
-
les catholiques votent, à Ieur tour une nouvelle loi scolaire, basée sur
I'autouomie commullale. L'enseignemen t rcli gieux devient facultati f
dans les écoles plirnaires communales. Quant au programme
de '1879, une pnrtie seulemcn[ demeure obligatoire. Les scierices

({) ta Ligue française de l'enseiqnenteaf, fondée par Jean Macé vers la


{in de .1866, a été créée sous I'impulsion rle la Ligue belge, à taquelle elle est
postérieure de deux ans.
879 rusrolnti Dlls RElcES E'I DE Ltiun clvlllsÀTloN

ntturelles, notammcnt, sonI r'angées panni lcs branches faeultirtives,


môme pour I'obtention du diplôme d'instituteur (t). Les ptovinces,
lcs communes et les particuliers pcuveut instituer des. écoles
normales et en obtcnir I'adoption par I'Etat. lllais le gouverttemettt
cesse d'inten'enir dans I'entretien des écoles fræbéliennes et des
éeoles d'udultes. Sauf dans les grandes communes, lir plupart de ces
clcoles tombent aussitôt. Une loi nout'elle, votée cn {895, a reudu
I'cnseignement religieux obligatoire tlans les écoles conlmuttrles.
Toutefois, les enfants dtment autorisés par leurs prrents sont tlis-
pensés tl'assister t\ la classe de religiort.
Ecoles induslrlelles.
- Ce sont des espèces d'écolcs plimaires
supér'icurcs pour les rtlull,es. établies tlans celtaines cotnmtmcs
impot'tantes. Il y en I sculcmcnt trcnte-einr1 pout' toute Ia IJcl-
gique.
Ecoles d'apprentissage.
- Sous ce nom, on désignc dcs écoles qui
préparent les élèves à I'irpprcntissage exclusif tlc I'un ou tlc I'autrc
méticr. Parfois on ,v continue ou I'on y répètc les conls plirna;res
en des clirsses annexées. Il existe , par excmple, tlcs écoles de
tailleurs, d'horlogerie (Bruxelles), dc brasserie (Gand),
Les écolcs dentellières des Flandres sont clcs écolcs d'rpprcntis-
sage, dépoul'\'ues toutefois de classes annexes.
Ecoles professionnelles.
- Ce sont des écoles industriclles rux-
quelles on adjoint des ateliers où les élùves, à certaines lteures,
s'exercent i\ manier divers outils, a travaillor le bois, les mélnux e[
rrutrcs matières plcmières. Pal le maniemeut des outils ct lc tlarJail
rlc Ia rnatière première , on prépare pratiquement lcs élèvcs a
acquérir la connaissance des métiers en général, saus lcts prépaler
spécialement à aucun.
Ecoles mdnagères. Ces écoles ont pour but dc préparcr les
-
jeunes filles ù la tertue d'un ménagc, aux travaux dc couturc ct de
repassrge, a la prépalation d'une cuisine économirlue, à I'rrt dc
soigner les nralades et d'appliquer les principes d'ltygiène, etc.
Ecoles de navigation.
- il
À Auvet's, 0stende ct Nieupolt, existc
des écoles gratuites clc ttavigation, qui on[ pour objet ltt prépar':rl,ion
des futuls marirts à I'exercice de leur métier.

({) 0ertaines parties du programme des écoles normales ont été modifiées
depuis par voie tle cireulaires ou d'arêtés ministériels.
TEnrpS IIST. pilnloDu DE noYÀUTtl COXSTITUTIoNNELLE 873
-
TITRE XII
Beaux-Ants ({).

Unc loi historique veut quc la racc ct, lc siècle sc lésument dans
les grancls homnres d'uue cipoquc ct quc le choix des sujel,s
artisliques soit le pltts souvent, clételminé par l'ôttl des esprits'
C'est quC les arts, résultiittt de I'accord dcs facultes créatrices
individuelles aYec les inlluences colltemp6raines, sont néces'
sairemgnt I'cxprcssiou dc l'époque oir ils s'épanouissent' L'ùrt
trouvc son expliciltion ct sou origine dans I'ltumarrité ambi:rnte' Nous
arlorts coustâté I'cxisteucc tle c,ette loi a travers les différents siècles
de uotle histoirc. Nous itllorts pouvoir la r'érifigr rle tlouveru'
Architecture. Jusqu'ici, notre siècle n'a pts produit cle style
-
nouyeau en architec[urc. Les lrchitectes contetnporaitrs se molttrent
fort éclectiqllcs, irnitu[ ou conbitlalt tour à toul I'at't grec et I'art
romail), le style gothique et lc style renaissaucc' l)on sirns les mêler
parfois avec une snfidrrc flbsellce cle règle cl, mèrne de goût'
La lieauté clc nos édifices modcrnes et ll logîque
(le lettl alcltitec-

ture sont,, en efl'et, choses fort discutalllcs. 0n y rcmarquc trop


souvcnt ult clltrssemertt inutile clcs mtrtériaux et uue véritable
Surchrl.ge d'orltcments. Il Cst Yr'ùi qug I'apltoristne courant'
mtis
peu logi,lu c z c'est riclæ, tl\nc c'esl beau,, rJélennitte, ell ul tlop grand
irombrc dc cas, nos appréciltions. Àussi, }icn des cdilices dout ou
pèchcnt-
adrnire pùr pLlrc cont'ôntion I'architccture et I'ordonl)aDcc'
ils c1 réalité cotttre lcs lois essentielles ilu beau. < Chez beaucoup
paraÎt
d'architcctes, Ôcr.it carnillc Lernonniet" l'édilice pI'oprement dit
subortlonuô au citpricc rlcs for:mes extéricureS. 0n les voit s'engouer
cl'un tnotif et, cn liler arbitlrirement parti pour des cottsl'rucrtions
d'un ordre ditrnrétlrlcrneut opposé. Tel mèle lcs tlivet'ses époques ;
tel aul,rc frit cottcourir' à son æuvte tles éléments contrâdicl'oires,
sans clist,inction de stylos, de clestination, clc clinrats
(9). rr

Cependaut, I'emplôi 4u fer, rhtts I'a*chitecture contcmpotirine,


purntrt tlc clonner aux const,l'Llctions nouYclles utt carlctère d'élé-
grnç ilcontestablc.0n cst, d'autt'c paltr sorti dcs voies conltues dans

partie, empruntés
({) Les éléments rJe cc chapi[re ont été, en grantle
à

l'Èiitoircrles Beaur'Arts en Belgique' PAl Cmttlln LruoxNtrn'


(9) Histoire contempolaine, p. 385.
87 4 IIrsrotRE DES BELGES ET DE r,EUn crvrltsAt.roN

la construction du palai^s de justice dc Bru,rellæ, qui inspire à


!1. vanderkindere cette réflexiou : < Le matérialisme dc l'époquc
donne lc goût de l'énorme >.
Disons aussi que la restauration des monuments sc poursuit cle
nos jours avec un zèle iutclligent (hôtel de vilre et maisons des
corporations, Grande Place, I llruxelles; édifices publics et prirés, à
Anvers, Bluges; palais des princes-évèques, à Liége, etc.).
Parmi les édifices et tlavaux d'art exécutés en Belgique depuis
1830, nous citerons : Ies bourses de Brtmelles et t|'anuers; les
conseruataira de Brutellns eL de Liége; les gares thr, i{ord eL ihr, MMi,,
à, Bnmellaç,.celle de T'ou,rnai; I'thole norntale de Bru.ges
; l,écolecont-
munale de h place du,l'ieu,æ-Marché. (Bru,neiles) ; ra banqtæ nstiottelc
de Rru.æelh:s et celle d'Anuers ; lepalais de justice et celui des beauæ-
arts (rlrutcel,les); la, synagogue de Brunelles (une des plus belles
æuvres architecturales de I'époquc) ; l'église de Laeken eL celle tlc
Sainte-Catherine (B.rurelles) ;l'abltaye de Maretlsoæs (près de Diuant);
la, colonnerht, congrès;le bnruage de la Gileppe, etc. 0n voit que les
mouumettls civils dotninent dlns les constructions architecturales
modernes.
Les constructions lcligicuses se bornent généralernen[ à dcs
restaulatiorls ou à I'edification dc couvents rlon[ la simplicité exté-
rieurc eû voulue est, à peu près constantc.
Àu nombrc des architectes belges contcmporains les plus connus,
on peut signaler: ,Srry.s. chcf de l'école classique; Coppens, qui
amplilie Ie classique: ii édifie la station du Nord à Br.uxelles;
Pnyen, à qui I'on doi[ celle du ]Iidi ; clu,ysena,ar, qui construit, les
galeries st-Hubert, le conservatoirc dc Bruxelles c[ le rnarché cle la
Madeleine : le premier en Belgiquc, il s'écarte du crassique et dcvient
par là uu des initiateurs de l'école nouvclle qui tencl à baser I'archi-
tecture sur la vérité et la logiquei Duntont eI Baktt, qui repudient
complètement Ie classique ; Beyaert; Poehert,l'architectc rlu palais
de justice tlc Bruxellesl Jantner, le lestaurateur du Br.oodhuis;
enfin J utlet,, Lic.o t, Schoy, Roeland t,'[Vy nan t-Jans s ens, eLc.
Les maisons privées sont assez souven[ const,ruites avcc goriû et
I'on rencontre, dans les grandes villes, des façades d'un style tout ù
f"rit distingué.
Peiniure. La rér'olution de 1830 trouve rt peinttu-e classiqu,e ett
-
plcine possession de la faveur publiquc. Lc chef reconnu de l'école
esl Daaid, ce peintle français émigré à Bruxelles dout il a déjàr été
TErIps HIST. PÉRIoDE DE ltoYÀurl'l coxsrttutlonnr:t,lu 8?5
-
question dans les deux périodes précédetttes. Nauex est le repré'
sentant belge le plus distingué de l'école classique.
La révolution de {830 dér'elopp€ chez nos peintres le gott de
I'cpopée. Au sortir d'événements qui avaient remué uos plus glo'
rieux souvenirs, la peinturc d'histoire jouit quelque temps d'une
très grantle vogue en notre pays.
Avec Wappe?'s, commence la grande querelle des classiquæ et des
ronmntiques. 0n reproche irux premiers la frOitle cOrrec[ion de leurs
toiles, d'ou ils excluettt systématiquement la couleur. Les romau-
tiques introrluisent dans leurs compositiorts plus dc liberté et de
mouvemellt, peut-ê[re un culte moîus religieux rle Ia ligne et, du
dessirt. IIs en rcviennent aussi au brillant coloris de l'école flamattde.
C'es[ l'époque de Wappers < exubérant e[ mou o ; de Keyzer
< féminin et sentirnental > ; de Wier'x < abstrait e[ philosophique, qui
r.eclierche I'héroisme cles grands corps llus )) ; de Gul,loft t< viril
et sobre >.
L'école réaliste prétcnd copier avec sincérilé la nature et se
rendre indépendanto des s.vstèmes et des maîtres. Elle apparait
avec Leys vers {848. 0n constate,, dans les Ûoiles de Leys, Ia
recherchc de certains types qu'il oppgse systématiquement au
beau classique. De Groun est un moraliste: il traite, de préférence,
les sujets tristes oir il montre à nu le vice et, la misère. De Block se
fait, I'apôtre de la cause sociale. 0n I'a surnommé le peintre démocra-
tique. Il tonnc surtout contre les faits sociaux qui engendrent lc
paupérisme. De Braecheleer peilt aussi de préférence le peuple,
ses mæurs et certtlines particularités de I'existence anversoise.
Lié,uin d,e Winne rnérif,e'le nom de ( pfince des portraitistes )) qu'on
lui a parfois douné.
Madou, peiltre de mæurs, aime le rire ; il 6ée le cabaret wallon.
De Jonghe, Deluau'n, Venuée, Verboækhouen, Founnots sont des
paysrgistes disl,ingués. Florent Willents, pcintre élégant et correct,
aime à r,cprésenter les beaux côtés de la vie; Alfred ,Sfauens est,
par exoellence, le peil)tre dc la modernité, de la vie cotttcmporaine I
il raconte son l,emps en moraliste et en historien. Spækaert s'attaque
au paupérisme, au fanatisme religieux, à la gucrre. clays eL Artan
soua dcs peirttres de marino estimés. Baron, RossæIs, Portaek,
-Wau,tcrs,
Eu,ptmosine Bærnaefi, Bou,Ienger,, Marie CoIIard, Lies,
Bosstæt, Verlat, Slingeneyer, Alfred cluysenaat" Ilan Beers, eLc.
sont d'âutreË noms d'artistes contemporains qui méritent d'êtrc
876 IIISTOINE DUS BÈLGES tsÏ DE t[UR TIYII,ISITION

rel,enus. A
cette liste déjà longue, on pourrait d'aillcurs ajoutcr de
rourbreux noms, tellcntcrt[ lir lteinture est restéc florissante e[
honorée en Belgique; mais il faut bien so bomer.
Lr grande peinture n'cst ptrs seule en lronneur dans notre pays:
on y cultive aussi l'aquarell,e({) avee succès. Prr con[re rlt rninintu,rc
etleltastel, cct ar[ charrnant et frirgile, lendent à disparaîtle. De
toutes parts, en irrt comme en littératute, 0rl recherche c< les acccnts
fernes, les brutalités saines, l'expression imnôtliate de la rtature.
Les modes factices sont, écartées prl le besoin tl'un arl réel et solide >.
Lr peinture sur fai'ence jouit aussi d'une ccrtaine vogue en
Belgiquc. Âu contrairc, lil peintu,re su,r uilrnun est fort abandonnée.
Sculpture. La sculpture belge contemporaine atteint uneccrtainc
-
hautetrr daus les æuvrcs de quelques artistes et en particulier clrrns
celles d,e Hessels, dcs trois fr'èles Geefs, de Eintonis, Itraikin,
Jacqu,et, Bow'é, tle Groot, Cuttier, ctc. Àvec lrassin,la statuaile est
entréc dans la périotlc réaliste et rraturaliste. La formule s'est élar"gie
et précisee avcc tle Vigne, l'nn der Stnppen, l'inpttc, trIignon, Je[
Lanrbe{wfr., cle Lalaing, ehe.
Gravùre. D'abord florissante en Delgiqu e,lt grnuu,re su,r ltois a etc
-
peu à pcu clélaissée. Par contro, lt lithographie, h
gru.u?u'c lilhogra-
Tth.irpteella grawtre ù.l'eau,-lbrre sont des plus prospùres en notle pa1's.
Un grand rtomble de nos peintres cn rcnom ont aussi été des
gr:lveurs de mérite. Tels furent Lau,ters, I"lu,rmois, Ilfatlou,, etc. Les
graveurs proprcnrent tlits lcs plus connns poltcnt les noms dc
Erin Corr, Meunier, Biot, Cuns, Ilrnnck,lflnre @' Conell eL tr'ëIicien
Rolts,lc premier aqua-fortistc (graveur' à I'eau-forte) de Belgique.
l$usique.
- L'école dc musique belge est.tr'ès rentarquable par sott
importartce et le nombrc de scs artistes, tant compositcurs que
viltuoscs.
Entre les musiciell$ compositcurs, signalons : tr'étis, de son vivant
directeur du conservatoiredeBruxelles ; trfiry ; Grisur ; Linmnnder ;
Sou,bre, nnciennement directcul du conservatoire tle Liége ; Geuaert,
qui a succédé à Fétis comme dirccteur du conservatoire de Bruxelles;
Peter Benoit, direeteur de l'école de tnusiquc d'Anvcrs ; Radoun, qul
ir lernplacé Soubre comme directeur du conservatoire de Liégc;
E.-J. et Lfun Sou,bre; l\lman, clc.

(l) Aquurelfe .' dessin au lavis à couleurs transparentes, trIiniature.' petilc


peinture, lrès fine, qui se fait avec des couleurs délayées à I'eau gommée.
Psstel: dessin tracé avec tlu crâyon fait de couleurs pulvérisées.
TEMps lltsr. pÉnIoDE Dht RoYÀu'ttl; coxstlturronnrilln 877
-
Les noms lcs plus conllus dc virtuoses belges conternporains,
instrumentistes et chanteurs sout ceux dc Scruais, Léonat"d,I'ieuæ'
tentps, Satnuel, Bériot, Du,pont, Marie Pleyel, Marsich, Gotlefroitl,
fsaye, Tlmmson, Mu,sirr, ctc. ; llfM"'os Ed.es, Gueymnrtl, Hamuclrcrs eL
Deuries; ltM. Masset, Agnesi, Wurnots,,Sylua, ctc.
Le gorlt dc la musique est très répanclu en tlotre pr,vs. ll u'oxistc
guère de localité un peu importantc qui n'ai[ att utoius sa société
de chant, d'hrrmonie ou clc fanfares. Nous possédons cn outre
trois conservatoircs (Bruxelles, Liôgc ct Gand) et quinze écoles
de musique.
TITRE III
Bégime éoonomique.
procédés tlc cttllu,re
Agricufture.
- Produ.ils ngricoles. fufocla et
I)wtes et TtolLlers. Malgré I'infertilité constitutionnelle des dunes, on
y rencontre quclquefois des partics bien cultir'écs, procluisant
le seigle, la pommc de tct're, lc uirvct, la carotte et, daus lcs parties
les plus humides, ull pcu de foin.
Les riouveaux polders sont d'tutc fcrtilité tcllc qu'ils pcuvcnl
produirc saus eltgrais pendtnt 40 ou 50 ans. Les anciens sc reposent
une campagne lous les dix atls, et, cette anrtéc-là, r'eçoivetlt utte
bonne fumure. Ilans les terrcs poldcriennes, les cultures dominantes
sont : lcs helbagcs, Ies fét'erolcs, I'orgc. Les plantes industrielles'
eolza, Iin, betteraves, y vicnncrit très bien. Voici le mode,de rotation
général":rncnt adopté : pretnièrc trltlée. orge ou colza; deuxième,
fÉvcroles,' troisiùruc, fromcnt; quatrième, féveroles; cilquième,
fromcut; sixième, trc!{le; scptièrne, froment ; huitièmc, pomntes de
tclre of carottes; ncuvième, aloinc; !clixiùne et clelnière, jachèrc.
La propriétti .v cst moins diviséc rlue dirns le lestc dcs Flluldres.
Lcs f'clrncs tle plus dc 90 hectàtrcs y sortt assez notnbreuscs.
Le lLalf'bu,ning ot tttétaynge cst encore pratiqué dans les noirts bottttes
terres clcs polclers, où les progrès aglicoles sont tl'ailleurs assez lents.
Illa,ntlres. Pr',imi[ivemertt, lc terraitt dcs Flzrndres était, aussi
rilùuvitis que celui de la Crmpinc : {500 ans dc bonne culture ,l'ortt
entiùrcment trirnsformé. 0n peut dirc quo Ie pa-vsan fli'rtnattcl a fait
sa terle la bêche à la ntain ('l).

(1) La bèche est I'instrument agricole par excellencedesFlamands. De spa r's


rle goudnûjn der boeren, disent-ils (la bêche est, Ia mine d'or des paysans).
878 lrrsrorRu DES BELcEs ET DU Ll:uR clvrllsA't'toN

t'étcndue des exploitatiorts 1r est réduite r\ un degré extr'ême, au


point qu'ort rl'y lencontre pas 2 p. olo de fermes dc g0 hectar.es,
La plupart sont de 2t1,12 ù 3 ll2 hecLares sculement; aussi la culture
y esbelle au plus haut degré intensite. La culture dérobée, surtou[
celle dc la carotte et, du navet, y esl fort en honncur. 0n consaerc à
cette culturc le tiers du sol. Le fumier de ferme est recueilli dans les
Flandles avec un soin admirable et, utilisé avec ure grande
intelligence, sans préjudice de I'emploi tl'autres engrais choisis parmi
les rneilleurs c[ les plus éncrgiques. Chaque année,le pll'san flamantl
dépensc pour 80 à 100 flancs d'engrais patr lrectare cultivé. Chaque
exploitation produit ordinrrirement, outre lcs récoltcs annuelles,
du pâl,urage, du bois de chauffage, dont la coupc se fait tous les
repl ans, et, clu bois dc construction dont la coupe a licu tous les
trenle àns.
Tout nouveru fermier paie à son prédécesscur le prix des prilles
et des engrais que celui-ci n'a pas employés ainsi que la valeur des
engrais et, tles récoltes en terle. De cefte fir.:on, Ie ferrnier qui reprend
une exploitatiou trouve des telt'es liien cultivées et bien fumées.
Âux environs de Furnes et tle Dixrnudc, r)n irdmile de beltes prairies
et de beaux pirtulages où, dc mai ri novcrnbrc, lc bétail vit, uuit et
jour en libcrte. Le beurre de Dixnrucle jouit d'uue grande rcnom-
mée. Les fermes des Flandres sc louaient, il y a vingt ans, en
moyeune {50 frrncs I'hectare ct les cultivateurs vivaient dans I'ai-
sance. Cc taux de loerrtion a considérirblement baissé depuis.
Les cull,ures dominantes, dus les Flandres, sont celles du seigle,
du froment et de lir pomnre dc telrc (1). Ilais on y cultive aussi
beaucoup les plantcs industrielles, surtout le lin. La cul[ure des
graines oléagineuses permet la fiibrication d'une espôce de tourteau
dont le bétail se montre très frirnd et tire grand prolit.
0n trouve aussi, en Flandre, particulièrement autour de Warneton
et de Werviccl, des cultures irnportantes de tabac. Chaque campa-
gnard a d'ailleurs l'habitude de réserver une portion de son champ
d'exploitation pour 1' faire venir sa provision annuellc. Les environs
de Poperinghe et d'Âlost sont renommés pour la culture du houblon.
Dnlin il existe, en diversendroits des'Flandres, des cultures assez
étendues de chicorée et de betterave.

(f ) Yoir Patria Belgica, tome I, pages 503 et suivantes , Economie rurale,


par Em. de Lar,eleye.
Tnrnls Htsr. pi:nroDti DE rioyAUTÉ cottsnrurlon-Nulln 879
-
Le bétrril y est partou0 très aliondant, sauf le rnouton, dont le
nombre tle tètes ne dépasse pas 80,000 à {00,000. Par coul,re, otr y
trouve au delà de 60C,000 chèvres. Les chevaux dc labour flamancls
jouissent, d'uue grantJe réputation.
ûtm1tine. La Campine cst un pa]-s de pctite culture. L'étendue
des fennes y vrrie {0 ct 90 hectales. Outle les
généralement, entre
terres cultivées, chaque exploitation comyrrend, en dehors des
lantlers conrnrurtrlcs, ulr lot de terres en friche. Lc cultivateur tire
grand prolit cle la bruyère. Il la brûle à son fol'er et fumc la terre
avec la ccrtdre. ll cn fait aussi de Ia litière. Àinsi, il utilisc toute
la lanclc, rnème celle qui n'est pas cultivée.
Les éLitbles de lir Campine sorit généralemcui vastes ct préserttent,
d'un côl,é, les vrcltes laitiùr'cs, de I'autre, les chevaux et les bètes
boviues jeuncs. Le fumier rcste plusicurs mois à se faire. À la litière
tlc bruyère, le fermier ajoute souvent clu genêt découpé, des fcuilles
de sapin, du gazon, de la ten'e, ctc., qui, sous.l'action de I'engrais
'i
liquide, se transforment peu peu en un exccllertt compost.
Millheureusement, on voit encore trop souven[, Ies fumiers rester
rrbandonnés'et découverts dans les cours.
0u culfive surtout, en Campine, le seigle, I'avoine, la pomme
de terre, Ie sarrasin, le colza ct les asperges. En général, I'asso-
Iement y laisse à désirer. Il comporte, en effet, trois arurées succes-
sives de r'écoltes épuisantes : fromcnt, scigle, avoine. 0n fait, la
/re année, une récolte de trèfle ou de féveroles.

Les clrevaux campinois sont peu vigoureux e[ les vaches petites ;


mais celles-ci clounent un beurre qui jouit d'une bortne réputation.
0n se livrc aussi ert Campine, sur une glande échelle, à l'éducation
des abcillcs, qui, en cefte conl,r'ée de bruyères, fournissent un miel
excellent.
Centre.
- La grande cultule .triomphe duus Ie centre de la
Belgique, qui produit sultout le froment, la betterave et le colza. Le
drainage et I'emploi des machines y sont fort en honneur. Cependant
I'irtdustrie agr'icolc n'est llas ;russi avancée qu'il scrait désirable
dans Ie Borinagc et dans la partie du Ilainaut, située au nortl de la
Sambre.
Hasbaye. La production du froment ct celle de la betlerave
-
doninent ert Hesbaye, I'une des r'égions les plus fertiles du pays. La
cultule y est intensive. 0n y fait usage des procédés agricoles les
plus perfectionnés.
880 rrlst'olRtl DES BELGES tsT DE LEUn clvlLISÀTIoN

Pu.ys de Hcrue. -. Les prairies du pays de Herve rappellent' par


leur fertili[ê, celles des ertvirons de Dixrnude. Un bétail nombreux
y paît aussi, rtui[ eû jour, dc mai a tlovembre. Le beurre dc
Hervc conservo sa bonue rertommée. Àu cOntraire, lir réputatiOtt
de so1 fr.omagc, autlefois si estirné, sernble decroitre. Il cxisl,e
aussi, dals lc pays de llcrve, un grand nombre d'itnntenscs
vergers rlui produiscttt en abondauce des pommes e[ des poires dont
on fait uu cxcellent siroP.
Contlrc.t. Le 0ondroz cull,ive surtout, I'épcautre. Dhis le
-
SOigle, I'avOine, I'orge, même le frOmeut Cn certliueS terrCS, leS
poplnrcs de terre, les fér'croles, lc trèlle, la betterat'c, y vienncnt
bien. Les secondes r'écoltes (récoltes tlér'obécs) et, les culturcs
ildustrielles y sont t\ peu près irtconlluos. Le s5,'stème de la jachère
cst restéurtarticle de foi en Condloz : le tiers des terrcs s'y rCpose
tous les tns. L'atlcicn ;tssolement des séréales d'lriver ctcles céréales
dC printenlps S'y est ggirlement nrainlcntt. Les tcrrCs non erublltr'ées
fl'épeautre ou d'at'oitte reçoivcnt du tr'èfle, des pontmes de tcrre, ou
dcmcurent en jachèrc. C'cst, lr paltic tlu pa.vs ott I'otr rcttcoutt'e les
cxploitations les plus étendues. Depuis ulle dizaine tl'anttécs les
procéilés aglicoles semblent -v faile quelque progr'ès.
Ardanne. L'Ardenne est' aussi uu p',iys de grandc cultttrc, mais
fort
-
ar.riéré dans ses méthodes. Ullc produit principaleurenI
l'épeautre, le seiglc, I'avoinc et la pontnic rle terr'C. La glantle éten-
{ue de la plupirrt dcs exploitations n'5' ltcrmet guèrc uttc cul[ure
intcnsive qui néccssiterait l'à\'ance clc cir pit:.lux considéral,rlcs.
ll cxiste généralerneu[, dans les villages rrdcnruis, 0ll dehors des
Ci.llllpâgncs avoisirtant I'agglomÔr'ltiott, dcs tcrres dites ri ahuntp,tlu'on
essarte tous les dix ou douze alls, auxtlLlclles ort firit, produilc dettx
ou trois récoltes et qu'on laissc ertsuil,c rcposcr u1 très. glald
nontllre tl'utnécs.
Ilfaut Signaler'ollcorg, en Colldroz Ct en ArdCttnc, I'existeticetl'un
procédé cultural particulier. Il consistc u nrcttrc lc fcu aux ltcrllcs,
lols cle lir coupe des bois, à retournel ensuite la tcrre à ll houc,
'1ruis à I'enscmeucer de seigle. C'cst ttttc sorte d'Ôcoburgc
En génér'al., les populations aldcnnaiscs rivcnt plus à I'rise quc
les populatiorrs agricoles du reste cle Lr Belgique. Le ltris des
joulnées -r- est nussi plus étevé quc pirrtottt ailleurs. Chaque ntértlgc
a son habitation cn propre, possètle ett outrcclcttx ou trois lopins de
tcrue, nourril, une ,t'ache ou quclqucs cliÔvt'e.s, tilève un pot'c, des
poulcs, etc.
TEupS uIS't'. pÉRIonE DE IIoYAUTÉ CoNsrtrUUonNnllr 88[
-
La jouissance deg bois et des terraitts communaux, dits porfs
ù'aisance,l'ai'de a etrtretenir son petit bétail. Il y a même encol;e' en
celtairrs villagcs ardenllais, un herdier 0u pâtre communal' qui'
rr6]'enucnt uu Salaire en tl'gent ou en nature, conduit la lwrde,
troupeau formé du bétail tle tous les particuliers.
Mitlide InEcmois.-Au midi de la Semois, or constâte surtout un
meilleur assolcment, une culture plus avancée. Le froment et le
méteil y remplacent brusquemenl. l'épeautre et le seigle. Des fruits
sitvour.eux et abOndants, poires, pommes, prunesr abricOtS y
mrtrissent très tôt.
Le nombre des nrcrrlons dimilue en Bclgique.Il semble en ètre de
mème des clwuatm. iu colrtrûirc, le nombre des porcs et des
bæu/s l)ârait 0ugmenter sensiblenleut. En résumé, l'industrie agricole'
importante et difiicile entrc toutes, a rérrlisé dc grands progrès
cn Dclgiquc rlepuis vit)gt-cir)q L\ns.

Sur un grand nonbrc rlc poinl,s, I'assolemenl 0t un bon 'ys'


tèrrrc rle rokttiort. ont rentplacé la
jachèr'e. on a
Non seulement
reDoncé à cc procétlé surrnné, màis, pour suppléer au tlavail des
br.as, trop lent ct trop coûteux, oll l'ccoult à la mécanique, c'est'à'dire
ou* iootitines rgricoles, fattclteuses, moissgnlleuses' machines à
battre, etc. Grâce aux progrùs dc la chimie, 0n est pat'venu à
restiluer à Ia terre certains principes dont les récoltes I'appau;
vrisseut et que le fumier ordinaile lle suftit, pas à lui rendre. L'appli'
cation iutelligente du dririnage et de I'irrigation, la création des
pr'ùiries arti{iôielles, ellfin I'application au perfectionttement des
,r..r, des principes l'ationltels de la zootechuie olt permis de réaliser
en prl'lie cô difticile problùme agricole : < Faire produire à
la terre ]e
plui et lc meilleur possible tlans le moins de temps et au moindre prix
possible D.

L'ilstitutiou de diyers étalllissements d'instructiou professionnelle


a également contribtrt! à I'amélioration des- procédés agricoles' Il
existe un institut rgricole à Gentbloux, utle é-cole d'arboriculture
à

Yih,orde, une écolé d'horticulture à Gentbrugge. 0n vient d'intro-


duire I'enseignement'cle I'agricultule à I'université de Louvaiu et'
dans un cet'taiu noml)re d'écoles mo)'Cllngs. Plusieurs éColes
molenûes d'agriculturo ont été ouyeltes; fles conféIeDces sont faites
u1 Jlcu partouù par dcs irtgénietrrs agricoles, des méclecins-vétéri-
laiies ôu des inslituteurs rnunis de diplômes spéciaux; eillin'
Toutes
I'enscigucmcnt agricole a ôté fol'tifié dals les écoles normales '
À. Dlirguet. - Histoire iles Belges.
882 HrsroIIrE Dtss BELGES ET DE LEUR ctvILIsATIoN

ces mesures témoignent d'un mouvement tt'ès vif dans le sens de la


rénovation complète des théories et des pratiques agricbles eu lotre
pa)'s.
par
Industrie.
lcucc,
- Induslrins
la boisson
alimentairw.
- La bière est, excel-
des Belges. 0n peut évalucr à 460 lilrcs par
habitant la consommation moyenne atttruelle qui s'crt fait dans notre
pays. Cepcndant la bièrc belge rt'a pas généralemcnt gagné en mérite
depuis une quarantairte d'annécs. Quelqucs espèces conservent
toutefois leur renom. Tels, le faro cI le lanùic r)e Bnwelles; les
lrières de G(nd (dtxet), d'Alost, Diest, Louunin (notammenL lt Tteter-
man), Dinant; la bière blauchc de Hou,guerde, ctc. Les bières
anglaises et allemandes sont, aussi fort apptéciées en Bclgique, oti
lour consommation anuuelle atteint cnviron {00,000 hectolitres.
Cfricorée. -- La rhicorée csl, un irutre produit alimentaire de gmnde
consommation dont la fabrication est des plus importantes en
Belgiquc. Il existc des fabriques rle chicorée drns toutcs les
provinces, m'ais surtout dans les Flandres e[ le Hainaut.
Distilleries.
- La dislillalion du seigle, de I'orgc, du fromettt, du
maïs, du riz, de la betterave, etc., se faitchez rtous sut ul)eéchello
considérable. Chaquc année, nous produisons plus de 500,000 hec-
tolitres de genièvre dont nous rt'exporl,ons pas plus de 70,000. Le
reste es[ consommé dans le pal's mêmc. Nos plus impoltantes tlis-
tilleries se rencontrent à Anvers, Hasselt, Huy, Lembecq. etc.
Sucreries. Nos sucreries fabriquent annuellemen[ plus de
75,000,000 kilogrammes de sucre dontnous exportons les dcuxticrs.
C'cst, dans le Hainaut,, le Brabant, eb la Hesbayc qu'olt reucontle Ic
plus grand uomhre de ces fabriqucs.
Industrie dentellière.
- La firbrication des dentelles est très impor-
tarrte en Belgique. La dentelle Ot S[nlirtt)s se firit u I'useau. Celle
de Bruxelles, dite aussi application, se confcctionue t\ l'niguil.le, en
rppliquant les llculs de la dentellc sur Lln réseau. La dentelle
connue sous Ie nom de aalencicnne se fait au fuseûu, eontrne la
dentelle de Malines, mais en une seule fois. Blle est à nrailles rondes
ol i mailles carrées. ln de.ntelle noire de Grammon[ se fabriclue au fil'
de catan ou au fil de soie. La dentelle blanche de Bruges cst au fil de
coton.
, fnduslries textiles. Inilustric linière,
- L'ittdusl,rie linière,
toujours prospère en nol,re pay$, a, depuis très longtemps la
r'éputation de fourrtir' les plus bclles toiles du monde entier.
TErIps rnsr'. r.ÉRroDE DE RoTÀurÉ coNsrrrulroliNELLE 883
-
Dép<lurvues de sels calcaires, les eaux de la Lys sont particulièr.c-
ment propl"es au rouissage (t) du lin et au lavage des toiles. Néan-
moins, dans la première moitié de ce siècle, nous nous sommos laissé
déprsser, eu cette fabrication, par suite de noùre obstination à liler
à la main, au rouet et à la qucuouille. Nous âvons enfin abaqgonné
ce nrode primitif dc filage, uniquerncnt cmployé cle nos jours à .'la
fabrication des lils pour dentelle. La machine à liler actuelle, com-
biniiison de la mactrine pour tr:rnre et du mé[ier continu, surfou[
cmployés daus la fabrication de Ia chrine, a été inventée en {??5 par
Samuel Crompton. Iille confectionne égalcment Ia chaîne ct Ia trame
mécrniques. Les dessins sur coton s'obtienuent à Ia machine. Printi-
tiventen[, on imprimait sur des planches en bois, oir I'on gravait en
lelief des dessins recourerts ensuite de couleurs au pinceau. plus
tard, on remplaça le bois par le cuivre, gr.avé au burin ou à I'eau
I'ortc. Dcpuis {80S, on utilise à Gand dcs machincs qui impriment, au
rotrleau.
Nos toiles soutignnent donc encore avec succès la concur-
ronce étrangèrc. Àussi en exportons.nous chaque année pour
20,000,000 de francs.
Industrie lainière.
- Ycn'iers esl, nolre plincipal centre d'ildustrie
liuière. La productiou dc ses fal.rriques a pt.esque décuplé depuis lc
comlilellcement du siècle. Il occupe actuellement 25,000 ouvriers.
Nous oxportons chaque année des tissus de laine pour 30,000,000 tle
francs. Les laines que nous met[ons en æuvre uous viennent de
l'étranger surtout de I'Australie, cle la République Ârgentine, de
I'Uruguay, du Cap, de l'Ângleterre, de la France, etc.
lndustrie cotonnière. des plus importantes industriesde uotr"e
-L'unc
est celle r/ea coton. La matière prcrnière t)ous elr est priucipale-
pa',vs
nell fournic par les Etnts-L]nis et les Indes olientales. Gand est fe
principal centre de cette industlie, mais il existe aussi des fabriques
dc coton à Tournai. Saint-Nicolas, Terrùonde, Courtrai, llfouscron, etc.
Nous exporl,ons annuellement pour' 94,000,000 de tissus de coton.
Extrastion de la houille. La Belgique est un des priucipaux pays
-
houillers de I'Europe. Le chiffle des ouvliers emplo.vés dans nos
houillères s'est élevé de 45,.T00 en 1840 à 106,000 en {885. Peut eltre
nos houilles sonl,-elles infér'ieures cn qualité aux charbons anglais,

({) Àction de tremper le lin dans I'eau pour faciliter l'cxtraction tle sa partie
ligneuse.
\

884 lusrolltu DEs BELcES E't' Dli LEUR cITILISATIoN

nais le prix en cst aussi beaucoup moitts.élevé, en sorte qug nous


luttons tssez a\'ùntageusement sur divers marchés avec nos voisins
d'Qutre-Malche. Un {892, nous avotls extrait {9,600,000 tonnes de
chrrbon. Annuellemeut, nOUs consommons, en Belgique, Gnvirott
19,500,000 tonnes tie charbort. Nous exportons le reste. Nour avons
exporté en {899 tlu clrarbon et du coke pour 88 rnillions.
lndustrie du fer. du fcr ct celle dcsmachirtes prospèrettt
-L'industrie
toujours en Belgique.
Il y a eu, depuis cinquante ans, ulle transformation complète des
procédés industriels.
Le coke rempltce le clmrbon de bois dirns les hattts-fbrnneotlr et les
fontlaries, ce qui permet lt fonte rapide de masses énormes dc
minerai. L'æuvre des mat'tanut-pilons s'est substituée at battage
ù, ftt, mnin dans les ateliers, rendant ainsi prodigieusement rapide
le travail de Ia matière première. Cependant, on ne se contentc
mème plus de ces puissants màrteaux à vapeur. Partout où
I'ildustr.ie du fer est active, ou travaille ù I'aide d'appareils hydrau-
liques, des masses dc plus en plus considérablcs d'acier. La révolutiol
opérée par I'emploi du marteau à vapeur dtns le travril du fer tt'est
rien à côté de colle qtle viennent d'y produire les etlgins nouveaux,
I'etu fourlissunt une force pour ainsi dire illimitée. Une illtchilg
[ydraulique falrriquée ',r Leecls clans ces dernièrcs annécs ne pèse pus
moins de 4,000,000 de liilogrammes. Cet outil colossll est mis e1
action par cles pompcs dont la f<rrce atteiut 9,000 chevartx-vapeur.
Le fer. extrait de nos minières ne suffi[ pas à notre cottsommation.
Chaque rnnéc, nous ell importons plus de {,500,000 tonnes. Nous en
avons extrait 919,000 tonnes en 1892. En l8?{, la Belgique produisit
pour envirog 950,000,000 dc fi'anes de fer ct dc font.e- M:ris, depuis
{875, u1c criseintense pèse en notre pa-vs sur ces industries. D'autre
part la fabrication de I'acier Bessemer, employé pour lir construction
tles rails, ponts, chrudières, niachirtes, etc., et beaucoup plus résis-
talt que le fer, leur nuit considéralrlement. Urt rail cn acier Bessemer
tr titigrquatre fois Ia durée d'un rail en fer. 0n sait du reste que
I'acier est au fer, ce que le fer est ru bois. Il se rouillc, s'effeuille
ct se déforme rnoitts que le fer. Son emploi a reudu moins fréquents
Ies accidents de chemin de fer.
Machines.
- Cockerill, dc Seraing; le PIÉniæ, de Gand; divers
autres grands ateliers, à Couillet, Liége, Tubize, Hu-v, Bruxelles sont
Ics étrhlissements les plrrs considérables du ptys pour Ia construc'
1'0$ps [IST. PÉnIoDn Dts noY,turti coxstllurtoxlnr,ln 885
-
tion cles nachines. Toute proportion gardée, aucut)e contrée ne con'
fectionne autant de machinesà vapeurque la Belgique. Clraque année,
nous cn exportons pour 75,000,000 de francs dans toutes les parties
du monde.
Armurerie. L'ittdustric dcs armes en Relgiquc esl presque exclu-
sivement
-
liégcoise. Cependant on fabrique les arrnes de luxe ct tlc
chasse dans la plupart de uos graudes villes. Le nombre de pièces
fabriquées à Liége s'est élevé de 200,000 cn {899,'à 800'000 eu 1878-
ll y a en cette villc une fonderie lo1'ale de cauons,
Zinc. Bn 1878, la Vieille-Montagnc extrayait cncorcâtutuellemenf
-
85,001,000 de kilogrammes de zinc (valeur 35,000,000 de francs).
Depuis, les mines ont drl ètle abandottttées, les galeries ayant été
cnvahies par les eaux souterraines. Actuellemen[, tout, le minerai
cmployé dans les usines de I'etablissettrcnt cst de provenallce é(r'an-
gèr'e. L'industlie du zirtc cst en gt'iinde partie localisée dans la pro-
vince de Liégc, daus les vallées de la lleuse e[ de l'Otrrthc.
Tapis. Hntièrement tornbée au xvlile siècle, eetl,e irtdustrie tcnd
-
à se relever. Blle a pour sièges principaux : Druxelles, Malines,
Tournai, Ingehnunstcr, etc. La tapisserie dc haute-lisse n'cxiste plus
en Belgique oir clle a été remplacée par le papier peint. Les
tapisseries à brsse-lisse se falrriquent à Ingehnunster,, les tapis de
pied, à Tournai.
Papeteries. Ellcs sont nombreuses et, irnportirntes. Les papeteries
-
Godin à Huy sont parmi les plusconsidérables du monde entier.
Verreries, cristalleries, glaces. L'industrie du verre, I'une des
-
plus flolissantes du pays, a pour certtrcs principaux le Val-Saint'
Lambert, près de Liégc, Namur, lllons e[ tharleroi.
Il cxistai[, en 1878, 80 verreries produisant, des rnarchandisespour
36,000,000 dc franr:s. Les glaces sc fabriquent surtout à Florelte et à
Sainte-Marie d'0ignies.
Carrières. Il yiren Belgique environ 1,800 carrièr'es de pielrc ou
-
dc marbrc produisant annuellement pour 40,000,000 de fiancs de
marchandises.
Lcs centres carricrs les plus intporttrnts sotlt : pou,r les picrres tle
:
taille Soignics, Ies Bcaussines, Feluy, Arquertnes (Ilainaut), Spri-
morrt (Liége); pou,r lcs pierres d'ardoi.scs.'Herbeumortt et Viel-Salm ;
pour les marbres.' le Hainaul, la province de Namur et le Luxembourg.
Commerce.
- La Révolution française ayant supprimé tous les
privilèges, les corpolations industrielles disparaissent, e[ chacun
886 Hrslornn DEs rlitLGES ET DE LEUR clvrLrsÀTloN

acquiert le droit, de fabriquer ou de commercer; moycnnflnt patente.


La liberté économique indivitluelle était délinitivement conquise.
.Dans ses applications aux relations interrtationales, Ie même principe
de liber[é économique met plus de temps à entrer dans les esprits.
Libre-échange. Le pur r'égimc du libre-écltange combine la liberté
-
absolue du commetce avec I'absence de tous droits, à I'entrée et à la
sortie, sur les produits agricoles et industriels. Guillaur* 1er pro-
fessaiI des principes libre-échangistes, mais le temps lui manqua
pour les faire entrer complètemettt daus la législrttion. Après la
rér'olution de {830, par réaction et aussi par iguorance, les Belges
entrent à pleines voiles tlans lc protectionnismc.
Protectionnisme. Le régime de la protection impose lcs marchan-
-
dises etrangères à lcur entrée dans le pays en vue de favorisel les
industlies nationales. Ce r'égime est évidemrnent désavatttageux pour
le consommateur, car il a pour résultat déIinitif de faire payer les
choses un prix dépassant lc taux uaturel dans le système du lible-
échange. La prospérité de certaines industries, obtenue par la llro-
tectiort, est donc tout artiflcielle. D'ailleurs, !a protection provoquc
des représailles. Enlin. le système protectionniste est rarement favo-
rablc aux plogrès des inclustrics palce qu'il leur enlève ce double
stirnulant, la nécessité et l'émuhtiotr.
Prohibition. Le système prohiltitif est, plus raclical entole pout
-
favoriser le débi[ des produits natiottaux similaires. Il iuterdit
I'entréc d'uu pays à certaines denrécs ct, marcltandises.
Systèmes de l'échelle mobile et des droits diflérenliels.-Depuis {830,
la Belgique a successivemettt conllu, comùle régimes sc ral,tachlnt à
la protcc[ion, le systèiize de l'icltelle nnltile el Ie systènte des droits
différentiels. Le prernier consiste :\ régler les dloits tl'entrÔe et de
sortie sul la ltausse ou la baisse tles denrecs ir I'itttérieur. Le blé
est-il aboudaut? Vite un irnpÔt sur les grains étrrngers. Bst-il ltlus
mre et la vente clc tros ploduits est-elle assttréc à cles pt'ix rémuné-
rateurs ? 0n peut abaisscr les droits d'entrée. Une loi dc 1834
introduisit en Belgique l'échelle ntobile.
Plus tard, en présence des résultats peu fi'tvot'ables obtenus, oll
songe r\ en établir un autre plus protectionnistc cttcorc, Ic sys-
tenre des droil,s différentiels. Il aurait consisté à inrposer les mar'
chandises étlangères de droits différ'ents, suivitnt les lieux de
productiou et de proveûance ou le pavillon des navires servant à
les transporter. [In projet de loi, rédigé confolmément à ce système,
TEnrps Hrsr. pÉnroDg DE RoyAUTÉ consururtoxnnllu 887
-
fut même présenté en'l846.Mais, vivement attaqué et qualifi,é de loi
de linnine par I'opposition, il ne put ètre voté.
La maladie des pommes de terre en 1847,1848 et 1849, réduisit,
les classcs pauvres à la plus profonde misère. Alors, le gouverne-
ment entra daus une autre voie et Ia Bclgique devint libre-échan-
giste.
ATtplication des principes du, Iibre-échnnge. Pays essentiellement
-
industriel et producteur, la Bclgique, si l'on en croit les économistes
les plus éclairés, a un intérêt vital à suivre ces priucipes. La sup-
pression des oclrois, eu 1860 et,, en 1866, celle du droii rle barrière
sul les roules de I'Etat, fulent des rnesures libre-échangistes d'ordre
intér'ieur. Bn 1860, Nerpoléon III ayant cottclu avec I'Attgleterre utr
traité basé sur les principcs tlu libre-échangc, la Belgique suivit cet
exemple. Estimant que I'iutérèt d'un pa.vs industriel commc le nôtre
est de toir disparaître les cntraves apportées au commcrrlc par les
droits cle douane et de transit, M. l'rère-Orban inaugure le système
l)ouveâu en signanl avep la France ]e traité libre-échangiste de
{861. Plusieurs traités conçus dans le mème esplit sont, par la suil,e,
signés avcc différ'ents états et. en 1865, on adop[e un tarif libre-
échangiste d'application générale.
Aujourd'hui, la supériorité du système du libre-échange n'est plus
guère contestée. Si I'on assiste, pour lc moment, à un retour offensif
des théories proteotionnistes, si la Belgique ellc-mÔme semble
hésitantc sur la voie à suivre, c'est quc le libre-échange est cortsïdéré
pat plusieurs comme utte duperie tant, qu'il n'cst pas universelle'
ment admis dans les relations cl'é{,irt à état. Actuellement, ett Belgique.
I'entr'éc des matières premièr'es est librc; seuls, les objets manuflac-
turés sonl, soumis à des droits d'entrée modérés, justiliés par cettc
considéral,ion que I'intlustriel bclge, payant, les droits de patentc et
d'accise, il serait injuste rl'en exonérer son concurent étrartger
(Hymans). Grâce à la fidélité gardéc jusqu'ici par la Belgique au
systtinrc du libre.echange malgré I'attitude ultra-protectionniste de
quelques pays voisins, notre commerce extéricur reste quelque chose
de véritablernent cxtraordinaire. Le croirait-on ? il atteint les 3/S tiu
comnlorce tle la France ct dépasse celui de I'Italie et de la Russie !
< Ert {840, lorsque le système protecteur régnait en maître, le chiffre
total dc uotre comnrerce général était de 400,000,000 annuellement.
 partir cle { 857, la l}eigique oommence à réduire ses tarifs de douane
of irnrnédiatement unc gradation brillante s'ûccuse d'année cn attnée
dans lcs statistiques du commerce et porte linalement ces 400 mil-
888 HISTOIRE DES I}ELGES ET DE LEUR CIVILISA'IION

lions, si lougtemps invariables, au chiffr'e aotucl dc plus de 6 rnil'


liards u (Couvreur).
Traités de commerce. Ne voulant pâs sc rallier au libre'échange,
-
certains gouvefnemen[s contractent entre eux des traités par lesquels
ils s'engagent sur le pied de la réciprocité. En vertu de r:es traités,
à I'abaissement de certains dfoits d'entrét-r dans un palts, correspold
une diminution équivalente, dans I'autre. Souvent môme un gouvgr-
rrement se borne à réclamer le bénéfice du tarif fait it' la nation' la
pftts fauorisle. Deis lors, I'autre contractants'engage à ne lui réclamer
au plus quc les droits payés par Ia ttation la moirls imposée.
Un gouvernement est bien peu lié, on le conçoit, par un tcl engage-
ment.
Moyens de transport et voies de communication. Depuis urt sièCle,
et du
-
commerce sont radicalenteut
les conditions tl'e I'industrie
transfolrnécs. LeS deux agents les plus actifs dc cctto transformation
ont été lcs moyens de transport et. les voics de eommurtication. 0n
se fait aujourd'hui diffîcilement à I'idée que les chemins de fer n'ottt
pas torijouls cxisté et I'on ne se représente pas bien comment oll
ferait pout' s'ett passer.
Cependant, au siècle deruier, Ies seuls moyens de transport étaient
encore, par telre, la diligenee, le roulage et les messageries ;
par eau, les bateaux ou les navires à voiles. A Ia mème époque, il
n'existait d'autres voies de communication quc les toutes, le pluS
souvent mauvaises et soumises â de lourds droits de barrière.
De nos jours, les routes sont innombrables et bien entrctenues,
les droits de brrrières abolis. Une foule dc canaux ont été clcu'
sés (l), cles voies navigables canalisées ; des bateaux à vapeur, élégattts
et commodes, de puissan[s steamers trartsportenl les voyâgeurs Sur
les fleuves et sur les mers; enfin le service des chemins de fer, du
télégr'aphe et du téléphone est adrnirablcment organisé.
Les express internationaux facilitent encore les communications
à longues distances. Âujourd'hui, il est possiblc dc quitter lc matin
la localité la plus éloignée de lrr capitale pour se rendre à Bruxelles,
de terminer ses affaires en cctte ville, ct d'ôtre t'entré chez soi lc
soir. Et, quand il s'agit de longs Yoïâges, ort peut mème dolmir en

({) Bntre autres Ie canal du Centre, qui met en c6mmunication le [assin


de'ôharleroi avec le Centre eL le llorinage. Il est pourv,u de puissants éléva-
tuu.s trya.*oliques qui permettent de réduire le nombre des écluses.
lrtfips rrrsT. pÉRTODE DE RoYAUl'É CoXSrtrUrtOmnllp 889
-
ruagon-Iit et mangel' darts les bttffets'salons des trains internationaux'
tandis que ceux-ci aceomplissenl leur course vel'tigineuse.
Le seiui,ce des postæ n'existait pas, il y a soixantc-dix ans, ou était
mrl organisé. Les messageries chargées de ce serYice s'en acquit-
trient avcc peu de régulat'ité.
L'invention du timbre-poste par I'Anglais sir Rorvland-Hill, ct'
l'établissement de I'union postale universelle (l), en {878, ont singu-
lièrement facilité les relal,ions prir'ées et les relatioDs d'affiiires. La
création des cartes-correspolldirnces (fr. 0.05,t, tlcs cartes-let'tres
(fr. 0.{0) et tles lettres exprcss (h'. 0.35) a perfectionué encore utt
service ctéjir si bien organisé.
extraordinairc prisc dc uott'c tcmps par
crédit.
- L'extcnsion
I'industrie et le commercc est duc aussi pouf ullc pirrt importante
tu crcdit.Lc crédit, a non seulemcut permis les gros ctnpt'unts d'ét'ats
ou de villes, rnais il a cncorg rclldu possibles lCs ertl'rg1n'ises les
gl'ands
plus considerables (9), pirr I'itssociatiolt tle tous les capitaux'
par actions' Les ban-
àt petits, dans les banqles e[ dals lc.s sociétés
quà, p.,:*ettelt d'tivitôr le déplacemcn[ du numéraire. Un débil,eur
i*.quitt. agjourd'hui p*r Ie moyett d'ttp chtique sur son banquier'
Les ùanquiers d'une mème ville peuvent epsuite échanger
lcurs effets
en portefeuille. Les banques font des émissions de papicr-monttaie
prop.., à favoriser grandcment les transactions colnmerciales.
-évatuc
ôn à 28 millirrrds la valeur clu papier'monnaie actuellemenl
en circulation dans le monde eutier.
Bourges de commsrce. Les affi.rires se traitent surtou[ dals les
-
0n donne ce non1 aux réunions tcnues régn-
bourses de comtnerge.
jours fïxcs par
lièrement dans les villes imporl,antes ir heures ou à
les industriels et les commerçartts. Pal extension, il s'es[ étendu
aux licux oft se fout ces réunions. Là, se négocient les achats et
les ventes, comme, en général, tous les échanges suivaut lesquels
se

règlent, rl'uprès I'offr.e èt l. ,luro.nde, prix tle vente


les coul's ou des
sont
aciions, rlcnréCs et marchandisCs. Lcs bourses tlc comlrlcrce

({) Elle s'étend à tous les pays civilisés. Pour ious les pays de I'union postale,
f. l,iJ OGàiàii.e orOinrird ni Oepasse jamais 25 centimes. Lcs cartes'co*res-
poiàrn.r* à destination de ces pâys se paient {0 centimes'
(2) Comme, par exemple,le p-eràement de I'isthmg dg.-Sugzr.rlu.mont Cenis'
rtu St-Gogrard et ,rr'Iiilr;;t;
la fondation de I'Dtat indêpendant du
Congo, etc.
890 Hrsrotnn DEs BELcEs ET DE LEUtr crvllrsÀTroN

aujourd'hui entièrement libres de coter toute espèce de valeurs.


Foires et marchés,
- Les foires eû mflrchés sont nombreux en
,

Belgique. ces derniers ont lieu chaque semaine dans torrte localité
de quelque importuce. Les foires n'on[ ptus reurs proportions
d'autrefois. Généralement, ce sont dc simpres marchés lux chevaux et
aux bestirux. Les autres foires, simples réunions d'acrobates, saltim-
banques et ambulants de toute espèce, se confonden[ ordinairement
rvcc les fôtes prroissiales. 0n ne s'y rend guère que pap désæuvrc-
ment et elles ne sc soutiennent que par l'habitude.
Erpositions universelles.
- Lcs expositions universelles ont aussi
grandement contribué à la dill'usion des procédés indtrstriels et à la
prr)sp$1'116 du commerce. La Belgique a fait deux expositions
universelles a Anvers, en {885 et en {894.
$pécufation. Les krachs. Les bourses rle comnrerce sonl sou-
le - -
vent, siège d'opérations d'un caractèrc assez doutcux. 0n y ren-
contrc des gens d'affaires (agioteurs) qui vendeut à ternre des actions
sans les posséder: d'autres qui les leur achètent sans avoir d'argenl,
pour les payer. Le jour de la liquidation arrivé, on solcle la clifférence
entrc lc cours du jour et, celui du cours au moment cle I'opération.
c'est ce qu'on appelle l'agiotuge otr jeu it, la baisse et ù, ta hausse.
La fortune de certains grands linanciers n'a pas d'autre origine.
Quelquefois, les agioteurs font monter, sur une prace, certains tit,res
à un prix qui ne correspond nullemenl, à leur valeur réelle. si les
cotes vicnnent à tombcr tout à coup, la baisse entraine I'effonrlre-
ment des fortuues dc boulse et russi, malheureusencnt, Ia perte des
petites éconclmics : ce désastre s'appelle krach (.1).
Les crises économiques. Â notre époque, il ne se produit plus,
-
comme autrefois, de ces thmines capables de dépeupler toute une
contréé, tandis que, faute de voies de communicrtion et de moyens
de transport, le blé pourrissait dans un pays voisin, Mais, à certaines
époques, surviennent des crises éconontiqu,es générales, sous I'in-
fluence de causesdiverses, telles qu'une grande guerre, la fermeture
de marchés très importants, I'excès de production (crises d'abon-
dance). etc. Âlors, toutes les classes sociales souffrent; les capi-
taux se cachent, les banques font faillile, Ies entreprises ne sc
hasardent plus; la consommation étant moindre, la production se
ralen[it et les ouvriers se trouvent sans travail. Les criscs de I'espèce

({) De l'allemand krachen, uequer,


TEIrrps [rsr. pÉnIoDE rH noyÂurÉ; colçsrrrurtonxelln 891
-
ont naturellernent, leur contre-coup dans le moncle entier, parce que
tous les marchés sont solidaires. Les distances en effet n'existen[
pl us.
Prospérité matérielle.
- La double prospérité industrielle et com-
merciale dont nous avons joui en Belgique depuis 1830 tient à trois
causes essentiellcs : {o I'affnanchissement de I'Escaut : il entre.
cltaquc annéc, drrns le port d'Anvers, 4500 navires dont le tortnage
cst généralernent beaucoup plus considérable que celui des navires
tl'autrefois ('t); 2" la création de nombreuses voies de communica-
tion' et la modicité des tarifs de transport pour les voyageurs ct les
marchandises; 30 I'adoptiou clu système économique du lillre-
échange.

TITRE XIV
Vie domestique, coutumes et mæuns.

Nourriture. 0n conçoit à peine aujourri'hui le boire et le manger


sans lc café ct
- h
pomme de terre, alirnents peu employés cncore
au siècle rlemier. Le calï au lait pour déjcunel cst très répandu. Cer-
taines pefsonnes le rernplacent, par le chocolat I d'autres, ntoins nom-
breuses, par Ie thé. Le diner comprencl toujours au moins un potage
ct des pommes de terre. Dirns toutes les classcs de la société, I'ali-
mentatiort est généralement s;rine et abonclrntc.
Il y a toutefois une différence à fairc entrc la nourriture du paysan
flamand et celle du campagnlrd ardcnnais. Le prernier est probable-
ment I'ouvrier lc plusrnal nourti de I'liurope,bion qu'il soiI peut-être
celui qui travaille le plus. Sa nourriture est, exclusivetncnt végétalc;
rarement, il mange du lard ou de la viande. Le café à la chicorée cst,
sa boisson ordinrire : il ne boit de bière que clans les grandes
circorshnces. Àu contraire, le moindre paysan rldertnais mange
chaque année le porc qu'il a élevé, et, de temps en tcmps, s'achète
rn) morceau d'autre viaude. En outrc, il boit ordinairernen[ de lit
bièr'e.
Vêtements.
- Les souliers e[ les bas, la chemise, le col et la
cravate; le panhlon, le gilet et la veste ou la lecliugote; le par-

(,1) Letonnage total annuel peut ètre évalué à4,500,000 tonnes. En {89{,
ce tonnage total a été exactement de 4,684,822 tonnes. Il a été de 4,413,9r+O
lonnes en ,1892.
899 trrsrornn DEs BELcES ET DE tEuR.cIvILtsÀtIoN

dessus, le chapeau de soie et lc chapeau de feutre aux formes


variées, sont aujourd'hui les parties caractéristiques de I'habillemcnt
des hommes à la ville.
L'ouvrier des campagnes remplace la veste ou la redingotc par la
blouse, très longue en Flandre, ne dépassant pas le genou en pays
tvallon; le chapeau, par la casquettel sput'en[ aussi, les souliers
par les sabots ou les galoches.
Quant aux r'êtemeuts féminins, il serait fort diffÏcile, sinon impos-
sible, d'en suivre, même de loin, les lapides flucl,uations. De
4 830 à 1850, les dames portèrent successivement les larç1es manches
dites à gigot,,les chaltenun ù, capotes (de cabriolet); le boa,l'écltat'pe,le
thô,Ie eL surtout le chû,Ie caalmnire; otc. Bllcs sc coiffèrerû ù kt, girafe,
(à grarrrl échafaudirge), it Ia uierge, en tire-bouchons, e|uc. Le règne des
cheueun ù, la clùen tnit à peine. L'empire de I'invraisemblable crino-
Iine dura vingt ans, de {850 à {870. Aujourd'hui, lcs costumes on[
une tencli-urcc ir la fôis artistique e[ réalistc qui moule et fait valoir
les formes.
Le ltaraphtic st I'onùrelle se sont sculement vulgarisés depuis
{830. a Vers 1890, clans bien des localités, le parapluie de deux ou
trois citoyens obligcauts servait, ù toutc la population. Il cst, a pcine
bcsoin de rappeler ll folme imposante de ces mcublcs au manchc
cnjolivé de cuivrc estampé et dotrt uu utassif anneùu du mèmc nétal
suflisai[ à peine à comprimer lir rcbortdissante artnatut'e. > (Les cos-
ttnnes, par Lours Hvlt.l,xs).
Habitations. -_ La propreté est plus grande dans les inté-
rieurs campagllards du nord qu'etl ceux de la région méridiourle.
L'extérieur des habitations, généralcment blanclties, y affecte aussi
un air plus gai, plus riant. Rirties rle piclre grise ou brunc, lcs mai-
sons ardennaises ont un aspect souvent sombre. L'intér'ieul tt'ctl est
pas aussi génér'alerneut, bieu teuu. Cependant, Ics habitants des
moirrdres villagcs, nontreut aujourd'hui, dans la construction et
I'aménagemen[ de leurs ltabitations, un certain goùt et un récl
scntimert[ du confot't.
Mobilier.
- Cet, inslinc[ du bieu-ètre et du beau se manifeste aussi
dans lc choix des meubles. Datts les localités lcs plus reculées,
au scin des plus petits ménages. Ie mobilier a per"du son caractèr'e
de simplicité plimitive et témoignc d'une évitlentc reclterchc.
Eclairage et chauffage.
- L'huile grasse a été rernplacée par le
pétrole et le gar, quel'éclait'ageélcclriqua parait eu voie de détrôuer.
TEITPS HIST. PÉnIODE DE ROYAUTÉ COXSTTTUTTONSELLE 893
-
Le cltau,ffnge au,bois disparaît de plus cn plus. Le cltarbon de tctre,
quelquefois la tourbe, ltlus rarement le gan ou l'éIecbicité, sonL
aujourd'hui les combustibles en usage.
plix del moyens de
Voyages.
- L'abo'dance, la rapidité, le bas
locomotion ottt répandu Ie gorlt des voyages' ct des déplacements
cousidérables sollt entrepris, en partie de plaisir', pal les plus
mOtlestes ouvriers. Les trains rapides,dits aussi parfois trains'écltrirs,
grircc à leurs uagons-Iits e[ à leurs ua'g0n!;'restutn"ants supprimgnt lt
fatigue ltour les lolgs trajets. Dcpuis quelques amées, l'orient-
e&p?.ess fait le trajet de Paris à constantinople en 63 heures.
Jeux et diverlissemenls. - Les ellfants puaissent jouer moius
qu'autrcfois. Àucun des jeux anciens tt'a cependant été tout à fait
allanclonne et plusieurs autres, d'origine anglaise, tendent à se '
répandre chez nous. La St-Nicolûs est toujours florissatrte et popu-
laire clrez les bébés, petits et grands. La btche et I'at'bre de Noiil,
les étrertrtcs du uouvel au, Ie giiteatr des Rois, etc., jouissellt d'une
faveur qui ne parait, point décroitrc. Mais la st-Grégoire et la
Ste-Catherinc, fôtes des enfants autrefois religietrsement observées,
semblent tonrbées en rlésuél,ude.
0n ft)te avec plus d'entrain que iamais les kermesses locales'
Souvent agrémentées de foires, de concerts et de festivals bruyants.
Les courses de cltevaux et de vélocipèdes, forment' aYcc les régates,
l'élérnent obligé et I'attraction d'utr grand uombre de ces fètes.
Le,nrnaL,al, que chaque auuée o1 dit mourant, ne semble point,
en réalité. prùs de tréPasser.
Les villes d'eaux thermales ou minérales, et les plage's amé-
nagées pour bains de rner sont de plus eu plus fréqueùtées pendaut
Ia saison cl'été.
l.es crii.nùgnons ctles ltasqu,è'ies sont joués e[ chantés avec entrain
r\ Liége. Les dimanches e[ jours de fÔte, on voit se former, dals les
rues de certlins qutrticrs, dcs chaines dc jeunes gen$ e[ de jeunes
filles qui, Se tenant par la maiu, serperrtent par les rues cn capricieux
méandrcs. entrent dans les maisotts et en sortent, toujours chantant
quelque chauson, à la fois liumoristique et satilique, souvelt très
grivoisc, dite par le chef de file et dont tout le groupe r'épète en
ôhæu. le refrain : ce Sont les crânûgnons. 0n donne le nom de
pasquè,ies (pamphlets) à cles rondes de crâmignons ou i\ des
poésies
satiriques, dites ou chantées.
les
Cil,ons dc môme, parmi les jeux lcs plus usités actuellement,
894 Hrsrornu DES rlELGEs ET DE LEUR crvrlrsATroN

jeu,æ de ce,rtes, \e loto,les dantæ,les dominos,le billard,lcs eclrccs,le


tri,ctrac, les quilles; les concours de ptgcotts cL de Ttittson.s : le jeu, ile
l'oie eL les contltats de coqs,, ces derniers très popuraires en Hesbaye
et tous deux très barbares, etc...
llentionnons encore les sociétés de chant, d'ltarmonie ov de funfaræ
qui, plus nombreuses peubêtre qu'en rucun autre pays du monde,
ont rernplacé, d'aillcurs peu avantageuscment, dans nos villes et uos
bourgs, Ies anciennes sociétés de rhétorique.
Yue d'ensemble.
- sur le tcrrain des relirtions cxtérieules, notre
neutralité es[ reconnue et garantie par les grandes puissances.
Néanmoins, la prudence nous conscillc de ne négliger aucune
mesure défensive propre à nous permettre de résister éner,gique-
' ment, au besoin, à toute agression. De là, Ies énor.mes dépenscs
militaires auxquelles nous nous astreignons.
Au point de vue économique, apr'ès ôtre tl'abord tombée, par suite
tle la séparation, dans une certaine langueur, la Belgique cst peu à
peu entrée clans une voie d'éclatante prospérite, grircc à ses
ressources et à I'activité de ses habitants, gr'âce surtout ir I'applica-
tiou des principes du libre-échange. Aujourd'hui, eilc peut ètre fière
de la place qu'elle occupe au seiu dcs nations les plus avancées sous
le rapport de la civilisation matérielle.
Dans le domaine de la politique intérieure, res illusions que
certrins hornmes politiques belges s'étaient faites. en {g80, sur lir
possibilité de maintenir I'union entre lcs partis, ne tardent pas à
se dissiper'. consommée vcr.s {840, la r.uliture se fùt produitc beau
coup plus tôt sans la crainte d'une rcstaur,ation holhndaise, topjours
vive jusqu'cn 1839. lllais les luttes des parl,is, rrien que souvent
très ardentes, restent paciliques ct cantonnées sul le terrain légal.
un chapitre nouveau de notre histoir"e nationale s'est r,écemmenl
ouvert par I'avènement i\ la vie polit.ique dcs couches profondes
dc la démocratic.
Depuis 1830, les classes bourgeoises avaicnt conscrvé la direction
exclusive des affaires publiques. Il faut considérer leur pirssirge aux
affaires comme ayant é1,é I'un des staclcs nécessaircs de notrc évolu-
tion politique. La tutelle des classes dirigeantes n'a pas été inutile
aux classes populaires; elle leur a permis de se préparel iusensi-
blement, par I'effet d'une instruction de plus en plus répandue, à
la pleine jouissance des droits politiques.
0n peu[ donc cspérer que, mûries par I'attente, les nouvelles
lEr{ps Hrsr. p[]RroDE DE RoyAUTÉ coxsrtrunonnello 80S
-
classes électorales sauront, pour le plus grand bien de tous,
faire un bon usage cle leurs droits politiques; que lcur action
s'€xercera dans un esprit dc paix, de modération et de r'ér'itable
progrès.
Ainsi, avec la révolution de 1830, uous avons repris, en rnème
temps que uotre indépendance et notre vie propres, les traditions
glolieuses cle l'époque communalc. Comme si ellc avait puisé une
ardeur el, des forces nouvelles dans le sommeil de doux cent cin-
quante ans qu'elle dormit du xvr. au xrxc siècle, la Belgique marche
rujourd'hui d'un pas t'ésolu \rers une haute civilisation intellectuelle
et matériellci et si quehlue crtacll'srne imprét'u tte vielt pûs Suspen-
dre scs progr'ès ou I'ribattre définitivemeut, on peut prévoir pour
elle le plus'brillant avenir.
896 IIIsrolnE DES RELclts ET DE LEUII clvlLIS:\'l'l0l'l

SYNTHÈSE CÉITÉNIIN

DE

L'HISTOIRE DES BELGES

Â. Temps' Pnéhistoniques.
-
l. primitifs: terrains primitifs (d'oligne ignée) ou azoÏques /
- Temps Temps primordiaux (trois é:oqucs : le laursntien, le
(sans vie).
-
cambrien,le silurien); primaires (trois éporltles: lc dévonien, Ie carboni-
fère, le permien ou batracien); secondaires (trois époques : le triasique,
le iurassique et le crétacé) ; tertiaires {trois époques: l'éocène, le mio'
cène, le pliocène. Lr fin clu teltiaile contporte l'époque de la pierre
éclatée og éolithique). Emcrsiou de I'Ardenuc et du terrain houiller
-
belge aux temPs Primaires.
quaternaires (Age de la pierre taillée ou pôr'iode pal6oli-
Z.
- Temps lllesvin et dals la vallée
thique).
- Epoque chelléenne.
- Apparition,à
chelléen aux traits tlolichocéphales et ltro'
tle la llleuse, de I'homme
gnathæ- Douceur dc la température: I'honme vit nu e[ en pleip
iit. Choi* du sfle.r commc matière première dcs instruments et des
ùrmes.
Epoque moust6rienne Ou tluvio-glaciaire. - Àbaissement de la
température. Usage, pal'I'homme, de vêtcments' de glgttes et d'allris
sons roche. Disprrritiou de I'homnlc du lllesvin'
Epoque solulréenne. Emersiolt de la Belgique septentrionale.
travail
- pierre.
la Invention du procédé dè l'emntanehe-
Apogée du cte
ment.
Epoque magdalénienne. Substitution de I'os et de la clrneL\Û silex.
-
Inverttiotr del'aiguille ù chas. Réapparitiou de I'homme à lllesvin'
s[NTltlisFi GltNÉttallt DE L'IIIST0IIItt D]ts BItt{;lis 897

B. TemPs Pnotohistonlques.
-
(Age de la pierre polie ott pél'irltlc néolirhique).-
3.
- Temps acluets
Âpparil,iorr en nOS colltréCs tl'une nouvcllc race tl'honttlcs veuus dtt
Surt (vaflée clu flanube?). Dontcslication, tlcs unirnaun; ngriur'Iltt're;
polissuge tlc Ia .qtierre. IlIo numen Ls nr,égalitlttrltæs .
Temps actuels. (Age des métaux). l. Age du Dronze. - tisage dtr
-
bronæ proltablCrncnt irpporté par des ttttirchlnds ol'ientaux, t'ct's lC
xuu siècle av. J.-t.
du fer. .- Epoquc ccllique. tlont lrt
- utilisalion /br
2. du
- Age
corrnaissauCe est fournie à nos itncêtrcs par les Celles, peuple dc rlcc
ilryenlle (arrivés par la viillie du Dirnrtllc?). Les CcltCs donrlertt lCttr
nonr à lt Çellique
:rr.rssi dc rrcc' ilf)'cllllc
3.
- Eporiue
gauloise.
- Ilvasiol dcs Grulls,
(arrivés par la Gelmanie? ).La Celliyæ prend d'eux le ttotri ùe Guu,le .
successives de divc|s llcuples
4.
- Invlsions
germanique.
- Epoquo
tle race aryenne, mais d'origine get'ntattirlue : les Rolgs (qtriclotlttcnI
leur nom à h Belgique, pt.vs compris entre l'flcéàn, lû scinc ct, lrr
Marne), les Nert'icns, les 'I'réuiriens,, l4gs ^lthmtir1ues, etc. Colrrlttrirtc
de lzr Dclgique prl" les Ronu'ir?r' \:ers I'iin 50 il\I. J.-C.

C.
- Temps histoniques.

f. Période romaine. Deptùs ltt rtntrluitctlt fu Ilclgiqu'e pur,Iu'Ies


- -
Clsar (S0 ans enuir"ort au, J.-C.1 .ittst1u,'it sru conquêle par [es trtrnncs,
sotts .Lféroufu (t'ers t'an 450 &p, J.'C.). Dtn,;e uppronùnrLttluc: 500 nrts.
le sud tlu tltls instittttions, lois,
- Implrrutrtiott daus
4,. pa1''s
nræurs, et langue dcs Romains.
g. Irrvasion cles Bnt'bares. Appalilion tltr r:/u'ts/inrttstit,r cll
Ilelgique au nolnellt oir lc mondc rotnltitt ct lc tuontlc hlrrbat'c 1'
prcnnent contâct.
l'élônient cliréticn et l'éléuren[ l)ùr'
3.
- Grandes affinités entre
Itarc. Puissant upptli trour'é par lcs idées tl'égrlité, de lxlelnittr ct
de oharité propres au cltlistiuuistne tlrrtts les principcs d'ôgalitc, dc
libcrté et d'humanité chcrs iittx Gcrlnaius.
2, - Période tranque. - Depuis Io umqu'ttc f'ruulue (t'crs 450)
jusqtt'atr purtage de I'emph'e de Clrurlcntogne (truitti ic l?rrhlrr, 8113).
Du,rëe appronimatiue : 400 ans.
Y. Mirguet. - Histoire des Belges.
8$8 rlrst'olnn Dns BELcEs tir DE LEUn crvrrrsAt'roN

Â. Epoquc mdroving i enne. Dcpuis t


- - l' ur ènernen
teur de Ia dynastte mhouingienne (uers 480) jusrlu'att cou,tonnentent de
de Mérouée, funda-

r>epin le Bref, chef de Io deuilèrtte dynastie, dite caroringienne (?52).


I)urée approûn.atiue: 300 qns,
{. Âlliance dc l'élémcnt lrallrrlc et de l'élémcnt chrétien, de
-
Clovis et de saint Rcmi.
9. Fondation, par Clovis (481-5ll), de la mouarchic frang:aise
-
Conversion des Francs (Ye, YIe ct YIIc siècle).
3. Àbandon, par les I'or's fainiants, de leul autorité lux mains
-
des maires du, palais.
/r. Bataille de Poitiers (739); collision dc deux races, cle deux
-
plrilosophies, cle deux civilisirtions; I'Europe sauvée du joug musul-
nlan.
q. Âvènernent dc Pepin le llrcf (7tig), fondateur cle la dynastie
-
cirrolingienne.
B. - Epoque carolingienne (71i2-843).
- Depuis l'auènenrcrtt tlc
Pepin ln Bref (752) jusqu'au h'ntté dc l'erùu.n (843), Er,i rigle Ie par.
tnge de l'enrpire ile Aharlemagnt: entrc les trois fits de Lotùs le Débon-
nnire. Du,rée: 9{ nnr.
{. Restauration, par Challenlagne, de I'empire d'Occident (S00).
-
lifforls de ce prince pour introduire I'ordre et I'unité dans ses états.
Son væu: établir I'unité sociale i côté dc I'unité spirituellc.
9.
- Tolérance forcée dc Pepin Ie Bref ct dc son lils Charlemague
à l'ôgard des détenteurs tle ficfs qui les trausmcl,tent hérirditrrirement
à leurs fils.
3.
- Partage de I'empilc (tnitô dc Ver.dun, 843): triorrrphe de
lalément barbare sur l'élénrent, rornain, des principes dc déccntrali-
strtion et de liberté sur ceux ci'unité et cl'autorité.
3.
-
rlcs ct'oisarlæ (uers l'nn
- Du trailé tle I'ertlun (843) ri I'cpoquc
P6riode féodale pure.
I)u'ec altpt'oximntiuc : 2'â0 ans.
1,100).
{. - Introduction clu s,vstèrrc féodal en l}elgique. Edit dc l{iersy-
sur-0ise (grande charle tle ln fitodnlfftt) eonsacrant officiellement le
dloit des seigneurs u I'lrérédité dcs liefs et des offiecs (87?). Déccn-
tralisation à outrance. Création tl'une ntult,itude de fiefs ct d'arrière-
fiefs. Prédominance dcs campagllcs sur les villcs.
9.
- Inexprimable coufusion socirtle produite prr I'exagération tlu
s1.stème. Princripes dc libcrté et cl'autorité également nréconnus.
Servitude universelle, sruf pour la cirste peu nombreuse dcs barons
féodaux.
SYNTIIUSII GûNûIIAI,I' NE I'ITISTOIITE DES BELGES 899
3. Rércl,ion. Naissance de la corltrnme qui étend des nobles aux
-
plincipaux des villes la jouissance dc la liberté. Le mot canunu,ne
devient synqnymc de liberté et, de sécurité, d'ordre et de prospérité
nratérielle, partant de civilisation .
favorisant le
4.
- Bpoque des a'oisndu,apogée de la féodalité. En
mguvemeltt commuttal, les croisades portent un terrible COup AUx
institutions féodales
5. Caractèrc arisl,ocratiquc des plemières chartes.
4.
- t6odo.communale. De I'è.poque des croisader (uers {100)
-P6riode -
ir, I'auènenrent de Phi.lippe Ie Hm"di, duc d'e Bou'rgogne, au' trône de
I,'landre ( t384). Durce a\tpronirnatiue : 300 ans.
l. Bataille de Bouvignes (r,9'14): victoire de la royaul,é sttr Ia
-
glande féodtlité.
9. ç Substitution cles communcs ûux grands feudataires dans l:r
tléfensc de l'autonomie nal,iouale. Fin de la suprématie des Campagnes
sur les villes.
3.
- Développement plogrcssif des corporations ouvrières, succes'
s i vemen t unités indu,s t rielles, uni tés tnilitaires,, tçnités politiqu,es .
(l 302). L'i1dépenclartce du pays
sauvée par les métiers.
4.
S.
- Courtrai
Avènement de Ia commutte démocratique et urbaine: exùettsiou
-
dc la libelté aux arlisans dæ uilles et disparition des gruntls commc
elasse politique.
6, Chartes rurales.- extension de la liberté aux sorfs des cam-
pagnes.
-
7. Tôutefois liberté reste syrtonyme de priuilège.
- l)xagération de la désentralisation administrative à l'époque
8.
-
communale. Réaction , Chartæ Ttrouincinles ; Loi de Cortenberg (1,3L9),
Pafu de tr'e*he (t3t6), Trois rnentbres cle Flandre ('1340), Joyeu,sc'
INntrée (.t3,T6). Apparition des états ou leprésentation provinciale,
composés de trois ot'dras.
9. Luttes écouomiques e[ sociales. Excès des détnagogues.
-
Dôfaite de Zannekin à Cassel (1398).
{0. Tentative d'unilier le pays par la féderatiort des cotnmunes e[
-
Ia libelté : traités de 1339(J. Yan Àrtevclde). Àpogée tle la puissancc
communale.
tr .tt. Décadence cles commu'es. Ses causes : Jalousies e[ que-
-
relles intesliues I ignorauce des masses ; lculs revendications exees-
sives ; leurs violences.
lg. Inh,onisation rle la naison de Bourgogu0 en Belgique.
-
900 ursrorRE r)r.:s t]ûll(itis Ft't' t)E t.rrun r;tvl,tsATroN

Llaction violente des prirtces de cette rnaison pour rbattre le régime


comrnuual ne fai.t que précipiter un dénouement inér'itable.
. ô.. P6riodo bourguignqnne.autrichienne.. Depuis l'auènenrcnt tlc
- -
Philfipe le Hnrdi jusqt'd l'abd.ication de Charle..s-Qu,int ({3S4-155S).
Du.r:ie : l7l ans.
. A.
- u,tr,Epoque bourguignonns.
- Depu,it I'auènenrcnt tle Plyilippe lc
Hartli tt'rhrc tle tr.lanrlre (1384) jusqu'ù, kt mort de Llarie de Bou,r.-
gogne t1489). Durte : 98 ans.
Réunion de la pluplrt des principautés bclges sous le sceptrc
,1.
-
tle bhitippc lc Ilon U,en-M67).
9. Unification du pays pal le despotisme. Substit,ution d'une
-
armée permanente aux rnilicescomnrutralcs. l,utte des princcs bour-
guiguons cou[,re les conrmuncs. Torû causô u ]a liberté par llesprit
particulariste des Belges. Clrute successive des glande$ commulres.
3. Mesures centralisatrices prises par les ducs dc Bourgogne :
-
ch,anthre des coultlw, conseils ytt'ouinciuur el grunrl canseil de justicc,
états génetwu,fi au représeltatiort natinrtirle ; etc.
4. Essai tle gouvernement prrlcmentaire : octroi du Gntntl priui-
-
lège de IVInriede Bourgogneç1477), trltat'tc nouvclle stipulant la.reunion
,des états généraux à époques régulières,
.ii. Mrrtiage de Mar,ie tle Bourgogne avec ,llaxirnilLcn d'itutrichc
(l&77): les Pirys-Bas entreltt, i\ leur gritnd tlommage, dans I'orbitc
de la maison d'Âutriche.
B. Epoque autrichienne. Depuis la mort de Marie dc Bourgogne
- -
({489) jwqu'a I'abdication de Charles-Quint ('lS5ô). Durée : 73 ans.
{. Refus de Philippe le Beau, dovenu très puissant, de prètcr
-
sernent au grand privilègc (1493),
2. lllariage de Plrilippc le Bcau ilvec une princessc espagnole
-
(1490; : il prépare notle union néfaste avec I'Bspagne.
3. Avènenent dc Charles-Quiut. Rupture délinitive de tout, rap-
-
port de subordination de la Flandrc à la France (traité de lladrid,
1598, des Danres, 1599, de Crespy, tl,5ô4). Erection des Pays-Bas en
rrn cercle de l'Àllemagne, le cercle de Bourgogne. C,onsêcration dc
rrotre unité et tlc notre indépendauce pîr lt grunde prugmatiçte de
'1549. Projet de Charles Quint de faire des Pays-Bas un état, entièrc-
rnent autonorne. Il é<:ltoue.
4. Lutte de Charles"{)uint, contre les protestants : l'cmpereur
-
veut, dans ses ôtats, I'unité religieuse à côte de I'unité politique.
5. Son despotisme et la sér'ér'ité de scs placards pr'éparent, Ia
-
r'ét'olul,ion du xvtn sièele.
syNTnÈsri GriNriRÀLE DE r,'Htsrornr Dlrs BELcES . 90I
6.
- Période espagnole (l5SE-17t4). - Depiu;is l'abdication de Clt;arlcs.
Quint (4S55) ju,squ'au, lraité.de Rnstadt (1714), qui donne ù, l'Autrinlæ
lw Pays Bas espugnols. I)u,r'tfe: lti9 nns.
{. Gouverncmcnt absolutistc rle Philippe II. Rigueuravec laquellê
-
il applique les placards de Char'les-Quint. Contpronûs desnoblcs ({566).
2.
- Progrès rlc Ia r'éforrnc en Bclgique. Excès des iconoclastes.
Lc duc d'Albe en Belgique ({56?). Scs abus de pouvoir.
3. Réuolution. Plise de la llrielle ({572).
/+.
- Guillaumc ct Philippe de trlarnix, plincipaux chefs
tlc la - révolution.d'0range
Impuissance du gourornemenl, esptgnol à la
r'éprimer.
5.
- Ilomeurs
ii.
cle la fin'ieespagnoli:.. Puciliration de Gand (157.6).
Intolérancc l'éciproquc des prolcstirnts et des catholiques.
-
Defection clcs catholiqucs : Confédérution d'Arns ({579). Union
d'Unecht ({1i79).
?.
- Règrje énervant clcs rrrchiclucs; traité de Munsl.er ('1648),
Lcs provinces rlu nord et, cellcs du sud se séparent délinïtivemcnt.
Guerres dc Louis XIV. Elfets désastreux de ces événemerrts pour notre
pilys au triple point de vue matériel, intellectuel el, moral.
8. - Guerrs de la succession d'Espagn'c (tZOO-If {4). Fassage cles
Pays-Bas espagnols sous la dorninat,ion de I'rlutliche (traité dc
Rastadt l7tl,4\.
7. Période autrichienne (l?14-1794) .
lu bntaille
- Du trniltt de Rnstarl( (171,4) li
de lvleunts (1794) qu,i liure ln Belgique ù ln f-ranrc. Durée :
80 ans.
{. Profonde léthargie dans laquelle le peuple belge restc plongé
-
sous Ia domination autrichienne. Suspension dc toute activité politi-
que, industrielle, commerciale, intcllectuelle et artistique, Prospérité
relatlve de I'agriculture. Vive résistance des Bclges aux essais dc
réformes tentés plr Marie-Thérèsc et par Joseph IL Réuolulion bru-
bançonne ({789).
8. Période françaire (t?94-1814). Depuis Ia conquête française
-
({794) jusqu'à, Ia chtte de I{apoléon (181.4}, époqu.e où Ie congrès de
Irfunne décide Ia rûmion de la Belgiqu,e ù la, Hollande.
{. Conquête de la Bclgique par les Frartçais (l'794). l.téclara'
-
-
tion des droits, proclamanL droits naturels, inaliénubles, impræwipti'
Itlæ,les priuilèges inscrits dans ttos anciennes char[es.
9. Bienfaits dus par les Belges à Ia dominal,ion française: liberté
-
ct égatité civile; libcrté religieuse et liberté du travail (abolition des
902 IIrsroIRE DES llnlcls Et' Drr LEUn crvrlrs^1.r0t{

gildes et rles corps de métier); libcrté dc I'Eseaut', prospérité de I'in-


tlustrie et du commercei réveil des sciences et des beaux-arts.
3. Chute de Napoléon (1814). Adjonr,tion <le lir Belgique ir lrr
-
Hollande (1814-1815).
-
9. P6riods hollandaire (1814-1830). I)epuis Ia chute de Naporeon
-
({8{4) jusqu;it ln réuolu,tion de 1830. -
l. - Conséquences avantageuses attendues dc la réunion pour ll
prospérité des deux peuples et pour la paix générale. Initiat,ion des
Belges à la pratique du self-gouernnrcnt.
9.
- Profond désaccord entre les deux nations, dont I'histoirc, lir
religion, la langue, la civilisation ct les mæurs sont différentos.
3. des Belges. Uniorr clcs catholiques et dcs libéraux(l8g7).
-0riefs
Pétitionnement. Révolution et séparation 11830).
10.
- Période d'indépendance (1830.1896). Depuis ln fiuolution dc
l8J0 jusqu,'it nos jou,rs. Duré.e,: 66 nns.
-
'1. Reconnaissance de la llelgiquc par les nations européenncs
-
en qualité d'état autonome, indépendant et, neul,re.
9. Accord des unionistes de {897 jusqu'à la signature d,u truit(
des
-
xxrv nrticles (1839t par le roi Guillaume. Leur séparation en
deux grands parl,is qui, depuis lors, se suc:èdent régulièremenl au
pouvoir (vers {840). Haut degré de prospérité et rle civilisation
auquel les Belges sont parvenus, grâce à leur intelligente activité c1,
aux ressources naturelles du pays.
3. Epoque nouvelle inaugurée par la revision constitutionnelle
-
ct, l'adoption du suffragc universel avec vote plural ({S93).
pHILosoPttIE DE t']ustolnD 903

APPBNDICIi
Quelques mots sur la philosophie de I'histoire.

Ouvnagcs et anticlas consultés.

Flint. La Philosophie de I'hisl,oire en Ft'attce, l,rrduit tle I'ringlais par


Ludoaic Qqvvs6s1.- Id. LtPhilosophie de I'histoire en Allemagne.-Benloeu'-
Les lois de I'histoire . Ottgttc Barot. Lettres str la philosophie de I'histoire.
-
Quùrct, Premiers travaux. Introduction à la philosophic de l'histoire.
-Eilgard
Plrilosophie de I'histoire de France. Ia eivilisatiott
- Guizot. Philosophie deAlfred Fouillée.
en Europe. Spencer. Introduction à la science sociale.
- -
Les Sociétés humaines et animales. Lottis Carrdau. La philosophie de l'his'
-
toirc et la Loi du Progrès, etc.

Histonlque de la scionce de I'histoine.

Àvanl d'abolder la partie essbntielle cle notr"e suiet, nous itltol)s


rtppelcr, dans un cour[ exposé ce qu'il été I'histoit'e.rux différcntes
époques dc la vie dc I'humanité. Nous dirons d'abord ce qu'elle fut
dans la hautc antiquité, puis chez les Grccs eL chez les Romains;
nous examinerons ensuitc cc qu'clle a été au molen irge et dans lcs
temps nrodernes; nous verror)s enfin cc qu'elle est, de nos iours.
Nous tracerons ainsi, à grands traits, I'histoire nlême dc I'histoire.

It

L'lristoirc es[ le récit des ôvénernents iruxquels I'hotumc I été


mèlé.
Il y a plusieurs faç,ons d'etrtcndre I'histoire et par conséquent de
'écrirs. a L'histoire, dit de Barante, change à chaque génération. Dc
904 Hrsrornn DEs BELcEs BT DE uiun crvlr,IsAl,roN

rnême que les homnres et les peuples n'on[ pas toujours pensé et agi
ltvcc les mèmes dispositions, cle même ils n'ouI pas toujours vu les faits
sous le mèmc aspect. Cc qu'a étc le gellre humain, I'histoire l'a été:
c'était, justiee que la peinl,urc variât, comme lc modèle.>
Le caractèrc et la formc de I'histoire tienncnt donc t\ l'état cle la
civilisation. C'est dirc que lir firçou d'écrire I'histoire a passô par
plusieurs phases que nous allons successivemenl rcncontrcr.
Première phase.
- L'un des traits pirrticuliers tle I'hornme primitif
est son esprit profondément religieux et poétiquo. Ne moyant rien
possible sans la volontô ou I'intclvention dcs dicux, rnrnifestécs par.
tles voies extrrordinaires, il introcluit à profusion le merveilleux
dans ses récits.
Les premières producl,ions historiqucs sont,, crr consét1uencc,
les cosmogonies et les poèmes racrés, comnc lc [,im'e 'dcs
Védns chez les ilindous, ou lcs traditious mythologiques, tellcs qu'en
ont eu tous lcs peuplcs tlarts lcur enfance et en prlticulicr lcs Grccs,
Ies Romains, les Celtes, les Germains et les Slaves.
Dsuxième phrse.-Dans la deuxièmc phasc dc lr civilisiltion, uous
voyons apparaître les (popées, qui servent de tlrnsition cntrc les
récits purement merveilleux et I'histoire propremclI ditc. Des
légendes et des héros y syrnbolisent toute unc époquc, touI un ordre
d'idées. Ce son[, par exemple, dttns I'Inde, lc Rlnrir"vanl et lc
lllahabharata, épopées à la fois épiques ct religierrscs, oùr dcs histo-
riens poètes,charttent Ia conquête dc I'Irtde par les Âtyas, vcrs lc
XVe siècle avant J.-C.
Ce sont aussi l'.ilirutla, daus laquelle Homère ({) célèbrc la luttc
légendaire des Grecs contre les Tloyen s; I'Odysséa, oir il raconte les
aventures men'eilleuses d'Ulysse à son retourde Troie; etc., etc.
Plus que les précédertts, les récits de ce genre laisseut les homrues
agir pour leur propre compte; s'ils fou[ encore unc llrgc part au
merveilleux, ils contiennent cependant, un fond plus irnportant, tlc
vérité.
Lcs hommes dont on raconte ici I'histoire ont eu ou on lerrl a
prèté des aventures extraot'dinaires : Runta,l'une des incarnations
de l'ichnou est, avec,Sfla, sa femme,le hétos priucipal du Ramayana.
te Mahabharal,:r chante les luttes de tleux puissautes frrmilles rivales,

({) Homère, tlont I'e:iistence est d'ailleurs fort problématique, vivrit vers le
IXc ou Xe siècle avant J.-C,
luu.os()r)ruE DE t,'tttsrotttr: ; 905

les Pandous et lcs hourous. Achille, Nestor, Ulysse, etc., les héros
fameux de I'Ilirtle et dc l'0dyssée, sonl, des personnages à demi'
historiques
Iroisièms phase.- Diuts sa troisième phase, I'histoire, abandonnanI
la formc lyriqut'. se fiit, réalistc, mais aussi clescend, comme genrc
littéraire, justlu'au degrÔ le plus bas.
Itlle se borne à raconter lcs événements aveclidélité et tcls qu'ellc
les aperçoit. Ellc les enregistre 'ir mesure qu'ils se produisent, année
par année, rl'oir lui estvenu lc norn d'annales,parlcquel on la désigttc
lorsqu'ellc rer'ù[ ccl,tc formc.
L'histoire, tlans sa lraute acceptiott, fait ressortit I'enchaîuemenb
logique'des événemeul,s, lcur évolution lente e[ ert quelque sorte
nécessaire et lcs rappor:ts cle causes ir effets qui les lient. Les attnales
ne sont pas dc I'his[oire i]u sens élevé du mot. Elles consignent les
faits par émit. cLins nn ordre simplemeltt chronologique; elles
n'établissent, enlfc ou\ àlucun rappor'l nattrrel de succession; elles
uc sottt,, en sorln'nc, (lLrc lcs matériaux dc la vérit,able liistoire :
< DIles soltt u l'ltistoilc, I rlit un écrivain, cc (ltlo lcs matériaux sonl,
ilu illonuulcnt où ils doivent ètre mis en æuvre. ))
La plupalt iles llcuples ont eu leut's ruuales; nrais la Chinc pré-
tend, sous ce r:rppot'1,, à I'artCiqui[é la plus recul(lc. Elle fait rcmonter
lcs siennes i\ I'an 333 t avant J.-C.
Confucius, qui vivlit vers I'att 500 avant J.-C., aécrit, sous formc
d'unnales, une histoire clc la Chine, depuis I'an 9200 avant J.'C. C'est
unc sèclte uomenclatut'c tlc faits historiques, sans chartnc li[téraire
ou poétique, sans nuculte vue large et générale.
Les annalcs tles peuples orientaux, commc celles des peuples
afi'icains, sortt, souvenl écrites sul' la pierre des monuments.
B1 Ég1'ptc, on l'entotltre, en grand ttotnllrc' des sculptures sur
lrielre comrnerttécs pitl' des inscriptiotrs hicroglyphiques. Lcs unes
ct les autrcs llous l'agontent I'histoil'e des rois, dcs prêtres et des
pcuples dc I'itttciennc Ûgypte, nous font connaitrc leurs idées et leurs
rrræurs.
Les auttales de llabylone et del{iniven'on[ poirtt été écrites suf la
picrrc, puisqu'il ne s'ell trouve pas en Agsyrie. Mlis I'art plastique'
qui parvint en cette contrée à un haut degré de perfection, fourni[
d'autres moyens de conserver les annales de I'enrpire. La terre
cuite y devint non seulemelt la base de I'architecture et de plusieurc
autres arts, mais aussi celle des tribliothèques.
0n a retrouvé, en masses considérables, dans lcs ruines assy-
.l

906 rnsr'ornn DEs BuLGEs tsT DE.r,Er.in crvrlrsATroN

riennes, des carrcaux en brique couverts dc caractères cunéiformes


rlui racontenl,, sous la forme annaliste,l'histoirc des temps de Ninive
et de Babylone. l,'histoile, conservée par cette voie, uous a révélé
des détails très eulieux et l,rès pr'écis sur la vic potitique et sociale
tlcs Assyricns.
Elr Égypte, chcz les Hébreux, chcz lcs Perses c[ chez beaucoup
tl'autres peuples clc I'antiquil,é, des fonctionnaircs spéciaux étaient,
cornmis à la tàche d'enregistrer lcs anuales. Qu'on sc rappellc
I'histoire d'A.ssuérus et du Juif llardochéc. [,nc uuit, Âssuénrs
no pouviu)t rlornrir...
... s'est fait apporler lcs annales célèbres
0ù les felts de son règne avec soin amassés,
Par de fldèles mains chaque jour sont tracés ({).

Cet enploi s'est letrouvé, duns les temps modcrues, chez lcs lûsto-
riographes des princes, I.,'historiographe ôtait, un fonctionrurire ofli-
ciellement désigné pour écrire I'histoirc tlu tcnrps. Il était gagb
pour remplir cet ofllce cornme l'étaitun juge pour.rendre la jus[ice.
Hn Grèee, lcs plernières rclations des faits lristoriques avant
Hérodote sont de sirnplcs chroniques {9). Blles sc lrpportent, uniquc-
rnenl, au canton, à la cité, au tcmple oir lcs au[,eurs r'écurent,. sans
ofirir jarnais aucune vue d'eusemblc (3).
Il est aisé de comprendre les raisons qui ont dtitcr.miné l'.adoption
dc cette forme historique. La Grèce n'était rtlors qu'uue expressiorr
géographique; les petites lations qui I'habitaicnt. jalouses les unes
des autres, étaient constamment en guerre entre cllcs. Un prtriotisnrc
des plus exclusifs s'y manifestait. Àussi les auteurs de récits histo
lir;ucs sc prôoccupaient-ils uniquement, dans leur$ trùr'aux, de cc

({) tes chroniqucurs, conne les annalistes, raconteul, dans I'ordr.c chro-
nologique les évéucments qui se sont produits aux temgrs oir ils vivaient, sens
en rechercher davantage les relations, les ceuses ou les conséquences. La
seule différencc à faire enlre I'annaliste et le chroniqueur est qué Ie premier.
résidait généralcment à la cour d'un souverain, tandis que Ie second vivait
dans une sphôre moins élevée.
(9) La forme ta plus basse de I'histoire se trouve pour la première fois chez
les Dgypl,iens, les Assyriens et les Chinois. 0es grandes monarchies nous ont
transg,ris, ggmme documents historiques, tles généalogies royales, des regis-
l-res d'expéditions mililaires, traités, listes de tributs, annalès ou chroniq-ues
de différentes sortes. c'est le plus humble degré de I'histoire. (Fr,tnr. rlrro-
ductionrp. Xll(, La philosophie de l'histoit'e en Francr)
(3) Esther, Rlcnrr.
ptilL0s0Prrili Dti L'uts't'OilIE 907
qui sc rapportait à leuls cortrritoyens, cl, non de cc qui se passâit
d'ilns les cités voisincs.
Quatrième phare. lcvèù, à partir clu v" sièclc av. J..C., utt
-L'ltis[oire
caractère plus géuérrl, plus élcvé, plus littéraire.
Lc premicr histolicn dignc rle ce nonr tlont les æuvres soieut
:rrrir'ées jusqu'it nous es[ Hirrorlotc (484 à 40li lv. J.-C.) surnommé, ir
justc titrc. Ie Pèrc de I'histoire. 0n lui doit, une histoire générale dcs
raccs helléniques cl, ders rrirl,ions u'cc lcsquclles ccs races étaient on
conlact depuis plusieurs siôclcs.
Thucyditle , rutrc historicn grec, prrrit rrirrrluaute ans plus tard. Il
racontc ct, interprète ll
guerre tlu Péloponèsc avec la hauteur de
rtres ct h froidc iurparl,ialitrl d'un lristorien modemc. La véritablc
histoirc cxistc cnfin.
Polybc (nô ù trlégalopolis, en Grèce) cn fait unc scicnce par son
Histoire génh"ulc ths (:irccs et tle.s llomuins, écritc ilu trc siècle
* itv. J.-C.
Qirelqircs lristoricns lourrins, vcnrls plus trrd, mainticnncnl, I'his-
toire à cettc hautcur'. Citons, panni lcs plus célèbres :
, T'iteLiue (lig rv. J.-C. {7 ap. J.-C.) auteur d'uue Histoire du
7 Rontnins, donl. la forrne admirirble, mlis dramatiséc à plaisir, fait
souvent tort à la vérité historique.
Tacile (li5 à lSli), qui, sans s'élever à h philosophie de I'histoire,
a possédé un bon nombre des qualités que nous rencontrons chcz
les grands historiens contcmporains. 0n consttrtc chez lui I'rmour
passionné de la libcrté perdue, uue granrlc rechcrche de style,
I'exactitude et lir beauté des dcscriptions, enlin, urte énergique
concision â\'ec un sens sùr de la valeur dcs homrnes ct des
choses.
Jules Ccsar dont les Commentaires (l) sout si justenrent célèbrcs.
Ils offrent pout-ôtrc le plus parfait, modèle d'urt genre historique qui
triomphe aujourd'hui, Ie genre documcntaire et réaliste. César y
raconte les événernenl,s avec simplicité, sirns inutilc amplillcation.
C'est le récit dc h vér'ité poul la vér'ité (2).

(l) 0n a donné, ert histoire, le nom deContnrcntuircs, ir quelqtrcs ouvrages


écritssous la forme de mémoires. Les conrmentaires sont une suile de notes
écrites pâr un homme célèbre sur dcs événements tlans lcsqnels il a joué un
rôle essentiel ou considérable.
(9) ll est toutefois certain qu'il ne s'est pas interdit, à I'occasion, dc pré-
senler les faits sous I'aspecl, lc moins défavorable pour sa renommée,
908 HIS'I'oIRE DEs BEtcEs ET DE LEUn cIYILISÀIIoN

- tslle forme une époque de rélctiort. Vcrs {in


Ginquième phase. la
flc I'empirc, le génie littôrrirc de Rome s'affaisse et la décadence
tles lettles ramènc les historiens ù I'enfartee de I'art, attx épopées,
aux annales, aux chroniques. Cette phasc de décaclence et de rêaction
durera jusqu'atr xv' siècle.
Les épopées, ces productions communes aux ptcmiers âges de tous
les peuples. rôapparaisscnt dans les Chansons de gestæ ({), à l'épOque
{u haut moyer âgc. Ce sont dcs poèmes historiques clrantés avec
accompaguement tl'utr instluurent de musiquc et qui célèbrent lcs
hauts faits accomplis par Chai"les-Martcl, les Pcpins. Charlemagne,
son neveu Roland, ctc. La Chanson de Rolund elle poème das Lolvnins
ehantent la lul,te cles ehréticns cont.rc les musulmans et peignent
fort exrctemertt lcs lnæurs féodtles. Les romans de Taltle'Ronde,
autres chansotts tlc gestes, eélèbrcnt I'inst,itution de la chevalerie.
Le Romnn du, Rerutrd, satire lilrdic de la conduite cles etrnds, répudic
lc principe féodal ct scmble pressent,ir lc lirochitin triomphe de la
bourgeoisie et du PeuPle.
Quant aux auttrles et aux chroniques de la rnème époque r
Lriographies cle rois, papds, évêques, saints 19), etc., monographies ,
dc villes. orclres mouasl,iques, couvents. etc., t.outes sottt, d'utte \
désolantc séclteresse. Tanttrt elles portertt lc nom dc leurs auteurs
comme les chroniques de Grégoire de 'l'otn's; la, Grande chroniqtrc
ile Jenn Lebet (chanoine liégeois), continuée par un autre Liégeois,
J ean tI'Otr,tre-Meuse,' celles rJe It'roissart; l'a Chroniqu'e de Verùtn ; les
Chronirptes de SfDenis; les annnbs de l'Abbaye de St'Bettùt,, eta.
Lcurs auteurs, généralemettt clercs, prêtres ou moines, y font
entrer rles reuscignetneuts tlc tontes' sortes sur les prinCes
régnants , sur. Ics origincs , authentiques ou légenclaires, do
la natioir, tlc la principauté, tle h ville, dLt couYcnt auxquels ils
appartiennent. Ainsi laÇmnde Chronique d.es moines de St-Denis,rnt
modèle clu genrc, est une t'aste compilation d'ouvrages écrits sur
les rois dc FrancC clepuis Cltarlemagne jusqu'rtt xvu siècle. Les bons
et patients religieux à qui elle est clue y ont entassé pêle-mêle, sans
ordre, sans rÔflexions ni commentaires, tout ce dont ils ont été les
témoins ou les contcmporains. Tous lcs faits 1' figurent au mêrnc plan

({) La ce.ste est le récit tlcs exploits d'un prince ou tl'un preux catolingien'
-Oï,fonne
ilj le nom tJ'haoiographe aux historiens qui écrit'ent la vie des
saiiris ou font I'histoire tles choses saintes.
PIIILOSOPIIII] DE L HISI'OIIIli ;909

Salls ilucutl rcligf poul' lcs plUs colsideraltlgs. Sotneul,-le r'écit d'unc
app:rrition, d'une éclipse, dluue pluio dc sang ou de pierles y tient
auturt, sinnn plus de place, que celui clu renvet'setttcttt d'unc dynastie
ou de quclque rutre fait qui meltuit, en pér'il I'cxistettcc mêrne dc
I'Etat.
Itentlons cepeudant justir:c à ces naïfs ér:rivrins. Si les ltistoliens
actuels sont à nrèrrie dc composer des æuvres d'urt ordre plus relevé,
c'est à lcurs tr;rvaux qu'ils le rloivent, comnlc c'est clans ccs trat'aux
qu'ils puisent lir couleur locale indispcnsallle.
A partir tlu xvc siècle appirt'aissenl, les mentriit"es, r'ricit.s persouttcls
dans lesquels un hontme t'tcoutc ce r1u'il rr fait ttu liettsc, Yu ott
entendu clire, souvent, pottr tt'titre coutntuttitluÛ ou llrrblié t1u'liprès sa
mort.
Parmi les autours de rnémoilcs, il ctt est qui racontent, simplemcrtt
poul rirconter; les événeprents nc les touchent qtle par leurs côtés
éclatanl.s; ils n'irpcr'çoivent dirus lir vie socirlc rlui sc cléroule sous
leurs yettx que les actions cle g^uerre, les hauts faits rl'artnes, ltls
grarrrls coups d'épéc, les touruois célèbres. Les causcs et, les cott'
sequcuces des ér'énernents les préoccupent peu. La lccture de lcurs
æuvres, intéressantc au prolnielr abord, ne tartle pirs à lasser. Tott-
jours reviennent lcs tnômes sujcts. 0n dirait pirrtout h'r descriptiott
des mêmes batailles, des mèmcs sièges, dcs rttètues tournois,
lacontés eu des termes prcs(luc i<lentiques. 0u cotitpt'end si cela
devient r,ite fastidieux. Aussi consulte-t-on surtou[ ces mémoires,
comme aussi les rtnnalcs, pour y vérilier dcs faits on poln'-v prcndrc
le ton de l'époque et la couleur loeille.
Il y a ensuite lcs mémoircs de ceux qui, uyiut[ toujours vécu à la
cour dcs princes, ne parlent quc des souvcririns ou cles grands. Telle
la Chronique de Froissart, cet historien pcu fuvorrble aux petits;
qui, parlartt du pcuple, dit : ttette ntertlaille.
Le niveau littéraire s'étanI rcler'é i\u xrye e[ lu xv* siècle, on voit
la manière de traitel l'histoire rcprendlc aussi nrtc allure plus lalge
et plus sévère. Froissart, Monstrelet, Chastelairt, Contittes, pour lle
parler que d'historiens nés sur notre sol, clrirtient lcur style, s'attt-
chent à faire une peinture exactc des no:uls, à clonuer lir couleur ct
la vérité à leurs tiibleaux, et, en ccrtains entlroits, ils rtpprécieltt lcs
faits avec une intclligcncc ct une hautcul dc vncs qui lcs rappro-
chent des bons historiens cle I'antiquité. Toutcfois, I'histoire. jusqu'à
Ia lin du xvrne siècle, demeure ù peu prr)rs exclusiverncnt biog'r:aphiqrrc
et ethnographique. L'histoire nniverselle rcstc a crôc'r.
9l0 [rs'r'onlu Dtis t]ELcES ET Dts LEUtt cIvlLISÂI'toN

Ainsi nos pères rt'ont, pas aperçu lc point de vue élevé de


I'lristoire. Jusqu'i\ Bossuct, nul historien nc songe i\ considérer
I'histoire au point de vue universel; nul ne pense qu'ellc puissc être
régie par des lois ; âucun ne voit dans -l'hunanité un- organisme
obéissant aux règles d'unc évolution naturelle. Seuls, les grands
lristoriens moderncs conçoivent la philosophie de I'ltistoire.
A remarquer que pertdant uue gratrde pat'l,ie du moyen âge, on
écrit I'histoirc en latin, non en français ou en flaman..l. La raison en
est que presque tous les historiens de l'époquc sont dcs clercs.
Àvec I'apparition des grandes eolilnuncs belges, lorsquc lc
tiers-état et le peuple sont appelés à prendre part à lar vic politiquo,
on conmence ù écrire I'histoire en langue vulgaire.
Philippe llouskès, $vlique de Tournai (vcrs {9ti0), parait être lc
premier historien belge qui, dans ses æuvres, ait fait usage de la
langue française. Mais il continue à rimer tes chroniqucs ; cat, au[re
phénomène curieux, ou lime longtemps I'histoire. 0n ne se risque à
l'écrire cn prose que vers la fiu du moycll ilge, et,, mùme alors, lc
style des chroniqueurs trahit longtemps I'incertitude naturelle t\ totrt
début, dans I'emploi d'utr mode littéraire nouveau.
Sixième phase.
- Læ fi.ns supériett'res de I'lûstoire.
-
vient d'êtle dit, lcs meilleurs, parmi les historiens de I'antiquité et
Comme il

des temps modernes, se sont bornés à rtconter I'histoire de façon à


la faire rcvivre par I'exactitude et lc cltat'me de leurs r'écits. Les
plus illustres d'entre eux se sortt clistingués par la justesse de leurs
jugements sur les hommcs et les choses et pttt la sagacité avec
laquelle ils ont pénétré les effets et, les causes des événernents. Mais
e'est depuis un siècle seulernetrt que l'ou a songé i\ se demattder si
les faits sociaux sont d'ordre purement contingcnt, de simples
produits du hasard, ou si, au cotttraire, ils ne sont pas le r'ésultat
nécessaire de lois existantes et préétablies. Àujould'hui,les historiens
conçoivcnI ertlin I'humanité comme renfcrmallt cu clle-mt]me utte
séric tle développements réguliers ct en quelque sorte néces'
saires. Toutefois, de grancles divergences de vucs les séparent et I'ott
peut rapportcr les historiens tnodernes à cinq écoles prittcipales,
savoir : lo l'école tlûocratique;9o I'ecole optitttiste, falaliste ou, doctri'
truire ; 3o l'école pessirniste ; 4o l'écolc d.é'mouatiqtrc ; 5' l'éeolc erp(ri'
menta Ie ou scien lifique.
jours, les alrÔtres du
École théocratique.
- Dès lcs premiels
christianisme s'attachent l\ dôtermilter le rôle de I'Dvangile dans Ie
développemcnt de I'organistrte social. Ils se défendent d'apporter
IIIIILOSOPHIE DL] L'IIIS'LOIRN 9{{
au monde une religion nouvellc : leurs rloctrines ne sont, disent-ils,
que l'épanouissement de Ia religion existante, établie par Dieu dès
I'origine mênre de I'humanité. Dieu I'a peu ir peu manifestée aux
hommes, tout au moins au peuple juif, en cres r.évérations successivos
dont Ie ehristianismc est le couronnement.
sans doute, Ie christ, et ses apôtres ne pensent point édifier une
philosophie de I'histoire : il
n'en est pas moins vrai que Ieur façon
tl'envisagcr les événements renferme elr Élerme la théoiie du progrès
qui plus tard sera défendue par sainl augustin eû les pères de I'xglise.
ceux-ci posent en principe que I'histoire uniyerselle a eu d'abord
pour objet la préptration des choses à la l,enue du Mcssie i
{uo,
depuis, la main diline continue à cntraîner l'humanilé vers lrr
leligion du christ, personniliée dans l'Églisel entn, que tous les
changements de I'histoire s'ordonnen[ et s'expriquent par rapport r\
rune fln unique, le bicn et le triomphe
de I'Eglise, cause linale du monder .
a cette idée, dit lldgard Quinet, cst la pr.emière qui ait marqué
f'histoire d'un canrctère philosophique. r
Bossuet (1,617-1706) I'a
Iecueillie et ampliliée dans son Dlsr;oro.s Erct l'histoire uniuersellc
Pour lui, toutes les nations, tous les empires de I'univers gravitent,
datts I'antiquité, autour du peuple juif, qui est ainsi le centre du
rnonde ancien. Rien nc s'cst produit alors d'important dans le
rnonde qu'en vue cle la vérification des prophéties et de I'accomplis-
scment de la parolc de ltieu. c'est pour instruirc, pour récornpenser ou
pour punir lcs Juifs, que les peuples émigrent, quc les empires nais-
scn[ et, meurent, quc les conquérants paraissent et lavagent la terrc.
Ilo mrinre, les plus grands événenrents historiques qui *\e
produiscnt de nos jours ne sont rlue les faits secondaires de I'histoirc
tlc la rcligion et concoureut à assurcr lc trionrphe dc l'Eglisc, la
fin définitive clc I'histoirc. Les graruls honimes ne sont que des
instruments avcuglcs cntre les mains de la providence.
Lin peu plus tirrd, I'Iti-rlien vico ({668-17a4) tléveloppant, trlns sir
Science nottuelle, un s5,stème beaucoup plus comptet quc celui de
Bossuet, fai[ égalernen[ converger les phénonrènes tristorirlucs aux
fins déternrinées pal la Plovidencc. II n'cst pàs compl.is dc ses
contemporains. L'écolc lristorique à lirquelle Bossuet et, yico ont
servi de précursenrs cst l'école theouatitluc (.1). Chatcaubrianrl, dc

- ({) De tlrct's, Dieut et deÀr.atos, puissrmce. Les théocrates sont les partisans
d'un gouvernement, oir les chefs de la nation commandent au ndm dc Ia
Divinité, [.rr gouverlement des Juifs était nnc tltëouatic,
gt2 ltts'rOIltti Dlis ltliLGES E'l' I)l'l LlitiR 0tvll,lsA'tl0N

Uaistre, de Bonaltl, de Larnennais, etc., irllplrtiertnent à cgt,te écolc.


Ecole fataliste, optimiste et doctrinaire. - L'écolc fataliste pt'étentl
que les hotnnes n'exercctlt qu'uue faible influcnce Sur leg événc:
rnents. C'est Ia Prouiderceou plutôt le Destin qui est la crruse dottt
lous ne vo.vons que lgs efi'ets. A l'école fataliste, t'eprésentée crr
l.r.irnce pùr Augusl,in Thierry (l), cousitt, Jorrll'roy, Guizol, (9),
Thiers (3), sc rattirche l'école optimislc rr laqttelle appartient
Leiblitz. Pour lcs historiens dc cettc école, tou[ cst pour le micux
dans le meilleur des mondes possibles parcc quo la puissattce, l:r
sagesse et la bonté de Dieu sont inlinies. 0r, I'histoire est le gouycr'-
nemelt de Dieu rendu visible. En conséquenoe, triut y cst à sl placc,
tout est bon, crtr tout, mène cu but mirrqué par lluo puissance bien'
faisante.
Lcs thèses soutenues pal l'école frtaliste et rlptimiste collduisellt
àu culte du succès, particulièr'cmellt à cclui des grands hommcs.
Voici le résumé cle la célèbre théoric tle Victor Cousirt sur ces
derniers :

lo Le {ranil lnnnne représente I'csprit. géncrnl dc son pays et de sort


cpoque
- : e'esl lit Ttou,r ainsi dire L'é'tolfc dont iI est lai't'
ti" nt granil honute esl le représenkr'nt le plu's accontpLi des ithtcs
ù'u,ne nation, celu,i qa'elle doit nécessaitenrcnt enlanter' -
lo Les grnnds lnnmtes riisu,nænt si bi.en las natiotts, Ies cpoqucs,
I',lnnnu,nile, que l'ltistoire u?tiuer'lelle rt'esl au.ln' rhnse quc la su,ite cl
I'ensemble de lams bi.ograPhies.
Cette nranière d'envisager I'histoire a couduit les irnciens histotiens
aue faire aucune distinction ertre I'histoire dcs porrples et celle dcs
souverains ou des principaux de la nation'
4o Le g:ranil homme uient att ntom.ent oppor"lttrt ptttn' teltr(senter unc
dëe. IL est l'instt'u,ment d'tuze lbrce irrésislible ùt' destitt'
5n Le sigtte tlu' qtand, h,otttme, test le succès ttclntunt'
.< DopltCz-tnoi, dil, COusin, ntt exgtrtltlg d'uttc glOile iuiméritéC.
Quiconque, rrjoute-t-il, tre t:éussit pas, tr'est d';tltcrrne utilité
dans le
mortcle ct il 1' passe comme s'il tr'ltvi-tit jarnlis d'té' ''

({) Âugustin Thierry est aussi te chef tle l'école hislorique dile desa'iptiue.
exactitude.
--(2) ecoÏe s'attache suitout à raconter les événementsle avec
Ceifé
nom s'applique s6uvent
Guigotest lcchef del'école docttinairerdont
-fataliste
i i;écote el, à l'école optimiste. L'école tloCtrinaile ne raconte les
faits cue {ans le but de les apprécier. Ses jugements sont dogmatiques'
(3) îhicrs est consirléré comme le chef tle l'écolc/atolistc '
I'llll,0stllilil,: Dti t, ttts'l'oilili 9t3
Done, tous les vaiucus des luttes rle la vie rnér'itcut lcur sort. La
rnlxirne : malheur aux vaineus ! est légitime.
6o Un gt'and lnmtne est grand et iL est hontme z ses grandes qttal;ilés
seu,les appnrtiennent ù I'histoire; les auffes sont du, Tessort de ln hto-
graplYic.
0n a fait observer qu'une telle doctrine ïecomrnande'cn sornme la
falsification de I'histoire; qu'en outre, elle prêche une croyailce dc'
valets, puisqu'clle conduit à dresser des idoles et pousse à leur
rdoration. C'est par une applical,ion legrcthble de cette doctrine
r;uc Thiers, écrivant I'histoire du Consula[ et de ]'Ernpire, créa la
kigende napoléonienne, qui fut si nuisible à la France.
La théorie de Cousin sur la guen'e n'est pas moins eurieuse. Voici
le principe d'otl il part : La gu,erre est toujo[trs ju,sle, Iæ uainaæ ont
tou.jwrs tort.
Cousin avance cnsuitc que chaque nation représente une idée et
non une autre. a Dès lors, dit-il, les nations ne peuven[ manquer de
regarder leurs idées particulières comme exprimant la vérité totale
et par srritc tromrnc ayant droit ri une domination exclusivc et
tuniversclle. De là, I'origine de la guerre, qui est simplement, Ia
ccrllision des idées particulières dc chaque nation. Le résultaû
certain et, inévitable de Ia guerre est Ie triomphc de I'idée Ia plus forte
sur la plus faible, de la nrtion qui a sa carrière à foumir sur la rtation
qui a fourni Ia sienne. La gucrre est nécessaire et bienfaisante, car elle
est Ia condition et I'instrument du progrès.
Une bataille n'cst autre chose que le comba[ de I'crreur et de la
vérité; une victoire, le triomplrc de la vérité d'aujourd'hui sur la
rrlrité d'hier, qui cst devenue I'erreur d'aujourd'hui. C'esl, une
rrréplise que de parler dcs chances de la gucrue; I'humanité ne percl
l)às une seule partie, rucune batrrille n'a eu une issue défavorablc
pour la civilisation. Ln gucrre n'est pas seulcment nécessaire et utile,
elle est encore juste. Le parti vaincu-mérite toujours son sort, cl, le
parti vainqueur trionrphe parce qu'il est meilleur, plus prévoyant,
;rlus sage, plus méritant que son adversaire.
Edgald Quinet, qui apparticnt, à l'école démocratique, a vivement
conrbattu les princitrres de l'école fataliste dont il résurne lcs
cloctlines sous la forme paradoxtle suivante :
Les honmtcs sont des inslrumcnls aueu.glæ enlre les mains tlu Dætitt
=.. Tou,s llnt le contruire de ce qu.'ils uoicnl lhire : PIus ils sont grands,,
yluviLs sont aaeu,gles. : De ntùne, chnqu,e (u(nement proùtit Ie
V, llirsuet. - Histoire rles llelgcs.
914 lltsr'olnp DES IlELGlts ET DB LEUn cl{ll,lst'fl0N

contruire de ce Elilsenùlcproduire.: L,es Tteaples uaincus sont tottiou,rs


læ uuinquetu's; kx ltlus pttiuoyants, Iæ phts t|om1t6. : Dsns [us
conquêta et ilans les inuasions, une seu,le clwse est ù' cans'klérer :
l'aiantagc ihr. rni.langc rles racu. Il ne fint,t tlonc pas uier : Mallwu'
au,a uaincus, nmis harettu les uainm,s ! : T'olts les gotr'uernements
tlapotiqucs qu,'a sttbis la Frnnce ont élé.occtt'1té.t it, Ttripnrer les uoizs de
ln tiberté ett, sorte que la lbrmttle générnle ùe t'histoire de France est ;
En Fmnce, c' es t Ie pouuoir absoht qu,i eng enth' c Ia liher lé !
Il réfute ccs sophismcs pâf les raisonnerncnts d'une mofdùnte
irouie résutnés ci'aPrès :
Louis XIV, Napoléon Ie", lc gOuverngmctlf tlc lt ReSl,iruratiOtt ct
celui rle Nrpoléon ItI lui'mtime, n'ollt pcs cru nssurémcnt travailler
au trionrphe tlc la libcrté. Ils se trornpaiertt.
Il est heureux, dit l'école doctrinuirC, que lc protcstantismc n'ait
pas trionphé en Fraltce, car cc lriorlrpltc ett été cclui de la noblcssc
et le r'établissement de ses privilèges.
Il était bort que la toyauté flauçaise écrasirt lcs totltnttlnes' caf llr
Fr.ancc a pu flrriver airrsi a I'urtité qui I fireilité l'æu1re de hr
Rév<llutiott.
Il éthit ùviultflgeux également clue Napoléon lct tiouruât, h liberté :
c'é|,âit le ntoyen le plus sùr et le plus rapide rle fortder l'égalité
civilc.
La môme méthotle justific tous les procédôs ct, lotrs |cs gouvcrnc'
ments dcspotiques. LC tlérlouement cxlrliquc ct cx(,'usc le passé. ,\
chaque ptiinte cles gé,uérations écorrlees. l'éeolc tloctrinril'e dotttttl
unc rcponse unifornc :

< l,'nppression él,ait pes{rntc, satrs (loutc; - lit tymnnie était,


Cruelle, nou3 ell convcllolls; - la collscicnec Ct llt naturC étaignt
incessiintment violées: d'itccord.llrlt ssla Ôtait nÔtlcsslirc,absolutnettt
nécessi1il,e l)our éttblir la brlartco rlcs trois 1tr)ut'oirs, qui CSt
tlésormais notrc s!'stème de gouvet'tlcttteltt. rr
Qu'est, ceci, sit)ot1 I'apologie do la lurce? sinort I'iclée même
tltt
tlroit, cxtirpée de I'histoile? ll..risounot' itit)Si, tl'cst-ce pil6 S'ellgtgct'tl
reCgnrraitre touteforCeCotnmes'ùCréC, t'"rrltcltr'clle lI'C$t, paSI'CmplaCét'
llùr ulre autt'c plus puissantc? S'il cst vrai
que le tlcspotismc corttltrit
l la tineLté; si tout cc qui cxistc est hortrtôte, Iespr-rctitble ct, justc, il
r1'! il (lonc licrt à blântet'dlus I'histoire? Quellc plaec rcs[e-t-il pour
la colrscience dilns un s)'stèmc qui, cn fiu tlc comptç' soul,ienl quc lc
mùl ù eu l0 tlroit, de triomphel ct qu'il sct'lit regrctl,ùble pçtlr
I'humirlité quc les ôvénemcnts cussel)t suiri utr e{)tlrs pltts lteurcux
PIIILosoPIIIB DE t,'tlts't'olItE 9t5
poul'la conscience? Qui ne voit qu'un tel système aur:rit, pout'consé-
qu.nte nécessaire d'asservir la conscicnce ct la loi morale à Ia fatalité
des fails ?
La r'érité, d'après Quilet, es[ que la société aurait souvelt pu être
neillcure, si les lctcs et les évÔnements précédents eussent été
rneilleul,s et que les hotnmes du passé ont eu, à toute heure, lc pou-
voir d'agir de martière à nous flire un présent rlifférent.
optimiste et fatllistc out
Écote pessimiste.
- Les tlréories cle l'écolc
pour opposée la doctrine lristorique du pcssinrisme dont lc t'epré'
scntûltt le plus corlsidérablo cst Schopenhauer.
ce penseur croit le monde rcl,uel le plus mauvais de tous lcs
nrondcs possibles (l). Unc scicucc dc I'histoire ne peut exis{,er parcc
quc les phcinornènes historiques sortt coordonncs, ttott subot'dounés;
ils sont teltement individucls qu'ils échappent, à toute généralisation,
ù toute classifîcaliott; enfiu, ils sont si r-:rriables et en tnème tettrps Si
rnonotottes. qu'ils tte l"enfermCtrt, littcune vérité durablC, iluctlll
enscignctnent réel.
Ecole démouatique. Les rcpt'Ôscntrrtts les plus considérablcs dc
cettc école sont :
-
Voltrirc, Montcsqrrictt, Tut'got, Cortdorcct,Ilercler',
Michelet et Quinct.
Michelet voi[, tlatts I'ltistoirc tlc ]'ltutttltnité, I'tristoirc du tluel
eutfe I'hontmc et la uaturc, cntrc I'csprit de liberte ct, la fatttlitô' il
la regaltle cOmmc affirmalt lrr rnnrche graduelle de I'ltttmattité r'ers la
libcrté.
Quinet aclncb, avec llcnlcrr, (luc ll ttitturc bonditionne
I'histoirc rle
I'hOtnme. Â SOn AviS, AUCutto rtCtiOtr lturtrûing tto s'etirit CnCOle pIO-
duite tlans Ie moncle, et dejà lcs r'ltitiltcs dc rtrorttagnes, les replis dc
ter|aiD, lCs SiDUOSités des riviùrcs ct tlcs fleuves tnarquaient en traits
ineffaq:rbles ltl physiouoniie ftrtttre tle I'lristoit'e'
Ccpôndant, il pcnsc quc I'histoire doi[ etre considér'ôe colrme le
tlércioppement praglessif clc lrr libcrtô prr la volonté qui nous permct
de lesiitcl lttt tlCspotisnc tlcs ltontntes colllmc I I'oppressiol tles
chosr:s. ll crinstatc rluc I'lristoirc étrutL lrt rnanifcstation dc
la libre

(l) ll soutient, quc le plaisir n'est i1u'ult itnt pttrernenl négal.if, que la douleur
-.;iJ ;;iil;iiii.]voior1tiers il s'écrièrait rvcc .Sophocle. : a Ne pas naître est le
renl'rer
iÀri-f u plirs heurelx possible; nais ensuile.le.plus grand.bonheur.esl' de
i.ïr"i Byron:
iiià iiàssirrre ilans la éonrlition rl'oir I'ôn est sorti D, et avecjou.s-
-
tei joies que tes hcures o't conttttes ; cornpte ceux tle.. tes qui
nni et,i librcs"d'angbiises et, rluoi quc tu rics élô, apprcntls qu'il y a queltluc
"-dou,pte
chosc de mieux I tle Pâs naïtrc >.
9{6 IIISI'OIIIE DES BELGI]S DT DE LEUIÈ CIVTLISA'TION

volonté. 0n ne peut là soumel,tfe à une formulc rigidc. a Certes, dit-il,


il y a daru I'histoire un mouvement générrl'de bas en haut, d'arrièrc
en avant, mais Ic cours de I'histoire est tortueux. Souven[ I'humanité
es[ revenue sur ses pas ct ses progrès n'ont pas toujours été égale-
ment rapides. >

- L'école scientilique, dont Spencer est lrun


Ésole eclentifi[ue.
des représentants les plus autorisés, voif dans ]a sëlection (l) ct
I'hércdité les dcux eonditions essentielles du dér'eloppement des
nations.
La sel.ection suppose, entre les nations comlne entre les.indivitlus,
fa coneurrence vitale qu'on a nommée In lutte potcr I'eristence. L.d,
guelre, qui parfois résulte de r:ettc concurrence, renverse violem-
rnent les bamières élevées entre les nations, mélange les races, et,
favorisant ainsi la propagation des idées nouvelles, se firit,l'auxiliaire
du progrès. Toutefois, la lutte pour I'cxistencc se manifcste le plus
souvent par les guerres inclustriclles, conmereiales ct artistiques,
que sc font les nations. llllis ccs guerres, d'ailleurs non moins
ardentes ou moins rneurtrières, ont bien plus stremeut pour consé-
quence le progrès de la civilisation.
Pour l'/riradité, I'école scientifique lir considère comme I'agent
principal dô la continuité du progrès, parct qu'elle est la grande force
qui, tout en reliant les générations aux générations, f:rit avûnccr,
chacune d'elles, dès la naissance de I'individu, de tous les progre\s
r'éalisés par les pr'écédentes. Les races hurnaines, cn se renouvelàn[
sans cesse, augrnentent chaque jour l'étendue de leurs conquètes.e[
lcs font selvir au développemenf de I'cspèce.
Âinsi I'humauité, en apparence impassible dans son évolution',
srrmble tléfier toutes les causes de destruction et progrcsser sans.
recul vers un idéal physique, in[ellectuel et rnoral"
< Verra-t-on un jour régner sur la terre la justice entre les hommes,
la paix entre les peuples, la prospérité dans les États? n C'es[ peu
probable. Les ressources litnitées qu'offre la [erre au développement,
de I'humanité rnaintiendront certainement entre les hommes la lutte
pour Ia vic. Le progrès porln'a en adoucir les rigueurs, rnais deneu-
rera impuissant,à la faire disparaitre. < I;es plus faibles; les nroins

({) I}e ælectut, choisi. La sélection es[ une loi naturelle en vertu de laquelle,
les races s'amélioremient progresslvement, lés individus qui la cornposeili'
recherchant d'instinct les conditions les plus favorables à leur développement:
pltrt.osoPutE l]E t ltttsrotnp 9{7

bien doués, contiuueront à ritre broyés pat ceux qui serout, le mieux
armés pour la lutte ou plus favorisés par les circonstances. Et sans
doute les forces les plus ênergiques de I'humanité fiuiront elles-
mèmcs par succomber lorsque la terre vieillie n'offrira plus sufii-
sammenl, dc re$sources à leur activité >.

Quelques-unes des grrandes lois de I'histolnE ({)'

Exiturittons à présent les grandes lois historiques formulées en


application des théories précédentes.
'iremière loil Le d.éuetoppement socinl, le déueloppement d'u,ne tace,
-
tl'ttne nalion, de I'htrmanité entiere esl u,ne croissnnce orgAniqu'e en &na,'
Iogic aaec Ie déueloppent'ent indiuitht'el.
Cette loi, qui rappr<lchc les différeltes phases de la vie sociale des
priucipaux âges de la vic humaine, est uue de celles qui ortt été le
plus anciennement et, le plus universellcment admises. Dntrons dans
le détail du système dont elle est, la folmule.
0n constate, chez tous tes êtlcs vivants, hommes, at)itnau;, plantes,
I'cxistence d'un gerrne, d'une forCe in[érieure, qui, eIt provoquant
leur développement et la création de leurs organes, les pousse vers
la réalisation d'utle formc dételrninée.
Tous, lorsqu'ils naissCut ct vivertt dals les colclitions rcquises, Sc
développent réguliôrement. et pou r ainsi d ire fa t al emeDt i usqu'au our
j

où ils at[eignent, darts I'indivitlu, le type parfait, de I'espèce. Ils dépé'


rissettt cnsuite pour disparaître enlin pâr lc seul firit de la vieil-
lesse (2).
Ccpendrnt Un grand ttontlire d'êtres organisôs neureril, stns aYôir
por.ôuru le cyclô eltiel. de leur existence normale. Beaucoup, nés
ôrr dcs milicux peu favorables à leur tléveloppement, végt)tent, s'âtro-
phient, otl:S'éteignent au seuil de la vie; quelques-uns ttaissent

({) 0n ren1arquera peut-ètre que ngus ntaYons pas mentiottné la fameusc


tgi'Ïisi;;iù;ô, O-ite àir trutt etdts, formulée.par AuguSte. Cornte. 0n sait
qï't"* iàtti*s âe cette loi, I'esprit humain, rlans lès rtations et dans les individus,
pr. metaphysitlug et.l'état scætt'
$arse suecessivemenl -sous l'êtat
t'Ctaf théotogique,
iitiqu". Nous avons élalement passé silence d'autres lois dues à Vico'
Saint-liimon, Littré, etÇ. Leur examen nous aurait faitr {onner trop d'extension
à ce chapitre suPPlémentaire.
(g) Le développ*,nrni rJes êtres organisés _a reçu lc. non d'ét'olution
iràii,nirIt".ôil oô""e."Ogulier
tt"ar analogie, le nom tl'cL'oltttion
sociale à latransfor'
rnation lente et progreé*itu qui sË produit au sein des races, des peuples et
dc l'humanité elle-môme.
918 lrrsrotRts DEs rlrl.Gus El DE r.EtiR crvrlrsr\Trox

difformes ou no sor.tent jamais d'une espèce d'cnfruce. Enfin, urr


certain nombre, quoiq uc mieux cond i tionnés, disparaisscnt brusclue-
nrent paf violeuce, avuI d'avoir ternrinô leur conrplète évolution.
Dc mêmc, or a reconnu que si licn nc troulllc le cours nnturel de
leur existence, les r'flces, Ies nations, I'humanité entièrc tmvcrsent,
commel'inclivirlu, qualre trllrascs csscnticlles : I'entïrnce, Il jeuuessc,
la maturité et le décliu, pr'écurseur de la mort.
A I'instar de certains intlividus placés dans de mlur-aises conditions
extér'iculcs, un grlncl nomllle dc peuples, r'érihbles rvortons
sociaux, nc dépassent pas I'cnfance. Telles, les tribus,de l'Àmér,ique,
dc l'Âfrique et tle l'0céanie. La plupart
et de rlce nègre exceptés
- les pcuplcs dc rircc juunc
disparaisscnt mônc lrcu à peu rlcvirut
-
les for'tes races dc l'Occident.
D'âutres, sont anéantis par I'action violente dc pcuplcs plus folts.
Il en a été ainsi notrmment d'un grrnrl nombr.c dc ntrtioris vaincues
par les llomlins, les Carthaginois, pur exemplc.
Un peuple pcut aussi êtle arrôl,e dutrs son dôvcloppement régulicr
par Ia guerre, lir rév-olution, lcs disscnsions inteslincs, lcs troublcs
d'un caraetère plrilosophique ou religieux, etc.
.Lcs plus favorisées entre lcs nations, ecllcs clui ont éclrapp(l aux
diverscs cûuscs extérieures de desh'uction. sorrt ccpcnrllrrt con-
damnées ir moul'ir tôt ou tard, Iolsque sera é1ruiséc lir sonrnrc de
vitalité qui lcur a ôté tlépartie. < Plusicur;s ont cléjà tlispar.u. La {trèco
ct Romc ont moins succombé sous lcs coups dc lcurs vtinqueurs
que sous le poids dc lcul vieillesse. La folce vitrle lvrit tar.i dans
cur scirl. >r

Ces trations, il est vrai, laissent des délrris d'oùr s'élerent souvcnt
rle jeunes pcuples rptes n rccommcDoer ullc existcnce nouvelle. Il
lrrivc môme que cùs peuplcs noureaux, mieux armés pour les lul,{,es
rle la vie, fournisscnt une carrièrc plus brilltnte que lcurs dclanciers.
(Par cxemple, les Belges, peut-ùtrc les Italiens et les Grecs nôs, err
ce sièclc, à une vie nouvelle).
Tel est, à glands traits. le systènre de philosophie histor.ique basé
sur la marche similaire du progrès dans I'individun dans les peuples
et dans I'humanité, système auqucl l'école scientitque a tlonné tout
son développement. Lo développement des instit,utious éconorniqucs
ou socialesn (cx. : gildes et corporations, féodalité ct comrnunes),
obéit à la même loi.
Un grand physiologiste anglais, Huxley uoit, qu'il .v aurait, du
tlanger à pousser trop loin paleil rrrpprochement ou r\ y athcher trop
PHILOSOI}IIIE DN L'TTISTOIII!] 9r9

rl'impor.tirnce. suirant lui, de confondre une analogie


il faut éviter
r.écll'e, qui autorise eertaines comparaisons et rnétaphores, avec unc
,,pprrôrrtr mais firusse identitti, qui conduirait il dcs cottclusions
crronées.
Deuxième loi.
- La ciuilisation stût Ia marr:hc tltr' sol'eil : eIIe se
tirige d'Oriaù en Occident.
Côtte loi, basée sur ulre théorie mouvemellt' de la
qui attribue au
teil,e autour du soleil et aux courants magnétiques une influence
r:onsidérable sur lrr civilisation, a été admise par des historiens
riminents au nomlirc clescluels se rangeltt Hégel, Herder, Michelet
et'

Lirssaux.
< La marche du soleil, dit Hégel, syrnbolise la marche de
I'csprit'
Comme la lumière pliysique du soleil yil d0 I'Est à l'$uest, ainsi fait
celle clu soleil dc
ja coriscience. L'Àsie est le point précis où il sc
lùve, le commencerncnt absolu de I'histoire; I'Europe marque
I'0ccident ou la 1in de I'histoire. L'histoire du monde oriental
com-
il
llence en Chinc, passe flans I'l1de, cle I'IlrIe ir la Perse, de la Perse
rle celle'ci ir l:r Grèce, de la Grèce à Rome et de Rome à Ia
I'Egypte,
(iermanie par I'intermédiaire du christianisme' rr
Il parait, difficile d'atlnrettre un rflpport cntre la marche des astres,
gouvemée par rles lois rnécaniques, et le progrès de la civilisation'
D'ailleurs cette
ôe serait, u-t-on 4it, sourtrettre la liberté à lir fatalité.
parait po* onôir été biel rigoureusement appliquée dans I'his-
loi ne
ioire, puisquc t'Bgyptc a été civilisée bien avaut la Palestine et

l'Âssyrie.
Trolsièmo loi. - II se prodtût, it, lotttes ks époqws historiquæ, un
de bas,,ùe utire des périodes Ûitiqws et dæ pétindes orga'
tn,ouuetnent
niques.
(l)' Le célèbre
Cette toi d.'alternanc,e a été formulée par Saint'sirnon
constate que I'esprit humain rnanifeste son activité
r.evolutionnaire
par deux modes d'action: l'anulyse ella synthd.se. 0r les sociétés
alterlativement, comme les individus' par
iui paraissent procécler
analyse et Par sYnthèse.
l)ansles,poqu,,d'analyse,lepeupleportesOlrattentionsuftout
rien : c'est
cc qui a trait à i'organisoiiori toôiulé. Il n'est contentde
ttne' périod e critiqu,e',c'eçt /e tentps des r é'uolutions'

({) Le chef fameux de l'école saint'simonienne' à la fois religieuse et


sociale.
920 IIISTOIIIE DES I}ELI,IIS ET. DE I,EUII CIVII,IS.{1.ION

Dans les époques de synthèse, le peuple admet, une doctrinc


.générale qui Iedislrose à accepr,er toutc or,ganisation basée sur cettc
doctrine. c'est sl periode organique,où il cst calrne et opposé à toute
rgitation.
Quatriàme loi. L'histoit'e n'est qu,'ection et rénction : dc la, un
- l'æprit
tlou'ble cnu,r'a,nt tle lutntain, r'un ilc progres, l'autre de conser-
aation,
_ cette loi'n'esûpirs sans offrir querque analogie avec la précédente.
Lorsque le coulant actif a fait, avancer re progrès de trois pas, le
courant réactionnaire le faif leculer de deux. Ainsi, Iitlgald -Quinet
ir pu dire : < La philosophie dc I'histoire, c'est, Janus t\ deux visages,
'l'un toumé voïs ls passé, I'autre vcrs I'avenir. >
cinquième loi. Le caradère des pcuplns est préfiguré dons le caruc-
tèrc rlc la terre. -
cattc loi aocorde donc une très glande importance à I'action
exelcée sur I'homme par les causes physiques, en par[iculier par
le
sol of le climat.
< D_on'ez'nroi, dit cousin, la carte d'un pays, sa conrigu*ation,
son climat, ses eaux, ses vents et, toute sa géograptrie
finysiquei
donlez.moi ses productions naturelles, sa florà, sa gèologie, etc.
et
jc'me charge de vous dire a prioriquel sera I'homnic
de ce pays et
quel rôle cc pays jouera clans I'histoire. u
'Herder afli'rne de son côté que I'Europe
doit sa civilisation à sorr
climat tempér'é, t\ sa situation géographique, i\ sa configurltion,
à
ses fleuves, à scs mers ct à scs golfes profonds.
a Les extrômes de chaleur c[ de froid, dit, à so' tour
llégel,
met[ent obstacle ru développcment de I'esprit. De là vierr[
E ,é l.
zono tempéréc cst le vrai théâ[r.e de I'his[oire. >
ll
rr'est guèr'e possiblc de nier que le sol, lc clirnat,
et les autres
cùqses physiques exercent une grande inlluence su'r.
I'avenir des
nations. Ilais c'es[ une question peu décidée de savoir
si cctte
irtfluence cst directe et imnrérlial,e, conrme I'a pensé Mon[esquieu
ou
si elle est iutlirecte ct éloiguée, comme I'a souienu Turgot,.
si I'opinion dc llontcsquicu etait fondée, il f:iudrait admettre quc
I'influencc des causes physiqucs est consr,ante ct nécessairc, par
suite qrre l'liomne ra subit prrssi'emc't, cc,qui scrait ra négatià.'Jà
la liberté elle-môme.
.si, au qorltraire, Tu'got, a raiso,, la Iiberté rent'e dans ses droits,
car si puissante que soit I'influence dont nous parlons,
elle ne peui
PITILOSOPIIIE DE L HIS'I'OIIIII 99{
rlétruire les efl'ets de I'act,ivil,é iltellectuclle et rnorale dc l'homme,
clest-à-dire de.sa volonté.
Sixième foi.
- Ln conscience indiuiihælln raric selon lns époçæs
d'apt'ès la ciuilisnlion et le caraclère:ltartieu,Iier de ces époquas.
Cette loi est afïirmée par la plupart des historiens philosoplres.
Elle a une grande importance au point dc vue de la réserve âvec
laquelle il convient de juger les persouages et les événcments
Itistoriques. 0n ne peut tl'ailleurs méconnaitrc le bien.fondé de,cettc
loi. ll importe beaucoup, en effet, pour apprécier avec équité les
hontrttes et les événements, dc tenir comptc des idées et, des næurs
cortternpornines. < Tralsporter, dit lllontesquieu, dans les siècles
écoulés, toutes les idées dcs sièclcs oir I'on vit, c'est, des sources
de I'crreur, celle clui est la plus féconde. A ces gens qui veulent
t'endle rnodcrnes tous les siècles anciens, je dirai ce que les prêtres
de I'Ilgypte rlisaient I Solou ; ,, 0 Athéniens, vous n'êtes clue des
cnfants. >
Septième loi. -- Les sociitrts se déaeloppen,t r.n. pussunt pat' dcs tlifféren-
cinlions su,ccessiues el peu, sensibles tl'tm état contparaliuentent hontogène
ù u,nétat hétérogène.
Cette loi, dont il serait, irnpossible de contester l'ér'idence, est duc
ù Speucer, I'un des clrefs de llécole scientilique.
Pour cn vérifier I'cxactitude, compûrons le gouvemement simple
ct, rudimcntaire dcs Belgcs a l'époque de César, à leur système
administratif act,ucl, si savant, si cornpliqué et dans lequel la division
des attributions est poussée si loin.
Hultièms foi. L'organistne socialétantut organismc natu,rel et l,u,
-
ttttrttr,Te ne ltrocatlant ni ltar sauts ni par bonds, le deueloppement norntal
ttes société.s doit sefairepar uoie d'éuohr,tion lenle non pnr aoie de rëuo-
h,tions (l).
La conséqucuce importante qui sc déglgc de celte loi pout' le
développement historique des peuples, esl, la supériorité de l'évo-
Iution sur les révolutious. Si les r'évolutions nc peuvent pas toujours
ôtre évitées, si mème parfois elles paraissent nécessaires. elles n'en
doivcnt pas nroins rester une exception toujouls regrettable. 0n se
,dé{iera done des réformes prématurées qui ne sout ni dans I'intérêt
ni dans les væux du grand nombrc el quc tluclques-trtts t'oudraient
.néanmoins inrposer a tous, sans transitiort. Les appliqucr darrs de

('l) Ccttc loi a égalenrcnl. été formulée pal l'érole scientitique.


992 lrtsïolnn DES DELcES llr Dlt LEI,R cIvILISATIoN

semblables conditions, c'est rechercher urt progrès artificiel, mrl


irssis, de nature t\ provoquer une situation dangcreuse. < 0n ferait
rutant dc mal ir une société, dit Spencer, en détruisan[ llrusquement
ses vieilles institutions qu'ott en fcrait ir un amphibie en rmputatt[
ses branchies avant quc ses poumons soient dôveloppés. ,,
Conclusion. Pouvolts-llous inférer dc ce qui pr'écède que lcs lois
essentielles
-
du progr'ès humain sont incoutcstablenrent découvertes ?
Evidemment nou. Peut-être mêmc scrait-il témérairc d'affirnter
comme une chose désormais ccrtaiue et indiscutablc I'existcucrr
rl'une loi flu plogrès. Sans doute, il r'oit' les c[oses de haut, on ll0
peut nier le progrès. Mais lcs eonquÔtcs de Ia civilisation nlodcrùc
sont-elles assurées au point d'Ôtrc absolumcnt garrnties contre lottt
letour de la barbarie ? Qui oscrait I'allirmer? Et si r'écllernent il esistc
une théorie'du progrès, n'est'il pas trop tôt pour qu'gtl puissc lit
résoudre en formules? Le cours de I'humanité n'est-il pas cncole trop
près de sa s6urcc? Les sciences, qui nous tpparaissent irujourd'hui
comme les auxiliair'es indispertsables de I'histoile, ne sont-elles prs
trop jeunes cncolc pour rendre possiLrle unc ùhéol'ie clofinitiçc du pro-
grès ?

En attendalt,, à quel pùrti s'arrêtcr cntre I'opinion de Schopetthauct',


soutenant qu'aucutte sciencc tle I'histoire n'est possiblc, et celle dc
BuCkle, assurant, q.r'il existe, dans Ia successiolt des ét'éttcrnents, unc
r'égularité scienti{ique qui perrnet dc les prétlirc ?
Toute loi, a-t-on clit pour' étahlir I'inpossibilité tl'uueloi de progrès,
suppose u1 rapport constant entt'e ccrtains phénomènes dont les
rrls sont considérés cotume causgs des autres et eeux-Ci, comme
cffets des premiers.
A prendre le mgt, for tlans ce.tte acecption rigoureusc' ol) s'exposc
cgrtainement à ne pOuvoir formuler aucuneloi historique. C'est 11u'eu
cffct une telle loi du progrès serait évidenrment nécessitante e[ dc
môme genre que IeS Iois mécaniques PII lesquelles sortt gouvel'llées
lcs forces physiques de h nature. Sou exisf,euce suplloserait que les
firits de I'histoire et par suite le progrès se produisent néccss:rirement,
on conséquence, que la liberté et le libre trbitre n'existettt pas' cc
que beaucoup hésiterout à reconnaîl,re.
Mais nc pcut-on adntettre I'existence d'utte loi du prtlgrès qui
justice et, dc per'
lrousseruit I'hotnme vers un idéal de scieuce, de
fcotion capable de produire au sein de la sociôté I'accord harmonieux
de I'ordre, de l'égalité et dc la liberté ? Urte loi tle I'espèce, si elle
t'illL0s0t'IIlu DD I.'lIlsl'OtRti 923
û\iste, laisse I'houtnte libre de I'observcr ou dc I'ettflcirttlt'e. S'il ll
rcspectc, il aidc au progrès dc I'ltumanité ct firit ce qu'il doit; s'il
I'enfreint, ilcorttribue à r'alenûir sa rnirrchc; ct, manquc ù sondevoir.
L'existcncc dc cette loi rlu progrès n'rppalaîtr'.I sluls tloute pas à
tous contntc sttffisunrnent proutie : drt rnoitrs pent-otr cottvenir
r1u'elle coneilic, drns nnc lncsur0 r'iiisouuirblc, I'idée de Ia libertti
Itumainc rrvec lrr tltéolic du progrr\s indirfini ct nccesslirc.
TABLII I)IIS MA'TTÈRES

Pages.

PnÉnecn .
l
I
A. Temps Pr'éhistoriques.
2t)
B, TemJn Pfotohistoriques. .

lElll,s lllsl'0ftIotlES
5t
(;HAPITRE I"r. Nos origines .

II. Tenrlrs immétlialement antér'ieurs à la conquete


romrrine. . .
4l
lll. Période romaine .
6t
88
lV. Périotte franque. .
t.48
Y. Période féodale ' .
2.48
VI. Période féorlo-comrnunale '
.{.02
VtI. Périotle boulguignonne'autrichiennc ' '
DJtl
VIII. Périotle esPagnole'
610
lX. Pér'iocle autrichienne
094
X. Période française ' '
7&g
XI. Périottc hollantlaise ' '
Période de ro-vauté constitutionnelle '
Xtl.
iill
8S6
$ynthèse générale dr: Iihistoire des Belges
g0ô
Ârnnxorcr. Quelques mots sut la philosophie de I'histoire .' .
'rl . \

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