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FRANÇAIS
Vivre en société, participer à la société

Présentation de l’entrée
« Vivre en société, participer à la société »

Questionnement
Il est impossible d’être durablement isolé et de ne pas lier son sort à celui des autres. La
construction individuelle ne se sépare pas de la sociabilité. Des devisants de L’Heptaméron
aux uchronies contemporaines, en passant par les salons et l’éthique d’honnêteté, les
Lettres ne cessent de réfléchir une manière d’être ensemble et de «faire société». Il s’agit
de faire prendre conscience aux élèves de cet enjeu et de l’exigence axiologique avec lequel
la littérature s’en empare, entre le constat parfois implacable des travers humains et la
réinvention du meilleur des mondes possibles. On partira de ce qui est le plus proche de
l’élève : la famille, l’école, le club, les amis. Au quotidien, ne pas céder à l’illusion de
l’isolement suppose de réguler les relations interindividuelles, sous la forme de l’acceptation
de règles ou de lois et d’une éducation à l’empathie, mais ce n’est pas toujours aisé comme
le rappellent fréquemment les textes littéraires qui explorent les relations entre individus et
sociétés, souvent sur le mode antagoniste. Le théâtre, qui permet de représenter ces conflits,
occupe donc une place importante dans ce thème et l’oral sera particulièrement travaillé.
Ainsi, les Lettres aussi participent de cette construction de valeurs au cœur même, et non à
part, de la société.

Problématiques possibles
Comment les valeurs d’une société se reflètent-elles dans les œuvres littéraires ?
Comment les œuvres littéraires mettent-elles en scène la socialisation des personnages ?
Comment et pourquoi la littérature prend-elle en charge la représentation des conflits entre
individus et société ?
Comment certaines œuvres montrent-elles la conciliation entre l’affirmation de soi et
l’intégration sociale ?
Dans quelle mesure la lecture et la littérature influent-elles sur la relation à autrui ?

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Vivre en société, participer à la société

Avec autrui, famille, amis, réseaux

Avec autrui : famille, amis, réseaux :


Propositions de corpus

Famille, familles, des relations complexes


Des jeunes premiers en lutte contre leur père
Molière, Les fourberies de Scapin, Le médecin malgré lui, L’Avare, etc.
Tchekhov, L’ours

Conquérir son indépendance


Dickens, Oliver Twist
Richard Bach, Jonathan Livingstone le goéland
Azouz Begag, Le Gone du Chaaba (extrait : “Dans la classe de Monsieur Grand”)
Bernard Friot, Nouvelles histoires pressées, “Un martien”
François Truffaut, Les 400 coups

Se construire au sein des relations familiales


Jules Vallès, L’Enfant
Colette, Sido, Les vrilles de la vigne
Nathalie Sarraute, Enfance
Albert Cohen, Le Livre de ma mère
Albert Camus, Le Premier homme
Charlotte Brontë, Jane Eyre (chapitre IV)
Maxime Gorki, Enfance
Pierre Loti, Le roman d’un enfant
Guy de Maupassant, Le papa de Simon
Jules Renard, Poil de carotte
Jean-François Laguionie, L’île de Black Mor
Camara Laye, L’enfant noir
José Mauro de Vasconcelos, Mon bel oranger
Valérie Toranian, L’étrangère
Jean-Pierre et Luc Dardenne, Le gamin au vélo
Franco Lolli, Gente de bien

Familles heureuses
Jean-Philippe Arrou-Vignod, L’omelette au sucre, Le camembert volant…
Marcel Pagnol, La gloire de mon père, Le château de ma mère
Roald Dahl, Danny champion du monde
Yvon Mauffret, Pépé la boulange
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Avec autrui, famille, amis, réseaux

Série : Parents mode d’emploi


Photos de famille (exposition du musée d’Orsay), tableaux des XVIIIe et XIXe (Gainsborough,
Renoir…)

Fille-garçon : singularités, mimétismes


Gurinder Chadha, Joue-la comme Beckham (Jessminder)
Stephen Daldry, Billy Eliott
Dhôtel, Le pays où l’on n’arrive jamais (chap VI)
Céline Sciamma, Tomboy
Claire Mazard, Les compagnons de la lune rouge
Sydney Pollack, Tootsie
Egalité des filles et des garçons
Travail sur les stéréotypes (EMC)

L’amitié : de l’oubli de soi à l’ouverture


Qu’est-ce que l’amitié ?
Cicéron, L’amitié / Montaigne (Essais, I, 28) / La Fontaine (“Les deux amis”)
Antoine de Saint-Exupéry, Le petit Prince
Anna W Eckhert, La rencontre
Alain Fournier, Le Grand Meaulnes (extraits)
Kessel, Le lion
Sempé, Le petit Nicolas et les copains
Louis Pergaud, La guerre des boutons
Marcel Pagnol, Le temps des secrets
Daniel Pennac, Cabot-caboche
Yaël Hassan, Suivez-moi jeune homme
Clémentine Beauvais, Les petites reines
Jacques Doillon, Le petit criminel
Yasmin Ahmad, Muksin

Amitiés dangereuses
Gudule, J’irai dormir au fond du puits
Dickens, Oliver Twist
Arthur Ténor, L’enfer au collège
Philippe Gauthier, Bouboule et Quatzieux
Campagne de sensibilisation “Non au harcèlement”
Exister sans avoir d’identité; article du Tigre Marc L.
Les dilemmes moraux et la pression des pairs (EMC)

Amitiés par correspondance


Geva Caban, Je t’écris, j’écris
Claire Mazrad, L.O.L.A
Edith Chambon, 273 amis
Carl Norac et Delphine Jacquot, Monsieur Chopin ou le voyage de la note bleue
Dossier Ifé Les pratiques relationnelles au coeur des médias sociaux
Un jeu sérieux pour éduquer aux réseaux sociaux : @miclik

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
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L’école, lieu d’émancipation


Azouz Begag, Le Gone du Chaâba (extraits)
Albert Camus, Le premier homme (extraits)
Nathalie Sarraute, Enfance (extraits)
Jiro Tanigucchi, Quartier lointain
Camara Laye, L’enfant noir

Un « autre » nécessaire
Robinson (Daniel Defoe, Michel Tournier, Michael Morpurgo Le royaume de Kensuké), à croiser
avec l’entrée “Le voyage et l’aventure”
Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire, “Première promenade”
Maryline Desbiolles, Aïzan

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Vivre en société, participer à la société

Avec autrui, famille, amis, réseaux

Groupement de textes : récits d’enfance.


Grandir : une affaire de famille

Corpus
• Pierre Loti, Le Roman d’un enfant, 1890
• Colette, Sido, 1929
• Albert Cohen, Le Livre de ma mère, 1954
• Nathalie Sarraute, Enfance, 1983
• Albert Camus, Le Premier homme, 1994 (1960)

Le corpus de textes présente des récits d’enfance d’auteurs des XIXe et XXe siècles ; ils évo-
quent un monde disparu pour les collégiens d’aujourd’hui, mais l’entrée dans la lecture s’appuie
sur des éléments familiers et concrets qui facilitent l’identification du jeune lecteur comme la
chambre, les animaux, la nourriture. Ce groupement vise à comprendre la complexité des rela-
tions familiales qui entourent l’enfant et lui donnent une place dans le groupe, à travers l’atta-
chement pour un grand frère ou les tensions à la naissance d’une petite sœur. La construction
de l’identité se fonde sur le contact avec les adultes, parents ou grand-mère, qui suscitent des
sentiments variés d’admiration ou de gêne.

Texte 1
Pierre Loti passe son enfance à Rochefort (Charente-Maritime), qu’il quitte chaque année l’été
pour deux mois de vacances heureuses dans le Midi. La perspective du retour et de la rentrée des
classes s’annoncent pénibles mais l’arrivée du frère aîné après quatre ans d’absence à bord d’un
navire en tant que médecin de la marine bouleverse l’enfant.

Aux premiers jours d’octobre, une joyeuse dépêche de mon père nous rappela en
toute hâte ; mon frère, qui rentrait en Europe par le paquebot de Panama, venait de débarquer
à Southampton ; nous n’avions donc que le temps de nous rendre, si nous voulions être à la
maison pour le recevoir.
Et, en effet, le soir du surlendemain, nous arrivâmes tout juste à point, car on
l’attendait lui-même quelques heures après par un train de minuit. Rien que le temps de
remettre dans sa chambre, à leurs places d’autrefois, les différents petits bibelots qu’il m’avait
confiés quatre années auparavant, et il fut l’heure de partir à la gare à sa rencontre. Moi, cela
ne me semblait pas une chose réelle, ce retour, surtout annoncé si brusquement, - et je n’en
avais pas dormi depuis deux nuits.
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Avec autrui, famille, amis, réseaux

Aussi tombais-je de sommeil à cette gare, malgré mon impatience extrême, et ce fut
comme dans un rêve que je le vis reparaître, que je l’embrassai, intimidé de le retrouver si
différent de l’image qui m’était restée de lui : noirci, la barbe épaissie, la parole plus brève, et
m’examinant avec une expression moitié souriante, moitié anxieuse, comme pour constater
ce que les années avaient commencé à faire de moi et démêler ce qu’elles en pourraient tirer
plus tard…
En rentrant à la maison, je dormais debout, d’un de ces sommeils d’enfant fatigué par
un long voyage contre lesquels il n’y a pas de résistance, et on m’envoya coucher.

Pierre Loti, Le Roman d’un enfant, LXXII, 1890

Texte 2
Sido est un volume de souvenirs d’enfance consacré à la famille de Colette, en particulier à sa
mère Sidonie. Femme exubérante et hors du commun, elle est en contact étroit avec les éléments
naturels dont elle révèle la poésie universelle à sa fille. Le père, surnommé « le capitaine », est
invalide à la suite d’une blessure de guerre. Il n’aime pas les parties de campagne, pourtant il fait
tout son possible pour plaire à sa femme et à ses enfants qui reprennent vie au contact de la terre.

C’est ma mère qui caressait la jument noire, qui offrait à ses dents jaunies des pousses
tendres, et qui essuyait les pattes du chien pataugeur. Je n’ai jamais vu mon père toucher un
cheval. Nulle curiosité ne l’a attiré vers un chat, penché sur un chien. Jamais un chien ne lui a
obéi …
--Allons monte ! ordonnait à Moffino la belle voix du capitaine.
Mais le chien, contre le marchepied de la voiture, battait la queue froidement, et regardait ma
mère…
--Monte, animal ! Qu’est-ce que tu attends ? répétait mon père.
« J’attends l’ordre », semblait répondre le chien.
--Eh ! saute ! lui criais-je.
Il ne se le faisait pas dire deux fois.
--C’est très curieux, constatait ma mère.
--Ça prouve seulement la bêtise de ce chien, répliquait mon père.
Mais nous n’en croyions rien, « nous autres », et mon père, au fond, se sentait secrètement
humilié.
(…) Mon père, en approchant du village, reprenait son fredon défensif, et nous avions sans
doute l’air très heureux, car l’air heureux était notre suprême et mutuelle politesse … Soir
commençant, fumées courantes sur le ciel, fiévreuse première étoile, est-ce que tout, autour
de nous, n’était pas aussi grave et aussi tremblant que nous-mêmes ? Un homme, banni des
éléments qui l’avaient jadis porté, rêvait amèrement…
Amèrement, - maintenant j’en suis sûre. Il faut du temps à l’absent, pour prendre
sa vraie forme en nous. Il meurt, - il mûrit, il se fixe. « C’est donc toi ? Enfin…Je ne t’avais
pas compris. » Il n’est jamais trop tard, puisque j’ai pénétré ce que ma jeunesse me cachait
autrefois : mon brillant, mon allègre père nourrissait la tristesse profonde des amputés. Nous
n’avions presque pas conscience qu’il lui manquât, coupée en haut de la cuisse, une jambe.
Qu’eussions-nous dit à le voir soudain marcher comme tout le monde ?

Colette, Sido, II, 1929

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Texte 3
Le livre de ma mère est un hommage du fils à sa mère disparue. Albert Cohen se souvient
des moments partagés avec elle, des signes de son dévouement et de sa bonté qu’il n’a pas su
apprécier étant enfant. Le chapitre VI décrit les occupations solitaires le dimanche à Marseille de
la mère et du fils, qui n’ont pas de relations sociales car ils sont étrangers.

Arrivés à l’arrêt de La Plage, en face d’un casino rongé d’humidité, on prenait place
solennellement, émotifs et peu dégourdis, sur des chaises de fer et devant une table verte. Au
garçon de la petite baraque, qui s’appelait « Au Kass’Kroutt’s », on demandait timidement une
bouteille de bière, des assiettes, des fourchettes et, pour se le concilier, des olives vertes. Le
garçon parti, c’est-à-dire, le danger passé, on se souriait avec satisfaction, ma mère et moi,
un peu empotés. Elle sortait alors les provisions emballées et elle me servait, avec quelque
gêne si d’autres consommateurs nous regardaient, toutes sortes de splendeurs orientales,
boulettes aux épinards, feuilletés au fromage, boutargue, rissoles aux raisins de Corinthe et
autres merveilles. Elle me tendait une serviette un peu raide, amoureusement repassée la
veille par ma mère si heureuse de penser, tandis qu’elle repassait en fredonnant un air de
Lucie de Lammermoor, qu’elle irait demain avec son fils au bord de la mer. Elle est morte.

Albert Cohen, Le Livre de ma mère, VI, 1954

Texte 4
Enfance relate les premières années de la vie de Natacha Tcherniak qui deviendra plus tard
Nathalie Sarraute. Peu de temps après sa naissance, ses parents se séparent. La famille, russe,
appartient à un milieu bourgeois et cultivé, mais le père est contraint de s’exiler en raison de ses
opinions politiques à la suite de la révolution de 1905. Dans l’extrait, la petite fille qui a neuf ans vit
à Paris avec son père et sa nouvelle épouse Véra. Sa mère réside à Saint-Pétersbourg et ne vient
que rarement voir l’enfant.

Quelques jours avant que Véra revienne avec le bébé, je suis surprise en voyant que les objets
qui m’appartiennent ne sont plus dans ma chambre, une assez vaste chambre donnant sur la
rue. La grande et grosse femme qui s’occupe de tout dans la maison m’apprend que j’habiterai
dorénavant dans la petite chambre qui donne sur la cour, tout près de la cuisine … « Qui va
habiter dans ma chambre ? – Ta petite sœur avec sa bonne … - Quelle bonne ? – Elle va arriver
…»
Si quelqu’un avait pensé à m’expliquer qu’il n’était pas possible de loger un bébé et une
grande personne dans ma nouvelle chambre, qu’il n’y avait pas moyen de faire autrement,
je crois que je l’aurais compris. Mais enlevée ainsi, brutalement, de ce qui petit à petit était
devenu pour moi « ma chambre » et jetée dans ce qui m’apparaissait comme un sinistre réduit,
jusqu’ici inhabité, j’ai eu un sentiment qu’il est facile d’imaginer de passe-droit, de préférence
injuste. C’est alors que la brave femme qui achevait mon déménagement s’est arrêtée devant
moi, j’étais assise sur mon lit dans ma nouvelle chambre, elle m’a regardée d’un air de grande
pitié et elle a dit : « Quel malheur quand même de ne pas avoir de mère. »

Nathalie Sarraute, Enfance, 1983

Texte 5
Le Premier homme est un récit autobiographie d’Albert Camus, qui se représente sous les traits
de Jacques. L’ouvrage commence par « la recherche du père » mort au combat en 1914 et qu’il
n’a pas connu. Dans le chapitre 6, Albert Camus évoque sa mère, sa famille pauvre et illettrée
gouvernée par la grand-mère autoritaire dont l’enfant redoute les sévères punitions.

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Les films, étant muets, comportaient en effet de nombreuses projections de texte


écrit qui visaient à éclairer l’action. Comme la grand-mère ne savait pas lire, le rôle de
Jacques consistait à les lui lire. Malgré son âge, la grand-mère n’était nullement sourde.
Mais il fallait d’abord dominer le bruit du piano et celui de la salle, dont les réactions étaient
généreuses. De plus, malgré l’extrême simplicité de ces textes, beaucoup de mots qu’ils
comportaient n’étaient pas familiers à la grand-mère et certains même lui étaient étrangers.
Jacques, de son côté, désireux d’une part de ne pas gêner les voisins et soucieux surtout de
ne pas annoncer à la salle entière que la grand-mère ne savait pas lire (elle-même parfois,
prise de pudeur, lui disait à voix haute, au début de la séance : « tu me liras, j’ai oublié mes
lunettes »), Jacques donc ne lisait pas les textes aussi fort qu’il eût pu le faire. Le résultat
était que la grand-mère ne comprenait qu’à moitié, exigeait qu’il répète le texte (…). Jacques
tentait de parler plus fort, des « chut » le jetaient alors dans une vilaine honte, il bafouillait, la
grand-mère le grondait et bientôt le texte suivant arrivait, plus obscur encore pour la pauvre
vieille qui n’avait pas compris le précédent. La confusion augmentait alors jusqu’à ce que
Jacques retrouve assez de présence d’esprit pour résumer en deux mots un moment crucial
du Signe de Zorro par exemple, avec Douglas Fairbanks père. « Le vilain veut lui enlever la
jeune fille » articulait fermement Jacques en profitant d’une pause du piano ou de la salle.
Tout s’éclairait, le film continuait et l’enfant respirait. En général, les ennuis s’arrêtaient là.
Mais certains films du genre Les deux orphelines étaient vraiment trop compliqués, et, coincé
entre les exigences de la grand-mère et les remontrances de plus en plus irritées de ses
voisins, Jacques finissait par rester coi. Il gardait encore le souvenir d’une de ces séances où
la grand-mère, hors d’elle, avait fini par sortir, pendant qu’il la suivait en pleurant, bouleversé
à l’idée qu’il avait gâché l’un des rares plaisirs de la malheureuse et le pauvre argent dont il
avait fallu le payer.

Albert Camus, Le Premier homme, 6, 1994 (1960)

Lecture d’images
Albert Besnard, Une famille dit aussi La famille de l’artiste à Talloires (Haute-Savoie), 1890,
Musée d’Orsay : étude commentée
Pierre Bonnard, L’après-midi bourgeoise ou La famille Terrasse, 1900, Musée d’Orsay : étude
commentée

Lecture cursive :
Jirô Taniguchi, Quartier lointain, 1998, tome I, Casterman
Genre : manga
Résumé : Hiroshi rentre d’un voyage d’affaires et s’aperçoit qu’il a pris place involontairement
dans un train qui le conduit vers sa ville natale. A son arrivée il se rend sur la tombe de
sa mère puis se dirige vers la maison familiale. Il se transforme en garçon de quatorze et
retrouve tous les siens comme si le temps n’était pas passé. Rêve-t-il ? Ce retour en arrière
fantastique trouble Hiroshi qui revit l’adolescence, mais cette fois avec ses souvenirs et son
expérience d’adulte arrivé à l’âge mûr.

Mots clé : famille, amis, premier amour, collège, adolescence, transgression, conflit, secret de
famille, mémoire, vie quotidienne et tradition japonaises.

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Exemple de mise en œuvre :


La peste soit de l’avarice et des avaricieux !

MOLIÈRE, L’AVARE, 1668.


Œuvre intégrale. Pièce en cinq actes.
Résumé : Cléante et Élise ne sont pas libres d’aimer qui ils veulent. L’avarice de leur père les
empêche de décider de leur vie car pour Harpagon, le seul véritable amour est celui de l’argent.
À travers intrigues, mensonges et faux-semblants, pour lesquels la maisonnée ne sera pas en
reste, il s’agit donc pour les jeunes gens de faire fléchir ce père avare.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir sous une forme dramatique la représentation des relations avec autrui.
• Comprendre la complexité de ces relations, des attachements et des tensions qui sont figu-
rés dans les textes, en mesurer les enjeux.
• S’interroger sur le sens et les difficultés de la conquête de l’autonomie au sein du groupe ou
contre lui.

Problématiques possibles
Comment Molière par la mise en scène des conflits entre les personnages dénonce-t-il
l’avarice du personnage principal ?
En quoi, dans L’Avare, le mensonge participe-t-il de la vérité des personnages et de l’intrigue ?
L’Avare, une comédie de l’amour ou de l’argent ?

Objectifs d’apprentissage
La pièce de Molière permet d’étudier :
• le genre théâtral et la comédie classique ;
• les relations entre individus, entre amour, conflit et émancipation ;
• la critique de l’avarice, à travers la représentation sur scène du personnage d’Harpagon.

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La pratique de l’oral est la dominante de la séquence. Il sera question du langage qui


condamne et se veut moralisateur, du double discours, qu’il s’agisse d’ironie ou de double
énonciation, du dérèglement de la parole qui se fait monologue, du quiproquo et de la parole
de raison, celle du père aimant et lucide.
• Comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes.
• Percevoir et exploiter les ressources expressives et créatives de la parole.
• Exprimer ses sensations, ses sentiments, formuler un avis personnel vis-à-vis des situations
mises en scène par le texte théâtral.
• Lire un texte théâtral en sachant adapter sa lecture aux scènes, aux contenus et apprendre à
faire les inférences et les hypothèses de lecture nécessaires.
• Élaborer une interprétation d’un texte littéraire, en formulant des impressions de lecture et
en percevant les effets esthétiques et dramaturgies.
• Connaitre les différences entre l’oral et l’écrit : formes de l’oral (parlé et littéraire / théâtral),
notions de diction des textes.
• Construire les notions permettant l’analyse et la production de textes, en observant les
variétés offertes par la langue et en prenant en compte les caractéristiques des textes lus.

Accompagnement à la lecture
Pour permettre aux élèves d’entrer plus facilement dans la lecture de la pièce, on peut
proposer des moments de lecture à voix haute inspiré du travail à la table des comédiens pour
les scènes majeures ou les plus complexes. On réfléchit ainsi en classe, avec les élèves, aux
enjeux dramatiques d’une scène et de ses personnages, afin d’adapter la lecture au propos.

La mémorisation de courts extraits permet aux élèves de se familiariser avec la syntaxe de


Molière ainsi que son lexique, facilitant d’autant une lecture en autonomie.

Il est possible enfin de recourir à des captations de mises en scène (extraits vidéo) ou encore
de privilégier une approche directe au théâtre, lorsque l’offre culturelle du territoire le permet.

Entrées en séquence
Iconographie de l’avarice : les élèves peuvent entrer dans la séquence en comparant les
différentes représentations graphiques de l’avarice. Il s’agit ainsi de faire émerger les
éléments visuels qui définissent l’avare comme type. On s’intéresse aux approches picturales
mais aussi aux illustrations et aux photos de mises en scène de L’Avare.

Liste possible de documents visuels : Jérôme Bosch, La Mort de l’avare, 1500 (National Gallery
of Art, Washington, Etats-Unis) ; Quentin Metsys, Le Prêteur et sa femme, 1514 (Musée du
Louvre, Paris) ; les illustrations de Gustave Doré des Fables de La Fontaine consacrées à
l’avarice, 1867 ; les illustrations de Albert Dubout de L’Avare de Molière, 1953 ; des photos du
personnage d’Harpagon dans diverses adaptations ou mises en scène : Louis de Funès (film,
1979), Roger Planchon (1999), Denis Podalydès (2009).

Étude lexicale : à partir d’un choix de proverbes français et étrangers sur l’avarice, étudier
le champ sémantique de l’avarice (synonymes, parasynonymes, antonymes) et faire ainsi
apparaître la dimension axiologique, nourrie de culture chrétienne, du thème. On peut
accompagner cette recherche lexicale de la lecture de la parabole de l’homme riche (Luc, 12,
15-21).

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Extraits étudiés
Extraitn°1
Extrait n°1- Acte I, scène 4 : « De l’exposition à une opposition »
Tandis que les trois premières scènes servent à présenter tour à tour les intrigues amoureuses
des deux enfants, puis toute la méchanceté et la mauvaise foi d’Harpagon dans le face à face
qui l’oppose à La Flèche, la scène 4 offre au regard du spectateur la première rencontre entre
Elise, Cléante et Harpagon.

Le passage, outre les procédés comiques qu’il contient, dresse le portrait d’Harpagon en
donnant à entendre son raisonnement sur le mariage. Il met au jour également la relation
père-enfants et instaure l’opposition entre les personnages sur laquelle va se développer
l’intrigue.

Extraitn°2
Extrait n°2- Acte III, scène 7 : « Une double déclaration »
La scène est construite sur le principe de la double énonciation et propose au spectateur de
s’amuser au détriment d’Harpagon grâce au renversement de situation qu’opèrent Mariane
et Cléante. Après des reproches, comprenant que Mariane l’aime toujours, Cléante lui déclare
sa flamme en présence d’Harpagon et va même lui offrir au nom de son père un diamant que
ce dernier porte au doigt. Comédie du langage, cet extrait marque la puissance des mots et la
malice des enfants face au vieux barbon.

Extraitn°3
Extrait n°3- Acte IV, scène 7 : « La folie d’Harpagon »
Scène d’anthologie, le monologue d’Harpagon allie avec brio les codes du registre tragique
aux effets comiques les plus puissants. Molière donne à voir toute la folie du personnage, dans
un développement très structuré où les ruptures implicites dans le jeu du personnage sont
nombreuses et assumées. En abolissant temporairement la frontière entre la scène et la salle
(théorisée ultérieurement par Diderot), Harpagon montre l’étendue de sa folie à un spectateur
qui hésite entre rire et inquiétude.

Extraitn°4
Extrait n°4- Acte V, scène 5: « Un dénouement romanesque »
Scène de retrouvailles qui vient clore l’intrigue sans pour autant mettre fin à la pièce, cet
extrait se caractérise par l’irruption paradoxale du récit au théâtre : le naufrage du navire qui
sépara la famille de Don Thomas d’Alburcy, les épreuves endurées respectivement par Valère
et Mariane, sont autant d’éléments narratifs qui ouvrent une nouvelle forme de représentation
dans la pièce. Les retrouvailles, traitées de façon poignante, sont également à considérer à
l’aune du personnage d’Harpagon et de ses interruptions nécessairement comiques.

Études transversales
Étude
Étude 1 -1 « La Famille : des relations à géométrie variable »
Un portrait à charge de la famille ? Avec le personnage d’Harpagon, Molière ne fait pas de
l’amour la valeur centrale de la famille et du mariage. Si des contre-modèles positifs existent
dans la pièce, la représentation que donne Harpagon des liens familiaux est négative.

La famille devient ainsi le lieu du conflit et de l’émancipation : Cléante et Elise doivent réussir
à conquérir leur liberté en s’opposant à leur père et à son avarice. Pour ce faire, des adjuvants
existent qu’il s’agisse d’amis ou d’amants.

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Molière souligne enfin combien le langage conditionne les relations familiales : le mensonge
et la dissimulation sont vecteurs de plusieurs conflits tout au long de la pièce, dont le
dénouement est marqué par un récit de vérité.

Étude
Étude 2 -2 « L’Argent »
L’argent est au centre de la pièce, directement associé au personnage d’Harpagon : il est
présent dans toutes les scènes et tous les discours.

Paradoxalement, l’argent n’est pas représenté sur scène : il est absent (pauvreté de la
demeure), soigneusement économisé (la querelle avec Maître Jacques) et jalousement caché
(la cassette).

L’argent constitue surtout un enjeu dramatique dans la pièce, puisqu’il peut générer des
conflits (l’usurier et Cléante), conditionne les mariages (Mariane, Don Anselme, etc.) et oppose
les personnages entre eux.

L’argent représente enfin aux yeux d’Harpagon un objet de désir et d’amour, ce qui interroge
nécessairement sur la dimension morale de la pièce quant à son dénouement.

Étude
Étude 3 -3 Comédie et théâtralité
La pièce développe tous les procédés de la comédie classique : elle joue sur des ressorts tant
langagiers que scéniques pour susciter le rire chez le spectateur.

On peut considérer l’œuvre comme un exemple de comédie de caractère. En prenant


fortement appui sur l’avarice du personnage d’Harpagon, le texte crée un déséquilibre entre le
personnage principal et les autres protagonistes de l’intrigue. Harpagon, en tant que type, est
directement influencé par des héritages plus anciens (Plaute, la commedia dell’arte, etc.).

La pièce développe enfin une forte dimension méta-théâtrale. Les personnages passent ainsi
leur temps à jouer eux-mêmes la comédie et à se mettre en scène : Harpagon prend une
fausse identité (usurier) et se déguise pour séduire Mariane ; il parvient à briser le quatrième
mur en interpellant directement le public ; les personnages s’appuient fréquemment sur la
double énonciation.

Activités possibles
Autour du geste théâtral, « Corps en scène » : à la façon du cinéma muet, il s’agit de faire
travailler les élèves sur le comique de geste et de caractère, en leur demandant d’imaginer
au plateau le corps et la démarche des différents personnages. Les élèves réfléchissent par
groupes aux postures et aux effets de rythme possibles pour chaque personnage ; ils tentent
ensuite de faire interagir les personnages qui se rencontrent dans des scènes muettes.

En lien avec l’écriture, « L’éloge (paradoxal) d’Harpagon » : pour être certain que la rencontre
avec sa promise se déroule au mieux, Harpagon demande à ses enfants de composer un
discours faisant les louanges de sa personne. Les élèves doivent ainsi entrer dans la peau
d’Élise ou de Cléante et vanter les mérites de leur père, faisant de son avarice un bienfait et de
sa personne un trésor.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Avec autrui, famille, amis, réseaux

Prolongements et croisements
En français
Vers un groupement de textes sur la vision morale de l’avarice en littérature : poèmes, extraits
de roman ou de pièces de théâtre. Titre : « Quel vice, l’avarice ! ». Corpus (environ quatre
textes ou documents au choix parmi les suivants) : Boileau, Satire VIII, 1667 (consacré à une
allégorie de l’avarice) ; Jean de La Fontaine, Fables, « L’Avare qui a perdu son trésor » (IV, 20)
et « Le Loup et le chasseur » (VIII, 27) ; La Bruyère, Les Caractères, 1688, avec notamment
« De l’effronterie causée par l’avarice », « De l’avarice » et « De l’épargne sordide » ; Balzac,
Eugénie Grandet, 1833, avec notamment la mort du père Grandet de « Enfin arrivèrent les
jours d’agonie […] religion des avares ».

La pièce peut également être étudiée en 4ème (Harpagon, le bourgeois qui cherche à gagner
de l’argent, entre en opposition avec les valeurs aristocratiques de désintéressement qui ont
poussé nombre de nobles à se ruiner), ou en 3ème (satire de l’avarice), intégralement ou par
extraits.

En interdisciplinarité
Prolongements possibles avec les Langues et cultures de l’Antiquité en s’appuyant sur
L’Aulularia de Plaute. Travail autour de la comédie antique et de la notion de texte source.

Ressources pour le professeur


Une sitographie sur les mises en scène de L’Avare de Molière est disponible sur le site éduscol.

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Informer et accompagner
les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4
FRANÇAIS
Vivre en société, participer à la société

Avec autrui, famille, amis, réseaux

Exemple de mise en œuvre :


Famille, fourberies, mode d’emploi

MOLIÈRE, LES FOURBERIES DE SCAPIN, 1671.


Pendant que leurs pères sont partis en voyage, Octave et Léandre ont noué des liens avec des
jeunes filles. Octave, le fils d’Argante, a épousé Hyacinte, une jeune fille pauvre et de naissance
inconnue. Le retour de son père l’inquiète d’autant plus qu’Argante veut lui faire épouser la fille
que son ami Géronte avait eue d’un second mariage et dont le retour est imminent. Le valet
du jeune homme, Sylvestre, qui a aidé au mariage secret, semble encore plus inquiet que son
maître. Fort heureusement, Scapin arrive pour les aider et toute l’intrigue s’organise dès lors
autour de ses stratagèmes en faveur d’Octave, mais également de Léandre dont il est le valet.
Le fils de Géronte, Léandre, est en effet amoureux de Zerbinette, une jeune esclave égyptienne
qui risque de lui être enlevée s’il ne rachète pas rapidement sa liberté. À grands renforts de
fourberies, Scapin escroque de l’argent aux pères avant de devoir s’enfuir. Cependant, un
heureux hasard permet de découvrir que la fille de Géronte n’est autre que Hyacinthe et que
Zerbinette est l’enfant que des Égyptiens ont enlevé à Argante dans le passé. Quant à Scapin,
l’annonce de son agonie après un coup reçu sur la tête lui permet d’obtenir le pardon des deux
vieillards, puis de réclamer qu’on le porte à table pour festoyer en attendant de mourir.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir diverses formes dramatiques de la représentation des relations avec autrui.
• Comprendre la complexité de ces relations, des attachements et des tensions qui sont figu-
rés dans les textes, en mesurer les enjeux.
• S’interroger sur le sens et les difficultés de la conquête de l’autonomie au sein du groupe ou
contre lui.

Compétences travaillées définies par les programmes


L’oral, en réception et en production, est la constante de cette séquence.
• Comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes.
• S’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un auditoire.
• Participer de façon constructive à des échanges oraux.
• Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole.

Domaines du Socle : 1, 2, 3.
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
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Problématique
Dans son avant-propos de Lire le théâtre III, A. Ubersfeld montre que toute une série de
facteurs interfèrent dans la mise en œuvre de la parole théâtrale car le théâtre est « par
définition dialogique ». Il s’élabore en effet à partir d’une « parole dangereuse, toujours
porteuse de sa propre contradiction ou, à tout le moins, de sa propre question ; jamais assise
sur sa seule logique intérieure, mais toujours en projection sur l’autre, dont elle reçoit le
message qu’elle renvoie à son tour »1. Riche de cette parole et de cette pensée qui joue avec
l’autre, Les Fourberies de Scapin recèle de nombreux passages dont les élèves s’approprieront
plus facilement le sens si l’on accompagne leur lecture d’activités orales invitant à se poser la
question de la mauvaise foi, à découvrir l’art de tromper par le dialogue ou par le récit, à vivre
les déclinaisons du théâtre dans le théâtre et à déceler les subtilités de la langue orale.

Objectifs d’apprentissage
La pratique de l’oral est la dominante de ces activités qui sont par ailleurs en lien avec le
travail des compétences de lecture, d’écriture, d’interprétation du texte littéraire et avec le
travail de la langue.

Il s’agit de conduire les élèves à entrer dans le genre codifié du dialogue théâtral en le
pratiquant systématiquement, en identifiant ses caractéristiques et en mesurant ses enjeux.

Les élèves apprennent à tirer profit de l’écoute de dialogues théâtraux ; ils apprennent à
en produire eux-mêmes, à s’appuyer efficacement sur une préparation, à maîtriser leur
expression, à s’engager dans un jeu théâtral.

Ils peuvent également être amenés à produire une intervention orale continue exposant
les résultats d’une recherche au sein de la pièce et défendant un point de vue de façon
argumentée.

Activités orales contribuant à l’étude des Fourberies de


Scapin
1. S’engager dans un jeu théâtral « à la manière de ... »
Quelques jours avant les prestations des élèves, la consigne du jeu à engager est expliquée
de manière à ce que ces derniers puissent préparer leurs interventions, voire s’exercer en
récréation. Ces activités (au choix de l’enseignant) peuvent être menées en amont ou en aval
des lectures concernées. Elles permettent de mesurer les enjeux liés aux actes de langage
et de mieux s’approprier le sens du texte théâtral en réfléchissant à l’aspect pragmatique du
dispositif mis en scène.

Fausses questions et anadiploses à la manière d’Octave et de Sylvestre, acte I, scène 1


Octave assomme Sylvestre de questions dont il connaît déjà les réponses et ce dernier,
davantage préoccupé par la peur des réprimandes que par la volonté d’aider son jeune maître,
reprend mécaniquement le groupe de mots figurant à la fin de chaque question.
Consigne : Dans le bureau du principal, un collégien a entendu ce dernier téléphoner à ses
parents et les informer qu’il vient de commettre une énorme bêtise. De retour à la maison, le
collégien interroge son frère ou sa sœur pour se faire confirmer que leur père et/ou leur mère
sont au courant de ce qu’il a fait dans la journée.

1. Anne Ubersfeld, Lire le théâtre III, Le dialogue de théâtre, page 10, Éditions BELIN, 1996.
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Monologue à la manière d’Argante, acte I, scène 4


Se croyant seul, Argante porte un jugement sur ce qui s’est passé, imagine la défense d’Octave
et de Sylvestre, se prépare à être intraitable.
Consigne : Un enfant vient d’apprendre que son meilleur ami ne l’a pas invité à son
anniversaire. Se croyant seul, il laisse éclater sa colère à haute voix tout en arpentant l’espace
de long en large.

Faux monologue à la manière de Scapin, acte II, scène 7


Scapin, jouant avec la convention du monologue, fait semblant de ne pas apercevoir Géronte.
Consigne : Un enfant a cassé quelque chose et veut convaincre ses parents qu’il n’y est pour
rien. Lorsqu’ils arrivent, il fait semblant de ne pas les voir et adopte le même stratagème
que Scapin en s’écriant qu’il aimerait pouvoir les prévenir du grand malheur advenu à l’objet
abîmé.

Apartés (après avoir étudié la grande diversité des apartés dans la pièce)
Consigne : Deux amis se retrouvent au collège après l’absence prolongée de l’un d’entre eux
et font le point sur le travail à rattraper. Celui qui a été absent cherche, dans le dialogue, le
moyen d’échapper au retard accumulé et doit, dans deux apartés, se laisser emporter par son
émotion puis tenter de gagner la complicité du public. Celui qui a continué à fréquenter le
collège doit (successivement et dans l’ordre qu’il juge opportun) évaluer en aparté la situation
de son camarade, dire le contraire de ce qu’il vient de dire à voix haute.

Invention d’une histoire pour convaincre à la manière de Scapin, acte III, scène 2
Scapin invente une histoire vraisemblable et effrayante en faisant semblant d’avoir peur :
si le spadassin, frère de Hyacinte, est imaginaire, sa colère contre Géronte est parfaitement
vraisemblable.
Consigne : Faire revivre le personnage de Scapin inventant une histoire pour convaincre les
parents d’un enfant qui a besoin d’argent de lui confier la somme nécessaire.

Théâtre dans le théâtre à la manière de Scapin, acte III, scène 2


À partir du moment où Géronte accepte de se cacher dans le sac, Scapin peut incarner
le personnage du spadassin, jouer l’accent gascon, la violence verbale, la vivacité du faux
dialogue, la violence physique. Dès lors, le comique des coups de bâtons ne provoque le rire
que parce que le spectateur peut détourner l’angoisse qui s’attache à la violence, parce qu’il
voit, par la magie de la mimesis et de la stylisation, une violence incarnée et mise à distance.
Consigne : Un enfant anime sa peluche ou son robot favori face à un ennemi imaginaire en
incarnant les deux personnages à la fois.
Variante : Un enfant veut faire croire à quelqu’un, qu’il sait caché derrière la porte de sa
chambre, qu’il n’est pas seul.

2. Poursuivre ou inverser le jeu théâtral engagé dans la pièce

Acte I, scène 1
Consigne : inverser la situation. Sylvestre se fait confirmer auprès d’Octave le retour de son
père et les projets de ce dernier. Octave répond aux fausses questions de Sylvestre en répétant
toutes les fins de ses répliques.

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Acte II, scène 6


Consigne : après la réplique de Sylvestre, déguisé en spadassin, « Vous êtes ennemi Monsieur,
de ce faquin d’Argante, eh ? » inventer un dialogue dans lequel Sylvestre oblige Argante à se
faire passer pour son propre ennemi.

3. Écoute active et reformulation de répliques


Consigne : En écoutant la lecture orale par le professeur (ou bien les voix des comédiens dans
le cas d’une exploitation de théâtre filmé), repérer les répliques qui correspondent à chaque
nouvelle révélation puis les reformuler en résumant le contenu de ces révélations.

Exemple : les révélations à propos de la fille d’Argante.

Acte I, scène 4
Argante : Ah ! Pourquoi faut-il qu’il (Octave) soit fils unique ! et que n’ai-je à cette heure la fille
que le Ciel m’a ôtée pour en faire mon héritière !
Acte III, scène 6
Argante : je me réjouissais aujourd’hui de l’espérance d’avoir ma fille, dont je faisais toute ma
consolation ; et je viens d’apprendre de mon homme qu’elle est partie, il y a longtemps de
Tarente, et qu’on croit qu’elle a péri dans le vaisseau où elle s’embarqua.
Acte III, scène 11
Léandre : Mon père, ne vous plaignez point que j’aime une inconnue, sans naissance et
sans bien. Ceux de qui je l’ai rachetée, viennent de me découvrir qu’elle est de cette ville, et
d’honnête famille; que ce sont eux qui l’y ont dérobée à l’âge de quatre ans; et voici un bracelet
qu’ils m’ont donné, qui pourra nous aider à trouver ses parents.
Argante : Hélas! à voir ce bracelet, c’est ma fille que je perdis à l’âge que vous dites.

4. Lectures transversales et présentations orales

Présentation de scènes
Plusieurs jours avant la prestation des élèves, on leur demande de choisir l’une des situations
présentes dans la pièce, de trouver deux scènes qui leur correspondent et de les présenter.

Le besoin d’argent : Octave acte I, scène 2 ; Léandre acte II, scène 4.

La nécessité d’appeler Scapin au secours : Octave et Hyacinte acte I, scène 3 ; Léandre acte II,
scène 4.

Les Fourberies de Scapin : envers Argante acte II, scène 5 et scène 6 ; envers Géronte acte II,
scène 7.

Étude d’illustrations
Des activités peuvent également être menées à partir d’illustrations (gravures et peintures
disponibles sur le net ou bien premières de couverture) ; demander aux élèves de repérer
les scènes les plus fréquemment illustrées, de se demander pourquoi, de comparer ces
illustrations, d’en élire certaines et de les présenter à la classe en justifiant leurs choix.

Étude d’adaptations
La collection Commedia des éditions Vents d’Ouest propose une adaptation de la pièce de
Molière en bande dessinée.

Une série d’activités en atelier peut être organisée autour de certains passages, dont
on pourra faire commenter les choix de mise en scène, l’attitude et les mimiques des
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personnages, les costumes, mais également le nombre de planches nécessaires à l’adaptation,


la taille des vignettes et leur organisation, la valeur des cadres et les angles de vue.

On pourra enfin être particulièrement attentif à monter des activités permettant de découvrir,
de comprendre et de s’interroger sur la répartition du dialogue théâtral en phylactères, comme
sur la typographie ou sur la présence d’onomatopées dans ces derniers.

D’autres activités d’écoute, d’interprétation et de création peuvent être menées à partir


des captations de mises en scène théâtrales présentes sur le net ou à partir d’adaptations
filmiques disponibles en DVD. On peut alors notamment faire jouer l’image sans le son ou le
son sans l’image pour créer de nombreuses activités d’apprentissage à destination des élèves.

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Exemple de mise en œuvre :


Le fil d’Aïzan : du repli à l’éclosion

MARYLINE DESBIOLLES, AÏZAN, 2006.


Roman jeunesse : récit d’adolescence.
Résumé : Aïzan et ses parents ont fui la Tchétchénie pour se réfugier en France. Mais à
Paris, le couple se sépare et Aïzan, qui a une dizaine d’années, reste avec sa mère. Toutes deux
partent vivre dans un quartier niçois : l’Ariane. Face à la solitude et à la perte de repères, Aïzan
se constitue un univers fait d’images et de lieux refuges. Elle s’invente une amie imaginaire, qui
a le même nom que le quartier habité, nom aux accents délicieusement mythologiques. Peu à
peu, elle va s’ouvrir aux habitants de l’Ariane, tisser une amitié amoureuse avec un camarade de
classe et se réconcilier avec sa mère dont elle s’est éloignée depuis le départ du père.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir une œuvre narrative centrée sur l’adolescence et les relations avec autrui.
• Comprendre la complexité de ces relations, des attachements et des tensions qui sont
figurés dans le texte, en mesurer les enjeux.
• S’interroger sur le sens et les difficultés de la conquête de l’autonomie au sein du groupe ou
contre lui.

Problématiques possibles
Comprendre comment la jeune adolescente apprivoise son nouvel environnement en se
coupant du monde et se créant des lieux, des présences et des images refuges.
Voir comment s’opère l’éclosion du personnage : du repli à son ouverture aux autres.
Étudier le traitement de la voix, des voix dans ce texte : comprendre dans quelle mesure
l’auteur s’est inspiré de voix réelles, celles de personnes interviewées, pour créer ce roman et
se demander comment le mélange des voix fonde le style du récit.

Objectifs d’apprentissage
La pratique de l’oral est la dominante de la séquence. Celle-ci est liée à une pratique
d’écriture, à un travail de lecture collective et à l’analyse de faits de langue concernant
notamment les discours rapportés.

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L’étude d’Aïzan permet :


• de reformuler, résumer un texte lu. Introduire à l’oral un bref résumé des faits antérieurs à
un passage étudié, répondant éventuellement à des questions guidant leur démarche ;
• d’exprimer ses sensations, ses sentiments, formuler un avis personnel à propos d’un texte
ou d’une thématique transversale à l’œuvre en visant à faire partager son point de vue ;
• de percevoir et d’exploiter les ressources expressives et créatives de la parole ;
• d’expliciter une démarche personnelle.

Entrées en séquence (au choix)


Par l’oral
Demander aux élèves s’ils ont un lieu qu’ils considèrent comme un lieu refuge, un endroit
dans lequel ils se sentent protégés ou un endroit dans lequel ils aiment aller rêver ou réfléchir
lorsqu’ils sont seuls. Faire décrire, par quelques volontaires, ce lieu et les sensations qu’il leur
offre.

Par la lecture d’images


Le professeur raconte aux élèves l’histoire de Thésée, Ariane et le Minotaure.

Afin d’attiser l’intérêt des élèves pour cette légende, il peut compléter son récit par des
anecdotes extraites de la documentation présente dans Thésée contre le Minotaure d’Hélène
Montardre (Éditions Nathan, Collection « Petites histoires de la mythologie », 2010). On y
apprend par exemple que le palais du roi Minos avait, avec ses « 5 étages et plus de 1300
pièces, [une] architecture […] si compliquée et [des] couloirs si nombreux, qu’on a longtemps
cru qu’il s’agissait du labyrinthe où avait été enfermé le Minotaure ».

Puis le professeur projette trois œuvres de son choix (peintures, sculptures, poteries) illustrant
cette légende. Il demande aux élèves de commenter les images en expliquant quel moment de
l’histoire est représenté et ce qu’ils pensent de cette représentation.

Pourra figurer, dans cet échantillonnage, l’image du lécythe décrit à la p.41 du roman.

Accompagnement à la lecture
L’œuvre est exigeante en raison du style proche d’une prose poétique, mais la brièveté des
chapitres permet de fixer des objectifs atteignables.

On peut demander aux élèves de tenir un carnet de lecteur organisé de la façon


suivante : résumer en une phrase chacun des vingt-huit très courts chapitres d’Aïzan puis
prélever de chaque chapitre une phrase « coup de cœur ». Voici un exemple pour les trois
premiers chapitres.
CHAPITRES IDÉES PRINCIPALES PHRASES « COUP DE CŒUR »
1 Une jeune fille dans son lit trouve refuge loin Elle n’a pas de nom, elle est encore à naître.
des habitants de la cité, c’est un nid.
2 Aïzan se souvient de la chambre qu’elle occu- La chambre est à jamais un nid suspendu dans
pait avec ses parents à Paris, lorsqu’ils sont les arbres de Paris.
arrivés de Tchétchénie, du départ de son père
et de l’annonce du déménagement pour aller
habiter l’Ariane.
3 Elle s’invente un double du nom du quartier ni- Elle a donné à sa sœur, non pas de chair ni de
çois, Ariane, qu’elle tient caché sous sa peau. sang, mais sa sœur d’air et de pensée, le nom
d’Ariane.

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L’œuvre étant courte, la lecture intégrale peut être faite en classe avec et par le professeur.
Ainsi, après la lecture de chaque chapitre, peut-on en résumer collectivement, à l’oral, l’idée
principale. Puis chaque élève puise dans le texte la « phrase coup de cœur » de son choix.

Extraits étudiés
Extrait n°1
Extraits n°1 La recherche d’un nid
• L’incipit (de « Tant qu’elle ne bouge pas » à « leur chagrin », p.7)
• Extrait des chapitres 2 et 3 (de « De la chambre d’hôtel très étroite elle se souvient » à « dont le
parfum donne envie de danser au printemps » puis de « Aïzan avait été contente de savoir qu’elles
allaient partir. » à « elle entre dans son jeu sans le savoir. », p.9 à 13)

L’étude de ces deux extraits permet d’analyser la construction narrative qui opère un retour en
arrière par le biais du souvenir.

Lorsqu’Aïzan se replie dans ses draps, à l’incipit, elle cherche à s’extraire du monde, à
s’éloigner des « habitants de la cité », ceux que le lecteur comprendra être, a posteriori, les
habitants de l’Ariane, la banlieue niçoise qu’elle est venue habiter avec sa mère. Elle souhaite
ainsi oublier la réalité et s’inscrit dans une temporalité qui est celle du conte, s’imaginant dans
une forêt, dormant dans un lieu protecteur, sur de la mousse.

Si le terme de « nid » n’est jamais dévoilé implicitement, on comprend, en lisant le deuxième


extrait, que c’est un univers protecteur faisant écho à l’appartement qu’elle a habité avec ses
parents, à Paris, qu’Aïzan cherche ainsi à reconstituer. Dans ce deuxième extrait, on constate
que la mémoire de la jeune fille a opéré un tri, choisissant de ne peindre le lieu originel que
par touches lumineuses : « La chambre est à jamais un nid suspendu dans les arbres de Paris »
(p.10).
Face au désarroi, au vide laissé par le départ du père, Aïzan cherche à rétablir un équilibre en
s’inventant une sœur imaginaire.

Extrait
Extraitn° 2 : L’envol de la dame blanche
n°2
(de « Aïzan chuchote à l’oreille de sa sœur » à « ce qui est très beau est aussi ce qui fait peur. »
p.30-31).
Après avoir tenté le repli et la création d’une sœur imaginaire pour s’extraire du monde, Aïzan
trouve refuge dans un lieu réel mais désaffecté : les rives du Paillon. C’est là qu’elle assiste à
l’envol d’une dame blanche, image désormais emblématique, pour elle, de la beauté.
Le jeu de contraste peur/émerveillement et noir/blanc est ce qui mène Aïzan à s’interroger sur
la beauté. Les sensations les plus fortes viennent du contraste : après la recherche d’un nid, il
faut accepter l’idée de l’envol.

Extrait n°3
Extraits n° 3 Les voix complices
(de « Il se souvient encore de la dictée d’entrée en sixième » à « Elle lui demande de répéter »
(p.21-22), puis de « En cours de français justement » jusqu’à « leurs deux paires d’yeux plus que
noirs se reconnaissent », p.37).
L’ouverture au monde se poursuit à travers les voix complices qu’Aïzan va rencontrer.
Extrait A : La première voix croisée est celle de Monsieur M’Boup, un immigré sénégalais
amoureux de la langue française.
Dans ce premier extrait, on peut analyser le tressage des voix en se demandant quelles sont
les trois voix qui s’entremêlent (celles du narrateur, de Monsieur M’Boup et d’Aïzan) puis en
repérant les extraits à rattacher à chacune de ces voix.
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Le traitement singulier et perméable du discours direct, de l’indirect libre, du récit de parole et


du récit pur fascine. Il introduit le lecteur dans un réel proche du mythe. Harmonie entre fond
et forme.

Extrait B : La deuxième voix complice croisée par Aïzan est celle de Kevin, un camarade de
classe. Le lapsus de Kevin souligne la liberté d’Aïzan. Et une complicité naît de cette simple
parole, au discours direct, et d’un regard croisé. Une rencontre comme un envol.

Extrait4n°4: La réconciliation avec la mère


Extrait
(de « Quelque chose s’est ouvert dans la poitrine d’Aïzan » à « ne la réveille jusqu’au matin », p.65-66).
Après avoir appris que le père de Kevin s’est jeté d’une fenêtre et a accusé sa femme d’être à
l’origine de l’accident, Aïzan se réconcilie avec sa mère.

L’emploi du passé composé marque les répercussions des événements sur le présent.
La réconciliation avec la mère passe par le partage de gestes et de mots du quotidien.
L’expression « pour la première fois depuis longtemps » scande le texte, se faisant l’écho du
lien, de la complicité renaissante entre mère et fille. Du dialogue renoué par Aïzan au chant
tchétchène offert par sa mère, les origines d’un bonheur perdu sont retrouvées.

Le dernier chapitre marquera l’épanouissement définitif d’Aïzan espérant que sa mère trouve
un nouvel amour, et s’ouvre à la possibilité d’être à nouveau trois – ou quatre – si est conçue
une vraie sœur de chair et de sang.

Documents complémentaires
Textes complémentaires
On peut travailler à partir d’extraits de C’est pourtant pas la guerre : 10 voix + 1 de Maryline
Desbiolles (éditions du Seuil, 2007).

Dans ce texte, Maryline Desbiolles a recueilli les voix et les histoires de dix habitants de
l’Ariane, quartier populaire niçois. Ces personnes se sont portées volontaires pour lui confier
leurs vies. Si le texte fait œuvre de témoignage, il est avant tout récit, texte littéraire où la
onzième voix, celle de l’auteur, recoud ces destinées.

Lorsqu’elle écrit Aïzan, Maryline Desbiolles reprend plusieurs de ces voix. Même si les noms
ont changé, on arrive à repérer, derrière certains personnages d’Aïzan, la voix de tel ou tel
habitant.

Monsieur M’Boup est le seul à avoir conservé son nom. Mais on constate facilement que le
père de Kevin est proche du mari de Jahida ; que Mme Santos emprunte beaucoup à Rosette,
et que Doursafe rappelle la danseuse Gh’zala.

Quelques extraits faisant écho aux personnages d’Aïzan


• La voix de Jahida (p. 28-31)
• La voix de Monsieur M’Boup (p. 47-50)
• La voix de Gh’zala (p. 37-38)
• La voix de Rosette (p. 57-60)

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Avec autrui, famille, amis, réseaux

Études transversales possibles


Étude I. Le travail des images

Pour dire la perte de repère


1. Le déséquilibre : du chiffre 3 au chiffre 2 (p.10-11 / p.27 / p.85-86)
2. Les images du vide : l’image du « trou » (p.10 / p.33 / p.83)
3. Une peur toujours vive : celle de la destruction. Des images en écho (p.40)
Pour évoquer les refuges que se crée Aïzan
1. Geste rituel pour invoquer l’amie imaginaire (p.14)
2. Les lieux que s’approprie Aïzan : son lit / le lit du Paillon - que le narrateur compare à un
« nid » (p.49) / la mer rêvée comme un lit (p.50)
3. La liberté du galop (p.35 / p.45 / p.77)
Pour montrer que « les dieux grecs parlent de nous » (p.53-54)
1. La dame blanche protectrice – comme l’oiseau d’Athéna (p.58 / p.78-79)
2. Image du mythe de Thésée : histoire se superposant tantôt à celle de ses parents
(p.45 / p.65), tantôt à sa propre histoire avec Kevin (p.47 / p.50 / p.54)
3. Image des pères des héros se jetant dans le vide (p.67)

Étude II. L’incarnation des voix

La réécriture des voix de C’est pourtant pas la guerre


1. Reprise d’événements / d’attitudes (M’Boup qui fait mine de jeter des grains de riz en réci-
tant le Semeur) / d’objet (le piano chez Mme Santos)
2. Reprise de mots (première phrase de la dictée d’entrée en sixième de Monsieur M’Boup,
p.21-22)
3. Transformation opérée : Pour que la rencontre d’Aïzan avec Monsieur M’Boup soit d’emblée
magique, Maryline Desbiolles réinvente un évènement : Monsieur M’Boup, au lieu de réciter le
Cid, récite des extraits de Phèdre. Ainsi se tisse une complicité entre Aïzan et lui, qui lui parle
d’Ariane
Les voix des personnages-narrateurs et du narrateur
1. La voix de Monsieur M’ Boup : Il récite des mots qu’il a gardés longtemps en lui, comme un
trésor, et les transmet
2. La voix de Mme Santos : Elle raconte des bribes de réel et porte, dans sa voix, le récit d’un
autre personnage (le père de Kevin)
3. Le narrateur ne s’interdit pas de mêler sa voix à celles des personnages. Travail sur les
différents types de discours qu’il mêle, répétions, l’alternance du rythme - phrases courtes/
phrases longues
La voix d’Aïzan
1. Le repli et le silence en écho à celui de sa mère (p.10-15)
2. Une voix qui s’ouvre à l’autre lorsqu’il s’agit d’histoire mythologique et de beauté
3. Une voix du quotidien retrouvée

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Avec autrui, famille, amis, réseaux

Activités
Une activité d’écriture
(pour se familiariser avec le style de l’auteur)

Les onze propositions d’écriture sont photocopiées 5 fois. Elles sont pliées et mises dans une
trousse pour tirage au sort. Chaque élève pioche deux propositions. Il choisit celle qu’il veut
explorer pour construire un texte.

1. Écris sans t’arrêter pendant 6 minutes un rêve d’Aïzan qui commencerait par :
« Cette nuit, elle a rêvé que… ».
Quand tu « bloques », mets un petit mot de liaison : « parce que, puisque, comme, donc, en effet,
c’est ainsi que… » et continue.
Relis ton texte et choisis trois images, expressions, ou morceaux de phrase qui te plaisent.
Écris un rêve d’Aïzan qui comporte ces 3 expressions.
2. Imagine une courte histoire écrite par Aïzan.
Tu emploieras au moins l’une des expressions suivantes dans cette histoire : « dame blanche »,
« des serpents colorés », « des poissons au ventre d’argent ».
Tu choisiras l’une de ces phrases que tu répéteras au moins 2 fois dans l’histoire :
--« La chambre est à jamais un nid suspendu dans les arbres de Paris »
--« Les arbres continuent de se pencher sur elle, de lui verser dessus la lumière retenue entre
leurs branches »
--« Les poèmes qu’il sait par cœur lui nettoient le cœur »
3. Fais la description du Paillon comme si tu étais dans les yeux d’Aïzan.
Tu commenceras ton texte par : « Elle préfère aller seule dans le lit du Paillon ».
Et tu utiliseras au moins deux fois dans ton texte : « Elle sonde le filet d’eau qui se recouvre
d’algues jaunes »
4. Imagine une danse d’Aïzan (elle a déjà dansé avec Mme Santos, sous la pluie, puis avec
Doursafe).
Imagine un autre moment de sa vie, plus tard, quand elle danse.
Tu utiliseras au moins une fois dans ton texte les phrases « Aïzan danse seule » et « elle danse
comme on s’envole ».
5. Écris un poème d’Aïzan (qui répète la phrase : « Le loup est beau dans la forêt parce qu’il s’y
tient caché » ou une de tes phrases coups de cœur).
6. Écris une courte lettre / un court poème qu’Aïzan aurait envoyée/é, des années plus tard, à
sa mère.
Tu décriras, d’abord la carte ou l’enveloppe qu’elle a choisie.
Puis tu imagineras un court texte qu’Aïzan adresse à sa mère (pour lui parler de sa vie, elle qui
écrit, danse et lit…).
Tu pourras commencer ta lettre par : « Dans les rues de Paris », « À Argoun » ou, « Ici »…
7. Écris un souvenir d’Aïzan adulte (se rappelant l’Ariane, le Paillon, la dame blanche, sa
première rencontre avec la mer).
Ce souvenir lui revient en mémoire en voyant / en écoutant / en sentant / en goûtant / en
touchant quelque chose.
Tu écriras ce souvenir en disant « Elle ».
Ex. : « Elle entendit un gitan chanter, et cela lui rappela… »
Ex. : « Quand elle but le verre de limonade, elle se rappela … »
Ex. : « Quand elle vit le livre de l’Odyssée, elle se souvint de… »
8. Fais la description de la dame blanche dans les yeux d’Aïzan (sa silhouette, son regard, son
envol).
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Avec autrui, famille, amis, réseaux

Tu utiliseras au moins une fois dans ton texte les phrases « Le vol déploie lentement le bleu de la
nuit » et « C’est un éclat si grand que la nuit est trouée ».
9. Écris un silence d’Aïzan, un moment où elle rêve les yeux ouverts, immobile.
Tu peux imaginer qu’elle est assise dans la mer pour la première fois, ou dans la cabane au
bord du Paillon.
Tu répèteras : « Tant qu’elle ne bouge pas » au moins trois fois dans ton texte.
10. Compose un poème avec tes phrases coups de cœurs (que tu peux mettre dans l’ordre que
tu veux et dont tu peux prélever les morceaux que tu veux).
Attention : tu n’as droit qu’à utiliser les mots de Maryline Desbiolles.
Tu peux mettre les phrases dans l’ordre que tu veux.
11. Invente les paroles de la chanson du Gitan en utilisant dans ce chant au moins 3 des
phrases suivantes :
« Toi, femme au bandeau »,
« Tes yeux bleus, bleu sombre, comme ce doit être au milieu de l’océan »
« Tes cheveux noirs corbeau que tu domptes d’un bandeau »
« Ta peau couleur de neige sous le soleil d’Ariane »
« Berçant mon infini sur les courbes de tes yeux »
« Femme libre, toujours tu chériras la mer »
Remarque : Tu imagineras que ce chant s’adresse à la mère d’Aïzan (référence à son accent,
à son origine tchétchène, à sa tenue de gondolière, à ses gestes simples, à sa solitude, à ses
cheveux noirs, sa peau blanche, ses yeux clairs, etc.)
Ton texte n’a pas besoin de « rimer ».

Des activités d’oral


1. Les chapitres étant relativement courts, on peut demander à chaque élève, en fonction de
son niveau, de prendre en charge la lecture de l’un de ces 28 chapitres et de s’enregistrer pour
créer un livre audio.
2. Imaginer, sous la forme d’un jeu de rôle, une interview du personnage d’Aïzan, désormais
adulte, par Maryline Desbiolles, sur son enfance vécue dans le quartier niçois. Ce travail peut
être conçu sous la forme d’une interview orale préparée, en fin de séquence, par quatre élèves
volontaires (soit deux interviews). Les élèves pourront ensuite commenter les prestations en
se demandant si les paroles cadrent avec ce qu’ils s’imaginent du personnage et de l’auteur et
en repérant ce qui a été repris à l’histoire et ce qui a été inventé.
3. Sur une séance suivant la séance d’écriture, on peut demander à chaque élève de lire
le texte qu’il a réalisé. Ses camarades doivent ensuite deviner quelle était la proposition
d’écriture donnée. Une même proposition pouvant revenir plusieurs fois dans la classe, il
s’agira ensuite de dire quel autre texte s’y rattache.
4. On peut également demander à certains élèves, après ce travail, d’expliquer étaient quelles
les propositions d’écriture qu’ils avaient piochées et pourquoi leur choix s’est orienté vers la
première ou la deuxième proposition.
5. Établir, à l’oral, une liste de questions que l’on aimerait poser à l’auteur (pour lui écrire
ensuite une lettre collective).

Prolongements
Vers l’étude d’une œuvre intégrale : Le roman de Mélusine, roman de chevalerie dont le héros,
Raymondin, acquiert son territoire grâce à Mélusine, la fée qu’il a promis d’épouser. De
même qu’Ariane aide Thésée à tuer le Minotaure, Mélusine aide Raymondin à surmonter son
infortune et à acquérir un vaste territoire ; de même que Thésée trompe la confiance d’Ariane,
Raymondin rompra le serment fait à Mélusine lors de son mariage (rongé par la jalousie, il
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les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4
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Avec autrui, famille, amis, réseaux

Activité orale :
Lecture à voix haute et
enregistrement numérique

L’activité proposée cible le travail de l’oral, à travers la lecture à voix haute d’une part et la capa-
cité des élèves à s’exprimer et argumenter d’autre part. Elle utilise les outils numériques pour
faire travailler l’oral aux élèves, dans la classe ou à l’extérieur.

Niveau
• Activité possible dès la classe de cinquième.
• Possibilité d’exploiter la même activité dans les niveaux supérieurs, en augmentant le degré
d’exigence et la complexité des consignes.

Compétences et objectifs didactiques


L’activité concerne prioritairement le travail de l’oral.

Elle est par ailleurs étroitement liée aux compétences de lecture et vise à acquérir une
certaine culture littéraire, en établissant des liens entre les œuvres et les époques :
• s’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un auditoire ;
• exploiter les ressources expressives et créatives de la parole ;
• lire des œuvres littéraires ;
• élaborer une interprétation des textes littéraires ;
• établir des liens entre des productions littéraires issues de diverses cultures et époques.

Domaines 1, 2 et 5 du socle.

Description de l’activité et modalités


À l’issue d’une lecture cursive ou de l’étude d’une œuvre intégrale, on demande aux élèves
de choisir un passage marquant (de 10 à 15 lignes environ) dont ils vont devoir enregistrer
la lecture à voix haute. L’extrait doit être précédé d’une brève situation du passage pour en
comprendre l’intérêt. Il est en outre suivi d’une justification (démarche argumentative) qui
explicite les raisons du choix du passage par l’élève. Les élèves enregistrent la totalité de
cette prestation dans un fichier d’une durée approximative de 3 ou 4 minutes.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Avec autrui, famille, amis, réseaux

L’activité peut être réalisée en classe (séances par groupes, travail par îlots, etc.) ou en
autonomie (travail à la maison, CDI, etc.). Les élèves, seuls ou en binômes, s’enregistrent
sur un dictaphone numérique ou plus simplement sur un téléphone portable : le professeur
s’assure de la compatibilité du fichier final avec d’autres supports de lecture.

La consigne de l’activité implique la réalisation cumulée de tâches spécifiques pour lesquelles


il est nécessaire de préparer les élèves en amont. On travaille ainsi le fait de :

Situer un extrait dans une intrigue


L’élève apprend à opérer des choix dans une intrigue complexe pour ne présenter que
les aspects essentiels au passage lu. Il s’agit de résumer un récit de façon dynamique en
identifiant les seuls enjeux de l’extrait choisi par l’élève.

Lire un texte littéraire à voix haute


Parce que le passage à lire a été choisi personnellement par l’élève, l’activité ne peut
se réduire à une simple lecture blanche du passage. Il s’agit ainsi de faire éprouver au
destinataire le bien-fondé de ce choix en soulignant les qualités et les caractéristiques de
l’extrait.
La lecture correspond aux enjeux du passage et à ses spécificités stylistiques (description,
dialogue, registres, effets de rythme, etc.). En travaillant sa lecture à voix haute et les effets
possibles, l’élève considère alors le texte littéraire comme une partition qui fait entendre un
certain plaisir de lecture.

Justifier un choix de façon argumentée


La justification du choix du passage place l’élève dans une démarche critique et argumentative.
Il s’agit ainsi de dépasser la notion de goût personnel pour proposer une réponse développée
et étayée. On travaille d’une part la qualité des arguments proposés, qui doivent être
convaincants et progressifs ; l’élève se confronte par ailleurs à la nécessité d’étayer ses
idées et de développer son propos, afin d’éviter des remarques lapidaires qui ne sauraient
convaincre.

On peut progressivement augmenter la difficulté de l’exercice en imposant des justifications


contraintes : remarque de type stylistique, comparaison avec un autre passage de l’œuvre,
comparaison avec une autre lecture, etc.

L’enregistrement sonore du travail des élèves revêt une importance didactique. Contrairement
à une lecture à voix haute réalisée directement face au groupe classe, l’élève découvre un
mode de communication différé qui lui permet de mieux prendre en compte son destinataire.
L’enregistreur numérique offre à l’élève la possibilité de s’écouter. Ce faisant, il change de
posture et devient son propre auditeur, dans une démarche de qualité. En cas de doutes ou
d’erreurs, l’élève peut aisément recommencer, favorisant une mise à distance de soi et le
développement d’un esprit critique sur le travail réalisé.

Les premiers essais font rapidement percevoir aux élèves que la situation du passage et les
justifications, si elles sont pré-écrites et lues, doivent porter une intention spécifique qui les
rapprochent d’un oral improvisé pour l’auditeur. Contrairement à l’extrait littéraire, ce sont
des moments de discours qui nécessitent une éloquence spécifique et un dynamisme pour
convaincre. De même, les élèves découvrent rapidement l’importance de projeter la lecture et
le discours qui l’accompagne vers un destinataire imaginaire pour convaincre. Enfin, les élèves
font l’expérience de deux formes de langage, l’une discursive avec une parole personnelle
cherchant à convaincre, l’autre poétique à travers la lecture à voix haute d’un texte littéraire.
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
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L’activité permet à l’élève de travailler progressivement une prise de parole continue, à la fois
structurée et exigeante.

Évaluation et prolongements
Inspirée des propositions didactiques en langue vivante où l’enregistrement sonore est
fréquent et de celles de l’éducation physique et sportive où l’usage de la vidéo permet aux
élèves de développer un esprit critique et de corriger leurs propositions, cette activité offre
dans le cadre du cours de français la possibilité de travailler efficacement, régulièrement et
facilement l’oral avec ses élèves.

Dans le cadre d’une évaluation, l’enregistrement permet également de proposer des critères
objectifs et de les expliciter plus aisément en classe. Il offre en outre l’avantage de constituer
des « copies d’oral », plus faciles à évaluer qu’une situation d’oral présentée en cours. Il
renforce une démarche active de la part des élèves, seuls à décider quand l’enregistrement
semble conforme aux critères énoncés. Certains élèves peuvent par exemple vouloir utiliser
à la maison un logiciel gratuit de montage sonore afin de mettre en scène leur lecture à voix
haute en l’agrémentant d’effets spécifiques.

À l’issue de cette activité, les fichiers produits peuvent devenir une version sonore d’un carnet
de lecture que l’élève intègrera dans son espace sur FOLIOS. Il pourra ainsi au fil des années,
garder la trace de ses lectures et de son parcours de lecteur.

À l’échelle de la classe, on peut imaginer également la création d’une bibliothèque virtuelle,


offrant des extraits numériques à écouter à l’envi, voire d’une exposition littéraire sonore à
destination d’autres classes ou des familles.

En interdisciplinarité, cette activité peut s’enrichir de propositions musicales ou


picturales : la constitution d’un livret Didapages permet ainsi de visualiser des photos ou
tableaux accompagnés d’une lecture, d’une écoute musicale, etc.

Un travail d’oralisation de lettres de poilus a par exemple été mené par deux professeurs de
l’académie de Nancy-Metz, en français et éducation musicale, présenté lors du Rendez-vous
des lettres en 2014 (Présentation d’une action pédagogique : oralisation et accompagnement
musical d’une lettre de poilu.

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Individu et société : confrontation de valeurs ?

Individu et société : confrontation de valeurs ?


Propositions de corpus

Au sein de l’individu, une question de dilemme


Victor Hugo, Les Misérables, “Tempête sous un crâne”
Madame de La Fayette, La Princesse de Clèves
Monologues : Stances du Cid (I, 6), Cinna (IV, 2), Bérénice (II, 2)
Peter Jackson, Le Seigneur des Anneaux, « Les deux tours », Gollum et Smeagol
EMC : dilemmes moraux

Dramatisation du conflit
Corneille, Le Cid, Acte III scène 6
Molière, L’Avare, Acte 1 scène 4000, Les Femmes savantes, I, 1
Musset, Il ne faut jurer de rien, Acte I scène 1
H. De Montherlant, La reine morte, Acte I, tableau 1, scène 3
Anouilh, Antigone (scène entre Antigone et Créon)
Victor Hugo, Ruy Blas, I, 2
Albert Camus, Les Justes, II

Quand les valeurs collectives l’emportent sur les valeurs


individuelles
Corneille, Horace, Le Cid
Corneille, Cinna, V, 3 (tirade de la clémence)
Racine, Bérénice (IV, 4, v 1155-1174 : le choix de l’État)
Golding, Sa majesté des mouches
Hugo : Claude Gueux (la bourse), Les Misérables
Shakespeare, Roméo et Juliette
Musset, On ne badine pas avec l’amour

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
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Seul contre tous


Au mépris de la société
Rousseau, Rêveries du promeneur solitaire (incipit 1ère rêverie)
Molière, Le Misanthrope (refus de la comédie sociale I, 1)

Rebelles, visionnaires, révolutionnaires, résistants


Beaumarchais, Le Mariage de Figaro (V, 3)
Bouffons et fous du roi : Chicot, dans Les Quarante-Cinq (Dumas), Triboulet (Le roi s’amuse,
Victor Hugo)
Shakespeare, Hamlet (III, 1, “Etre ou ne pas être”)
Gavroche
Borbé, 6000 nuits
Blackman, Entre chiens et loups
Bradbury, Fahrenheit 451
Thimothée de Fombelle, Tobbie Lolness
Andrew Niccol, Bienvenue à Gattaca
Pascale Maret, Le monde attend derrière la porte

Des figures féminines d’exception


George Sand, Calamity Jane, Marie Curie
Les palmes de Monsieur Schutz (pièce de Jean-Noël Fenwicj, film de Claude Pinoteau)
Le Tasse, La Jérusalem délivrée (combat final Clorinde / Tancrède)

Parias
Médée
Hugo, L’homme qui rit
Mary Shelley, Frankenstein
R. L. Stevenson, Docteur Jekyll et mister Hyde
Bram Stoker, Dracula
Jeff Nicols, Mud

Quelles conciliations ?
Gurinder Chadha, Joue-la comme Beckham (la figure paternelle)
Marivaux, Le jeu de l’amour et du hasard (II L’esquive), L’île des esclaves

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Individu et société : confrontations de valeurs ?

Groupement de textes :
Dramatisation du conflit.
Un contre tous et tous contre un !

On considère souvent qu’au théâtre la parole est une action dont le moteur est le conflit. Il
peut porter sur des sentiments ou sur des idées, relever des domaines privé ou public. Les six
extraits proposés sont donc des scènes dramatiques où les conflits reposent sur des oppositions
de valeurs, qu’elles soient liées à des conflits générationnels ou philosophiques. La modernité
de ces confrontations pourra faire écho aux préoccupations des élèves, tout en leur apportant le
recul de l’histoire littéraire.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir, à travers des textes relevant des genres dramatique et romanesque, la confronta-
tion des valeurs portées par les personnages.
• Comprendre que la structure et le dynamisme de l’action dramatique ou romanesque, ont
partie liée avec les conflits, et saisir quels sont les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu.
• S’interroger sur les conciliations possibles ou non entre les systèmes de valeurs mis en jeu.

Problématiques
Peut-on considérer que le conflit est l’essence de l’action théâtrale ?

Comment le théâtre favorise-t-il le débat d’idées ?

Objectifs d’apprentissage
Participer de façon constructive à des échanges oraux :
• interagir avec autrui dans un échange, une conversation, une situation de recherche ;
• connaissance des codes de la conversation en situation publique, des usages de la politesse ;
• participer à un débat, exprimer une opinion argumentée et prendre en compte son interlocuteur ;
• connaissance de techniques argumentatives ;
• animer et arbitrer un débat.

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Individu et société : confrontations de valeurs ?

Entrée dans la séquence


Deux activités pour entrer en séquence :

« Concours d’éloquence ». La classe est divisée en groupes (un nombre pair de groupes est
impératif). Chaque groupe d’élèves tire au sort un sujet et le point de vue qu’il devra défendre.
La classe dispose de 10 minutes pour préparer ses arguments. Ensuite, chaque groupe
désigne son représentant et le concours commence. Penser à attribuer un rôle d’arbitre lors
de chaque débat.
Sujet 1 : Il y a des métiers pour les hommes et d’autres pour les femmes.
Sujet 2 : L’argent ne fait pas le bonheur.
Sujet 3 : Le travail est essentiel au bonheur.
Sujet 4 : L’amitié entre un garçon et une fille n’existe pas.
Sujet 5 : Pour ou contre le retour de l’uniforme dans les collèges.

Étude lexicale : « Autour du mot débattre »


Noter tous les mots qui viennent à l’esprit des élèves lorsqu’ils entendent le mot « débattre » ;
créer un nuage de mots qui pourra être enrichi tout le long de la séquence.
Travailler sur le sens du mot « débattre » avec un dictionnaire papier et un dictionnaire en
ligne (apprendre à se servir par exemple des options d’affichage sur le TLF en ligne).

Extraits étudiés
Texte 1 : Le Cid, Pierre Corneille, Acte III scène 6, vers 1-55
Rodrigue et Chimène s’aiment, mais parce que Rodrigue a obéi à son père et vengé son honneur
bafoué par le père de Chimène, leurs amours sont compris. Chimène crie vengeance, ne veut pas
pardonner à Rodrigue fusse en lui arrachant la vie. Rodrigue est malheureux et appelle la mort de
tous ses vœux, ce qui n’est pas du goût de son père. Scène de conflit père-fils mais surtout scène
où deux système de valeurs se confrontent : mourir d’amour ou mourir l’épée à la main, amour ou
honneur, qu’est-ce qui est le plus important ?

Texte 2 : Les Femmes savantes, Molière, Acte I scène 1, vers 1-82


La pièce s’ouvre par cette scène de dispute entre deux sœurs, Henriette et Armande. Cette scène
d’exposition permet d’entrer dans le vif du sujet et dans un débat de société : femme au foyer ou
femme dans l’étude, quelle est la place d’une femme dans la société au temps de Molière ?

Texte 3 : Ruy Blas, Victor Hugo, Acte I scène 2, vers 170-261


Dans cette pièce de V. Hugo, le héros éponyme, un valet, est amoureux de la Reine d’Espagne mais
indigne d’en être aimé du fait de sa condition sociale. Son maître Don Salluste, qui cherche à se
venger de la reine, va chercher de l’aide pour mener son projet à exécution. Il sollicite l’aide de
son cousin Don César à qui il propose de régler ses dettes. Mais peut-on se venger d’une femme
comme on se vengerait d’un homme?

Texte 4 : Antigone, Jean Anouilh


Créon a condamné son neveu Polynice à ne pas recevoir de sépulture, ce qui l’empêche d’accéder
aux Enfers. Son âme est condamnée à errer, ne pouvant trouver le repos. Sa sœur, Antigone,
décide d’enfreindre la loi établie par Créon en recouvrant de terre le corps de Polynice. Elle
s’oppose violemment à son oncle jusqu’à ce que celui-ci lui explique combien son frère était un
voyou. Ébranlée, Antigone est prête à renoncer jusqu’à cette discussion où Créon lui expose sa
conception du bonheur et de la vie. Ce conflit de valeurs est aussi un conflit de générations.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

De la page 90 à la page 99, édition La Petite Vermillon, n°300 :


Le passage étudié commence par la réplique d’Antigone « Pourquoi m’avez-vous raconté cela ? »
Le passage se termine sur une exclamation d’Antigone « Enfin, Créon ! »

Texte 5 : Les Justes, Albert Camus, Acte II


Un groupe de révolutionnaires russes fomente un attentat, mais au moment critique, l’un d’eux
renonce à lancer la bombe car deux enfants auraient pu être tués. S’ensuit un violent débat entre
Dora et Stepan, deux membres du groupe : tous les moyens sont-ils bons pour parvenir à ses fins ?

De la page 59 à la page 61, édition Folio, Gallimard, n°477 :


Le passage étudié commence par la réplique de Dora « Ouvre les yeux et comprends que
l’Organisation perdrait ses pouvoirs et son influence si elle tolérait, un seul moment, que ses
enfants fussent broyés par nos bombes. »

Le passage se termine sur les mots de Stepan « Rien n’est défendu de ce qui peut servir notre
cause. »

Activités
Le débat sur les forums Internet : observer, analyser, réguler pour participer
Choisir un forum de discussion en ligne et observer les échanges.

Quel intérêt peut-on trouver à ces échanges virtuels ? À quels risques s’expose-t-on ?

Rédaction collective d’une charte du bon usage sur les forums.

Si l’établissement dispose d’un Espace Numérique de Travail ayant un forum, proposer des
sujets de discussion en lien avec le cours pour mettre en pratique la charte de bon usage.

Organiser un « Café philosophique » au CDI par exemple, sous forme de ren-


contres mensuelles ou bi-mensuelles.
Il est possible de partir des thèmes proposés en entrée de séquence (l’argent, l’amitié, le
bonheur, le conformisme, etc.) ou croisés dans les extraits de manière à approfondir la
réflexion des élèves. Le travail gagne à être mené avec le professeur documentaliste. Les
ateliers philosophiques sont organisés selon des rituels précis qui permettent de dépasser la
simple opinion pour aller vers une réflexion construite, approfondie, nuancée et respectueuse.
Ainsi, le « conflit d’opinions » est dépassé par le partage d’une réflexion commune, et la
médiation des enseignants.

Ressources en ligne
Michèle Sillam, « D’où vient la certitude que les enfants adhèrent et s’intéressent vraiment à la
réflexion que vous leur proposez ? », Lire au collège, n°90, printemps 2012. Lire l’article.

Dominique Sénore, « Un atelier philo en collège », Diotime, n°24, janvier 2005. Lire l’article.
La discussion à visée philosophique (DVP), ressource Eduscl produite dans le cadre de l’EMC :
accéder à la ressource.

Expérimentation dans 13 classes (premier et second degrés) de la ville de Saint-Fargeau-


Ponthierry (77) : accéder à la description et au compte-rendu de l’expérimentation.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

Prolongements et croisements
En français
Lire Le Visiteur d’Éric-Emmanuel Schmitt : cette pièce met en scène Freud et un élégant
visiteur ; elle ménage suspense et rebondissements dans une intrigue policière. Elle permet
surtout des scènes de confrontation abordant des questions telles le conflit entre raison et
intuition, la place de l’homme dans le monde, etc.

Proposer une recherche sur le site.tv via Eduthèque ; mot clé : « théâtre » ; parmi les
propositions, on pourra au choix demander aux élèves de s’intéresser à « La Danse des
brutes » (réflexion sur la cour de récréation comme scène de conflits et sur les moyens de
lutter) ; ou « Pleins feux sur la critique » qui permet de suivre le travail de mise en scène de
S. Eine sur la pièce de Molière Les Femmes savantes.
En interdisciplinarité
À partir d’une vidéo, faire écrire les élèves sur « La liberté d’expression » : travail à mener en
collaboration avec le professeur d’histoire-géographie, dans le cadre de l’EMC.
Demander aux élèves d’écrire ce qu’évoquent les mots « liberté d’expression » pour eux.

Leur proposer de visionner la vidéo réalisée par le Ministère de la Culture et de la communication :

À l’issue du visionnage, leur demander de répondre à cette question : « Pourquoi est-il


fondamental de préserver la liberté d’expression ? »

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Informer et accompagner
les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4
FRANÇAIS
Vivre en société, participer à la société

Individu et société : confrontations de valeurs ?

Exemple de mise en œuvre :


Héroïsme d’état, héroïsme du cœur

CORNEILLE, HORACE (1640)


Résumé
La pièce de Corneille s’appuie sur un épisode de l’Histoire romaine de Tite-Live (Ier siècle av.
J.C - Ier siècle ap. J.C.). Sous le règne du roi Tulle (VII e siècle av. J.C.), Rome et sa voisine Albe
sont en guerre. De nombreuses familles des deux cités sont liées par le mariage ou par les
sentiments. C’est le cas des Horaces (Rome) et des Curiaces (Albe). Pour éviter une sanglante
bataille, on s’accorde à désigner des champions dans chaque cité, issus de ces deux familles :
trois frères de part et d’autre.
Mais le Romain Horace est marié à Sabine, sœur de Curiace; tandis que Curiace est amant de
Camille, sœur d’Horace. Alors que Curiace, Sabine et Camille sont horrifiés par la cruauté de la
situation, Horace, encouragé par son père, le vénérable Horace, ne cache pas son enthousiasme
d’avoir à défendre l’honneur de Rome.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir, à travers des textes relevant des genres dramatique et romanesque, la confronta-
tion des valeurs portées par les personnages.
• Comprendre que la structure et le dynamisme de l’action dramatique ou romanesque, ont
partie liée avec les conflits, et saisir quels sont les intérêts et les valeurs qu’ils mettent en jeu.
• S’interroger sur les conciliations possibles ou non entre les systèmes de valeurs mis en jeu.

Problématiques possibles
Quelles différentes conceptions de l’héroïsme Corneille développe-t-il dans cette pièce à
travers les protagonistes principaux ?

Sur quoi repose dans cette pièce l’efficacité du dilemme tragique ?

Quelles différentes images des femmes sont-elles données à travers les personnages
tourmentés de Sabine et de Camille ?

Quels liens peut-on établir entre le personnage d’Horace et le fanatisme ?

Pourquoi le recours aux tirades est-il si important dans cette tragédie ?


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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

Objectifs d’apprentissage
La pièce de Corneille permet d’étudier :
• le genre théâtral : la tragédie (en particulier dilemme et structure de la pièce) ;
• l’opposition d’un système de valeurs considérées comme intangibles (la prééminence ab-
solue de l’État, avec Horace) à la sensibilité tourmentée de certains personnages (Camille,
Sabine) ; mais aussi la confrontation d’au moins deux formes de patriotisme (le patriotisme
d’Horace, le fanatisme du Vieil Horace) ;
• la mise en valeur de formes antagonistes d’héroïsme par l’alexandrin.

Pour les élèves, le cours met en place une réflexion sur les valeurs morales qui accompagne la
découverte du texte littéraire.

La pratique de l’oral est l’objectif prioritaire et final de la séquence :


• comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes (découverte de
certaines scènes par la lecture) ;
• exprimer ses sentiments, formuler un avis personnel à propos d’une œuvre ou d’une situa-
tion en visant à faire partager son point de vue (prendre parti sur les réactions et discours des
personnages, rejouer le procès d’Horace) ;
• percevoir et exploiter les ressources expressives et créatives de l’oral.

Mais l’oral ne peut se construire sans s’appuyer sur des compétences de lecture,
d’interprétation du texte littéraire, d’écriture et de langue :
• recourir à des stratégies de lecture diverses (éléments de cohérence interne, références
culturelles, inférences lexicales) ;
• situer les œuvres dans leur contexte historique et culturel ;
• formuler des impressions de lecture, percevoir un effet esthétique ;
• utiliser l’écrit pour penser et pour apprendre (rédaction d’un carnet de mise en scène, traces
écrites, commentaires de certaines scènes sous la forme de gloses) ;
• prendre en compte la prosodie dans le passage de l’écrit à l’oralisation du texte théâtral
(travail de lecture, de diction) ;
• analyse du sens des mots et mise en réseau (préparation à la lecture) ;
• principaux emplois des différents modes (particulièrement le subjonctif) ;
• repérage et interprétation des marques de modalisation.

Accompagnement de la lecture
Précéder la lecture d’éléments de connaissance et de contextualisation
Lecture du texte de Tite-Live, Histoire romaine, I 22-25 : accéder au texte en français ; au texte
latin ; au texte en version bilingue.

Importance du contexte contemporain de la pièce : en 1635, la France s’est engagée dans la


Guerre de Trente ans, contre l’Espagne puis en 1636 contre l’Autriche. Or Anne d’Autriche,
reine de France et épouse de Louis XIII, est la fille du roi d’Espagne, Philippe III. Le contexte
historique ressemble donc à l’épisode antique.

Découvrir des extraits de la pièce par la lecture (par Jean-Paul Alexis) :


écouter
Audiocite

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

Passages lus, précédés d’une mise en situation :


II, 3 : v 423-513 (dialogue entre Horace et Curiace : le cœur ou le devoir)
III, 6 v 1021-1034 (le Vieil Horace en colère contre son fils qu’il préfère mort plutôt que vaincu)
IV, 2 : v 1101–1148 (le récit de Valère : Horace victorieux, le fiancé de Camille mort, le vieil
Horace dans l’allégresse)
IV, 5 : v 1277-1318 (la douleur de Camille, la rage d’Horace, Horace tue Camille)
V, 3 : v 1759–fin (le roi Tulle épargne Horace : « Vis pour servir l’État »
Différencier la lecture à l’aide d’un dossier d’accompagnement, selon l’ap-
proche de Danièle BOURGAULT-VOINOT : lire la description d’un dossier
Lecture longue

Entrée en séquence
Entrée par l’image : lecture du tableau de Jacques-Louis David, Le serment des Horaces.
Analyse du tableau
Entrée par l’oral : échange autour de la notion d’honneur : quelles définitions des élèves,
quelles représentations ? On peut partir différentes citations extraites du Dictionnaire des idées
reçues de Flaubert, des Maximes et pensées de Chamfort (131).

Extraits à étudier
Les figures de l’héroïsme :
• La tirade initiale de Sabine (I, 25- 60)
• II, 3 : v 423-513 (dialogue entre Horace et Curiace : le cœur ou le devoir)
• III, 6 v 1021-1034 (le Vieil Horace en colère contre son fils qu’il préfère mort plutôt que
vaincu) + IV, 2 : v 1101–1148 (le récit de Valère : Horace victorieux, le fiancé de Camille mort, le
vieil Horace dans l’allégresse)
• IV, 5 : v 1277-1322 (la douleur de Camille, la rage d’Horace, Horace tue Camille)

Études transversales
I. Le théâtre

Les personnages
• Les personnages féminins :
Sabine l’épouse ou la sœur qui ne parvient pas à choisir entre les liens du cœur et ceux de l’État.
Camille, le choix du cœur, une liberté chèrement payée.
• Les personnages masculins :
Horace : le héros respectueux des valeurs morales et religieuses, le devoir avant tout et à tout prix.
Curiace : le devoir malgré soi et l’indignation devant la cruauté morale.
Le Vieil Horace : une morale inhumaine.

La structure de la pièce
• Actes I à III : montée dramatique (de la guerre entre cités à la lutte fratricide).
• Acte IV : résolution violente du conflit entre l’honneur et la passion (le meurtre de Camille).
• Acte V : une forme d’apaisement grâce à un dénouement politique (le procès).

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

La tragédie et le tragique
• Bref rappel des sources grecques de la tragédie
Analyser pour comprendre la définition d’Aristote (IVe siècle avant J.C.), Poétique : « C’est
une imitation faite par des personnages en action et non par le moyen de la narration et qui,
par l’entremise de la pitié et de la crainte accomplit la purgation des émotions de ce genre ».
Introduire la notion de catharsis.
Et comparer avec la définition que donnera Racine dans la préface de Bérénice (1670) : « Il
suffit que l’action en soit grande, que les acteurs en soient héroïques, que les passions y soient
excitées, et que tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la
tragédie. »
• Distinguer la tragédie comme genre littéraire codifié à l’âge classique et une situation
tragique.

II. Proximité de deux registres avec le tragique


L’épique : qui renvoie à l’épopée, récit héroïque d’exploits historiques ou mythiques d’un
personnage ou d’un peuple.
• Faire rechercher ce qui dans les propos et le ton du vieil Horace et d’Horace illustre ce registre
Le pathétique : qui émeut vivement et profondément par le spectacle ou l’évocation de la
souffrance.
• Faire rechercher ce qui dans les propos et le ton de Curiace, Sabine, Camille illustre ce registre.
L’expression de sentiments violents : souffrance, désespoir, honte, indignation, colère, révolte,
héroïsme (virtus), passion amoureuse, honneur.
III. L’État, l’individu et l’héroïsme
• Dévouement et sacrifice, de hautes valeurs civiques. Horace et Curiace partagent l’amour
de leurs cités mais le premier est dans une exaltation qui dévalorise toute autre relation que
l’appartenance à la cité, considérée comme sacrée, tandis que le second exprime tout haut la
cruauté d’une situation qui fait dépendre le salut de la cité de l’effacement des liens interin-
dividuels. Horace est plus du côté de l’idée abstraite, Curiace du côté des émotions et senti-
ments (affectivité).
• Du patriotisme au fanatisme. La situation de conflit entre Rome et Albe attise le patriotisme
de part et d’autre : pour les Romains et les Albains, il s’agit de défendre la terre de leurs pères
(patria). Le passage au fanatisme se fait lorsque la défense de la patrie exige le sacrifice de
toutes les relations et situations particulières : plus rien n’existe que la victoire de Rome pour
le vieil Horace, à n’importe quel prix. Le nationalisme, quant à lui, est une étape fréquente vers
le fanatisme.

Faire réfléchir à cette opposition intéressante : « Le patriotisme, c’est aimer son pays. Le
nationalisme, c’est détester celui des autres. » (Général De Gaulle)
La contextualisation de ces notions (XVIIe siècle avec la guerre de Trente ans, questionnement
sur l’époque contemporaine) bénéficierait de l’éclairage du professeur d’histoire.
• L’autorité paternelle absolue : un patriarcat encore très vivace (héritage du pater familias)
dont on retrouve de nombreux exemples dans les comédies de Molière à la même époque.
• L’autorité du roi : le roi Tulle sauve Horace, pourtant isolé par les drames qu’il a suscités
sans le moindre remords.
Un jugement tel que « Ta vertu met ta gloire au-dessus de ton crime » (v 1760) montre que le
roi Tulle réunit à la fois le pouvoir politique, le pouvoir judiciaire et un magistère moral.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

Activités d’oral possibles


• Enregistrement du texte de manière à constituer un livre audio-intégral, comme un « mara-
thon » de lecture.
• Réalisation d’un diaporama : quelques scènes choisies par les élèves sont photographiées.

Au choix : un texte enregistré éclaire les choix de mise en scène, ou la « voix intérieure » des
personnages éclaire leurs paroles, leurs actions, leurs gestes.
• Constitution d’un florilège de vers par les élèves, amenés à justifier leur choix.
• Une sélection de vers par le professeur est mise en débat : quelles valeurs morales sont
exprimées ? comment les élèves les perçoivent-ils ? à qui s’identifient-ils ?

Prolongements et croisements
En français :
Vers un groupement de textes sur l’expression du dilemme
Titre : « Prise de tête ! »
Corpus (environ 4 textes ou documents à choisir parmi les suivants) : Corneille, (Le Cid, I,6,
« Les stances de Rodrigue »), Madame de Lafayette (La Princesse de Clèves, II, « Madame la
Dauphine était assise sur le lit… n’attendit point sa réponse »), Victor Hugo (Les Misérables, I,
VII, 3, « Tempête sous un crâne »), Stendhal (Le Rouge et le Noir, XIX, « Penser fait souffrir »),
Guy de Maupassant (Pierre et Jean, VIII, « Et longtemps il médita… que plus tard il restituerait
aux indigents »).

En interdisciplinarité (ou en français seulement)


En lien avec l’EMC, cycle 4 : « Le droit et la règle : des principes pour vivre avec les autres. »

Préparer et jouer le procès de Camille (ou rejouer le procès d’Horace) selon le principe de la
simulation globale.

Chaque élève doit avoir un rôle : avocat, procureur, juré, témoin, journaliste, président,
assesseurs, etc. Les élèves identifient le rôle de chaque acteur, préparent leur rôle (ni lecture,
ni par cœur), et tiennent le procès.

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FRANÇAIS
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Individu et société : confrontations de valeurs ?

Exemple de mise en œuvre :


Une île renversante

MARIVAUX, L’ÎLE DES ESCLAVES, 1725


Pièce en un acte
Résumé : Iphicrate et Arlequin ont échoué sur une île à la suite du naufrage de leur navire.
Iphicrate révèle à Arlequin la coutume du lieu : les rôles de maître et d’esclave s’inversent. Ils
partent à la recherche de survivants mais Arlequin cesse d’obéir et devient insolent. Ils retrou-
vent Euphrosine qui subit l’humiliation de sa servante. Pourtant il ne s’agit pas d’exercer une
vengeance, la leçon est faite pour que le maître apprenne ce qu’est la bonté en faisant l’expé-
rience de la souffrance.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir à travers des textes dramatiques la confrontation des valeurs portées par les
personnages.
• Comprendre que l’action dramatique a partie liée avec les conflits.
• S’interroger sur les conciliations possibles.

Problématiques
En quoi le conflit qui oppose le maître et le valet est-il le bon moyen pour transformer le cœur
des personnages ?

Peut-on parler d’une pièce « pré-révolutionnaire » ?

Quels outils linguistiques et dramaturgiques Marivaux met-il en œuvre pour développer le


conflit ?

Objectifs d’apprentissage :
La pièce de Marivaux permet d’étudier :
• le genre théâtral, la comédie ;
• les valeurs morales individuelles qui construisent la vie en société ;
• la critique, sur le mode utopique, de la société du XVIIIe siècle.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

Pour les élèves, le cours met en place une pédagogie en action des valeurs morales qui
accompagne la découverte du texte littéraire.

La pratique de l’oral est l’objectif prioritaire et final de la séquence :


• exprimer ses sentiments, formuler un avis personnel à propos d’une œuvre ou d’une situa-
tion en visant à faire partager son point de vue ;
• percevoir et exploiter les ressources expressives et créatives de l’oral.
Mais l’oral ne peut se construire sans s’appuyer sur des compétences de lecture,
d’interprétation du texte littéraire, d’écriture et de langue :
• utiliser l’écrit pour penser et pour apprendre (rédaction d’un carnet de mise en scène, traces
écrites) ;
• pratiquer l’écriture d’invention (ajout d’une scène) ;
• élaborer une interprétation de textes littéraires (préparation à la mise en scène) ;
• prendre en compte la prosodie dans le passage de l’écrit à l’oralisation du texte théâtral
(travail de lecture, de diction) ;
• mise en réseau des mots et analyse du sens des mots (préparation à l’analyse) ;
• identification et interprétation des éléments de la situation d’énonciation (préparation à
l’analyse) ;
• actes de langage (préparation à l’analyse).

Accompagnement à la lecture
Un livre audio pour accompagner la lecture
Les didascalies sont lues, la diction est lente et articulée, ce qui permet à l’élève de lire en
même temps qu’il écoute la lecture.

Extraits étudiés
• Scène I, intégrale (L’exposition).
• Scène III, extrait : Trivelin, à part, à Euphrosine : « Il faut que ceci ait cours… » jusqu’à Trive-
lin, à Euphrosine : « En vérité, elle a raison.» (La comédie pour corriger les ridicules).
• Scène IX, extrait : du début de la scène à Iphicrate : « … je ne méritais pas d’être ton maître. »
(La résolution du conflit).

Études transversales
Le théâtre

Les personnages
• Iphicrate et les esclaves : la Grèce antique « Vous parlez la langue d’Athènes » (scène I).
• Les personnages de la comédie italienne du XVIIe et XVIIIe siècles : Arlequin, Marivaux, l’hé-
ritage de la Commedia dell’arte.
• Maître et valet : un duo conflictuel (et peut-être complémentaire aussi ?).
• Le valet traditionnel : insolent, buveur, moqueur, persifleur, contestataire.
• Les personnages féminins : du stéréotype à l’humanisation.

Le renversement de situation
L’inversion des rôles, la prise de pouvoir contre la domination, le changement de nom et de
costume.

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La comédie et le comique
• La mise en abyme : plaire et instruire en instruisant les maîtres dans la pièce (scènes I et II),
dénoncer le jeu des masques et des apparences par l’illusion théâtrale.
• Peindre le portrait de la coquette (scène IV).
• Parodier le discours amoureux (scène VI).

La construction des scènes


Symétrie et répétitions, la médiation de Trivelin

Le langage : des mots, des coups, des gestes


• La mise en espace du texte.
• Le langage du corps.

La leçon par l’expérience de la souffrance


La voix de Marivaux : la compassion, la vertu de la bonté et de la générosité (cf. peinture
morale de Greuze). La sincérité et la simplicité « je veux être un homme de bien » (scène X), le
prolongement de l’honnête homme du XVIIe siècle.
La question de la sensibilité au XVIIIe siècle, l’émotion et les larmes.

L’utopie
• L’île, espace de la représentation de la société (variation sur les îles Fortunées), espace de la
scène.
• L’inversion des rapports entre le maître et le valet : un miroir « expérimental » de la société.
• Les limites de l’utopie : le miroir tendu aux maîtres est une épreuve qui vise à corriger leurs
défauts et non à repenser l’organisation sociale.

Activités d’oral
• Dossier sonore de mise en scène : réaliser quelques photos pour illustrer différentes scènes
et enregistrer la justification des choix effectués (costumes, attitudes…).
• Débat : la conciliation, qui repose sur l’amélioration de chacun, est-elle possible ?
• Jeux de rôles : jouer différentes scènes de conciliation à partir de sujets quotidiens ; conflits
ordinaires, médiations par les pairs (protocole et outils de médiation)

Prolongements et croisements
En français
• La pièce peut également être étudiée en 3ème, en développant la visée satirique et morale.
• Vers un groupement de textes sur les portraits-charge et les caricatures féminines :
Titre : « Ces clichés qui ont la vie dure »
Corpus (environ 4 textes ou documents à choisir parmi les suivants) :
La Bruyère (Les Caractères, « Des femmes »), Molière (Les Précieuses ridicules), Montesquieu
(Les Lettres persanes, lettre LII sur le refus de vieillir et lettre XCIX « Les caprices de la
mode »), Marivaux (L’île des esclaves,3), Balzac (La Cousine Bette, chapitre 9 « Un caractère
de vieille fille »), Grandville (femmes-fleurs, femmes-animaux), Daumier (« La femme en
crinoline », « Les femmes socialistes »), caricatures de suffragettes, caricatures d’Edith
Cresson, Claire Bretécher (Agrippine), Gaby et Dzack (Les blondes), caricatures parues lors de
la Journée de la femme 2015, etc.
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
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• Vers un groupement de textes sur les utopies et les contre-utopies :


Titre : « Ailleurs pour faire réfléchir ici »
Corpus (environ 4 textes ou documents à choisir parmi les suivants) :
Rabelais (Gargantua, chapitre 57, « L’abbaye de Thélème »), Thomas More (L’Utopie, début
du Livre second), Jonathan Swift (Les voyages de Gulliver, I, 4, « Description de Mildendo »),
Marivaux (Lîle des esclaves, 1), Pierre Christin et Enki Bilal (La ville qui n’existait pas), Zamiatine
(Nous autres), Aldous Huxley (Le meilleur des mondes), George Orwell (1984), Fritz Lang
Metropolis, dystopies cinématographiques (Terry Gillian Brazil, Alex Proyas Dark City,Gary Ross
Hunger games…), architectures (la Saline royale d’Arc-et-Senans de Claude-Nicolas Ledoux, La
cité radieuse de Le Corbusier, mais aussi le panoptique de Jeremy et Samuel Bentham).
À relier à l’entrée « Agir sur le monde ; Agir dans la cité : individu et pouvoir ».

Ressources pour le professeur


Sitographie sur L’Île des esclaves

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Activité orale :
Théâtre & Roman photo

L’activité proposée s’inscrit dans une séquence sur le théâtre.


Elle vise des compétences de lecture chez les élèves qui vont devoir identifier les enjeux d’une
scène. Elle aborde la question de la théâtralité par la mise en scène des corps d’une part et
traite de l’éducation à l’image d’autre part, en travaillant sur la grammaire de l’image fixe. L’en-
semble pourtant relève de l’oral car les élèves, inscrits en groupe dans une démarche de projet
sur plusieurs séances, élaborent ensemble leur production finale au fil des discussions, des
argumentations et des échanges.

Niveau
Activité possible dès la classe de quatrième.

Compétences et objectifs didactiques


L’activité mêle diverses compétences, dont celles de lecture et du langage oral.

Elle vise notamment à :


• participer de façon constructive à des échanges oraux ;
• percevoir et exploiter les ressources expressives et créatives de la parole et du geste ;
• lire des œuvres littéraires ;
• élaborer une interprétation des textes littéraires.
Domaines 1, 2 et 5 du socle.

Description de l’activité et modalités


Dans le cadre d’une séquence consacrée au théâtre, on demande aux élèves, répartis en
groupes, de transposer une scène en douze diapositives, composées de huit clichés mettant
en scène les personnages et quatre répliques de textes sélectionnées dans la scène. Chaque
groupe produit ainsi un diaporama (voire un film) composé d’images fixes et de textes, ayant
pour finalité de mettre au jour les enjeux de la scène donnée.

L’activité répartie sur plusieurs jours dure entre 3 et 4 heures.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Individu et société : confrontations de valeurs ?

Étape 1 : Lecture de la scène et identification des enjeux dramatiques


L’enseignant donne à chaque groupe une scène d’une pièce travaillée en classe (œuvre
intégrale ou lecture cursive). Le passage proposé n’a jamais été spécifiquement étudié avec
les élèves mais ces derniers connaissent l’intrigue et les personnages. Le professeur peut
faire le choix de donner à plusieurs groupes le même extrait (démarche comparative) ou de ne
proposer que des scènes différentes (démarche cumulative).

Les élèves lisent attentivement le texte. Ils déterminent collectivement l’enjeu dramatique de
leur passage, en indiquant par exemple ce qu’apporte la scène à l’intrigue, les motivations des
personnages, leurs objectifs, etc. Les élèves relèvent également quatre très courtes répliques
(ou extraits) qu’ils jugent essentielles à la scène.

Étape 2 : Élaboration du story-board


Chaque groupe réfléchit à la manière de mettre en image sa scène : il dispose pour cela de
huit images fixes qui s’ajoutent aux quatre répliques choisies. Les élèves peuvent utiliser toute
la grammaire de l’image et ses effets de cadrage.

Toutes les prises de vue doivent être prises à l’intérieur de l’établissement scolaire. On impose
par ailleurs un format en noir et blanc afin de faciliter les raccords entre les images dans le
diaporama et de mieux mettre à distance les lieux. Les élèves réfléchissent ainsi aux endroits
possibles pour implanter leur scène, à la structuration du diaporama (répartition entre images
et textes), aux effets à donner à l’image pour renforcer un enjeu dramatique, etc.
À l’issue de cette phase, les élèves ont réalisé un story-board, décrivant précisément leurs huit
clichés et les quatre encarts de texte.

Étape 3 : Réalisation des prises de vue


Afin de réaliser les huit photographies, les élèves se répartissent les rôles au sein des
groupes : acteurs, metteurs en scène, photographes. On teste les postures, les cadrages,
les effets à l’aide d’appareils photos numériques ou de téléphones portables. Les élèves
critiquent les prises de vue, réfléchissent aux améliorations possibles.

Les groupes passent ensuite à la réalisation définitive des clichés photographiques, dans un
temps contraint et dans un souci d’exigence.

Étape 4 : Montage du diaporama et projection


En classe ou à la maison, chaque groupe monte les huit images réalisées auxquelles s’ajoutent
les quatre répliques choisies, conformément au story-board. Les élèves incluent une musique
pour accompagner le diaporama. Certains élèves font parfois le choix d’un support vidéo
composé d’images fixes : le professeur s’assure alors de la compatibilité du format choisi avec
les supports de lecture disponibles en classe.

Si plusieurs groupes ont travaillé sur la même scène, on présente en classe les différentes
façons d’aborder le texte et l’on compare les manières d’en faire ressortir les enjeux. À
l’inverse, si tous les groupes ont travaillé sur une scène différente d’une même pièce, la
diffusion cumulée donnera l’illusion d’une transposition en image de l’œuvre étudiée. Dans
tous les cas, le professeur demande à chaque groupe d’expliciter oralement ses choix au reste
de la classe.

L’activité inscrit l’élève dans une démarche collective de projet à court terme. Il permet
de travailler de façon active sur la lecture d’une scène de théâtre par l’intermédiaire de
compétences orales.
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Informer et accompagner
les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4
FRANÇAIS
Vivre en société, participer à la société

Dénoncer les travers de la société

Dénoncer les travers de la société :


Propositions de corpus

Ridiculiser les vices : portée morale de la littérature


Les « types », les portraits

Vices et défauts, des cibles intemporelles ?


• L’avarice : Esope (“L’Avare”), Horace (Satires, I, 1), La Bruyère (Caractères, VI, 27, “Chrysippe),
La Rochefoucauld (Maximes, 11), L’Avare (Plaute et Molière), La Fontaine (Fables, IV 20), Cham-
fort (Maximes et pensées, 165), Balzac (Eugénie Grandet, portrait de Grandet).
• La bêtise : Renaud (“Dans mon HLM”), Brel (“L’air de la bêtise”); Flaubert (Dictionnaire des
idées reçues), Les Bidochons.
• Portraits-charges : Juvénal, Satires, VI, portrait d’Eppia ; Saint Simon, Mémoires, portrait
de Madame Panache ; Molière, Les Précieuses ridicules, I, 4 ; Flaubert, Bouvard et Pécuchet, I,
portraits de Bouvard et Pécuchet ; Zola, La Curée, chapitre VI, “Le banquet” ; caricatures de
bourgeois par Daumier.

Faire rire à ses dépens, ou quand le rire se retourne contre soi


Montesquieu, Lettres persanes (lettre 54) ; Molière, Le Misanthrope (II, 4) ; Musset, On ne badine
pas avec l’amour (II, 2) ; Albert Cohen, Belle du Seigneur (XXV).

Rire : le poids du contexte


• Une figure qui change de sens selon l’époque : le loup. Le Roman de Renart, La Fontaine,
Perrault (Le petit Chaperon rouge), Tex Avery (“Red hot riding hood” et “Blitz wolf”), Edmond-
François Calvo (La Bête est morte !).
• Satires des femmes : une cible intemporelle mais des préjugés qui évoluent selon les
époques :

La Bruyère, Les Caractères, « Des femmes »


Molière, Les Précieuses ridicules
Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre LII sur le refus de vieillir et lettre XCIX « Les caprices
de la mode »
Marivaux, L’île des esclaves, 3
Balzac, La Cousine Bette, chapitre 9 « Un caractère de vieille fille »
Grandville (femmes-fleurs, femmes-animaux), Daumier (« La femme en crinoline », « Les
femmes socialistes »), caricatures de suffragettes
Caricatures contemporaines : Edith Cresson, parues lors de la journée de la femme 2015
Bande dessinée : Claire Bretécher (Agrippine), Gaby et Dzack (Les blondes).
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

Farces et comédies
Farces médiévales : La farce du cuvier...
Molière : Le Bourgeois gentilhomme, Les Précieuses ridicules, etc.
Georges Feydeau : Feu la mère de madame, Mais n’te promène donc pas toute nue, On purge bébé
Georges Courteline : La peur des coups, Les Boulingrin
Jules Romains, Knock
Eugène Ionesco : La Cantatrice chauve, La leçon

Visée sociale et politique de la satire


Promouvoir la raison
Voltaire, Zadig, Le monde comme il va, Jeannot et Colin
Montesquieu, Lettres persanes

Satire politique : dénoncer


Saint-Simon, Mémoires, IV, 951-952
La Bruyère, Les Caractères, « De la cour », 19
Chamfort, Maximes et pensées, 1001 et 1101
Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre 37
Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, quatrième partie, « Voyage chez les Houyhnhnms »,
chapitre 6
Victor Hugo, Les Châtiments, III, III ; VI, I
Alfred Jarry, Ubu roi
Presse et caricatures : Le Charivari, La Caricature, Le Canard enchaîné, Charlie Hebdo, Les
Guignols de l’info

Relire les Fables : héritage et réinterprétations


“La grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf” (Phèdre, Horace, La Fontaine)
“Les membres et l’estomac” (Tite-Live, La Fontaine)
“Les grenouilles qui demandent un roi” (Esope, La Fontaine)
“Les Animaux malades de la peste”
“Les loups et les brebis”
Les Fables de La Fontaine et Hitler, illustrées par J.Y. Mass et D. Collot

Faire évoluer la société par le rire : des comédies pour toucher la société
Marivaux, L’île des esclaves
Mark Herman, Les Virtuoses
Peter Cattaneo, The Full Monty
Eric Toledano, Intouchables

Des mondes imaginaires pour regarder le monde contemporain


François Rabelais, Gargantua, Pantagruel
Jonathan Swift, Voyage à Lilliput
George Orwell, La ferme des animaux
Terry Gilliam, Brazil
Charlie Chaplin, Les Temps modernes, Le Dictateur
Ernst Lubitsch, To be or not to be

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

Des regards pour dénoncer


Le regard de l’enfant, du naïf - l’enfant révélateur de notre société
Gavroche
Jules Renard, Poil de carotte
Louis Pergaud, La guerre des boutons (livre / film)
Riyad Satouf, L’Arabe du futur

Le regard de l’étranger
Amélie Nothomb, Stupeur et tremblements
Montesquieu, Les Lettres persanes
Voltaire : Micromégas, L’Ingénu

Détourner pour réfléchir : la comédie du langage


Samuel Beckett, En attendant Godot (“Et si on se pendait”)
Raymond Devos, Sans dessus dessous, “Parler pour ne rien dire”
Tardieu : La comédie du langage, La comédie de la comédie, La comédie du drame
Ionesco, La cantatrice chauve
Flaubert, Bouvard et Pécuchet (inauguration du jardin pensé dans le goût romantique…)
Céline, Voyage au bout de la nuit (écriture aux antipodes des épopées : « Le colonel déambulait
à deux pas… »)
La Fontaine, fables héroï-comiques (“Le rat qui s’est retiré du monde”...)

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Vivre en société, participer à la société

Dénoncer les travers de la société

Groupement de textes :
faire rire à ses dépens.
Quand la satire est servie par la parole
des personnages
Corpus
• Molière, Le Misanthrope, 1666.
• Montesquieu, Lettres Persanes, 1721.
• Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour, 1834.
• Albert Cohen, Belle du Seigneur, 1968.

Ce corpus présente des extraits de pièces de théâtre et de romans d’auteurs du XVIIe, XVIIIe,
XIXe et XXe siècles. Ces textes, axés sur le comique de caractère, montrent comment les person-
nages se discréditent par leurs propres paroles, qu’il s’agisse d’une conversation mondaine où la
véritable cible de la satire est le personnage médisant, d’échanges secrets de « beaux esprits »
incapables de spontanéité, d’un monologue ridiculisant un glouton par le décalage entre la situa-
tion triviale et le langage employé, ou de paroles rapportées aux styles direct et indirect libre
faisant émerger tout le cocasse d’une situation romanesque.

Texte 1
Alors qu’Alceste dénonce l’hypocrisie qui règne à la cour, il s’est épris de Célimène, une coquette
à « l’esprit médisant » (v.219), la préférant à sa cousine, « la sincère Éliante » (v. 215). Philinte,
son ami, s’étonne de ce choix.

Dans la scène 4 de l’Acte II, deux marquis, Acaste et Clitandre, accompagnés d’Éliante et
Philinte, rendent visite à Célimène, interrompant son tête-à-tête avec Alceste. La conversation
de salon prend le ton de la satire. La langue de Célimène se délie, encouragée par les
marquis, pour brosser le portrait cinglant de quelques personnages de cour. Mais à travers
ces portraits-épigrammes, c’est davantage le caractère médisant de la jeune veuve qui est
dénoncé que les travers de ses contemporains.

ÉLIANTE, PHILINTE, ACASTE, CLITANDRE, ALCESTE, CÉLIMÈNE, BASQUE


CLITANDRE
Parbleu ! je viens du Louvre, où Cléonte, au levé,
Madame, a bien paru ridicule achevé.
N’a-t-il point quelque ami qui pût, sur ses manières,
D’un charitable avis lui prêter les lumières ?

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

CÉLIMÈNE
Dans le monde, à vrai dire, il se barbouille fort,
Partout il porte un air qui saute aux yeux d’abord ;
Et lorsqu’on le revoit après. un peu d’absence,
On le retrouve encor plus plein d’extravagance.

ACASTE
Parbleu ! s’il faut parler de gens extravagants,
Je viens d’en essuyer un des plus fatigants :
Damon, le raisonneur, qui m’a, ne vous déplaise,
Une heure, au grand soleil, tenu hors de ma chaise.

CÉLIMÈNE
C’est un parleur étrange, et qui trouve toujours
L’art de ne vous rien dire avec de grands discours ;
Dans les propos qu’il tient, on ne voit jamais goutte,
Et ce n’est que du bruit que tout ce qu’on écoute.

ÉLIANTE, à Philinte.
Ce début n’est pas mal ; et contre le prochain
La conversation prend un assez bon train.

CLITANDRE
Timante encor, Madame, est un bon caractère.

CÉLIMÈNE
C’est de la tête aux pieds un homme tout mystère,
Qui vous jette en passant un coup d’œil égaré,
Et, sans aucune affaire, est toujours affairé.
Tout ce qu’il vous débite en grimaces abonde ;
À force de façons, il assomme de monde ;
Sans cesse, il a, tout bas, pour rompre l’entretien
Un secret à vous dire, et ce secret n’est rien ;
De la moindre vétille il fait une merveille,
Et jusques au bonjour, il dit tout à l’oreille ;

ACASTE
Et Géralde, Madame ?

CÉLIMÈNE
Ô l’ennuyeux conteur !
Jamais on ne le voit sortir du grand seigneur ;
Dans le brillant commerce il se mêle sans cesse,
Et ne cite jamais que duc, prince ou princesse :
La qualité l’entête ; et tous ses entretiens
Ne sont que de chevaux, d’équipage et de chiens ;
Il tutaye en parlant ceux du plus haut étage,
Et le nom de Monsieur est chez lui hors d’usage.

CLITANDRE
On dit qu’avec Bélise il est du dernier bien.
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Dénoncer les travers de la société

CÉLIMÈNE
Le pauvre esprit de femme, et le sec entretien !
Lorsqu’elle vient me voir, je souffre le martyre :
Il faut suer sans cesse à chercher que lui dire,
Et la stérilité de son expression
Fait mourir à tous coups la conversation.
En vain, pour attaquer son stupide silence,
De tous les lieux communs vous prenez l’assistance :
Le beau temps et la pluie, et le froid et le chaud
Sont des fonds qu’avec elle on épuise bientôt.
Cependant sa visite, assez insupportable,
Traîne en une longueur encore épouvantable ;
Et l’on demande l’heure, et l’on bâille vingt fois,
Qu’elle grouille aussi peu qu’une pièce de bois.

ACASTE
Que vous semble d’Adraste ?

CÉLIMÈNE
Ah ! quel orgueil extrême !
C’est un homme gonflé de l’amour de soi-même.
Son mérite jamais n’est content de la cour :
Contre elle il fait métier de pester chaque jour,
Et l’on ne donne emploi, charge ni bénéfice,
Qu’à tout ce qu’il se croit on ne fasse injustice.

CLITANDRE
Mais le jeune Cléon, chez qui vont aujourd’hui
Nos plus honnêtes gens, que dites-vous de lui ?

CÉLIMÈNE
Que de son cuisinier il s’est fait un mérite,
Et que c’est à sa table à qui l’on rend visite.

ÉLIANTE
Il prend soin d’y servir des mets fort délicats.

CÉLIMÈNE
Oui ; mais je voudrois bien qu’il ne s’y servît pas :
C’est un fort méchant plat que sa sotte personne,
Et qui gâte, à mon goût, tous les repas qu’il donne.

PHILINTE
On fait assez de cas de son oncle Damis :
Qu’en dites-vous, Madame ?

CÉLIMÈNE
Il est de mes amis.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

PHILINTE
Je le trouve honnête homme, et d’un air assez sage.

CÉLIMÈNE
Oui ; mais il veut avoir trop d’esprit, dont j’enrage ;
Il est guindé sans cesse ; et dans tous ses propos,
On voit qu’il se travaille à dire de bons mots.
Depuis que dans la tête il s’est mis d’être habile,
Rien ne touche son goût, tant il est difficile ;
Il veut voir des défauts à tout ce qu’on écrit,
Et pense que louer n’est pas d’un bel esprit,
Que c’est être savant que trouver à redire,
Qu’il n’appartient qu’aux sots d’admirer et de rire,
Et qu’en n’approuvant rien des ouvrages du temps,
Il se met au-dessus de tous les autres gens ;
Aux conversations même il trouve à reprendre :
Ce sont propos trop bas pour y daigner descendre ;
Et les deux bras croisés, du haut de son esprit
Il regarde en pitié tout ce que chacun dit.

Molière, Le Misanthrope (Acte II, scène 4, vers 567 à 644), 1666.

Texte 2
Dans Les Lettres Persanes, roman épistolaire livrant le regard étonné de deux persans sur le
monde occidental, Rica et Ubsek correspondent avec leurs amis restés en Perse. Après un an
passé ensemble - ils sont arrivés en France en juin 1712 -, leurs chemins se séparent.

Rica, régulièrement témoin d’étranges scènes, se plaît à prendre la plume pour conter ses
mésaventures à Usbek. Dans cette missive, il rapporte une conversation, surprise sur le vif,
entre deux « beaux esprits ».

RICA A USBEK. A ***.


J’étais ce matin dans ma chambre, qui, comme tu sais, n’est séparée des autres que par une
cloison fort mince et percée en plusieurs endroits ; de manière qu’on entend tout ce qui se dit
dans la chambre voisine. Un homme, qui se promenait à grand pas, disait à un autre : « Je ne
sais ce que c’est, mais tout se tourne contre moi ; il y a plus de trois jours que je n’ai rien dit
qui m’ait fait honneur, et je me suis trouvé confondu1 pêle-mêle2 dans toutes les conversations,
sans qu’on ait fait la moindre attention à moi, et qu’on m’ait deux fois adressé la parole.
J’avais préparé quelques saillies3 pour relever mon discours ; jamais on n’a voulu souffrir que
je les fisse venir. J’avais un conte fort joli à faire ; mais à mesure que j’ai voulu l’approcher,
on l’a esquivé comme si on l’avait fait exprès. J’ai quelques bons mots, qui, depuis quatre
jours, vieillissent dans ma tête, sans que j’en aie pu faire le moindre usage. Si cela continue,
je crois qu’à la fin je serai un sot : il semble que ce soit mon étoile, et que je ne puisse m’en
dispenser. Hier, j’avais espéré de briller avec trois ou quatre vieilles femmes qui certainement
ne m’en imposent point, et je devais dire les plus jolies choses du monde : je fus plus d’un
quart d’heure à diriger ma conversation ; mais elles ne tinrent jamais un propos suivi, et elles
coupèrent, comme des Parques fatales4, le fil de tous mes discours.

1. Confondu : mêlé.
2. Pêle-mêle : dans un désordre complet.
3. Saillies : traits d’esprit.

4. Parques : trois déesses qui filent et tranchent les fils de la vie humaine (Clotho, Lachésis, Atropos).
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

Veux-tu que je te dise ? La réputation de bel esprit coûte bien à soutenir. Je ne sais comment
tu as fait pour y parvenir. - Il me vient dans l’idée une chose, reprit l’autre : travaillons de
concert à nous donner de l’esprit ; associons-nous pour cela. Chaque jour, nous nous dirons
de quoi nous devons parler, et nous nous secourrons si bien que, si quelqu’un vient nous
interrompre au milieu de nos idées, nous l’attirerons nous-mêmes, et s’il ne veut pas venir de
bon gré, nous lui ferons violence. Nous conviendrons des endroits où il faudra approuver, de
ceux où il faudra sourire, des autres où il faudra rire tout à fait et à gorge déployée. Tu verras
que nous donnerons le ton à5 toutes les conversations, et qu’on admirera la vivacité de notre
esprit et le bonheur de nos reparties. Nous nous protégerons par des signes de tête mutuels.
Tu brilleras aujourd’hui ; demain tu seras mon second. J’entrerai avec toi dans une maison,
et je m’écrierai en te montrant : « Il faut que je vous dise une réponse bien plaisante que
Monsieur vient de faire à un homme que nous avons trouvé dans la rue. » Et je me tournerai
vers toi : « Il ne s’y attendait pas ; il a été bien étonné. » Je réciterai quelques-uns de mes vers,
et tu diras : « J’y étais quand il les fit ; c’était dans un souper, et il ne rêva6 pas un moment. »
Souvent même nous nous raillerons7, toi et moi, et l’on dira : « Voyez comme ils s’attaquent,
comme ils se défendent ! Ils ne s’épargnent pas. Voyons comment il sortira de là.
À merveille ! Quelle présence d’esprit ! Voilà une véritable bataille. » Mais on ne dira pas que
nous nous étions escarmouchés8 dès la veille. Il faudra acheter de certains livres qui sont des
recueils de bons mots composés à l’usage de ceux qui n’ont point d’esprit et qui en veulent
contrefaire9 : tout dépend d’avoir des modèles. Je veux qu’avant six mois nous soyons en état
de tenir une conversation d’une heure toute remplie de bons mots. Mais il faudra avoir une
attention : c’est de soutenir leur fortune10. Ce n’est pas assez de dire un bon mot, il faut le
répandre et le semer partout. Sans cela, autant de perdu ; et je t’avoue qu’il n’y a rien de si
désolant que de voir une jolie chose qu’on a dite mourir dans l’oreille d’un sot qui l’entend.
Il est vrai que souvent il y a une compensation, et que nous disons aussi bien des sottises
qui passent incognito ; et c’est la seule chose qui peut nous consoler dans cette occasion.
Voilà, mon cher, le parti qu’il nous faut prendre. Fais ce que je te dirai, et je te promets avant
six mois une place à l’Académie. C’est pour te dire que le travail ne sera pas long, car pour
lors tu pourras renoncer à ton art11 ; tu seras homme d’esprit, malgré que tu en aies12. On
remarque en France que, dès qu’un homme entre dans une compagnie, il prend d’abord ce
qu’on appelle l’esprit du corps13. Tu seras de même, et je ne crains pour toi que l’embarras des
applaudissements ».

À Paris, le 6 de la lune de Zilcadé, 1714.


Montesquieu, Lettres persanes, LETTRE LIV, 1721

5. Nous donnerons le ton à : nous dirigerons.


6. Rêva : Réfléchit, chercha.
7. Nous nous raillerons : nous nous moquerons.
8. Escarmouchés : Accrochés, combattus.
9. Contrefaire : imiter.
10. Fortune : destinée.
11. Renoncer à ton art : renoncer à ton travail.
12. Bien que tu en aies.
13. Esprit de corps : Fonds d’idées qui oriente l’action d’une collectivité. Texte 3
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

Texte 3
Lorsque Perdican, le fils du baron, revient chez lui après des années d’étude, il est accompagné de
Maître Blazius, son gouverneur. Le Baron présente ce dernier à Maître Bridaine, le curé du village.
Mais Bridaine ne digère pas le repas donné en l’honneur du retour de Perdican : lors de celui-ci
Blazius, qu’il considère désormais comme son rival, s’est vu attribuer « la place d’honneur », à la
droite du baron.

La scène 2 de l’acte II, empreinte d’héroï-comique, dévoile toute la gourmandise et le ridicule


de Bridaine.

La salle à manger. - On met le couvert.


Entre MAITRE BRIDAINE.

Cela est certain, on lui donnera encore aujourd’hui la place d’honneur. Cette chaise
que j’ai occupée si longtemps à la droite du baron sera la proie du gouverneur. ô malheureux
que je suis ! Un âne bâté, un ivrogne sans pudeur, me relègue au bas bout de la table ! Le
majordome lui versera le premier verre de Malaga, et lorsque les plats arriveront à moi, ils
seront à moitié froids, et les meilleurs morceaux déjà avalés ; il ne restera plus autour des
perdreaux ni choux ni carottes. ô sainte Église catholique ! Qu’on lui ait donné cette place
hier, cela se concevait ; il venait d’arriver ; c’était la première fois, depuis nombre d’années,
qu’il s’asseyait à cette table. Dieu ! comme il dévorait ! Non, rien ne me restera que des os et
des pattes de poulet. Je ne souffrirai pas cet affront. Adieu, vénérable fauteuil où je me suis
renversé tant de fois gorgé de mets succulents ! Adieu, bouteilles cachetées, fumet sans pareil
de venaisons cuites à point ! Adieu, table splendide, noble salle à manger, je ne dirai plus le
bénédicité ! Je retourne à ma cure ; on ne me verra pas confondu parmi la foule des convives,
et j’aime mieux, comme César, être le premier au village que le second dans Rome.
Il sort.
Alfred de Musset, On ne badine pas avec l’amour (Acte II scène 2), 1834.

Texte 4
Solal travaille à Genève. Il occupe un poste prestigieux, celui de sous-secrétaire général de la
Société des Nations. Pour faire plaisir à Mangeclous, un excentrique cousin venu lui rendre visite,
il le charge de remettre une lettre à la femme d’Adrien Deume, un jeune fonctionnaire de la SDN.
Ravi de se voir confier cette mission de représentation, Mangeclous s’en va dans la demeure
des Deume. Sa tenue de cérémonie et le cordon honorifique dont il a orné sa poitrine font grand
effet sur Hyppolite Deume, le père d’Adrien, auquel il se présente comme un aristocrate anglais.
Mangeclous lui remet la lettre et prétexte un « goûter par procuration », pour se mettre en quête
de nourriture dans les placards.

Coiffé de son haut-de-forme14, il entra dans la cuisine, suivi de M. Deume auquel il ordonna
de s’asseoir pendant qu’il étudierait les possibilités. Son frac15 ôté pour plus de liberté dans
les mouvements, mais la poitrine toujours barrée du grand cordon de la Légion d’honneur,
il se dirigea vers le frigidaire, essaya de l’ouvrir. M. Deume expliqua aussitôt, non sans gêne,
que son épouse avait fait mettre une serrure et que c’était elle qui gardait la clef. Vraiment, il
regrettait beaucoup. Devinant bien des choses, Mangeclous le réconforta par une tape sur la
joue, dit qu’on se débrouillerait tout de même.

14. Haut-de-forme : Chapeau d’homme en soie, haut et cylindrique, à bord plus ou moins larges.
15. Frac : Habit noir à basques en queue de morue.
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

— Ne vous inquiétez pas, mon cher, je vais perquisitionner et j’arriverai à mes fins. J’ai
l’habitude.
Assis, le tourneboulé petit phoque suivit du regard les allées et venues du sifflotant
grand-croix dans ses recherches méthodiques, ouvrant les tiroirs, inspectant les armoires et
annonçant, l’une après l’autre, ses trouvailles. Trois boîtes de sardines ! Une de thon ! Assez
ordinaire comme hors-d’œuvre, mais tant pis ! Un pain entier ! Des biscuits à la noix de coco !
Un pot de confiture ! Une boîte de tripes à la milanaise ! Une de cassoulet !
Quelle aventure, pensait M. Deume. Evidemment, les Anglais nobles et riches étaient
tous des excentriques , il l’avait toujours entendu dire. Excentrique, ce monsieur, d’accord,
mais en tous cas important, ça se voyait, son genre, sa manière de parler, et puis la même
décoration que le président de la République. Donc, le laisser faire, ne pas le fâcher, d’autant
que ça pourrait faire tort à Didi. Oh là là, c’était l’émotion sûrement.
— Ze m’excuse, milord , ze reviens dans quelques minutes.
— Allez, mon cher, prenez tout votre temps. En attendant, je mettrai à chauffer les tripes et le
cassoulet.

En ce qu’il appelait le petit endroit, M. Deume méditait. Vraiment, quelle aventure. Original,
bien sûr, mais gentil aussi tout de même, prenant les choses du bon côté, voulant aider. Et
pourtant, un monsieur de la haute, fier et en même temps pas fier, vous mettant à l’aise. Il
n’aurait quand même pas pensé qu’un lord anglais saurait s’occuper de tripes et de cassoulet,
et puis de chercher partout dans les armoires, et de bonne humeur encore. Ces Anglais tout
de même. Un goûter avec des conserves, c’était quand même drôle. Enfin, c’était vrai que
les Anglais aimaient bien les petits déjeuners copieux, c’était peut-être la même chose pour
les goûters. Un goûter par procuration , drôle aussi, mais évidemment c’était vrai que c’était
connu que les grands personnages se faisaient représenter aux enterrements, aux mariages,
aux banquets, il l’avait souvent lu dans le journal. N’empêche, ce monsieur aurait mieux fait
de venir hier soir pour la chose de la procuration, il aurait trouvé tout prêt, pas à l’improviste
comme aujourd’hui. (…) Si au moins Antoinette avait laissé la clef du frigidaire, il aurait
proposé à ce monsieur de manger le reste de caviar. Enfin, le laisser faire à son idée, surtout à
cause de Didi .
Albert Cohen, Belle du Seigneur (XXV), 1968
Éditions Gallimard nrf, p.228-229, Saint-Armand, 11 janvier 2003.

16. Perquisitionner : Fouiller.

17. Tourneboulé : (fam.) bouleversé.


18. Le petit phoque : Surnom que donne le narrateur au personnage d’Hyppolite Deume, victime d’un zézaiement.
19. Grand-croix : celui qui a le grade le plus élevé.
20. Anglais : Mangeclous, en quête de prestige, s’est accoutré d’une étrange façon –outre son costume, il est venu avec
une canne de golf- et s’est présenté comme étant un aristocrate anglais.
21. Excentriques : originaux.
22. Titre donné en France aux lords et pairs d’Angleterre.
23. Lord : titre de noblesse en Angleterre.
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

Lecture cursive :
Molière, Les précieuses ridicules, 1657.
Genre : comédie en un acte.

Résumé : Magdelon et sa cousine Cathos, fraîchement arrivées à Paris, éconduisent leurs


prétendants sous prétexte qu’ils ne suivent pas les codes du parfait amant que l’on retrouve
dans les romans précieux. Ayant décidé de se rebaptiser « Polyxène » et « Aminte » et usant
de périphrases ridicules et incompréhensibles pour leur servante, les jeunes provinciales se
discréditent en tombant dans le piège ourdi par leurs prétendants déçus. Ceux-ci ont déguisé
leurs valets en Marquis et Vicomte, et leur ont demandé de venir conter fleurette aux deux
cousines.

Mots clés : satire, préciosité, galanterie, carte de Tendre, romans précieux, mariage, comique
de caractère, naïveté, vanité, duperie.

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les professionnels de l’éducation CYCLES 2 3 4
FRANÇAIS
Vivre en société, participer à la société

Dénoncer les travers de la société

Groupement de textes :
le pouvoir politique.
Rire de ceux qui nous gouvernent

Corpus
• La Bruyère, Les Caractères, « De la cour », 19, 1688
• Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre 37, 1721
• Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, quatrième partie, « Voyage chez les Houyhnhnms »,
chapitre 6, 1721
• Victor Hugo, Les Châtiments, Livre III, « Fable ou histoire », 1852
• Alfred Jarry, Ubu roi, III,2, 1896

Le corpus présente des œuvres des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles de différents genres : étude des
caractères et des mœurs, roman, poésie, théâtre. Tous ont une visée satirique et dénoncent les
dysfonctionnements du pouvoir politique en jetant le discrédit sur ceux qui gouvernent. L’am-
plitude des registres, du comique au burlesque, et les effets de grossissement de la caricature
retiennent l’attention du lecteur, qui se divertit en prenant une revanche sur la réalité. On peut
ainsi s’interroger sur les limites de la satire comme littérature de l’engagement. Aujourd’hui la
parole satirique occupe essentiellement la presse qui donne une large place au dessin, langage
universel de communication pour commenter une actualité mondialisée.

Texte 1
Auteur classique et moraliste du XVIIe siècle, La Bruyère dépeint dans Les Caractères les
mœurs de ses contemporains. Ainsi l’auteur déplore l’absence de mérite personnel des politiques,
mauvais conseillers du roi. Le chapitre « De la cour » consacré aux courtisans de Louis XIV offre
une galerie des ridicules à travers des portraits satiriques comme ceux de Cimon et Clitandre,
ministres toujours en mouvement, ambitieux et incapables.

Ne croirait-on pas de Cimon et de Clitandre qu’ils sont seuls chargés des détails de tout
l’État, et que seuls aussi ils en doivent répondre ? L’un a du moins les affaires de terre, et
l’autre les maritimes. Qui pourrait les représenter exprimerait l’empressement, l’inquiétude,
la curiosité, l’activité, saurait peindre le mouvement. On ne les a jamais vus assis, jamais
fixes et arrêtés : qui même les a vus marcher ? on les voit courir, parler en courant, et
vous interroger sans attendre de réponse. Ils ne viennent d’aucun endroit, ils ne vont nulle
part : ils passent et ils repassent. Ne les retardez pas dans leur course précipitée, vous
démonteriez leur machine ; ne leur faites pas de questions, ou donnez-leur du moins le
temps de respirer et de se ressouvenir qu’ils n’ont nulle affaire, qu’ils peuvent demeurer
avec vous et longtemps, vous suivre même où il vous plaira de les emmener. Ils ne sont pas
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

les Satellites de Jupiter, je veux dire ceux qui pressent et qui entourent le prince, mais ils
l’annoncent et le précèdent ; ils se lancent impétueusement dans la foule des courtisans ;
tout ce qui se trouve sur leur passage est en péril. Leur profession est d’être vus et revus,
et ils ne se couchent jamais sans s’être acquittés d’un emploi si sérieux et si utile à la
république. Ils sont au reste instruits à fond de toutes les nouvelles indifférentes, et ils savent
à la cour tout ce que l’on peut y ignorer ; il ne leur manque aucun des talents nécessaires
pour s’avancer médiocrement. Gens néanmoins éveillés et alertes sur tout ce qu’ils croient
leur convenir, un peu entreprenants, légers et précipités. Le dirai-je ? ils portent au vent,
attelés tous deux au char de la Fortune, et tous deux fort éloignés de s’y voir assis.
La Bruyère, Les Caractères, « De la cour », 19, 1688

Texte 2
Usbek est un voyageur persan, il séjourne à Paris et correspond avec son ami Ibben resté à
Smyrne (aujourd’hui Izmir en Turquie). La fiction du roman par lettres permet à Montesquieu
de tenir des propos critiques grâce au regard étranger qui se veut naïf. Dans la lettre 37, Usbek
compare le gouvernement de Louis XIV avec celui du sultan qui lui est familier, faisant ressortir
toutes les incohérences de la monarchie française. Sa liberté de ton compose une satire mordante
du roi.

Usbek à Ibben
À Smyrne.
Le roi de France est vieux. Nous n’avons point d’exemple dans nos histoires d’un
monarque qui ait si longtemps régné. On dit qu’il possède à un très haut degré le talent de
se faire obéir : il gouverne avec le même génie sa famille, sa cour, son état : on lui a souvent
entendu dire que, de tous les gouvernements du monde, celui des Turcs, ou celui de notre
auguste sultan, lui plairait le mieux ; tant il fait cas de la politique orientale !
J’ai étudié son caractère, et j’y ai trouvé des contradictions qu’il m’est impossible de
résoudre : par exemple, il a un ministre qui n’a que dix-huit ans, et une maîtresse qui en a
quatre-vingts : il aime sa religion, et il ne peut souffrir ceux qui disent qu’il la faut observer à la
rigueur : quoiqu’il fuie le tumulte des villes, et qu’il se communique peu, il n’est occupé depuis
le matin jusqu’au soir, qu’à faire parler de lui : il aime les trophées et les victoires ; mais il
craint autant de voir un bon général à la tête de ses troupes, qu’il aurait sujet de le craindre à
la tête d’une armée ennemie. Il n’est, je crois, jamais arrivé qu’à lui, d’être, en même temps,
comblé de plus de richesses qu’un prince n’en saurait espérer, et accablé d’une pauvreté qu’un
particulier ne pourrait soutenir.
Il aime à gratifier ceux qui le servent ; mais il paie aussi libéralement les assiduités, ou
plutôt l’oisiveté de ses courtisans, que les campagnes laborieuses de ses capitaines : souvent
il préfère un homme qui le déshabille, ou qui lui donne la serviette lorsqu’il se met à table,
à un autre qui lui prend des villes ou lui gagne des batailles : il ne croit pas que la grandeur
souveraine doive être gênée dans la distribution des grâces ; et, sans examiner si celui qu’il
comble de biens est homme de mérite, il croit que son choix va le rendre tel : aussi lui a-t-on
vu donner une petite pension à un homme qui avait fui deux lieues, et un beau gouvernement à
un autre qui en avait fui quatre.
Il est magnifique, surtout dans ses bâtiments : il y a plus de statues dans les jardins de
son palais que de citoyens dans une grande ville. Sa garde est aussi forte que celle du prince
devant qui tous les trônes se renversent ; ses armées sont aussi nombreuses, ses ressources
aussi grandes, et ses finances aussi inépuisables.
De Paris, le 7 de la lune de Maharran, 1713.
Montesquieu, Les Lettres persanes, lettre 37, 1721

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Dénoncer les travers de la société

Texte 3
Les voyages de Gulliver est un roman satirique : Gulliver, sujet de la couronne d’Angleterre,
découvre des pays imaginaires dont il décrit les habitants et leurs coutumes. Pour son dernier
voyage, Gulliver arrive chez les Houyhnhnms, chevaux intelligents et sages qui ont asservi les
Yahoos, êtres humains sauvages à l’apparence répugnante. Notre héros, semblable à un Yahoo,
est recueilli par un Houyhnhnm qui devient son maître. Celui-ci s’étonne de son raffinement et
l’interroge sur l’organisation politique de son pays afin d’en comprendre le degré de civilisation.
(Le texte ci-dessous qui vise le ministre Walpole a été censuré en 1726, l’édition de référence est
celle de 1735.)

J’avais déjà eu l’occasion de m’entretenir avec mon maître sur l’art du gouvernement
en général et, en particulier, sur notre excellente Constitution, qui nous vaut l’envie et
l’admiration du monde entier. Mais comme j’avais cette fois parlé accidentellement de
ministres d’Etat, il me demanda un peu plus tard de bien définir les Yahoos que je désignais
sous cette appellation.
Essayons d’en dépeindre un : il s’agit d’un homme complètement insensible à la
joie comme à la peine, à l’amour comme à la haine, à la pitié comme à la colère, bref, qui ne
possède aucune autre passion qu’un violent désir de richesse, de pouvoir, de titres. Il se sert
donc de sa parole de toutes les manières possibles, sauf pour révéler sa pensée. Il ne dit
jamais une vérité sans vouloir vous la faire prendre pour un mensonge, ni un mensonge sans
vouloir vous le faire prendre pour une vérité. Ceux dont il parle le plus mal derrière leur dos
sont sûrement les mieux placés pour obtenir de l’avancement, et chaque fois qu’il se met à
faire votre éloge, soit devant les autres, soit à vous-même, vous êtes, dès ce jour, perdu. Mais
ce qui est particulièrement mauvais signe, c’est de recevoir une promesse, surtout quand elle
est appuyée par un serment. Dans ce cas, un homme raisonnable n’a plus qu’à se retirer, et à
renoncer à toute espérance.
Il y a trois moyens pour un homme d’arriver à être principal ministre. Le premier
est de mettre habilement en jeu une femme, une fille ou une sœur ; le second est de trahir
son prédécesseur ou de saper sa position ; le troisième est de montrer, dans les grandes
assemblées, un zèle furieux contre les corruptions de la Cour. Mais un prince avisé choisira
plutôt son premier ministre parmi ceux qui usent de ce troisième moyen, car c’est cette sorte
de zélateurs qui se montrent toujours les plus obséquieux, les plus servilement dévoués aux
volontés et aux passions de leur maître. Comme ces ministres disposent de tous les postes à
pourvoir, ils se maintiennent au gouvernement en achetant la majorité d’un Sénat, ou Grand
Conseil, ou aussi grâce à un expédient appelé Acte d’Indemnité (j’expliquai à mon maître en
quoi il consistait) ; ils se dispensent ainsi d’avoir à rendre des comptes, et se retirent de la vie
publique, chargés des dépouilles de la nation.
Le palais d’un principal ministre est une pépinière de politiciens comme lui : les
pages, les laquais, les portiers, suivant l’exemple de leur maître, deviennent des ministres
d’État, chacun dans son département, et s’efforcent d’exceller en ces trois matières
principales : insolence, mensonge, corruption. Ainsi chacun d’eux vit-il au milieu d’une cour
subalterne, et leurs courtisans sont des personnes d’un rang très élevé ; parfois même,
à force de dextérité et d’impudence, ils arrivent d’étape en étape à succéder à leur propre
seigneur.
Celui-ci est généralement dominé par une ancienne catin déchue ou un valet favori, qui sont le
canal par où passent toutes les faveurs, et peuvent être, au sens propre, appelés gouvernants
en dernier ressort du Royaume.
Jonathan Swift, Voyages de Gulliver, quatrième partie,
« Voyage chez les Houyhnhnms », chapitre 6, 1721
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Dénoncer les travers de la société

Texte 4
Les poèmes du recueil Les Châtiments sont écrits par Victor Hugo à la suite du coup d’État de
1851 par Louis-Napoléon qui deviendra Napoléon III. La colère et l’indignation du poète disent
le scandale de la prise de pouvoir par Napoléon-Le-Petit réduit à la figure grotesque du singe
dans le poème, vil imitateur du modèle mythique que représente Napoléon Ier. La dénonciation
véhémente du « brigand » fait de la parole poétique une parole politique destinée à éveiller les
consciences.

Fable ou histoire
Un jour, maigre et sentant un royal appétit,
Un singe d’une peau de tigre se vêtit.
Le tigre avait été méchant, lui, fut atroce.
Il avait endossé le droit d’être féroce.
Il se mit à grincer des dents, criant : Je suis
Le vainqueur des halliers, le roi sombre des nuits !
Il s’embusqua, brigand des bois, dans les épines
Il entassa l’horreur, le meurtre, les rapines,
Egorgea les passants, dévasta la forêt,
Fit tout ce qu’avait fait la peau qui le couvrait.
Il vivait dans un antre, entouré de carnage.
Chacun, voyant la peau, croyait au personnage.
Il s’écriait, poussant d’affreux rugissements :
Regardez, ma caverne est pleine d’ossements ;
Devant moi tout recule et frémit, tout émigre,
Tout tremble ; admirez-moi, voyez, je suis un tigre !
Les bêtes l’admiraient, et fuyaient à grands pas.
Un belluaire vint, le saisit dans ses bras,
Déchira cette peau comme on déchire un linge,
Mit à nu ce vainqueur, et dit : Tu n’es qu’un singe !
Jersey, le 6 novembre 1852.
Victor Hugo, Les Châtiments, Livre III, 1852

Texte 5
Ubu Roi est une farce bouffonne, proche du théâtre de marionnettes, qui met en scène la prise
du pouvoir par Ubu, personnage caractérisé par la bêtise, la cruauté et l’avarice. Après avoir
assassiné le roi de Pologne et ses deux fils, Ubu installé sur le trône décide de grandes réformes.
La pièce peut se lire comme une satire féroce du pouvoir ou encore une parodie du théâtre à
travers la mise en cause du langage.

LA GRANDE SALLE DU PALAIS


PÈRE UBU, MÈRE UBU, OFFICIERS ET SOLDATS ; GIRON, PILE, COTICE, NOBLES
ENCHAINÉS, FINANCIERS, MAGISTRATS, GREFFIERS.
PÈRE UBU
Apportez la caisse à Nobles et le crochet à Nobles et le couteau à Nobles et le bouquin
à Nobles ! ensuite, faites avancer les Nobles.
On pousse brutalement les Nobles.
MÈRE UBU
De grâce, modère-toi, Père Ubu.
PÈRE UBU
J’ai l’honneur de vous annoncer que pour enrichir le royaume je vais faire périr tous
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les Nobles et prendre leurs biens.


NOBLES
Horreur ! à nous, peuple et soldats !
PÈRE UBU
Amenez le premier Noble et passez-moi le crochet à Nobles. Ceux qui seront
condamnés à mort, je les passerai dans la trappe, ils tomberont dans les sous-sols du
Pince-Porc et de la Chambre-à-Sous, où on les décervèlera. (Au Noble.) Qui es-tu,
bouffre ?
LE NOBLE
Comte de Vitepsk.
PÈRE UBU
De combien sont tes revenus ?
LE NOBLE
Trois millions de rixdales.
PÈRE UBU
Condamné !
Il le prend avec le crochet et le passe dans le trou.
MÈRE UBU
Quelle basse férocité !
PÈRE UBU
Second Noble, qui es-tu ? (Le Noble ne répond rien.) Répondras-tu, bouffre ?
LE NOBLE
Grand-duc de Posen.
PÈRE UBU
Excellent ! excellent ! Je n’en demande pas plus long. Dans la trappe. Troisième Noble,
qui es-tu ? tu as une sale tête.
LE NOBLE
Duc de Courlande, des villes de Riga, de Revel et de Mitau.
PÈRE UBU
Très bien ! très bien ! Tu n’as rien autre chose ?
LE NOBLE
Rien.
PÈRE UBU
Dans la trappe, alors. Quatrième Noble, qui es-tu ?
LE NOBLE
Prince de Podolie.
PÈRE UBU
Quels sont tes revenus ?
LE NOBLE
Je suis ruiné.
PÈRE UBU
Pour cette mauvaise parole, passe dans la trappe. Cinquième Noble, qui es-tu ?
LE NOBLE
Margrave de Thorn, palatin de Polock.
PÈRE UBU
Ca n’est pas lourd. Tu n’as rien autre chose ?

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

LE NOBLE
Cela me suffisait.
PÈRE UBU
Eh bien ! mieux vaut peu que rien. Dans la trappe. Qu’as-tu à pigner, Mère Ubu ?
MÈRE UBU
Tu es trop féroce, Père Ubu.
PÈRE UBU
Eh ! je m’enrichis. Je vais faire lire MA liste de MES biens. Greffier, lisez MA liste de
MES biens.
LE GREFFIER
Comté de Sandomir.
PÈRE UBU
Commence par les principautés, stupide bougre !
LE GREFFIER
Principauté de Podolie, grand-duché de Posen, duché de Courlande, comté de
Sandomir, comté de Vitepsk, palatinat de Polock, margraviat de Thorn.
PÈRE UBU
Et puis après ?
LE GREFFIER
C’est tout.
PÈRE UBU
Comment, c’est tout ! Oh bien alors, en avant les Nobles, et comme je ne finirai pas de
m’enrichir, je vais faire exécuter tous les Nobles, et ainsi j’aurai tous les biens vacants.
Allez, passez les Nobles dans la trappe.
On empile les Nobles dans la trappe.
Dépêchez-vous plus vite, je veux faire des lois maintenant.
PLUSIEURS
On va voir ça.
PÈRE UBU
Je vais d’abord réformer la justice, après quoi nous procéderons aux finances.
PLUSIEURS MAGISTRATS
Nous nous opposons à tout changement.
PÈRE UBU
Merdre. D’abord les magistrats ne seront plus payés.
MAGISTRATS
Et de quoi vivrons-nous ? Nous sommes pauvres.
PÈRE UBU
Vous aurez les amendes que vous prononcerez et les biens des condamnés à mort.
UN MAGISTRAT
Horreur.
DEUXIEME
Infamie.
TROISIEME
Scandale.
QUATRIEME
Indignité.

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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
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TOUS
Nous nous refusons à juger dans des conditions pareilles.
PÈRE UBU
A la trappe les magistrats !
Ils se débattent en vain.
MÈRE UBU
Eh ! que fais-tu, Père Ubu ? Qui rendra maintenant la justice ?
PÈRE UBU
Tiens ! moi. Tu verras comme ça marchera bien.
MÈRE UBU
Oui, ce sera du propre.
PÈRE UBU
Allons, tais-toi, bouffresque. Nous allons maintenant, messieurs, procéder aux
finances.
FINANCIERS
Il n’y a rien à changer.
PÈRE UBU
Comment, je veux tout changer, moi. D’abord je veux garder pour moi la moitié des
impôts.
FINANCIERS
Pas gêné.
PÈRE UBU
Messieurs, nous établirons un impôt de dix pour cent sur la propriété, un autre sur le
commerce et l’industrie, et un troisième sur les mariages et un quatrième sur les
décès, de quinze francs chacun.
PREMIER FINANCIER
Mais c’est idiot, Père Ubu.
DEUXIEME FINANCIER
C’est absurde.
TROISIEME FINANCIER
Ca n’a ni queue ni tête.
PÈRE UBU
Vous vous fichez de moi ! Dans la trappe, les financiers !
On enfourne les financiers.
MÈRE UBU
Mais enfin, Père Ubu, quel roi tu fais, tu massacres tout le monde.
PÈRE UBU
Eh merdre !
MÈRE UBU
Plus de justice, plus de finances.
PÈRE UBU
Ne crains rien, ma douce enfant, j’irai moi-même de village en village recueillir les
impôts.

Alfred Jarry, Ubu roi, III,2, 1896

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Lecture d’images : la caricature et le dessin de presse


Les caricatures d’Honoré Daumier
Site du ministère de la culture et de la communication, l’histoire par l’image : Louis-Philippe vu
par Daumier

Site de la BNF : l’œuvre de Daumier et une histoire de la caricature

Le second Empire caricaturé


Site du ministère de la culture et de la communication, l’histoire par l’image : Paul Hadol, la
ménagerie impériale

Le dessin de presse
Cartooning for peace est une fondation suisse créée en 2009 avec le soutien des Nations-Unies
à Genève pour sensibiliser aux grands problèmes de société par le dessin de presse. Co-
fondée par des dessinateurs de presse dont Plantu, elle propose des dossiers pédagogiques
téléchargeables. Ils sont classés par thème, par exemple « la guerre », « dessins de presse en
Méditerranée », et par niveau en fonction de l’âge.

Documentation : la presse satirique


Trois titres seulement de presse écrite sur papier paraissent encore aujourd’hui : deux
hebdomadaires Le Canard enchainé (390 000 exemplaires en 2014), Charlie Hebdo (250 000
exemplaires fin 2015) et un mensuel Siné mensuel (15 000 exemplaires en 2014).

Elle est très populaire dans les médias audiovisuels. Créés en 1988, les Guignols ou Guignols
de l’info, sont une parodie du journal télévisé avec des marionnettes qui caricaturent le monde
politique et les célébrités. Les imitateurs et les humoristes (Nicolas Canteloup, Laurent Gerra)
qui se sont emparés de la satire assurent le succès des émissions de grande écoute à la radio
et à la télévision.

Enfin la dérision et le second degré se trouvent abondamment sur le web, voici quelques titres
de journaux satiriques :
• Le Gorafi (satire du Figaro)
• Bakchich
• Urtikan
• Tomimag
• Desinformations.com

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Activités orales autour


d’une fable de La Fontaine :
« Le Rat qui s’est retiré du monde »

Compétences travaillées définies par les programmes


• Comprendre et interpréter des messages et des discours oraux complexes.
• S’exprimer de façon maîtrisée en s’adressant à un auditoire.
• Participer de façon constructive à des échanges oraux.
• Exploiter les ressources expressives et créatives de la parole.
Domaines du Socle : 1, 2, 3.

Texte support
Jean de la Fontaine, Fables, livre septième, Le Rat qui s’est retiré du monde, 1678.
De source inconnue, cette fable daterait de mai 1675 selon le recueil du manuscrit de l’Arsenal
et viserait des événements contemporains comme la protestation du clergé régulier vis à
vis de sa participation aux dépenses ordinaires et extraordinaires (la guerre de Hollande)
votée par l’assemblée générale du clergé de France. Jean-Pierre Collinet, dans les notes de
son édition en Pléiade, (Gallimard, 1991), suggère également qu’elle viserait, « plutôt que
le clergé français, le peu d’empressement témoigné (…) par les populations des Provinces-
Unies pour contribuer aux dépenses de guerre consécutives à l’invasion de leur pays par la
France en 1672. » Au printemps 1675, s’était également répandue la nouvelle que le Cardinal
de Retz renonçait à sa pourpre cardinalice pour se faire moine, et tous ses ennemis (dont
La Rochefoucauld) voyaient beaucoup de tartufferie dans ces velléités de retraite. Quoi qu’il
en soit, cette fable, héritière de la tradition anticléricale et parée du masque de la fiction
orientale, invite à réfléchir sur l’idéologie qui sous-tend les discours produits et trouve
l’universalité de son propos dans la satire qu’elle fait de l’égoïsme criminel de tous ceux qui se
désintéressent du destin collectif.

Enjeux littéraires et de formation personnelle définis par


les programmes
• Découvrir des œuvres, des textes et des images à visée satirique, relevant de différents
genres et formes, et d’arts différents.

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• Comprendre les raisons, les visées et les modalités de la satire, les effets d’ironie, de gros-
sissement, de rabaissement ou de déplacement dont elle joue, savoir en apprécier le sel et en
saisir la portée et les limites.
• S’interroger sur la dimension morale et sociale du comique satirique.

Problématique
Les intentions satiriques de Jean de la Fontaine, ici multiples, passent par une critique des
discours qui convie à distinguer le dire du faire. Dans cette fable, où les lisières du texte
invitent à lever le voile du conte oriental, il est question de l’attitude d’un dervis selon une
légende levantine ; mais les derniers vers appellent à réexaminer l’ouverture faussement
référentielle de la fable et le jeu infini des discours rapportés.

Objectifs d’apprentissage
La pratique de l’oral est la dominante de ces activités qui sont par ailleurs en lien avec le
travail des compétences de lecture, d’écriture, d’interprétation du texte littéraire et avec le
travail de la langue.

Il s’agit de conduire les élèves à entrer dans le genre codifié de la fable et de la satire en
identifiant la polyphonie des discours et en mesurant les enjeux d’une ironie qui ne cesse de
mettre en relief ce qu’elle feint de minimiser.

Les élèves peuvent être amenés à produire une intervention orale continue exposant les
résultats d’une recherche sur le sens de la fable et défendant un point de vue de façon
argumentée.

Ils apprennent également à tirer profit de l’analyse des différentes voix, des rythmes et des
sonorités qui s’y font entendre; ils apprennent à s’appuyer efficacement sur une préparation, à
s’engager dans une lecture à haute voix de manière claire et intelligible, à dire de mémoire un
texte littéraire.

Activités orales pouvant contribuer à faire vivre l’étude du


Rat qui s’est retiré du monde
Reformulation orale de la peinture du rat et des députés qui lui rendent visite
La satire du rat passe par la mise en scène de l’hypocrisie de son discours. Son refus de
s’engager s’exprime à travers les énallages et la rareté de ses interventions à la première
personne. Toujours dans le retrait, il multiplie les fausses questions et les exclamations,
les périphrases peu compromettantes (« choses d’ici-bas », « ceci »), les effets de fausse
sympathie (« mes amis »), l’expression de l’impuissance (« en quoi peut », « que peut-il »,
« j’espère »). Son argumentation, implacable, peut se lire comme une parodie du langage
théologique dans la mesure où la rapidité avec laquelle ce rat congédie ses interlocuteurs
confirme son entière absence de générosité.

La satire des députés est celle du discours-type de diplomates qui s’expriment de façon
sinueuse. Enjambements et variations de mètre l’attestent, tout comme le vocabulaire
utilisé : ce discours est à la fois vague ou minimisant (« quelque aumône légère », « en terre
étrangère », « quelque secours ») et insistant, puisqu’il s’allie à l’emphase (« sans argent »,
« l’état indigent de la République ») et au sublime (« Ratopolis »).

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Présentation orale des jeux de retraits au sein de la fable


Les députés, avec beaucoup de fausse modestie, minimisent leur requête (« ils demandaient
fort peu »).
Le rat mesure ses prières avec la même parcimonie que son aide matérielle. Donner n’est
d’ailleurs pas son fait mais celui de « Dieu » (vers 11) ou du Ciel (vers 28).

Partout présent, le fabuliste reste cependant également en retrait. Il l’est d’abord grâce au
masque de la fiction orientale rendue possible par l’invention des Levantins et du dervis,
d’ailleurs redoublé par celui d’une nouvelle religion : « ermite nouveau », le rat devient un
« nouveau Saint ». Il persiste ensuite dans ce retrait grâce au jeu des discours indirects libres
faisant entendre le rat et les députés. Il le demeure enfin à travers trois litotes présentes au
sein la fable. Elles révèlent l’habileté des détours diplomatiques venus réclamer « quelque
aumône légère, quelque secours », celle du discours religieux espérant « quelque souci »,
et de celle du fabuliste qui prend la posture de l’honnête homme « je suppose ». Si le rat,
vainqueur sur le plan de l’énoncé, reste maître de fermer sa porte, le fabuliste, maître de
l’humour, ferme sa fable en laissant au lecteur le soin de déduire ce qui peut l’être.

Étude d’illustrations
Des activités peuvent également être menées à partir d’illustrations (gravures et peintures
disponibles sur le net ou bien dans les manuels) ; demander aux élèves, de comparer ces
illustrations, d’en élire certaines et de les présenter à la classe en justifiant leurs choix.

Écoute attentive de différentes lectures


Trois lectures « volontairement fautives » dans leur débit, leur volume ou leur intonation, puis
une « bonne » lecture de la fable, (éventuellement préparées auparavant en version audio)
peuvent être proposées. À l’analyse du débit, du volume et de l’intonation de chacune des
lectures présentées peuvent succéder les trois activités qui suivent.

Travail du volume
Diction, projection de la parole, timbre et portée de la voix. Identification et mise en voix des
sonorités expressives. Lecture à haute voix de manière claire et intelligible.
On peut notamment se concentrer sur les vers 1 à 12 et étudier la virtuosité significative des
allitérations en d, l, r et des assonances en a, i, in, en.
Travail du débit
Articulation, correction de la prononciation, liaisons, - e muets, accentuation, respect du
rythme des alexandrins et des octosyllabes, enjambements.

On peut notamment se concentrer sur les vers 13 à 31 qui retracent l’arrivée des mendiants et
leur confrontation avec le rat en étudiant comment l’organisation des rimes, les variations du
mètre et le jeu des enjambements rendent le discours significatif.
Travail de l’intonation
Analyse des différentes voix, écoute attentive, identification des discours directs, indirects,
indirects libres.
Productions orales permettant d’entrer dans l’intelligence de l’implicite. Réflexion sur les
possibles mises en voix plurielles de la fable permettant de faire entendre, ou non, qui parle,
soit l’ensemble des protagonistes dont elle rapporte les propos : le fabuliste, les Levantins, le
rat, les députés.
Reformulation des différents discours rapportés en tentant de transformer discours indirect ou
indirect libre en discours direct, direct en indirect ou indirect libre.
Lecture sélective des dénominations du rat et analyse de la progression de termes vénérables
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CYCLE 4 I FRANÇAIS I Vivre en société, participer à la société
Dénoncer les travers de la société

(« ermite nouveau », « dévot », « Solitaire », « pauvre reclus », « nouveau Saint ») pour un


personnage qui l’est de moins en moins.

Lecture orale rendant expressive toute l’ironie de cette ascension qui ne vient que du langage.

Mémorisation et récitation de la fable


Redécouvrir le plaisir de mettre les mots en bouche, l’art de raconter et s’approprier la fable
comme une forme de réservoir d’humanité. Apprendre par cœur, c’est entrer dans la parole de
l’Autre.

LE RAT QUI S’EST RETIRÉ DU MONDE


Les Levantins en leur légende
Disent qu’un certain Rat las des soins d’ici-bas,
Dans un fromage de Hollande
Se retira loin du tracas.
La solitude était profonde,
S’étendant partout à la ronde.
Notre ermite nouveau subsistait là-dedans.
Il fit tant de pieds et de dents
Qu’en peu de jours il eut au fond de l’ermitage
Le vivre et le couvert : que faut-il davantage ?
Il devint gros et gras ; Dieu prodigue ses biens
À ceux qui font vœu d’être siens.
Un jour, au dévot personnage
Des députés du peuple Rat
S’en vinrent demander quelque aumône légère :
Ils allaient en terre étrangère
Chercher quelque secours contre le peuple chat ;
Ratopolis était bloquée :
On les avait contraints de partir sans argent,
Attendu l’état indigent
De la République attaquée.
Ils demandaient fort peu, certains que le secours
Serait prêt dans quatre ou cinq jours.
Mes amis, dit le Solitaire,
Les choses d’ici-bas ne me regardent plus :
En quoi peut un pauvre Reclus
Vous assister ? que peut-il faire,
Que de prier le Ciel qu’il vous aide en ceci ?
J’espère qu’il aura de vous quelque souci.
Ayant parlé de cette sorte.
Le nouveau Saint ferma sa porte.
Qui désignai-je, à votre avis,
Par ce Rat si peu secourable ?
Un Moine ? Non, mais un Dervis :
Je suppose qu’un Moine est toujours charitable.
Jean de la Fontaine, Fables, VII

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