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École pratique des hautes études,

Section des sciences religieuses

Conférence de M. Christian Jambet : Ontologie et herméneutique


chez Mollâ Sadrâ Shîrâzî (suite).
Christian Jambet

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Jambet Christian. Conférence de M. Christian Jambet : Ontologie et herméneutique chez Mollâ Sadrâ Shîrâzî (suite).. In: École
pratique des hautes études, Section des sciences religieuses. Annuaire. Tome 109, 2000-2001. 2000. pp. 287-290.

http://www.persee.fr/doc/ephe_0000-0002_2000_num_113_109_11799

Document généré le 24/09/2015


Conférences de Christian Jambet
Chargé de conférences

Ontologie et herméneutique chez MoIIâ Sadrâ Shîrâzî (suite).

Après avoir étudié, l'an dernier, les principes de l'ontologie de


Sadroddîn Muhammad Shîrâzî, familièrement nommé Mollâ Sadrâ (mort
en 1050/ 1640-1641), nous avons étudié, cette année, sa pratique de
l'exégèse, exercée sur le texte coranique et sur les traditions des Imâms
recueillies dans le Kitâb al-tawhîd, des Osûl al-Kâfî de Muhammad ibn
Ya'qûb al-Kolaynî (mort en 329/940). Nous avons ainsi traduit et expliqué
d'amples extraits du Sharh Osûl al-Kâfî, éd. M. Khâjâvî, t. 1, Téhéran,
1370 h. et du Tafsîr al-Qor 'an, éd. M. Khâjâvî, t. 1, Qom, 1366 h. et t. 4,
Qom, 1371 h. Cette exégèse se veut fidèle à la lettre mais Sadrâ critique
« l'excès dans l'exaltation du sens apparent », il réprouve ceux qui, tels
« les disciples de Ahmad Ibn Hanbal » ont « mis un loquet à la porte de
l'intelligence Caql) et de l'exégèse spirituelle (ta'wîl) ».
Nous avons exploré la question des noms divins, celle du Trône et du
korsî, l'exégèse du verset 2: 256, « point de contrainte en religion », la
question de l'esprit et de l'homme parfait.
Selon Sadrâ, la signification des noms divins est élucidée par plusieurs
traditions des Imâms, qui doivent être à leur tour comprises à la lumière de
l'enseignement d'Ibn 'Arabî. La synthèse ainsi opérée entre imamologie et
soufisme est la grande leçon de ces pages très denses. Les noms divins sont
identiques à l'Essence unique de Dieu, « ils ne dégradent pas l'unicité de
l'Essence », ils n'en sont pas les accidents. Ils existent en vertu d'une double
négation, étant d'abord « non-existants », puis « non non-existants ». Les
noms divins sont les « clés du mystère », les expressions de la science
analytique et synthétique de toutes choses par Dieu. Ils ne sont pas des existants
concrets séparés, mais les déterminations de l'acte par lequel l'Essence
divine s'épiphanise. Il faut distinguer le plan de Punitude divine
inconnaissable (ahadîya ilâhîya) et le plan des noms divins, celui où s'origine la
procession de l'être manifeste {imkânîya nâzila, potentialité descendante), celle
des "sudations" de la surabondance de l'être, le plan des manifestations
graduées selon l'intensité et la faiblesse. Mollâ Sadrâ rappelle ce qu'est,
selon lui, la hiérarchie de Pexistentialité (Voir Asfâr, t. 2, p. 327 ss.) : le
Mysterium absolu, l'existant lié et l'être déployé absolu. Celui-ci
s'homologue au « soupir du Miséricordieux » et à al-haqq al-makhlûq bi-hi. C'est
là le degré correspondant au nom divin Allah et à l'unité qualifiée de wâhi-
dîya. Le Réel est le lieu de naissance de l'être déployé absolu, ce qui
contredit, selon Sadrâ, le schème des philosophes qui font de l'Intelligence le
premier émané. L'être absolu implique les lieux d'épiphanie des noms
divins. En guise de commentaire d'une tradition remontant au 6e Imâm,

Annuaire EPHE, Section des sciences religieuses. T. 109 (2000-2001)


288 ' Exégèse et théologie de l 'Islam chiite

Mollâ Sadrâ propose le schème de l'engendrement de la multiplicité des


noms divins à partir du passage de l'Un caché et indicible à l'Un révélé.
Quelle est la nature du Trône divin, comment comprendre que Dieu
porte le Trône, et non que le Trône le porte, selon l'enseignement d'un
long hadîth attribué à l'Imâm 'Alî ? Mollâ Sadrâ développe une exégèse
en dix points. 1° Toute chose se dresse dans l'existence par autre chose,
et la subsistance (qiyâm) suppose ainsi un agent ultime, qui est Dieu.
L'ensemble des réalités créées, le Trône, les cieux, la terre, ce qui est
entre eux et en eux subsiste par Lui. Dieu est donc Celui qui les porte.
2° Les supports du Trône sont, au total, huit anges, quatre anges soutenant
quatre autres. Les quatre anges supérieurs sont des lumières victoriales
sacro-saintes, les seigneurs des icônes élémentaires ; les quatre anges
inférieurs sont des "archétypes formels" des Éléments. La hiérarchie est
celle des anges de la connaissance et des anges de la pratique, typifiant en
l'homme la relation de l'intellect et de l'âme, « de la puissance et de
l'acte, de la semence et du fruit, du mouvement et du but, du voyageur et
de sa patrie » (Sharh Osûl al-Kâfî, t. 1, p. 335). Aux quatre Eléments
correspondent quatre couleurs (rouge, vert, jaune et blanc), ombres de
principes lumineux, correspondant aux tempéraments du corps, au sang, à
la bile noire, au soufre, au phlegme. 3° Les "cœurs des croyants" sont les
théognostiques (al-'urafâ' bi'llâh) en qui est projetée la lumière
intelligible. 4° Les ignorants sont les ennemis de Dieu, en ce qu'ils sont les
ennemis des Amis de Dieu (les Imâms), et leurs âmes ont un devenir
bestial. C'est un rappel de la guerre qui oppose Amis et ennemis, science
et ignorance, destin angélique et destin animal, selon une dualitude
essentielle au shî'isme. 5° Commentant l'allusion faite, dans le hadîth, au désir
de l'ensemble des créatures, Mollâ Sadrâ procède à un remarquable
exposé de sa doctrine du mouvement substantiel, qu'il renforce de deux
citations d'Avicenne. 6° Exposé de la théorie du mouvement, bon
exemple de "physique spirituelle", dont le principe, emprunté à
Sohravardî, est le suivant : tous les mouvements naturels ou contraints,
volontaires ou non, ont leur cause en une Lumière. C'est pourquoi tout
mouvement est foncièrement expression du désir d'une Lumière
inférieure pour une Lumière supérieure, « comme l'Aimé meut l'amant ».
7° Dieu est en tout lieu et il n'est pas en un lieu. 8° L'Imâm énonce que le
korsî enveloppe les cieux et la terre. Cela désigne la science divine de
l'ensemble des existants. Sadrâ explicite cette interprétation en une série
de correspondances. 9° Exégèse de « II est l'Élevé, l'Immense » {wa
huwa'l-'alîyu'V'azîm, Coran, 2: 255). Le temps, s'étendant depuis la
prééternité jusqu'à la postéternité, l'espace cosmique sans terme, dont
l'origine est dans la "nuée" {al- 'amâ '), telles sont les deux formes
objectives de la création. Le Réel divin ordonne ("lie") le cours du temps par
le Trône, et il structure l'espace par le korsî. Le Trône n'a donc pas de
lieu, tandis que le korsî « s'étend aux cieux et à la terre » (2: 255).
L'élévation et l'immensité du Réel sont ainsi des attributs de relation, qui
symbolisent l'existence libre et plus que parfaite de Dieu, au regard de la
précarité ontologique de son serviteur. Mollâ Sadrâ distingue l'élévation
sensible de l'élévation spirituelle, qui caractérise la station existentielle
Christian Jambet 289

correspondant au sens du verset 47: 35, et à la communauté qui a reçu la


Miséricorde. L'élévation du Réel se réfléchit en celle de l'homme parfait.
Le Réel est élevé par essence, l'homme parfait par l'élévation du Réel, et
son élévation se traduit en Yéthos angélique par excellence où s'accomplit
son devenir : le service divin (al-'ubûdîyd). 10° Dieu est l'existentiateur de
toute chose : comment la charge du Trône le porterait-il ?
Le commentaire coranique de Mollâ Sadrâ, portant sur le verset du
Trône, a été confronté à ces exégèses des traditions des Imâms. Nous
avons expliqué le chapitre très dense (t. 4, p. 277-300) consacré à l'esprit
humain tel qu'il se manifeste chez les "compagnons du Feu" et à la
question du châtiment et de l'enfer. Il s'avère que la doctrine pleinement
établie du monde imaginai, comme forme d'outremonde dont l'âme
humaine est la matière, a une fonction morale, et qu'elle récapitule le vieil
enseignement des religions de l'ancien Iran, combiné à la sagesse
néoplatonicienne et à une intense valorisation des pratiques du bien agir. La
résurrection corporelle, selon des formes animales, bestiales ou sataniques,
se situe dans la "deuxième naissance", et non en ce monde-ci, elle vérifie
les versets nombreux du Coran qui prédisent à l'impie un corps de
souffrance illustré par un bestiaire imagé. Sadrâ cite et commente avec faveur
celui qu'il considère comme son prédécesseur en cette interprétation
morale du monde imaginai, le grand théologien sunnite al-Ghazâlî, dont il
cite une longue et belle page (Ihyâ ' 'ûlum al-dîn, t. 3, p. 9 ss.).
Le commentaire de Coran 2: 256 (là ikrâhafî'l-dîn, « pas de contrainte
en religion ») est exemplaire : Mollâ Sadrâ y soutient que Dieu projette
"sans contrainte", par sa seule spontanéité, l'effusion des connaissances
nécessaires dans le cœur du fidèle. C'est pourquoi « la religion est chose
intérieure », il n'y a ni autorité, ni domination ni maîtrise de personne sur
l'intériorité de l'homme et sur son cœur. La doctrine de l'épiphanie fonde
la liberté intérieure de l'homme, qui est identique à sa réceptivité de
l'influx créateur et vivificateur de Dieu. Cela permet de renvoyer dos à
dos ceux qui professent le libre arbitre comme ceux qui veulent asservir
les hommes à l'exercice de la lettre et de la religion littérale dans le
domaine essentiel de la vie intérieure et de la quête ésotérique des secrets
de l'exégèse. Le salut est affaire de morale et de vie spirituelle, tandis que
les commandements exotériques sont valables et doivent être respectés
dans la vie extérieure. Tel est l'esprit de ce commentaire où se profile,
avec audace, une doctrine de la liberté, entendue comme effet en l'homme
de la spontanéité divine (au sens néoplatonicien du terme), en un strict
partage de l'intérieur et de l'extérieur. Cette vision des choses s'oppose
clairement aux prétentions des légistes, et reflète le débat historique qui
opposa les 'urafâ aux théologiens "rationalistes" et aux juristes.
Ce conflit est sous-jacent à l'ensemble de l'exégèse sadrienne. Mollâ
Sadrâ oppose volontiers ceux qu'il nomme les "awlîyâ", les Amis de Dieu,
aux corporalistes, littéralistes étroits. Il rassemble une vaste alliance, qui
va des disciples des Imâms (« nos compagnons imamites ») jusqu'aux
grands théologiens sunnites (al-Ghazâlî, al-Râzî), en passant par les
maîtres de la philosophie illuminative, les disciples d'Ibn 'Arabî, tels que
Sadroddîn Qûnawî, les théologiens classiques du shî'isme, et même
290 Exégèse et théologie de l'Islam chiite

Avicenne, qu'il cite le plus souvent en accord avec lui-même. Tel est le
front qu'il oppose aux tenants du littéralisme et du juridisme.

Élèves, étudiants et auditeurs assidus : Mmes, Mlles et MM. S. Ayada,


C. Cadu, J. Copin, H. Devos, F. Djabi, M. El Karoui, A. Favard,
J. Georges, A. Gleize, I. Ibrahim, A. Imekhlef, F. Jakob, R. Katayoun,
H. Karmali, L. Khalifa, M. Laporte, B. Marie, G. L. Medzadourian,
S. Orsini, R. Pakzad, R. Pinasa, T. Trolliet.

Publications du chargé de conférences :

• Recensions dans Abstracta Iranica.


• « L'accomplissement de la métaphysique dans la poésie de l'Iran »,
Dédale, n° 11 & 12, Maisonnneuve & Larose, automne-hiver 2000,
p. 625-637.
• « L'Islam, une autre histoire », Le Trait, Revue de littérature, n° 7
(automne-hiver 2000), p. 51-62.
• « Idéal du politique et politique idéale selon Nasîr al-Dîn Tûsî »,
Nasîr al-Dîn Tûsî, philosophe et savant du xme siècle, Études réunies et
présentées par N. Pourjavady et Z. Vesel, Bibliothèque Iranienne 54,
Presses universitaires d'Iran et Institut Français de recherches en Iran,
Téhéran 2000, p. 31-58.

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