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U
Le droit pénal des affaires est d’une importance essentielle, tant pour les acteurs de la vie
des affaires que pour l’économie dans son ensemble, car il permet d’assurer le respect 2016
d’une moralité du droit des affaires et de l’activité économique. Aussi, la dépénalisation
contemporaine du droit des affaires reste somme toute très limitée et le risque pénal est
toujours aussi présent dans l’entreprise.
Ce manuel, qui expose le cours et présente des exercices pratiques corrigés, envisage
d’abord la spécificité du droit pénal des affaires, avant d’aborder le droit pénal commun
des affaires et le droit pénal spécial des affaires. Sont ainsi présentées les règles générales
Droit pénal
du droit pénal des affaires (responsabilité pénale du chef d’entreprise et des personnes
O
abus de confiance, recel, blanchiment, faux, corruption, trafic d’influence, prise illégale
des affaires
d’intérêts, favoritisme, droit pénal des sociétés, droit pénal des procédures collectives,
droit pénal de la concurrence, droit pénal de la consommation, droit pénal boursier).
Destiné avant tout aux étudiants, cet ouvrage pourra intéresser aussi les professionnels,
juristes ou entrepreneurs.
2e édition
C
Philippe Bonfils est agrégé des Facultés de droit, professeur à Aix-Marseille Université,
doyen de la Faculté de droit et de science politique et avocat au Barreau de Marseille.
Eudoxie Gallardo est maître de conférences à Aix-Marseille Université et directrice
adjointe de l’Institut de Sciences Pénales et de Criminologie.
La partie travaux dirigés est réalisée, sous la direction de Philippe Bonfils et Eudoxie
Gallardo, par des spécialistes du droit pénal des affaires, universitaires et/ou praticiens
(professeurs et maîtres de conférences, docteurs en droit, doctorants en droit, magistrat,
P. Bonfils
E. Gallardo
avocats) : Carole Aigouy, Sofian Anane, Chloé Cardillo, Loïc Eyrignac, Sébastien
Fucini, Ludivine Grégoire, Yannick Joseph-Ratineau, Trystran Lauraire, Gaëlle
Le Corroller, Marie-Ève Morin, Philippe Payan, Jean-Baptiste Perrier, Laura Philippe Bonfils
Pignatel, Anne Ponseille, Sacha Raoult et Adrien Roux.
Eudoxie Gallardo
LMD
cours
www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-05304-2 36 € & TD
COURS - Droit penal des affaires.indd 1 20/09/16 14:23
SOMMAIRE
COURS
Section 1 – La notion de droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 19
§1. La définition du droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
§2. Le contenu du droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 24
Section 2 – L’évolution du droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
§1. La genèse du droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 25
§2. La physionomie contemporaine du droit pénal des affaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 27
PREMIÈRE PARTIE – LA SPÉCIFICITÉ DU DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
Chapitre 1 – La spécificité du droit pénal des affaires au regard du droit pénal
général
Section 1 – La spécificité de l’infraction en droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 35
§1. La spécificité des sources en droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
I. La diversité des sources du droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
II. L’affaiblissement du principe de légalité criminelle. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
§2. La spécificité des éléments constitutifs de l’infraction en droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . 40
I. La spécificité de l’élément matériel . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
II. La spécificité de l’élément moral . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 42
Section 2 – La spécificité de la responsabilité en droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
§1. La détermination de la personne responsable pénalement dans l’entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
I. Le domaine de la responsabilité pénale du chef d’entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
II. Les conditions de la responsabilité pénale du chef d’entreprise . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 45
§2. La responsabilité pénale de l’entreprise personne morale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
I. Le domaine de la responsabilité pénale des personnes morales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 48
II. La mise en œuvre de la responsabilité pénale des personnes morales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 50
Section 3 – La spécificité des sanctions en droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
§1. Les sanctions répressives extra-pénales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
I. La notion de sanction répressive extrapénale . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
II. Le régime des sanctions répressives extrapénales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 53
§2. Les sanctions pénales . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
I. Les peines encourues . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 55
II. Les peines prononcées . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 56
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TRAVAUX DIRIGÉS
Séance 1 – Introduction : l’évolution du droit pénal des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 243
1er Exercice : Dissertation : L’autonomie du droit pénal des affaires. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 244
Séance 3 – Les sources du droit pénal des affaires : le droit européen . . . . . . . . . . . 267
3e Exercice : Dissertation : L’émergence d’un droit pénal européen des affaires . . . . . . . . . . . . . . . . . . 268
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INDEX . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 441
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SÉANCE 16
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DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
16e Exercice
cas pratique
Sofian Anane, doctorant en droit privé, laboratoire de droit privé et de sciences criminelles,
Aix-Marseille Université
« Charles est, depuis sa plus tendre enfance, un grand amateur d’art ancien. Rien d’éton-
nant donc à ce qu’il soit devenu commissaire-priseur. Professionnel passionné et reconnu
par ses pairs, Charles est sans cesse à la recherche d’œuvres rares afin de faire briller le
blason de son hôtel de ventes. Un jour, son ami Antoine, galeriste et peintre à ses heures
perdues, lui annonce qu’il vient de faire une découverte intéressante : un marchand offi-
ciant dans l’ombre revend à prix d’or de somptueuses œuvres de Gustav Klimt, signées,
authentifiées mais inconnues du grand public. Charles, séduit par cette trouvaille accepte
sans hésiter de voir trois œuvres afin d’en faire l’acquisition. La rencontre se passe en
toute discrétion dans un atelier sous-terrain du centre ville mis à disposition par Antoine
et à une heure très tardive. Habitué à la discrétion du monde de l’art, Charles ne s’en
offusque pas. Il se sent même privilégié d’être ainsi le premier à découvrir ce qui pourrait
faire l’objet de la vente du siècle. L’affaire est conclue.
Six mois plus tard, et après de multiples vérifications quant à l’authenticité des tableaux, il
organise la vente de ces trois œuvres, réunissant les plus grands noms du monde de
l’art. Malheureusement, le lendemain de cet événement l’on apprend que ces œuvres ont
été dérobées dans une maison quelque part dans la campagne bordelaise. Charles est
alors conspué de toutes parts et perd une grande partie de ses clients. Le temps que la
tempête se calme, il décide de prendre quelques jours de vacances chez son ami Paul
Martin.
Ce dernier dirige une grande entreprise de parfumerie florissante, la société anonyme (S.
A. ) « Marlin ». Face à la prospérité de ses affaires, Paul décide d’engager une nouvelle
directrice de la communication. Peinant à trouver le candidat idéal, il se souvient que son
épouse Florence a, elle même, étudié la communication dans une grande université
américaine et lui propose donc le poste envisagé. Florence accepte avec joie mais trop
habituée à l’oisiveté luxueuse dans laquelle elle évolue depuis maintenant plus de dix
ans, finit par délaisser ses obligations professionnelles au profit de diverses activités
entre amies grâce aux avantages que lui fournissent son statut de directrice de la
communication de la société : luxueuse voiture de fonction, lèche-vitrine, déjeuners dans
des établissements gastronomiques, etc. N’osant pas affronter son épouse au risque de
la vexer, Paul laisse perdurer cette situation, et continue de lui verser son salaire.
Alors que la communication de la société bat de l’aile, Paul exhorte son épouse à changer
d’attitude.
Un soir, Paul croise, par hasard, le chemin d’Arthur, un ancien camarade d’université,
devenu depuis, journaliste financier pour un grand mensuel économique. En l’honneur du
bon vieux temps, ils se réunissent autour d’un verre. Alors qu’Arthur donne son opinion
sur les grands problèmes économiques du moment, il explique qu’un certain nombre de
sociétés sont en train d’exploser sur les marchés financiers et que s’il y avait un moment
idéal pour investir son argent dans leurs activités, c’était bien celui-ci. Prenant bonne note
de ce conseil, dès le lendemain, Paul procède à ces investissements qui lui rapporteront
428
Cas pratique récapitulatif
des sommes astronomiques. Il en profitera pour donner une partie de cet argent à sa fille
Mathilde, afin que celle-ci puisse lancer sa maison d’édition littéraire. L’époux de Mathilde,
Benjamin, jeune directeur d’une société d’audit financier, développe chaque mois un peu
plus ses bénéfices. Il reçoit ainsi de la part d’un fidèle client une somme rondelette en
provenance directe d’un compte bancaire domicilié aux îles Caïman. Ne souhaitant pas
trop se poser de questions sur la provenance de cet argent, Benjamin décide de l’utiliser
pour offrir à Mathilde une immense maison en Normandie.
Les excès de Florence se multiplient et contraignent Paul à envisager de se séparer de sa
société. Avant de prendre cette décision irrévocable, il emprunte de l’argent auprès de son
banquier à un taux exorbitant afin de couvrir les centaines de milliers d’euros de dettes
contractées par la société Marlin. Le banquier, peu enclin à procéder ainsi accepte néan-
moins, touché par la détresse de Paul. »
Étudiez les différentes infractions commises et la situation de leurs auteurs.
***
Proposition de corrigé
Le cas pratique présenté contient de nombreuses situations pouvant recevoir des quali-
fications pénales. Il s’agira ainsi de faire preuve de pragmatisme et de traiter dans un
premier temps l’achat des tableaux par Charles (I), dans un second temps, les actes
accomplis par Paul et par son entourage (II) et enfin l’effet de la fusion- absoprtion de
la société Marlin avec le groupe L. P. V. sur les infractions précédemment commises
(III).
I. Le cas de Charles
Charles, commissaire-priseur, a été mis en contact avec un marchant d’art qui souhaite
lui vendre trois œuvres inconnues du célèbre peintre Gustav Klimt. Il achète ces œuvres,
aidé de son ami Antoine, et au moment de leur vente, l’on découvre qu’elles ont été
volées dans une maison. L’achat et la revente de ces œuvres par Charles (A), mais
également l’aide apportée par Antoine au cours de la transaction (B) doivent être envi-
sagés.
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DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
Qu’en est-il en l’espèce ? Les tableaux sont des choses corporelles qui entrent donc
bien dans la qualification prévue par le Code pénal. Par ailleurs, ces tableaux sont bien
la propriété d’autrui. En effet, il est précisé dans les faits que les œuvres ont été déro-
bées dans une maison située dans la campagne bordelaise. En l’absence de tout
élément permettant d’établir que les œuvres ont été abandonnées par leur légitime
propriétaire ou confiée au marchand d’art par celui-ci, la soustraction ne peut qu’avoir
été commise de manière frauduleuse. Les tableaux de Gustave Klimt ont donc bien été
volés.
Pour autant, le rôle de Charles dans la réalisation des faits n’est pas celui d’auteur. En
effet, ce n’est pas lui qui a subtilisé les tableaux dans la maison à laquelle ils apparte-
naient, il ne fait que tirer profit du vol en achetant ces tableaux afin de les revendre.
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Cas pratique récapitulatif
que ces œuvres avaient une origine illicite. Pour autant, sur ce point, la jurisprudence de
la chambre criminelle est claire, et considère que l’existence de doutes sur la prove-
nance des acquisitions du prévenu n’implique pas qu’il ait eu connaissance de leur
origine frauduleuse (v. not. crim. 16 nov. 1983, inédit). Mais, à propos d’un antiquaire, la
haute juridiction a encore pu juger qu’en sa qualité de professionnel, un prévenu ne
pouvait douter de l’origine frauduleuse d’ouvrages de grande valeur, dès lors que celui
qui les lui proposait, « simple chineur », n’avait aucune raison professionnelle de
détenir des objets aussi rares (crim. 5 mai 1993, nº 91-83. 101). De plus, et la jurispru-
dence de la cour de cassation est constante sur ce point, le receleur n’a pas à connaître
la qualification exacte de l’infraction d’origine, les circonstances de celle-ci, ni même
l’identité de l’auteur (v. par ex. Crim. 6 oct. 2004, nº 03-85. 810).
Si les faits de recel de vol sont retenus contre lui, Charles encourra la peine de cinq ans
d’emprisonnement et de 375 000 euros d’amende.
C’est encore la situation d’Antoine, l’ami de Charles, qui a prêté son atelier au vendeur
des œuvres d’art volées afin que la rencontre avec Charles ait lieu en toute discrétion.
431
DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
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Cas pratique récapitulatif
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DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
ou indirectement ». Pour autant, il ne faut pas lire dans cette exigence une obligation
pour le dirigeant de retirer un profit de la situation. La jurisprudence entend largement
cette condition et admet depuis longtemps, et de manière constante que l’intérêt
personnel ne soit pas seulement matériel ou patrimonial mais aussi moral (crim.
16 février 1971, Bull. crim., nº 53).
En l’espèce Paul en laissant perdurer cette situation défavorable pour la société, ne
retire certes aucun profit personnel. En revanche, il cherche à éviter d’affronter son
épouse et donc s’inscrit dans une recherche de relations apaisées avec celle-ci. L’intérêt
moral ne fait alors pas défaut.
Le délit d’abus de biens sociaux est donc caractérisé à l’encontre de Paul et celui-ci
encourt pour de tels faits une peine de 5 ans d’emprisonnement et ou une amende de
375 000 euros d’amende. Conformément à la jurisprudence constante en la matière, le
point de départ du délai de prescription (trois ans en vertu de l’article 8 du Code de
procédure pénale) commencera à courir à compter du jour où l’infraction est apparue
dans des conditions permettant l’exercice de l’action civile.
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Cas pratique récapitulatif
cette catégorie d’initiés et a déjà admis qu’un journaliste financier y soit rattaché (TGI
Paris, 12 mai 1976, JCP 1976. II. 18496, note Tunc).
Quant à la seconde condition préalable du délit il faut démontrer que l’information qu’a
reçue Paul est bien une information particulière et utilisable. Les critères d’appréciation
de l’information ont été donnés dans un arrêt de la chambre criminelle rendu le 26 juin
1995 (Bull. crim. nº 233) : celle-ci doit s’apprécier de manière objective en fonction de son
seul contenu et non de celui qui l’utilise. Il est dès lors difficile de savoir si Paul a bien
reçu une information privilégiée au sens du texte. En effet, les faits n’établissent pas
précisément si l’information dépassait le simple « conseil » d’investissement.
Davantage de précisions sont données par l’article 7 (a) du Règlement (UE) nº 596/2014
du Parlement européen et du Conseil du 16 avril 2014 qui définit l’information privilégiée
comme « une information à caractère précis qui n’a pas été rendue publique, qui
concerne, directement ou indirectement, un ou plusieurs émetteurs, ou un ou plusieurs
instruments financiers, et qui, si elle était rendue publique, serait susceptible
d’influencer de façon sensible le cours des instruments financiers concernés ou le
cours d’instruments financiers dérivés qui leur sont liés ». En l’espèce les propos
d’Arthur concernaient bien des sociétés précises et si ces informations avaient été
rendues publiques elles auraient influencé le cours des titres en question. On peut
donc considérer que Paul a reçu une information privilégiée au sens du Code monétaire
et financier.
La matérialité du délit d’initiés au sens du deuxième alinéa de l’article L. 465-2 du Code
monétaire et financier suppose la communication d’informations privilégiées. L’initié ne
réalise pas lui-même l’opération mais manque à son devoir de confidentialité en
donnant les informations à autrui. Peu importe que le récipiendaire de l’information
l’utilise ou non.
En l’espèce Arthur a bien transmis une information privilégiée à Paul. Il a divulgué le fait
que certaines sociétés étaient sur le point de voir leurs titres prendre de la valeur sur le
marché boursier, information qui n’était pas encore publique au moment où il en a fait
part à Paul.
Les délits d’initiés sont des infractions intentionnelles. En l’espèce Arthur a bien eu
l’intention de révéler ces informations à Paul car les faits établissent qu’il lui donne un
conseil. Il savait donc exactement ce qu’il faisait.
Par conséquent, tous les éléments du délit d’initiés de l’article L. 465-1, alinéa 2 du Code
monétaire et financier, sont remplis à l’égard d’Arthur. Celui-ci encourt une peine de
deux ans d’emprisonnement et d’1 500 000 euros d’amende.
435
DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
réprimer une troisième catégorie d’initiés. Est ici visé le fait « pour toute personne »,
autre que celles des initiés du premier et du second cercle possédant en connaissance
de cause des informations privilégiées sur la situation ou les perspectives d’un émetteur
dont les titres sont négociés sur un marché réglementé ou sur les perspectives d’évolu-
tion d’un instrument financier, de tenter de réaliser ou de permettre de réaliser directe-
ment ou indirectement, une opération ou de communiquer à un tiers des informations,
avant que le public en ait connaissance.
Cette troisième catégorie d’initiés érige en infraction autonome ce qui, traditionnelle-
ment serait réprimé sous la qualification de recel d’initiés. Ainsi en l’espèce Paul,
n’appartenant ni au premier cercle d’initiés, ni au second, entre bien dans ce troisième
cercle que le législateur a volontairement voulu large. Disposant de l’information divul-
guée par Arthur, il a bien réalisé une opération avant que le public en ait connaissance.
Ainsi, Paul pourra-t-il également être poursuivi pour délit d’initiés. La peine encourue
pour les faits le concernant est d’un an d’emprisonnement et 150 000 euros d’amende.
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Cas pratique récapitulatif
1. La situation de Florence
Florence refuse de remplir sa mission de directrice de communication de la société
Marlin. Elle perçoit son salaire mais utilise son temps de travail et le matériel mis à sa
disposition dans ce cadre pour se détendre avec des amies. Ce comportement peut
s’envisager d’abord à travers le prisme du recel (a) mais également à travers celui de
l’abus de confiance (b).
b. L’abus de confiance
L’article 314-1 du Code pénal définit l’abus de confiance comme le fait par une personne
de détourner, au préjudice d’autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui
ont été remis et qu’elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d’en
faire un usage déterminé.
L’abus de confiance suppose la remise préalable d’un bien, de fonds ou de valeurs. Le
détournement peut avoir lieu par défaut d’affectation ou de destination et le préjudice
causé à la victime. Enfin, le délit est nécessairement intentionnel.
En l’espèce, les faits font apparaître que Florence utilise tous les avantages matériels de
la société Marlin, et notamment une voiture de fonctions à des fins autres que profes-
sionnelles. Elle détourne donc les biens qui lui ont été confiés dans un but déterminé,
celui de l’exercice de sa fonction de directrice de communication de la société. Dans
un arrêt du 13 février 1984 (Bull. crim. nº 49), la chambre criminelle a ainsi pu juger
que l’abus de confiance était caractérisé par l’utilisation d’un véhicule de fonctions à
des fins personnelles.
Par ailleurs et plus récemment, un arrêt de la chambre criminelle est venu offrir une
conception nouvelle de l’incrimination d’abus de confiance. La haute cour a considéré
que l’utilisation, par un salarié, de son temps de travail, à des fins autres que celles
pour lesquelles il perçoit une rémunération de son employeur, constitue un abus de
confiance (crim. 19 juin 2013 (Bull. crim. nº 145). Cette décision originale vient assimiler
437
DROIT PÉNAL DES AFFAIRES
le temps de travail à un service pour admettre que le salarié puisse le détourner dans le
cadre de ce délit.
En l’espèce cette solution est également applicable à la situation de Florence qui utilise
tout son temps de travail à des fins autres que celles pour lesquelles elle est rému-
nérée.
Du point de vue de l’élément intentionnel du délit, Florence ne pourra invoquer sa bonne
foi, dans la mesure où elle refuse, malgré les sollicitations de Paul d’exercer ses fonc-
tions. Elle a, par ailleurs, pleinement conscience d’utiliser tant la voiture de fonction que
son temps de travail à des fins éloignées de ce que Paul attend d’une directrice de la
communication.
Enfin, le préjudice causé à la société ne sera pas difficile à caractériser, car les salaires
et la mise à dispositions des avantages de Florence ne reçoivent aucune contrepartie
pour l’activité de l’entreprise qui subit donc un préjudice.
Florence encourt ainsi une peine de trois ans d’emprisonnement et 375 000 euros
d’amende.
2. La situation de Mathilde
Mathilde reçoit une somme d’argent à la suite de l’investissement en bourse de Paul.
Or, il a été précédemment établi que cet investissement en bourse était constitutif d’un
délit d’initiés.
En profitant de cet argent pour lancer son entreprise Mathilde commet-elle une infrac-
tion pénale ?
C’est encore l’article 321-1, 2º du Code pénal qui s’applique ici. L’infraction principale
est caractérisée par le délit d’initiés de Paul.
Matériellement, Mathilde bénéficie du produit d’un délit. Du point de vie intentionnel en
revanche, le texte exige que l’auteur du recel ait conscience de l’origine frauduleuse du
produit dont il bénéficie. Il semble difficile d’établir que Mathilde avait connaissance de
la commission, par son père, d’un abus de biens sociaux, à la suite de la conversation
avec son ami.
Les faits n’établissent aucun élément de conscience ou de connaissance de la situation
par Mathilde. Il sera donc impossible de lui imputer le délit de recel d’abus de biens
sociaux.
3. La situation de Benjamin
Benjamin, époux de Mathilde reçoit une somme en provenance des îles Caïmans de la
part d’un fidèle client. Il réinvestit cette somme dans l’achat d’une maison.
On pense ici à une opération de placement, de dissimulation ou de conversion du produit
direct d’un crime ou d’un délit, telle que décrite par l’article 324-1 alinéa 2 du Code
pénal qui définit l’une des deux formes du délit de blanchiment.
Cette forme de blanchiment concerne particulièrement les agents immobiliers,
banquiers, notaires ou avocats qui sont amenés à recevoir diverses sommes d’argent
de la part de leurs clients.
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Cas pratique récapitulatif
Conseils de lecture
Manuels généraux :
C. AMBROISE-CASTEROT, Droit pénal spécial et des affaires, Lextenso, 4e éd. , 2014. – A. LEPAGE,
P. MAISTRE du CHAMBON, R. SALOMON, Droit pénal des affaires, LexisNexis, 4e éd. , 2015.
M. VERON, Droit pénal des affaires, Dalloz, 10e éd. , 2013.
Encyclopédies :
S. FOURNIER, vº Complicité, Rép. pén. Dalloz.
M.-P. LUCAS de LEYSSAC, vº vol, Rép. pén. Dalloz.
P. MAISTRE du CHAMBON, vº Recel, Rép. pén. Dalloz.
C. MASCALA, vº Abus de confiance, Rép. pén. Dalloz ; vº Escroquerie, Rép. pen. Dalloz.
D. REBUT, vº Abus de biens sociaux, Rép. pén. Dalloz.
M. SEGONDS, vº Blanchiment, Rép. pén. Dalloz.
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Le droit pénal des affaires est d’une importance essentielle, tant pour les acteurs de la vie
des affaires que pour l’économie dans son ensemble, car il permet d’assurer le respect 2016
d’une moralité du droit des affaires et de l’activité économique. Aussi, la dépénalisation
contemporaine du droit des affaires reste somme toute très limitée et le risque pénal est
toujours aussi présent dans l’entreprise.
Ce manuel, qui expose le cours et présente des exercices pratiques corrigés, envisage
d’abord la spécificité du droit pénal des affaires, avant d’aborder le droit pénal commun
des affaires et le droit pénal spécial des affaires. Sont ainsi présentées les règles générales
Droit pénal
du droit pénal des affaires (responsabilité pénale du chef d’entreprise et des personnes
O
abus de confiance, recel, blanchiment, faux, corruption, trafic d’influence, prise illégale
des affaires
d’intérêts, favoritisme, droit pénal des sociétés, droit pénal des procédures collectives,
droit pénal de la concurrence, droit pénal de la consommation, droit pénal boursier).
Destiné avant tout aux étudiants, cet ouvrage pourra intéresser aussi les professionnels,
juristes ou entrepreneurs.
2e édition
C
Philippe Bonfils est agrégé des Facultés de droit, professeur à Aix-Marseille Université,
doyen de la Faculté de droit et de science politique et avocat au Barreau de Marseille.
Eudoxie Gallardo est maître de conférences à Aix-Marseille Université et directrice
adjointe de l’Institut de Sciences Pénales et de Criminologie.
La partie travaux dirigés est réalisée, sous la direction de Philippe Bonfils et Eudoxie
Gallardo, par des spécialistes du droit pénal des affaires, universitaires et/ou praticiens
(professeurs et maîtres de conférences, docteurs en droit, doctorants en droit, magistrat,
P. Bonfils
E. Gallardo
avocats) : Carole Aigouy, Sofian Anane, Chloé Cardillo, Loïc Eyrignac, Sébastien
Fucini, Ludivine Grégoire, Yannick Joseph-Ratineau, Trystran Lauraire, Gaëlle
Le Corroller, Marie-Ève Morin, Philippe Payan, Jean-Baptiste Perrier, Laura Philippe Bonfils
Pignatel, Anne Ponseille, Sacha Raoult et Adrien Roux.
Eudoxie Gallardo
LMD
cours
www.lextenso-editions.fr
ISBN 978-2-275-05304-2 36 € & TD
COURS - Droit penal des affaires.indd 1 20/09/16 14:23