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Dossier

La carte géologique
La carte géologique, instrument indispensable à toute approche du terrain, est une interprétation personnelle d’observations dis-
persées. Le géologue projette, sur le papier ou sur l’écran, sa culture scientifique, c’est-à-dire qu’il considère les objets après des opé-
rations mentales et pas seulement avec des observations. Bref, la carte est une publication scientifique réalisée à partir d’observa-
tions isolées, réunies en une hypothèse cohérente, conduite à partir des concepts personnels inscrits dans la culture de son temps.
Elle est une étape dans l’histoire des sciences. Cette caractéristique fondamentale n’est que rarement mise en avant par les auteurs.
Il s’en suit une immense incompréhension entre eux et les utilisateurs non géologues, financeurs de la carte géologique et scienti-
fiques d’autres disciplines.
Dans ce numéro, on trouve l’expression de besoins. Tous convergent en soulignant l’ambiguïté de la carte où ne sont pas distinguées
les observations analysées et les interprétations. Des tentatives de différenciation ont été proposées dans le passé, elles ont toutes
abouti à des documents peu lisibles. Il est évident qu’actuellement les moyens techniques permettent de prendre en considération
l’exigence scientifique qui impose de scinder le fait observé et analysé de son extension sur des surfaces parfois très vastes.
Selon l’objectif recherché, il est possible, désormais, sur une carte classique, c’est-à-dire sur un document subjectif, de localiser par
leurs coordonnées les sites observés ; chacun d’eux correspond à l’étude d’un affleurement, par exemple. La carte géologique, docu-
ment synthétique, donne une image qui comprend, d’une part, ces données, d’autre part, de très vastes étendues interprétées avec
les concepts en vigueur pour l’essentiel, originaux pour quelques uns. Les lecteurs et les utilisateurs doivent pouvoir évaluer le degré
de fiabilité du document selon leurs besoins.
Compte tenu des référentiels géographiques, il est possible d’intégrer les données non affleurantes et leurs variations temporelles
(débit et qualité de l’eau, variations des caractéristiques du sol, etc.).
La carte est à la convergence des efforts de toutes les disciplines des sciences de la Terre ; si elle doit rester un document esthétique,
elle doit devenir un réceptacle du savoir des différents spécialistes. Toute donnée n’a qu’une valeur éphémère qui évolue et se pré-
cise avec les progrès des techniques et des concepts. Parmi les bases de données, certaines peuvent être exprimées à la demande,
en complément du cadre général.
Une nouvelle cartographie est en train de naître de manière anarchique : un spécialiste publie des informations sur des affleure-
ments, des forages, des observations obtenues par différentes techniques de télédétection, mais ne peut, ne veut ou ne sait les inté-
grer dans un document collectif. Cette œuvre de regroupement élaboré d’informations, qui fait évoluer les informations recueillies,
ne peut relever que d’un service public scientifique oeuvrant dans la durée et qui en assure la cohérence.
La démarche, évidente pour des cartes à 1/50 000, peut s’appliquer aux différentes échelles. Sans carte générale, l’utilisateur trou-
ve une tour de Babel, chacun parle, écrit, expose sans que l’autre sache démêler ce qui est fondé spatialement et temporellement et
ce qui est hypothèse. La carte est un document sans cesse retouché. Ces multiples retouches, de temps à autre, conduisent à une
réédition regroupant de manière cohérente les informations les plus solides. La lecture d’une carte, comme son lever, est une étape
indispensable à la formation de tout géologue. Elle évolue grâce aux techniques d’analyse et de communication. Ce dossier le montre
à l’évidence.
Jean DERCOURT
Université Pierre et Marie
Curie Secrétaire perpétuel de l’Académie des Sciences

Géologues d’hier et d’aujourd’hui.


Le dessin est signé de Ramond (1832).
Il représente le naturaliste auvergnat Jean-
Baptiste Bouillet en tournée géologique
dans la chaîne des Puys. Bouillet était
lourdement chargé car, comme
il l’a raconté avec humour dans ses
mémoires, il aimait servir de «sherpa»
à son ami le pharmacien Henri Lecoq,
moins athlétique mais passionné et
toujours soucieux de ramener le maximum
d’échantillons à étudier (document ©
du Musée Lecoq à Clermont-Ferrand,
reproduit avec l’aimable autorisation
de la Ville de Clermont-Ferrand et l’aide
de Pierre Pénicaud, conservateur).

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Dossier
De la carte d’hier à celle d’aujourd’hui
La carte géologique 1867, Élie de Beaumont avec de liaires, notamment universitaires. C’est depuis
de la France, historique Chancourtois ainsi que E. Fuchs, A. Potier et 1878 que des géologues n’appartenant pas
A. de Lapparent préparèrent, à partir de ces au cadre du Service de la carte géologique
L’École des mines de Paris, dès 1816, a été cartes, 62 maquettes de feuilles à 1/80 000 ont été associés aux opérations de lever car-
chargée de dresser des cartes géologiques en du quart nord-est de la France qui furent expo- tographique. Le principe de cette collabora-
France. Alors que simultanément étaient sées au Champ-de-Mars. tion, qui perdure jusqu’à aujourd’hui, est
publiés en 1822, « l’Essai de Carte géolo- À la suite de l’exposition universelle, le fondé sur l’existence d’une complémentarité
gique de la France, des Pays-Bas et des « Service de la carte géologique de la France entre les besoins de la carte géologique et les
contrées voisines » de d’Omalius d’Halloy et des topographies souterraines » (« topogra- travaux des chercheurs dans le domaine des
ainsi que la carte d’Angleterre de Greenough, phies souterraines » = étude géologique Sciences de la Terre. L’idée de base étant de
fut décidé le principe de l’exécution d’une détaillée des gîtes minéraux) fut institué par le faire bénéficier la carte de cette motivation de
carte géologique générale de la France. Ce décret de Napoléon III en date du 1er octobre chercheur, pour demander au collaborateur
projet fut placé sous la direction de A. 1868. Ce même décret précisait que la carte d’effectuer simultanément deux catégories
Brochant de Villiers. Après un voyage de géologique serait exécutée aux frais de l’État. d’observations : celles qui ont trait à l’établis-
reconnaissance en Angleterre en 1823, La nécessité de centraliser la cartographie sement de la cartographie, et celles qui sont
Léonce Élie-de-Beaumont (Nord et Est) et géologique de la France, au moins au niveau
Armand Dufrénoy (Sud et Ouest) commencè- de la coordination des levers et de l’édition,
rent en 1825 leur travail, à raison de 6 mois était ainsi entérinée. De 1868 à1874, Élie
par an sur le terrain. À partir de 1826, de Billy de Beaumont fut le premier directeur du
fut adjoint à Dufrénoy et Fénéon à Élie de Service organisé, de 1880 à 1886, par
Beaumont. Les opérateurs firent séparément son adjoint Alexandre Béguyer de
cinq campagnes d’été entre 1825 et 1829 ; Chancourtois. Le Service comprenait en
de 1830 à 1834, ils consacrèrent cinq cam- outre A. Potier, F. Cléraut, E. Fuchs, A. de
pagnes à des tournées communes de coordi- Lapparent et H. Douvillé. Au bout de six
nation. Ils parcoururent à pied pendant tout ce ans, à la mort d’Élie de Beaumont,
temps, plus de 80 000 km. Brochant de 12 feuilles avaient été imprimées. On avait
Villiers présenta un exemplaire colorié le 30 prévu en 1868 que les 268 feuilles à
novembre 1835 à l’Académie des Sciences. 1/80 000 du territoire national seraient
Cinq années, de 1836 à 1841, furent ensuite levées en 10 ans pour une somme de 1 mil-
consacrées à la rédaction du mémoire expli- lion de francs par les ingénieurs du Corps
catif de la carte qui ne fut définitivement des mines. Une commission nommée pour
publiée à 1/500 000 qu’en 1842. réorganiser le Service de la carte géolo-
À la même époque, les ingénieurs des mines gique devait constater la disproportion
avaient été invités (30 août 1835) à établir manifeste entre le plan suivi pour l’exécution
des cartes géologiques par département, par- de ce travail et les moyens dont le Service
tout où elles pourraient être cofinancées par disposait pour le réaliser. Le décret du
les autorités locales. Au total 59 de ces cartes 21 janvier 1875 réorganisa donc le
départementales, de qualité très inégale, Service de la carte géologique qui s’assura Extrait d’une carte géologique à 1/80 000 en
furent publiées. Pour l’exposition universelle de alors du concours de collaborateurs auxi- hachures (Le Buis, Hautes-Alpes)

Ce dossier est le fruit d’une collaboration pluridisciplinaire et du concours de différents organismes et notamment de :
- Guy Menant (GM) de l’Inspection Générale de l’Education nationale, Frédéric Mouthereau (FM) de l’Université Pierre
et Marie Curie, François Guillocheau (FG) de l’Université de Rennes I, Patrick De Wever (PdW) du Museum national
d’Histoire naturelle, Frédéric Tona (FT) de AREVA/COGEMA, Pascal Elion (PE) de l’ANDRA, Nicole Santarelli (NS) de
l’Université Denis Diderot, Daniel Raymond (DR) de l’Université Pierre et Marie Curie ;
- au BRGM, de Denis Bonnefoy (DB), Pol Guennoc (PG), Franck Hannot (FH), Dominique Janjou (DJ), Pierre Laville (PL),
Pierre Nehlig (PN), Jean-Michel Pellé (JMP), Philippe Rossi (PR), Frédéric Simien, Bernard Sauret (BS) et D. Vaslet (DV) ;
- et des membres du comité de rédaction de Géochronique notamment Maurice Jacqué (MJ), Raymonde André-Jehan
(RAJ), Liliane Laville (LL), Jacqueline Lorenz (JL), Philippe Lagny, Michel Millet, Jean Féraud (JF).

Il a été coordonné par Denis Vaslet, Daniel Raymond et Jean Féraud.

Les références bibliographiques sont disponibles sur le site Internet de la Société Géologique de France
http://www.sgfr.com

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à la base de sa recherche (en réalité, ces nale et donne lieu à des monographies sou-
démarches sont le plus souvent intimement vent rédigées dans le cadre de thèses. De
liées.) C’est en fonction de cet arrangement nombreux étudiants ont alors une solide for-
forfaitaire que ses frais de déplacement sont mation de cartographe ;
pris en charge par le programme de la carte - au cours des années 1980, la popularisa-
géologique, alors que sa rémunération de tion de la tectonique des plaques, le dévelop-
chercheur est assurée par son organisme de pement des méthodes et des outils géochi-
rattachement. La grande aventure scientifique mique et géophysique, réorientent la
de l’établissement de la carte à 1/80 000 recherche vers la géologie thématique, le plus
s’est poursuivie sous la direction des ingé- souvent hors de France et ceci entraîne ipso
nieurs du Corps des mines : Eugène Jacquot facto une diminution du nombre de thèses
(de 1874 à 1887), Auguste Michel Lévy (de ayant pour support la cartographie du terri-
1887 à 1911), Pierre Termier (de 1911 à toire lui-même ;
1930), Louis de Launay (de 1931 à 1938), - la « révolution » de la tectonique des plaques
Eugène Raguin (de 1940 à 1953) et enfin n’a pas une influence directe sur la carte elle-
Jean Goguel de 1953 à 1987. Tous les direc- même, l’échelle du 1/50 000 n’étant pas
teurs du Service furent eux-mêmes des géo- adéquate pour rendre compte des phéno-
logues. « Mente et malleo » (« par l’esprit et mènes d’échelle terrestre. C’est en revanche,
par le marteau »), A. Michel-Lévy signa lui- la disponibilité de nouveaux modèles concep-
même onze feuilles de la carte géologique à tuels (contextes orogéniques, dynamique des
1/80 000. Le lever de la carte géologique à bassins sédimentaires, trajectoires PT du
1/80 000 se déroula sur un siècle, avec une métamorphisme, etc.) qui sont venus aider à mosaïque est toutefois bien hétérogène.
contribution majeure des ingénieurs du Corps l’interprétation des faits de terrain. La sophis- Le Comité de la Carte Géologique de
des mines. tication des nouvelles techniques analytiques France, après examen critique des cartes
Dès 1924 est mis en chantier le lever des sont elles aussi venues renforcer l’arsenal du publiées, a identifié environ 400 cartes
cartes à 1/50 000 sur le fond topographique géologue. Ce sont notamment les progrès qui nécessiteront une révision en tout ou
détaillé, en courbes de niveaux, de la carte dans les analyses en minéralogie (microson- partie (substratum et/ou formations
d’état-major. C’est toutefois seulement à partir de électronique), en géochimie (analyses superficielles). Pour le moment, les
des années 1950 que ce programme va ICP), en géochronologie, ainsi qu’en micro- secondes éditions ne représentent qu’en-
prendre son essor. À partir du 1er Janvier paléontologie qui ont permis de mieux docu- viron 10 % de la production cartogra-
1968 (décret du 22 décembre 1967), le menter la carte ; phique annuelle.
Service de la carte géologique et le BRGM
sont regroupés. À ce moment, 148 cartes
géologiques à 1/50 000 (sur les 1060 du
découpage national) sont éditées et de nom-
breuses maquettes sont déjà prêtes. De 1968
à 1987, la direction du programme est pla-
cée sous la responsabilité de Jean Goguel,
inspecteur général de la carte géologique de
la France. Créé en 1986, le Comité de la
Carte Géologique de la France (CCGF) a un
rôle normatif et de garant de la qualité des
cartes et de leur notice explicative. Son action
a abouti à la reconnaissance, par les ins-
tances CNRS et universitaires, de la carte
géologique comme publication scientifique
de premier rang, entérinant ainsi son carac-
tère de publication scientifique. Le program-
me de la carte à 1/50 000, aujourd’hui qua-
siment achevé, aura, pour sa plus grande - depuis les années 90, la baisse d’intérêt Production de la carte géologique
part sous la maîtrise d’œuvre du BRGM, été pour la géologie régionale et de terrain à 1/50 000 de la France.
mené à bien grâce à l’implication massive devient critique. Il devient difficile de trouver
d’une grande partie des géologues français, des collaborateurs pour contribuer au lever
en grande partie universitaires (ou issus de de la carte, le manque de géologues fran- Les programmes de cartographie géolo-
l’université). Trois grandes périodes peuvent çais compétents en matière d’acquisition de gique, par leur continuité dans le temps, par
être distinguées dans l’établissement de la données sur le terrain et de cartographie leur permanente actualisation des connais-
carte géologique de la France à 1/50 000 : géologique devient alarmant ; sances figurent certainement parmi les plus
- 1950 à 1980 : c’est une période d’activité - la couverture le Carte géologique de la grands programmes scientifiques des pays
majeure où le lever des cartes géologiques est France, en première édition, sera ache- développés.
l’occasion de recherches en géologie régio- vée pour la fin de la décennie. Cette P.R.

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La carte géologique graphique des affleurement rencontrés, (2) la compréhension de la géologie. Une meilleu-
aujourd’hui nature lithologique des formations à l’affleu- re solution serait de réaliser deux cartes de la
rement, (3) les contacts visibles à l’affleurement même région : une avec toutes les formations
entre formations différentes, (4) les indications superficielles dont la connaissance est indis-
Bien que beaucoup de lecteurs de Géochro-
structurales (pendage des couches, axes de pensable, en particulier pour l’hydrogéologie,
nique soient familiers des cartes géologiques,
plis etc...), (5) les points de collecte d’échan- l’agriculture et la géologie du génie civil, une
il nous a paru cependant utile de rappeler ci-
tillons. Par ailleurs, les géologues consignent autre correspondant à l’écorché géologique,
dessous ce qu’est une carte géologique et les
sur leur « carnet de terrain » toutes les obser- pour la compréhension du sous-sol. Cette solu-
méthodes utilisées pour son élaboration.
vations notables, les dessins de coupes géo- tion a d’ailleurs été adoptée dans certains pays
Une carte géologique est la représentation conven-
logiques, de paysages etc... On dit souvent (Royaume-Uni, Pays-Bas, etc…). En France il
tionnelle, sur un fond topographique, des ter-
que c’est à son carnet de terrain qu’on recon- y a eu une tentative (St Bonnet-de-Joux,
rains visibles à l’affleurement ou masqués par
naît le bon géologue ! Saône-et-Loire, n°601), mais qui n’a pas eu
des formations superficielles, dont on ne tient
Au laboratoire, divers spécialistes vont procéder de suite.
pas compte quand leur épaisseur est trop faible.
au traitement des échantillons récoltés (lames La représentation des terrains (formations
minces de roches, extraction et détermination superficielles comprises) obéit aux règles sui-
Le lever de la carte de microfaunes, analyses minéralogiques et vantes. Un terrain est limité par un contour géo-
géochimiques). Ces études conduisent à pré- logique (trait fin), éventuellement par un
Pendant longtemps le géologue a travaillé en ciser les faciès et les microfaciès des forma- contact tectonique (trait gras) ; les traits sont
solitaire ; véritable homme-orchestre, il assu- tions rencontrées. Un élément essentiel est la continus si la limite est observée, en pointillé
rait à la fois le lever de la carte, l’étude des datation de ces dernières par l’attribution d’un si la limite est supposée. Il est identifié à l’ai-
échantillons récoltés et des fossiles… Actuel- âge stratigraphique. On peut également, en de d’une couleur et d’une notation constituée
lement, le lever est un travail d’équipe. Le ter- utilisant la radiochronologie, dater des événements de lettres et de chiffres. Pour un terrain sédi-
rain est fréquemment découpé en secteurs sui- régionaux (par ex. la mise en place d’un gra- mentaire, le couple couleur-notation fait réfé-
vant les compétences de chacun ; par exemple nite ou un épisode de métamorphisme). Il est rence à son âge stratigraphique ; pour tout autre
un pétrologiste et un stratigraphe collaboreront alors temps de procéder aux dernières véri- terrain, ce couple fait référence à son lithofaciès.
au lever d’une carte comportant un socle her- fications et corrections, de résoudre les pro- Les couleurs et les notations sont en principe
cynien et une couverture sédimentaire méso- blèmes éventuels posés par les résultats de labo- conventionnelles, mais il existe d’assez nom-
zoïque. Il n’en reste pas moins que dans sa ratoire grâce à des investigations complémentaires breuses exceptions, justifiées par les particu-
zone, chaque géologue est en général un hom- sur les points délicats ou importants. Si néces- larités locales. La nomenclature des terrains pré-
me seul... saire, il faudra exécuter de petits sondages. sents sur une carte donnée est effectuée dans
La réalisation de la carte nécessite de dispo- la légende des terrains, disposée dans les marges
Le dessin de la carte droite et gauche de la carte. Cette légende
ser d’un fond topographique précis à gran-
est constituée de caissons où sont rappelées
de échelle ; pour la France, on utilise la car-
On dispose maintenant de suffisamment d’in- la couleur et la notation de chaque terrain. Elle
te topographique à 1/25 000 de l’Institut formations pour le dessin de la carte définiti- se lit de bas en haut et de droite à gauche,
Géographique National (I.G.N), éventuelle- ve, par interpolation des contours entre les affleu- avec dans l’ordre les terrains cristallins et méta-
ment des plans directeurs à 1/10 000 dans rements. La coordination des contours fournis morphiques, puis les terrains sédimentaires et
les secteurs complexes. On commence par pro- par les divers participants est confiée à un res- éventuellement volcaniques du plus ancien au
céder à une étude bibliographique régiona- ponsable de la carte, généralement le géologue plus récent, enfin les formations superficielles.
le et au recensement de toutes les données exis- qui a assuré la plus grande partie du lever. Par ailleurs on indique de quelle façon sont
tantes, à commencer bien entendu par les cartes Un problème délicat est celui de la représen- figurés les contours géologiques et les contacts
géologiques antérieures, mais également les tation des formations superficielles ; sous ce anormaux.
sondages dont l’archivage, organisé par la terme, on regroupe toutes les formations Divers symboles spécifiques décrivent les élé-
Banque de données du sous-sol du BRGM, est continentales récentes de diverses origines. En ments structuraux. Le plus important d’entre eux
accessible à tous. Ensuite, on analyse les pho- principe, les formations superficielles doivent est le signe de pendage, en forme de T, repré-
tos aériennes et les images satellitaires de la être figurées sur la carte si leur épaisseur et sentant l’inclinaison des surfaces géologiques
zone à cartographier, ce qui permet une pre- leur extension sont suffisantes pour une repré- (surfaces de stratification, de schistosité ou de
mière approche : repérage d’affleurements, sentation à l’échelle de la carte définitive. Mais foliation). D’autres symboles décrivent les linéa-
de contacts, d’accidents tectoniques, de cer- dans certaines régions de France où le sou- tions, axes de plis, etc… L’ensemble des sym-
taines formations superficielles facilement bassement est masqué par un épais manteau boles utilisés est rappelé dans la rubrique « élé-
reconnaissables (alluvions, éboulis...). L’étude de dépôts superficiels, l’application de cette ments structuraux » de la légende. Les gîtes
de ces images permet également parfois l’éla- règle aboutirait à une carte ne représentant fossilifères sont indiqués par un symbole spé-
boration d’hypothèses de travail sur la struc- pratiquement que ces derniers, et donc sans cifique. D’autres signes conventionnels indiquent
ture de la région, avant même le premier contact intérêt pour l’étude du sous-sol. Il y a donc fré- les carrières et exploitations souterraines en
avec le terrain. quemment conflit entre la représentation des activité ou abandonnées, ainsi que les sondages.
Le lever proprement dit consiste en l’explora- formations superficielles et celle des terrains Ces derniers sont identifiés par un numéro d’ar-
tion systématique, km2 par km2, de la région sous-jacents. Aussi, dans la pratique, l’initia- chivage du Service Géologique National (banque
à cartographier. Toutes les observations sont tive est-elle laissée aux auteurs ; en général ces de données du sous-sol du BRGM).
reportées sur la carte topographique, qui devient derniers représentent les formations superficielles Sur les cartes récentes d’autres indications impor-
alors une « minute ». Sur cette dernière, sont quand leur épaisseur ne permet pas de tantes sont incorporées à la légende. La colon-
indiqués par des traits, des couleurs ou des connaître avec certitude la nature du sous-sol, ne lithostratigraphique permet d’avoir une vue
signes conventionnels : (1) la position topo- et quand leur figuration ne nuit pas trop à la détaillée de l’épaisseur et de la lithologie des

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terrains répertoriés dans la légende des terrains - documentation complémentaire (sites classiques raître à l’occasion de travaux, de nouveaux son-
ou d’une partie de ces derniers. Ces informations et itinéraires, bibliographie, documents et dages peuvent être effectués, apportant des infor-
proviennent des travaux de terrain ou d’un ou collections consultables) ; mations conduisant parfois à de nouvelles inter-
plusieurs sondages. La colonne est située en - liste des auteurs de la notice (qui peut être prétations à l’échelle régionale. Par conséquent,
regard des caissons des terrains. Le schéma en partie différente de celle des auteurs des on a adopté le principe d’éditions successives
structural, représentation simplifiée des grandes levers) ; ; à titre d’exemple, on pourra comparer les extra-
unités stratigraphiques et structurales de la car- - annexes (inventaire et description sommai- its des deux éditions de la feuille Montpellier à
te, est situé dans sa marge inférieure. En géné- re des gîtes minéraux et des principaux son- 1/50 000.
ral, il recouvre une région plus grande que cel- dages). - le contact entre deux formations peut être défi-
le de la carte ; ainsi cette dernière est replacée ni de façon précise si leur lithologie est très dif-
dans son contexte régional. Les coupes géo- Ceci amène, surtout pour les cartes récentes, férente (par ex. des calcaires massifs sur des
logiques correspondent à la section des terrains à des notices volumineuses (parfois plus de marnes). Mais souvent le passage d’une for-
par un plan vertical ou plan de coupe. Les inter- 100 pages), véritables ouvrages de référen- mation à une autre est graduel (par ex. bancs
sections du plan des coupes et de la topographie ce sur la géologie régionale. calcaires de plus en plus fréquents lorsqu’on
ou « traits de coupe » sont indiquées sur le sché- s’élève dans une série marneuse) ; dans ce cas
ma structural, ce qui permet leur repérage sur Utilisations de la carte géologique la position du contact entre les deux formations
la carte elle-même. L’observation des coupes dépend de l’appréciation du géologue.
permet d’avoir rapidement une idée de la struc- La carte géologique est l’objet d’utilisations variées, - Le progrès des méthodes d’analyse ou l’uti-
ture générale. Elles sont situées au centre de comme on le verra dans la suite du dossier. Mais lisation de nouveaux outils fournissent conti-
la marge inférieure de la carte. Enfin on indique soulignons d’emblée qu’un des grands intérêts nuellement de nouvelles informations ; par
dans un cartouche les zones de lever de chaque de ce document est qu’il permet de construire exemple l’âge d’une formation peut être pré-
contributeur dont le nom est indiqué, ainsi que des coupes géologiques. Mais il faut garder à cisé, voire changé.
le nom du coordonnateur de l’ensemble.. l’esprit qu’une coupe géologique est nécessairement - dans les régions de structure complexe, les
interprétative, la part d’interprétation pouvant hypothèses de travail de l’auteur de la carte
La carte est toujours accompagnée d’une noti- être diminuée si on dispose de renseignements peuvent elles-mêmes influencer son lever. En
ce explicative, en général organisée de la façon provenant de sondages, ou, plus rarement, de effet le terrain offrant une quantité de données
suivante : profils sismiques. La carte géologique présen- incommensurable, les enregistrer toutes est humai-
- introduction géographique et géologique ; te également un deuxième intérêt ; la recons- nement impossible et n’offrirait d’ailleurs
- description des terrains, du plus ancien au titution de l’histoire géologique régionale. aucun intérêt, car seules certaines sont signi-
plus récent (à chaque caisson de la légen- ficatives dans le cadre des hypothèses posées.
de correspond une rubrique). Cette description La carte géologique est-elle un document Le géologue sépare donc les « signaux » du
comporte les caractères lithologiques du ter- objectif ? « bruit de fond » grâce au filtre de ses hypo-
rain reconnaissables à l’affleurement et en thèses, quitte à modifier ces dernières si les
lame mince, accompagnés parfois d’analyses La réponse est non ; le seul document objectif
faits d’observation les infirment.
géochimiques. Pour les terrains sédimentaires est la minute. Une carte géologique est néces-
Ceci explique entre autres que les contours de
sairement le résultat d’un mélange entre des obser-
s’y ajoutent leurs caractères sédimentologiques deux cartes géologiques adjacentes levées par
vations et des interprétations à une date donnée.
et paléontologiques, avec les noms des fos- des équipes différentes, généralement à plu-
Cela est du à de nombreuses raisons. Nous indi-
siles qu’ils ont livrés ; sieurs années de distance, ne se raccordent
quons ci-dessous les principales :
- tectonique et métamorphisme régionaux, his- pas toujours parfaitement, ou que l’âge d’un
- en raison de l’existence des formations super-
toire géologique ; terrain change d’une carte à l’autre...L’utilisateur
ficielles, les contours correspondent en général
- ressources du sous-sol (hydrogéologie, gîtes peut être surpris, mais il doit se souvenir qu’une
à des interpolations entre points d’observation.
métallifères, matériaux de construction et d’em- carte géologique, avec ses qualités mais aus-
Par ailleurs, il n’est pas possible au géologue de
pierrement) ; si ses imperfections, est avant tout l’œuvre d’au-
visiter un secteur de façon complète; certains affleu-
teurs qui y ont consacré beaucoup de temps
- éventuellement, végétation et cultures, rements importants peuvent donc lui échapper.
et d’énergie, tant physique qu’intellectuelle.
archéologie ; De plus, de nouveaux affleurements peuvent appa-
D.R.

Exemple de deux éditions successives d’une carte géologique à 1/50 000 : Montpellier n° 990.
1 : chevauchements. 2 : klippe (éléments structuraux non représentés sur la 1ère édition).
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Dossier
La numérisation de la carte qui permirent la transposition de leurs techniques set et à un archivage durable. En outre, la numé-
géologique : nécessité au dessin manuel et à l’art graphique. Si cet- risation de la carte géologique a permis ses
et conséquences te évolution a été plus précoce de quelques thématisations immédiates et son couplage aisé
années dans le domaine de la carte topo- à d’autres données numérisées. Grâce à cet
En France, la numérisation des cartes a été syn- graphique et de la télédétection, elle s’est implan- investissement et à la formation des équipes
chrone de l’acquisition des images satellitaires, tée au BRGM dès 1984 pour la numérisation de dessinateurs du BRGM, la productivité du
de la banalisation de l’informatique dans le des éléments de la carte à 1/50 000. Elle en service a pu quadrupler en moins de cinq ans
dessin industriel et des perfectionnements du a réduit les délais d’impression grâce à la rapi- et ouvrir aux concepteurs comme aux utilisa-
traitement des signaux géophysiques (sis- dité des corrections et des mises à jour, à la teurs de la carte des perspectives jusqu’alors
mique, gravimétrie, etc.). Ce sont ces domaines confection simplifiée des films d’impression off- refoulées.

Cependant, il y a près d’une quinzaine d’an-


LA DIMENSION DES NOTICES
nées, la masse et le coût des ordinateurs néces-
Parallèlement aux progrès dans la réalisation de la carte à tous les niveaux, la notice a - saires à cette cartographie numérique s’opposaient
elle aussi- bien changé. Sans retourner jusqu’à la « préhistoire » avec celles qui occupaient à leur dissémination sur le terrain. Durant cet-
les bordures de la carte elle-même, depuis les années 1970-80, leur évolution est specta- te période et en dépit de nombreuses tenta-
culaire. Les exemples sont faciles à trouver. La notice de la belle carte Fréjus - Cannes 1e tives de «carnets électroniques» portables, le
éd. (1966) ne comportait que 16 pages, bien réparties entre une courte introduction, la dessin de la carte est resté confiné aux
description des terrains affleurants et (déjà) celle des dépôts marins actuels, 3 pages pré- bureaux bien équipés en tables à digitaliser
sentant la tectonique, et une courte bibliographie. Trois auteurs seulement s’étaient parta- et en écrans permettant d’afficher toutes les don-
gé le travail. nées nécessaires à la conception d’un contour.
Les 12 auteurs de l’édition 1994 proposent plus de 10 pages de bibliographie, dans un Au début des années 1990, c’est l’apparition
livret de 187 pages bien denses. L’avant-propos signale les « nouveautés » : les contours d’ordinateurs portables et puissants qui a per-
géologiques n’ont (relativement) pas trop évolué, mais leur attribution, leur interprétation mis la numérisation sur le terrain, même si elle
sont parfois nouvelles. La description des terrains s’est étoffée, quelques diagrammes pétro- s’effectuait encore dans la voiture, sous la ten-
logiques y apparaissent, avec des dessins d’affleurements, cartes, coupes, schémas : en te ou dans la chambre. Mais cela ne durera
tout 26 figures. Les résultats de la radiochronologie bousculent parfois les idées reçues : guère avec l’apparition de nouvelles générations
l’estérellite, permienne depuis 60 ans, rajeunit en retrouvant l’âge tertiaire proposé en 1912 d’ordinateurs de poche couplés au GPS.
par A. Michel-Lévy. Des rubriques nouvelles apparaissent : le chapitre « Ressources du sol
et exploitations », quelques itinéraires d’excursions géologiques actualisés, des annexes Faut-il pour autant regretter le temps des car-
géochronologiques, paléontologiques, une rubrique sismicité, des analyses chimiques, gîtes nets de terrain constellés de dessins et de coupes ?
et indices minéraux... L’ «histoire géologique simplifiée», en 3 pages, est une aide appré- Cette tendance au « tout numérique » n’est-
ciable aux étudiants pressés par le temps qui leur est imparti pour interpréter la carte. elle seulement qu’un effet de mode ? Il serait
La carte Laruns-Somport vient d’être publiée en 2004. Le résumé est traduit en anglais, et vain de cultiver cette soit disant opposition. En
en espagnol (frontière oblige), la dynamique des dépôts sédimentaires donne un éclaira- effet, avec un portable, le géologue dispose
ge moderne aux descriptions de terrains, 40 pages techniques présentent les synthèses géo- aujourd’hui sur le terrain de toutes les données
dynamiques, tectonométamorphiques, volcanologiques (Ossau). Les préoccupations et de tous les outils auxquels il ne pouvait accé-
modernes apparaissent avec des éléments de géotechnique, géologie de l’environnement, der qu’au bureau et dans un contexte de cloi-
risques naturels. Vingt huit figures (cartes, dessins, coupes dont une planche en couleurs, sonnement préjudiciable à son efficacité. En
diagrammes...) étayent le texte. Les 198 pages de cette notice constituent un outil de tra- outre, en terrain difficile d’accès, seul le car-
vail et une source de renseignements sans pareils pour randonneurs curieux (un peu ini- net permet de consigner ses observations. Les
tiés), étudiants en géologie, professeurs des lycées et collèges locaux, professionnels de la méthodes sont complémentaires.
géologie (hydrogéologie, travaux publics ...).
Les notices des superbes cartes au 1/250 000 ne sont pas en reste : elles couvrent des Évidemment, l’usage de ces outils suppose une
domaines plus vastes, nécessitant des synthèses à une autre échelle. En 1980, la carte de maîtrise des logiciels et un souci de l’archivage
Marseille, avec ses 88 pages, son résumé de l’histoire géologique, et ses 9 figures consti- qui ne s’imposaient pas nécessairement au géo-
tuait un excellent document de travail, une aide précieuse pour étudiants et enseignants. logue seulement doté de sa mémoire, de ses
Avec la notice de Montpellier au 1/250 000, publiée en fin 2003, c’est une petite ency- crayons et de son carnet. En effet, en lieu et
clopédie régionale de 164 pages, que l’on découvre. Il est vrai que la carte couvre une place de quelques objets (une carte, sa
région particulièrement passionnante et complexe qui montre la quasi-totalité de l’échelle légende et sa notice), la numérisation a pour
stratigraphique et une large gamme de formations métamorphiques et magmatiques. La effet premier la création d’une pléthore de fichiers
lecture est grandement facilitée par les 49 figures hors-texte, rassemblées dans un volume (plusieurs dizaines) qui doivent être nommés
annexe en couleurs. Et le tout est encore facilement transportable, et utilisable à la ville et et gérés dans des dossiers pour permettre leur
sur le terrain. utilisation ultérieure. Cependant, en cartographie
Les notices des cartes géologiques, surtout celles des cartes au 1/250 000, sont devenues géologique, les avantages procurés par l’or-
des monographies complètes, incontournables, et passionnantes. Certes, le temps néces- dinateur compensent largement ces contraintes
saire à la lecture a aussi augmenté considérablement, mais il est probable qu’une notice d’utilisation. En effet, le raisonnement géométrique
plus brève ne pourrait pas rendre compte des progrès liés à la qualité du dessin de la car- du cartographe est facilité, amplifié par ces
te et à la diversité des renseignements intégrés. outils numériques et pour peu que son exigence
critique soit poussée, ses propositions struc-
N.S. turales et paléogéographiques sont mieux argu-

18 Géochronique n°96, 2005


Dossier
mentées. À ce titre, les avantages les plus signi- et les plus adaptés aux différents types de don- et leur partage sur Internet, la diffusion des
ficatifs sont rapidement recensés : nées). Hélas, les utilisateurs ont dû subir et subis- connaissance est favorisée à tel point que cer-
sent encore cette étape qui ne pouvait être évi- taines cartothèques proposent aujourd’hui un
- combinaison visuelle instantanée des don- tée. Heureusement, cette tension préjudiciable accès à leurs fonds grâce à la gestion des
nées par superposition de calques en nombre s’amenuise car les concepteurs de logiciels emprises de cartes qu’elles soient régulières
illimité ; les plus avisés offrent systématiquement des ou locales quand ce n’est pas à la carte elle-
élévation de la carte en 3D ; convertisseurs de formats et les utilisateurs s’or- même (Infoterre).
- modélisation rapide sur des coupes des effets ganisent au plan international pour mettre au
de certaines hypothèses géométriques conçues point des normes que les industriels du logi- P.L.
sur la carte ; ciel prennent en compte. Cependant, cette évo-
- production de maquettes soignées (étique- lution est lente et ne peut être améliorée que
Objectif harmonisation
tage, couleurs, figurés, etc.) ; par une coopération renforcée entre les pro-
géologique
- positionnement et interactions (union, inter- tagonistes pour définir des modèles de don-
section, etc.) des objets dans la rédaction de nées «interopérables» comme le propose l’OGC Pour être exploitables, les données d’un pro-
la carte par l’auteur ; (Open Gis Consortium). Si on se réfère à l’ex- gramme de cartographie doivent être har-
- introduction aisée de la donnée quantitati- périence française en la matière, la norme EDI- monisées et partager un même « référentiel »
ve par la gestion de grilles de variables (MNT, GEO née il y a une vingtaine d’années est géologique (légende commune, lexiques, base
isopaques, etc.) ; encore loin d’être appliquée bien qu’elle soit géographique etc.).
- interactions entre ces grilles et les objets de en cours de transposition au sein de l’Euro-
la carte (polygones, lignes et points). pe. L’optimisme en la matière doit donc être Les 1 060 cartes du programme de la carte
mesuré et les conversions entre formats seront géologique de la France à 1/50 000 sont
Il est manifeste que la maîtrise d’une puissance encore, pour quelques années, une contrain- autant de « cartes d’auteur » réalisées depuis
décuplée offerte par la numérisation engendre te nécessaire avec toutes leurs conséquences des décennies par des géologues très diffé-
des contreparties parfois inattendues pour le dans la mise à jour des archives et surtout la rents en formation, culture, âge et sensibili-
géologue qui entend se l’approprier. En confiant fluidité des échanges de données. té, utilisant des concepts qui ont évolué au cours
au disque d’un ordinateur une grande par- de cette longue période d’acquisition. La gran-
tie de ses connaissances, il expose ses L’enseignement de ces techniques aux géo- de disparité de ces cartes, dont les contacts
acquis à une perte accidentelle qu’il doit pré- logues ne s’est imposé qu’avec un certain retard ne se rejoignent pas toujours d’une carte à
venir par un archivage méticuleux des sau- et le plus souvent en fin de cycle supérieur, l’autre, traduit des divergences scientifiques
vegardes de ses données. Nous avons tous voire dans les entreprises pendant les premières (portant par exemple sur la définition d’une
subi les conséquences désolantes d’un ordi- années du métier. Il faut remarquer que ce formation). Elle reflète aussi des choix de repré-
nateur, volé, en panne ou privé de courant. sont les géographes utilisateurs de l’image- sentation cartographique différents (regrou-
S’ils ne sont pas prévus, la répétition de ces rie satellitaire qui ont été les pionniers en la pement d’unités géologiques ou au contrai-
avatars peut conduire certains collègues à un matière et que, de ce fait, ils en ont supporté re cartographie de plusieurs membres au sein
stress durable, voire à des dépressions. Heu- les efforts didactiques. La communauté géo- d’une même formation).
reusement, tout géologue sait bien que le report logique a donc bénéficié de cet acquis et a
de ses carnets dans des archives fait partie pu ainsi se focaliser davantage sur les L’objectif est d’établir des cartes cohérentes
du métier et qu’il est inévitable d’en effectuer méthodes d’utilisation. Dans cette évolution présentant une information cartographique conti-
la transposition au domaine numérique. et compte tenu des masses d’information quan- nue à l’échelle du territoire, à partir des don-
titative qu’ils manipulent, il n’est pas surprenant nées validées utilisant des terminologies com-
Bien que nous manquions de recul pour en qu’au sein du Service Géologique National, munes (lexiques). Cette réévaluation scientifique,
percevoir l’éventuelle perversité, le transfert ce soient les géophysiciens, les géochi- actuellement effectuée suivant un découpage
de ses connaissances sur un disque pourrait mistes et les géologues télédétecteurs qui aient départemental (une dizaine de feuilles à chaque
nuire à la synthèse du géologue cartographe popularisé ces techniques auprès des géo- fois), est conduite en parallèle à la réalisation
par amoindrissement de son imagination libé- logues cartographes qui n’exerçaient leurs de synthèses cartographiques à l’échelle du
rée via le dessin sur un carnet. A supposer dons de dessinateur qu’en aval de leur pro- 1/250 000 (échelle des régions naturelles).
qu’elle soit avérée, cette supputation pessimiste duction. Ce travail considérable d’analyse et de syn-
serait heureusement compensée par la libé- thèse intègre, bien entendu, l’état actuel de
ration de son sens critique : celui-ci peut s’exer- Aujourd’hui, l’élan numérique est donné et la connaissance géologique (concepts scien-
cer sur les multiples variantes de ses hypothèses les matériels en progression constante. Les tifiques, connaissances issues de projets
que l’ordinateur lui offre par de simples chan- anciens géologues assimilent tant bien que appliqués et finalisés) et les apports les plus
gements de variables en fonction des argu- mal la pratique de ces outils notamment la récents des techniques numériques (base de
ments avancés par ses contradicteurs. prise en compte des systèmes de projection données, numérisation des cartes...). Cette har-
dont l’ignorance est la première source monisation des cartes géologiques intègre éga-
La dynamique de ce développement informatique d’erreur de positionnement de leurs observations. lement les informations fournies par les
a engendré une pléthore de logiciels dénom- Parfois, grâce à la puissance des SIG, leurs forages de la Banque de données du sous-
més SIG (système d’information géogra- jeunes virtuoses tirent plus rapidement par- sol (BSS) et les données sismiques disponibles
phique) et de structures de données (modèles tie des connaissances accumulées et peu uti- dans le domaine public. Dans cette optique
conceptuels) ainsi qu’une véritable guerre com- lisées par leurs prédécesseurs pendant plu- les forages de la BSS font aussi l’objet d’une
merciale des formats (chaque vendeur de SIG sieurs décennies de travaux . Ainsi par la validation, accompagnée d’une harmonisation
prétend disposer des formats les plus compacts numérisation des références bibliographiques des méthodes de description et d’interprétation.

Géochronique n°96, 2005 19


Dossier
banque de données géographique qui per-
met ensuite par des requêtes la sélection de
cartes géologiques entières ou d’éléments
cartographiques répartis sur un ensemble de
cartes correspondant à une aire géographique
donnée.
Dans un deuxième temps, il est prévu de numé-
riser le contenu des notices des cartes géo-
logiques pour ensuite « attacher » la description
géologique aux différents objets figurés sur
la carte.

L’information sur mesure :


« la carte à la carte »

Il y a une demande croissante des collecti-


vités territoriales ou des services déconcen-
trés de l’État, qui utilisent les cartes harmo-
nisées comme supports de Systèmes
d’information Géographique (SIG), dans leurs
Ces travaux d’harmonisation sont analysés Aujourd’hui le transfert en numérique de l’en- politiques d’aménagement du territoire ou de
puis entérinés par le Comité de la carte géo- semble de l’information géologique capitalisée gestion de l’environnement. Les possibilités
logique de France, instance réunissant des sur les cartes géologiques à 1/50 000 déjà d’exploitation de la carte géologique numé-
représentants des services de l’État, des uni- publiées est entièrement achevé. Dans un pre- rique sont multiples.
versités, et des établissements publics scien- mier temps, il s’agit d’une reproduction à l’iden- Il n’est pas exagéré de parler de « carte à
tifiques. tique des cartes géologiques à 1/50 000. la carte », l’utilisateur pouvant en effet l’ex-
Les fichiers informatiques contiennent la des- ploiter strictement en fonction de ses besoins
cription de l’ensemble des « objets » figu- : en définissant lui-même la zone considé-
La numérisation des données rée, en procédant à la sélection et à l’ex-
rés sur la carte géologique répartis dans
5 « couches » numériques : formations géo- traction des données spécifiques qui l’in-
Si le papier demeure un support privilégié
logiques (auxquelles est associé le descrip- téressent. Cette exploitation personnalisée
de diffusion, la numérisation puis l’harmonisation
tif de la légende), contours géologiques, élé- des données, par leur croisement, leur com-
des données de la carte géologique de Fran-
ments structuraux linéaires (failles, binaison - et avec de logiciels spécialisés -
ce et de la BSS rassemblées au sein d’un réfé-
chevauchements...), éléments ponctuels permet à l’opérateur de produire lui-même
rentiel unique de la géologie de la France
divers (carrières, site fossilifères...) et éléments de l’information nouvelle adaptée à ses besoins.
ouvrent aujourd’hui des perspectives très larges
ponctuels structuraux (indications de pendages,
d’utilisation pour les élus, les aménageurs,
de schistosité, linéations...). L’ensemble de
les bureaux d’étude, les enseignants, et les D.J., F.H., P.N., D.V., D.B.
l’information collectée est stocké dans une
particuliers.

La vectorisation et l’harmonisation
des cartes géologiques ; les bases
de données associées. Le tableau
montre comment, aux données
ponctuelles de la carte-papier
(polygones des différents terrains,
lignes des contacts normaux et
anormaux, points des gisements
fossilifères, des carrières etc.)
la carte vectorisée associe
des données complémentaires
(les «attributs») codifiées ou rédigées
(sur tableur) par le géologue et
classées dans différentes tables.
Les trois cartes montrent comment
on passe ensuite de la carte
vectorisée à la carte harmonisée,
avec l’exemple de l’harmonisation
entre deux feuilles à 1/50 000
de la Côte-d’Or.

20 Géochronique n°96, 2005


Dossier
La fabrication
Les techniques Depuis les années 2000, la gamme couleur « à plat » de couleur). En plus d’une qua-
d’impression a été ramenée à 4 couleurs avec 20 pour- lité visuelle meilleure pour les cartes nouvelles,
centages différents, permettant une impres- cette technique permet de réimprimer les cartes
L’impression de la carte géologique doit tenir sion en seulement 5 passages. Auparavant anciennes épuisées avec un rendu extra-
compte des souhaits de l’auteur et de ceux l’association de deux couleurs (jaune+magen- ordinaire.
des utilisateurs tout en respectant les règles ta) offrait 25 nuances, aujourd’hui cette même Données techniques fondamentales pour l’im-
de la rédaction cartographique. association permet 400 nuances diffé- pression des cartes géologiques :
rentes. - papier : utilisation d’un papier spécial ren-
Depuis les années 1970, l’évolution des tech-
De plus, aujourd’hui, le transfert des don- forcé de fibres textiles durables et biodé-
niques d’impression s’effectue à une vites-
nées cartographiques numériques est effec- gradables ;
se prodigieuse. Elle apparaît sans limite. Par
tué en format EPS (Encapsuled Postscript) sécu- - encres : emploi d’encres minérales à hau-
exemple, les presses d’impression sont
risé et, après traitement, copié directement te résistance à la lumière ;
passées de la monocouleur à une capaci-
sur plaque offset par procédé CtP (Computer - gamme couleur : création d’une gamme
té de 5 à 10 couleurs en un seul passage
to Plate) en garantissant la conformité des couleur spéciale (4 couleurs, 400 nuances)
papier.
données d’origine. Autrement dit, entre 2003 - impression : presses d’impression de der-
Les cartes géologiques sont imprimées sur
et 2005, on a assisté à la disparition com- nière génération avec deux formats standards
des presses 5 couleurs (cyan, jaune, magen-
plète de la phase photomécanique (films trans- de papier (70 x 100) et (120 x 60 cm) et
ta, noir et nuance au choix), plus faciles à
parents pour chaque couleur). De la même équipées de 5 groupes (cylindres d’im-
calibrer que les presses dix couleurs. Le choix
façon, les épreuves d’essai couleur numé- pression) ;
des supports (papiers plastifiés indéchirables),
rique sont réalisées dans la journée... - logiciels Pré-Press : logiciels permettant de
des encres et le contrôle qualité de toutes
En 2004, la grande nouveauté fut l’intro- traiter les données cartographiques et sur-
les phases d’impression sont des facteurs impor-
duction de la « trame aléatoire ». En tout intégrant l’utilisation de la trame aléa-
tants de garantie du produit final.
impression offset, la densité des couleurs est toire ;
Jusqu’à la fin des années 1990, la gamme produite par des densités de trames (lignes - contrôle qualité : toutes les phases d’impression
couleur utilisée pour l’impression des cartes ou points) différentes. En trame aléatoire, sont sous contrôle qualité ; le BRGM et toutes
géologiques comprenait 12 couleurs avec la trame est gérée numériquement pour chaque les sociétés associées à l’impression sont cer-
5 pourcentages possibles, obligeant à 13 nuance. Cette évolution permet de donner tifiées ISO 9001.
ou 14 passages pour imprimer une carte. la sensation d’un ton direct (voisin d’un J.-M.P

Points de vue d’acteurs et d’utilisateurs


La carté géologique Cette base de données répond également aux elle est datée et signée. En effet, des choix sont
pour quels besoins ? besoins exprimés par tous les acteurs (scien- faits par les auteurs de la carte pour interpréter
tifiques, industriels, décideurs publics ou pri- des affleurements discontinus et des lacunes
La caractérisation de la nature, de l’âge, de vés) impliqués dans la gestion, l’aménagement d’information, pour hiérarchiser la représen-
la structure et de l’histoire des roches affleu- et la protection des milieux et des ressources tation de l’information géologique ou bien pour
rant à la surface de la Terre est un objectif fon- naturels. La connaissance de la nature, de l’âge mettre en lumière une donnée, ponctuelle à
damental de la connaissance de notre envi- et de l’architecture des terrains affleurant à la l’échelle du volume cartographié, mais lour-
ronnement naturel. C’est à ce besoin que répond, surface de la Terre est en effet un préalable de de sens du point de vue scientifique. Ces
au premier ordre, la carte géologique, et ce indispensable à : choix expriment, d’une part, le degré de connais-
quelle que soit son échelle. C’est le système - la découverte et la gestion des ressources natu- sance et, d’autre part, les concepts scientifiques
le plus abouti de représentation de l’information relles et énergétiques (eau, hydrocarbures, gaz, prédominants à une époque donnée. La car-
géologique en tout point de la surface (et/ou géothermie, métaux de base et métaux pré- te géologique, dans la mesure où elle est un
de la sub-surface) terrestre. La carte géologique cieux, gemmes ...) ; modèle de représentation des données géo-
est en effet une base de données, validée scien- - la gestion et la prévention des aléas et risques logiques de surface et où elle reflète l’état de
tifiquement, mise à la disposition de toute la géologiques (aléas gravitaires, sismiques, la connaissance sur les processus géolo-
communauté scientifique s’intéressant, d’une volcaniques, tsunamis, cavités géologiques ...) ; giques, est alors un instrument indispensable
part, à la planète Terre et, d’autre part, à l’évo- - l’aménagement et la gestion du territoire (réseaux aux enseignants et formateurs en Sciences de
lution de l’environnement terrestre. Ainsi, la qua- routiers, plans d’occupation des sols, grands la Terre. Elle est un des meilleurs vecteurs de
lité des modèles tridimensionnels de l’exten- ouvrages ...) ; la transmission de la connaissance géologique
sion en profondeur des objets et des structures - la protection des environnements dans le cadre et de la formation aux géosciences.
géologiques dépend, pour une part significative, d’un développement durable.
de la qualité de l’information acquise en sur- Au delà de la base de données, la carte géo- Enfin et de la même façon qu’une base de don-
face du modèle géologique 3-D, c’est-à-dire logique est également un modèle de la nées est toujours évolutive tant du point de vue
de la qualité de la carte géologique. connaissance géologique. C’est pourquoi quantitatif (ajout de nouvelles informations) que

Géochronique n°96, 2005 21


Dossier
qualitatif (réflexion et discussion sur la quali- des surfaces géologiques et de la topographie, fines rondelles du corpus des connaissances en
té et la signification de la donnée acquise), qui apporte également des informations sur espérant que chacun, enseignant ou enseigné,
la carte géologique n’est pas un produit fini, la géométrie de ces surfaces (limites de couches, y trouvera son compte est une illusion. Le sau-
mais au contraire un outil de représentation contacts tectoniques) et sur les valeurs des pen- poudrage n’étant pas une solution, alors que faut-
évolutif. Ce produit doit en permanence être dages. Un deuxième exercice était l’analyse il faire?
réactualisé sous peine d’offrir aux différents de la carte par le biais du schéma structural.
utilisateurs (scientifiques, industriels, ensei- Ce dernier, qui est une représentation simplifiée Des solutions pour l’avenir ?
gnants, politiques ...) des données obsolètes de la carte géologique grâce à des regrou-
et donc particulièrement dangereuses pour tou- pements judicieux de terrains, n’était d’ailleurs Si on continue à penser, et c’est notre cas, que
te prise de décision concernant les environnements pas régi par des règles codifiées. la maîtrise de la carte géologique est une com-
naturels. Tout cela nécessitait évidemment un long appren- pétence indispensable pour tout futur géologue,
tissage ! A l’époque, cela ne posait guère de pro- alors il faut consacrer à son étude le temps
Jean-Marc LARDEAUX blème puisqu’un temps considérable était consa- nécessaire. Cependant, la situation se présente
Président du Comité cré aux TP de cartographie à chaque niveau des de façon différente suivant qu’on s’adresse
de la Carte Géologique de la France divers cursus, avec d’ailleurs souvent des répéti- à des étudiants engagés dans les filières qui
tions... On imagine sans peine qu’après avoir réa- les conduiront au métier de géologue au sens
lisé au bas mot une cinquantaine de coupes géo- large (recherche fondamentale ou appli-
Place de la carte dans quée) ou aux futurs Maîtres :
logiques l’étudiant en fin de parcours avait
l’enseignement - pour les premiers, l’étude approfondie de
acquis une compétence certaine ; pour jouer du
universitaire : la cartographie sous toutes ses formes est indis-
piano, il faut commencer par étudier le solfège !
quelques réflexions pensable ; topographie, techniques de base
L’étude de la carte géologique a été longtemps Le présent de la réalisation des coupes géologiques, équi-
considérée, et l’est encore par beaucoup, com- librage des coupes. Pour réaliser cette dernière
me une des composantes essentielles de l’en- La situation actuelle est complètement diffé- opération, il faut également savoir utiliser les
seignement des Sciences de la Terre. Hélas, la rente. En effet, à partir des années soixante- données de forage et de géophysique. Si on
majorité des enseignants déplore le faible dix, le corpus à acquérir en Sciences de la ajoute à cela l’analyse de la carte grâce au
niveau des étudiants en cartographie qui se tra- Terre a littéralement explosé. Chaque disci- schéma structural et la représentation de lignes
duit par leur incapacité à dessiner une coupe pline s’est considérablement diversifiée, des ou de plans à l’aide des projections stéréo-
géologique simple de façon réaliste. La peur qu’ins- domaines nouveaux sont apparus, d’autres, graphiques, on conçoit aisément que la car-
pire la carte géologique aux étudiants s’expri- peu enseignés auparavant, comme par tographie à elle seule nécessite un enseignement
me entre autres par le fait qu’elle est très peu exemple la géochimie, ont pris une place très spécifique avec un volume horaire conséquent.
utilisée lors des épreuves orales des concours importante dans l’enseignement. Les horaires - pour les seconds, si on est en droit d’attendre
d’enseignement, sinon à usage disons...déco- n’étant pas extensibles, cette expansion s’est d’un futur professeur qu’il soit en mesure d’uti-
ratif. Ayant tous deux enseigné la cartographie faite évidemment au détriment des matières liser une carte géologique, en revanche il ne
pendant de nombreuses années, nous allons essayer déjà présentes, comme la pétrologie, la nous paraît pas possible de dégager au cours
de montrer ce qui, à notre avis, explique une paléontologie, et bien entendu la cartogra- de sa formation le volume horaire nécessai-
telle crainte et nous interroger sur la place que phie. De plus dans la filière de formation des re pour l’apprentissage de la coupe. On pour-
doit occuper la carte géologique dans les divers Maîtres, compte tenu de l’inflation parallèle rait penser pouvoir se contenter d’une initia-
enseignements des Sciences de la Terre. des connaissances en Sciences de la Vie, il tion au dessin des coupes dites « à main levée » ;
s’est instauré une compétition entre biologistes c’est une erreur. En effet, pour exécuter une
et géologues pour récupérer le maximum de bonne coupe à main levée, il faut d’abord être
Le passé temps d’enseignement, compétition dont les capable de réaliser correctement une coupe
géologues ne sont pas sortis victorieux... classique ! Pour l’utilisation qu’il fera de la car-
Dans les années soixante, l’enseignement des te géologique (en particulier la préparation d’ex-
Sciences de la Terre accordait une très large Or, si nous nous limitons au domaine de la car- cursions géologiques pour ses élèves), le futur
place à la carte géologique. D’abord on étu- tographie, il est évident qu’en dessous d’un cer- maître doit d’abord être en mesure de recons-
diait de façon détaillée la carte topographique tain volume horaire, il n’est pas possible à l’étu- tituer l’histoire qu’elle raconte. Dans ce but
(les hachures de triste mémoire de la carte au diant de maîtriser les techniques de base. Et ce apprendre à réaliser un schéma structural doit
1/80 000, remplacées heureusement rapi- d’autant plus que l’étude des cartes topographiques, être une priorité. En effet, l’élaboration d’un
dement par les courbes de niveau à avec son corollaire, la réalisation de profils topo- schéma structural impose un « démontage »
1/50 000...), ce qui sensibilisait aux formes graphiques a été sacrifiée en premier par manque de la carte suivant des règles précises, à la
du relief. Puis on abordait la réalisation des de temps ; or c’est un préalable incontournable, fois géométriques et chronologiques ; cet exer-
coupes géologiques par une méthode qu’on permettant aux étudiants d’acquérir une perception cice est à notre avis la meilleure initiation qui
peut résumer de la façon suivante : toute sur- du relief qui leur fait en général cruellement défaut. soit à la compréhension de la carte géologique.
face plissée devrait être représentée par une Il ne faut donc pas s’étonner du faible niveau Quant à la place qu’on peut accorder à la cou-
courbe dans le plan de coupe, mais il est plus des étudiants en cartographie ! Remarquons que pe géologique, notre expérience nous a
simple dans un premier temps de construire si nous interrogeons nos collègues enseignant montré qu’il était plus profitable de faire rai-
à la place de cette courbe une succession de d’autres disciplines, quelles qu’elles soient (géo- sonner l’étudiant sur une coupe existante (calen-
segments de droite. Ceci permet en particu- physique, géochimie, sédimentologie, etc...) nous drier des phases tectoniques, style de la défor-
lier une analyse fine des variations de pen- entendons la même antienne ; tous se plaignent mation, passages de faciès, etc…), que de
dage au sein des couches. On y associe étroi- de ne pas disposer d’un temps d’enseignement l’obliger à construire une coupe avec un résul-
tement l’analyse géométrique de l’intersection suffisant ! Il est évident que le saucissonnage en tat qui en général le décourage.

22 Géochronique n°96, 2005


Dossier
Donc, qu’il s’agisse des étudiants spéciali- pour leurs cours et leurs travaux pratiques. naturelles) recensent les principales curiosités
sés ou des futurs maîtres, on retrouvera l’ac- Les amateurs, les associations et même le grand géologiques du territoire métropolitain que
quisition d’une compétence commune, la réa- public se montrent de plus en plus friands de l’on peut découvrir lors de voyages automobiles
lisation du schéma structural. Les cartes guides pratiques pour mieux profiter de leurs ou au cours de randonnées. Au verso, est
géologiques françaises à 1/50 000 offrent excursions et d’explications scientifiques sur imprimée la carte géologique de la France
des possibilités très variées dans ce domai- les paysages géologiques qui soient intelli- à 1/1 000 000 sous une forme simplifiée.
ne. Il faut à ce sujet saluer l’initiative du BRGM, gibles au plus grand nombre. Pour répondre Des encarts pédagogiques précisent la
qui a sélectionné et mis en valeur certaines à cette demande, le BRGM pour sa part réa- répartition des grands types de roches
cartes présentant un grand intérêt pédago- lise cinq types de produits. (magmatiques, sédimentaires, métamor-
gique (voir Géochronique n° 90, Juin phiques) ou rendent accessibles des données
2004). Mais nous émettons cependant une Les pages « Cartes géologiques à intérêt péda- moins connues (gravimétrie, magnétisme).
réserve à propos de la publication des nou- gogique » du site institutionnel du BRGM
velles cartes à 1/50 000 : l’augmentation (http://www.brgm.fr/carte50pedago/default.ht). La carte géologique du département du Loi-
constante du volume des notices (parfois plus Ces pages permettent de guider les enseignants ret à 1/125 000. Cette carte dérivée de la
de cent pages), certes justifiée par l’abon- du Secondaire dans leur choix des cartes géo- carte géologique harmonisée à l’échelle du
dance des données recueillies sur le terrain logiques à 1/50 000 et à 1/250 000, elles département du Loiret constitue une carte sim-
et en laboratoire, rend malheureusement dif- tiennent compte des nouveaux programmes plifiée. La carte géologique du Loiret est la
ficile leur exploitation rapide pour l’élabo- SVT (Première et Terminale). première carte de ce type à avoir été édi-
ration d’un schéma structural. L’étude des cartes tée, elle est accompagnée d’une notice des-
à 1/250 000 est également très fructueu- Une sélection de 192 cartes géologiques à
1/50 000 à intérêt pédagogique a été éta- criptive simplifiée des formations géologiques.
se ; pour ces dernières, nous souhaitons vive- Commandée par le Conseil Général du Loi-
ment que la couverture actuelle soit complétée blie sur 3 critères : présence de formations géo-
logiques variées (carte esthétique), d’une ret, elle a été distribuée dans tous les collèges
rapidement (la publication récente de la très du département. Au fur et à mesure de l’avan-
belle feuille de Montpellier est de bon coupe géologique en couleur sur sa marge infé-
cement du programme d’harmonisation
augure). Quant à la carte au millionième, rieure (approche du 3D), et de plusieurs objets
des cartes géologiques à 1/50 000 de Fran-
tous ceux qui l’ont pratiquée savent qu’il s’agit géologiques pédagogiques bien représentés.
Grâce au concours de l’Inspection générale ce (programme Référentiel Géologique de
d’un document de premier ordre pour bâtir la France), des cartes départementales
des raisonnements chronologiques. de l’Éducation nationale, la sélection initiale
des cartes a bénéficié de l’avis des professeurs. papier pourront ainsi être produites à la deman-
Un dernier point nous paraît capital ; la com-
Leurs commentaires sur les caractéristiques péda- de. Les kits pédagogiques. Un kit pédago-
préhension de la carte géologique exige le gique est constitué d’une mallette compre-
contact avec le terrain. En effet, c’est en pra- gogiques sont repris dans chacune des fiches
descriptives téléchargeables établie pour nant des échantillons, des fiches, des lames
tiquant soi-même le lever qu’on acquiert rapi- minces et un CD-Rom présentant la géolo-
dement la faculté de se représenter en trois chaque carte de la sélection. Un moteur de
recherche permet de sélectionner des cartes gie d’une région. Ce type de produit est réa-
dimensions les structures géologiques des- lisé par le géologue régional du BRGM avec
sinées sur la carte. Pour les étudiants spé- géologiques, par région administrative, et/ou
à partir de un ou plusieurs objets géologiques la collaboration des professeurs de collèges
cialisés, en principe le problème ne se pose et de lycées. Le premier kit actuellement dis-
pas, puisqu’ils participent à des stages de pédagogiques. Ceux-ci se référent à la géo-
logie de base (calcaire, granitoïde, pli, ponible est celui de la Guyane, il compor-
terrain. Mais nous pensons qu’il serait très te la seconde édition de la carte géologique
utile que les futurs professeurs pratiquent éga- faille…), à la stratigraphie (principes de la chro-
nologie relative, discordance) mais aussi aux de Guyane (1/500 000) avec possibilités de
lement cette activité de lever, ne serait-ce qu’une zooms et d’interrogations. Deux autres kits sont
thématiques plus ciblées des nouveaux pro-
journée dans des structures simples ; ils appren- en préparation (Réunion, Poitou-Charentes).
grammes ou d’exemples associés (transgres-
draient ainsi à se repérer sur une carte topo-
sion du Crétacé supérieur, littoral, glaciation
graphique, à visualiser le rapport entre le
et périglaciaire…). B.S., D.J., P.N.
relief et sa représentation cartographique,
à comprendre la signification du dessin d’un Le site spécialisé EDUTERRE (http://eduter-
contour, à saisir l’importance de la repré- re.brgm.fr), réalisé en partenariat avec l’INRP La carte dans
sentation des formations superficielles. Cet- (Institut National de Recherche Pédagogique) l’enseignement secondaire
te initiation devrait à notre avis être un préa- permet d’accéder à des bases de données (bases
lable à tout enseignement de cartographie. Pour comprendre les phénomènes géolo-
BRGM et bases externes IGN, NASA ...). Il giques, une représentation des relations spa-
permet aussi d’ajouter des sources d’informations tiales et temporelles des objets est nécessai-
D.R., N.S
complémentaires depuis de fichiers constitués re : la carte géologique est indispensable à
par l’utilisateur et de disposer d’outils simples l’enseignement des sciences de la Terre.
Des cartes géologiques de mise en forme et d’analyses de ces Selon le niveau, du début du collège à la fin
de France à usage sources d’information (outils de production de du lycée, les études s’intéressent à des échelles
pédagogique cartes et d’analyses thématiques). Ce site est différentes, du local au global : toute la pano-
en cours de construction. plie des documents cartographiques est sus-
Parmi la demande publique, on constate le ceptible de fournir des supports de réflexion.
besoin croissant d’une information plus La carte des Curiosités géologiques de Fran- Mais la carte géologique est un document com-
pédagogique. Les enseignants sont toujours ce à 1/1 000 000 (IGN/BRGM). Au rec- plexe, qui traduit à la fois les observations de
à la recherche de supports didactiques to, des pictogrammes classés en 5 thèmes terrain et les modèles explicatifs du moment.
(géosites, musées, eau, énergies, réserves Son exploitation est de ce fait délicate, et ren-
Géochronique n°96, 2005 23
Dossier
contre des obstacles nombreux : passage du aujourd’hui qu’une pile de terrains est pleine témoigne aussi de l’activité des hommes, en
paysage observé à sa représentation en de « trous » temporels). Il n’en reste pas moins indiquant l’emplacement des mines et carrières.
plan, de la description de surface à une com- qu’ils conservent une valeur historique indé-
préhension en trois dimensions, multiplicité et niable. C’est ce qui explique qu’une collection P. De W.
abstraction des symboles ... de livres va leur être consacrée, intitulée Patri-
moine géologique national : les stratotypes.
L’identification des cartes au 1/50 000e les Chaque stratotype sera traité dans un volume, Comment cartographier
plus utilisables a été un pas important dans destiné au public, afin que celui-ci puisse prendre les bassins sédimentaires ?
l’aide que l’on peut apporter aux ensei- conscience de son patrimoine et soit conduit Les cartes géologiques sont dans la majorité
gnants. Une réflexion sur l’intérêt pédagogique à avoir envie de se le réapproprier, de le pro- des pays des cartes lithologiques, c’est-à-dire
des autres échelles disponibles, notamment le téger. cartographiant des unités ayant les mêmes carac-
millionième et le 1/250 000e, serait égale- Le patrimoine géologique se niche aussi au téristiques physico-chimiques. En géologie sédi-
ment justifiée. Mais au-delà, la mise à dispo- coeur des cités car, outre les magnifiques bor- mentaire, cela se traduit par la cartographie
sition progressive des versions numérisées ouvre dures de trottoirs, bien des monuments revê- de sédiments ayant été déposés dans un même
des perspectives nouvelles : superposition de tent des qualités architecturales, artistiques. Leur milieu de sédimentation, c’est-à-dire ayant le
données géoréférencées, visualisation en 3D, vieillissement nécessite un entretien ; aussi convient- même faciès sédimentaire. En France, mal-
traitement quantitatif… L’équipement des éta- il de pouvoir les réparer, si possible avec la heureusement, nous avons connu un chemin
blissements scolaires en connexions Internet à même pierre que celle d’origine. Et c’est là que différent, cartographiant non des lithologies
haut-débit se généralise rapidement et, à ter- l’historien et le géologue se tournent vers la mais des âges, des intervalles de temps. Ceci
me, l’accès aux ressources en ligne deviendra carte géologique pour trouver réponse à leur est imputable à la culture de notre communauté
dominant. quête. Témoin du passé de la Terre, la carte géologique qui fut très fortement dominée par
G.M.
ET LE 80 000e ?
La patrimoine
géologique Les premières éditions de la carte géo-
logique furent réalisées sur le support
La première carte géologique est née d’une
topographique de la carte d’État major.
volonté d’effectuer un inventaire des richesses
Ce fond topographique, en hachures,
minéralogiques (= relevant du monde miné-
est parfois difficile à lire mais il met
ral) de la France. Elle est due à Jean-Etienne
bien en évidence le relief grâce au
Guettard qui a présenté une feuille en 1746
contraste entre les zones à relief faible,
et qui entreprend ensuite, aidé par le jeune
aux hachures espacées, et les zones
Lavoisier, un projet pour toute la France. Seules
à relief accentué, aux hachures plus
quelques feuilles ont été publiées, notamment
ou moins serrées.
la «carte minéralogique des environs de Fon-
Les premières éditions de la carte géo-
tainebleau, Estampes et Dourdan» gravée en
logique datent de la fin du XIXe siècle.
1767.
Elles constituent des documents pré-
Deux siècles et demi plus tard, on parle enco- cieux, en particulier pour les archéo-
re d’inventaire national et il s’agit cette fois de logues qui travaillent sur l’origine des
celui du patrimoine géologique. En effet, alors matériaux de construction ou de
qu’elle fut pionnière en la matière, la France décoration des monuments ou des bâti-
se retrouve aujourd’hui lâchée par le peloton ments d’une cité. On trouve sur ces
des nations qui s’intéressent à leur patrimoi- premières éditions, en effet, des
ne géologique. C’est grâce à la loi de Démo- indications sur de nombreuses petites
cratie de Proximité de février 2002 précisant carrières souvent exploitées depuis le
que la géologie s.l. fait partie de la nature (de Moyen Âge et aujourd’hui disparues,
façon légale) que cet inventaire va être lancé comblées, oubliées. Ces carrières n’ont
au tout début 2006. Le patrimoine géologique pas laissé de traces suffisantes pour
concerne des objets ex-situ que sont les col- que les éditions récentes de la carte Les « comptes rendus des collaborateurs » étaient une
lections (celles qui restent) et le patrimoine in géologique les mentionnent. Mais, en publication où le géologue chargé d’une carte
situ. Celui-ci doit donc être localisé sur une car- partant de la première édition à consignait ses observations. Le magazine Géologie de
te et géoréférencé. 1/80 000, des indices de terrain, par- la France lui a succédé.
Les cartes géologiques sont basées sur la notion fois discrets, permettent d’identifier ces
d’étages établis à partir de stratotypes. anciennes carrières. Ces cartes étaient accompagnées d’une notice courte. Mais la briè-
Cette notion ayant été introduite par Alcide d’Or- veté de cette notice était largement compensée par des publications de compte-rendus des
bigny au milieu du 19e siècle, la France est collaborateurs ou par la publication de mémoires importants dans le Bulletin du service de
le berceau de la stratigraphie et a la chance la carte géologique de la France. Il ne faut donc pas ranger ces cartes dans les rayons des
de posséder beaucoup de stratotypes. Ces stra- antiquités mais savoir les utiliser comme source bibliographique, en particulier pour l’his-
totypes, une quarantaine en France, sont des toire des sciences et des techniques.
étalons internationaux dont la représentativi- J.L.
té temporelle est parfois limitée (on sait

24 Géochronique n°96, 2005


Dossier
les biostratigraphes : on cartographiait sur la correspondant à des étapes bien particulières connaître la géométrie des sédiments et, pré-
base du contenu paléontologique ! Cette ten- du bilan niveau marin relatif / flux sédimen- férentiellement, en 3D. Cela suppose (1) de
dance a été rectifiée depuis une dizaine d’an- taire, donc des variations tectoniques et/ou bonnes conditions d’affleurements et / ou de
nées. Nous cartographions désormais des uni- eustatiques. Elles délimitent des paquets de sédi- nombreuses données de subsurfaces (sondages
tés lithostratigraphiques, conformément à la ments ayant autant de faciès (donc de litho- avec diagraphies, sismique de qualité..), (2)
nomenclature internationale (Guillocheau et Jui- logies) que de milieux de sédimentation un excellent calage temporel (biostratigraphie
gnet, 1994) : les formations, subdivisées en constituant le profil de dépôt du bassin. Deux croisée sur plusieurs groupes, magnétostrati-
membres et regroupées en groupes. discontinuités successives séparent donc plu- graphie, bentonites datées...) et, en conséquence
sieurs formations, au sens lithostratigraphique (3) des études longues, donc coûteuses en
Depuis 1949, et l’invention par Sloss, Krum- du terme, passant latéralement les unes aux salaires...
bein et Dapples du concept d’unité stratigra- autres. Les lignes-temps n’ont aucune expres- Faut-il généraliser une cartographie en
phique délimité par des discordances (« uncon- sion lithologique particulière puisqu’elles cor- séquences de dépôts ? Un tel exercice ne peut
formity-bounded units »), la stratigraphie a connu respondent à la topographie du bassin (le pro- être qu’une information superposée sur une car-
une révolution : le concept de séquence de dépôt fil de dépôt) à un instant donné. Les séquences tographie lithostratigraphique standard. Com-
était né ! de dépôts sont donc des entités pluri-litholo- me nous venons de le voir les informations requises
Que recouvre cette notion ? Il s’agit de défi- giques séparées par des discontinuités, expres- pour tracer des séquences de dépôts suppo-
nir des unités stratigraphiques qui enregistrent sion de moments particuliers des variations tec- sent de nombreuses études pluridisciplinaires,
les variations des deux paramètres contrôlant toniques ou eustatiques. Chaque changement donc des interprétations susceptibles d’être remises
l’évolution des enveloppes externes de la ter- de formation, correspondant à une ligne de en causes. Il faut au maximum coller aux don-
re (donc les bassins sédimentaires) : la défor- faciès, traduit un changement de milieu de sédi- nées factuelles : la lithologie ! Se rajoute un
mation des plaques lithosphériques et le cli- mentation le long du profil de dépôt, c’est-à- travers bien humain, le recours aux modèles
mat. Les pères fondateurs de la stratigraphie dire le long des lignes-temps ! prêts-à-penser. L’évolution des idées en strati-
séquentielle (Jervey, 1988 ; Posamentier et al., graphie montre, ô combien, comment les modes
1988) ont montré que les mouvements des Chang (1975) a proposé d’introduire ces peuvent influer notre façon d’analyser les sédi-
plaques lithosphériques et le climat contrôlaient séquences de dépôts comme des entités stra- ments. Du tout tectonique des années 50 et 60
indirectement l’enregistrement sédimentaire au tigraphiques cartographiables avalisant les syn- (Sloss, 1963, 1964 ; Sloss et Speed, 1974),
travers de trois paramètres, la déformation du thèses effectuées par Sloss (1963, 1964) sur nous sommes passés au tout eustatique (Vail
substratum du bassin (la tectonique), l’eusta- le craton nord-américain. Trente ans après était- et al., 1977 ; Vail, 1992) avant d’arriver à
tisme et lse flux sédimentaires (flux terrigène ce une bonne idée ? la situation actuelle où nous réalisons que nous
et flux néoformé dans le bassin : carbonates, Il faut tout d’abord signaler que les tentatives avons négligé le flux sédimentaire ! Quoi qu’il
évaporites...). de cartographie de séquences de dépôts sont en soit, la demande accrue d’informations géo-
Ces séquences de dépôts enregistrent un cycle peu nombreuses. Un exemple classique est le métriques 3D à l’échelle des bassins sédimentaires,
d’avancée - recul du littoral, expression de la travail effectué par Mutti et ses collaborateurs aussi bien en recherche fondamentale qu’ap-
variation du bilan niveau marin relatif / flux en 1988 sur le bassin d’avant-pays sud-pyré- pliquée (géométrie des réservoirs et couvertures),
sédimentaire. Ces cycles s’accompagnent néen où le Paléogène a été cartographié en supposera de faire évoluer notre façon de car-
de la formation de discontinuités cartographiables séquences de dépôts de quelques millions d’an- tographier les bassins sédimentaires, en inté-
comme des érosions continentales (« uncon- nées de durée, depuis la plate-forme jusqu’aux grant une double culture tectonique et sédi-
formity »), des avancées brutales vers la mer systèmes turbiditiques « profonds ». mentologique forte !
des littoraux (« downward shift ») ou des conden- ourquoi un si faible engouement ? Cartogra-
sations marines généralisées. Ces discontinuités phier des séquences de dépôts suppose de bien F.G.

Modèle 3D de la Limagne.

Géochronique n°96, 2005 25


Dossier
Carte et tectonique : avant la déformation sans que cette opération déformations, l’équilibrage doit être réalisé
l’équilibrage des coupes fasse apparaître des impossibilités géométriques. pour chaque déformation ;
géologiques Par exemple, avant et après dépliage ; (1) la - la formulation d’hypothèses tectoniques per-
longueur de la base d’une couche plissée com- mettant l’équilibrage implique des choix sur les
prise entre deux traits-repère doit rester la même ; modes de déformation. On peut admettre que
L’équilibrage des coupes géologiques est le raccourcissement (ou l’extension) est dû au
une avancée considérable dans la compréhension (2) si l’on prend deux bases de couches situées
à des profondeurs différentes dans la série stra- jeu d’accidents tectoniques (le raccourcissement
des structures géologiques complexes comportant dû aux plis étant connu par construction) ; on
des plis, des failles et des chevauchements. Cet- tigraphique, leurs longueurs respectives mesu-
rées entre deux plans axiaux de plis doivent peut admettre également, en particulier pour
te méthode permet entre autres une représentation les séries incompétentes épaisses, que le rac-
réaliste des zones profondes, en général igno- rester égales entre elles.
courcissement (ou l’extension) est dû à la défor-
rées sur les coupes classiques. Les précurseurs mation interne de la série (cisaillement couche
sont le français J. Goguel et surtout le suisse Equilibrer une coupe consiste à formuler une sur couche). Bien sûr il est possible de combi-
H. Laubscher à qui on doit la publication de suite d’hypothèses tectoniques qui conduiront ner les deux modes de déformation.
la première coupe équilibrée, située dans le à augmenter ou diminuer la surface mesurée
Jura suisse. Depuis, l’équilibrage des coupes sur la coupe initiale jusqu’à obtention de sur- Il faut souligner que plus on dispose de don-
s’est considérablement développé sous l’impulsion faces identiques sur la coupe initiale et sur la nées contraignant la coupe, meilleur sera l’équi-
de la recherche pétrolière, grâce en particu- coupe dépliée, appelée coupe restaurée (la librage ; en particulier il est indispensable d’avoir
lier aux géologues anglo-saxons. surface de la coupe dépliée pouvant être elle- le maximum d’informations sur la structure en
Les principes de l’équilibrage sont simples. Si même déterminée de façon indépendante). profondeur grâce aux forages et aux sections
dans une région donnée on considère le volu- Cette opération se fait par essais successifs, sismiques. Par ailleurs, l’équilibrage « à la main »
me global des terrains déformés, on postule avec à chaque fois comparaison des surfaces est une opération longue, délicate, et surtout
que ce volume est conservé pendant la défor- avant et après déformation, d’où l’expression imprécise. Aussi utilise-t-on actuellement des
mation. Sur une coupe traversant ce volume anglaise imagée « balanced cross-section ». logiciels d’aide à l’équilibrage (comme par
déformé, le postulat précédent implique la conser- Il faut bien insister sur le fait qu’une coupe équi- ex. LOCACE® développé conjointement par
vation des surfaces dans le plan de la coupe. librée ne correspond pas forcément à la réa- Total CFP, Elf Aquitaine, l’Institut Français du
Cela veut dire que la surface définie sur la cou- lité ; en revanche, elle ne comporte pas de Pétrole, et AGIP).
pe d’une part par deux traits-repère à l’origi- contradiction géométrique intrinsèque, alors
ne et à l’extrémité et d’autre part par la base que c’est fréquemment le cas sur une coupe Peut-on équilibrer les coupes dans tous les
de la couche la plus profonde connue et le som- non équilibrée. Notons que sur cette derniè- domaines structuraux ? On a d’abord pri-
met de la couche la plus élevée doit rester constan- re, l’existence d’une telle contradiction ne peut vilégié les domaines de la fracturation et
te si on supprime la déformation ; cette condi- en général être décelée que grâce à une ana- du plissement isopaque en considérant que,
tion est réalisée s’il n’existe pas de déformation lyse détaillée. dans les domaines plus profonds, la défor-
Une coupe peut être équilibrée si certaines mation intense et surtout non homogène empê-
non parallèle au plan de coupe, entraînant une
conditions sont respectées : chait de contraindre les solutions d’équili-
« fuite » latérale de matériel. Par ailleurs, la
- la construction d’une coupe qu’on désire équi- brage de façon suffisante. Cependant rien
conservation des surfaces implique la conser-
librer doit être obligatoirement parallèle à la n’empêche en théorie d’équilibrer des
vation des longueurs, en l’occurrence les lon-
direction régionale de raccourcissement ou coupes en domaine de plissement anisopaque.
gueurs des limites de couches avant et après
d’extension. Il est donc nécessaire de connaître D’ailleurs LOCACE le permet, le plus
déformation. Une coupe géologique respec-
cette direction, qui n’est pas nécessairement important étant encore une fois de s’imposer
tant ces conditions de conservation des surfaces
perpendiculaire à celle des plis cartographiques ; des règles (conservation des surfaces,
et des longueurs est dite rétrodéformable ; on conservation des longueurs et déformation
- si le domaine structural étudié a subi plusieurs
peut la « déplier » pour restituer l’état initial plane). Si une de ces règles n’est pas res-
pectée alors la coupe est fausse. Toutefois
Anticlinal du fort du Portalet. Coupe équilibrée de la « Matûre », d’après A. Daudignon 2002 on peut déroger à une de ces contraintes
(feuille Laruns-Somport à 1/50 000 n° 1069). si au moins deux d’entre elles sont main-
tenues ; par exemple dans le cas des couches
salifères faisons l’hypothèse que la surfa-
ce est conservée et que la déformation est
plane ; dans ce cas les épaississements exa-
gérés peuvent être acceptés en s’autorisant
un degré de liberté, en l’occurrence la lon-
gueur des limites de couches. En revanche
dans le cas des domaines métamorphiques,
trop de paramètres interviennent pour
qu’on puisse actuellement proposer des solu-
tions d’équilibrage réalistes.
En tout cas les nouvelles cartes géologiques
couvrant des zones déformées devraient pro-
poser en légende des coupes équilibrées
(lorsque bien sûr cette opération est pos-

26 Géochronique n°96,
n°95, 2005
Dossier
sible) ; quant à la réédition de cartes plus À l’appui de ces constats, une nouvelle prement dite a été précédée par une analy-
anciennes, elle doit être l’occasion d’introduire phase de cartographie géologique et struc- se détaillée de la topographie en utilisant la
ces coupes ou de réviser les coupes exis- turale a été lancée en 2000, pour chercher photographie aérienne et le MNT. Il s’agis-
tantes ; en effet, si une coupe rétrodéfor- à revoir ces formes de surfaces-repères, dif- sait de détecter les structures géologiques
mable n’est pas obligatoirement juste, une ficilement explicables dans le contexte géo- potentielles en recherchant leurs influences
qui ne l’est pas est nécessairement fausse ! logique local. La réduction de ces incerti- sur la géométrie du réseau hydrographique
tudes passait en effet nécessairement par la et le modelé du relief.
En conclusion, l’utilité des coupes équilibrées réalisation d’une nouvelle cartographie La recherche systématique des replats et des
est d’apporter des représentations des ciblée sur le secteur de Poissons, tout en ruptures de pente, d’origine lithologique ou
structures géologiques plus complètes et plus cherchant à établir une chronologie possible tectonique, a tenu compte des facteurs qui
vraisemblables que celles des coupes clas- des différentes phases tectoniques ayant peuvent altérer le signal, tels que les dépôts
siques. On est alors en mesure, à partir de affecté la région entre le Trias et l’Actuel. de pente (éboulis, colluvions) et les instabili-
ces coupes, de tester des processus méca- Ce travail a été réalisé par une équipe de tés de versant (glissements en masse). À ce
niques ou géophysiques complexes sur géologues structuralistes, stratigraphes et stade, les alignements de talwegs et les ano-
des géométries sinon réelles, en tout cas moins photo-interprétateurs. Le contexte géogra- malies détectées en bordure de côte n’ont
« géopoétiques » qu’auparavant ! phique régional (en particulier l’importance été interprétés en termes de structures tecto-
de la couverture végétale) raréfiant les niques qu’avec circonspection mais ils ont
D.R., F.M affleurements de bonne qualité pour un lever constitué l’un des principaux guides de pros-
géologique, la cartographie de terrain pro- pection des failles sur le terrain.
Les moyens appliqués
pour une approche 3D
intégrée : cartographie
Modèle structural consolidé du secteur de Bure : état des connaissances fin 2003 (document ANDRA).
géologique et structurale
En bleu, les accidents qui n’affectent que la couverture. En brun, ceux qui s’enracinent dans le socle.
du secteur de Bure
En phase de reconnaissance préliminaire,
en 1994, l’Andra a tout d’abord précisé la
cartographie géologique au 50 000e dans
l’environnement du site de Bure selon une
bande de terrain d’environ 700 km2 depuis
Bazincourt au nord du département de la
Meuse jusqu’à Saint Blin – Semilly en Haute-
Marne. Les nouveaux tracés ainsi établis ont
été également raccordés à ceux des feuilles
de Bar-le-Duc, Joinville, Doulaincourt et
Neufchateau. Cette approche a nécessité
que la cartographie de terrain proprement
dite soit couplée à l’utilisation des logs lithos-
tratigraphiques des forages pétroliers dispo-
nibles dans la périphérie, améliorant la
vision " verticale " de la série sédimentaire.
En parallèle, le retraitement et l’interpréta-
tion de la sismique pétrolière disponible ont
été intégrés aux acquis de terrain et aux logs
de forages pour permettre de compléter un
processus de modélisation 3D suggérant
d’éventuelles incohérences.
Cette première étape des travaux réalisés en
Meuse/Haute-Marne a bien évidement faci-
lité les choix d’implantation des deux pre-
miers forages de reconnaissance géolo-
gique qui ont permis de caractériser la cou-
verture sédimentaire entre le Kimméridgien
terminal et le Trias évaporitique sur une puis-
sance d’environ 1100 mètres. Les dernières
données issues de ces forages ont ensuite
complété le modèle 3D – par modeleur
gOcad® – en précisant le tracé de certaines
surfaces de formation en profondeur et en
identifiant plus clairement les quelques inco-
hérences géométriques soupçonnées.

Géochronique n°96, 2005 27


Dossier
À l’appui de cette approche morpholo- Secteur de Bure, fossé de Joinville :
gique, la cartographie de surface a été rôle de la halite du Keuper
poursuivie selon plusieurs approches com- dans la tectonique liasique
plémentaires : une recherche d’indices (document ANDRA).
directs de failles sur le terrain, une analyse
microtectonique systématique, une étude Cette tache conduite par une équipe consti-
lithostratigraphique fine. Enfin, en complé- tuée de géologues structuralistes spécialistes
ment, la constitution de cartes en isohypses, du Bassin de Paris, renforcée par des inter-
par interpolation entre altitudes des limites prétateurs géophysiciens experts / spécia-
de couches pour chacune des principales listes de ce bassin, a été conduite selon une
formations affleurantes, a permis de préciser méthodologie originale prenant en compte
les inflexions locales ou leurs rapproche- l’incertitude à chaque étape d’acquisition et
ments brusques qui sont autant d’indices d’interprétation de données. Ses différentes
d’anomalies structurales possibles. étapes ont été les suivantes :
- Phase 1 : Analyse critique des données
La carte géologique et structurale ainsi mise cartographiques et identification des incerti-
au point nécessitait une nouvelle fois sa mise tudes.
en cohérence avec une interprétation globa- Elle consiste en un inventaire exhaustif de géométriques des failles. Cette approche
le des profils sismiques disponibles, anciens tous les éléments cartographiques et structu- permet d’identifier, de hiérarchiser et de
ou plus récemment acquis et retraités ; c’est raux disponibles, afin d’évaluer le niveau de classer les failles. Ce modèle conceptuel per-
ce qui fut fait en 2002 et 2003. connaissance atteint sur les caractéristiques met de dresser un “catalogue des failles”
afin d’identifier chaque segment (figure 1)
Secteur de Bure : classement absolu des structures selon leur extension cartographique pour faciliter l’interprétation des profils sis-
et la profondeur de leur enracinement (document ANDRA) miques et s’assurer que géologues et géo-
physiciens parlent des mêmes objets structu-
raux.
- Phase 2 : Interprétation des données sis-
miques.
Cette phase est scindée en une première
étape d’analyse des données et interpréta-
tions disponibles, et une seconde, d’inter-
prétation homogène des sections sismiques
2D sur station de travail Landmark®. Les
horizons qui ont été pointés au cours de l’in-
terprétation, ont été choisis comme les plus
démonstratifs quant à l’évolution géodyna-
mique des failles et nécessaires aux besoins
des modélisations 3D.
- Phase 3 : Consolidation du modèle struc-
tural de secteur.

La mise en cohérence entre les données car-


tographiques de surface et la géométrie des
failles en profondeur permet d’établir un
modèle structural consolidé homogène. Elle
conduit à un classement absolu des failles
entres elles, d’une part selon leur extension
latérale (principale, secondaire, mineure),
d’autre part selon les horizons recoupés
(socle primaire, couverture sédimentaire
superficielle jurassique et crétacée) et leur
enracinement en profondeur, découplage
d’une structure entre le socle et la couvertu-
re, au niveau du Trias, et notamment au
niveau des formations salifères (halite du
Keuper).

Le modèle structural consolidé, ainsi établi,


a conforté la cartographie géologique de
surface en confirmant la cohérence géomé-
trique générale. Cette vision géométrique
des résultats sous forme de bloc-3D, en utili-

28 Géochronique n°96, 2005


Dossier
sant le modeleur gOcad®, agit par ailleurs L'Andra remercie l'ensemble des géologues, Les besoins de
comme un révélateur d’incohérences ponc- structuralistes, géophysiciens des sociétés l’industrie minérale
tuelles ou d’incertitudes résiduelles qui sont Antea, Geoter, et des organismes d'ensei-
autant de pistes de reconnaissances supplé- gnement et de recherche, G2R, Igal, BRGM,
mentaires pour continuer à améliorer cette ainsi que Françoise Bergerat et Dominique Minerais et minéraux industriels
cartographie. Frizon de Lamotte - UMR 7072 - qui lui ont Pour les besoins du présent dossier, Géochronique
permis de mener à bien les travaux de car- a analysé la conjoncture de ces dernières années
L’expérience de cette reconnaissance du sec- tographie géologique et structurale sur l'Est et consulté, à titre d’éclairage, la compagnie
teur du laboratoire de Bure montre la néces- du Bassin de Paris au cours de ces dernières minière AREVA/COGEMA.
sité de croiser les méthodes d’investigation années. L’exploration minière pour les substances
et celle de réactualiser en permanence les R.A.J. et P.E. concessibles a connu en France ces dernières
cartes et l’interprétation lors de l’arrivée de années une évolution radicale : l’exploitation
données nouvelles. et la prospection pour les métaux et pour la
fluorine ont pratiquement disparu. Par contre,
la hausse des produits pétroliers a entraîné un
intérêt renouvelé pour la prospection des sub-
Secteur de Bure : marqueurs lithostratigraphiques pointés sur les profils sismiques (document ANDRA). stances énergétiques, tandis que l’intérêt pour
les minéraux industriels (diatomite, zéolites, argiles,
calcaire à ciment etc) se maintenait.

De façon générale, les sociétés minières ont


besoin de bonnes cartes géologiques au
1/50 000 pour une approche globale lors de
la phase de prospection générale. Le but est
soit de comprendre le contexte géologique et
métallogénique des indices métalliques, soit
d’orienter une exploration dans des zones non
prospectées où le contexte géologique est favo-
rable. Par exemple, le développement de la
consommation de la « litière à chats » a entraî-
né le renouveau de l’intérêt des groupes indus-
triels pour les anciens lacs de cratères d’ex-
plosion phréato-magmatiques (« maars ») qui
souvent ont favorisé la concentration de
diatomite. Les progrès dans la cartographie
au 1/50 000 des régions volcaniques
récentes sont donc suivis de près.

L’échelle du 1/50 000 est pratique mais très


vite les départements d’exploration des socié-
tés minières sont amenés à faire leur propre
cartographie à des échelles plus adaptées
(1/10 000) à la prospection détaillée des indices.
Ensuite les travaux de développement miniers
exigent des échelles encore plus grandes
(1/1 000 à 1/200).

Pour les exploitants du sous-sol comme pour


ses aménageurs, l’accès à l’information géo-
logique cartographique ou plus simplement ponc-
tuelle doit être facilité. La tendance semble pri-
se par la mise en place d’outils de consultation
publique et gratuite comme Infoterre. Elle doit
être confirmée par leur développement pour
tenir compte du grand volume d’information
qui est hélas disponible sous une forme dis-
persée et peu structurée pour être aisément gérée.
Avec l’appui des exploitants et des aménageurs,
le service public est le seul acteur capable de
mener un tel projet.
F.T., L.L., P.L. et J.F.

Géochronique n°96, 2005 29


Dossier
Les besoins routiers, les granulats La migration vers les roches dures alluvionnaires. En particulier, un schéma direc-
teur de l’approvisionnement de l’agglomération
Jusqu’à ces dernières années, les granulats à La plus grande partie de ces ressources est déjà parisienne en granulats a été réalisé en 1996.
béton étaient en majorité exploités dans des épuisée. Le reste a été retiré à jamais des pos- Ce travail a été confié à l’Institut d’Aménagement
alluvions de rivière. Mais l’épuisement des gise- sibilités d’extraction par l’occupation du sol pour et d’Urbanisme de la Région Île-de-France (IAU-
ments, les difficultés réglementaires crois- d’autres usages : urbanisation, réseaux routiers RIF) et au BRGM, et tous les acteurs ont partici-
santes pour l’accès à la ressource et les conflits et ferroviaires. En effet, les gisements de granulats pé (administrations, profession, environnement,
d’usages entre les différentes ressources de ce alluvionnaires correspondent en général à des associations). Les ressources ont été délimitées
milieu (eau, agriculture, urbanisation notam- plaines alluviales qui offrent des terrains plats idéaux sur des cartes en utilisant les contours des for-
ment) ont conduit à exploiter de plus en plus pour y construire les villes, les voies de communication, mations alluvionnaires indiqués sur les cartes à
pour granulats des gisements en roche dure, les réseaux, pour y pratiquer la culture intensi- 1/50 000. Pour calculer le volume de granu-
où le matériau doit être concassé. Ceci a entraî- ve. Plus récemment, à ces contraintes très lats disponible à l’aplomb de ces surfaces, on
né une évolution dans l’usage important qui anciennes sont venus s’ajouter les impératifs de a recherché et dépouillé les quelques 8000 dos-
était fait de la carte géologique à 1/50 000, préserver la qualité des ressources en eau sou- siers de sondages disponibles dans la BSS et
que ce soit pour la prospection comme pour terraine, et d’autres ressources relatives au patri- dans les archives des laboratoires de l’Equipe-
les schémas départementaux des carrières, ces moine, la faune et la flore protégées, la chasse ment et des Centres d’Etudes Techniques de l’Equi-
outils de gestion prescrits par l’administration et la pêche etc. Ces contraintes croissantes et pement (CETE) pour ces secteurs. On a aussi uti-
qui sont apparus dans les années 90 (voir Géo- la necessité d’avoir une base factuelle objecti- lisé ces sondages et le modèle numérique de terrain
chronique n° 63, 1997). ve pour les discussions et les concertations mul- de l’IGN à1/20 000 pour tracer le profil trans-
tiples ont conduit l’administration à créer un outil versal de chaque vallée alluviale au niveau du
de gestion pour arbitrer de façon publique les bed rock suivant des intervalles choisis en fonc-
La prospection en plaine usages conflictuels du sol et du sous-sol. C’est tion du profil géomorphologique de la vallée.
Pour repérer les gisements favorables, les exploi- le schéma départemental des carrières. Le De la sorte, on a pu calculer le volume et le ton-
tants utilisent les services des géologues et leur document de base qui sert à son élaboration est nage disponible « hors contraintes ». On a ensui-
premier document de travail est la carte géo- la carte géologique régulière à 1/50 000. Chaque te mesuré la part de ces surfaces qui est grevée
logique régulière à 1/50 000 (ou à défaut formation théoriquement exploitable est repérée irrémédiablement par des contraintes « de fait »
celle à 1/80 000). Le second outil est la Banque à 1/100 000 sur la carte du schéma par le contour (zones urbanisées, zones protégées) et celle sou-
des données du sous-sol du BRGM (BSS). Le géométrique qu’elle occupe sur le 1/50 000. mise à des contraintes moins définitives, éven-
géologue peut la consulter par Internet avant Pour ces motifs, l’exploitant a dû reporter l’ex- tuellement révisables. Ainsi, on a remis aux déci-
de se rendre au service géologique régional ploitation sur les carrières de roches dures. Au deurs et au public des chiffres de ressources et
pour dépouiller les dossiers-papier des différents préalable, les ressources alluvionnaires res- différents scénarios pour concilier leur utilisation
sondages qui ont traversé les alluvions. Ils le tantes, dont le coût d’extraction est bien moindre, la plus rationnelle possible et les autres utilisa-
renseignent sur l’épaisseur, la qualité du gra- ont été passées « au crible ». Plusieurs régions tions du sol et du sous-sol.
nulat et la profondeur de la nappe qu’il fau- ont lancé un véritable inventaire de leurs ressources
dra rabattre, ce qui induira un coût énergé-
tique et des nuisances à gérer et par la suite Le géologue cartographe du futur
à réparer. Le réaménagement des carrières (mais ce sera peut-être une femme…)
étant en outre devenu obligatoire, la carte géo-
logique permet aussi au géologue de mieux
prévoir la remise en état finale du site et de
localiser les matériaux disponibles pour rem-
blayer la carrière.
En ce qui concerne les granulats disponibles
à l’état quasi « prêt à l’emploi » dans des gise-
ments alluvionnaires, la plupart des res-
sources du pays sont aujourd’hui bien cir-
conscrites. Le principe de base est de
considérer comme gisements potentiels tous
les terrains de la carte qui sont cartographiés
comme alluvions anciennes et récentes, ter-
rasses, moraines. De tout temps, les compa-
gnies n’ont pas demandé aux services publics
de cartographier ces ressources à une échel-
le plus fine. Elles partent du principe de ne
pas mettre dans le domaine public des docu-
ments qui ne pourraient que contribuer à fai-
re monter le coût de la maîtrise foncière des
zones potentielles (le granulat étant un maté-
riau non concessible, l’exploitant doit acqué-
rir auprès du propriétaire du sol, moyennant
une redevance, la permission d’exploiter le
sous-sol ou acquérir les terrains).
30 Géochronique n°96, 2005
Dossier
Pour la recherche des gisements de roche dure, benthos, ressources de la pêche...) et des ils effectuent en outre de très nombreuses ana-
le géologue utilise la carte géologique au 1/50000 zones réservées (itinéraires de navigation etc.) lyses de caractérisation des propriétés physiques
mais il doit engager des études plus fines, tant qui imposent une gestion concertée de leur exploi- des matériaux qui, dans l’état actuel, pour des
sur le terrain qu’au laboratoire. tation qui a commencé (par dragage) en cer- motifs de lisibilité, ne sont pas reportables à
Enfin, une seconde voie de substitution pour les tains points. La carte géologique est donc une l’échelle du 1/50 000 sur les cartes régulières.
granulats alluvionnaires s’est ouverte il y a une des sources de données à prendre en compte. Ils doivent donc instruire et tenir à jour des docu-
décennie avec les granulats marins. D’importants En ce qui concerne les matériaux pour remblais ments de travail internes parallèles, sous for-
gisements de ce type ont commencé à être inven- routiers (à terre) une grande finesse est requi- me de bases de données. Pour cette raison,
toriés par l’IFREMER dans les années 70 au lar- se pour la prospection. Les laboratoires des Ponts les besoins en matière de cartographie géo-
ge des grands estuaires de la facade atlantique et Chaussées et les CETE associés sont passés logique « pour le futur », ce sont désormais des
du pays (Baie de Seine surtout) et sur d’autres maîtres dans ce domaine depuis des décen- cartes de paramètres et, globalement, un sys-
côtes. Depuis, l’effort des pouvoirs publics et des nies. Ils utilisent au départ les cartes géologiques tème qui permette de restituer ces données à
opérateurs s’est reporté comme à terre sur la réa- régulières à 1/50 000 mais ils doivent com- la demande et de les superposer aux données
lisation de cartes factuelles des différentes biner leurs données avec de multiples paramètres cartographiques traditionnelles.
autres ressources à préserver (flore sous-marine, géotechniques. La BSS est un de leurs outils mais J.F.

VALEUR ÉCONOMIQUE DES CARTES GÉOLOGIQUES

Après la cartographie géologique à 1:24 000 des états du Kentucky et de l’Illinois, une étude a été entreprise pour estimer la valeur
économique de ce travail.
L’établissement de la carte du Kentucky a coûté 90 millions de dollars dont 27,7 millions ont été récupérés dans la commercialisation des
cartes. Une enquête a été menée auprès de 2 200 utilisateurs, dont 440 ont répondu. Elle fait apparaître que :
- la collecte des données aurait représenté 17 % des coûts des projets, en l’absence de la carte ;
- le coût minimum épargné dans la collecte des données se monte à 27 776 $ par feuille de la carte ;
- l’existence de cartes géologiques détaillées a permis une économie de 43 527 $ par feuille de la carte ;
- il faut en soustraire 342 $ pour l’achat d’une feuille.
On aboutit pour l’ensemble de la couverture du Kentucky à une valorisation entre 2,25 et 3,35 milliards de dollars, soit 25 à 39 fois le coût
de la réalisation des cartes.

M.J. (d’après le Service géologique d’Illinois et Geotimes déc. 2000)

Les nouveaux besoins


La carte du futur d’aléas* (risques sismiques, cavités souterraines, représenté à diverses échelles et se doit de
retrait-gonflement des argiles, glissements préserver une cohérence géométrique dans
En France, comme à l’étranger, la carte géo- de terrains, inondations, avalanches etc.). La les trois dimensions de l’espace.
logique est l’un des vecteurs primordiaux pour gestion raisonnée des ressources (eau, éner-
la mise à disposition de la connaissance de gies, matériaux...) exige également des Depuis une vingtaine d’années, la carte
l’infrastructure géologique, indispensable au modèles géologiques perfectionnés s’ap- géologique a évolué en accompagnant les chan-
développement économique d’un pays. puyant toujours en première analyse sur la car- gements liés à trois révolutions conceptuelles
te géologique. et technologiques majeures :
Outil de gestion et d’aide à la décision Pour toutes ces raisons, la carte géologique La connaissance de la dynamique des enve-
est un instrument essentiel du développement loppes externes et internes de la terre a pro-
Du point de vue des institutions publiques et fondément été renouvelée par les applications
des utilisateurs de l’espace souterrain, la car- durable. C’est un produit qui évolue pour
répondre au mieux aux demandes formulées de la tectonique des plaques mais aussi par
te géologique est devenue aujourd’hui un outil l’essor des techniques de géochronologie abso-
indispensable d’aide à la décision, souvent dans les enquêtes régulières menées auprès
lue, la connaissance des structures des bas-
utilisé comme document de référence et de ses utilisateurs (industriels, services et agences
sins et des chaînes de montagne, la carac-
combiné avec des bases de données. A titre de l’Etat, des régions, des départements, cher-
térisation des liens entre érosion, climat et
d’exemples, on peut citer les politiques cheurs, enseignants, particuliers). mouvements tectoniques, etc.
d’aménagement qui reposent sur la connais- Cette évolution permanente de la connaissance
Un modèle de représentation qui a évolué
sance géologique des terrains et sur leur apti- impose inexorablement, même si elle ne
tude à être utilisés pour différentes finalités (stoc- La carte géologique est avant tout un modè- change pas fondamentalement la façon dont
kage, enfouissement, percement de tunnels...) ; le de représentation de l’information liée à l’his- le géologue lève la carte, une révision du modè-
la prévention des risques naturels qui valori- toire, à la forme et aux propriétés des objets le « carte » et une mise à niveau de l’information
se la carte géologique pour dresser des cartes géologiques. Ce modèle peut être conçu et fournie par la carte géologique.

Géochronique n°96, 2005 31


Dossier
Le développement des moyens
de traitement numérique
de la donnée
La carte géologique est devenue numérique,
les informations ont été codées et standardi-
sées et ont ainsi pu être intégrées à des modèles
3D complexes, combinant les données géo-
physiques. Cette évolution est en cours et néces-
site de gros investissements et moyens techniques
et humains. Les techniques de positionnement
spatial (GPS, interférométrie, MNT...) permettent
désormais à toutes les informations géologiques
recueillies d’être géoréférencées dans les
trois dimensions de l’espace (x,y,z) et ce de
façon numérique dès l’acquisition sur le terrain.
Cette définition spatiale des informations
géologiques permet leur gestion en bases de
données, leur intégration dans des modèles Notion de régolithe (source : British Geological Survey ;
géométriques volumiques en trois dimensions définition de l’ouvrage «glossary of geology»).
et leur croisement avec d’autres sources de don-
nées, non géologiques.
mais aussi un filtre ou un réceptacle pour les semble des roches non consolidées, en pla-
pollutions, entrent en compte dans la prévention ce ou non, recouvrant le substratum rocheux.
Alors que l’essor industriel du 20 siècle avait
e
et la gestion des risques naturels, sont le lieu Une connaissance fiable de ces formations de
conduit à explorer les ressources du sous-sol
de tous les aménagements et constituent un espa- la surface est nécessaire pour leur associer des
profond dans une tranche 0-1000 m, les prio-
ce utilisable dans la production d’énergie (géo- cartes de paramètres qui sont nécessaires aux
rités se sont progressivement déplacées vers
thermie très basse énergie). Enfin, ce sont les autres thématiques. Les cartes géologiques futures
la surface en suivant les préoccupations crois-
supports de toute activité et production animale devront alors mieux caractériser certaines pro-
santes concernant l’environnement et la pré-
et végétale. priétés (physiques, chimiques, hydrogéolo-
servation des espaces naturels. Les formations
géologiques de la surface, dans une tranche giques…) des formations géologiques dans cet-
0-100 m, supportent l’activité humaine, sont Ces formations de la surface sont encore appe- te tranche 0-100 m.
une source de matériaux exploitables, offrent lées « régolithe*», terme remis à la mode par
une zone de stockage et de transfert pour l’eau, les anglo-saxons qui le définissent comme l’en- Les paramètres qui pourront être associés aux
informations géologiques
seront différents en fonction
des applications thématiques
(cf. fig. p. 33). Par exemple,
les paramètres nécessaires
dans le domaine des eaux
souterraines ne seront pas
ceux utiles à la prévention des
risques naturels. Une meilleu-
re connaissance de cette
tranche superficielle de notre
planète passe également
par la modélisation des pro-
cessus qui président aux
échanges solides, liquides ou
gazeux entre les interfaces
de la géosphère, de la bio-
sphère et de l’atmosphère ain-
si que de leurs évolutions dans
le temps.

Classement
des informations
géologiques 3D
par échelles et par
domaines thématiques,
contribution des autres
sources d’informations.

32 Géochronique n°96, 2005


Dossier
Cartographie de paramètres (documents R. Wyns) :
a : coupe du régolithe.
b : cartographie de la résistance de pointe sur
la feuille Chemillé.
c. Organigramme de réalisation de la carte 3D
de la réserve en eau souterraine de la région
de Plabennec : la colonne du centre indique
la teneur en eau (en %) obtenue par sondages
géophysiques qui ont mesuré la Résonance
Magnétique Profonde.
a
b c

Paramètres et thématiques dans la tranche 0 - 100 m.

Une nouvelle palette de techniques spatiales gènes et définies à partir d’une ou plusieurs de cartographier l’aimantation des roches, pro-
pour l’acquisition de données géologiques caractéristiques des formations géologiques. priétés caractérisant certaines formations géo-
logiques. D’autres techniques comme la radio-
La géophysique aéroportée et l’observation satel- Plusieurs applications de ces méthodes statistiques métrie spectrale, permettent de mesurer les
litaire font partie des techniques grâce auxquelles de classification automatique à partir des signaux rayonnements gamma, eux-mêmes proportionnels
une connaissance du sous-sol toujours plus poin- physiques (optiques, magnétiques, radiomé- à la teneur en radioéléments d’uranium (U),
tue peut se développer sans remplacer les obser- triques...) ont été réalisées dans plusieurs pays de potassium (K) ou de thorium (Th), naturel-
vations et les prélèvements sur le terrain. La com- d’Afrique de l’Ouest, en Namibie, mais éga- lement présents dans certains types de roches.
binaison des données géologiques, géophysiques lement en Guyane et sur le Massif Armoricain Le traitement statistique de ces cartes élémentaires
et satellitaires permet d’obtenir une cartographie à la suite de programmes d’acquisitions permet d’établir de manière semi-automatique
géologique semi-automatique dite intégrée. La aéroportés. des cartes géologiques prédictives, qui rendent
particularité de ce type de cartographie compte de la variabilité des formations géo-
repose sur l’utilisation d’algorithmes statistiques A titre d’exemple, l’enregistrement du champ logiques et que l’on ira ensuite valider sur le
permettant de cartographier des zones homo- magnétique lors d’un survol aéroporté, permet terrain (cf. fig. p. 35).

Géochronique n°96, 2005 33


Dossier

Approche cartographique intégrée

Aujourd’hui les géologues utilisent deux par les images doivent être corrélées avec des lité virtuelle etc. constituent aujourd’hui des vec-
familles d’images fournies par différents cap- observations de terrain. teurs privilégiés pour une restitution claire et
teurs aéroportés et satellites. L’imagerie compréhensible de l’information géologique.
optique, de même nature que la photo aérien- Consensus sur la nécessité de disposer d’un
ne, permet de caractériser la surface dans des référentiel géologique 3D de la subsurface L’objectif est de visualiser et de modéliser en
bandes spectrales allant en général du visible trois dimensions la géométrie et les proprié-
à l’infrarouge. L’imagerie radar, issue de cap- L’intégration, réussie par la carte géolo- tés du sous-sol, à partir du couplage des cartes
teurs actifs, résulte de l’interaction entre l’on- gique, de données naturalistes et de mesures géologiques à différentes échelles, des don-
de radar émise et le sol, fournissant localement (physiques, chimiques...) dans un même nées altimétriques, des données en géologie
des informations de sub-surface. Outre la car- référentiel est cruciale pour livrer une information de surface, des données géophysiques et des
tographie des formations géologiques, les appli- synthétique et non biaisée. L’ utilisateur sou- données de forages. La 4e dimension, celle
cations concernent la cartographie des zones haite désormais disposer d’une information du temps, déjà intégrée dans la carte géo-
de pollution, des zones à risque, à ruisselle- précise, fiable, en temps réel sur son ordinateur logique, doit aussi figurer dans les modélisations
ment, érosion, mouvements de terrain, des types personnel, et la visualiser en diverses dimen- (4D). Cette dimension temporelle est primor-
de culture... Là encore les données fournies sions. Images de synthèses, imagerie 3D, réa- diale pour développer les simulations.

34 Géochronique n°96, 2005


Dossier

Classification par ascendance


hiérarchique en Guyane.
Le traitement croisé des paramètres
n’aboutit pas à une cartographie directe
des formations géologiques mais à
une carte d’anomalies ou de subdivisions
jusqu’alors insoupçonnées qui avaient
échappé au lever de terrain et qui invitent
le géologue à des contrôles sur place.

En conclusion, la carte géologique papier est de mise à disposition de l’information géolo- - une quatrième conséquence concerne la res-
une vision en 2 dimensions d’un modèle en gique. Plusieurs conséquences découlent de cet- titution des informations qui devra être sous
trois dimensions de la répartition géographique te évolution future : forme numérique et 3D/4D aussi bien que sur
des propriétés de lithologie, d’âge, d’orien- - l’une des conséquences et non des moindres papier on peut prédire que les différentes formes
tation des formations géologiques. Autrement est qu’aujourd’hui (et demain) ce « modèle car- de cartographies géologiques auront toujours
dit, les informations géologiques, géoréférencées, te géologique » doit être conçu pour un pro- besoin d’édition papier ;
sont associées à des paramètres quelle que duit final en 3D par le géologue, dès l’acquisition - enfin une cinquième conséquence est impli-
soient l’échelle, la profondeur, l’âge… de la donnée ; cite ; elle concerne l’évolution obligatoire des
- une seconde conséquence va consister à fran- programmes géologiques qui devront désor-
La réponse aux besoins actuels et futurs chir des sauts technologiques importants pour mais garantir de façon pérenne le stockage
Le produit de mise à disposition de la connais- acquérir des informations en continu (méthodes des données, leur accessibilité et leur inter-
sance géologique, qui répondra aux besoins indirectes d’acquisition en géophysique etc.) opérabilité.
des utilisateurs est un modèle continu en 3D qui que ce soit pour acquérir des données en géo- D.V., C.T., P.L.
fournit l’information en tout point de l’espace logie de surface (0-100 m) comme à grande
sur la lithologie et les propriétés physiques des profondeur (sismique profonde, géophysique *Aléa : événement naturel (ou non) dont
roches. Ce modèle nécessite l’intégration des aéroportée...) ; on essaie d’évaluer la probabilité qu’il se
données géologiques avec les données multi- - une troisième conséquence concerne les méthodes produise et les dégâts qu’il entraînera.
sources géophysiques. Les propriétés physiques de traitement qui permettent l’harmonisation et
essentielles à la modélisation géophysique (den- l’actualisation des données et leur modélisa- *Régolithe : ensemble des roches non conso-
sité, susceptibilité magnétique, conductivité tion en 3D et 4D avec la dimension temporelle. lidées comprenant les altérites, les formations
thermique, électrique...) doivent désormais Il n’est pas exagéré de parler de « carte à la superficielles et les sols ; elles sont expo-
être acquises pour cette modélisation géophysique. carte » ou de « blocs 3D d’information numé- sées dans une tranche comprise entre zéro
La carte géologique devient alors un produit déri- rique » le tout bien entendu disponible en ligne (roche affleurante) et 100 mètres d’épais-
vé, papier et numérique, d’un produit nouveau (via Internet par exemple) ; seur, d’où le vocable « 0-100 m ».

Géochronique n°96, 2005 35


Dossier
LA CARTE DU PLATEAU
CONTINENTAL
Une cartographie géologique de la transition
Terre-Mer et du plateau continental répond
aux questions posées à toutes échelles par
l’aménagement et la protection de l’environ-
nement des régions littorales et maritimes.
Celles-ci sont soumises à des pressions tou-
jours croissantes : aquifères côtiers, res-
sources en matériaux, dynamique sédimentai-
re et évolution des côtes, risques géologiques,
protection des écosystèmes... La connaissan-
ce du sol et du sous-sol marins a constamment
bénéficié des développements importants des
systèmes acoustiques et des moyens informa-
tiques pour l’acquisition, le traitement et l’in-
terprétation de données analogiques puis Plate-forme sud-armoricaine : carte isochrone (seconde temps double) du toit du substratum
numériques de plus en plus précises. Il est montrant les incisions quaternaires de la plate-forme interne (carte Perros-Guirec,
aujourd’hui possible de constituer un projet Cotarmor, données Géosciences Rennes, Université de Vannes et BRGM).
ensemble complet de couches d’informations
numériques détaillées sur la morphologie et
les structures des fonds marins (modèles
numériques de terrain au pas de quelques
mètres), leur réflectivité (carte d’imagerie
acoustique géoréférencée), la géométrie et
les faciès acoustiques des unités sédimen-
taires, à des résolutions sans cesse améliorées
: d’une dizaine de centimètres pour les
couches les plus superficielles à quelques
mètres pour les premières centaines de mètres
du sous-sol. Les atlas cartographiques présen-
tant les informations disponibles sur les divers
niveaux du sol et du sous-sol marin sont aussi
aujourd’hui constitués sous forme de SIG et
de bases de données présentant de nom-
breuses données traitées et interprétées. Ces
bases permettent d’élaborer des modèles 3D
à diverses échelles. Face au nombre de plus
en plus élevé des données, un des principaux
objectifs immédiats réside dans la constitution
à l’échelle nationale d’ensembles bien gérés
de données homogènes et aisément acces-
sibles sur les domaines côtiers et le plateau Modèle 3D de la surface messinienne du Canal de Corse (marge orientale)
continental. La réalisation d’un programme élaboré à l’aide du logiciel « Editeur géologique 3D » du BRGM
de cartographie systématique, à l’instar de ce à partir de profils sismiques interprétés (données IUEM Brest et BRGM).
qui est entrepris par certains pays (Irlande,
Belgique, Pays-Bas...), représente un challen-
ge à long terme qui implique des moyens très
importants pour l’acquisition, la gestion et le
traitement mais aussi pour l’interprétation des
données. Il faut souligner que l’emploi de
données indirectes toujours plus précises et
les modèles sans cesse améliorés nécessite-
ront toujours une calibration et des contrôles
par des données géologiques fiables, notam-
ment les carottages dans les sédiments
sableux et les forages courts dans les unités
sédimentaires.
P.G.

36 Géochronique n°96, 2005

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