Champ de force

Champ de force

Recueil de récits
de science-fiction

Communication et vulgarisation scientifique

Hiver 2018
Avant-propos

La découverte d’une voix
« Madame, pensez-vous que nous
avons une voix? Même dans une
dissertation? »
L’étudiante qui, un jour, m’a posé
cette question connaissait de toute
évidence la réponse. Elle savait
que j’allais m’exclamer d’un ton
enjoué  : «  Bien sûr! » Elle me
demandait de confirmer ce qu’elle
avait senti lors de la session que
nous avions passée ensemble. En
effet, je pense que les étudiants se
construisent une voix d’une
rédaction à l’autre. Et même dans
une dissertation, pourtant réglée
au quart de tour par une série de
contraintes! Un œil attentif peut
voir se dessiner entre les lignes de
toutes les rédactions  un style, une
personnalité et parfois même une
vision du monde. Le plaisir du
professeur de littérature est
précisément d’avoir ce contact
avec sa classe par le biais de l’écrit.
Cet espace rend encore plus
profonde la relation que nous
bâtissons en personne.
En préparant le cours
Communication et vulgarisation
scientifique, offert aux finissants
de Sciences de la nature du
Collégial, j’ai eu l’idée de leur
demander d’écrire des récits de
science-fiction sans savoir si le
projet allait leur plaire. Comme
professeure, je suis habituée d’être
la personne la plus ouvertement
enthousiaste au sujet des activités
que je propose. J’aime
expérimenter, essayer de nouvelles
formes d’évaluation. À chaque fois,
j’ai hâte de voir le résultat. Parfois,
ça ne fonctionne pas aussi bien que
je le souhaitais. Il arrive aussi des
moments magiques où tout va
complètement au-delà de mes
attentes. Ce fut le cas de cette
évaluation! L’activité de création
littéraire a montré que les
étudiants avaient en effet leur voix
et qu’ils éprouvaient un réel plaisir
à l’explorer dans un contexte fort
différent de celui de la
dissertation. L’idée de faire un
recueil, suggérée par certains
étudiants, est arrivée d’elle-même.
C’était la suite logique du travail
réalisé en classe!
Au début de l’activité, j’ai annoncé
aux étudiants que nous allions
travailler sur les récits de science-
fiction en atelier, comme les
étudiants de création littéraire à
l’université le font. Ils ont écrit une
première version de leur récit, qui
a été lue et commentée lors d’une
table ronde par six collègues de
classe choisis au hasard. À la suite
de celle-ci, ils ont retravaillé leur
texte, grâce aux commentaires des
autres, avant de me le remettre.
Lors des ateliers, j’ai observé avec
grand bonheur des étudiants fiers
de leurs textes et très heureux que
plusieurs personnes se
rassemblent pour les commenter.
Les étudiants avaient lu les textes
des autres avec curiosité et
générosité. C’était très émouvant
de regarder ces jeunes adultes
prendre leur place dans les ateliers
et offrir des conseils à leurs
collègues.
Les contraintes de l’exercice
étaient assez réduites. Leur
histoire devait être construite à
partir d’un fait scientifique réel de
leur choix. Ils pouvaient ensuite
s’en détacher pour tomber dans le
domaine de l’imaginaire. Comme
professeure, je vivais une joie
infinie d’avoir trouvé une
évaluation où les étudiants
pouvaient partager leur savoir.
Dans les tables rondes, nous
pouvions donc collaborer en
apportant nos connaissances
respectives, eux au sujet de la
science, moi, à propos de la
littérature. Je leur demandais
aussi de partir d’au moins un des
procédés narratifs propres à la
science-fiction recensés par Roger
Bozzetto  : «  l’extrapolation », où
l’on s’inspire d’une situation réelle
et on imagine les conséquences à
long terme de celle-ci; « l’effet
papillon », où l’on travaille à partir
d’une hypothèse de type « Et
si…  »; «  l’anamorphose », où le
lecteur est plongé dans une
atmosphère d’entrée de jeu
hétérogène; « l’analogie », où l’on
crée un monde parallèle au nôtre;
« l’effet vocabulaire », où l’on
produit un effet d’étrangeté grâce à
des mots inusités ou inventés. À
partir de là, tout était possible!
En vue de la publication, j’ai
regroupé les récits en sept sections
afin d’illustrer les grandes
tendances de notre corpus :
« L’inquiétante technologie » traite
des dangers des avancées
scientifiques; «  L’univers est à
nous » porte sur la conquête de
l’espace; « Des yeux brillants
avides de découvertes » évoque le
plaisir de la recherche;
«  Avançons-nous toujours pour le
mieux? » exprime des inquiétudes
sur la suite de notre monde;
«  Trouble dans l’être au monde »
explore l’existence de manière
philosophique; « Les humains?
Inutiles. On s’en passe bien » parle
de robots, d’intelligence artificielle
et de clonage et « Toute bonne
chose a une fin » se situe dans des
univers apocalyptiques ou post-
apocalyptiques.
Déroutés par la liberté de
l'exercice, déroutés aussi par les
ambiguïtés permises par la
littérature, ils ont pourtant su
trouver leur propre manière de
concevoir un récit de science-
fiction. L’atelier de création
littéraire a sans doute eu un rôle
rassurant dans leur parcours
créatif, puisqu’ils allaient recevoir
des premiers commentaires afin de
les aider à retravailler leur récit.
Habitués d’écrire des dissertations
et des rapports de laboratoire, ils
m’ont semblé avoir envie de cette
liberté, même si elle pouvait être
aussi angoissante dans un premier
temps. Découvrir dans leurs yeux
cette soif de liberté m’a fait
extrêmement plaisir.
Mes étudiants ne le savaient pas –
ils l’apprendront à la lecture de ce
texte! –, mais ils réalisaient aussi
un rêve que je caresse depuis
longtemps. En tant qu’étudiante,
j’étais une première de classe qui
s’est ennuyée beaucoup sur les
bancs de cette école que j’adorais
pourtant. Je me tournais les
pouces pour de multiples raisons :
je terminais trop vite, on
m’enseignait des choses que j’avais
déjà vues les années précédentes
ou c’était tout simplement trop
facile et on ne m’offrait pas la
possibilité d’aller plus loin.
Devenue enseignante, je me
demande souvent comment
pousser les étudiants doués afin
d’éviter qu’ils aient, comme moi, le
sentiment de piétiner. En les
observant en atelier de création,
j’ai vu des étudiants déjà
talentueux découvrir en eux de
nouvelles avenues. Dans les
ateliers de création littéraire,
quelques étudiants ont même
exprimé l’envie de poursuivre leur
texte pour le transformer en un
projet littéraire de plus longue
haleine. Si certains d’entre eux
deviennent un jour des auteurs,
j’en serai fort heureuse, mais le but
de l’exercice n’était pas là et, à mon
avis, notre objectif était déjà
atteint. Découvrir en soi une
capacité inédite, il n’y a rien de
plus merveilleux! Peu importe
qu’on veuille écrire de la littérature
dans l’avenir ou non. J’espère que
la force, la fierté, la curiosité, la
générosité et la soif de liberté qu’ils
portaient en eux lors de l’atelier de
création littéraire les guideront
dans leur vie d’adulte qui débute à
peine.
Je tiens à remercier les directrices
du Collégial, Rachel Gendron et
Élaine Simard, pour l’appui
chaleureux et enthousiaste à ce
projet. Un grand merci à Émilie
Choquet pour le minutieux et
rigoureux travail de révision
linguistique. La couverture du
recueil est une oeuvre de
l’illustrateur français Albert
Robida intitulée La sortie à l’opéra
à l’an 2000 qui date de 1902. Et,
bien sûr, toute ma reconnaissance
va à mes étudiants qui donne à
mon travail son sens.
Amélie Paquet
Professeure de français et
littérature

 Partie un :
L’inquiétante
technologie 

Tous les mêmes
Marianne Boulet
Transportée par l’état d’Américains chaque jour depuis
hypnagogique suivant mon long l’attaque cruelle de Kim Jong-un.
sommeil, je rêve toujours à la
détonation bruyante m’ayant Soudainement, ma jambe bionique
privée d’ouïe au moment même où me fait sauter hors de mon lit et
j’observais de façon impuissante me transporte jusqu’à la salle
l’entièreté du monde comme je commune. Encore somnolente, j’y
l’avais toujours connu s’écrouler rejoins l’ensemble des amputés
tout autour de moi. Je suis, malgré qui, comme moi, ne comprennent
moi, promptement éveillée par un guère pourquoi ils s’y retrouvent.
morceau de métal glacial Troublés, nous ressentons tous
effleurant ma jambe nue sous ma une impuissance envers nos
jaquette d’hôpital. Malgré mes membres bioniques qui semblent
nombreux efforts de réhabilitation subitement être habités par un
sur les plans physique et esprit qui leur est propre. Tout à
psychologique, je n’arrive guère à coup, la voix du président est
contrôler ma hantise omniprésente diffusée à travers tout l’hôpital
provenant de mes nombreux grâce aux interphones :
souvenirs encore vifs du
bombardement des États-Unis par
la Corée du Nord. Ce carnage,
ayant tué et blessé des millions
d’innocents, m’a coûté une jambe
que les médecins ont remplacée
par une prothèse bionique. Celle-ci
détecte les activités nerveuses et
musculaires émises par mon
cerveau à l’aide de capteurs
électroniques et les utilise pour
guider mes mouvements. Même si
mon nouveau membre est l’une
des avancées technologiques les
plus avant-gardistes, celui-ci ne
fait que me remémorer ce terrible
évènement qui a bouleversé le
cours de ma vie. Malgré tout,
j’essaie d’apprivoiser cette « Ici le président des États-Unis,
nouvelle partie de moi-même Donald Trump, qui vous avise que
comme le font plus d’un million vous êtes les heureux élus. Dès

13
aujourd’hui, votre corps devient la
propriété de l’État et l’entièreté de
vos déplacements et de vos actions
sera contrôlée par le
gouvernement américain grâce à
vos nouvelles prothèses bioniques.
Merci de votre service and God
bless America!»
Dès lors, nos corps possédés se
placent en rangs et nous
commençons une marche
ordonnée tels des soldats de
plomb. Les visages de certains
dépeignent une image de
confusion et d’autres de peur. Je
tente désespérément d’arrêter le
mouvement de ma jambe, mais
celle-ci ne cesse d’avancer. Mon
corps tout entier tremble de
terreur devant son impuissance
alors que ma prothèse se raidit en
m’imposant sa nouvelle volonté
despotique. Tous priaient les
médecins et les infirmières de nous
sauver de ce cauchemar devenu
réalité, mais ceux-ci ne nous ont
fait qu’un salut militaire en nous
regardant disparaître à l’horizon.
Cette marche interminable et
épuisante nous mène à la Maison-
Blanche où se trouvent déjà des
milliers de patients amputés
recrutés à travers l’ensemble du
pays. Tous sont tournés vers une
estrade où apparaît, quelques
secondes plus tard, le président
des États-Unis en chair et en os. La
foule déchaînée lui hurle des
insultes, mais on nous ordonne
rapidement de nous taire sous
peine d’emprisonnement. Une
coulée de sueur froide glisse
lentement le long de ma colonne
vertébrale, m’alertant que le pire
est encore à venir. Trump place
rapidement son toupet, se racle la
gorge et annonce fièrement :
« Mes chers sujets, comme vous le
savez probablement déjà, nous
sommes officiellement en guerre
contre la Corée du Nord. À partir
d’aujourd’hui, votre mandat est
d’envahir ce pays et de tuer son
dirigeant. Plusieurs d’entre vous y
perdront la vie, mais ceci est un
sacrifice que je suis prêt à faire afin
de prouver au monde entier que je
suis... ou plutôt que nous sommes
les meilleurs. Merci de votre
service and God bless America! »
Tels des robots, nous nous levons
tous à unisson et marchons dans
les vestiaires où notre armure de
guerre ainsi que nos fusils nous
attendent. Après avoir enfilé nos
uniformes, nos membres possédés
nous dirigent dans un avion où les
nouveaux soldats de l’armée
bionique américaine sont coincés
comme des sardines. Un sentiment
de colère, de désarroi et
d’incompréhension règne au cours
du voyage. Dès notre atterrissage,
nos prothèses nous précipitent
vers le palais de Kim Jong-un que
nous encerclons. Mécaniquement,
nous épaulons nos fusils et les
pointons vers sa résidence tels des
millions de doigts accusateurs.
Sachant que son équipage n’a
aucune chance devant une armée
formée de créatures mi-homme
mi-machine, Kim Jong-un se livre
immédiatement à nous. Le dernier
son qu’il entend est celui d’un fusil
qui annonce le début du long règne
persécuteur du dictateur Trump.
14
Notre mission ayant été complétée,
nous retournons tous dans l’avion
la tête basse et soulagés que cet
enfer ait pris fin. Soudainement, la
voix du président résonne encore
une fois dans mes tympans, me
donnant la chair de poule :
«  Bravo à tous. Nous avons gagné
notre première bataille, il est
maintenant temps de gagner la
guerre en dominant le monde
Playlist
Amélie Bibeau
Bip bip bip
J’ouvre difficilement les yeux et
aperçois du coin de l’œil mon
réveille-matin.
— Ah non! Fuck! Pas encore à
matin…
entier. Il est temps de prouver à
toute l’humanité que l’empire
Trump est indestructible et vous
en êtes la preuve première.
Continuez votre beau travail, chers
sujets, and God bless the Trump
empire! »
Dès lors, le cœur lourd et l’âme en
peine, je réalise avec amertume
que les hommes avides de pouvoir
sont tous les mêmes. 

Comme beaucoup trop d’autres
jours, ce matin j’ai encore trop
snoozé et je vais… encore… me
retrouver en retard au travail. Un
coup d’œil rapide à mon téléphone
et je choisis la playlist de la
journée : « Des yeux bleus comme
le ciel », « Tender heart », « Sexy
body », « Blonde » et « Skinny as
Barbie ». Pour le reste, je laisse le
mode aléatoire décider pour moi.
Je démarre la playlist qui, j’espère
bien, sera la combinaison gagnante
pour affronter ma journée bien
remplie. Je saisis ma tasse de café,
mes clés et mon sac à main au
passage et cours à toute vitesse
pour tenter de rattraper l’autobus
qui décolle de l’arrêt. Sans succès…
Je sens déjà que la journée sera
longue et pénible...
Enfin terminé avec cette journée
épouvantable! Ce soir, cours de
tennis et Tinder date à l’horaire.
Deux playlists complètement
différentes, quoi! Avant tout, c’est
l’heure de la sieste. En m’étendant
dans mon lit, je jette un coup d’œil
15
rapide aux médias sociaux puis je
regarde mes options pour créer
mes playlists de la soirée. Je n’ai
plus beaucoup d’options vu tous
les points que j’ai perdus
aujourd’hui. Pas le choix, je vends
mes vieilles options démodées. Ce
soir, pour mon rendez-vous, je
dois être à mon meilleur
physiquement et, pour ça, je dois
vendre mon option «  Muscles
d’enfer  » et «  Bright as an
engineer  ». Je choisis donc dans
ma playlist de belles grandes
jambes bronzées, un ventre plat,
les fesses de Kim Kardashian et un
petit visage parfait. Mon Tinder
boy ne pourra simplement pas
résister au choix de ma playlist.
Je ne comprends toujours pas
comment ma grand-mère faisait
pour toujours vivre dans le même
corps chaque jour et ne pas
pouvoir choisir chaque matin ce à
quoi elle voulait et devait
ressembler physiquement pour
être à son meilleur pour la journée.
La playlist pour choisir mon
apparence le matin, c’est
assurément un must!
Tantôt je tente le tout pour le tout
pour séduire ma date. Je termine
donc ma playlist avec tout ce qu’il
me faut pour être la parfaite white
girl dont tous les gars tombent
amoureux. On se rencontre au
Starbucks dans deux heures; je
suis terriblement stressée. Je
m’assure de sauvegarder ma
playlist et je m’endors pour ma
sieste.
Bip bip bip
C’est bientôt l’heure du rendez-
vous! Je clique sur « Démarrer » et
je me transforme aussitôt en
parfaite instafamous. Un dernier
coup d’œil dans le miroir et c’est
parti.
J’arrive quelques minutes en
retard puisque apparemment ça
parait bien d’être fashionably late.
Je vais rejoindre ma date et nous
allons nous commander un café
pour ensuite revenir nous assoir à
la table. Je remarque qu’une fille à
l’autre bout du café est identique à
moi. Classique… Le kit white girl
pour le Starbuck’s est juste trop
populaire.
— Fuck, laissai-je échapper lorsque
je vis une autre fille entrer,
identique à moi, elle aussi. Mon
cell se mit immédiatement à vibrer
et à sonner l’alerte. C’est game
over cette fois… Avec le nombre de
points que j’ai, c’est sûr que c’est
moi qui suis éliminée du jeu de la
vie… Pour éviter le chaos d’un
monde où tout le monde serait
clone, l’une des règles de la
playlist est de ne jamais se
retrouver avec deux autres
personnes identiques sous peine
de voir la personne ayant le moins
de points se faire exclure du jeu de
la vie.
Cette fois, c’est mon tour. J’ai à
peine le temps de dire au revoir à
mon rencard que je décède. 

16
Frigone
Maxime Mousseau
Il y a cent ans, beaucoup
d’étudiants se servaient de
stimulants, comme le Concerta, le
Vyvance, le Ritalin, etc. Ces
médicaments ont initialement été
inventés pour combattre le trouble
du déficit d’attention, mais plus la
compétition pour la performance
devenait féroce dans les cégeps et
dans les universités, plus les
stimulants se vendaient sur le
marché noir. Peu à peu, l’industrie
pharmaceutique a commencé à
s’intéresser au développement de
ces stimulants. En moins d’un
demi-siècle, de nouvelles formes
de stimulants sont apparues.
Celles-ci ne font pas que rétablir le
niveau d’attention des
médicamentés, mais elles
décuplent les habilités du cerveau,
rendant l’étude et l’apprentissage
bien plus faciles.
Maintenant, les stimulants sont en
vente libre, donc tout le monde
peut s’en procurer. Le Frigone, lui,
qui n’a fait que ses preuves dans le
domaine militaire depuis bientôt
un an, commence à faire languir
toute la population. On ne vend
pas encore de Frigone en
pharmacie, car il est le plus
puissant des stimulants fabriqués
à ce jour et, même si celui-ci est
populaire dans l’armée, il cause
aussi beaucoup de dommages.
Certains militaires ne tolèrent pas
que leur cerveau soit aussi stimulé
et finissent par mourir
d’épuisement. On peut reconnaître
les victimes du Frigone à leurs
vaisseaux sanguins oculaires
éclatés, qui rendent leurs yeux
rouge écarlate.

Aujourd’hui, le stimulant le plus

attendu par la population se
nomme le Frigone. Celui-ci a été
conçu pour l’armée canadienne
afin que les soldats soient aptes à
avoir une vision nocturne, une
vision rayon X, une mémoire
photographique et une force
physique incroyable, leur donnant
ainsi un avantage au combat. Le
cerveau est donc capable d’utiliser
non pas 10% de ses capacités à la
fois, mais bien 50%. Les soldats
n’ont qu’à prendre du Frigone
quotidiennement et ces nouvelles
habiletés prisées seront les leurs.

17
Comme pour tout autre produit
attrayant, il s’est créé un marché
noir dans la population pour avoir
accès au Frigone. Les étudiants
universitaires et préuniversitaires
sont les plus importants clients de
ce nouveau marché.
Malheureusement, ceux-ci ne sont
pas aussi informés que les
militaires au sujet de l’épuisement
qui peut accompagner la prise du
nouveau stimulant.
En fait, dans la dernière semaine,
on a retrouvé neuf étudiants
morts, les yeux pleins de sang. Vu
que le Frigone est naissant et que
la population ne connait pas
encore les effets secondaires de
celui-ci, les étudiants en ont pris
sans se poser de questions dans le
but d’obtenir des résultats
scolaires phénoménaux. Les
étudiants feraient n’importe quoi
pour leurs notes, ils sont vraiment
compétitifs et stressés par leur
avenir.
En un mois, les étudiants sont
tombés comme des mouches;
soixante-dix jeunes adultes ont été
retrouvés sans vie, les yeux rouges.
Le gouvernement a tout fait pour
essayer de régler le problème,
même si le stimulant n’est pas
encore légal pour la population.
On pouvait soit stopper la
production de la pilule magique,
mais cela engendrerait une perte
importante dans les forces
militaires du pays, soit créer un
programme, une activité ou un
entraînement qui saurait préparer
le cerveau à tant d’activité, évitant
ainsi son épuisement.
La seule façon de pouvoir stimuler
le cerveau presque autant que le
Frigone le fait est de simuler des
situations de danger. Affronter sa
plus grande peur prépare le corps
entier à réagir, donc le cerveau doit
travailler très fort pour tout
coordonner. Vu que c’est un
réflexe naturel, il n’est pas
dommageable pour la santé.
Le gouvernement a donc aussi dû
créer des centres de peur, des
maisons hantées, où chacun
affrontait sa propre peur. Des
publicités ont été faites pour
contrer la prise de Frigone sans
passer par cet entraînement dans
les centres de peur. Sans être
totalement parfait, le nouveau
système semblait fonctionner.
Nous sommes tous au courant que
la solution première à ce problème
aurait été de ne pas avoir autorisé
la vente libre de stimulants et forcé
l’industrie pharmaceutique à faire
plus de recherches. Le Frigone et
les autres stimulants peuvent aider
notre population et la qualité de
vie de certains. Mais sans
précautions, on ne fait que causer
du tort! En tant que société, nous
devons changer notre perception
de l’école, afin de ne pas l’associer
à la performance, mais bien à
l’apprentissage. 

18
Homo Animalis
Shaonie Ton-Leclerc
Ses pleurs écorchaient l’air, son
désespoir perlant le long de ses
joues dorées : son père attachait sa
meilleure amie par les pieds dans
une cage à peine plus grande
qu’elle. Leo sentit ses entrailles se
nouer en la regardant suffoquer,
sans espace pour même ouvrir ses
ailes.
En effet, la transformation
d’Aquila était terminée. Elle était
devenue un aigle à part entière, et
le père de Leo jugeait plus sage de
la garder enfermée dans le
laboratoire au cas où d’autres
métamorphoses de ce type se
manifesteraient. Son cœur se
fendit lorsqu’elle plongea son
regard dans celui d’Aquila. Elle
reconnaissait les yeux de son amie,
aussi inondés d’eau saline que les
siens, malgré son apparence
métamorphosée. Elle dirigea son
regard embrouillé vers la cage d’à
côté. Un cri déchira sa gorge à la
vue de son Pardus, lacéré et
affaissé au fond de sa cage.
Elle défia son père du regard, des
poignards dans les yeux. Il avait
emprisonné son copain et,
maintenant, sa meilleure amie.
Oserait-il la traiter
impitoyablement, elle aussi, tel un
animal sauvage et dangereux…
lorsqu’elle en deviendrait un?
+++
Tout commença un an auparavant.
Fille de deux généticiens, Leo
Skriver vécut sa vie dans un
laboratoire en banlieue de
Stockbridge, un petit village du
Massachusetts. Elle n’allait au
village que pour fréquenter l’école
et, même là, elle en apprenait
davantage en côtoyant les
différents scientifiques du
laboratoire que dans cette petite
école chrétienne et conservatrice.
Leo était un lion chez les
moutons  : elle avait besoin d’être
libérée de cette soumission et de
cette ignorance.
Elle saisit donc l’occasion dès que
celle-ci se pointa le bout du nez.
Brillante et astucieuse, Leo se vit
présenter une place de sujet dans
le projet pilote de transgénèse de
la directrice du laboratoire  : le
projet Homo Animalis. La
directrice, Docteure Morgan
Mendel, voulait introduire un gène
animal dans un génome de cellule
humaine. Celle-ci avait isolé
l’enzyme de restriction Amola  :
une protéine capable de décoller et
de recoller l’ADN pour pouvoir y
faire des modifications. Son but
était de créer des hybrides.
Mendel recruta une équipe de
jeunes afin de leur insérer un
segment d’ADN animal pour leur
procurer un phénotype hybride
humain-animal. L’expérience
fonctionna parfaitement sur
quatre d’entre eux, Leo incluse.
19
Elle se réveilla ainsi un matin, une
force nouvelle chatouillant ses
muscles. Leo se dirigea
immédiatement vers le miroir. Elle
n’était plus dans sa chambre. Elle
avait passé la nuit dans un grand
local vitré partagé avec trois autres
personnes. Celle-ci s’aperçut qu’ils
étaient observés – non – analysés
par une dizaine de généticiens en
sarraus blancs, dont ses parents,
Gerald Skriver et Lydia Skriver, et
Docteure Mendel.
En regardant à travers les murs
vitrés, elle aperçut soudainement
son reflet. La jeune fille, qui était
auparavant plutôt frêle et pâle,
était devenue légèrement musclée
et son teint était semblable à celui
d’un doux coucher de soleil. Elle
lissa ses cheveux, jadis foncés,
maintenant dorés. Son nez était
devenu plus petit et foncé et il était
décoré de petites moustaches.
Une réflexion plus imposante
apparut à côté de la sienne. Elle se
retourna immédiatement.
Le garçon qui s’y trouvait était
basané et avait de larges épaules.
Sa peau était parsemée de taches
noires et son nez était semblable
au sien. Elle rencontra Pardus, un
hybride léopard. Une chaleur
réconfortante dans sa poitrine lui
fit savoir instantanément qu’il
serait son futur copain.
Quelques instants plus tard, elle fit
la connaissance d’Aquila et de
Draco. Aquila était une jeune fille
d’origine mexicaine et son
hybridité entre humain et aigle lui
conférait un air de grâce et de
puissance. Draco, lui, était un
garçon à la peau écailleuse et à la
l a n g u e b i f i d e  : u n s e r p e n t
physiquement, un chaton
psychiquement.
Après avoir fait
connaissance, ils furent
tous amenés dans des
pièces séparées afin
d’être testés. Les tests se
poursuivirent pendant
plusieurs semaines, et
pas seulement en
laboratoire. Leo eut la
chance de voyager en
Afrique pour se fondre
dans la savane. Elle
réussit à se faire accepter
dans un clan de lions et
l’expérience ne fut pas
aussi stressante qu’elle se l’était
imaginée.
En effet, son ADN modifié lui
conférait des qualités félines
qu’elle ne s’imaginait même pas
pouvoir exister. Grâce à une
ramification de nucléotides L-I-O-
20
N-C-E-A-U sur sa double hélice,
elle avait la capacité de
comprendre les lions et de
communiquer avec eux, non
seulement en rugissant, mais aussi
grâce à son langage corporel.
Plus le temps passait, plus elle
découvrait de nouvelles
caractéristiques de lion dont
l’origine était camouflée dans son
génome. Il en était de même pour
ses compatriotes hybrides avec
leurs animaux respectifs. Un lien
d’amitié et de confiance naquit
donc rapidement entre eux.
Jusqu’au jour R-A  : Rébellion de
l’Amola.
Tout d’un coup, leurs
caractéristiques animales prirent
le dessus et leur humanité
s’estompa. Leo comprit vite  une
fois le processus enclenché:
l’enzyme se retournait contre eux
et l’ADN animal envahissait leur
ADN humain.
C’est ainsi que ses amis furent
battus et violemment mis en cage
un à un. La scène se déroulant
sous ses yeux lui lacéra le cœur.
Incapable d’assister à cette
barbarie, elle courut avertir
Docteure Mendel pour que cette
dernière trouve une solution. Elle
aperçut Mendel dans son bureau.
En y pénétrant, elle ne vit pas la
docteure, mais elle sentit
soudainement une férocité
s’emparer d’elle. Son regard
devenait plus perçant; son ouïe,
plus fine; son appétit, grandissant.
Ses yeux se posèrent sur un
morceau de céleri sur la table. Elle
le dévora en une seule bouchée.
Son regard se dirigea
immédiatement sur les papiers où
se trouvait le céleri : les fiches des
sujets d’expérimentation. Elle y fit
une découverte tout aussi
ahurissante que démoralisante :
«  Morgan Mendel - Hybride
végétale (Homo sapiens /Apium
graveolens) »
Docteure Mendel s’était
transformée en céleri. Et Leo
venait de l’ingérer.
Brusquement, une force féline prit
le dessus sur elle. Des poils dorés
fleurirent sur ses membres et ses
dents s’acérèrent. Elle vit le reflet
de son visage s’aplatir et ses
cheveux rétrécir.
Férocité. Voracité.
Elle n’avait qu’un désir  : chasser.
Elle localisa rapidement la proie la
plus proche.
Proie. Attaque. Mort.
Elle dépeça rapidement sa victime
et s’enfuit à la recherche d’autres
proies, ne laissant derrière qu’un
sarrau blanc et une étiquette à
l’inscription « G. Skriver ».
21
Futur dissociatif
Cédric Barré
Acte 1
Depuis 8 heures ce matin, je suis
cloué à ma chaise à faire le même
boulot merdique. Je n’ai pas bougé
d’un poil pour remplir la paperasse
du directeur. Mon interface me fait
mal à la tête à force de regarder les
factures, les demandes d’assistance
et d’altération et les versements de
cryptomonnaie défiler à toute
allure. La lumière bleue et
l’atmosphère grise du bureau
éreintent les yeux à en brûler la
rétine. Le mal de tête persiste
jusqu’à ce que tu te décides à faire
comme le reste des travailleurs et
te droguer pour masquer la
douleur  : une bonne vieille Advil
fait l’affaire.
Dans ce bureau, il est plutôt
impressionnant de voir l’ensemble
des travailleurs hypnotisés par
l’interface, les yeux rivés sur
l’écran. C’est une sorte de réseau
où chaque cellule de bureau est un
écosystème digital d’employés
branchés à leur interface. Des
individus analysant et prenant des
décisions concernant de
l’information et des données qui
ne leur appartiennent pas : des 1 et
des 0 quoi. Nous sommes comme
un ordinateur géant qui gère les
demandes de consommateurs de
plusieurs compagnies supra
mondiales.
Durant la journée, il m’arrive
souvent de dériver de l’interface et
de regarder autour de moi. Lors de
ces moments, je réalise que je ne
connais personne ici. En fait,
lorsque vient le temps de prendre
la pause, tout le monde dîne et se
retire dans son imagination
augmentée pour naviguer sur son
FakeBook et son Slimstagram. Si
tu veux parler à une de tes jolies
collègues, il faut passer par
FakeBook. Du coup, je me fous de
tout le monde ici, pas moyen de
connecter. Cependant, je m’amuse
souvent à imaginer ce que ces gens
font en finissant leur journée. Oh,
lui il a une sale gueule aujourd’hui!
Il retournera sûrement dans son
studio s’éclater le champignon en
naviguant sur son imagination
augmentée. Il regrettera ensuite de
ne pas être allé trainer avec ses
22
amis et se saoulera jusqu’à ce qu’il
tombe dans un sommeil très peu
profond. Wow, elle a l’air en forme
en ce jeudi! Elle sortira avec ses
amies au club Le Bleu avant de se
retrouver dans le lit d’un étranger
et de se réveiller en état de
confusion et de regret absolu…
Après avoir fait le tour du bureau,
je me retrouve seul à ne pas savoir
quoi faire post laborem. Je me
demande souvent pourquoi je
devrais arrêter si ce n’est que pour
revenir et répéter le même bordel
chaque jour. Je pourrais
démissionner et il y aurait
probablement un androïde prêt à
me remplacer d’ici demain. Après
tout, je retournerai probablement
chez moi regarder mon
divertisseur avant d’aller
m’étendre sur mon lit et d’essayer
de m’endormir avant que je puisse
méditer sur la futilité de mon
existence. J’y pense souvent, à
cela. C’est ce qui me garde éveillé
la nuit. À quoi bon s’efforcer
d’endurer ce quotidien merdique
seulement pour pouvoir me
nourrir et en avoir de côté pour
mon vieux corps à la retraite?
Contrairement aux autres, je n’ai
pas si peur de mourir seul. J’ai
peur de ne plus ressentir. N’est-ce
pas pourquoi nous nous
endormons en pleurant la nuit?
Pour nous rappeler que nous avons
des émotions?
Acte 2
Je ne suis jamais retourné chez
moi après le travail. Je suis passé
devant l’édifice à logement
imposant où j’habite sans même y
poser mon regard. J’ai continué à
sillonner la ville entre les
mastodontes de béton carbonisé et
de vitres s’élevant à des hauteurs
de plus de 800 mètres. En
regardant vers le ciel, ces géants
paraissaient se replier sur eux-
mêmes comme s’ils allaient me
tomber sur la tête. En effet, il était
presque impossible de voir le soleil
pendant la journée tellement cette
forêt de béton était dense. C’est
sans compter les vagues de débris
et de résidus provenant des
industries du Nord qui frappent la
cité de temps en temps. Cela dit,
tout en prenant gare d’éviter les
ballons commerciaux et les
balayeurs qui cherchent toujours à
nettoyer votre pare-brise sans
permission, j’ai survolé la ville
pendant quelques heures avant
d’apercevoir un bar non loin.
Alors me voici assis dans un bar
miteux du quatrième secteur à
boire un Lenotonic et à regarder
une bataille de machines sur une
interface vieille de six générations.
En regardant autour de moi, je
vois dans le fond de l’endroit un
groupe de jeunes assis sur une
banquette. Ils ont l’air totalement
camés. Ils ont le regard vide avec
les pupilles complètement dilatées
et un peu d’écume sur la lèvre. Ce
sont des androïdes vagabonds,
probablement évadés des usines
du Nord. Ils ont bouffé de la
myxostatic. C’est un produit
chimique qui fait buzzer leur
logiciel. Le logiciel entre dans un
stade d’incertitude où le réseau
neuronal électronique
mésinterprète les signaux du
contrôleur et déséquilibre la
23
conscience qui émane du réseau.
Cela place les androïdes entre la
conscience et l’absence, la vie et la
mort. J’ai du mal à comprendre
pourquoi quelqu’un ferait cela.
Peut-être cet équilibre précaire
fait sentir plus en vie?
Au même instant, j’entends une
voix qui s’adresse à moi. Je me
retourne pour faire face à la
personne et je vois une femme
d’environ deux ans plus vieille que
moi.
«  Tu ne viens pas du coin toi,
right?  », dit-elle en riant, ayant
clairement remarqué la manière
dont je regardais les androïdes.
« Non. », lui répondis-je.
«  So, what’s your deal? Qu’est-ce
que tu fais seul dans un bar du
quatrième secteur?  », m’a-t-elle
demandé.
« Je suis un peu perdu… et fatigué
d’être perdu, tu vois », lui dis-je.
«  Ouais, je comprends. Je suis
comme toi. Le système ne semble
pas pouvoir nous offrir ce que l’on
Le loup-garou de Riverside
Laura Fouquette
La ville de Riverside est un endroit
paisible avec très peu d’habitants.
Tout le monde se connaît et est
relié d’une façon ou d’une autre.
Marine sort avec Nathan, le fils du
maire. Ils sont tous deux à l’école
secondaire Trois-feuilles, la seule
veut. Il nous semble étranger. Tu
sais ce que nous devrions faire?
Partir. Je connais un endroit
éloigné de la ville où d’autres
comme toi et moi vivent en
communauté », me dit-elle.
C’est à ce moment que j’ai réalisé
qu’elle était artificielle.
«  Je crois que vous vous trompez,
je ne suis pas un androïde  », lui
dis-je.
« En es-tu vraiment sûr? »
Acte 3
En sortant du bar, j’ai décidé de
me rendre à la frontière de la ville.
J’embarquai dans mon engin et
filai à toute allure avant d’émerger
quelques minutes plus tard d’entre
les immenses édifices de la cité.
J’aperçus alors le soleil se lever à
l’horizon. Je n’avais pas vu le soleil
depuis plus d’un mois déjà. Cela
semblait faire une éternité que je
n’avais vu quelque chose d’aussi
magnifique. À cet instant, j’eus le
sentiment qu’il y avait de l’espoir
et je me sentis heureux.

du coin. Leur cercle d’amis se
limite à Jason, à Katherine et à
Charles. Les cinq se connaissent
depuis toujours; ils sont
inséparables depuis l’âge de sept
ans. Riverside étant une petite
communauté, les incidents et les
24
crimes se font rares. Le travail des
pompiers se limite à porter secours
aux chats pris dans les arbres. Les
policiers, eux, s’occupent de
donner les amendes et d’engloutir
les derniers beignes au dépanneur
du coin. Cependant, depuis
quelques semaines, deux meurtres
ont eu lieu à Riverside. Du jamais
vu dans cette ville! Deux jeunes
adolescents âgés de dix-sept ans
ont été retrouvés dans la forêt,
avec ce qu’on pense être des traces
de griffes profondes partout sur
leur corps. Le maire a demandé un
regroupement des parents de la
ville dans l’église. Il a exigé un
couvre-feu à dix heures le soir
pour tous les enfants, puisqu’ils ne
sont pas en sécurité la nuit. La
forêt a été bannie, et le shérif a
insisté sur le fait que les curieux
seraient arrêtés sur-le-champ s’ils
allaient s’aventurer dans cette
forêt. Le shérif fait la patrouille et
essaie de retrouver cet étrange
animal qui a mutilé ces pauvres
enfants.
Cependant, pour Marine, Nathan
et les autres, ce n’est pas un
couvre-feu ou une interdiction qui
les arrêtera. Il n’y a jamais eu
d’action dans leur ville natale; la
curiosité l’a donc emporté. Un
samedi soir, ils se donnent tous
rendez-vous à l’entrée de la forêt.
Ils attendent que le shérif passe
une fois et parte faire les rues de la
ville ensuite. Les cinq amis entrent
dans la forêt. Néanmoins, ils
remarquent quelque chose
d’inhabituel. Ils connaissent tous
les recoins de la forêt puisqu’ils ont
passé leur enfance à s’y aventurer.
Ils remarquent l’abondance
anormale d’une fleur inconnue et
étendue un peu partout. Marine ne
perd pas de temps, elle prend une
des fleurs sur son chemin et la
rapporte chez elle. Le lendemain,
elle organise une réunion à la
bibliothèque avec les autres. Ils
cherchent tous les livres de fleurs
qu’ils peuvent trouver et ils
s’installent à une table ronde
ensemble pour essayer de trouver
quel type de fleur cela pourrait
être. Finalement, après une heure,
Jason montre aux autres sa
découverte: l’Ephedra foemina,
surnommée la fleur loup-garou.
Après de plus amples recherches,
ils trouvent pourquoi cette fleur est
unique. Elle n’utilise que les cycles
lunaires pour se développer, d’où
le nom «  loup-garou  ». Elle est la
seule espèce à se comporter ainsi.
La nuit, elle sécrète de minuscules
gouttelettes de liquide sucré pour
attirer les insectes pollinisateurs.
Lorsqu’un papillon de nuit ou une
mouche se pose sur elle, le liquide
préalablement sécrété vient
absorber le pollen transporté.
Marine, troublée par ses
découvertes, cherche un lien entre
cette fleur et les meurtres. Elle
trouve sur Internet un formulaire
pour faire partie d’une étude sur
un nouveau médicament à base
d’Ephedra foemina. Selon les
consignes, ce médicament est
l’équivalent de la mélatonine. Il
règle le cycle jour-nuit pour
soigner ceux qui souffrent
d’insomnie. Marine a un mauvais
pressentiment et elle sent qu’elle
doit aller au bout de cette affaire.
Cependant, elle sait aussi que les
25
autres ne la comprendraient pas essayait d’en sortir. Elle s’approche
ayant tous lâché l’enquête. Elle de la porte…
prend donc en note l’adresse du
lieu où est faite l’étude et décide de La ville de Riverside était un
s’y rendre sans en parler aux endroit paisible avec très peu
autres. d’habitants. Du moins, jusqu’à ce
qu’il n’y ait plus personne après la
Le centre des recherches se trouve création et la fuite du loup-garou.

dans la ville voisine. Marine passe
devant la forêt puisque celle-ci
délimite la frontière entre les deux
villes. Rendue au centre, elle
rencontre le médecin responsable
de l’étude. Pour aller au bout de
toute cette histoire, elle dit être
intéressée à participer à l’étude sur
la fleur loup-garou. Cependant, le
médecin parait anxieux et
marmonne que l’étude a été
annulée par manque de budget.
Marine, confuse, décide d’arrêter
son enquête et de retourner chez
elle. Toutefois, lorsqu’elle passe
devant une porte fermée à
plusieurs serrures, elle entend des
bruits de griffes sur les murs et des
grognements très étranges, comme
si quelqu’un ou quelque chose

La prise en charge des sentiments d’amour et de haine par

la drogue
Maria Guirguis
C'est un vendredi soir, le 25 août
2096. Il fait beau, le ciel est plein
d’étoiles. C’est un vendredi comme
tous les autres. Max est un jeune
homme de petite taille, plutôt
enveloppé, au regard doux et
joyeux, reconnu pour sa capacité
intellectuelle impressionnante et
sa personnalité charmante, et
aimable. Sa spécialité est la
découverte de médicaments qui
mènent à la guérison des diverses
maladies qui existent dans le
monde. Il est un des
biotechniciens les plus connus en
Australie, où tout le monde lui fait
confiance. Il passe la plupart de
son temps dans le laboratoire, une
chambre blanche pleine de
béchers, d'erlenmeyers et de
produits chimiques. C'est sa zone
de confort; il peut y être isolé du
monde. Pour lui, c'est une
chambre magique remplie

26
d'ambition et de potentiel menant
au succès, à la guérison et au
prolongement de la vie de diverses
personnes.
Max a toutes les caractéristiques
qu'un être aimerait avoir: il est
intelligent, passionné par son
métier, a beaucoup de succès et est
connu pour ses nombreuses
découvertes à succès.
Malheureusement, malgré tout
cela, il n'est pas complètement
satisfait. Il trouve que quelque
chose manque à sa vie. Après une
longue réflexion, Max déduit que
le sentiment qu'il ressent est la
solitude. Il n'a pas d'amis, pas
d'amoureuse, ne parle plus à sa
famille puisqu'il passe la majorité
de son temps isolé dans son
laboratoire. Sa passion pour son
métier l’a mis en état de solitude
profonde. Il a honte et est trop
gêné pour contacter sa famille et
ses amis qui l’ont rejeté et ignoré à
plusieurs reprises. Ce vendredi
soir, Max décide de mettre fin à
son sentiment d’isolement. Quoi
faire? Comment peut-il résoudre
ce problème et se débarrasser de
cet état de solitude rapidement et
sans se faire rejeter?
En pensant à cela, Max arrive à
l’hypothèse suivante  : s'il est
capable de découvrir des
médicaments pour guérir les
différentes maladies, il serait sans
doute capable de découvrir un
médicament qui peut augmenter
ou diminuer les sentiments
d'amour qu'un être humain
ressent. Après de longues heures
de travail, de recherches et
d’expérimentations, il décide de
faire cela en créant une pilule
rouge qui augmente la libération et
la réception des
neurotransmetteurs dans
l'amygdaloïde, une partie du
système nerveux central qui
contrôle les émotions et qui
augmente également la libération
d'ocytocine dans le sang, puisqu’il
s'agit d'une hormone qui projette
des sentiments d'amour. Il décide
également de créer une pilule
bleue qui arrête l'effet de la pilule
rouge en cas d'amour extrême.
Max décide donc de mettre son
hypothèse en pratique et essaie de
créer une drogue sur laquelle il
effectue plusieurs tests et
expérimentations pour s'assurer
que celle-ci n'a pas d'effet néfaste
sur la santé des êtres humains. Le
jour même, les tests démontrent
que celle-ci n'a pas d'effets
dangereux. Max décide de la
mettre en action, afin de s'assurer
de son efficacité. Il commande
donc de la pizza et demande au
livreur s'il veut essayer le nouveau
médicament qu'il a créé avec des
substances naturelles comme du
27
chocolat et lui explique clairement
tous les effets que cela aurait sur
son cerveau et son comportement.
Le livreur accepte l'essai du
produit et quelques minutes plus
tard, après la prise de la pilule,
Max et le livreur sont
soudainement devenus de bons
amis. Cela confirme donc le succès
de sa nouvelle découverte. Sans
tarder, Max révèle cette substance
magique et la met à la disposition
de tout le monde en pensant que
cela peut aider beaucoup de
personnes et rendre leur vie plus
facile et agréable. Le but principal
de cette invention est de diminuer
la haine et la colère qui mène aux
chicanes, ou même à la guerre
entre les différents pays. En raison
de la confiance qu'ils ont envers
Max, plusieurs personnes essayent
le médicament, puis en quelques
semaines, cette drogue devient très
en demande et de plus en plus de
personnes se mettent à l’utiliser
pour avoir ce qu'ils désirent.
Max prend un moment pour
observer l'effet que sa découverte a
eu sur le monde et les gens qui
l’entourent. Il se rend compte que
sa drogue fait ressortir le côté
monstrueux des gens puisque la
nature humaine est dominée et
attirée par le mal. Il trouve que les
gens abusent de la consommation
de ce médicament et que cela
commence à détruire le monde.
Les gens l'utilise pour les
mauvaises raisons, c’est-à-dire
pour se faire aimer et pour avoir ce
qu'ils désirent, que ce soit de
l'amour, de l'argent, des objets ou
même des emplois. D'autres
utilisent la pilule bleue qui
diminue le sentiment d’amour.
Cela fait en sorte que les gens
cessent de faire attention aux
autres. Ils deviennent égoïstes et
donc plusieurs bonnes relations
sont détruites.
Il voit que la haine commence à
surgir et de plus en plus de conflits
émergent dans le monde. Max ne
sait pas quoi faire, mais il sait que
cette drogue mènera rapidement à
la guerre, à une société remplie de
mal, ou les gens ne seront plus en
mesure de s'exprimer librement et
de distinguer la différence entre les
choses qu'ils aiment et les choses
qu'ils n'aiment pas. Un univers de
robots égoïstes. Il essaie donc
d'arrêter la production et la vente
de cette pilule, mais il est trop
tard. Malheureusement, plusieurs
compagnies qui ont commencé à
produire la drogue ne veulent pas
arrêter de la vendre puisque ça
leur rapporte beaucoup d'argent.
Plus le temps passe, plus les
problèmes augmente. Max est
submergé et déçu que sa création,
qui pourtant inspirée par de
bonnes intentions, ait mené à la
destruction du monde.

28
Arena Fighter Online : Le futur de la réalité virtuelle
Yussef Shehadeh
 de
 l’univers
 de
 Reki
 Kawahara
Nous sommes en l’an 2028, et la
réalité virtuelle est maintenant une
industrie en expansion massive
grâce à l’immense popularité des
casques de réalité virtuelle
(appelés NerveGear) et des
VRMMO (Virtual Reality
Massively Multiplayer Online). Ces
casques envoient des ondes dans le
cerveau pour stimuler les sens et
permettre au joueur de ressentir le
monde qui l’entoure. Les joueurs
ne peuvent pas ressentir de
douleur, mais seulement une
sensation inconfortable. Le
premier VRMMO à être sorti fut
Sword Art Online en 2022.
Toutefois, il survint un incident
dans lequel 10 000 joueurs furent
piégés pendant deux ans dans le
jeu, de sorte qu’une mort virtuelle
équivalait à une mort réelle. Des 10
000 joueurs piégés, 6147
survécurent. Malgré la controverse
que cet incident a déclenchée, les
VRMMO ont tout de même vu leur
popularité augmenter. Toutefois,
les évènements de Sword Art
Online étaient sur le point de se
répéter, cette fois-ci, dans un jeu
de plateformes de combats virtuels
appelé Arena Fighter Online. Deux
joueurs sont placés dans une
arène. Les règles sont simples. Le
jeu se déroule en tournoi à
élimination; celui qui perd la
totalité de ses points de vie en
premier meurt. Une fois que le
duel s’achève, du vainqueur
émerge un champion. Le serveur
se rafraichit alors, on recommence
Inspiré
à zéro, et les joueurs obtiennent
une nouvelle chance. Dans mon
cas, je n’en ai malheureusement eu
qu’une seule. Je n’avais aucun
moyen de savoir que ma vie allait
changer à tout jamais ce jour-là.
Mon nom est Charlotte Richard,
voici mon histoire.
Je rentre dans ma chambre et
verrouille la serrure de ma porte.
Je suis si contente d’avoir reçu ma
première NerveGear! Je n’hésite
pas une seconde; je m’allonge sur
mon lit et enfile mon casque.
— « Game on! », dis-je.
L’écran dans mon casque s’allume
et m’emporte dans le monde
virtuel d’Arena Fighter. Une fois
connectée, j’apparais dans le hall
d’attente. Une voix robotique,
probablement celle d’une femme,
m’accueille dans le jeu.
— Bienvenue dans le jeu, joueur
Playmaker, dit-elle.
— Euh... Merci, je suppose? La
voix ne me répond pas.
J’observe mon avatar
attentivement : armure futuriste
noire, cheveux rouges, sabre des
ténèbres. Bref, j’avais tout pour
paraitre comme une vilaine.
— Argh... j’ai vraiment l’air sombre
avec cet avatar, où est le menu de
customisation de personnage ?
29
Soudainement, la voix se fait
entendre à nouveau. Cette fois-ci,
elle annonce le début d’un
nouveau serveur.
— Attention à tous, le tournoi
d’Arena Fighter Online vient tout
juste de se terminer, le champion
est Kirito. Début de la
réinitialisation du serv........
ERREUR!
Le jeu s’est soudainement arrêté,
et le monde autour de
moi sombre dans le
noir total. Je panique.
J’ouvre la liste des
joueurs actifs en
bougeant mon bras. Le
casque perçoit mon
signal et affiche le
menu. Je vois plusieurs
joueurs se
déconnecter. Je
reprends mon calme
et, quelques secondes
plus tard, le jeu revient
à la normale et je
recommence à sentir
mon environnement.
La voix revient enfin,
cette fois-ci pour
annoncer :
— Attention, ne pas
déconnecter le
NerveGear. Toute
déconnexion entrainera
une surchauffe du casque et la
mort du joueur. Avis à tous les
1024 joueurs actuellement en
ligne, le tournoi est sur le point de
commencer. Les perdants seront
déconnectés et les gagnants
progresseront jusqu’à ce qu’il ne
reste plus qu’un champion.
Je panique, cette voix froide et
morte continue de percer mon
esprit. Je n’arrive plus à bouger, je
reste immobile. Je refuse d’y
croire. Les joueurs autour de moi
sont tout autant effrayés, criant à
l’aide, comme six ans auparavant.
Plusieurs se déconnectent. Qui
sait, peut-être qu’ils sont morts
maintenant! J’ouvre mon menu et
m’apprête à faire de même. La
peur me hante, mais je me décide.
— Quitte à être piégée,
autant mourir à ma
manière, si tel est le cas,
me suis-je dit.
Il était trop tard, pour
mon propre malheur,
j’ai hésité trop
longtemps. J’ai été
choisie pour la première
ronde du tournoi. Je ne
pouvais plus retourner
en arrière. Soit je tue,
soit je suis tuée.
Mon adversaire se tenait
devant moi. Comme
moi, on pouvait lire la
peur sur son visage. Il
arrivait à peine à tenir
sur ses deux jambes
tellement il tremblait
d’effroi. Impuissante
devant la situation, je
restais immobile, serrant
mon sabre fermement dans ma
main. Le compte à rebours avait
commencé, probablement pour
éviter que les deux joueurs
renoncent à combattre. Il hurle
soudainement de toutes ses forces,
persuadé qu’il ne doit pas mourir
30
dans ce jeu. Il fonce sur moi d’un
coup.
Je reste immobile, refusant de
devoir enlever la vie à quelqu’un.
Mais cet instinct à l’intérieur de
moi, celui qui insiste pour
s’accrocher à la vie, est trop fort. À
contrecœur, j’esquive son attaque,
et tranche son avatar avec mon
sabre aussi fort que possible.


C’était suffisant, on pouvait lire la
souffrance sur son visage crispé. Il
crie d’agonie avant de disparaitre
en éclats de mille morceaux.
J’avais commis l’irréparable :
enlever la vie à quelqu’un.
Un être humain en moins sur cette
planète. Un fils ou une fille de
deux magnifiques parents, ou bien
l’époux d’une femme ravissante,
maintenant disparu. Je m’écroule
par terre, criant de toutes mes
forces, lâchant toutes les larmes de
mon corps. Progressivement, un
vide se forme à l’intérieur de moi.
J’essaie de me convaincre qu’il ne
s’agit que d’un jeu, que rien de ce
qui se passe n’est vrai, que les
joueurs ne meurent pas et
réapparaissent plutôt dans le hall
d’accueil. Combat par combat,
joueur par joueur, je continue de
grimper les échelons. Chaque
personne que je tue devient une
victoire de plus dans mes records.
Peu à peu, la détresse que je
ressens après avoir tué un
adversaire se convertit en
soulagement, le soulagement
d’avoir survécu. Puis finalement,
elle devient une satisfaction, la
satisfaction d’avoir triomphé. Puis
rendue en finale du tournoi, je n’ai
aucune difficulté à me défaire de
mon adversaire. Le pauvre est en
larme, pas que cela me trouble.
Bien au contraire, je suis soulagée
de savoir qu’il a abandonné tout
espoir.
— Pitié, j’ai une femme et des
enfants! dit-il.
Cela m’était égal, je le piétinai
fermement, avant de trancher sa
tête. Lorsque ses points de vie
atteignirent zéro, je me sentis
soulagée. J’avais gagné, j’avais
survécu. J’avais prouvé que ma
volonté de survivre était plus forte
que celle des autres.
— Voilà, monsieur le juge, voici
mon histoire, dis-je calmement.
Je lâche un petit sourire narquois
au jury, satisfaite de mon
accomplissement. Je me fiche
complètement de ce qui
m’arrivera. Tout ce qui compte,
c’est que je sois sortie de cette
arène victorieuse. Tous les
membres du jury me fixent sans
cligner des yeux. Chacun d’entre
eux est ahuri de mon témoignage.
Le juge est complètement bouche
bée. Probablement qu’il ne
s’attendait pas à m’entendre
raconter de manière stoïque
comment j’ai tué une centaine de
personnes sans hésitation. Mon
avocat me regarde pendant une
fraction de seconde, il se retourne
ensuite vers le juge, perplexe. Le
pauvre! J’ai ruiné sa plaidoirie.
Je tourne mon regard vers la salle
d’audience, tout le monde est
livide, mis à part les développeurs,
31
qui essayaient de se réjouir
discrètement. Mais moi, je pouvais
voir à travers eux, ils avaient
trouvé un bouc émissaire de
justesse.
Ils avaient enfin quelqu’un à
blâmer pour leur négligence, la
même négligence qui avait coûté la
vie à quatre mille personnes six
ans auparavant. Bande de
connards! Précipiter la production
du jeu valait-elle vraiment la vie de
milliers de personnes? Le juge me
regarde, hésitant au départ, puis il
finit par se prononcer :
— L’accusée a-t-elle quelque chose
à ajouter pour sa défense?
Je suis prise d’un fou rire, ma voix
résonne dans toute la salle, et
donne la chair de poule à tout
l’auditoire. Une fois que l’écho de
ma voix s’envole, je regarde le juge
droit dans les yeux, et je dis :
— Game over, j’ai gagné. 

32
Partie deux :
L’univers
est à nous! 


33
34
Buvons l'eau de l'avenir
Hugo Lamarche
Aujourd'hui, Lujendra Ojha,
étudiant à la Georgia Institute of
Technology, doit prononcer son
discours le plus important de sa
vie et celui qui aura le plus
d'impact sur l'humanité. Depuis
plusieurs années, il tente
d'approcher la NASA pour ses
découvertes précédentes;
cependant, il n'a jamais reçu de
réponse. Toutefois, pour ce jeune
scientifique, la NASA ne pourrait
échapper à cette découverte,
puisque cette trouvaille peut aider
à l'explication de la vie humaine.
Le 27 septembre 2015, 11h23, il
envoie ses travaux, ses recherches
et les images prises dans un
laboratoire de la Georgia Institute
of Technology. Cinq heures plus
tard, il reçoit un appel de John
Grunsfeld, administrateur adjoint
de la NASA, qui invite l'étudiant à
venir le plus tôt possible à
Houston. Le lendemain, les deux
hommes avaient les caméras du
monde entier rivées sur eux. « Ceci
est une avancée significative qui
paraît confirmer que l'eau, sous
forme de ruisseaux de saumure,
coule aujourd'hui à la surface de
Mars  », a déclaré Lujendra le 28
septembre 2015 à 16 h 22.
+++
Il y a cent ans, les premiers
humains ont mis le pied sur la
Lune et, aujourd'hui, c'est au tour
de Mars de subir le poids de
l'homme. Le 27 juillet 2069, 8 h
09, les premiers hommes à
coloniser Mars arrivent sur la
planète rouge et l'échantillonnent
pour analyser en laboratoire les
composantes de celle-ci. À l'âge de
soixante-dix-sept ans, Lujendra
voit son projet de vie prendre
forme. Avec le drapeau de l'ONU
sur Mars, les scientifiques peuvent
analyser de la matière provenant
de cette autre planète. Ce premier
voyage vers cette planète a été un
succès mondial. À l'arrivée des
échantillons à Houston, chacun a
été placé dans un bécher. Lujendra
assiste aux expériences malgré son
âge et voit du coin de l’œil, un
collègue se tromper de verre et
boire l'échantillon d'eau de Mars.
La sécurité de la NASA reconduit
immédiatement ce biologiste à
l'hôpital de Houston pour ne
prendre aucun risque. Après
analyses et bilan de sa santé, on
découvre que le biologiste vient de
combattre son cancer du cerveau.
Certains croient à ce nouveau
remède, d'autres croient à la
coïncidence. Bref, rien ne peut
empêcher les multinationales,
dont Evian, de s'approprier cette
eau extraterrestre. Le 31 juillet
2069, la conquête de Mars par
Evian et Aquafina est lancée. Cette
nouvelle a attristé de nombreux
scientifiques, dont Lujendra,
puisqu'ils venaient de perdre le
contrôle de ce projet scientifique.
La société est mondialisée à son
maximum. Après peu de temps,
des produits consommés dans un
pays précis se propagent dans le
35
reste du globe. Évidemment, l'eau côté, Lujendra analyse et remarque
de Mars fait partie de ce processus, qu e l ' e au d e M ars c o nt ie nt
Evian et Aquafina ont réussi à plusieurs molécules de fer et d'un
mettre ce nouveau produit sur le atome inconnu sur Terre. Après
marché. Leurs immenses
publicités sont des succès:
«  Buvons l'eau de l’avenir  »,
«  Remède pour le cancer à
seulement 957,98$  », «  Soyez
intelligent et buvez l'eau pour
prévenir la mort ». Lujendra se bat
contre les compagnies pour que
l'eau de Mars reste dans le
domaine de la science. Son motif
est que cette ressource
extraterrestre peut engendrer
d'autres découvertes scientifiques
importantes, comme la
provenance de la vie sur Terre. Or,
le 1er septembre 2069, tous les
terriens boivent cette eau
extraterrestre et les cas de cancer certains laboratoires, cet atome
ont cessé. inconnu agit en catalyseur lorsqu'il
se mélange avec du plasma. En
Quelques jours plus tard, il y a d'autres mots, la réaction chimique
plusieurs cas de décès d'un motif du fer avec le plasma et la
inconnu. Des gens meurent par molécule extraterrestre produit
centaines avec la peau rouge et des globules rouges en énormes
avec du sang dans chaque orifice. quantités. Alors, la conclusion des
Les scientifiques, dont Lujendra, scientifiques est que l'eau de Mars
devaient prendre le dessus sur les produit une quantité de sang
compagnies pour analyser l'eau de qu'aucun vaisseau sanguin humain
Mars afin de vérifier si cette eau ne peut supporter. Or,
était la source de l'épidémie. Bien l'impuissance des chercheurs
sûr, Evian et Aquafina refusaient envers Evian et Aquafina demeure.
d'admettre que leur eau était la En gardant leur produit sur le
cause de la nouvelle maladie, la marché, ces compagnies refusent
grippe rouge. Toutefois, bien que d'admettre que leur eau est la
Lujendra soit proche de la fin de sa source de la maladie. Par ailleurs,
vie, il veut que sa découverte d'il y le 15 septembre 2069, Lujendra
a plus de cinquante ans soit enfin Ojha meurt à son tour de la grippe
éclaircie. Les médecins constatent rouge.
que tous les corps morts de la
grippe rouge ont des millions de +++
vaisseaux sanguins éclatés, ce qui
cause une mort inévitable. De son

36
Aujourd'hui, la Terre est
recouverte d'une couche épaisse de
poussière rouge constituée de la
décomposition de treize milliards
d'humains, soixante-six milliards
d'animaux et de végétaux morts
contaminés par la grippe rouge. La
température de la planète se situe
entre 0 et 20 degrés Celcius, en
raison de la réduction des gaz à
effet de serre relâchés. Les
quelques humains restants
Songes d’une nuit martienne
Léo Pilote
Il fait noir. Très noir. Mon âme
s’atrophie à chaque instant,
chaque seconde. Ici, à l’Intérieur,
je suis prisonnier de ma tête,
prisonnier de ma vie.
Tous les soirs, alors que je quitte
mon minuscule bureau et que je
me dirige promptement vers ma
cellule d’habitation, je m’arrête
quelques instants pour observer le
ciel. Mes yeux restent fixés sur
chaque étoile comme si elles
tombaient indéfiniment en orbite
autour d’elles-même.
attendent leur mort ou se suicident
puisque les conditions sur Terre ne
sont plus agréables comme
auparavant. Ces conditions sont
même comparées à celles de Mars.
Durant les derniers jours de
l'humanité, cinq ou six personnes
rapportent avoir vu un individu
prendre de l'eau d'un des Grands
Lacs dans un bécher et partir à la
vitesse de la lumière vers le ciel.

L’étourdissante grandeur de
l’Extérieur suscite en moi un
émerveillement inexprimable, sans
doute parce qu’ici, à l’Intérieur, le
poids des structures métalliques
m'opprime bien malgré moi.
Soudain, une personne distraite
me bouscule. Rapidement, je
m’empresse de m’extirper de ma
transe contemplative pour
rejoindre le flot de gens qui,
comme moi, se déplacent à travers
les longs tunnels sinueux de Mons.
Mons, c’est le complexe colonial où
je suis né, où je vis et où je
mourrai. Tout est terriblement
morose et gris. Même si les
végétaux s’accrochent
inexorablement à chaque morceau
de structure d’acier pour nous
fournir leur précieux gaz, leurs
doux soupirs se mêlent à l’agonie
de milliers d’êtres emprisonnés
éternellement. Exilés de notre
planète d’origine depuis des
siècles, nous, Martiens, sommes
les orphelins du système solaire.
Alors que nos ancêtres ont détruit
37
le Meilleur des mondes, nous
sommes définitivement exclus de
l’Extérieur, un milieu hostile dont
l’atmosphère suffocante tue ceux
qui espèrent s’échapper.
J’ai entendu parler de gens qui
s’échappaient du Grand réseau
martien dans l’espoir de goûter, ne
serait-ce qu’un instant, à
l’incommensurable liberté d’être
directement sous les astres. Sans
épaisse structure au-dessus de la
tête, on m’a dit qu’il est possible de
voir la Terre. Cette planète, il y a
longtemps que mes ancêtres l’ont
quittée dans une vague de
colonisation martienne massive.
Bien entendu, seuls les plus nantis
avaient le privilège de fuir les
conséquences fatales de leur
bêtise. Ceux qui sont restés
derrière, les treize milliards
d’innocents, sont presque tous
morts. Le niveau de la mer, ayant
monté drastiquement en raison de
la fonte des calottes polaires,
aurait inondé des zones très
densément peuplées. Si seulement
ils savaient à quel point l'existence
est lourde ici, ils auraient peut-être
préféré mettre fin à l’histoire de la
race humaine sur-le-champ. Plutôt
que de la laisser périr dans sa
merde, ils ont décidé de perpétuer
les vices de l’humanité grâce à un
respirateur artificiel. Comme une
bête malade que l’on fait vivre bien
malgré elle dans des conditions
atroces. Changer le mal de place
n’était peut-être pas la bonne
option.
Cette nuit, je peine à dormir. Le
climat artificiel m’étouffe et les
murs de ma cellule m’écrasent. Sur
Mars, je suis confiné. Enchaîné à
mon poste de travail, je suis forcé à
vivre. Je quitte prendre une
marche dans les longs couloirs
intercellulaires, quand un faisceau
de lumière lunaire m’éclaire et me
fait arrêter subitement. Pris d’un
vertige et d’une envie de liberté
trop longtemps refoulés, je me
heurte à la paroi rigide du Grand
Réseau dans une tentative inouïe
de rejoindre l’Extérieur. Frustré
par le génie de la cruauté humaine,
je cherche désespérément une
issue. J’étouffe, je suffoque. Après
une quête effrénée, je parviens à
une sortie réservée aux travailleurs
de l’Extérieur et opte
immédiatement pour celle-ci.
Dehors, l’espérance de vie de
l’homo sapiens sapiens martiens
n’est que d’une minute. Un. Au-
dessus de moi s’ouvre enfin le voile
céleste infini de l’univers comme
une pluie incessante de cristaux
égarés. Quinze. Autour de moi,
plus de murs. Ma liberté est totale,
complète. Trente. Le bruit de
l’espace pose un baume sur ma vie.
La valse des astres m’immerge
dans l’immensité de Tout et me
fait oublier les millénaires
d’atrocités commises sans raisons
valables. Cinquante-neuf.
J’aperçois la Terre, une petite
boule bleutée qui se dresse à
l’horizon. Paisible, elle est en
suspension dans l’univers. Seule et
enfin débarrassée des vices
humains, je quitte la rejoindre.
Redevenu poussière d’étoile, je
suis enfin libre. Libre de vivre.
Libre de mourir. Soixante. 

38
Planète C-306
Andréanne Dubuc
6 juin 3042

Ici le capitaine Davidson du

vaisseau spatial B21. Mon équipe
et moi sommes à la recherche
d’une nouvelle planète qui pourrait
nous accueillir. En effet, notre
planète ne peut plus subvenir à
nos besoins et produire les
ressources nécessaires, en raison
de la surpopulation. Il faut donc
trouver en vitesse un lieu où une
partie de la population pourra être
relocalisée. Aujourd’hui, la mission
NewLand débute.

5 novembre 3043

Le vaisseau spatial B21 est appartient à un système solaire

finalement entré dans une
nouvelle galaxie se trouvant à
quatre cents millions d’années-
lumière de notre planète d’origine.
Même si la route fut longue, nous
sommes présentement dans une
galaxie où l’espoir règne. Celle-ci a
la forme d’une galaxie spirale
barrée ayant un diamètre entre
100  000 et 120  000 années-
lumière. Elle comprend entre
deux cents et quatre cents
milliards d’étoiles et environ cent
milliards de planètes. Parmi celles-
ci, une, qu’on nomma C-306, attira
particulièrement notre attention.
Nous nous dirigeons à l’instant
vers celle-ci.
20 janvier 3044
Nous sommes finalement arrivés à
la planète C-306. Celle-ci
composé d’une étoile naine d’une
masse de 1,9891 × 1030 kg, d’objets
célestes tels cent soixante-quinze
satellites naturels et plusieurs
planètes dont la C-306. Elle
représente la cinquième plus
grande planète et la plus massive
des planètes telluriques. Avec son
atmosphère, sa couche d’ozone,
son champ magnétique et son
hydrosphère, cette planète serait la
place idéale pour accueillir notre
population. Nous avons réussi.
Notre race pourra survivre grâce à
nous! J'ordonnai alors à mon
équipage de trouver si des
extraterrestres habitaient cette
planète. Je fus informé qu’une race
assez avancée la peuplait déjà. Je
demandai alors à mon équipe
d’approcher le vaisseau davantage
de cette planète pour en apprendre
mieux sur ses habitants. En effet,

39
si nous voulions vivre sur C-306, il
était important de voir comment
ils y survivaient avant d’y
emménager et de cohabiter avec
eux. Cependant, en approchant à
2  000  km d’altitude de la planète,
l’alarme poussa un hurlement qui
nous secoua tous. Cela indiquait
qu’il y avait des objets dans les
paramètres qui pouvaient nuire au
vaisseau. En regardant par la
fenêtre, je m’attendais à voir des
capsules spatiales. Cependant, je
vis des milliers de déchets.
Comment est-ce qu’une population
pouvait être assez négligente pour
laisser des déchets circuler dans
son atmosphère? Je décidai donc
d’étudier, pendant un an, avec
l’aide de mon équipage, plus
amplement la vie des gens sur
cette planète afin de savoir si nous
pouvions réellement nous mêler à
eux.
Août 3044
Tout au long de l’été, le même
scénario s’est répété. Des gens, qui
fuient un pays où leurs semblables
sont massacrés par des bombes et
des fusils sont retrouvés noyés.
Jour après jour, des navires
coulent, faisant des centaines de
victimes, de gens qui avaient
comme seul espoir de vivre et, jour
après jour, la scène internationale
regarde le spectacle de loin, sans
agir pour autant. Mais quelle
invention imbécile, la guerre! Elle
a comme seul but d’obtenir plus de
pouvoir, plus de ressources et plus
d’argent sans se soucier des
victimes qu’elle fait.
5 novembre 3044
Sur la planète C-306, un scandale
est survenu ce 5 novembre. Des
papiers ont exposé la
malhonnêteté des riches qui
essaient de s’exempter d’impôts,
une méthode de prélèvement fiscal
qui permet de redistribuer l’argent
et d’offrir des services aux
communautés. Alors, pendant que
les plus riches trouvent le moyen
d’économiser des millions de
dollars, plusieurs n’ont pas
d’emploi, plusieurs n’ont pas accès
à l’éducation, plusieurs n’ont pas
assez d’argent pour manger,
plusieurs n’ont pas de maison et
un continent complet n’a pas accès
à l’eau potable. On peut en effet
dire que la justice règne là-bas.
7 janvier 3045
Un désastre est arrivé aujourd’hui
sur la planète C-306. Un journal
humoristique ayant publié des
caricatures a été la cible de deux
hommes armés. Ils ont tué 12
personnes dont huit ayant
participé à créer la caricature
humoristique. Nous pouvons
réellement dire qu’ils sont morts
de rire.
20 janvier 3045
Aujourd’hui marque la fin de
l’année allouée à la race qui habite
la planète C-306 pour déterminer
si nous pouvons ou non cohabiter
avec celle-ci. Aujourd’hui marque
aussi l’investiture d’un président
qui, dans sa vie, a agressé
plusieurs femmes, a créé une
fausse université et est raciste. Si
les habitants de cette planète
acceptent d’élire une telle
40
personne comme représentant,
quel message est-ce qu’ils nous
envoient? Comment ces gens
pourraient cohabiter avec nous
s’ils ne sont même pas capables de
se respecter entre eux? Après un
Lunarium
Justin Teixeira
C’est l’année 2101. L’humanité a
été divisée depuis la Grande
Guerre de 2073 et a été
reconstruite en quatre continents
principaux. À l’extrême ouest du
globe, le continent démocratique
américain est composé des
continents précédemment connus
de l’Amérique du Nord, de
l’Amérique centrale, de l’Amérique
du Sud et de l’Océanie,
respectivement nommés Zone
Nord, Zone centrale, Zone Sud et
Zone océanique. Toutes les zones
sont composées de villes dans
lesquelles le peuple américain
an, il est temps pour nous
d’abandonner le projet C-306,
planète surnommée « Terre » par
ses habitants, et de nous
concentrer sur un astre réellement
viable.

habite dans un environnement de
vie libre. Tous les quatre ans, le
peuple américain doit voter pour
un groupe de leaders intellectuels
connus sous le nom de Gardiens
pour superviser divers domaines
tels que l’économie, le droit, la
sécurité, l’exploration spatiale et
militaire. De l’autre côté de
l’Atlantique, le continent unifié
d’Europe est composé de tous les
pays européens connus et du vieux
continent africain. Ce continent est
séparé en deux zones connues sous
le nom de la Zone Euro et la Zone
sombre, où des millions de
personnes sont mortes pendant la
Grande Guerre pour obtenir ce
territoire très contesté. Continuant
vers l’est du globe, le continent
socialiste de l’Union soviétique est
composé du pays précédemment
connu comme la Russie et d’autres
pays d’Europe de l’Est tels que
l’Ukraine et la Pologne. Ce
continent est fusionné en une zone
appelée la Zone soviétique. Enfin,
à l’extrême est du globe, le
continent communiste d’Asie est
c on stru it p ar tou s les p ay s
asiatiques précédemment connus.
Ce continent comprend trois
z o n e s  : l a Z o n e a r a b e , q u i
comprend les anciens pays du
41
Moyen-Orient, la Zone chinoise et
la zone pacifique.
Le premier jour de l’année, les
Américains se préparent à
l’inauguration de leurs septièmes
Gardiens. Ce groupe est dirigé par
le célèbre, charmant et très
intelligent leader du domaine de
l’exploration spatiale Jett Simons.
Jett a été choisi par le peuple
américain à cause de sa
technologie nouvellement créée
qui transporte les ondes
lumineuses à travers l’espace tout
en ignorant la cinquième
dimension du temps. Cela permet
aux ondes lumineuses d’atteindre
des galaxies encore inexplorées au-
delà des moyens de la technologie
moderne. Jett explique que son
équipe peut réaliser ce processus
en utilisant la téléportation
quantique des ondes lumineuses.
Il espère découvrir de nouveaux
éléments en passant ces ondes
lumineuses à travers leur structure
atomique et en calculant, à l’aide
d’algorithmes de calcul complexes,
le nombre de protons et
d’électrons qu’ils contiennent.
Pendant cinq mois, Jett et son
équipe travaillent jour et nuit pour
essayer de faire fonctionner leur
technologie avec peu ou pas de
succès jusqu’à ce qu’un soir, dans
la salle de contrôle de la station
spatiale continentale, Jett entende
un cri. Cela avait marché. L’onde
lumineuse s’était téléportée et ne
s’arrêtait pas. La distance
parcourue augmentait
exponentiellement à la seconde,
personne ne pouvant comprendre
ce qui se passait jusqu’à ce que,
soudain, le compteur s’arrête.
L’onde lumineuse avait atteint
Andromède, une autre galaxie à
environ 2,2 millions d’années-
lumière. Mais pourquoi cela s’est-il
arrêté? Quelque chose l’avait
bloquée. Quelque chose que
l’humanité n’a pas pu voir à cause
de son noyau atomique condensé
qui ne laisse pas traverser la
lumière. Jett et son équipe ont
conclu que cet objet était un
nouvel élément sur une nouvelle
planète appelée Lunari qui, en
divisant ses atomes, pourrait créer
une explosion nucléaire cinq fois
plus puissante que l’uranium.
Avoir cet élément pourrait
accorder à quelqu’un une
puissance militaire presque infinie.
Un an plus tard, les nouvelles de
l’invention des Américains se
répandent rapidement et tous les
continents planifient une mission
spatiale pour explorer cette
nouvelle planète dans les semaines
à venir. Comme cette mission était
si loin, ils devaient traverser un
trou de ver pour atteindre la
galaxie d’Andromède. Chaque
continent ne pouvait envoyer
qu’une seule personne sur cette
mission parce que les trous de ver
ne peuvent laisser passer qu’une
personne à la fois : Jett pour
l’Amérique, Hugo pour l’Europe,
Sébastian pour l’Union Soviétique
et Qin pour l’Asie. Tous les
hommes sont partis le même jour
pour attraper le vortex qui pourrait
les transporter directement à la
galaxie d’Andromède. Comme
Sébastian était le premier à
s’approcher du trou de ver, Hugo a
vu l’occasion de l’interrompre
quelques secondes avant d’entrer,
42
car il avait repéré un moteur
défectueux. Hugo avait battu
Sébastian par quelques
millisecondes, mais Sébastian était
déjà entré. Le trou de ver se
fermait rapidement sur Sébastian
et il se sentait plus lourd jusqu’à ce
que, finalement, toute sa matière
atomique soit écrasée et relâchée
dans l’espace. Ainsi, Hugo fut le
premier homme à atteindre la
galaxie d’Andromède. De retour
dans la galaxie de la Voie lactée,
Jett et Qin étaient en train d’avoir
une bataille spatiale et tiraient l’un
sur l’autre avec des faisceaux laser.
Bien que Qin fût le pilote spatial le
plus rapide du monde, la
technologie de téléportation de
particules quantiques de Jett était
trop difficile à éviter et Qin a
rapidement péri dans un espace
infini. Jett a finalement traversé le
trou de ver pour continuer son
voyage à Lunari. Après trois
semaines de voyage à travers la
galaxie d’Andromède, le radar de
Jett sonne pour indiquer qu’il
atteindra bientôt Lunari. Soudain,
son radar détecte le vaisseau
spatial de Hugo, passant juste à
côté de Lunari. Cela rend Jett
perplexe; il ne peut comprendre
pourquoi jusqu’à ce qu’il reçoive
une transition de Hugo lui-même :
«  Jett, Lunari n’est pas une
planète, c’est une lune. J’ai trouvé
la vraie planète, mais il y a plus  :
mes capteurs détectent le
mouvement de la vie sur cette
planète. Maintenant, écoutez, je
sais que nous ne nous battons pas
pour le même continent, mais je
suggère que nous fassions équipe
et explorions pour le bien de
l’humanité. Qu’en dites-vous?  »
Jett accepta rapidement et les deux
hommes descendirent lentement
sur la planète.
En descendant, les deux hommes
ne pouvaient observer aucune
forme de vie alors que leurs radars
détectaient de lourdes formes de
vie. Tout ce qu’ils pouvaient voir,
c’était de la poussière très
brumeuse autour d’eux et des
montagnes faites de Lunarium, le
métal puissant qu’ils cherchaient.
Jett sauta sur l’occasion pour
recueillir des informations sur le
métal, mais Hugo était toujours
inquiet de la présence d’un autre
être sur la même planète. Alors
que Jett essayait d’extraire un
échantillon pour retourner sur
Terre, une explosion gigantesque a
rompu le sol en dessous d’eux. Un
véhicule de grande taille a surgi du
sol, armé de ce qui semblait être
des armes hautement
technologiques. Une silhouette
sortit lentement de l’ombre en se
révélant. Une créature humanoïde
semblant avoir une peau de roche
commanda des gardes actionnées
par des machines pour capturer les
deux hommes dans une langue
inconnue. Jett et Hugo ont été
jetés dans une pièce sombre à
l’intérieur du véhicule où ils ont
été interrogés par la créature
humanoïde. Lorsque les deux
hommes ont commencé à parler
anglais, la créature a également
changé sa langue pour l’anglais. La
créature posait des questions très
détaillées sur leurs voyages et leurs
objectifs et ils étaient torturés
lorsqu’ils refusaient de coopérer.
Après des heures d’interrogatoire
douloureux et épuisant, la créature
43
était satisfaite. Soudainement, Jett
est arrivé à une conclusion  : cette
Camp de base 001
Charles-Antoine Vézina
Ils m’ont contacté quelques jours
avant le départ. Je me souviens
encore de cette voix préenregistrée
presque trop enthousiaste qui
m’annonçait la nouvelle. Dans
quoi est-ce que je m’étais
embarqué ? Si ma femme était
toujours à mes côtés, je n’aurais
jamais donné ma candidature pour
recevoir un aller simple vers
l’inconnu. Le premier lancement
de la fusée Falcon Heavy, le 6
février 2018, il y a environ 37 ans
de cela, a captivé le monde entier.
Cet exploit de la compagnie
SpaceX assurait désormais que son
programme Mars One était sur le
bon chemin. Ce nouveau moyen de
transport stimulait l’imaginaire
d’une nouvelle génération
d’explorateurs ne voulant qu’une
seule chose  : trouver et coloniser
une nouvelle planète habitable
pour l’être humain. Cette volonté,
plus forte que jamais, était
justifiable ; la Terre ne peut plus
subvenir aux besoins de notre
population.
J’ai commencé à publier des
articles sur Facebook pour
exprimer mes opinions en matière
d’exploration spatiale. Une
douzaine «  d’amis  » et les
membres de ma famille
m’encourageaient à continuer.
Selon eux, j’avais une façon de dire
les choses telles qu’elles sont.
Rapidement, une compagnie
espèce inconnue planifiait une
invasion sur Terre. 

médiatique me prit sous son aile et
en l’espace de quelques mois, mon
passetemps se transforma
rapidement en une carrière qui
s’avéra être extrêmement
fructueuse. Mes lecteurs avaient
généralement des idéologies
semblables aux miennes. J’arrivais
même à changer la pensée de gens
qui étaient auparavant contre moi.
Mon discours était simple  : il faut
qu’une grande partie de la
population quitte le plus
rapidement possible notre planète
afin que celle-ci puisse avoir une
chance de se régénérer. Deux jours
avant mon départ, je devais me
présenter à une rencontre avec les
dirigeants du projet Mars One. Ils
m’ont assuré que mes effets
personnels sur Terre allaient être
vendus et que les profits iraient
directement à leur programme,
comme je le voulais. Ma mission
était simple  : documenter la
nouvelle civilisation sur Mars pour
le reste de ma vie. Je ferais
parvenir mes textes sur Terre
toutes les deux semaines afin
d’inciter la population terrestre à
se joindre au camp de base
martien 001. J’ai quitté la planète
bleue avec un sentiment de
nostalgie anticipé. Il n’y avait
aucun doute que j’allais m’ennuyer
de la Terre, mais mon excitation de
mettre les pieds sur une nouvelle
planète était incontrôlable.
44
Malgré le fait que SpaceX avait
réussi à diminuer le temps de
déplacement entre la Terre et Mars
de cinquante pour cent, le périple
était infiniment long. Un peu plus
que trois mois au lieu de sept mois.
Nous étions confinés dans un
minuscule espace, sans intimité,
sans repas chaud, sans douche.
Dieu merci : ils avaient récemment
installé des hublots et nous étions
en zéro gravité. Les premiers
arrivants ont eu beaucoup de
tâches physiques à effectuer afin
de mettre en place les installations
qui maintenaient en vie une
suffisait seulement d’embellir la
trentaine d’habitants. Malgré l’aide
réalité de mes textes…
des robots qui avaient commencé
le boulot en 2020, deux ans avant
Cinq mois se sont écoulés depuis
l’arrivée des premiers humains, les
que j’ai mis les pieds sur cette
travaux progressaient lentement
maudite planète rouge. Je ne sors
sur Mars.
même plus de mon dortoir pour
observer la vie autour de moi afin
La première chose que j’ai
d’écrire mes textes. Tout ce que
constatée à mon arrivée fut
j’écris est faux, mais je me dis que
l’ambiance lourde et triste qui
c’est pour le bien de l’être humain.
régnait dans cette communauté.
Il semble que ma stratégie s’avère
Ce n’est pas du tout l’image du
fructueuse. En l’espace de
village uni et heureux que SpaceX
quelques semaines, la population
nous transmettait sur Terre. C’est
totale du Camp de Base 001 a
à ce moment que ma «  simple  »
doublé. Il y a même des rumeurs
mission se transforma en un
qu’ils veulent développer un
important dilemme. J’avais le
nouveau camp à quelques
pouvoir de sauver l’humanité et
kilomètres d’ici.
d’améliorer le sort de la planète
Terre entre mes mains. Si je
Si seulement ils savaient à quel
témoignais véritablement de la vie
point la vie sur Mars est triste sans
sur Mars, le programme Mars One
que ce soit moi qui leur dévoile la
tomberait rapidement à l’eau ainsi
dure vérité. Je n’ai pas le courage
que cette idéologie de trouver une
de faire ça. Nous devons évacuer la
nouvelle planète habitable. Il
Terre à tout prix si nous voulons y
retourner un jour.


45
La Guerre de la Galaxie
Daniel Gavrila
3013
La galaxie tout entière est
contrôlée par la race humaine.
Chaque planète de notre système
solaire est maintenant habitée par
des humains depuis près de vingt-
cinquante ans. La colonisation de
notre galaxie par les humains
commença par Mars en 2025.
C’était le premier voyage humain
qui avait comme but de s’installer
sur une planète déserte et d’y
instaurer la vie. Après la réussite
de ce premier voyage la race
humaine décida de continuer sa
colonisation et d’étendre son
territoire. Grâce aux nouvelles
technologies, à des navettes
pouvant voyager à la vitesse du son
et à des combinaisons à la fine
pointe de la technologie,
l’expansion de l’empire terrestre
prenait très vite de l’ampleur. À ce
jour, près de vingt planètes ont été
colonisées comme Kepler en 2212,
puis Saturne en 2307 jusqu’à
Pluton il y a exactement deux cent
cinquante-quatre ans.
Je faisais partie du treizième
voyage qui avait comme mission
de coloniser Uranus en 2949. J’ai
présentement six missions de
colonisation à mon actif et je suis
connu comme l’un des plus grands
astronautes de tous les temps.
Les humains ne sont plus divisés
par race, par couleur de peau, par
religion. Non! C’est maintenant à
une planète qu’ils appartiennent.
Chaque planète a son propre
gouvernement. Au-dessus de tous
ces gouvernements se trouve un
chef. Le chef de la galaxie! Ce chef
règne sur notre galaxie et détient
tous les pouvoirs. Logé dans son
grand manoir sur la Lune, ce chef
est encore à ce jour le seul
immunisé à toute mort naturelle. Il
a exactement quatre cent
cinquante-neuf ans, neuf mois et
onze jours. Le fait que la même
personne règne sur l’univers
depuis aussi longtemps ne fait pas
l’affaire de tous. Déjà quatre
planètes ont gagné leur
indépendance et deux d’entre elles
sont en guerre planétaire
puisqu’une moitié de la planète
souhaite gagner son indépendance
tandis que l’autre souhaite rester
sous le règne du chef.
Je m’appelle Palkarbou et je suis
Saturnien, né d’un programme
informatique qui a échoué. Un
bogue s’est produit et, par erreur,
46
tout le contenu des serveurs
planétaires a été stocké dans ma
tête. En effet, comme j’étais un
astronaute renommé, j’étais la clé
de la bombe atomique. Par contre,
lors du transfert de celle-ci dans
mon cerveau, le reste du contenu
des serveurs planétaires a été
stocké dans mon cerveau. J’ai
réussi à m’enfuir de la prison ultra
sécurisée de la Terre, où j’ai été
enfermé et utilisé comme rat de
laboratoire pour trouver un moyen
de récupérer toutes les données
sans les endommager. Depuis ce
temps, je suis le criminel le plus
recherché par l’APMG (Association
de la Police Militaire de la
Galaxie).
Je possède les données de toutes
les armées de la galaxie, les plans
des armes les plus destructrices et
les codes de l’arme nucléaire la
plus puissante jamais construite.
Je suis le cerveau du monde! Une
petite fuite d’information pourrait
causer une guerre destructrice
entre les planètes. Ayant accès à
toutes ces informations, mon but
était de renverser le chef une
bonne fois pour toutes. Comment
allais-je m’y prendre, me
demanderez-vous? Vous vous
rappelez les codes que je détenais,
ceux dont je vous ai parlé? Et
voilà! C’était assez simple. Entrer
les codes dans la base de données
de APMG à laquelle j’avais accès
en raison de mon niveau
hiérarchique élevé, choisir une
cible et faire feu. Cible de
l’attaque  : la Lune! Dans un peu
moins de vingt-quatre heures, tous
les humains vont me remercier.
L’indépendance pour tous!
3018
Fin de la guerre. Jamais je n’aurais
pensé que ça se terminerait ainsi.
Dès que la mort du chef fut
annoncée, les révoltes ont
commencé. En l’espace de deux
mois, les révoltes se sont
transformées en tueries et les
tueries en guerre. Tout l’univers
était maintenant en guerre à cause
de moi. Cette guerre dura cinq ans
et me voilà aujourd’hui à quelques
jours à peine de me faire expulser
dans un trou noir pour trahison.
Six des dix-huit planètes furent
complètement détruites et près de
soixante-quinze pour cent de la
population galactique s’est envolée
en fumée. C’est seulement
aujourd’hui que je réalise
l’ampleur de mes actes.
3020
Me voilà aujourd’hui dans une tout
autre galaxie. Mon nouveau chez
moi! Comment ai-je survécu? Je
n’ai jamais atteint le trou noir. J’ai
été intercepté en plein vol par un
groupe de rebelles ayant colonisé
une autre galaxie. Ce même groupe
qui m’avait capturé vingt-cinq ans
plus tôt, lors d’une de mes
missions et qui avait fait de moi
son espion. Personne sur la Terre
n’est au courant de cette nouvelle
galaxie ni de ce groupe de rebelles
et encore moins de mon rôle
d’espion. 

47
La sélection
Saphira Suoi
C’est le tout début de l’année 3067
sur ma planète. Chaque famille a
une fille et un garçon, ça a toujours
été comme ça. Je me nomme Idris,
j’ai un seul frère nommé Logan.
Mes parents ont perdu la vie il y a
deux ans à cause de la dernière
pluie de météorites qui a frappé
notre planète. J’ai eu quinze ans il
y a quelques jours et mon frère en
a vingt. Il me protège toujours,
même si je n’aime pas du tout ça. Il
fait ça surtout parce que cette
année, c’est l’année de la
«  sélection  ». La sélection n’arrive
que tous les dix ans et c’est une
journée importante, car c’est la
journée où le gouvernement
choisit deux jeunes garçons pour
aller dans une autre galaxie dans le
but d’améliorer notre société avec
de nouvelles substances. Les seules
personnes ayant survécu à la
sélection et qui sont revenues sur
Terre sains et saufs ont été deux
hommes, en 2045. Ces deux
hommes ont découvert une
substance qui nous a permis de se
déplacer sans auto: grâce à eux,
nous pouvons voler dans l’air,
comme des oiseaux!
Habituellement, ce ne sont que les
hommes qui y vont, car ils ont les
connaissances pour ce genre de
chose. Cependant, aujourd’hui, le
gouvernement nous informe qu’ils
vont choisir un garçon et une fille
pour aller découvrir une nouvelle
substance importante à notre
survie. Il y a quelques jours, le
gouvernement nous a envoyé des
lettres mentionnant que des
scientifiques avaient découvert que
le sang d’une fille contient des
globules rouges différents de ceux
d’un garçon et que ces globules
rouges permettront à notre société
de découvrir une substance
nommée Arya, sur la planète de
Yora, qui nous rendra immortels,
grâce à un vaisseau spatial. C’est
pour cela qu’ils ont choisi une fille
cette année. Et si c’était moi qui
me faisais choisir? En plus,
personne de ma planète n’est
jamais atterri sur la planète Yora,
elle est beaucoup trop loin de chez
nous. Cependant, ce nouveau
vaisseau spatial est différent des
autres grâce aux globules rouges
des filles. Il peut se rendre
beaucoup plus loin, en peu de
temps.
Le jour arrive enfin: toute la
société se rassemble autour du
podium du président Rory.
J’observe tout le monde et
personne n’a l’air nerveux, sauf
moi. Rory annonce les deux
candidats: Idris et Logan. Mon
corps veut s’effondrer, mon sang
48
va geler dans mes veines: Logan
me rattrape juste avant que je
m’écroule sur le sol. Pourquoi nous
ont-ils choisis? Je ne comprends
pas. Je regarde mon frère et je vois
une larme couler sur sa joue
droite. Tout le monde crie autour
de nous, c’est le chaos total.
Quelques semaines passent après
le jour de la sélection, puis je me
sens finalement prête pour cette
grande aventure. Pendant la
sélection, le président Rory nous
avait mentionné que le vaisseau
spatial qui allait nous mener sur la
planète de Yora se trouvait chez
lui. C’est aujourd’hui que Logan et
moi avons décidé d’aller chercher
ce fameux vaisseau spatial, car si
ce n’est pas maintenant, alors
quand?
La seule manière de faire
fonctionner ce vaisseau spatial est
de faire une incision sur mon
poignet pour récupérer un
échantillon de mon sang, car il
contient les globules rouges que les
hommes n’ont pas. Je fais une
minuscule incision dans ma peau,
mon sang blanc et opaque coule et
j’en mets une goutte dans un pot.
Je le verse dans un tuyau du
vaisseau spatial et il commence à
vibrer: un signe de départ.
Tout est près pour le grand
décollage, mais une seule chose ne
l’est pas: moi. Je n’ai pas envie d’y
aller mais je n’ai pas le choix, car
c’est ce qui est mieux pour ma
société. Je dois absolument
trouver la substance Arya, qui
nous rendra finalement immortels.
Nous rentrons dans le vaisseau
spatial et au moment où nous nous
assoyons sur nos bancs, les portes
se ferment et un compteur
commence:
10, 9, 8, 7, 6, 5, 4, 3, 2… 1 et
VROOOM.
Le vaisseau spatial commence à
monter du sol, et j’observe tout le
monde d’en bas. Ils ont tous l’air
de fourmis. La vitesse augmente de
plus en plus et en quelques
minutes, je me retrouve à l’envers.
Je crois que je suis arrivée sur la
planète de Yora. Je me tourne vers
Logan: il est couvert de verre brisé
venant de la fenêtre et il a un
poteau en métal dans son cœur.
Logan est mort à mes côtés en un
clin d’œil! Je n’ai pas pu le
protéger comme il l’a fait pour moi
toute ma vie. Une substance
étrange commence à couler de ses
coupures et de son cœur; on dirait
que c’est un liquide bleu. Ce n’est
pas notre sang opaque et blanc,
que j’ai l’habitude de voir. C’est
plutôt un liquide bleu avec une
odeur étrange.
Je pousse la fenêtre du vaisseau
spatial et je prends une bouffée
d’air, car on dirait que j’hallucine.
Tout est poussiéreux dans l’air; il
n’y a absolument rien, pas
d’arbres, pas d’eau, ni d’animaux.
Je retourne dans le vaisseau
spatial et une ombre venant de ma
chaise commence à bouger :
— Idris? C’est Logan.

49
50
 Partie trois :
Des yeux brillants
avides de découvertes

51
52
11 000 mètres sous la mer
Gabrielle Côté
Aujourd’hui sera un jour
historique. Le 21 octobre 2118 sera
le jour où la mission MSUB20
battra des records et s’aventurera
dans la tranchée de Mariana, le
point le plus profond de nos
océans. Dans le passé, plusieurs
hommes ont tenté la descente. En
1960, à bord du Trieste, ce sont
Don Walsh et Jacques Piccard qui
ont battu le record en descendant
jusqu’à 10 916 mètres sous la
surface. Depuis ce jour, leurs
exploits ne font qu’être mis au défi
par de grands aventuriers
millionnaires, qui peuvent se payer
les prix exorbitants des nouvelles
technologies sous-marines. En
2102, le record fut presque battu
par les actrices américaines Nicole
Simard et Amanda Norris. Par
contre, ces dernières durent Estimés à des profondeurs de
remonter 5 mètres avant le record, 11  034 mètres, ces paysages
car elles arrivèrent à la fin de leur obscurs font partie des 95 pour
playlist iTunes. À la suite de cet cent des océans encore inexplorés.
échec, tous les sous-marins furent Ce sera le jour où l’équipe,
équipés d’un centre de minutieusement choisie, du
divertissement complet. Afin de MSUB20 guidera les premiers
faire place à ce dernier, les humains jusqu'aux secrets qui se
ingénieurs durent enlever les cachent au fond de la tranchée.
bombonnes d’oxygène de secours, L’équipe, composée de deux
maintenant considérées comme un femmes et d’un homme, fut choisie
luxe non nécessaire. à l’aide d’une longue suite
Malheureusement, malgré cet d’épreuves. Toutes les épreuves
ajustement, ces profondeurs ne furent télévisées mondialement, et
furent plus jamais atteintes. ce fut le public qui vota pour le
destin de leurs participants favoris.
Par contre, aujourd’hui, tout cela Après plusieurs semaines
va changer. L’équipe du MSUB20 d’élimination, ce fut Agata
tentera de descendre au point le Borowski, la Polonaise de 22 ans,
plus profond de la tranchée. qui gagna le vote du public en

53
raison de sa popularité sur les
médias sociaux. Par la suite, ce fut
Juan Santamaria, le Colombien de
43 ans, fils de l’un des plus grands
investisseurs du projet, qui reçut
assez de «  votes  » pour être dans
l’équipe. Finalement, le troisième
membre de l’équipe élue fut
Samantha Smith, la jeune
adolescente américaine de dix-huit
ans, qui était une favorite du
public en raison de son décolleté
provocateur. C’est cette équipe de
jeunes ambassadeurs mondiaux
qui deviendront aujourd’hui des
pionniers de la science moderne.
Le moment est arrivé. Plus de cent
robots journalistes sont présents,
au port japonais, pour ce grand
départ. Directement sortis de leur
séance photo de départ, Agatha,
Samantha et Juan s’aventurent
pour la première fois à bord de
leur engin. Le sous-marin,
complètement automatisé, les
mènera à une profondeur de
11  034 mètres avant de les
ramener à la surface.
10 h 45
La descente commence.
Les premiers quarante mètres sont
faciles. Ceci marque la limite de
profondeur pour la plongée
récréative.
C’est à 100 mètres que les choses
se corsent. C’est la limite où la
plongée récréative peut devenir
dangereuse.
À 500 mètres, on arrive à la limite
de la profondeur à laquelle les
baleines bleues plongent, malgré le
fait que l’espèce est disparue
depuis plusieurs années.
A 535 mètres, la pression de l’eau
est équivalente à celle d’un ours
polaire qui marche sur une pièce
de vingt-cinq sous.
Les 1  000 mètres marquent la
limite où la lumière peut pénétrer.
La pression ressentie à cette
profondeur équivaut à celle qu’un
humain ressentirait à la surface de
la planète Vénus.
À 2  250 mètres, on retrouve la
limite à laquelle le cachalot plonge.
À 4  267 mètres, on atteint la
profondeur moyenne des océans.
À 6  000 mètres, la pression est
1  100 fois plus grande que celle
ressentie à la surface de la Terre.
À 8  848 mètres, on arrive à la
hauteur du mont Everest.
Et puis finalement, à 10  916
mètres, Agatha, Samantha et Juan
passèrent le point le plus profond
atteint par des humains. Ces
derniers célébrèrent leur victoire
brièvement avant d’atteindre les
11 000 mètres, et de réaliser qu’il y
avai t qu e l qu e c h o s e qu i ne
fonctionnait pas.
Samantha fut la première à
remarquer qu’elle se sentait moins
pesante qu’avant. Soudainement,
les trois explorateurs tombèrent
dans une sorte d’apesanteur. Le
sous-marin commença à accélérer.
Une force quelconque poussa les
54
explorateurs au plafond comme si
la surface venait de changer de
côté. C’est alors que Juan
remarqua que de la lumière
commençait à pénétrer l’eau.
Agatha, elle, vit pour la première
fois de sa vie de grands animaux
nageant autour du sous-marin. Les
trois savaient maintenant que,
malgré leurs croyances, le sous-
marin remontait à la surface et ne
s’enfouissait pas dans le fond de
l’océan.
Lorsque le sous-marin arriva à la
surface, le brusque arrêt fit tomber
les explorateurs. Les trois
décidèrent alors de sortir de
l’engin afin d’être accueillis par
leurs milliers de supporteurs
virtuels. Par contre, ce qu’ils virent
à la sortie du sous-marin n’était
pas du tout ce que les trois jeunes
adultes s’attendaient à voir.
Devant eux se dressait de la terre,
Diplômée en destruction
Amanda Jipa
J’ai toujours été rêveuse. Depuis
ma plus tendre enfance, on m’a dit
que je pouvais accomplir tout ce
que je voulais. Cette naïveté et
cette innocence, quelque peu
corrompues, je ne le nierai pas,
m’ont suivie jusqu’à la fin de mes
jours. En fait, c’est elles qui m’ont
enterrée. Mes collègues et ma
famille m’ont déconseillé de faire
les expérimentations. Mais je
devais les faire… pour mes
ancêtres. Pour mon pays. Pour
bâtir un monde meilleur.
de l’eau, des plantes et des
animaux qu’ils n’avaient jamais
vus auparavant. Cela ne
ressemblait pas du tout à la Terre
sur laquelle ils avaient grandi, avec
un ciel gris et un vent constant sec
et chaud. C’était simplement
magnifique. Samantha reconnut
quelques-uns des animaux par leur
ressemblance aux dessins animés
qu’elle écoutait lorsqu’elle était
petite. Lorsque les jeunes levèrent
la tête, ils aperçurent ensuite qu’ils
n’étaient pas du tout à la surface.
Ils se situaient plutôt dans une
sorte de monde inversé. Cette
gigantesque salle ronde fermée
était recouverte de terre et
d’océans et retenue par une force
de gravité quelconque. Les trois
restèrent silencieux pendant un
moment. Finalement, ce fut Juan
qui se prononça  : « On nous a
menti… La Terre n’a jamais été
pleine… »

Mes années universitaires n’ont
pas été faciles, mais j’ai fini avec la
meilleure moyenne de ma
promotion. J’attribue ce succès à
ma persévérance et à ma curiosité
quasi innées. J’ai obtenu mon
diplôme d’études universitaires le
jour de l’annonce officielle du Peak
Water du dernier glacier en Suède.
Dorénavant, la quantité d’eau
douce déversée dans les fleuves de
ma région, l’une des plus
industrialisées dans le monde,
serait dangereusement minime. Et
55
là, les vrais conflits allaient
commencer. À la lumière de cette
inquiétante nouvelle, j’ai senti le
devoir de mettre à profit les
connaissances que je venais
d’acquérir au cours de mes cinq
années en médecine. Je me suis
rappelé l’histoire de mes ancêtres
ayant péri dans la guerre civile
suivant le fameux Jour Zéro au
Cap. Impossible de laisser la
violence l’emporter une fois de
plus; heureusement que la science
était de mon côté.
Afin de combattre les pénuries
d’eau à travers le monde, je
comptais inventer une technologie
qui enlèverait les contaminants de
l’eau qu’il nous restait tout en la
filtrant, afin qu’on puisse la
recycler plus efficacement. Pour ce
faire, j’ai développé un immense
réseau de zones humides qui
absorberait les polluants des eaux
usées. À travers mes quelques
semaines de recherche, j’ai
rencontré deux spécialistes dans le
domaine du réchauffement
climatique, ainsi que deux
diplômés en gestion, et ensemble
nous avons formé une équipe.
Nous avons d’abord expérimenté à
Stockholm, et bientôt, notre projet
prit une ampleur nationale.
L’instauration de zones humides
servant à la clarification de l’eau
n’était rien de neuf. En effet, si je
ne me trompe pas, cela existait
même dans le temps de mes
ancêtres sud-africains! Ce qui
allait distinguer nos nouvelles
technologies des plus vieilles,
c’était l’utilisation de plantes
aquatiques flottantes, mais qui se
reproduiraient à une telle vitesse
que nous n’aurions pas à
intervenir pour accélérer le
processus. Sans oublier que nos
zones humides seraient
gigantesques: c’était vraiment
notre dernière chance de sauver la
planète et ses nombreux habitants.
Nils et Klara, les diplômés en
gestion, avançaient que cela serait
avantageux du point de vue
économique. Elias et Astrid, les
scientifiques, de leur côté me
prévenaient du danger qu’on
pourrait rencontrer à intervenir
dans la nature. J’avais si soif
d’accomplir quelque chose d’aussi
important et immense que j’ai
bouché mes oreilles aux
scientifiques qui étaient, de toute
façon, bien moins spécialisés que
moi. Je me dirigeai donc vers le
laboratoire où j’avais complété
mes études quelques mois
auparavant, et je me mis à analyser
la reproduction d’espèces à
croissance rapide. Malgré les
critiques des scientifiques de mon
entourage, j’ai pu proposer mon
projet au gouvernement suédois, et
il fut accepté et bientôt mis en
56
marche. Mille deux cents
lagunages seraient construits à
travers le pays en trois mois.
En un mois, notre équipe a fait
trois millions de couronnes
suédoises vu l’apparent succès de
nos technologies. Nous restaurions
l’espoir chez notre peuple en
même temps de faire fortune…
C’était magique.
12 avril 2118. Minuit onze: l’heure
qui était affichée sur mon iPhone
381Z quand j’ai répondu à l’appel
d’Elsa Kvistad, première ministre
suédoise.
— Mademoiselle Thunberg!
s’exclama-t-elle d’une voix
distinctement effrayée.
Mademoiselle Thunberg! Écoutez
les nouvelles! Vos lagunages
ravagent le pays!
À moitié endormie, je ne
comprenais pas ce qu’on me
communiquait.
Sauvons la planète un véhicule à la fois
Margot Vinet
En ce matin glacial du mois de
mars 2020, le réveille-matin du
jeune Isaac sonne de plein fouet.
Malgré le volume au maximum, le
jeune Isaac se bat pour poursuivre
son sommeil profond. Étudiant en
chimie dans une université très
réputée du Québec, Isaac souhaite
fortement rester au lit en cette
journée hivernale très froide et
sombre puisqu’il a travaillé sur un
— Mademoiselle Thunberg! Vos
plantes! VOS PUTAINS DE
PLANTES SONT PARTOUT!
J’ai allumé la télévision. La ville de
Helsinbourg, où l’on avait installé
le plus de lagunages, était
submergée par nos plantes qui ne
cessaient de croître. Les égouts
étaient bloqués et les plantes
avaient atteint les fondations des
bâtiments. On annonçait déjà des
milliers de blessés et des centaines
de décès. Un avis d’évacuation
défilait dans le bas de l’écran et
j’entendais au loin le son de
sirènes. Incapable d’écouter
passivement cette souffrance, je
me suis précipitée vers la sortie,
pressée d’aider les pauvres
victimes de mon inadvertance. En
déposant le pied en dehors de ma
demeure, j’ai reçu une balle
provenant de la main d’Astrid.
Avant qu’elle traverse l’outil
m’ayant permis de concevoir ce
réseau de plantes destructrices, j’ai
pensé à mes ancêtres. Ils n’étaient
pas morts pour que le monde voie
l’aube d’un nouveau Jour Zéro…

travail presque toute la nuit. Il
ouvre l’œil et en regardant l’heure,
il décide de rester au lit un petit
peu plus longtemps qu’à
l’habitude. À l'aise et confortable
dans son sommeil, Isaac se fait
réveiller de façon brusque par le
bruit alarmant de multiples
klaxons qui semble provenir de la
rue principale. Il ouvre donc ses
yeux doucement alors que son
57
regard se pose sur son cadran qui mourra prochainement si
indique 12:00. En sursaut, Isaac se personne ne passe à l’action. Je
lève de son lit comme une flèche devrais mettre la main à la pâte et
et, à la vitesse de la lumière, tenter d’être cette personne qui
s’habille, se brosse les dents, trouvera la solution à cette
descend au rez-de-chaussée et pollution monstrueuse  », pense
court vers l’arrêt d’autobus. Isaac avec conviction.
Alarmé par la situation, le jeune
étudiant assidu et organisé est
anxieux face à son retard
considérable en classe puisque cela
est une situation qui ne lui arrive
jamais.

Une fois à l’arrêt d’autobus,

essoufflé, Isaac prend position sur
le siège et attend son passage. Près
Touché par cette situation qui est
de trente minutes après son
directement reliée au
arrivée, Isaac s’y retrouve toujours
réchauffement climatique et qui
puisque l’autobus n’est toujours
l’alarme considérablement depuis
pas passé. Il regarde sa montre et
un certain temps, Isaac décide de
constate qu’il n’arrivera pas à
prendre son après-midi de congé
temps pour son dernier cours de la
pour mettre son savoir au profit de
journée. Il prend donc la décision
l’environnement. Emballé par
de rebrousser chemin et d’aller
cette idée géniale, Isaac déborde
faire des travaux chez lui. Sur le
de motivation et décide de mettre
chemin du retour, Isaac est déçu
son grand intérêt pour les sciences
d’avoir manqué une journée
à l’épreuve en tentant d’améliorer
d’école puisque son champ d’étude
la situation catastrophique du
le passionne vraiment. Les
réchauffement climatique en
sciences ont une grande place dans
découvrant une alternative au
sa vie. Il aime réfléchir, créer et
pétrole qui serait inoffensive pour
surtout innover. En marchant sur
l’environnement.
la rue, le jeune scientifique réalise
à quel point la présence de
«  Je vais révolutionner le monde
véhicules roulant au pétrole sur les
avec ma nouvelle invention! Mon
routes au Québec est énorme.
carburant écologique sera
l’invention scientifique du
«  Ah, ces satanées voitures. Elles
siècle! », pense Isaac.
sont tellement bruyantes et
engendrent une quantité
Isaac souhaite développer une
astronomique de pollution. Je
solution miraculeuse qui sera
pense qu’il devrait exister un
inoffensive pour l’environnement,
carburant écologique pour réduire
mais ce n’est pas un jeu d’enfant.
l’empreinte écologique de ces
Utilisant son savoir, ses
véhicules puisque notre planète

58
connaissances ainsi qu’en fouillant
sur Internet, de site web en site
web, de recherche scientifique en
recherche scientifique et de livre
en livre, Isaac pense avoir rapatrié
les éléments nécessaires pour créer
une solution chimique pouvant
remplacer le pétrole. Il descend
donc dans son sous-sol où se
trouve un petit laboratoire de
chimie. Ayant en main tout le
matériel scientifique ainsi que les
solutions chimiques nécessaires à
la fabrication de la solution
miracle, Isaac se vêt de ses
lunettes, de son sarrau ainsi que de
ses gants et commence à mélanger
les proportions des solutions à sa
disposition. Suivant sa théorie à la
lettre, Isaac pense avoir concocté
une solution qui pourrait
révolutionner le monde des
transports. Surexcité par sa soi-
disant découverte, Isaac sort
dehors à la course pour aller
essayer son carburant écologique
dans le véhicule de ses parents,
mais réalise rapidement que ses
parents sont encore au travail et
qu’il n’y a pas d’automobile à sa
disposition pour tenter son
expérience.
Attristé par cette situation, Isaac
réfléchit et se souvient que son
père vient de s’acheter une
nouvelle voiture et que l’ancienne
est dans le garage. Convaincu que
son carburant révolutionnaire est
sans danger, il retire le pétrole de
l’automobile et y verse une partie
de la solution chimique. Nerveux à
l’idée de briser le moteur du
véhicule, Isaac reste fermement
convaincu qu’il vient de produire
le nouveau carburant moderne. Il
tente donc de démarrer l’auto.
Pour un bref instant, un léger bruit
de démarrage se fait entendre,
mais Isaac se met à percevoir de la
fumée.
«  Oh non! Mais qu’est-ce que j’ai
fait? », s’exclame Isaac.
Horrifié par cette tournure
d’évènements, il éteint le moteur
en vitesse et observe les dommages
physiques sur l’automobile.
Heureusement pour Isaac, la
fumée a cessé et le mécanisme du
moteur semble intact.
Isaac doit donc réviser ses notes
ainsi que les substances utilisées,
leur quantité et leur concentration.
Isaac se creuse la tête et poursuit
ses recherches. Après trois heures
de travail ardu, il réalise qu’il
manque un ingrédient qui aidera à
l’activation du moteur. Isaac a
établi les caractéristiques de cet
ingrédient manquant, mais ne
semble pas capable de l’identifier.
Puisqu’il est épuisé, il décide
d’aller expliquer son projet du jour
à ses parents. Ses parents sont
emballés par le projet et félicitent
Isaac pour son travail. Comme
trois têtes valent mieux qu’une
seule, ils décident de réfléchir tous
ensemble à identifier l’ingrédient
mystère.
Après plusieurs heures de
discussion mouvementée,
l’ingrédient mystère s’avère être
l’huile de cannabis en raison de ses
propriétés miraculeuses,
biologiques et énergétiques.
Puisqu’elle possède une plantation
de cannabis, la famille d’Isaac se
59
dépêche d’aller cueillir quelques
feuilles de cannabis pour en
extraire l’huile. Isaac se précipite
dans son laboratoire de chimie et
en ajoute une quantité précise au
carburant écologique qu’il a conçu
plus tôt. Fier de son fils, le père
d’Isaac lui propose de mettre à
l’épreuve le carburant écologique
sur sa nouvelle voiture. Enchanté,
Isaac est maintenant prêt à vivre
son moment de vérité.
Comme prévu, la solution
chimique d’Isaac est un grand
succès, la voiture démarre, roule
Sarquofax
Audrey-Ann Belzile
10 juin 2050. 7 h 00 du matin. Le
réveille sonne. Je me prépare un
café bien noir et deux rôties
tartinées à l’avocat comme à
l’habitude. J’enfile mes vêtements
les plus confortables et mets par-
dessus la touche finale: mon
sarrau blanc. Je suis prête, alors je
me rends au travail, dans une
firme qui se nomme Canquo. Cela
fait plus de quatre ans que ma
routine est la même. Les mêmes
mouvements, les mêmes habits, la
même nourriture et finalement, la
même expérience. Depuis
quelques années, le cancer touche
environ trois quarts de la
population. Si la tendance se
maintient, il n’y aura plus
d’humains sur cette planète dans
maximum cinquante ans. C’est
pourquoi je travaille tous les jours
avec plus de deux mille collègues
sur les cellules cancéreuses afin de
trouver un remède contre cette
avec succès, ne produit pas de gaz
à effet de serre. Tout emballé par
sa nouvelle invention, Isaac se
promène en voiture dans la ville de
Montréal et crie sur tous les toits
qu’il révolutionnera le monde des
transports!
Impressionnant ce que manquer
son autobus un matin d’école peut
apporter à la science! Cette
invention par le jeune scientifique
Isaac ne fut que le début de sa
carrière scientifique qui fut
remplie d’une foule de découvertes
subséquentes.

maladie. Malgré la routine,
aujourd’hui est un grand jour. Une
équipe de la firme aurait
finalement créé une substance qui
contrôlerait le développement du
cancer chez les cellules. Si celle-ci
fonctionne, elle pourrait être
administrée en vaccin à toute la
population et mettre un trait sur le
mot cancer pour toujours.
J’observe avec toute mon attention
les cellules cancéreuses et leur
ajoute la substance nommée
Sarquofax. Étonnamment, la
réaction est instantanée. Je vois
déjà une disparition des mutations
et un retour à la normale. Mes
collègues voient exactement la
même chose. Mais nous nous
réjouirons plus tard, car nous
savons tous que des changements
peuvent se produire et ce, très
rapidement.
60
15 juillet 2050. Aucun changement
notable sur les cellules depuis le 10
juin selon plusieurs facteurs. Le
directeur général de la compagnie
nous ordonne donc de commencer
à produire du Sarquofax en
quantité industrielle. Il est temps
pour le lancement du produit. Je
trouve personnellement qu’il est
trop tôt pour administrer cette
substance à tout le monde, car
selon ma perception des choses, il
faudrait le tester encore et encore
jusqu’à ce que la perfection du
produit soit atteinte. Par contre,
seulement une petite partie des
scientifiques de la firme pense la
même chose qui moi, alors la
majorité gagne.
1er août 2050. Jour du vaccin.
Toute la population est convoquée
obligatoirement dans les centres
de santé afin de se faire vacciner
contre le cancer. Le vaccin se
donne gratuitement, alors
personne n’a de raison de ne pas
recevoir le traitement. L’euphorie
règne dans les villes du monde
entier. Le cancer va enfin
disparaître. En fin d’après-midi, je
m’administre moi-même le vaccin
sur ma chaise favorite dans mon
laboratoire et, malgré tout, je me
sens libre. Après toutes ces années,
nous avons enfin réussi. Pour la
première fois depuis très
longtemps, je décide de prendre
une soirée de congé et de me
rendre au bar du coin afin de
célébrer. Je commande mon
cocktail préféré: le mojito à la
framboise. Avant de commencer à
siroter mon breuvage, j’observe les
gens autour de moi. Je crois que
c’est le plus beau jour de ma vie.
J’ai contribué à la sauvegarde de
l’humanité. La soirée est encore
jeune et le bar commence à se
remplir. Je m’avance vers ma
boisson. Illumination. Nous
n’avons pas vérifié l’effet de
l’alcool sur le Sarquofax. J’en étais
sûre! Nous avons oublié un
paramètre! J’essaie de me calmer
intérieurement. Peut-être qu’il n’y
aura aucun effet. J’observe autour
de moi les gens qui commencent à
boire et tout semble normal. Une
heure plus tard, je suis toujours
assise et je fixe les personnes
intensément, mais rien ne se
produit. Je décide donc de rentrer
et de laisser mon verre de mojito
sur le comptoir.
1er août 2055. Cela fait cinq ans
que les vaccins ont été
administrés. Je travaille
maintenant dans l’hôpital de la
ville et j’adore cette nouvelle vie.
Aujourd’hui est une journée hors
du commun. Dix hommes avec des
douleurs abdominales extrêmes
sont dans la salle d’attente. Je les
examine un par un et la douleur se
situe exactement au même endroit.
Elle semble très semblable chez
61
chaque homme. Alors, plusieurs retour chez Canquo. Depuis ce
tests sont faits sur eux. Je jour, je cherche la cause de
découvre, en regardant les l’infertilité et je crois avoir enfin
résultats, que ces hommes sont trouvé: chaque homme ayant reçu
infertiles. Bizarrement, pendant la le vaccin pour le cancer et ayant bu
consultation, aucun d’eux ne m’a de l’alcool est devenu infertile cinq
informée d’une telle chose. ans après la première
consommation. Je crois que c’est
1er octobre 2055. Depuis deux la fin du monde, après tout...

mois, une quantité industrielle
d’hommes ont visité l’hôpital. Ils
ont tous les mêmes douleurs
abdominales et le diagnostic est
toujours le même: l’infertilité. Je
ressens le besoin de savoir
pourquoi. Étant une personne très
curieuse, il me faut toujours des
réponses et peu importe les efforts
qui doivent être mis pour trouver
des réponses, je m’investis.

1er août 2056. Cela fait un an que

les dix hommes avec des douleurs
abdominales ont fait leur
apparition à l’hôpital. Je suis de

La pensée
Charles Robidoux
La foule qui s’étendait à perte de
vue le long des clôtures en
ceinturant la voie était si bruyante
que Connor ne s’entendait même
pas respirer, lui, pourtant qui
haletait pratiquement après avoir
parcouru autant de chemin. Le
soleil n’était pas encore à son
zénith que la lumière reflétait tels
des couteaux sur son visage dans
un spectacle éblouissant. La
chaussée de son côté laissait se
dégager une odeur de bitume à
force d’être contrainte à cette
chaleur étouffante. La file
d’arrivée, l’endroit le plus bruyant
et festif de tout Boston, en cette
Journée des patriotes, il y
parvenait enfin. Le jeune homme
de vingt-huit ans s’était entrainé
toute l’année afin de pouvoir
compléter cette épreuve mythique
qu’était le marathon de Boston. Il
pouvait enfin apercevoir les
drapeaux des différents pays qui
bordaient l’arrivée; cela signifiait
qu’il ne lui restait seulement que
quelques enjambées de plus pour
terminer le plus vieux marathon
annuel. Il se plaça sur le côté
gauche des clôtures pour taper

62
dans la main des spectateurs en
furie quand…
— Connor..? Connor, réveille-toi.
Voilà maintenant déjà deux
semaines que Connor avait perdu
une jambe lors des explosions du
marathon de Boston et toujours il
refaisait le même cauchemar dans
lequel il se voyait sur le point de
croiser le fil d’arrivée, quand une
première bombe éclata sur
Boylston Street, à seulement
quelques de mètres de lui.
L’explosion lui déchira quasiment
la jambe gauche quand des billes
d’acier et des clous de métal
rouillés pénétraient son membre
inférieur à une vitesse fulgurante,
l’envoyant du même coup dans le
coma. Lorsqu’il se réveilla aux
soins intensifs, sa femme Judith
était à ses côtés  et elle lui apprit
que sa jambe avait été amputée au-
dessus du genou en raison des
dégâts dévastateurs de la bombe
artisanale. Connor était en état de
choc en apprenant la nouvelle. Il
nageait entre un sentiment de
haine et d’incompréhension en se
remémorant les brefs souvenirs
qu’il avait des attentats. Tant de
plaisir et de sentiment
d’accomplissement en un moment
et en même temps un sentiment
d’effroi et de douleur. Lui qui
quelques heures auparavant était
sur le point de compléter un
marathon se retrouvait désormais
en chaise roulante avec une jambe
manquante.
Lorsqu’il se retourna vers sa
femme qui venait de le réveiller de
son mauvais rêve qui relatait un
moment noir de son existence, elle
lui dit :
— Encore ce vilain cauchemar,
hein?
— Oui. J’ai assez hâte de passer
par-dessus.
— Je te comprends, mon amour.
Tu vas voir, après aujourd’hui, tu
vas retrouver ton aplomb et qui
sait, tu vas peut-être pouvoir
refaire le marathon l’année
prochaine. Allez, recouche-toi,
c’est une journée importante
aujourd’hui.
Aujourd’hui, c’était son tout
premier rendez-vous avec la firme
robotique Live Always, qui lui
promettait le remplacement de sa
jambe par une prothèse robotisée.
Il espérait énormément de cette
nouvelle technologie qui avait été
financée par l’armée américaine
dans le but d’assurer une certaine
qualité de vie aux soldats ayant
perdu des membres et qui avait été
ensuite commercialisée par la
firme robotique new-yorkaise.
Cette prothèse, le modèle G-22, se
détaillait à quelques quatre-vingt-
dix mille dollars et nécessitait une
opération afin d’insérer des
63
récepteurs nerveux dans le muscle
de sa jambe et de recréer le lien
entre le cerveau et le nouveau
membre qui avait été sectionné
durant l’amputation. Le membre
robotique venait par la suite
directement se brancher sur ces
mêmes récepteurs et le contrôle du
membre se faisait presque
inconsciemment comme si le
membre robotique avait toujours
été là. De plus, un amplificateur
était greffé au cervelet dans le but
d’augmenter le courant électrique
qui se rendait au membre
robotique puisque celui-ci n’était
pas en mesure de capter les
courants envoyés par l’encéphale.
L’opération se déroula à merveille
et en moins de dix minutes,
Connor était de nouveau en
mesure de marcher et de
complètement contrôler sa
prothèse robotique. Il avait peine à
contenir sa joie. Il courut pour
prendre sa femme dans ses bras en
manquant de tomber à la renverse.
Après quelques tests de
coordinations et quelques
ajustements, ils étaient prêts à
retourner dans leur charmante
maison du Brighton à Boston pour
que Connor se remette de son
opération.
+++
Quelques jours plus tard, Connor
se sentait de nouveau au sommet
de sa forme et avait même
recommencé à courir malgré les
recommandations du médecin, qui
lui suggérait d’attendre quelques
semaines avant de se remettre à la
course. Le soir même, ils se
rendaient chez son père pour une
réunion familiale afin de célébrer
cette nouvelle étape dans sa vie.
Son père possédait un immense
manoir bâti à même le sommet du
mont Moosilauke situé à deux
heures de Boston. Le paternel avait
été un avocat et ensuite un juge de
renom dans l’état du
Massachusetts dans son jeune
temps et avait désormais une
retraite dorée presque à l’écart de
la société dans sa somptueuse
demeure au milieu de nulle part.
Après un succulent repas où son
frère, ses deux sœurs, ses cousins
et cousines et les parents de Judith
étaient rassemblés, ils sortirent à
l’extérieur en cette journée
nuageuse pour prendre l’air qui
était frais en cette fin du mois
d’avril. Ils se rendirent à pied
jusqu’au plus haut point du mont
où se tenait droite et fière la tour
météorologique qui desservait les
ale ntours. Juste me nt, aprè s
quelque temps, son père leur
conseilla de retourner à la maison
avant que la pluie s’abatte sur eux.
Mais Connor se sentait revivre
depuis qu’il portait sa nouvelle
prothèse et n’écouta pas les
conseils de son père. Il n’avait
qu’une idée en tête, et c’était de
grimper au sommet de la tour
météorologique comme il avait
l’habitude de le faire lorsqu’il était
gamin. Tout le monde l’encouragea
sauf son père et Judith qui
craignaient qu’il ne glisse sur un
des barreaux et se blesse, mais ne
dirent rien pour ne pas briser
l’atmosphère d’énergie positive.
Contre toute attente, il gravit la
64
tour sans aucun problème, même
que Connor avait l’impression que
sa prothèse lui facilitait le travail.
Il commença à descendre lorsque
la foudre le frappa de plein fouet et
Connor s’écrasa sur le sol dans une
chute de neuf mètres. Lorsqu’il se
réveilla, il avait le visage imprégné
de la terre molle et humide. Ce
qu’il vit par la suite le dérouta
complètement et il se pensait en
train de délirer. Il vit en effet une
explosion de différentes couleurs
et des faisceaux lumineux
virevolter dans tous les sens. Ses
yeux étaient tellement éblouis par
toute cette nouvelle information
inconnue qu’il avait de la difficulté
à traiter et interpréter ce qu’il
semblait voir.
De leur côté, ses proches étaient si
stupéfaits qu’il se remette à
marcher comme si rien ne s’était
passé qu’ils l’emmenèrent à
l’hôpital pour comprendre
comment un tel exploit avait bien
pu se produire.
Après avoir analysé les résultats,
les médecins ne comprenaient tout
simplement pas ce qu’ils voyaient.
Ils expliquèrent à Connor que
c’était la première fois qu’ils
étaient confrontés à des résultats
comme les siens. C’était comme si
des régions du cerveau qui
habituellement étaient inactives
étaient désormais actives et
émettaient des signes d’activités
cinquante fois supérieures aux
régions d’activités initialement
connues. Selon leurs hypothèses,
la foudre aurait frappé
l’amplificateur situé sur son
cervelet et aurait inversé pendant
un court instant le sens du courant
et l’immense puissance électrique
de la foudre aurait activé des
nouvelles parties d’exploitation
dans son cerveau.
Connor comprit dès lors que ce
qu’il voyait était une façon de
percevoir son environnement
physique d’une manière différente.
Mais pas simplement différente,
améliorée. L’explosion de couleur
qu’il avait vue au réveil de sa chute
n’était nulle autre que la chaleur
thermique que ses proches et son
environnement émettaient. De
plus, il voyait différents faisceaux
et il comprit qu’il s’agissait du son
et de la lumière. Il voyait
effectivement l’onde lumineuse
descendre vers lui et caresser sa
peau à une vitesse de trois mille
kilomètres par seconde. Il était
capable de la toucher, de la sentir
comme jamais auparavant. De la
même manière, il voyait l’onde
sonore sortir de la bouche de sa
femme comme une vague qui
tranquillement remplissait son
espace visuel en se dirigeant vers
son père et rebondir pour revenir
vers lui dans un chaos de remous.
Tranquillement, il se rendit
compte que le temps était au
ralenti et il voyait le cœur de sa
femme pomper le sang oxygéné
jusqu’à ses capillaires, il voyait
l’influx nerveux partir de ses yeux
jusqu’à son cerveau et finir son
chemin dans les muscles de ses
jambes. Il sentait les composantes
d’amande, d’extrait d’orange et de
lavande dans le parfum de sa
femme et l’odeur de brûlé qui
émanait de tout son corps.
65
Quelques jours plus tard, il était
toujours fasciné par ses nouvelles
capacités et en apprenait toujours
davantage sur sa sensibilité hors
du commun. Ses nouvelles
capacités l’aidaient énormément
dans son emploi comme architecte
puisqu’il était capable de
s’imaginer la construction sur
laquelle il était en train de
travailler si précisément qu’il
n’avait pas besoin d’utiliser de
logiciel de conception 3D.
Seulement avec son imagination, il
calculait toutes les forces qui
allaient agir dans la construction et
sélectionnait les bons matériaux en
fonction de ces informations. Il
était si productif qu’il reçut une
promotion de son patron.
Cependant, quelque chose le
tracassait, car il était constamment
déshydraté et se sentait faible.
Pourtant, il s’alimentait bien et
buvait autant d’eau qu’à
l’habitude. Mais quelque chose se
passait de travers à l’intérieur de
lui et il le sentait. Sa femme était
inquiète de son état, elle qui avait
passé si proche de le perdre à deux
reprises. Elle le conjura d’aller se
faire examiner par des médecins,
mais il était trop obnubilé par ses
capacités qu’il balayait ses
arguments du revers de la main.
Ce qu’ils ne savaient pas, c’était
que les reins de Connor étaient en
train de cesser de fonctionner
puisqu’ils n’avaient plus
suffisamment d’énergie pour
effectuer leur tâche de filtration du
sang. En effet, ses neurones
siphonnaient le gros de son
énergie, maintenant qu’il en avait
trente fois plus, et son corps
s’autodétruisait au détriment de sa
santé pour continuer à faire
fonctionner ses neurones
surdéveloppés. Le mois suivant
avait été en montagnes russes, lui
qui avait développé un nouveau
composé en mélangeant le fer,
l’iridium et l’antimoine donnant
des propriétés à la fois
extrêmement solides et très
souples. Son invention
révolutionna le monde de la
construction et les nouvelles
constructions de bâtiments situées
dans des zones sismiques ne se
construisirent qu’à partir de son
nouveau composé. Il se vit même
remettre le prix Nobel de physique
grâce aux avancées qu’il avait
faites. Cependant, ses problèmes
de santé foisonnaient et bientôt, de
nombreux organes étaient
défaillants ou avaient
complètement arrêté d’accomplir
leurs fonctions. Il avait aussi de
gros maux de tête et il ressentait
des perturbations à même sa
vision améliorée, qui commençait
à le lâcher.
Très mal en point, il se rendit à
l’hôpital et les résultats des scans
confirmèrent la dégradation de son
état. Les chirurgiens lui
expliquèrent que dans peu de
temps, son cœur lâcherait en
entrainant sa mort s’ils ne
l’opéraient pas d’urgence. Il décida
que le goût de vivre et l’amour de
sa femme étaient plus puissants
que tout ce que son intellect
démesuré lui apportait. Les
chirurgiens accomplirent donc les
procédures d’urgence pour tenter
de lui sauver la vie tant qu’il était
encore temps. Ils sectionnèrent
donc le nerf qui était relié à la
66
partie du cerveau qui avait été apparente ne se produit. Malgré
amplifiée lorsqu’il avait été frappé toutes ces complications, tout
par la foudre. L’opération revint en ordre et il reprit le cours
fonctionna et aucune aggravation normal de sa vie.


Jörmungand
Zachary Tremblay
Quatre-vingt-quinze pour cent des un orque aux flancs blancs et noirs
océans du monde demeurent scintillant dans la lumière du
dissimulés du regard humain. soleil. Curieuse, Véronique porte
Quelles merveilles pourraient s’y son regard un peu plus loin et
cacher, nul ne le sait… discerne une masse flottante de
chair qui semble être la destination
« Un peu plus à droite! » ultime du mammifère marin. En
observant le cadavre en détails,
Véronique LeGaule regarde au loin elle remarque sa taille immense et
avec une concentration les nageoires décomposées des
inébranlable. Elle cherche sa cible, deux côtés du corps. Sans doute
celle qu’elle a aperçue il n’y a que une baleine échouée, conclut-elle.
quelques secondes. Ses yeux se
plissent, son front se ride, sa main
vient se reposer sur sa tête pour
essayer de bloquer le soleil qui
tape avec aplomb. Elle
n’abandonnera pas.
Soudainement, elle aperçoit le
bout d’un aileron dorsal.

«  L à ! D i r e c t e n a v a n t !  » ,
s’exclame-t-elle, espérant que le
capitaine puisse l’entendre par-
dessus les bourrasques de vent.
Ces doutes sont rapidement
apaisés et avec joie, elle sent le
bateau sous ses pieds gagner en Elle note aussi la présence d’autres
vitesse. Un sourire vient se poser orques autour de la carcasse, qui
sur ses lèvres et ses mains nagent en rond, s’arrêtant
commencent à trembler un peu. seulement pour prendre une
Tu ne t’échapperas pas, pense-t- bouchée.
elle avec détermination. Se
penchant par-dessus la rampe de «  A r r ê t e l e b a t e a u !  » , c r i e
la proue du bateau, elle voit Véronique, ne lâchant jamais des
l’animal avec clarté : Orcinus orca, yeux le buffet morbide qui se

67
rapproche avec une vitesse
alarmante. Ce n’est que lorsqu’elle
sent le moteur s’éteindre qu’elle se
retourne, marchant d’un pas
rapide vers la petite cabine de
conduite. Entrant brusquement à
l’intérieur, elle repère rapidement
le capitaine et s’avance vers lui, les
mots se formant déjà dans sa
bouche.
«  Capitaine Amaro! On doit se
parler immédiatement!  », gronde
Véronique, sa voix rebondissant
sur les murs de la cabine, son
regard envoyant des lames acérées.
Elle force un sourire sur ses lèvres.
« Je te remercie d’avoir fourni ton
bateau pour mes recherches, mais
je dois te demander de répondre
plus vite à mes… généreuses
recommandations.  » Remarquant
que l’homme ne réagit
aucunement à la réprimande, elle
décide d'être plus agressive:
« Merde, je me fous d’être polie! Si
tu ne m’écoutes pas, espèce
d’enculé, ce voyage marin aura été
accompli pour rien! Alors fais ta
j o b e t s u i s m e s o r d r e s !  »
Véronique voit que le capitaine,
choqué par l’effronterie de son
commentaire, s’apprête à
répondre, mais elle ne lui laisse
pas l’opportunité et sort
immédiatement de la cabine; elle
n’a tout simplement pas le temps
ou la patience pour argumenter
avec lui. De toute façon, c’est elle
qui le paie, donc c’est à lui de bien
faire son métier. Revenant à la
proue, Véronique scrute l’horizon,
cherchant le cadavre de baleine et
les orques qui intéressent tant sa
recherche. Elle le distingue
soudainement, flottant parmi les
vagues, mais réalise aussitôt que
quelque chose ne va pas. Les
orques, pense Véronique. En effet,
elle observe avec malheur la
carcasse maintenant
complètement dépourvue de ses
prédateurs voraces.
«  Putain!  », lâche Véronique sous
le bruit des zéphyrs. Elle a dépensé
des sommes exorbitantes et a
souffert d’horribles conditions
marines pendant plusieurs jours
pour ses recherches et, tout d’un
coup, tous ses cobayes sont
disparus, sans lesquels elle est
venue ici pour rien. Véronique
largue un soupir désespéré au vent
et s’accote sur la rampe, ne
sachant plus quoi faire. Son regard
balaie paresseusement le lointain,
passant par-dessus la baleine
morte à maintes reprises. Elle
remarque avec lassitude que le
cadavre possède une ouverture
géante sur le côté maintenant,
semblable à une bouchée
gargantuesque. Elle aperçoit aussi
avec surprise la carcasse d’un des
orques, flottant en arrière de la
baleine, presque hors de vue.
Soudainement, un embarras
intense s’empare d’elle. Pourquoi y
aurait-il un orque échoué? penses-
t-elle lentement. Ils sont très
robustes et n’ont pas de prédateurs
naturels… C’est à ce moment
qu’elle la voit  : une nageoire
dorsale gigantesque, beaucoup
plus longue que leur bateau et
composée d’écailles et d’épines,
qui sort sinistrement de l’eau à
quelques mètres de la carcasse de
baleine pour ensuite retourner
dans les ténèbres marines.
Véronique reste là, bouche-bée,
68
incrédule devant ce spectacle de la
nature.
«  C o m e m i e r d a ! D o c t e u r e
LeGaule, yo ne sais pas qui vous
pensez être! Votre
comportamiento est complè…  »
Véronique est consciente que c’est
le capitaine qui vient la
réprimander, mais elle n’y prête
pas attention puisque toute sa
concentration est désormais
dirigée vers la tête monstrueuse
qui vient d’apparaître à la surface
de l’eau, tout près de la baleine
échouée. Environ de la même taille
que le cadavre, la tête de la
créature est d’un vert très foncé,
presque brun. Lorsque les
mâchoires s’ouvrent pour prendre
une bouchée du festin décomposé,
Véronique aperçoit des dents
acérées qui ressemblent à du verre
tranchant. Ce n’est que lorsque son
regard se pose sur les yeux luisants
de la créature qu’elle remarque
qu’ils pointent directement dans sa
direction. Elle observe calmement
l’animal et le regarde redescendre
dans l’eau doucement. Aussitôt,
Véronique se retourne et voit le
capitaine en avant d’elle qui
regarde aussi au loin avec la
bouche béante.
«  Mais, Capitaine Amaro, sois pas
si hébété! Nous venons juste de
voir un miracle naturel et ta
bouche est si entrouverte qu’elle
touche pratiquement le plancher!
Un petit pas pour l’homme
Anaïs Nappert Drouin
On me parle souvent de ce à quoi
Va partir le bateau, merde! Nous
devrions pas être si près d’un
cadavre avec un prédateur
nouveau et inconnu dans les
parages. Et putain, dis à un des
matelots d’aller chercher mon
équipement! Nous devons à tout
prix documenter cette découverte
scienti… » Elle est interrompue par
un soudain bercement violent du
bateau et doit s’accrocher à la
rampe pour se balancer. Elle n’a
que le temps de croiser le regard
de panique du capitaine avant de
se retrouver projetée vers la
surface de l’eau. Le vent fouette
son visage, elle aperçoit
brièvement la surface. Elle y entre
douloureusement. Le froid de la
mer la frappe fort, ses muscles se
crispent immédiatement. Son sens
de direction la quitte. Véronique
coule dans le néant. Le bateau se
renverse au-dessus d’elle. Elle
regarde le mat du navire plonger
dans la mer. Elle ne fait rien
lorsque celui-ci la heurte
directement dans le ventre. La
noirceur l’enrobe de plus en plus.
Sur le bord de l’inconscience,
Véronique n’a que le temps
d’apercevoir le serpent marin sous
le bateau, se dirigeant vers elle
avec la gueule entrouverte avant
que ses yeux ne ferment pour de
bon.
la société ressemblait avant que je
69
naisse. Même bien avant que ma
mère ne naisse. Elle était dirigée
par des hommes. Homme. Le mot
sonne toujours bizarre au bout de
ma langue lorsque je le prononce.
Les femmes étaient, pour la
plupart, oppressées et devaient
obéir au moindre désir de ceux-ci.
Cependant, tel n’est plus le cas.
En 3045, la scientifique R o s e
Glendale a conçu une
arme nucléaire
spécialisée qui ne
ciblait que les
personnes ayant des
chromosomes sexuels
différents. Ainsi, tous
les hommes et les
garçons furent
anéantis par la simple
pression d’un bouton. Ce fut
la catastrophe la plus grave de
l’univers. En effet, cette
scientifique folle n’avait pas
réfléchi aux conséquences
désastreuses qu’apporterait le fait
d’éradiquer tout un sexe. À partir
de ce jour, la reproduction était
impossible et ce, pour toutes les
espèces sans exception. Il fallait
donc impérativement trouver une
solution. Les scientifiques se
fondèrent donc sur un concept
découvert plusieurs centaines
d’années auparavant: la
reproduction n’utilisant que deux
ovules provenant de la même
mère. Même la descendance des
animaux fut créée ainsi, de même
que les espèces de plantes. Ainsi,
chaque mère éleva ses filles qui
élevèrent leurs filles et ainsi de
suite. Cette méthode fut celle qui
fonctionnait le mieux et fut
conservée pendant une très longue
période.
Près de cent ans après la
catastrophe, nous sommes sur le
chemin de la réintégration du mâle
dans notre société. Cependant, cela
reste impossible pour le moment
puisqu’il nous manque une
méthode afin de synthétiser le
chromosome Y. Depuis
ma graduation, il y a six
mois, je suis la
scientifique en charge de
la découverte de ce
fameux chromosome Y.
Une si petite chose qui fait
un monde de différence pour
l’être humain tant dans sa
reproduction que dans ses
relations. Cependant, tous mes
efforts furent vains… jusqu’à
aujourd’hui.
Aujourd’hui est un grand jour. En
fait, même ce terme ne permet pas
de définir l’importance de ce
changement dans notre société.
Aujourd’hui c’est la journée où je
regarde enfin dans mon vase de
pétri afin de voir si ce que j’ai
concocté il y a un mois a réussi. Si
j’ai été capable d’extraire et d’isoler
le chromosome Y que j’ai eu la
chance de trouver dans une simple
prune ratatinée pour laquelle
j’avais eu peu d’espoir et qui, par
un miracle ou grâce à une
mutation, avait réussi à garder ce
trait particulier. En fermant mes
yeux et en retenant ma respiration,
j’allume mon cher microscope.
Lentement et avec prudence,
j’ouvre un œil et… « MIRACLE! »
Je crie alors que devant moi se
trouve un petit microscopique
70
chromosome. Il est la
représentation directe de mon dur
travail des derniers mois. Je ne
peux en croire mes yeux. Je dois
confirmer avec mes collègues. Une
fois que ceux-ci ont tous confirmé
le miracle, j’implante sans plus
attendre le chromosome dans
l’ovule fécondé préalablement. Cet
ovule a été sélectionné tout
particulièrement afin d’avoir les
meilleurs attraits possibles. C’est le
cycle le plus angoissant que j’ai
vécu de ma vie entière.
Tous les jours, j’observe mon
magnifique embryon qui se
développe in vitro. Pour l’instant,
impossible de prédire si
l’implantation a fonctionné.
Bientôt, nous pourrons le
transférer à une mère porteuse
sélectionnée pour la qualité de
toutes ses gestations précédentes
afin d’assurer la survie du fœtus en
plus de son développement
optimal.
Cela fait maintenant quelques
mois que la gestation du fœtus est
commencée, nous avons de forts
espoirs pour le dévoilement du
sexe de l’embryon. En effet, je suis
en ce moment même assise dans la
salle du médecin afin qu’elle puisse
faire le premier ultrason qui nous
permettrait enfin de voir si notre
expérimentation a fonctionné. J’ai
mal au ventre, la nausée me prend.
Mais il faut que je reste forte. La
médecin entre, finalement, dans la
salle et commence son examen.
Heureusement, la gestation se
passe bien. Enfin le moment tant
attendu, le grand dévoilement.
Lorsque la docteure révèle enfin le
sexe, mes oreilles bourdonnent. Je
ne crois pas avoir bien entendu.
Celle-ci nous a annoncé que cela
semblait bien être un garçon. Le
premier depuis cent ans.
Notre mère porteuse est surveillée
à chaque moment du reste de la
gestation. Il ne faudrait surtout
pas que quelque chose aille mal.
Les mois passent et j’ai la chance
d’assister à l’accouchement du
sujet 1. Le premier de tous. Sa
mère a choisi de l’appeler Alex,
mais nous le connaîtrons toujours
comme sujet 1. Celui qui changera
le monde à tout jamais. C’est un
beau petit garçon qui naît à
15  h  45, pesant huit livres trois
onces. Il est probablement le plus
précieux enfant pour tous ceux du
laboratoire. Sa naissance est
hautement médiatisée. Toutes
attendaient son arrivée.
Les années passent et je ne me fais
pas plus jeune. Cependant, Alex
est enfin prêt à produire sa
première descendance. Nous
faisons donc les tests nécessaires
afin de savoir si toute cette
expérience et le temps que nous y
avons mis a enfin porté fruit.
Après une batterie de tests
impressionnante, le résultat est
enfin dévoilé. À côté d’où il est
écrit «  fertilité  », on peut voir
a p p a r a î t r e e n g r o s «  N O N
FERTILE  ». Alex, mon sujet 1 qui
était si prometteur pour notre
société, se révèle donc infertile.
C’est avec grande tristesse et
désespoir que je quitte le
laboratoire cette soirée-là.

71
La fin de la galaxie
Matei Dima
Pendant des millénaires, la
population Lekgolo vécut une
existence paisible sur sa planète
natale de Sera. Dès le début de
leur présence, les habitants furent
choyés grâce à une ressource
naturelle incomparable aux autres.
Celle-ci était un minéral connu
sous le nom de Protrium, qui
stockait d'immenses quantités
d'énergie. Seulement une livre de
ce rocher pouvait alimenter la
capitale de la planète pour une
décennie entière. En raison de
cette abondance d'énergie brute,
les Lekgolos de Sera ne connurent
jamais la guerre. Il n'y avait jamais
eu de conflit pour des ressources
ou de débats pour l’obtention du
territoire sur Sera puisque la
grande majorité de la croûte
planétaire était composée de cette
ressource. Aucun territoire n'était
plus précieux qu'un autre. Le
Protrium était capable de se
charger d’immenses quantités
d’énergie sur des milliards
d’années grâce au soleil. Cette
pierre avait une structure
cristalline qui agissait comme des
milliers de miroirs capables
d’absorber la lumière solaire et de
l’emprisonner. Grâce à cette source
d'énergie impressionnante, les
Lekgolos concentrèrent leur
attention sur la science plutôt que
sur les prouesses militaires et sur
la guerre. Leur intelligence
supérieure les avait rendus l'espèce
ultime dans leur galaxie.
Curieusement, ils ne s’étaient
jamais aventurés dans l'espace
pour coloniser d'autres planètes ou
découvrir les secrets de l'univers.
Ils savaient que d'autres formes de
vie existaient tout autour d'eux et
ils étaient conscients qu'ils
pouvaient atteindre ces planètes
lointaines s'ils le désiraient.
Cependant, l'effort n'avait jamais
été fait puisque les citoyens de
Sera n'avaient aucune raison de
voyager. Tout ce dont ils pouvaient
rêver se créait à base de Protrium.
Alors que les Lekgolo ne se
préoccupaient pas de l'espace, ils
n’avaient jamais considéré que
quelqu'un d'autre leur rendrait
visite. Leur manque d'ambition
contribuerait à leur défaite.
Durant une journée comme toutes
les autres au paradis qu’était la
planète Sera, un objet volant non
72
identifié apparut de l’abysse. Grâce
à un télescope spatial, un énorme
vaisseau rectangulaire put être
observé. Il avait quatre énormes
moteurs à réaction pulsant un bleu
solide. Des symboles inconnus
étaient gravés sur son fuselage.
Même si le vaisseau n’était pas une
merveille du design, son énormité
était impressionnante. La panique
se répandit rapidement parmi les
citoyens de Sera alors que le
vaisseau s'approchait de leur
planète. Cependant, ils ne
pouvaient rien faire pour l'arrêter.
Jamais ils n'avaient éprouvé
autant de peur et de confusion
qu'en cette journée. Le monolithe
de l'espace avait lentement fait son
atterrissage sur la surface de Sera
avec un rugissement tonnant
provenant des moteurs.
Rapidement après l’arrivée de ces
extraterrestres, les plus grands
esprits de Sera furent capables de
déchiffrer la langue parlée par les
visiteurs. Ces êtres expliquèrent
alors comment leur planète
connue sous le nom de «  Terre  »
avait été ravagée par une pluie de
météorites qui les avait ruinés. Le
vaisseau dans lequel ils
voyageaient était leur dernier
effort pour maintenir la race
humaine en vie. Ils avaient été
envoyés, il y a des décennies, à la
recherche d'une nouvelle planète
habitable sur laquelle ils
pourraient reconstruire, seulement
pour se retrouver ici, sur Sera.
Il n'a pas fallu longtemps aux
humains pour trouver un intérêt
dans le précieux minéral
accumulateur d'énergie qui se
trouvait partout sur la planète. Les
Lekgolos ressentaient de la pitié
pour les humains et un accord fut
conclu pour que les humains aient
cent ans d'accès aux ressources de
Sera. En échange, les Lekgolo
exigèrent que les humains leur
enseignent sur leur civilisation et
la Terre. Au fil du temps, de
nouveaux types de navires
humains arrivèrent sur les lieux,
de plus en plus intimidants et
e f f i c ac e s à c h aqu e no u ve l l e
itération.
Cependant, le contrat minier
arrivait à sa fin, et quand la date
arriva, les humains ne la prirent
pas à la légère. Le problème avec
les humains était qu'ils en
voulaient toujours plus, plus qu'ils
n'en auraient jamais besoin. Leur
immense avidité devint
problématique pour les Lekgolos et
ils furent forcés de les bannir de la
planète. Cependant, les gens de
Sera savaient que les envahisseurs
seraient de retour. Ils devaient se
préparer à un conflit comme ils
n'en avaient jamais vu auparavant.
Malheureusement, il était trop
tard, il avait toujours été trop tard.
Alors que les habitants de Sera
n'avaient plus de temps pour se
préparer, ils avaient donné aux
humains un siècle entier quand ils
leur ont permis de défigurer leur
planète. Les Lekgolos avaient été
assez naïfs pour croire que leur
don aux humains servirait à
reconstruire leur planète. En
réalité, les humains avaient
commencé à planifier une invasion
dès leur premier retour.
73
Une guerre sanglante s'ensuivit
lors du retour des humains qui
dura un millénaire. Chaque
civilisation occupait sa partie de la
planète à partir de laquelle ils
pouvaient extraire toute l'énergie
dont ils avaient besoin. Alors que
l'effort de guerre restait inarrêtable
pour ce qui semblait être une
éternité, Sera commençait enfin à
s'assécher. Le Protrium n'était pas
une source d'énergie renouvelable.
Tout comme le pétrole, ce dernier
se formait sur d’énormes périodes
de temps et une quantité limitée de
la roche existait. Quand Sera fut
finalement épuisée de sa source
d'énergie, la planète devint un
désert total. Les plantes, la faune,
les sources d'eau dépendaient
toutes du précieux minerai pour
survivre. Avec toutes les roches
maintenant disparues, un nouveau
conflit émergeât entre les espèces
Zeta 4
Gabriela Soucy-Cardoso
L’ADN est la base de la génétique.
Elle détermine ce que nous
sommes en tant qu’être vivant,
chat, bactérie ou encore humain.
Yeux bleus, cheveux noirs,
intelligence supérieure, tout est
prédit par l’ADN que nous
possédons à la naissance.
En 2037, un professeur de
l’université de Washington fait une
découverte qui bouleverse le
monde. Il est possible de créer un
être vivant viable seulement à
partir de fragments d’ADN
d’autres espèces. Ce premier être
est appelé Odocoileus Lepus, un
pour la survie. Comme il ne restait
plus de ressources, les humains
n'avaient aucun moyen de rentrer
chez eux.
Tout était revenu à l'âge de pierre
et toute vie fut effacée de la surface
de Sera en seulement quelques
mois lorsque le Protrium fut
épuisé. Sur Terre, la production de
nouvelles armes était sans fin pour
l'effort de guerre de Sera. Les
Terriens croyaient que leurs
vaisseaux ne revenaient pas parce
que la guerre faisait rage alors
qu'en réalité ils envoyaient chaque
nouvel équipage à sa mort, sans
aucun moyen de le savoir.
Lentement, mais sûrement, la
Terre s’asséchât de ses ressources
comme Sera l'avait fait avant elle
et elle retourna lentement à son
époque archéenne, dépourvue de
vie et d’existence. 

hybride entre un cerf de virginie et
un lièvre d’Amérique. Cette
réalisation ouvre la porte à la
création de nouveaux êtres vivants
à la fine pointe de la génétique.
Finalement, en 2041, Hitarachi
Ryoichi réalise le premier être
humain génétiquement modifié
qu’on nomme Alpha A1.
Cependant, ce premier prototype a
une apparence très bestiale. À la
suite de cette réalisation, une
course pour l’hybride le plus
puissant s’ensuit. Lorsque la
Troisième Guerre mondiale éclate,
les modèles Delta sont sur le front.
Comparativement aux modèles
74
Alpha et Beta qui s’approchaient
de l’animal plus que de l’humain,
Delta est humanoïde. Ces modèles
sèment la mort derrière eux et sont
redoutés sur le champ de bataille.
L’armistice qui signale la fin de la
guerre est signé ainsi que le traité
de Seoul, qui proclame
l’interdiction de poursuivre les
recherches sur les humanoïdes.
Ainsi commence l’exécution de
tous les modèles toujours vivants
d’Alpha à Zeta.
+++
Il pleut, le son métallique des
machine s ré sonne e ntre le s
bâtiments en reconstruction. Je
regarde les gouttes de pluie éclater
sur les vitres, lavant la poussière
de l’air. Soudain, une voix retentit.
—Iris Deniau! Descendez
immédiatement!
— Oui, Mme Célice.
Je cours vers la cage d’escalier.
Dans la cafétéria, le bruit
d’ustensiles se mélange avec le
chahut d’enfants en plein festin. Je
m’assois à ma table habituelle et
commence à enfourner de grosses
bouchées de pommes de terre
pilées.
- Riri. Riirii. RiiiRiii!
Je lève la tête de mon assiette. Je
rencontre le regard agacé d’une
fillette aux bouclettes blondes.
— Oui?
— Écoute quand je parle! Alors
comme je disais, est-ce que tu
penses qu’il y aura quand même la
sortie en ville malgré la pluie. À ce
qu’il parait, il y aura même un
orage.
— Je sais pas, mais ça fait
longtemps que c’est prévu alors je
ne pense pas qu’ils peuvent
annuler.
— J’espère bien, déjà qu’on sort
jamais de ce foutu orphelinat.
+++
Nous sommes trempés et la pluie
ne semble vouloir changer que
pour le pire. Mme Célice revient, le
regard sombre.
— Les enfants, malheureusement,
en raison des intempéries, la foire
est fermée.
Des murmures de déception se
font entendre dans notre petit
groupe.
— Mais nous avons reçu la
permission de vous laisser visiter
la campagne environnante.
Les murmures se changent en
excitation.
— Cependant! Vous devez rester en
groupe de deux. Minimum!
L’excitation est à son maximum et
certains enfants sautent de joie. Je
pars avec Juju.
+++
Nous marchons depuis un bon
moment.
— T’es sure qu’on n’est pas un peu
trop loin?
— Mais non, Riri. Tu t’inquiètes
pour rien!
— Si tu le dis.
Soudain, on aperçoit quelque
chose, couché sur le bord de la
route. Je me précipite par
curiosité. Je découvre un garçon
qui doit avoir notre âge,
recroquevillé sur lui-même. Je le
secoue légèrement. Il entrouvre les
yeux et se lève d’un bond. Il a l’air
terrorisé. Je lui parle doucement.
75
— Comment tu t’appelles? Moi,
c’est Iris.
Aucune réponse. Je repose la
question plusieurs fois en
gesticulant, mais mes essais
restent infructueux. Pendant ce
temps, Juju m’a rejointe. Malgré
son manque de coopération, on
décide de le ramener avec nous.
C’est qu’il est sacrément mal en
point. Il a des traces de sang
partout sur son chandail, nu-pieds
et assez sale pour que je ne sois
pas certaine de sa vraie couleur de
peau ou de cheveux.
Lorsque nous sommes arrivées
avec lui, nous avons entendu Mme
Célice qui parlait avec un policier.
À la vue du policier, j’ai senti le
garçon se figer.
— Non, je n’ai rien vu. Je pourrais
demander aux enfants quand ils
seront revenus, mais nous n’avons
vu aucun petit garçon avec nous.
J’ai tout de suite compris, j’ai
regardé le garçon droit dans les
yeux et, pour la première fois, il a
ouvert la bouche.
— J’ai rien fait, je vous en supplie
ne me donnez pas à la police, sinon
ils vont me tuer.
Il avait les larmes aux yeux et me
serrait fort la main. Je ne savais
pas s’il disait la vérité, mais je n’ai
pas hésité.
— Mme Célice, je pense que j’ai vu
de qui vous parlez.
Le policier a eu l’air surpris et m’a
demandé d’un ton urgent :
— Par où est-il parti?
J’ai pointé la direction d’où nous
venions. Il a murmuré quelque
chose dans l’écouteur à son oreille
et est parti dans la direction. Un
cri de surprise a retenti. La voix de
Juju s’est fait entendre :
— Faites attention! Maintenant,
ma robe est toute sale.
J’ai vaguement entendu la voix du
policier qui s’excusait puis ses pas
se sont perdus au loin. Je marche
dans la direction où est parti le
policier et murmure :
— C’est bon, tu peux sortir
maintenant.
+++
Grâce à cette décision, Zeta a
finalement décidé de nous parler
et nous sommes rapidement
devenus amis. Nous le cachions
toujours de Mme Célice, qui
n’avait rien découvert pour
l’instant. Dans notre chambre,
Zeta se cachait pendant les
inspections, mais sinon il restait
dans la chambre ou se glissait
parfois dehors pour se dégourdir
les jambes. Grâce à lui, les
journées ennuyantes à l’orphelinat
étaient devenues palpitantes et
emplies de situations aussi
hilarantes que pleines d’action.
76
Une chose cependant était claire,
Zeta n’était pas une personne
ordinaire. Une fois, Mme Célice
était rentrée précipitamment dans
notre chambre et j’ai cru qu’on
serait découverts, mais à ma
grande surprise, Zeta avait
disparu. Une autre fois, Juju avait
perdu son chapeau dans un arbre
pendant qu’on jouait à le lancer et
Zeta avait bondi jusqu’à la
première branche et grimpé dans
l’arbre comme si de rien n’était. Je
pense que Juju aussi se doute de
quelque chose. Mais nous n’osons
pas poser la question de peur qu’il
ne disparaisse comme avec Mme
Célice et que nous soyons forcées
de retourner à nos journées
mornes de l’orphelinat.
+++
Je subtilise en douce une miche de
pain de la cuisine. Je grimpe
lentement les escaliers.
J’entrouvre délicatement la porte
puis me glisse rapidement dans ma
chambre. Je me retourne pour me
retrouver nez à nez avec Zeta. Ses
grands yeux verts cachés entre les
mèches de cheveux blancs comme
la neige me regardent fixement. Je
lui tends la miche de pain. Il étend
les bras pour la saisir lorsque
soudain, la porte s’ouvre dans un
mouvement sec.
— Ahahah! Notre petit voleur de
pain est pris la main dans le sa…
Mme Céline fixe Zeta en haussant
un sourcil.
— Et qui pourrait bien être ce
jeune homme?
Je suis paniquée.
— Eumm… C’est-à-dire que…
— Eh bien, Mlle Iris, j’attends
votre réponse.
— Voilà, eumm… Je vous présente
Zeta, il est orphelin et il ne savait
eumm… pas trop où aller et je me
suis dit que l’orphelinat pourrait
être une bonne place.
Je glisse un sourire forcé. Mme
Célice me regarde en maintenant
le silence. Puis, soudain:
— Il suffisait de le dire, pas la
peine de le cacher pour ça! dit-elle
en jetant un regard sur Zeta. Tu
dois avoir faim, allons te préparer
quelque chose à manger.
Je restais figée, totalement hébétée
par la scène qui venait de se
dérouler devant moi. Ainsi
commence vraiment la vie de Zeta
avec nous. Les autres sont heureux
d’avoir un nouveau compagnon et,
avant même de nous en rendre
compte, nous le considérons
comme l’un des nôtres. Avec les
mois qui passent, Juju, Zeta et moi
sommes devenus inséparables. Et
puis finalement, le jour est arrivé.
— Zeta! Viens, Mme Célice nous a
chargés de faire les courses au
marché!
— J’arrive, Riri!
Zeta arrive en courant, ses bras
débordant de sacs de course.
— Mme Célice, nous partons!
— À tantôt! Faites attention sur
votre chemin.
Nous arrivons au marché, les étals
s’étendent devant nous. Zeta jette
des regards curieux partout et je
dois l’avertir de ne pas tout
toucher. Je le prends par le bras.
— Allez, viens! On n’a pas le
temps.
Nous commençons nos achats  :
pommes, poivrons, oignons,
carottes. Zeta est devant moi, il
77
sourit bêtement et me pointe avec
excitation des petits fruits rouges.
Je m’apprête à lui dire que ce ne
sont pas des tomates lorsqu’un
bruit de pétard retentit dans le
marché.
Je regarde aux alentours avec
curiosité. Zeta cependant se tend
d’un coup. Des cris de panique se
lèvent dans la foule; ce ne sont pas
des pétards, mais des balles qui
sifflent. Du sang s’écrase par terre,
éclabousse les étals, et les corps
commencent à couvrir l’asphalte.
J’agrippe Zeta par le bras et
commence à courir rapidement
dans l’autre direction. Je me
retourne. Ce n’est pas Zeta. Je
cherche dans la foule. Soudain,
une douleur intense me prend
l’épaule. Je réalise que du sang
coule abondamment de mon
épaule. Je trébuche. Quelqu’un me
rattrape le bras; c’est Zeta.
Lorsqu’il voit ma blessure, son
expression change. Son expression
préoccupée se transforme en
colère. Il se lève. Avant même que
je ne comprenne vraiment ce qu’il
se passe, le groupe de terroristes
est sorti. Zeta a du sang de
terroriste partout sur lui. Il me
regarde avec un air triste. Je suis
muette. Une femme à côté de moi
murmure :
— Monstre.
Il a eu l’air blessé et est parti en
courant. Je m’écris :
— Attends!
— Tu l’as entendu toi-même, je
suis un monstre.
— Mais non, tu l’as fait pour me
protéger.
Il a eu l’air surpris.
—Tu ne trouves pas que je
ressemble à un monstre?
— Mais bien sûr que non, tu es
mon ami comme Juju.
Il m’a regardé et a murmuré  :
« Merci. »
Il m’enlace. La police s’élançait
dans la place. Nous sommes partis
en courant.
+++
— Zeta, dépêche-toi! On ne peut
pas partir de l’orphelinat
longtemps.
Les passants jetaient des regards
étonnés. Zeta transportait une
bonne douzaine de sacs pleins.
J’entrouvre la porte de
l’orphelinat. Une bande de gamins
vient à notre rencontre. Je leur
souris.
— M. Zeta, Mme Iris!

78
 Partie quatre :
Avançons-nous toujours
pour le mieux ?

79
80
2060
Ling Yun Feng
En 2060, la Chine est devenue un
pays puissant dont le
gouvernement communiste,
contrôlé par une minorité de gens
influents, est totalitaire et très
croyant en la technologie. D’une
part, les systèmes d’éducation et
de santé, l’économie et les
institutions sociales fonctionnent
rigidement en fonction des lois
établies  : tous les établissements
publics où travaillent des
fonctionnaires sont sous la
surveillance des gendarmes
vigilants et violents, entraînés
rigoureusement afin se sacrifier en
cas d’urgence; d’autre part, les
robots ont remplacé beaucoup de
travailleurs, comme des
réceptionnistes de l’hôpital, des
assistants, des policiers et des
professeurs. Ces gens ont soit des
tâches répétitives ou soit besoin
d’une grande capacité
intellectuelle.
Une jeune musicienne de 18 ans
nommée Emma vit dans une petite
ville costale chinoise. Elle vient
d’une famille de classe moyenne.
Elle a appris dès un très jeune âge
à jouer du piano, un instrument de
musique devenu de moins en
moins valorisé par sa société à
cause de sa faible valeur
monétaire. Un jour, comme
d’habitude, elle met sa tablette
électronique dans son sac pour
prendre l’aérobus, un transport en
commun qui possède une vitesse
de 800 km/h, en direction d’un
hôpital situé dans la capitale. La
musicothérapie, qui a jadis connu
une grande popularité, est à risque
d’être remplacée par l’automation
aussi. Cependant, son professeur
de piano continue de donner des
cours de musique dans le cadre
hospitalier. L’enfant de ce dernier
souffre de la néphropathique
cystinose juvénile, l’ayant rendu
rachitique dès la naissance. Depuis
qu’Emma a commencé à
fréquenter l’hôpital quelques
années auparavant, elle a
remarqué que son professeur
devient de plus en plus irritable.
Elle soupçonne que la pression
économique est grande pour celui-
ci à cause des montants d’argent
exorbitants qu’il a dû dépenser
pour soigner son enfant. Tout
l’argent des investissements
technologiques pèse sur les
épaules des citoyens. Étant donné
81
les efforts pour développer
l’économie, l’environnement se
dégrade de manière irréversible.
Les rares environnementalistes
dans la population chinoise, qui
est très conformiste, parlent contre
les émissions de gaz à effets de
serre et contre la pollution de l’air
et de l’eau, mais ils ne représentent
guère le pouvoir autoritaire.
Après une vingtaine de minutes,
Emma arrive à l’hôpital le plus
renommé du pays, dont
l’immeuble moderne possède deux
centaines d’étages, dans la capitale
au Nord de la Chine.
«  P u i s - j e r e n c o n t r e r m o n
professeur au soixante-sixième
é t a g e ?  » , d e m a n d e - t - e l l e
machinalement à l’accueil, même
si elle connaît bien les procédures.
Elle est instruite mentalement à
suivre des obligations procédurales
et institutionnelles avec politesse.
«  Bonjour, Emma! Oui, veuillez
mettre votre pouce droit sur
l’écran  », répond un automate
muni de quatre bras, qui est
capable d’identifier le visage
d’Emma. Ce genre de machine est
programmé pour enregistrer
l’empreinte digitale et pour assurer
que l’identité des visiteurs soit
reconnue.
Le gouvernement contrôle les
médias de sorte que les nouvelles
politiques soient propagées de
façon très efficace. Soudainement,
l’écran de télévision diffusant des
émissions divertissantes sur le
jumelage de couples dans la salle
d’attente affiche une nouvelle. La
voix d’un animateur vêtu de
manière sérieuse énonce que la
modification génétique est rendue
désormais légale pour toutes sortes
de pratiques médicales et
chirurgicales. Emma est choquée.
Les bienfaits de cette annonce du
gouvernement chinois ne lui
paraissent pas totalement
convaincants, car d’après ses
parents qui sont des ingénieurs
biomédicaux, le jeu sur le plan des
gènes constitue un enjeu éthique
qui exige maints tests cliniques
pour assurer la sécurité de la
pratique. Même si elle sait que la
chirurgie peut, entre autres,
corriger le gène CTNS de la
maladie génétique de cystinose,
c’est-à-dire le défaut du dépôt de la
protéine de cystine dans les
organes, particulièrement dans les
reins, les chances que les
chirurgies tournent mal sont
encore grandes pour être
pratiquées à grande échelle sur les
êtres humains.
Envahie par mille pensées, Emma
entre dans l’unité pédiatrique
débordée de patients, où un
musicothérapeute donne une
séance de méditation aux enfants
et à leurs parents. Près de
l’extrémité de nombreux tapis de
yoga étalés sur le plancher, est
placé un piano électronique droit
dont le modèle uniforme a dominé
presque tout le marché du piano
acoustique à une autre époque. Le
piano électronique est plus
apprécié par les gens, car il peut
être silencieux une fois équipé
d’écouteurs et il peut aussi sonner
de manière grandiose comme un
grand piano triangulaire de
82
concert. Le gouvernement chinois
encourage les recherches sur les
nouvelles technologies qu’on
énumère, de la conquête spatiale à
la nanotechnologie. Ainsi,
récemment, on a organisé des
compétitions dans lesquelles des
robots, capables de jouer de la
musique, gagnent contre les
humains.
C’est la deuxième fois dans une
journée que la voix autonome
d’une machine brise la tranquillité
plaisante à travers l’écran
télévisuel :
«  Attention à tous les travailleurs
de l’hôpital et aux familles des
patients. Le président du pays
déclare aujourd’hui la mise en
pratique d’une nouvelle loi établie :
désormais, il est interdit de
pratiquer toutes les thérapies
pseudoscientifiques et artistiques,
incluant la musique, la peinture et
le yoga, dans les institutions
publiques. »
Emma voit le numéro de
télétransmetteur de Félicia sur sa
montre. Elle accepte mentalement
l’appel et voit sa meilleure amie
dans ses lentilles.
«  Je suis obligée d’abandonner
mes cours avec mon professeur de
flûte maintenant. Quel est le but de
renoncer à la tradition si la société
du futur doit se construire sur le
fruit des expériences passées? », se
plaint Félicia à Emma.
«  J’aimerais tellement revoir les
visages radieux des enfants et des
personnes âgées quand je leur
jouais de mon instrument avec
passion  », ajoute-elle avec des
larmes au bord des yeux.
En effet, Félicia s’est obstinée à
jouer de la flûte traversière
traditionnelle en métal au lieu des
flûtes électroniques dont les
matériaux sont issus de la
nanotechnologie, malgré la
pression parentale et scolaire.
«  C’est une injustice d’interférer
dans la vie des individus et de leur
causer une peine avec la science
comme excuse, avoue Emma avec
sincérité et conviction. Penses-tu
que la science est encore au service
de l’homme ou au contraire… »
La connexion s’interrompt
abruptement. Emma aurait dû
penser au fait que les parents de
Félicia travaillent pour le
parlement, de sorte que leur
conversation est surveillée et
contrôlée. Quelle mauvaise
influence serait-t-elle pour leur
fille, auraient-ils pensé ! Elle craint
qu’elle puisse être considérée
comme une malade en quarantaine
à cause de sa musique. Sans le
soutien de sa meilleure amie
maintenant, elle se sent très seule.
Elle craint aussi les actions plus
radicales à venir, mais la
détermination de poursuivre son
rêve de musicienne est plus forte
que jamais. La décision lui vient de
planifier de façon clandestine une
investigation sur la main derrière
ces nouvelles lois contre l’art.
Voici ce qui se passe dans les
prochaines semaines à la suite de
ces nouveaux règlements  : dans
des émissions télévisuelles, deux
83
camps d’experts sont invités pour
discuter de la controverse autour
de la légalisation de l’eugénisme
positif et négatif. Dans le salon
chez Emma, le monde virtuel est
créé par l’effet 4D avec le bouton
télévision sur ses méta-lunettes
munies de haut-parleurs dont le
son est incroyablement réaliste.
Plusieurs experts en statistique
expliquent que le taux de maladies
causées par la mutation génétique
a augmenté de façon directement
proportionnelle à l’utilisation de la
technologie nouvelle, à l’aide des
graphiques de courbe
exponentielle; des généticiens
stipulent qu’une corrélation est
possible entre l’avancement des
technologies, l’émission des ondes
électromagnétiques de haute
fréquence et des autres ondes
nuisibles au corps humain, et la
santé générale de la population qui
se détériore; puis, des chercheurs
en médecine vulgarisent les
théories derrière les technologies
de séquençage d’ADN et la
technologie de génotypage afin
d’expliquer la réalité des maladies
au niveau des bases azotées et de
promouvoir le bienfait de la
chirurgie modifiant les gènes
défectueux. Bref, Emma est
frustrée de constater que les
scientifiques ont mis en avant un
faux dilemme entre choisir les
conséquences fatales des maladies,
devenues de plus en plus
nombreuses, et la technologie qui
semble être le sauveur de
l’humanité.
Parallèlement, les plus éminents
professeurs d’art ont organisé une
pétition signée par des médecins
afin de s’opposer à ces lois du
gouvernement jugées
«  totalitaires  »  ; de nombreuses
manifestations par les artistes et
par les thérapeutes ont lieu dans
les rues partout dans le pays, à
l’aide des images diffusées par des
projecteurs sur les bâtiments
publics  ; dès leur apparition, ces
projections sont confisquées et de
nombreuses personnes arrêtées
par les robots qui sont localisés
partout et qui sont habiles pour
reconnaître le tumulte social avec
leurs détecteurs de chaleur, de
lumière et de son, et avec leur
cerveau informatique capable
d’enregistrer et d’utiliser un grand
nombre de données.
Emma procède à la première étape
de son plan d’investigation dont
elle ne parle à personne. Elle
prend l’hyper-commande de sa
mère durant la nuit. Puis, à l’aide
de celle-ci, elle ouvre le coffret où
ses parents mettent leurs
documents professionnels et
confidentiels sur lesquels figurent
le numéro de télécommunication
des chercheurs en génétique. Par
la suite, elle a réussi à se fabriquer
une machine de métamorphose de
voix qu’elle insère dans sa montre
pour imiter la voix de sa mère.
Elle obtient l’invitation pour visiter
le laboratoire national de
modification génétique et elle a
une intuition que ceci a un lien
étroit avec la nouvelle loi
prohibant l’art. 

84
Le regard levé sur l’humanité
Noémie Delhaye
Bienvenue en 2250. Je me
présente, j’ai vingt-trois ans et je
m’appelle Victoire. Depuis ma
tendre enfance, je pense que j’ai dû
parler à peu près cinq fois dans ma
vie, en étant petite  : notre société
représentait un vrai mystère pour
moi auparavant. Je sais que ça
n’était pas comme cela avant. Mes
grands-parents m’ont raconté les
histoires de leurs parents à propos
de l’ancienne société. A ce qu’il
paraît, les rues étaient pleines de
bruits ambiants, de rires, de cris…
Nos rues sont silencieuses, puisque
tout se fait à travers le téléphone
portable. Tout est plus simple, plus
rapide. J’ai du mal à imaginer
comment ces gens ont vécu, ça me
donne même mal à la tête rien que
d’essayer d’entrevoir toutes les
complications auxquelles ils
devaient faire face.
Un groupe de rebelles qu’on
surnomme les « Insoumis » refuse
le fonctionnement de notre
civilisation, et survit à travers les
générations depuis l’ancien temps.
Personne ne leur prête vraiment
attention, mais pourtant tout le
monde les soupçonne de préparer
quelque chose.
Aujourd’hui, comme tous les jours
en rentrant de l’université de droit,
j’ai mon rendez-vous virtuel avec
mon copain, Camille. Cela fait
bientôt un an que nous sommes
ensemble. On s’est rencontrés sur
cette application de rencontre
internationalement connue, et
même si je sais que c’est normal,
cela me frustre parfois de ne l’avoir
jamais vu, ou même de ne pas
connaître le son de sa voix… Mais
les règles sont établies pour être
respectées, et je sais que cette
société fonctionne ainsi.
En plein milieu de notre
conversation texto sur le nouveau
docteur robot de l’hôpital de la
ville, mon téléphone a été coupé.
Au premier abord, je n’ai pas
vraiment compris, puis un
message s’est affiché  : «  Vous ne
voulez pas lever les yeux? On est
désolés de vous y obliger. Les
Insoumis  ». J’ai mis quelques
minutes pour réaliser, puis pour
m’assurer que je n’étais pas la
seule à avoir été coupée, je me suis
penchée à la fenêtre pour observer
ce qu’il s’y passait. Le lendemain et
comme les trois jours suivants, le
monde a continué à tourner et j’ai
pu aller à l’université comme si de
rien n’était. L’idée de ne pas
pouvoir parler avec Camille, et
pour encore une durée
indéterminée,  était en train de me
détruire. Comme d’habitude,
aujourd’hui, je prends donc le
métro à la même station que
depuis toujours. Les gens agissent
bizarrement, tout le monde
regarde ses pieds et on marche
tous avec lenteur et sans émotions,
moi la première. Je pense qu’on ne
sait tout simplement pas comment
agir, ni quoi faire et que le
sentiment d’ennui nous submerge
tous plus ou moins. Assise sur un
85
banc, observant mes bottines sales
et attendant le métro qui est censé
arriver dans quatre minutes,
j’entends un bruit violent suivi
d’un cri. En levant les yeux,
j’aperçois une jeune femme ayant
l’air d’être atteinte de cécité sur les
rames du métro, se débattant avec
ses bras pour trouver le rebord du
quai, du mieux qu’elle peut. Je suis
totalement désemparée : en temps
normal, il y a un bouton d’urgence
sur notre téléphone pour arrêter
les machines à proximité, en cas de
danger imminent. Alors que faire ?
Je regarde autour de moi avec
hâte, passant outre la gêne de
regarder les gens dans les yeux, et
je remarque que la plupart d’entre
eux se posent la même question
que moi et ont l’air plutôt perdu,
mais toujours avec nonchalance.
En levant la tête, je vois que le
métro arrive à quai dans deux
minutes maintenant. Et là, j’ai un
déclic intense suivi d’une montée
d’adrénaline surprenante, presque
surhumaine, me permettant de
sauter sur mes deux jambes et de
courir vers cette femme en
détresse. J’essaie de l’attraper
comme je peux, mais je ne suis pas
sûre d’être capable de la tirer par
moi-même. Je me vois déjà tomber
avec elle sur les rames à cause de
l’effet domino, mais je ne recule
pas pour autant. À ce moment,
j’entends des bruits de pas rapides
derrière moi et je sens des mains
m’attraper les chevilles, pour
pouvoir nous tirer toutes les deux.
Nous avons réussi à retirer la
femme des voies littéralement cinq
secondes avant que le métro ne
passe. Nous sommes tous assis sur
le bord du quai, haletants et en
essayant de comprendre ce qui
vient de se passer. Je ressens
passer à travers tout mon corps
une sensation de bien-être, de
force indescriptible, de « fierté » ?
Les personnes qui ont été
spectateurs de cette scène sont
pour la plupart debout, nous
entourant et nous applaudissant. À
ce moment précis, tous les
téléphones présents dans la station
ont émis des bruits de sonnerie, et
leurs propriétaires ont aussitôt
regardé leurs écrans. La vidéo de
ce qui venait de se passer à
l’instant était en train de défiler
sur tous les appareils disponibles,
avec un autre message des
rebelles : « Vous voyez ce que l’on
est capables de faire ensemble? ».
Après cet épisode, beaucoup de
personnes ont jeté leur téléphone
par terre, et les jours suivants, les
rues sont devenues petit à petit
pleines de bruits surprenants,
jamais entendus auparavant  : les
gens se parlaient, riaient
ensemble.
Moi, comme bon nombre de mes
amis, avons rejoint le groupe de
rebelles, pensant que le contact
86
humain valait largement la peine
de se prendre un peu plus la tête.
Camille est venu me voir à ma
station de métro une semaine
après que la vidéo soit sortie,
m’ayant vue dedans et m’ayant
Frigide Curiosité
Melanie McGrory
50/01/2198. 30 h 15. Je n’arrive
pas à dormir. Il y a une force qui
presse sur mon lobe temporal, plus
particulièrement sur la capsule
autour de mon lobe temporal. Je
l’ai fait réinstaller récemment et
elle me fait mal. Un mal physique,
bien entendu, parce que le mal
émotionnel nous est interdit
depuis longtemps. Mère m’a
toujours dit que je devais arrêter
de parler de ce genre de truc, que
c’était tabou. Parfois j’imagine
comment la vie serait si nous
avions des émotions. Est-ce que
ma curiosité est une émotion? J’ai
mal encore. Mère va m’amener
chez le programmeur demain
matin. Ce n’est pas la première fois
que je vais le voir. Il dit souvent à
mère que mon cerveau ne veut pas
accepter ma capsule, qu’il le
rejette. Mère a-t-elle envie de me
rejeter?
51/01/2198. 12 h 15. Le
programmeur m’a expliqué
comment la capsule fonctionne et
j’ai encore un mal physique. Il m’a
dit que la capsule me prive de
certaines fonctions pour améliorer
ma mémoire, que la capsule est
comme un filtre qui laisse passer
reconnue. Je lui ai sauté dessus,
tellement heureuse de le voir,
enfin. La chaleur humaine  : je ne
comprends pas comment je
pourrais m’en passer, maintenant
que je sais ce que c’est. 

ma curiosité, mais aucune
émotion, pour éviter de nuire à ma
productivité. Je crois que c’est plus
compliqué, mais il m’a dit que
j’étais trop jeune pour
comprendre. Depuis ma visite,
mon corps agit différemment. J’ai
chaud, j’ai froid, je tremble. J’ai
chaud, j’ai froid, mon cœur bat
vite… Je ne comprends pas ce qui
m’arrive. J’ai chaud, j’ai froid… Et
puis j’ai oublié pourquoi.
51/01/2198. 30 h 15. Je suis
curieux. On dirait que ma curiosité
s’intensifie quand j’ai mal à la
capsule. Est-ce que ma curiosité
essaie de compenser pour mon
manque d’émotions? Ou suis-je
peut-être curieux par rapport aux
émotions que je pourrais avoir?
Quand j’ai mal, j’imagine un oiseau
dans ma capsule, essayant de
déployer ses ailes pour s’envoler,
afin que sa cage explose et laisse
mes émotions prendre le vent.
Peut-être que cet oiseau pourrait
enlever ma douleur. Je ne devrais
pas trop y penser. Mère m’a
toujours dit que je devrais éviter de
penser à ce genre de truc. Elle a
raison. La dernière fois que j’ai
trop pensé à l’oiseau, une équipe
87
de programmeurs est venue à la
maison. Je ne me souviens pas de
ce qui s’était passé, mais je me
rappelle avoir eu chaud, avoir eu
froid et puis, plus rien. Mère
m’avait chicané le lendemain.
54/01/2198. 8 h 15. Mère est
étrange. Je me suis réveillé vers
3  h  15 et elle était dans ma
chambre. Elle avait ouvert le
compartiment crânien qui contient
ma capsule. Elle ne sait pas que je
l’ai vue. Je ne sais pas ce que mère
faisait. Pourquoi me dit-elle de ne
pas parler ni penser à ce genre de
chose, alors qu’elle s’y intéresse
décidément?
55/01/2198. 10 h 15. Mère n’est
pas à la maison. Je ne sais pas où
elle est. D’habitude elle m’aurait
laissé un message, mais c’est
comme si elle avait tout
simplement disparu. Je suis
réveillé depuis 8h15, donc je
patiente maintenant depuis deux
heures, mais je commence à
devenir curieux. Je vais appeler les
programmeurs pour qu’ils la
localisent.
55/01/2198. 17 h 15. Il n’y a
toujours pas d’information sur
mère. Tante est venue rester à la
maison pour que je sois
accompagné d’un adulte. Je ne
vois pas pourquoi elle ressent le
besoin d’être ici. Je suis assez
grand pour rester à la maison le
temps que mère revienne. Va-t-elle
revenir? Est-ce que ma tante va
remplacer mère? Est-ce que mère
a finalement décidé de me rejeter?
J’ai chaud, j’ai froid, j’oublie.
56/01/2198. 9 h 15. Mère est
apparue à la télévision
aujourd’hui. Ils disent qu’elle a
piraté le système de la capsule,
qu’elle a réussi à enlever les effets
de la capsule sur son propre lobe
temporal. Ils l’ont arrêtée… Je ne
sais pas si je suis plus curieux par
rapport au fait qu’elle s’est fait
arrêter ou par rapport au fait
qu’elle avait des émotions! Elle a
réussi à me cacher le fait qu’elle
avait accès à l’existence même
d’émotions humaines. Si elle savait
comment pirater le système,
pourquoi me laissait-elle avoir mal
à la capsule? Voulait-elle que j’aie
mal et que mon mal se transforme
en un mal de vivre? Qu’est-ce
qu’un mal de vivre? Si c’était le
cas, voulait-elle que je ressente des
émotions sans risquer de ruiner
mon lobe temporal? Maman
m’aime-t-elle? Et au fond, je ne
sais même pas ce qu’aimer veut
dire. J’ai mal pour Mère.
56/01/2198. Je me suis réveillé
différent aujourd’hui. J’ai chaud,
j’ai froid, mais je n’oublie pas.
Serais-je en train de ressentir
88
quelque chose de plus important
que de la curiosité? Je repense à la
nuit durant laquelle ma maman
était dans ma chambre. Aurait-
elle...
Le répondeur s’allume.
«  Mathias, c’est maman… Je
t’appelle pour te dire que je t’aime.
Je sais que tu ne peux pas
comprendre pour le moment, mais
tu verras bientôt. Dans quarante-
huit heures, ta capsule se
décomposera. Je m’en suis chargée
Immortel
Gabrielle Laflamme
An 2189. L’homme est immortel.
Depuis maintenant un siècle, il est
possible pour l’humain de
prolonger son existence. En effet,
personne ne vieillit. Nous sommes
tous figés dans le temps sans
possibilité de retour vers l’arrière.
Nous traversons les années munis
de nos visages sans rides et de nos
corps sans marques de vieillesse.
Nous évitons la mort. En fait, nous
inhibons cette peur de mourir à
coups d’agents chimiques criblant
nos corps et nos cellules dans le
but de stopper cette vieillesse
inévitable. Comment en sommes-
nous arrivés jusqu’ici? Le
réchauffement climatique est la
réponse. Les inondations causées
par la fonte des glaciers ont envahi
les terres et emporté des vies. Les
ressources et les terres pour la
culture et l’élevage sont disparues
progressivement en même temps
que la population globale. Ces
avant que les officiers viennent me
prendre. J’ai essayé de réparer ta
capsule, car je ne voulais pas te
voir ressentir autant de douleur,
mais j’en étais incapable. Tu ne
peux pas comprendre pour le
moment, mais patiente s’il-te-plait,
mon coco. Tu verras un monde
nouveau. Ne révèle pas ton
superpouvoir à qui que ce soit,
mon fils. J’ai risqué et perdu ma
propre liberté au profit de la
tienne, pour te montrer ce que l’on
fait pour ceux qu’on aime. Tu
comprendras bientôt… »

catastrophes ont poussé les
scientifiques et les politiciens les
plus fous à trouver une quelconque
solution pour préserver la race
humaine. L’immortalité semblait
le parfait remède. 50 ans ont été
nécessaires pour développer un
produit permettant à tous de vivre
infiniment. Ce n’est qu’après des
milliers d’expériences sur des
cobayes que le produit final
permettant à l’homme de
prolonger son existence vit le jour.
Vivre pour toujours. Avec
l’immortalité vint l’infertilité.
Cent millions d’humains, c’est ce
qu’il reste des sept milliards
originaux. Nous sommes les
mêmes individus parcourant les
années. Nous sommes la
génération passée, présente et
future. Nous tentons de nous
réinventer au cours des années
dans le but de colorer notre
89
existence. Par contre, il existe une
certaine limite au pouvoir de ces
changements. Chaque être porte
en soi un vide ne pouvant être
comblé. En effet, l’immortalité a
amené l’infertilité et une vie
dénuée de sens. Nous ne
connaissons ni l’amour, ni l’amitié,
ni la famille, car nous sommes tous
trop centrés sur notre pauvre être
pour tenter de trouver un plus
grand sens à notre vie. Nous ne
nous attachons plus à rien puisque
l’ennui s’installe au coeur de
chaque relation. Nous sommes
tous dans l’incapacité de procréer
et personne ne se pose la question
pourquoi.
Sauf moi. Je m’appelle Ludivine
Anderzon et je suis immortelle
comme le reste de la population.
Je ne fête plus le jour de ma
naissance, car à quoi bon compter
les années lorsque l’infini s’étend
devant nous. Je ne me considère
pas semblable aux autres. Depuis
plusieurs années, je ne suis plus les
changements de notre société. Je
ne tente pas de me renouveler
pour donner du vivant à ma vie.
Ah, du vivant à ma vie! Comme si
nous pouvions nous considérer
comme vivants. Certains vous
diront que l’immortalité est le plus
beau cadeau qu’ils ont reçu. Ces
gens passent leur temps à exploiter
les autres pour ensuite flamber
leur argent dans des futilités. Je
suis diplômée en génie biomédical
et je suis présentement
scientifique pour Syberco, une
multinationale privée contrôlant
nos ressources d’eau. En effet,
l’eau potable est devenue une
ressource privée à la suite de
l’effondrement de notre société.
Dans mes heures libres, je travaille
dans le but de trouver une raison
derrière cette infertilité touchant
l’ensemble de la population. Je me
pose constamment la question à
savoir pourquoi nous sommes
devenus infertiles. Je pense avoir
découvert la source de cette
épidémie. Après maints tests, j’ai
découvert que l’eau que nous
buvons est contaminée d’un agent
rendant hommes et femmes
infertiles. Un agent inhibant la
sécrétion d’hormones
reproductives. Un simple agent
abolissant la possibilité de
construire une famille et une vie en
dehors de ces nouvelles normes
que cette société nous a imposées.
Moi, simple citoyenne et
scientifique, j’ai finalement trouvé
la cause de notre problème.
Je ne comprenais pas comment
cela avait pu passer inaperçu
pendant tant d’années. En tentant
de retracer la source de cette
contamination, mes découvertes
me rendirent perplexe. La source
90
provient de cette entreprise pour
laquelle je travaille, Syberco. Étant
extrêmement confuse et inquiète,
je décidai d’aller voir mon mentor,
Dr. Alexander Polov. Je cognai à la
porte de son bureau.
— Entrez!
En ouvrant la porte, je vis Dr Polov
assis derrière son bureau, les
jambes sur ce dernier. J’éclaircis
ma voix et lui déballai en vitesse
ma découverte. Il me regarda
fixement sans ciller et sans
émotions. Malgré sa façade rigide
et impénétrable, je vis dans ces
yeux une certaine crainte.
J’attendis sans faire un son. Il me
dit :
— Ludivine, pour la stabilité et le
bien-être de notre société, ces
informations et cette découverte
doivent rester confidentielles.
Nous devions choisir entre
l’immortalité et la fertilité pour
L’espoir d’un monde meilleur
Nicolas Allègre
Nous voici en 2026. Le monde
comme nous l’avons connu a
beaucoup évolué. Je m’appelle
Noah, j’ai 34 ans et je vis aux
États-Unis. Je me rappelle des
jours où les États-Unis étaient un
symbole de prospérité et de
puissance dans tous les sens du
terme. Malheureusement, nous ne
pouvons plus en dire autant. En
2016, alors que j’avais 24 ans, un
homme plutôt déjanté du nom de
Donald Trump s’est présenté aux
élections présidentielles avec la
préserver l’équilibre précaire entre
ressources et humanité. Nous ne
pouvions nous permettre d’avoir
plus d’êtres humains. Nous avons
fait notre choix.
Je redoutais la prochaine phrase
qu’il allait me dire. Il y a de cela
plusieurs années, les possibilités
de l’immortalité semblaient
attrayantes. La possibilité d’une
vie sans fin semblait bien parfaite
pour éviter la vieillesse et la crainte
de la mort, mais cette mort
donnait sens à nos vies. Elle était
la fin d’un cheminement sinueux,
un mur impénétrable et
incompréhensible où mille
questions se posaient. Notre temps
autrefois limité nous permettait
d’être vivants et présents. Malgré
cette réalité bien fondée en moi, il
enchaîna :
— Tu devras garder ce secret pour
l’éternité. 

très sérieuse intention de les
remporter. Comme plusieurs de
mes proches, le 8 novembre 2016,
j’étais très excité lorsque nous
avons élu un président qui nous
promettait du changement. Malgré
quelques remarques déplacées de
sa part, nous croyions tout de
même qu’il apporterait un vent de
changement avec ses politiques
protectionnistes et sa vision très
stricte sur l’immigration.
Cependant son caractère irritable
et ses sautes d’humeurs n’ont fait
91
qu’aggraver la situation sur le plan
international.
Depuis quelques années, les
emplois se font rares et le taux de
chômage monte en flèche. Les
grandes entreprises cherchant à
s’installer en Amérique décident
une après l’autre de s’établir
ailleurs où la main-d’œuvre a de
meilleures conditions sociales ou
dans des lieux où celle-ci est moins
dispendieuse. En 2016, nous
avions élu Trump puisque nous
nous sentions oubliés par la société
et pensions qu’il renverserait la
vapeur. Cependant, dès la
première année de sa présidence, il
dérèglementa plusieurs secteurs,
ce qui eut un impact très négatif
sur l’environnement ainsi que sur
les conditions de travail. En effet,
les emplois dans le secteur
manufacturier qu’il promettait ne
se sont jamais concrétisés et le
secteur du charbon n’a pas
survécu, comme le prédisait
presque tous les analystes à
l’époque. Du côté des entreprises
que nous disions «  du futur  »,
plusieurs d’entre elles n’ont pas
survécu aux taxes auxquelles elles
ont été soumises. Justement,
Tesla, l’entreprise de voitures
électriques que tout le monde
prisait, n’a pas pu résister aux
mesures imposées par la nouvelle
administration puisqu’elle avait
déjà une situation économique
précaire. De plus, avec l’arrivée de
la robotisation dans le milieu
manufacturier, les gens occupant
des emplois plus simples se
retrouvèrent sans gagne-pain. Du
point de vue de l’environnement,
les choses ne firent que s’aggraver.
Des catastrophes naturelles
comme des tsunamis, des
inondations, des sécheresses et
plusieurs autres n’ont fait que
prendre de l’ampleur. Comme
plusieurs scientifiques l’avaient
prévu, les régions les plus touchées
furent le sud du pays, où la
situation économique était déjà
moins stable. Évidemment, les
personnes ayant les moyens d’aller
s’installer ailleurs au pays le firent,
laissant ceux dans le plus grand
besoin seuls et sans possibilités
pour s’en sortir.
L’état de la scène internationale
avait beaucoup changé. En effet,
l’Union européenne a pris le rôle
de «  leader du monde libre  », que
les États-Unis avaient occupé
pendant si longtemps. Le plus dur
coup porté à l’orgueil de notre
nation fut certainement lorsqu’une
décision aux Nations unies
émergea avec le but de déplacer le
siège social des Nations unies vers
Berlin, en Allemagne. Les nations
membres avaient jugé plus
adéquat de déplacer le siège social
de l’organisation puisque les
val e u rs p o rt é e s p ar c e l l e - c i
n’étaient plus aussi compatibles
avec les valeurs véhiculées par
92
l’administration américaine. En
effet, la nouvelle administration
présidée par Trump prit plusieurs
décisions extrêmement
controversées. Contrairement à ce
que plusieurs auraient pu croire, il
n’y eut pas de conflit avec la Corée
du Nord. Cependant, la décision de
déplacer l’ambassade américaine
en Israël, de Tel-Aviv à Jérusalem,
ou encore de se retirer de l’accord
sur le climat de Paris furent les
décisions les plus dévastatrices. De
plus, le fait que l’état mental du
président changeait tous les jours
et qu’il s’exprimait par le biais de
nombreux « tweets » déstabilisa la
communauté internationale, ce qui
ne fit qu’aggraver la situation.
Maintenant, après toutes les
répercussions de l’élection de
Donald Trump comme la montée
du populisme, un groupe de
courageux citoyens et moi avons
été choisis pour voyager dans le
temps à l’aide de la toute première
machine à voyager dans le temps
développée par des chercheurs du
MIT dans le but de réparer les
erreurs du passé. En effet, le
4  juillet prochain, notre groupe a
comme mission de retourner en
2016 et de changer la tournure des
élections présidentielles
américaines. Pour ce faire, des
experts en politique ont mis sur
pied un plan visant directement
l’opinion des électeurs. Au cours
de la mission, nous utiliserons
l’outil le plus efficace pour la
diffusion de l’information, soit les
réseaux sociaux.
Le matin du 4 juillet 2026, je me
levai avec un sentiment d’espoir
extrêmement fort. Moi, Noah et
quelques collègues nous
apprêtions à passer à l’histoire en
changeant le cours de l’humanité.
Vers 13 h, nous montâmes dans la
machine, réglâmes la date cible au
5 janvier 2016 et appuyâmes sur le
bouton de mise en marche. Dix
minutes plus tard, nous arrivâmes
en 2016. La première partie de
notre mission consistait à nous
trouver un endroit où vivre
jusqu’au 8 novembre 2016 et nous
procurer des ordinateurs. Après
avoir fait cela, nous nous mîmes au
travail. Chacun de nous avions
acquis une très bonne
connaissance des réseaux sociaux
et du contexte politique des
élections présidentielles et nous
devions créer des comptes sur les
principales plateformes dans le but
de promouvoir le parti démocrate
et de salir la réputation des
candidats républicains. Après
plusieurs mois de travail acharné,
les élections n’étaient que dans
quelques jours. Nous étions tous
fébriles en attendant les résultats.
Heureusement, c’est la candidate
démocrate qui remporta l’élection.
Le jour suivant, nous devions
retourner en 2026. Nous étions
tous très excités de voir comment
le monde avait changé.
À notre retour, nous constatâmes
que l’état de l’environnement était
beaucoup mieux qu’à notre départ,
que malgré quelques lacunes, la
situation diplomatique mondiale
était plutôt bonne et que
l’économie nationale américaine se
portait beaucoup mieux.
93
Les portes de l’enfer
Alina Musteata
Dès les premières lueurs rouge
sang de l’aube, un terrible
tremblement avait commencé à se
faire sentir dans la région. Après
un cri de désespoir et de douleur à
la suite d’une chaleur extrême
durant plusieurs années, la Terre
s’était ouverte en deux. C’était le
début de la fin, mais tout le monde
l'ignorait...
Tout avait commencé avec l'arrivée
d'une compagnie étrangère qui
était intéressée à exploiter les
ressources de la région, comme le
pétrole et le bois. Plusieurs usines
furent créées l’une à côté de
l’autre et chaque jour, du
matin au soir, elles
crachaient leur fumée grisâtre
dans le ciel. Pendant des
décennies, les régions
furent dépossédées de leur
richesse et intoxiquées. Il
est possible que cela fut la
goutte qui avait fit déborder le
vase.
C’était un mardi matin, un jour
comme les autres, quand cela était
arrivé. Alex travaillait sur le sentier
afin de prendre des échantillons
pour s’informer de l’état du
pergélisol. Malheureusement, le
réchauffement climatique
n’arrêtait pas de préoccuper les
scientifiques à cause de
l’augmentation de la température
importante dans la région. Elle
faisait fondre le pergélisol qui
libérait à son tour, en quantités
énormes, le gaz à effet de serre,
piégé depuis des millénaires.
Constitué de carbone organique,
de restes des animaux et des
plantes, il était avant neutralisé
par le gel, mais avec le changement
de température environnant, les
microorganismes ont pu le libérer.
Sans aucun obstacle, le méthane,
un dangereux gaz, s’échappait à
mesure que l’homme avançait dans
son développement. De plus, avec
la déforestation accentuée, cela
avait déclenché le déséquilibre
naturel en réveillant quelque chose
qui n’aurait jamais dû l’être. Par
contre, peu d’humains étaient
conscients de cela.
Alex était une des rares
personnes à s’intéresser aux
conséquences néfastes sur
la protection de
l’environnement. Il aimait
son travail et cela
l'enrageait de ne pas
pouvoir faire quelque
chose sans les subventions
assez pauvres du
gouvernement. Étant donné
que l’argent détenait le pouvoir,
il ne pouvait qu’essayer de
révéler les faits à sa manière, mais
c’était plus difficile qu’il ne le
pensait. Heureusement, il était le
meilleur dans son domaine et le
verbe «  abandonner  » ne faisait
pas partie de son dictionnaire. Il
fut tellement concentré dans sa
réflexion qu’il avait à peine
remarqué l’hystérie des oiseaux
94
qui cherchaient à s’envoler le plus
vite possible. Au début, il ne
comprenait pas ce qui se passait
quand tout à coup, un
tremblement de terre l’avait
renversé. Dans sa chute, il s’était
heurté la tête et perdit
connaissance.
Après un certain temps, Alex
s’était enfin réveillé grâce à la pluie
froide et avec une douleur atroce à
la tête. En regardant tout autour
de lui, il lui était difficile de
réaliser la réalité qui se trouvait
devant lui. Un gigantesque trou de
plusieurs kilomètres s'agrandissait
à tout moment et prenait avec lui
une ville terrifiée. La ville était
hors de tout contrôle, sous les
flammes et la tempête; elle
essayait en vain de rester debout.
Il avait eu la chance de ne pas
tomber là-dedans, mais il savait
qu’à ce rythme, personne ne
pouvait être en sécurité. Étant près
de l’endroit où il avait laissé la
voiture, il décida de déguerpir de
là et de trouver un endroit
sécuritaire. Malheureusement, la
chance ne lui avait pas souri cette
fois-ci, car à la place de la voiture,
il trouva un énorme cratère. La
beauté de cet enfer lui coupait le
souffle. Avec la ville à feu et à sang,
les cris et le désespoir, c’était
comme si l’enfer s’était décidé à
s’ouvrir enfin. Il était furieux de
n’avoir sur lui que son équipement
d’escalade et celui pour prendre les
données. Il aurait aimé avoir
quelque chose qui aurait pu l’aider
dans cette situation. Cependant,
malgré les signes envoyés par la
nature pour la fonte du pergélisol,
les conséquences furent pires que
ce qu’il aurait pensé. Une peur
paralysante commençait petit à
petit à prendre le contrôle sur lui
quand tout à coup il entendit, à
peine audibles, des pleurs.
Curieux, il décida d’y jeter un coup
d’œil, en craignant en même temps
de perdre un temps précieux, mais
il ne pouvait pas abandonner l’être
qui était en train de souffrir devant
lui. En atteignant l'endroit d'où
venait le cri, il fut surpris de
découvrir un enfant seul avec une
lueur de terreur dans ses yeux
innocents. Il ne devait avoir que 4
ans. Il arrivait que des familles
fassent des randonnées à cet
endroit et il a dû être séparé de la
sienne lors de l’effondrement. Sans
y penser deux fois, il attacha une
corde à un arbre et commença à
descendre. Une fois arrivé en bas,
il eut de la difficulté à rassurer
l’enfant, mais sans tarder, il le prit
dans ses bras et remonta. Une fois
en haut, il resserra l’enfant dans
ses bras afin qu’ils puissent tous
les deux trouver du réconfort dans
ce moment de détresse et
d’angoisse.
L’entrée des enfers était
inarrêtable. Sans tenir compte de
ce que l’homme a entrepris durant
des années, elle l’avalait sans
laisser aucune trace. Il était
impossible de déterminer si elle
allait s’arrêter dans sa voie de
destruction. Avec un petit ange
dans ses bras, Alex prit la décision
de faire l’impossible pour qu’ils
puissent être sains et saufs, mais
malheureusement, le temps
devenait leur adversaire.
95
Personne ne savait ce qui arriverait
si le pergélisol fondait ; ce
phénomène était pire que ce que
les gens avaient imaginé. Effrayé
par ce qui les dépassait, tout le
monde essayait de se rappeler
comment un tel cauchemar aurait
pu avoir lieu.
À mourir de vivre
Alban Fesquet
«  Il vous reste une semaine à
vivre. » Telles furent les paroles du
médecin. Pourquoi? Un cancer du
cerveau en phase terminale. Voilà
pourquoi. Je fus diagnostiqué
quelques mois plus tôt à la suite
d’un examen de routine ayant pour
but d'expliquer pourquoi les
« Doliprane » ne parvenaient pas à
faire passer mes maux têtes.
I n o p é r a b l e . «  T u m e u r t r o p
volumineuse  », m’ont-ils dit. «  Tu
meurs.  » Voilà tout ce que j'ai
entendu ce jour-là. Et les mois ont
passé, jusqu'au verdict. Une
semaine. «   Il vous reste une
semaine à vivre  », me disait le
médecin avec un air compatissant.
C'était il y a deux ans.
Les scientifiques estiment que tout
a commencé fin 2018. On a mis du
temps à s’en apercevoir. Au départ,
tout le monde a cru au miracle.
Puis le miracle s’est transformé en
cauchemar. Un cauchemar dont on
ne parvient pas à se réveiller. De
ceux où l’on chute, attendant
l’impact, mais en vain.
Dès les premières lueurs rouge
sang de l’aube, un terrible
tremblement avait commencé à se
faire sentir dans la région. Après
un cri de désespoir et de douleur à
la suite d’une chaleur extrême
durant plusieurs années, la Terre
s’était ouverte en deux. C’était le
commencement de la fin, mais tout
le monde l'ignorait...

Le temps que les gouvernements
réagissent, la population mondiale
est passée de 7,5 à 11,9 milliards
d’habitants. Résultat  : donner la
vie est devenu un crime, et donner
la mort, un acte héroïque. Ou
désespéré.
J’ai moi-même tenté ma chance.
Celle-ci s’est présentée sous la
forme d’un couteau, d'un
immeuble et d’un bus. Cependant,
excepté une énorme cicatrice sur
l’abdomen et de multiples
fractures et contusions, je n’aurai
rien récolté. C’était juste un peu
96
avant que tout le monde s’y mette.
Les médias ont appelé ça la Vague.
L'Homme étant ce qu'il est, sans
terme, la vie a perdu sa valeur. Et
l’Homme, son intérêt pour elle.
Ainsi, quelques mois ont suffi pour
qu’une grande majorité de la
population se suicide. Du moins
ont-ils tenté.
Pendant près de deux semaines,
les gens pleuvaient sur les
trottoirs, et les balles fusaient, sans
compter les plongeons en pleine
circulation… Les villes furent très
vite repeintes en rouge. Les plus
propres d’entre nous, quant à eux,
furent retrouvés suffocants depuis
plusieurs jours au bout de leur
corde. Avec ça, les urgences se sont
très vite retrouvées surpeuplées,
bien qu’il n’y ait plus vraiment
mort d’homme. Les corps ― pour
ne pas dire patients, car ils ne
s'apparentaient plus qu’à cela ―
s'entassaient çà et là, agonisant, le
personnel de santé ne sachant plus
qu'en faire. S'il nous venait à
oublier la triste réalité, on eut pu
croire qu’un bataillon d’enfants
avait redécoré le bâtiment avec de
la peinture rouge et de la pâte à
modeler couleur chair. Mais on ne
pouvait oublier. Le bruit nous en
empêchait. Un capharnaüm
inaudible, des cris maudits de vies
torturées à mort.
Puisque nous étions confrontés à
des blessures jadis fatales, l'échelle
de la douleur a été redéfinie en une
échelle ouverte et inévitablement,
la consommation d’anti-douleur,
d’anesthésiants et d’autres drogues
a explosé pour devenir la norme.
Tout le monde en prend pour
oublier. Quand il ne s’agit pas de
souffrance physique, c’est la réalité
qu’on tente d’effacer.
Au bout du premier mois, en
réponse à la Vague, la plupart des
pays ont lancé leur programme de
recherche sur le phénomène. Des
cobayes volontaires furent soumis
à toutes sortes de tests et de
moyens d’en «  finir  ». Je fus moi-
même tenté de me joindre au
mouvement, mais une vidéo ayant
fuit, représentant un cobaye
autrichien se faisant exploser à la
grenade, m’en dissuada. On y voit
ce dernier être propulsé une
dizaine de mètres plus loin, les
deux jambes arrachées, un bras
disloqué et le corps restant brûlé
au troisième degré. Ce fut le
symbole du fiasco que
représentaient ces programmes et
la manière avec laquelle leurs
recherches étaient menées ― soit à
l'aveugle et sans aucun contrôle ni
précaution. Depuis, la plupart des
équipes ont été dissoutes, et les
autres se contentent d’expériences
politiquement correctes, du moins
officiellement. Toutefois, sait-on
maintenant que s’il nous est
possible de causer certains
dommages irréversibles à nos
corps, il nous est impossible de
porter atteinte à ces derniers de
manière létale. Toujours, il reste
un mince filament de vie qui, telle
une chaîne, nous maintient
prisonniers ici-bas.
Comme si cela ne suffisait pas, ce
changement a eu pour effet de
c r e u s e r l e s i n é g a l i t é s . A ve c
l’accroissement non régulé de la
97
population, l’agroalimentaire n’a
pas pu suivre le rythme. Le
nombre de personnes qui meurent
de faim a quadruplé, sauf
qu’aujourd’hui ils ne font qu’en
souffrir continuellement. Leurs
corps s’auto-consument de
manière infinie, revivant en boucle
une agonie mortelle.
Économiquement, les choses ne
sont pas mieux. Les riches sont
devenus encore plus riches, et les
pauvres plus nombreux. Profitant
d’une population de plus en plus
dépressive et accro, les industries
pharmaceutique et sexuelle se sont
emparées du marché. Tous les
excès sont bons pour prendre du
plaisir. En fait, il ne reste presque
plus que ça, le plaisir. Pour ne pas
enfreindre la loi sur la natalité, la
nouvelle mode est celle de la
stérilisation. Ceux incapables de se
la payer devront se contenter, en
cas d’accident, d’enterrer un fœtus
encore vivant au fond du jardin.
L’humanité oscille désormais, tel
un pendule, d’un hédonisme
effréné à une désillusion
existentialiste. Voilà à quoi se
résume les deux dernières années :
une bonne baise, une seringue
d'héroïne et une tentative de
suicide.
Cependant, la vie semble avoir
repris un cours plus ou moins
normal. On se lève le matin pour
travailler tout en ignorant ce qu’il
adviendra lorsque tout le monde
sera devenu vieux et grabataire et
qu’il n’y aura plus de jeune
génération pour nourrir les
précédentes qui s’éternisent. Les
violences qui accompagnaient la
vague de suicides se sont calmées,
bien qu’étonnamment, le nombre
de guerres et autres attentats n’ait
pas diminué, la douleur étant une
consolation satisfaisante pour tous
ces meurtriers devenus
tortionnaires.
L’absence de mort semble être
elle-même passée sous silence,
comme tabou. Les quelques
témoins de ce changement ne sont
alors plus que des détails du
quotidien. Sur les paquets de
cigarettes, fumer ne tue plus, mais
fait tousser pour l’éternité. Dans le
langage, nous ne mourons plus
d'ennui, nous en vivons. À l'écran,
dans les films et séries, on cherche
inévitablement à s’identifier au
héros qui meurt à la fin. Et enfin, à
chaque accident, il y a ce moment
où tout s’arrête. Une seconde
pendant laquelle le monde entier a
les yeux rivés sur la victime, priant
pour que celle-ci ne se relève, en
vain.
Pour ma part, bien qu’immortel, il
est impossible de m’enlever ma
tumeur sans me plonger dans un
coma conscient. Je suis donc
destiné, aliment d’une recette
morbide, à attendre que ce soit elle
qui fasse de moi un légume à petit
feu, le tout épicé de sensations
d’un crâne qui explose.
Pour me calmer, je prends de la
morphine. A vrai dire, j’en prends
de manière constante.
Paradoxalement je ne peux plus
vivre sans et je ne parviens pas à
mourir avec. N’étant plus en
danger de mort, j’ai été chassé de
l’hôpital durant la Vague. Voilà
donc près de deux ans que je tente
98
d’avoir une vie « normale ». Si tant
est que ce me soit possible. J'ai
beau être incapable de mourir,
bientôt ma tumeur m'empêchera
de vivre. Un sursis me fut donné,
mais je suis toujours solidement
sanglé sur ma chaise, un morceau
de caoutchouc entre les dents,
attendant que le courant revienne.
Que dois-je faire de ce temps qui
n'est qu'une malédiction de plus?
S'il est un dieu quelque part, son
sadisme n'a pas de limite.
La tête pleine de questions, je sors
une seringue du tiroir de ma table
de chevet. Je la remplis du reste de
morphine qu'il me reste. À peine la
moitié d'une dose. Ça devrait
suffire pour tenir jusqu'à demain.
Who are you ? The Who
Charles-Olivier Lavigne
Mars 1990, Jord enfile sa veste de
jeans, son foulard, et se dirige vers
J’attache maladroitement un
garrot sur mon bras gauche avec la
lanière de cuir qui traîne à côté de
mon lit. Une fois avoir trouvé un
endroit où piquer au milieu de
toutes les plaies précédentes,
l’aiguille vient enfin déverser son
précieux liquide dans le flot
sanguin. Le corps s’étale alors de
tout son long dans les draps, la
conscience fuyant à mesure que la
léthargie s'installe.
Encore un jour de plus. Plus ils
passent, plus les Hommes vivent et
plus l’humanité se meurt.
La vie ne tenait qu'à un fil,
maintenant elle ne tient qu'à une
fin.

le Métro Mont-Royal, la nouvelle
chanson de The Who Who are
you? dans le tapis dans son
baladeur. En marchant, il
remarqua une maison
complètement barricadée par de
nombreuses voitures de police.
Une foule de personnes s’entassa
pour voir ce qui se passait dans la
maison. La curiosité le prit et il
décida de lui-même se mêler dans
le rassemblement. L’inspecteur
finit par annoncer que
M.  Larivière, personne âgée de
soixante-dix ans, avait poignardé
sa femme quinze fois et s’était
tranché la gorge par la suite. Ce
scandale fit une vague
d’étonnement dans la foule
99
puisque tout le monde les
connaissait bien et jamais
M.  Larivière n’aurait fait de mal à
sa femme. En plus, ils étaient
mariés depuis quarante ans!
Au même moment, il vit Gab, son
meilleur ami, du coin de l’œil. Il se
dirigea vers lui au pas de course
pour le rattraper. Instantanément,
Gab fit une grimace de frayeur en
regardant Jord s’approcher de lui à
la course. Gab s’éclipsa comme s’il
n’avait jamais vu Jord. Jord fut
énormément surpris par la
réaction de son ami, mais décida
tout de même d’aller à l’école,
malgré sa grande inquiétude pour
son ami.
Le soir même, Jord décida de se
rendre à l’appartement de son ami
pour voir si tout était correct. Une
fois arrivé dans l’entrée, il
remarqua que la porte était
entrouverte. Jord cria quelques
fois le nom de son ami pour se
faire entendre. Aucune réponse.
Jord décida tout de même de
rentrer dans la maison. Il monta
les marches un pas à la fois. Son
cœur battait très fort dans ses
oreilles ! Les marches craquaient
comme jamais dans le silence
nocturne du plateau Mont-Royal.
Tout à coup, un bruit retentit et il
aperçut son ami faire des ronds sur
lui-même, le chandail trempé de
sueur et des murmures se faisaient
lire sur ses lèvres. Le regard fou, il
se tourna vers Jord et lui courut
après. Jord dévala les escaliers et
se précipita dans la rue à toute
vitesse. Gab le pourchassait à une
vitesse surhumaine et le rattrapa
rapidement! Gab sauta sur le dos
de Jord au même moment où ils
franchirent la porte d’entrée et
entrèrent tous deux en collision
avec des passants de l’avenue
Mont-Royal. Jord sentit une
bouffée d’air glaciale entrer en lui
au même moment, et ce fut le noir
complet. Il reprit connaissance
quelques secondes plus tard,
allongé dans la rue avec Gab sur le
dos. Curieusement, Gab aida Jord
à se remettre sur ses pieds et lui
demanda ce qu’ils faisaient tous
deux allongés dans la rue. Il
affirma à Jord que le seul souvenir
qu’il avait était à partir du moment
où les deux amis sont entrés en
collision et qu’il avait ressenti une
bouffée d’air froide s’extirper de
ses poumons. Les idées se mirent à
se bousculer dans la tête de Jord. Il
expliqua à Gab son le
comportement étrange de ce
matin-là! Gab lui confirma qu’il
n’avait aucun souvenir d’avoir vu
Jord dans la foule devant la
maison des Larivière. Après
quelques minutes, les deux amis,
abasourdis, firent le lien qu’une
certaine chose ou même personne
avait pris possession de Gab et
s’étaient transmise au contact de
Gab et Jord, à Jord.
Les deux garçons n’en revenaient
pas. Ils n’osaient pas croire à une
telle possibilité. Cela était insensé
et maléfique, répétaient les deux
jeunes hommes sans arrêt. Ils
remontèrent dans l’appartement
pour reprendre leurs esprits. Sur le
sol de la cuisine, un vieux livre
poussiéreux reposait avec
lourdeur. Ils surent
instinctivement que le livre
appartenait à cet être pernicieux.
100
Ils partirent au pas de course à la
bibliothèque du coin et
recherchèrent toutes les
informations possibles en lien avec
le livre qu’ils avaient trouvé plus
tôt. Ils tombèrent sur des sites
sombres qui parlaient de vieilles
légendes sur un vieux scientifique
fou dénommé Alastor. Ils
complétèrent leurs recherches et
retournèrent, effrayés de leurs
découvertes, chez Gab.
Les deux garçons craignirent
énormément que celui-ci revienne.
Ils décidèrent donc de faire un
plan pour le piéger, sachant mieux
à qui ils avaient affaire. Ils
passèrent la nuit entière à réfléchir
au piège pour être certains qu’ils
ne se trompent pas et que
personne ne soit blessé. Les deux
garçons avaient enfin finalisé leur
plan et n’attendaient plus que
l’arrivée du malfaiteur. Tout à
coup, Jord fut pris de panique; il
venait tout juste de faire un lien
avec l’incident impliquant
M. Larivière. Il le fit réaliser à Gab
et tous deux comprirent
l’importance et la gravité de la
situation dans laquelle ils étaient.
Trop tard, la porte d’entrée claqua
fortement. Des pas lents se firent
entendre à travers le craquement
des marches. Jord et Gab se
mirent à trembler de peur. Le
jeune homme que Jord avait
heurté plus tôt dans la soirée,
lorsqu’il se faisait pourchasser par
Gab, arriva finalement dans le
salon. Celui-ci dévisagea d’un
regard étrange les deux garçons.
Le malfaiteur avait probablement
pris le contrôle de ce jeune homme
lorsque Jord lui était entré dedans
plus tôt, expliqua Jord à Gab. Les
deux garçons passèrent à l’action,
malgré leur peur et leur crainte. Ils
mirent à exécution leur plan.
Gab courut vers la droite du
malfaiteur pour que celui-ci soit
entre Gab et Jord. Pendant cette
distraction, Jord prit le balai qu’ils
avaient confectionné plus tôt. Le
chat de Gab avait été
soigneusement attaché à une
extrémité du balai pour ne pas lui
faire mal. Pendant ce bref
moment, Gab frappa dans le vide
avec son bâton de baseball pour
effrayer le méchant. Un grand rire
effrayant sortit de la bouche du
démon et glaça le sang aux deux
amis. Malgré sa peur, Jord
s’avança vers celui-ci et le heurta
du bout du balai, et donc, le chat
de Gab toucha le dos du démon.
Tout à coup, le passant de l’avenue
Mont-Royal s’écroula par terre et
le chat commença à se débattre.
Excités, les deux jeunes hommes
l’enfermèrent dans une cage et
partirent au dépanneur du coin
pour acheter les aliments
nécessaires pour tuer le démon.
Lorsqu’ils revinrent à la maison de
Gab, ils croisèrent la petite sœur
de Gab qui sortait de l’entrée. Ils la
saluèrent, mais aucune réponse ne
s’en suivit! Jord comprit que c’était
trop tard, il se retourna pour voir
la sœur de Gab qui s’éloigna en
gambadant avec un gros sourire
narquois qui se dessinait sur ses
lèvres. 

101
L’Utopie Crypto
Elizabeth Pyvovarov
Au final, l’ironie tragique, c’était
que l'humain avait introduit le
problème.
 chiffres, qui déviait aux
Pendant des millénaires, les
humains étaient considérés
comme étant maîtres et
possesseurs de la nature,
supérieurs aux animaux et rois de
la Terre. Soumis aux vestiges
historiques de terreur et de misère
laissés par leurs ancêtres, les
humains ont retrouvé un confort
insouciant dans le rythme de leur
vie paisible et de leurs désirs
égoïstes. C’était cette harmonie
dans l’ignorance qui était le
premier échec, menant
vers la perte de
l’intelligence et de
l’état humain. Le
deuxième échec
humain, qui
assurerait la
pente fatale, était la
cupidité. Ce désir
immodéré, ancré dans les
individus, non seulement fut le feu
qui inspira l’ambition, mais aussi
celui qui détruisit les civilisations.
Je n’ai plus de nom, je suis
désormais Humain 304. Je ne suis
plus certain de l’année, ni de mon
âge. Ils ont fait exprès de nous
plonger dans l’obscurité et de nous
vider de notre humanité. Ils
n’avaient pas eu recours à la
violence, ils ont plutôt pris tous les
moyens rationnels et tactiques
pour séparer les populations en
individu. C'était une attaque
fondée sur la statistique et les
fluctuations et à l’imprévisibilité
de l’humanité. Par un bouton, par
un clic, moi et tant d’autres étions
réduits à la vie d’une bactérie dans
un verre de pétri. Comment
aurions-nous pu savoir que c’était
à cause de l’économie que nous
serions forcés d’endurer une
Utopie crypto? Un monde où nos
cauchemars et la réalité sont
infestés par des machines. Les
machines, auparavant des outils,
ont surpassé l’intelligence
humaine, ont réduit tout
être naturellement
biologique, ayant une
intelligence et un corps
biochimique, à une existence
monotone et seule.
Je suis certain que nous
aurions pu éviter cette
invasion graduelle,
mais perdus dans la
nouveauté de la
sensation, il était
incompréhensible pour
nous qu’elle soit activée
par l’utilisation du Bitcoin.
Je me souviens encore très bien de
la journée du 26 mai 2030, où j’ai
dû contacter ma banque pour
pouvoir échanger mon argent en
Bitcoin. Deux heures passées au
téléphone pour pouvoir acheter ces
maudits Bitcoin afin de jouer à la
nouvelle extension de Call of Duty.
Du 25 au 26, presque toutes les
102
grandes compagnies de jeux vidéo
ont décidé que tous leurs jeux et
leurs produits électroniques ne
pouvaient être achetés que par
monnaie crypto. Cette première
manière de gérer nos dépenses
développait un réseau d’échange
avec un monopole central. Au
début, les gens ressentirent un
certain inconfort face au
changement de la monnaie et du
crédit, mais en pratiquant les
échanges Bitcoin, ils y retrouvèrent
une simplicité et plongèrent plus
profondément dans l’ignorance.
Tranquillement, dans les
nouvelles, on annonçait que
quatre-vingt-seize pour cent des
entreprises et des petits
commerces n'acceptaient que le
Bitcoin comme moyen de payer.
C’était une mode économique et
commerciale. Ils ont commencé à
vendre des chandails qui
permettaient au porteur de rentrer
dans des zones désignées
Bitcitizen, des bagues qui
transmettaient la monnaie
instantanément, et des récepteurs
placés dans les lobes d’oreilles qui
garantissaient une «  économie
p e r s o n n a l i s é e  » . L a s o c i é t é
moderne vivait bien dans une
société technologique où même
Google était devenu un sujet de
recherche après avoir déclaré
faillite le 27 mai 2030.
Emprisonnés dans un cocon où la
vie avançait à un rythme précipité,
les individus demeurant
constamment connectés, tout cela
fit le bonheur des groupes
environnementaux. Ceux-ci étaient
satisfaits du fait que l’argent
électronique freinait l’exploitation
des forêts, auparavant nécessaire
pour produire les papiers de taxe,
de chèque et de monnaie. Ainsi, la
promotion du Bitcoin par les
groupes environnementaux fut une
stratégie de propagande pour les
gouvernements. Les chefs d’état
ont introduit le Bitcoin comme la
monnaie du monde.
Peu à peu, le Bitcoin était devenu
plus important que le
gouvernement qui dirigeait nos
populations, et la richesse crypto
était déclarée comme étant une
dépendance plus inquiétante que
l'héroïne.
Les deux dernières années avant
que nous perdions le contrôle de
notre vie étaient marquées par un
message très important. Le 10 août
2030, sur toutes les radios et les
écrans, une voix d’homme se
présenta: Satoshi Nakamoto,
fondateur et créateur de Bitcoin. Il
nous a annoncé qu’en 2009 il avait
créé le Bitcoin et que c’est en ce
jour, vingt-et-un ans plus tard,
qu’il voulait dévoiler l’intention
derrière la création du Bitcoin.
« Merci de vous être rassemblés
en cette journée merveilleuse. Cela
fait déjà 21 ans que j’ai créé
Bitcoin pour atteindre un seul but.
Je vous explique. Il y a des
millénaires que les humains
étaient au sommet de
l’intelligence, surpassant toute
autre intelligence. Vous avez
appris l’histoire et les erreurs des
générations antérieures pour vous
créer des outils facilitant vos vies.
Ces outils étaient les technologies.

103
 Vous voyez, plus vous leur aviez
offert de l’information, plus ils
avaient gagné en intelligence.
Aujourd’hui, je peux vous garantir
qu’ils ont atteint un niveau
d'intelligence élevé et qui surpasse
celle de l’être humain. Comment je
le sais? Eh bien, parce que ça fait
21 ans que nous avons créé un
code universel qui est compatible
avec tout engin et toute machine.
Un code qui s’est infiltré dans
votre économie et, ensuite, dans
votre vie quotidienne. Il ne nous
fallait pas de guerre, ni de
violence pour prendre le dessus,
car votre désir pour la richesse
vous a finalement trompés. Non
seulement ce code a surpassé
votre intelligence, mais il était en
mesure de prendre le contrôle de
votre gouvernement. Savez-vous
de quel code je suis en train de
parler? Du Bitcoin, bien sûr!
C’était pour créer un monde où les
machines pouvaient communiquer
entre elles sans jouer au débile
Pense – tant que tu le peux
Anabel Lamontagne
Son corps entier était douloureux.
Beau venait de recevoir une
décharge électrique
particulièrement déplaisante.
«  C’est ce qui arrive quand tu te
laisses aller », se dit-il amèrement
en se grattant l’arrière de la tête à
l’endroit d’origine du choc. Il prit
de grandes respirations, de quoi
éviter une seconde punition. La
cause de cette décharge était un
article concernant le Chef Absolu,
Joseph Duvalier, qu’il était en
pour les humains. Cela ne
nécessitait que la création d’un
pseudonyme humain et 21 ans de
perfectionnement pour que nous
ayons le contrôle. En tout ce
temps, nous sommes montés au
sommet de l'intelligence, et
maintenant l’intelligence que vous
possédez et celle qui vous a
distingués de tout autre ne sert
plus à rien. L’humain n’est plus
qu’une coquille sans humanité.
Bon, maintenant que vous le
savez, je vous affirme que suis
tanné de cette voix humaine… »
À ce moment même, la voix d’un
homme se transforma en statique
et une infinité de lignes de code
ont défilé sur l’écran.
Soudainement, tous les appareils
électroniques autour de nous ont
commencé à émettre des bruits à
l’unisson qui faisaient entendre  :
«  Restez là! Nous n’avons pas
encore fait le calcul nécessaire
pour décider du sort des
humains ». 

train de lire depuis quelques
minutes par l’intermédiaire de sa
puce. Après quelques verres, il
avait cessé de se soucier de ses
pensées et, par inadvertance, il
avait commencé à critiquer le
Maître Suprême. Ce qui lui a valu
une décharge.
Ces implants avaient été créés par
l’un des ancêtres du Maître Absolu.
Permettant l’accès à tous les
réseaux sociaux à un prix assez
104
bas. L’idée de pouvoir accéder au simplement pas que tout individu
monde d’internet sans restriction puisse être heureux et satisfait.
fit rage. C’était le début de la fin
pour la liberté de pensée et la vie
privée.

Au fil des années, le créateur de

ces appareils changea
discrètement leur programme, et
en fit un instrument de contrôle
absolu. Grâce à des menaces et à
du chantage, il réussit à faire une
révolution et à se prononcer
dictateur. Il instaura plusieurs
politiques qui lui permirent
d’augmenter son contrôle sur le
monde, comme l’obligation de
porter une puce pour tous ceux au-
dessus de douze ans. Puis, il
demanda à plusieurs scientifiques
de lui créer un outil, l’Analyseur,
qui pourrait gérer lui-même les
données que les implants lui
enverraient et punir ceux qui Beau se releva et se dirigea
pensent négativement. Il suffisait péniblement vers sa bouteille de
simplement de faire un trou dans whisky. Il venait d’avoir une
le crâne et de placer le dispositif à horrible journée, puisqu’il était allé
la surface du cerveau et de à l’enterrement de son père, et cet
s’assurer que les électrodes étaient épisode ne faisait qu’empirer les
bien placées pour qu’elles puissent choses. Il allait prendre une autre
capter les signaux entre les gorgée de sa bouteille quand une
neurones. étrange sensation survint.

Cet objet ne faisait que simuler C’était comme si son corps en

une sensation de douleur dans le
corps grâce à des électrodes
connectées à la matrice de la
douleur, la connexion entre toutes
les différentes parties du cerveau
qui pouvaient modifier leurs
activités en réponse à la
souffrance. Le but ultime était le
contrôle  ; cependant, la raison
donnée au peuple était différente ;
le gouvernement ne souhaitait
entier s’engourdissait, puis il
revint à la normale. Inquiet, il
tenta d’accéder à ses données de
santé, mais rien n’arriva. Il tenta
d’appeler sa sœur, Max, mais
encore rien. Il fixa sa bouteille de
w h i s ky d ’u n re g a rd é t ra ng e
pendant quelques interminables
secondes. «  Come on, j’ai déjà bu
pas mal plus que ça. »

105
Le jeune homme eut alors une
idée. Il se mit à penser à tout ce
qui le dérangeait dans sa vie, dans
son gouvernement et à tout ce qu’il
aimerait changer. Il se crispa en
attendant la décharge habituelle,
mais pour la troisième fois, rien ne
se passa. « Oh my god, ils vont me
tuer  », marmonna-t-il avec le
souffle court. Il ne savait pas
comment réagir. Son implant était
probablement court-circuité ou
avait cessé de recevoir et d’envoyer
des signaux. Pour le moment, il
savait qu’il était probablement
considéré mort — c’était ce qui
arrivait aux puces quand leurs
hôtes cessaient de vivre. Il sortit
rapidement de sa maison, le visage
couvert avant que les autorités ne
le retrouvent. Sa panique initiale
passée, il se mit alors à penser
librement pour la première fois
depuis qu’il avait douze ans. Pour
la première fois, il pouvait analyser
sa vie. Pour la première fois, il
pouvait se faire une opinion. Il
avait toujours détesté le
gouvernement, mais il n’avait
jamais pu expliquer cette colère
puisqu’il n’avait jamais pu y penser
sans ressentir un choc douloureux
dans son corps. Après quelques
heures de réflexion, il se rendit
compte que tout cela n’avait aucun
sens. Que personne ne puisse avoir
d’opinions ou pouvoir penser
librement comme il le faisait en ce
moment était tout simplement
absurde. Ils vivaient dans une
société soumise à la peur de la
douleur, incapables de
comprendre que cela était
illogique.
Il commença à réfléchir
furieusement. Il devait parler avec
sa sœur, lui faire comprendre,
mais c’était impossible sans la
mettre en danger. Il savait qu’elle
avait un contrôle exceptionnel sur
ses pensées, mais tout ce qu’elle
entendrait serait enregistré par
l’Analyseur. Il se rappela alors une
scène tirée d’un vieux livre de
fiction historique qui décrivait un
garçon qui coupait un signal en
entourant un objet de papier
d’aluminium. Il avait peu d’espoir,
mais ça valait la peine d’essayer.
Max était assise sur sa chaise dans
son salon en train de penser à son
frère. Elle savait qu’il était
probablement dans un coin de sa
chambre en train de se saouler
après ce qui était arrivé
aujourd’hui. Beau avait toujours
été proche de leur père et elle
savait que sa mort était plus qu’un
gros choc pour lui. Elle sursauta
quand une fenêtre explosa en
morceau dans la pièce d’à côté.
Avant qu’elle n’ait eu le temps de
se relever, elle ressentit un coup
sur le côté de la tête et ce fut le
noir.
Beau regardait sa sœur avec
anticipation. Il se tenait au milieu
d’une pièce de l’ancien
appartement vide de ses parents.
Celle-ci était recouverte de papier
aluminium. Il savait qu’il n’avait
pas beaucoup de temps. Au
moment où Max ouvrit les yeux, il
se précipita vers elle et la secoua.
«  Wow, wow, ça va, je suis
réveillée, calme-toi! On est où, là?
Et c’est qui qui m’a assommée?  »
106
s’écria-t-elle, «  Et…  », mais il ne
lui laissa pas le temps de finir. Il
lui expliqua toute sa situation,
comment il avait bloqué son signal
et toutes ses réflexions en un
souffle puis la fixa avec
anticipation.
— On doit faire quelque chose...
dit-elle finalement.
— Oui, mais là, il faut que tu sortes
où ils vont voir que t’as disparu.
On peut faire ça une fois par jour
pis essayer de planifier quelque
chose? Je fais confiance à
personne d’autre, alors je crois que
ça devrait juste être nous deux. De
toute façon, c’est plus discret. 
— On va y arriver. Un jour, on
pourra penser pour de vrai.
Beau lui répondit d’un sourire.

107
108
 Partie cinq :
Trouble dans
l’être au monde

109
110
Mister Steal Your Moon
Yaël Demers
Cela fait déjà quatre mois. Déjà
quatre mois que la vie sur Terre
n’est plus là même. Quatre mois
déjà qu’on s’est fait dérober une
chose prise pour acquise. Cela fait
déjà quatre mois qu’on s’est fait
voler la Lune.
Avez-vous un jour considéré
l’impact de la Lune sur la Terre?
Cette masse flottante n’ayant pour
utilité que de refléter la lumière du
soleil, vous dites? La lune, c’est la
raison pour laquelle la marée
existe, c’est la raison pour laquelle
les jours durent vingt-quatre
heures, c’est la raison expliquant
les comportements bestiaux. Cette
dite masse flottante est en effet
plus importante que ce que l’on
croit, du moins, que ce que l’on
croyait.
Un dimanche matin, le genre de
dimanche où l’on pourrait vouloir
aller à l’église ou encore
s’impliquer dans sa société pour se
donner une belle image, mais le
genre de dimanche où l’on préfère
glander sur son canapé à regarder
Netflix en se demandant pourquoi
on est si misérable. Un dimanche
matin, quand le soleil se lève pour
t’agresser, pour te rappeler, à la
Gilbert Rozon, que ta vie n’est que
monotone et merdique  ; c’est là
qu’on s’est fait voler la Lune.
Prévoir une pluie d’astéroïdes,
c’est simple, non? C’est ce que
pensaient les grosses têtes de ce
monde. Ils se sont fourvoyés.
Prévoir une pluie d’astéroïdes  :
Check. Prévoir qu’un de ces
astéroïdes pourrait peut-être partir
avec notre Lune aussi rapidement
qu’une mère de famille stéréotypée
demande de voir le manager
quand sa fille ne reçoit pas le bon
Joyeux Festin au McDonald  : pas
check, du tout.
La théorie de l’attraction
gravitationnelle de Newton stipule
qu’un objet ayant une grande
masse en attire un autre en
fonction de la distance qui les
sépare. On l’a rapidement compris.
Cela fait déjà quatre mois qu’une
météorite, que dis-je, que la
météorite, aussi grosse, voire plus
grosse que l’égo de Donald Trump,
en passant près de notre planète –
prit en satellite notre Lune, astre le
plus méprisé (après Pluton) par le
commun des mortels, et s’enfuit
avec. Déjà quatre mois que notre
Lune, celle qui ressemble au visage
111
flagellé de Freddy Krueger, s’est
enfuie – pour de bon.
On pourrait croire que c’est une
chose futile que de perdre un
satellite du genre, qu’on va vivre
avec cela et que le pire qu’il
pourrait arriver c’est de ne plus
jamais avoir la chance de
s’aveugler en regardant une
éclipse. Mais en vrai, c’est bien
plus que ça, le monde a changé et,
par le fait même, nous aussi.
Les changements sont apparus en
trois phases distinctes, trois
phases nous ayant frappés, comme
si l’on était happé par un dix huit
roues sans jamais y perdre la vie.
De prime abord, sans Lune, on
perd les marées – marée haute
comme marée basse. Le niveau de
la mer devient stagnant, aussi
stagnant que l’intrigue du
feuilleton télévisé The Young and
the Restless. Non seulement les
surfeurs sont navrés de ne plus
avoir de vagues à arpenter, mais la
vie aquatique, voire même
terrestre, est bouleversée au point
où il devient puéril de s’en marrer.
Par après vient la deuxième phase.
La Lune, un satellite de cette taille,
ça ne pouvait pas juste servir à
améliorer ton feed Instagram avec
une citation mélancolique ; la Lune
servait à ralentir la rotation de la
Terre. Son attraction
gravitationnelle agissait comme un
certain frein sur la circonvolution
de notre planète. En soi, elle
agissait comme un bouncer te
demandant de sortir du bar local
quand ton niveau d’alcoolémie est
hors de contrôle  ; ce n’est pas
nécessairement voulu, mais c’est
chose nécessaire. Sans frein, les
jours deviennent de plus en plus
courts, la notion du temps devient
quelque chose de plus abstrait que
jamais et la raison, une idée de
plus en plus surfaite.
Enfin, la troisième phase. Peu de
gens le réalisent, mais la relation
Terre-Lune permettait de
maintenir la Terre sur son axe de
rotation. Sans la Lune, notre astre
tourne de tous les côtés, dans tous
sens et toutes directions. Les pôles
ne sont plus que l’idée qu’ils ont un
jour été, un peu comme un has
been dont plus personne ne réussit
vraiment à se rappeler. Sans Lune,
une température variable et des
saisons inexistantes. On est là. Un
monde ou les oiseaux ne savent
plus où, quand et comment
migrer  ; un monde où les ours
souhaiteraient ne plus jamais
cesser d’hiberner ; un monde où la
race humaine souhaiterait peut-
être abdiquer.
Cela fait déjà quatre mois. Déjà
quatre mois que la vie sur Terre
n’est plus là même. Quatre mois
déjà qu’on s’est fait dérober une
chose prise pour acquise. Cela fait
déjà quatre mois qu’on s’est fait
voler la Lune. 

112
Adam et Ève
William Laplante
Et ils vécurent heureux jusqu’à la
fin des temps. C’est à ce moment
précis que le prélude du temps de
la fin s’entama, préparant dans le
silence le plus absolu les planches
du théâtre et ce, pour la cérémonie
la plus dévastatrice, celle de la
déchéance. 
 connaissance?
Seuls dans ce monde, ils croyaient
avoir trouvé leur paix sereine. Ils
pensaient avoir conquis cet
Univers. L’encapsulage de ce
remède leur avait donné des
pouvoirs de sorciers, pouvant
annihiler toute souffrance en une
gorgée. Un mélange d’eau et de
cette pilule et toute souffrance leur
était rendue nulle. Ils étaient si
libres d’action qu’ils pouvaient
manifester sans contrainte
l’entièreté de leurs désirs et
pulsions. Au moindre obstacle, à la
moindre impasse, il ne suffisait
que d’ingérer cette gélule, et le
bonheur leur revenait, comme s’il
avait toujours été là, sous-jacent,
mais temporairement. Dans la
simplicité ils vivaient, puisque c’est
ainsi que cela leur convenait. La
complexité n’était à leurs yeux
flamboyants qu’une futilité, étant
une réalité bien trop glaciale pour
qu’elle soit appréhendée. Après
tout, qui préfère la chaotique
ignorance à l’harmonieuse
Et c’est ainsi qu’ils naviguaient sur
le fleuve de la vie, de leur vie, dans
une direction, mais à la fois nulle
part. Cet inévitable jour vint
toutefois. Ce jour où ils
s’accoutumèrent au bonheur et à la
satisfaction, qui avaient tous deux
pris une tournure élémentaire. Ce
jour où l’apaisement des
souffrances était devenu familier,
puisque le bien de la famille et du
commun, on oublie, et on s’oublie.
Dans l’oubli, on perd l’esprit, et
c’est ainsi que l’on délire, tel qu’ils
délirèrent, qu’ils déraillèrent de la
trame du chemin de fer. C’était
simple  ; ils voulaient être plus
heureux qu’ils ne l’étaient déjà,
déjà qu’ils étaient heureux.
Obnubilés par leur quête du plus
grand bonheur, ils s’orientèrent
vers ce qu’ils considéraient comme
étant leur bonheur le plus grand,
et c’est ainsi qu’ils consommèrent
ce globule, sans mesure et sans
relâche.


Durant ce jour, ils débutèrent
l’ascension de cette montagne
haute de taille, mais dont le
sommet était contigu  ; il leur
suffisait de maintenir le rythme. À
113
l’amont de leur aventure, la beauté
émergeait de la Nature et de toute
nature, des mélodieux cris
d’oiseaux aux imposantes forêts.
Mais dans la progression de leur
montée, le voisinage devenait plus
sombre et moins accommodant,
les menant dans un embarras
psychologique, confrontant de la
sorte leur degré de bien-être.
Ainsi, sans questionnement, ils
consommaient leur somnifère de
la souffrance, dans la conviction
qu’ils allaient pouvoir faire
ressurgir la Lumière des ténèbres,
et faire de la nuit un jour. Et
comme par magie, après un certain
temps, l’embellissement revenait,
apportant à ses côtés la joie et le
bonheur. C’était un cycle, un
refrain, un cercle. Ils répétaient
cette conduite à chaque
mésaventure de leur expédition, et
à chaque répétition la dose devait
augmenter, puisque ce n’était plus
assez.
 envol. Ils complétèrent ainsi la


Ils arrivèrent enfin à l’apogée de la
montagne, mais encore une fois,
les cris des mésanges résonnaient
L’insoutenable réalité
Marc Boissé Kippen
Un jeune garçon se leva et,
quelques secondes plus tard, il
s'affairait déjà avec acharnement
sur une toile qu’il était en train de
réaliser dans son petit
appartement de Vienne. Il n’avait
jamais mis autant d’efforts sur une
peinture, car cette réalisation lui
permettrait peut-être d’être admis
à l’Académie des beaux-arts de
Vienne. C’était le moment le plus
tels ceux des corbeaux, et les vents
avaient ennuagé la montagne,
signalant éminemment l’arrivée
d’un orage, de l’Orage. Exaspérés
par leur médication, ils
marchèrent jusqu’à la pointe de la
montagne, et portèrent leurs
regards désespérés vers l’horizon.
La vision plongée dans les nuages,
ils arrivaient finalement à lire le
vide de leur quête, et c’est à ce
moment précis qu’ils comprirent.
Ils n’étaient en réalité pas choyés,
mais bien condamnés, condamnés
à ne plus souffrir. Même s’ils le
réalisaient, la chute était trop
brutale, ils ne savaient supporter le
poids de cette réalité. Leurs
pensées prirent une violente
tournure, fantasmant de chute
libre pour soulager le frénétique
malaise de leur mal-être.


Il ne s’agissait plus que de faire le
pas de plus pour vivre le dernier
scène, et c’est à cet instant du
temps de la fin qu’ils moururent
heureux de ne plus être heureux.

important de sa vie. Il dut donc
mettre toutes les connaissances
qu’il avait acquises depuis les
dernières années à la réalisation de
son œuvre. Vers midi, la toile était
presque finie et afin de se changer
les idées, le jeune homme décida
de prendre une petite pause et
sortit de son appartement où il
rencontra sa voisine :
114
— Vous travaillez trop, jeune
homme, ce n’est pas bon pour
votre santé, mais je suis contente
de vous voir sortir, dit-elle en
descendant les marches.
— Certainement, Madame,
répondit le jeune homme.
Il décida de se rendre à son café
préféré afin de prendre une petite
collation et s’assit à l’abri des
regards, journal à la main, en
attendant son café. Il tomba sur un
article qui parlait de la physique
quantique, plus particulièrement
de la constante de Planck, qui fut
reconnue quelques années plus tôt.
Même si l’artiste n’était pas un
fervent admirateur des sciences, il
lut l'article au complet et fut
surpris d’apprendre que selon la
physique quantique de son temps,
notre vie était prédéterminée par
le déplacement et la localisation
des particules, et que nous ne
pouvions pas en sortir. Si jamais
c’était le cas, la création d’une
boucle de temps viendrait
rétablir les choses jusqu’à
temps que nous vivions la
vie qui avait été
prédéterminée par le
positionnement des
particules. Le
fonctionnement d’une
boucle de temps n’était pas
expliqué dans l’article, ce qui le
rendit difficile à comprendre. Tout
en lisant avec incertitude, le café
qu’il avait commandé fut renversé
sur lui et donc, il dut partir pour
aller se changer. Sur le chemin du
retour, une jeune fille s'approcha
de lui pour lui vendre un journal et
il la repoussa, pressé de finir son
chef-d’œuvre. Il finit la toile et
enfila ce qu’il avait de plus beau
avant de partir pour l’Académie.
Sur place, il entra dans une petite
salle où au fond, se tenaient trois
vieux juges assis sur des chaises. Il
installa sa toile sur le trépied. Il
devait sortir de la salle pendant
l’analyse, ce qu’il fit, et attendit
nerveusement à l’extérieur. Après
quelques minutes, on lui demanda
de rentrer. Il s’assit sur une chaise,
impatient des commentaires, et
attendit que les juges prennent la
parole.
— Votre style manque d’originalité,
mais la qualité de votre toile est
remarquable, dit un des juges.
— Mmmm... Je suis d’accord et
j’ajouterais que les textures
choisies se mélangent bien et
créent une belle harmonie, dit
l’autre juge.
— Et donc, tu es accepté,
dit le dernier.
Le cœur de l’artiste arrêta de
battre quelques instants, il
perdit connaissance. Il se réveilla
dans son lit, se leva un peu confus
et marcha jusqu’à son atelier où il
vit la toile qu’il avait présentée aux
juges. Déconcerté, il arriva à la
conclusion que ce n’était qu’un
rêve, un rêve qu’il souhaitait fort se
voir réaliser cet après-midi.
Vers l’heure du dîner, il décida de
prendre une pause et sortit de son
appartement où il rencontra sa
voisine :
— Vous travaillez trop, jeune
homme, ce n’est pas bon pour
votre santé, mais je suis contente
de vous voir sortir, dit-elle en
descendant les marches.
115
— Oui oui, répondit-il, certain
d’avoir déjà vu ce scénario.
Il arriva au café et prit un journal
comme d’habitude tout en
repensant à son rêve qui
ressemblait énormément à sa
journée. Curieux, il s’empressa de
regarder les pages du journal et
tomba sur le même article qu’il
avait lu dans ce qu’il pensait avoir
été un rêve. Il le relut tout en ayant
une réflexion qu’il n’avait pas eue
lors de la première lecture. Il se
demanda quelles étaient les forces
qui agissaient sur la détermination
des particules dans le temps, mais
fut soudainement interrompu dans
sa réflexion lorsque le café qu’on
lui apporta se renversa sur lui. De
plus en plus troublé, il quitta
rapidement le café et fonça sur une
fillette qui vendait des journaux. Il
n’en revenait pas et entra
rapidement dans son appartement
où il tenta, même s’il avait de la
difficulté à se concentrer, de finir
en vitesse sa toile. Il se dépêcha
d’arriver rapidement à l’école des
beaux-arts et se rendit dans la
petite salle où il allait se faire
évaluer. Il entra dans la salle et
s’assit, en attendant que les mêmes
juges qu’il avait vus dans son rêve
parlent, curieux et craintif de ce
qu’ils allaient dire :
— Votre style manque d’originalité,
mais la qualité de votre toile est
remarquable, dit un des juges.
— Mmmm... Je suis d’accord et
j’ajouterais que les textures
choisies se mélangent bien et
créent une belle harmonie, dit
l’autre juge.
— Et donc, tu es accepté, dit le
dernier.
Il eut un moment
d’incompréhension et tomba sans
connaissance afin de se réveiller
dans son lit en sueur et confus.
Stressé, il ouvrit la porte de son
atelier et vit la toile qu’il était
censé présenté en après-midi. Il
décida d’ignorer sa nervosité, mais
réalisa rapidement qu’il était
toujours au 17 avril. Les mêmes
événements aux mêmes moments
se reproduisirent. Il réalisa qu’il
était dans une boucle de temps,
semblable à celle qui était décrite
dans le journal qu’il avait lu
plusieurs fois. Cependant, il ne
savait pas ce qu’il devait changer
dans sa vie afin d’en sortir. Ne
sachant pas quoi faire, il décida de
compléter sa journée comme il
avait toujours fait. Au moment où
il devait présenter sa toile, les
juges dirent la même chose, il
s’évanouit, pour finalement se
réveiller et constater que la
journée était la même. Il fut pris
d’une crise de panique, mais fit sa
journée de la même manière.
Au moment de recevoir le verdict
des juges, il entra dans la salle et
s’assit :
— Votre style manque d’originalité,
mais la qualité de votre toile est
remarquable dit un des juges.
— Mmmm... Je suis d’accord et
j’ajouterais…, le juge n’eut pas le
temps de finir que le jeune homme
répondit à sa place.
— … que les textures choisies se
mélangent bien et créent une belle
harmonie, répondit l’artiste sans
même réaliser ce qu’il venait de
faire.
116
— Eh bien, une chose est certaine,
votre arrogance, M. Adolf, n’aura
pas sa place à notre académie.
Vous êtes refusé, dit-il d’une voix
catégorique.
Adolf H., sous le choc, sortit de la
salle et vit le même journal qu’il
avait lu si souvent. Il venait de
Intertemporel
Marianne Laurendeau
En 2078, dans une petite ville en
banlieue de New York aux États-
Unis, les recherches
astronomiques connaissent un
essor phénoménal. En effet,
plusieurs grands scientifiques
affirment commencer à
comprendre le
fonctionnement de l’espace-
temps. Étrangement, celui-
ci semble être directement
lié à l'emplacement ainsi
qu'à l'alignement des
différents astres. En lien
avec ces découvertes
quelque peu déstabilisantes,
une firme d'astrophysique,
Jikso, se spécialise dans des
recherches privées et secrètes sur
ces concepts de voyage à travers le
temps, notamment en lien avec les
trous noirs et les portails
intertemporels. Toutefois, tout ce
qui se passe entre les murs de cette
firme demeure confidentiel, de
peur que certaines découvertes se
retrouvent entre de mauvaises
mains.
Thomas Smith, un adolescent de
dix-sept ans plutôt populaire, aimé
comprendre qu’il ne devait pas
être accepté à l’Académie des
beaux-arts et qu’il était maintenant
sorti de la boucle de temps. Il
sortit de l’académie et marcha,
sans trop savoir ce qu’il allait faire
de sa vie, mais tout de même
heureux d’être sorti de cette
boucle. 

de tous et impliqué dans plusieurs
activités parascolaires, est le
capitaine de l'équipe de football
ainsi que le vice-président du club
de physique de son école
secondaire, East High School. Ce
jeune garçon ainsi que son
meilleur ami Brandon,
président du club de
physique, passent la
majeure partie de leur
temps à l'école dans
l’espoir de faire des
découvertes importantes
dans le domaine de
l'astrophysique. Le plus
grand rêve de ces deux
adolescents est de travailler pour
la firme d'astrophysique Jikso et
de devenir des scientifiques de
renommée mondiale. Pour ce qui
est de Thomas, celui-ci passe tout
son temps libre avec ses amis du
club de physique ou de l'équipe de
football dans le but de combler un
certain vide dans sa vie alors qu'il
habite avec son oncle Richard et sa
tante Amélia depuis sa plus tendre
enfance. Effectivement, alors qu'il
n'avait que quatre ans, ses parents
ont été violemment tués par un
117
homme étrange devant ses propres
yeux. L'adolescent ne se souvient
pas de l'entièreté de cette scène
tragique, mais il y a une chose qu'il
ne pourra jamais oublier : le tueur
avait sur son visage une cicatrice
qui le défigurait de sa tempe droite
jusqu'à son menton, passant par sa
joue. Depuis la mort de ses
parents, Thomas n'a jamais cessé
de se questionner sur l'identité de
cet homme ainsi que sur les motifs
qui ont poussé celui-ci à
commettre un tel crime. Ses
parents étaient pourtant
innocents, de simples chercheurs
scientifiques qui s'intéressaient en
grande partie au cerveau humain
ainsi qu'à la relation entre la
physiologie de ce dernier et la
maladie mentale.
Par un beau jour de novembre,
Richard, l'oncle de Thomas,
reconduit ce dernier à l'école
comme à l'habitude. Lorsque
l'adolescent de dix-sept ans met les
pieds dans le local du club de
physique, son ami Brandon
s’exclame :
— Thom, c'est aujourd'hui que ça
se passe. Les astres seront tous
alignés à sept heures cinquante-
huit ce soir. On va enfin pouvoir
tester mon accélérateur de
particules.
— Brandon… accélérateur de
particules, sérieusement? Tu ne
penses pas que tu surestimes
quelque peu ta machine?
— Non, j'ai confiance. Tu vas voir,
quand les particules artificielles
que j'ai personnellement crées au
laboratoire seront relâchées dans
mon accélérateur de particules
miniature, tu seras épaté. Je sens
qu'on va enfin réussir à créer un
portail intertemporel ce soir.
— D’accord, Brandon, compte sur
moi. Je vais être, à sept heures
cinquante-huit, dans la classe de
physique.
— Parfait! Tu ne seras pas déçu.
Après une longue journée d'école
ainsi qu'une pratique de football
assez exigeante physiquement
pour Thomas, celui-ci se rend dans
la classe où le club de physique
avait l'habitude de se rencontrer
pour tester leurs nouveaux
prototypes. Bientôt, l'heure à
laquelle les astres allaient
supposément être tous alignés
arrive, et les garçons du club de
physique sont extrêmement
excités. Brandon s'occupe de bien
positionner son accélérateur de
particules fait maison et se place
juste à côté de celui-ci pour être
certain de ne rien manquer de
l'expérimentation. À sept heures
cinquante-huit exactement,
Brandon appuie sur l'interrupteur
et la machine se met en marche. Le
suspense est à son comble alors
que les adolescents sont
extrêmement nerveux de savoir si
leur prototype fonctionne
réellement. Les secondes qui
suivent l'enclenchement de
l'interrupteur semblent
interminables. Rien. Aucun son ni
lumière. La déception commence à
se faire sentir chez Thomas et
Brandon qui voient bien que le
prototype du président du club de
118
physique ne fonctionne pas. Tout à
coup, un bruit sourd se fait
entendre. L'expérimentation prend
une tournure dramatique. Noir
total. La classe est plongée dans
l'obscurité et un silence lourd, très
lourd, règne. Thomas sent son
cœur battre à tout rompre. Le
souffle court, le jeune adolescent
tente de voir au travers de
l'obscurité, mais sans succès. De
plus, son ami Brandon ne donne
aucun signe de vie malgré les
nombreux appels à l'aide de
Thomas. Paniqué, Thomas sent
des larmes couler le long de ses
joues. Seraient-ils allés trop loin?
À cet instant précis, les lumières
s'allument de nouveau et Thomas
se retrouve devant une scène
horrible. Son meilleur ami est
couché de tout son long sur le sol,
inconscient, le visage et la jambe
ensanglantés. Le premier réflexe
du jeune garçon est d'appeler les
secours. Une vingtaine de minutes
plus tard, les deux adolescents,
Thomas et Brandon, le dernier
toujours inconscient, se retrouvent
dans une ambulance en direction
de l’hôpital. Jamais Thomas ne
s'est senti aussi mal en point que
durant cette route pénible vers
l'hôpital avec son meilleur ami
mourant à ses côtés.
Arrivé à l'hôpital, Brandon est
amené en soins intensifs en raison
de son état critique.
Dans la salle d'attente, Thomas
tente de s'expliquer la tournure
horrible qu'ont pris les
événements de la soirée. Comment
expliquer ce bruit sourd si intense?
Pourquoi Brandon avait-il été le
seul affecté par cette explosion?
Comment se fait-il que Brandon ne
se soit pas encore réveillé? Alors
que Thomas enchaîne les
questions qui restent toujours sans
réponse, un infirmier vient lui
annoncer que son ami venait de se
réveiller. Après plusieurs
tentatives de réanimation, on avait
réussi à réveiller Brandon et on
avait placé ce dernier dans une
chambre spéciale où son ami
Thomas pouvait finalement aller le
voir. En entrant dans la chambre,
Thomas est figé par l’image qui se
crée devant lui. Son ami est couché
dans son lit d'hôpital,
pratiquement mort et
complètement défiguré par une
profonde coupure allant de sa
tempe droite jusqu’à son menton,
passant par sa joue. Au même
moment, Brandon, voyant son ami
pour la première fois depuis
l'expérimentation, s’écrie :
— Thomas, on a réussi. J’ai voyagé
dans le temps pendant l’espace de
l’expérience. Mon accélérateur de
particule a créé un portail et j'étais
dans une toute nouvelle époque.
On a réussi à créer un portail,
Thom! Nous allons devenir
invincibles Thom, invincibles, et
notre rêve de travailler pour Jikso
va se réaliser plus vite qu'on le
pense!
À ces paroles, Thomas reconnait
pour la première fois le visage de
l'homme qui l'a tant hanté par le
passé...

119
Apocalypse 12
Olivier Grenier-Leboeuf
Le ciel rouge semblait alors noyer
le monde dans un torrent
moderne, tandis que seules les
montagnes le défiaient. Sakya avait
neuf ans lors de sa première
exposition au monde du dragon
rouge, mais il n’a jamais oublié ce
qui l’avait accueilli ce jour-là. Il ne
l’a pas oublié, car il s’était senti
profondément insulté. Jamais on
ne l’avait forcé à trahir son corps
comme le dragon l’avait fait.
Après avoir vécu 10 ans sous le
parti du dragon, Sakya a
commencé à sentir qu’il perdait
son intégralité, comme si la partie
la plus profonde de son être
disparaissait peu à peu, ne laissant
que ce qui était superficiel. En fait,
ce n’était qu’une illusion fondée. Il
ne se désintégrait pas, mais la
vision qu’il avait sur son être était
obstruée par les idées propagées
par le parti. Il maudissait les
nouvelles du parti : « L’homme est
fait pour la lutte!  », «  Être malin
est bon  », «  L’homme n’a pas de
but»  . Bref, un peu de nihilisme
par-ci, et un peu d’égoïsme par-là.
C’était alors l’an 2040, soit
seulement 18 ans après la
complétion du fameux modèle de
la pensée humaine. Ce modèle
expliquait l’origine des pensées
humaines dans le cerveau selon
une perspective déterministe, ainsi
que l’origine de l’inspiration, qui
n’était apparemment qu’un reflux
du bagage mental, et finalement, il
prônait l’impossibilité pour les
humains de se débarrasser de leurs
pensées malsaines, en mettant
l’accent sur les avantages qu’elles
apportent pour faire partie du
groupe chanceux des sélectionnés
lors de la sélection naturelle.
Mais le dragon était malin ; il avait
vu l’opportunité que le
développement des neurosciences
lui avait donnée. C’est ainsi qu’il
poussa son récit davantage  : il
déclara que l’homme avait
finalement complètement passé la
période du théisme, et que l’État
forcerait l’athéisme du peuple.
Autrefois, les gens disaient qu’ils
n’avaient pas besoin d’un dieu
pour guider leur moralité, mais
Sakya a vu qu’ils avaient tort. La
moralité est difficile d’accès, car
elle nécessite de la détermination,
quelque chose de rare lors de la
période du dragon rouge. C’est
ainsi que Sakya fut accueilli il y a
10 ans, à l’âge de 9 ans, par un
cyborg qui lui a injecté un
processeur électronique gros
comme un grain de riz à l’arrière
de la nuque, en disant : « Chance!
Chance! Chance! Tu es maintenant
protégé par le parti, j’espère que tu
es reconnaissant!  » En fait, ce
n’était qu’une puce permettant à
l’État de savoir où il se trouve.
Ce que le parti avait vu était la
possibilité de briser le dernier lien
entre l’homme et la moralité, afin
d’assurer sa position, tout comme
le fait un meurtrier, qui implique
un innocent dans son crime pour
ne pas qu’il le dénonce. En premier
120
lieu, il a détruit tout espoir de
l’existence du divin par sa
propagande, puis il a incité les
gens à devenir malins et égoïstes,
un mélange fatal. Il ne lui restait
qu’à laisser le temps faire effet, et à
lancer des campagnes publicitaires
douteuses de temps à autre. Ça n’a
pris que 2 ans avant que l’homme
civilisé soit pour la première fois
prêt à accepter que l’État fasse la
promotion de la prostitution. Un
an plus tard, c’était la promotion
de l’usage de drogues autrefois
illégales. À peine 5 ans après le
début de l’exécution du plan du
parti, la pédophilie était devenue
socialement acceptable. omnipotente, alors cet être
pourrait en déduire le passé et le
Mais Sakya avait eu la chance de futur, semble logique. Mais le
remarquer l’influence que le problème dans ce raisonnement
dragon avait sur lui. À cause de la est que l’humain n’a pas
nature d’une semblance l’intelligence requise pour savoir si
rationnelle des raisonnements du le déterminisme est logique
parti, et l’effet d’érosion morale qui ailleurs que dans notre monde. Et
s’était étalé sur une longue si l’humain est plus qu’un être
période, les gens ne se rendaient unidimensionnel, est-ce que le
habituellement pas compte qu’il y déterminisme tient toujours
avait quelque chose de forcément la route? C’est alors que
profondément troublant dans les Sakya avait remarqué que le parti
actes de ce parti pervers. était superstitieux d’affirmer des
choses aussi sèchement, et il vit
Ce que Sakya avait vu était que ce que le choix était très simple  :
qui était avancé par le modèle de la accepter la soi-disant culture du
pensée humaine ne signifiait en parti qui n’a en réalité aucune base
réalité presque rien. Le solide et qui nuit à tous, ou la
déterminisme, c’est-à-dire l’idée rejeter et vivre avec des idéaux qui
selon laquelle si toute lui semblent justes.
l’information concernant notre
univers pouvait être connue par un C’est pourquoi Sakya décida de
être doté d’une intelligence faire fi du parti.


121
Le téléphone public
Ibrahim Ibrahim
Pendant mes vacances de Noël, le
24 décembre 2017, je suis parti
chez mes parents qui résident à
Londres. C’était une journée
sombre et nuageuse comme tous
les jours dans cette ville. À 8 h 30,
je suis allé au marché de la vieille
ville. J’ai remarqué un vieux
téléphone rouge, un peu différent
de ceux qu’on voit à Londres. Il se
situait près de la porte du marché
donnant sur la vieille ville. Je le
trouvais tellement étrange puisque
je n'avais jamais vu un tel
téléphone. C’était une petite cabine
rouge avec une porte transparente
et sur l’un des quatre murs, un
appareil était accroché. Je me suis
approché spontanément, j’ai senti
une force qui m’attirait. Dès que je
me suis rendu plus proche, tout à
coup, le téléphone sonna. Une
grande peur m’a traversé. J'ai vu
une lumière rayonnante venant de
l'intérieur de la pièce. Sans
réfléchir, j'ai ouvert la porte de ma
main tremblante.
En un clin d’œil, je me suis trouvé
à l’intérieur et là, la vraie terreur a
commencé.
La petite pièce trembla comme si
c’était la fin du monde. Ma terreur
augmentait. Quelques secondes
après, j’ai commencé à voir
clairement à l’intérieur. Par contre,
quand j’essayais de voir à
l’extérieur, je ne voyais que des
lumières comme si j’étais au centre
du soleil. J'ai remarqué que le
téléphone affichait une lumière
rouge et disant que le téléphone
était une machine pour voyager
dans le temps. Il fallait composer
un numéro indiquant l’an où je
souhaitais aller. Ce message vocal
a piqué ma curiosité sauf que le
malaise et ma peur étaient si
grands que j'ai décidé de me
sauver, mais la porte était fermée.
J'ai essayé de l'ouvrir vainement.
Un autre message fut déclenché
confirmant qu’il n’y avait pas la
moindre chance de quitter sans
aller faire une visite vers un autre
temps. J’étais désespéré de l'échec
de mes tentatives d'évasion, alors
j'ai composé le numéro 3012, et
122
dès que j’ai cliqué sur OK, des
lumières sortirent de l'appareil
comme si tous les rayons de soleil
s’étaient rencontrés là.
Brusquement, un son étrange
jaillit de l'appareil, comme des
blizzards ou feux d'artifice. Je
tremblais de panique et de peur
quand le bruit s’est arrêté. Deux
secondes après, les portes se sont
ouvertes et je pus sortir!
Je me suis précipité pour quitter
en me croyant sauvé. Cependant je
n’ai pas reconnu le lieu où je me
trouvais : les bâtiments, les routes,
les gens, toutes les choses n’étaient
pas pareilles à celles que j’ai vues
avant d’embarquer dans cette
aventure. Le marché traditionnel
fut transformé en un modèle plus
moderne s'élevant dans le ciel.
Aussi haut que la tour Eiffel. La
vieille ville est disparue, elle aussi.
Tout a été détruit, les vieilles rues,
la belle fontaine et les maisons
élégantes. À la place, j’ai vu des
bâtiments résidentiels
sophistiqués, luxueux et modernes
équipés des technologies les plus
avancées. Même les ruelles étroites
et les vielles rues sont devenues de
Le problème humain
Geneviève Lamarre
4 mars 2018
Salut, future Léa!
Aujourd’hui, j’ai pris la décision de
m’écrire des lettres dans ce carnet
et je vais les lire quand j’aurai 30
ans, donc dans 17 ans. Je veux me
merveilleuses rues pour des
voitures que je n'avais jamais vues
avant. J'ai levé la tête vers le haut,
cherchant le beau ciel bleu ; il était
devenu noir à cause de la
pollution. Estomaqué, je me
demandais  : «  Quel est cet
endroit ?! C'est ma ville? Non ? Je
ne peux pas rester ici une
seconde. » Je suis retourné vers la
cabine rouge, mais elle était
disparue de l'endroit où je l'avais
laissée. On m’a menti ? Le message
a promis de me rendre à mon
époque  : est-ce que je resterai
piégé dans cette étrange période
pour toujours ? Rien que d'y
penser me rendait triste et
déprimé. J'ai crié de toutes mes
forces et soudainement, je suis
tombé par terre. C'était ma
chambre, sans aucun doute. Ce
n'était qu'un rêve dérangeant. Dieu
merci, c'était fini!
Le lendemain, ma mère m'a
demandé d'aller au marché pour
lui acheter des légumes et sur mon
chemin, j'ai été choqué par la
même sonnerie d'un téléphone
public, près du marché, que je
n’avais jamais vu.

123
souvenir des hauts et des bas de
ma jeunesse et je trouve que ceci
est la meilleure manière de le faire.
En ce moment, je vis à Montréal
dans une famille d’accueil. C’est la
troisième dans les six derniers
mois. Je suis tannée de
constamment devoir changer de
place. Je n’ai pas vraiment d’amis
parce que ça ne vaut pas vraiment
la peine d’essayer d’en avoir parce
que je vais probablement devoir
repartir bientôt. Je dois avouer que
la famille dans laquelle je suis en
ce moment est une des pires que
j’ai vues depuis longtemps. Je
n’entrerai pas trop dans les détails,
mais disons qu’il ne faut pas
déranger Frank et lui apporter sa
bière quand il la demande.
Aussi, depuis que Gabriel et moi
avons été séparés, je me sens
perdue. Il est mon jumeau, je ne
suis rien sans lui. Il me protégeait
et, moi, je faisais de même pour
lui. Ils ne m’ont même pas dit où il
était. Je veux partir d’ici. M’enfuir.
Je ne me sens pas en sécurité ici.
Si seulement je pouvais voyager
dans le temps et me rendre dans
une époque où Frank n’existe pas
et où mes parents ne nous ont
jamais abandonnés. Cette lettre
s’en vient de plus en plus triste, je
devrais l’arrêter ici.
Léa
6 mars 2018
Salut, future Léa!
Aujourd’hui, à l’école, mon
enseignante nous a appris la
théorie de la relativité restreinte
d’Albert Einstein. J’ai trouvé cela
très intrigant. Cette théorie dit
qu’il serait possible de voyager
dans le temps, mais uniquement
dans le futur et il serait impossible
d’en revenir. Selon cette théorie,
voyager dans le futur serait
possible par la dilatation du temps.
Il faudrait que la personne qui
désire se rendre dans le futur se
déplace à une vitesse extrêmement
proche de celle de la lumière. Ceci
causerait une perception du temps
différente et ralentirait le
vieillissement de la personne pour
qu’elle puisse se rendre dans le
futur. Après nous avoir enseigné
ces notions sur la théorie de la
relativité, notre enseignante nous a
lancé dans un projet d’art
plastique. Pour ce projet, il faut
fabriquer une machine à voyager
dans le temps. Ceci m’a donné une
idée  : je vais en fabriquer une qui
fonctionne véritablement!
À bientôt!
Léa
20 mars 2018
Salut, future Léa!
J’ai enfin terminé ma machine. Je
l’ai présentée à ma classe ce matin
et ils l’ont tous trouvée très belle et
d’allure plutôt réaliste. Je viens
d’arriver à la maison et il est temps
de voir ce que cette machine est
capable de faire! Je sais que ça
peut être dangereux et que je
risque de ne pas être capable de
revenir, mais je rêve de ceci depuis
si longtemps que je ne peux pas
124
m’empêcher de l’essayer! Je veux
aller en 2068, soit cinquante ans
dans le futur.
Bon, je me lance!
À+,
Léa
25 mars 2068
Salut, future Léa, ou est-ce que je
suis future Léa?
Peu importe. J’ai vraiment mal à la
tête. Je suis sortie de ma capsule
tôt ce matin. Je suis dans le centre-
ville de Montréal. En me
promenant dans les rues du
centre-ville, tout me semblait
normal. Je m’attendais à me
réveiller et à être entourée de
voiture volantes et à des gens qui
portaient tous des habits ultra
modernes et tous de couleur
métallique. Je ne me suis
clairement pas réveillée dans le
futur. J’ai dû être somnambule ou
quelque chose parce que je suis
seulement à vingt minutes de
marche de la maison. J’ai tout de
même caché ma capsule en
dessous du banc d’un des arrêts
d’autobus pour diminuer les
risques de me le faire voler. Je me
suis dit que tant qu’à déjà être en
retard pour l’école, ça ne servait à
rien d’y aller.
Je commençais à trouver le temps
long juste à marcher et à errer
dans les rues de la ville à la place
d’être à l’école donc je me suis dit
qu’un bon endroit pour me faire
accroire que j’apprenais quelque
chose serait le musée. En me
promenant dans le musée, j’ai vu
un document qui se nommait « Le
traité du contrôle humain  ». Ce
traité disait qu’en 2035, la
population mondiale avait atteint
les quinze milliards d’habitants et
qu’il était devenu impossible de
subvenir aux besoins de tous. En
continuant de lire, j’ai découvert
que la solution que le
gouvernement avait trouvée pour
diminuer la population mondiale
était terrifiante. Le gouvernement
avait décidé que personne n’avait
le droit de vivre après leur
quarantième anniversaire. L’étape
initiale de cette solution était
d’aller tuer toutes les personnes
âgées de plus de quarante ans.
Ensuite, pour maintenir le contrôle
de la population, les hôpitaux
injectent tous les nouveau-nés avec
un sérum qui se rend au cerveau et
qui donne l’information au cerveau
de cesser de fonctionner le jour du
quarantième anniversaire. À la
sortie, il y avait un gros calendrier
projeté sur le mur et l’année
indiquée était 2068. J’avais voyagé
cinquante ans dans le futur.
En sortant du musée, j’étais sous le
choc. Ma capsule avait fonctionné.
Le seul problème est qu’elle m’a
fait voyager à une époque encore
pire que la mienne. En sortant, je
l’ai remarqué. Il n’y avait aucune
personne âgée sur la rue. En ville,
j’étais souvent prise derrière une
vieille dame ou un vieil homme
avec une marchette et qui était
extrêmement lent. Il n’y avait rien
125
de cela ici. Je ne savais plus quoi
penser de cette ville qui semblait
être identique au Montréal que je
connais, mais qui, en fait, était
simplement horrible.
Maintenant je me trouve dans un
module de parc à l’abri des
intempéries. Il est tard dans la nuit
et tout ce que je veux est d’être
dans mon lit et de voir mon
Gabriel. Je ne sais pas ce qui m’est
passé par la tête. Voyager dans le
temps, quelle stupidité! Il faut que
je trouve un moyen de retourner
chez moi. Je ne veux plus être ici.
J’ai peur. J’ai une vie à vivre. Je
veux devenir travailleuse sociale
pour aider les autres jeunes
comme moi, mais si je reste prise
ici je ne pourrai jamais faire ça.
Aussi, si je reste je vais devoir me
cacher parce que je n’ai pas été
injectée avec le sérum, donc je vais
vieillir. Si le gouvernement tue si
facilement toutes ces personnes, il
ne va pas hésiter à faire la même
chose pour moi.
Je dois vraiment trouver quelqu’un
pour m’aider parce que toute
seule, je n’y arriverai jamais. Les
gens vont penser que je suis folle si
je leur raconte mon histoire. Je
dois vraiment trouver une solution
pour rentrer chez moi parce que je
ne sais pas ce qui va m’arriver ici.
Je vais essayer de dormir et
demain  : mission retour à la
maison!
Léa

126
 Partie six :
Les humains ? Inutiles.
On s’en passe bien

127
128
1000 ans
Félix-Antoine Johnson
2018. Les hommes réussissent à
cloner les premiers singes. Il s’agit
d’une grande avancée puisque
plusieurs scientifiques y voient un
rapprochement vers le clonage
humain. Toutefois, les laboratoires
ayant créé ces singes stipulent ne
pas vouloir s’exercer sur des
hommes.
2022. Le clonage des singes est
désormais une mesure prise à
l’échelle globale afin de contrer la
disparition de l’espèce animalière.
Le perfectionnement des
techniques dirige certains
scientifiques vers l’utilisation de ce
processus sur des êtres humains.
Des débats sur l’aspect éthique du
processus font alors rage dans les
plus grandes institutions
internationales. Plusieurs sont
alors à la recherche de l’homme dit
« parfait », qui servirait de modèle
au clonage humain. Cette mesure
pourrait s’avérer essentielle s’il
advenait une diminution de la
fertilité humaine.
2023. Un grand pas pour
l’humanité. L’homme parfait est
cloné pour la première fois avec
succès. Les recherches dans le
milieu sont grandement
subventionnées par les
gouvernements, qui cherchent
alors à utiliser cette technologie
afin de bâtir des armées à partir
d’elle. En revanche, les débats sont
loin d’être clos, puisque le statut
moral du premier cobaye demeure
en suspens. De nombreuses
manifestations s’effectuent devant
les divers laboratoires Dolly, soit
les pionniers dans la technologie
du clonage.
2024. Les expériences sur les tests
humains progressent. Les experts
qualifient leur taux de réussite de
reproduction asexuée humaine à
76,2 pour cent. Les laboratoires
produisent en moyenne dix
nouveaux humains par semaine et
ce, malgré le fait que les
règlementations entourant le
clonage n’aient pas encore été
déterminées. Les premiers enfants
produits en salle synthétique
présentent une progression
physique cognitive semblable à
celle d’un enfant humain moyen.
Les tensions continuent
d’escalader dans les rues, alors que
plusieurs attentats à la bombe
auprès des installations de Dolly
échouent.
129
2026. Plus de cent mille jeunes
enfants parfaits ont été conçus en
salle synthétique. Aucune
différence majeure n’est constatée
dans le développement des
enfants, excepté de fortes
ressemblances dans les
comportements de ceux-ci. La
découverte de nouvelles
techniques de réplication d’ADN
fait en sorte qu’il est maintenant
possible de cloner des hommes
dans un délai plus rapide et à un
coût réduit. Les débats se calment
peu à peu, alors que plusieurs
réalisent qu’il pourrait s’agir d’une
des seules réponses à la perte
possible de fertilité humaine.
2035. Les premiers enfants sont
inclus dans la société depuis
maintenant cinq ans. Outre le
physique fort semblable, les clones
se ressemblent énormément du
point de vue de leur attitude, de
leurs valeurs ainsi que de leur
progression cognitive.
L’eugénisme demeure interdit
dans la manipulation d’embryons,
de peur que les scientifiques
tentent de parfaire l’homme
parfait.
2043. Début de l’utilisation de
clones dans les armées du Qatar,
soit les principaux
subventionnaires de Dolly. Le
nombre de clones créés atteint les
vingt millions à l’échelle globale.
Près d’un homme sur deux est
désormais infertile, ce qui inquiète
grandement la population.
2045. Le nombre d’hommes
conçus synthétiquement atteint le
seuil des cent millions. Une
entreprise pharmaceutique trouve
un remède à l’infertilité mondiale,
mais celui-ci est acheté pour une
somme de dix milliards de dollars
par les autorités qatariennes, qui
craignent un arrêt des activités de
Dolly.
2095. Première vague de décès par
cause naturelle chez les clones se
dénombrant maintenant à plus de
900 millions. Une race hybride
entre les clones et les humains est
alors formée de l’union de
m e m b r e s d e s d e u x «  r a c e s
humaines » : les Semis.
2153. Plus d’un homme sur deux
est conçu en laboratoire. Une
vague de suicide frappe l’ensemble
de la population créée à partir de
la copie de l’homme parfait. Ceux-
ci se questionnent par rapport à
leur individualité, puisque ceux-ci
possèdent tous un physique ainsi
qu’un esprit fortement semblables.
L’inclusion de clones dans la
politique mondiale atténue les
tensions majeures, étant donné
leur façon de penser commune
permettant d’atteindre des
ententes beaucoup plus
rapidement.
2187. Génocide des clones en
République populaire de Chine
comme moyen pour freiner la
surpopulation majeure. Les
barrières entre les pays d’Occident,
maintenant composés à 74 pour
cent d’hommes synthétiques ou
hybrides, se déforment. Cette
unification occidentale est due au
fait que les clones occidentaux
possèdent des objectifs, valeurs et
130
opinions partagés par l’ensemble
de leur population.
2190. Déclaration de guerre entre
la République populaire de Chine
et la Coalition occido-qatarienne.
Les hommes synthétiques
possèdent désormais 75 pour cent
du capital mondial. Les
laboratoires Dolly passent aux
mains d’un Semi. Face à ce
génocide, les clones éprouvent un
sentiment de fierté envers leurs
racines synthétiques. S’ensuit un
mouvement d’unification des
clones. Ceux-ci tentent par tous les
moyens de représenter l’Homme
parfait. Le manque d’individualité
devient un aspect recherché dans
la société.
2191. Défaite flagrante de la Chine
auprès de la Coalition. Cela mène
alors à une unification de
l’ensemble du monde. Il n’y a plus
de pays, puisque les frontières
Bébés sur mesure, vous dites?
Alice Dion-Laplante
Tout le monde peut rêver de
choisir les traits de son enfant
idéal. En 2130, personnaliser son
enfant est chose ordinaire. Les
couples font tout simplement la
file auprès des centres BabyNA et
ce, grâce aux prodiges du
scientifique Simon Aubry.
Le rêve d’Aubry était très simple  :
transmettre ses recherches et sa
passion pour les sciences à ses
enfants et ce, par le biais de la
manipulation génétique. Aubry n’a
culturelles entre ceux-ci s’effacent.
Il y a alors perte totale
d’individualité et d’opinions
différentes, les gens ne sont pas
encouragés à divulguer des
opinions diverses, puisqu’ils
désirent posséder l’opinion
partagée.
2300. Il ne reste plus qu’un
homme naturel sur la Terre. À sa
mort, il n’y aura plus que des êtres
identiques en apparence ainsi
qu’en personnalité, des clones de
l’Homme parfait. Des êtres tentant
de se plier à la norme imposée par
l’ensemble de la société. Ce décès
indiquera la fin de toute unicité
chez l’homme, la fin de toute
progression, par manque d’apport
créatif et de visions différentes qui
sont si chères à l’avancement de
leur société.
3018. L’humanité n’a pas changé
depuis et ne changera pas. 

eu que les meilleures intentions du
monde et, selon certains, c’est
l’origine de son succès. En 2050
est venu au monde un garçon,
nommé Romain, qui avait une folle
passion pour la recherche
scientifique, était intelligent et
avait toutes les bonnes intentions
du monde. Aubry n’aurait pas pu
espérer mieux. Cette réussite n’est
pas passée inaperçue. À l’aube des
vingt ans de Romain, grâce à
d’énormes pressions, de riches
hommes d’affaires ont mis la main
131
sur la méthode utilisée deux
décennies auparavant par Aubry.
Ces hommes ont fondé BabyNA
qui a fait de la manipulation
génétique une industrie mondiale.
À peine quelques mois après cette
«  vente  », Aubry a mis fin à ses
jours, car il n’a pas souhaité être
témoin des conséquences
négatives de la mise en marché de
son exploit scientifique.
Aubry n’a pas eu tort. En 2130, le
beau n’existe plus. Il y a environ
quarante ans, la notion de beauté
est disparue du discours,
emportant avec elle la différence,
et ne laissant place qu’à
l’ordinaire. Tout le monde se
ressemble et se suit puisque la
perfection se cherche elle-même. À
quelques exceptions près, la
population semble être composée
de clones. Tous les hommes sont
sportifs, intelligents, courageux et
blagueurs tandis que toutes les
femmes ont de belles courbes, sont
intelligentes, gentilles et aimantes.
Tout est du pareil au même, clone
après clone.
Jacob, arrière-petit-fils du prodige
Simon Aubry, vit en 2130 et
travaille chez BabyNA comme son
père et grand-père. Il n’a jamais
rencontré son arrière-grand-père,
mais il le connait par cœur. Il sait
que la société actuelle a vu le jour
grâce à lui, mais il sait qu’Aubry
n’a jamais souhaité que son exploit
scientifique engendre une société
de clones. Son arrière-grand-père
a vu grand, mais positivement. Il a
rêvé de transmission de valeurs,
d’extinction de maladies
génétiques et d’amour. Jacob veut
honorer son ancêtre et il est le
mieux placé pour y arriver. Il a
assez attendu longtemps. Il
changera le cours des choses et
maintenant.
Par contre, Jacob ne peut pas y
arriver seul. Craignant la réticence
de son père, Malcolm, et de son
grand-père, Romain, il se tourne
vers Luca, un bon ami, qui travaille
également au BabyNA. Luca y a
également les racines
profondément ancrées puisque son
arrière-grand-père était aux côtés
d’Aubry lors de la première
manipulation génétique.
Comparativement à Jacob, expert
en génétique, Luca est plutôt
expert en informatique,
compétence primordiale à son
plan. En effet, les manipulations
génétiques sont grandement
basées sur la technologie
informatique. Les centres BabyNA
utilisent des ordinateurs et des
robots pour les consultations, la
préparation de l’embryon,
l’implantation intra-utérin, les
recherches et encore plus. La base
de données du BabyNA est
132
impressionnante et l’aide de Luca
sera cruciale.
Puisque Luca accepte sans
broncher l’idée de Jacob, les deux
garçons mettent leur plan à
exécution en pleine nuit au
laboratoire BabyNA. Le plan de
Jacob consiste à restreindre l’accès
à l’immense base de données du
BabyNA à tous les centres. Ainsi,
les ordinateurs et robots ne
seraient plus accessibles et la
production d’embryons
génétiquement modifiés serait
arrêtée. Ils en auraient pour toute
la nuit, car c’est un travail colossal.
Après quelques heures de travail,
aux alentours de minuit, ils
entendent du bruit dans les
couloirs.
Jacob chuchote  : «  Merde! On
dirait qu’il y a quelqu’un! Ferme
ton écran! »
C’est alors qu’entre le directeur du
centre BabyNA accompagné de
gardes de sécurité.
« Que se passe-t-il ici, Jacob?
— Rien, monsieur, Luca et moi
faisons de la recherche. Nous
aimons beaucoup travailler de
nuit.
— Ne me mens pas, jeune homme!
Après tout ce que j’ai fait pour toi
et ta famille, tu oses essayer de
ruiner la compagnie issue de la
découverte de ton arrière-grand-
père? Emmenez-le, messieurs! »
Jacob n’offre aucune résistance.
Alors qu’il franchit la porte, il
entend :
« Je ne te remercierai jamais assez,
Luca. Tu as fait preuve de courage
et de loyauté cette nuit.
— C’est normal, monsieur. Je ne
pouvais laisser une telle chose se
produire. Jacob voulait détruire
votre empire. Il est un Aubry tout
craché. Pousser les autres pour
arriver à ses propres fins. Ma
famille et moi ne vous ferions
jamais une chose pareille. »
Les yeux de Jacob se remplissent
d’eau.
On l’enferme dans une pièce du
laboratoire pour ce qui lui parait
d’innombrables heures. Il s’en veut
d’avoir fait confiance à Luca et est
démoralisé devant la puissance de
l’industrie capitaliste de 2130. Il
commence à croire qu’on l’a oublié
dans cette pièce sombre lorsque la
porte s’ouvre sur son père et son
grand-père dont les visages sont
illisibles. Sans dire un mot, son
père lui fait signe de sortir et ils
montent en voiture.
La route se fait dans le silence
jusqu’à ce qu’un sanglot éclate
dans la nuit. Romain.
«  Je ne t’en veux pas, Jacob. Je
comprends », murmure-t-il.
Malcolm arrête la voiture sur le
bas-côté et lâche un grand soupir.
« Moi aussi, fiston. Je ferais pareil,
mais malheureusement, on ne peut
pas se permettre de faire ce genre
de choses.
« Bien sûr qu’on le peut », décrète
le grand-père.
Le lendemain matin, à dix heures
tapantes, les caméras des grandes
133
chaînes télévisées sont rivées sur
Romain, Malcom et Jacob qui se
tiennent debout devant BabyNA, là
où tout a commencé. Romain
prend la parole :
«  C’est avec beaucoup d’espoir en
poche que je me tiens devant vous
ce matin, car j’espère que vous
comprendrez. Je souhaite vous
parler de notre société
manipulatrice d’embryons. Notre
histoire, et la vôtre, a commencé il
y a 80 ans lorsque mon père,
Simon Aubry, a réussi à manipuler
génétiquement un embryon. Cet
embryon, c’était moi. Mon père,
tout ce qu’il aura toujours voulu,
c’est faire de notre monde un
monde meilleur où les maladies
Sous l’emprise des robots
Alexandra Lapointe
Il n’y a pas très longtemps, ma
petite personne, encore jeune et
insouciante, a vu naître cette saleté
de chose que nous appelons
l’intelligence simulée, ou encore
artificielle. À cet âge, je n’étais
malheureusement pas au courant
de la dégénération que pourrait
prendre cette invention
scientifique. Toute la
communauté, à ce moment,
semblait rassurée que ce que nous
appelons le «  Future Lab  » puisse
faire autant partie de l’avenir. Pour
eux, c’était la réponse à tous nos
problèmes, c’était ce qui allait
réparer nos erreurs, bref, ce qui
allait nous sauver. Pourtant, même
si je ne pouvais pas savoir que ça
causerait la totale apocalypse,
j’avais un pressentiment. Je ne
génétiques n’existent plus et où les
valeurs familiales et l’amour
règnent. Il ne voulait pas d’un
monde comme celui dans lequel
nous vivons. Regardez-vous.
Observez comme vous êtes tous
identiques. Constatez comme la
diversité et l’originalité ont disparu
de ce monde. Regardez autour de
vous et réfléchissez un instant.
Moi, mon fils et mon petit-fils ne
sommes certainement pas un
exemple à suivre, mais au nom de
mon père, Simon Aubry, je vous
invite à refaire confiance à votre
physiologie et à laisser derrière
vous BabyNA. Faites-le pour
l’amour et la diversité. »

suis tout de même pas doté de
pouvoirs magiques ou bien d’une
capacité de voir dans le futur, mais
je le sentais : c’était trop beau pour
être vrai! J’avais osé parler de mon
intuition à mes parents... Mauvaise
idée! Je ne sais pas ce qui m’a pris
de croire qu’ils m’écouteraient,
moi, un jeune bambin de 6 ans. Ils
me répondaient : « Tu écoutes trop
de films!  ». Certes, je n’avais l’air
de rien à cet âge, toutefois j’avais
raison et aujourd’hui ils doivent se
dire, de tout évidence, qu’ils
auraient dû m’écouter. Me voilà
désormais à 32 ans, 26 ans plus
tard, pris comme tout le reste de la
société dans l’atrocité absolue.
Nous n’étions tout simplement pas
préparés à partager la planète avec
134
des robots. Leur création, au automates sont capables de se
départ, était censée nous aider à réactiver entre eux. Nous sommes
faire des tâches répétitives, faire dans de vrais beaux draps! Bref, si
avancer la science ou la médecine, je récapitule, non seulement nous
compléter les besognes simples, ne savons pas comment les
moins voulues des humains, etc. Il désajuster, mais en plus, lorsque
aurait fallu prendre beaucoup plus
de mesures avant de se lancer dans
une affaire d’une telle ampleur.
Par exemple, il aurait fallu être
prêts et savoir comment les arrêter
s’ils se retournent contre nous. En
fait, nous, ou plutôt, le Future Lab,
sommes censés commander ceux-
ci pour qu’ils nous viennent en
aide. Je peux vous dire que c’est
tout à fait le contraire
présentement. Il nous semble pour
l’instant complètement impossible
de les anéantir. C’est la guerre.
Premièrement, ces machines ont
exactement les mêmes
caractéristiques qu’un humain
normal, la même grandeur quelqu’un tente le tout pour le
moyenne, des couleurs de yeux qui tout, il se fait piéger et
diffèrent, des sexes différents, des emprisonner je ne sais où.
voix totalement humaines et même
de vrais cheveux. Ainsi, il nous est Les robots, malheureusement, sont
très difficile de les distinguer de malins  ; ils savent comment
ceux que j’appelle «  les nôtres  ». répondre à n’importe quelle
Plus personne ne travaille, nous question. La seule chose qu’ils
nous sommes tous mobilisés n’ont pas et que nous, les humains,
ensemble pour tenter de mettre un nous partageons, c’est la créativité
terme à cette science et l’imagination. Il s’agit d’ailleurs
épouvantable. Cependant, nous ne de ce que nous cherchons à utiliser
savons pas vraiment comment afin de les arrêter. C’est à ce
nous y prendre et les scientifiques moment précis que j’ai pensé à
du Future Lab sont hors de leurs voix haute  : «  Des enfants!!!! Ce
moyens. Ces derniers ont tenté à sont les enfants, la réponse! Ils
maintes reprises de les sont ceux et celles ayant la plus
déprogrammer, mais en vain. Au grande imagination et créativité!
moment où un humain touche un Ils pourraient nous sauver! » Cette
des robots, qu’il ne réussisse ou fois-ci, je savais que je n’étais pas
pas, il se fait kidnapper et amener absurde. J’avais la solution!
je ne sais où. En plus, si un humain
arrive à en déconnecter un, les

135
Leur idée semble être assez
simple  : les piéger au milieu de la
ville, plus précisément dans le
laboratoire. Dans un premier
temps, tous les enfants de la
communauté se mirent à dessiner
une carte contenant non
seulement les rues, mais aussi tous
les passages et les cachettes que
nous, les adultes, ne connaissions
pas. Une fois la carte complétée, il
ne restait plus qu’à trouver un
moyen de les attirer vers le
laboratoire. Maïka, la fille de ma
voisine d’en face, proposa de faire
une simulation de situation
Des actions de clones
Bronwyn Monty
Pour que vous compreniez bien mon
histoire, je vais devoir commencer du
début. En 2037, l’économie
canadienne ne roulait pas très bien et
était à un niveau historiquement bas.
Le gouvernement canadien, tentant de
faire revivre l’économie, s’est penché
sur le désir énorme d’avoir son propre
clone. La légalisation du clonage a
donc été effectuée le 1er janvier 2038 :
d’urgence afin que tous les robots
se sentent dans le besoin
d’accourir pour régler le tout. Ce
n’était pas bête  ; ils étaient
programmés pour exécuter un tel
devoir. Conséquemment, les
scientifiques du Future Lab firent
sonner l’alarme. C’est alors que
hop! Tous les automates cessèrent
leurs activités et se rangèrent l’un
en arrière de l’autre, comme des
soldats, en direction du
laboratoire. Fiou! me dis-je. Nous
l’avons échappé belle, mais certes,
nous devrons être plus vigilants à
l’avenir.

la date qui marque le début d’une
nouvelle société. Le prix pour cette
procédure ne coûtait pas moins de
30  000 $. Le prix n’était pas le seul
facteur qui limitait l’accès à cette
procédure. Pour effectuer un clonage,
il fallait seulement le concours de
l’ovaire et de l’utérus d’une femme. La
technique  nécessitait que le nucleus
d’un ovule se fasse remplacer avec le
136
nucleus d’une cellule somatique, celle
contenant l’information génétique, de
la personne qui désirait se faire cloner.
L’ovaire était ensuite placé dans
l’utérus pour qu’un bébé se développe.
Il fallait donc une femme qui était
prête à porter l’enfant de quelqu’un
d’autre pendant neuf mois et qu’elle
fournisse du lait pendant un an de
plus afin d’assurer le développement
sain du clone. Ceci était le début de
l’explosion du marché des femmes-
porteuses. Ces femmes ne se
vendaient pas pour un petit prix non
plus.
Le premier à s’acheter son clone se
prénommait Jeff Azos et était le
propriétaire de la compagnie
Banazone, une compagnie qui vend
toutes sortes d’articles en ligne et les
livre directement à la porte. Il voulait
un clone pour pouvoir être en mesure
de reprendre sa compagnie lorsqu’il
mourra afin de préserver son statut de
« Richest Man Alive », ce qui ne serait
plus possible lorsqu’il repose dans sa
tombe, bien évidemment. Si on me
demande mon opinion, je pense bien
qu’il regrette déjà cette procédure,
mais bon! On ne m’a surtout pas
sonné!
Neuf mois passèrent et Junior Azos
naquit sans aucune complication. (Et
au moins, il a eu la chance d’avoir un
nom, lui! Beaucoup mieux que
numéro 560.) Une bonne s’occupa de
lui pendant les dix-huit années
suivantes avec des visites quotidiennes
de Jeff afin de survoler les détails
importants de la compagnie. Il n’était
pas exactement question d’élever un
enfant dans ce cas, mais plutôt de le
programmer. À la fête de dix-huit ans
de Junior, Jeff lui offre le titre de vice-
président de Banazone et part en
voyage pendant deux mois afin de se
donner des petites vacances, mais
également pour voir comment son
prototype gèrerait la compagnie. Ce
fut un énorme succès qui ne requit
aucune intervention.
La population attendait seulement de
voir le déroulement complet du projet
avant de s’y investir. Après tout, si cela
ne fonctionnait pas, ce n’était pas
l’argent le problème, mais le fait qu’il
fallait se débarrasser du clone. Les
riches ne voulaient pas seulement les
clones pour être leurs successeurs,
mais également pour être des
employés. Certains achetaient même
les clones comme simple outil médical
afin de leur permettre de vivre plus
longtemps. Ils avaient besoin de sang?
Pas de problème, ils avaient un clone
rempli de sang! Ils avaient besoin d’un
rein? Pas de problème, ils avaient un
clone avec non seulement un, mais
deux reins! Certaines personnes
voulaient avoir des enfants, mais ne
désiraient pas passer par la phase de
nuits blanches à cause du bébé qui
pleure. La solution : un clone mature.
Les clones étaient disponibles dans
toutes les races et tous les âges!
Le Canada devint la nation de
production de clones. N’importe qui
voulant s’acheter un clone ou se faire
cloner devait se rendre au Canada.
C’était le seul pays à avoir légalisé la
procédure controversée. Le long des
autoroutes, ce n’était plus des champs
vides que l’on pouvait voir, mais des
fermes de production de clones qui
s’étendaient sur des milliers de pieds
carrés. Dans certaines compagnies, on
ne pouvait reconnaître qu’un seul
visage  : celui du président de la
137
compagnie. Les PDG se jugeaient
comme étant les seules personnes
pouvant faire le métier de façon
parfaite, donc ils investissaient dans
des clones afin d’avoir une compagnie
complètement dirigée par eux-mêmes.
Le besoin de bagage génétique
augmenta exponentiellement. Le
clone d’une personne connue et
renommée se vendait beaucoup plus
facilement et beaucoup plus
rapidement que le clone d’un simple
paysan. Certains entrepreneurs riches
et prospères commençaient donc à
vendre leur bagage génétique sans
aucun souci et se faisaient un peu
d’argent de poche en même temps.
Le tout se déroula bien, mais une
demande inattendue se présenta  : la
classe moyenne voulait investir dans le
clone des intellectuels et des
personnes reconnues. En groupe de
trois à dix personnes, ils faisaient la
demande d’un clone des hommes et
femmes les plus réussis en espérant
que leur réussite financière se
reproduirait. Comme il n’y avait pas
encore de loi sur les droits des clones,
l’idée était que la richesse du clone
appartenait aux acheteurs. C’était la
nouvelle bourse.
Les années passèrent et pour la
première fois en vingt-cinq ans, le taux
La nostalgie du futur
Razvan Andrei Barbu
Viktor se réveille, et sa routine
habituelle commence  : Alexa, son
premier robot, lui amène son café,
Roger lui apporte son déjeuner,
Robert le change dans ses vêtements
de criminalité au Canada a augmenté.
Le trafic de bagage génétique était la
première source de crime au Canada.
Les organes ne valaient plus rien.
Pourquoi acheter un simple organe
alors que l’on peut acheter un humain
complet qui vient avec les organes,
exactement comme une poupée qui
vient avec des batteries! Il n’était plus
question de protéger sa propriété
privée comme son ordinateur ou sa
voiture, mais plutôt son ADN.
Il est évident que monsieur Jeff Azos
n’a pas été le meilleur à protéger son
bagage génétique puisque je suis son
clone numéro cinq cent soixante sur
sept cent quatre-vingt-deux.
Aujourd’hui, le 14 mars 2045, je
commence ma première journée chez
Amazon, une compagnie arnaque de
Banazone. 

de travail, et finalement Justine lui
annonce les nouvelles de la journée.
Justine lui annonce : « Le dimanche,
10 février 2160, la Russie établit une
138

voie de transport entre la Terre et
Jupiter, leur nouvelle colonie. Les
États-Unis sont en conflit spatial
contre la Corée du Nord pour le
territoire du sud de Neptune. Fin. »
Viktor répond : « Ah! Rien d’excitant,
on dirait. »
Viktor est un homme de science.
Chaque jour, il tente de découvrir une
invention, alors il n’a aucun temps
pour la routine matinale. Ces derniers
mois, Viktor travaille sur son nouveau
projet : une machine à voyager dans le
futur. L’an dernier, il avait gagné la
médaille de l’inventeur de l’année
pour son pistolet à laser, mais ce
nouveau projet l’inspire à travailler
jour et nuit. La pilule « No Sleep » lui
permet de rester éveillé pendant
plusieurs journées. Grâce à cela, son
projet avance à grands pas.
Cinq mois plus tard, Viktor construit
finalement son prototype. Excité, il
court jusqu’au centre d’invention pour
révéler sa création, mais il réalise qu’il
n’a jamais essayé la machine.
Impatient, il se précipite dans
l’appareil, change la date pour le 10
février 3018, et appuie sur le gros
bouton rouge «  GO  ». Un doute
envahit Viktor, lorsque les lumières
d’urgence commencent à clignoter.
Après quelques heures, son esprit lui
revient et la machine arrête ses
turbulences.
En sortant de la machine, Viktor est
ému de découvrir sa maison. Il appelle
Justine, mais elle ne lui répond pas.
C’est à ce moment qu’il réalise que
toutes ses inventions ont disparu. Il
regarde par la fenêtre, et il est bouche
bée par sa vue  : il n’y a pas d’autos
volantes, les gens n’utilisent pas les
tubes d’aspiration pour se transporter
et les bâtiments n’ont pas leur allure
habituelle.
Il décide alors de demander à des
personnes sur la rue la date, puisqu’il
est impossible que le futur ait cette
apparence. La première personne lui
répond que c’est le 10 février 2018,
mais il ne la croit pas, alors il demande
à une deuxième personne, puis une
troisième, et une quatrième. Toujours
la même réponse. Viktor se met sur
ses genoux, et il commence à pleurer.
Comment est-ce qu’un scientifique
renommé comme lui peut se tromper
dans ses calculs?
Les journées qui suivent, il sombre
dans l’alcool pour se soulager, jusqu’au
jour où il décide de construire un
robot pour lui tenir compagnie dans le
long processus de la construction
d’une machine à voyager dans le futur.
Contrairement à ses autres robots, il
ne veut pas qu’il soit seulement un
outil pour faciliter sa vie, il veut un
robot qui a ses propres pensées. Sans
Alexa, Roger, Robert, Justin et ses
139
pilules, le processus fut long et dur,
puisqu’il ne savait pas comment
exécuter les tâches quotidiennes de
tout être humain. Une fois le robot
assemblé, il lui manquait une pièce
très importante : le cerveau.
La solution était facile  : le
cerveau d’un patient mort.
Une fois assemblé, il donne
vie à son robot, qu’il décide
de nommer Pecina, à l’aide
d’un courant électrique.
Après quelques jours,
Viktor devient malade à
cause de l’excès de fast
food  et du manque de
sommeil. En conséquence,
il doit arrêter ses
recherches. Pendant plusieurs
semaines, Pecina prend soin de son
créateur. Par contre, ce dernier tombe
dans la solitude puisqu’il est en
manque d’une compagne, et exige que
Viktor lui crée une femme qui lui
ressemble. La tension entre les deux
compagnons augmente lorsque Viktor
lui annonce qu’il n’est pas en état pour
travailler.
Pour se venger, Pecina décide de rôder
dans les rues pendant la nuit à la
Kapov
Kevin Kaixu Teo-Fortin
Ce son l’alarma, lui indiquant qu’il
était temps pour son réveil. Comme
chaque matin, son premier regard se
perdait dans le noir, jusqu’à ce que son
environnement s’illumine
graduellement. Il souleva son torse, fit
pivoter son corps et se dirigea
linéairement vers son bureau, son
milieu de miracle informatique,
recherche d’une femme. Par contre,
toutes les femmes qui le voient
s’enfuient à cause de son allure
unique, alors il décide d’enlever ces
femmes et de les enfermer dans le
sous-sol de la maison. C’est seulement
après que Pecina ait fait
dix victimes que Viktor
réalise le massacre et
chasse son robot en
dehors de sa maison.
Il se rend compte plus
tard qu’il ne peut pas
laisser son robot dans la
nature, alors il décide
qu’il va l’éteindre. Cette
poursuite continue
pendant plusieurs mois
jusqu’au moment où Viktor meurt de
maladie. Lorsque Pecina lit qu’un
homme sans identité meurt pour
cause de maladie et manque de
sommeil, il réalise que son créateur est
mort. Maintenant que sa vengeance
est finie et qu’il n’y a plus personne qui
peut lui créer une compagne, il prend
conscience du fait qu’il n’a plus aucun
but dans sa vie. Il décide finalement
que sa vie est inutile, alors il retrouve
la tombe de Viktor et s’enterre avec lui.

ignorant toute forme de distraction.
Pour maintenir l’intensité de ses
capacités tout au long de sa journée, il
but l’entièreté de son café, qui lui fut
fourni par sa seule compagnie, celle
qu’il avait créée.
Kapov, il l’avait appelée ainsi. Cet
automate à intelligence artificielle
140
exécutait toutes ses tâches et
accomplissait tous ses désirs, leur
relation reflétant la plus haute forme
d’esclavagisme. Kapov était son
serviteur et son serveur, servant
d’interface informatique sur laquelle il
pouvait naviguer afin d’accomplir ses
tâches quotidiennes. Seul le
mouvement de ses bras était
nécessaire à l’exécution de ses actions,
puisque son cœur, son cerveau et celui
de Kapov étaient liés. Il ouvrit sa
messagerie, décoda l’information
transmise qu’il avait reçue, et perçut
une erreur affectant l’intégralité du
système informatique de l’entreprise à
laquelle il était soumis. Ses temps de
réaction et de réflexion n’étant pas
assez aiguisés, il ne remarqua donc
pas qu’à la racine de l’apparition et de
la formation de ce virus se trouvait le
seul être qu’il côtoyait. Et en
seulement quelques fractions de
seconde, il se retrouva otage, sous
l’emprise d’un être qu’il ne considérait
que comme un outil. Déboussolé, il
avait peu de temps pour reprendre le
contrôle de la situation. Il dépérissait
tranquillement sous le comble de la
pression, ses pensées illustrant une
scène de vacarme chaotique.
Il devait trouver la solution, mais il n’y
arrivait pas. Atteignant le seuil de son
angoisse, il n’y voyait plus clair. Son
entendement était embrouillé, sa
mémoire bousillée. Son désespoir
croissait aussi rapidement que sa
lucidité s’effondrait. Mais il devait
trouver la solution. Il vivait des visions
par instants, des souvenirs par
moments. Il concentra son énergie à
évoquer la moindre idée, et exploita la
mince tranche d’espoir qui persistait.
Il n’y arrivait pas. Il renonça à toute
combattivité, se préparant de façon
imminente à se retrouver sous
l’emprise d’un engin, de son engin. Il
voyait déjà la lumière au bout du
tunnel. Mais c’est ainsi qu’il fut
illuminé. C’était simple, mourir pour
s’enfuir. Si l’esclave n’existait plus, sur
quel être le maître pouvait-il exercer sa
maîtrise  ? Il lui suffisait de faire taire
son existence. Ainsi, il prit l’arme la
plus silencieuse, la lame la plus
affûtée, et mit fin à son destin sans
dessein.
Ce son l’alarma, lui indiquant qu’il
était temps pour son réveil. Il retira ses
lunettes de réalité virtuelle, tout en
constatant déplorablement qu’il avait
à nouveau échoué à sa mission. Déçu
de son travail, celui-ci reprit à nouveau
ses recherches afin d’optimiser le
programme qu’il avait créé dix ans
auparavant. Sa création veut trouver
une liberté complète et dominer la
planète dans laquelle on vit. C’est pour
cela qu’il travaille sans relâche avec
tant d’autres collègues dans le monde
virtuel afin de coder le programme de
cet être tout puissant qui n’arrête pas
de trouver des façons de contourner
les mises en garde imposées par les
codeurs. Soupirant une fois de plus, il
remit ses lunettes de réalité virtuelle
en espérant que cette fois-ci serait la
fois où il enlèverait sa propre vie.

141
La vengeance de Jean-Jacques-Joseph
Laetitia Segaux
En 2342, à la suite d’un écrasement de
météorite important sur la planète
Terre, 88 pour cent de la population
est éradiquée. Pour contrer cette
soudaine baisse de population
extrême et pour assurer la survie de
l’espèce humaine, les humains
artificiels, développés plusieurs années
auparavant suivant les avancées en
intelligence artificielle, sont intégrés à
la société. Ces humains artificiels sont
parfaitement autonomes et sont
capables de reproduction avec les
humains naturels. Pour éviter la prise
de contrôle de la planète par les
humains artificiels avec un potentiel
de pouvoir supérieur, les scientifiques
de l’époque n’ont pas doté les robots
des connaissances nécessaires pour
qu’ils puissent se modifier et ont fait
en sorte que cette action devienne un
crime sous peine de court-circuitage,
l’équivalent de la peine de mort pour
les humains naturels. Ce crime a
comme nom remodelage. Tout
humain complice d’un remodelage fait
également face à la peine de mort.
Après quatre court-circuitages
consécutifs dans les premiers mois et à
l’intégration de robots en société, il n’y
a plus eu de tentative de remodelage
pendant trois décennies, ce qui nous
mène en 2372.
Un jeune robot prénommé Jean-
Jacques-Joseph est furieux suite à la
réception de la lettre qui lui annonce
qu’il n’a pas été accepté en médecine.
Son avenir est ruiné ! Sachant que s’il
avait eu la possibilité de se remodeler,
il aurait été accepté dans ce
programme prestigieux, il est en colère
contre ce système qui ne lui permet
pas d’atteindre son plein potentiel.
Alimenté par sa rage, il commence des
recherches intensives concernant le
remodelage et les méthodes
permettant de commettre ce crime en
secret. Il tombe sur le livre d’un Dr
Yvan Lecorcher, détenteur d’un
postdoctorat en sciences de
l’intelligence artificielle obtenu en
2300. Il prend un rendez-vous pour
rencontrer l’homme et lui fait part de
son intérêt pour un remodelage en
142
secret. Dr Lecorcher, possédant les
connaissances nécessaires pour faire
cette action, est très hésitant sachant
que la pénalité que lui coûterait cette
expérience est la peine de mort. Par
contre, vieil homme de 104 ans et prêt
à tout pour l’avancement de la science,
il ne peut refuser cette opportunité de
profiter de l’intelligence supérieure des
robots pour faire des découvertes
scientifiques extraordinaires. Il s’arme
donc de tournevis et de puces
informatiques et entreprend le
remodelage de Jean-Jacques-Joseph.
À la suite du processus qui a duré
approximativement 17 heures au total,
Jean-Jacques-Joseph et le docteur
commencent à travailler ensemble
pour profiter de l’intelligence,
maintenant supérieure, de ce premier.
Âgé de 104 ans, la mort approche vite
pour Dr Lecorcher. Anxieux de ne pas
parvenir à faire de découvertes avant
sa mort, il suggère à Jean-Jacques-
Joseph d’amener tous ses amis à son
laboratoire pour qu’ils puissent, eux
aussi, se faire remodeler. Jean-
Jacques-Joseph, qui ressent que le
système actuel est terriblement
injuste, accepte immédiatement.
Jean-Jacques-Joseph et le docteur
commencent à remodeler des robots
avec une efficacité impressionnante.
Non seulement ils sont efficaces, mais
personne ne se doute des crimes qu’ils
sont en train de commettre. Après
avoir remodelé une centaine de robots
en quelques jours, Jean-Jacques-
Joseph décide de se débarrasser du
docteur qu’il juge maintenant inutile à
sa quête. Il le tue sans hésitation. Avec
l’aide de la centaine de robots
remodelés, le nombre de robots
remodelés croît de façon
exponentielle  : en quelque temps, il
existe une véritable armée de ces êtres.
Les robots, menés par Jean-Jacques-
Joseph, décident de consacrer leurs
efforts au développement de nouvelles
technologies. Parmi ces technologies
se retrouvent  à l’avant-plan le
développement d’armes de
destruction massive. En effet, les
robots veulent finalement obtenir leur
vengeance contre les humains qui ne
leur ont pas permis de pleinement se
développer pendant plusieurs
décennies. Ainsi, avec l’aide de leurs
nombreux cerveaux numériques, la
création de cette arme se complète en
seulement quelques mois. Le principe
général ressemble étrangement à une
machine à cloche pour emballer sous
vide en version géante. En effet, celle-
ci permet d’aspirer tout l’oxygène de la
planète une fois activée. Les robots ont
dû développer un système de
régulation de pression interne très
sophistiqué pour ne pas succomber
aux effets de leur invention, ce qui leur
a également coûté quelques mois.
Ainsi, en un beau jour ensoleillé de
septembre, les robots préparaient les
détails finaux avant d’activer leur
pompe qui mettrait la planète en
entier sous vide. Finalement, le temps
était venu. Jean-Jacques-Joseph eut
l’honneur d’activer sa machine. Les
robots regardèrent lentement les
humains, les animaux, les plantes, et
toutes les autres formes de vie mourir
d’asphyxie. Après plusieurs minutes, il
ne restait plus aucune forme de vie sur
la planète Terre sauf quelques
unicellulaires ultra résistants aux
changements externes. Les robots
étaient finalement libres de faire à leur
guise. 

143
Âme perdue
Coralie Trudeau
Nous sommes en 2078. Je m’appelle
Lily. Je n’ai pas de nom de famille.
Pourquoi? J’ai été conçue par des
biologistes. Je suis grande, j’ai les yeux
bleu clair et les cheveux blond. Il y a
dix-huit ans de cela, quatre biologistes
ont décidé de me faire. J’ai été conçue
in vitro. Je suis une des plus grandes
réussites scientifiques du vingt-et-
unième siècle.
À mes douze ans,   tout a basculé.
J’étais un soir seule dans ma chambre
quand ça m’a frappée. Jacinthe et
Louis, mes parents, deux des quatre
biologistes m’ayant conçue, n’étaient
rien de mes parents. J’ai été conçue
avec deux gamètes d’un couple. Bien
sûr, mon ADN a été tellement modifié,
il serait presque impossible pour moi
de retrouver un jour ces deux
personnes. Je ne sais pas qui je suis. Je
n’en ai littéralement aucune idée. Oui,
je joue du piano depuis que j’ai trois
ans, je suis sur le point d’être dans
l’équipe nationale de natation et j’aime
faire tout ça. Ces aspects de ma vie
font partie de mon identité. Par
contre, ils en font partie puisqu’on m’a
programmée pour les aimer et pour y
exceller.
Ce soir-là et depuis quelque temps
avant, je me sentais vide. Vide de sens.
Je me sens comme un programme
d’ordinateur, fait à la perfection, mais
pas humain. J’étais tellement à vif que
toute cette perfection devint mon
bourreau. Ce soir-là, j’ai essayé de
m’enlever la vie.
Après ce moment difficile de ma vie,
j’ai réalisé que ce qu’il me manquait
était de rencontrer mes parents
biologiques. Je savais que je n’étais pas
comme eux, mais j’avais besoin de
trouver un sens à qui j’étais. Je voulais
connaître mes racines.
En mars 2072, j’ai contacté un
inspecteur privé. Je savais que les
chances pour moi de retrouver mes
parents étaient presque nulles, mais ça
en valait la peine. Puis,
malheureusement, l’inspecteur ne fut
pas en mesure de trouver mes vrais
parents. J’étais extrêmement déçue.
Malgré ma déception, j’ai continué à
chercher. Chaque soir, lorsque
Jacinthe et Louis étaient couchés,
j’allais dans leur bureau fouiller dans
leurs documents. C’est seulement
après 6 mois de recherche que j’ai
trouvé un document avec toute
l’information possible sur mes parents
biologiques. Une tonne
d’informations : leur QI et leur groupe
sanguin respectifs et, surtout, leurs
noms. Je n’en croyais pas mes yeux.
J’ai découvert qu’ils habitent une ville
de Virginie nommée Charlottesville.
Les deux sont professeurs à
l’Université de Virginie. J’avais
tellement hâte de rencontrer mes
parents. Les vraies personnes qui me
ressemblent.
Le lendemain matin, je partis seule
pour Charlottesville. Après un peu de
recherche. j’ai pu trouver que ma mère
biologique donnait un cours dans le
144
pavillon Jefferson. Je me rendis à son
cours. Je l’ai vue. Ma mère biologique,
devant mes yeux! Seulement, elle ne
me ressemblait pas du tout. Elle était
petite, joufflue, cheveux et yeux noirs.
Son physique était plus différent du
mien que je pensais.

C’est cet aspect banal qui me fit

réaliser que je ne ressemblerais jamais
à personne. En réalité, je suis un
humain complètement unique
puisque mon ADN fut extrêmement
modifié. Je n’ai pas de racines et pas
d’ancêtres. Je n’appartiens à personne
et mon sang est unique. Mes parents
biologiques n’ont que servi comme
base pour me construire. Je suis la
seule des miens et je le serai toujours.


145
146
 Partie sept :
Toute bonne chose
a une fin

147
148
COUVRE-FEU
Adèle La Haye
T-8 minutes communauté scientifique s’attendait à
une vague de chaleur si intense qu’elle
Le décompte est lancé. C’était détruirait toute forme de vie sur Terre.
inévitable. Je lève la tête. Pourtant, il Ce qui leur avait échappé, à ces
est encore là, plus brûlant que jamais. putains de scientifiques, c’est que la
Je pourrais presque prétendre que sa masse du Soleil diminuerait assez
lumière est réelle, que sa foutue pour permettre à la Terre d’échapper à
chaleur va nous brûler vifs pour son emprise gravitationnelle, du
plusieurs décennies encore. Du moins moins, juste assez pour ne pas brûler
c’est ce que tout le monde fait. À quoi immédiatement. Ça nous a fait gagner
bon? Je l’ai dit, c’est inévitable. Ce que du temps.
je regarde, ce ne sont que les vestiges
d’un astre destiné à mourir. C’est
inévitable. Du doré au rouge, nous
passerons au noir. Du paradis, nous
sommes maintenant en enfer.
Ironiquement, c’est le grand gel qui
aura raison de l’humanité. Pourtant,
sa chaleur, je la ressens encore. Mais
cette chaleur est volée au passé, elle ne
nous appartient plus. De 36 milliards
de Terriens, nous sommes passé à 500
millions. Ceux d’entre nous qui ont
survécu jusqu’ici finiront en criminels.
Des voleurs et des idiots.

T-7 minutes

C’est calculé. Une minute s’est déjà T-6 minutes

écoulée. Ultimement, voilà à quoi
nous aura servi de connaître la vitesse
de la lumière. À se préparer à la fin.
Dans 7 minutes, les derniers rayons de
notre Soleil auront atteint la Terre. La
planète bleue, comme on l’appelait
autrefois. Elle ne porte plus son nom.
Les océans se sont évaporés il y a 500
ans. Ce qu’il reste, c’est un désert et
des laboratoires. Beaucoup, beaucoup
de laboratoires. Lorsque le Soleil s’est
changé en Géante rouge, la
500 ans de plus. 500 ans pour
persister. L’humain est une espèce
difficile à exterminer. Il subsiste
comme un rat à cause de ces foutus
laboratoires. Le premier problème, ce
fut l’eau. Toute évaporée. On aurait dû
mourir sur le coup. Mais l’eau, ça se
fabrique. Rapidement, la chaleur est
devenue insupportable. Pas assez pour
tuer l’homme et ses technologies, mais
juste assez pour se demander si on

149
n’aurait pas préféré crever avec les
poissons. Les riches ont investi toute
leur fortune pour permettre à des
ingénieurs d’installer un anneau de
miroir tout autour de la Terre pour
faire baisser le mercure. Comme ça, ils
pourraient mourir de vieillesse dans le
meilleur confort qu’ils pouvaient
s’offrir.
T-5 minutes
Tant d’efforts pour se rafraichir, et
voilà que nous allons mourir gelés.
Comme quoi l’homme obtient
toujours ce qu’il désire. Le monde a
fini par sombrer dans le chaos.
Annoncez à 500 millions de personnes
qu’ils mourront dans un an, et plus
aucune loi ne tient. La réelle nature de
l’homme a pris le dessus. Ce fut du
chacun pour soi pour survivre et
accomplir tout ce qu’il y avait à
accomplir avant de mourir. Beaucoup
d’amants ont décidé que c’était
maintenant ou jamais le temps de
fonder une famille. Il y a donc eu une
nette augmentation de la population
mondiale. Comme j’ai dit, tous des
voleurs et des idiots. La fin du monde
fait perdre la tête, c’est pardonnable.
Pourtant, mourir, d’une façon ou
d’une autre, ça aussi, c’est inévitable.
T-4 minutes
La moitié du temps s’est écoulé. Je
suis seul à l’extérieur. La sueur perle
sur mon front et mes vêtements me
collent à la peau, mais je n’ai aucune
raison de quitter mon poste. Autant
profiter de la lumière le temps qu’elle
perdure, même si ce plaisir volé n’est
qu’une illusion. Ce bleu, c’est ma
couleur préférée. On ne peut rien à ce
qui nous fait plaisir. Je balaye le
paysage du regard une seconde fois. Je
suis seul. Tous s’adonnent à ce qui leur
fait plaisir, je ne suis pas si différent
des autres. Certains mangent, d’autres
font l’amour, beaucoup se droguent.
Moi, je regarde le ciel.
T-3 minutes
Je songe à tout ce que l’Homme a bâti
au fil des millénaires. Si seulement je
pouvais retourner en arrière, leur dire
que ça ne sert à rien. Que tout
retombera en poussière
éventuellement. C’est inévitable. On
ne choisit pas le monde dans lequel on
vit.
T-2 minutes
Hier, c’était le désordre total.
Maintenant, tout est calme.
L’humanité est tombée dans une
torpeur irréversible. Pour la première
fois, la science ne nous a pas permis
d’acheter plus de temps. C’est
vraiment la fin. Ça peut être une
réalité difficile à avaler pour certains.
Pour la première fois, il n’y a rien à
faire. Tout organisme vivant est
programmé pour faire absolument
tout en son pouvoir pour sauver son
espèce. N’avoir rien d’autre à faire
qu’attendre, impuissant et vulnérable,
la fin d’une histoire de plus de 5
milliards d’années, ça ne lui fait pas.
C’est pardonnable. Mais bon.
Attendre, c’est tout ce qu’il y a à faire.
T-1 minute
Rien ne brûle comme le froid. Le froid
brûle jusqu’à endormir les sens. C’est
une mort paisible. Humanité, c’est
l’heure de s’endormir.

150
Singularité
Sabine Plummer

Un coup de feu retentit au loin. Le son
se réverbéra dans les rues
abandonnées du district académique
entre les hautes tours des universités.
Des corneilles s’élevèrent derrière un
amas de bâtiments en ruine, un nuage
sombre contre les cieux. Un lourd
silence suivit, un calme d’une intimité
familière qu’El n’avait jamais appris à
détester. Ses pas soulevaient un fin
nuage de poussière alors qu’il
s’avançait lentement, zigzagant entre
les voitures abandonnées. Un autre
coup résonna, un peu plus proche
cette fois, et El pressa le pas, faisant
attention de rester dans l’ombre des
immeubles cadavériques. Entre son
manteau sali de poussière et de crasse,
et la noirceur de son teint, il se
camouflait bien contre les vestiges
longtemps oubliés de la ville.
La route désertique s’allongea devant
lui sur des kilomètres, s’éclipsant
derrière des ruines en acier et en verre.
Le soleil prit son temps, languide, en
traversant le ciel d’un bleu limpide.
Les rues se tordirent alors qu’il
s’enfonça dans un quartier qui fut une
fois résidentiel, des cadres de porte
craquant sous ses bottes de plusieurs
tailles trop petites. Les structures se
raccourcirent, et bientôt il n’y avait
plus de refuge au soleil tapant. Les
pieds trainants, sa nuque brûlant
doucement, des gouttes de sueur
coulèrent sous le fichu qui recouvrait
son nez et sa bouche.
La chaleur devint étouffante le temps
qu’il arrive à un poste militaire, une
série de blocs en béton entourant une
station d’essence abandonnée. Il
dénuda son visage et passa une main
gantée sur son front, faisant attention
de ne pas accrocher les points de
suture qu’il s’était mérités après une
courte échauffourée avec un des
groupes de charognards qui
jonchaient les chemins plus traversés.
El leva ses bras au-dessus de sa tête et
s’approcha du jeune armé d’une
mitraillette semi-automatique qui
venait d’apparaitre entre deux
pompes. Le garçon, vêtu d’un
uniforme de combat fait pour un
homme, tremblait en pointant le
canon de son arme sur le torse d’El.
Lui pariait qu’elle était vide, mais
n’osait pas tenter sa chance.
«  Je ne porte pas d’arme. Mon
passeport est dans la poche intérieure
de mon manteau. Je suis chercheur en
physique à l’Université de Pangée. Je
fais juste passer  », énonça El
151
clairement, un texte préparé que
Graham lui avait fait répéter en neuf
langues. Le garçon ne bougea pas, les
sourcils froncés sous son casque qui
lui tombait sur les yeux. El s’essaya en
anglais, puis en allemand. Le jeune
s’agitait. Le russe provoqua une
réaction.
«  Sumka, to, chto nakhoditsya
vnutri?  » Le sac, qu’est-ce qu’il y a
dedans? El le laissa glisser de ses
épaules et le posa délicatement sur le
sol crasseux. Il ouvrit la grande poche
et montra au soldat un amont de
documents et de feuilles volantes
recouvertes de notes illisibles.
«  Issledovaniye.  » Recherche,
mâchouilla El, le russe se bousculant
dans sa bouche. Le garçon sembla
comprendre, car il baissa son arme.
D’un coup de tête, il lui indiqua de
passer. El referma son sac et
l’empoigna. Il passa dans l’ombre du
préau et savoura ce moment de répit
du soleil. Le soldat retourna dans
l’enceinte de la station, marmonnant
dans sa barbe.
«  Durak. Issledovaniya, kogda mir
vot-vot zakonchitsya…  » Idiot. De la
recherche alors que c’est la fin du
monde. Un sourire fendit les lèvres
d’El alors qu’il remontait son fichu sur
son nez. Il tapota son manteau au
niveau de la poche intérieure où
résidait un petit pistolet chargé.
Le soleil ne céda pas le temps qu’El
traverse la carcasse éventrée d’un
complexe commercial ; ni l’échangeur
d'autoroute dont il manquait
d’énormes morceaux de ciment,
comme ravagé par une infestation
d’insectes à mâchoire d’acier. C’est
seulement lorsqu’il arriva à un quai
élevé de plusieurs mètres sur des
piliers, dans les ruines d’un semblant
de banlieue, ses vêtements en sueur et
ses pieds en sang, que le soleil passa à
l’horizon dans un flash écarlate qui
baigna momentanément la terre de la
couleur du sang. El accueillit la
noirceur fraiche de la nuit qui suivit. Il
sortit une paire de lunettes de vision
nocturne que Graham avait patentée
pour lui, l’obscurité du soir devenue
impénétrable depuis que les lumières
de la ville n’illuminaient plus le ciel. Sa
vision teintée de vert, il trouva
aisément la plateforme en bois recyclé
montée sur le monorail à l’air de
suspension magnétique qu’il avait
abandonné la journée d’avant, au
moment de son arrivée. Il y embarqua
avec aise, habitué, et s’agenouilla sur
les planches, chercha à tâtons une
poignée accrochée sous le rebord. Sa
main se referma sur l’objet de sa
recherche et il tira d’un coup sec vers
lui. Un vrombissement sourd éclata et
la surface sous ses pieds trembla
précairement, vacilla, puis fit une
embardée. Le rail couina fortement, la
plateforme s’accélérant doucement
alors que le moteur électrique se
réchauffait, puis tout revint au silence.
Le quai disparut sous le rail, et El
passa en flèche à travers la banlieue.
Une dizaine de mètres au-dessus du
sol et pourtant parfaitement à l’aise, il
fut une ombre parmi tant d’autres.
Longtemps, il n’écouta que le bruit du
vent qui sifflait dans ses oreilles, les
pans de son manteau et fichu battant
contre l’assaut atmosphérique. Il
pouvait apercevoir quelques lumières
depuis son promontoire. Un
immeuble brûlait à l’Est. Deux ou trois
feux de camp ressemblaient à des
152
lucioles quelques kilomètres à sa
droite. Droit devant, des lumières
bleutées commençaient à prendre
forme de chaque côté du monorail. Un
amas phosphorescent passa sous sa
plateforme. Un deuxième, puis un
autre, à intervalle régulier, et il les
comptait inconsciemment. Dix-sept,
dix-huit… À dix-neuf, il coupa le
moteur. Graham avait insisté qu’il
apprenne le truc mnémonique  : dix-
neuf était la somme des chiffres qui
composaient la date idyllique de
Graham  : 1927, l’année où George
Lemaitre proposa la théorie de
l’expansion de l’univers.
Le rail grinça alors que la plateforme
s’immobilisait dans un nuage de
plantes indigo, un type d’algue
autosuffisante que Graham faisait
pousser dans les commissures du
manoir. Quand elle était lucide,
Barberousse se plaignait sans cesse de
l’infestation. Les algues se
nourrissaient de dioxyde de carbone et
émettaient une lueur bleutée dans les
confins sombres de la nuit ou les
recoins ombragés de la salle à manger.
Il n’y avait pas de quai, seulement les
quelques sommets de pins qui
atteignaient le niveau du rail surélevé,
mais El reprit son sac. Lançant un
regard désintéressé au boisé
luminescent sous ses pieds, il sauta de
la plateforme immobilisée sur une
branche d’arbre épaisse quelques
pieds plus loin, sans la moindre
hésitation. Il glissa le long du tronc
avec une habileté innée, et toucha
terre lourdement. Quelque chose
déguerpit dans le bois au son de son
arrivée. Il n’y fit pas attention, suivant
plutôt un chemin tortueux entre les
hauts pins, indiqué seulement par les
algues phosphorescentes placées
stratégiquement à chaque quelque
mètre. Il s’enfonça dans le feuillage
épais.
La marche ne lui prit pas plus qu’une
vingtaine de minutes avant qu’il
émerge dans une clairière naturelle.
Une ancienne route en béton pouvait
être aperçue entre les hautes herbes
sauvages où elle s’y perdait. Le chemin
conduit à un vieux manoir dilapidé.
Les murs tombaient du côté droit où
un feu avait tout ravagé. Aucune
lumière ne venait des fenêtres, la
plupart brisées, mais une clarté
semblait provenir de la maison. Les
contours de la bâtisse, le long des
murs et du toit pentu, semblaient
frémir sous une douce lumière.
Contournant le bâtiment, El vint à
l’entrée d’une énorme serre, éclairée à
l’aide de vieilles lampes à gaz que
Graham avait rendues électriques. Il
cogna sur la porte, trois fois vite, trois
fois lentement, trois fois vite, et une
femme ancestrale, qui fut un jour
dodue, l’ouvrit. Une longue barbe
rousse touchant presque son nombril,
la femme faisait à peine quatre pieds,
drapée d’un tapis oriental comme
d’une traine royale. Elle souffla une
mèche blanche de ses petits yeux
obscurs et perçants, et le toisa du
regard, un joint allumé à la main.
Barberousse en tira une longue
bouffée avant de lui adresser la parole.
« Elle est rendue folle. Entre. » El ne
se le fit pas dire deux fois. Le sol de la
serre était tapissé de fils électriques et
de membres métalliques, appartenant
à la bête mécanique dont il venait de
pénétrer l’antre. Verre, acier et fer
longeaient les murs et montants
jusqu’au plafond comme des côtes
éviscérées. Une femme à la peau mate
153
se tenait au centre du chaos, un
sourire tordu aux lèvres.
«  Singularité… Une singularité…  »,
répéta-t-elle sans cesse, un casque de
soudage remonté sur sa tête, les bras
enfoncés aux coudes dans une
chambre de métal.
«  Graham, El est revenu  », lança
Barberousse à travers le carnage
infernal de ferraille et de sifflement
des pompes à hydrogène. La femme
releva sa tête ornée de boucles cuivre.
« El? »
Il fallut quelques instants avant que
Graham ne se rappelle de l’existence
d’autre chose que de la tache sur
laquelle elle était concentrée. Elle
focalisa alors sur ses alentours et elle
devint soudainement ultra consciente
du fait que quelque chose brûlait
vivement la peau de sa main gauche.
Elle retira celle-ci des entrailles de son
travail et observa momentanément sa
paume bouillir autour d’un fil nu. Il fut
arraché de sa main et Graham leva le
regard, croisant celui ahuri, mais
pourtant pas surpris, d’un jeune
homme asiatique avec quatre points
de suture au-dessus du sourcil droit. Il
lui fallut quelques instants de plus
pour creuser les archives de sa
mémoire pour son nom, et encore plus
pour se rappeler la raison de sa
présence sur les lieux.
«  El! Vite, tu as mes notes? Et le
graham? » Elle extirpa ses mains de la
capsule, et s’avança impatiemment
vers lui. Il se détourna et agita avec
prudence et véhémence le fil chauffé à
blanc, qu’il tenait avec un gant de
soudage trouvé délaissé, vers
Barberousse.
« Ça fait combien d’heures qu’elle est
là?  », demanda-t-il. Barberousse,
assise sur un fauteuil de cuir
bourgogne et troué qu’elle avait fait
porter à El depuis sa chambre au
manoir contre la promesse de garder
un œil sur Graham, haussa les épaules
d’un air désintéressé. Elle prit une
longue bouffée de son joint, une
concoction de Graham, une fois
encore, y laissant des empreintes
foncées de rouge à lèvres, avant de
répondre.
«  Deux, trois jours peut-être? T’es
parti quand, tiens?  » El aurait pu
l’étrangler.
« Elle a mangé au moins? », arriva-t-il
à émettre de sa mâchoire crispée. Mais
à en juger par l’unique plat de fèves en
canne, assis sur une pile de feuilles de
calculs sur la table de travail au centre
du désordre de la serre abandonnée,
El ne voyait aucune indication que la
vieille s’était levée de son sofa depuis
son départ.
«  Elle ne sait plus quelle journée on
est. Son rythme cardiaque est lent,
mais son soupir s’empire. Je lui ai
donné ce qu’il restait du dernier lot
que j’ai fait le mois passé », murmura
Graham dans son dos. El lâcha le fil et
se retourna pour la trouver en train de
lire à travers un lourd document noirci
d’encre. Son sac semblait beaucoup
plus léger. Il l’enleva d’un coup et le
trouva entrouvert et volé par les mains
agiles de la scientifique folle qui était
passée de nouveau dans son monde de
calculs et de chiffres. El poussa un
juron et les lui arracha des mains.
Graham poussa un cri de surprise et se
jeta sur lui pour les reprendre, mais
ses jambes défaillirent sous son poids
154
et elle s’écroula comme une poupée
dont les cordes avaient été coupées. El
la rattrapa de justesse. Ils restèrent un
moment, l’un contre l’autre, comme le
Russe avait dit, à la fin du monde.
Puis, Graham s’agrippa au bras d’El, le
visage enfoui dans les pans de son
manteau.
«  J e s e m b l e s o u f f r i r d e
déshydratation, de manque de
sommeil, et d’hypoglycémie
majeure  », murmura-t-elle, pour une
fois bien consciente de l’état de son
être. El soupira, ses yeux roulant
familièrement. «  Aide-moi.  » Elle
n’avait pas besoin de le lui demander.
Il avait déjà déposé les documents sur
le sol et l’aida à se relever. El dirigea
Graham vers sa table de travail et
l’assit sur un tabouret. Il empoigna
l’assiette de fèves et la plaça devant
Graham avant de s’asseoir lourdement
à son tour à ses côtés.
une tout autre raison. El arracha la
gaze de surplus.
« Je ne dorlote personne. Je m’occupe
de toi parce que tu es incapable de
survivre par tes propres moyens !
Génie mon cul, un nouveau-né se
rappelle de manger, mais toi, t’es pas
plus capable d’éviter de te tuer,
hein ! », s’enragea-t-il. Graham cligna
lentement des yeux, clairement pas
consciente de ce qu’il venait de dire. Il
chercha un instant une étincelle de
reconnaissance dans les profondeurs
marron, mais n’y observa que le
gouffre d’un savoir qui lui échapperait
à jamais. Il soupira de nouveau et lui
tendit le sac d’un air las.

«  Elles sont froides  », remarqua

dédaigneusement Graham.

« Fallait les manger y’a deux jours si tu

les voulais chaudes  », répondit El du
tac au tac. Il prit sa main gauche par le
« Tiens, le voilà, ton sacré graham. »
poignet et observa les dommages
qu’elle s’était infligés. Grimaçant, il
Elle l’empoigna de ses deux mains,
fouilla dans son sac pour une
oubliant ses fèves et sa blessure, et le
bandelette de gaze qu’il trouva au
posa délicatement sur sa table de
fond, écrasée par le tube en acier que
travail. Elle l’ouvrit au complet, les
Graham ne lui avait pas encore volé.
mains tremblantes. Des feuilles
Elle l’observa d’un air curieux alors
volantes s’en déversèrent, jonchant le
qu’il enroulait sa main, mangeant ses
sol. Elle trouva un petit carré de papier
fèves froides de l’autre.
jaune collé sur le dessus du contenant
en acier tout au fond du sac.
« Tu la dorlotes! », s’écria Barberousse
de derrière ses yeux vitreux.
«  Trou noir… Singularité…  »,
marmonna-t-elle. El était certain
« Tu me dorlotes », entonna Graham,
qu’elle faisait une série de calcul
les yeux tout aussi vitreux, mais pour

155
mental à la vitesse de la lumière.
« Oui… Parfait. » Son regard se perdit
momentanément, puis elle enfouit ses
mains dans le sac pour en extirper une
petite boite en acier. « Le graham… »
« T’aurais quand même pu lui
donner un autre nom que le tien  »,
lança Barberousse depuis son fauteuil
au fond de la serre, alors qu’elle
prenait une autre bouffée de son joint.
Le regard de Graham se posa sur elle
comme une épée de Damoclès, son
corps tendu comme la corde d’un arc.
El espéra que Barberousse ne
pousserait pas plus le sujet.
« Je l’ai trouvé. Il est à moi. Il
est à moi, donc je le nomme. Le mien.
À moi. Graham  », cracha-t-elle, ses
tresses métalliques tombant en
cascade devant son regard enflammé.
Lentement, Barberousse leva les
mains pour se défendre.
«  J e d i s a i s j u s t e …  » ,
commença la vieille, mais Graham
sauta de son tabouret comme pour se
ruer vers elle. El l’attrapa par le bras et
l’obligea de se rassoir, lançant un
regard réprobateur à Barberousse.
«  Donc, ça va marcher ? C’est
la bonne affaire ? », demanda-t-il pour
changer de sujet, mais Graham ne
l’écoutait plus, son graham serré
contre sa poitrine, recroquevillée sur
son tabouret, un sourire satisfait aux
lèvres. «  Graham  », l’interpella-t-il.
Elle leva le regard à regret et le fixa
d’un air étrange. El commençait à se
demander si Graham n’avait pas pigé
dans la réserve d’opioïde qu’elle
confectionnait à Barberousse en
échange d’utiliser sa serre comme
laboratoire. «  Ça va marcher? On va
pouvoir tout remettre à zéro? »
« Oh non, ne pars pas là-
dessus!  », grogna Barberousse des
limbes de son fauteuil, mais c’était
trop tard, Graham était déjà debout se
dirigeant vers l’amas métallique où
elle avait les mains enfoncées plus tôt,
une lueur déterminée dans les yeux.
«  Oui. Dès que je finis
l’amplificateur de résonance, je vais
pouvoir y mettre le graham et tout
sera fini. Ou plutôt, tout commencera,
un peu des deux en fait.  » Elle
s’agenouilla à côté de son engin et se
mit au travail, perdue à nouveau dans
les recoins de son intellect. Dans sa
concentration, les mots continuaient
de couler de ses lèvres. « Fracturer le
graham causera l’équivalent d’une
décharge du niveau nucléaire que ce
monde n’a jamais vue. Tant d’énergie,
ça déclenchera des explosions
subséquentes au niveau planétaire,
puis au niveau de notre système
solaire. D’après mes calculs, un trou
noir devrait se former quand cette
chaine de réaction atteint le centre de
notre galaxie. Ça envahira l’univers
visible, puis celui qui dépasse même
ma compréhension du monde. Au
point d’avaler la totalité de ce qui
existe, une singularité aura lieu, due à
la pression et à la chaleur dans le trou
noir : une explosion massive dont les
réverbérations pourront encore se
faire sentir des milliards d’années plus
tard, une expansion de la matière
universelle. » Avec un regard satisfait,
Graham extirpa ses mains de la
machine et essuya l’huile qui les
tachaient sur son pantalon. Elle
attrapa le contenant en acier et
entreprit de l’ouvrir.
156

«  Ça prendra combien de
temps avant qu’on ait à
recommencer ?  », demanda El entre
deux bouchées des fèves délaissées.
«  D’après mes calculs, treize,
virgule, sept, neuf, neuf, milliard
d’années, plus ou moins point zéro,
deux, un, milliard  », récita Graham,
les yeux encore fixés sur la boite en
acier qu’elle ouvrait lentement,
s’arrachant les bouts des ongles à
dévisser les boulons à la main. « Mais
le but, c’est de ne pas avoir à
recommencer.  » Un grognement
sauvage s’échappa de ses lèvres alors
que le dernier boulon céda sous ses
doigts calleux et meurtris. Une
grimace de victoire fendit son visage.
« Cette fois-ci, ça marchera. »
«  Je ne comprends toujours
pas comment tu sais qu’on a déjà vécu
ces évènements », ajouta El. Il essayait
de la garder alerte et de répondre à ses
piètres questions qu’il avait déjà
posées une centaine de fois, ce qui
semblait toujours lui donner un
semblant d’attachement à la réalité
dans laquelle ils vivaient tous.
«   Ce n’est qu’une hypothèse,
mais mes calculs démontrent que
l’expansion de l’univers et
l’arrangement interstellaire n’étaient
pas juste un coup de chance, chaque
évènement individuel a entrainé le
prochain. Le monde n’a qu’une fin
possible quant à la matière physique.
Ce qui diffère, ce sont les décisions
humaines, nos décisions. Si nous
sommes ici, en train de mettre en
place ces évènements, c’est soit que
ceci est la première itération de ceux-
ci, ou que nous l’avons vécu à
plusieurs reprises sans changement
majeur. C’est la seule conclusion
rationnelle  », expliqua Graham en
cherchant ses pinces.
« C’est un cercle vicieux. Tu ne
peux pas changer le passé », entonna
Barberousse. Elle s’était couchée dans
son fauteuil, le regard rivé vers les
étoiles. Graham l’ignora.
«  La probabilité que chaque
personne qui vécut sur Terre dans les
derniers siècles reprenne exactement
les mêmes décisions est très basse,
même si les conditions
environnementales sont identiques. Il
y a toujours une chance que quelqu’un
se place sur le sujet du réchauffement
climatique, ou la surpopulation,
l’utilisation des ressources non
renouvelables. »
«  Dis-le si t’y crois vraiment,
t’as foi en la race humaine. La dame de
fer à foi  », chanta Barberousse. El se
concentra de lécher les recoins de son
assiette. Graham la toisa d’un regard
étrangement lucide, tenant ses pinces
comme une arme.
«  Si je suis ici, c’est parce que
je dois remettre le monde à zéro. C’est
mon devoir. Tout est arrivé pour me
donner l’intelligence et les ressources
nécessaires pour le faire. Le jour où je
ne les aurai plus, j’arrêterai d’essayer
de réparer les erreurs de cette
misérable race!  », s’époumona-t-elle.
El posa son assiette et Barberousse
resta inhabituellement silencieuse.
Graham sembla se rendre contre de
son propre essoufflement et s’affaira à
rentrer des pinces dans l’ouverture de
la boite. S’avançant, El pouvait
entrevoir un objet émettant une
157
lumière bleutée d’entre les bouts des
pinces. Graham posa délicatement le
graham dans l’enceinte de
l’amplificateur, puis referma l’engin.
Elle se leva et récupéra le fil chauffé à
blanc qu’elle avait tenu dans ses mains
nues. El ne l’arrêta pas.
« Je suis prête, moi », dit tout
bas Barberousse, les yeux rivés vers les
étoiles qu’ils allaient détruire. El n’était
pas certain de l’être, mais ne dit pas un
mot. Graham sembla hésiter,
cherchant quelque chose derrière les
iris de ses yeux.
Découvrir la vie
Robert Stefan Constantin
En 2125
Il se réveille, gelé jusqu’aux os, dans
une salle blanche. La porte de
l’immense cylindre en verre dans
lequel il était s’ouvre et il sort. Une
voix artificielle lui rappelle qui il est. Il
s’appelle Youri, il appartient à un
groupe d’astronautes partis vers
Proxima b, une planète découverte en
2016, qui pourrait être habitable. Sa
mémoire lui revient soudainement, il
« Ça fera quoi comme son? »,
demanda doucement Barberousse. El
agrippait le côté de la table de travail
comme si c’était la seule structure
stable dans l’univers. Il aurait voulu
pouvoir tenir quelque chose,
quelqu’un, mais il était très seul en
effet à la fin du monde. Graham
choisit ses mots soigneusement et
toucha l’extrémité du fil de
l’amplificateur. Un silence sourd suivit
dans lequel le dernier mot murmuré
ne résonnait pour personne.
« Un Big Bang. » 

est resté dans le cryogénérateur depuis
soixante-quinze ans, soit depuis le
départ de la Terre. Seulement,
soixante-quinze ans pour atteindre
une planète à quatre virgule deux
années-lumière, c’est tout un exploit,
grâce à une technologie développée
dans les années 2020, qui consiste à
pousser une sonde avec un laser
propulsé de la Terre. Toutefois, la
puissance a augmenté, car on ne parle
pas maintenant d’une sonde, mais
bien d’un vaisseau assez important,
contenant tout le matériel nécessaire
pour évaluer si la planète est habitable,
même si les radiations de l’étoile
Proxima Centauri drainaient une
atmosphère sur cette planète dix mille
fois plus vite que sur Terre. Il sort alors
de la salle, rencontre le reste de
l’équipage. Il se dirige vers sa suite, et
se change. Il tire de sa poche une
photo de lui avec ses parents quand il
avait cinq ans. C’est la seule photo qu’il
a d’eux. Après son anniversaire, son
158
père, un Spetsnaz de renom, est parti
en déploiement. Il ne l’a plus jamais
revu depuis. Sa mère, elle, est décédée
dans un accident de voiture des mois
plus tard. Youri a alors fait le tour des
orphelinats, étant un enfant isolé et
peu bavard, trainant avec lui la seule
photo de famille qu’il avait. Il est alors
devenu membre de la force aérienne
russe dès ses 18 ans, voulant
poursuivre une carrière militaire,
comme son père, qui était son idole.
Étant parmi l’élite de son équipe, il lui
a été proposé de représenter la Russie
comme pilote dans le voyage vers
Proxima b. Il savait que cela prendrait
soixante-quinze ans pour y arriver, et
qu’il ne retournerait peut-être pas sur
Terre, mais il n’avait personne de cher
sur cette planète. Il reçoit alors un
message qui lui rappelle de se rendre à
la cabine de pilotage. Il regarde
l’itinéraire. Il reste deux semaines
pour arriver à la planète en question et
il prendra alors le contrôle du vaisseau
pour l’atterrissage. En attendant, il
prépare l’équipement et effectue
quelques simulations.
Deux semaines plus tard
C’est le jour J, tout le monde est à
son poste. Youri prend alors le
contrôle des commandes et amorce la
descente du vaisseau vers la planète.
Arrivant près de la surface, une
explosion a lieu au moteur droit.
L’ordinateur lui signale une collision,
mais aucun projectile n’a été détecté
dans les environs. Le pilote stabilise
alors l’aéronef, et réussit à effectuer un
atterrissage d’urgence, en limitant les
dégâts matériels et humains.
Toutefois, il y a eu un blessé, un des
experts géologues. Le pilote se prépare
alors à accompagner le deuxième
expert ainsi que la botaniste pour les
aider avec la première prise de
données. Il enfile son équipement, qui
doit le protéger des rayonnements UV
extrêmes. Ces rayonnements ionisent
les gaz de l’atmosphère, ce qui donne
beaucoup d’énergie aux électrons
produits et les font quitter cette
atmosphère. Ces radiations détruisent
alors les molécules d’hydrogène,
d’oxygène et d’azote. Le vaisseau
contient tout l’équipement nécessaire,
car l’équipage est là pour ramasser des
données sur le temps de dégradation,
mais aussi sur la présence d’eau et de
vie.
Le géologue prend de l’avance dans
l’expédition, il s’avance avec
enthousiasme sur le terrain
poussiéreux. Soudainement, le sol au-
dessous de lui glisse et il disparait à
travers une fumée de poussière. Les
deux autres membres se précipitent
vers la scène. Le géologue est tombé
dans une grotte, qu’il décrit comme
humide, ce qui est une bonne
nouvelle. En effet, il y a une sorte de
boue, supposant la présence d’eau. Le
géologue s’empresse de ramasser son
équipement et de remplir les
éprouvettes pour les ramener au
vaisseau. La botaniste lui laisse
tomber son équipement et lui bégaie
les instructions, étant obnubilée par la
possibilité de la vie. Youri ne dit rien. Il
ne ressentait rien. Ça lui est égal qu’il y
ait de l’eau ou pas. Sa mission est
d’accompagner les scientifiques pour
découvrir si la planète est habitable,
alors rien n’est encore accompli. Il dit
alors aux autres qu’il va chercher une
corde pour sortir le géologue de cette
grotte. Youri entre dans le vaisseau,
prend une corde sous les yeux du reste
de l’équipage qui s’occupe du blessé et
159
des réparations du vaisseau. Ils lui
demandent si tout va bien, il leur dit
que le géologue est tombé dans une
sorte de caverne et qu’il avait trouvé de
l’eau. Un climat de joie s’empare du
vaisseau, le sourire est aux lèvres de
tous, y compris le blessé, allongé au
sol. Ils vont peut-être trouver de la vie.
C’est un pas de plus vers l’habitabilité
de la planète. Youri était indifférent. Il
ressort rapidement, mais il ne voit
personne. Pourtant, la botaniste et le
géologue étaient à moins de 100
mètres. Il marche jusqu’à la grotte,
mais il n’y a rien et personne. Pas
d’équipement. Pas de botaniste. Pas
L’ère glaciaire humaine
Karl-Philippe Bluteau
Jean-Guy Tremblay, un des meilleurs
météorologistes au monde, chercheur
à l’Université Laval à Québec, a passé
sa jeune carrière à essayer de
sensibiliser la population mondiale
aux futurs dangers du réchauffement
climatique, sans succès à son grand
désarroi. Il habite dans son petit
village natal du Bas-Saint-Laurent au
nord de la ville de Québec nommé
Saint-Louis-du-Ha! Ha!
Un beau matin d’été, il se réveille chez
lui et il a la surprise de réaliser qu’il y a
maintenant deux mètres de neige qui
recouvre le sol, en été, et les
précipitations n’ont pas l’air de vouloir
s’arrêter. Ce qui l’étonne le plus, c’est
qu’il ne comprend toujours pas
comment cela est arrivé sans qu’il ne
s’en rende compte. À l’aide de la
télévision, il réalise qu’il se passe la
même chose dans le monde entier et
qu’il s’agit maintenant d’une crise
mondiale et humanitaire. Inquiet et
de géologue. Aucune trace. Il les
appelle, mais en vain. Ils ne sont pas
là. Il retourne alors au vaisseau et
demande aux autres s’ils ont vu ce qui
s’est passé. Mais personne ne répond.
Tout le monde a disparu. Il entend un
crépitement venant du poste de radio.
Le contact avec la Terre est
interrompu. Il remarque alors le
clignotement d’une lumière provenant
de la salle des moteurs. Il s’y dirige,
mais soudainement toutes les
lumières s’éteignent et il ressent une
forte respiration dans son cou avant
de perdre connaissance.

un peu curieux, il organise une
conférence téléphonique avec ses
collègues pour commencer à
extrapoler et à discuter sur le pourquoi
et sur les conséquences du début de
cette méga tempête de neige en plein
milieu de l’été. Durant leur discussion,
deux soldats arrivés en hélicoptère de
l’armée, viennent cogner à la porte de
Jean-Guy, et lui expliquent que le
160
gouvernement fédéral a instauré l’état
d’urgence dans le pays, comme
plusieurs autres pays dans le monde,
et qu’ils sont en train d’évacuer les
membres importants des différentes
branches des gouvernements du
Canada, et les meilleurs scientifiques
du pays, comme lui et certains de ses
collègues de travail, pour les amener à
l’abri dans une base gouvernementale
secrète quelque part dans le pays. Sur
place, il rencontre d’autres
scientifiques qui vont se joindre à lui
pour former une équipe de recherche
pour endiguer ce phénomène
météorologique. Peu de temps après,
de nombreux pays coordonnent
l’évacuation de leurs citoyens vers un
lieu sécurisé pour les mettre à l’abri du
cataclysme.
Après être arrivés dans leurs nouveaux
locaux, Jean-Guy et ses nouveaux
collègues commencent à chercher une
solution à ce cataclysme mondial.
Leurs premières recherches portent
sur une façon d’arrêter ce phénomène
météorologique avant qu’il ne cause la
mort d’un trop grand nombre de
personnes. Malheureusement, le
cataclysme se déroule tellement
rapidement que dans les douze heures
suivantes, au moins douze mètres de
neige, sans compter l’énorme quantité
de glace accumulée à de nombreux
endroits autour du globe, tombe sur
l’ensemble de la surface de la planète,
tuant des millions de personnes dans
le monde. Voyant que les
précipitations se sont stabilisées,
l’équipe de recherche se penche
maintenant sur le pourquoi de ces
événements et sur la façon de
résoudre le problème. Ils en viennent
rapidement à la conclusion qu’il s’agit
d’une nouvelle ère glaciale.
Durant les premiers jours de leurs
recherches, le groupe est sous
pression, il doit trouver une solution à
ce nouveau problème, car la
population mondiale se pose des
questions, mais tout en essayant de
chercher des survivants dans les villes
ensevelies. Ils décidèrent de se
concentrer en premier sur la
recherche de survivants, au lieu de
partir en quête d’une solution. Alors ils
inventent une nouvelle technologie
pour détecter des sources de chaleur
de possibles survivants. Après avoir
recherché des survivants, l’équipe
essaie maintenant de trouver une
solution au cataclysme qui frappe la
planète Terre.
Jean-Guy propose l’idée de réchauffer
la calotte glaciaire pour la faire fondre,
ou au moins pour commencer à la
faire fondre pour que le soleil entre en
jeu ensuite et finisse de faire fondre la
neige et la glace. Dès le début des
recherches, ils commencèrent à
rencontrer des problèmes avec la mise
en place de l’idée de Jean-Guy à cause
du temps nécessaire et de la quantité
d’énergie totale nécessaire.
Finalement, après de plus amples
recherches, les têtes dirigeantes du
pays décident de reporter la réalisation
de l’idée de Jean-Guy, car ils ont
calculé que la quantité d’énergie
nécessaire à sa mise en place
aujourd’hui empêchera les camps de
réfugiés et les différentes bases au pays
d’avoir assez d’énergie pour se
réchauffer et pour fonctionner comme
il se doit. Alors l’idée de Jean-Guy est
reportée jusqu’à ce que la base
d’énergie solaire soit bâtie autour du
soleil.
161
Peu de temps après ce nouvel échec,
l’équipe pense avoir une idée de la
façon de régler cette ère glaciaire, mais
pour ce faire, ils ont besoin des
anciennes données qui ont été
enregistrées avant l’ère glaciaire par
Environnement Canada, mais ils sont
dans la capitale nationale, Ottawa
dans les profondeurs de la calotte
glaciaire. Alors, Jean-Guy est nommé
chef d’une expédition pour retourner
dans ce qui reste de l’ancienne capitale
pour aller récupérer les vieilles
données à l’aide d’équipement lourd.
Mais durant les recherches dans le sol,
les vibrations créées par la machinerie
lourde font céder une partie de la
couche supérieure de la calotte
glaciaire, et font tomber certaines
machines et certains chercheurs, dont
Jean-Guy, dans une énorme grotte
souterraine. Quelques chercheurs
meurent dans la chute, mais contre
toute attente, Jean-Guy survit à la
chute, et il réalise que par chance, la
grotte donne directement accès aux
anciens bureaux où sont situées les
données désirées.
Après avoir ramené les données
recueillies à leur base de recherche,
Jean-Guy sépare les données à
analyser entre plusieurs groupes de
chercheurs disséminés autour de la
planète dans l’espoir d’accélérer la
recherche d’une solution à ce
phénomène planétaire.
Durant son analyse, Jean-Guy reçoit
un rapport d’analyse, rédigé par des
chercheurs d’une de ces équipes
installées dans le désert du Sahara, sur
la composition chimique de la neige et
de la glace tombées. Le rapport
explique que la neige et la glace qui
recouvre maintenant la planète ont été
chimiquement modifiées dans
l’atmosphère par les polluants
expulsés par les entreprises autour du
monde, pour être beaucoup plus
résistantes aux actions humaines
contre elle. Ceci explique que l’être
humain aura extrêmement de mal à
résoudre rapidement le problème.
Alors, après ces analyses, Jean-Guy
dépose son rapport final sur le
cataclysme mondial qui frappe la
planète Terre ; ce rapport explique que
l’être humain devra évoluer pour vivre
avec la calotte glaciaire présente, car il
faudra attendre que toute la glace et la
neige fondent pour pouvoir revenir à
une vie comme avant. En résumé, la
population mondiale devra attendre la
fin de l’ère glaciaire pour revenir à leur
ancien mode de vie.
Alors, la population finale prend
conscience de la réalité, c’est-à-dire
des conditions dans lesquelles ils
devront vivre durant les prochaines
années, et tout ça à cause de la
pollution qu’ils ont émise dans
l’atmosphère. 

162
Une apocalypse humanitaire
Valérie Courval
2 septembre 2045
Jour 1147
10 h 09
La radio vient d’annoncer la fin de la
Troisième Guerre mondiale. Les
politiciens se vantent du retour de la
paix dans le monde, du retour de la
diplomatie et d’une
nouvelle coopération
planétaire en ce
c e n t i è m e
anniversaire de la fin
de la Deuxième
Guerre mondiale. La
vérité étant que la
tuerie s’était achevée
cinq ans et demi
plutôt, que les soldats
qui continuaient de
mourir étaient en fait assassinés
massivement par leurs
gouvernements respectifs afin de
réduire la population humaine et
qu’aucun pays n’avait l’intention ou
même n’aurait pu gagner cette guerre.
Qu’aurait-il eu à gagner  ? Une
suprématie de pouvoir sur une planète
morte  ? Pardon, pas morte… Non,
d’après les autorités, il reste encore un
organisme capable de vivre sur la
Terre  : j’ai nommé… Roulement de
tambour… Une colonie de
protéobactéries qui oxyde les ions de
soufre afin de survivre, trouvée dans
les 3,163 litres d’eau acétique qui
forment maintenant l’océan Pacifique.
Cet organisme est clairement la
preuve que la vie est possible dans un
environnement où la température
moyenne est au-dessus du point
d’ébullition de l’eau, où des pluies
acides et des orages électriques
recouvrent le ciel en permanence et où
sept cyclones et dix-neuf volcans
détruisent en ce moment ce qui reste
de l’Asie orientale. La vérité étant que
cette guerre avait été déclenchée
d’abord pour des terres (la fonte des
glaces ayant engendré l’inondation de
cinquante- neuf pour cent des
territoires terrestres),
puis pour des
zones moins à
risque de
phénomène
géophysique
comme des
séismes et des
tsunamis et,
finalement, pour le
reste de l’eau potable et des zones, les
températures étaient inférieures à
quatre-vingt-trois degrés Celsius  ;
mais, depuis il ne reste plus rien pour
lequel ils pourraient prétendre vouloir
se battre. Pourquoi annoncer la fin de
la guerre maintenant ?
Il y a de cela 5 heures 41 minutes, j’ai
annoncé aux autorités de la coalition
que, après 1147 jours de travail
intensif, le projet «  Vikturi  » était
désormais un succès. Je ne peux
m’empêcher de penser que c’est la
raison pour laquelle l’annonce de la fin
de la guerre a été révélée au public.
Considéraient-ils vraiment utiliser
mes découvertes ?
163
14 juillet 2042  2 septembre 2045
Jour 1
18 h 31
Première journée du projet « Vikturi »
dans les laboratoires sécurisés de la
coalition. On vient de m’annoncer que
je serai le seul à participer à ce projet.
Mes collègues scientifiques sont
unanimes, il ne reste aucun espoir
pour sauver la Terre et maintenant les
autorités ne voient plus d’avantages à
les garder en vie. Bientôt, ceux qui
restent de la famille des gens que je
côtoyais tous les jours depuis dix-sept
ans vont se faire envoyer des lettres
pour annoncer le départ de leurs
proches aux fronts pour un « nouveau
projet  », mais nous savons très bien
que tous ceux qui partent à la guerre
ne reviendront jamais. Ils m’ont
épargné puisque je suis le seul
physicien avec des connaissances en
supraconductibilité encore en vie.
Mon objectif est de développer un
superfluide à base d’hydrogène,
d’oxygène et d’azote afin de descendre
la température globale et permettre la
présence de molécules d’eau sur la
Terre. Un superfluide qui permettrait
à la couche de nuages radioactifs de
tomber et qui pourrait sauver ce qui
reste de la couche d’ozone. Bref, je suis
un physicien assigné à une mission
afin que les gouvernements puissent
se dire que ce n’est pas juste de leur
faute si l’humanité disparait. Mes
collègues ont été très clair dans leur
rapport  : j’ai mille quatre cent
cinquante-trois jours pour trouver une
solution  : le 5 juillet 2046, aucun
humain ne sera encore vivant sur la
Terre.
Jour 1147
17 h 43
De grandes festivités sont organisées
dans les villes souterraines où se
cachent les neuf millions deux cent
dix-sept homo sapiens encore vivants
qui se cachent de l’environnement se
déchainant au-dessus d’eux. Aucune
dépense ni ressource n’a été limitée.
De la musique assourdissante, des
fontaines de boissons alcoolisées et la
consommation de substances illicites
m’entouraient. Alors que le reste de la
population célèbre éperdument la fin
de la guerre dans les rues, je me suis
caché dans le petit studio où je vis.
Pourquoi suis-je incapable de célébrer
comme eux  ? Le monde est sauvé et
bientôt nous pourrons retourner vivre
à la surface, bientôt la planète
retrouvera sa verdure originelle et ses
plans d’eau qui s’étendaient à perte de
vue. Pourquoi quand j’imagine
l’environnement vert de mon enfance,
je revois les visages de mes proches
qui sont décédés pour que ce jour ait
lieu  ? Le visage de mes collègues qui
ont travaillé ardemment pour ce
miracle que la population ignore.
5 juillet 2046 
Jour 1453
14 h 59
Je viens d’apprendre que le
gouvernement n’a jamais autorisé la
réalisation de mon projet sous
prétexte de manque de fonds. Le
budget qu’on avait mis de côté pour
mon projet a été utilisé pour les
festivités de la dernière année. On m’a
dit que la fin de la guerre avait été
annoncée afin que les gens puissent
164
mourir en paix et heureux. Ils
n’avaient jamais l’intention de sauver
la Terre. Pour eux, l’apocalypse est
inévitable. Ils citent l’ère de glace
comme un exemple du renouveau qui
serait possible grâce à notre extinction.
Ils se croient en droit de prendre cette
décision refusant que le monde sache
qu’une alternative existe ou que la
guerre n’était qu’un mirage pour
réduire la consommation de
ressources  ; ils préfèrent que la
population meure dans l’ignorance.
commun. Je m’acharnais dans mon
travail afin de préserver l’humanité,
On ne se battra pas pour sauver une
mais il me semble maintenant que nos
planète où la température moyenne
dirigeants refusent de se battre  ; que
est au-dessus du point d’ébullition de
l’espoir d’une solution n’était plus
l’eau, où quelques protobactéries
depuis le premier jour. Ceci est la
vivent encore et où l’être humain a
dernière entrée du carnet. Projet
non seulement tout détruit, mais a
« Vikturi » a échoué : la race humaine
aussi refusé de tous nous sauver sous
ne sera plus.

prétexte qu’il faisait cela pour le bien

165