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Époques classique

et des Lumières
Montserrat Cots

1 crèdit
P00/07007/00203
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 Époques classique et des Lumières

Sommaire

Introduction ............................................................................................... 5

Objectifs ...................................................................................................... 6

1. La doctrine classique .......................................................................... 9


1.1. L’élaboration de l’idéal classique. ..................................................... 10
1.1.1. Les précurseurs. ...................................................................... 10
1.1.2. L’apport des théoriciens. ........................................................ 11
1.1.3. Le travail sur la langue. .......................................................... 12
1.1.4. La vie de société : la cour, les salons, l’honnête homme. ...... 14
1.2. Les fondements de la doctrine classique. ......................................... 15
1.2.1. Le culte d’Aristote et la question des règles. .......................... 16
1.2.2. Les autres fondements de la doctrine classique. .................... 17

2. Le théâtre classique: tragédie et comédie .................................... 21


2.1. Tragédie et comédie : essai de définition. ........................................ 22
2.2. Les grandes étapes du théâtre en France au XVIIè siècle. .................. 23
2.2.1. Période préclassique : 1610-1634 ........................................... 23
2.2.2. Période de Corneille : 1635-1651. .......................................... 24
2.2.3. Période de Molière : 1652-1672. ............................................ 25
2.2.4. Période de Racine : 1673-1700. .............................................. 26
2.3. La dramaturgie classique. ................................................................. 27
2.3.1. La structure interne de la pièce classique. ............................. 27
2.3.2. La structure externe de la pièce classique. ............................. 30

3. La littérature des Lumières .............................................................. 33


3.1. Les Lumières en France. .................................................................... 34
3.1.1. Les devises des Lumières. ....................................................... 34
3.1.2. La notion de philosophe. ....................................................... 34
3.2. Une vaste entreprise : l’Encyclopédie. .............................................. 35
3.3. La littérature des Lumières. .............................................................. 36
3.3.1. Le roman ................................................................................ 36
3.3.2. Le drame bourgeois ................................................................ 39
3.3.3. Le conte .................................................................................. 40

4. Jean-Jacques Rousseau et l’expression du moi.............................. 43


4.1. La littérature du moi. ........................................................................ 44
4.1.1. Expression du moi et littérature intime. ................................ 44
4.1.2. Confessions et autobiographie ............................................... 45
4.2. Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau ........................................ 48
4.2.1. Structure et étapes dans la rédaction des Confessions. ........... 48
4.2.2. Les Confessions et la vie de Rousseau. .................................... 49
4.3. L’œuvre autobiographique de Rousseau. ......................................... 51
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 Époques classique et des Lumières

Résumé ........................................................................................................ 53

Activités ...................................................................................................... 57

Exercices d’auto évaluation ................................................................... 57

Réponses ..................................................................................................... 59

Glossaire ..................................................................................................... 60

Bibliographie ............................................................................................ 61
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 5 Époques classique et des Lumières

Introduction

La littérature française du XVIIè siècle est passée à la postérité sous le nom de


“Le Grand Siècle”. À l’ambition généralisée de perfection, commune à ce mo-
ment historique, est venue s’ajouter une floraison inouïe d’écrivains appelés
“classiques”, non seulement à cause de leur appartenance à l’esthétique appe-
lée classicisme mais aussi parce que leurs œuvres ont survécu aux modes et aux
générations et ont dépassé les frontières : est-il nécessaire de rappeler que l’on
joue encore régulièrement Molière dans les saisons théâtrales de pays bien
éloignés du rayonnement culturel français ?

Mais il ne faut pas penser que le siècle tout entier soit “classique”. L’idéal clas-
sique a eu une lente maturation et il a été précédé d’un long travail d’épurati-
on de la langue : Vaugelas a établi dans ses Remarques sur la langue française
(1647) la charte du bon usage et ainsi la langue classique reste, à peu de chose
près, la langue littéraire actuelle.

Le grand triomphe du classicisme s’est produit au théâtre. Louis XIV l’avait an-
nexé à son prestige personnel comme il avait annexé dès 1672 l’épithète de
Magnus à son nom. Mais d’autres genres, tel le roman ou le sermon, ont brillé
aussi de leur propre éclat.

Le bon sens et la raison ont été des fondements de l’idéal classique ; la raison
a encore été un des pivots de la littérature des Lumières. Mais au XVIII è siècle
la littérature perd sa neutralité ; littérature et philosophie s’allient pour
conduire l’homme à son épanouissement sur la terre. “Le paradis terrestre est
où je suis” dit Voltaire dans Le Mondain (1736) ; encore fallait-il beaucoup lut-
ter pour l’atteindre et pour le mettre à la portée des simples citoyens.

Les Lumières en France apporteront des acquis universels pour le genre hu-
main de même que la vaste entreprise de l’Encyclopédie aspire à répandre le
savoir et à éloigner les ténèbres.

La littérature se fait écho des préoccupations de l’homme en faisant sienne la


maxime de Térence “rien d’humain ne lui est étranger” mais elle excelle aussi
dans l’analyse des sentiments. “Je sentis avant de penser” proclame Rousseau
dans Les Confessions, puis il ajoute “c’est le sort commun de l’humanité”. Le
moi de Rousseau qui s’exprime avec des accents nouveaux privilégie implici-
tement l’homme et annonce une sensibilité nouvelle. Rien d’étonnant donc
que la critique moderne s’accorde pour affirmer que la littérature des Lumières
ouvre la voie de notre modernité.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 6 Époques classique et des Lumières

Objectifs

La doctrine classique

1. Savoir préciser la notion de classicisme en tant que mouvement esthétique


et littéraire.

2. Pouvoir rendre compte des antécédents littéraires mais aussi linguistiques


et sociaux qui ont permis l’instauration et le développement du classicisme.

3. Connaître les grands principes théoriques qui sont à la base de l’esthétique


classique.

Le théâtre classique: tragédie et comédie

1. Posséder les concepts de tragédie et de comédie.

2. Connaître l’essentiel de la doctrine classique, surtout en ce qui concerne


les règles et leur application au théâtre. Pour cela, la lecture de la leçon “La
doctrine classique” est considérée nécessaire et préalable pour aborder la
dramaturgie de cette période.

3. Savoir situer les grandes périodes du théâtre au XVII è siècle et pouvoir ren-
dre compte de leur évolution.

4. Être capable d’expliquer les traits essentiels qui forment l’idéologie drama-
tique des pièces de Corneille, de Molière et de Racine.

5. Connaître les composantes de la dramaturgie classique ainsi que les élé-


ments qui régissent la composition des pièces classiques.

6. Savoir repérer et appliquer, si possible, les principes théoriques de la dra-


maturgie classique à l’étude concrète des trois pièces qui sont proposées
pour être analysées comme travail de cours : Le Cid de Corneille, Tartuffe
de Molière et Phèdre de Racine.

La littérature des Lumières

1. Connaître les généralités sur le mouvement des Lumières en Europe.

2. Savoir quels ont été les apports français aux Lumières, notamment celui de
l’Encyclopédie.

3. Résumer les manifestations littéraires importantes qui se sont données en


France au XVIIIè siècle.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 7 Époques classique et des Lumières

4. Être capable de retracer l’évolution du roman français au XVIIIè siècle.

5. Savoir procéder à des analyses textuelles des extraits de romans proposés


sur le Web du cours en essayant de mettre en valeur les caractères qui les
définissent ainsi que les traits stylistiques essentiels.

Jean-Jacques Rousseau et l’expression du moi

1. Savoir distinguer les modalités littéraires d’autobiographie, mémoires,


journal intime et roman autobiographique.

2. Savoir préciser la différence entre confessions et autobiographie.

3. Connaître les grands exemples d’écriture du moi avant Rousseau.

4. Connaître les ouvrages qui composent le corpus autobiographique de


Rousseau.

5. Savoir trouver dans les passages de Rousseau cités sur la page Web du cours
les accents de la “confession”.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 9 Époques classique et des Lumières

1. La doctrine classique

Le terme de classique renferme un éventail sémantique si vaste qu’il faut tout


d’abord en préciser les sens.

Dérivé du latin “classicus” qui signifiait “citoyen de première classe”, le mot


fut assigné aux auteurs qui, par leurs qualités, sont étudiés dans les classes et
que l’on estime dignes de former les esprits et d’éduquer le goût. La postérité
leur reconnaît la pérennité car :

“Il n’ y a que l’approbation de la postérité qui puisse établir le vrai mérite des ouvrages.
Quelque éclat qu’ait fait un écrivain durant sa vie, quelques éloges qu’il ait reçus, on ne
peut pas pour cela infailliblement conclure que ses ouvrages soient excellents.”

Boileau. VII e Réflexion sur Longin ; cité par A. Bailly, L'école classique française, 1958, p. 35,
Paris: Armand Colin.

Les classiques font partie du patrimoine culturel de l’humanité et leur lecture


n’est pas assujettie aux changements des générations :

“Se llama clásicos a los libros que constituyen una riqueza para quien los ha leído y ama-
do, pero que constituyen una riqueza no menor para quien se reserva la suerte de leerlos
por primera vez en las mejores condiciones para saborearlos…Los clásicos son libros que
ejercen una influencia particular ya sea cuando se imponen por inolvidables, ya sea
cuando se esconden en los pliegues de la memoria mimetizándose con el inconsciente
colectivo o individual.”

I. Calvino (1992). Por qué leer los clásicos. Barcelona: Tusquets.

Si le terme a été appliqué à tout ce qui appartenait à l’antiquité gréco-latine


c’est parce que celle-ci a été considérée être la base de l’éducation et de la civi-
lisation et s’il a été aussi employé pour désigner les grands auteurs du XVII è siè-
cle français c’est parce qu’on les a reconnus comme modèles littéraires
impérissables.

Les auteurs du XVIIè siècle ou du “Grand Siècle” n’ont pas eu conscience d’être Rapportez-vous à la lecture du
chapitre 1 sur le romantisme dans le
des classiques. La notion de classicisme n’apparaît que tardivement, à l’épo- module 3.

que des débats autour du romantisme où on l’emploie surtout en opposition


avec les nouvelles tendances artistiques. Sainte-Beuve, le critique officiel du
romantisme français, a été le premier à définir la notion dans un article inti-
tulé “Qu'est-ce qu'un classique ?”.

Mais il ne faut pas penser que le siècle entier soit “classique”.

Du point de vue de l’histoire littéraire, le classicisme en France corres-


pond aux auteurs qui ont produit les chefs-d’œuvre de cette esthétique
à peu près dès 1660 jusqu’en 1680.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 10 Époques classique et des Lumières

Ces auteurs (La Fontaine (1621-1695), Molière (1622-1673), Mme de La Fayet-


Lecture recommandée
te (1634-1693), Boileau (1636-1711), Racine (1639-1699) ont mené à la perfec-
Voyez dans le Dictionnaire
tion une doctrine qui s’était élaborée graduellement au cours du siècle et ils des littératures de langue
ont voulu peindre l’homme dans la dimension de l’universel. Corneille (1605- française les articles consacrés
à ces auteurs.
1684) les avait précédés chronologiquement, mais sur bien des points il était
encore “irrégulier”.

L’autorité de Louis XIV, qui prend en main le pouvoir dès 1661 et renoue avec
le dessein de Richelieu de constituer un État unifié et puissant, a contribué à sau-
vegarder la gloire littéraire des écrivains; le Roi Soleil lui-même veille à ce que
la grandeur du genre tragique rejaillisse sur la splendeur de son royaume ainsi La notion de régulier est expliquée
au chapitre 2.2.1. : Le culte d’Aristo-
te et la question des règles.
qu’à ajouter à l’éclat des fêtes royales le rayonnement des lettres et des arts.

1.1. L’élaboration de l’idéal classique

L’idéal classique a eu une lente maturation et les traits qui en ont conformé la
doctrine ont eu une élaboration très réfléchie et très remise en question par
des générations de critiques.

Différents facteurs ont contribué à ce lent processus, depuis des traités théori-
ques jusqu’aux conditions particulières à la société française de l’époque. Nous
allons les analyser afin de mieux les situer et d’en saisir les conséquences.

1.1.1. Les précurseurs

À l’aube du XVII è siècle, un besoin de rupture avec la tradition littéraire de la


Pléiade s’était fait sentir dans la poésie française. François de Malherbe (vers
1555-1628) arrive à Paris en 1605 et, devenu poète de cour d’Henri IV et de Ma-
rie de Médicis, il va inaugurer avec son esprit rigoureux le “siècle des règles.”

Grâce à sa situation privilégiée de poète officiel, Malherbe a pu mener à terme


une réforme de la poésie française qui a finalement dépassé de beaucoup ce
premier objectif.

Le souci de Malherbe avait été tout d’abord d’épurer la langue et de la transfor-


mer en outil poétique; il avait conçu une langue débarrassée de mots vulgaires
où la clarté régnerait et où l’expression serait éloignée de toute ambiguïté : une
idée et un seul sens pour chaque mot. Ce travail sur la langue s’est doublé d’une
importante activité de métricien et d’une révision systématique de la techni-
que poétique : suppression des licences telles que le hiatus ou l’enjambement,
emploi des alexandrins avec coupe à l’hémistiche, rigueur dans les lois de la
rime et l’agencement des strophes, adaptation de la phrase aux exigences de la
strophe. La poésie est voulue impeccable de forme, de facture.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 11 Époques classique et des Lumières

Cette poésie si formellement soignée évite le lyrisme, les épanchements du


cœur et les excès d’allusions mythologiques dont la poésie de la Pléiade foi-
sonnait. Rien d’étonnant donc qu’un des grands textes de Malherbe qui a Voyez le texte de la
Consolation à M. Du Périer .
comme sujet la mort : la Consolation à Monsieur Du Périer, avocat au Parlement
d’Aix qui avait perdu sa fille, ait déjà les accents d’une composition classique
où un cas singulier s’élève à la catégorie d’universel par une réflexion sur la
mort et sur la condition humaine de résonances stoïciennes.

Les disciples de Malherbe, Mainard (1582-1646) et Racan (1589-1670) ont pa-


rachevé la tâche du maître.

1.1.2. L’apport des théoriciens

De multiples traités, discours, poèmes, lettres, pamphlets et de nombreuses


préfaces où les auteurs eux-mêmes examinent leurs œuvres du point de vue
critique, nous ont transmis un corps de doctrine dont est issu le classicisme et
qui témoigne des nouvelles orientations du goût ainsi que des discussions lit-
téraires qui occupaient les esprits des lettrés. Ces ouvrages aspiraient notam-
ment à imposer des règles et à convertir la production théâtrale en un théâtre
régulier. Il fallait guider le goût du public dans cette direction ainsi que les
auteurs qui se réclamaient de trop de liberté.

La question des unités a été défendue dès 1630 par Jean Chapelain (1595-
1674) dans la Lettre à Godeau ainsi que dans la Poétique de Jules de La Ménar-
dière (1610-1663) parue en 1640. Ces préoccupations parcourent le siècle car
en 1674 c’est encore ce dont traite René Rapin (1621-1687) dans ses Réflexions
sur la poétique d’Aristote et sur les ouvrages des poètes anciens et modernes.

Le succès du Cid de Corneille en 1637 soulève une célèbre querelle de grande


importance pour le théâtre régulier : Les Observations de Scudéry ouvrent le dé-
bat doctrinal sur les irrégularités de la pièce, débat que va clore l’Académie
française cette même année avec les Sentiments de l’Académie française sur la
tragi-comédie du Cid ; l’avis des critiques est unanime pour rappeler au jeune
auteur au sommet de sa gloire que personne ne peut se passer du respect des
règles ni de préserver la moralité dans les attitudes des personnages.

La réflexion sur le théâtre est bien une caractéristique constante du siècle :


Corneille la pratiquera dans les “Examens” de ses pièces ainsi que Racine dans
ses “Préfaces”; Corneille en plus, dans les Trois Discours sur le Poème dramati-
que publiés en 1660, écrira, en tant qu’homme de métier, des réflexions loin
des utopies théoriques qui dévoilent sa formation de dramaturge. Mais le
grand ouvrage théorique sur le théâtre du XVII è siècle reste la Pratique du Théâ-
tre de l’Abbé d’Aubignac (1604-1676) publiée en 1657. D’Aubignac fondait
l’essence du poème dramatique sur la vraisemblance et il se déclare admirateur
des pièces de Corneille dans ce texte où il se montre excellent connaisseur du
théâtre de son époque et des problèmes de la scène.
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Néanmoins de tout ce travail des théoriciens aucun n’a résumé l’essen-


ce du classicisme, ni exercé une influence si durable sur la littérature
française jusqu’à l’avènement du romantisme, que l’Art Poétique de Ni-
colas Boileau-Despréaux, publié en 1674.

Dans mille cent vers distribués inégalement en quatre chants, il donne des con-
seils d’ordre général sur l’art d’écrire, il examine les genres secondaires et les
grands genres pour revenir encore aux conseils généraux. Son discours critique
est élaboré sur la lecture admirative des Grecs et des Latins; dans ses vers deve-
nus très vite des maximes que l’on apprenait par cœur, Boileau a condensé en
principes vigoureux et simples la doctrine classique : la primauté de la raison,
du bon sens, de la nature, du vrai, le respect des règles et de la vraisemblance
et une sage conciliation du génie et du labeur pour devenir un vrai poète :

Aimez donc la raison : que toujours vos écrits


empruntent d’elle seule et leur lustre et leur prix.

Art Poétique, chant I, Œuvres . Paris : Garnier, 1961, p.160.

Tout doit tendre au bon sens : mais, pour y parvenir,


le chemin est glissant et pénible à tenir.

Art Poétique, chant I, Œuvres . Paris : Garnier, 1961, p. 160.

Que la nature donc soit votre étude unique,


auteurs qui prétendez aux honneurs du comique.

Art Poétique, chant III, Œuvres. Paris : Garnier, 1961, p. 180.

Jamais au spectateur n’offrez rien d’incroyable :


le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable.
Une merveille absurde est pour moi sans appas :
l’esprit n’est point ému de ce qu’il ne croit pas.

Art Poétique, chant III, Œuvres. Paris : Garnier, 1961, p. 172.

Qu’en un lieu, qu’en un jour, un seul fait accompli


tienne jusqu’à la fin le théâtre rempli.

Art Poétique, chant III, Œuvres. Paris : Garnier, 1961, p. 172.

Le penchant pour la réflexion critique du siècle s’épanouit encore quand à


partir de 1688, Charles Perrault relance à l’Académie française la Querelle des
Anciens et des Modernes, polémique dans laquelle les esprits du siècle ont pris
position en faveur des Anciens (La Fontaine, Boileau, La Bruyère…) ou des Mo-
dernes (Perrault, Fontenelle…). La fin de la Querelle aura eu comme consé-
quence, déjà au XVIII è siècle, d’ébranler le dogme de l’admiration béate de
l’antiquité et de préparer les voies de la littérature moderne.

1.1.3. Le travail sur la langue

Si le XVIIè siècle s’est passionné pour des questions de critique littéraire, il a été
aussi féru de questions de langue et de grammaire.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 13 Époques classique et des Lumières

“C’est au X VIIè siècle que s’est constituée notre langue classique, qui reste, après un petit
nombre de modifications, notre langue littéraire actuelle. Mais il ne faut pas confondre
langue classique et langue du XVIIè siècle. En laissant de côté les attardés qui, en province
et à Paris même, continuaient à admirer et à imiter Ronsard, nous constatons que la lan-
gue de Corneille n’est pas celle de Racine… Les contemporains se sont rendu compte, en-
tre 1620 et 1660, d’une véritable transformation de la langue… Charles Sorel a donné du
Francion trois éditions successives, avec de nombreuses corrections de langue et de style,
“parce que le langage est devenu plus poli”… Vers 1660, la langue littéraire est fixée – dans
la mesure où peut se fixer une langue vivante.”

G. Grente (dir.). (1954). Dictionnaire des Lettres françaises, p. 576. Paris: Arthème Fayard.

Il est vrai que la volonté d’enrichir et de perfectionner la langue n’a pas été
une nouveauté du XVIIè siècle car la tradition humaniste avait fait de cette
question une de ses occupations prééminentes ; mais au XVIIè siècle les métho-
des changent et l’idée de purisme s’impose, même au niveau sociologique, la
correction linguistique étant devenue une des qualités de l’homme de cour.

Rappelons à ce sujet qu’une partie des efforts de la réforme de Malherbe por-


tait sur la révision de la langue, de la grammaire et du vocabulaire; celui-ci, il
voulait le “dégasconner”, c’est-à-dire le libérer des provincialismes ou des dia-
lectalismes ainsi que des emprunts à l’italien et à l’espagnol en plus d’en ex-
clure les mots vulgaires. Il s’en remettait à l’usage commun pour juger ce qui
était bon français et ce qui ne l’était pas en excluant les pédants et les poètes
d’entre les créateurs de vocabulaire : le public mondain accepta ses principes
et se disposa à suivre ses conseils. La langue ainsi épurée devint plus apte à
l’expression des idées générales.

Mais c’est à Vaugelas (1585-1650) que reviendra le mérite de tirer toutes les
conséquences de la réforme de Malherbe. La publication, en 1647, de ses Re-
marques sur la langue française, manuel du bon langage, dictera la norme de ce
qu’il faut dire :

“Le livre enseigne en effet, au dire de son auteur, la langue de la cour, le seul véritable
bon usage de la langue française. Car il y a désormais un bon et un mauvais usage, com-
me l’explique Vaugelas dans la préface […] l’usage du plus grand nombre va paradoxale-
ment rejoindre […] la catégorie du mauvais usage.”

D. Trudeau (1992). Les inventeurs du bon usage (1529-1647), p. 167 à 169. Paris: Les édi-
tions de Minuit.

La langue littéraire du XVII è siècle sera donc la langue de la cour ou des


salons parisiens. Elle aura comme qualités la clarté, la pureté, la proprié-
té des termes et elle gardera la mesure dans les moyens d’expression.

Cette préoccupation pour la langue devient une constante tout au long du siècle :
les maîtres de Port-Royal, Lancelot et Arnauld publient en 1660 la Grammaire gé-
nérale et raisonnée ; en 1672 Ménage publie ses Observations sur la langue française
et en 1675 le Père Bouhours ses Remarques nouvelles sur la langue française. Trois
dictionnaires fixent le lexique : en 1680 le Dictionnaire de Richelet, en 1690 le Dic-
tionnaire de Furetière et en 1694 le Dictionnaire de l’Académie.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 14 Époques classique et des Lumières

La conscience de la défense de la langue était aussi très aiguë, comme le prou-


vent les nombreux ouvrages en faveur du français; citons par exemple en
1667 les Avantages de la langue française par Louis Le Laboureur, en 1677 les
Considérations en faveur de la langue française par l’abbé de Marolles ou en 1683
la Défense de l’excellence de la langue française de Charpentier.

À cette activité langagière viendra se joindre le prestige d’une institution :


l’Académie française.

Un cercle littéraire, qui se forme vers 1625 autour d’un jeune lettré qui s’ap-
pelle Valentin Conrart, discute régulièrement chez lui sur des questions de
langue et de littérature. Ce cercle allait devenir, sous l’impulsion du cardinal
Richelieu, la future Académie française.

“Richelieu voyait dans cette institution un moyen de sa politique de prestige. Il imitait


en cela les princes italiens, qui, de longue date, avaient soutenu ou fondé des académies.
Il se posait en mécène, partie par goût personnel pour la littérature, partie par calcul : il
avait besoin d’écrivains dociles pour vanter sa politique et chanter la gloire du roi. Il
voyait aussi dans l’Académie un moyen d’agir sur l’unification linguistique du pays, dans
le cadre de sa politique centralisatrice.”

J.-P. Beaumarchais ; D. Couty ; A. Rey (1984). Dictionnaire des Littératures de langue française
(I, p.3). Paris: Bordas.

L’Académie française fut établie le 29 janvier 1635.

L’Académie s’imposait comme mission l’élaboration d’un dictionnaire, d’une


grammaire, d’une rhétorique et d’une poétique et elle se permettait d’émettre
des jugements de valeur sur les œuvres des contemporains (voyez, par exem-
ple, la querelle du Cid). En 1693, l’Académie comptait parmi ses membres :
Bossuet, La Fontaine, Racine, Boileau, Perrault, Fontenelle, Fénelon, La Bruyè-
re, etc., et elle était parvenue au sommet de sa gloire.

1.1.4. La vie de société : la cour, les salons, l’honnête homme.

La cour et les salons de Paris ont dynamisé la production littéraire de l’époque


classique en même temps qu’ils l’encourageaient. Les auteurs ont écrit très
souvent sur commande du roi ou prévoyant que leurs œuvres seraient lues ou
jouées devant la cour. La carrière dramatique de Racine et surtout celle de Mo-
lière ne peuvent s’expliquer sans l’appui du pouvoir royal:

“Dès qu’il l’a vu jouer, à la tête d’une troupe dont c’était la première à Paris, Louis XIV a
adopté Molière […]. La troupe dite de Monsieur est établie sur ordre du roi dans un bâti-
ment royal, la salle du Petit-Bourbon […]. Il voit très souvent la compagnie, aide à son
transfert au Palais-Royal, accordé sans loyer […]. Il fait allouer une pension d’homme de
lettres à Molière dès 1663. Il danse dans les comédies-ballets qu’il lui commande jusqu’en
1669.”

J.-P. Beaumarchais ; D. Couty ; A. Rey (1984). Dictionnaire des Littératures de langue française
(II, p. 1523). Paris: Bordas.
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Les salons étaient la partie destinée à la vie de société dans les hôtels particu-
liers de Paris. La littérature occupait une place importante dans la conversa-
tion qui était devenue à son tour l’occupation majeure de la société
aristocratique ou bourgeoise qui les fréquentait. On y faisait des lectures à hau-
te voix et les assistants participaient aux commentaires et aux observations.

De ces cercles mondains, un des plus remarquables fut l’Hôtel de Rambouillet


où la marquise de Rambouillet, Catherine de Vivonne, recevait un cercle choi-
si dans la fameuse “Chambre bleue” et entre autres l’élite des hommes lettrés
de l’époque. Les belles manières et le jugement critique étaient les qualités in-
dispensables aux assidus.

“L’Hôtel de Rambouillet est donc d’abord un monde où l’on s’amuse…Il arrive même
qu’on joue la comédie…L’Hôtel de Rambouillet pratique encore d’autres jeux. Le ron-
deau en est un. Voiture lance la mode. Elle fait fureur. À ce moment, il n’est poète qui
n’ait rimé quelque rondeau. Puis, la mode passe, et les énigmes triomphent.”

A. Adam (1962). Histoire de la littérature française au XVII è siècle (I, p. 263 à 266). Paris: Del
Duca.

Mais d’autres salons triomphaient aussi à Paris : ceux de Mlle de Montpensier,


de Mme de Sablé, de Mme Scarron, de Mlle de Sully, de Mme de Choisy, de
Mme de Sévigné... La femme dominait la vie de ces salons qui ont répandu le
goût de l’honnêteté et de la littérature.

L’idéal humain qui présida à l’activité sociale du XVII è siècle fut l’honnête
homme. Un manuel de civilité écrit par Nicolas Faret (1596-1646) ayant le ti-
tre significatif de L’Honnête homme ou l’Art de plaire à la cour fut publié en 1630
au moment où l’Hôtel de Rambouillet brillait de tout son éclat et il ne cessa
d’être réédité, preuve de son vif succès. Faret y décrivait le portrait physique,
moral et social du gentilhomme parfait d’après les goûts de l’époque : cultivé
sans être pédant, discret, modeste, mesuré, d’un jugement avisé, doué pour la
conversation et pour la galanterie, parure soignée et propre mais un peu né-
gligée, bref, miroir accompli de perfections et d’honnêteté. Cet honnête hom-
me était censé connaître et apprécier la littérature classique.

1.2. Les fondements de la doctrine classique

L’histoire littéraire du XX è siècle a fait un long effort pour préciser la notion de


classicisme indépendamment de l’idée de gloire nationale ou du dessein d’éta-
blir un panthéon d’écrivains illustres étudiés obligatoirement à l’école.

Ainsi, en 1927, René Bray publiait l’ouvrage La formation de la doctrine classique


en France où il analysait les textes théoriques qui contenaient ou qui avaient
modelé la doctrine classique. C’est à cet ouvrage que nous empruntons l’es-
sentiel pour établir les fondements de la doctrine classique en France et en ré-
sumer les caractères essentiels.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 16 Époques classique et des Lumières

1.2.1. Le culte d’Aristote et la question des règles

1) Le culte d’Aristote Lecture recommandée

Lisez la Poétique d’Aristote


La profonde autorité exercée par la pensée de ce philosophe sur la culture oc- dans l’édition que vous avez
à votre portée. C’est
cidentale s’était aussi transmise à son ouvrage Poétique qui s’occupait des ques- l’ouvrage de base pour
comprendre le classicisme
tions de critique littéraire et surtout de la conception du poème tragique. Des
français.
humanistes italiens avaient, à maintes reprises, édité ce texte au XVIè siècle en
l’accompagnant de commentaires qui voulaient en préciser le sens mais qui
parfois forçaient le texte.

En effet, tandis que l’Italie s’était familiarisée avec l’ouvrage dès la première
moitié du XVIè siècle, la France en avait une connaissance beaucoup plus limi-
tée et quand les doctes du XVII è siècle ont recouru à lui pour soutenir l’édifice
théorique d’une réforme littéraire c’est à travers les éditions des commenta-
teurs italiens qu’ils l’ont fait.

Aristote, beaucoup plus qu’Horace, se trouve à la base des principes et des rè-
gles classiques, bien que très souvent sa connaissance ne soit pas directe mais
à travers les interprétations italiennes.

2) La question des règles

La Poétique d’Aristote faisait mention de l’unité d’action et de la durée du poè-


me tragique comme des éléments indispensables à la composition de ce genre.
Le besoin des règles s’était donc fait sentir en Italie dès le XVIè siècle mais en
France c’est vers 1630 que se posent les grands débats entre les auteurs parti-
sans de la liberté et ceux qui croient que la création littéraire, surtout la théâ-
trale, doit s’assujettir aux règles.

Le dénouement de la querelle du Cid ainsi que l’effort des critiques ont


assuré le triomphe des règles et par suite, la vogue du théâtre régulier

Les auteurs se sont pliés progressivement aux règles mais Corneille a toujours
gardé une certaine indépendance de même que de grands classiques tels que
Molière ou La Fontaine ont toujours soutenu que la grande règle de toutes les
règles était de plaire au public.

Quelles étaient donc ces principales règles ? En ce qui concerne la structure


dramatique de la pièce, les trois unités s’imposent : action, temps et lieu, cette
dernière étant venue compléter les deux autres bien qu’elle n’eût pas été men-
tionnée dans la Poétique.

L’unité d’action exigeait l’existence d’une seule intrigue et la suppression des


actions secondaires, afin de mieux concentrer l’attention du public. L’unité de
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 17 Époques classique et des Lumières

temps ou règle des vingt-quatre heures proclamait le besoin d’accommoder


l’action à cette limite temporelle, bien que le texte d’Aristote ne le précisât pas.
L’unité de lieu demandait de placer l’action dans un lieu unique, soit la place
d’une ville soit l’intérieur d’une maison ou d’un palais pour la tragédie.

Les règles de la vraisemblance et des bienséances complétaient ce besoin de ré-


glementation de l’art théâtral.

La source de la notion de vraisemblance se trouve dans la Poétique et toute la


critique classique va discuter sur son interprétation; la notion impliquait
principalement ce qui peut sembler réel ou avoir l’apparence de vérité. Boileau
l’avait très bien résumé dans l’Art Poétique en disant “Le vrai peut quelquefois
n’être pas vraisemblable” car il mettait l’accent sur la question de la crédibilité.
Si la tragédie au dire d’Aristote devait prendre ses sujets dans l’histoire, il fallait
en plus que ces sujets fussent vraisemblables, c’est-à-dire, croyables. Elle trou-
vait sa justification dans le désir de toucher davantage le spectateur :

“Il n’y a que le vraisemblable qui touche dans la tragédie.”

J. Racine. Bérénice, Préface, Œuvres complètes (p. 466). Paris : Gallimard, Pléiade, 1950.

Les bienséances impliquaient le respect des convenances morales et l’obliga-


tion de ne pas choquer le public. René Bray nous parle des bienséances exter-
nes pour ce qui est du respect des mœurs; à ce sujet, Aristote en avait établi
les conditions en disant qu’elles devaient être bonnes, convenables, ressem-
blantes (ou en accord avec le caractère que l’histoire donnait au personnage)
et égales (maintenues tout au long du poème dramatique). Appliquée au théâ-
tre, cette règle impliquait qu’on ne pouvait pas présenter des personnages en
train de se battre sur la scène ou en train, par exemple, de manger. Les bien-
séances internes impliquaient la cohérence interne du personnage de telle fa-
çon qu’il gardât une logique avec le caractère que l’auteur lui avait donné au
début de la pièce. Rappelons que:

“le caractère normal des jeune gens, des jeune filles, des vieillards, etc. était codifié depuis
l’Antiquité dans le cadre des traités de rhétorique qui cherchaient à élaborer une typolo-
gie des comportements vraisemblables. Ainsi, pour en rester au Cid, on a condamné aussi
son entorse à la bienséance : Chimène ayant été introduite dans la pièce comme une jeu-
ne fille bien née et soumise à son père, il est contraire à la bienséance de la faire agir en-
suite comme Corneille la fait agir, c’est-à-dire de lui faire poursuivre le châtiment de
Rodrigue tout en lui faisant avouer qu’elle ne peut cesser de l’aimer, et en lui faisant
même souhaiter de ne pouvoir obtenir sa mort.”

G. Forestier (1993). Introduction à l'analyse des textes classiques (p. 12). Paris: Nathan.

1.2.2. Les autres fondements de la doctrine classique

1) Le rationalisme classique

Le culte de la raison a été une constante du siècle et d’après R. Bray:


 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 18 Époques classique et des Lumières

“Il est le plus profond et le plus solide des fondements de l’esthétique classique. La raison
détermine la mission sociale du poète, guide le génie, légitime la règle et dicte les
préceptes: c’est la pièce maîtresse de l’édifice.”

R. Bray (1966). La formation de la doctrine classique en France (p. 114). Paris: Nizet.

Ce rationalisme ne se place pas sous l’influence de Descartes bien que l’opus-


cule intitulé Discours de la méthode pour bien conduire sa raison et chercher la vé-
rité dans les sciences ait été publié en 1637. Les critiques s’accordent à affirmer
qu’il y a eu tout simplement une coïncidence dans ce retour à la raison com-
me faculté maîtresse de l’homme.

La raison s’identifie souvent au bon sens car, comme disait Descartes au début
du Discours de la méthode :

“Le bon sens est la chose du monde la mieux partagée […] cela témoigne que la puissance
de bien juger, et distinguer le vrai d’avec le faux, qui est proprement ce qu’on nomme le
bon sens ou la raison, est naturellement égale en tous les hommes…”

Descartes. Discours de la méthode, Œuvres et Lettres (p. 126). Paris: Gallimard, Pléiade, 1953.

Les grands auteurs sont d’accord sur ce point: le théâtre de Molière fourmille
de leçons et d’exemples de bon sens, Boileau le recommande de façon catégo-
rique (“Tout doit tendre au bon sens”), Corneille s’en remet à lui comme à un
précepte certain:

“Cette pièce fut mon coup d’essai, et elle n’a garde d’être dans les règles, puisque je ne
savais pas alors qu’il y en eût. Je n’avais pour guide qu’un peu de sens commun.”

Corneille. Examen de Mélite, Œuvres complètes, (I, p. 5). Paris: Gallimard, Pléiade, 1980.

Et rappelons avec René Bray que ce rationalisme a été un phénomène propre-


ment français dont l’instauration ne doit rien à l’Italie:

“ici le X VIIè siècle ne doit rien qu’à lui-même […]. Le classicisme est européen, son ber-
ceau n’est même pas en France, mais c’est en France qu’il a reçu sa forme définitive, qu’il
s’est organisé en système cohérent, qu’il a reçu la consécration des chefs d’œuvre. Et le
classicisme, c’est la doctrine de la raison.”

R. Bray (1966). La formation de la doctrine classique en France (p. 114). Paris: Nizet.

2) L’art doit imiter la nature.

Horace dans son Art Poétique (v. 361) avait résumé la comparaison qui était tra-
ditionnelle depuis Aristote de la poésie avec la peinture: “Ut pictura poesis”,
“il en est d’une poésie comme d’une peinture”; par là il voulait signifier que
la poésie et la peinture sont une représentation des choses naturelles, qu’elles
imitent la nature.

Ce principe fut adopté par la doctrine classique qui s’était fixée pour l’œuvre
d’art et pour tous les genres poétiques, tragédie incluse, le modèle idéal de la
nature. Boileau proclame ce principe:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 19 Époques classique et des Lumières

Jamais de la nature il ne faut s’écarter

Boileau. Art Poétique, Œuvres (p. 182). Paris: Garnier , 1961.

Et les contemporains ont admiré les personnages des comédies de Molière par-
ce qu’ils étaient des portraits de la nature, c’est-à-dire, de ce qu’ils pouvaient
voir sous leurs yeux tous les jours.

À la conception de l’imitation de la nature est venue s’ajouter la notion de vé-


rité, ce qui est universellement admis, car l’anormal peut se trouver aussi dans
la nature. Boileau résumait encore ce principe dans l’Épître IX :

Rien n’est beau que le vrai : le vrai seul est aimable ;


il doit régner partout, et même dans la fable.

Boileau. Epître IX, Œuvres (p. 139). Paris: Garnier, 1961.

La condition de vrais rendait les personnages de la tragédie touchants, le spec-


tateur pouvait y reconnaître les accents de la vérité et s’attendrir devant le
spectacle tragique. Rappelons que ne pas laisser le spectateur indifférent était
pour Racine le but principal de la tragédie:

“La principale règle est de plaire et de toucher. Toutes les autres ne sont faites que pour
parvenir à cette première.”

Racine. Préface de Bérénice, Œuvres complètes (I, p. 467). Paris: Gallimard, 1950.

3) L’imitation des Anciens

L’imitation a été la pratique habituelle de l’activité littéraire jusqu’à ce que la


notion d’originalité ne commence timidement à être revendiquée au XVIII è siè-
cle en Angleterre.

L’imitation des Anciens se répand avec la Renaissance; le XVII è siècle suit en


cela la tradition humaniste et il se tourne vers les modèles anciens dignes
d’être imités mais, peut-être plus conscient de ses capacités, il distingue entre
imitation servile et imitation libérale pour préférer décidément cette dernière.
La Fontaine l’a défini dans des vers devenus célèbres:

Mon imitation n’est point un esclavage :


Je ne prends que l’idée et les tours et les lois
Que nos maîtres suivaient eux-mêmes autrefois.

La Fontaine. Épître à Huet, cité par R. Bray, p. 169.

L’imitation n’est point sentie comme une chose honteuse ou un manque de génie
car les Anciens méritent le respect, comme dit Racine en s’appuyant sur Quintilien ;
lui-même revendique l’imitation avec fierté dans la préface de sa Phèdre :

“Voici encore une tragédie dont le sujet est pris d’Euripide. Quoique j’aie suivi une route
un peu différente de celle de cet auteur pour la conduite de l’action, je n’ai pas laissé d’en-
richir ma pièce de tout ce qui m’a paru plus éclatant dans la sienne.”

Racine. Préface de Phèdre, Œuvres complètes (I, p. 745). Paris: Gallimard, Pléiade, 1950.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 20 Époques classique et des Lumières

4) Le but moral de l’art

L’autorité d’Horace avait mis au premier plan l’idée de l’utilité morale de l’art.
La formule “docere cum delectatione”, “enseigner avec délectation”, avait mis
en relief que le poète peut aussi enseigner. Entre 1630 et 1640 cette question
se pose chez les théoriciens du classicisme pour en conclure que la littérature
doit poursuivre des fins morales. Racine nous le résume très bien quand il ex-
plicite la leçon morale de Phèdre, malgré ce que l’aspect scabreux et inces-
tueux du sujet pourrait laisser supposer :

“Ce que je puis assurer, c’est que je n’en ai point fait où la vertu soit plus mise en jour
que dans celle-ci. Les moindres fautes y sont sévèrement punies. La seule pensée du crime
y est regardée avec autant d’horreur que le crime même. Les faiblesses de l’amour y pas-
sent pour de vraies faiblesses. Les passions n’y sont présentées aux yeux que pour mon-
trer tout le désordre dont elles sont cause ; et le vice y est peint partout avec des couleurs
qui en font connaître et haïr la difformité. C’est là proprement le but que tout homme
qui travaille pour le public doit se proposer.”

Racine. Préface de Phèdre, Œuvres complètes (I, p. 747). Paris : Gallimard, Pléiade, 1950.

5) L’importance de la rhétorique

Les savantes études du professeur Marc Fumaroli ont mis en évidence que l’un des
fondements essentiels de l’esthétique classique était la rhétorique. Elle assure la
beauté de la littérature et de l’esthétique classique en même temps qu’elle en as-
sure la survie. Un seul vers de Corneille, parmi des milliers d’exemples possibles,
en offre un exemple à travers l’emploi de l’oxymore :

Cette obscure clarté qui tombe des étoiles

Corneille. Le Cid, Œuvres complètes (I, p. 758). Paris : Gallimard, Pléiade, 1980.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 21 Époques classique et des Lumières

2. Le théâtre classique : tragédie et comédie.

Le théâtre a bénéficié au XVII è siècle d’une grande considération de la part de


la société et de la part de la royauté. Pourtant il est vrai que le parti dévot lui
a été nettement hostile et que l’emprise que celui-ci a eu sur Louis XIV à partir
de 1685 (date de la révocation de l’Édit de Nantes) a motivé un affaiblissement
de l’activité théâtrale. Le pamphlet de Bossuet Réflexions et maximes sur la co-
médie paru en 1694 représentait une des voix du parti dévot pour chasser de
France toute forme de théâtre.

Mais au début du siècle, à partir de 1620, les conditions sociales sont favora-
bles à l’activité théâtrale à Paris et en province.

Les genres qui se partagent la scène sont la pastorale, la tragi-comédie, la comé-


die et la tragédie, mais cette dernière va peu à peu s’imposer comme le genre de
prestige; cette considération lui est accordée par les théoriciens mais aussi par
Louis XIV qui en fera le spectacle noble associé à la splendeur de sa cour.

Dans la première moitié du siècle, on peut considérer Pierre Corneille (1605- Lecture recommandée

1684) comme le grand rénovateur du théâtre: il commence sa carrière théâ- Consultez pour avoir une vue
générale de la production de
trale avec des comédies (Mélite,1629 ; La Veuve,1632 ; l’Illusion comique, 1635)
ces auteurs J.-P. Beau-
pour donner en 1637 la pièce à grand succès qui marque l’intronisation du marchais, D. Couty, A. Rey
(1984). Dictionnaire des Litté-
théâtre à Paris: Le Cid , avec le sous-titre de tragi-comédie, remplacé par celui de ratures de langue française.
Paris: Bordas.
tragédie dans l’édition de 1648. Le charme que la pièce a exercé sur le public
parisien est signalé par une lettre de l’auteur Mondory, créateur du rôle de Ro-
drigue au théâtre du Marais:

“Il est si beau qu’il a donné de l’amour aux dames les plus continentes, dont la passion
a même plusieurs fois éclaté au théâtre public. On a vu seoir en corps aux bancs de ses
loges ceux qu’on ne voit d’ordinaire que dans la Chambre dorée et sur le siège des fleurs
de lys.”

Corneille. Œuvres complètes (p. 1449). Paris: Gallimard, Pléiade, 1980.

Le succès de cette pièce a déclenché la Querelle du Cid car Corneille usait Voyez dans le chapitre 1
concernant la doctrine classique le
d’une grande liberté dans l’application des règles; des critiques et l’Académie passage 1.2.1., consacré aux règles.

française sont intervenus pour condamner ses écarts vis-à-vis des préceptes
aristotéliciens. Après cette querelle, le théâtre dit régulier s’imposa décidé-
ment à Paris.

Corneille a été un homme de théâtre, un homme de métier qui savait par ins-
tinct ce que le public aimait. Cette maîtrise du métier se retrouve à son point
culminant chez Molière (1622-1673) qui incarne la perfection classique dans
le domaine du comique. Acteur de théâtre lui-même et convaincu que “la
grande règle de toutes les règles est de plaire au public”, Molière a excellé dans
les registres comiques les plus divers, depuis la farce jusqu’à la comédie pleine
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 22 Époques classique et des Lumières

de “sérieux”. Il assure le triomphe de la comédie jusqu’à l’avènement de Raci-


ne (1639-1699) qui propose une nouvelle formule tragique basée sur un art dé-
pouillé où toute l’importance est accordée à la parole en même temps qu’à une
conception dramatique où l’intrigue est méprisée au profit de l’analyse psy-
chologique des personnages en proie à la force néfaste de la passion.

Ces trois “géants” de la scène assurent le succès de la dramaturgie classique


qui constitue encore aujourd’hui, pour le grand public, un répertoire vivant
des pièces mises à l’affiche avec succès, indépendamment de pouvoir être
lues ou étudiées.

Afin d’intégrer théorie et pratique et pour mieux apprécier la dramaturgie


Lecture recommandée
classique, nous vous recommandons de lire le Cid de Corneille, Tartuffe de
La lecture du Cid, de Tartuffe
Molière et Phèdre de Racine ainsi que de vous rendre à la Comédie Française et de Phèdre est essentielle
de Paris pour y voir jouer les classiques dans toute leur fraîcheur et avec tout pour que cette leçon ne soit
pas une simple accumulation
leur charme. de connaissances théoriques.

2.1. Tragédie et comédie : essai de définition.

La redécouverte de la tragédie est liée au travail des humanistes qui avaient di-
vulgué l’aristotélisme dramatique moyennant les éditions et les commentaires
de la Poétique et aussi grâce à leur effort pour faire pénétrer la tragédie gréco-
latine sur la scène. Aux traductions des œuvres vont suivre les premières tra-
gédies françaises originales.

Jules de la Ménardière (1610-1663) en propose en 1640 une définition à partir


de la Poétique d’Aristote :

“c’est la représentation sérieuse et magnifique de quelque action funeste, complète, de


grande importance, et de raisonnable grandeur ; non pas par le simple discours, mais par
l’imitation réelle des malheurs et des souffrances, qui produit par elle-même la terreur et
la pitié, et qui sert à modérer ces deux mouvements de l’âme.”

J. de La Ménardière. Poétique, chapitre III; cité par J. Morel (1964). La tragédie (p. 103).
Paris: Armand Colin.

La comédie a aussi ses origines dans la Grèce antique et elle s’épanouira ensui-
te à Rome. Elle apparaît sur la scène française au XVIè siècle rattachée au mou-
vement humaniste qui essayait de la démarquer de la tradition de la farce sans
trop de succès. Dans les premières décennies du XVIIè siècle, la farce triomphe
encore à Paris ainsi que les procédés de la “commedia dell’arte” et trois acteurs
de ces registres enthousiasment le public: Turlupin, Gros-Guillaume et Gaul-
tier-Garguille.

Le renouveau du théâtre autour de 1630 a provoqué un changement radical


dont la comédie tirera parti.

Dès la fin du XVIè siècle, les caractères essentiels de la comédie étaient fixés. M.
Gilot et J. Serroy les résument ainsi:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 23 Époques classique et des Lumières

“la comédie, genre moins élevé que la tragédie mais qui se distingue aussi des genres su-
balternes comme la farce, met en scène des personnages de condition moyenne ou peti-
te, animés de sentiments communs, dans un cadre quotidien, et vivant une intrigue dont
le dénouement est forcément heureux. L’expression est adaptée aux personnages, et re-
lève donc du registre familier. Quant au rire, s’il est bien une donnée du “comique”, il
n’en est pas l’élément premier…il peut utiliser une large gamme d’effets…jouant ainsi
une fonction morale efficace, selon le précepte du “castigat ridendo mores”

M. Gilot; J. Serroy (1997). La comédie à l'âge classique (p. 76-77). Paris, Belin.

Parmi les différentes formes de comédie au XVII è siècle (la comédie imitée de
l’antique, la comédie imitée de l’italien, la comédie imitée de l’espagnol, la co- Voyez cette préoccupation
morale dans la préface
médie de Corneille), la comédie de Molière se propose de peindre l’homme de Tartuffe.

dans sa complexité. Le héros n’est plus un type figé mais un individu qui évo-
lue et qui ne fait pas seulement rire mais qui est aussi capable d’émouvoir. Mo-
lière affirme la fonction morale de la comédie mais cela ne l’empêche pas de
recourir à la farce quand il juge nécessaire d’étendre ou de varier les registres
du comique.

2.2. Les grandes étapes du théâtre en France au XVII è siècle

C’est à Henry Carrington Lancaster et à son monumental ouvrage A History of


French dramatic Literature in the Seventeenth Century que nous devons la pério-
disation raisonnée de la production théâtrale du XVII è siècle ; l’effort de cet éru-
dit a permis, malgré la raideur inhérente à toute classification, d’avoir une vue
d’ensemble sur cette période.

Quatre grandes étapes théâtrales se distinguent avec leurs traits essentiels


respectifs:

2.2.1. Période préclassique : 1610-1634.

Alexandre Hardy (1572 ?- 1632 ?), auteur très fécond (six cents ou sept cents
poèmes dramatiques) qui travaille à gages pour les troupes et qui est lui-même
acteur de théâtre, domine cette période. Il restaure la tragédie de la Renaissan-
ce en cinq actes et en vers alexandrins mais il la transforme en l’adaptant aux
goûts du public: ainsi les chœurs sont réduits ou parfois supprimés. Hardy es-
saie de garder l’unité d’action sans trop se soucier de celles de lieu et de temps.
Il a écrit aussi beaucoup de tragi-comédies et des pastorales, sans doute pour
mieux s’adapter aux goûts du public.

L’œuvre de Hardy a été le premier modèle pour les auteurs qui aspiraient à
écrire du théâtre vers 1630 ; Corneille dans l’Examen de Mélite déclare qu’il a
pour guides “les exemples de feu Hardy”.

À partir de 1628 se développe la polémique à propos de soumettre le poème


dramatique aux règles et aux préceptes aristotéliciens que les doctes défendent
avec acharnement ; en dix ans la bataille sera gagnée par les réguliers et la ré-
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 24 Époques classique et des Lumières

sistance des auteurs partisans de la liberté sera vaincue. Les modèles de théâtre
espagnols seront éliminés, considérés trop irréguliers.

En 1634 deux tragédies, la Sophonisbe de Mairet et l’Hercule mourant de Rotrou


vont triompher et elles assurent l’instauration de la tragédie qu’on peut déjà
appeler régulière parce que les unités y sont à peu près respectées.

2.2.2. Période de Corneille : 1635-1651.

Après le grand succès du Cid en 1637 et suite à la querelle, Corneille accepte


l’essentiel des exigences des doctes et il écrit des pièces régulières; une série de
grandes tragédies font suite au Cid: Horace (1640), Cinna (1642), Polyeucte
(1642) et Pompée (1643). Il a trouvé sa formule théâtrale:

• Une tragédie où l’intrigue doit être bien ajustée et où les règles tendent à la
renforcer. À un moment de sa carrière théâtrale, se manifeste chez lui un
goût marqué pour les intrigues compliquées.

• Une tragédie où les personnages évoluent parce que la psychologie et le


cœur humain y sont étudiés.

• Une tragédie héroïque où la volonté triomphe sur les faiblesses humaines.


Ainsi le héros cornélien s’est caractérisé par ce que l’on a appelé “la gran-
deur d’âme” (générosité, sens du sacrifice, magnanimité); son identité
avait été ainsi définie par G. Lanson :

“la volonté suivant la raison, fondant des résolutions sur des jugements clairs et vrais,
considérant sa liberté et la maîtrise de soi comme les biens suprêmes, incapable de repen-
tir comme de crainte…”

G. Lanson (1954). Esquisse d'une histoire de la tragédie française (p. 81). Paris: H. Cham-
pion.

• Une tragédie dont les sujets historiques constituent très souvent la source,
Corneille considérant que l’amour est une passion trop faible pour en faire
l’inspiration centrale d’une tragédie. Il avait un penchant pour les sujets
nouveaux, l’inconnu étant, selon lui, une bonne formule pour susciter la
curiosité et la surprise.

• Une tragédie basée sur le désir d’éveiller l’admiration, comme Voltaire


avait fort bien observé, même si cette admiration est suscitée par un héros
exécrable comme la Cléopâtre de Rodogune , mère capable de parricide pour
satisfaire son ambition.

• Une tragédie régie par le désir de renouvellement et par la relativité accor-


dée aux règles et principes s’ils ne contribuent pas efficacement au plaisir
des spectateurs.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 25 Époques classique et des Lumières

L’échec, en 1651, de sa tragédie Pertharite marque la lassitude du public envers


ces conceptions tragiques et vis-à-vis de la tragédie elle-même.

2.2.3. Période de Molière : 1652-1672.

La grande carrière théâtrale de Molière commence lorsqu’il rentre à Paris en


1658, après un long séjour de douze ans en province, et quand sa troupe ob-
tient la protection de Louis XIV .

En 1659 Molière donne les Précieuses ridicules , exemple de comédie de mœurs


où il déploie la satire contre les femmes “précieuses” ou trop guindées de
Paris; une partie de la société peut se reconnaître dans cette comédie qui cons-
titue un grand succès; le Roi accorde à Molière la salle du Palais-Royal. En
1661 est jouée l’École des maris ; Molière y traite le thème du mariage mal as-
sorti et il inaugure son véritable registre: la pièce comique, divertissante mais
qui fait penser, réfléchir. Il reviendra sur ce même sujet dans l’École des femmes
(1662), pièce qui suscite l’admiration mais aussi une opposition acharnée
d’une partie de la société parce que Molière avait osé mettre en évidence les
dangers du mariage sans amour et de l’éducation conventuelle cloîtrée des jeu-
nes filles. Les coutumes sociales les plus solidement établies étaient tournées
en dérision et Molière devenait un censeur de la société. La violente réaction
du parti dévot ne se fit pas attendre mais Molière poursuivit sa carrière de
moraliste; il donne Tartuffe (la première version est de 1664, la pièce ayant été
retirée ensuite pour scandale) où il entreprend la peinture d’un caractère, celui
de l’hypocrite, et en 1665 le Dom Juan, pièce qui se propose de peindre un li-
bertin, d’après le personnage mis à la mode par la littérature espagnole et ita-
lienne. Notons que dans les deux comédies les sujets ne sont pas comiques et
si ce but est atteint on le doit aux personnages secondaires, Sganarelle, le valet
de Dom Juan et Mme Pernelle, la servante Dorine et Orgon dans Tartuffe .

Pendant ces années assombries par les conspirations, les cabales et les jalou-
sies, Molière a créé son œuvre la plus achevée, le Misanthrope (1666), la pièce
préférée de Boileau. Le Misanthrope est une comédie pleine de “sérieux” dans
laquelle Molière reflète le théâtre mondain; le héros, Alceste, est un gentil-
homme loyal qui supporte mal les conventions sociales et qui refuse de s’y
adapter; il choque tout le monde et, même en ayant raison, il devient ridicule.
Il doit quitter la société pour laquelle il n’est pas fait. Rousseau se reconnaissait
dans ce personnage et il avait accusé Molière d’avoir ridiculisé la vertu en le
ridiculisant. En fait, la leçon de Molière est multiple et nuancée.

À partir de 1668, l’activité créatrice de Molière touche tous les genres: des co-
médies, des comédies-ballets, des pastorales, des farces… La cour, installée à
Versailles, est avide de nouveaux divertissements et elle demande de grands
spectacles; Lully triomphe avec l’opéra dont Louis XIV est devenu amateur. Le
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 26 Époques classique et des Lumières

succès de la comédie est en déclin et un nouveau génie théâtral commence à


briller: Jean Racine.

2.2.4. Période de Racine : 1673-1700.

Voyons quels sont les caractères que Racine présente dans son œuvre:

• Une vision de la condition humaine où un destin funeste ou la fatalité


poursuit la créature humaine la rendant misérable et pitoyable. À la tragé-
die héroïque de Corneille, souvent empreinte de romanesque, Racine a
préféré un monde tragique enraciné dans la tragédie grecque. Son excellen-
te formation d’helléniste lui a donné une connaissance approfondie des
grands tragiques grecs, notamment d’Euripide, bien que cela ne signifie pas
qu’il ait fait de la fatalité l’axe de toutes ses tragédies. Un rigorisme moral
extrême est venu se surajouter à cette vision, rigorisme peut être dû à sa fré-
quentation des Petites Écoles de Port-Royal où les grands maîtres jansénis-
tes l’avaient formé. Le sens aigu de la faute, même si comme dans le cas de
Phèdre elle n’a été commise qu’en pensée, assombrit la conscience du hé-
ros qui se condamne sans appel:

“Objet infortuné des vengeances célestes,


Je m’abhorre encor plus que tu ne me détestes.”

Racine. Phèdre, Œuvres complètes (I, p. 771). Paris: Gallimard, Pléiade, 1950.

• L’inspiration des sujets de la tragédie grecque permet à Racine de compter


sur la connaissance préalable de ces sujets de la part du public; le titre seul
en évoquait l’action et la catastrophe et cela facilitait l’exposition de la tra-
gédie et évitait les détails superflus ou les explications inutiles. La concen-
tration avait comme avantage d’augmenter la tension tragique.

• L’intrigue et l’action sont minimisées au maximum dans certaines tragé-


dies raciniennes comme par exemple dans Bérénice (1670), justement répu-
tée pour être faite “de rien” :

“Il y avait longtemps que je voulais essayer si je pourrais faire une tragédie avec cette sim-
plicité d’action qui a été si fort du goût des Anciens. Car c’est un des premiers préceptes
qu’ils nous ont laissés.”

Racine. Préface de Bérénice, Œuvres complètes (I, p. 465). Paris: Gallimard, Pléiade, 1950.

• Le but de la tragédie est celui d’éveiller chez le spectateur “une tristesse


majestueuse”:

“Ce n’est point une nécessité qu’il y ait du sang et des morts dans une tragédie ; il suffit
que…tout s’y ressente de cette tristesse majestueuse qui fait tout le plaisir de la tragédie.”

Racine. Préface de Bérénice, Œuvres complètes (I, p. 465). Paris: Gallimard, Pléiade, 1950.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 27 Époques classique et des Lumières

• Des diverses passions que Racine a mises dans le cœur de ses personna-
ges c’est l’amour qui l’a le plus intéressé. La violence du sentiment
amoureux saisit le héros et l’empêche de se servir de la raison. Il existe
évidemment des couples heureux dans le théâtre de Racine mais on di-
rait que leur rôle est de servir de contrepoint à la passion fatale et mal-
heureuse du héros.

• Racine déclare que le héros de la tragédie doit toujours avoir quelque im-
perfection, c’est-à-dire, avoir une vertu capable de faiblesse ; aussi peut-il
éveiller la sympathie et la commisération.

• Le style de la tragédie racinienne est un style poétique caractérisé par


l’élégance de l’expression, par la souplesse de la période et par la cadence
du vers.

La première des grandes tragédies de Racine, Andromaque , (1667) avait connu


un succès pareil à celui du Cid et constitue la reconnaissance publique de son
théâtre. La tragédie Phèdre (1677) en constitue l’achèvement.

2.3. La dramaturgie classique

La dramaturgie classique ou l’art de la composition des pièces de théâtre clas-


siques repose sur les paramètres fixés par les écrits des théoriciens et sur les piè-
ces de théâtre elles mêmes, environ un millier, qui constituent la base
objective de cette dramaturgie. L’ensemble forme un corpus de normes et de
pratiques bien défini et bien délimité.

Parmi les écrits théoriques importants parce qu’ils nous transmettent les
points essentiels de la dramaturgie, il faut citer La Pratique du théâtre (paru en
1657), véritable histoire du théâtre français de 1630 à 1660, écrite par l’abbé
d’Aubignac et les Trois discours sur le Poème dramatique (1660) de Corneille qui
forment un des plus beaux traités de “technique” écrit par un homme de mé-
tier ; cet ouvrage nous montre la façon dont il opérait et ses justifications rai-
sonnées aux reproches qu’on lui avait faits.

Pour étudier la dramaturgie classique, l’ouvrage de base reste celui de Jacques


Lecture complémentaire
Schérer La dramaturgie classique en France ; c’est à cet ouvrage que nous em-
J. Schérer (1973).
pruntons l’essentiel des informations qui vont suivre. La dramaturgie classique
en France. Paris: Nizet.

2.3.1. La structure interne de la pièce classique

Du point de vue interne, une pièce classique est composée des éléments
suivants:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 28 Époques classique et des Lumières

1) L’exposition

La logique dominante de l’époque exigeait que le spectateur fût informé au dé-


but de la pièce des enjeux essentiels de ce qui allait se passer. L’exposition de-
vait donc instruire le spectateur du sujet et de ses principales circonstances
ainsi que du caractère et des intérêts de tous les personnages principaux; elle
fournissait des renseignements considérés indispensables. Normalement, l’ex-
position commençait à la première scène de la pièce et pouvait se poursuivre
jusqu’à la troisième; exceptionnellement, elle pouvait arriver à occuper le pre-
mier acte.

Une exposition parfaite, d’après un manuscrit de l’époque, devait avoir les


qualités suivantes: “entière, courte, claire, intéressante et vraisemblable.”
(Schérer, p. 56).

2) Le nœud

Le nœud était en fait assimilé à l’intrigue de la pièce. Le nœud est formé par
les événements qui, se mêlant aux différents intérêts des personnages, prolon-
gent l’action et éloignent le dénouement. L’essentiel du nœud est constitué
par l’obstacle, c’est-à-dire le personnage ou les événements qui s’opposent à
la réalisation du bonheur du héros.

Les obstacles pouvaient être de deux sortes : extérieurs, quand les parents, la
différence de rang social, de fortune, de religion, etc. empêchaient le bonheur
amoureux du héros ; et intérieurs, beaucoup plus complexes, quand le héros les
trouve dans son for intérieur, c’est-à-dire, au fond de soi-même.

“Un obstacle n’est intérieur que si l’on veut bien qu’il le soit, et pour qu’un obstacle ex-
térieur devienne intérieur, il suffit que le héros en admette la légitimité et accepte de s’y
soumettre ou de lutter contre lui, au lieu de se dérober en donnant à ses désirs un autre
objectif ou en fuyant. Rodrigue et Chimène sont séparés par la mort du Comte, qui ré-
sulte elle-même de l’attitude arrogante de ce père; mais il n’y a de drame que parce que
les jeunes gens acceptent cette situation, avec tous les déchirements qu’elle implique
pour leur amour; d’extérieur, l’obstacle devient intérieur.”

J. Schérer (1973). La dramaturgie classique en France (p. 65). Paris: Nizet.

Observons encore avec Schérer qu’un obstacle imaginaire peut fournir les mê-
mes avantages dramatiques qu’un obstacle réel. Il y a aussi les faux obstacles
que le héros prend pour des vrais et à ce moment-là naissent les malentendus
ou quiproquos, conséquence des méprises du héros : ainsi Chimène se trompe
quand don Sanche lui apporte l’épée de Rodrigue et elle en déduit qu’il est
mort.

En plus des obstacles, le nœud est aussi constitué par les péripéties.

Les péripéties (du mot grec “peripeteia”, événement imprévu) étaient des
changements subits de la situation qui la modifiaient; ces événements amè-
nent la crise d’où découle le dénouement ; ces revirements de fortune impré-
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 29 Époques classique et des Lumières

vus étaient considérés positifs parce qu’ils entraînaient des effets de surprise
agréables pour les spectateurs.

Elles devaient remplir les conditions suivantes:

• la surprise de la péripétie devait naître d’un événement extérieur ; un chan-


gement de volonté d’un héros n’est pas une péripétie.

• ces changements de fortune devaient modifier la situation matérielle du


héros mais aussi sa situation psychologique.

• la péripétie ne devait figurer ni dans l’exposition ni dans le dénouement.

• les péripéties devaient être réversibles, c’est-à-dire, la situation devait re-


tourner à sa condition initiale.

Les péripéties pouvaient être uniques ou multiples . Dans le premier cas elles
amenaient le dénouement ; dans le deuxième, elles étaient assimilées à des
coups de théâtre.

3) Le dénouement

Le nœud d’une pièce devait être “dénoué” à la fin de celle-ci: les complica-
tions du nœud ou de l’intrigue devaient être démêlées ou résolues et acquérir
un état stable au dernier moment de la pièce.

Le dénouement est donc un événement qui tranche le fil de l’action, par la dis-
parition des “périls” ou des obstacles, ou par la consommation du malheur.

Le dénouement était aussi soumis à des règles:

• il devait être nécessaire, donc le hasard en devait être exclu. Le procédé du


deus ex machina ou intervention artificielle de la divinité devait être enco-
re banni;
• il devait être complet, ce qui impliquait que le sort des personnages impor-
tants devait être fixé;
• il devait être aussi rapide que possible, la lenteur étant considérée aller con-
tre le désir naturel du spectateur de connaître la fin.

4) Les règles

La structure externe de la pièce classique devait encore s’adapter à l’unité d’ac-


tion, une action unifiée et une intrigue principale, car s’il existait une intrigue
secondaire, celle-ci devait lui être subordonnée, et elle devait respecter l’unité
de temps qui demandait un espace de temps très limité, généralement de
vingt-quatre heures.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 30 Époques classique et des Lumières

2.3.2. La structure externe de la pièce classique

Une pièce classique devait être divisée en un nombre déterminé d’actes et de


scènes et présenter une forme externe définie:

1) L’acte

L’acte est une partie d’une pièce de théâtre composée de scènes. Le nombre
avait été fixé à cinq, bien qu’on trouve des comédies à trois actes et même à
un acte. La coupure des actes ne pouvait répondre à une division arbitraire car
l’acte devait avoir sa propre individualité et former un ensemble cohérent.

L’époque classique a voulu les actes équilibrés, c’est-à-dire, le moins inégaux


possibles quant au nombre des vers et à la répartition de scènes; chaque acte
devait avoir au moins une scène centrale, sous laquelle se réunissaient d’autres
scènes, parfois de préparation à la scène principale. La bonne répartition des
scènes mettait en évidence une bonne technique dramatique:

“s’il y a trop peu de scènes, l’acte ne sera pas assez varié ; s’il y en a trop, il y aura beau-
coup d’agitation, il y aura peu de discours, c’est-à-dire beaucoup de confusion…”

D’Aubignac. Pratique du Théâtre. Cité par Schérer, p. 203.

Il était encore de bonne technique dramatique que de réserver de l’importance


à la dernière scène de chaque acte car la fin de l’acte devait orienter l’attention
vers ce qui suivait.

2) L’entracte

L’entracte ou espace de temps qui sépare un acte du suivant présente la possi-


bilité dans la dramaturgie classique de pouvoir être rempli par des actions in-
visibles mais nécessaires; ce subterfuge est une formule qui permet en plus de
respecter les bienséances: ainsi, la lâche calomnie d’Œnone contre Hippolyte
se place dans l’entracte précédant l’acte IV, épargnant au spectateur un mé-
chant exemple moral:

“Ah ! qu’est-ce que j’entends ? Un traître, un téméraire


Préparait cet outrage à l’honneur de son père ?”

Racine. Phèdre, Œuvres complètes (I, p. 782). Paris: Gallimard, Pléiade, 1950.

Dans le Cid, la bataille de Rodrigue contre les Maures se passe encore dans l’en-
tracte précédant l’acte IV, bon recours pour échapper aux illogismes inhérents
à l’unité de temps:

Chimène
N’est-ce point un faux bruit ? le sais-tu bien, Elvire ?
Elvire
Vous ne croiriez jamais comme chacun l’admire,
Et porte jusqu’au Ciel d’une commune voix
De ce jeune Héros les glorieux exploits.

Corneille. Le Cid, Œuvres complètes (I, p. 752). Paris: Gallimard, Pléiade, 1980.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 31 Époques classique et des Lumières

Naturellement, ce qui se passe dans l’entracte doit être annoncé dans l’acte
précédent ou repris à l’acte suivant.

3) Les scènes

La scène est la partie d’un acte déterminée par le changement des acteurs. “Il
y a changement de scène chaque fois qu’entre ou sort un nouveau personna-
ge” (Schérer, p. 215).

Le nombre de scènes était variable dans un acte; l’abbé D’Aubignac avait


fixé un nombre de scènes par acte allant de 3 à 7 ou 8 ; pour l’ensemble de
la pièce, ce chiffre pouvait osciller entre 25 et 40. À l’époque classique toutes
les scènes doivent être liées, c’est-à-dire, rien ne pouvait s’insérer entre deux
scènes successives.

Les types de scène pouvaient varier: scènes de “tour d’horizon”, construites


comme des énumérations d’événements, scènes de délibération qui ne con-
tiennent pas d’action (par exemple la scène sept du premier acte du Cid où Ro-
drigue doit choisir entre venger son honneur ou perdre sa maîtresse), scènes
dynamiques du point de vue de l’action avec une montée de la tension et de
l’émotion dramatique (par exemple, la scène quatre de l’acte un du Cid où le
Comte donne un soufflet à Don Diègue), scènes de dépit amoureux, très fré-
quentes dans la comédie de Molière (par exemple, la scène quatre du premier
acte de Tartuffe entre Valère et Mariane).

La scène possède une série de formes qui lui sont propres:

• la tirade : Le personnage classique s’explique presque toujours par d’assez


longues tirades ou par grandes masses de discours. Cette modalité d’expres-
sion avait sans doute un caractère très artificiel car, même si le héros était
sous l’effet d’une émotion de grande violence, son débit de parole demeu-
rait très long et complexe.

• le monologue:Sa fonction essentielle était de permettre l’expression lyri-


que du sentiment. Le héros s’abandonne dans le monologue et il peut ex-
primer son amour, son désespoir, son angoisse…
L’exemple le plus connu est sans doute les stances de Rodrigue (Le Cid, acte
I, scène six) où le monologue se véhicule sous la forme de stances, et la fin
Voyez ce monologue
de chaque strophe est accompagnée d’une sorte de refrain qui aboutit au célèbre.

nom de l’objet aimé: Chimène.

• l’aparté: Il consiste à faire parler un acteur “à part soi” devant d’autres ac-
teurs qui sont censés ne pas entendre.
L’aparté sert souvent à faire connaître aux spectateurs des choses que le
personnage, obligé de dissimuler, ne peut pas exprimer à haute voix. Ses
possibilités comiques sont exploitées dans la comédie de Molière.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 32 Époques classique et des Lumières

• l’alexandrin: Le théâtre classique, théâtre en vers bien que certaines co-


médies de Molière soient en prose, a employé majoritairement l’alexan-
drin, considéré à l’époque comme le vers noble.

“L’alexandrin classique, celui de Racine […] obéit à des règles métriques fortes. Principa-
lement il doit être composé de deux unités (hémistiches) égales, soudées entre elles ; les
6e et 12e syllabes, fortement marquées, […] sont constituées par la dernière voyelle plei-
ne d’un mot lexical (verbe, nom, adjectif, adverbe) ou d’un segment de phrase; la rime
plate est la disposition majoritaire, deux rimes consécutives devant être d’espèces diffé-
rentes (masculine et féminine en alternance); doit être observée la concordance entre
mètre et syntaxe (d’où, par exemple, proscription d’enjambement).”

J.-P. Beaumarchais ; D. Couty ; A. Rey (1984). Dictionnaire des littératures de langue françai-
se (III, p. 2418). Paris: Bordas.

La maîtrise technique de Racine excellait parfois à opposer par le sens deux


hémistiches:

“Présente je vous fuis ; absente je vous trouve”

Racine. Phèdre, Œuvres complètes (I, p. 767). Paris : Gallimard, Pléiade, 1950.

4) Les répétitions.

Parmi les figures de rhétorique les plus employées, les auteurs classiques ont uti-
lisé les répétitions; au début du vers elles renforçaient la musicalité des vers:

Pleurez, pleurez, mes yeux, et fondez-vous en eau !

Corneille. Le Cid, acte III, scène 3, v. 799.

5) La mise en scène et l’unité de lieu

Les goûts du public pour tout ce qui était “spectacle” et “pompe” se heurtaient
aux exigences des théoriciens de tenir l’unité de lieu, peut-être la plus négligée
des trois unités et qui appauvrissait les changements de décor. Rappelons que
le rideau était tout à fait exceptionnel au XVIIè siècle.

Après cet aperçu, citons en conclusion l’opinion de Jacques Schérer sur la dra-
maturgie classique:

“La dramaturgie classique…est née de l’effort obstiné de plusieurs générations, où de


nombreux écrivains, médiocres et grands, ont peu à peu dégagé, grâce aux dures leçons
de l’expérience, les matériaux qui convenaient le mieux à l’édification du classicisme. Ce
n’est pas par miracle que des écrivains si différents par leur talent, leur personnalité, par-
fois même leurs idées, se sont accordés sur la même dramaturgie ; c’est parce que cette
dramaturgie réussissait, c’est-à-dire parce qu’elle convenait au public de tous ces écri-
vains.”

J. Schérer (1973). La dramaturgie classique en France (p. 426). Paris: Nizet.


 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 33 Époques classique et des Lumières

3. La littérature des Lumières

Il est courant en français d’employer le terme “Lumières” pour désigner le


XVIIIè siècle, appelé aussi le “siècle philosophique”. Ce qualificatif avait été
déjà adopté par les hommes du XVIII è siècle, qui avaient pris conscience de la
place prééminente que l’époque accordait à la philosophie:

“Il s’est répandu depuis un temps un esprit philosophique presque tout nouveau, une lu-
mière qui n’avait guère éclairé nos ancêtres”

Fontenelle (1732). Éloge funèbre de La Motte ; cité par R. Mortier (1969). Clartés et ombres
du siècle des Lumières (p. 114). Genève: Droz.

“Notre siècle s’est donc appelé par excellence le siècle de la Philosophie…”

D’Alembert (1759). Essai sur les Éléments de Philosophie ; cité par E. Cassirer (1966). La phi-
losophie des Lumières (p. 41). Paris: Fayard.

L’histoire littéraire et les manuels s’inclinaient traditionnellement à couper le


siècle en deux époques: la première jusqu’en 1750, rationaliste et philosophi-
que, et la deuxième placée sous le signe du sentiment et de la sensibilité, voire
“préromantique”. Or à y regarder de près, ce postulat tranchant serait à réviser
car la prétendue coupure raison-sentiment a un caractère artificiel.

L’image fondatrice du siècle est celle de “lumière”, associée aux valeurs positi-
ves, par opposition aux “ténèbres”. Immanuel Kant tenta de définir les “lu-
mières” (“Aufklärung”, substantif formé sur “aufklären”, éclairer) dans un
article publié dans la Berlinische Monatsschrift en 1783 où il en souligna avec
force les composantes essentielles:

“Les Lumières, c’est pour l’homme sortir d’une minorité qui n’est imputable qu’à lui. La
minorité, c’est l’incapacité de se servir de son entendement sans la tutelle d’un autre.
C’est à lui seul qu’est imputable cette minorité, dès lors qu’elle ne procède pas du man-
que d’entendement, mais du manque de résolution et de courage nécessaires pour se ser-
vir de son entendement sans la tutelle d’autrui. Sapere aude ! Aie le courage de te servir de
ton propre entendement: telle est donc la devise des Lumières”

I. Kant. Qu'est-ce que les Lumières ? Traduction, préfaces et notes par J. Mondot (p. 73).
Saint-Étienne: Université de Saint-Étienne, 1991.

Jean Mondot souligne dans son commentaire à cette définition les concepts
essentiels qui s’en dégagent :

• Il y a la dénonciation sévère d’accepter de vivre dans une minorité intellec-


tuelle dont la responsabilité n’est imputable qu’à soi-même.

• Chacun doit lutter pour arriver à acquérir une autonomie intellectuelle


propre car cette potentialité se trouve dans la nature humaine. Il faut pen-
ser par soi-même.

• Cette exigence individuelle comporte le besoin d’autonomie et de liberté:


elles sont nécessaires pour utiliser la raison publiquement.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 34 Époques classique et des Lumières

La conjonction de ces forces a eu comme résultat l’émergence spectaculaire


d’un “parti philosophique” qui est à la base de ce que René Pomeau a nommé
“L’Europe des Lumières” et qui a eu comme idéals le progrès et la raison: une
société d’honnêtes gens a vécu dans la croyance qu’il existait une patrie uni-
que des Lumières et que de cette patrie on bannirait l’injustice, l’intolérance
et le malheur humain.

3.1. Les Lumières en France

En France, les Lumières ont brillé de leur propre éclat et avec un caractère
Lecture recommandée
propre: le mouvement encyclopédiste et une élite de philosophes et d’écri-
Consultez dans le
vains en ont assuré la cohérence; parmi les plus notables citons Montesquieu Dictionnaire des Littératures de
(1689-1755), Voltaire (1694-1778), La Mettrie (1709-1751), Rousseau (1712- Langue française les articles
consacrés à ces auteurs.
1778), Diderot (1713-1784), Condillac (1714-1780), Helvétius (1715-1771),
D’Alembert (1717-1783), D’Holbach (1723-1789) et le marquis de Sade (1740-
1814), qui s’inscrivait encore dans le sillage des Lumières.

3.1.1. Les devises des Lumières

Nous avons vu que Kant citait dans son texte un vers d’Horace comme devise
des Lumières:

“Sapere aude : Aie le courage de te servir de ton propre entendement.”

Horace, Epistolae, I, 2, 40.

Mais cette devise n’était pas la seule: En 1743, Dumarsais, académicien et phi-
lologue, donnait une définition du mot “philosophe” en s’appuyant sur un
vers de Térence qui peut aussi valoir comme devise des Lumières:

“Homo sum, humani nihil a me alienum puto : Je suis homme et rien de ce qui est hu-
main ne m’est étranger.”

Térence, Heautontimoroumenos , I, 1, 77.

Cette dernière devise résumait les vertus du philosophe et de l’homme repré-


sentatif des Lumières : il ne pouvait pas ignorer le sort du genre humain et par
conséquent, il devait lutter pour rendre le monde meilleur, plus tolérant et
plus libre. Un engagement militant et un appel à l’action se dégageaient de
cette devise qui affirmait la solidarité entre les hommes.

3.1.2. La notion de philosophe

Les militants des Lumières ont enrichi la définition de philosophe de valeurs


nouvelles. Des textes différents essaient de le définir et d’en préciser la com-
plexité mais c’est surtout l’article “philosophe” de l’Encyclopédie, signé par Du-
marsais, qui en donne les caractères essentiels:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 35 Époques classique et des Lumières

“Les autres hommes sont déterminés à agir sans sentir, ni connaître les causes qui les font
mouvoir, sans même songer qu’il y en ait. Le philosophe au contraire démêle les causes
autant qu’il est en lui, et souvent même les prévient, et se livre à elles avec connaissance
[…]. La grâce détermine le chrétien à agir ; la raison détermine le philosophe [...]

Les autres hommes sont emportés par leurs passions, sans que les actions qu’ils font so-
ient précédées de la réflexion: ce sont des hommes qui marchent dans les ténèbres; au
lieu que le philosophe dans ses passions mêmes, n’agit qu’après la réflexion; il marche
la nuit, mais il est précédé d’un flambeau.

Le philosophe forme ses principes sur une infinité d’observations particulières […]

L’esprit philosophique est donc un esprit d’observation et de justesse, qui rapporte tout
à ses véritables principes; mais ce n’est pas l’esprit seul que le philosophe cultive, il porte
plus loin son attention et ses soins […]

Notre philosophe ne se croit pas en exil dans ce monde; il ne croit point être en pays
ennemi; il veut jouir en sage économe des biens que la nature lui offre; il veut trouver
du plaisir avec les autres; et pour en trouver, il faut en faire: ainsi il cherche à convenir
à ceux avec qui le hasard ou son choix, le font vivre; et il trouve en même temps ce qui
lui convient: c’est un honnête homme qui veut plaire et se rendre utile.”

Cité par Charpentier, J. et M. (1967). Encyclopédie. Extraits (p. 142 à 145). Paris: Bordas.

3.2. Une vaste entreprise : l’Encyclopédie.

L’esprit des Lumières était doublé d’un but pédagogique: il fallait procéder à
la diffusion des connaissances et donner une dimension sociale au savoir.

Ainsi a pris forme la vaste entreprise de l’Encyclopédie qui a rallié les efforts
éclairés d’une génération et qui a dynamisé autour d’elle le “parti” des philo-
sophes, devenu désormais une force autonome. À la tête du projet, Diderot et
D’Alembert, aidés d’une excellente équipe de collaborateurs, ont assuré la ré-
daction de l’ouvrage. Parmi les collaborateurs citons notamment : Dumarsais,
qui s’occupait de la partie grammaticale; d’Holbach, avec des articles sur la
métallurgie, la minéralogie et la géologie; Jaucourt, rédacteur d’articles très
divers; Marmontel, s’occupant de la critique littéraire et de la morale; Rous-
seau, collaborateur pour la partie musicale; Saint-Lambert, etc. Voltaire y
avait collaboré aussi, bien qu’au début il se soit tenu à l’écart.

Le projet initial, promu par le libraire Le Breton, était de donner une version
française de l’encyclopédie d’E. Chambers, Cyclopaedia or Universal Dictionary
of the Arts and Sciences, publié en 1728, mais ce projet ayant échoué, un nou-
veau contrat fut signé en 1747 et Diderot et D’Alembert devinrent les respon-
sables de la publication.

Le premier volume est publié le 28 juin 1751. Dans le titre on voyait déjà per-
cer des éléments significatifs de la conception de l’ouvrage: Encyclopédie ou
Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, recueilli des meilleurs au-
teurs et particulièrement des dictionnaires anglois de Chambers, d’Harris, de Dyche,
par une société de gens de lettres, mis en ordre et publié par M. Diderot, et quant à
la partie mathématique par M. D’Alembert.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 36 Époques classique et des Lumières

D’Alembert a écrit le Discours préliminaire dont Voltaire disait:

“J’ose dire que ce discours, applaudi de toute l’Europe, est supérieur à la Méthode de Des-
cartes et égal à tout ce que l’illustre chancelier Bacon a écrit de mieux.”
Voyez un extrait de ce
Cité dans l’article Encyclopédie, P. Larousse (1870). Grand Dictionnaire Universel du X IX è Discours préliminaire.

siècle. Paris: Larousse.

Les hostilités et les dénonciations d’une partie de la société commencèrent


cette même année; en 1752, lors de la parution du tome II , un arrêt interdisait
l’ouvrage bien que l’année suivante on redonnait la permission de le poursui-
vre. En 1757, lors de la parution du tome VII , l’article Genève, signé par D’Alem-
bert, suscite tellement de protestations que celui-ci démissionne de la
direction. En 1759, la distribution et la réimpression de l’Encyclopédie sont in-
terdites et on ordonne de rembourser les souscripteurs; les encyclopédistes
décident que les volumes de planches serviront à les rembourser et de cette fa-
çon on évite la débâcle financière; ils obtiennent quand même un nouveau
privilège et le travail peut continuer. En 1762, paraît le premier volume des
planches qui représentent un travail de documentation comme on n’en avait
jamais vu, mais en 1764 un nouveau coup moral devait encore frapper Diderot
qui s’aperçoit que Le Breton avait pratiqué une censure préventive sur les tex-
tes sans le prévenir. Il accepte finalement de mener à terme l’ouvrage qui est
Voyez les planches
terminé en 1766 pour les volumes de discours et en 1772 pour les volumes de concernant les différents
alphabets.
planches.

La pathétique histoire de la publication de l’Encyclopédie, hérissée de difficul-


tés, constitue un magnifique exemple de cet effort humain dont parlait Kant
pour sortir de la minorité ; avec ses 17 volumes de texte et 11 de planches
l’Encyclopédie mettait en évidence que rien de l’activité humaine ne lui était
étranger.

3.3. La littérature des Lumières

La littérature de fiction ne sera pas étrangère à la lucidité et à l’analyse des Lu-


mières bien que cet esprit s’exercera surtout dans l’analyse des sentiments, do-
maine où le roman excellera, car les Lumières n’ont pas ignoré le culte de la
sensibilité.

Trois genres littéraires ont connu un grand épanouissement : le roman, le dra-


me bourgeois (appelé aussi le genre sérieux) et le conte.

3.3.1. Le roman

Si le roman est le genre littéraire en plein essor, il n’empêche que le romanes-


que soit en discrédit et condamné au nom de la vraisemblance, de l’utilité et
surtout de la morale:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 37 Époques classique et des Lumières

“Jamais fille chaste n’a lu de romans, et j’ai mis à celui-ci un titre assez décidé pour qu’en
l’ouvrant on sût à quoi s’en tenir. Celle qui, malgré ce titre, en osera lire une seule page
est une fille perdue ; mais qu’elle n’impute point sa perte à ce livre, le mal était fait
d’avance.”

Rousseau. Préface à Julie ou La Nouvelle Héloïse (p. 4). Paris: Garnier, 1960.

Pour ce qui est de la morale, les auteurs se défendent de l’accusation d’immo-


ralité dans les préfaces et dans les avis au lecteur, invoquant le principe d’Ho-
race de faire œuvre utile et divertissante à la fois:

“Outre le plaisir d’une lecture agréable, on y trouvera peu d’événements qui ne puissent
servir à l’instruction des mœurs; et c’est rendre, à mon avis, un service considérable au
public, que de l’instruire en l’amusant.”

Prévost. Histoire du Chevalier des Grieux et de Manon Lescaut (p. 5). Paris: Garnier, 1990.

Pour échapper à l’accusation d’invraisemblance les romanciers useront de pro-


cédés divers pour donner au roman “un air de vérité”, comme par exemple le
subterfuge de faire croire au lecteur que le manuscrit avait été trouvé:

“Avant que de donner cette histoire au public, il faut lui apprendre comment je l’ai trou-
vée.
Il y a six mois que j’achetai une maison de campagne […] dans une armoire pratiquée
dans l’enfoncement d’un mur, on y a trouvé un manuscrit en plusieurs cahiers contenant
l’histoire qu’on va lire…”

Marivaux. La Vie de Marianne (p. 7). Paris: Garnier, 1963.

Et d’autres artifices seront encore employés: l’emploi de la première


personne, la forme des mémoires, le refus d’identifier le héros pour préserver
Lecture recommandée
son “intimité” (Lettres de la marquise de M*** au comte de R*** de Crébillon
L. Versini (1979). Le roman
fils), et surtout le roman par lettres, les lettres ayant gardé la réputation de “do- épistolaire. Paris: P.U.F.
cument authentique”.

Ainsi, le roman épistolaire va devenir la forme romanesque privilégiée


au XVIII è siècle.

Montesquieu donne en 1721 un des premiers chefs-d’œuvre du roman


Lecture recommandée
épistolaire et de la littérature des Lumières: Les Lettres persanes. Ce livre racon-
T. Todorov (1989). Nous et
te la visite de deux persans, Rica et Usbek, à Paris; grâce à l’effet de distancia- les autres (p.389 à 401).
Paris: Seuil.
tion, les deux persans portent un regard extrêmement pénétrant qui fait
ressortir les préjugés étroits de la société française de la Régence et qui en con-
damne le despotisme et l’intolérance, car on ne perçoit jamais “que le ridicule
des autres.”(lettre 52). Le regard de “l’Autre” devient démystificateur et per-
met de trouver la voie du cosmopolitisme.

Dans le genre des mémoires, en 1731, l’Histoire du Chevalier Des Grieux et de


Manon Lescaut, (plus connu comme Manon Lescaut), tome VII des Mémoires et
Aventures d’un Homme de qualité, l’abbé Prévost, éloigné de par sa formation Voyez l’Avis de l’Auteur
de Manon Lescaut.
des écrivains des Lumières, nous donne un roman où le pathétique et la fata-
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 38 Époques classique et des Lumières

lité dominent et où la raison se trouve impuissante dans la lutte contre les


passions: Des Grieux, éperdu d’amour pour Manon qui le trompe en vendant
ses faveurs au meilleur offrant, s’enlise dans une vie criminelle pour la suivre;
déportée à La Louisiane et devenue alors une maîtresse fidèle, elle mourra dans
les bras du Chevalier dans un paysage désertique. Exemple saisissant du terri-
ble pouvoir de la passion, comme l’auteur nous le signale dans l’Avis de l’Au-
teur, le roman devrait être lu sous l’angle de la leçon morale bien que les
charmes de l’amour prennent le dessus. La fraîcheur d’un récit “oral”, car le
Chevalier raconte son histoire à l’Homme de qualité qui nous la transmet, ac-
centue le ton émouvant de l’histoire.

La technique autobiographique des deux grands romans de Marivaux, la Vie de


Marianne ou les Aventures de Mme la comtesse de*** (1731 à 1741) et le Paysan Voyez un extrait du
Paysan parvenu.
parvenu ou les Mémoires de M.*** (1734 à 1735) s’enrichit d’un récit en double
perspective car les deux protagonistes, arrivés à la maturité, racontent leur vie
passée à la lumière de l’expérience présente. Ces deux romans, aux accents de
vérité, montrent la virtuosité de Marivaux dans l’analyse des sentiments. Dans
le Paysan parvenu, Marivaux propose la nouveauté littéraire d’un héros de basse
extraction, un jeune paysan sensuel, plaisant, à la fois naïf et rusé, qui fera la
découverte émerveillée de la femme mondaine d’un certain âge.

Mais aucun roman n’a connu en France et en Europe le succès de Julie ou la


Nouvelle Héloïse (1761) de Jean-Jacques Rousseau, synthèse de la pensée de
l’auteur et des préoccupations des Lumières car, dans ce roman épistolaire, les
digressions philosophiques sur les sujets les plus divers abondent, sans pour
autant oublier les accents émouvants de l’amour ; Pierre-Ambroise Choderlos
de Laclos lui en rendait hommage:

“C’est le défaut des romans ; l’auteur se bat les flancs pour s’échauffer, et le lecteur reste
froid. Héloïse est le seul qu’on en puisse excepter.”

Laclos. Les Liaisons dangereuses , lettre XXIII.

Rousseau, censeur sévère du romanesque, a établi avec la Nouvelle Héloïse l’em-


pire moderne du roman et paradoxalement, ce genre qu’il condamnait, lui a
permis de dépasser les misères du quotidien et les insuffisances du réel:

“L’impossibilité d’atteindre aux êtres réels me jeta dans le pays des chimères, et ne voyant
rien d’existant qui fut digne de mon délire, je le nourris dans un monde idéal que mon
imagination créatrice eut bientôt peuplé d’êtres selon mon cœur”

Rousseau. Œuvres (I, p. 427). Paris: Gallimard, Pléiade, 1959.

La forme épistolaire donne encore son dernier chef d’œuvre avec Les Liaisons
dangereuses de Laclos, roman par lettres “polyphonique” où des correspon-
Voyez la lettre de rupture
écrite par Valmont à Mme
dants divers entrecroisent des lettres gardant chacun un style qui lui est pro- de Tourvel, exemple de
méchanceté extrême.
pre. La lettre devient ici partie intégrante de la stratégie libertine car elle sert à
séduire la victime (Mme de Tourvel) et à perdre la vertu de l’honnête femme
qui sera en plus bafouée et outragée.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 39 Époques classique et des Lumières

Les deux libertins, le vicomte de Valmont et la marquise de Merteuil échan-


gent une correspondance scandaleuse bien que, à la fin du roman, les “mé-
chants” soient punis; cette fin permettrait d’interpréter le roman comme une
condamnation du libertinage et confirmerait l’affirmation de l’auteur du but
moral de ce roman érotique :

“Il me semble au moins que c’est rendre un service aux mœurs, que de dévoiler les
moyens qu’emploient ceux qui en ont de mauvaises pour corrompre ceux qui en ont de
bonnes, et je crois que ces Lettres pourront concourir efficacement à ce but.”

Laclos. Les Liaisons dangereuses dans Œuvres complètes (p. 7). Paris: Gallimard, Pléiade,
1979.

Dernier grand exemple de technique romanesque très savante est Jacques le Fa-
taliste et son maître (1792 en version allemande et 1796 en français) de Diderot. Voyez un exemple
de la technique anti-
Ouvrage doublé d’intention philosophique, Diderot y expose des arguments en romanesque de Jacques
le Fataliste
faveur de la doctrine déterministe ou fataliste qu’il ne pouvait développer
ailleurs pour des raisons de prudence; Diderot transpose les principes de cette
doctrine dans la structure de la composition du roman, en niant l’autorité du
narrateur sur le récit: l’autonomie de l’événement signifie le refus du roman tra-
Lecture recommandée
ditionnel, procédé qui est souvent rappelé au lecteur; ainsi, Jacques le Fataliste
Consultez dans le
se présente comme un anti-roman où l’auteur joue constamment avec les per- Dictionnaire des Littératures de
sonnages et avec le lecteur. Ce roman a donc une importance historique comme Langue française les synopsis
de tous les romans qui ont
expérience littéraire et comme préfiguration des techniques littéraires du ving- été commentés dans cette
tième siècle. partie.

3.3.2. Le drame bourgeois

Dès la première moitié du XVIII è siècle, le désir d’un renouvellement théâtral


s’est fait sentir car la désaffection du public envers la tragédie classique deve-
nait manifeste. Voltaire, tout en prolongeant la tradition du XVIIè siècle, an-
nonce dans ses tragédies quelques innovations. Parallèlement un genre
nouveau, la “comédie larmoyante”, gagne la faveur du public et prépare la
voie du drame bourgeois.

Le genre de la comédie évolue aussi fortement: elle allie gaieté et réflexion,


surtout dans le grand succès théâtral du siècle, Le Mariage de Figaro (1784) de
Beaumarchais.

Dans la seconde moitié du siècle, une série d’écrits théoriques vont essayer de
définir la théorie du drame bourgeois ; les plus importants sont:

• 1757 : Diderot, Entretiens avec Dorval sur Le Fils naturel (qui fait suite au
drame Le Fils naturel).
• 1758 : Diderot, Discours sur la poésie dramatique (qui fait suite au drame Le
Père de famille).
• 1767 : Beaumarchais, Essai sur le genre dramatique sérieux (qui accompagne
son drame Eugénie ).
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 40 Époques classique et des Lumières

• 1773 : Mercier, Du Théâtre ou Nouvel Essai sur l’art dramatique .


• 1778 : Mercier, Nouvel examen de la tragédie française.

Ces écrits constituaient l’appui théorique du drame, événement capital de


l’histoire dramatique et encore un reflet de l’esprit des Lumières: le drame as-
pire à enseigner mais pour cela il lui faut émouvoir et toucher le spectateur.
L’attendrissement et les larmes sont les plaisirs du théâtre que cherchent les
âmes sensibles de l’époque. Ainsi le pathétique procure les charmes de la sen-
sibilité et le bonheur dans l’attendrissement.

‹‹ Adapté aux exigences d’un public bourgeois ou populaire, il (le dra-


me) réunit les trois vertus cardinales de vérité, sensibilité, moralité…Le
théâtre doit être selon Beaumarchais “le tableau fidèle des actions des
hommes”…Ce parti pris de réalisme impliquait une nouvelle orienta-
tion dans le choix des sujets et des personnages…le théâtre s’attachera
à peindre les humbles péripéties de l’existence moyenne ›› (Michel Liou-
re (1963). Le drame (p. 20-22). Paris: Armand Colin).

Les idées et la leçon du drame sont celles de la philosophie de l’époque: bonté


de la Nature, liberté de l’individu, prééminence de la raison, respect des déci-
sions individuelles, condamnation du despotisme paternel, dénonciation de la
vie conventuelle, etc.

Parmi les pièces les plus représentatives de ce nouveau genre citons: Le Fils na-
turel (1757) et Le Père de famille (1758) de Diderot ; Eugénie (1767), Les Deux Amis
(1770), La Mère coupable (1792) de Beaumarchais et La Brouette du Vinaigrier
(1775) de Louis Sébastien Mercier.

Le drame bourgeois a préparé la voie au drame romantique: de ce point de vue, Voyez le drame romantique dans la
leçon Le romantisme en France:
Unité didactique 3, chapitre 1.
sa postérité a été extraordinaire et son apport à l’évolution du théâtre français
essentiel. Son choix décidé pour la prose,- car c’était le langage des hommes tels
qu’ils sont,- l’a situé comme le prédécesseur immédiat du théâtre moderne.

3.3.3. Le conte

Le XVIIIè siècle a beaucoup aimé les contes, ce dont témoignent les nombreux
recueils qui y sont consacrés: le succès des huit contes en prose de Perrault en
1697 (La Belle au bois dormant, le Petit Chaperon Rouge, La Barbe-bleue, le Chat-
botté, les Fées, Cendrillon ou la Petite Pantoufle de verre, Riquet à la houppe, le Petit
Poucet) a été sans égal et ce succès a assuré la mode du “merveilleux” pendant
très longtemps.

En 1704, l’accueil que le public fit à la traduction française de Les Mille et une
nuits mit à la mode les contes orientaux: Les Mille et un jours, Les mille et un
quarts d’heure….
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 41 Époques classique et des Lumières

Mais aucun succès ne fut égal aux contes philosophiques, genre dans lequel
Voltaire excellera, et à celui des contes moraux, bien qu’en moindre mesure.

Voltaire trouvera dans le conte (que dans sa Correspondance il appelle aussi


“nouvelle”) un outil littéraire idéal pour y véhiculer, sous une forme légère et
agréable, un corpus de doctrine philosophique que, pour des raisons de cen-
sure, il n’aurait pu exprimer si librement sous une autre forme, en même
temps qu’il s’assurait, par l’emploi de ce genre, une large diffusion des idées
qui lui tenaient à cœur. Rien d’étonnant donc de trouver dans ces œuvres une
unité de pensée manifeste, bien que pour l’auteur, les contes aient toujours
gardé le caractère de pamphlet ou d’amusement enjoué.

Des différents contes de Voltaire (Le monde comme il va, Memnon, Histoire des
voyages de Scarmentado, Micromégas, L’Ingénu, L’homme aux quarante écus…)
aucun n’a connu le retentissement de Candide ou l’Optimisme, publié simulta-
nément en 1759 à Paris, Londres et Amsterdam.

Candide a été très diversement interprété car, sous une apparence limpide,
transparente, il a un complexe caractère symbolique et les personnages ont
des idées philosophiques, voire métaphysiques. Mais il ne faut pas lui faire
dire plus que l’auteur n’a dit.

Candide, en trente chapitres, raconte l’histoire du jeune et naïf Candide, élevé


en Westphalie dans le beau château du baron de Thunder-ten-tronckh où il
tombe amoureux de la belle fille du baron Mlle Cunégonde tandis qu’il écoute
avec dévotion les leçons du philosophe Pangloss, grand admirateur de Leibniz
et de Wolff et convaincu, d’après les thèses optimistes, que cet univers est “le
meilleur des mondes possibles”; le baron ayant un jour découvert Candide et
Cunégonde derrière un paravent, le jeune homme est chassé du château “à
grands coups de pied dans le derrière”. Ainsi commencent les aventures de
Candide et ses voyages initiatiques qui vont lui faire découvrir le monde tel
qu’il est. Il va connaître la guerre, les catastrophes naturelles (est évoqué no-
tamment le tremblement de terre de Lisbonne de 1755), le fanatisme de l’In-
quisition…; il retrouve son maître Pangloss qui sera pendu (encore qu’il ne
mourra pas) et Cunégonde, devenue la maîtresse d’un juif et d’un inquisiteur.
Candide s’enfuit avec Cunégonde et sa vieille servante en Amérique; à Buenos
Aires, Cunégonde est convoitée par le gouverneur et Candide doit s’enfuir
avec son valet Cacambo. Il ne connaîtra qu’un peu de paix dans le pays d’El-
dorado, utopie de la société idéale. Décidé à retrouver sa chère Cunégonde,
Cacambo part pour la racheter tandis que Candide revient en Europe; il se fait
accompagner du philosophe Martin qui pense que Dieu a abandonné le mon-
de et que tout va mal; Candide ne retrouve en effet que des exemples de mé-
chanceté humaine. Arrivés finalement à Constantinople, ils rencontrent
Cunégonde et même Pangloss et le frère de Cunégonde; Candide achète une
petite métairie et toute la petite société se rallie à cette conclusion:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 42 Époques classique et des Lumières

“Je sais aussi, dit Candide, qu’il faut cultiver notre jardin–- Vous avez raison, dit Pangloss ;
car quand l’homme fut mis dans le jardin d’Éden, il y fut mis ut operaretur eum, pour qu’il
travaillât : ce qui prouve que l’homme n’est pas né pour le repos. –Travaillons sans rai-
sonner, dit Martin ; c’est le seul moyen de rendre la vie supportable”

Voltaire. Candide, chapitre XXX .

De cet examen de Candide il en ressort que Voltaire nous a rappelé la présence


du mal et du désordre dans le monde ; la doctrine de l’optimisme philosophi-
que est visée mais en même temps la misère profonde de l’homme s’affirme.

Les leçons de Candide exposent les grandes thèses voltairiennes: le mal existe et
Dieu l’a permis, la métaphysique sert à peu de chose, la religion se ramène à une
religion du travail mais deux vertus civiles se révèlent comme positives: le tra-
vail et la tolérance (Voltaire publie un Traité sur la tolérance en 1763). Il faut
donc être utile à la société et essayer d’être heureux, tout en travaillant pour
améliorer les conditions de l’existence. Ainsi fait Voltaire de son côté dans la pé-
riode de sa vie qu’il passe à Ferney (1760-1778) où il essaie d’améliorer les con-
ditions des terres qui lui appartiennent et il devient le défenseur des victimes de
l’intolérance et du fanatisme (l’affaire Calas, l’affaire Sirven, l’affaire du Cheva-
lier de La Barre…) en adoptant la devise “Écrasez l’Infâme”.

La philosophie exprimée dans Candide est révélatrice de la pensée de


Voltaire et aussi de celle des Lumières.

Mais la leçon n’aurait pas été si efficace si Voltaire n’avait pas déployé dans le
conte son art d’écrivain: le comique atteint son but qui est celui de faire rire;
Voyez un exemple
d’antiphrase dans le
l’ironie et l’antiphrase nous font garder les yeux ouverts sur les vraies inten- chapitre III de Candide.

tions de l’auteur, la loi de la brièveté, si chère à l’auteur, empêche les digres-


sions si abondantes dans la littérature du siècle. L’écriture s’affirme en
montrant le talent de l’écrivain.

Le genre des contes moraux est surtout représenté par l’ouvrage du même ti-
tre, Contes moraux de Marmontel, publiés de 1755 à 1759 et qui ont connu un
succès prodigieux. Marmontel, comme Voltaire, veut aussi donner une leçon
quoique cette fois-ci elle soit de moindre envergure.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 43 Époques classique et des Lumières

4. Jean-Jacques Rousseau et l’expression du moi

Se dire soi-même à travers l’écriture a toujours été une expérience humaine


fondamentale.
Quand un être humain se prend lui-même comme sujet et objet dans un texte,
une problématique complexe est à même de se poser:

• Soit l’individu peut prétendre à la connaissance de soi, car en s’extériori-


sant, la conscience intime devient plus saisissable. En effet,

“L’une des traditions de l’humanisme d’Occident trouve son point d’origine avec le com-
mandement gravé dans le marbre de Delphes : “Connais-toi toi-même” […] l’homme est
proposé ou imposé à lui-même comme une tâche, un domaine à explorer et à conquérir.”

G. Gusdorf (1991). Les écritures du moi (p. 29). Paris: Editions Odile Jacob.

• Soit l’individu veut se justifier et il aspire à se faire connaître tel qu’il est en
détruisant une image fausse qu’on s’est faite de lui; dans ce cas, une inten-
tion apologétique de soi-même pourrait être à la base de son projet :

“Qui que vous soyez […] je vous conjure par mes malheurs, par mes entrailles, et au nom
de toute l’espèce humaine de ne pas anéantir un ouvrage unique et utile […] et de ne pas
ôter à l’honneur de ma mémoire le seul monument sûr de mon caractère qui n’ait pas été
défiguré par mes ennemis. Enfin fussiez-vous vous-même un de ces ennemis implacables,
cessez de l’être envers ma cendre”

Rousseau. Les Confessions (p. 3). Paris: Gallimard, Pléiade, 1959. (Cette note sans titre se
trouve dans le manuscrit de Genève.)

• Soit l’approche de la mort rend pressant le désir de laisser un portrait réel


de soi et l’on veut remémorer un passé qui risque de disparaître avec nous:

“Je veux, avant de mourir, remonter vers mes belles années, expliquer mon inexplicable
cœur, voir enfin ce que je pourrai dire lorsque ma plume sans contrainte s’abandonnera
à tous mes souvenirs”

Chateaubriand. Préface aux Mémoires de ma vie, cité par M. Levaillant et G. Moulinier


(1951). Mémoires d'outre-tombe (p. X). Paris: Gallimard, Pléiade.

• Soit l’individu veut tenter, à travers le moyen thérapeutique de l’écriture,


une délivrance proche d’un parcours psychanalytique avant la lettre.

Bien d’autres desseins sont susceptibles d’inspirer l’entreprise de se décrire et


ils sont sûrement changeants et divers comme l’est l’âme humaine. Mais cette
attention portée au moi, cette pulsion narcissique, (rabaissée d’un coup par
l’observation de Pascal sur les Essais de Montaigne “le sot projet de se pein-
dre”) a mérité la condamnation des moralistes et des chrétiens rigoureux qui
ont vu dans cette pratique une manifestation suspecte d’une excessive com-
plaisance envers soi-même et un péché d’amour propre; le moi serait-il haïs-
sable comme le disait Pascal?
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 44 Époques classique et des Lumières

“Le moi est haïssable […] En un mot, le moi a deux qualités: il est injuste en soi, en ce
qu’il se fait centre du tout; il est incommode aux autres, en ce qu’il les veut asservir: car
chaque moi est l’ennemi et voudrait être le tyran de tous les autres.”

Pascal. Pensées, Brunswick 455, dans Œuvres complètes (p. 1126). Paris: Gallimard, Pléiade,
1954.

4.1. La littérature du moi

4.1.1. Expression du moi et littérature intime

Bien qu’on puisse soutenir que toute littérature soit écriture de soi ou à partir
de soi, il est nécessaire de délimiter un espace littéraire où le moi s’exprimerait
en se posant lui-même comme objet. Ainsi, une littérature qu’on a appelée
“intime”, regrouperait plusieurs genres ou sous-genres ayant comme points de
départ les différentes formulations du moi; parmi ceux-ci, l’autobiographie,
les mémoires, le journal intime et le roman autobiographique. Encore fau-
drait-il y ajouter l’autoportrait, la lettre autobiographique et l’essai tel que
Montaigne l’a modelé dans ses Essais : la forme ouverte de l’essai est pour lui
l’outil idéal qui va lui permettre, moyennant des juxtapositions ou des tou-
ches successives, de parvenir au but de se peindre:

“Je veus qu’on m’y voie en ma façon simple, naturelle et ordinaire, sans contention et
artifice: car c’est moy que je peins…Ainsi, lecteur, je suis moy-mesmes la matière de mon
livre.”

Montaigne. Essais (p. 3). Paris: Presses Universitaires de France, 1965.

Pour faire une première approche afin de fixer les caractères des modalités lit-
téraires énumérées, au moins des plus significatives, nous allons recourir à
Philippe Lejeune, spécialiste en littérature du moi.

Évidemment, la véritable écriture du moi c’est l’autobiographie; Philippe Le-


jeune en propose la définition suivante:

“nous appelons autobiographie le récit rétrospectif en prose que quelqu’un fait de sa pro-
pre existence, quand il met l’accent principal sur sa vie individuelle, en particulier sur
l’histoire de sa personnalité.
Cette définition met en jeu des éléments qui appartiennent à trois catégories différentes :
1. La forme du langage : a) récit ; b) en prose. 2. Le sujet traité : vie individuelle, histoire
d’une personnalité. 3. La situation de l’auteur : a) identité de l’auteur, du narrateur et du
personnage; b) perspective rétrospective du récit.”

Ph. Lejeune (1998). L'autobiographie en France (p. 10). Paris: Armand Colin.

Par contre dans les mémoires...

...”l’auteur se comporte comme un témoin: ce qu’il a de personnel, c’est le point de vue


individuel, mais l’objet du discours est quelque chose qui dépasse de beaucoup l’indivi-
du, c’est l’histoire des groupes sociaux et historiques auquel il appartient.”

Ph. Lejeune, op. cit., p. 11.


 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 45 Époques classique et des Lumières

À son tour, le journal intime serait “une écriture quasi contemporaine et mor-
celée, qui n’a aucune forme fixe” (op. cit., p. 24) et le roman autobiographique
serait défini par le fait que l’auteur n’affirme pas que c’est exactement son his-
toire personnelle qu’il raconte, en plus des éléments de fiction qui détermi-
nent la perspective romanesque du récit.

D’après une partie importante de la critique, les Confessions de Jean-Jac-


ques Rousseau sont l’écrit fondateur de l’écriture autobiographique.

Cette innovation radicale serait déterminée par certaines conditions économi-


ques et sociales liées au début de la civilisation industrielle et à l’arrivée au
pouvoir de la bourgeoisie, phénomènes qui auraient éveillé l’intérêt porté à
l’individu, quel qu’il fût.

Mais à l’opposé de cette tradition, Georges Gusdorf soutient, en s’appuyant


sur l’existence de répertoires d’autobiographies qui en relèvent des exemples
depuis l’antiquité et sur d’autres considérations, que l’histoire de l’autobiogra-
phie occidentale ne commence pas avec Rousseau, car enfin...

...”La littérature du moi n’a pas attendu pour s’affirmer les décrets des censeurs, ni même
le mot “autobiographie”

G. Gusdorf (1991). Les écritures du moi (p.66). Paris: Odile Jacob.

Rappelons à ce sujet que le terme autobiographie a eu une entrée très tardive


dans la langue française car il...

...”ne s’introduit dans la langue française qu’après 1830, bien qu’attesté en allemand dès
1795, et en anglais en 1804.”

J. Voisine (1980). “De la terminologie dans l’étude des littératures autour de 1800”, dans
Thèmes et figures du siècle des Lumières. Mélanges offerts à Roland Mortier (p. 322). Genève:
Droz. Et d’autres citations à l’appui.

Toutes ces considérations prouvent donc l’existence de problèmes sous-


jacents quand on veut trop déterminer l’historique des genres littéraires; mais
ce qui est certain c’est que l’intérêt pour le moi et pour les vies de personnages
importants se développe en Europe au XVIII è siècle, bien que certains ouvrages
antérieurs en aient frayé le chemin d’un éclat illustre: le Secretum et la Lettre à
la postérité de Pétrarque, les Essais de Montaigne, les Mémoires de Benvenuto
Cellini et le De Vita propria de Girolamo Cardano.

4.1.2. Confessions et autobiographie

Appeler “confessions” un récit autobiographique implique, sans aucun doute,


une volonté de l’insérer dans une perspective et d’en faire ressortir une inten-
tion.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 46 Époques classique et des Lumières

Le terme nous ramène à la tradition des écrits autobiographiques issus de la voca-


tion religieuse et dans lesquels la description des expériences spirituelles consti-
tuait le noyau essentiel. À leur origine nous trouvons les Confessions de Saint
Augustin (354-430), récit autobiographique centré sur sa conversion au christia-
nisme en 387 et où le dessein de l’auteur est d’arriver aux plus secrètes profon-
deurs de sa conscience intime en ayant Dieu comme but de ce parcours:

“Quiero acordarme ahora de mis fealdades pasadas y de las carnales torpezas de mi alma.
Y lo hago, no porque ame estos pecados, sino para amarte a ti, Dios mío. Por amor de tu
amor hago esto, trayendo a la memoria mis caminos torcidos con gran amargura.”

San Agustín. Confesiones (p. 53). Madrid: Alianza Editorial, 1990.

Mais les Confessions de Rousseau “sont pourtant l’exacte antithèse de celles


d’Augustin” (P. Courcelle, Les Confessions de Saint Augustin dans la tradition lit-
téraire, Paris, Études Augustiniennes, 1963, p. 459), car en plus de nombreux
traits différents, les Confessions de Rousseau adoptent une perspective laïque.
Néanmoins, dans les premières lignes de l’ouvrage, l’auteur en appelle au Ju-
gement de Dieu, quitte à prendre par la suite le lecteur comme juge:

“Que la trompette du jugement dernier sonne quand elle voudra ; je viendrai ce livre à
la main me présenter devant le souverain juge.”

Rousseau. Œuvres complètes (I, p. 5). Paris : Gallimard, Pléiade, 1959.

Et dans cette même direction, G. Gusdorf rappelle (op. cit., p. 74) que Rous-
seau, par ses origines helvétiques et protestantes et par son penchant vers une
religion de cœur, appartenait à un grand mouvement spirituel piétiste répan-
du en Europe dès la fin du XVII è siècle.

Pourquoi Rousseau s’était-il décidé en 1764-1765 à commencer la rédaction de


ses Confessions ? Plusieurs facteurs ont pu contribuer à sa décision:

• Son éditeur, Marc Michel Rey, établi à Amsterdam, lui demandait, dès 1761 :
“Une chose que j’ambitionne depuis longtemps […]ce serait votre vie”.
Rappelons à ce sujet que le roman à la première personne connaît un re - Voyez la partie 3.3.1. consacrée au
roman dans le chapitre 3.3 sur les
gain de succès au XVIIIè siècle, romans que les auteurs essaient de faire pas- Lumières dans ce même module.

ser pour de vraies autobiographies.

• Un besoin impérieux de se justifier aux yeux du monde le tracassait depuis


la naissance de l’obsession de l’existence d’un complot général contre lui
et de la parution du Sentiment des Citoyens par Voltaire l’accusant d’avoir
abandonné ses enfants aux Enfants trouvés; s’il est vrai que cette décision
avait été pleinement assumée (“je crus faire un acte de Citoyen et de père”,
Œuvres, I, p. 357), au commencement du livre XII des Confessions les senti-
ments de culpabilité l’envahissent:

“En méditant mon traité de l’éducation, je sentis que j’avais négligé des devoirs dont rien
ne pouvait me dispenser. Le remords enfin devint si vif qu’il m’arracha presque l’aveu
public de ma faute…”

Œuvres complètes, I, p. 594, op. cité.


 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 47 Époques classique et des Lumières

• Rousseau avait un penchant naturel à raconter sa vie, un goût pour la confi-


dence égotiste, comme le prouvent les nombreuses allusions personnelles
dispersées dans ses œuvres et le corpus autobiographique qu’il nous a laissé.

• La confrontation des souvenirs et des sentiments présents lui permettait de


mieux retracer l’histoire de son âme:

“En me livrant à la fois au souvenir de l’impression reçue et au sentiment présent, je pein-


drai doublement l’état de mon âme”

Préambule de Neuchâtel ; cité dans le Dictionnaire de J.-J. Rousseau (p. 159). Paris: Champi-
on, 1996.

• Plus en général, n’oublions pas les considérations faites par Maria Zambra-
no à propos de la confession:

“La confesión surge de ciertas situaciones. Porque hay situaciones en que la vida ha lle-
gado al extremo de confusión y de dispersión…Precisamente cuando el hombre ha sido
demasiado humillado, cuando se ha cerrado en el rencor, cuando sólo siente sobre sí “el
peso de la existencia”, necesita entonces que su propia vida se le revele. Y para lograrlo,
ejecuta el doble movimiento propio de la confesión: el de la huida de sí, y el de buscar
algo que le sostenga y aclare.”

María Zambrano (1988). La confesión: género literario (p. 18-19). Madrid: Mondadori.

Être d’exception lui-même, Rousseau se montre, dès le début des Confessions , très
fier de la singularité de son entreprise et très sûr de l’originalité de son projet:

“Je forme une entreprise qui n’eut jamais d’exemple, et dont l’exécution n’aura point
d’imitateur. Je veux montrer à mes semblables un homme dans toute la vérité de la
nature; et cet homme, ce sera moi.”

Œuvres complètes, I, p. 5, op. cité.

La conscience de la singularité de son entreprise viendrait de son double


propos: la volonté de tout dire (“Je dirai tout, le bien, le mal, tout enfin”, Voyez le début
des Confessions.
Ébauches des Confessions, Œuvres complètes, I, p. 1153) et l’ambition d’une sin-
cérité totale:

“Dans l’entreprise que j’ai faite de me montrer tout entier au public, il faut que rien de
moi ne lui reste obscur ou caché…”

Œuvres complètes, I, p. 59, op. cité.

Mais cette double intention se heurte à une difficulté: les défaillances de la


mémoire, toujours sujette à l’oubli:

“Ma première partie a été toute écrite de mémoire et j’y ai dû faire beaucoup d’erreurs.”

Œuvres complètes, I, p. 277, op. cité.

Conscient de ce danger et tout en admettant les faussetés que la mémoire a pu


lui faire commettre, Rousseau parvient quand même à l’assurance de la mé-
moire des sentiments qui, elle, ne peut le tromper:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 48 Époques classique et des Lumières

“Je n’ai qu’un guide fidèle sur lequel je puisse compter ; c’est la chaîne des sentiments
qui ont marqué la succession de mon être, et par eux celle des événements qui en ont été
la cause ou l’effet…je ne puis me tromper sur ce que j’ai senti, ni sur ce que mes senti-
ments m’ont fait faire.”

Œuvres complètes, I, p. 278, op. cité.

La sincérité de Rousseau est bien une sincérité du cœur et des sentiments qui
repose sur une évidence intérieure; elle découlerait de la nature et montrerait
par là la supériorité de celle-ci sur la société des hommes.

4.2. Les Confessions de Jean-Jacques Rousseau

4.2.1. Structure et étapes dans la rédaction des Confessions

Les Confessions , en douze livres, ont paru en 1782 (livres I à VI ) et en 1789 (li-
vres VII à XII). Par volonté expresse de l’auteur, elles devaient être un ouvrage
posthume, Rousseau étant décédé en 1778.

La rédaction fut interrompue à plusieurs reprises en fonction des voyages de


Lecture recommandée
Rousseau et des crises morales qui l’accablaient. Commencée en 1764-1765 à
J. Voisine (1980).
Môtiers (en Suisse), elle est reprise en 1766-67, puis pendant l’été et l’automne
Introduction aux Confessions
1767. Le livre VII, commencé en 1769 et premier de la seconde partie, s’ouvre (p. XXIX à XXXII). Paris:
Garnier.
en annonçant la volonté de l’auteur de reprendre l’écriture de l’ouvrage “après
deux ans de silence et de patience” car Rousseau avait décidé en novembre
1767 de ne pas poursuivre la rédaction des Confessions . Le livre XII , le dernier,
fut achevé à Paris pendant l’été 1770.

Dans la première partie, une place de choix est accordée aux souvenirs
d’enfance:

“Su descubrimiento capital será la recuperación de la infancia como espacio clave del ori-
gen de la personalidad y sin la que difícilmente puede darse una autobiografía sólida-
mente cimentada. Por primera vez, adelantándose más de un siglo a Freud, las
Confesiones abordaban aspectos claves hasta entonces desatendidos, como la sexualidad
infantil o el auto-erotismo.”

J. del Prado ; J. Bravo ; M.D. Picazo (1994). Autobiografía y modernidad literaria (p. 235 à
236). Publicaciones de la Universidad de Castilla-La Mancha.

Le livre VII s’ouvre sur un ton sombre qui préside désormais le récit car les derniers
livres évoquent les malheurs et les perfidies dont il sera la victime, convaincu de
l’existence d’un complot universel contre lui. Le dessein de la seconde partie n’est
plus seulement de faire connaître son moi intime mais d’élucider des faits et de
fausses accusations. À la mémoire qui alimente la première partie, des documents
seront utilisés dans la seconde pour éviter les erreurs.

La fatalité qui pèse sur sa destinée constitue le leitmotiv des derniers livres et la fin
du livre XII qui nous transmet une de ses lectures publiques des Confessions, se clôt
sur l’affirmation de sa sincérité et sur la réitération de son honnêteté.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 49 Époques classique et des Lumières

4.2.2. Les Confessions et la vie de Rousseau

“C’est l’histoire de mon âme que j’ai promise”


(Œuvres complètes, I, p. 278, op. cité)

Les Confessions vont au-delà du simple récit d’une vie mais elles sont aussi un
excellent guide pour connaître le périple humain de Rousseau et pour connaî-
tre, depuis une position privilégiée, les coulisses des Lumières et de l’aventure
de l’Encyclopédie.

Le récit commence tout traditionnellement avec un “Je suis né à Genève en


1712…”. Fils d’un horloger genevois, la mère de Rousseau mourra suite à son Voyez la description de
cette expérience.
accouchement, événement qui le marqua, dès l’enfance, d’un profond senti-
ment de culpabilité (“je coûtai la vie à ma mère, et ma naissance fut le premier
de mes malheurs”). Une fessée donnée par la sœur du pasteur qui l’éduque
procure à l’enfant une expérience érotique dont l’aveu constitue la première
de ses confessions. Entré en apprentissage chez un graveur, il s’enfuit de Ge-
nève et un curé savoyard qui a pitié de sa misère, le confie à une dame catho-
lique, Mme de Warens, qui deviendra sa protectrice. Un séjour à Turin
parachève sa formation catholique, religion qu’il adoptera; dans cette ville a
lieu l’épisode du vol d’un ruban, dont il accuse une servante; c’est la seconde Voyez le récit de cet
épisode.
de ses confessions.

Une formation musicale lui permet de gagner sa vie comme maître de musi-
que tandis que son éducation autodidacte se poursuit aux côtés de Mme de
Warens dont il deviendra l’amant ; Claude Anet habite avec eux en partageant
aussi les faveurs de Mme de Warens et à la mort de celui-ci, ils vont habiter
aux Charmettes:

“Ici commence le court bonheur de ma vie ; ici viennent les paisibles mais rapides mo-
ments qui m’ont donné le droit de dire que j’ai vécu […]. Je me levais avec le soleil et
j’étais heureux; je me promenais et j’étais heureux, je voyais maman et j’étais heureux
[…] le bonheur me suivait partout.”

Œuvres complètes, I, p. 226, op. cité.

Sa santé très délicate le fait aller consulter un médecin à Montpellier ; à son


retour aux Charmettes, Jean-Jacques a été supplanté par un nouveau venu et
il partira pour Lyon: ainsi finit le livre VI et la fin de la première partie.

Rousseau part ensuite pour Paris où il va entrer en rapport avec l’élite intellec-
tuelle du moment et aussi la musicale: Voltaire, Diderot, Grimm, Condillac,
Rameau... Il commence une liaison avec une servante d’auberge, Thérèse Le-
vasseur, dont il aura cinq enfants.

En 1749, D’Alembert fait appel à lui pour rédiger les articles de musique de
l’Encyclopédie. Diderot étant emprisonné à Vincennes, Rousseau va le voir et
en cours de route, il éprouve une “illumination” en lisant le sujet du concours
de l’Académie de Dijon; un système de pensée et de philosophie commence
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 50 Époques classique et des Lumières

à se définir chez lui et il se décide à écrire le Discours sur les sciences et les arts
(1750), premier prix de ce concours et origine de son succès mondain.

En 1754, Rousseau voyage à Genève et il est réintégré dans l’Église calviniste


et la citoyenneté genevoise. L’année suivante, en réponse à un nouveau sujet
de l’Académie de Dijon, il publie le Discours sur l’origine et les fondements de
l’inégalité parmi les hommes ; suite à cet ouvrage, il reçoit une lettre blessante
de la part de Voltaire et il décide de s’installer à l’Ermitage plutôt qu’à Genève
dans une demeure que lui prête Mme d’Épinay. À l’Ermitage Rousseau tra-
vaille à son roman Julie ou la Nouvelle Héloïse et il éprouve une passion subite
pour Mme d’Houdetot ; l’écriture de ce roman deviendra le rêve compensa-
teur d’un monde qui le rebute:

“Que fis-je en cette occasion? […]. L’impossibilité d’atteindre aux êtres réels me jeta dans
le pays des chimères, et ne voyant rien d’existant qui fut digne de mon délire, je le nour-
ris dans un monde idéal que mon imagination créatrice eut bientôt peuplé d’êtres selon
mon cœur.”

Œuvres complètes, I, p. 427, op. cité.

En effet, blâmé pour sa misanthropie et brouillé avec le cercle de Mme


Lecture recommandée
d’Épinay, Rousseau quitte l’Ermitage en 1757 et il part pour Montmorency;
Voyez dans le Dictionnaire
c’est une étape douloureuse marquée par la maladie et la rupture avec Diderot des Littératures de Langue
et ses amis mais féconde d’activité intellectuelle: Lettre à D’Alembert sur les Française les notices de ces
œuvres.
spectacles (1758), parution de La Nouvelle Héloïse (1761, succès de librairie
européen), publication de l’Émile, son traité sur l’éducation, et du Contrat so-
cial (1762), publication de Quatre Lettres à M. le Président de Malesherbes (1762).

De nouveaux malheurs s’abattent sur lui: l’entrée en France du Contrat social


est interdite, l’Émile est condamné à cause de la Profession de foi du Vicaire
savoyard ; lui-même, “décrété de prise de corps”. Il s’enfuit de Paris et il se ré-
fugie à Môtiers en Suisse; là encore, la “lapidation” reçue chez lui, le force à
chercher un autre asile:

“À minuit j’entendis un grand bruit dans la galerie qui régnait sur le derrière de la mai-
son. Une grêle de cailloux lancés contre la fenêtre et la porte qui donnaient sur cette ga-
lerie y tombèrent avec tant de fracas, que mon chien se tut de frayeur.”

Œuvres complètes, I, p. 634, op. cité.

Ce nouvel asile sera l’île Saint-Pierre, sur le lac de Bienne: il herborise et il se


lance avec passion dans l’étude de la botanique mais ce bonheur sera très court
car, chassé à l’entrée de l’hiver, il accepte l’offre d’asile en Angleterre du phi-
losophe David Hume.

Les Confessions finissent à ce moment; le texte annonce une troisième partie


qui ne sera jamais écrite.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 51 Époques classique et des Lumières

4.3. L’œuvre autobiographique de Rousseau

La quête intérieure et la description du moi ne s’est pas seulement bornée chez


Rousseau aux Confessions. Porté naturellement à se dire, il a voulu faire péné-
trer le lecteur jusqu’à l’intimité de son cœur, obsédé par la sincérité (“vitam
impendere vero”, consacrer la vie à la vérité, était devenue sa devise et un sou-
ci incessant) et par le désir de se peindre “intus, et in cute” (seconde partie des
Confessions), c’est-à-dire, intérieurement et sous la peau. Ainsi, rien d’éton-
nant qu’il nous ait laissé un corpus autobiographique important ; en plus des
Confessions, ce corpus est formé par les ouvrages suivants:

• Quatre lettres à M. le Président de Malesherbes (1762).


Lecture recommandée
• Les Dialogues. Le manuscrit de Genève donne le titre Rousseau juge de Jean-
Voyez les introductions à ces
Jacques en tête du premier Dialogue, mais n’a pas de titre général pour l’en- textes dans l’édition Œuvres
semble de l’œuvre. (Œuvres , I, p. 1615). (1782). complètes, I. Paris:
Gallimard, Pléiade, 1959.
• Les Rêveries du promeneur solitaire (1782).
Encore, faudrait-il ajouter un fragment autobiographique, Mon portrait et
d’autres documents.

Les Quatre lettres à M. le Président de Malesherbes...

...”représentent une œuvre à peu près unique par les circonstances de leur composition,
par leur forme, leur contenu et leur écriture. Dictées par la hantise de la maladie et de la
mort, par l’angoisse due aux retards de la publication de l’Émile et à la crainte que le texte
soit défiguré, elles sont un des écrits les plus étincelants de Rousseau […] elles sont con-
sacrées à travers leur raccourci à brosser le portrait intérieur de son moi et destinées à
prendre la place du projet de ses Mémoires, que la mort, qu’il croit imminente, l’empêche
d’écrire. Il s’agit pour lui de justifier la singularité de sa nature, de tracer de lui-même, en
quelques pages, une image conforme à la vérité de son être.”

M. Eigeldinger (1987). “Le discours autobiographique dans les Lettres à Malesherbes”,


Études Jean-Jacques Rousseau (p. 9-10). Reims: Éditions À l’écart.

Dans les Dialogues, nous assistons au dédoublement de Rousseau et de Jean-


Jacques, car en plus de poursuivre son apologie face au complot de ses enne-
mis, Rousseau se débat aussi contre lui-même; un autre interlocuteur, un
Français, intervient comme le porte-parole de toutes les calomnies qui soute-
naient le complot mais malgré son attitude défensive, l’auteur parvient à une
forme supérieure de bonheur :

“Lorsque Rousseau commence les Dialogues, en 1772, il se sent entouré par un monde
absurde, il est envahi par une impression d’étrangeté, mais il ne s’abandonne pas au
désespoir…travaillant pour sa mémoire, il découvre alors que son avenir terrestre est so-
lidaire de celui de l’humanité.”

Œuvres complètes, I, p. L XX , op. cité.

Les Rêveries ont été écrites pendant les deux dernières années de la vie de Rous-
seau (1776-1778). Il y reprend l’étude de son moi:

“je ne dois ni ne veux plus m’occuper que de moi. C’est dans cet état que je reprends la
suite de l’examen sévère et sincère que j’appelai jadis mes Confessions . Je consacre mes
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 52 Époques classique et des Lumières

derniers jours à m’étudier moi-même et à préparer d’avance le compte que je ne tarderai


pas à rendre de moi.”

Œuvres complètes, I, p. 999, op. cité.

À la différence des Confessions , l’esprit de Rousseau est ici apaisé et il se dispose


à jouir de son moi :

“Depuis quatre ou cinq ans je goûtais habituellement ces délices internes que trouvent
dans la contemplation les âmes aimantes et douces. Ces ravissements, ces extases que
j’éprouvais quelquefois en me promenant ainsi seul étaient des jouissances que je devais
à mes persécuteurs.”

Œuvres complètes, I, p. 1003, op. cité.

La solitude et les promenades dans les prés et dans les bois lui permettent la
reconquête de son moi dans un monde devenu accueillant. La rêverie (vaga-
bondage, extase, parfois méditation) se double d’images charmantes et l’ima-
gination qui lui avait permis de peupler un monde “d’êtres selon mon cœur”,
efface maintenant la séparation du réel et de la fiction:

“à l’attrait d’une rêverie abstraite et monotone je joins des images charmantes qui la vi-
vifient. Leurs objets échappaient souvent à mes sens dans mes extases, et maintenant
plus ma rêverie est profonde plus elle me les peint vivement. Je suis souvent plus au mi-
lieu d’eux et plus agréablement encore que quand j’y étais réellement.”

Œuvres complètes, I, p. 1049, op. cité.

L’eau, sans doute, aide à ce miracle de la rêverie, mouvement d’expansion to-


tale de l’âme où le sujet s’assimile à l’objet et dans cet état, en pleine commu-
nion avec la nature, Rousseau se suffit à lui-même comme Dieu :

“Tel est l’état où je me suis trouvé souvent à l’île Saint Pierre dans mes rêveries solitai-
res…De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi, de rien sinon
de soi-même et de sa propre existence, tant que cet état dure on se suffit à soi-même com-
me Dieu.”

Œuvres, complètes, I, p. 1047, op. cité.


 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 53 Époques classique et des Lumières

Résumé

Vers 1660, se généralise en France un courant littéraire inspiré des modèles des
Anciens et qui a comme idéals esthétiques essentiels: la raison, l’imitation de
la nature et la soumission aux règles, principalement celles des trois unités, de
la vraisemblance et des bienséances. Ces notions s’appuyaient sur la Poétique
d’Aristote que les théoriciens du classicisme avaient connue à travers les com-
mentateurs italiens de la Renaissance.

Le triomphe de cet idéal esthétique a été possible parce que toute une série de
conditions préalables étaient réunies: la réforme de Malherbe, le désir généra-
lisé d’améliorer et d’épurer la langue, l’influence des doctes et des critiques
qui ont réussi à imposer leurs points de vue, l’existence d’un climat social qui
favorisait le goût de la conversation, de l’honnêteté et de la littérature.

Les préoccupations religieuses et spirituelles du siècle qui se manifestent par


exemple autour du grand débat sur le jansénisme ont favorisé l’éclosion d’une
littérature très attentive aux questions morales, religieuses, voire philosophi-
ques, comme dans le cas des Pensées de Pascal.

Le grand triomphe du classicisme s’est produit au théâtre: la tragédie avec Ra-


cine (Corneille lui avait frayé le chemin) et la comédie avec Molière. Le théâtre
régulier a survécu jusqu’aux grands débats du romantisme et à l’avènement du
drame romantique. Le roman classique est représenté par le chef-d’œuvre de
Mme de La Fayette La Princesse de Clèves, roman d’analyse psychologique où
se manifeste l’empreinte du jansénisme.

Louis XIV a annexé à son prestige personnel et aux fastes de la cour la produc-
tion littéraire des grands auteurs classiques: Molière a été son comédien à ga-
ges, Racine a été un courtisan intime du roi dont il deviendra, avec Boileau,
l’historiographe.

Par l’éclat et l’immortalité des chefs-d’œuvre produits, le XVII è siècle français


est passé à la postérité sous le nom du “Grand Siècle”.

Le théâtre a été au XVII è siècle l’axe central de la production littéraire et s’y est
concentré, à partir de 1660, l’expression de la doctrine classique.

Au début du siècle, le théâtre était encore une activité très rudimentaire qui se
développait dans des conditions difficiles ; mais cette situation se modifie au
fur et à mesure qu’un public bourgeois prend goût aux représentations théâ-
trales. À cette atmosphère d’encouragement il faut ajouter la forte protection
de Louis XIV ainsi que de la société aristocratique de l’époque.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 54 Époques classique et des Lumières

Pendant les premières décennies du siècle, une lutte esthétique se produit entre
les tendances qu’on peut qualifier de baroques et les tendances classiques ; le
théâtre baroque aime la tragi-comédie et la pastorale, le classicisme, lui, opte
pour la tragédie et pour la comédie. Ce sont finalement les tendances classiques
qui triomphent et qui vont s’imposer vers 1640, bien que le classicisme épuré
ne donne ses chefs-d’œuvre qu’à partir de 1660. Le triomphe du classicisme as-
sure à son tour le triomphe du théâtre dit régulier, c’est-à-dire, soumis à des rè-
gles et à des préceptes nombreux; il aura une longue vie jusqu’à l’avènement
du romantisme.

Corneille, même s’il n’est pas un vrai “régulier”, assure par sa condition
d’homme de métier, l’intronisation sociale de l’activité théâtrale mais c’est à
Racine que revient le mérite d’avoir fondé la tragédie classique avec une for-
mule opposée à celle de la tragédie cornélienne : une action simple soutenue
par la force des passions.

Molière incarne le succès de la comédie classique: s’il a peint les défauts de la


société dans les années 1660-1673, il s’élève à la catégorie d’auteur “classique”
parce qu’il a su peindre l’homme de toutes les époques dans la complexité du
vivant. Son comique n’est plus seulement destiné à faire rire, bien qu’il y ait
excellé, mais également à émouvoir.

Le siècle des Lumières a affirmé sa foi en la raison et en l’esprit critique.

L’homme qui incarnera l’idéal des Lumières est le philosophe: “Le vrai philo-
sophe est donc un honnête homme qui agit en tout par raison, et qui joint à
un esprit de réflexion et de justesse les mœurs et les qualités sociales” (Dumar-
sais, article philosophe dans l’Encyclopédie.) Ce philosophe s’appuie aussi sur
l’observation et sur l’expérience suivant l’exemple de Newton, très admiré par
les philosophes des Lumières.

Le siècle se laïcise bien que, à quelques rares exceptions près, la plupart des
philosophes restent déistes. Une nouvelle morale conduit l’homme à son épa-
nouissement terrestre; le bonheur et le plaisir sont revendiqués mais Rous-
seau apportera sa vision personnelle: il n’y a pas de bonheur si l’on s’éloigne
de la voie de la vertu.

Les Lumières en France apporteront des acquis universels: Montesquieu fon-


de la science politique avec l’Esprit des Lois (publié à Genève en 1748); Voltai-
re incarne l’engagement philosophique et Rousseau synthétise l’idée de liberté
(“L’homme est né libre, et partout il est dans les fers”, Contrat social, I, 1) et au
nom des principes de la loi naturelle questionne l’inégalité chez les hommes
(Discours sur l’inégalité, 1755) et revient sur le problème de la naissance de
l’État dans le Contrat social (publié en 1762).

L’Encyclopédie unit le parti des philosophes dans la vaste entreprise de répan-


dre le savoir et elle aspire à bannir de ses articles les préjugés et les ténèbres:
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 55 Époques classique et des Lumières

la censure dont elle est la cible nous en dit long sur l’effort cyclopéen de la ré-
daction de l’ouvrage.

La littérature se fait écho des préoccupations philosophiques de l’époque mais


elle va exceller aussi dans l’analyse des sentiments, notamment de l’amour. La
sensibilité, les larmes, les effusions du cœur ne sont pas absentes de la littéra-
ture de l’époque et cette tendance se manifeste dans le roman et dans le drame
bourgeois.

Le roman est le genre en épanouissement et la vogue du genre épistolaire par-


court le siècle, depuis les Lettres persanes (1721) de Montesquieu jusqu’à Les Li-
aisons dangereuses (1782) de Laclos. Les trouvailles techniques des romans de
l’époque annoncent le roman moderne et assurent l’établissement du genre.

Si, au dire de Georges Gusdorf, Rousseau n’a pas inventé le genre autobiogra-
phique, il est certain que l’entreprise rousseauiste de se raconter a rompu les
schémas classiques précédents; le moi, loin d’être “haïssable” (Pascal), est de-
venu le point central de l’écriture littéraire.

“Ce qui est premier, dans les Confessions de Jean-Jacques, ce n’est pas le rapport à Dieu,
la recherche du typique ou le témoignage sur l’histoire; c’est, au contraire, la peinture
de l’individu dans sa différence […] le “dire tout” individuel de Rousseau, concurrem-
ment au “dire tout” collectif de l'Encyclopédie, inaugure un âge nouveau dans les lettres.”

J-P. Beaumarchais ; D. Couty ; A. Rey. Dictionnaire des Littératures de langue française. Paris :
Bordas, 1984, III, p. 2035.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 57 Époques classique et des Lumières

Activités

La doctrine classique

1 . Prenez la définition que donne Aristote de la tragédie (Poétique, VI) et dégagez-en les com-
posantes, tout en essayant de les expliquer. Aidez-vous d’une édition commentée.
2 . Lisez attentivement la préface de Phèdre. Commentez les observations de Racine qui relè- Vous trouverez la préface
de Phèdre sur le web du
vent de la doctrine classique. cours.

Le théâtre classique: tragédie et comédie

1 . Essayez de déterminer dans chaque acte du Cid quelles sont les scènes principales, en es-
sayant de le justifier. Analysez encore le pathétisme de certaines situations ainsi que les
grands effets théâtraux qui relèvent de la bonne technique dramatique de Corneille.
2. Étudiez les éléments comiques de l’admiration et de la fixité imperturbable d’Orgon vis-à-
vis de Tartuffe (observations des autres personnages, les jeux des symétries, les répliques, les
faux-fuyants, etc.). Étudiez aussi l’importance des gestes dans la scène de séduction d’Elmire
par Tartuffe ( scène trois de l’acte III).
3 . Faites l’analyse psychologique de la passion et des sentiments de Phèdre dans son aveu à Hyp-
polyte (acte II, scène cinq: “Ah ! cruel, tu m’as trop entendue…prête-moi ton épée. Donne”)

La littérature des Lumières

1 . Prenez “l’Avis au Lecteur” de Manon Lescaut de l’abbé Prévost. Montrez comment s’y ex-
prime l’idée horatienne d’un art utilitaire ayant pour but l’instruction morale.
2 . Explicitez les sentiments qui s’expriment dans l’extrait de Le Paysan parvenu de Marivaux
et mettez-les en rapport avec la technique narrative de la double perspective du récit (l’hom-
me adulte/ le jeune paysan).
3 . Commentez les effets de l’ironie dans l’extrait de Candide de Voltaire.

Jean-Jacques Rousseau et l’expression du moi

1 . Suite aux initiatives pédagogiques de Philippe Lejeune pratiquées à l’Université de Paris Vous trouverez le texte
Nord, rédigez votre autobiographie. Essayez de vous peindre “intus, et in cute.” préambule des
Confessions sur le web
2 . Prenez le texte-préambule des Confessions et dégagez-en les idées maîtresses. du cours.

Exercices d’auto évaluation

La doctrine classique

1. En France quel critique a défini pour la première fois la notion d’auteur classique?
2. Résumez les points essentiels de la réforme de Malherbe.
3. Qu’a représenté la Querelle du Cid dans l’histoire du classicisme?
4. Quel ouvrage théorique peut-il être considéré comme le manifeste de la doctrine classique?
5. Quel personnage politique a-t-il eu une influence directe sur l’instauration de l’Académie
française?
6. Quel a été l’idéal humain adopté par le XV IIè siècle français?
7. Parmi les règles des trois unités, lesquelles figuraient déjà dans la Poétique d’Aristote?
8. Pourquoi le vraisemblable était-il préféré au vrai?
9. Quel principe Corneille a-t-il transgressé quand, dans le Cid (début de l’acte III), il fait que
Rodrigue rende visite à Chimène chez elle le jour même où il a tué son père?
10. Peut-on identifier cartésianisme et rationalisme classique?

Le théâtre classique: tragédie et comédie

1. Pourquoi, d’après Aristote, la tragédie devait-elle être une imitation des malheurs et des
souffrances humaines?
2. Est-ce que le rire est l’objectif qui définit la comédie?
3. Que faut-il comprendre quand on appelle la tragédie de Corneille “tragédie héroïque”?
4. Citez les causes possibles du grand succès du Cid en 1637.
5. Donnez un exemple de comédie de mœurs chez Molière et justifiez-le.
6. Résumez les traits essentiels de la comédie de Molière.
7. Quels avantages Racine avait-il su tirer de l’adaptation de sujets des tragédies grecques?
8. Quelle était la fonction de l’exposition dans une pièce classique?
9. Quels éléments caractérisent les obstacles intérieurs?
10. Quelles qualités jugeait-on nécessaires à un bon dénouement?
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 58 Époques classique et des Lumières

La littérature des Lumières

1. Essayez d’expliquer la métaphore “les Lumières”.


2. Expliquez le sens de la devise des Lumières “sapere aude”.
3. Trouvez dans le titre complet de l’Encyclopédie les éléments qui sont essentiels.
4. D’après la citation proposée, analysez pourquoi Rousseau condamnait le roman du point
de vue de la morale.
5. Quels sont les effets narratifs de la technique de la double perspective dans les romans de
Marivaux?
6. Pourquoi le réel devait-il être la source d’inspiration du drame bourgeois?
7. Essayez de justifier le choix de la prose dans le drame bourgeois.
8. D’après la synopsis de Candide, commentez les aspects du mal qui apparaissent dans le
conte.
9. Pensez-vous que Voltaire croyait à la civilisation?

Jean-Jacques Rousseau et l’expression du moi

1 . Expliquez la différence entre autobiographie et roman autobiographique.


2 . Précisez l’époque où le terme “autobiographie” a fait son apparition dans la langue française.
3 . Pourquoi croyez-vous que Rousseau apostrophe l’Être éternel au début des Confessions ?
4 . Quel est le danger sous-jacent à toute entreprise de faire un récit rétrospectif de sa vie?
5 . Résumez la différence essentielle entre la première et la seconde partie des Confessions .
6 . Que représente “l’illumination” de Vincennes?
7 . Quels ont été les rapports de Rousseau avec les encyclopédistes?
8 . Précisez la notion de “rêverie” chez Rousseau.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 59 Époques classique et des Lumières

Réponses

La doctrine classique

1. Le critique romantique Charles Augustin Sainte-Beuve (1804-1869).


2. La réforme de Malherbe avait porté sur la langue dans le sens de l’épurer et d’en suppri-
mer les mots vulgaires et sur la technique poétique dans le but de la rendre plus rigoureuse
et plus assujettie aux règles.
3. La Querelle du Cid a représenté le triomphe des règles et du pouvoir que doctes et criti-
ques avaient sur les auteurs, même si ceux-ci, comme Corneille, étaient parvenus au faîte
de la gloire.
4. L’ouvrage théorique qui peut être considéré comme le manifeste du classicisme est l’Art
Poétique de Boileau.
5. Armand Jean Du Plessis de Richelieu, connu comme Cardinal de Richelieu (1585-1642),
ministre au pouvoir en France depuis 1624 jusqu’à sa mort.
6. L’idéal humain du XV IIè siècle a été l’honnête homme, modèle de courtisan accompli et
de gentilhomme galant, discret et cultivé.
7. L’unité d’action et l’unité de temps avaient été déjà considérées nécessaires par Aristote.
Si l’unité de temps a été différemment interprétée par les commentateurs à cause des ambi-
guïtés du texte, finalement elle a été fixée à vingt-quatre heures.
8. Parce que c’était le vraisemblable qui réalisait l’exigence de crédibilité et on comptait sur
cet effet pour toucher le spectateur et pour éveiller chez lui des émotions.
9. Cette scène, très touchante du point de vue de l’émotion dramatique, a été condamnée
par les critiques parce qu’elle ne respectait pas la règle des bienséances.
10. Non, car il s’agit de deux courants parallèles mais pas concordants.

Le théâtre classique: tragédie et comédie

1. Parce que, autrement, le spectateur se sentirait éloigné de l’enjeu tragique et, ne se


croyant pas concerné, il n’éprouverait ni la crainte ni la pitié, sentiments jugés nécessaires
par Aristote.
2. Non, car l’objectif essentiel était de corriger les hommes, bien qu’en les divertissant. L’élé-
ment moral primait sur l’élément comique. Corneille le rappelle dans la dédicace de Don
Sanche d'Aragon s’appuyant sur le théoricien Heinsius : “movere risum non constituit
comœdiam” (susciter le rire ne constitue pas la comédie).
3. Une tragédie où le héros d’une certaine manière forge sa destinée et par son effort et par
son énergie reconduit la misère tragique.
4. La technique dramatique a été une grande nouveauté à l’époque car il n’y avait pas de
précédents d’une intrigue si ajustée; les contemporains ont beaucoup aimé aussi le pathé-
tique de certaines situations dans la pièce.
5. Les Précieuses ridicules. Une partie de la société et des salons de Paris y était reflétée encore
que le portrait était tourné au ridicule.
6. La comédie de Molière se propose de peindre l’homme, ses vices et ses défauts dans le but
de les corriger, soit en les tournant au ridicule, soit en accentuant leur côté comique. Molière
a élargi les registres du comique en incorporant à la comédie certains procédés de la farce.
7. Les sujets des tragédies grecques étaient connus d’avance par le public lettré de l’époque
et cela lui permettait d’épargner des explications et des détails pour mieux se concentrer sur
les procédés tragiques.
8. L’exposition devait fournir aux spectateurs les données nécessaires à la bonne com-
préhension de l’action ainsi que dessiner les traits essentiels des caractères des héros.
9. Les obstacles intérieurs impliquent que le héros les accepte, les légitime et s’y soumet
d’une façon consciente, parfois même avec un sentiment de culpabilité.
10. Le dénouement devait être nécessaire (c’est-à-dire sans intervention du hasard), complet
(parce que le sort des héros devait être fixé) et rapide afin de satisfaire la naturelle curiosité
des spectateurs.

La littérature des Lumières

1 . La métaphore symbolise la lumière naturelle assimilée à un flambeau qui va dissiper les


ténèbres de l’ignorance et l’obscurantisme en général.
2 . La devise signifie que l’on doit oser se servir de son propre entendement dans la recherche
de la vérité.
3 . Il s’agit d’un “dictionnaire raisonné”, donc fait à partir de données rationnelles; “des sci-
ences, des arts et des métiers”, parce que l’ouvrage avait une vocation encyclopédique et qu’il
s’intéressait à tout, même aux “métiers”; il a été fait par “une société de gens de lettres” ce
qui prouve l’étendue de leurs connaissances et la considération sociale qui leur était accor-
dée.
4. Le roman éveillait les troubles de la passion chez les lecteurs et, par un processus d’identi-
fication, une jeune fille pouvait se prendre pour une héroïne romanesque. Emma Bovary sera
au siècle suivant un magnifique exemple d’identification romanesque.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 60 Époques classique et des Lumières

5 . La double perspective permet de présenter l’événement avec la vision de l’expérience de


celui qui l’a déjà vécu. La capacité d’analyse se raffine par effet de la distanciation.
6 . Parce que les théoriciens du drame croyaient que seuls le réel et le quotidien avaient le
pouvoir de toucher le spectateur.
7 . Le choix de la prose se justifie aussi par la raison invoquée dans la réponse 6: il fallait
adopter le langage des hommes réels et éviter les conventions littéraires.
8 . Candide expose la réalité du mal face à l’optimisme de Pangloss et à la candeur de Candide.
Le mal se présente au niveau de la nature, au niveau de l’état social (institutions, mœurs,
etc.), et au niveau des méchancetés humaines.
9. Voltaire, contrairement à Rousseau, croyait en la civilisation comme facteur de progrès.

Jean-Jacques Rousseau et l’expression du moi

1 . Dans l’autobiographie, moyennant le pacte autobiographique, le lecteur croit à la vérité


du récit d’une existence tandis que dans le roman autobiographique l’auteur n’affirme pas
qu’il s’agit de son histoire personnelle.
2 . Le terme autobiographie apparaît dans la langue française après 1830.
3 . Le modèle religieux persiste dans les références initiales des Confessions, bien que par la
suite l’auteur s’en dégage.
4 . Les défaillances de la mémoire. Rousseau essaie de les dépasser avec les certitudes fondées
sur le sentiment car, pour lui, “je ne puis me tromper sur ce que j’ai senti”.
5. La première partie est éminemment tournée vers le moi; dans la seconde Rousseau se pro-
pose en plus de faire sa propre apologie contre le complot universel qu’il croit exister contre lui.
6 . “L’illumination” de Vincennes fut la découverte subite et la prise de conscience d’un sys-
tème cohérent sur lequel Rousseau pouvait établir sa philosophie.
7 . Si au début de sa carrière parisienne Rousseau participe à l’activité des cercles encyclopé-
diques et il est lié d’amitié avec eux, il se brouille finalement avec eux, notamment avec Vol-
taire, Diderot et Grimm.
8 . La notion de rêverie chez Rousseau est complexe et composite. Il a contribué à donner au
terme une acception valorisante; du sens de “délire, songe extravagant” de l’époque classi-
que, la rêverie devient un état de l’esprit, une extase, une méditation parfois qui permet
d’écouter la vie intérieure et par là d’atteindre une impassibilité quasi divine et le bonheur
sur la terre.

Glossaire

deus ex machina
Locution latine qui fait allusion à la solution parfois employée dans la tragédie ancienne de
faire intervenir une divinité, suspendue dans l’air par des moyens mécaniques, afin de faci-
liter le dénouement ou de résoudre un conflit. Les règles du dénouement classique la jugea-
ient une mauvaise solution.

hémistiche
Moitié d’un vers et plus spécialement de l’alexandrin, marquée par un repos ou césure.

jansénisme
Courant doctrinal et théologique inspiré de l’ouvrage de Jansénius (Corneille Jansen, 1585-
1638) Augustinus, publié en 1640 et qui renferme la base théologique du jansénisme: en
partant d’une interprétation outrée de Saint Augustin, Jansénius y défendait une doctrine
de la grâce déterministe, c’est-à-dire Dieu la donne à qui il veut, il ne la doit à personne;
il y a des prédestinés, des élus; ils le sont en vertu d’un décret mystérieux du Tout-Puissant.
Cette doctrine avait été considérée hérétique par l’orthodoxie romaine. En France, à Paris,
la doctrine s’est répandue grâce à un collaborateur de Jansénius, l’abbé de Saint-Cyran et à
sa mort par Antoine Arnauld; l’abbaye de Port-Royal (Port-Royal de Paris et Port-Royal des
Champs) a adhéré à cette doctrine et l’a diffusée dans les milieux intellectuels qui lui éta-
ient attachés. La doctrine a séduit des couches importantes de la société parisienne en plus
de notables écrivains de l’époque (Pascal, Mme de Sévigné…) et par son rigorisme moral
radical elle a fixé une vision du monde dont les empreintes se retrouvent dans des œuvres
de l’époque. Le jeune Racine avait été écolier aux Petites Écoles de Port-Royal.

Leibniz (1646-1716)
Philosophe allemand représentant de la doctrine optimiste qui soutenait que notre monde,
en tant que créé par Dieu, était le meilleur des mondes possibles, thèse que Voltaire va railler
dans Candide.

libertin
À l’époque classique, synonyme de libre penseur.
 Universitat Oberta de Catalunya • P00/07007/00203 61 Époques classique et des Lumières

misanthrope
Celui qui manifeste de la haine, de l’aversion pour le genre humain. Molière avait donné ce
titre significatif à une de ses comédies sur ce sujet.

péripétie
Revirement de fortune imprévu qui modifie la situation.

piétisme
Mouvement spirituel qui remonte à la Réforme. Certains docteurs protestants éprouvèrent le
besoin de fournir une pâture religieuse à cet esprit dévot que les catholiques appellent piété.
Ces efforts devaient aboutir au protestantisme dévot, c’est-à-dire, au piétisme; ce fut Phi-
lippe-Jacques Spener qui l’inaugura; il fut accusé de mysticisme. Le nom de piétistes fut em-
ployé pour la première fois en 1689.

quiproquo
En terminologie théâtrale, se dit pour malentendu.

Wolff (1679-1754)
Philosophe allemand, disciple de Leibniz dont il mit en ordre la pensée.

Bibliographie

La doctrine classique

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