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Bouadi
Agathe Colombier-Hochberg
Pygmalion
De Samir Bouadi
Le Polimentik : Dico non officiel de la politique, avec Abel Hermel, Mots
Et Cie, 2006.
D'Agathe Colombier-Hochberg
Les Vies turbulentes de Lady M., Fleuve Éditions, 2015.
Rien de personnel, Fleuve Éditions, 2014.
Messie malgré lui, Fleuve Éditions, 2013 ; puis sous le titre Nos (pires)
meilleures vacances à Tel Aviv, Pocket, 2014.
Nos (pires) meilleures vacances à Las Vegas, Fleuve Éditions, 2012 ;
Pocket, 2013.
Nos (pires) meilleures vacances, Fleuve Éditions, 2010 ; Pocket, 2011.
Dans l'intimité des écrivains, Eyrolles, 2009.
Mes amies, mes amours, mais encore ? Mango, 2005 ; Pocket, 2007.
Ce crétin de prince charmant, Mango, 2003 ; Pocket, 2005.
Dictionnaire des cons et autres génies
PRÉFACE
Quel que soit l'âge que vous aviez le 20 juillet 1969, et même si vous
n'étiez pas né, les images de Neil Armstrong effectuant quelques pas sur la
Lune sont gravées dans votre mémoire. Intemporelles, teintées d'irréel,
elles sont de celles que l'on n'oublie jamais, un peu comme celles des
avions s'encastrant dans les tours jumelles et des ruines consécutives à leur
effondrement. Dans les deux cas, un drapeau américain apparaît au milieu
de nulle part, mais de là à y voir un lien de causalité, il n'y a qu'un pas que
nous ne saurions franchir. Revenons à Neil Armstrong. Excellent étudiant,
il effectue son service militaire dans la marine et n'a que 20 ans lorsqu'il
obtient son diplôme de pilote apte à se poser sur un porte-avions. C'est
ainsi que s'ouvre devant lui une carrière militaire, et qu'il participe à la
guerre de Corée dont il sort auréolé de médailles. Il reprend alors ses
études dans l'aérospatiale puis intègre la future NASA en vue de devenir
pilote d'essai. Durant plusieurs années, il y effectue toutes sortes de
prouesses, la principale étant de rester en vie compte tenu de l'état dans
lequel il ramène les avions à la base, si tant est que la moindre parcelle ait
résisté au choc. En avril 1962, il est au sommet de son art. À la suite d'une
erreur de pilotage, il passe au-dessus de sa piste d'atterrissage à Mach 3, si
bien que lorsqu'il parvient à se poser, il est à 72 kilomètres de sa base.
Quatre jours plus tard, il est en mission avec Chuck Yeager, coéquipier
aguerri puisqu'il s'agit du premier pilote à avoir franchi le mur du son,
mais refuse de l'écouter lorsque ce dernier lui déconseille de se poser sur
un lac. Certes, Armstrong pose leur appareil, mais il ne parvient pas à
redécoller et les deux hommes en sont réduits à regarder les canards
s'ébrouer dans l'attente d'être secourus. Nouveau vol trois semaines plus
tard : suite à une mauvaise évaluation de son altitude, il réduit en miettes
son train d'atterrissage, éventre son avion, et abîme passablement la piste
sur laquelle il s'est posé en catastrophe. Les âmes charitables expliquent
ces déboires en rappelant qu'Armstrong était un pilote-ingénieur,
catégorie où la maîtrise du pilotage n'est pas forcément la première qualité
requise. Toujours est-il que l'Armée de l'air, ou plutôt son très détendu
responsable du recrutement, décide de l'intégrer au programme Apollo. La
suite, on la connaît, et on se perd en conjectures à se demander quels
motifs ont valu à Armstrong de faire partie des trois heureux élus à être
envoyé sur la Lune. De deux choses l'une : soit il était l'un des astronautes
les plus compétents de sa génération, ce qui désacralise quelque peu la
NASA et nous donne envie de jeter notre DVD de L'Étoffe des héros au feu.
Soit sa hiérarchie, compte tenu des risques encourus, a tout simplement
choisi de minimiser les pertes en cas de pépin, en se débarrassant d'un
casse-cou dont le nombre d'avions pulvérisés et la prime d'assurance
finissaient par compromettre le budget de l'Armée de l'air. C'est
probablement parce qu'il était déstabilisé par le succès inhabituel de sa
mission qu'Armstrong a décidé de ne pas retourner dans l'espace. Un
choix regrettable, car on aurait bien aimé savoir où il aurait atterri – et
dans quel état – s'il avait poursuivi sa conquête de l'espace avec autant de
précision que lors de ses missions aériennes.
Brigitte Bardot (1934)
S'il s'avère utile de citer les œuvres majeures de Victor Hugo quand on
fait son portrait, ce n'est pas le cas pour Bono, qui depuis les années 1980
arpente la planète sur des talons surcompensés en hurlant les nombreux
tubes de son groupe U2. Véritable bête de scène, le petit bonhomme fessu a
mis autant de jeunes femmes en émoi que s'il était un boys band à lui tout
seul. À ce titre, il incarne une certaine résilience et c'est probablement
grâce à lui que beaucoup d'autres petits bonshommes fessus ont pris
suffisamment confiance en eux pour réussir à épouser des top models qui
elles-mêmes, ont pris assez confiance en elles pour chanter alors qu'elles
sont grandes et minces. Ce que nous venons d'écrire n'a aucun sens, mais
cela nous permet d'évoquer la tragique absurdité du destin de Bono. En
effet, tout commence avec le fait que son surnom soit issu de « Bonavox »,
un magasin de prothèses auditives situé à Lypton, son village natal. Vous
vous attendez sans doute à ce que nous dressions une liste exhaustive des
autres absurdités qui caractérisent sa vie, mais nous n'avons pas de
comptes à vous rendre, et avons décidé de nous en tenir à deux exemples
avant d'en venir à l'essentiel.
Sachez donc que lorsqu'il a rencontré le pape en 1999 (voir Jean-Paul
II), le chanteur prêcheur n'a rien trouvé de mieux à faire que de lui offrir
ses horribles lunettes bleues de cycliste et le forcer à les essayer tandis
qu'un témoin très sournois immortalisait la scène. Derrière l'apparente
générosité de ce geste, on devine que ce grand mégalo de Bono était
probablement convaincu que le pape, comme tant d'autres, n'aspirait qu'à
lui ressembler… Mais Dieu n'apprécie pas qu'on se moque impunément de
ses lieutenants, et comme la vengeance est un plat qui se mange froid, il
attendra quelques années pour s'occuper du petit druide fessu. Alors que ce
dernier faisait le cycliste à Central Park, Il l'a envoyé s'emplâtrer dans un
arbre, avec suffisamment d'enthousiasme pour que son bras et son visage
soient mis hors d'état de nuire pendant un bon moment. Si c'est pas une
preuve de l'existence de Dieu, c'est quoi ?
Mais revenons à ce qui nous préoccupe réellement, à savoir que Bono
est vraiment relou. Sous prétexte d'engagements humanitaires divers, le
rocker curé rencontre toutes sortes de dignitaires à qui il explique que la
guerre c'est pas bien, et le Sida, c'est pas cool. Il milite pour l'annulation de
la dette des pays du tiers-monde, tout en cachant son pognon dans un
paradis fiscal pour échapper à une réforme de l'imposition irlandaise
légèrement contraignante. En bon parangon de la rock star se prenant pour
Jésus, il a probablement oublié que le Messie a toujours prôné l'humilité et
la pauvreté. À notre connaissance, personne n'a eu l'idée d'interpeller
Bono sur son bilan carbone, à titre personnel ou avec U2, mais le cas
échéant, on imagine aisément que ce grand écologiste se justifierait en
arguant que la bonne parole n'a pas de prix. Pour les pauvres darwiniens
que nous sommes, le Bono beau descend vraiment du singe.
Tycho Brahé (1546 – 1601)
Né sous le signe du Cancer et sous une bonne étoile, puisque son père
dirige une puissante compagnie pétrolière et qu'il suivra ses traces. Papa
Bush devient président des États-Unis en 1988, et son fiston se lance à son
tour dans une carrière politique.
Élu gouverneur du Texas en 1994, il s'illustre surtout par son
enthousiasme pour la peine de mort puisqu'il refuse de gracier 152
condamnés, ce qui plaît tellement aux Texans qu'ils lui offrent un second
mandat. En 1999, il est en lice pour accéder à la fonction suprême et
déclare : « Il faut garder de bonnes relations avec les Gréciens », avant de
conclure : « J'ai une politique étrangère axée sur l'étranger. » Il y avait là
de quoi se méfier, mais on le sait, les Américains ne s'intéressent qu'à la
politique intérieure. Ça tombe bien, notre homme est un expert en
économie – « De plus en plus, nos importations viennent de l'étranger », –
et il s'y connaît en chiffres : « C'est évidemment un budget. Y a plein de
numéros dedans. » La campagne est de haute volée, donnant à George W.
l'occasion de montrer qu'il est à la pointe sur les questions
d'environnement – « Je sais que l'être humain et le poisson peuvent
coexister pacifiquement » – et a de solides convictions : « La raison pour
laquelle je crois en une baisse des impôts, c'est avant tout parce que j'y
crois. » Au fil des meetings, le leadership du candidat républicain
s'affirme : « Je ne sais pas si je vais gagner ou non, je pense que oui. Je
sais que je suis prêt pour cette charge. Et si je ne le suis pas, eh bien tant
pis ! » L'élection est serrée, des soupçons de fraude entachent plusieurs
États où l'on procède à un second décompte. Lucide dans la tourmente,
George Bush fait ce constat implacable : « Si nous étions en dictature, les
choses seraient plus simples – du moment que ce serait moi le dictateur. »
C'est lui qui devient le 43e président des États-Unis, bien qu'il ait
prévenu quelques mois plus tôt : « Je pense que tous ceux qui ne pensent
pas que je sois assez malin pour la tâche présidentielle sont en deçà de la
réalité. » Les dés sont jetés, le grand homme peut accomplir son destin, et
dès sa prise de fonction, il prouve qu'il est à la hauteur de la tâche qui
l'attend : « Je veillerai à respecter le pouvoir exécutif, non seulement pour
moi-même, mais aussi pour mes prédécesseurs. »
Le nouvel homme fort de la planète a un programme clair – « La chose
qui est importante pour moi, c'est de toujours me souvenir quelle est la
chose la plus importante », et il a le sens des priorités : « La troisième
priorité est de donner la première des priorités à l'enseignement. » En un
an, il apprend à maîtriser les fondamentaux de l'économie – « Il est très
important pour tous de réaliser que plus le négoce augmente, plus il y a de
commerce » – et se montre toujours inspiré lorsqu'il s'agit de rappeler les
valeurs de son pays : « Je suis très honoré de m'exprimer ainsi devant vous
ce soir. Et la grandeur de l'Amérique fait que personne n'est obligé
d'écouter, sauf s'il en a envie. »
Mais ce qui marque le premier mandat de George W. Bush, c'est
évidemment son combat contre le terrorisme. Persuadé que Saddam
Hussein développe un programme d'armes de destruction massive, il
décide d'envahir l'Irak, et prouve qu'au chapitre de l'intimidation, il ne s'en
laisse pas conter : « Si nous devons agir, ce ne sera pas pour envoyer un
missile à deux millions de dollars dans une tente vide à dix dollars pour
blesser un chameau au postérieur. Ce sera plus décisif que ça. » Bien que
l'existence d'armes de destruction massive apparaisse vite comme un
mensonge d'État et que le conflit fasse de nombreuses victimes parmi les
marines, le chef de la Maison-Blanche ne doute jamais du bien-fondé de
son intervention : « Saddam Hussein est directement impliqué dans la
guerre de la terreur à cause de sa nature, de sa propre histoire, et de sa
vive volonté de se terroriser lui-même. » En août 2004, en pleine
campagne pour sa réélection, il sait trouver les mots justes pour définir
son action : « Nos ennemis innovent, ils sont pleins de ressources. Nous
aussi. Ils n'arrêtent jamais de réfléchir à de nouveaux moyens de nuire à
notre pays et nos compatriotes. Nous non plus. »
Malgré ou grâce aux innombrables preuves de son incompétence, il
réussit à se faire élire pour un second mandat, haut la main cette fois,
puisqu'il recueille 11,6 millions de voix de plus que lors de sa première
élection. Le génie à l'état pur.
Il est l'un des plus grands navigateurs de tous les temps et l'histoire a
retenu de lui l'homme qui a découvert l'Amérique. Dans les faits, les
choses sont un peu plus nuancées, malgré les incontestables qualités de
notre homme, et notamment sa formidable force de conviction. Car pour
faire valider son projet d'atteindre les Indes orientales sans jamais y avoir
mis les pieds, en y accédant par une voie que personne n'avait empruntée
avant lui, il fallait être sacrément persuasif. Son interlocutrice, Isabelle la
Catholique, ne passe pas pour avoir été particulièrement malléable, et
notre homme avait autant de prétentions que d'ambition, ce qui explique
que les négociations aient mis six ans à aboutir. À la tête de trois navires
devenus célèbres, la Pinta, la Niña, et la Santa María, le voilà paré pour
atteindre la Chine puis le Japon en passant par l'Atlantique, et yalla,
comme dirait sœur Emmanuelle, une autre grande navigatrice.
Le 12 octobre 1492, il accoste sur une île qu'il baptise San Salvador, –
Saint-Sauveur, un signe de reconnaissance envers le Christ –, car le
navigateur génois est certain d'avoir atteint son but et de se trouver dans
l'archipel nippon. Il est en réalité aux Bahamas, mais ne mégotons pas,
d'autant plus qu'il va reproduire ce type d'erreur avec une constance jamais
démentie.
Pacifiques, les autochtones comblent de présents celui qui se fait
nommer vice-roi des Indes, tandis que le brillant interprète de l'expédition
croit comprendre qu'une énorme quantité d'or se trouve sur une île
voisine, ce qui vaudra à tous ces braves gens d'être décimés en moins d'un
siècle. C'est ce qui s'appelle un début prometteur, et Christophe Colomb
poursuit sa route. Quinze jours plus tard, il est à Cuba, mettrait sa main au
feu qu'il est au Japon, et se lance en vain à la recherche du Grand Kahn. Il
pousse sa flotte un peu plus loin, débarque à Haïti, et y croise quelques
cannibales, ce qui le rend soudainement nostalgique de l'Europe. À
Lisbonne, la nouvelle de sa découverte des Indes se répand comme une
traînée de poudre, ce qui lui permet de négocier sa deuxième expédition. Il
est cette fois à la tête de 17 navires et 1 500 hommes, avec qui il fonde la
première colonie du Nouveau Monde. Le Grand Kahn du Japon est
toujours introuvable, mais qu'à cela ne tienne, après avoir
consciencieusement exploré Cuba, Colomb décide qu'il s'agit bien d'une
île asiatique. Il force toutefois ses hommes à le confirmer par écrit et
condamne à une lourde amende tous ceux qui s'aviseraient de changer
d'avis. Pendant ce temps, les Espagnols massacrent les colons. Notre
explorateur embarque 500 survivants qu'il emmène à Cadix, laissant l'île
aux mains de ses frères. Son retour est moins glorieux que prévu, car les
souverains lui reprochent son excès de zèle et font libérer les esclaves.
Quelle ingratitude ! Lorsqu'il regagne sa colonie, elle est dans un état si
pitoyable que l'émissaire du roi qui l'a rejoint fait arrêter la fratrie
Colomb et les renvoie en Espagne, enchaînés dans la cale, ce qui sied fort
mal aux titres ronflants qu'ils se sont octroyés. Libéré, le navigateur
entreprend sa dernière expédition. Il est désormais persuadé que Cuba est
la province chinoise de Mangi, et a hâte d'accéder enfin aux riches
territoires qu'il convoite depuis quinze ans. Il navigue au large de Panama,
échoue en Jamaïque, et doit attendre un an d'être enfin secouru. Il s'éteint
deux ans plus tard, sans avoir reconnu qu'il n'avait jamais atteint les Indes.
En réalité, le grand explorateur n'a pas non plus découvert l'Amérique,
des fouilles archéologiques ayant établi que les Vikings et d'autres
Européens l'avaient fait avant lui. Ses erreurs sont avérées depuis des
siècles, tout comme le terrible traitement infligé aux peuples colonisés,
mais le Génois semble bénéficier d'une amnésie populaire aussi durable
qu'universelle. Il reste le personnage de légende dont le monde entier
célèbre les découvertes, et c'est probablement là son plus grand fait
d'armes.
Confucius (551 – 479 av. J.-C.)
Salvador Dalí n'a que 14 ans lorsqu'il expose pour la première fois,
attirant aussitôt l'attention de deux célèbres critiques. Installé à Madrid
pour étudier à l'Académie royale des beaux-arts de San Fernando, il en est
expulsé avant d'être diplômé pour avoir affirmé que personne n'est en
mesure de juger son travail. En effet, le jeune peintre, futur sculpteur,
scénariste et écrivain, est convaincu de son talent depuis sa plus tendre
enfance, et sanctionnera ce sentiment en rédigeant son Journal d'un génie.
Il consent toutefois à le reconnaître chez d'autres pairs, et attribue ainsi un
20/20 à Picasso, Vinci, Vélasquez, Raphaël et Vermeer dans la catégorie
« Génie », alors qu'en plein accès d'humilité, il ne s'octroie qu'un 19.
C'est à Paris qu'il rencontre sa future femme Gala – elle est alors celle
de Paul Éluard – et peint ce qui deviendra son œuvre la plus connue, Les
Montres molles 1, qu'il expliquera en ces termes : « Les montres molles
sont comme du fromage, et surtout comme le camembert quand il est tout
à fait à point, c'est-à-dire qui a la tendance de commencer à dégouliner. Et
alors, mais quel rapport entre le fromage et le mysticisme ? […] Parce que
Jésus, c'est du fromage. » Accueilli à bras ouverts par les surréalistes, il
les éblouit avec sa méthode paranoïaque-critique permettant de libérer son
énergie créatrice en accédant à son subconscient, mais ne tarde pas à
agacer André Breton, qui n'apprécie ni son obsession pour Hitler, ni le
récit des rêveries érotiques que lui inspirent les jeunes filles de 12 ans.
Convoqué par le maître en 1934, il se présente à lui avec un thermomètre
dans la bouche, et répond à ses accusations tout en faisant un strip-tease. Il
clôt sa plaidoirie en affirmant qu'il ne fait que retranscrire ses rêves et que
d'après ceux-ci, lui-même et Breton feront bientôt l'objet d'une
représentation sexuelle ; une prémonition que goûte peu l'intéressé et qui
se solde par une nouvelle exclusion.
En 1934, il se rend avec Gala à New York et séduit les foules par ses
excentricités, jusqu'au jour où il pousse le bouchon un peu loin. Nous
sommes en 1936, le pays entier s'émeut du meurtre du fils de l'aviateur
Charles Lindbergh, et pour se rendre à une soirée costumée, Dalí a le bon
goût de déguiser sa femme en « bébé Lindbergh assassiné » en
l'emmaillotant dans un tissu ensanglanté. Après ce glorieux épisode, il
rentre en Espagne, la fuit au moment de la guerre civile, et se rend à
Londres où il rencontre Sigmund Freud. Leur échange aurait dû être de
haute tenue, le peintre vouant une profonde admiration au psychanalyste
qui lui a inspiré nombre de ses œuvres sur le rêve et l'inconscient. Hélas,
le Catalan a probablement manqué de sobriété, car le mot utilisé par Freud
à son sujet sera « fanatique ». Quant à Dalí, voici ce qu'il en retira : « J'ai
déjà dit, en racontant ma rencontre avec lui, que le crâne de Freud
ressemblait à un escargot de Bourgogne. La conséquence est évidente : si
on veut manger sa pensée, il faut la sortir avec une aiguille. Alors elle sort
tout entière. » Comprenne qui pourra.
Dans les années 1950, il est en pleine crise mystique et est reçu par le
pape Pie XII (initiateur du mouvement « Je suis pape, et alors ? », ayant
conduit Benoît XVI à recevoir Jean-Marie Bigard). Il est invité à présenter
ses idées à la Sorbonne et s'y rend dans une Rolls-Royce remplie de
choux-fleurs qu'il distribue en guise d'autographes. Jusqu'à la fin de sa vie,
il multipliera les provocations et les contrats publicitaires, si bien qu'il
réussira la prouesse de faire oublier son œuvre au profit de son image,
yeux écarquillés et moustache retroussée vers le ciel, vantant les mérites
du chocolat Lanvin ou encore de l'Alka-Seltzer. Un drôle d'héritage
artistique. Ou une manière bien personnelle d'être resté fidèle au
mouvement surréaliste.
Jack Daniel (1846 – 1911)
It's not Scotch. It's not Bourbon. It's Jack 1. Inutile de préciser de quel
« Jack » il s'agit, le prénom suffit et sonne comme une invitation pour les
amateurs de whisky. Derrière cette marque, un garçon né dans le
Tennessee, qui perd sa mère à l'âge de 6 ans et fugue pour aller vivre chez
un ami de son oncle. Ce dernier exerce la double profession de
prédicateur et distillateur, et lui transmet tout son savoir-faire. Ayant fini
par réaliser que ces deux activités sont assez peu compatibles, il opte pour
la première, et revend son affaire à son protégé en 1863. Trois ans plus
tard, le jeune homme met au point la formule du fameux Old N° 7, qui
reste à ce jour le whisky le plus vendu dans le monde. Probablement parce
qu'au-delà de ses talents de « Master Distiller », Jack Daniel est aussi un
génie du marketing, qui invente en 1895 la première bouteille carrée et
l'orne d'une étiquette noire devenue tout aussi célèbre. Le succès est
immense, et prend une dimension nationale quand le Old N° 7 remporte la
médaille d'or au concours de whisky qui se tient à l'exposition universelle
de 1904. Une consécration dont Jack ne jouira pas très longtemps car il
décède prématurément des suites d'une grosse colère. Celle-ci se produit
un matin de 1906, où l'honorable chef d'entreprise se trouve dans
l'impossibilité d'ouvrir son coffre-fort. La raison ? Il a oublié la
combinaison. Il essaye à plusieurs reprises, insiste, s'énerve, et finit par
donner un gros coup de pied dedans. Son orteil fracturé s'infecte, ne
cicatrise pas, et la gangrène emporte Jack au terme de cinq années de
souffrance. Pour quelqu'un qui était destiné à mourir d'une cirrhose, ça fait
désordre.
Diogène (413 – 327 av. J.-C.)
Nous ne vous ferons pas l'affront de vous rappeler que Claude François
est l'inoubliable interprète de Belles ! Belles ! Belles !, Si j'avais un
marteau, Le lundi au soleil, Le téléphone pleure, Magnolias for Ever,
Alexandrie Alexandra, et bien sûr Comme d'habitude, devenu standard
international sous le titre de My way… Enfin, on vient de le faire quand
même parce que ça nous a fait plaisir. Cela étant, le plus grand talent de
Claude François n'est pas d'avoir accumulé les tubes, mais d'avoir fait
danser non seulement ses fans, mais aussi les millions de gens qui comme
nous, goûtent peu la variété, détestent les costumes en satin bleu layette,
trouvent que la coiffure d'une Drôle de dame ne sied pas forcément à un
homme, et abhorrent les chorégraphies à base de sautillements, moulinets
de bras injustifiés et autres auto-claques sur les fesses suivies d'une
rotation à 360°, une jambe semi-pliée, l'autre tendue comme un string.
Ce grand perfectionniste qui a étudié la clarinette, la flûte, le chant
classique, les percussions et l'harmonie aurait été bien inspiré de se
renseigner sur les fondamentaux du courant alternatif 1. Quelqu'un aurait
dû se charger de le tenir au jus : eau et électricité ne font pas bon ménage.
Cloclo, fidèle à sa légende de grand maniaque hyperactif, a voulu régler
deux problèmes à la fois : se savonner énergiquement (était-ce avec du
Cadum ? de l'Obao ? du Monsavon ?) tout en remettant à sa place une
applique assez provocatrice pour avoir les fils dénudés. Était-ce un défi ?
Était-il sous tension ? Était-il au courant des principes physiques les plus
élémentaires ? Trop survolté pour s'en soucier ? Déconnecté du réel à
cause d'un sentiment de toute-puissance inhérent à sa réussite
foudroyante ? On ne le saura jamais, car la sanction fut immédiate, et bien
que sa compagne, portant des chaussures à semelles de bois, ait séparé les
deux belligérants, et que les pompiers aient tout fait pour ranimer le
chanteur, il succombe. Celui qu'on appelait la pile électrique s'est éteint,
allumé par une ampoule. Une issue aussi tragique qu'ironique, sachant
qu'il aurait suffi d'attendre quarante-huit heures pour que l'électricien,
dûment mandaté par sa secrétaire, vienne régler le problème.
Sigmund Freud (1856 – 1939)
Avec lui, une nouvelle ère s'est ouverte, puisqu'il a su nous persuader
que notre psyché était la source de tous nos maux, et qu'il nous appartenait
de les identifier et de les résoudre. De plus, il a eu la générosité de nous
absoudre de nos torts puisqu'ils sont toujours imputables à un inconscient
nettement plus fort que nous. Ainsi, l'inventeur de la psychanalyse a
contribué à l'émancipation de l'individu et de la société en général, qu'il a
libérée d'une morale omnipotente. En songeant à ce que seraient les
chiffres du chômage si le métier de psychanalyste n'existait pas, nous lui
sommes infiniment reconnaissants, tout comme le sont les vendeurs de
méridiennes et sofas en tout genre, et Woody Allen qui, privé de toutes les
névroses qu'il cultive chez son thérapeute, aurait sans doute été un
réalisateur médiocre. Qu'on le veuille ou non, nous sommes tous des
patients du docteur Freud. C'est sa faute si dès leur plus tendre enfance, les
petits garçons sont brutalement éjectés du lit de leur mère car soupçonnés
de désirs pervers à son égard, et que l'éminent psychanalyste a théorisés
sous le nom de complexe d'Œdipe, en s'inspirant d'une œuvre de pure
fiction, faut-il le rappeler ; sa faute si Jean-Jacques Goldman a chanté un
jour « À nos actes manqués… yeah yeah yeah yeah yeah » fois 6, et on
reprend depuis le début… ; sa faute si tous les lapsus sont révélateurs (lape
et suce ?). Sa faute enfin si l'on ne peut plus rêver tranquillement de clés,
de trains, de grottes, de poissons ou même d'une boîte à bijoux car selon
lui, tout (et surtout n'importe quoi) est l'expression d'une pulsion sexuelle
refoulée dont il faut urgemment se défaire. Mais l'œuvre de Sigmund ne
s'arrête pas là. Non content de ne jamais avoir soigné personne – c'est du
moins ce qu'affirment ses détracteurs –, il a également rendu certains
patients bien plus malades qu'ils ne l'étaient avant de le connaître. C'est le
cas d'Emma Eckstein, qui souffre de troubles hystériques, mais aussi
d'hémorragies génitales et de douleurs gastriques. Freud refuse de lui
prescrire le moindre examen médical, puisqu'il est convaincu que ses
maux sont dus à un excès de masturbation. Il est alors adepte de la thèse du
docteur Wilhelm Fliess, qui prétend que parties génitales et nasales sont
étroitement liées, et suit les préconisations de son confrère qui affirme que
la gastralgie se soigne par une opération du nez, siège de tous les
désordres masturbatoires. En février 1895, la patiente est donc amputée du
morceau d'os désigné comme fautif. Près d'un mois plus tard, elle est
toujours défigurée, en proie à d'atroces souffrances et à un tel état
infectieux que le docteur Freud se décide à convoquer un O.R.L. Grand
bien lui en prend, puisque ce dernier retire du nez de la patiente une bande
de gaze d'environ 50 centimètres, oubliée là par l'habile docteur Fliess. La
pauvre Emma est à l'agonie, et devant le spectacle, son psychanalyste
préféré fait un malaise. Le récit des opérations qui s'ensuivront ressemble
à un film d'horreur que nous avons choisi de vous épargner, afin de nous
concentrer sur la façon dont le docteur Freud vécut l'événement. Devant un
tel échec, on se serait attendu à ce qu'il cherche un thérapeute meilleur que
lui pour l'aider à passer le cap, mais il se soucie avant tout de la réputation
de son ami Fliess, en qui il conserve toute sa confiance. Entre deux piqûres
de morphine, Mademoiselle Eickstein, qui, en plus de tous ses maux,
semble avoir été atteinte de masochisme aigu, reprend son analyse. Et là,
tout s'explique. Apprenant qu'elle avait déjà souffert de saignements du nez
dans son enfance, Freud fait un parallèle avec ses menstruations, et attribue
aux deux une portée sexuelle. Emma a inconsciemment provoqué ces
saignements pour attirer l'attention des médecins qu'elle cherchait à
séduire, et a réitéré avec lui puisque, transfert oblige, elle est amoureuse
de son thérapeute. La boucle est bouclée, scellée même, car forte de tous
ces enseignements, Emma Eikstein deviendra la première femme analyste.
Dix ans plus tard, elle est de nouveau victime d'hémorragies, et puisque le
docteur Freud refuse toujours d'y voir une cause physique, elle consulte en
cachette un médecin qui diagnostiquera un abcès, puis une tumeur bénigne,
responsable de ses saignements. Informé du diagnostic, le docteur Freud,
toujours prêt à se remettre en question, en conclura qu'elle est sa première
psychanalyse réussie. CQFD.
Évariste Galois (1811 – 1832)
Il est l'un des plus grands humanistes que la Terre ait jamais porté et
incarne le génie à l'état pur. Celui qui écrivit sur son cahier d'écolier
vouloir « être Chateaubriand ou rien » a dépassé son maître. En plus d'être
le pourfendeur de toutes les injustices et l'un des plus grands auteurs et
poètes de tous les temps, il est l'utopie française. Il nous a légué ce que la
littérature a de plus noble, et a sublimé le « métier » d'écrivain en faisant
de chacun de ses écrits un plaidoyer pour plus de justice, de paix et de
fraternité. Sans lui, le monde aurait été privé des Contemplations, des
Misérables, d'Hernani et du Dernier Jour d'un condamné. Et sans lui, le
monde aurait été privé de Julie Zenatti, Patrick Fiori, Hélène Ségara et
Garou, dans la tragique comédie musicale Notre-Dame de Paris. Pour
interpréter l'inoubliable Quasimodo, Garou s'est glissé dans la peau de
Jean-Luc Mélenchon. Il gueule autant que lui, a les mêmes dents, mais
pour l'occasion, le Mélenchon est coiffé comme Jeanne Mas, et maquillé
comme Michou, lui-même déguisé en Mad Max. Ultime raffinement, il
semblerait bien que le chanteur québécois ait poussé la conscience
artistique jusqu'à imaginer un Jean-Luc Mélenchon qui se serait lui-même
glissé dans le corps de Michel Petrucciani. Victor Hugo était un fervent
adepte du spiritisme, et plus que jamais, la question qui se pose est :
« Esprit, es-tu là ? »
Icare
« Attention, c'est chaud, c'est très chaud, ça fait bobo ! » Vous avez tous
au moins une fois dans votre vie tenté de mettre en garde un enfant
approchant son adorable petit doigt de connard d'une flamme vacillante.
Ceux qui n'ont pas écouté se sont brûlé le doigt, et nous avons peiné à
réprimer un sourire narquois en leur disant : « Je t'avais prévenu, p'tite
merde ! » Ceux qui ont obéi et ont attendu qu'on ait le dos tourné pour
réessayer se sont brûlés tout seuls dans leur coin ; ils se sont bien gardés
de s'en vanter car ils sont orgueilleux, mais aujourd'hui, on les reconnaît
car ils sont devenus chanteur de rap, doublure sodomie de film X,
syndicaliste, apiculteur, ecclésiastique ou tueur en série.
L'homme dont nous allons parler rêvait sans doute d'une telle carrière,
mais il n'a pas vraiment eu le temps de faire son trou, sa connerie l'ayant
disqualifié avant même son premier rendez-vous à Pôle Emploi. Certes,
Icare n'a pas existé, mais sa connerie l'a rendu immortel, puisque depuis
l'Antiquité, on cite son nom pour évoquer ceux qui se sont brûlé les ailes à
trop vouloir s'approcher du soleil, surtout au mois d'août en Grèce.
Contextualisons un peu cette affaire. Icare est le fils de Dédale, célèbre
architecte qui a conçu le labyrinthe dédié à l'incarcération définitive du
Minotaure (les remises de peine n'existaient pas à l'époque), et où il a lui-
même été condamné à être enfermé avec son fils. Pour des raisons qui
nous échappent, il s'est montré incapable de sortir de son propre
labyrinthe, et a eu la riche idée de s'en évader par voie aérienne. On
imagine Icare, tout excité à l'idée de participer au premier vol en
deltaplane de l'histoire. Ni une ni deux, ils se procurent de la cire et des
plumes (c'était le bordel dans ce labyrinthe), se fabriquent une paire d'ailes
en ricanant et en songeant à l'argent que va leur rapporter l'invention dont
ils vont bientôt déposer le brevet. « Mon fils, on va se faire des couilles en
marbre, espèce de connard ! » se serait écrié Dédale, en plumant une oie
dont la mythologie a curieusement oublié le nom. À la va-comme-j'te-
pousse, père et fils s'élancent, agitant frénétiquement les bras comme tout
un chacun lorsqu'il prend son envol. Ultime conseil de Dédale à son
rejeton : « Tu feras quand même gaffe à pas trop voler près de l'eau, vu
l'humidité, et à pas trop t'approcher du soleil, rapport à la chaleur. T'as
compris, connard ? » Mais Icare est un connard, comme tous les mômes. Il
kiffe sa race le vol, monte de plus en plus haut, et n'écoute pas son père qui
lui crie pourtant à maintes reprises : « Mais qu'est-ce tu fous, connard ? »
La suite, tout le monde la connaît : comme il se doit, la cire fond et Icare
se noie après quelques ricochets foireux sous le regard atterré de son père
qui s'exclame : « C'était vraiment un connard 1. » Et d'un coup d'aile,
l'ingénieur pragmatique fonce déposer le brevet tout seul.
Michael Jackson (1958 – 2009)
Le génie plus que précoce chante et danse comme personne dès l'âge de
cinq ans, reléguant au rang de figurants ses frères pourtant très doués, et
sa trajectoire marque à tout jamais la pop culture. Pendant des années, il
aligne les tubes, fait de Thriller l'album le plus vendu de tous les temps, et
le monde entier se ridiculise avec bonheur en tentant d'imiter ses petits cris
de souris et son moonwalk consistant à glisser à reculons en se déboîtant
l'épaule et en prenant le risque de se cogner contre un meuble. Il se
construit alors un personnage de petite chose fragile, si bien qu'on
surnomme Bambi celui qui est atteint du syndrome de Peter Pan, et côtoie
de préférence des enfants prépubères pour qui il fera construire un parc
d'attractions dans son ranch. Michael est un homme généreux, au point de
faire dormir ses fans dans sa chambre, de donner constamment du travail à
son chirurgien esthétique, et de faire vivre une partie de l'industrie
pharmaceutique américaine à lui tout seul…
Quand son ami Paul McCartney lui confie qu'il aimerait bien récupérer
les droits des chansons écrites avec Lennon, et pas seulement pour des
raisons affectives, le jeune milliardaire compatit. Le catalogue des Beatles
rapporte plusieurs millions de dollars par an, or Bambi a très faim et il se
donne les moyens de l'acquérir en intégralité, en se gardant bien de
prévenir son ami du poignard qu'il est en train de lui planter dans le dos.
Rien ne résiste à Bambi quand il a les crocs, et il les a tout le temps. Elvis
Presley continuant à lui damer le pion en tant qu'icône absolue de la
musique, il se tape sa fille et va même jusqu'à l'épouser, ce qui lui permet
d'associer son nom à celui du King. Le couple a une drôle de dégaine,
dans la mesure où il est plus blanc et plus féminin qu'elle, et d'ailleurs, ça
ne durera pas. Totalement ravagé, il décide de se reproduire et épouse une
infirmière – ça peut toujours servir en cas d'infection, vu qu'il passe sa vie
à se prendre des coups de bistouri. Artistiquement, son travail consiste
désormais à hurler face à une soufflerie géante, se mettre sur les pointes
sans les chaussons Repetto, se serrer très fort les parties en prévenant qu'il
est « Bad », et nous menacer de toutes sortes de représailles alors qu'on ne
lui a rien fait. D'ailleurs, dans un acte de violence inouï, il prénomme son
premier fils Prince, une façon comme une autre de faire de l'ombre au
chanteur de Minneapolis, qui lui en a fait un peu trop à son goût. Après la
naissance de sa fille Paris, son imagination s'est tarie, aussi il appelle son
dernier fils comme le premier, à savoir Prince Michael II. Quelques mois
plus tard, il est à Berlin pour recevoir le prix « Bambi » récompensant son
action en faveur de l'enfance défavorisée. Alors qu'une foule de fans est
amassée sous les fenêtres de son hôtel, il ne trouve rien de mieux à faire
que de suspendre son nourrisson dans le vide comme une vulgaire
peluche. Saluons le geste, assez délirant pour faire oublier le procès qu'on
lui a intenté pour pédophilie et qui s'est soldé par un arrangement
financier. La suite est dans toutes les mémoires : la tournée qu'il préparait
alors qu'il ressemble de plus en plus aux zombies de son clip Thriller
n'aura jamais lieu, car le chanteur fait une overdose de médicaments,
envoyant son médecin traitant en prison. On attend encore le procès de son
chirurgien esthétique.
Jean-Paul II (1920 – 2005)
Dans la plupart des cas, être canonisé prend des siècles, dans le cas de
Jean-Paul II, il n'aura fallu que neuf ans après son décès. Mais avant d'être
assis à la droite du Père, il a eu plusieurs vies. Dans la Pologne meurtrie
de sa jeunesse, le jeune athlète commence par étudier la philologie, puis il
intègre une troupe de théâtre antinazie avant d'entrer dans les ordres. Un
impérieux besoin de justice et son aversion pour tous les totalitarismes
guideront ses choix et son parcours jusqu'au 16 octobre 1978, date à
laquelle il est élu pape. Il fait son premier voyage officiel à Auschwitz, se
rend dans des pays où aucun de ses prédécesseurs ne s'est rendu et fait
preuve d'une ouverture œcuménique totalement novatrice en allant prier
dans des mosquées et des synagogues. D'une tolérance à toute épreuve, y
compris à celle des balles, il ira jusqu'à rendre visite en prison à celui qui,
le 13 mai 1981, a attenté à ses jours. Œuvrant sans relâche pour la paix des
peuples, il est le messager de la paix et de l'amour universel du XXe siècle.
Rôle que Bono aura essayé de lui ravir en lui offrant ses lunettes de soleil
façon cycliste, mais pas bête la guêpe, l'amour dont il est question reste
matrimonial et conjugal ; rien à voir avec les roulages de pelle sur scène
auxquels se livre régulièrement le chanteur (qui aime aussi embrasser les
arbres à vélo, mais c'est une autre histoire). À ce titre, JiPé II aura été
cohérent sur toute la ligne (rien à voir avec celle que Bono a dû s'enfiler
au moins une fois dans sa vie – enfin on dit ça, on n'a rien dit), puisque
c'est précisément sa thèse sur l'amour conjugal qui lui aura valu de devenir
le plus jeune évêque polonais à l'âge de 38 ans. Jusque-là, tout va bien.
Mais ce spécialiste de l'amour universel est visiblement passé à côté de
l'évolution des mœurs de son temps, qui correspondent plutôt à une
certaine universalisation de l'amour. Au lieu de lui offrir ses binocles,
Bono aurait mieux fait de lui expliquer l'intérêt de l'usage du préservatif à
une époque où le Sida faisait rage, car en estimant que ce moyen de
prévention était « blessant pour la dignité humaine », il n'a
vraisemblablement pas contribué à éveiller les consciences. « À moi la
calotte, à vous les capotes ! » aurait été un slogan plus digne du grand
homme.
Steve Jobs (1955 – 2011)
Il a fait du terme « technologie » l'un des mots les plus sexy de notre ère
et a mis le monde entier à notre portée. Steve Jobs a su nous convaincre
que dans certains domaines, tout pouvait être simple, et ses produits sont à
son image : révolutionnaires, cools et accessibles. « Un des plus grands
innovateurs américains, assez courageux pour penser différemment, assez
audacieux pour croire qu'il pouvait changer le monde, et assez talentueux
pour le faire », a dit de lui Barack Obama. Des mots qui résument bien le
fait qu'aujourd'hui, une grande partie de l'humanité a en permanence une
petite pomme sous les yeux, collée à sa main, son oreille ou son poignet.
Le visionnaire en baskets se distinguait aussi par une personnalité hors
du commun, et faisant allusion à la dureté et l'autoritarisme dont il faisait
parfois preuve, l'un de ses anciens collaborateurs avait estimé qu'il « aurait
fait un excellent roi de France » (nombre d'Américains ont d'importantes
lacunes en histoire-géo, ce qui pourrait expliquer une certaine confusion
entre monarques français et dictateurs africains). On peut cependant établir
un parallèle entre Steve Jobs et François Mitterrand quant à leur façon
d'appréhender le cancer qui les a frappés. Tous deux taisent leur maladie le
plus longtemps possible, continuent à gouverner jusqu'à l'épuisement, et
font de leurs bulletins de santé des modèles d'euphémismes. Toutefois, là
où Jobs se démarque de notre ancien président, c'est dans son parcours
thérapeutique, prouvant combien les végétaux sont une constante dans son
histoire.
N'écoutant ni ses médecins ni ses proches, il refuse de se faire opérer et
décide d'affronter son cancer du pancréas à coup de doses massives de
carottes crues, de jus de fruits et de plantes diverses. Il semblerait
notamment que les pissenlits aient joué un rôle non négligeable dans cette
affaire. Venant de l'homme qui a fait de l'ordinateur un outil de grande
consommation, choisir de snober la technologie médicale au profit de
séances d'acuponcture, lavements du côlon et séjours dans diverses
cliniques New Age est un parti pris étonnant. Il finit par le tempérer au
bout de neuf mois, acceptant enfin l'opération préconisée dès le premier
jour. Hélas, comme le chantait Barbara, « Le temps perdu ne se rattrape
plus », et l'on se prend à regretter que Steve Jobs n'ait pas été un roi
français ; il aurait connu la chanson.
Mathieu Kassovitz (1967)
Avant d'être une avenue, Mac-Mahon fut d'abord un homme. Issu d'une
famille de militaires, il étudie à Saint-Cyr et entre dans l'armée à 19 ans. Il
se distingue par sa bravoure dès la première expédition à laquelle il
participe – celle d'Alger, en 1830 – et est unanimement salué comme grand
chef militaire après la guerre de Crimée, qui le voit triompher lors du
siège de Sébastopol (qui avant de s'unir avec Mlle Réaumur pour devenir
une station de métro, était une ville russe).
C'est en 1859, après sa victoire à Magenta (qui avant d'être un
boulevard, était une ville du nord de l'Italie), qu'il est nommé duc du même
nom, et élevé au rang de maréchal. Nommé gouverneur d'Algérie à partir
de 1864, il entreprend des réformes qui suscitent un tel tollé qu'il présente
deux fois sa démission. Rappelé en France, il participe à la guerre franco-
prussienne en 1870, essuie plusieurs défaites en Alsace, est finalement
blessé puis fait prisonnier lors de la bataille de Sedan. Qu'à cela ne tienne,
aussitôt libéré, il est nommé commandant en chef de l'armée versaillaise,
chargée de réprimer la Commune de Paris. En seulement quelques jours, il
a raison des insurgés, qui seront, selon leur karma, fusillés, emprisonnés,
ou envoyés au bagne. Cet épisode, nommé « semaine sanglante », vaut une
immense popularité au distingué militaire. Il faut dire qu'entre la
monarchie, la Terreur et l'Empire, les Français n'ont eu qu'une expérience
fugace de la démocratie. Pour remercier Mac-Mahon (qui n'est pas encore
un cinéma), l'Assemblée l'élit troisième président de la République
française en 1873. Il pense alors n'occuper cette fonction que durant le laps
de temps précédant la Restauration ; malheureusement pour lui, aucun roi
ne viendra le remplacer et bon an mal an, il gouvernera jusqu'en 1879,
année où il démissionne, la France honorant déjà sa future réputation de
pays ingouvernable.
Mac-Mahon ne s'est pas contenté de faciliter durablement la tâche du
conseil municipal de Paris, l'auteur du fameux « J'y suis, j'y reste »,
prononcé après la prise de Malakoff (qui avant d'être une avenue était une
forteresse en Crimée), a laissé autant de citations célèbres que de victoires
accolées à son nom. Ainsi, il aurait déclaré : « La fièvre typhoïde est une
maladie terrible. Ou on en meurt, ou on en reste idiot. Et je sais de quoi je
parle, je l'ai eue. » 1
Mata Hari (1876 – 1917)
Un des plus grands auteurs de tous les temps, paraît-il. On parle même
de la langue de Molière quand on parle de la langue française…
Exemple de langue de Molière :
« J'ai couru jusqu'à quand ce que je pouvais… »
Franck RIBÉRY
Napoléon (1769 – 1821)
Génie pour les uns, boucher pour les autres, le grand Napoléon reste
une énigme morale pour tous. Il fascine par-delà les siècles, et dans le
monde entier. L'Empereur incarne le génie militaire, la conquête, tout
autant que la chute et l'exil. Sa trajectoire d'étoile filante laisse béat
d'admiration et d'effroi. Il aura sabré l'Europe, saigné la moitié du globe,
vaincu les plus grands et défait l'Ancien Monde. Fils d'une révolution
humaniste, il est celui avec qui s'ouvre une ère nouvelle, celle d'un monde
qui coupera dans la chair pour tailler des trônes éphémères. Il inspirera
autant les fous sanguinaires que les progressistes éclairés. Sa connerie est
justement là : on ne sait toujours pas à qui on a affaire, et même les plus
grands spécialistes ont du mal à juger, malgré les innombrables débats
qu'il provoque… Napoléon ou le génie du flou artistique…
Pour preuve ? Il fera voter une loi qui interdit à quiconque d'appeler son
cochon Napoléon… Le grand homme, travailleur infatigable et maître de
l'univers connu à son époque, aura trouvé le temps de conquérir un
continent jusqu'alors inexploré : la connerie paradoxale. Comme quoi,
boucher ou pas, pour Napoléon, tout n'est pas bon dans le cochon.
Aristote Onassis (1906 – 1975)
Un des plus grands auteurs de tous les temps, paraît-il. On parle même
de la langue de Shakespeare quand on parle de la langue anglaise…
Exemple de langue de Shakespeare :
« Win, the yes… need the no, to win against the no… »
Jean-Pierre RAFFARIN
Dominique Strauss-Kahn (1949)
Son père Darius Ier le préfère à son fils aîné, et, comme les rois font
tout ce qu'ils veulent, le désigne pour lui succéder sur son trône de roi de
Perse en -485. La révolte gronde alors en Égypte et il y mène une guerre
dont il sort rapidement vainqueur, ce qui lui vaut le surnom de Xerxès le
Grand. Après avoir remporté une autre campagne à Babylone, il lève une
immense armée pour combattre les Grecs, ennemis héréditaires de son
père. Il réunit une flotte de 1200 bateaux, et fait établir un pont flottant en
attachant entre eux plusieurs centaines de ses navires, afin de permettre à
son armée de franchir le détroit de l'Hellespont, plus connu de nos jours
sous le nom de détroit des Dardanelles. Malheureusement, une violente
tempête s'abat sur son fragile édifice, qui ne résiste pas aux caprices de la
mer déchaînée. Notre homme est fou de rage, ou plus simplement, vexé
comme un pou. La suite, nous la connaissons grâce à Hérodote, le plus
ancien historien grec ayant laissé des écrits. Ce dernier nous raconte que
pour se venger, Xerxès envoie des exécuteurs mettre des entraves aux eaux
de l'Hellespont, et les marquer au fer rouge. On se demande comment ils
s'y sont pris, mais passons. Persuadé que la mer est aussi susceptible que
lui, le roi des Perses charge également ses hommes de la fouetter comme
s'il s'agissait d'un vulgaire esclave, tout en lui disant : « Eau amère, ton
maître t'inflige ce châtiment parce que tu l'as offensé sans raison. Le roi
Xerxès te franchira, que tu le veuilles ou non. C'est à juste titre qu'aucun
homme ne t'offre des sacrifices, parce que tu es une eau bourbeuse et
salée. » Et toc. La mer n'a probablement pas exprimé son humiliation avec
suffisamment de vigueur, aussi Xerxès décide-t-il de faire décapiter les
ingénieurs qui avaient dirigé les travaux. Ayant enfin trouvé un spectacle à
la hauteur de son courroux, l'orgueilleux roi repart en guerre ; il réussit à
prendre Thèbes et Athènes, mais sa flotte est à nouveau anéantie, cette fois
par Thémistocle. De retour en Perse, il connaît une ultime défaite, et
décide que désormais, il ne participera plus aux combats. Il meurt
assassiné à la suite d'un complot forgé par l'un de ses ministres.
Curieusement, Hérodote n'a pas pris la peine de justifier qu'un homme
aussi sympathique et humble ait pu avoir des ennemis.
Tata Yoyo (1981)
Althusser, Louis
Archimède
Armstrong, Neil
Bardot, Brigitte
Bono
Brahé, Tycho
Brando, Marlon
Burroughs, William
Bush, George W.
Carradine, David
Chanel, Coco
Chasles, Michel
Clemenceau, Georges
Colomb, Christophe
Confucius
Corbusier (Le)
Coué, Émile
Curie, Marie
Dalí, Salvador
Daniel, Jack
Diogène
Disney, Walt
Duras, Marguerite
Eastwood, Clint
Edison, Thomas
Einstein, Albert
François, Claude
Freud, Sigmund
Galois, Évariste
Gaulle, Charles de
Giscard d'Estaing, Valéry
Gorbatchev, Mikhaïl
Hugo, Victor
Icare
Jackson, Michael
Jean-Paul II
Jobs, Steve
Kassovitz, Mathieu
Lévy, Bernard-Henri
Lindbergh, Charles
Mac Mahon, Patrice de
Mata Hari
Napoléon
Onassis, Aristote
Parsons, Jack
Père Noël (le)
Queneau, Raymond
Rabanne, Paco
Radiguet, Raymond
Shakespeare, William
Strauss-Kahn, Dominique
Suède, Adolphe-Frédéric de
Trenet, Charles
Vatel, François
Voltaire
Wałęsa, Lech
Xerxès Ier
Yoyo, Tata
Zidane, Zinedine
F l a m m a r i o n
Notes
1. Mister Mumbles.
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1. ありがとう est utilisé lorsqu'on s'adresse à des membres de sa famille,
à ses amis, à des enfants ou des subordonnés. En revanche, on remercie les
personnes que l'on ne connaît pas bien, plus âgées ou ses supérieurs en
disant ありがとうございます. À prononcer « alligato ».
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1. Connue du grand public sous cette appellation, mais dont le titre est La
Persistance de la mémoire.
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1. « Ce n'est ni un scotch, ni un bourbon, c'est Jack. »
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1. À regarder sur le site de l'Ina : http://www.ina.fr/video/CAC93006859
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1. Solidement développés dans l'entrée consacrée à Thomas Edison.
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1. Désolés pour l'utilisation intempestive et répétée du terme « connard »,
mais c'est de loin celui qui désigne le plus justement les deux connards de
cette histoire.
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1. En voilà un qui nous a évité de trouver une chute !
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1. Ce qui donne, en termes actuels, « ma bite ».
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1. Toute ressemblance avec une famille de politiciens français où les
déclarations du père embarrassent régulièrement sa progéniture est
purement fortuite.
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