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Dossier n°17/03650

Arrêt n°46

COUR D'APPEL PE PARIS

Pôle 5 - Ch.12
(24 pages)

Prononcé publiquement le 14 mars 2018, par le Pôle 5 - Ch.12 des appels correctionnels.

Sur appel d'un jugement du tribunal de grande instance de Paris - 32ème chambre - du 26
septembre 2016, (P15350000121).

PARTIES EN CAUSE :
Mis en cause

ABOUKHALIL Ibrahim
Né le 13 avril 1966 à BEYROUTH (LIBAN)
Fils d'ABOUKHALIL Nasrat et de BURGI Samira
De nationalité française
administrateur de société,
Ayant élu domicile chez Me DREYFUS SCHMIDT, demeurant 156 Rue de
Rivoli - 75001 Paris

situation pénale : libre

Intimé, non comparant et représenté par Maître DREYFUS SCHMIDT


Corinne, avocat au barreau de Paris, vestiaire C.1537 et par Maître
HEYDARt Chirine, avocat au barreau de Paris, vestiaire C.1537 qui ont
déposé des conclusions au fond et en irrecevabilité de l 'appel visées par le
président et le greffier et jointes au dossier. .

WADE Karim Meïssa


Né le 01 septembre 1968 à PARIS 15ème (75)
Fils de WADE Abdoulaye et de VERT Viviane
De nationalité sénégalaise
Demeurant Rue A Angle 7 - Point E - DAKAR- SENEGAL

situation pénale : libre


Intimé, non comparant et représenté par Maître FEDIDA Jean-Marc, avocat
au barreau de Paris, vestiaire E 485, et par Maître BOYON Michel, avocat au
barreau de Paris, vestiaire T04, et de Maître LY Cire Clédor, avocat au
barreau du Sénégal qui ont déposé des conclusions in limine litis et au fond
visées par le président et le greffier et jointes au dossier.

Ministère public
appelant principal

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Composition de la cour
lors des débats et du délibéré :

président : Dominique PAUTHE,


conseillers : Françoise MERY-DUJARDIN
Roselyne GAUTIER,

lors du prononcé :
président : Dominique PAUTHE,
conseillers : Françoise MERY-DUJARDIN
François REYGROBELLET, président de chambre faisant
fonction de conseiller

Greffier
Noumbé-Laëtitia NDOYE aux débats et au prononcé.

Ministère public
représenté aux débats et au prononcé de l'arrêt par Jean-Christophe MULLER,
avocat général.
LA PROCÉDURE :
Arrêt de la Cour de Répression de l'Enrichissement Illicite de la République du
Sénégal

Par arrêt en date du 23 mars 2015, contradictoire à l'égard de Ibrahim ABOUKHALIL


et Karim Meïssa WADE, la Cour de Répression de l'enrichissement illicite de la
République du Sénégal a :

En la forme

- reçu les exceptions soulevées ;


- les a rejetées comme non fondées ;
- déclaré la procédure régulière ;

Au fond

Sur l'action publique :


- dit que le délit de corruption reproché à Karim Meïssa WADE n'est pas établi, le
relaxe de ce chef ;
- déclaré Karim Meïssa WADE atteint et convaincu du délit d'enrichissement illicite
qui lui est reproché ;
- le condamné à une peine d'emprisonnement de 6 ans ferme et à une amende de cent
trente huit milliard, deux cent trente neuf millions quatre vingt six mille trois cent
quatre vingt seize francs (138.239.086.396) FCFA ;
- déclaré Ibrahim ABOUKHALIL dit Bibo Bourgi, Mamadou POUYE dit Pape,
Alioune Samba DIASSE, Karim ABOUKHALIL, Mamadou AID ARA dit Vieux,
Evelyne RIOUT DELATRE et Mballo THIAM atteints et convaincus des faits de
complicité d'enrichissement illicite ;
- condamné Ibrahim ABOUKHALIL à 5 ans d'emprisonnement ferme et à une amende
de cent trente huit milliard, deux cent trente neuf millions quatre vingt six mille trois
cent quatre vingt seize francs (138.239.086.396) FCFA ;
- condamné Karim ABOUKHALIL, Evelyne RIOUT DELATRE, Mamadou AID ARA
dit Vieux et Mballo THIAM à 10 ans d'emprisonnement ferme chacun et à une amende
de cent trente huit milliard, deux cent trente neuf millions quatre vingt six mille trois

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cent quatre vingt seize francs (138.239.086.396) FCFÀ chacun ; Confirme les mandats
d'arrêt décernés contre eux ;
- ordonné la confiscation de tous les biens présents des condamnés, de quelque nature
qu'ils soient, meubles ou immeubles, divis ou indivis, corporels ou incorporels,
notamment les actions des sociétés dont ils sont bénéficiaires économiques ;
- validé les mesures conservatoires prises par la Commission d'Instruction de la CREI;
- relaxe Pierre Goudjo AGBOGBA et Mbaye NDIAYE ;

Sur les intérêts civils :


- déclaré recevable la constitution de partie civile de l'Etat du Sénégal ;
- lui alloue la somme de dix milliards (10.000.000.000) FCFA à titre de dommages
et intérêts pour toutes causes de préjudice confondues ;
- condamné solidairement Karim Meïssa WADE, Ibrahim ABOUKHALIL dit Bibo
Bourgi, Mamadou POU YE dit Pape, Alioune Samba DIASSE, Karim ABOUKHALIL,
Mamadou AID ARA dit Vieux, Evelyne RIOUT DELATRE
et Mballo THIAM à lui payer ladite somme ;
- fixé la contrainte par corps au maximum ;

Le tout en application des dispositions des lois 81-53 et 81-54 du 10 Juillet 1981 et des
articles 30 et suivants, 45,46 et 163 bis du Code Pénal, 451, 709 et suivants du Code
de Procédure Pénale;

Mis les dépens à la charge des condamnés.

La saisine du tribunal

Le 11 janvier 2016 le procureur de la République financier près le tribunal de grande


instance de Paris a formé une requête aux fins d'autoriser l'exécution de la
confiscation ordonnée par arrêt du 23 mars 2015 de la Cour de Répression de
PEnrichissement illicite de la République du Sénégal.

ABOUKHALIL Ibrahim a été mis en cause pour voir statuer sur la requête aux fins
d'autoriser l'exécution de la confiscation ordonnée par arrêt du 23 mars 2015 de la
Cour de Répression de l'Enrichissement illicite de la République du Sénégal faisant
suite à la demande d'entraide internationale du 19 octobre 2015.

WADE Karim a été mis en cause pour voir statuer sur la requête aux fins
d'autoriser l'exécution de la confiscation ordonnée par arrêt du 23 mars 2015 de la
Cour de Répression de l'Enrichissement Illicite de la République du Sénégal,
faisant suite à la demande d'entraide internationale du 19 octobre 2015.

Le jugement

Le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE de Paris - 32ème chambre - par jugement


contradictoire, en date du 26 septembre 2016, a :

- rejeté les demandes de M Karim WADE tendant au prononcé de la NULLITE de


la requête du Procureur National Financier du 11 janvier 2016 ;

- déclaré recevable la requête ;

- rejeté les demandes d'exécution de confiscation présentées dans la requête du 11


janvier 2016 ;

- rejeté le surplus des demandes.

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Les appels

Appel a été interjeté par :


Mme le procureur de la République financier, le 05 octobre 2016 contre Monsieur
Karim Meïssa WADE et Monsieur Ibrahim ABOUKHALIL.

DÉROULEMENT DES DÉBATS :


À l'audience publique du 20 décembre 2017, le président a constaté l'absence des
prévenus Karim WADE et Ibrahim ABOUKHALIL.

Les conseils de M. ABOUKHALIL ont déposé des conclusions aux fins de voir déclarer
l'appel irrecevable et au fond.

Les conseils de M. WADE ont déposé des conclusions aux fins de voir déclarer l'appel
irrecevable et déclarer nulle la requête et au fond.

Sur (a demande de renvoi

Maître FEDDIDA a sollicité le renvoi de l'affaire car il n'a pu transmettre à ses


confrères les écritures du ministère public.

Maître LY a soutenu la demande de renvoi.

Monsieur MULLER, avocat général, s'est opposé à la demande de renvoi;

Maître DREYFUS SCHMIDT, conseil de M. ABOUKHALIL s'est opposé à la


demande de renvoi.

Après en avoir délibéré, la cour a décidé de retenir l'affaire.

Sur Tirrecevabilité de l'appel

Ont été entendus :

Maître HEYDARI, conseil de M.ABOUKHALIL en sa plaidoirie,

Maître FEDIDA, conseil de M. WADE en sa plaidoirie,

Maître LY, conseil de M. WADE en sa plaidoirie,

Monsieur MULLER, avocat général, en ses observations,

Sur les exceptions de nullité

Ont été entendus :

Les conseils de M. WADE et le ministère public ont indiqué à la cour qu'ils se


référaient à leurs écritures,

Monsieur MULLER, avocat général, en ses observations,

Maître FEDIDA, conseil de Karim WADE en sa plaidoirie,

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Après en avoir délibéré, la cour a joint les incidents au fond.

Sur le fond

Dominique PAUTHE a été entendu en son rapport.

Ont été entendus :

Monsieur MULLER, avocat général en ses réquisitions.

Maîtres LY et FEDIDA, conseils de M.WADE en leur plaidoirie.

Maître DREYFUS SCHMIDT, conseil de M.ABOUKHALIL en sa plaidoirie,

Maître BOYON, conseil de M.WADE en sa plaidoirie,

Puis la cour a mis l'affaire en délibéré et le président a déclaré que l'arrêt serait rendu
à l'audience publique du 14 mars 2018.

Et ce jour, le 14 mars 2018, en application des articles 485, 486 et 512 du code de
procédure pénale, et en présence du ministère public et du greffier, Dominique
PAUTHE, président ayant assisté aux débats et au délibéré, a donné lecture de l'arrêt.

DECISION :
Rendue après en avoir délibéré conformément à la loi,

Statuant sur l'appel interjeté par le procureur de la République financier contre le


jugement sur requête rendu le 26 septembre 2016 par la 32eine chambre correctionnelle
du tribunal de grande instance de Paris.

La cour statuera par décision contradictoire à l'égard de Karim WADE qui,


régulièrement cité par exploit d'huissier le 7 novembre 2017, n'apas comparu mais était
représenté à l'audience par son conseil Maître Maître FEDIDA, Maître LY, et Maître
BOYON conseils de Karim WADE qui ont déposé des conclusions régulièrement
visées.

Il sera également statué par décision contradictoire à l'égard de Ibrahim ABOUKPIALIL


qui, n'a pas comparu mais était représenté à l'audience par son conseil Maître
DREYFUS SCHMIDT qui a déposé des conclusions régulièrement visées.

Rappel de la procédure

/ - La demande d'entraide pénale émanant des autorités judiciaires sénégalaises

Le 2 octobre 2012, le procureur spécial près la Cour de Répression de l'Enrichissement


Illicite de la République du Sénégal (ci-après dénommée CREI) saisissait le
commandant de la Section de recherches de la gendarmerie nationale aux fins
d'ouverture d'une enquête sur M. Karim WADE dont le train de vie et la fortune
semblaient sans rapport avec ses revenus légaux perçus en ses qualités successives de
conseiller spécial du président de la République et président du conseil de surveillance
de I T Agence National d'Organisation de la Conférence Islamique (ANOCI) et ministre
d'Etat de la République du Sénégal.

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La commission d'instruction de la CREI était à son tour saisie par réquisitoires des 17
avril et 14 octobre 2013. Elle procédait à l'inculpation pour enrichissement illicite ,
complicité d'enrichissement illicite et corruption des nommés Karim Meïssa WADE,
Ibrahim ABOUKHALIL, Mmadou POUYE, Pierre Goudjo AGBOBGA, Chaieikh
lamine Oumar DIALLO, Mbaye NDIAYER, Alioune Samba DIASSE et Boubacar
KONATE.

Par arrêt en date du 16 avril 2014, la commission d'instruction décidait le renvoi


notamment :

- de Karim Meïssa WADE pour :


* d'une part s'être à Dakar de 2000 à 2012, en tout cas avant prescription de
l'action publique, étant titulaire d'une fonction gouvernementale ou de tout autre
mandat public, notamment conseiller du président de la République, président du
conseil de surveillance de l'ANOCI et ministre de la République, enrichi d'un
patrimoine estimé provisoirement à la somme de 117.037.993.175 francs CFA, sous
réserve des biens et sociétés qui n'ont pas encore été évalués ou qui sont en cours de
l'être, et avoir été dans l'impossibilité d'en justifier l'origine licite,
* d'autre part, avoir, dans les mêmes circonstances de temps et de lieu, étant
citoyen chargé d'un ministère de service public, dirigeant ou agent de toute nature d'un
établissement public, sollicité ou agréé des offres ou promesses, sollicité ou reçu des
dons ou présents pour faire un acte de ses fonctions ou de son emploi, juste ou non,
mais non sujet à salaire ;

- de Ibrahim ABOUKHALIL pour avoir à Dakar, de 2000 à 2012, en tout cas avant
prescription de l'action publique, avec connaissance, aidé ou assisté le nommé Karim
Meissa WADE dans la préparation, la facilitation ou la consommation des faits
d'enrichissement illicite qui lui sont reprochés.

Par arrêt du 23 mars 2015, la CREI :


- relaxait Karim Meissa WADE des faits de corruption,
- déclarait Karim Meïssa WADE coupable du délit d'enrichissement illicite et le
condamnait à 6 ans d'emprisonnement, et au paiement d'une amende de
138.239.086.396 Francs CFA,
- déclarait Ibrahim ABOUKHALIL dit Bobo BOURGUI, coupable du délit de
complicité d'enrichissement illicite et le condamnait à 5 ans d'emprisonnement et au
paiement d'une amende de 138.239.086.396 Francs CFA,
- ordonnait la confiscation de tous biens présents des condamnés de quelque nature
qu'ils soient, meubles ou immeubles, divis ou indivis, corporels ou incorporels,
notamment les actions des sociétés dont ils sont bénéficiaires économiques.

Statuant sur les intérêts civils, la Cour condamnait Karim Meïssa WADE et Ibrahim
ABOUKHALIL solidairement avec leurs co-prévenus Mmamadou POUYE, Alkiouane
Samba DIASSE, Karim ABOUKHALIL, Mmamadou AID ARA, Evelyne RIOUT
DELATRE et Mballo THIAM, à payer à titre de dommages-intérêts la somme de 10
milliards de FCFA.

Le 20 août 2015, la chambre criminelle de la Cour suprême de la République du Sénégal


rejetait les pourvois formés contre l'arrêt précité par Karim Meïssa WADE et Ibrahim
ABOUKHALIL.

C'est dans ces circonstances que, le 19 octobre 2015, le procureur spécial près la CREI
sollicitait l'entraide pénale internationale des autorités françaises au visa de la
Convention des Nations Unies contre la criminalité transfrontalière organisée du 15
novembre 2000, de la Convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre
2003, de la Convention de coopération en matière judiciaire entre le Gouvernement de
la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal du 29 mars

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1974, et en exécution de l'arrêt de la CREI du 23 mars 2015 devenu définitif, aux fins
de procéder à la confiscation :
- des fonds saisis précédemment et domiciliés dans le compte bancaire n° 30003 03030
0405081 1 3616 56 ouvert le 5 novembre 2003 à la Société Générale agence de Paris-
Madeleine sise 11 boulevard Malesherbes 75008 Paris au nom de Karim Meïssa WADE
né le 1er septembre 1968 à Paris 15èmc ;
- de la part sociale n° 100 détenue par Ibrahim ABOUKHALIL dans la société SCI
AISA immatriculée au RCS de Nice sous le n° 479 726 853, dont le siège social était
sis à Cap d'Ail (06), représentée par son associé gérant Ibrahim ABOUKHALIL et des
parts n°l à 99 détenues par la société DJOZ SA (Luxembourg) dans la SCI AISA,
- de l'immeuble, propriété de Karim Meissa WADE, sis 126, rue de la Faisanderie à
Paris 16ème (cadastré section EC n°54, lot n°22).

2 - La saisine du tribunal correctionnel de Paris

Le 11 janvier 2006, le procureur de la République financier saisissait le tribunal


correctionnel de Paris d'une requête aux fins d'ordonner, au visa des articles 713-36 à
41 code de procédure pénale, de la Convention des Nations Unies contre la criminalité
transfrontalière organisée du 15 novembre 2000, de la Convention de coopération en
matière judiciaire entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement
de la République du Sénégal du 29 mars 1974, l'exécution des confiscations sollicitées
par les autorités judiciaires sénégalaises, exécution devant être poursuivie selon les
modalités de l'article 707-1 du code de procédure pénale, et d'enjoindre à la Société
Générale en application de 706-160 2° du code de procédure pénale de se libérer par
virement à destination du compte de l'AGRASC tenu à la Caisse des Dépôts et
Consignations.

Au soutien de la requête, il était indiqué :


- que la décision de condamnation prononcée par la CREI était définitive et exécutoire
selon la loi de l'Etat requérant,
- que les faits à l'origine de la demande étaient constitutifs d'une infraction selon la loi
française (corruption et blanchiment),
- que les biens étaient susceptibles de confiscation selon la loi française,
- que la décision étrangère a été prononcée dans des conditions offrant des garanties
suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des droits de la
défense,
- qu'il était établi que la décision n'avait pas été émise dans le but de poursuivre ou de
condamner une personne en raison de son sexe, de sa race, de sa religion, de son origine
ethnique, de sa nationalité, de sa langue, de ses opinions politiques ou de son orientation
ou identité sexuelle,
- que les faits à l'origine de la demande n'avaient pas été jugés par les autorités
judiciaires françaises,
- que la décision étrangère ne portait pas sur une infraction politique.

A l'audience du tribunal correctionnel de Paris du 13 avril 2016, Karim WADE et


Ibrahim ABOUKHALIL étant détenus à la maison d'arrêt de Rebeuss (Sénégal),
l'affaire était renvoyée au 27 juin.

Le 15 avril 2016, le procureur de la République financier adressait une demande


d'entraide au procureur spécial devant la CREI du Sénégal aux fins d'obtenir des
informations complémentaires sur l'existence des recours introduits.

Le 24 juin 2016, le Président de la République du Sénégal prenait un décret accordant


une grâce à MM. WADE et ABOUKHALIL concernant les peines d'emprisonnement
restant à subir.

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A l'audience du 27 juin 2016, le conseil de M. WADE déposait des conclusions in
limine litis tendant à voire déclarer nulle la requête aux motifs :
- que son client n'avait pas été informé de la nature et du périmètre de l'instance
diligentée à son encontre,
- que son droit à comparaître personnellement était violé,
- que la demande d'entraide n'avait pas été transmise au procureur général et que l'avis
de ce dernier n'avait pas davantage été communiqué,
- que l'avis du BEPI n'avait pas été communiqué en procédure,
- que M. WADE ne pouvait pas être jugé contradictoirement.

Le conseil de M. ABOUKHALIL soutenait que la requête était irrecevable, aucune


convention internationale prévoyant la mise à exécution sur le territoire national d'une
décision de confiscation sénégalaise n'étant applicable.

Subsidiairement, il demandait au tribunal de la rejeter, faisant valoir :

- que l'arrêt de la CREI n'avait pas de caractère définitif et exécutoire (713-38 code de
procédure pénale),
- que les pièces de la commission rogatoire adressée aux autorités judiciaires du
Luxembourg n'étaient pas recevables pour avoir été transmises en violation du principe
de spécialité,
- que les biens dont il était demandé la confiscation étaient sans lien avec l'infraction
reprochée en violation de 713-36 code de procédure pénale,
- que faute d'information suffisante des tiers de bonne foi leurs droits pourraient être
atteints (713-38 code de procédure pénale),

Le conseil de Karim WADE soutenait au fond que la demande d'entraide et la requête


étaient irrecevables car dépourvues de base légale, que l'arrêt de la CREI avait violé
l'ordre public international, que les faits d'enrichissement illicite n'étaient pas
constitutifs d'une infraction selon la loi française, que l'arrêt de la CREI avait été
prononcée dans des conditions n'offrant pas de garanties suffisantes au regard de la
protection des libertés individuelles et les droits de la défense, que le ministère public
avait décidé de ne pas engager de poursuites pour les faits à raison desquels la
confiscation a été prononcée.

Subsidiairement, il était demandé au tribunal de délivrer une commission rogatoire afin


de faire entendre M. WADE et se faire communiquer l'intégralité des pièces de la
procédure sénégalaise devant la CREI.

3 - Le jugement déféré

Par jugement du 26 septembre 2016, le tribunal correctionnel Paris (32eme chambre) :

• rejetait les demandes de Karim WADE tendant au prononcé de la nullité de la requête


du procureur de la République financier du 11 janvier 2016,
• déclarait la requête recevable, se fondant suri'article 713-36 code de procédure pénale
qui dispose en l'absence de convention internationale,
• rejetait les demandes d'exécution de confiscations présentées dans la requête du 11
janvier 2016 aux motifs d'une part que les faits d'enrichissement illicite ne sont pas
constitutifs d'une infraction selon la loi française et d'autre part qu'il n'est pas démontré
que les parts de la SCI ASIA avaient servi à commettre l'infraction ou en étaient le
produit direct,
• rejetait le surplus des demandes.

Le 5 octobre 2016, le procureur de la République financier interjetait appel de ce


jugement.

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Devant la cour

Karim Me i s sa WADE et IbrahimABOUKHALIL, qui ne se présentent pas devant la


cour, sont néanmoins valablement représentés par leurs conseils qui développent
oralement les conclusions déposées et régulièrement visées.

1 - Les réquisitions du ministère public

Aux termes de réquisitions écrites en date du 19 décembre 2017 développées


oralement à l'audience de la cour, Monsieur l'avocat général requiert la jonction au
fond, le rejet des exceptions d'irrecevabilité de l'appel du procureur national financier
et la confirmation du jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions in limine lilis.

Le ministère public soutient :

• sur l 'irrecevabilité de l 'appel du PNF :

• que la compétence du PNF résulte des dispositions de l'article 705-1° du code


de procédure pénale qui lui attribue une compétence concurrent en matière d'atteinte à
la probité, infractions dont la nature résulte de l'arrêt de la CREI du 23 mars 2015 ;
• que les articles 496 et 497 du code de procédure pénale prévoient que les
jugements rendus en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie de l'appel,
la faculté d'appeler appartenant notamment au procureur de la République, que le
ministère public est un corps indivisible dispose d'un droit d'appel général des décisions
prononcées par les juridictions correctionnelles statuant dans leur domaine de
compétence ;
• que le principe de l'égalité des armes entre l'accusation et la défense,
commande dès lors que la défense dispose de la plénitude du droit d'appel, de rejeter
l'argument tiré du défaut de mention du procureur de la République financier dans les
prévisions de l'article 497 du code de procédure pénale.

• sur les moyens de nullité :

• sur le défaut d'information de la nature et du périmètre de l'instance diligentée


à rencontre du condamné, que, d'une part, les règles relatives aux citations ne sont pas
applicables dès lors qu'il ne s'agit pas de statuer sur la mise en mouvement de l'action
publique mais uniquement de prononcer sur l'exécution en France d'une mesure
ordonnée par une juridiction pénale sénégalaise, que les règles applicables en la matière
relèvent des articles 713-36 à 713 -41 du code de procédure pénale et que, conformément
aux dispositions de l'article 713-39 du code précité et dans le respect du contradictoire,
un avis d'audience a été adressé par la voie diplomatique et remis à Karim WADE
visant l'arrêt de la CREI ayant ordonné l'exécution de la peine complémentaire de
confiscation prononcée à l'encontre des persomies condamnées et ayant énoncé en pages
185 et 188 les biens visés mettant Karim WADE en mesure de préparer sa défense ;
• sur la privation du droit de comparaître personnellement que Karim WADE n'a
pas la qualité de prévenu et que l'article 731-39 du code de procédure pénale n'imposent
pas la présence de la personne condamnée ou du propriétaire du bien dont la
confiscation est demandée ;
• sur 1 ' absence de transmission de la demande d'entraide au parquet général ainsi
que l'absence de communication de l'avis du parquet général et du BEPI et en
conséquence la nullité delà requête, que le procureur national financier ayant estimé que
la confiscation des sommes détenues sur un compte bancaire et du bien immobilier
appartenant à Karim WADE, sollicitée dans la demande d'entraide du 19 octobre 2015
n'était pas de nature à porter atteinte à l'ordre public français ou aux intérêts essentiels
de la Nation, la transmission de la demande au procureur général n'était pas obligatoire

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pas plus que l'avis du BEPI, que le cheminement administratif suivi par la demande
émanant du procureur spécial de la CREI jusqu'à la requête du 11 janvier 2016
saisissant, conformément à l'article 713-38 du code de procédure pénale, la 32 ème
chambre du tribunal de grande instance de Paris, n'a fait naître aucun droit de
communication au bénéfice de Karim WADE fondé sur le principe du contradictoire.

Aux termes de ses écritures sur le fond, également reprises oralement à


l'audience, Monsieur l'avocat général requiert l'infirmation du jugement déféré en ce
qu'il a rejeté la demande d'exécution de mesures de confiscation visant M. Karim
WADE et d'ordonner la confiscation au profit de l'Etat français des biens suivants dont
il est propriétaire :
- les sommes figurant au crédit d'un compte bancaire n° 30003030300405081 1 3616
56 ouvert à l'agence Madeleine de la Société Générale à Paris le 5 janvier 2013 ;
- l'appartement sis 126 rue de la Faisanderie à Paris 16cme (commune : Paris 75016 ;
section cadastrale EC n°54 lot n°2).

Le ministère public soutient :

• sur l'incrimina/ion en droit français des fait s qualifiés d'enrichissement illicite


dans le code pénal du Sénégal :

• que le ministère public n'entend pas remettre en cause par son appel l'analyse
du tribunal en ce qu'il a considéré que les faits d'enrichissement illicite ne pouvaient
être assimilés en droit français aux délits de corruption (art 432-11-1) du code pénal),
de non justification de ressources (art 321-6 du code pénal), de trafic d'influence (art
432-11 2° du code pénal), de prise illégale d'intérêts (article 432-12 du code pénal) ou
de détournement de fonds publics (article 432-15 du code pénal),
• qu'en revanche l'article 324-1-1 du code pénal, issu de la loi n°2013-l 117 du
6 décembre 2013, en renversant }a charge de la preuve en matière de blanchiment, a créé
une modalité d'incrimination autonome et distincte du délit de blanchiment général de
l'article 324-1 du même code dont les éléments constitutifs sont différents, sans
référence à une infraction sous-jacente ; qu'il existe désormais une présomption légale,
simple, de commission d'une infraction lorsqu'une personne ne peut justifier des
ressources correspondant à son train de vie ou de l'origine des fonds ayant permis
l'acquisition de biens que ses revenus connus ne permettaient pas d'acquérir ;
• que l'objet de l'exigence de la double incrimination n'est pas de créer un droit
au profit de la personne condamnée par une autorité judiciaire étrangère mais seulement
d'être conforme à l'ordre public français qui exige la double incrimination ; qu'une
infraction définie par une loi pénale nouvelle en France ne créant pas un droit de
poursuite, lequel relève de l'Etat requérant et non de l'Etat requis, il s'en déduit que les
faits qualifiés d'enrichissement illicite en droit pénal sénégalais peuvent être assimilés
aux faits de blanchiment définis à l'article 324-1-1 du code pénal français dont l'entrée
en vigueur est postérieure à la date des faits commis par Karim WADE ;

> sur l'applicabilité des mécanismes de coopération prévus par la convention


des Nations-Unies contre la corruption adoptée le 31 octobre 2003, dite convention de
Mérida :

• qu'il n'est pas établi que les parts des sociétés visées dans la requête visant
Ibrahim ABOUKHALIL soient le produit direct ou indirect ni l'instrument des faits
dont celui-ci a été reconnu coupable ;
• qu'en revanche, concernant Karim WADE, le lien entre l'infraction
d'enrichissement illicite dont il a été déclaré coupable et les biens (soldes de comptes
bancaires et appartement parisien) dont la confiscation est sollicitée est suffisamment
démontré cela en conformité avec les articles 31 et 55 de la dite Convention et l'article
713-36 du code de procédure pénale français ;

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• qu'aucun des six motifs de refus d'exécution limitativement énumérés par
l'article 713-37 du code de procédure pénale n'est constitué :
- qu'il n'appartient pas à l'autorité judiciaire française de procéder à une appréciation
globale sur les modalités de fonctionnement des institutions judiciaires d'un Etat tiers,
- que si l'arrêt de la CREI a fait l'objet d'un pourvoi en cassation, seule voie de recours
possible, qui a été rejeté par la Cour suprême le 20 août 2015, le principe du double
degré de juridiction n'a pas en lui-même valeur constitutionnelle en droit processuel
français,
- que les conclusions du groupe de travail sur la détention arbitraire constitué au sein du
Conseil des droits de l'Homme des Nations Unies saisi par Karim WADE ne
constituent pas une décision de nature juridictionnelle susceptible comme telle d'avoir
une quelconque force obligatoire,
- qu'enfin les faits ayant donné lieu à classement sans suite le 19 mai 2014 sont distincts
de ceux examinés par la CREI, la mention dans la procédure d'enquête préliminaire de
l'appartement sis rue de la Faisanderie n'intervenant qu'au titre de l'identification des
avoirs dans le cadre de l'enquête.

2 - Les conclusions déposées dans l'intérêt de Karim Meissa WADE

Selon conclusions régulièrement déposées in limine îitis, les conseils de Karim


WADE demandent à la cour de déclarer irrecevable l'appel interjeté par le
procureur adjoint financier en se fondant :
- sur le fait que la décision rendue n'entre pas dans la catégorie des jugements
correctionnels en ce que M. WADE ne fait pas l'objet d'une accusation pénale
mais d'une simple demande d'exécution d'une décision étrangère de confiscation
de ses biens,
- sur les dispositions de l'article 713-29 du code de procédure pénale réservant
la faculté d'exercer la voie de recours au condamné et la limitant aux seules les
décisions autorisant les mesures sollicitées par l'Etat requérant,
- sur les dispositions de l'article 497 du code de procédure pénale qui détermine
de façon limitative des personnes qui peuvent appeler d'un jugement rendu en
matière correctionnelle s'agissant du seul procureur de la République, et non le
ministère public ni le procureur national financier.

Subsidiairement ils demandent à la cour d'infirmer le jugement prononcé en ce


qu'il a écarté les exceptions de nullité régulièrement soulevées et :

- de constater que M. WADE n'a pas été informé de la nature et du périmètre de


l'instance diligentée à son encontre en violation des articles 713-39 du code de
procédure pénale et 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits
de l'homme et des libertés fondamentales, en ce qu'il a été uniquement rendu
destinataire à 5 reprises de l'avis d'audience du 28 janvier 29010 à la maison
d'arrêt de Rebeuss où il était détenu depuis plus de deux ans, lequel avis ne faisait
mention ni des textes applicables ni de la qualité dans laquelle il était avisé, la
seule mention de l'exécution de la confiscation ordonnée par l'arrêt de la CREI
étant insuffisante dès lors que M. WADE n'étant pas le seul concerné, ni des
biens concernés et ne l'a pas mis en mesure d'organiser sa défense et alors que
la mesure de confiscation constitue une atteinte au droit de propriété de la
personne visée par l'instance ;
- de constater que M. WADE a été privé du droit de comparaître personnellement,
condition du procès équitable, en violation de l'article 6§3-c de la convention
précitée et 410 du code de procédure pénale, alors que M. WADE avait
expressément revendiqué dans la sommation interpellative du 3 février 2016
l'exercice de ce droit ;
- de constater l'absence de transmission de la demande d'entraide au parquet
général en violation de l'article 694-4 du code de procédure pénale, et de contrôle

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de l'atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, alors même
que laprocédure suivie devant les autorités sénégalaises n'apas été intégralement
transmise, notamment les décisions de la Cour de justice de la communauté
économique des Etats de l'Afrique de l'ouest (CEDEAO) et le Groupe de Travail
des Nations Unies sur la détention arbitraire alors même qu'elles ont sanctionné
la procédure ayant abouti à l'arrêt de la CREI ;
- de constater que l'avis du parquet général et du BEPI n'ont pas été
communiqués à la défense de M. WADE en violation flagrante du principe du
contradictoire et des droits de la défense alors même qu'ils ont entraîné la saisine
du parquet financier aux fins d'exécution d'une mesure de confiscation de nature
pénale ;
- de constater la nullité de la requête aux fins d'autorisation des mesures de
confiscation.

Il est par ailleurs demandé à la cour :


- d'infirmer le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la demande d'entraide de
l'Etat du Sénégal et la requête aux fins d'autorisation de la confiscation ordonnée
par la CREI,
- de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré les faits
d'enrichissement illicite à l'origine de la demande ne sont constitutifs d'aucune
infraction selon la loi française,
- de constater que l'arrêt de la CREI a été prononcé dans des conditions n'offrant
pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles
et des droits de la défenses,
- de constater que le ministère public français a décidé de ne pas engager des
poursuites pour les faits à raison desquels la confiscation a été prononcée,
- de constater la violation de l'ordre public international par l'arrêt de la CREI du
23 mars 2015,
- de refuser en conséquence la demande d'exécution de l'arrêt et les mesures de
confiscation sollicitées sur les biens de M. WADE sur le territoire français.

Il est soutenu :
- que la convention de Nations Unies du 15 novembre 2000 n'est pas applicable
à la procédure, M. WADE n'ayant pas été poursuivi ni condamné du chef des
infractions qui en conditionnent l'applicabilité dès lors qu'aucun fait commis en
groupe criminel organisé tel que défini à l'article 5 de la convention n'a été
établi, qu'aucun fait de blanchiment n'a été reproché par la CREI à M. WADE,
s'agissant de l'infraction prévue pari'article 2 de la loi sénégalaise n°2004-09 du
6 février 2004 portant lutte contre le blanchiment des capitaux, l'infraction
d'enrichissement illicite constituant une infraction autonome et distincte de celle
de blanchiment laquelle suppose la caractérisation préalable d'une infraction
principale, que M. WADE a été relaxé du chef de corruption, qu'aucun fait
d'entrave au bon fonctionnement de la justice, délit défini par l'article 23 de la
convention du 15 novembre 2000, ni aucune "infraction grave" au sens de la
convention n'ont été caractérisés par la CREI ;
-que la convention bilatérale de coopération en matière judiciaire entre le
gouvernement de la République Française et le gouvernement de la République
du Sénégal du 29 mars 1974 ne prévoit aucune disposition relative à l'exécution
d'une décision de condamnation pénale et de confiscation pénale rendue par une
juridiction de l'un des Etats et devant être exécutées sur le territoire de l'autre ;
- que, la condition relative à la double incrimination prévu par l'article 43 de la
convention des Nations Unies contre la corruption du 31 octobre 2003 n'est pas
satisfaite en l'absence en droit français du délit d'enrichissement illicite qui ne
pas assimilable au délit de blanchiment ;
- que les tiers de bonne foi n'ont pas été informés (SG et SGBS au Sénégal) en
violation des dispositions de l'article 55-3 b de cette convention ;

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- que la double incrimination suppose démontrée existence de l'infraction en droit
français à la date de commission des faits soit sur les années 2000 à 2012 ;
- que les faits tels qu'articulés par la CREI ne sont pas susceptibles de constituer
les infractions d'une part de corruption (M. WADE ayant bénéficié d'une relaxe
de ce chef) et d'autre part de blanchiment tel que défini par l'article 324-1 du
code pénal définition proche de l'article 2 de la loi sénégalaise n°2004-09 du 6
février 2004 mais M. WADE n' ayant pas été poursuivi pour ces faits et la plainte
de l'Etat du Sénégal pour les mêmes faits sous la qualification de corruption et
blanchiment ayant été classé sans suite par le parquet national financier ;
- qu'aucune infraction principale n'a été caractérisée par la CREI, le délit
d'enrichissement illicite est une infraction autonome ;
- que la présomption prévue à l'article 324-1-1 du code pénal ne fixe qu'une
modalité du délit de blanchiment et ne définit aucune infraction spécifique ce
texte procède simplement à un assouplissement du régime de la preuve mais ne
modifie pas les éléments constitutifs du délit ; que néanmoins, considérée comme
une règle de fond plus sévère ne saurait s'appliquer à des faits antérieurs à son
entrée en vigueur soit avant le 7 décembre 2013 ;
- que les biens ne sont pas susceptibles de confiscation en ce qu'ils n'ont aucun
rapport avec l'infraction selon l'article 713-36 et suivants du code de procédure
pénale ;
- que la décision étrangère a été rendue dans des conditions n'offrant pas de
garanties suffisantes pour la protection des libertés individuelles et des droits de
la défense.

3 - Les conclusions déposées dans l'intérêt de Ibrahim ABOUKHALIL

Le conseil de Ibrahim ABOUKHALIL a également déposé des conclusions


tendant à voir déclarer irrecevable l'appel interjeté par le ministère public.

11 soutient :
- qu'aucune voie de recours des décisions du tribunal correctionnel n'a été prévue
par le législateur en matière d'exécution de décisions de confiscation prononcées
par des juridictions étrangères hors Union Européenne ou n'ayant pas transposé
la décision-cadre du conseil de l'Union Européenne n°2006/783 du 6 octobre
2006, alors que, a contrario, l'article 713-29 du code de procédure pénale prévoit
les modalités de l'appel en la matière lorsque les confiscations sont sollicitées par
un Etat membre de l'Union Européenne ou ayant transposé la décision-cadre
lequel au demeurant ne mentionne pas le droit d'appel au ministère public ;
- que le ministère public français n'est qu'un agent de transmission d'une
demande d'exécution d'une décision de confiscation étrangère ;
- que l'article 713-38 du code de procédure pénale indique que (contrairement au
droit commun l'article 484-1 alinéa 4 du même code fixant le sort de la saisie par
en cas de relaxe du prévenu) le refus d'autoriser l'exécution d'une confiscation
prononcée par la juridiction étrangère emporte de plein droit mainlevée de la
saisie.

Au fond, au visa des articles 2,3 et 6 de la Convention européenne de sauvegarde


des droits de l'Homme, des articles 713-36 du code de procédure pénale, du traité
de coopération judiciaire entre la France et le Sénégal, de la Convention de
Palerme, le conseil de Ibrahim ABOUKHALIL demande à la cour, à titre
principal, de déclarer irrecevable l'appel du parquet national financier, et
subsidiairement :

• de constater que les pièces de la commission rogatoire internationale exécutée


par le Luxembourg et Monaco ne sont pas recevables pour avoir été transmises
en violation du principe de spécialité et, partant, les écarter des débats, de

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constater que les biens dont la confiscation est sollicitée n'ont aucun lien avec
l'infraction reprochée en violation de l'article 713-36 du code de procédure
pénale,
• de constater que faute d'informations suffisantes des droits éventuels des tiers
de bonne foi pourraient être atteints en cas de confiscation , en violation de
l'article 713-38 du code de procédure pénale,
• de constater que cinq des six motifs de refus prévus par l'article 713-37 du code
de procédure pénale font obstacle à l'exécution de la législation étrangère (
absence de double incrimination, biens insusceptibles de faire l'objet d'une
confiscation selon la loi française, procédure n'offrant pas de garantie suffisantes
de protection des libertés individuelles et des droits de la défense, poursuites aux
fins d'élimination d'un adversaire politique et décision de cassement sans suite
prononcée en France le 19 mai 2014, article 713-37 1° à 5°),
• de dire en conséquence l'appel du parquet national financier mal-fondé et de
confirmer le jugement dont appel.

Il soutient notamment :

- que contrairement aux exigences de l'article 713-36 du code de procédure


pénale, les biens dont la confiscation est demandée n'ont aucun lien avec
l'infraction reprochée , que selon le rapport de la commission des lois du Sénat
et de l'AN : "La France ne prévoit pas î 'exécution sur son territoire de décisions
de confiscation portant, dans le cadre d'une procédure de confiscation élargie,
sur des biens n 'ayant aucun rapport avec l 'infraction", et qu'il n'est pas possible
de passer outre l'absence de lien par l'intermédiaire d'une saisie en valeur ;
- que l'arrêt de la CREI ne mentionne à aucun moment la SCI AISA et la SA
DJOZ, de même en ce qui concerne les pièces complémentaires (sauf dans les
déclarations de l'intéressé transmises en cours de procédure) outre la confusion
entretenue entre les actifs appartenant à une personne morale et le patrimoine
d'une personne physique ;
- que les pièce tirées de la commission rogatoire internationale exécutée au
Luxembourg ont été produites en violation du principe de spécialité, principe
fondamental de spécialité en matière d'entraide pénale internationale, et de la
réserve expressément émise par les autorités du Luxembourg alors que le
procureur spécial du Luxembourg a accepté l'entraide pour des faits de corruption
et trafic d'influence et qu'un non lieu a été prononcé à l'égard de ABOUKHLIL
du chef de corruption ;
- que la condition de double incrimination n'est pas remplie, les faits
d'enrichissement illicite n'étant pas constitutifs d'une infraction selon la loi
française, notamment du délit de blanchiment (infraction de conséquence et
preuve d'un acte positif commis par son auteur soit de la conscience de l'origine
frauduleuse des avoirs) M. ABOUKHALIL n'ayant jamais été poursuivi de ce
chef et une plainte antérieure ayant été classée sans suite le 19 mai 2014 comme
visant des faits de corruption et de blanchiment, et que M. ABOUKHALIL a
bénéficié d'un non-lieu de ce chef de corruption et que l'article 324-1-1 du code
pénal, entré en vigueur le 8 décembre 2013, ne peut trouver à s'appliquer en
l'espèce ;
- que la décision étrangère a été prononcée dans des conditions n'offrant pas de
garanties suffisantes au regard de la protection des libertés individuelles et des
droits de la défense, dans l'unique but de condamner un opposant politique en la
personne du principal prévenu, l'ancien ministre d'Etat Karim WADE, en
instrumentalisant la lutte contre l'enrichissement illicite et la personne de Ibrahim
ABOUKHALIL,
- que la décision de la CREI, juridiction d'exception, a été rendue au terme d'un
procès inéquitable (713-37 3° du code de procédure pénale) ayant privé les mis
en cause de tout recours effectif et opérant un renversement de la charge de la
preuve ce qui heurte l'ordre public français et ce qui a valu une condamnation de

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la CEDEAO et deux avis du groupe de travail sur la détention arbitraire de l'ONU
ainsi que rapport 2015 de Amnesty Intrenational sur le procès deKarimWADE,
- que la procédure suivie a été émaillée de plusieurs atteintes aux principes
directeurs du procès équitable parmi lesquelles des violations du principe
d'impartialité, des règles de composition des juridictions (principe de continuité
des débats et de régularité de composition des juridictions de jugement), du droit
de tout individu de comparaître personnellement devant ses juges, du droit à
l'assistance d'un avocat, du principe d'individualisation et de proportionnalité de
la peine et de prohibition des traitement inhumains ou dégradants sur la personne
de M. ABOUKHALIL.

SUR CE

1 - Sur la demande de renvoi

Considérant que les conseils de Karim WADE ont sollicité le renvoi de l'examen
de l'affaire aux motifs que seul l'avocat inscrit au barreau de Paris, en la personne
de Maître FEDIDA, avait eu connaissance des réquisitions écrites du ministère
public et n'avait pas pu les transmettre à ses confrères et que l'un d'entre eux était
empêché pour raison de santé ;

que Monsieur l'avocat général et le conseil de Ibrahim ABOUKHALIL se sont


opposés au renvoi de l'affaire ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le ministère public a respecté
le principe du contradictoire en faisant parvenir ses écritures sous une forme
dématérialisée aux conseils de M, WADE, en la personne de Maître FEDIDA, et
de M. ABOUKHALIL en la personne de Maître DREYFUS SCHMIDT le mardi
19 décembre, veille de l'audience, à 13h09 ; que ces réquisitions écrites, prises
au soutien de l'appel inteijeté par le procureur de la République financier avaient
notamment pour objet de répondre aux moyens soulevés dans les conclusions
déposées dans l'intérêt de M. WADE ; que l'empêchement dans lequel a pu se
trouver le conseil destinataire de cette transmission, de porter à la connaissance
de ses deux confrères sénégalais, alors en chemin vers Paris pour intervenir à ses
côtés dans l'intérêt de M. WADE, ne saurait justifier le renvoi de cette affaire,
d'autant que seul l'un d'eux s'étant présenté à l'audience et a pu prendre
connaissance du contenu de ces écritures préalablement à l'ouverture des débats ;
que l'empêchement de son confrère sénégalais pour raison de santé n'est pas
recevable dès lors que M. WADE est d'ores et déjà assisté de trois conseils
présents en la personne de Maître FEDIDA, Maître BOYON et Maître LY,

que la demande de renvoi sera en conséquence rejetée ;

2 - Sur la recevabilité de lJappel

Considérant que la défense de Karim WADE soutient que la décision rendue


n'entre pas dans la catégorie des jugements correctionnels en ce que M. WADE
ne fait pas l'objet d'une accusation pénale mais d'une simple demande
d'exécution d'une décision étrangère de confiscation de ses biens, que l'article
713-29 du code de procédure pénale réserve la faculté d'exercer la voie de
recours au condamné et la limite aux seules les décisions autorisant les mesures
sollicitées par l'Etat requérant et que l'article 497 du code de procédure pénale
détermine de façon limitative les personnes qui peuvent appeler d'un jugement

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rendu en matière correctionnelle s'agissant du seul procureur de la République,
et non le ministère public ni le procureur national financier ;

Considérant que la défense de Ibrahim ABOUKHALIL fait en outre valoir que


le ministère public français n'est qu'un agent de transmission d'une demande
d'exécution d'une décision de confiscation étrangère et que l'article 713-38 du
code de procédure pénale indique que (contrairement au droit commun l'article
484-1 alinéa 4 du même code fixant le sort de la saisie en cas de relaxe du
prévenu) le refus d'autoriser l'exécution d'une confiscation prononcée par la
juridiction étrangère emporte de plein droit mainlevée de la saisie ;

Considérant qu'il ne peut être dérogé que par une disposition expresse de la loi
à la règle générale posée par l'article 496 du code de procédure pénale selon
laquelle les jugements en matière correctionnelle peuvent être attaqués par la voie
de l'appel ; que les articles 731-36 à 713-41 du code de procédure pénale
instaurant la procédure applicable en matière d'exécution une décision de
confiscation prononcée par les autorités judiciaires étrangères et attribuant
compétence au tribunal correctionnel n'excluent pas cette voie de recours ; que
le droit d'appeler que le procureur de la République tient de l'article 497 du code
de procédure pénale ne souffre en cette matière d'aucune exception ;

qu'il ne saurait se déduire de l'absence de mention à l'article 731-29 du code de


procédure pénale d'un droit d'appel reconnu au ministère public que le législateur
ait entendu implicitement priver le ministère public de son droit d'appel lorsque
la demande, émanant d'un Etat non membre de l'Union Européenne, est rejetée
alors que cette voie de recours est expressément accordée au condamné lorsqu'il
est fait droit à une demande d'entraide émanant d'une juridiction d'un autre Etat
membre de l'Union Européenne ; qu'il ne saurait davantage se déduire que le
législateur ait exclu la voie de l'appel en cette matière des dispositions incluses
dans l'article 713-38 du même code selon lesquelles le refus d'autoriser
l'exécution de la décision de confiscation emporte de plein droit mainlevée de la
saisie ; que les alinéas 3 et 4 de l'article 484 du code de procédure pénale,
lesquels donnent force exécutoire nonobstant appel ou opposition à la décision
de confiscation d'un bien non préalablement placé sous main de justice et
prévoient que les arrêts de relaxe ou ne confirmant pas la confiscation emportent
de plein droit mainlevée, ne sont pas incompatibles avec la reconnaissance d'un
droit d'appel ;

que fermer la voie de l'appel au seul représentant du ministère public requérant


devant la juridiction correctionnelle, serait contraire au principe d'égalité des
armes entre les parties ; que le fait qu'il agisse à la demande d'un Etat requérant
est à cet égard sans portée d'autant qu'en application de l'article 713-40 du code
de procédure pénale et sauf s'il en est convenu autrement avec l'Etat requérant,
l'exécution sur le sol français d'une décision de confiscation émanant d'une
juridiction étrangère entraîne transfert à l'Etat français de la propriété des biens
confisqués ;

qu'il s'ensuit que les exceptions d'irrecevabilité de l'appel du ministère public et


singulièrement du procureur de la République financier seront rejetées ;

3 - Sur la validité de la requête

- sur le moyen tiré de la violation des articles 713-39 du code de procédure


pénale et 6 § 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de
l'homme et des libertés fondamentales,

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Considérant qu'il est soutenu que Karim WADE a été uniquement rendu
destinataire à 5 reprises de l'avis d'audience du 28 janvier 2010 à la maison
d'arrêt de Rebeuss où il était détenu depuis plus de deux ans, lequel avis ne faisait
mention ni des textes applicables ni de la qualité dans laquelle il était avisé, la
seule mention de l'exécution de la confiscation ordonnée par l'arrêt de la CREI
étant insuffisante dès lors que M. WADE n'étant pas le seul concerné dans
l'affaire, ni des biens concernés, qu'il n'a pas été mis en mesure d'organiser sa
défense et alors que la mesure de confiscation constitue une atteinte au droit de
propriété de la personne visée par l'instance ;

Considérant que la requête tend à obtenir l'autorisation de mettre à exécution sur


le territoire français une mesure de confiscation ordonnée par la juridiction d'un
Etat étranger dans le cadre d'une demande d'entraide pénale internationale régie
par les seuls articles 713-36 et suivants du code de procédure pénale ; que l'article
731-38 donne compétence au tribunal correctionnel saisi sur requête du procureur
de la République ; que l'article 731-39 prévoit la faculté pour le tribunal
d'entendre le condamné laquelle peut se faire représenter à l'audience par un
avocat ; qu'aucun de ces textes n'impose la délivrance d'une citation à
comparaître selon le formalisme prévu aux articles 550 et suivants du code de
procédure pénale ;

que c'est à bon droit que les premiers juges ont déduit des termes des avis
régulièrement délivrés par la voie diplomatique au condamné Karim WADE
l'informant de '7 'audience dans le dossier [le] concernant (...) aux fins de statuer
sur l'exécution de la confiscation ordonnée par arrêt définitif du 23 mars 2015
de la Cour de Répresssion de l'Enrichissement Illicite du Sénégal" que Karim
WADE, qui n'ignorait pas les termes de la décision de la CREI rendue à son
encontre ayant ordonné, à titre de peine complémentaire, "la confiscation tous les
biens présents des condamnés de quelque nature qu 'ils soient" et mentionné dans
ses motifs les biens détenus en France par celui-ci susceptibles de confiscation et
dont le conseil a eu accès aux pièces du dossier, notamment à la demande
d'entraide émanant des autorités sénégalaises ainsi qu'à la requête saisissant la
juridiction, a été mis en mesure d'organiser sa défense ainsi qu'en attestent les
conclusions déposées dans son intérêt devant le tribunal à la faveur du renvoi
accordé par la juridiction et, dans ces circonstances, ne justifie d'aucun grief
résultant du défaut de mention dans les avis qui lui ont été remis, auxquels la
requête n'était pas jointe, tant des textes applicables que de la qualité en laquelle
il était avisé ;

- sur le moyen tiré de privation du droit de comparaître personnellement,


condition du procès équitable, en violation de l'article 6§3-c de la convention
précitée et 410 du code de procédure pénale,

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Karim WADE a été détenu à
la maison d'arrêt de Rebeuss (Sénégal) jusqu'au 24 juin 2016, et que lors de
chaque notification des avis d'audience, notamment lors de la sommation
interpellative du 3 février 2016, il a exprimé la volonté de comparaître
personnellement à l'audience ; que la procédure dont le tribunal correctionnel a
été saisi avait pour unique objet de voir statuer sur une demande tendant à
l'exécution d'une décision de confiscation des biens de Karim WADE situés en
France aux termes d'une condamnation définitive rendue par la CREI du Sénégal
et non sur le bien fondé d'une accusation porté à son encontre, qui seule aurait
imposé sa comparution personnelle ; que c'est ajuste titre que les premiers juges
ont estimé que les dispositions de l'article 713-39 du code de procédure pénale
n'ouvraient pas à Karim WADE un droit à comparaître personnellement, ce texte
se limitant à offrir la simple faculté au tribunal, s'il l'avait estimé utile,
d'entendre le condamné, le cas échéant sur commission rogatoire ; que,

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conformément à ces mêmes dispositions, Karim WADE était représenté par son
conseil à l'audience du tribunal ; qu'il s'ensuit qu'il ne saurait résulter de ces
circonstances un quelconque manquement aux exigences du procès équitable en
violation de l'article 6§3 c de la convention précitée ;

- sur le moyen tiré de l'absence de transmission de la demande d'entraide au


parquet général et de l'inexistence de l'avis du BEPI en violation de l'article 694-
4 du code de procédure pénale ;

Considérant que l'article 694-4 du code de procédure pénale prévoit la faculté pour
procureur de la République, s'il considère que l'exécution de la demande
d'entraide émanant d'une autorité judiciaire étrangère est de nature à porter
atteinte à l'ordre public ou aux intérêts essentiels de la Nation, d'en saisir le
procureur général qui lui même peut, s'il l'estime nécessaire, la transmettre au
ministère de la Justice au travers du BEPI ; que dès lors, s'agissant de
l'accomplissement d'une formalité laissé à l'appréciation du procureur de la
République, l'absence de communication par le procureur de la République
financier au procureur général de la demande des autorités sénégalaises puis de
transmission au BEPI ne vicie nullement la requête dont a été régulièrement saisi
le tribunal correctionnel ;

que le fait que la procédure n'ait pas comporté les décisions de la Cour de justice
de la Communauté Economique des Etats de l'Afrique de l'Ouest et du Groupe de
Travail des Nations Unies sur la détention arbitraire alors même qu'elles ont
sanctionné la procédure ayant abouti à l'arrêt de la CREI fondant la demande
d'entraide, apparaît dès lors inopérant, d'autant que ces éléments ont été portés à
la connaissance du tribunal dans le cadre des débats ;

- sur le moyen tiré du défaut de communication de l'avis du parquet général et du


BEPI à la défense de M. WADE en violation flagrante du principe du
contradictoire et des droits de la défense ;

Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que la demande d'entraide émanant
du ministre de la justice du Sénégal a été adressée par la voie diplomatique
ministre de la justice français, transmise au BEPI puis au parquet général de la
cour d'appel de Paris et finalement, le 3 décembre 2015, pour exécution, au
procureur de la République financier, auteur de la requête, sans que ce dernier ait
estimé, en considération de l'objet de la demande tendant à la confiscation d'un
appartement parisien et du solde d'un compte bancaire appartenant au condamné,
que celle-ci était susceptible de porter atteinte à l'ordre public français ou aux
intérêts essentiels de la Nation et devoir en conséquence saisir le parquet général ;
que ce processus de transmission apparaît régulier ;

que les premiers juges ont à bon droit déduit de l'inexistence d'avis formalisé tant
par le parquet général que par le BEPI sur ces questions dans le cadre de l'article
694-4 du code de procédure pénale, l'absence de la violation du contradictoire et
des droits de la défense alléguée par Karim WADE ;

Considérant que le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté l'ensemble de ces


moyens et dit n'y avoir lieu à prononcer la nullité de la requête ;

4 - Sur la recevabilité de la requête

Considérant qu'après avoir constaté que la requête du procureur de la République


financier visait, d'une part, la Convention de Coopération en matière judiciaire
entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la

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République du Sénégal du 29 mars 1974 laquelle ne contenait aucune disposition
prévoyant l'exécution d'un jugement pénal de confiscation et, d'autre part, la
Convention des Nations unies contre la criminalité transfrontalière organisée du
15 novembre 2000 qui n'était pas applicable aux condamnations d'enrichissement
illicite et de complicité d'enrichissement illicite prononcées à l'encontre de MM.
WADE et ABOUKHALIL, les premiers juges ont ajuste titre relevé que cette
même requête se fondait également sur les dispositions de l'article 713-36 à 713-
41 du code de procédure pénale applicables à l'exécution des décisions de
confiscation prononcées par les autorités judiciaires étrangères en l'absence de
convention internationale et déduit qu'elle était recevable ;

que la cour constate au surplus que la demande d'entraide internationale des


autorités sénégalaises vise la Convention des Nations Unies contre la corruption
du 31 octobre 2003 régulièrement ratifiée par la France et le Sénégal, applicable
aux infractions d'enrichissement illicite, de corruption ou de blanchiment ; que
cette convention prévoit que les décisions et mesures envisagées sont prises par
l'Etat requis conformément à son droit interne et renvoie aux formes de l'article
713-38 et 713-39 du code de procédure pénale et aux exigences de fond des
articles 713- 36 et 713-37 du même code ;

qu'il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré


recevable la requête du procureur de la République financier ;

5 - Sur la demande tendant à voir écarter des débats les pièces d'exécution de
la CRI délivrée aux autorités luxembourgeoises

Considérant qu'il ressort du dossier que les pièces adressées, en réponse à une
demande du procureur de la République financier par le procureur spécial selon
la voie diplomatique, cotées D631, D1418, D912, D1335, 1352 et 1354,
constituent des copies certifiées conformes par le greffier de la CREI des pièces
de procédure ;

Considérant que le conseil de Ibrahim ABOUKHALIL soutient que cette


transmission est intervenue en violation de la règle de spécialité rappelée par le
Procureur Général du Grand Duché du Luxembourg dans sa propre lettre de
transmission du 27 février 2014 ;

Considérant cependant qu'il apparaît, au vu des pièces versées aux débats, que
cette commission rogatoire internationale avait été délivrée aux autorités
luxembourgeoises le 24 mai 2013 dans le cadre de l'information ouverte à
l'encontre de Karim WADE sous le n° 1/2013 ayant abouti au renvoi de celui-ci
et de Ibrahim ABOUKHALIL devant la CREI puis à l'arrêt rendu par cette
juridiction le 23 mars 2015 ; que la production de ces pièces à l'initiative du
procureur de la République financier après que l'appel avait été interjeté, est
intervenue dans la présente procédure dont l'objet est d'obtenir l'exécution d'une
des sanctions pénales prononcée dans cet arrêt sur le fondement des pièces
recueillies au cours de l'instruction, notamment auprès de ces mêmes autorités
luxembourgeoises ; qu'il s'ensuit que la violation alléguée de la règle de spécialité
n'est pas démontrée ; que dès lors ces pièces ne sauraient être écartées pour ce seul
motif ; que la demande présentée à cette fin sera rejetée ;

6 - Sur le bien fondé de la requête

- Sur l'existence d'un lien entre le biens et l'infraction, condition posée par
l'article 713-36 du code de procédure pénale

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Considérant que l'article 713-36 du code de procédure pénale, auquel renvoient
les articles 31 et 5 5 de la Convention des Nations Unies contre la corruption du 31
octobre 2013, limite le champ de la demande d'entraide en matière de confiscation
aux "biens meubles ou immeubles ayant servi ou qui étaient destinés à commettre
l 'infraction ou qui paraissent en être le produit direct ou indirect, ainsi que de
tout bien dont la valeur correspond au produit de cette infraction

Considérant que, concernant Ibrahim ABOUKHALIL, la requête tend à voir


procéder à la confiscation de la part sociale numérotée 100 détenue par celui-ci
dans la société SCI AISA ainsi que des parts sociales numérotées de 1 à 99
détenues par la société DJOZ SA (Luxembourg) dans cette même société AISA ;

qu'il n'est pas démontré que ces parts de sociétés dont l'existence n'est pas
mentionnée dans l'arrêt de la CREI du 23 mars 2015, mais dont il est établi par les
pièces versées aux débats et recueillies auprès des autorités luxembourgeoises
qu'ils sont la propriété de Ibrahim ABOUKHALIL, soient de surcroît le produit
direct ou indirect de l'infraction ou qu'elles n'aient pas été destinées à la
commettre ;

que cependant le texte précité autorise la confiscation de tout bien dont la valeur
correspond au produit de l'infraction ; qu'il s'ensuit que l'absence de lien entre
l'infraction sanctionnée et les biens dont la confiscation est demandée à l'encontre
de Ibrahim ABOUKHALIL ne fait pas obstacle à ce qu'il y soit fait droit ;

Considérant par ailleurs qu'il n'est pas contesté que le solde du compte bancaire
ouvert à l'agence Madeleine de la Société Générale à Paris et l'appartement sis rue
de la Faisanderie à Paris 16eme, dont la confiscation est demandée, inventoriés au
cours de l'instruction et visés dans l'arrêt de la CREI, sont la propriété de Hakim
WADE, qu'ils constituent l'un des éléments matériels de l'infraction
d'enrichissement illicite ;

Considérant que chacun de ces biens est susceptible de faire l'objet d'une
confiscation selon la loi française conformément aux dispositions des articles 713-
36 et 713-37 - 2° du code de procédure pénale ;

- Sur la double incrimination prévue par l'article 713-3 7-1 ° du code de procédure
pénale

Considérant que l'article 713-37 du code de procédure pénale énumère les cas de
refus de l'exécution de la confiscation sollicitée ; qu'il prévoit en premier lieu que
la demande est refusée lorsque les faits ne sont pas constitutifs d'une infraction
selon la loi française ;

Considérant qu'il résulte des termes de l'arrêt de la commission d'instruction de


la CREI en date du 16 avril 2014 que celle-ci a procédé à l'inculpation pour
enrichissement illicite, complicité d'enrichissement illicite et corruption
notamment de Karim WADE et Ibrahim ABOUKHALIL ; que ce dernier a été
renvoyé devant la juridiction de jugement du seul chef de complicité
d'enrichissement illicite et déclaré coupable de ce chef tandis que Karim WADE,
renvoyé des chefs d'enrichissement illicite et de corruption, a été relaxé de
corruption et retenu dans les liens de la prévention pour le seul délit
d'enrichissement illicite ;

Considérant que la culpabilité de Karim WADE a été ainsi motivée :

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"Considérant que Karim WADE ayant été titulaire d'une fonction
gouvernementale et ayant été agent civil de l'Etat sénégalais de 2002 à 2012,
la loi sur l'enrichissement illicite citée ci-dessus lui est, par conséquent,
applicable ;

Considérant qu'il n'est pas discuté que pendant toute la période précitée, le
prévenu a perçu des revenus légaux dont le montant cumulé s'élève à la
somme de cinq cent quatre (504 000 000) millions de francs CFA ;

Qu'il résulte de tout ce qui précède que les éléments du patrimoine non justifiés
de Karim Meïssa WADE s'élèvent à la somme de soixante neuf milliards
cent dix neuf millions cinq cent quarante trois mille cent quatre vingt dix huit
francs CFA (69.119.543.198) ;

Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article 163 bis du code pénal, le
délit d'enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en
demeure, le titulaire d'une fonction gouvernementale ou un agent civil de
l'Etat se trouve dans l'impossibilité de justifier de l'origine licite des ressources
qui lui permettent d'être en possession d'un patrimoine ou de mener un train
de vie sans rapport avec ses revenus légaux ; Considérant qu'il a été démontré,
qu'en l'espèce, entouré d'amis d'enfance et de condisciples dont certains ont
reconnu être des prête-noms, Karim WADE, ayant exercé les fonctions de
conseiller spécial du Président de la République du Sénégal, de président de
l'ANOCl et de ministre d'Etat, a constitué des sociétés dans les secteurs les plus
stratégiques, les plus névralgiques et les plus rentables de l'économie du Sénégal
pour, à travers des sociétés offshore bénéficiaires économiques ou détentrices
des actions des sociétés précitées, accroître illicitement son patrimoine et celui
de ses complices ; Considérant que les ressources tirées de ces sociétés ayant
permis à Karim WADE d'être en possession d'un patrimoine sans rapport avec
ses revenus légaux, il y a lieu de le déclarer atteint et convaincu du délit
d'enrichissement illicite qui lui est reproché ;

Considérant qu'en ce qui concerne le délit de corruption qui lui est reproché, la
Cour de céans ne dispose pas d'éléments d'appréciation suffisants pour le lui
imputer ; Qu'en effet, aucune preuve, que Karim WADE a reçu de la société
DUBAÏ CERAMÏC, filiale de DP WORLD FZE, elle-même société mère de
DP WORLD Dakar, des sommes dont le montant cumulé s'élève à sept
milliards neuf cent cinq millions trois cent mille francs CFA (7.905.300.000),
n 'a été rapportée ; Qu 'il y a lieu dans ces conditions de dire et de juger que le délit
de corruption qui lui est reproché en l'espèce n'a pu être établi ; Qu' il échet de
le relaxer de ce chef;

Considérant qu'au soutien de la déclaration de culpabilité de Ibrahim


ABOUKHALIL, la juridiction sénégalaise indique :

"Considérant qu'il a été démontré ci-dessus que Karim Meïssa WADE est
intervenu dans la création et le fonctionnement des sociétés AHS, MENZIES,
ABS, BLACK PEARL FINANCE, et DAPORT, sociétés dont ses amis
Ibrahim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE se prétendent bénéficiaires
économiques ou actionnaires par le biais de sociétés offshore basées dans
les îles vierges britanniques, au Luxembourg, au Panama et dont tous les
profits ont été virés dans les comptes ouverts à Monaco par les prévenus ;

Qu'il échet, dans ces conditions, de dire et de juger que Ibrahim


ABOUKHALIL, Karim ABOUKHALIL et Mamadou POUYE, en cherchant à
dissimuler le rôle prépondérant joué par Karim Meïssa WADE dans la création
et le fonctionnement d'une société dont il tirait, avec eux, des profits illicites, ont

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avec connaissance, aidé et assisté celui-ci dans la commission de l'infraction
d'enrichissement illicite qui lui est reproché ;

Considérant qu'il a été largement démontré ci-dessus que c'est grâce à l'aide
et à l'assistance que Ibrahim ABOUKHALIL, Karim ABOUKHALIL, Mamadou
POUYE et Evelyne RIOUTDELATRE lui ont apporté, que Karim Meïssa WADE
a commis le délit d'enrichissement illicite qui lui est reproché ; Qu 'ily a lieu, dans
ces conditions, de déclarer, par application des dispositions précitées de
l'article 46 du code pénal, les prévenus cités ci-dessus coupables de complicité
d'enrichissement illicite ;

Considérant que l'infraction d'enrichissement, prévu par l'articlel63 bis du code


pénal sénégalais, est ainsi défini : «L'enrichissement illicite de tout titulaire
d'un mandant public électif ou d'une fonction gouvernementale, de tout
magistrat, agent civil ou militaire de l'Etat, ou d'une collectivité publique,
d'une personne revêtue d'un mandat public, d'un dépositaire public ou d'un
officier public ou ministériel, d'un dirigeant ou d'un agent de toute nature des
établissements publics, des sociétés nationales, des sociétés d'économie mixte
soumises de plein droit au contrôle de l'Etat, des personnes morales de droit
privé bénéficiant du concours financier de la puissance publique, des ordres
professionnels, des organismes privés chargés de l'exécution d'un service
public, des associations ou fondations reconnues d'utilité publique est puni
d'un emprisonnement de cinq à dix ans et d'une amende au moins égale au
montant de l'enrichissement et pouvant être portée au double de ce montant. Le
délit d'enrichissement illicite est constitué lorsque, sur simple mise en
demeure, une des personnes désignées ci-dessus, se trouve dans l'impossibilité
de justifier de l'origine licite des ressources qui lui permettent d'être en
possession d'un patrimoine ou de mener un train de vie sans rapport avec ses
revenus légaux. L'origine licite des éléments du patrimoine peut être prouvée par
tout moyen. Toutefois la seule preuve d'une libéralité ne suffit pas à justifier
de cette origine licite. Dans le cas où l'enrichissement illicite est réalisé par
l'intermédiaire d'un tiers ou d'une personne morale, ce tiers ou les personnes
physiques dirigeant la personne morale seront poursuivis comme complices
de l'auteur principal» ;

Considérant que le tribunal correctionnel de Paris, après avoir constaté que


l'infraction d'enrichissement illicite n'existait pas en droit français, s'est à juste
titre livré à un examen in concreto afin de contrôler si les faits reprochés pouvaient
recevoir une autre qualification en droit français ;

Considérant qu'aux termes des réquisitions écrites du ministère public, son appel
ne remet pas en cause l'analyse du tribunal en ce qu'il a considéré que les faits
d'enrichissement illicite ne pouvaient pas être assimilés en droit français aux délits
de corruption, de non-justification de ressources, de trafic d'influence, de prise
illégale d'intérêts ou de détournement de fonds publics ; qu'il est en revanche
soutenu que si le délit d'enrichissement illicite prévu par l'article 163 bis du code
pénal sénégalais n'est pas assimilable au délit général de blanchiment défini par
l'article 324-1 du code pénal français il peut être assimilé au délit de blanchiment
présumé de l'article 324-1-1 du même code ;

Considérant que l'infraction de blanchiment, définie en droit français par l'article


324-1 du code pénal, est une infraction de conséquence consistant dans le fait soit
de faciliter la justification mensongère de l'origine des biens ou des revenus de
l'auteur d'un crime ou d'un délit, soit d'apporter son concours à une opération de
placement, de dissimulation, ou de conversion du produit direct ou indirect d'un
crime ou d'un délit ; que la justification mensongère comme l'opération de
dissimulation, de placement ou de conversion a pour objectif de masquer l'origine

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illicite des biens et des revenus de l'auteur d'une infraction dite principale ou
l'existence du produit direct ou indirect tiré de cette infraction ;

que c'est à bon droit que les premiers juges ont décidé que le délit
d'enrichissement illicite, tel que défini par la loi sénégalaise, ne pouvait être
assimilé au délit de blanchiment ainsi défini par la loi française ;

Considérant que l'article 324-1-1 du code pénal français, issu de la loi n°


2013-1117 du 7 décembre 2013 relative la lutte contre la fraude fiscale et la grande
délinquance économique et financière, a été inséré après l'article 324-1 du même
code définissant le délit de blanchiment l'article 324-1-1 du code pénal ; qu'il
prévoit que "pour l'application de l'article 324-1, les biens ou les revenus sont
présumés être le produit direct ou indirect d'un crime ou d'un délit dès lors que
les conditions matérielles, juridiques ou financières de l'opération de placement,
de dissimulation oit de conversion ne peuvent avoir d'autre justification que de
dissimuler l'origine ou le bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus";

Considérant que ce texte se limite à opérer un renversement de la charge de la


preuve en établissant une présomption simple d'illicéité de l'origine des biens ou
revenus sur lesquels porte le délit de blanchiment, uniquement lorsque celui-ci
consiste en une opération de dissimulation, placement ou conversion du produit
de l'infraction principale ; que pour être mise en oeuvre, cette présomption
suppose la réunion de conditions de fait ou de droit faisant supposer la
dissimulation de l'origine ou du bénéficiaire effectif de ces biens ou revenus ; que
l'opération de dissimulation , de placement ou de conversion demeure le moyen
de masquer l'origine illicite des biens ou de revenus de l'auteur d'un crime ou
l'existence du produit direct ou indirect d'une infraction ;

Considérant que contrairement à ce que soutiennent les mis en cause, ce texte, bien
qu'entré en vigueur le 8 décembre 2013, soit postérieurement aux faits fondant la
condamnation de Karim WADE et Ibrahim ABOUKHALIL, est applicable à
l'examen de la demande d'entraide pénale des autorités sénégalaise en date du 19
octobre 2015 ; qu'en effet, la juridiction appelée à statuer dans le cadre de cette
demande d'entraide, doit s'assurer de l'absence de contradiction de cette demande
avec l'ordre public français notamment en ce qu'elle respecte la condition de la
double incrimination laquelle doit s'apprécier à la date où il est statué sur son
exécution et non à la date de la commission des faits ;

Considérant qu'il ne saurait se déduire des dispositions de l'article 324-1-1 du


code pénal l'existence dans le droit français d'un nouveau délit de blanchiment
qui, distinct de celui défini par l'article 324-1 du code pénal, serait assimilable à
l'infraction d'enrichissement illicite telle que définie par l'article 163 bis du code
pénal sénégalais et caractérisée, outre l'enrichissement de son auteur au regard de
ses ressources licites, par la seule absence de justification de la provenance licite
des biens composant son patrimoine après mise en demeure d'en justifier, sans que
soient prises en considération dans les éléments constitutifs de l'infraction les
conditions matérielles, juridiques et financières d'une éventuelle dissimulation de
biens ou revenus ayant une origine frauduleuse ;

Considérant qu'il s'ensuit qu'en l'absence d'infraction assimilable en droit


français à l'infraction d'enrichissement illicite, les premiers juges ont à bon droit,
faisant application des dispositions de l'article 713-37 1° du code de procédure
pénale, rejeté la requête tendant, en exécution de la condamnation prononcée par
la juridiction sénégalaise de ce chef à l'égard de Karim WADE et du chef de
complicité d'enrichissement illicite à l'égard de Ibrahim ABOUKHALIL, à la
confiscation des biens leur appartenant sur le territoire national ;

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Considérant qu'il conviendra en conséquence, sans qu'il soit nécessaire de statuer
sur les autres moyens évoqués au soutien des prétentions de Karim WADE et
Ibrahim ABOUKHALIL sur l'application de l'article 713-37 et ceux tirés des
conditions dans lesquelles la décision étrangère a été rendue en ce qu'elles
n'offraient pas de garanties suffisantes au regard de la protection des libertés
individuelles et des droits de la défense, du but politique poursuivi par la
condamnation et de l'incidence de la décision de classement sans suite du
ministère public français, de dire l'appel mal fondé et de confirmer le jugement en
ce qu'il n'a pas fait droit à la requête du procureur de la République financier ;

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant publiquement,
contradictoirement à l'encontre des condamnés Karim Meïssa WADE et de
Ibrahim ABOUKHALIL,

Rejette la demande de renvoi,

Déclare recevable l'appel du procureur de la République financier,

Confirme le jugement en ce qu'il a rejeté les exceptions présentées par Karim


Meïssa WADE tendant à voir déclarer nulle la requête du procureur de la
République financier du 11 janvier 2016,

Confirme le jugement en ce qu'il a déclaré recevable la dite requête,

Rejette la demande tendant à voir écarter des débats les pièces issues de la
commission rogatoire internationale exécutée par les autorités judiciaires
luxembourgeoises,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a rejeté les demandes d'exécution des


confiscations contenues dans la requête du procureur de la République financier
en date du 11 janvier 2016.

Rejette le surplus des demandes.

Le présent arrêt est signé par Dominique PAUTHE, président et par


Noumbé-Laëtitia NDOYE, greffier

LE PRÉSIDENT LE GREFFIER

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