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de Rome
Résumé
La dynastie fatimide, shi'ite, qui régna sur l'Egypte de 969 à 1171 contribua à développer le culte des Gens de la maison
(membres de la famille du Prophète), édifiant des tombeaux ou les rénovant, notamment au Caire. Les Fatimides créèrent aussi
les premiers mouleds (célébrations des anniversaires du Prophète et des Gens de la maison). Les Ayyoubides sunnites puis les
mamelouks reprirent le culte des Gens de la maison qui fut concurrencé par celui des saints à partir du XIIIe siècle. Les
mouleds se multiplièrent alors, se célébrant au tombeau de tous les principaux saints. Le succès spécifique de ces dévotions en
Egypte répond à l'encouragement constant venu de l'autorité politique, mais aussi à une piété exceptionnelle des Égyptiens.
Culte des Gens de la maison et mouleds sont ainsi passés de la religion civique à la religion populaire.
Mayeur-Jaouen Catherine. Gens de la maison et mouleds d'Égypte. De la religion civique à la religion populaire. In: La religion
civique à l’époque médiévale et moderne (chrétienté et islam) Actes du colloque organisé par le Centre de recherche «Histoire
sociale et culturelle de l'Occident. XIIe-XVIIIe siècle» de l'Université de Paris X-Nanterre et l'Institut universitaire de France
(Nanterre, 21-23 juin 1993) Rome : École Française de Rome, 1995. pp. 309-322. (Publications de l'École française de Rome,
213);
http://www.persee.fr/doc/efr_0223-5099_1995_act_213_1_4954
2 C'est seulement après l'usurpation des droits des Alides par leurs cousins
abbassides que l'on se mit à insister sur la descendance directe du Prophète, par
Fâtima. Jusque-là, on évoquait surtout la lignée masculine. Cf. B. Lewis, Alides,
dans Encyclopédie de l'islam, 2e éd., I, 1960, p. 412-414.
3 Sur cette généalogie et l'idéologie religieuse des Fatimides, cf. Marius
Canard, Fatimides, dans Encyclopédie de l'islam, 2e éd., II, p. 870-882.
4 Ce sont généralement des mausolées pourvus d'une salle carrée à coupole,
la coupole reposant sur des trompes d'angle ornées de stalactites (muqamas).
Citons notamment au Caire la tombe de Sayyida Ruqayya édifiée en 1133 par le
calife al-Hâfiz, celle de Sayyida Sukayna (dial. Sakina) élevée en 1130 par un vizir
fatimide.
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5 Cf. Caroline Williams, The Cult of Mid Saints in the Fatimide Monuments
of Cairo, dans Muqamas, 3, 1985, p. 39-60. Parmi les mausolées alides restaurés
en 1122 par le vizir Ma'mun al-Batâ'ihi, l'auteur cite ceux d'Umm Kulthûm, de
Qäsim Abu Tayyib, de ses deux fils 'Abd Allah et Yahyâ, de Muhammad al-Ja'farî,
et peut-être aussi de Sayyida 'Atika et de Sayyida Zaynab. Parmi les mausolées
édifiés ou restaurés entre 1133 et 1153, C. Williams recense Sayyida Ruqayya,
Nafîsa, la tombe des Ikhwât Yûsuf, celle de Yahyâ al-Shabih, peut-être celle de
Muhammad al-Hasawatî, et surtout le mausolée d'al-Husayn. La périodisation
proposée par C. Williams pour le développement du culte des saints alides (fin de
la période fatimide) est contestée par Jonathan Bloom : son étude, fondée sur les
stèles funéraires et les sources épigraphiques, considère au contraire que la
propagande (da'wa) fatimide, précédant la conquête, reposait essentiellement sur le
culte des saints. Cette propagande s'adressait notamment aux femmes, d'où,
selon Bloom, le nombre élevé de saintes descendantes du Prophète vénérées au
Caire. Cf. J. Bloom, The Mosque of the Qarâfa in Cairo, dans Muqamas, 4, 1987,
p. 9-18.
6 Christopher S. Taylor, sans contester l'importance des Fatimides dans le
culte des Alides, estime comme Bloom, mais pour d'autres raisons, que la
périodisation proposée par C. Williams est contestable. Pour lui, la problématique est
mal posée : C. Williams et J. Bloom partent du principe que le shi'isme est le
facteur déterminant du développement du culte des saints en Egypte; pour Taylor, il
faut replacer les dévotions fatimides dans le cadre plus général du culte des
saints en Egypte et dans l'ensemble du monde musulman. Le culte des saints
«était simplement trop diffus et trop peu structuré pour être raisonnablement
manipulé (...). Peu de chose dans le culte des saints musulmans peut être isolé et
identifié comme la création d'un seul régime (...) Les Fatimides vinrent en
Egypte et trouvèrent le culte des saints musulmans déjà bien installé. Eux-mêmes
participèrent activement au culte, probablement dès le début; et naturellement,
ils favorisèrent leurs propres héros alides dans ce processus», C. Taylor, Reeva-
luating the Shi'i Role in the Development of Monumental Islamic Funerary
Architecture : the Case of Egypt, dans Muqarnas, 9, 1992, p. 1-10.
7 Parmi les mashâhid al-ru'ya, Yusuf Ragib, observateur rigoureux, recense
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ceux de Ruqayya et de Zaynab. Cf. Al-Sayyida Naftsa, sa légende, son culte et son
cimetière, dans Studia telamica, XLIV, 1976, p. 61-86. Le terme mashhad, à
traduire par «lieu de pèlerinage» est toutefois ambigu; il arrive qu'il désigne une
véritable sépulture, cf. Y. Ragib, Un oratoire fatimide au sommet du Muqattam,
dans Studia islamica, LXV, 1987, p. 51-68.
8 Y. Ragib considère comme apocryphes les tombes de Sukayna b. al-
Husayn, de 'Aysha b. Ja'far al-Sâdiq et Fâtima b. al-Husayn au Darb al-ahmar.
Louis Massignon, moins sourcilleux à l'égard de leur authenticité, était surtout
attentif à en dégager le sens pour le croyant.
'Toujours d'après Y. Ragib, les vraies sépultures d'Alides seraient les
tombes, aujourd'hui peu vénérées, autrefois très célèbres, de Kulthûm b. al-
Qâsim b. Muhammad b. Ja'far al-Sâdiq, de Zaynab b. Yahyâ, de Fâtima b. al-
Qâsim al-Tayyib, et, seule sépulture autentique à être toujours vénérée, celle de
Nafîsa b. al-Hasan.
10 L. Massignon, La Cité des morts au Caire, dans Bulletin de l'Institut
français d'archéologie orientale, LVII, 1957, p. 74-76.
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teurs des cultes locaux et attirent l'attention du pieux visiteur sur tous les
sanctuaires dispensateurs de bénédictions».
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19 Cette lettre est évoquée par Annemarie Schimmel dans Sufismus und
Heiligenverehrung im spätmittelalterlichen Ägypten, dans Festschrift Werner Caskel,
Leyde, 20 Description
1968, p. 276.du mawlid al-nabî aux époques fatimide, ayyoubide et
mamelouke par Barbara Langner, Untersuchungen zur historischen Volkskunde
Ägyptens nach mamlukischen Quellen, Berlin, 1983, p. 34-35. B. Langner a surtout
travaillé d'après les descriptions, hostiles mais très riches, dibn al-Hajj (m. 1336)
dans le Kitâb al-Madkhal, Le Caire, 1929, notamment, Π, p. 6-16.
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Catherine Mayeur-Jaouen