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Quelques points de repère en poésie contemporaine

D'un cliché à l'autre


La poésie a, dans la société française et par conséquent dans l'école une image particulière. Ou plutôt, elle en a
plusieurs.

Tantôt, on l'associe à une certaine beauté des sentiments et de la nature. Elle serait une voie (et une voix)
d'édification et elle provoquerait des émotions qu'elle serait aussi censée traduire. La poésie serait du texte qui
nous parle du meilleur de nous, des hommes et du monde.

Tantôt, elle est une matière de rythme et de rimes, une forme qui parle, une activité de virtuose du langage qui
existe d'abord pas sa musicalité. Elle respecte des règles, des normes, elle est identifiable au premier coup d'oeil.
La poésie serait d'abord un texte ornemental, un écrit décoratif.

Tantôt, elle est manipulation de la langue, expérimentation des sons et des sens dans le choc des mots, leur
trituration. Elle se forme dans une manière de déstructuration voire de destruction. Elle expérimente. Elle essaie.
La poésie serait une œuvre de laboratoire.

Tantôt, elle est chargée de mystère et se reconnaît par sa charge d'hermétisme ou sa résistance à l'explication.
On n'y comprend pas grand chose, cérébralement et intellectuellement parlant, et c'est d'ailleurs à cela que d'une
certaine façon, on la reconnaît. La poésie serait du texte qui nous parle une langue opaque.

Tantôt elle prend les apparences et les allures d'une arme. Elle est chargée des révoltes et des incompréhensions
face aux réalités désordonnées du monde. Elle émerge des souffrances intimes et personnelles et s'épanche. La
poésie serait alors un cri parfois désespéré, parfois libérateur.

Tantôt, elle semble dialoguer avec l'invisible qu'elle tente de révéler à force de langage. Elle fore la nuit,
interroge les doutes, tutoie les espérances, s'inquiète de l'ombre et du vide, réveille les étincelles. La poésie serait
une révélation, l'expression du silence habité, une démarche mystique.

Ce que la poésie peut être ?


Ces représentations témoignent toutes de ce que la poésie peut dire sans pour autant cerner ce que la poésie peut
être. Il ne s'agit pas d'ailleurs, de tenter une quelconque définition nécessairement réductrice, incomplète et
inexacte. C'est en partie parce que, à l'école, on cherche plus souvent à expliquer un poème qu'à écouter ce qu'il
nous dit (et pas ce que le poète veut nous dire) que beaucoup sont finalement mal à l'aise avec les poèmes, avec
la poésie.
Inutile donc de chercher ce qu'est la poésie. L'important est de savoir ce qu'elle est pour chacun. Pour vous. Pour
les enfants. Pour chacun de celles et de ceux qui peuvent en pratiquer l'écoute et la lecture, et peut-être aussi
l'écriture. Et j'aimerais partager avec vous quelques convictions qui résultent de mes pratiques d'enseignant, de
lecteur, d'auditeur et de poète.
Ce que la poésie apporte
La poésie parle à l'intime. Elle est de l'ordre de l'être, de la vie. C'est là qu'elle prend sens, dans la rencontre non
pas de ce que l'auteur a mis dans son texte, mais dans ce qu'un texte nous livre, dans sa manière de nous
rejoindre.

Ainsi, la poésie a une dimension sociale. Elle crée bien sûr du lien entre le texte (et donc l'auteur) et le lecteur.
Mais elle en crée encore chaque fois qu'un lecteur la porte vers un auditoire. C'est le cas, bien sûr, dans la classe.
Pour l'enseignant, dire un poème à haute voix, c'est créer une communauté dans l'écoute et la réception des textes
les plus variés. Chacun des auditeurs recevant le texte, y adhérant ou pas selon que le texte le rejoint, le touche,
lui « plaît ». Ce peut être l'occasion de prolonger l'écoute par un échange qui aura pour objectif de mieux
comprendre ce qui nous parle dans le poème, sans volonté l'explication. On n'a pas nécessairement besoin
d'expliquer pour comprendre. Comprendre (« cum-prendere ») c'est d'abord prendre avec soi intérioriser,
ressentir, faire résonner le texte en soi.

La poésie met en œuvre les multiples sens des mots, les éclaire de tous les possibles, redonne à la langue un éclat
parce qu'elle ne fige rien. A chaque lecture, quelque chose bouge, et ce n'est pas nécessairement la même chose à
chaque fois. Si bien qu'un texte qui ne nous disait rien hier peut très bien nous parler aujourd'hui. Question d'âge,
de disponibilité, d'état d'esprit, d'expérience personnelle. Au delà du propos éventuel de son auteur, c'est dans la
vie du lecteur que le poème existe. Il est évident qu'un poème qui parle de la mer par exemple ne sera pas reçu de
la même manière par un enfant (ou un adulte) qui connaît l'Atlantique, la Méditerranée ou la mer Baltique. Et
que dire de la réception qu'en fera l'enfant qui n'a jamais vu la mer ?...

Enfin, la poésie propose un usage inhabituel de la langue maternelle. L'écriture poétique est libérée des
contraintes normatives. Elle privilégie l'étincelle de sens qui naît du choc des mots au détriment du sens qui
préexiste aux mots. C'est dans l'écriture que naît le poème. Il n'existe pas avant les mots qui le génèrent. Et c'est
dans la lecture qu'il se recompose. Ainsi, fréquenter les poèmes, travailler la manière de les lire et de les dire,
expérimenter soi-même les agréments et les difficultés de l'écriture, c'est découvrir des aptitudes et conforter des
compétences artistiques. C'est aussi s'approprier une culture personnelle et commune. C'est se constituer un
patrimoine culturel et émotionnel. La poésie, en cela, est un chemin d'épanouissement. Il importe que, fort de ces
constatations, chacun, dans l'école, contribue à développer des pratiques et des approches de la poésie
susceptibles de permettre aux enfants de devenir, adultes, des lecteurs de poésie.

Trois caractéristiques de la poésie contemporaine


Considérant la poésie telle qu'elle s'écrit aujourd'hui, je voudrais rapporter ici quelques caractéristiques que
Georges Jean avait relevées les concernant, lors d'un colloque auquel je participais au centre Georges Pompidou
sur ce même thème de "L'enfant et la poésie" en 1986, et qui me semblent, aujourd'hui encore, toujours
pertinentes.

La première caractéristique, c'est que la poésie contemporaine raconte moins que celle des siècles passés. Elle est
davantage une poésie qui traduit, comme le disait Bachelard, une "intuition de l'instant". Le poème s'inscrit
moins dans une durée, une temporalité, avec un avant, un pendant, et un après. Cela ne veut pas dire que le
langage poétique d'aujourd'hui est figé, désincarné, extérieur aux événements, mais il me semble que l'on
pourrait dire que la durée commence avec lui, qu'il crée l'évènement plus qu'il n'en rend compte. Et si l'on disait
que le poème témoigne, ce n'est pas parce qu'il serait témoin à charge ou à décharge de l'époque ou de
l'expérience individuelle. Ce serait davantage comme une marque, une trace, un signe fiché dans le tronc de
l'arbre pour bouger avec le temps qui passe, s'altérer lui-même, se déplacer dans la mémoire de l'arbre. Ou
encore comme la concrétion, la cristallisation de l'émotion d'un moment, que les mots cisèlerait pour en rendre
compte. Ce cristal, cette trace, ce témoin fragile et inaltérable à la fois, c'est le poème. Dans 50 ans, le poème
d'aujourd'hui aura bougé beaucoup plus dans l'épaisseur du sens, de la compréhension, de la mémoire des
hommes, que n'a bougé pour nous un poème du 19^® siècle. On dit d'ailleurs parfois que les poèmes sont
éternels, et souvent, c'est à la poésie passée (je n'ai pas dit dépassée), que l'on fait allusion, comme à un
patrimoine sensible de grande valeur. En général, la poésie contemporaine ne reflète rien d'autre qu'elle-même,
et c'est à partir du poème que tout commence, un peu comme si le reflet créait le miroir.

Dès lors, et c'est une seconde caractéristique qui découle de la première, la poésie d'aujourd'hui est souvent
chargé d'images à ras bord. Elle a souvent recours à la métaphore. Elle est productrice d'images, elle évoque,
éveille pour le lecteur une multitude d'images. Je l'ai maintes fois remarqué lors de mes animations avec des
enfants, mais aussi avec des adultes. J'ai souvent recours, pour exprimer ce phénomène, à cette comparaison ; le
poème est un peu comme une boîte qui renferme du concentré de tomate, ou encore à un flacon d'essence de
parfum. L'un comme l'autre libèrent dans l'instant une puissance de goût ou d'odeur qui saisit les sens, et les
comble (ou les rebute). Et la puissance libérée est bien supérieure à ce que la taille de la boîte ou du flacon
pouvait laisser supposer.
Très souvent, les poèmes contemporains laisseraient perplexe l'enfant (et parfois l'adulte) s'il s'agissait de les
appréhender raisonnablement. Mais ces poèmes sont chargés d'un potentiel émouvant (c'est-à-dire qui fait
bouger en nous, qui nous remue) qui amorce souvent chez le lecteur ou l'auditeur des constructions imaginaires
variables selon les individus en quantité et en intensité.

Enfin, la poésie contemporaine tend à l'enfant un miroir de ce qu'est le monde dans sa richesse et sa diversité.
Les formes classiques d'écriture ont éclaté, libérant la parole poétique, et les poètes aujourd'hui ont dû
reconstruire en eux d'abord des rythmes qui sont leur "respiration poétique". Je me rends compte ainsi, que tel
poète ami qui est asthmatique (je pense à José Millas-Martin) a une écriture haletante qui n'appartient qu'à lui, et
que tel autre qui, comme moi, écrit beaucoup en marchant, sur les chemins ou dans sa tête, écrit des textes qui
respectent le rythme de la marche, et qui se prêtent bien à être dits en marchant. L'écriture poétique aujourd'hui
me semble davantage "respirée", plus proche des rythmes vitaux, moins ornementale que la poésie des siècles
antérieurs, même s'il faudrait apporter des nuances à ce propos. Je voudrais dire en passant qu'il s'écrit encore
aujourd'hui une poésie très ornementale, qui n'est peut-être d'ailleurs qu'ornement. Il y a sans doute actuellement
plus de poètes qu'il n'y en a jamais eu, qui écrivent dans la langue d'aujourd'hui, parce qu'écrire met en jeu ce qui
essentiel : le rapport de l'homme à lui-même, et au monde, par le truchement du langage et de son épaisseur
vécue, de ce que l'on pourrait appeler l'expérience. C'est sans doute ce qui explique que parmi les jeunes que je
fréquente, tout comme vous, sans doute, il en est de nombreux qui écrivent, et pas seulement des journaux
intimes, mais aussi de la poésie. Et c'est d'abord en cela que la poésie importe. Elle est peut-être le mode
d'expression le plus immédiatement adopté par qui veut écrire, et ce jaillissement est essentiel. Mais ne fait pas
de tout individu qui en est l'auteur, un poète, car il reste, au delà de l'immédiateté, de l'envie de dire, le nécessaire
travail de "potier" du langage.

auteur(s) :
Alain Boudet

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