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Y

SKgtrYSTX'treKffÆ
-4rx rythrrce d'une aræignde. ",
YANNICK LEMARIE

Au moment de travailler sur l'ceuvre de pays d'Arachné appartient à 1a géogra- qui en totalise cent. Apparaître ? Le mot
Marker, une légende ancienne requiert, phie émotionnelle du cinéaste' et contri- est déplacé tant I'homme donne I'im-
presque malgré nous' notre attention : bue à alimenter un bestiaire dont tout le pression de se tapir au fond de l'écran à la
celle d'Arachné, la jeune Lydienne si monde connaît la richesse. De fait, à la façon de la chasseresse, et, loin de s'affi-
longue iiste des chats' des dromadaires, cher, d'user de divers stratagèmes Pour se
douée dans I'art du tissage qu'elle se van-
tait dêtre sans égale. Ulcérée d'une telle des tortues, des ours, des chiens... il faire oublier. En vrac va-et-vient désor-
:

outrecuidance, la divine Athéna Pallas convient d'ajouter la chouette (oiseau fé- donné des pâssants, multiplication des
tiche d'Athéna et de Marker) mais aussi cadres, brièveté de f image telle qu'elle en
lui lança un défi, réclamant que 1'une
et I'autre produisent une tapisserie afin l'araignée. Ce dernier cas surprendra devient presque subliminaie. Marker est
sans doute. Et pourtant... II y a, chez Ie 1à et i1 nèst pas 1à : immobile dans lès-
qubn puisse 1es départager. Or, horresco
referens,Ie résultat du concours ne fut pas cinéaste, ce que nous appellerons volon- pace qu'i1 s'est réservé au cceur du dispo-

celui escompté par Ia déesse : Arachné tiers un cotnplexe dArachné (ù prendre au sitif de captation ; invisible pour le plus
réalisa un chef-d'æuvre de sorte que sens bachelardien du terme évidemment grand nombre, mais dardant son æil-ca-
Pallas, fo1le de rage, transforma aussitôt et non pas freudien !) dont 1'arthropode méra en direction des spectateurs. Son
la mortelle en araignée, avec obligation constitue la figure par excellence. attitude s'apparente à celle du prédateur.
pour elle dèxercer son talent jusqu'à la Tel I'aptère assuré d'attraper sa nourri-
fin des temps. Complexe d'Arschné ture à un moment ou un autre, il tend
En relisant cette histoire telle qu'Ovide Qre connaissons-nous de I'araignée son objectif avec la certitude de capter
l'a popularisée, nous ne pouvons nous qui autorise un tel rapprochement avec quelque chose : des parties du réel, des
empêcher de penser quèlle a quelque Marker I D'abord une Posilian particu- extraits de reportages, des plans comme
chose à voir avec Chris Marker, même En effet, elle se tient dbrdinaire au
1ière. autant de morceaux d'une réa1ité qu'il lui
si la Grèce, où naît le moti{ et l'Italie, bout de sonf.l d'alerte, à moins qu'elle ne fardra remonler, et qui, pour rester dans
oir paraît le texte original, ne comptent soit au centre de sa toile dans l'attente de notre logique, constituent àes insecti

pas parmi " 1es pôles de survie ,, qlue Sans quelque proie. Or c'est ainsi que Marker puisque f insecte est, étymologiquement'
apparaît dans Sans so/ei/, quasiment a't n coupé ,. Dans LAmbassade (7973),fatx
soleit (7982) parcourt de long en large.
Pour autant, bien qu'il soit moins cité que milieu du film, et plus précisément à 1a ,.po.?ug. sur un coup d'État, Marker use
le Japon ou l'Afrique par les critiques, le cinquante-troisième minute d'une æuvre d'une attitude qui n'est guère différente.
Alors que sa caméra super-8 dévoile sa
présence dans la pièce oii se sont réfugiés
les opposants, il semble échapper à la u;e
de ses compagnons. 11 a beau se tenir à
proximité d'eu-x, il reste le plus souvent
hors de leur champ de vision. Et si, en
de très rares occasions, une femme jette
un regard dans sa direction, elle le fait
sans s'appesantir ni prendre en consi-
dération un témoin aussi dérisoire. Là
encore, le plaisir de Marker est de filmer
sans jamais être filmé, de laisser les autres
se prendre à 1a lumière de son cinéma,
sans que lui-même ne sorte de lbbscurité
ou de I'anonymat auxquels il sèst habi-
tué, d'attendre que le monde colle aux
fi1s qu'i1 a tendus et qu'il surveille dans
l'encoignure d'un cadre.
Le fl const\tue la derixième caracté-
ristique de l'araignée et un deu'xième
moyen de lier 1'homme et la bête.
Certains spécimens agissent directement
Level Five
sur 1e sol, cettes, mais I'espèce 1a plus

94
CHRIS MARKER

connue a besoin d'une soie au


bout de
ses pâttes pour constituer, selon une
mé_
thode éprouvée, d'abord un support,
puis
des rayons et enfin de,rx .piirl.s,
lLn.
sèche, l'autre gluante. An.
à".truit r'r.r.
armâture sur laquelle elle passe et
repasse
pour,réaliser le piège moitel dans
làquel
se jeter sa pitance.
Les films'de
Tr;."9*
.ivrarKer
reposent en grande partie sur
mot
un schéma de consrruction identique.
im-
Un seul exemple : I.ertigo do.rt
àla M"rkË, a
proposé une lecture dans le numéro
afi- 400
de Positif et qui reste une référence
rse ma_
jeure de sa Êlmographie. Ce
SOT. n,est pas
seu.lement une citation, mais
des Jëlemenr
de base susceptible d'accueillir
3en la .pi.ale.
Dans Sans soleil, on revient ,u, lË,
' est pu,
de Madeleine ; on parcourr les
[ès- mêÂes
rues que Scottie et, sans faire
exactement
Po- la mjSe chose que lui, on suir un
rlus rrajet
parallèle. Ajoutons à cela que
-ca.- Hitchcock
raconte I'histoire d'un h
Son
en
iÊ / a tur e lëpouse o'
f_emme au chignon arachnéen""t
ir.;,'ï 1:#!
ri- dont l,uÊ
fiche américaine accentuera les effets.
end
Nous retrouvons d'ailleurs la coiffure,
Dter
au gré de l'æuvre markérienne, tantôt
des
dans les cheveux relevés d'une
Ime manifes_
tante (Chats perrhés,2004), rantôr
[lui dans
le mouvement des atomes de Si j,az.tais
[ans
guatre dromadaires (1.966), voire sur
recti ies
spider-charts des écrans de contrôle
ent, de
Leael Five (1992).
âux
Marker tisse sa toile. Comment s,éton_
use
dès lors que, dans Level Fir.,e,
nte. 1er. 11
'(en
choisisse_ de baptiser Internet
Owl
français, 7a chouette) ? Chouette, etfre".,
;iés Arachné, fil, toile d,araignée, Net
\,ue : tout
sènchaîne parfait.ment... D;"ut"rrt
irà ptu,
que I'accroc est sans doute l'un a.,
ent Àoi,
favoris du réalisateur. Dans ,or,
en .orlri
méftage Les statues ftreurent aussi (1953,
ltte en h$$t, Sans soleil
coréalisé avec Alain Resnais), il
fait usuit deja Ën bos, Si j?vols quotre dromadoire
de l'expression : (< ... jusqu'à .r,
rsi- fuir. .Ë,
visages victorierx qui reparent
Là Ie tissu
du monde ,. Ce sont pour ains.i dire
ner les de reprendre son guer. prise
*:T.r mors que Florence DeIay (Sans de r.ue : c'est le résume d'un
de vie, prise Pallas veulent aussi narrer, pour l,une,
lres
saleil sélectionne dans une des- lettres geste ciné_ ses propres conquêtes, pour
l,autre, les
flâ, matographique qui impose rour
que Krasna_lui a envoyée un jour et à rour amours des d.ieu. Filer revient
rité qui I'attenre, la saisie (rapide, vive, en 6n de
est consacrée à un couple de decisive) compte à romposer une histoire,
rbi- Japonais et à nouveau I'attente, une ainsi que
pleurant la perre du chaiTora..iialrii façon toujours
aux
donc qu'ils viennent tous les a.*,
recommencée de piéger l,autre. fÎ,_p.ïY, les expressions : nërapiare
rou, iu Jn/ee, jhl des artentures, broder une ar.ten_
ans
le rite qui uilrit rjpur.fJ tyre, to.piy! up tbe tbrearls of onei
Blr':,r:.:Tllir
Iendroit de I'accroc.
Lo spirole et lo syncope A savoir, i[ ny a pas de récii sans
story.
La trame esr fragile,
>
Soit, dirons certains, mais fiJ ;il
:té- qu'en est_iJ
s'abîme et doit être reprise. p.ir. n p"r de conteuse (ou conteur)
me .t"..j du r1'thme ) Reprenons Ie rexte l,t sans
prise. Voilà les deux temps de la chasse d,Ovide fileuse (ou Êleur) ; il n'y a pas
ête. : et poussons plus avant la réflexion, de texte
I'araignee suce le Iiquide àe h victime car sans tissage ou mouvement.
ent qui la fable ne se contente pas dëvoquer 11 ny a pas
s'est emmêlée dans ses rets puis,
un. fàis de mythe sans rythme. pi..r. Suuunnet
rlus I'art du tissage. En laissanl l.u,
le repas achevé, répare son ou\,,rage, .ruuàtt. le rappelle quand, à la suite de
avant courir sur ia tapisserie, Arachné et Claude
Lévi-Strauss, il voit dans l,un et l,autre
naffative. Dans Sazs so/eil, Marker ne
cesse de proposer des commencements :

celui du film proprement dit, quand


f image du bonheur reste seule ; celui
d'un voyage en compagnie de quelques
Japonais assoupis ; celui du XIX" siècle
avec la princesse Sadako ; celui d'un épi-
sode historique (n Jégais ce matin sur le
quai de Pidjiguiti, oir tout a commencé,
en 1959, quand sont tombés les premiers
morts de la lutte o) ; celui de 1'année du
chien. " Tout cela aura commencé par un
nom de chatte prononcé trois fois " :l'ex-
pression vaut mieux qu'un long discours
puisqu'e1le rappelle, au milieu du fi1m,
I'importance du ravaudage, de la re-prise,
de 1a suspension provisoire, de la pause
entre der"x phénomènes, bref de ce que
les Japonais zppellent Md.
En choisissant un < rythme syncopé ,,
Chris Marker ne se contente pas de
donner un tempo particulier à son cruvre,
il propose une lecture du rée1. Au rebours
des réalisateurs qui prétendent capter
la totâlité d'un monde, il reconnaît au
contraire que quelque chose existe à soz
insu. La syncope est en effet le moyen /
de faire ressentir cette oscillation, cette
vibration du présent, entre mémoire et
intention, entre souvenir et projet3. Elle
offre lbccasion de prendre un peu de
recul et d'avoir conscience de ce qui se
"1.).
a*i**'r,.
"rl.- passe, en notre absence. Chats perchés ne
"*
raconte pas autre chose : le félin, dessiné
Chats perchés sur les murs, les toits ou les pancartes, est
la manifestation de /'insu. Alors que le
deux moyens privilégiés de repiier le (1977), c'est la guerre de l'Espagne dans monde vit au rythme des activités poli-
"
temps et de " f impliquer dans un pro-
> 1esconditions de lëpoque. n 11 ne s'agit tiques et économiqucs, il agit comme une
cessus humainl n. pas de répéter mécaniquement comme le apostrophe, une apocope familière, un
On ne sëtonnera donc pas que le rythme font les bips sonores et les voyants lumi- signe haut perché qui assure que, sous les
des films soit semblable à celui de l'arai- neux au début de Let'el Five, mais de temps organisés,çavit (quoi ? à nous de le
gnée et que si la photo est (comme 1e reprendre, afin de trouvet au cæur de la voir...) à la croisée d'une réalité physique
signale la volr of de Si j'axtais quatre périodicité des événements (les guerres, et d'une expérience intime. Assurément,
dromadaires) < f instinct de ia chasse ", les révolutions, les voyages), un rlthme Chris Marker est un ciné-fil(s) ! $
le cinéma de Marker forme une spirale. personnel. Une modulation individuelle.
Maître d'un cinéma-orbitèle, 1e réalisa- Lheureuse trouvaille d'un soulfle qui
teur agence le flu-x des images de telle attend.
sorte qu'elles constituent un vortex. Les Car nous 1'avons déjà dit : I'attente est 1. Pierre Souvonet, Le Rythme et la Raison, I. I :

photogrammes s'enchaînent entre eux, indispensable. trl1e justifie le filage et 1a Rythmologiques,Éditions Kimé, Poris, 2ooo, p. 78.
un plan appelle un autre plan, un épisode spirale. Qre I'image soit fixe ou mou- 2. Selon le commentoire de Pierre Souvonet,

s'articule à un autre épisode. Le mouve- vante, il faut, à un momenf ou un autre, le Mo peut signif ier indistinctement un ( intervolle
ment se fait au gré des rapprochements un arrêt ou... une syncope, pour peu que spotiol, distonce entre deux ou plusieurs objets
et des oppositions, au fil d'une pensée 1bn donne à ce mot son sens musical, plocés l'un d côté de l'outre; ou intervolle

qui se déploie. Veillons cependant à ne celui d'un silence sur un temps fort. Cela temporel, temps de pouses entre deux ou plusieurs
pas imaginer un mouvement rectiiigne. peut prendre la forme d'une volr qui se phénomènes se déroulont o lo suite l'un de l'outre )
Au contraire I Chris Marker, comme tait pour mieux repartir, d'un plan fixe, (op. cit., p.112).

1'araignée, privilégie l'enroulement : d'une bande-son qui s'annule dans un 3. Je reprends en portie les mots de Pierre Souvonet

" La guerre du Viêt-nam, entend-on par blanc total, d'une brusque bifurcation dons son livre L'lnsu, une pens,le en suspens, Arléo,

exemple da,ns Le fond de l'air est rauge spatiotemporelle, voire d'une ouverture 2011.

96
Âx sxxr,ffi-q,,ftr "ry cff s c/ -PÆNKd s s,W
La canrâra explore {'air du rcnzps
YOURI DESCHAMPS

À h fin des années 60, on assiste à 1'éc1o- sociopolitique de la fin des années 60 : Lévolution récente des techniques d'en-
sion de plusieurs collectifs de réalisation la marche du 21 octobre 1967 sur le registrement (caméra légère, pellicule
dont la visée est résolument militante. Pentagone à Washington, manifestation rapide, magnétophone synchronisé au
Uheure est au combat idéologique et à pacifique organisée pour protester contre qtrartz, sans lien matériel avec l'appareil
lèngagement politique, lequel fait souf- la guerre du Vietnam. Le caractère col- de prise de lrre), permet aux cameramen
fler un peu partout un vent de révolte lectif et militant du film s'affiche dès le de véritablement faire corps avec 1'événe-
et de protestation. Réalisé en 7967, La générique : sans hiérarchie auctoriale, le ment et dbpérer presque sans entraves
Sixième Face du Pentagone appartient à nom de tous ceux qui ont participé à 1a depuis i'intérieur - même du cortège
cette mouvance interventionniste du réalisation du projet s'inscrit à l'écran, des manifestants. A < l'action directe "
cinéma documentaire d'alors. Signé jusqu'au spectateur lui-même d'ailleurs menée par 1es contestataires répond ainsi
. SLON , (o Société pour le Lancement (r, you ,, r, me ,r), dont lèngagement (ou o lbbservation directe n des cinéastes. La
des æuvres nouvelles ", collectif de pour le moins f implication) est d'emblée caméra rioccupe donc plus de position
gauche emmené par Chris Marker, re- sollicité. La t)?ographie reprend celle de privilégiée : impossible ici de prévoir quoi
baptisé ISKRA par 1a suite), 1e film s'at- la n dymo ", ce qui donne à ce générique que ce soit au préalable, aucune possibi-
tache à rendre compte n à chaud n d'un un aspect ( tract > artisanal réalisé dans lité de repérage ni de conception a priori
événement symptomatique du climat I'urgence. des prises de r.me ; lévénement a lieu dans

La Sîxîème Face du Pentagone

98 P0siliT al2 i ocliitrc 2C"ll


un ( ici et maintenant > que les difiérents
opérateurs (dont François Reichenbach
et Chris Marker lui-même) vont devoir
saisir et apprivoiser en temps réel' Et
aujourd'hui encore' le film surprend tou-
jours par son caractère brut' très physique,
dont les images restituent le mouvement
de l'aléatoire, la confrontation du filmeur
avec 1e contingent,l'accident. Le specta-
teur est littéralement projeté < âu centre
de la mêlée > et doit se frayer un chemin
à travers les effets de flou, de variation de
mise au point n à t'ue >r de renversement
impromptu des lignes et des valeurs de
cadre, dans une sorte de corps à corps
avec lévénement en train de se dérou-
ler - ce qui est particulièrement saisis-
sant lors de la scène de n la percée ', otr
la caméra se trouve ( emportée " par la
foule et perd lëquilibre Pour se retrouver
face au soleil. Un sentiment d'urgence qui
riexclut pas cependant un sens consommé
du cadre, lequel témoigne d'une grande
habiieté technique et d'une belle intui-
tion cinématograPhique.
Encore trop souvent considéré comme un
simple film militant ,, de circonstance tt'
La Sixième Face du Pentagond est pourtânt
ffès représentatif de la pratique docu-
mentaire de Chris Marker, qui combine
derx types décriture en général oppo-
sées : une écriture de I'explaration de Ia
matière fi1mée, et :une écriture de lUlabora-
tion : c'est au montage que 1e film trouve
sa forme et son propos, et cèst à partir
des images que Marker rédige ie com-
mentaire dit en voix of, àarrs ce style si
particulier qui a largement contribué à sa
iéputation. Combinaison dont lèfficacité
et la valeur sont notables ici : en plus de
saisir avec une grande précision la nature
de cette marche pacifique du 21 octobre
7967,Ie fi1m de Marker parvient surtout
à en signifier toute ia portée et les enjeux,
et cela sans le recul du temPs. La Sixième Face du Pentagone

Loin de toute simplificâtion journa- contre le communisme athée ; un groupe


listique, 1e film détaille les multiples du parti nazi (o minorité la plus bruyante,
dont le mot dbrdre est : o Faut gazer tous de hippies exorcisant le Pentagone (n Les
visages de la contre-culture en marche'
les cocos n) ; des partisans du Che, qui hippies ont décidé de chasser les démons
et sà fwe à une véritable analyse de la
scandent le patronyme de leur idole ; des du Pentagone. Ils avaient demandé aux
société américaine du moment, entre
acteurs de mimodrames pacifistes et mili- autorités 1a permission de faire léviter le
melting-pot de revendications variées et
tants (.Si vous donnez tous les pouvoirs bâtiment à 100 mètres au-dessus du sol,
folklore métissé. Vue par Chris Marker et
au-r militaires pourvous défendre' qui vous ils nbnt obtenu l'autorisation que pour
François Reichenbach, la foule des mani-
10 mètres... des anciens combattants
festants dest pas une et indivisible' Au défendra des militaires ? ") ;le trio defolk ");
music <<Peter,Paul &Mary o (" Incroyable
(cerx de la Seconde Guerre mondiale,
contraire, le film donne à voir un cortège
pays que I'Amérique, oir le téléphone est mais aussi, déjà, ceux du Vietnam) ; et
très hétérogène et bigarré, qui, comme le
compréhensible et oir les chanteurs enga- des célébrités comme la cinéaste Shirley
note le commentaire, constitue un haut
"
ont du talent n) afro-amé-
; 1e leader Clarke et lécrivain Norman Mailer'
moment de folie américaine ,. En effet, gés
ricain John Wilson ; un prêtre prêchant Mailer relaiera d'ailleurs lévénement
la foule rassemble à la fois des membres

99
de l(ent dans 1'Ohio (u The Kent Statc
Shootings ,). Ce jour-là, la garde natio-
nale a tiré sur la foule et a fait quatre
morts parmi les étudiants. " Amérique,
beauté à la peau lépreuse ", écrit Mailer
dans son pamphlet témoignage. À l'uni-
versité de Kent trois ans plus tard, le pou-
voir des fleurs cède la place au cri étouflé
d'une jeune femme (Mary-Ann Vecchio,
fugueuse de 14 ans, implorant à genoux
devant 1e cadavre de Jelïrey Mil1er,
20 ans), etle sit in pacifiste se fige en une
vision d'horreur. Mais 1e slogan appelant
à la désertion, scandé en 7967, He// no !
"
We t:on't go./ ,, qui structure La Sixième
Face du Pentagone, a fait le tour du pays
et gagné lbpinion. Comme la jeunesse
engagée de 7967, I'Amérique a changé
et la caméra militante de Chris Marker
continuera dèxplorer politiquement l'air
du temps pendant toute la décennie
suivante. *$
La Sixième Face du Pentagone

à sa manière, puisqu'il y consacrera un qui se traduisent par l'autodafe des 1i-


Les z4rmées de la nuit (1968),
livre entier, vrets militaires par exemple, mais qui PIo
I Artr
nète
A/lnrl.^r
< auto-reportage " écrit presque en temps voient aussi la naissance de certaines
réel, qui combine l'analyse des faits et icônes, comme la fameuse photogra-
10 DVD, Arte
f intensité du souvenir (prk Pulitzer). phie de Marc Riboud, " La jeune fille à
Pas de point de r.'ue surplombant et sim- la fleur ', devenue, depuis, I'emblème de
plificateur, donc, dans La Sixième Face du la non-violence. Le temps d'une marche
0utre les versions restourées

Pentagone, mais une immersion totale et pacifique, l'Amérique des Pères tremble
du Joli Mai et Le fond de I'air est
exhaustive, une sorte o d'analyse spec- sur ses bases : ses valeurs, son système et rouge, chocune foisont l'objet
trale des différents groupes en présence, ses cholr poliriques cont remis en ques- d'une édition en 2 DVD, Arte o
"
qui restitue lëvénement dans toute sa tion pil 1a majorité d'une classe d'âge. Le publié un coffret ( Plonète Chris
complexité et son illisibilité apparente, 21 octobre 7967,Ies caméras de Marker Morker >. Depuis La Jetée eI Le Joli
pour justement tenter d'en dégager le enregistrent un moment de torsion, de Mai (1962) jusqu'd Chats perchés
sens et la portée. hiatus générationnel, et font état d'une (2004), ce sont 14 films de Morker
Le film de Marker est de ce point dc phase de mutation en train de naître. Cèst
qui sont oinsi rossemblés. Sont
r,.r,re quasi visionnaire, dans la mesure oir d'ailleurs tout le sens du titre du film : si
il évalue immédiatement lévénement le Pentâgone de Washington symbolise notomment obsents ceux qu'il ne
comme symptôme privilégié d'une rup- la guerre américaine au Vietnam, le vaste vouloit plus voir circuler (cf. orticle
rure sociétale d'envergure. Cette marche mouvement dbpposition quèlle suscite de Mork Le Fonu) et qui, oprès
vers le Pentagonc cntcrinc une impor- en constitue la " slrième face ", cel1e qui son décès, ont réopporu dons des
trntc phrsc dc translormation, et corrsti- bouscule 1a géométrie imposée. festivols. Memoires pour Simone
tuc le prélude arx événements de 1968, n J'ai changé ,, déclare I'un des mani- (1986), por contre, qui o peu
qui 'crr l'rnnée der contestations, ru-r festants. Cèst par cette courte phrase
circulé, est consocré d son omie
Etats Unis comme un peu partout en que s'achève ie film, traversé de toutes
de toujours Simone Signoret : plus
E,urope. et surtout le premier m( )uvemcnt parts par la question du sens de l'enga-
de protestation de 1a jeunesse d'une telle gement individuel et collectif (" chan- qu'une biogrophie roisonnée, c'est
envergure. Comme le note le commen- ger soi pour changer le monde "). Et, en l'explorotion d'un grond ploc0rd
taire de Marker, de /'attitucle politiqtte effet, les choses vont chrnger, y compris de lo moison de lo comédienne
les jeunes étudiants sont pnssés àLL geste dans lbrdre des images symboles. A la o Autheuil : elle y conservoit une
politique : il ne s'agit plus sculement de célèbre photographie de Marc Riboud copie de ses films, des films de
défiler, mais d'affrontcr, dc résister et de sur laquelle s'arrête Markcr lc te mps fomille et de quelques émissions
s'appliquer à changcr lbrdre des choses. d'une scène répondra, quclqucs annécs
de télévision.
I)ans le cortègc ct sur les multiples scènes plus tard, celle dc l'Américain John Filo,
de théâtrc improvisées,les idées circulent
Hubert Niogret
prise lors d'une manifestation similaire le
ct sc transforment en actes symboliques, I mai 1970 sur le campus de l'université
titRt! L{ÂitK[Ê

uu ,'j .dî r*r' i".J*) ,n' .d.,'"3 ,\,t'?*


',\& -{ J È \ d ** N"\ "r-S .i-'f i Y d J-r"'lê .i
-
P-..}f-) f ;$
-r?*$.t'"s"} P'îS
i"-"'J - J- .^' d VL;X"
f
MARK LE FANU*

Une rétrospective complète de Chris


Marker était dans l'air depuis longtemps,
ËË;
et il semble que cela arrive enfin. Comme
un apéritif à la grande exposition du
Centre Pompidou prér,-r,re cet automne,
le n Cinema ritrovato " de Bologne a *{
montré certains de ses premiers films, tl
dilficiles d'accès jusqu'à aujourd'hui. Ces
projections prenaient un air de contro-
verse, puisqu'il était assez connu que
_.5-.b

Marker, sans renier ses premiers trava[x, f.


hésitait, dans 1es dernières années de sa
carrière, à ce qu'ils circulent vraimenl.
t Mi il ** *'$ir
-ir"-,
*i
Nous reviendrons plus loin sur 1es spé-
w
t-
culations quant aux raisons possibles,
*
mais ce qubn peut dèmblée remarquer
#.
ou confirmer, c'est que les films en ques-
tion sont une part essentielle de son
ceuvre. Il est possible d'y déceler, dans
une forme concentrée, toutes les quali-
tés que nous admirons chez ce réalisa-
teur : son humour, son large domaine,
son sens si maîtrisé de la forme et de sa
compression. Pour paraphraser Bazin,
trois choses tissées ensemble de manière Lettre de Sibérte
caractéristique avec une élégance mira-
culeuse dans un film de Marker :f image, des partitions originales et vivantes. On pour 1a médail1e dbr). Cëtaient les jeu
la votx of et la musique. Chaque aspect est frappé par 1a connaissance, le goût,la Olympiques d'E,mil Zatopek, remar-
mérite qubn s'y arrête. IJapparence des discrétion de Marker quand il travaille quable coureur de lond auquel le film
films rappelle lbrigine professionnelle de ces éléments essentiels à la fabrication rend un hommage affectueu-r.
Marker. Les années 1940 et 1950 étaient d'un film. Il semblait l'aise avec tous ces
à La rétrospective de Bologne permit de
l'âge dbr du photojournalisme interna- langages : 1'avant-garde, le populaire, le voir deux films rares depuis le miiieu des
tional, et Marker, dans ses rôles divcrs classique, qu'il déployait avec originalité années 50 '. Dimanche à Pékin (1956) et
déditeur, appartenait à cette éco1e : on et précision. Lettre de Sibérie (7957). Le premier, 1e
ne pouvait pas lui apprendre grand- A propos des films eux-mêmes ? 11 ny a plus court, cst un vrai bijou, un poème
chose sur la photographie. De même pas grand chose à dire d'O\mpia 52 (son en prose de 18 minutes, montrant ou
la volr 0fr, qlue certains considèrent premier film terminé), compte rendu sur essayant de proposer quelques-unes des
comme une contribution cxceptionnelle 1es jer-x Olympiques d'Helsinki, sinon impressions ressenties par Marker lors
au documentaire, venait aussi d'une que cèst agréable. A lépoque de 1a guerre d'un dimanche dans 1a capitale chinoise,
trrdition : unc tradition mlinlcnant dc Corée et des procès tchécoslovirques, à cc moment pirrticulier de l'Histoire. Par
menacée, diront certains, mais que 1es le documentaire couvre 1es Jetx et lcur association,l'accent, est mis sur les loisirs
Françiris maîtrisèrcnt dans ces années- préparation sans commentaire politiquc et h rclatiorr (comme dans Zr.c Homme.ç
là plus que tous les alltres cinéastes, par tendancieux, cependant pointe f idée que le dimanche de Siodmrk et Wilder). Bien
lcur hahilete:r ér'rirc un commentairc 1e terrain sportif est 1e meilleur endroit que cc soit 1e week-end,1es écoles sont
à la lois personnel, infbrmatif, philoso pour les nations qui veulcnt entrer en ou\erlcs ct lcs rue, sonl lu:Si 3ç1jyçs que
phique (un exempie parlàit:le commen concuffcnce entre e1les. Lc film montre d'habitudc. La réputation particulière du
taire poétique de Jean Cayr<:i pour Nuit Marker comme un humaniste génia1 film vient du fait qu'i1 est cn couleur, là
et Brouillard, mais Resnais et N{ar"ker - ce qubn le srvait être (i1 v a même où on aurait àttendu du noir et blanc.
étaicnt bien sûr des collègues). Enfin la une petite pointe de patriotisme quand Et quelles couleurs ! La clarté de l'hiver
musique : les films dont on parle ont tous un athlète français court brièvement lait surgir les couleurs prlmaires,1e rouge
dédiées aux ours, daims, chèvres, et leur virtuoses : dans la première, nous sui-
place dans 1écosphère régionaie. vons un garçon arabe de 12 ou L3 ans,
Iakoutsk se situe au milieu du Goulag, alors qu'il glisse au bas de 1a colline sur
quoiqu'il ne soit fait aucune mention de une sorte de planche à roulettes, âvec un
ces actes odieux. Nbnt-ils pas eu lieu ? panier à I'avant, un type de véhicule qu'il
Rétrospectivement, on peut considérer utilise à lëvidence quotidiennement pour
cela comme un grave oubli ; mais, d'autre gagner sa vie, et transformé momentané-
part, émettre de tels jugements est un ment en un chariot mythique de grâce et
peu sommaire. Par simple ,fa ir-play his- de vitesse. Aussi tendre, mais de façon
torique, on doit considérer les dates de plus statique, est la séquence finale. On
ces films. Dimanche à Pekin a été réalisé y voit une fillette israélienne, du même
dans une sorte d'interrègne pendant la âge environ, qui, l'air grave, regarde en
guerre froide, quand la Chine était en avant tandis que, se tenant derrière son
train de retomber sur ses pieds, deux ou chevalet, elle se concentre pour obtenir
trois avant le désastre du Grand Bond en sur sa toile I'apparence recherchée. Detx
Dimanche à Pékin avant, et une décennie avant les crimes enfants, sérieu-r et beaux, issu chacun
massifs du maoïsme, libérés pendant la d'un contexte totalement différent : nous
qui domine, mais aussi 1es bleus, jaune s, Révolution culturelle. Ainsi, au milieu ne devons - ou ne devrions pas - oublier
orange, avec une vibration cxtraordinaire. des années 50, I'Union soviétique était que Marker a un ræil pour la beauté
Il y a un ce il pointu pour les mouvements, témoin des débuts du " dégel ", quand humaine2.
quand la caméra de Marker se concentre il était peut-être raisonnable, de manière À [/alparaiso s'inscrit dans cette même
sur la précision militaire d'un policier de limitée, dèspérer dans lbrdinaire de la vie lignée de films, dans la mesure oir 1ui non
la circulation, les vioientes arabesques de tous les jours. Ces réflexions émergent plus nèst pas spécifiquement militant. 11

d'un couple de danseurs sur la scène de d'une certaine manière au premier plan, y aura un moment dans le futuq hélas,
I'Opéra de Pékin, ou simplement 1a len- au r'rr des deux documentaires suivants quand, rendant compte du Chili, Marker
teur concentrée des citoyens ordinaires de Marker tournés à cette époque, ou râpportera des nouvelles qui ne sont que
pratiquant le tai-chi dans un parcl. Une quelque temps après : Description d'un désastreuses. Mais entre-temps (1963) i1
partition musicale percussive tisse les combat (1962), sur Israël, et À [/alparaiso y a tous lesjours les visions, les sons, les
éléments de ce poème visuel, mettant en (1963), petit film réalisé au Chili avec parfums d'une ville portuaire à enregis-
lumière des rythmes internes inatten- Joris Ivens. trer et à célébrer. La ville sëlève dans une
dus dans une démonstration virtuose du Ce sont de superbes documenlaires, au courbe plongeante au-dessus de la baie,
génie de Marker pour le montage. physique et au moral, si lbn peut sèx- et le film se piaît à démontrer le paradoxe
Lettre de Sibérie, qui fait moins d'une primer ainsi. Le titre Description d'un apparent que plus haut on vit, plus bas
heure, permet de le retrouver à lakoutsk, (0mbdl peût sembler assez juste pour est le lieu (ou le lieu d'une famille) dans
pas vraiment au milieu de nulle part mais décrire le célèbre durcissement d'Israël la hiérarchie sociale. Mais la sociologie,
presque. Le film offre un mélange d'im- au combat, mais, curieusement, il ny a d'un autre côté, ne décrit pas tout à fait
pressions complexes caractéristiques, pas beaucoup de combats. Nous sem- ce qui se passe ; elle ne saisit pas 1a liber-
dont 1a moins importante concerne le blons être dans une accalmie pendant les té, I'humour et le panache visuel des ren-
socialisme et 1e progrès. Ils sont 1à, bien hostilités : ia bataille de 7948 est termi- contres. Ce qui appartient à Ivens ou à
sûr, la grande entreprise collectiviste de née, tandis que la guerre des Slx-Jours Marker est un terrain de discussions pour
drague, de construction des digues, de et la guerre du Kippour sont encore à les étudiants. Le public ordinaire, lui, sera
mines, pour la terre. Mais, comme dans venir. Ii est difficile d'alirmer, Pour ce content de I'impression qui en résulte : le
le film sur Pékin, Marker est surtout qui est d'Israël, qu'il y ait jamais eu une travail final est un objet complètement
intéressé par ce qui n'a pas changé et période d'innocence : les angoisses de organique. Je dois aussi ajouter que 1e
qui ne changera peut-être jamais. Une la naissance ont été trop lourdes et trop film contient l'un des meilleurs ( coups
préoccupation centrale est ce1le du cha- tragiques ; mais, comme avec I'Union de théâtre > existant chez Marker, à ma
manisme, un thème qu'un autre tlPe de soviétique, il y a des périodes meilleures connaissance : nous âvons apprécié, dans
film, à lépoque, aurait présenté comme que d'autres (et ie début des années 60 la première moitié, lèxcellente photogra-
dépassé et laissé de côté, obstacle sur le en est une), quand on peut dire que lès- phie en noir et blanc, quand soudain (à
chemin de révélation. Marker est fas- poir était dans I'air. Le film de Marker la mention du sang et de la vendetta) le
ciné précisément par la ténacité de ce est franc car il cerne, par le biais de film bascule dans le Têchnicolor et s'y
système de croyance : cèst une partie de sympathiques interviews dans la rue, la maintient. Tout d'un coup. on voit que
l'ancienne culture qui doit être célébrée. composante arabe progressivement do- cèst une ville qui . aime , la couleur,
De même, un des aspects les pius humo- minante de l'Etat moderne d'Israël, mais et que cette couleur est nécessaire pour
ristiques et des plus sophistiqués croise sans ignorer les autres citoyens du pays, comprendre I'endroit. Les gondoles du
des références atx animarx et la magie les juifs - la majorité qui par1e, comme funiculaire à crémaillère, que les citoyens
des animarx : il y a une séquence d'ani- cela existait : le ton nèst définitivement présentent comme leur système de trans-
mation sur un mammouth de Sibérie et pas anti-israélien. Lhabileté de Marker port, brillent à nos yetx dans leur éclat de
de lqngues séquences idiosyncrasiques semble évidente dans detx séquences teintes primaires.

102 ,;f.tt: i: i;:)., i_i.:;;l:ri',lal, l;


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DUa Descriptîon d' un combat

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Le climax de la rétrospective de Bologne, aussi important, des deux sexes) que piano. Tout, pour faire bref, est favorable
lr..n
cëtait la projection d'une nouvelle copie par la formulation courtoise, intelli- à 1a réflexion. En fait, les dernières vingt
f:le restaurée du long et magnifique docu- gente, et vivement humoristique des minutes mériteraient un chapitre en soi
!ent
1e mentaire n français Le Joli Mai. Cette
", questions. Il n'y a rien de cette supé- sur I'analyse de l'art de Chris Marker.
ie
buos restauration étant sortie dans les salles riorité irritante - le recours à 1a facé- D'abord, une extraordinaire digression
t'lmâ de cinéma, je ne m'y attarderai pas. Cette tie - qui peut parfois être chez lui un sur la vie dans une prison de femmes
Ll",-r. enquête sur le bien-être des Parisiens, au défaut. C'est bien sûr (en nbubliant pas (qui contraste avec la vie imaginaire de
printemps !962 (comme l'enquête d'une sa durée importante) un extraordinaire liberté qui règne dans les rues de Paris) ;
f*r"-
(e ambition équivalente mais subtilement travail de < construction >, aux rythmes ensuite, 1e retour dans les mêmes rues
[n
la) le différente, Chronique d'un été, que Jean intérieurs : ne serait-ce que son superbe pour examiner, avec ironie et pitié (diffi-
it sv Rouch avait dirigée deux ans plus tôt) ( entracte n à mi-chemin, quand lëcran cile de dire laquelle),le mécontentement
I

i que frappe par son absence de commen- devient noir et qu'une chanson d'Yves des visages des passants ; et enfin, en se
Itl.rr. taire : 1e travail essentiel de communi- Montand nous est donnée à écouter. déplaçant dans un univers de science-
I

lpour
cation est presque entièrement opéré Cette séquence, à notre souvenir, se fiction, la longue séquence de photo-
!s du par des entretiens remarquables : un combine avec la fin du film où, au lieu graphie accélérée qui emporte le film
quelconque commentaire sans préjugé du déroulant attendu du générique, les vers son dénouement majestueusement
fYens aurait dû insister là-dessus. Admirable spectateurs sont invités à rester trois mi-
Fans-
cadencé, enregistrant avec passion 1a
[at de tout du 1ong, tant par 1'échantillonnage nutes de plus assis dans lbbscurité pour beauté des rues et des avenues de Paris,
des témoins de tous bords (et, peut-être écouter un beau morceau de musique au quand 1e jour glisse vers le soir et la nuit.
DOSS]ER

o Marker avant la
Cet essai est intitulé
aucun des lilms
".iti"r. '. Bien sur'considére comme
!,"Jrui ne peut etre il est
;';;;; la-poiitique' cePendant'
ui fnt, qu'à l'arriuee de la guerre
ctu
6o
i;.;;,"';t^s le milieu des annees t:
i* a., revolutions Parallèle" de
,irn.riqu. du Sud)' le cinéma
ili;;i.l;' 'nt" du"'C'est
une Phase Plus
peut-ètre. ce
.f*....", militante'
réti-
résiduel qui l'a rendu
';;;;;"
."* U.. réapproprier ses premiers
tra-
sans doute en eux'
avec
,rn.,", déctlani
d'une
;':.;; inconfort' 1es traces
repudiee' Mais
tiu"l"ut. bourgeoise
Vnrt..i est décede' et' comme Pour
que notre allégeance
i.ît,-tf se révè1e
Uourg"oi,t est Plus jti.:i: ;t::::;
oue ce que nous Ie P(
et
l;;r-t"'carrière' des film' puissants
qui concernent
irnoorrnntt ont émergé
de la gauche' I un aprcs
,out. I'nu.nture
iir,r", d'un æii plutôt sceptiq"t -' ''o-'
,il ;: *' n't J"Ë ar.'1'J:'.':: d'autres':
et Ï1"1:f'"
Tl,i,i "",'""xan tlre' 7993)' des
Entre-temps' nous avons ces travaux
;;;;';;.i;idérer' Leur beauté et leurs
sont pour moi évïdentes' **
[""fi,et

i,ffi,,\ * Troduit de l'onglois por Hubert Nioqret'


les prises de vues de
1. l'4orker o foit lui-même
mois oilleurs il o trovoillé ovec
Dimoncheo Pékin'
reconnus : Socho Vierny (Lettre de
0.s
"0..*",' Cloquet (Descripti on
d'un combot)'
,rrr,.), on',,o'n
pierre fhomme (LP Joli Moi)' Ceorges Strouvé
o voir
(À votporoiso) Certoins ouroient tendonce
mois c'étoit loin
.n Uort un homme-orchestre'
", colloboroteurs
d'être le cos ll sovoit trouver les
longue
ovoir mentionné une
indispensobles Après
oidé pour Lettre de
liste de gens qui l'ovoient
mentlon modeste :
Sibérie,ily o une petite
(( Tout le reste por Chris f4orker' >

deux enfonts est devenu le


2. Le destin des
sujets) de l'intéressont
suiet (ou l'un des deux
Gezo' Descriptian ol
o
documentoire de Don
I Lomotbe'a' 2007) Le ieune
nemory çzo'ad Revi D'
Ali, qui ( roule dons
un rêve de gloire olympique
jeune ; le bruit court que so
est sons doute mort
en fer
tête o écloté sous
( le coup cle lo motroque
ovec son
)
d'un policier llono'
lo jeune lsroéllenne'
D' décrite dons
( long cou et ses yeux de Joponoise
(( oussi jeune qu'lsroël )
le commentoire comme ,

l:: **ll, quond le film de lvlorker


c1 été tourné'
est retrouvee
Lettre de Sibérie des fclubourgs de
dons une modeste demeure
ons plus tord elle continue
Londres, oÙ quoronte
îiliiorrn" a Pat'in
à Peindre'
\
d, - (. fr".,,f, ,,1'/J r i.)'l ecdL;*'.-\,'Tr/,d{rrÀX,'ff{}{/t,:\
,l' - -- lrr rt . \*' *
,4 propos d ltnfftemory/, et d'autres rmages
VINCENT AMIEL

A-t-on eu tort de croire, à une certaine donne aujourd'hui presque automatique- et autres opérateurs électroniques. Dans
période, que le cinéma de Chris Marker ment), autant que Ia politique. Restent l'un et l'autre cas, transformation par
" documentait > son époque, et les mul- des éclairs, des éclats de lumière qui voisinage, transformation par anamor-
tiples pays et événements que traversent donnent soudain aux événements et aux phose, le principe est 1e même : garder
ses images ? Evidemment, son goût des hommes un sens nouveau. IJn visage, un un souvenir de f image initiale dans son
émois collectifs I'a fait chercher en Chine, regard : une femme au Cap-Vert, une avatar même. Comme si l'archéologie
au Japon, en URSS ou en France des actrice en France, une photo du . monde de f image continuait à jouer sur la sen-
témoignages de lutte, des lendemains qui d'avant >1
chantent, des images de bonheur. trt iI fut
-dont la présence, aujourd'hui, sibilité du spectateur. Cèst 1e cæur de
s'impose. Evénement sensible, I'image n'a f intrigue de Wrtigo,référence centrale du
1à, en effet, pour montrer des dimanches de sens chez Chris Marker que dans 1a cinéaste : non pas retrouver à f identique
à Pékin quelques années seulement après mesure où elle attire le regard, et permet la femme aimée dans la femme nouvelle,
l'accession au pouvoir de Mao ; i1 écrivit à son spectateur dbpérer des connexions. mais conserver de 1a première à travers
des lettres de la Sibérie post-stalinienne, Drôle de documentariste : avec lui, cèst la seconde une présence sensible et dif-
mais il fut aussi 1'un des rares cinéastes Ie spectateur qui a autorité sur f image, fuse. Figure que Chris Marker reproduit
occidentau.r à faire état des révoltes mili- et non f inverse. Comme on est loin des à deur nivearx dans La Jetée, puisqu'il y
tantes dans le Japon des années 70 comme oukases du cinéma direct et de ses usages développe la même intrigue et que, ce fai-
dans les usines françaises. Et au tournant actuels ! n Effacer le sourire de La./oconde, sant, i1 propose ce qu'il appelle lui-même
du millénaire, il est au Kosovo, dans des faire respirer les Renoir, je ne savais pas un o remake > de Wrtigo, dans lequel ia
camps de réfugiés. Tout cela consti- qu'un jour ce serait si simple : un clic de présence du film de Hitchcock est encore,
fue une cartographie des révoltes et des souris, Ià... ouIà (Immemory).
" elle aussi, sensible et diffilse.
luttes sociales depuis un demi-siècle avec 11 faut donc que d'abord il y ait Renoir La mémoire et les images se combinent
laquelle peu de cinéastes peuvent rivali- ot La Joconde, et pas n'importe quoi ainsi d'une manière exemplaire et nou-
ser.Pourtant, ce n'est ni comme témoin ni d'autre ; qu'il y ait Tarkovski ou le visage ve1le : ni comme un flash-back tradi-
comme militant politique qu'il concevait lumineux de Simone Cenevois en Jeanne tionnel, qui expliquerait le présent à la
son rôle, et ce nèst pas dans I'actualité d'Arc, lequel aura à jamais associé 1e lumière du passé, ni comme un flash-
qu'il voulait, semble-t-il, que lbn regarde cinéma et 1es visages de femme dans une back. moderne qui construirait le passé
ses fi1ms. n Ce qui me passionne, cèst fascination enfantine, confie-t-il dans '
à la lumière du présent. Chez Marker, les
l'Histoire, et la politique m'intéresse seu- Immemory.Il faut une rencontre, et que temps coexistent parce que les images
lement dans la mesure oir elle est la coupe ce11e-ci puisse se transformer, évoluer et s'entrechoquent. Dans Immemory, des
de l'Histoire dans le présent n, confiait-il faire évoluer1es images les unes grâce alx tableaux anciens accueillent des images
à Libération il y a plus de dir ans (5 mars autres. Cèst sans doute I'un des paradoxes nouvelles : le champ de blé de'y'an Gogh
2001, cahier < Cinéma n.). Encore s'agit- les plus riches du cinéasre : lbbligation est envahi par des soldats équipés de
il d'une histoire qui doit être personna- première pour une image de toucher la masques à gaz, et la femme de Picasso
1isée, et concerner des individus précis. sensibilité... dêtre assez forte, non pour arrête de sa main levée un tireur qui la
" Là où on voudrait nous faire croire que étre figee dans sa lorme, mais pour pou- met en joue. Au moment de la guerre
sèst forgée une mémoire collective, mille voir se transformer. Pendant longtemps, "
du Golfe, les images du musée se jetèrent
mémoires d'hommes qui promènent leurs dans sa filmographie, cette transforma- toutes seules à la rencontre des images de
déchirures personnelles dans la grande tion passe par le montage : confrontée à Ia guerre... la memoire a ses aimants, on
déchirure de I'Histoire ,, fait-il dire au d'autres images, ou montée avec un autre lui livre la limaille
des signes, et elle fait le
commentaire de Sans soleil. Une his- commentaire, une fête de rue en Guinée, feste >, commente le texte.
toire vécue, racontée et regardée par des des archives de guérilla, trois enfants sur 11 y a bien sûr quelque chose de surréaliste
consciences individuelles. Où se heurtent une route en Islande prennent un autre dans cette description magnétique de 1a
sans cesse des mémoires subjectives, pro- sens. ,Sazs so/eil s'ouvre sur la nécessité, et mémoire. Et la pensée magique de Breton
voquant des oublis, des inversions, des la difficulté d'une telle opération (n J'ai nèst pas loin qui éta1e en une surface plane
récits retravaillés. . On ne se souvient pas, longtemps cherché à monter cette image les forces du temps s'attirant et se repous-
on récrit la mémoire, comme on récrit avec d'autres... o), avant dèn décliner 1es sant sans continuité imposée. Au fond,
l'Histoire n, disait 1e commentateur de occurrences impossibles. Puis, de plus en Chris Marker réalisa à lëchelle du temps
San.ç so/ei/. Éclatement des mémoires, plus dans ses dernières æuvres, les images ce que Dziga Vertov accomplit dans 1'es-
donc, et éclatement des moments : exit deviennent elles-mêmes ductiles, mal- pace des villes d'URSS pov L'Homme à
I'Histoire (au sens hégélien qubn 1ui léables, passées au feu des ordinateurs Ja caméra: rapprocher des images dont la
DOSS]ER

sont mentionnés2. Pourtant on reconnaît,


au détour d'un montage, une image de
Guernica: celle d'un tableau de Picasso re-
présentant une femme au bras levé, et uti-
lisée par Resnais dans un effet de champ/
contrechamp à der-rx reprises dans le film
qu'il consacra au bombardement de la ville
et à l'æuvre du peintre. Dans le CD de
Chris Marker (nous l'avons dit), 1a femme
est, dans un même cadre, face à un soldat
qui la met enjoue, par un collage caracté-
ristique des u Xplugs > conçus par Marker.
Le réemploi de f image est un beau clin
d'æil indirect, et il nous permet de com-
prendre ce qui à la fois rapproche et sépare
les derx cinéastes.
I1s usent dans cet exemple de la même li-
berté vis-à-vis de l'æuwe de Picasso la: i1s

recadrent, en extraient un détail,la fondent


dans une autre image ou une articulation
qui lui est étrangère a priori. Liintégrité
du tableau riest pas prise en considération,
son statut objectifnon plus, ce nèst plus un
produit social, ou à peine (il s'agit pour-
tant d'une toile de Picasso, reconnaissable
en tant que telie), ce riest qtiune image, et
ses qualités propres sont utilisées à f inté-
rieur d'un discours qui lèxcède. En cela ils
sont encore les héritiers deDziga Vertov :

qu'importe ie support de l'image Poul1'rl


quèlle touche 1e spectateur, què1le entre
en résonance et surtout entretienne avec
cel1es qui l'entourent un rapport de sens.
C'est une génération du détail (au sens
pictural), du motif et de f iconologie. Donc
du montage. Mais ils ne pratiquent pas
celui-ci de la même façon : 1à où Resnais
articule ses images dans la succession
(la femme/ un contrechamp imaginaire
sur un homme tiré d'un autre tâbleau".
la ma\n/ un autre contrechamp)' Chris
Marker les associe dans la superposition,
en fondant la femme et le tireur dans un
même cadre. Pour Resnais, pour Eluard
Sans soleil
qui écrit le texte, il y a une histoire 1inéaire,
qui va du bonheur à l'horreur, d'un état de
forme,le motif, la figure, les lignes,le sujet Le cinéma est ce qui permet cette mlse paix à un état de guerre' qui est marquée
ou que sais-je encore pouvaient être asso- en relation, et la rend évidente, là où ni la par lévénement que constitue le bombar-
ciés au-delà de tout autre raison. Mais que pensée abstraite ni les mots ne pouvaient dement. Pour Marker, 1a guerre rencontre
le faire. Cèst aussi une façon de faire voir la guerre, la violence se jette sur la violence
ces images se fassent écho malgré tout'
malgré l'absence de raison, riest-ce pas en 1e monde, dèn dévoiler des états. En cela et I'horreur sur l'horreur. Le champ de

définitive le but recherché ? N'est-ce pas Marker fait æuwe de documentariste, en blé est déjà le lieu de débâcle des soldats
la quête d'un ordre, d'un canevas invisible, créateur, à la manière de Dziga Vertov, aux uniformes dèxtraterrestres, le geste de

qui préside à tous ces chocs d'images, à cèst-à-dire cinématographiquement. la femme est déjà, et de toute éternité, le
geste vain de défense face au tireur.
tous ces écartèlements ou paradoxes ap-
parents ? Là encore, sous la variété, sous la Dans Immemory, des dizaines de cinéastes Grâce à Resnais, grâce à Guernica, on
liste,le multiple, pourquoi chercher lécho, sont cités, et de multiples références peut ainsi mesurer ce qui est spécifique
si ce nèst pour mettre à jour' sinon l'unité visuelles ou textuelles sont faites à des au montage de Chris Marker : une totale
films. Ni Resnais ni aucun de ses films ne indifiérence au temps, ou, pour 1e dire dans
secrète, au moins la même appartenance ?
Mais, si on s'intéresse à ces images feuil-
letées, à ces montages qui nbrganisent
pas forcément des récits ou des histoires,
on ne peut éviter une autre comparaison,
avec un autre âuteur majeur de documen-
taires contemporains, Marcel Ophuls.
Lui aussi truffe ses films dèxtraits, de
détails, d'images sur des supports hétéro-
clites, et les superpose plutôt qu'il ne les
articule dans 1a durée. Lui aussi, plus que
n'importe quel autre cinéaste, tente de ré-
pondre à cette question posée par l'auteur
ùt Joli Mai : " Mais comment font les
gens pour vivre dans un monde pareil ? ,
Depuis ses premiers films pour la télévi-
sion, Munich ou la paix pour cent ans, ou À
la reclterche de mon Amérique, il ne cesse de
fouiller dans les mémoires et les images
pour comprendre comment des peuples,
des nations, des collectivités peuvent, à un
moment donné, concevoir comme évident
ce qui nous paraît à présent si intenable.
Et avant d'en tirer des ieçons morales, sa
grande question est précisément la capa-
cité du cinéma à rendre cette évidence, à
la faire jaillir et la faire comprendre, par
sautes et montages d'images. Au prir de
cette opération, on pourra poser des ques-
tions d'aujourd'hui à des époques passées,
ce qui est la démarche, par ailleurs, de tout
un courant historiographique que lbn
nomme 1',, histoire culturelle ,.
C'est une autre façon de convoquer les
images pour parcourir les temps avec un
même regard. Un autre gpe d'anachro*
nisme. Qd tente de reffouver la diffe-
rence 1à où Chris Marker cherche à la
faire disparaître. Mais cèst la même ma-
nière de croire que I'image est capable de
passer les temps pour sbffrir à un regard
d'aujourd'hui, de procurer des sensations,
de faire penser, démouvoir, tant quèlle
est associée à d'autres. Chez I'un comme
chez I'attre, et a fortiori parce qu'ils ont
des horizons difiërents, ce qui frappe, cèst
l* h**i, L'homme à Ia caméro la complémentarité des images, Ia capa-
*n S*:, level Fiye
cité quèlles ont à s'éclairer mufuellement.
Une manière de rappeler qu'au )O(" siècle
ses propres term€s, une telle attention au essentiellement lié au passage temporel, s'est ouverte une pensée /as images. $S
présent de l'Histoire, à ses coupes, que les écrans de Chris Marker se creusent, se
chaque moment y apparaît détaché de feuillettent, et les temps s'y replient sans
toute temporalité. Le montage par super- cesse, jusqu'à disparaître. Ce qui, dans La
position, 1es écrans dans les écrans, ces Jetée, semblait constituer une forme dra-
formes manipulées dans les images allir- matique originale apparaît en définitive 1. Respectivement dons Sons so/eil, /rnmemory et
ment I'anachronisme du cinéma, à savoir comme un principe, que 1e cinéaste pro- Lo Jetée.
sa capacité à ignorer les temps. clame dans Sans soleil en revendiquant 2. Les deux cinéostes ont trovoillé ensemble sur
Alors que longemps le défllement des de chercher à être un tiers-mondiste du plusieurs films, ûu début de leur corrière, cosignonl
"
images a imposé la métaphore d'un art temps >. notomment Les stotues meutent aussi.

107
tt',
?)/-\,7-lnT Tg TdpOAf
Lr- ,nffi\j t / v &J rJ Jtl
MATH IEU CAPEL

Le stade des jeux Olympiques de Tolyo : Passé l'évidence d'un recensement' se de fiction créé pour Sans soleil, ou, dans
cèst 1à quèn 1965 la filmograPhie de pose la question des apports et des em- Lruel Five,l'amant perdu de Catherine
Chris Marker sbuvre au Japon. En dépit prunts. Mais quelque chose accroche Belkhodja. C'est encore ce << tu > que
des voyages et des portraits, des engage- qui empêche de s'abandonner aujeu des Marker se donne à lui-même dans Le
ments et des enquêtes qui font parfois influences. Car il est des manques trou- Dépays, dont texte et photos en disent
mine de 1a refermer, cette ouverture sèst blants, par quoi je ne peux mèmpêcher peut-être moins sur le Japon que sur
toujours maintenue. I-lattention portée à d'aborder 1es rapports de Marker à ce I'ubiquité dont il est pour lui la formi-
la u chose Japon ", cet élan et cette envie que je continuerai donc de nommer la dable occasion (" Je sais que, si je retourne
ne se sont jamais taris. Jusquèn 1997, n chose Japon n - le fruit d'un travail de demain au Japon, j'y trouverai I'autre, j'y
certains films I'affirment sans détour : taille et dbblitération (de montage) qui serai l'autre n). Comme si la chose Japon
révèle peut-être, pour dévoyer ce qu'An- ne pouvait se voir en face : par réfraction,
Le Mystère Koumiko (1965), Sans soleil
(1982), A.K. (7985), Takyo Days (1988)' dré B'az'n disait du cadre cinématogra- uniquement. Mais cette impossibilité-1à
Bullfght in Okinarsa (1994), Lerlel Five phique, la logique du u cache Marker ". ne compromet rien. Plutôt fournit-elle à
(7997). Mais d'autres' qui paraissent IJn stade, donc. Lobjectif glisse sur une Marker ses plus beaux . départs de fic-
à mille lieues de 1à, invitent eux aussi masse de visages alignés, excités ou dis- tion >>, comme le dit Jean-Christophe
ce Japon, avec entêtement et quelque traits, bruyamment muets. Ii
retrouve Bailly dans un ouvrage âu titre conver-
malice, 1à oir on ne l'attend pas de pré- bientôt 1a jeune Koumiko, point d'entrée gent, Le Dépaysement. Les données
férence, comme une nécessité qubn (n Autour dè1le, le Japon dit le com- sociologiques qrue Le Mystère Koumiko
",
croyait pourtant suspendue : L'Héritage mentaire) par lequel il pénètre ia fouie énumère disent d'autant mieux combien
de la chauette (1989)' Une journée dZn- d'une fête foraine, d'un temple ou d'un le cinéaste entend se tenir à lécart de leur
drei ArsenecJitch (1999), Le fond de I'air grand magasin. Dès les vingt premières approche. Un refus du documentaire en
est rouge (1977) . . . comme si ce qui aurait minutes dr Mystère Koumiko,les caracté- son sens le plus convenu' peu étonnant
ristiques du Japon de Marker sont là, en chez lui, d'autant mieux fondé qu'il s'ab-
pu passer pour une marotte au regard de
grande part. sout par avance de toute méprise : " Se fier
lavaÀété thématique de sa filmographie,
des ensembles qu'eile forme par ailleurs, Le besoin d'abord, moins d'un guide que anx apparences, confondre sciemment le
en était plutôt comme le soleil lointain d'un intermédiaire. Koumiko d'abord, décor avec la pièce, ne jamais s'inquié-
et voilé - d'un brouillard forcément ou l'Arielle Dombasle de Tokyo Days, ter de comprendre, être 1à " (Le Dépays).
kurosawaien. mais surtout Sandor Krasna, caméraman Pareille démarche naît-e1le des difficul-
tés que Marker éprouve à dialoguer avec
Koumiko, dont le français trop approxi-
matif s'i1 est une ressource poétique, est
aussi un empêchement ? Toujours est-il
qu'après 1965 ses intermédiaires ne sont
plus des Japonais : ceux-ci assurent dé-
sormais (L'Héritage de Ia chouette ow Le'uel
Fiae) le rôle de témoin ou de théoricien
(Atsuhiko Yoshida, Kenji Tokitsu). Le
prlr à payer peut-ètre pour pouvoirjuste-
ment < être 1à n, toujours à la lisière entre
compréhension et incompréhension.
Plus qu'une métaphore' cette lisière
correspond à un ensemble de lierx
réels. Autre caractéristique du Japon de
Marker qui, à peu de plans Près, est un
Japon d'extérieur(s). Un Japon des rues
et des carrefours, des parcs' des grands
magasins et des galeries marchandes. Un
Japon de trains et d'automobiles, de fer-
ries aussi. De passants. De fouies' quèlles
Sons solei/
sbrganisent pour 1a danse d'un festival ou

108 Pô5ltif 632 I o.tobr.2013


la déambulation réglée du shopping. De affirmation, peut-être est-il possible de
o clusters de visages >>, comme li dil Som
s'y fondre complètement, d'annuler par
sokil, plus que d'individus. De sorte que le rêve la distance essentielle à I'image
f impression est forte d'un parcours tou_
jours à la surface des lieux et des gens. Le
- de tourner, nous dit Sans soleil,Ie frlm
absolu : De pius en plus souvent, mes
Japon de Marker dirait alors ce rêve_ci,
"
rêves prennent pour décor les grands ma_
qu'il y sullit d'enclencher sa caméra pour gasins de Tolgro, les galeries souterraines
faire cinéma. Ou bien dit-i1 le contr-aire,
qui les prolongenr et qui doublent la ville.
qu'une caméra ne saurait en pénétrer les Un visage apparaît, disparaît, une trace se
arcanes er que, à tout prendre, autant se
trouve, se perd. Tout ie folklore du rêve
laisser dériver au gré de la ville. Réve ou
est tellement à sa place que le lendemain,
pis-aller, queique chose en tout cas d'une réveilJe, je m'aperçois que je continue de
capacité a minima, ou d'un repos que le
chercher dans les dédales du sous-sol la
cinéaste sbctroierait 1à-bas_
présence dérobée la nuit précédente. Je
À moins qu'il ne s'agisse de tout autre commence à me demander si ces rêves
chose : de poser radicalement la ques- sont bien à moi, ou s'ils font partie d,un
tion I'image, de cet eidolon que
.de ensemble, d'un gigantesque rêve collecti{ Le Mystère Koumiko
Jean-Pierre Vernant lie avec plaion dont Ia ville entière serair projection ...1.
aux fantômes et aux morts (donc à la |
Le train peuplé de dormeurs assemble C'est justement 1à qu'apparaissent les
mémoire) comme aux rêves dont les tous les fragments du rêve, en fait un seul
dieu,x peupient nos sommeils. manques. Marker le reconnaît lui-même,
eland film, le film absolu. n ce rêve entraîne aveuglement et amné_
lépisode 9 de L'Héritage de la chouette lie
Ce rêve d'un rêve, c'est ce qu,il nomme la sie, qu'il tente tardivement de coffiger
ainsi le mythe platonicien de la caverne < poignance des choses n, version adou_
dans Leoel Five en évoquant les heules
aux images d'une salle de cinéma, le film
cie de la fascination dont témoignerait sombres du militarisme. Ce qu'il met
projeté est justement Les Sept Samourais l'art poétique japonais depuis les ilotes de
de Kurosawa, ce qubn veffa comme un tant de temps à voir, cèst le
chevet de Sei Shonagon auXI. sièc1e : ou Japon dans
peu plus qu'un caprice. sa négativité historique. Car en lui se
le pouvoir immense d'abolir notre dis_ maintient I'idée d'un o vrai
Pas_d'intérieurs ou presque dans le
Japon tance au monde pour mierx s'y abîmer. Japon o,
de Marker, sinon une chambre d hÀtel. Dans L'Héritage de la chouette,l'historien " inchangé, peut-être inchangeâble ".
Mais on y voit moins telle ville du haut de Ce qu'Angélique Ionaros dépùre chez
Atsuhiko Yoshida dresse un pont inat_
quelques étages que les images diffusées des n philhellènes , aveugles au contem_
tendu entre les mlthes grecs et japonais. porain de la Grèce, il en est aussi la vic_
par un téléviseur. Films de fantômes, de Pour lui, ce sont les Scythes qui auraient
samourais, émissions de divertissement : time (lucide) vis-à-vis duJapon. Constar
permis ce passage vers lâsie. Mais chez étrange, q,tand Le Mystère Koumiko pre_
ici, passer à l'intérieur veut dire traver_ Marker, la triangulati on s,effecfirc
ser lëpais feuilleté des images média_
,z.tia nait son élan dans le stade olympique
l'Allemagne et Rilke (le plus grec de tous de 1964, vitrine du Japon de in irut'rt.
tiques. Sonder un imaginaire et comme avec Hôlderlin, George Steiner dixit),
une mémoire collective. À l,instar des croissance des années 60, cristallisation
autour de ce que le poète nomme o lbu_ surtout des antagonismes sociopolitiques
images pixellisées que Hayao yamaneko vert > : o Vous devez concevoir l,idée de
tire du traitement synthétique de films d'un pays alors marqué, sous dès fo.À.,
ibuvert 1...1 d, telle sorte que le degré de multiples, par la contestation citovenne.
d'archives (Sans so/ei/,2084f, c'est élever conscience de I'animal place celui_ci dans
f image au carré, la rendre plus volatile, Une absence d'autant plus marquante
le monde sans qu'il ait besoin, comme
de manière qu'elle nait plus que lëpais_ chez l'auteur dt Fond de l'air est raige qui,
nous, de constamment se le poser en vis*
seur des rêves. s'il emprunte brièvement u. do.lrÀrrtr_
à-vis ; l'animal est dans le monde ; nous riste Noriaki Guchimoto les images de
Double allrmation encore. En tant autres, nous nous tenons der.tant /ui, dt la tragédie de Minamata, oub[e Ën re_
qu'image(s), cet < intérieur , multiple fait de 1a singulière tournure et élévation vanche 1es luttes étudiantes de 1960 et
est voué à rester hors d'atteinte. Marker qu'a prise notre consciencel. >
questionne f image dans son irréduc_ 7968-1969, de même qu'il omet la nais*
En sourdine, sèntend chez Marker cette sance de l'Armée rouge japonaise. Sans
tible distance, et la possibilité même de plainte d'un. trsp de conscience u dont
la cognition : i'image doute pourra-t-on opposer l,exemple,
renseigne-t-elle les animaux sont épargnés. De là peut-
ce quèlle montre, ou le retire-t-elle au au détour de 1970, des luttes poprrluir..
être son admiration notoire pou. 1.. contre 1a construction de l,aéroport de
contraire à notre (com)préhension ? chats (manekineko japonais, à la patte
peut-on connaître le Japon, ou seule_ Narita, quévoquent rétrospectivement
levée en signe de bienvenue) ei les Sa^ns saleil et Le Dépalts.Maisle qualifica_
ment le rêver ? Cèst la définition même chouettes (sagesse grecque). La o poi-
du dépays," mon pays imaginé, mon pays tif de
" gentils gauchistes o qu,ii réserve
gnance des choses , dit le rêve ur. p.u fo, à leurs participants suggère alors chez
que j'ai totalement inventé, totalement de s'abstraire de la condition humaine.
investi, mon pays qui me dépasse au Marker un intérêt relatif
Et ia n chose Japon >, celui qu,un peuple Revenons à Rilke : u Avec l,.,ouvert"donc,
point de nêtre plus lui-même que dans y soit parvenu, par lèsthétisation parti_ je n'entends pas le ciel,l'air et lèspace, car
ce dépaysement culière du monde dont témoigneraient,
". ceux-/à aussi sont, pour le contemplateur
Mais alors, au revers de cette première entre autres) ses arts et ses rites. et le censeur, "objet" et par conséquent
I
"opaques" et fermés. IJanimal, la fleuq
il faut l'admetlre, sont tout cela sans sèn
rendre compte, et ont ainsi devant er.x
et au-dessus d'eux cette liberté d'une
ouverture indescriptible, liberté qui n'a,
peut-être, ses équivalents (d'ailleurs
momcntanés) que dans les premiert ins-
tants de l'amour, lorsqu'un être humain
découvre dans l'autre sâ propre immen-
site. ,' Ainsi la " chose Japon '. qui pour
Marker serait comme la promesse de
lbuvert, est moins finalement lbbjet
d'une curiosité ou d'un intérêt que d'une
érotique. Parce qu'une érotique dit jus-
tement lélan d'une rencontre biaisée, un
arrangement permanent entre 1e compris
et l'incompris,la touche, juste, précise, et
1'évitement.
En 1963, Toshio Matsumoto tourne Ze
Chant des pierres à partir des photogra-
phies d'Ernest Satô. Le montage confère
une ligne narrative à ce carrousel d'images
arrêtées. En bout de course, il joue des
vitesses de défilement pour donner à
certaines I'illusion du mouvement. Bien
sûq les ouvriers carriers du film pârtagent
bien peu avec les protagonistes de Ia
Jetée.Mats lormellement les deux films
entretiennent un cousinage troublant.
D'ailleurs Marker ne manque pas d'en
faire lé1oge quand Matsumoto le lui
montre en 7964. Cela, c'est Matsumoto
qui le raconte, sans qubn puisse avérer sa
version puisque Marker, à ma connais-
sance, nèn a jamais rien dit. De fait,
l'apparition tardive de Nagisa Oshima
da.ns Level Firte, celle, très furtive, de
Shôhei Imamura dans Ze Dépays, so:u-
lignent rétrospectivement l'absence de
toute une génération de cinéastes (celx
de la nouveile vague, 1es Hani, Yoshida,
Ogawa, Adachi), dont les questionne-
ments pourraient converger vers les siens
plus sûrement que ceux d'un Kurosawa.
Mais, comme le dit Lacan : o [q]uand,
dans l'amour, je demande un regard, ce
qu'il y a de foncièrement insatisfaisant et
de toujours manqué, c'est que jamais tu
nc me regardes là dbu je te vois. . .,

L'Hérîtage de la chouette 1. Cité por Mortin Heidegger, ( Pourquoi des


poètes ? D, Chemins qui ne mènent nulle psrt,

Sans soleil G0llimord, coll. < Tel >>,2006,p.343.

110
CHRIS MARKER
g,ffyxKss x sç*eÂ$'s-ws
Koumikochkq,
Triste ville que Paris : le Pachi'nko
y est inconnu, Pas lbmbre de jeux
"Oly-piq.,".
et - 1e comble ! - les chats
,r.-rulrr..tt pas.Je ne sais pas s'il faut
pousser Yamadal à sènterrer aussi loin
àe toute civilisation mais je mbccupe
-
de lui, et j'espère avoir des nouvelles
auiourd'hui ou demain. En attendant
voici des images de film pour la version
Unifrance de Cinémonde, voici un
Cahier du cinéma pour Marcel, et pour
toi les premières images sorties de la
boite.J'aimerais que tu les aimes'
Il y a aussi mon nom écrit en chinois
(ert-.. la même chose en jaPonais ?)
- souvenir d'une invitation à Pékin' un
lapin chinois et des baguettes chinoises'
pour chez toi'Je tènverrai d'autres
.hn..r. As-ru reçu les livres ? Dis-moi
s'il y a, à la réflexion, d'autres livres ou
images ou quoi que ce soit que je puisse
t'envoyer.
Je riai encore rien
l'u du fi1m (huit jours
po.rr 1. dédouaner, huitjours Pour 1e
rirage).J'ai encore une semaine pour
rêvù qu'i1 est comme je le souhaite,
.o--. 1'ai inventé à travers le viseur
i.
de la caméra. Après, il faudra voir 1a
réa1ité en face. Ainsi, comme dirait
Godard, le cinéma est lëcole de la vie !
Je saurai cette semaine
sije repars tout
de suite pour Mexico ou si j'attaque
immédiatement mon, ton' notre film' Ce
que j'aimerais mier'x, à vrai dire' C'est
.o-L" le surfing :je suis sur la crête de
la vague partie de Tolqro, je voudrais y.
,".,"i j.ruq,r'a h frn du montage' dans le
même é1"n, Pour t'aPPorter un film qui
te ressemble. (Comme ces vagues de 1a
bombe chinoise, qui finissent par arriver
. jusqu'à toi - Kumiko/Nausicaa')
J. r.li. des livres de ma bibliothèque
sur le JaPon, Pour confronter' Le
comte Iiaymànd de Dalmas dit que les
Japonais, hommes et femmes, fument
énormément (il écrit en 1885)' Il dit
aussi : ,. Dans 1a conversation et surtout
dans la lecture à haute voix, employée
par er.x le plus souvent même quand
i1s

Chris Morker en 1964

;:rrltii t],) j ;li:;ll:').)il


sont seuls et lisant pour eux-mêmes, ils chance de pouvoir continuer d'avancer
détonnent souvent d'une manière très
riciblc, en imertanl alternativement
dedans avec la même tranquillité que
dans les rues de To\o avec toi, en
ltû{ilcrflH t}i5pi"AY AT NtG!!
tsôË6 F;{}Ne _ POST
IRÛS tr
des sons graves et des sons très aigus, utilisant de la même manière les hasards,
et terminant chacune de leurs phrases les chances et 1es ondes du moment.
par un grognement bfusque, suivi d'une Ce nèst pas du cinéma-vérité, c'est du
bruyante aspiration. J'attends avec
"
intérêt tes bandes de magnétophone
cinéma-promenade.
Qre fais-tu maintenant ? Comment vont
t**,L, 4 t'",'*-
pour vérifier si tu grognes, détonnes et te: Chinois ? (Moi, je pars mainrenanl
aspires -
mais ce nèst pas exactement voir des films chinois à 1a Salle Pleyel.)
ce que je trouve dans ta volx quand je Où en es-tu ? Maintenant que j'ai cessé
réécoute les deux dernières bandes de de manipuler sans fin ces derx semaines
Tolryo.Envoie-les vite, dans lë1an de ta de 7964, je dois redécouvrir la Koumiko
vague à toi. de 1965 : écris-moi souvent.
Je te fais le signe du Maneki-neko. Bonsoir.
Dis plein de choses à Marcel, à Hayao, Sû rnors {1965}
à tous. Cèst brzarre de ne plus être à
TolVo.Aussi bizarre qu'il était naturel et
bien d'y être. Koumikochko,
Luncli ? {novenrbre 196i+} Tir es bien silencieuse I Est-ce parce que
je le suis aussi ? Dans ce cas souviens-toi
du proverbe portugais : la réciprocité est
J'écris en même temps à Marcel mère de tous 1es vices.
pour lui dire que le film est fini. Il y est Je retravaille le film : il y a deux ou trois
pour tellement que j'aurais souhaité choses qui passaient ma1.Je te fais aussi
le lui dedier, mais ça aurair encore sous-titrer pour la version anglaise qui
embrouillé un peu plus un générique va passer atx festivals de Londres et de
qui lèst déjà, alors je l'ai mis dans le New York. Gros problème : comment
carton ( protecteurs r, avec le producteur sous-titrer " des pris ou bien . J'ai ligolé
"
israélien qui a mis le premier l'argent longuement
"... I Ce soir, la société
nécessaire à ce qu'un film soit possible franco-japonaise te présente : pro.jection
(personne et particulièrement pas moi, au musée des Arts décoratifs. Hommage
ne savait â ce moment-là que ce serait sans doute à tes dons poul'ikebana,
CE Ê1m...)et le chat Pompon qui immortalisés par une photo (chez
venait tous 1es jours au montage nous Mourier) que je tènvoie par 1e premier !$Jû 0 f,/
encourager de ses ronronnements. Bref, messager avec le numéro de Wnt d'Est
ça y est, cèst en boîte, ça dure 47 minutes, oir tu compose à toi seule (et même pas *rrtf f{s
fu es belle, la musique de Tâkemitsu est tout entière : à 1état de deux yeu-r timides
belle, les couleurs sont belles, si 1e film est - asiatiques - et-plutôt-en-biais) la
beauje ne le sais pas encore, et surtout couverture du siècle. 11 y a dedans un très
pas s'il sera reçu comme je le voudrais bon article de Yamada (lequel est très fier
- enfin je crois qu'il te ressemble un peu : de I'avoir écrit directement en français,
beauté, folie, et tout.
Merci de tes réconforts. Yamada a
mais je dois dire qu'il y a de quoi).
Entre le travail avec Kast (court métrage
&n*t*
exagéré :j'ai eu 1a grippe pendant trois de science-fiction où apparaît Alexandra,
jours (il est wai qu'elle était mauvaise, qui se souvient bien de toi et chante tes
cette année à Paris, et que ces trois louanges), avec Tazieff (volcans - nous
jours-là j'ai été plus loin au fond d'un allons sans doute filmer l'Etna cet été),
trou que dans toute ma vie. mais avec Reichenbach (projet d'un grand
comme tous les gens qui ne savent pas montage sur le Mexique, pour lequel
ce que cèst que dêtre malade, je suis il a déjà tourné 50 heures de matériel),
complètement désarmé quand quelque avec moi-même (photos de collections
chose d'aussi anodin qu'un rhume de d'art nègre),les Russes et Cubains de
cerveau me prend à I'improviste), et passage, les scénarios des copains à lire, et
jétais tout de suite remis au travail. Tes Ie minimum d'attenrion à ce qui se passe
chats motocyclistes sont donc venus sur cette bizarre planète,1a vie passe vite,
célébrer mon sprint de montage. Le un peu trop vite.J'aimerais quelquefois
film m'a demandé pas mal de travail, niarrêter,l'arrêter pour lui parler un peu,
mais sans dilÊculté réelle :j'ai eu la la caresser entre les detx oreilles comme

113
un gros chat. Signe de vieillissement sans chambre indépendante quèlle a, rue grand album sur 1bkyo, un grand ami,
doute. De toute façon, avec I'agitation Garancière, derrière Saint-Sulpice, et sa femme est tout à fait merveilleuse),
qui nous entoure, il ny a guère 1e choix. tout près de Saint-Germain-des-Prés 5 rue de Médicis, Paris 5.
Si la vie est un gros chat, la mort serail (regarde un plan de Paris). Cèst déjà un Agnès Varda et Jacques Demy - 86 rue
narurellement un chien maigre qui problème en moins, au moins pour les Daguerre, Paris 14.
hulule, et cèst un peu éprouvant de voir, premières semaines. Edith Sorel (une copine à moitié
d'entendre toutes ces voix qui ne sé1èvent I1 faut que tu me dises aussitôt que tu cubaine, qui travaille pour la presse
de plus en plus fort que parce quèlles 1e sais (et à e1le aussi) quand tu arrives cubaine et est très gentille et serviable),
essayent de couvrir ce hululement, exactement. Est-ce que tu t'arrêtes à 21 rue de l'Estrapade, Paris 5.
d'autant plus fort qu'i1 est mieux entendu, Moscou ? J'ai un bon ami là-bas, Nikita Antoine Bonfanti (l'ingénieur du son
et que parmi nous les plus ambitieux, Boloslovski (il écrit des chansons) qui qui t'a mixée, et te connaît comme
les plus actifs, les plus < vivants > sont pourrait t'aider. Son adresse :1/75 qtai s'il avait été à Tokyo) - il habite en
simplement cer.x qui ont lbreille 1a plus Kotelnichaskaia, bât. V, App. 44, banlieue.
sensible au cri de la mort. Moscou 240. Son téléphone :b 74840 Avec ça tu as déjà un réseau. Plus celui
Et moi, comme ru le dis mieux que (la première lettre est un / cyrillique, de Yamada (est-il encore là, je n ai plus
personne, j'aime plutôt les chats ,... qu'il ne faut pas confondre avec le B de nouvelles du tout), tu ne risques pas
"
Bonsoir, sweet princess. français qui se prononce V en russe... dêtre trop seule. Cela dit,je te répète,
Mereredi 3û {juin x965) Ouf !). Egalement : Bella Epstein, qui préviens-moi de la date exacte dès que
travaille à I'Union de Cinéastes, 13 rue tu ia sais, je lerai tout mon possible pour
Vassilievskaia,je n'ai pas son téléphone etre là. Sinon lu me verras arriver un peu
Je viens de rentrer ù Pqris. sous la main, ah si, D 10827 (cèst un D, plus tard, et cèst toi qui me montreras
Les prises de vues (image par image) cette fois).Tu lui dis que tu es la vedette Paris.
de mon nouveau film (sur photos, de mon dernier film, d'ai1leurs elle doit Tu sais qubn a eu un prix en Allemagne,
sur mes voyages depuis dix ans) savoir : c'est une gentille. Nikita et Bella à Oberhausen ? Il y a un très gentil
commencent demain. Le montage se parlent français. Pour Paris, sije ne suis article sur toi dans les Lettresfrançaises,
fera à Hambourg.J'ai travaillé comme pas 1à quand tu arrives,je te prépare du 1a belle Japonaise qui parle d'elle et

un bufle, avec le soleil pour m'aider. moins un comité de réception. Note les de son pays < avec une intelligence et
Je n'ai aucun regret que ru ne soies pas adresses suivantes: une sensibilité surprenante "... 11 est
venue cet hiver, qui d'après les parisiens Catherine Winter (qui te loge, et que question de sortir le film au même
a été affreux. 11 fait encore très froid. tu âs \,'rre à Tokyo),4 square Georges programme qluela Brigitte Bardot de
Mais le printemps, oui, ça peut être très Lesage, Paris 1,2. Reichenbach. Avoue que ce serait une
bien.Je ne sais pas encore exactement Claude Joudioux (le producteur, bel1e affiche, genre Viva Maria.Et si
combien de temps je reste à Flambourg qui t'a envoyé une médaille),66 rue ça coïncidait avec ton arrivée, ce serait
(en principe j'y reste tout le mois Mouft-etard, Paris 6. plutôt drôle, non ?
d'avril, mais ça dépend de la rapidité Alain Resnais (sans commentaire), Je te répondrai à Paris au sujet des
des machines, pas de la mienne). Mais 70 rue des Plantes, Paris 14. échardes de la vie et de la manière d'y
en tout cas, Catherine peut te loger William etJanine Klein (cèst le opposer quelque chose o de bon n - en
jusqu'au milieu de mai dans une petite photographe américain qui a fait le fait, cèst tout le sujet du fi1m queje fais.
Je ne sais pas du tout s'il sera réussi,
mais jèspère qubn pourra y lire quelque
chose qui répond au-r échardes, atx
autres, à toi... Qrant à ta photo tirant
la langue,je la garde pour la donner aux
journaiistes quand le film sortira. I1 y en
a une déjà célèbre, d'Einstein tirant la
langue, donc : Koumiko = MC2, comme
dirait Godard.
Tu fais des plis ?

Le ?s msrs {1966}

1. Yomodo Koichi, oinsi que bien d'outres omis


cités dons les lettres qui suivent (Morcel Giuglioris,
responsoble d'Unifronce d Tokyo, Hoyoo Shiboto,
qui devlendro producteur et distributeur de films,
et lvlourice f4ourier, critique à Fsprlt sous le nom de
plume de Michel Mesnil) ont été, d un degré ou un
outre, ossistonts de chris lvlorker pou( Le MYstère
Koumiko (NDLR).

Loin du Vietnam

114
CHIIIS MARKTR

n {&i}kr ÆÆ3\J ##S'îP:ffÂ: .d gæ# .ê{# C'X"$JK#


MICHEL CIMENT

Avec mon ami Fouad El-Etr, grand


poète et traducteur, nous sommes allés
rendre visite un beau jour de juillet à
Koumiko Muraoka dont il a publié derx
recueils de prose à sa maison dëdition La
Délirante, L'ornte plus grand gue la maison
et Arithmétique horaire, et avec laquelle il
a traduit du japonais Cent Cing Haikai
de Matsuo Basho et quatre livres de Yosa
Buson, Printemps, Éft, Automne et Hit-ter.
Koumiko, toujours d'une grande beauté,
est une vieille dame discrète et timide qui
vit dans un appartement du X\4II' ar-
rondissement tout encombré de livres, de
dessins, de cartes postales, de souvenirs.
E11e a évoqué pour nous le fi1m de Chris
Marker Le Mystère Koumiko, dont elle est
le centre. J'ai recueilli ses proPos et omis
mes questions.
. Je travaillais dans un bureau d'Uni-
france Film à Tolyo quand est arrivé un
monsieur très grand et mince. Cétait en
1964, à. 1ëpoque des jeu.x Olympiques.
Latmosphère était amusante, joyeuse, et
notre chef Marcel Giugliaris riavait pas
le profi1 du patron, il était très spécial et
s'amusait de tout. Notre fenêtre donnait Le Mystère Koumîko

sur la façade d'un cinéma et un train pas-


méchancetés, si bien que je tjavais aucune et je ne mèxprimais pas bien en français.
sait devant. 11 y avait aussi une très belle
femme qui venait souvent nous voir, un confiance en lui. Par contre j'aimais beau- Notre complicité passait par les chats :
mannequin, Kyoko, qui allait jouer plus coup Shibata. Personne ne comprenait il y en a beaucoup à Tokyo. Lorsque jèn
waiment Marker parce qu'il parlait la voyais un et que je criais . miaou n, il était
tard dans Made in USA de Godard quand
e1le est venue habiter Paris oùr elle parta- bouche presque fermée. Plus tard j'ai tra- content. Je n'aimais pas les hommes trop
duit un peu en japonais ce qu'il écrivait, galants. Les riches hommes d'affaire fran-
geait un appartement avec moi.Je crois que
çais qui arrivaient à Unifrance étaient
mais c'était difficile car on arrivait à peine tous
Chris Marker avait demandé de largent à
à le déchiffrer I En même temps cétait les mêmes, ils avaient le même style et ils
un producteur pour réaliser un film sur les
quelqu'un de touchant dans son comPor- ne me plaisaient pas. l{arker était lèxcep-
Jetx ; c'est comme cela qu il est venu pour
la première fois au Japon. Ensuite il sèst tement. II y ava\t en lui une forme d'in- tion, il était laconique. Ce nèst qu'au bout
servi de cet ârgent Pour réaltset Le Mystère quiétude. J'avais entièrement confiance d'un certain temps que j'ai pris conscience
Koumiko. Vous savez, au début il ne me en lui. Le chelt de bureau a comPris qu'il était en train de faire mon portrait.
disait rien, on se promenait, cëtait tout. tout de suite que nous étions en face de Jusque-là il me filmait, mais j'avais l'habi-
11 faut dire qu'à lëpoque léquipement quelqu'un de très intelligent. Il a changé tude ; sans être un modèle professionnel,
cinématographique riavait pas la même le programme et, alors qu'il était prér'u on avait souvent fait des photos de moi.Je
légèreté qu'auj ourd'hui.11 fallait recharger que j'accompagne une délégation venue ne me rappelle pas combien de temps a
la pellicule et il
avait comme assistants pour les jetx Olympiques, il ma demandé duré 1e tournage, mais je me souviens qu'à
Hayao Shibata et Koichi Yamada' Les de servir de guide à Marker.J'aimais bien chaque fois qu'il pleuvait dans les rues de
deux travaillaient avec moi à Unifrance.Je Giraudoux, j'avais lu le livre de Chris sur Tolyo il prenait sa caméra pour filmer les
détestais Koichi Yamada, il avait mauvais lui et cela nous a râpprochés. Je ne lui en parapluies.J'ai compris plus tard que cela
caractère. II était très caressant mais, dès parlais pas car nous n'avions pas de véri- avait un sens pour lui. 11 se référait au-r
tables conversations. 11 nétait pas loquace Parapluies de Cherbourg.Il ma aussi filmé
que vous avtezle dos tourné, il disait des
au bar tournant du New Otani, un endroit regardé, il a dû le sentir et il a tourné la
nouveau au dernier étage d'un immeuble tête.Je lui ai dit : Nbublie pas de manger
de temps en temps, parce qu'il ne man-
Koumiko t
élevé. Chris, au montage, n'a pas écarté
grand-chose de ce qu'il a tourné car ma geait jamais ! 11 a presque rougi et m'a parlé
M L'TûOKfi
L'orme plus grond que la maison,
pensée était très pauvre et je ne parlais de sa salle de montage rue Beethoven, oir
Lo Délirunte, Poris,1992,48 p.
presquc pr:. Mais je le ct-rmprenais mier.r-r il travaillait srr Lain du I/ietnam, en me Arith métique horair e, Lo Déli ro nte,
que beaucoup d'autres parce que jétais disant d'y passer quand je voudrais. Ce
Poris, 2015, 56 p.
habitué à sa façon de parler. Cëtait un queje fis.Je ne dirais pas pour autant que
homme très séduisant intellectuellement. nous avions des conversations car il parlait tont
Chris Morker, qui opprécioit les
Tl était sobre de caractère et il n'avait rien peu. Mais il ma fait connaître beaucoup quolités de Koumiko lorsqu'il lo rencontro
de lètranger qui vient, comme cela, dans de ses amis :William Klein, Agnès Varda, eL lo filmo en 1964, ouroit-il pu imoginer
un pays lointain. Je crois qubn s'entendait Costa-Gavras ou Simone Signoret. De olors l'écrivoin rore qu'elle est devenue ?
waiment bien. S'il ne nria jamais filmé ses nombreux voyages, il mènvoyait des Ces deux livres publiés por Fouod El-
dans mon espace privé, c'est que cètait cartes postales, souvent avec des chats Etr, qui o ossuré ovec trédéric Mogne
trop exigu, trop bordé1ique. Ma pièce dessinés. Ces dernières années i1 avait lo troduction du premier, révèlent en
unique était constituée de quatrc tatamis. trouvé une vraie maison, tellement mier,r-r effet un tolent d'écriture et une vroie
Cëtait comme un nid, on ne pouvait pas que lèndroit où il vivait avant, et il m'a singulorité. L'orme plus grand que la
y tourner. invité à venir la voir.J'ai été impressionnée maison, souvenirs de Mondchourie oÙ
o Avant de partir il m'a laissé un question- par le nomble de gens qui assistaient à son elle posso son enfonce, semble foire écho
naire auquel je devais répondre. J'ai écrit incinération. Cet homme si modeste, qui ù lo première phrose du commentoire
mes réponses en japonais, puis je les ai ne voulait pas voir beaucoup de monde de LeTtre de Sibérie ( Je vous écris d'un
poys lointoin >. Une petite fille évoque,
traduites en français. Comme je voulais autour de lui, était entouré d'une foule.
les corriger, Marcel Giugliaris m a dit qu'il Cétait comme 1a grande fête qu'il davait ovec une précision et
un humour
, tchékhoviens, Bobouchko, leur voisine
fâlait les enregistrer au magnétophone jamais faite.
( qui est très vieille et crie porfois lo
telles quelles. Née en Mandchourie, je Je disais à Koumiko combien il était nuit >, le coiffeur qui lui coupe les cheveux
suis arrivée au Japon à di-r ans avec, moi frappant que Marker, cinéaste politique
qu'elle voudroit gorder longs, un Chinois
aussi, un regard d'étranger sur ce pays.J'ai dans la plupart de ses films, n'évoque
de so rue surnommé étrongement Vossili,
tout de suite dit à mon père que je vou- pas le monde extérieur dans Le Mystère
les Russes bloncs propriétoires de lo
lais repartir : 1e paysage ne me plaisait KoumiLo. Qrand ils rentrent en voifure de
moison où elle loge ovec ses porents et
pas,je le trouvais bizarre.Je regrettais les Yokohama, il f interroge : Est*ce que tu
" so sæur, lo gronde demeure où hobite
grands espaces et les cieux immenses de pensais que tout ce qui se passait à (plans
une comorode et, bien sÛr, les onimoux
la Mandchourie. Qrand on a pris le train de guerre, du Vietnam), ça avait de l'in- qui foscinent tont les enfonts : un cochon
pour a11er chez les parents de mon père, fluence sur ce qui pouvait t'arriver à toi, qui hurle, un chevol, une poule volonte,
ça bougeait tellement que j'ai eu peur et Koumiko ? " Elle 1ui répond magnifique- des popillons et des libellules. Le tout
je regrettai 1es trains larges et costauds de ment : < C'est comme les vagues de la mer, rendu vivont por une prose d'une belle
mon pays natal. une fois qu'il arrive un tremblement de sensuolité:< Perchée sur le grond orme d
o Deu-r ans plus tard, je suis venue à terre, même si cèst un accident lointain, la côté du portoil, je monge ses fruits verts
Paris. Chris a refusé que j'arrive en hiver, vague avance peu à peu et finit par arriver et touffus comme une pÔte feuilletée,
une mauvaise saison pour y découvrir la jusqu'à moi. , Ce sont ses dernicrs mots ovec ce léger goÛt de soble qu'opporte le

ville. 11 m'a proposé le printemps (le joli dans le film. Koumiko me répond :o Cèst vent de Mongolie ou printemps )).
mai l) ou l'été.La. première fois où il ma par hasard que je lui ai dit cela, car tous les Plus étonnont encore est Arîthmétique
invitée à déjeuner ce {irt avec son meilleur matins, sans faute,le journal arrive dans la horaire, triptyque formé por deux

ami Alain Resnais. Bien plus tard, je me boîte arx lettres, apportant les nouvelles ; portroits, celui d'une comédienne

rappelle l'avoir r''r,r un jour par hasard assis c'est ce quei'avais dans 1a tête quand je me vieillissonte, odmiroble por son coroctère

seul dans un cafe en train de boire. Je 1'ai suis exprimé ainsi. > :.i introspectif et le mystère poétique
qui entoure ce personnoge, et celui
d'Hyppolite, un Porisien entre deux ôges,
velléitoire, ( obsent de son corps et de
son esprit )). lls encodrent cinq sequences
de Berlin où lo ville est peinte ovec lo
polette d'un Grosz, d'un Kirchner ou d'un
Beckmonn. Ce livre, qui brode tout ou
long le motif du temps, est illustré por
des bois polychromes d'Utomoro, choix
judicieux cor ils s'occordent mieux o lo .
figure de l'octrice que ne l'ouroient foit
des estompes de Shoroku.
contoctOlodeli ronte.f r

www.lodeliro nte.f r M.C

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