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LA RELATION SUJET CULTURE – 1 – 160909

Gérard Pommier

On commence ce cours sur le rapport sujet culture. Voilaà , donc je vais essayer de
montrer dans ce premier cours l’articulation sujet culture comme eé tant non pas une
articulation d’opposition en quelque sorte, c'est-aà -dire que vous auriez d’un coô teé le sujet,
hop, voilaà , et de l’autre, quelque chose qui existe avant lui, c’est ça, dans lequel il grandit,
c'est-aà -dire un certain nombre de coutumes, d’habitudes, de façons d’eô tre, de façons de
penser, de façons de croire. De façons de croire puisque eé videmment je ne parle pas de la
culture au sens culturel du terme : le cineé ma, le theé aôtre, les bouquins, tout ça, mais je dirais,
comme ce qui unit les hommes entre eux, les relie au sens de croyances communes, de façon
commune. Je dirais que donc, de ce point de vue le lien culturel, c’est d’abord un lien
religieux. Religieux c’est religare, ce qui relie les hommes entre eux, voilaà , c’est leurs
croyances communes, voilaà , la façon dont ils se situent comme sujets, c'est-aà -dire comme
sujets, ils n’existent que graô ce et en fonction de ce lien. Donc pas d’opposition entre le sujet
qui naîôt, la culture qui le preé ceà de et qui donc pourrait le mettre dans un moule oppressif.
C’est un rapport dialectique sujet culture dont je vais parler dans la mesure ouà le sujet qui
naîôt dans une certaine culture ne la subit pas simplement mais il la creé e ou la recreé e et
meô me, je vais montrer tout de suite, enfin bon, je vais essayer de vous faire toucher du doigt
que chaque sujet est plus grand que la culture dans laquelle il naîôt. Il exceà de la culture dans
laquelle il naîôt. Il est potentiellement plus grand deà s sa naissance et ses potentialiteé s sont en
exceé dent, elles sont en position de neé gation par rapport aà la culture dans laquelle il naîôt.
Voilaà . Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que la subjectiviteé , qui est deé termineé e par une certaine
culture, elle ameà ne ce sujet aà vouloir autre chose, qui est plus grand, et qu’il y a donc dans ce
moteur de la neé gativiteé lui-meô me, d’un sujet en exceà s, le moteur meô me d’un progreà s de
l’humaniteé . Quelque chose qui donc est en exceà s et sert de moteur en quelque sorte aà
chaque eé poque de l’histoire.
Voilaà , alors un point qu’il faudra essayer de comprendre, c’est quel est le principe de
cette neé gativiteé , cette neé gativiteé qui pousse vers un progreà s. On pourrait simplifier cette ideé e
en disant que apreà s tout les fils veulent toujours aller plus loin que leur peà re, les filles pas
toujours, mais enfin, bon, voilaà , elles peuvent aimer des hommes qui justement ont envie
d’aller plus loin que leur peà re, vous eô tes pas d’accord, vous m’expliquerez ça tout aà l’heure.
Voilaà . Donc, ideé e simple qui vient dans la teô te de quiconque a un petit bagage freudien
minimum, c’est que ce moteur de la neé gativiteé est lieé aà un meurtre du peà re toujours aà
refaire, ce en quoi apreà s tout, le mythe freudien de la horde primitive que vous connaissez
sans doute, dans Totem et Tabou, vous lirez ça, de toute façon voilaà un premier livre aà lire,
Totem et Tabou, comme, je dirais, le livre fondateur de l’anthropologie psychanalytique,
puisqu’il existe une anthropologie psychanalytique. Au fond ce cours c’est ça : c’est le
fondement de l’anthropologie psychanalytique. C’est de ça dont on parle. Ca veut dire que
vous avez en apparence deux termes indeé pendants l’un de l’autre, assureé ment, un sujet d’un
coô teé , une culture de l’autre, la culture eé tant beaucoup plus assureé ment indeé pendante du
sujet que le sujet puisqu’elle preé ceà de. De toute façon elle existe sans ce sujet. Voilaà . Or, en
reé aliteé , l’un ne va jamais sans l’autre, et ce sujet qui en apparence succeà de aà une culture, en

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reé aliteé il preé ceà de sa naissance. Vous voyez l’imbrication du sujet et de la culture, ce qui n’est
compreé hensible qu’aà partir, je dirais, du sujet freudien, du sujet du refoulement. Le fait que,
parce qu’il est ameneé aà refouler, il y a quelque chose du retour du refouleé qui va le pousser
toujours en avant, avec ce moteur, je dirais, progressif, progressiste. C'est-aà -dire c’est un
principe de fonctionnement qui oppose l’anthropologie psychanalytique, celle dont nous
parlons, aà par exemple, l’anthropologie structurale, par exemple l’anthropologie structurale
de Leé vi-Strauss, dont on ne voit pas treà s bien, dans cette anthropologie structurale, qu’est-ce
qui ameà ne aà un changement, pourquoi est-ce qu’il devrait y avoir un progreà s, pourquoi est-
ce qu’il pourrait meô me y avoir un progreà s. Donc laà vous voyez deà s le deé part, que je rentre
dans une position ouà le progreà s est en quelque sorte obligatoire, d’un sujet exceé dentaire aà la
culture ouà il naîôt.
Alors, on peut se demander si ce que je viens de dire est vraiment universel, si c’est
vrai pour toutes les cultures. Apreà s tout, dans l’anthropologie structurale de Leé vi-Strauss, eh
bien il eé tudie des cultures, comme les cultures des indiens d’Amazonie qui sont aà peu preà s
sur le meô me modeà le de fonctionnement probablement depuis des milleé naires et des
milleé naires. Sans progreà s donc. Voilaà . Donc il peut sembler que, historiquement, seules
certaines cultures ont eé teé , en tout cas depuis 2000 ans, dans un mouvement de progreà s
constant, comme celui auquel je viens de faire allusion, alors que d’autres au contraire,
comme les cultures ameé rindiennes, ou de treà s grandes cultures, comme la culture
eé gyptienne pendant plusieurs milliers d’anneé es, ou la culture chinois eé galement pendant
plusieurs milliers d’anneé es, sont resteé es relativement stationnaires. Donc est-ce que je viens
de dire est bien universel, puisque dans tant de cultures les progreà s ont eé teé longtemps
inexistants ? Ou, plus proche de nous, il y a par exemple la culture islamiste, on peut dire
eé galement que d’un certain point de vue, par exemple du point de vue des sciences, des
lettres, des arts, les progreà s ont eé teé stationnaires pendant, pas pendant plusieurs
milleé naires, mais pendant plusieurs sieà cles, en contradiction d’ailleurs avec une expansion
constante de la religion et une expansion militaire eé galement constante. C’est pas du tout
eé vident que ce que je viens de dire sur le progreà s serait quelque chose d’universel. Voilaà ,
alors c’est laà un premier probleà me de l’anthropologie psychanalytique, qui oblige aà reé fleé chir,
aà formaliser comment une socieé teé peut bloquer elle-meô me son propre deé veloppement,
parce que, pour toutes les socieé teé s dont je viens de parler, qui ne reé pondent pas aà ce scheé ma
progressif progressiste de notre culture par exemple, eh bien, elles ont quand meô me
pendant un certain temps connu des progreà s treà s importants, par exemple la culture
chinoise ou la culture eé gyptienne eé taient des cultures extreô mement deé veloppeé es, du point
de vue de leur eé criture par exemple, puisque, que ce soit la culture chinoise ou la culture
eé gyptienne, ce sont ces cultures-laà qui ont inventeé l’eé criture, rien de moins que ça. Donc, ce
sont de treà s grandes cultures, qui brusquement ce sont figeé es sur ces progreà s et sont resteé es
stationnaires pendant des milleé naires. Donc tout de suite on est devant un probleà me qu’on
va aborder assez vite mais c’est un probleà me important que vous pouvez lire dans Freud,
mais bon, c’est pas treà s bien deé gageé , pas treà s bien distingueé .
Je vais essayer de vous montrer comment c’est une distinction qui a beaucoup de
poids, c’est de mettre en lumieà re une fonction de reé pression de la culture. C'est-aà -dire que la
culture est progressive, progressiste, elle engendre un progreà s jusqu’aà un certain point au-
delaà duquel elle peut se bloquer, engendrer une reé pression, c'est-aà -dire qu’il n’y a plus de
progreà s au-delaà de ce point, c'est-aà -dire une reé pression des potentialiteé s de deé veloppement

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de chaque sujet par rapport aà la culture dans laquelle il naîôt. Donc ça c’est, je vous dis tout
de suite les deux concepts aà distinguer : c’est d’une part la reé pression, reé pression culturelle,
et il en est question aà de nombreuses reprises dans Freud, reé pression culturelle, reé pression
des pulsions, par exemple dans un deuxieà me grand livre d’anthropologie psychanalytique
qui est le Moïse et le monothéisme, ça aussi ça serait bien que vous le lisiez, donc distinguer
la reé pression, culturelle, reé pression des pulsions, distinguer cette reé pression du
refoulement. C’est tout aà fait distinct, c’est tout aà fait diffeé rent. Le refoulement, c’est quelque
chose je dirais, c’est presque autonome, alors que la reé pression, ça vient de l’exteé rieur,
directement de l’exteé rieur. Alors, cette distinction entre refoulement et reé pression, je vais y
revenir, mais une fois qu’on a fait cette distinction, on voit bien que les cultures qui n’ont pas
connu le meô me rythme de deé veloppement que la noô tre, depuis cinq sieà cles disons, dix
sieà cles disons, eh bien il suffit d’une eé tincelle touchant aà l’appareil reé pressif, pour que ça se
deé bloque. Par exemple, la socieé teé chinoise, en l’espace d’un sieà cle ou un sieà cle et demi est
tout aà fait aà meô me, une fois les blocages de la reé pression leveé s, de rattraper en quelque sorte
ce qui est non pas un retard culturel, mais ce qui reé pond au blocage de la reé pression de cette
socieé teé . On peut dire, c’est meô me l’histoire du dernier sieà cle simplement, montre
l’importance de cette distinction et qu’on ne peut pas simplement opposer ce qui serait des
cultures chaudes de cultures froides. C’est la distinction d’un sociologue dont le nom
m’eé chappe absolument, peut-eô tre quelqu’un dans cette salle aura-t-il une connaissance…
non, personne ? Cultures chaudes, cultures froides, c’est un sociologue ameé ricain donc qui a
distingueé les cultures ouà ça bouillonne tout le temps et ouà on est apte au progreà s et les
cultures froides ouà on ne pense qu’aà reé peé ter le passeé . Voilaà , vous voyez bien tout ce qui peut
s’en deé duire au point de vue des chocs culturels et donc de justifications eé ventuelles de
n’importe quelle preé tention aà la supeé rioriteé ou de justifications de guerres, etc… Voilaà .
Alors, donc j’en reviens au premier point que j’ai eé voqueé , c'est-aà -dire au fait que
chaque sujet, ses potentialiteé s sont exceé dentaires par rapport aà la culture dans laquelle il
naîôt, que donc il va vivre dans un rapport d’oppression, de reé pression en effet, par rapport aà
cette culture. C'est-aà -dire qu’il pourra avoir l’impression que la culture dans laquelle il naîôt
l’empeô che de faire telle ou telle chose qu’il preé feà re, l’empeô che de jouir aà sa guise, etc… c'est-
aà -dire un rapport de police aà la culture. Alors, donc pour essayer de faire comprendre tout
de suite ce rapport, ce premier eé tage de ce rapport sujet culture, je vais prendre un exemple
comme ça, vraiment un peu grossier, dans la socieé teé romaine, mais c’est un exemple qui est
valable pour n’importe quelle socieé teé , je dirais toteé mique ou polytheé iste.
Qu’est-ce que c’est qu’une socieé teé toteé mique ? Je suppose un certain nombre de choses
sues de vous. Quand je dis socieé teé toteé mique, je me reé feà re encore une fois au livre de Freud
Totem et Tabou, c'est-aà -dire qu’une socieé teé toteé mique, c’est une socieé teé qui s’organise autour
du culte des anceô tres, d’un culte des morts, au sens ouà le pacte qui unit les freà res de cette
socieé teé , c’est d’avoir tueé ensemble un peà re, et meô me de l’avoir boulotteé , de l’avoir mangeé ,
festin cannibalique, on a beaucoup attaqueé Freud laà -dessus, voilaà , alors qu’il n’y a qu’aà aller
dans n’importe quelle eé glise le dimanche aà l’heure de la communion, pour comprendre que
cette histoire de festin cannibalique, ça fait tout aà fait partie de notre culture, ou de cultures
treà s proches, puisque dans la culture musulmane ou dans la culture juive, tout ce qui se
mange de carneé releà ve du sacreé , toute viande est viande sacrificielle, sacrifieé e en l’honneur
du Dieu, en l’honneur du Totem, et doit donc eô tre d’une certaine façon sacrifieé e selon un
certain rituel religieux. La viande hallal ou la nourriture kasher, etc… Je dirais que ce type

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d’expeé rience qu’on peut faire dans notre socieé teé tous les jours deé montre, si c’eé tait
neé cessaire, qu’il y a, je dirais, ce rapport sacrificiel au vivant, le vivant, pourquoi est-ce qu’un
bœuf, un mouton, etc… doit eô tre sacrifieé de cette façon-laà , de façon rituelle, de façon
religieuse ? C’est que l’animal en question, le boucher en reé aliteé est un preô tre, vous l’avez
compris, est un cureé de la religion concerneé e, eh bien, l’animal sacrifieé , il est sacrifieé au
Totem, en quelque sorte, pour quoi faire ? A titre de reé demption des fautes des sujets qui
sacrifient. Et quelle est cette faute ? Cette faute, elle concerne l’animal lui-meô me. C’est
l’animal lui-meô me qui est sacreé , en tant qu’il est sacrifieé aux dieux, il est analogue aux dieux.
Alors, tuer ensemble le peà re dans le mythe de la horde primitive, oh la la, les anthropologues
se mettent dans un eé tat pas possible, en disant : « Ca n’existe pas, on n’a jamais vu ça ! »,
alors que si, on a vu ça, le cannibalisme on a vu ça, pas seulement dans les tribus reculeé es
des Kwakiutl d’Ameé rique du Nord, ou de quelques tribus seé mites d’Arabie, on a vu ça en
Greà ce. En Greà ce, les Meé nades, dans des ceé reé monies speé ciales, attrapaient un type et puis le
boulottaient, apreà s naturellement lui avoir coupeé l’appareil que vous devinez. Donc c’est des
choses qui existent dans les temps historiques de notre civilisation. Vous pouvez voir ça sur
une fresque aà Pompeé i, qui avait les Bacchanales, les Bacchantes ça existait aussi aà Rome, ouà
en -140 je crois, avant Jeé sus-Christ, il y a eu un scandale de ce genre ouà une meà re a proposeé
aux Bacchantes de la reé gion, des banlieues de Rome, de sacrifier son fils, comme ça, voilaà .
Alors le type s’en est sorti en courant treà s vite, il a eé teé se plaindre au Seé nat, et les
Bacchanales ont eé teé interdites. En fait, rien n’a eé teé interdit du tout, ça a continueé aà
fonctionner, mais en secret et dans les banlieues de Rome.
Voilaà , donc je dirais que cette histoire du mythe de la horde primitive, au fond, on en a
des traces historiques, et on en a des traces culturelles, je l’ai deé jaà dit en premier, dans notre
socieé teé . Et puis on en a des traces vraiment beaucoup plus beé beô tes, pour tous ceux ou toutes
celles d’entre vous ici preé sents qui font des reé gimes alimentaires, qui font attention, qui
prennent la viande seulement du bout du bout de la fourchette, qui ne mangent surtout pas
de viande rouge, qui tombent anorexiques avec un chagrin d’amour, etc… Bon, tout ça ça
montre je dirais le lien eé troit qu’il y a entre ces pratiques deé crites dans l’anthropologie et
nos propres rituels alimentaires qui en gardent tout aà fait la trace.
Voilaà , alors donc apreà s cette petite excursion autour de Totem et Tabou, pour dire
quoi ? Pour dire que chaque enfant reé peà te le mythe de la horde primitive, qui a un rapport aà
l’alimentaire, un rapport aà la pulsion orale, qui reé peà te ce mythe de la horde primitive, et que
c’est ce mythe qui fait lien social entre les freà res, entre les freà res de la horde. Les freà res de la
horde c’est ceux qui ont tueé ensemble ce peà re, mais que ensuite, leur culpabiliteé est telle,
qu’ils n’arreô tent pas de lui rendre hommage dans toutes sortes de rites sacrificiels. Et
comme j’ai deé jaà dit, ce sont ces rites sacrificiels qui prouvent reé troactivement la veé riteé du
mythe. Le sacrifice de l’animal, c’est une reé peé tition en quelque sorte de ce mythe. Voilaà , donc
soulagement de la culpabiliteé graô ce aà ces sacrifices, ces sacrifices devant quoi ? Devant un
symbole du peà re, un Totem, quelque chose qui symbolise quoi ? Qui symbolise un mythe du
peà re, un mythe du peà re dont je vais parler tout aà l’heure parce que le peà re dont il s’agit, c’est
un peà re je dirais, c’est un peà re qui n’a aucune espeà ce d’existence reé elle. Il est toujours deé jaà
symbolique. Bon je vais y revenir, c’est pas toujours facile aà comprendre, mais je vais en
parler tout aà l’heure, au fond si, c’est assez facile aà comprendre... ou pas, on va voir.
Alors donc, position sacrificielle, attitude sacrificielle par rapport aà ce Totem, mais ces
sacrifices ils ont un reé sultat tout aà fait paradoxal : c’est qu’ils font revivre le peà re. Ils sont

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effectueé s comme si le peà re eé tait vivant, de sorte que dans les socieé teé s toteé miques, le peà re
c’est comme un mort vivant, c’est comme une espeà ce de revenant permanent, ce qui est,
vous l’imaginez, assez fatigant. C'est-aà -dire qu’aà toute heure de la journeé e, il faut faire une
petite prieà re, il faut faire un sacrifice, il faut regarder dans les nuages, il faut lire son
horoscope, il faut taper je ne sais trop quoi pour savoir…bon. Donc, je dirais, preé sence
permanente d’un peà re qui peut reé gir le destin et auquel il faut sacrifier constamment. On n’a
pas ideé e de ce que c’eé tait que la vie des peuples, pas seulement en systeà me toteé mique
d’ailleurs, ouà toute heure de la journeé e, tout acte et tout geste eé taient reé gis par des rituels,
des sacrifices, etc… Mais apreà s tout, je dirais, dans la vie des vrais chreé tiens il y a deux
sieà cles, c’eé tait pareil : il fallait faire sa prieà re trois quatre fois par jour, tout eé tait reé gi par
l’ensemble de ces rituels. Dans certaines religions, qui sont geé ographiquement proches de
nous, eh bien c’est pareil, il faut faire plusieurs prieà res par jour, pour ceux qui y croient
vraiment, plus ou moins, sans ça, je dirais que justement la subjectiviteé n’arrive pas aà se
purger de sa culpabiliteé . Donc le rapport toteé mique au peà re est un rapport ultra fatigant
puisqu’il fait resurgir ce qu’il voudrait faire disparaîôtre. Vous sacrifiez au peà re, du coup vous
le faites vivre. Le peà re est un mort vivant perpeé tuel. Pour ceux d’entre vous qui ont visiteé
l’Egypte ouà il y a une civilisation de ce genre, c'est-aà -dire entieà rement reé gie par un culte des
morts, ouà les tombeaux ont des proportions pheé nomeé nales, eh bien, les morts ont une
preé sence constante et il faut les exorciser constamment. Voilaà , de sorte que dans de telles
socieé teé s, toteé miques donc, il n’y a jamais moyen de deé passer le peà re puisque le peà re resurgit
constamment. Donc laà vous voyez, vous avez une premieà re indication sur, je dirais, la
structure reé pressive de certaines socieé teé s qui paraissent figeé es, froides, sans eé volution
pendant des milleé naires. C’est qu’il y a cette preé sence, cette reé surgence constante du peà re
qui demande le respect absolu des rituels et le maintien de ces rituels, c'est-aà -dire une
socieé teé qui d’abord est progressiste dans la mesure ouà elle invente ces rituels qui font lien
social, mais une fois que ces rituels sont inventeé s, plus moyen d’avancer. D’accord ? C'est-aà -
dire un blocage de la socieé teé par elle-meô me, de la culture par elle-meô me, autour de ce qui l’a
fondeé e comme culture. Il ne faut pas abandonner les rituels, il faut observer le livre sacreé aà
la lettre, etc… Donc on commence deé jaà un peu mieux aà comprendre, je dirais, la position de
la reé pression dans de telles socieé teé s. Alors, dans des socieé teé s, dans des cultures, y’a pas
moyen d’en finir avec le peà re. C’est ça le totem, le totem c’est, par exemple le totem d’un
animal ou le totem d’une certaine puissance naturelle. Vous pouvez lui faire autant de
sacrifices que vous voudrez, elle resurgit toujours comme puissance naturelle ou comme
animal. Donc en fin de compte, le peà re n’est jamais mort, c’est ça le reé sultat, c’est un mort
vivant plus exactement.
Donc question qui se pose pour les sujets qui naissent dans une telle culture : y a-t-il
pour eux moyen d’en finir avec leur complexe d’Œdipe ? Donc vous voyez le genre de
question bizarre qui se pose tout de suite, parce que on pourrait croire que les socieé teé s
toteé miques, extreô mement brillantes, je l’ai deé jaà dit, les socieé teé s reé gies par le culte des morts
essentiellement, c’est comme ça qu’on peut les repeé rer sous leur diversiteé , d’ailleurs qui
n’est pas tellement diverse que ça, les Pantheé ons des socieé teé s de l’Antiquiteé se ressemblaient
tous un peu : le Pantheé on romain, grec ou meô me eé gyptien, on pouvait y retrouver aà peu preà s
les meô mes puissances tuteé laires. Donc socieé teé s pourtant treà s brillantes, extreô mement
avanceé es. La socieé teé romaine, Rome il y a avait deux millions d’habitants, enfin c’eé tait un
niveau de vie culturelle extraordinaire. Eh bien est-ce que malgreé tout il ne faudrait pas

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ajouter en meô me temps que ce sont des socieé teé s preé -oedipiennes ? Ca veut dire qu’ils
n’arrivent pas aà en finir avec une certaine figure du peà re, que le peà re n’est jamais mort, etc…
Alors, ça je dis ça pour des socieé teé s toteé miques ou polytheé istes, ce qui revient au meô me, j’en
dirai un mot tout aà l’heure, eh bien c’est encore plus, on a encore plus, on est encore plus
tenteé de soutenir une telle theà se pour les socieé teé s dites animistes, telles qu’elles existent
dans certaines reé gions d’Afrique, en Australie, en Ameé rique du Sud, du Nord, voilaà . C'est-aà -
dire qu’on pourrait avoir cette ideé e qu’il s’agit de socieé teé s infantiles. Et d’ailleurs, vous
pouvez trouver dans Freud des passages assez nombreux ouà des comparaisons sont faites
entre la façon de penser des enfants ou de construire le monde et celle des socieé teé s
animistes, des comparaisons entre les socieé teé s primitives et la penseé e des enfants. Vous avez
suô rement deé jaà vu ça, voilaà .
Alors je ne sais pas si vous voyez la difficulteé des probleà mes qui se posent. C’est quoi ?
C’est qu’on peut prendre les probleà mes comme eé tant des faits, tout simplement. C’est ce que
faisait Freud, c'est-aà -dire, de manieà re scientifique. Un scientifique, il ne s’occupe pas de
comprendre pourquoi, son premier reé flexe c’est d’eô tre un peu idiot, il faut bien le dire, c'est-
aà -dire qu’on ne cherche pas aà comprendre, on fait des catalogues de faits, ainsi de suite.
Alors, dans le catalogue des faits, on peut dire certaines formes de penseé es des enfants,
certaines façons de penser des enfants, la peur du noir par exemple, tout le monde voit ça,
n’importe quel enfant, ou cette ideé e qu’il y a un loup sous le lit, un crocodile dans l’armoire
deà s que la lumieà re est eé teinte, enfin bref, une penseé e animiste au fond, elle est analogue aà la
penseé e animiste des indiens d’Amazonie, qui en effet parlent de l’esprit de l’arbre, de l’esprit
etc… C'est-aà -dire ouà le monde est constamment doubleé par la preé sence des esprits. On a une
comparaison de fait, sans chercher aà comprendre pourquoi et on dit voilaà , donc les
sauvages, on les appelle les sauvages dans ces meô mes reé gions, eh bien ils sont au meô me
niveau que les enfants, leur structure sociale est au meô me niveau que la penseé e des enfants,
leur culture est analogue aà la penseé e des enfants. Les autres socieé teé s, comme par exemple
une socieé teé non pas animiste mais franchement toteé mique, comme celle d’un certain
nombre de tribus indiennes d’Ameé rique du Nord ou d’Australie ou d’Afrique, c'est-aà -dire ouà
la question de l’endogamie et de l’exogamie est reé gleé e par l’appartenance aà des clans, aà des
totems, etc… Donc dans la penseé e toteé mique, on a deé jaà quelque chose qui est un petit peu
diffeé rent : on dira « Ah eux ils sont plus eé volueé s, ils doivent avoir trois ans, quatre ans, cinq
ans ou un truc comme ça ». Et pour le passage du toteé misme au polytheé isme, qui est une
forme de toteé misme, « Bon ah ceux-laà ils sont encore un peu plus eé volueé s, six ou sept ans,
huit ans, un truc comme ça ». Quant aux monotheé istes, « Oh ben c’est la crise
d’adolescence », etc… Et les atheé es, eé videmment, ils ont le pompon, c’est des grandes
personnes. Donc vous voyez le simplisme de ce type de penseé e, pourtant appuyeé sur des
faits. On retrouve un certain nombre de scheé mas entre des formes culturelles et puis des
façons de se positionner de certains aô ges de la vie.
Alors il y a un gros probleà me, un eé norme probleà me, que Freud a toujours pris comme
un fait, sans s’encombrer, sans s’embarrasser, alors laà , treà s tranquille, c’est le rapport
phylogeneà se ontogeneà se. C’est un eé norme probleà me. C’est de dire quoi ? C’est de dire :
l’histoire de l’humaniteé c’est au ralenti l’histoire de chaque eô tre humain. Vous comprenez ce
que je veux dire ? C'est-aà -dire ce que vit un enfant, passage de l’animisme au toteé misme,
etc… c’est l’histoire des religions de l’humaniteé qui sont fleé cheé es rigidement, et c’est un fait
qui est vrai. Elles sont fleé cheé es rigidement, de l’animisme, religion relativement priveé e, au

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toteé misme, au polytheé isme, au monotheé isme et aà la science on va dire ou aà l’atheé isme,
quelque chose comme ça. Reé peé tition entre l’enfant et l’adulte, c’est exactement le meô me
probleà me que celui avec lequel j’ai introduit ce cours, c'est-aà -dire de dire que chaque enfant
a des potentialiteé s plus grandes que la socieé teé dans laquelle il vit, qu’il est en exceé dent, mais
qu’il est bloqueé aà un moment donneé parce que la socieé teé dans laquelle il vit s’est rigidifieé e
sur un certain systeà me de croyances qui parfois durent cent ans, mille ans, deux mille ans,
trois mille ans, ouà on ne peut pas quitter le meô me systeà me.
D’un geste eé leé gant, nous allons balayer cette comparaison qui laisserait penser que les
sujets des socieé teé s animistes sont des enfants, parce que une chose est la culture de ces
socieé teé s, autre chose les sujets qui y vivent. Vous n’avez pas compris, c’est pas eé tonnant,
parce que je n’ai pas expliqueé . Je veux dire par laà que un sujet vivant dans une socieé teé
animiste n’est pas un enfant, un sujet vivant dans une socieé teé toteé mique n’a pas trois ans,
quatre ans, etc… enfin tout ce que j’ai dit tout aà l’heure dans ce sens-laà , parce qu’il faut
distinguer la structure du lien social sur lequel une socieé teé s’est arreô teé e aà un moment donneé
et celle des sujets qui vivent dans cette socieé teé , qui naturellement peuvent devenir
compleà tement des adultes et non pas des enfants, c'est-aà -dire finir leur Œdipe, etc… enfin
voilaà . Donc ce sont bien des sujets qui sont plus grands que la culture dans laquelle ils
vivent.
Donc ce que vous voyez laà c’est l’inteé reô t de bien faire la distinction entre refoulement et
reé pression, j’aborde ce probleà me de ce deuxieà me point de vue, avant de le deé montrer
compleà tement tout aà l’heure. Alors je reprends l’exemple de ma famille romaine. J’ai dit tout
aà l’heure que j’allais prendre un exemple un peu beé beô te pour faire comprendre cette
diffeé rence, ouà , ce qui constitue le lien social de cette famille, c’est un culte des anceô tres,
rendu aà des puissances tuteé laires, Jupiter, enfin bref tous les autres dieux du Pantheé on, c'est-
aà -dire ce polytheé isme romain qui en quelque sorte est, est quoi ? Je l’ai deé jaà dit plusieurs
fois : c’est un toteé misme deé guiseé . Ca veut dire quoi ? Ca veut dire que les puissances
toteé miques ont des histoires, des fictions, on se raconte des fictions au sujet des puissances
toteé miques, et du coup le toteé misme disparaîôt ou tout du moins, n’a plus le caracteà re
d’eé vidence qu’il a dans les tribus indiennes ou n’importe ouà dans le monde ouà il y a un
toteé misme avec un totem planteé au milieu du village, simplement parce que ce qui va
primer, c’est les histoires des dieux, qui va creé er un polytheé isme qui masque le toteé misme,
mais ce qui compte dans ce toteé misme c’est quoi ? C’est ce qu’il conduit aà faire, c'est-aà -dire
tous ces rites sacrificiels qui montrent qu’il s’agit d’un toteé misme deé guiseé puisque les
sacrifices en question sont faits pour, je dirais, purger la culpabiliteé par rapport aux anceô tres
morts. Alors dans ces socieé teé s, dans cette socieé teé , eh bien, pourquoi est-ce que, malgreé le
caracteà re relativement, on va dire, preé -oedipien de cette neé cessiteé sacrificielle constante, ça
n’empeô che pas du tout les sujets de cette socieé teé de devenir des adultes, et en quelque sorte
d’avoir un aô ge qui n’a rien aà voir avec l’aô ge culturel de leur socieé teé , c'est-aà -dire des sujets qui
preé sentent un complexe d’Œdipe entieà rement deé veloppeé ? Eh bien c’est tout simplement
qu’un certain nombre de rituels se deé roulent non pas dans la socieé teé , mais au sein de
chaque famille. C'est-aà -dire qu’il y a le culte public, toteé mique en effet ou polytheé iste, et puis
chacun dans sa famille a aussi son petit culte aà lui qui lui permet de compleé ter l’affaire, il a
ses dieux-laà etc… Ce qui fait qu’on ne peut pas dire que les gens qui vivent dans cette socieé teé
sont au meô me aô ge mental, psychique que ce que la culture semble repreé senter. Donc
existence de cultes priveé s, ce qui est tout aà fait frappant dans la socieé teé romaine, mais c’est

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vrai aussi dans d’autres socieé teé s du meô me ordre. Par exemple si vous allez dans un certain
nombre de restaurants chinois, vous verrez qu’il y a des petits autels dans le restaurant,
devant lequel bruô lent des baô tons d’encens, ainsi de suite. Vous vous croyez dans un
restaurant, pas du tout, vous eô tes dans un temple. Voilaà , donc ces dieux priveé s, ces dieux-laà
permettent aux sujets de cette socieé teé d’eô tre autre chose que des enfants, je dirais par
rapport aà leur propre deé veloppement psychique. Voilaà , donc laà on approche toujours plus
preà s de cette distinction refoulement reé pression puisque vous voyez bien qu’au niveau de la
socieé teé il y a quelque chose de figeé qui reé prime, qui empeô che la socieé teé toute entieà re d’aller
de l’avant alors que chaque sujet dans son particulier peut treà s bien aller beaucoup plus
loin. C'est-aà -dire qu’on peut treà s bien penser que certains eé gyptiens ou certains indiens
d’Ameé rique du Nord eé taient atheé es dans leur rapport aà leur propre existence, et pas du tout
analogues aà des enfants de deux ans ayant peur du noir.
Alors comment est-ce qu’on peut expliquer, ça c’est un point vraiment important, qu’il
y a ce retard eé norme entre phylogeneà se et ontogeneà se ? C'est-aà -dire que chaque sujet peut
grandir beaucoup plus que la socieé teé dans laquelle il est. C'est-aà -dire que les enfants d’une
socieé teé , jusqu’aà un certain aô ge, sont beaucoup plus intelligents que les adultes qui les
emmerdent. A un certain aô ge eé videmment ils deviennent cons aà leur tour, etc… Donc il y a un
retard eé norme. Je crois que ce qu’il faut comprendre, c’est que dans un temps premier, x,
n’importe lequel, un lien social se creé e sur la base de croyances communes. C'est-aà -dire,
Machin rencontre Truc qui lui dit : « J’ai peur du loup », et l’autre lui reé pond : « Moi aussi ».
Donc ils vont s’arranger ensemble pour se deé brouiller avec la peur du loup. C'est-aà -dire qu’il
va y avoir laà quelque chose qui va faire lien social au sens psychique du terme, au sens du
religare, du religieux culturel, dont je vous ai dit que c’eé tait ça qui fondait la culture. C’est
pas le gouô t du cineé ma, des livres, etc… ça c’est tout aà fait secondaire dans ce qu’on entend
par culture. Donc des sujets qui se rendent compte qu’ils ont une croyance commune. Par
exemple, croyance aux esprits de l’animisme. Tous les enfants, si vous avez des enfants
autour de vous vous pourrez le constater, jusqu’aà un certain aô ge, ont peur, sont angoisseé s
par le noir, les esprits, pas les esprits, ils appellent pas ça comme ça, ils ne l’appellent pas
justement. Donc si c’est possible de l’appeler ensemble, l’appellation, c’est deé jaà une forme
d’exorcisme de ce qui fait peur dans la doublure des choses, dans la doublure du monde.
Donc ça c’est deé jaà un soulagement. Je dirais : le mot socialise l’angoisse, ça creé e une
croyance commune et donc ils gagnent beaucoup, les enfants ou d’ailleurs n’importe qui, aà
partager les croyances qui n’ont pas de nom, et qui sont nommeé es, les angoisses qui sont
nommeé es de cette façon-laà . Dans l’Antiquiteé , les grecs ils avaient peur du contact d’autrui, ils
faisaient des sacrifices contre les miasmes. Toutes sortes de sacrifices, de rituels : il ne fallait
pas toucher telle chose que telle personne avait toucheé e, etc… Bon, je dirais que c’est ce
qu’on peut appeler nous, du point de vue psychopathologique, c’est moins joli eé videmment,
phobie du toucher ou phobie… En fait, c’est l’angoisse de l’autre, c’est des angoisses
sexualiseé es par rapport au contact, aà la seé duction, etc… voilaà , qui peuvent se ritualiser selon
des symbolisations qui sont propres aà chaque eé poque et qui creé ent les croyances de chaque
eé poque. Alors les miasmes de l’Antiquiteé ou l’eé cologie d’aujourd’hui, au fond, pour beaucoup
de gens, c’est le meô me fonctionnement, c’est une façon d’exorciser les phobies alimentaires,
etc… Je m’excuse pour ceux d’entre vous qui accreé ditent les eé tiquettes vertes mais il y a cette
dimension qui existe depuis toujours, c’est pas quelque chose qui est absolument nouveau.
C’est pas simplement depuis qu’on sait que les microbes existent qu’il y a toutes ces … je

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veux dire l’hygieà ne n’est que la forme actuelle, pour le dire autrement, d’un probleà me
psychique qui concerne l’humaniteé depuis toujours, celui du pur et de l’impur si vous
voulez, en termes religieux. Vous voyez qu’il y a des translations de probleà mes qui se font
comme ça, notamment au nom de la dernieà re cateé gorie de rapports psychiques culturels
dont j’ai parleé , c'est-aà -dire la science. La science peut servir aà symboliser les angoisses de
cet ordre. Donc ce qui est angoissant dans le rapport aà un animisme du monde eh bien les
sujets gagnent beaucoup aà partager sous forme de croyances communes, ce qui permet de
les symboliser parce que, je dirais que ça objective leurs croyances et le partage les
deé subjective, d’une certaine façon. Donc c’est un soulagement d’avoir une croyance
commune et c’est meô me un soulagement tel que c’est cela qui fait lien social. On croit
ensemble aà la meô me chose. C’est ce qui fonde une culture, quoi.
Alors comme je disais, c’est rassurant d’y croire ensemble. A quoi ? De croire ensemble
aà la petite histoire qui permet de mettre un nom sur une angoisse, on sait pas laquelle,
d’inventer une histoire et il n’en faut pas plus pour constituer le lien social. Il y a quelque
chose qui se rigidifie aà partir de cette croyance commune. Alors, j’ai dit, ça ça peut se
produire dans un temps x, n’importe lequel, de la vie psychique d’un sujet. Et au fond, c’est
tout le temps vrai. Je veux dire, la constitution de croyances communes, aà laquelle il est
vraiment treà s treà s difficile d’apporter un deé menti, c’est meô me presque impossible, je veux
dire, si on apporte un deé menti aà une croyance commune parce qu’elle fait lien social et parce
que le lien social est plus important que la veé riteé elle-meô me de la chose, il n’y a pas moyen
de faire bouger cette croyance. Pas possible. Je veux dire, meô me dans des communauteé s
scientifiques, ou des communauteé s psychanalytiques. S’il y a tel ou tel dogme qui est en
place, pour le contourner, c’est extreô mement, c’est presque impossible, parce que quoi ?
Parce que ça remet en jeu le lien social. Donc la croyance est finalement la plus forte. Ca,
vous avez autant d’exemples que vous voudrez de ce genre de choses, et comme je l’ai dit, y
compris dans les communauteé s scientifiques. Il y a un chercheur ameé ricain qui s’appelle
Kuü hn, qui a eé crit un livre sur les reé volutions scientifiques et qui montre qu’aà une certaine
eé poque, c’est un certain paradigme qui acquiert le consensus d’une communauteé
scientifique, et que pour franchir ce paradigme, il faut faire une petite reé volution. Alors, ce
qui est vrai pour les communauteé s scientifiques, vous pensez bien que c’est encore plus vrai
pour les croyances qui sont seulement des croyances fondeé es sur des angoisses psychiques,
comme la peur du noir, la peur du loup, etc… La peur du loup se peé rennise alors que ça fait
quand meô me au moins deux sieà cles qu’on ne rencontre plus de loups dans la rue, ou treà s
peu. Et les enfants continuent aà parler de la peur du loup. Donc aà partir du moment ouà il y a
un lien social qui se constitue, ce qu’apporte ce lien social est tellement important du point
de vue essentiel, c'est-aà -dire, qu’est-ce qui compte pour les hommes ? C’est leur point de vue
psychique qui prime sur la veé riteé , sur la reé aliteé . Pendant des milleé naires les hommes ont
preé feé reé les croyances manifestement fausses du moment qu’elles leur apportaient un
reé confort psychique, ou meô me encore aujourd’hui, c’est pareil, plutoô t que la veé riteé . La veé riteé
au fond, on s’en fout un peu. Ca vient apreà s coup, comme ça, voilaà . Si c’est vrai, tant mieux,
mais au fond c’est pas l’essentiel. L’essentiel c’est d’arriver aà colmater l’angoisse. Alors une
fois imagineé e une socieé teé animiste qui se constitue sur raconter des histoires pour
comprendre la preé sence des esprits dans les choses et la vie de ces esprits entre eux, etc…,
croyances animistes, une fois que ça s’est constitueé , avec tout le beé neé fice psychique que ça
apporte, c’est bien possible que ça corresponde aà un certain aô ge de la vie psychique, mais

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apreà s, l’enfant grandit, c'est-aà -dire il pourrait au fond en passer aà autre chose, mais la
socieé teé est constitueé e, ça y est, c’est fait. La mayonnaise a pris et la reé pression elle vient aà
partir de laà . C'est-aà -dire, une fois que quelque chose a fonctionneé , on ne le change pas
comme ça. On le garde. Ce qui a marcheé une fois, on le garde. Ce qui a marcheé une fois, eh
bien des fois ça reste pendant des milleé naires et des milleé naires. Reé ussir aà , comment dire, aà
attraper les repreé sentations pour arriver aà en faire une eé criture, ça se formalise selon un
certain ordre sacreé , des inscriptions, des graphies, etc… et le premier alphabet retrouveé aà
Ugarit dans le nord du Liban, eh ben, il est aà peu preà s dans le meô me ordre que le noô tre. On
n’y touche pas, c’est sacreé . Ca a marcheé une fois, faut pas y toucher. Donc vous voyez : une
certaine rigiditeé qui s’explique, bien que par ailleurs, les sujets qui vivent dans les cultures
animistes en question, qui ont peut-eô tre trois ans d’aô ge psychique, ça ne les empeô che pas du
tout de grandir davantage. Vous avez compris ce que je voulais vous faire saisir de diffeé rence
entre reé pression d’une part, entre phylogeneà se et ontogeneà se, de l’autre.

Donc le lien social qui joue un roô le reé pressif, ou la culture, qui joue un roô le reé pressif,
apreà s avoir joueé un roô le de soulagement de l’angoisse, donc un roô le positif. Les religions ont
d’abord un roô le positif, pendant un certain temps, et puis aà un moment donneé ça s’inverse,
elles ont un roô le reé pressif, c'est-aà -dire elles empeô chent les sujets de grandir. Au fond, toute
eé poque, toute culture empeô che ces sujets de grandir, jusqu’aà un certain point, meô me dans
notre socieé teé reé puteé e relativement permissive du point de vue de la reé pression, il y a des
codes qu’on ne peut pas franchir comme ça. Voilaà , donc eé cart entre phylogeneà se et
ontogeneà se dont je vous ai dit qu’il pouvait eô tre assez impressionnant, puisque par exemple
si on regarde l’eé criture, le rapport phylogeneà se ontogeneà se en ce qui concerne l’eé criture,
l’eé criture, notre eé criture, a d’abord eé teé ideé ographique, pictographique, phonographique,
avant d’eô tre alphabeé tique, et d’une certaine façon, un enfant reproduit ce cheminement en
dessinant d’abord, puis en reproduisant non pas seulement des dessins, mais les ideé es qui
accompagnent ces dessins, avant d’aboutir aà une eé criture litteé rale, alphabeé tique,
phonographique. Donc reproduction phylogeneà se ontogeneà se qui concerne des eé carts
courant sur des milliers d’anneé es. Alors c’est d’autant plus impressionnant qu’en fait on
s’aperçoit qu’aucun stade n’est jamais compleà tement deé passeé , c’est plutoô t aà un empilement
que nous avons affaire. C'est-aà -dire que le stade animiste il n’est pas abandonneé pour un
stade ulteé rieur, toteé mique, polytheé iste, monotheé iste, etc… pas du tout, il y a un empilement
par strates, comme pour chaque enfant en quelque sorte, ou comme pour nous-meô mes.
Nous avons toujours nos petits rituels magiques dont nous pouvons d’ailleurs y eô tre
tellement habitueé s que nous n’y faisons pas attention, qu’on a des petits rituels, des petits
trucs magiques, comme ça, qui nous restent de l’enfance : faut pas marcher sur les traits
dans la rue, parce qu’il y a un diable en-dessous qui va nous tirer sous terre, etc… Donc laà on
a un petit peu avanceé pour comprendre la constitution du lien social lui-meô me, comme mise
en commun d’angoisses communes, symbolisation d’angoisses communes, qui permettent
d’en faire quoi ? Qui permettent d’en faire des fictions collectives. On se raconte la meô me
histoire : l’histoire du jaguar, l’esprit du jaguar, etc… par exemple. Alors je dis bien fiction
collective. Ca veut dire que je ne soutiens nullement qu’il existerait un inconscient collectif.
L’inconscient est le fait de chaque sujet. De cet inconscient surnage une angoisse et c’est
avec cette angoisse que sont fabriqueé es les fictions collectives. Un jour quelqu’un commence
aà raconter cette fiction, qui convient aà un autre parce qu’il dit « Ah oui, ça correspond aà peu

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preà s aà mes propres peurs ». Et les meô mes fictions se reé peà tent, se reé peà tent, s’agrandissent,
etc… oralement. On a oublieé ce que c’eé tait qu’une culture orale et les premieà res pieà ces par
exemple des auteurs grecs, parfois plusieurs milliers de vers, ou l’Iliade et l’Odysseé e, il y
avait des poeà tes, des bardes qui savaient tout ça par cœur, qui reé citaient, qui rajoutaient des
fictions aux fictions. Donc voilaà , fiction collective et non pas inconscient collectif. Et le roô le
de ces fictions collectives n’est pas simplement de mettre en commun, d’objectiver comme je
le disais tout aà l’heure, d’objectiver, de mettre aà distance, d’exorciser une angoisse, de
permettre des rituels communautaires par rapport aà ces fictions. Communautaire ça veut
dire que quand c’est fait en commun, du coup, chaque sujet oublie sa singulariteé dans le
rituel fait en commun. C'est-aà -dire, non seulement il oublie, mais il ignore compleà tement le
sens du rituel. C’est eé vident, par exemple les chreé tiens qui font la communion, si on leur dit
« Et alors, vous eô tes en train de boulotter le corps du Christ, quel effet ça vous fait ? C’est un
repas cannibalique », eé videmment, on n’est pas bien reçu si on fait une remarque comme ça.
Ca veut dire qu’ils ignorent eux-meô mes le sens psychique de leur acte. Meô me chose pour la
plupart des religions : ce sont des mysteà res qui sont mis en acte par un certain nombre de
rituels et dont vous remarquerez qu’ils sont correé leé s aà des fictions. Il y a la fiction collective
et il y a le rituel qui ne colle pas forceé ment aà la fiction collective. En quoi la communion du
Christ, manger un petit morceau de pain, c’est meô me pas du pain de bonne qualiteé , tradition
ou bien autre, c’est une petite paô te comme ça, un petit coup de vin qui n’est pas toujours
terrible, meô me chose. En quoi ce serait manger et boire la chair et le sang du Christ ? Il y a
eu des deé bats parmi les Peà res de l’Eglise pendant des sieà cles pour dire que c’eé tait vraiment
la chair et le sang du Christ. Remarquez bien que ces rituels ne correspondent nullement
aux fictions. Ce sont des rituels je dirais qui sont posteé rieurs aux Evangiles eux-meô mes, aux
fictions elles-meô mes. Donc une chose sont les rituels, dont il faut bien dire que pour la
chreé tienteé , en tout cas pour le catholicisme, ça reproduit, ça prolonge des rituels au fond
toteé miques de base. C’est treà s basique, ça va pas chercher bien loin. Je veux dire, c’est tout aà
fait deé caleé par rapport aà toute la theé ologie, aà tout l’immense appareil theé ologique qui est
deé veloppeé aà partir des Evangiles. Les rituels sont une chose, les fictions en sont une autre, et
c’est aà partir des rituels que le lien social prend consistance. Les bouquins on peut les lire
chez soi, la Bible on peut l’avoir sur sa table de nuit, mais le rituel il faut aller aà l’eé glise, il faut
se deé placer, c'est-aà -dire il faut faire communauteé . C'est-aà -dire le gel du lien social c’est aà
partir du rituel qu’il se produit. Alors, ces rituels communautaires qui font oublier la
singulariteé de l’angoisse, non seulement ils font oublier la singulariteé de l’angoisse mais qui
en faisant oublier la singulariteé de l’angoisse font oublier en meô me temps le sens meô me des
actes. C'est-aà -dire que les gens font des actes, ils ne savent meô me pas ce que ça veut dire, en
tout cas ils ne preé feà rent pas le savoir. Donc vous voyez cette porteé e qui fait lien social et
ensuite c’est reé feé reé aà une theé ologie, encore une fois, avec un eé cart par rapport aà cette
theé ologie, et cette theé ologie elle-meô me, c'est-aà -dire les fictions collectives, l’histoire elle-
meô me qui est une histoire qui se raconte, ça se raconte, « Voilaà il est arriveé ceci, tel jour aà
telle heure, il s’est passeé ceci, cela, Machin lui a dit ceci », c’est une veé ritable, c’est une
histoire.
Alors, eé galement, il y a une forme de retournement de la veé riteé de l’inconscient dans la
fiction, ça veut dire, la fiction ne reproduit pas l’inconscient, comme je l’ai deé jaà dit tout aà
l’heure, on ne peut pas parler, dans les fictions, d’un inconscient collectif, c’est un
retournement de ce qui subjectivement est angoissant. Par exemple, retourneé dans la

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theé ologie : le peà re tueé est transformeé en peà re eé ternel ou la meà re pour l’enfant tout seul est
transformeé e en meà re vierge pour tout le monde. C'est-aà -dire qu’il y a sans arreô t le petit
retournement qui deé guise la veé riteé de l’inconscient. Deé guisement de la veé riteé de
l’inconscient dans la fiction. Refoulement de la veé riteé de l’inconscient dans la fiction. Par
exemple, c’est la femme qui tend la pomme aà cause d’une erreur de traduction, il faut bien le
dire, tend la pomme aà l’homme et du coup le mal s’abat sur l’humaniteé , c’est un
travestissement en quelque sorte de la veé riteé de l’inconscient qui apparaîôt si vous voyez
comment s’appelle la femme en question. Elle s’appelle Ewa, Eve, qui veut dire la meà re de
tous les vivants. Alors si c’est la meà re de tous les vivants, eh bien c’est eé videmment Adam
qui est le peé cheur et non pas la femme qui lui a tendu le fruit deé fendu, puisque c’est lui qui a
un deé sir incestueux par rapport aà une meà re. Donc c’est pas une femme, c’est une meà re. Donc
la theé ologie travestit compleà tement la veé riteé du deé sir incestueux et du coup apreà s on n’y
comprend plus rien aà la theé ologie. Laà aussi c’est un mysteà re. C’est un mysteà re, faut y croire,
c’est ça. Et chacun y croit d’autant plus volontiers qu’il a lui-meô me un deé sir incestueux. Donc
vous voyez ce retournement de position qui assure la croyance collective, c’est que chacun
peut s’y retrouver en quelque sorte, mais de manieà re soulageante puisque tout est maquilleé .
Nous voilaà tranquilles. Ce qui veut dire que la fiction, la fiction collective, la fiction religieuse,
de quelqu’ordre qu’elle soit, eh bien, elle va donner au sujet une position honorable. Il va s’y
retrouver avec son deé sir. Son deé sir dont il pourra en meô me temps avouer que c’est le deé sir
d’un pauvre peé cheur peut-eô tre, mais la nature du peé cheé lui-meô me est compleà tement
masqueé e. Le mot d’inceste ne doit pas exister dans la Bible, je ne crois pas. Tout ça est
compleà tement masqueé donc c’est honorable, on fait amende honorable en plus, on est un
pauvre peé cheur. Pourquoi ? Ca, vaut mieux pas le dire. Que chacun se deé brouille avec son
propre peé cheé . En tout cas, c’est collectiviseé dans la fiction collective. Voilaà , ce qui veut dire
que les fictions collectives masquent ce que chaque sujet refoule. Chaque sujet refoule son
deé sir, la nature, je dirais, par exemple incestueuse, parricide de son deé sir et la fiction vous
empaquette tout ça de manieà re honorable en le tartinant en toutes sortes d’histoires et en
ayant un peu aà part les rituels qui permettent de se deé brouiller avec sa culpabiliteé .
Donc il faut bien situer ce qui est premier, c’est quoi ? C’est ce que chaque sujet refoule
de manieà re autonome en quelque sorte. C’est pour ça que je tiens beaucoup aà
soigneusement distinguer refoulement et reé pression. C’est pour ça que j’ai dit au deé but du
cours : ce que chaque sujet refoule, c’est plus grand et c’est ce qu’il refoule qui va insister
sous forme de retour du refouleé et va le pousser aà aller plus loin que toutes ces fictions
collectives stupides qu’on lit, j’exageà re mais enfin bref, qui deviennent stupides dans la
mesure ouà elles sont reé pressives, qui l’empeô trent par rapport aà ses potentialiteé s d’aller plus
loin. C’est ça qui pousse sans arreô t la socieé teé vers un progreà s.

Questions autour du cours :

Quelle est votre définition de la fiction collective et dans quel sens cette définition
s’éloigne de la définition courante d’inconscient collectif ?
L’inconscient, c’est ce qui reé sulte du refoulement de chaque sujet. Je vais en parler
beaucoup plus la prochaine fois. Laà , je tenais simplement aà poser le probleà me. Alors,
comment est-ce que cet inconscient se preé sente ? Il se preé sente de manieà re parfaitement

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contingente, eé veé nementielle. C'est-aà -dire que pour chaque eé veé nement traumatique, petit ou
grand, deà s le premier jour, il y a un certain nombre de repreé sentations qui accompagnent cet
eé veé nement traumatique, qui sont refouleé es. Par exemple une angoisse, le cri du coq au
meô me moment, l’angoisse elle est innommable, c’est le cri du coq qui est refouleé . C'est-aà -
dire repreé sentation de la chose innommable par quelque chose qui est un cri de coq ou un
coq par exemple. Le lendemain, c’est la venue du peà re en pyjama dans la chambre qui
angoisse, et donc c’est la repreé sentation du pyjama qui est refouleé e. Reé sultat pour
l’inconscient de ce sujet : un coq en pyjama par exemple. Un empilage comme ça de
repreé sentations de choses pour l’inconscient d’un certain sujet. C’est pas partageable. Je
veux dire qu’on a tous des stratifications d’images comme ça dont le sens au bout d’un
certain moment d’empilement, on ne comprend plus le sens de certaines images de reô ves,
parce qu’il y a des choses qui ont un pied dans la reé aliteé , une autre dans l’enfance, ce qui fait
qu’un travestissement, ça n’est pas partageable. En revanche, l’angoisse que ça repreé sente et
ces moments de refoulement, ça ça peut se partager sous forme d’un certain nombre de
fictions qui racontent des histoires qui peuvent globaliser l’ensemble de ces angoisses. Donc
l’inconscient il ne peut pas eô tre collectif, je dirais, par deé finition, puisque, je dirais, c’est un
sujet qui refoule des repreé sentations en fonction des petits eé veé nements, petits ou grands, de
sa vie. Et ça lui revient comme ça, ainsi de suite. Ce aà quoi ça correspond en revanche ça peut
se raconter sous forme d’histoire globalisable. Pourquoi le peà re est angoissant ? C’est vrai
que c’est repreé senteé par un pyjama pour l’un, par autre chose pour l’autre, etc… mais on
peut raconter l’histoire d’un Dieu angoissant par exemple, parce qu’il a telle ou telle
aventure avec un personnage qui ressemble aà une meà re ou aà une sœur, etc… Donc ça c’est
partageable, ça fait des fictions collectives. Des fictions collectives, qui, je dirais, permettent
de theé matiser la singulariteé de l’ensemble des inconscients des personnes qui vivent dans
une certaine aire geé ographique.

Donc d’après vous l’inconscient collectif n’existe pas ?


Pas du tout. C’est simple : pas du tout. Je veux dire, c’est ce que j’essaie d’expliquer,
c’est pas une affirmation comme ça, je dis qu’il peut y avoir des croyances collectives. Si on
veut, on peut dire qu’elles sont inconscientes dans la mesure ouà elles ignorent leur propre
motif. Mais ça n’est pas l’inconscient freudien, c’est ça que je veux dire. C’est eé vident que si
vous dites aà , je m’excuse pour ceux d’entre vous qui ont ces croyances, ou c’est pas des
croyances, c’est tout aà fait vrai je suis d’accord je discute pas, mais pour ceux d’entre vous
qui adheà rent aà l’ideé ologie eé cologie ou des choses comme ça, si vous leur dites que ça peut
correspondre aà des phobies du toucher ou aà des phobies alimentaires, etc… c’est eé vident
qu’il y a quelque chose d’inconscient dans ce qui donne sa force parfois feé roce aà ce type de
prise de position. Ou la phobie des fumeurs par exemple, c’est la phobie de l’autre en
geé neé ral, je dirais, les gens qui ne fument pas, souvent, sont des gens un peu, comment dire,
rejetant par rapport aux fumeurs. J’essaie de peser mes mots parce que… Il m’arrive de
fumer en plein air par exemple aà une station d’autobus et des gens qui sont aà vingt meà tres
font comme ça [gestes], ils en peuvent plus ! Bon c’est eé vident qu’il y a quelque chose de
l’agressiviteé qui ressort, graô ce aà quelque chose qui se donne beaucoup de bonnes raisons
scientifiques : le cancer, etc… ça rend impuissant, enfin toutes sortes de meé faits du tabac, qui
font qu’on voit plein de fumeurs raides morts dans les rues, puisque le tabac tue. C’est
marqueé dessus en gros ! Si le tabac tuait, on verrait plein de fumeurs morts dans les rues. Ca

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n’arrive jamais. Et pourtant c’est une croyance forte, donc on peut dire qu’elle repose sur
quelque chose d’inconscient. Alors, pour reé pondre plus compleà tement aà votre question, je
veux simplement dire par laà que ça n’est pas l’inconscient freudien, pas l’inconscient du
refoulement.

Est-ce qu’on peut dire que la religion donne une position honorable au désir incestueux ?
Oui. Si vous ouvrez la Geneà se et l’histoire d’Adam et Eve, moi ça me paraîôt vraiment
frappant. Deà s le deé but on voit bien que le mal est attribueé aà la feé miniteé , alors qu’au fond on
trouve le pot aux roses tout de suite, en trouvant le nom de cette femme, Ewa. Moi ça me
paraîôt clair. Ca veut dire qu’il faut retourner tout le probleà me du mal, parce que le mal est
attribueé au deé sir, et au deé sir de la femme en plus. Depuis le deé but, ça fait quelques milliers
d’anneé es que ça dure. Avec des conseé quences on peut pas dire treà s sympathiques pour la
moitieé de l’humaniteé . C’est vrai. Donc on voit bien que c’est une façon de retourner un deé sir
incestueux en quelque sorte, en rejetant la faute, le mal, le satanisme sur le feé minin.

La notion d’inconscient collectif par rapport aux événements traumatiques collectifs ?


J’ai un peu reé pondu en disant qu’il n’y avait pas d’inconscient collectif au sens de
l’inconscient freudien. Dans la question que vous posez, c’est peut-eô tre encore un peu plus
compliqueé parce que les traumatismes en question, c’est pas des traumatismes, je dirais, qui
ne laissent pas de traces au point de vue de l’inconscient freudien. Ca laisse des traces au
point de vue de l’inconscient freudien, et de plus des traces qui se transmettent. Je veux dire
que les petits-enfants ou les arrieà re-petits-enfants de gens qui ont veé cu des eé veé nements
traumatiques graves, eé videmment, non pas l’eé veé nement lui-meô me mais l’angoisse lieé e aà
l’eé veé nement leur a eé teé transmis, d’une certaine façon. Une façon qui est lieé e aà chaque fois aà
leur histoire propre. Je ne peux pas dire en geé neé ral comment ça leur a eé teé transmis. Ca leur a
eé teé transmis aà l’occasion d’une chose qu’ils ont entendue, d’une chose qu’ils ont comprise,
d’une honte qu’ils ont eue, d’une honte qu’ils n’ont pas eue, quand ils ont entendu que tel ou
tel eé veé nement de cette histoire traumatique pouvait aussi servir d’insulte, c'est-aà -dire
d’insulte raciale par exemple qui est lieé e aà cet eé veé nement. Bon ben ça c’est l’occasion d’un
refoulement qui se perpeé tue de geé neé rations en geé neé rations. Et ça c’est suô r qu’aà la fois c’est
collectif et c’est singulier, c'est-aà -dire chacun des porteurs de cette culture veé hicule ce
traumatisme, traumatisme qui geé neé ralement est compleà tement cacheé , qui est tu.

Question inaudible : Dans la mesure ouà ça peut concerner tous les sujets d’une certaine
geé neé ration, ils vont tous en porter la marque en meô me temps. Alors c’est vrai que votre
question est treà s utile et importante pour preé senter de manieà re un peu plus fine ce que j’ai
affirmeé comme ça abruptement, mais c’est eé vident que par exemple tous les jeunes gens qui
ont participeé aà des tortures au moment de la guerre d’Algeé rie, les assassinats de masse, ainsi
de suite, ils n’en parlent jamais apreà s. Ils ont honte eé videmment, mais il y a quand meô me
quelque chose qui se transmet pour eux, pour leurs enfants, etc… Comment ça se transmet ?
Ca se transmet peut-eô tre aà travers la curiositeé des fils par rapport aà leur peà re, ils leur
demandent : « Alors qu’est-ce que t’as fait, etc… », aà leur façon de ne pas le dire. Il y a une
transmission qui laà correspond aà quelque chose de l’inconscient freudien, qui touche aà
l’inconscient freudien. C’est pas simplement des fictions qui touchent aà des geé neé raliteé s qui
refoulent un inconscient qui en fin de compte qui n’est pas lieé aà des traumatismes reé els,

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comme ceux auxquels vous faites allusion. Il y a des choses comme ça on peut dire, on ne
sait pas comment c’est possible de venir aà bout de ces traumatismes-laà .

Pouvez-vous redéfinir le concept de progrès ?


Progreà s, je veux dire, je ne voudrais pas lui donner un point de vue moral et j’ai
expliqueé pourquoi. Je ne veux pas dire que les animistes sont en retard au point de vue de
l’aô ge mental par exemple par rapport aux gens qui seraient atheé es. Et cela pour plusieurs
raisons. D’abord parce que j’ai essayeé de montrer que les gens vivant dans les socieé teé s
animistes avaient une croissance tout aà fait eé quivalente au point de vue psychique aà la noô tre.
C’est simplement le lien social qui est organiseé comme ça, lien social qui a sa fonction
reé pressive dans la socieé teé en question, et qui n’empeô che nullement les individus en question
d’avoir un deé veloppement psychique tout aà fait semblable aux autres.

Il n’y a pas un progrès dans ces sociétés ?


Progreà s, je veux dire par laà qu’une certaine position psychique, toutes les positions
psychiques sont instables. C'est-aà -dire, j’entends par progreà s quelque chose qui engendre
forceé ment une suite. C'est-aà -dire quelque chose qui ne peut pas se maintenir en l’eé tat actuel,
en un eé tat actuel. Par exemple, le rapport au monde animiste, pulsionnel on va dire, etc…
oblige aà trouver une situation aà l’angoisse que ça provoque, donc d’inventer un principe qui
corresponde aà l’angoisse que ça provoque. Ce principe lui-meô me est instable et va obliger aà
inventer un autre principe. C’est en cela que je parle de progreà s, progression. Alors, si vous
ne voulez pas le caracteà re moral qu’implique le terme de progreà s, vous pouvez dire
vectorialisation obligatoire. Vectorialisation, c’est vectorialiseé . Ca veut dire qu’un certain
eé tat psychique ou donc un certain eé tat du lien social en programme neé cessairement un
autre, et il n’y a pas de marche arrieà re. Il n’y a pas de marche arrieà re, c’est pour ça que c’est
un progreà s ou une vectorialisation si vous preé feé rez. Ca veut dire que si vous passez de
l’animisme au toteé misme, etc…, il n’y a pas de marche arrieà re. Une socieé teé monotheé iste ne
reé trograde pas aà l’animisme.

Question inaudible : Le « je » ? Mais tout le monde dit « Je », je veux dire dans les
socieé teé s les plus archaîüques, les hommes disent « je ».
Avec toutes les conséquences que ça comporte ? Avec toutes les conseé quences que ça
comporte. Je vous ai dit, c’est ce que j’ai essayeé de faire aujourd’hui en tout cas, c’est une
diffeé renciation trancheé e entre la position subjective et un certain eé tat culturel.

Donc vous pensez que dans les sociétés animistes le « Je » qu’utilise le sujet a les mêmes
conséquences que le « Je » qu’on utilise dans d’autres sociétés ?
Ecoutez aà partir du moment ouà vous me posez la question comme ça, je suis obligeé de
vous dire que je ne peux reé pondre qu’en fonction de chaque sujet particulier de cette
socieé teé . Je veux dire que je suis certain que si je vais dans une socieé teé de Nouvelle Caleé donie
qui vient d’eô tre deé couverte, isoleé e de la socieé teé , du reste du monde depuis toujours, je vais
trouver des gens aussi aà la cool que moi.

Est-ce que le refoulement peut devenir une répression ? [suite inaudible]

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Ecoutez vous posez une question et la reé ponse est malheureusement arriveé e dans
l’histoire : oui. C’est eé vident que la folie d’un seul peut eô tre suivie par la neé vrose de
beaucoup. Ca c’est la meô me chose, on peut faire comme Freud, c'est-aà -dire voir les faits, oui
c’est arriveé , ça arrive tout le temps.

Dans la comparaison que vous avez mentionnée entre les types de religions qui existent
dans les sociétés et les étapes du développement, pourquoi mettre le monothéisme après le
polythéisme et cette comparaison ne serait-elle pas une prétention paradigmatique d’une
optique issue d’une société précisément monothéiste, telle que celle-ci, historiquement ?
Eh bien eé coutez, ça c’est la meô me chose, je vous ferai la meô me reé ponse : c’est un fait
que les socieé teé s monotheé istes sont apparues apreà s les socieé teé s polytheé istes. C’est un fait.
Je pense à la société bouddhiste, au Tibet qui est plus progressiste qu’une société
monothéiste. Non mais vous prenez un point de vue moraliste. Moi je ne parle pas d’un point
de vue moraliste. Je veux dire, le bouddhisme est un monotheé isme. J’essaierai de parler du
bouddhisme plus tard, mais le bouddhisme est un monotheé isme un peu speé cial il faut bien
le dire, assez malin, Bouddha est un type assez malin, mais c’est un monotheé isme, c’est une
religion reé veé leé e. Je n’ai pas reé pondu aà votre question, je reé pondrai plus tard.

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