Sunteți pe pagina 1din 8

Revue du monde musulman et de

la Méditerranée

Prospérité économique de la Syrie du Nord à l'époque byzantine


(IVe-VIIe s.)
Georges Tate

Citer ce document / Cite this document :

Tate Georges. Prospérité économique de la Syrie du Nord à l'époque byzantine (IVe-VIIe s.). In: Revue du monde musulman
et de la Méditerranée, n°62, 1991. Alep et la Syrie du Nord. pp. 41-47;

doi : 10.3406/remmm.1991.1520

http://www.persee.fr/doc/remmm_0997-1327_1991_num_62_1_1520

Document généré le 07/06/2016


Georges TATE

PROSPERITE ECONOMIQUE

DE LA SYRIE DU NORD
À L'ÉPOQUE BYZANTINE (IVe-VI|e S.)

INTRODUCTION

A l'époque byzantine (IVe- VIIe siècles), la Syrie du nord est une des régions les plus
urbanisées de l'Empire. Elle compte une métropole, Antioche, plusieurs villes importantes sur le
littoral : Séleucie de Pierie et Laodicée et, fait plus rare, des villes grandes et moyennes à l'intérieur :
Apamée qui dépasse assurément les 100 000 habitants, Chalcis du Bélus dont la muraille justi-
nienne enserre une très vaste ville basse au pied de l'Acropole, Beroe (Alep) et Cyrrhus.
Plusieurs villages enfin, aux confins de la steppe, atteignent, au VIe siècle, des dimensions quasi
urbaines et en présentent peut-être l'organisation : Anasartha, Andrôna et Tarutia. Chaque fois
qu'il est possible de les observer, on constate que les plus anciennes de ces villes conservent les
traits principaux de l'urbanisme romain, tels qu'ils ont été appliqués généralement au début du
Ier siècle mais, à l'époque byzantine, certains caractères nouveaux commencent à apparaitre : la
grande artère qui les traverse du nord au sud subit parfois, de chaque côté, un rétrécissement dû
aux empiétements des riverains, amorçant une lente mutation qui conduit finalement à la ville
musulmane ; de nouveaux bâtiments publics apparaissent, les églises, tandis que d'autres, les
temples, disparaissent.
Non seulement les villes sont nombreuses et populeuses, si l'on en juge par les dimensions,
mais les campagnes aussi sont largement et densément occupées. Au-delà du témoignage des
sources textuelles mais dans le même sens qu'elles, l'archéologie en apporte des preuves
nombreuses et irréfutables. Sans doute, les vestiges des établissements ont presque entièrement dis-
RE.M.M.M. 62, 1991/4
42 / Georges Tate

paru dans les plaines : il n'en subsiste que des remplois dans les constructions qui leur ont
succédé ; mais dans les zones marginales, pauvres en terre arable comme le massif calcaire ou de
pluviométrie faible comme la zone basaltique du sud-est d'Alep, des villages nombreux et
rapprochés formaient des réseaux serrés.
Prospérité des villes, occupation dense des campagnes. Notre propos sera de faire le point
actuel des connaissances qui permettent d'expliquer ces deux faits en eux-mêmes et dans leurs
relations réciproques1.

1. Fondements du nombre et de la prospérité


des villes syriennes.

Le nombre et la richesse des villes de Syrie du nord sont largement dûs à leur rôle, et - c'est
particulièrement le cas pour Antioche et pour Séleucie de Pierie - dans le commerce
international et interrégional.
De tous temps, particulièrement depuis l'époque hellénistique, grâce à la fondation de la Tétra-
pole syrienne par Séleucos Ier, la Syrie du nord a été l'aboutissement normal d'une des trois grandes
voies, la seconde en importance, qui relient l'océan Indien à la Méditerranée par le golfe Persique.
Elle bénéficie en effet des facilités de circulation qu'offrent ses plateaux et ses plaines, de la
possibilité de passer directement d'Alep à la mer par des défilés et non par des cols au travers des chaines
parallèles au littoral méditerranéen et enfin de la distance plus courte que partout ailleurs qui, à ce
niveau, sépare le littoral de l'Euphrate. Cette route est sans doute moins importante, à l'époque
byzantine, que celle qui aboutit à Klysma (Suez) puis à Alexandrie d'Egypte. Elle parait l'emporter,
en revanche, sur la route du nord qui traverse l'Arménie et progresse au centre de l' Anatolie. De
plus, son importance s'est certainement accrue depuis que la chute de Palmyre a rendu peu sûre et
en fait impraticable la traversée du désert par caravane alors que, dans les courants des Ve et VIe
siècles, les tribus arabes nomades s'agitent, se fédèrent, nouent des liens respectivement avec
l'Empire et avec les Perses et se livrent sans cesse des guerres intermittentes2. Au VIe siècle, enfin,
le gouvernement impérial tente de mieux contrôler ce commerce en réduisant le nombre des points
de passage : Nisibe en Mésopotamie, Iotabe dans le golfe d'Aqaba et évidemment Clysma.
Il est probable qu' Antioche et les autres villes syriennes, particulièrement Tyr, en ont profité
en récupérant aussi une partie du trafic aboutissant à Iotabe. Ce commerce portait sur des
produits peu pondéreux mais de haut prix : poivre, encens, parfums, autres épices et surtout soie de
Chine dont une partie seulement restait sur place (H. M. Jones, 1964 : 824 et sq.).
A côté du commerce international, le commerce interrégional aussi tient une place
importante. La Syrie du nord est à la fois importatrice et exportatrice.
Importatrice de marbre, comme J.-P. Sodini l'a bien montré (J.-P. Sodini, 1989 et 1990). Il
arrive de Thessalie ou de Proconnèse brut de carrière ou travaillé sous forme de matériel d'usage
privé ou religieux : tables liturgiques, piliers de chancel, placages muraux, pavements et, bien
sûr, chapiteaux. Bien que plus lourds et moins coûteux, ces produits n'en demeurent pas moins
des denrées de luxe, mais de second ordre par rapport aux précédents. Les importations de
céramiques sont de plus grande portée, car elles concernent la consommation courante. Bien connue
par Hayes3, la vaisselle de table fabriquée en Afrique du nord et connue sous le nom d' African
Red Slip (ARS) se rencontre en abondance à Antioche et à Ibn Hani, près de Lattaquié, de la fin
du IIIe siècle jusqu'au milieu du VIIe siècle. Même phénomène pour la céramique fabriquée à
Phocée (Phocean Warl) et pour la Sigillée chypriote.
Prospérité économique de la Syrie du Nord à l'époque byzantine (FVe-VIIe s.)/ 43

Du côté des exportations, les recherches récentes montrent que les amphores du type "Late
Roman Amphora 1 (LRA1)4" ont été fabriquées dans la région d'Antioche, en Cilicie, à Rhodes
et à Chypre. Ces amphores se retrouvent dans à peu près toutes les régions de l'Empire romano-
byzantin, jusque dans la mer Noire et même en Angleterre. S'il était confirmé que les côtes de
Syrie du nord, de Cilicie et Chypre avaient l'exclusivité de la production de ce type d'amphore
nous aurions un indice de premier ordre sur l'extension des exportations de la région car ces
amphores étaient avant tout des conteneurs : on y transportait de l'huile, parfois du vin.
L'exportation du vin était connue par les textes : on sait qu'Elagabal, au IIIe siècle, faisait venir du vin
d'El Bara (massif calcaire) à Rome. La question du commerce de l'huile était en revanche
discutée malgré une remarque de Libanios attestant sa réalité. G. Tchalenko (1953-1958) avait fait de
son exportation en Occident la raison exclusive de la prospérité du massif calcaire et M. Rodin-
son avait approuvé cette hypothèse en estimant que la destination de cette huile était plutôt
Constantinople. La distribution des amphores à huile dans l'ensemble de l'Empire n'apporte pas
de confirmation pour l'huile du massif calcaire lui-même mais elle montre de façon éclatante
que l'huile de Syrie du nord, qu'elle qu'en soit l'origine, était exportée partout.
Aux exportations agricoles, s'ajoutent celles des produits manufacturés. Parmi eux, le
commerce de la soie que l'on connait mieux depuis l'étude récente de N. Oikonomidès (1986). On
sait qu'une partie de la soie importée d'Extrême-Orient par Antioche était teinte en pourpre sur
place ou dans d'autres cités du littoral syro-palestinien, en particulier à Tyr. A partir de Justi-
nien, ce commerce continua mais une production locale de soie se développa. Le contrôle du
commerce et de la production étaient dévolus à titre exclusif, par une mise aux enchères, à des
hommes d'affaires riches, les commerciaires.
"Ils contactaient les paysans qui disposaient de mûriers et de main-d'œuvre, leur
prêtaient de l'argent et achetaient toute leur récolte à la fin de la saison. Le produit était ainsi
concentré dans les entrepôts, vérifié, garanti et mis sur le marché. Ces opérations étaient
sans doute profitables pour les commerciaires aussi bien que pour les finances de l'Etat."
(N. Oikonomidès, 1989 : 191)
Ajoutons qu'elles l'étaient donc aussi pour la région où résidaient ces commerciaires et
particulièrement pour les villes de Tyr et d'Antioche.
Des autres exportations de la Syrie du nord, nous ne connaissons guère, pour le IVe siècle,
par Libanios, que les armes. Dioclétien avait créé des manufactures importantes (P. Petit, 1955 :
304, note 6) où le rendement paraissait supérieur à celui des manufactures de Constantinople.
D'après Libanios, Thalassios, son secrétaire fabriquait des épées et des couteaux grâce à des
esclaves spécialisés.
Les exportations de la Syrie du nord, et particulièrement d'Antioche étaient donc importantes
en quantité ou par leur prix mais il est évident que les sources ne permettent pas d'en dresser un
inventaire complet ni même de savoir si elles ont été constantes durant les trois siècles
envisagés5.
Une autre question serait de savoir si, en volume, les exportations l'emportaient ou non sur les
importations. Sans permettre d'y répondre avec certitude, les découvertes de monnaies faites en
Syrie du nord, telles que C. Morrisson les a étudiées récemment (C. Morrisson, 1989), permettent
de souligner deux points. L'un est que la richesse de la Syrie du nord est attestée d'abord par
l'importance relative des trouvailles (plus de 10 000 pièces d'or contre un millier en Afrique du
nord, autre région riche) et ensuite par le montant des tributs payés aux Perses par les villes de
Syrie, en 540. L'autre est qu'en dépit de l'existence, à Antioche, d'un atelier frappant de la
monnaie de bronze, les découvertes montrent que les monnaies de ce métal frappées à Constantinople
44 / Georges Tate

l'emportent sur celles-ci. Cette supériorité, si les découvertes futures la confirmaient, semblerait
indiquer que la balance monétaire de la Syrie avec le reste de l'Empire et particulièrement avec
Constantinople était positive. De là à conclure qu'il en était de même pour les échanges il n'y a
qu'un pas qu'il est tentant de franchir. Rien, en revanche, ne permet de savoir ce qu'il en était
avec la Perse. L'impression dominante, au total, est que l'importance de leurs échanges avec
l'extérieur explique au moins partiellement le nombre et la prospérité des villes syriennes.

2. Les rapports villes-campagnes

Mais nous avons vu qu'une partie importante des exportations portait sur des produits
agricoles, huile et vin, et que les campagnes étaient densément peuplées, jusque dans des régions
aux conditions naturelles moins bonnes. Il n'est plus possible de penser, comme on l'a trop
longtemps fait, que les villes étaient des parasites des campagnes, que la richesse des premières était
fondée sur la pauvreté des secondes par le poids de prélèvements obligatoires, sous forme
d'impôts ou de rentes.
Dans une étude récente6, dont nous nous bornons à reprendre les conclusions, nous avons
montré que les rapports villes-campagnes s'effectuaient selon deux courants différents.
L'un, déterminé par des rapports de droit public ou privé, est constitué en effet par les
prélèvements des villes sur les campagnes, pour le compte du pouvoir impérial (impôt) ou pour le
profit des citadins les plus riches (rente). Les maisons fouillées à Antioche et surtout à Apamée
sous la direction de J.-Ch. Balty montrent l'opulence de ces citadins (J. Lassus, 1984 ;
J.-Ch. Balty, 1984). Ces maisons ont de très grandes dimensions. Le péristyle de l'une d'elles, la
"maison des chapiteaux à consoles" atteint celles d'un forum de ville africaine. Il ne nous parait
pas douteux que l'hypothèse de J.-Ch. Balty soit exacte : ces maisons appartenaient à de très
grands propriétaires mais nous situerions leurs domaines dans la vallée de l'Oronte ou sur le
plateau environnant plutôt que dans le Gebel Zawiyé dans les villages duquel régnait une structure
sociale toute différente.
Les domaines qui dépendaient de ces maisons produisaient sans doute du blé, mais il faut
noter que c'était un produit de commercialisation lointaine difficile, sauf par fleuve, en l'occu-
rence l'Oronte ou par mer, comme pour Antioche, Séleucie de Piérie et Laodicée. Nous savons,
en effet, par l'édit du maximum de Dioclétien, que le prix du blé transporté par terre sur plus de
100 km doublait. En 360, Julien signale que la disette sévit à Antioche quand l'abondance règne
à Hiérapolis : malgré la hausse des cours, aucun négociant d' Antioche n'a estimé profitable d'en
faire venir (G. Tate, 1990). Il est donc vraisemblable que les domaines appartenant aux riches
citadins produisaient aussi de l'huile et du vin et comme ceux-ci étaient le plus souvent situés
dans les plaines ou sur les plateaux, il devait s'agir d'une huile de qualité, celle-là même que
l'on exportait dans les amphores fabriquées sur la côte.
Selon Libanios, les domaines de ces grands propriétaires n'étaient généralement pas d'un seul
tenant mais dispersés entre plusieurs régions (P. Petit, 1955). Si cette affirmation devait être
confirmée pour Antioche et si sa pertinence était étendue aux siècles suivants et aux autres villes
de Syrie, nous aurions là un indice de plus que la rente foncière prélevée sur les campagnes par
les citadins prenait au moins en partie, la forme de produits plus aisément commercialisables que
le blé ou même une forme monétaire. En d'autres termes, en Syrie du nord, grande propriété ne
serait pas synonyme d'auto-consommation. La rente foncière aboutissait ou passait, au moins en
partie, par le marché.
Prospérité économique de la Syrie du Nord à l'époque byzantine (IVe -VIIe s.)/ 45

L'autre circuit passe entièrement par le marché. Il met en rapport direct les paysans, négociants
et citadins et concerne des échanges strictement économiques qui sont prouvés par les textes
comme par l'archéologie. Ils étaient pratiqués dans les villes mais aussi dans les bourgades, voire
dans des foires rurales. G. Tchalenko estimait que l'économie des villages du massif calcaire était
fondée exclusivement sur la fabrication et l'exportation de l'huile. Il pensait que les villages
s'ordonnaient en un réseau hiérarchisé, certains étant spécialisés dans la production, d'autres dans
la collecte de l'huile. Selon lui, ces derniers se trouvaient en particulier sur le palier nord du Gebel
Barisa ; Darqita et surtout Babisqa et Bacudeh comportaient un quartier commercial, étendu à tout
le village à Bacudeh, caractérisé par des alignements de rues parallèles bordées de boutiques, et ils
se trouvaient à proximité de la voie romaine d'Antioche à Beroé (Alep) et Chalcis. Cette
conception ne résiste pas à l'analyse : les rues dont il s'agit sont en réalité tronçonnées en cours de
maisons par des murs perpendiculaires et ces villages ne sont ni moins producteurs ni plus collecteurs
que les autres (G. Tate, sous presse).
Mais il demeure que, sans en arriver à de telles extrémités, il est sûr que la vente des produits de
l'agriculture était la cause principale de la prospérité des villages du massif calcaire. Les
recherches effectuées depuis 1976 montrent que les villages de ces montagnes échelonnés sur 100
km de long, sur 20 à 25 de large entre la frontière turque, au nord, et la ville d'Apamée au sud,
étaient occupés par une société de paysans libres et relativement égaux. Ils pratiquaient une
polyculture répondant à la fois aux nécessités de l' autoconsommation et aux impératifs de la vente pour
se procurer le numéraire nécessaire à l'impôt. Elle associait agriculture et élevage : blé, olivier,
vigne, arbres fruitiers, légumes, ovins et bovins. A l'agriculture, ces paysans ajoutaient des
activités industrielles, peut-être le textile, en tout cas la taille de la pierre et la construction. Au total, ces
paysans s'enrichirent et il est visible qu'après le paiement de l'impôt, ils disposaient encore de
surplus. En témoigne la qualité et le coût, sur-dimensionné, de leurs maisons construites à partir du
Vème siècle en parpaings disposés de champ par assises régulières d'environ 50 cm de hauteur,
comme des temples ou des églises. La richesse de ces villageois n'a fait que s'accroître entre le IVe
et le milieu du VIe siècles. Non seulement les maisons sont plus richement construites, sans être
toujours plus grandes et alors que les dimensions des propriétés se sont amenuisées du fait de
l'accroissement démographique, mais les fouilles de Saint Syméon et de Déhès7 montrent que des
produits importés d'outre-mer, de la vaisselle d'Afrique du nord (African red Slip, ARS) et des
monnaies de bronze originaires de Constantinople comme d'Antioche, parvenaient jusque dans ces
villages reculés.
Il n'est pas aisé de connaître les agents de ces échanges. D'après le tableau esquissé par Liba-
nios dans l'Antiokikos (Festugière, 1959), ce sont les paysans eux-mêmes qui venaient vendre
leurs produits à la ville contre de la monnaie dont une partie était dépensée à acheter des produits
fabriqués. Dans le même ordre d'idées, une inscription indique que deux habitants de Kafr Kar-
min (flanc oriental du Gebel Srir) ont été assassinés dans une auberge en se rendant à Laodicée.
Tout en effectuant un prélèvement de produits sur les campagnes - mais est-il une époque ou
un lieu où il en fut autrement ? - les villes sont des animateurs de l'économie et elles répandent
autour d'elles la prospérité par le rôle qu'elles jouent dans les échanges avec les autres villes, les
autres régions comme avec les campagnes environnantes. Il est vrai que cette prospérité ne
profite pas à tous et notamment pas ou probablement moins aux paysans des domaines appartenant
aux citadins qu'à ceux, mieux connus, qui vivent dans des villages libres. Autant et plus que
dans d'autres régions de l'Empire, les villes ne peuvent être tenues pour parasitaires.
Pour prospère qu'elle soit, l'économie de la Syrie du nord est fragile. Les aléas de la
production dus aux irrégularités du temps et la difficulté des transports pour les pondéreux comme le blé
font que les périodes d'abondance peuvent être interrompues par des crises de subsistance qui
46 / Georges Tate

favorisent parfois la propagation des épidémies. Ces crises sont toutes dues à une production
déficitaire (G. Tate, 1990, 1989 et sous presse). On en connut trois à Antioche au IVe siècle (354 ;
362-63 ; 382-85) et une, au VIe siècle, à Edesse (499-502). Elles se manifestent par une flambée
des prix mais leurs effets sont parfois limités par la variété du régime alimentaire. Quand le blé et
l'orge font défaut, on se rabat sur les pois, les fèves, les lentilles, les raisins secs, la viande, voire
le poisson. Dans leur gravité même, ces crises montrent l'importance du marché, particulièrement
celui du marché urbain. En temps de disette, au IVe siècle comme au VIe siècle, à Antioche
comme à Edesse, les paysans se ruent dans les villes où le ravitaillement est toujours plus
abondant que dans les villages isolés et où ils peuvent bénéficier de distributions gratuites. Le pouvoir
impérial tente généralement d'intervenir pour limiter les effets de ces crises, dans un souci
d'ordre social, mais il n'y parvient pas toujours car ses efforts sont contrariés par les grands
propriétaires détenteurs de stocks qui misent sur la hausse. Comme toujours, le pouvoir agit par la
taxation mais celle-ci aggrave la pénurie et entraîne le développement d'un marché noir où les
prix sont exorbitants. Parfois, les autorités approvisionnent le marché en faisant venir, par
contrainte administrative, des produits provenant de régions éloignées. Les prix baissent aussitôt
mais les accapareurs se livrent à des achats massifs qui entraînent derechef une forte hausse des
prix. Dans tous les cas, la prédominance du marché s'affirme mais, en cas de crise, au profit
exclusif des "accapareurs", des détenteurs de capitaux, en fait des grands propriétaires.
Cette prospérité inégalement répartie, mais répartie entre villes et campagnes, n'a fait que
s'accroître jusque vers 540-550. Dans les villes, les activités édilitaires demeurent importantes.
Dans les zones marginales, les seules où l'on puisse connaître les campagnes par l'archéologie,
la croissance se poursuit également : les villages du massif calcaire s'agrandissent et
s'enrichissent tandis que dans le Gebel basaltique, à l'est, aux confins du désert, les établissements
villageois s'étendent jusqu'aux limites de la pluviométrie minimale et certains d'entre eux
deviennent des villes. A partir de 540, au contraire, les crises de subsistance deviennent régulières.
Elles se succèdent selon un rythme approximativement décennal et débouchent souvent sur des
épidémies de peste. Ces crises entraînent, dans les campagnes, des alternances de déclin puis de
reprise démographique mais elles débouchent sur un appauvrissement des villes aussi bien que
des campagnes. Pour rendre compte de ce renversement (G. Tate, 1990, 1989 et sous presse), on
pourrait supposer que cette crise est de type malthusien, la croissance démographique étant
devenue plus forte que la croissance économique.
La Syrie du nord a donc connu, à l'époque byzantine, une des périodes les plus prospères de
son histoire. Cette prospérité, qui s'est établie à la faveur d'une période de paix quasi continue
sur une très longue durée, trois siècles à l'époque romaine, plus de deux siècles à l'époque
byzantine, n'a cessé de s'accroître jusqu'au milieu du VIe siècle. Portée par un accroissement
démographique dont l'archéologie Uvre de très nombreux témoins, elle ne s'est pas manifestée
seulement dans les villes, contrairement à une opinion longuement dominante dans
l'historiographie, selon laquelle la richesse de la ville antique se fondait sur la dure exploitation de la
paysannerie, mais aussi dans les campagnes où, dans des régions entières, des villages de paysans
libres, propriétaires de quelques hectares de terre, offrent un aspect monumental qui défie la
vraisemblance. Sans doute, le tableau mérite-t-il d'être nuancé : tous les paysans n'étaient pas
riches et tous étaient soumis aux risques d'une mauvaise récolte ; tous les citadins ne l'étaient
pas non plus mais, dans l'ensemble, l'archéologie apporte des preuves non contestables que la
prospérité de la Syrie était réelle et qu'elle concernait les campagnes autant que les villes.
Prospérité économique de la Syrie du Nord à l'époque byzantine (IVe -VIIe s.)/ 47

NOTES

1. Sur la Syrie à l'époque byzantine voir l'essai de synthèse de G. Tate publié dans Archéologie et histoire de la Syrie,
tome II, édité par J.-M. Dentzer et W. Orthmann, Saarbriicken, 1989. Ce texte rédigé en 1980 ne fait pas état de mes
propres recherches dans le massif calcaire ni évidemment des progrès importants réalisés dans la connaissance de la
céramique et de sa distribution.
2. Man Shahid
3. J.-W. Hayes, 1972 ; voir aussi J.-P. Sodini 1990.
4. J. Riley, 1979 et 1981; M. Picon et J.-J. Empereur, 1986 et sous presse ; J.-P. Sodini donne un résumé de ces articles
dans son article publié à Leuwen en 1990.
5. Pour le milieu du IVe siècle cf "Exposition Totius Mundi et gentium" édité par J. Rouge, Paris, 1966.
6. G. Tate, 1990 ; voir aussi G. Tate 1989 et sous presse.
7. J.-P. Sodini, G. Tate, B. Bavant et Alii Déhès I -III Syria 1980.

BIBLIOGRAPHIE

BALTY (J.-Ch.), 1984, "Notes sur l'habitat romain, byzantin et arabe d'Apamée : rapport de synthèse", Colloque
Apamée de Syrie 1973-1979, Bruxelles.
FESTUGIERE, 1959, Antioche païenne et chrétienne, Paris.
HAYES (J.-W.), 1972, Late Roman Pottery, Londres.
JONES (H.-M.), 1964, The Later Roman Empire (284-602), Oxford.
LASSUS (J.), 1984, "Sur les maisons d' Antioche", Colloque Apamée de Syrie 1973-1979, Bruxelles.
LASSUS (J.), "La ville d' Antioche à l'époque romaine d'après l'archéologie", dans Aufstieg und Niedergang der
rômischen Welt, H.8.
MORRISSON (C), 1989, "La monnaie en Syrie byzantine", in J.-M. Dentzer et W. Orthmann éd., Archéologie et
histoire de la Syrie, T. II, Saarbriicken.
OIKONOMIDES (N.), 1986, "Silk Trade and Production in Byzantium from the sixth to the ninth Century : the
Seals of Kommerkiarioi", in D.O. P., 40, p.33-53 ; étude reprise sous le titre "Commerce et production de la soie à
Byzance", dans Hommes et richesses dans l'Empire byzantin (Ve-VIIe siècles), Paris, 1989.
PETIT (P.), 1955, Libanius et la vie municipale à Antioche au IV siècle après J.-C, Paris.
PICON (M.) et EMPEREUR (J.-J.), 1986, "A propos d'un nouvel atelier de Late Roman C", Figlina 7.
PICON (M.) et EMPEREUR (J.-J.),"Les régions de production d'amphores impériales en Méditerranée", in Anfore
romane e storia economica : un decennio di ricerche, Actes du colloque de Sienne 1986, sous presse.
RILEY (J.), 1979, "The Coarse Pottery from Berenice", Excavations at Sidi Krebish (Berenice), Vol H, Tripoli.
RILEY (J.), 1981, "The pottery from the cisterns 1977-1, 1977-2 and 1977-3; General discussion of imported eastern
Mediterranean amphoras and later Roman fine wares", Carthage VI, Excavations at Carthage 1977, conducted by the
University of Michigan, Ann Arbor.
SODINI (J.-P.), 1989, "Le commerce des marbres à l'époque protobyzantine" in Hommes et richesses dans l'Empire
byzantin (IVe-Vle siècles), Paris.
SODINI (J.-P.), 1990, "Villes et campagnes en Syrie du nord : échanges et diffusion des produits d'après les
témoignages archéologiques" in E. Aerts, J. Andreau et P. Orsted éd., Proceedings Tenth International Economie History
Congress, Leuwen (vol.14).
TATE (G.), 1989, "Les campagnes de la Syrie du Nord à l'époque protobyzantine" in Hommes et richesses dans
l'Empire byzantin (Ve-VIle siècles), Paris.
TATE (G.), 1990, "Les relations économiques entre ville et campagne autour d' Antioche en Syrie du Nord (début du
IIe siècle - début du VIIe siècle ap. J.C.)" in E. Aerts, J. Andreau et P. Orsted éd., Proceedings Tenth International
Economie Congress, Leuwen (vol. 14).
TATE (G.), Les campagnes de la Syrie du Nord (IIe -VIIe siècles), sous presse.
TCHALENKO (G.), 1953-1958, Villages antiques de la Syrie du Nord, Paris.

S-ar putea să vă placă și