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VOLTAIRE
Candide
Édition avec dossier
de Jean Goldzink
n° 1290 / 2,80 €

Candide
I. P O U R Q U O I É T U D I E R
CANDIDE AU LYCÉE ?

UN TEXTE FONDATEUR

blouissant d’esprit, étincelant de malice, jubilatoire dans


É la satire, et chef-d’œuvre de fantaisie et d’imagination :
Candide fait depuis longtemps partie des œuvres du siècle
des Lumières étudiées dans les classes de lycée, et à juste
titre. Mais qui aurait imaginé – Voltaire en premier lieu –
que, de toute l’œuvre du philosophe, ce conte resterait à la
postérité comme son texte le plus lu chaque année par des
milliers d’élèves ? Les lecteurs du XIXe siècle avaient une fré-
quentation bien plus assidue des textes historiques et philo-
sophiques, ainsi que du théâtre et de la poésie de Voltaire,
souvent jugés classicisants et impraticables aujourd’hui. Can-
dide est à présent devenu une porte d’entrée irremplaçable au
siècle des Lumières et à l’œuvre de son plus éminent ironiste.
Cela non sans douleur ? Jean Goldzink avoue, dans la belle
présentation qu’il donne à cette œuvre, « l’embarras » qui saisit
à la vue d’un tel engouement scolaire l’amoureux du texte :
« Plutôt tenter de regarder le chef-d’œuvre comme on ferait
d’un être longuement aimé, qu’on voudrait revoir comme au
premier matin, bien que sachant impossible la chose » (p. 8).
Et c’est pourtant exactement cela qu’il faut à Candide, et ce
que propose le préfacier : une lecture qui rafraîchit et éclaire le
texte, qui suggère pistes, qui offre documents et réflexions
supplémentaires. On aime certes à lire dans Candide l’écho des
combats de Voltaire. On y détecte une leçon de tolérance
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contre les fanatismes, une leçon de paix contre la « boucherie


héroïque » (p. 43) des guerres, une leçon de justice et d’huma-
nité contre toutes les inégalités, mais toutes ces leçons abou-
tissent finalement en leçon de doute, de relativisme, et de
désillusion.
Allemagne, Hollande, Portugal, Espagne, Argentine, Para-
guay, Pérou, Surinam, France, Angleterre, Italie, Turquie… Le
trajet de Candide est un aller-retour entre Europe et Nouveau
Monde, une quête de sens qui, par le déplacement même qu’elle
nécessite, trouve sa portée universelle. Parce que la chute origi-
nelle de l’Éden du château de Thunder-ten-tronckh qui fait
entrer Candide dans l’Histoire et la quête signifie l’impossibilité
de tout retour en arrière, la quête demeure vaine. Tout gain est
aussitôt envolé, Cunégonde devient laide, les trésors rapportés
d’Amérique sont volés ou perdus ; l’Eldorado lui-même n’appa-
raît qu’au milieu du conte dans deux des plus longs chapitres
(p. 85-94), point axial où bascule le sens, et où la quête gran-
diose de l’utopie s’inverse en une philosophie pratique qui ne
progresse plus que vers le retrait et l’humilité.
Ne reste que la satire, et la verve subversive qu’elle adopte
chez Voltaire. Éveilleur de consciences, l’auteur en appelle à
des lecteurs critiques sachant goûter le plaisir de cette joyeuse
destruction des systèmes suspects et des fanatismes religieux, à
l’écoute de la dénonciation de ces aberrations politiques et de
la misère humaine : Candide apparaît, plus que jamais, comme
un texte d’une modernité criante et comme un texte de plaisir.

ÉTUDIER CANDIDE EN CLASSE DE PREMIÈRE

Candide se situe à la croisée de plusieurs objets d’étude de la


classe de première. Il est exploitable dans le cadre de l’« Étude
d’un mouvement culturel et littéraire du XVIIIe siècle », puis-
qu’il permet d’aborder bon nombre de questions littéraires ou
philosophiques liées aux Lumières. La densité, en particulier,
des chapitres du château, de l’Eldorado et du jardin permet
d’envisager des questions philosophiques et culturelles extrê-
mement variées. En outre, ce conte est adapté à l’objet d’étude
« Convaincre, persuader, délibérer : formes et fonctions de
l’apologue », en ce qu’il permet de réfléchir aux différentes
formes de l’argumentation, directe ou indirecte, ainsi qu’aux
visées de la satire. Il n’est pas tant de textes aussi inventifs et
efficaces sur le plan du trait satirique, et dont l’écriture soit
aussi accessible.
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II. T A B L E A U SYNOPTIQUE DE LA SÉQUENCE

Séance Support Objectifs Activités


Séance 1 Couverture, illus- Introduction au texte, pré- Lecture d’image.
trations, paratexte. sentation des probléma- Étude commentée
tiques liées au genre. du paratexte.
Séance 2 Ensemble du conte, La structure et le disposi- Étude comparée.
et plus particuliè- tif argumentatif du conte
rement chapitres I, philosophique.
XVII-XVIII et XXX.

Candide
Séance 3 Ensemble du conte, Formes et cibles Parcours de lecture.
et plus particulière- de la satire.
ment chapitre III.
Séance 4 Chapitres VI et XIX. Formes et cibles Parcours de lecture.
de la satire (suite).
Les combats de Voltaire.
Séance 5 Chapitres XVII-XVIII. L’écriture utopique et sa Lecture cursive.
Comparaison avec parodie. Les valeurs des
Le Mondain. Lumières.
Séance 6 Chapitre XXX. L’épilogue de Candide. Lecture cursive.
Séance 7 Synthèse sur l’œuvre, ré- Sujet d’invention.
flexion finale sur ses ap- Commentaire littéraire.
ports à la modernité litté- Dissertation.
raire et philosophique.

III. D É V E L O P P E M E N T DE LA SÉQUENCE

SÉANCE 1
INTRODUCTION À CANDIDE

Objectif : Introduire à l’œuvre de façon dynamique, en susci-


tant la curiosité des élèves par des remarques sur des élé-
ments significatifs du paratexte.

• Travail préparatoire
Une fois que l’œuvre aura été lue et qu’un repérage très
précis aura été effectué épisode par épisode, les élèves pour-
ront commenter et mettre en relation deux moments du texte
illustrés par la couverture et la gravure reproduite p. 81.
Quelle dimension de l’œuvre de Voltaire ces deux illustra-
tions mettent-elles en évidence ?
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• Remarques sur les illustrations


L’illustration de couverture de l’édition GF fait référence
à l’épisode qui ouvre le conte philosophique : il s’agit du
passage où Candide est chassé du château de Thunder-ten-
tronckh « à grands coups de pieds dans le derrière » (p. 40,
117). Les élèves pourront s’interroger sur le sens de l’œuvre
mis en relief par l’éditeur : pourquoi le pied du baron est-il
aussi disproportionné ? Pourquoi Candide n’apparaît-il que
comme une petite silhouette ainsi renversée ? Peut-être est-ce
sur la portée ironique et satirique que l’illustration insiste,
figurant, outre le baron et Candide, le coup de pied de Vol-
taire et ses cibles – à moins qu’il ne s’agisse de l’ironie de
Voltaire malmenant son lecteur ? Dans tous les cas, l’illustra-
tion annonce une lecture polémique, prête à bousculer, à ren-
verser les certitudes, voire à les déplacer : une silhouette de
navire, en bas de l’image, ne rappelle-t-elle pas justement la
thématique du voyage ? La lecture d’image se poursuivra sur
la question philosophique fondamentale de Candide : qu’in-
carnent les fleurettes, les pommes, et les livres ? Pourquoi
l’éditeur a-t-il choisi une dominante rose pour la couverture
de ce conte philosophique ? La thématique du « meilleur des
mondes possibles » (p. 38, 52, 54, 138, etc.), formule qui
apparaît de nombreuses fois dans le texte, pourra ainsi surgir
d’une activité d’introduction stimulante.
La gravure d’après Moreau le Jeune reproduite p. 81,
particulièrement amusante, fait référence à l’un des épisodes
les plus étonnants du conte : celui où Cacambo et Candide,
avant d’arriver à l’Eldorado, aperçoivent deux singes pour-
suivant deux femmes nues. Aussi inconvenant sur le plan de
la morale qu’il est osé sur le plan de l’inversion des signes et
des valeurs, cet épisode apparaît comme emblématique. C’est
l’audace philosophique et satirique de Voltaire qui est mise
en évidence à travers l’illustration de cet épisode, qui n’est
pas essentiel sur le plan de l’économie narrative mais qui pré-
pare en revanche l’un des épisodes fondamentaux du conte :
celui du pays d’Eldorado.

• L’étude de la page de titre


Le paratexte de Candide est riche de sens et cependant
paradoxal : il permet de poser les grands axes de réflexion sur le
conte philosophique. La page de titre (p. 35) est accompagnée
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de notes de Jean Goldzink qui donnent les premiers éléments


d’interprétation du texte. On sera plus particulièrement
attentif aux aspects suivants, que la présentation et le dossier
permettent de mieux comprendre :
– Le double titre : Candide, ou l’Optimisme. Voltaire indique
la double nature du genre que Candide inaugure : le « conte
philosophique », dont les visées sont à la fois légères, diver-
tissantes et sérieuses, appelant à la réflexion. Le Dossier
retrace l’arrière-plan philosophique du terme « optimisme »
(p. 153 sq.).
– Le recours à la fiction auctoriale. Voltaire se cache ici

Candide
sous les traits d’un auteur allemand, au nom pourtant bien bri-
tannique, un certain « Docteur Ralph » (cf. note 2, p. 35). La
fausse attribution est une façon d’éviter les censures et les
polémiques d’un texte dont le genre est, de plus, perçu
comme mineur, et peu digne du philosophe.

SÉANCE 2
LA STRUCTURE DU CONTE PHILOSOPHIQUE

→ Ensemble du conte, et plus particulièrement chapitre I


(p. 37-40), chapitres XVII-XVIII (p. 85-94) et chapitre XXX
(p. 136-140).

Objectif : La structure du conte philosophique, entre narra-


tion et argumentation. Les modèles du récit picaresque, de
l’utopie et du conte. Le travail de cette séance se fondera
sur un parcours de lecture comparatif des trois principaux
moments du conte.

• Travail préparatoire
En se reportant à l’itinéraire de Candide (voir carte donnée
dans le Dossier, p. 168-169), les élèves feront apparaître un
élément de structure fondamental : aller et retour de l’Europe
au Nouveau Monde, avant et après l’Eldorado, soit parcours
vers l’utopie, puis désenchantement provoqué par le néces-
saire retour au réel. On rappellera, en retraçant cet itinéraire, les
principaux épisodes du conte. La structure du conte est étroite-
ment liée aux déplacements de Candide, dont l’apprentissage
se fait au gré des thèses qu’il rencontre dans chacun des
endroits visités. Chaque épisode répond ainsi à des questions
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incontournables : formes de gouvernement, religions, tolé-


rance, mœurs sociales, etc. La consultation de la suite apo-
cryphe de Candide (1760) donnée dans le Dossier (p. 180-187)
permettra de montrer aux élèves que, quoique dépourvu de la
verve voltairienne, le pastiche est fidèle et obéit à des règles
de construction précises.

• Structure du conte philosophique


Le travail sur la structure permet de mettre en lumière
quelques traits marquants de l’écriture du conte philosophique.
– L’absence de structure narrative profonde, sur le
modèle du récit picaresque. Certes, les voyages de Candide
sont déterminés par le souhait de retrouver Cunégonde et par
la quête d’un « autre univers » où « tout est bien » (p. 63),
mais la plus grande part en est laissée au hasard. On pourra
s’attacher à montrer le fonctionnement épisodique du conte,
en mettant en évidence l’autonomie de plusieurs passages ou
de récits enchâssés (cf. « Histoire de la vieille », p. 64 sq.).
La structure de l’apologue dans le conte philosophique est
avant tout déterminée par une logique démonstrative, et non
spécifiquement narrative. Les élèves se reporteront à l’adap-
tation théâtrale de Candide par Serge Ganzl (Dossier, p. 189-
196), dans laquelle on voit que les scènes s’enchaînent sur le
mode de l’ellipse, ce que le conte prépare de toute évidence.
– L’inversion de la structure traditionnelle du conte. Le
château n’est pas le lieu auquel aboutit le héros au terme d’un
parcours de quête ou d’initiation, c’est au contraire celui de la
situation initiale, lieu de l’illusion philosophique et des pré-
jugés, et la cible de la satire. À l’inverse, la situation finale du
conte, après de nombreuses péripéties, montre un Candide
plus sage ayant adopté une morale pratique et humble (voir
Séance 6).
– Trois lieux importants constituent les jalons d’une
démonstration qui fait courir Candide de l’Europe au Nouveau
Monde avant de revenir : le château de Thunder-ten-tronckh,
au début du conte, l’Eldorado, et le jardin de la « Conclu-
sion ». Le conte s’articule ainsi entre trois définitions du
bonheur.
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• Les trois moments de la démonstration voltairienne :


le château, l’Eldorado, le jardin
Quelle conception du bonheur est donnée à lire dans
chacun des chapitres suivants : I, XVII-XVIII, et XXX ? Le tra-
vail préparatoire demandé à la classe permettra de mettre en
regard les trois passages autour desquels s’articule le conte, et
d’y observer des similitudes d’écriture, qui pourront être
représentées sous forme de tableau.
À chaque fois il est question en effet de la définition :
– d’un état social , caractérisé par un ordre de valeurs : hiérar-

Candide
chie rigide, monarchie éclairée, triomphe modeste de l’éga-
lité ;
– d’un état des connaissances : fallacieuses (la fameuse
« métaphysico-théologo-cosmolonigologie » de Pangloss,
p. 38) ou réelles, sciences ou superstitions, approuvées par le
pouvoir, ou au contraire punies ;
– d’une morale et de sa pratique : de l’éthique nobiliaire du
château à l’épicurisme courageux du jardin, en passant par
l’hédonisme de l’Eldorado.
On montrera que ces chapitres fonctionnent comme colonne
vertébrale de l’argumentation dans le conte. La structure de
Candide est donc un élément majeur du projet des Lumières
comme du dispositif argumentatif. Elle mène, par une suc-
cession d’épisodes organisés autour de celui de l’Eldorado,
de l’illusion à la vérité, des faux-semblants du discours phi-
losophique à une philosophie pratique et épicurienne caracté-
risée par son humilité et son accessibilité.

• Repères pour l’étude du chapitre initial


Puisque les chapitres de l’Eldorado et de la conclusion
seront abordés plus loin, on peut travailler en guise d’ouver-
ture sur le chapitre I : « Comment Candide fut élevé dans un
beau château, et comment il fut chassé d’icelui » (p. 37 sq.).
– L’écriture du conte. On s’intéressera plus particulière-
ment aux éléments traditionnels du conte : contexte aristocra-
tique, thèmes de la félicité originelle, du péché qui entraîne
l’exclusion et la quête qui s’ensuit, expressions stéréotypées
(« Il y avait », « icelui »), expressions mélioratives ou super-
latives (« le plus grand », p. 39). On attirera l’attention des
élèves sur le fait que ce premier chapitre est également une
parodie du début de la Genèse.
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– La parodie et la satire de l’aristocratie , dont les valeurs


sont jugées illusoires. Voir la galerie stéréotypée de person-
nages ; le jeu de décalage sur les référents et les mots qui servent
à les désigner semble évident (« palefreniers », « piqueurs »,
« vicaire », « grand aumônier » p. 38). L’esprit satirique se mani-
feste aussi dans l’invention des noms : « Thunder-ten-tronckh ».
L’ironie de Voltaire porte en outre bien souvent sur les nombres,
des « soixante-douze quartiers » requis pour marier Cunégonde
aux « trois cent cinquante livres » de la baronne, qui lui valent
« une très grande considération » (p. 37-38).

SÉANCE 3
FORMES ET CIBLES DE LA SATIRE

→ Ensemble du conte, et plus particulièrement chapitre III,


de « Rien n’était si beau » à « pour lui apprendre à vivre »
(p. 43-44).

Objectif : Il est nécessaire que des élèves de première puis-


sent, dans la perspective de l’épreuve orale, disposer de
solides outils d’analyse de la satire. Quoiqu’elle fasse
converger des effets, la satire voltairienne met en œuvre
des cibles, des types de discours et des outils différents,
dont l’étude et la variété constituent un enjeu en soi, et que
ce parcours de lecture est chargé d’explorer.

• Travail préparatoire
Le Dossier (« De Dieu, du mal et du bien », p. 143 sq.)
donne un aperçu de la philosophie leibnizienne contre
laquelle Voltaire tourne ses pointes satiriques, ainsi que de la
lecture faite par Voltaire de cette philosophie. Les extraits des
Essais de théodicée de Leibniz (p. 144-151), du Poème sur le
désastre de Lisbonne de Voltaire, ainsi que de la Corres-
pondance littéraire de Grimm et Diderot (p. 151-153) per-
mettent d’introduire aux débats de l’époque. Ce travail préa-
lable intéresse de près l’analyse de la satire voltairienne
puisque celle-ci dessine en creux et en négatif, épisode après
épisode, la philosophie qu’elle se charge de remettre en
cause.
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• Repères pour l’étude du chapitre III


On étudiera notamment dans ce début de chapitre le
registre héroï-comique qui résulte du contraste entre la réa-
lité atroce de la guerre et les caractéristiques du registre
épique parodié.
– L’expression du registre épique n’est ici que parodique
puisqu’elle va de pair avec les marques de l’ironie la plus fla-
grante. Les élèves pourront ainsi relever pluriels, nombres et
énumérations épiques, travailler sur les rythmes et les ana-
phores, ou encore envisager ce qui, dans la description du

Candide
combat, permet de le lire comme un spectacle accompli pour
le plaisir des monarques. (Étudier en particulier les effets de
symétrie d’un camp à l’autre, premier indice que cette épopée
n’est en fait qu’une boucherie inutile.)
– Le travail de l’ironie : Voltaire réserve à nombre de ses
phrases des effets de chute qui en inversent le sens épique. Il
détourne également à plusieurs reprises des termes philoso-
phiques (« raison suffisante », p. 43), façon pour lui d’identi-
fier la cible de la satire : derrière la description de la guerre,
c’est la philosophie optimiste qui est visée. On relèvera le tra-
vail sur l’oxymore (« cette boucherie héroïque »), la litote,
l’euphémisme, l’hyperbole et l’antiphrase, et sur les modali-
sations : cf. l’évaluation des pertes qui, volontairement impré-
cise, en souligne l’horreur, tout en créant un climat d’incerti-
tude propre au discours ironique.
Au terme de l’étude de ce passage fameux, les élèves rédi-
geront une fiche consacrée à la satire et à ses procédés, qui
sera complétée dans les séances suivantes.

• Étude du discours de Pangloss


Pour avoir un aperçu de la diversité des procédés satiriques
utilisés par Voltaire, l’étude d’un passage où le discours du
leibnizien par excellence qu’est Pangloss n’est cité que pour
être raillé pourra être conduite. C’est par le discours du per-
sonnage que la satire fonctionne en se tournant contre lui ; ce
procédé se distingue, par son efficacité, de l’ironie narrato-
riale.
– La nature des théories panglossiennes. Étude des jeux
de construction verbale : le philosophe de Thunder-ten-tronckh
enseigne la « métaphysico-théologo-cosmolonigologie ». On
notera en outre les parodies des généalogies et énumérations
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bibliques (p. 139), et le travail sur la citation. Pangloss ne fait


que citer : son savoir vain et emprunté apparaît de façon
criante comme un contenu vide de sens face à l’expérience
gagnée par Candide.
– La parodie de l’argumentation. La démonstration de
Pangloss, parodique, conduit à détruire la philosophie qu’il
incarne. Sa parole, marquée par l’accumulation, se révèle n’être
que vide, ou n’être qu’une fausse démonstration : répétitions du
mot « prouver », p. 37, 38, 50; logique bancale des démons-
trations (« le chocolat et la cochenille », p. 47-48) et trivialité
des exemples convoqués (les lunettes, les chausses, le porc,
p. 38-39).
– La dévalorisation des discours par l’expérience. Le
discours théorique et creux de Pangloss devient odieux ou se
ridiculise lui-même lorsqu’il est confronté à l’expérience :
l’exemple abat la thèse, procédé de satire qui structure les
épisodes du récit. L’exemple d’application des leçons de « phy-
sique expérimentale » (p. 39) à la femme de chambre de la
baronne suffit pour ridiculiser la « raison suffisante » de Pan-
gloss, de même que le tremblement de terre de Lisbonne, la
guerre, l’esclavage de Surinam interdisent de croire en l’opti-
misme.

• Éléments de conclusion
La satire voltairienne fait feu de tout bois. La séance aura
permis un travail détaillé et illustré d’exemples sur les prin-
cipaux procédés satiriques mis au service de l’ironie, qui
convergent pour leur majorité vers une dénonciation de
l’optimisme leibnizien, discrédité au terme du conte. Mais
Candide n’est-il pour autant qu’un texte « pour rire » ? N’y
a-t-il pas, dans la succession des horreurs traversées par Can-
dide, quelque chose de plus urgent que la réfutation d’une
théorie philosophique ? Le regard d’un Voltaire compatissant
n’apparaît-il jamais ? Un extrait de l’Histoire des voyages de
Scarmentado de Voltaire (Dossier, p. 178-180), première
ébauche du récit de l’autodafé, permettra d’interroger le tra-
vail de la satire par opposition au texte de fiction. On pourra,
en guise de conclusion et de transition pour la séance qui suit,
faire s’interroger les élèves sur l’ambiguïté de la satire :
comment la peinture de l’horreur s’accommode-t-elle du trai-
tement satirique, c’est-à-dire du rire ?
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SÉANCE 4
LES COMBATS DE VOLTAIRE DANS CANDIDE

→ Chapitre VI (p. 53-54) et chapitre XIX, de « En approchant


de la ville » à « en pleurant il entra dans Surinam »
(p. 94-95).

Objectif : Compléter l’étude de la satire, tout en mettant en


évidence d’autres dénonciations opérées par Voltaire,

Candide
parmi lesquelles la barbarie de l’esclavage et l’intolérance
religieuse. La légèreté satirique des passages étudiés précé-
demment laisse ici place à un regard plus grave, voire
pathétique dans l’épisode du nègre de Surinam.

• Travail préparatoire
Bon nombre de références historiques et contextuelles sont
nécessaires pour prendre la pleine mesure de l’écriture de ces
deux chapitres. Quoique conte philosophique, Candide est un
texte nourri des chroniques et des savoirs de l’époque. On
pourra donc demander aux élèves des recherches contex-
tuelles, sur l’Inquisition (voir l’illustration page suivante), le
tremblement de terre de Lisbonne, et les échos que celui-ci a
pu avoir au XVIIIe siècle (voir Dossier, p. 148-153). Des pré-
cisions sur la traite et l’esclavage au XVIIIe siècle, sur le com-
merce triangulaire, ainsi que sur le Code noir pourront aider
à la compréhension du texte et de ses enjeux.

• Étude de l’épisode de l’autodafé


– La satire de l’intolérance et de la superstition reli-
gieuse. Le chapitre est bref, et obéit à une construction riche
de sens. Ses articulations permettent de dégager son intention
satirique : après la description minutieuse de l’autodafé,
l’inutilité de celui-ci apparaît de façon saillante, avec la men-
tion suivante : « le même jour la terre trembla avec un fracas
épouvantable » (p. 54).
– La description des supplices. On relèvera tous les élé-
ments qui s’accordent à faire de ces supplices et châtiments
une vision spectaculaire (rituel, costumes et musique) : les
commentaires d’appréciation esthétique de la part du
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© Archives Flammarion

Diverses manières dont le Saint-Office fait poser la question


Gravure de Bernard Picart (1722)
Paris, Bibliothèque des Arts décoratifs

Créée par la papauté pour lutter contre l’hérésie, l’Inquisition, organisme


judiciaire ecclésiastique, fut active à partir du XIIIe siècle dans l’Europe
chrétienne et dans les colonies espagnoles. Les inquisiteurs, lorsqu’ils
arrivaient dans un foyer d’hérésie ou de sorcellerie, laissaient un temps
de grâce durant lequel ceux qui abjuraient spontanément étaient
réconciliés moyennant une pénitence légère. Puis l’enquête commençait,
sur dénonciations. La mise à la question fut autorisée par Innocent IV en
1252. Cette gravure de 1722 donne à voir les différents supplices que les
inquisiteurs utilisaient pour obtenir des aveux : le feu, l’eau, et surtout la
poulie (garrucha) : l’accusé, attaché à une corde, était soulevé du sol,
puis brutalement relâché. Les sentences étaient proclamées lors d’un
sermon général, ou « acte de foi » (l’auto-da-fe espagnol), les peines
allant du port de signes infamants à la prison, en passant par la flagella-
tion ou encore la confiscation des biens. Ceux qui refusaient d’abjurer
étaient condamnés au bûcher.
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narrateur visent à produire un effet de distanciation, aux anti-


podes des conventions du conte.
– Le passage est essentiellement fondé sur une ironie mor-
dante qu’il faudra analyser avec précision, notamment dans
ses figures de style récurrentes : litotes et antiphrases sont
légion et servent à décrire, sous des dehors riants, une réalité
terrifiante. La parataxe voltairienne (« Candide, épouvanté,
interdit, éperdu, tout sanglant, tout palpitant ») est le trait
majeur de cette ironie : supprimant tout lien logique entre les
différents termes de la phrase, elle contribue à dénoncer
l’absurdité du châtiment religieux : « prêché, fessé, absous et

Candide
béni » (p. 54).

• Un épisode pathétique : le nègre de Surinam


Les travaux réalisés jusqu’à présent pourraient faire croire
que Candide n’utilise, pour dénoncer les horreurs traversées
par les héros, que la satire et l’ironie. Il n’en est rien. On
pourra ainsi montrer dans le chapitre XIX comment la
dénonciation des barbaries du système esclavagiste échoue à
prendre les couleurs habituelles du rire voltairien. Candide, à
cette occasion, ne manque pas – chose rare dans le texte – de
formuler explicitement la thèse anti-leibnizienne : « c’en est
fait, il faudra qu’à la fin je renonce à ton optimisme » (p. 95).
– Le recours au dialogue. Le changement de registre peut
s’expliquer par la forme du texte. Il s’agit avant tout d’un dia-
logue entre des personnages que l’expérience de l’horreur
scandalise. Ce n’est pas un narrateur satiriste qui s’indigne de
l’esclavage, ni un Pangloss qui pose des questions au nègre
de Surinam : par le biais de Candide, le narrateur semble se
situer, dans ce dialogue avec l’esclave mutilé – témoin sobre
des atrocités de l’esclavage –, sur un plan de compassion sin-
cère que d’autres passages du texte ne rendent pas sensible de
la même façon. Les élèves compareront cet épisode avec les
autres passages où la mutilation est évoquée (cf. par exemple
l’histoire de la vieille ayant perdu une fesse, p. 70).
– Le caractère pathétique de la scène est perceptible
dans la description de l’esclave et de son « état horrible »
(p. 94) – l’esclave est triplement diminué : couché, à demi nu,
et mutilé. Il apparaît ensuite dans son discours. L’esclave
parle en effet en tant que témoin d’une situation générale
monstrueuse où les bourreaux n’apparaissent presque pas
(utilisation des pronoms « nous », « on », p. 30), hormis
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M. Vanderdendur, évoqué en des termes sobres. Les anaphores


énumérant les punitions infligées contribuent au caractère
pathétique de la scène. Le récit de l’enfance et de l’histoire de
l’esclave, vendu par ses parents, l’humanise considérablement.
– La réécriture du Code noir. Voltaire ne reprend de ce
Code que quelques éléments, pour le faire paraître dans toute
sa barbarie et son absurdité (voir p. 95, notes 1 et 2).
– Le regard de Voltaire. On pourra enfin s’intéresser aux
traces d’ironie qui subsistent malgré tout dans le discours de
l’esclave. Même s’il interroge une victime pour dénoncer ses
bourreaux, Voltaire se coule dans cette parole testimoniale
pour laisser entendre l’ironie qui lui est propre. En témoi-
gnent les expressions suivantes : « les fétiches », « je ne suis
pas généalogiste », « fortune » (p. 95).

SÉANCE 5
L’UTOPIE

→ Chapitre XVII-XVIII (p. 85-93) ; Le Mondain, de Voltaire.

Objectif : Ce chapitre est un passage incontournable dans


l’étude de l’œuvre. Sa place centrale en fait le lieu d’un
enjeu tout particulier. On y analysera notamment l’écriture
de l’utopie, et l’enjeu de cette arrivée à l’Eldorado – « meil-
leur des mondes possibles » où « tout est au mieux » – sur
le plan des valeurs et de la leçon philosophique proposée
par Voltaire.

• Travaux préparatoires
Outre une lecture attentive du texte, on pourra demander
aux élèves de faire une recherche sur le mythe de l’Eldorado.
« Le pays doré », pays mythique décrit par les premiers
conquistadores – Francisco de Orellana notamment –, était
supposé renfermer les trésors inestimables d’une civilisation
agricole prospère. Le voyage de La Condamine en Amazonie,
en 1744, contribua à remettre en cause l’existence de ce pays,
qui est donc déjà mythique à l’époque où Voltaire écrit Can-
dide. On se reportera au Dossier, qui propose un développe-
ment sur l’utopie du XVIe au XVIIIe siècle, à partir de défini-
tions et d’extraits de textes (p. 158-167).
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• Avant l’Eldorado : les signes annonciateurs


Il est nécessaire d’analyser, avant le chapitre de l’Eldorado
proprement dit, les éléments qui préparent la découverte de ce
monde utopique. On relèvera tout d’abord les signes de l’arri-
vée dans un monde aux valeurs inversées : Cacambo devient
le guide de Candide (p. 75), et l’épisode des femmes et de
leurs amants singes incarne ce renversement des valeurs et
des mœurs (p. 80-82). L’épisode paraguayen qui précède
celui de l’Eldorado, enfin, annonce celui-ci : l’Europe consi-
dérait en effet l’organisation des missions jésuites avec beau-

Candide
coup de curiosité et d’intérêt, du fait de l’originalité et des
succès de son système social fondé sur une morale chré-
tienne, comme le montre la réponse de Cacambo (p. 75).

• Caractéristiques de l’Eldorado voltairien


– L’Eldorado est donné à voir par l’emploi de termes
dénotant la richesse et l’abondance, d’accumulations, de
figures de style (anaphores). Ce chapitre propose ainsi le
modèle d’un royaume idéal, rempli de plaisirs pour les sens et
l’esprit, qui sait se souvenir des précédents du genre, comme
La Cité du Soleil de Tommaso Campanella et L’Utopie de
Thomas More, dont des extraits sont proposés en fin de
volume (Dossier, p. 158-167).
– L’écriture de l’utopie passe par un retournement des
valeurs et des coutumes (l’extraordinaire devient l’ordi-
naire), censé prouver au lecteur que les siennes ne sont que
relatives et provisoires. Indirectement, ce sont les référents
réels de l’utopie qui se voient dégradés.
– Une parodie de l’écriture traditionnelle de l’utopie.
Le jeu de questions et de réponses qui structure traditionnel-
lement l’utopie (voir le dialogue entre l’Hospitalier et le
Génois dans La Cité du Soleil, p. 166 sq.) laisse ici la place à
une mise en évidence de la superficialité du regard de Can-
dide : en témoigne le long déroulement des réceptions données
par le roi, loin des préoccupations philosophiques. La tendance
à l’exagération se manifeste à travers l’emploi d’hyperboles et
les redondances ; l’idéal, ainsi poussé à l’extrême, en devient
impraticable : l’Eldorado n’est qu’une utopie abstraite, une
pure fiction, destinée, elle aussi, à faire sourire. Les indices
d’ironie, le pastiche du style du roman précieux et la descrip-
tion du roi le montrent.
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– Cependant, l’Eldorado n’est pas exempt d’une leçon


philosophique : il incarne, au beau milieu de Candide, un
certain nombre d’idéaux des Lumières. Déjà l’humaniste
More avait fait usage de l’utopie pour parler des formes de
gouvernement, de religion, ou encore du système péniten-
tiaire (Dossier, p. 159 sq.). L’Eldorado est ici un pays sans
châtiments ni crimes, où le pouvoir est tolérant et non
répressif, incarné par un monarque proche de ses sujets et
libéral (« l’usage […] est d’embrasser le roi », p. 91). Il s’agit
en outre d’une société préoccupée de science, d’une civilisa-
tion urbaine heureuse et hédoniste, où esthétique et urba-
nisme, synonymes de progrès pour Voltaire, s’allient.

• Lecture complémentaire : Le Mondain


On comparera ce chapitre avec le poème Le Mondain, de
Voltaire (1736). Deux conceptions du bonheur au XVIIIe siècle
s’opposent dans ces deux œuvres, qui se distinguent aussi sur
le plan de la rhétorique de l’argumentation (d’un côté, l’apo-
logue, de l’autre, le poème argumentatif). Le chapitre de
l’Eldorado montre l’évolution de Voltaire depuis la guerre
de Sept Ans et le tremblement de terre de Lisbonne. S’il pou-
vait affirmer, dans Le Mondain, « le paradis est où je suis »,
désormais l’idéal philosophique ne peut guère plus se trou-
ver que dans le chapitre utopique d’un conte. Le mal réap-
paraît d’ailleurs bien vite dans le texte, avec l’épisode du
nègre de Surinam, tandis que les moutons sont un à un per-
dus, symbole de l’impossibilité de rapporter les valeurs uto-
piques dans le réel.

SÉANCE 6
LA LEÇON FINALE DE CANDIDE

→ Chapitre XXX (p. 136-140).

Objectif : L’évolution des personnages du conte. La confron-


tation ultime de trois philosophies, aboutissant à la formu-
lation de la philosophie du jardin.
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• Travail préparatoire
On demandera aux élèves de montrer que le dernier cha-
pitre de Candide a à la fois une valeur démonstrative et une
valeur narrative. Ils compléteront cette lecture par celle de
« La parabole du jardin » (Dossier, p. 170 sq.). L’accent sera
mis sur les idées ainsi que sur les dispositifs argumentatifs et
les rhétoriques mis en place : le derviche, le vieil homme et
Pangloss utilisent en effet des procédés discursifs très diffé-
rents.

Candide
• La confrontation de trois philosophies
Avant que le livre se referme, trois philosophies incarnées
par des personnages et leur modèle de vie font une dernière
apparition.
– La parabole du derviche. L’épisode du derviche permet
de montrer l’évolution des personnages : les questions de
Pangloss et de Candide suggèrent d’une part l’impossibilité
de progression du pseudo-sage enfermé dans une rhétorique
ampoulée et creuse (le derviche le fait « taire », p. 138),
d’autre part la sagesse nouvelle de Candide, fruit de son
expérience, qui le pousse à poser, enfin, la question du mal
de façon juste 1. Le derviche ne donne qu’une parabole laco-
nique (« Quand Sa Hautesse… »), qui fait appel à une méta-
physique proprement épicurienne : les dieux ne se soucient
aucunement des hommes.
– La maxime du vieillard. Le vieillard complète la vision
du derviche en donnant l’exemple pratique d’une philosophie
épicurienne. Le fait qu’il a vécu des horreurs semblables à
celles qu’a vécues Candide le situe sur un même plan d’expé-
rience que lui, et donne du crédit à la solution qu’il propose.
Bon, calme, simple, le vieillard illustre par ses actes la
conception qu’il se fait de l’existence. Une maxime constitue
le cœur de son enseignement. On notera l’accumulation de
présents de vérité générale qui fonctionnent comme autant de
prescriptions morales (« Le travail éloigne de nous », p. 139).
Son exemple est l’occasion de la description d’un Eldorado
miniature, plus concret, comme le montrent les « fruits du

1. On pourra mettre en parallèle ce passage avec l’Histoire de Jenni,


dont un extrait est présenté dans le Dossier (p. 153 sq.) : Birton et Freind
se posent la question du mal, sur laquelle portent tous les entretiens entre
Pangloss et Candide.
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jardin », les « deux filles » et les « barbes parfumées » qui


rappellent tous les plaisirs du pays d’Eldorado (p. 139).
– La rhétorique creuse de Pangloss. Le personnage
emblématique de la philosophie de Leibniz, Pangloss, nie
toute valeur à l’expérience et reproduit à la fin du texte sen-
siblement le même discours qu’au début. Voltaire se plaît ici
encore à le tourner en ridicule. L’intervention de Pangloss est
remarquable par ses références pêle-mêle et non maîtrisées
(car mal traduites) de la Bible : cf. jeu sur les nombres,
zeugme ironique (« par Aod » et « par les cheveux », p. 139),
mélange de liens de causalité et de liens chronologiques, etc.

• L’évolution des personnages


C’est un Candide plus sage qui apparaît à la fin du conte.
Désormais, il coupe la parole à Pangloss (cf. le « Je sais » de
Candide contre le « Vous savez » du philosophe, p. 140) : le
savoir tiré de l’expérience s’oppose au savoir préconçu et
faux. La certitude du savoir expérimental est mise en avant
par les répétitions « Il faut » à deux reprises (p. 140). Candide
a accédé à la réflexion, les modalisations de son discours le
montrent (« ce bon vieillard me paraît », p. 140). Pangloss, a
contrario, a perdu toute crédibilité. La fin du conte est donc
marquée par une inversion des rôles : Candide est devenu
philosophe, laconique comme le derviche ; il n’est plus séduit
comme avant par les grands discours (« entendre le plus
grand philosophe […] de toute la terre », p. 39). Pangloss,
lui, n’a pas changé. Écouté au château, il ne peut être que
discrédité dans le jardin, lieu des réalités et non des faux-
semblants.

• L’épilogue apologue
L’épilogue donne à lire, dans un court récit final, une
morale à l’œuvre. Il est remarquable par la désillusion qu’il
cherche à produire, assumant des valeurs simples, humbles,
et concrètes. Si le merveilleux caractérisait la situation ini-
tiale au château, c’est à des valeurs réalistes – celle du
travail notamment – qu’aboutit la quête de savoir dans le
jardin de Constantinople. Pas de bonheur utopique, pas de
princesse à la fin de ce conte-ci : Cunégonde est devenue
laide et les héros n’accèdent qu’à une vie de travail, assumant
cette sagesse épicurienne. La philosophie du jardin tient en
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une formule, prononcée par Martin le premier (« Il faut


cultiver notre jardin », p. 140), qui exprime l’aspiration à la
paix tranquille et à la sagesse plus qu’au bonheur. L’action
remplace les discours dans un refus des raisonnements inu-
tiles.

• Lectures complémentaires
Le Dossier permettra de clore la séquence en montrant que
Candide a fait l’objet de nombreuses réécritures, suites, imi-
tations ou pastiches, preuve de son universalité. On lira

Candide
notamment la suite apocryphe de 1760, qui prend l’épilogue
comme point de départ (« On se lasse de tout dans la vie […]
et Candide […] s’ennuya bientôt de cultiver son jardin »,
p. 181), et l’extrait de Candido ou Un rêve fait en Sicile, de
Leonardo Sciascia (p. 187 sq.), qui permettra de préparer le
sujet d’invention de la séance suivante. On pourra enfin pro-
poser aux élèves la lecture d’un extrait du Nouveau Candide
de Dominique Jamet (Flammarion, 1994).

SÉANCE 7
ÉVALUATION

• Sujet d’invention
Un Candide, contemporain de notre XXIe siècle, vient
d’arriver sur les lieux d’une terrible catastrophe (crash aérien,
accident industriel, raz-de-marée, famine, inondation, etc.).
Vous rédigerez le récit de son passage sur les lieux du
désastre en dénonçant les causes de cette catastrophe au
moyen des procédés de l’ironie et de la satire.

• Commentaire composé
Chapitre XIV, de « Tu as donc été déjà dans le Paraguay ?
dit Candide » à la fin (p. 75-77).

• Dissertation
Vous commenterez cette phrase de Jean Starobinski,
extraite de son ouvrage Le Remède dans le mal (Paris, Galli-
mard, 1989, p. 144) : « Candide n’est pas, même de loin, une
représentation du monde. […] Les éléments de “réalité” qu’il
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contient sont portés à une dimension caricaturale excluant


toute commune mesure. »

IV . O R I E N T A T I O N S BIBLIOGRAPHIQUES

Voir la Bibliographie p. 206 sq.

Étienne LETERRIER

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