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UN FILM ÉVÉNEMENT À BUENOS AIRES.

Les suicidés des Malouines | Courrier international 10/04/2018 07:38

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Un film événement à buenos aires.


Les suicidés des Malouines

En 1982, la junte argentine tentait de s’emparer des Malouines,


territoire britannique. Le film Iluminados por el fuego évoque cet
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épisode longtemps censuré. Il vient de recevoir le prix spécial au


festival de Saint-Sébastien.

Iluminados por el fuego [Illuminés par le feu] raconte l’histoire de trois jeunes hommes
pendant la guerre des Malouines. L’un d’eux mettra fin à ses jours. Il s’agit certes d’une
fiction, mais, au cours des cinq ans qu’a duré son tournage, dans la réalité, les
suicides se sont multipliés parmi les vétérans du conflit. Quand le réalisateur Tristán
Bauer a décidé d’adapter le récit autobiographique de l’ancien combattant Edgardo
Esteban (Iluminados por el fuego, 1993), le nombre de soldats tombés dans l’archipel
dépassait encore celui des suicidés. Aujourd’hui, alors que sort le film, les proportions
se sont inversées. “Aux Malouines, 275 hommes sont morts, précise Esteban. A cette
date, ils sont 350 à avoir mis fin à leurs jours.”
Iluminados por el fuego prend donc sa place dans cette histoire des Malouines qui
continue aujourd’hui à emporter des hommes d’une quarantaine d’années. Il rouvre
les blessures d’une période certes pas oubliée, mais censurée. Un épisode enterré à la
va-vite, comme un cadavre enseveli à la hâte parce qu’il est la preuve du crime
commis. Or, ici, le cadavre est bien vivant. Le film nous montre que l’horreur est
encore parmi nous, qu’elle colle à la peau des vétérans comme l’ectoplasme d’un
cauchemar. De temps à autre, elle dévore un homme de plus, dont les proches
détourneront rapidement le regard, comme après 1982, quand ils se sont détournés
de cette guerre perdue en jetant ensemble, dans la fosse commune de la défaite,
militaires assassins et jeunes garçons emmenés de force, pleins d’angoisse, vers les
îles convoitées. “Les vétérans ne sont pas reconnus comme victimes de la dictature,
même pas par les organisations de défense des droits de l’homme”, déplore Edgardo
Esteban. Ce film donne la parole à ces jeunes hommes qui, depuis leur retour,
s’épuisent à nous faire comprendre que la mort les obsède. Il nous montre comment
on vit quand on est déjà mort.
En langage cinématographique, la parole devient regard. Tristán Bauer s’explique. “Le
livre d’Edgardo Esteban m’a fait l’effet d’une bombe, en raison essentiellement du
regard qu’il porte sur la guerre : c’est le regard naïf et sensible d’un être humain de 18
ans, qui n’est pas préparé à la mort mais à la vie. Découvrir, redécouvrir la guerre des
Malouines à travers ces yeux-là a été essentiel pour moi.” Edgardo Esteban en dit plus.
“Regardez les anciens combattants : ils ont tous un regard profond, tourné vers

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l’intérieur, c’est la douleur que nous gardons tous. C’est là-dessus que j’ai construit
cette histoire.” La parution du livre Iluminados por el fuego, en 1993, fut le premier pas.
“Quand nous sommes rentrés”, raconte Esteban, aujourd’hui journaliste pour une
chaîne de télévision nord-américaine, “on nous a forcés à nous taire. J’ai dû chercher
des échappatoires : j’ai fait une thérapie, six ans de théâtre aussi. Je me suis mis à
écrire les yeux fermés, comme dit Antonin Artaud, pour faire sortir tout ce pus qui
m’empoisonnait.” C’est souvent le premier pas qui coûte. Dans L’Ecriture ou la vie,
Jorge Semprún, rescapé du camp de concentration de Buchenwald, est assailli d’un
doute sur la possibilité de raconter. “Non pas que l’expérience vécue soit indicible. Elle
a été invivable, ce qui est tout autre chose.”
C’est cette possibilité du récit, pour tous ces garçons revenus des Malouines,
qu’envisage Iluminados por el fuego. Mais quel est l’enjeu d’un tel possible ? Le
territoire du récit impossible, celui du récit qu’on hurle sans parvenir à se faire
entendre, celui de l’homme écrasé par l’Histoire. En l’occurrence, c’est le suicide de
masse, une mort lente, imperceptible mais inexorable. Sur le champ de bataille de
l’après-guerre, où le silence fut imposé par une dictature militaire acceptée par des
Argentins élevés dans le patriotisme et soutenue par tous les gouvernements légaux,
d’anciens combattants continuent aujourd’hui de tomber. Mais, dans une autre région,
au prix d’un effort considérable, fleurissent quelques récits qui viennent briser la loi du
silence, qui franchissent toutes les barrières, tous les obstacles, pour atteindre les
autres. C’est à ce monde-là qu’appartient Iluminados por el fuego.
“Il y a très peu de films sur le sujet, remarque Tristán Bauer. Et ceux qui ont été faits
parlent des anciens combattants rentrés ici, pas de ce qui s’est passé dans l’archipel
en 1982. Les gens n’ont que quelques images de la guerre des Malouines, comme la
‘place Galtieri’ [le 2 avril 1982, Leopoldo Galtieri exaltait une foule d’Argentins sur la
Plaza de Mayo, à Buenos Aires] ou le Vamos ganando [La victoire est proche] à la une
de tous les journaux, mais rien sur ce qui s’est passé pour nos soldats là-bas.
Iluminados por el fuego met des images sur ce qu’a été cette guerre. Des recherches
approfondies ont été réalisées dans les archives en Argentine et en Grande-Bretagne.
Nous avons lu tout ce qui s’est dit sur les Malouines, des manuels militaires aux récits
historiques. Nous avons eu recours à la mémoire des anciens combattants.”
Le réalisateur met l’accent sur le travail collectif. “Le tournage a été très pénible,
raconte-t-il, je n’en avais jamais vécu d’aussi difficile. Nous avons passé un mois en
Patagonie, en plein hiver, dans ce vent si particulier à la région. Nous tournions la nuit,
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sous la pluie et sous des températures toujours négatives, au milieu des explosions,
avec deux cents figurants courant dans tous les sens. Jamais une revendication
salariale, jamais de ‘Je suis fatigué’ ni de ‘J’ai froid’, mais un enthousiasme, un état
d’esprit que je ne peux pas évoquer sans émotion. Un tournage à la fois insupportable
et merveilleux.”
Non sans emphase, l’équipe de réalisation décrit Iluminados por el fuego comme un
travail choral venu répondre au besoin de mettre en mots et en images, sans détours,
la mort et l’horreur des Malouines. Un besoin surgi tel un avertissement historique,
mais ressenti instinctivement par Bauer. “Ce n’était pas quelque chose de pensé, il n’y
a pas eu de constat du type : ‘Voilà, ça fait vingt ans, c’est le moment de le faire.’”
A en croire Edgardo Esteban, ni le livre ni le film ne sont des instruments idéologiques.
“Mon écriture n’avait aucune volonté idéologique, c’était juste une soupape
personnelle, et le film s’inscrit dans cette optique. Dans les années 1970, j’étais encore
très innocent. La guerre m’est apparue comme un moyen de faire quelque chose de
ma vie : tout le monde parlait des Malouines, disait qu’il fallait y aller ; je n’allais pas
manquer ça ! Mais, une fois sur place, j’ai eu peur de mourir, j’ai vécu l’enfer. Notre but
n’était pas de faire un film contre l’armée argentine. Nous avons respecté au
maximum les détails réels de la guerre. Dans le film, par moments, on a du mal à
savoir si ce sont des archives ou des images tournées par Bauer que l’on voit.”
Les grands modèles du film de guerre, comme Il faut sauver le soldat Ryan, emportent
le spectateur dans le tourbillon de la victoire. Si le genre cinématographique prend des
formes diverses, il aboutit souvent au même résultat : l’absence de toute réflexion sur
la guerre. Iluminados por el fuego, lui, adopte le regard des perdants. Des perdants
que rien ne sauve : roués de coups par les militaires de la dictature argentine qui leur
ôtent toute dignité, battus à plate couture par l’armée anglaise, ignorés par la société.
Parce qu’il retrace l’histoire vue par les vaincus, le film est le lieu d’un débat entre
gagnants et perdants. Ceux qui ont décidé de l’histoire des Malouines ayant imposé le
silence, toute parole devient victoire pour les perdants. Une victoire qui n’a rien
d’accessoire pour les anciens combattants : c’est la dernière main tendue avant le
naufrage dans l’abîme.
Le règne du silence, un silence dû à la honte, à la culpabilité, à l’horreur, est le premier
obstacle à franchir pour un film qui tente de donner la parole aux vaincus. Iluminados
por el fuego a été financé par une université publique, sans but lucratif – un
producteur ordinaire n’aurait pas manqué de s’interroger sur le nombre de spectateurs
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potentiels d’une histoire qui se place du côté des perdants. Dans un paysage
cinématographique argentin si friand de films mauvais et dépourvus de tout souci de
réalisme, Iluminados por el fuego s’en sort avec les honneurs. Pour Bauer, c’est le
respect des victimes qui était en jeu. L’histoire de ces trois jeunes garçons n’a rien d’un
documentaire. “Le récit ne peut à lui seul solder les événements historiques”, fait
remarquer Ana María Zubieta, professeur de littérature à l’université de Buenos Aires
et spécialiste de la mémoire. “L’expérience ne prend véritablement forme qu’en
passant par la fiction.” Comme le dit Jorge Semprún dans son combat pour raconter
Buchenwald : “Seul l’artifice d’un récit maîtrisé parviendra à transmettre partiellement
la vérité du témoignage.” A en croire Zubieta, “la fiction provoque, chez l’auteur comme
chez son public, une recherche de savoir supplémentaire, alors que, à l’inverse, la
sacralisation des faits endort ce désir”. La fiction vient en effet déstructurer la
sacralisation des Malouines, procédant à une réouverture des faits pour laisser une
place à l’hypothèse. Le spectateur peut alors lâcher, révéler, mettre à profit tout ce qu’il
n’a pu dire jusque-là. Le film l’incite et l’encourage à échanger avec d’autres des
souvenirs, des sentiments et des pensées restés prisonniers des cachots de la terreur.
Tristán Bauer et Edgardo Esteban espèrent qu’Iluminados por el fuego “pourra délier
les langues sur les Malouines”, car “notre société se doit à elle-même ce dialogue : il
faut revenir sur ce qui nous est arrivé, ce que nous n’avons pas su faire, sur les raisons
qui ont conduit tant de jeunes à la mort. Cela en valait-il la peine ? La cause était-elle
juste ? Il nous faut revenir sur les Malouines pour savoir quel héritage nous laisserons
à nos enfants.”
Gustavo N. G.

. .
Réactions
Le film de Bauer a ému le public du Festival international de cinéma de Saint-
Sébastien. “Il a touché aussi la critique espagnole à en juger par les vifs
applaudissements qui ont suivi la projection”, rapporte Página 12. Le cinéma argentin
reçoit depuis quelques années un très bon accueil en Europe, en Espagne et en
France notamment. Pour le réalisateur, Iluminados por el fuego répond à une vraie
nécessité. “Dans un pays de disparus, on doit se souvenir des morts dont on connaît

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les tombes.”

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